Œuvres de Platon

dans la même collection

PLATON

Alcibiade (nouvelle traduction de Ch�tal Marbœuf et.Jean-François

Pradeau). - Apologie de Socrate. Criton (nouvelle traduction de Luc
Brisson). - Le Banquet (nouvelle traduction de Luc Brisson). - Le Ban­
quet. Phèdre. - Channide. Lysis (nouvelles traductions de L.-A. Dorion).
- Cratyle (nouvelle traduction de Catherine Dalimier). - Euthydème
(nouvelle traduction de Monique Canto). - Gorgias (nouvelle traduc­
tion de Monique Canto). - Hippias majeur. Hippias mineur (nouvelles
traduction� de Jeap7Fr�ç9is·Piad�au etF,raric;esço Ftol).terotta). - Ion
(nouvellë 'traduction de Monique Canto). ..:. Lachès. Eùthyphron (nou­
APOLOGIE DE SOCRATE
velles traductions de Louis-André Dorion). - Lettres (nouvelle tra­
duction de Luc Brisson). - Ménon (nouyeJle traduction de Monique CRITON
Canto).,... Les Mythes de Platon,(textes choisis et présentés par J.-F. Pra-
deau). - Parménide (nouvelle traduction de Luc Brisson). - Phédon
(nouvelle traduction de Monique Dixsaut). - Phèdre (nouvelle tra­
duction de Luc Brisson). - Philèbe (nouvelle traduction de Jean­ Traductions inédites, introductions et notes
François Pradeau). - Platon par lui-même (textes choisis et traduits par
Louis Guillerrnit). - Politique (nouvelle traduction de Luc Brisson et par
Jean-François Pradeau). ,... Protagoras' (nouvelle traduction de Frédé­ _Lùc BRISSON.
rique Ildefonse). - Protagoras. Euthydème. Gorgias. Ménexène.
Ménon. Cratyle. - La République (nouvelle traduction de Georges
Leroux). - Second Alcibiade. Hippias mineur. Premier Alcibiade.
Euthyphron. Lachès. Charmide. Lysis. Hippias majeur. Ion. ...:.. Sophiste Édition corrigée et augmentée
(nouvelle. traduction de Nestor L. Cordero). - Sophiste. Politique,
Philèbe.' Timée. Critias. - Théétète (nouvelle traduction de Michel d'un supplément bibliographique (1997-2004)
Narcy). - Théétète. Parménide. - Timée. Critias (nouvelles traductions
de Luc Brisson).

GB .Flammarion
 Considérez à présent pourquoi [21b] je vous parle
de cela. C'est que je me propose de vous· apprendre
quelle.:est l'origine de,la.calômnie dont je fais;.l'objet;
En effet, lorsque je fus informé de .cette réponse,.je me
fis à moi..mênie cette réflexion:·'<< Que 1 peut bien,vou-:- ·
loir dire la répon·se du dieu:, eti.quel • en: est le sens
caché 72 ? Car j'ai .bien conscience, moi, de· n'être
savant ni peu, ni-'prou; QU:ê' veut donc -dire le dieu,
quand il · �ffirme_ que je· sU:is: 1e··- plus savant? En tout
d1s, iJ. ·ne· peut ;-mentir, : cari cela · ne · lui · est pas ·per.:.
mis 73• >> . Longtemps; je me demandai ce que -le dieu
pôüvait-bien· vo\,iloir, dire� 'Erifih� non sans avo•ir eu
beauèoUp de· peirie à y parvenir, je' décidai de m'en
enquérir · en ptoêédant à pëu près de cettè manièrè. · aller, en quête du sens de l'oracle, trouver tous ceux
: J'allai trouver ·un;de-cetix qufpâss�nt''pour .être.des
sàvants 74,'en pensant·qué là ·(21,�J, plus que· pa�out, ·
je pôfurais réfuter'lâ réponse oraculairè 1 et faire savoir
ceci à··,roracle: <i Cet ·ïndividu-la est' plus savànr que
moi,� alôr$ que toi. tti ait déclaré que··c'est riior· qui
l'étais ! _)) 75 Je )Jro�édai ·� un 'ê;.'ru11,ê�\-�pprof?nqi';de
inon homme -pou�t n'est besom e11 effet de �hvul�er :
.son nom, mais ·qu'il sûffise de dire' que c'était l;iil de
rios hommes politiques -, t::J de. l'ex;�eri auquel je_ le
soûniis, .de .la conversation, que j'eus. avec lui 76,
)'4rtpi:e�sion que . Je retirai, J\th�niens, fut à pçµ J;>rès· la .
suivante�. Cet honime, . nie· semb\â�i".'il, passait ·aux
y�ux de beaucoup de gens �t ,·su��ti.t, à :��i propr�s
y�ux ::pour,. quelqu'un qut savait ,quelque._ �ho�e, ma_1s
,ce n'êtàif·p·�t1�· càs. Ce q1:1f,ql'��,n�: a t�nter de lui
çlémontrer ·qu'il s'imaginàit. sàyoir. quelque .chose,
,aiors ,q\le-.ce n'ét�it.pas le cas. [21dJ.Et le résultat fut
qu�. je m'attirai .son inimitié .et cell� qe_ p�usieurs. des
ge11s qui ;assistaient à.:la s�ène, En Jepaitant, je me
disais donc en moi-même: <<Je �uis. plvs :savant,qùf!
cet �omm�-là. En �ffet, il es� à cra!ndr� que no�s �f
sachions ru-l'un· m.l'aQtre. nen .qui,v�dle la. pemc:; ...:,
mais;• tandis· que, lui, --il s'imagine .qu'il° �ait ,quelque
chose alors qu'il ne sait rien, moi qui effectivemerit�ne
sais rien, je ne vais pas mfjmaginer que je, sais quelque
chose. En tout cas, j'ai l'impression d'être plus savant
que lui du.moins en ceci qui représente peu de chose:
je ne . m'imagine même .pas · savoir ce que ..je: ne sais
pas .. >> Puis j'allai en trouver un autre, l'un de ceux qui ·
avaient la réputation d'être enco�e plus �avants. que le
précédent,-· et .[21e] mon. impression fut la même.
Nouvelle occasion . pour m'attirer. l'inimitié . de· cet.
homme et celle.de;bèaucoup d'autres:·..-· ·
, , Après · cela, . je.· continuai d'aller voir 'les hommes
politiques· les uns après les .autres. Même si je me ren­
dais ·bien compte, non sans chagrin ni.crainte, que je
me faisais des ennemis 78; ,je :me ci:oyais malgré· tout
obligé:..de · mettre · ati.-dessus de tout l'affaire dans
laquelle m'avait .impliqué le<dieu. Il me fallait donc
qui: prétendent savoir quelque· chose: Et par le chien 79,
Athéniens, [22al- car je. dois: vous diteJa vérité .:..
mon impression, je l'avoue, fut à peu près. celle ..ci.
Ceux qui avaient la réputation · la meilleure m'-appa-­
rurent; au.cours·de l'enquête,que.,je menais à l'instiga­
tion du dieu, ·être, à. ,peu d'exceptions> près, les ·plus
démuni_s, ..tandis que.. d'autres,. qui passaient pour
valoir ,moins·, · m'apparurent être des. hommes mieux
pourvus,pour.ce qui ·est du bon sens. ·
·De toute évidence, il me faut vous décrire dans le
détail l'errance qui fut la mienne; .comme si j'étais en
trainrde réaliser quelques travaux 80, pour·-me persua­
der ,que. je ne pouvais, réfuter la réponse .de l'oracle.
Après, les hommes politiques, .en .effet, f allai ·trouver
les· poètes, ceux qui .composent des tragédies, des ·
dithyràmbes, et les [22bl autres 81; convaincu que
cette fois ·f allais me' prenqre moi-même en flagrant
délit d'ignorance. par rapport à eux. Emportant donc
avec moi ceux de Jeurs poèmes qu'ils- me paraissaient
avoir le plus travaillés,, je ne cessais de,des interroger
sur ce · qu'ils ,voulaient dire,.· dans- le· but aussi
d�apprendre :quelque· chose d;eux par la même occa­
sion. Eh bien, citoyens,· j'ai honte de vous dire la
vérité; pourtant il le faut. Il est de fait que pratique­
ment tous ceux .qui étaient là à. nous écouter, oli peu
s'en faut, auraient pu,parler de ces poèmes mieux que
 ceux qui les avaient composés. Cette fois encore, il ne
· me fallut donc pas longtemps pour faire au sujet des
poètes la constatation- suivante: ce ·n'est pas en vertu
d'un: savoir,· -[22c] .qu'ils: composent ce . qu'ils
composent, .mais·. en vertu . d'une di�position · ,natu..,
relle 8·�, et.d'une possession divine 8� ·à..1a manière de
ceux qui font des prophéties et de cemf qui rendent
des oracles &4; ces gens�là aussi en effet disent beau­
coup .de choses àdmirables, mais. ils ne· savent rien des
choses dont .ils .:parlent 8�. Il m'apparut que. c'est dans
un.état analogue que se:trouvaientaussi les.poètes; et,
par .la même occasion, je me rendis . compte que,
même s'ils·se.considéraient, du fait de leur.talent, pour
les.plus savants des hol1Ul1es dans·Ies autres domaines
aussi 86, ils•. ne l'étaient vraiment pas.: Je les q4-ittai
donc; tirant de mon expérience la même. conclusion, à·
savoir que f.avais sur eux le même avantage que sur
lesrhoinmes politiques. · . .
·
. · . .. ··
· A ·1a fin donc j'allai trouver ceux qui travaillent : de
leurs mains; En effet,· j'avais conscience de ne savoir
pratiquement. rien .[22d], mais. j'étais convaincu -de
trouver ell'.eux, des hommes qui savaient quantité,de
belles choses. Sur ce point,!;je ne fus pas·: désappointé;
ils savaient effectivement des choses· :que je ne savàis
pas et, ·sous ce rapport,dls étaient plus savants-que
moi 8� •. Pourtant,. Athéniens; . ces . bons artisans me
parurent avoir le' même défaut· que .les . poètes : cha.,.
cun, parce qu'il;'exerçait son ·art de façon admirable,
s'imaginait ·.en outre ê· tre particùHèrement ,.compçtent
aussi. dans ce qu'il y,:a de; phis. important�8•. Et ·cette
prétention; me sembla-t-il;-occultait ce savoir.qui .était
le leur,.si ·bien que/poussé par 1' oracle,; f en vins àme
·
poser [22e] la question suivante: ne-:serait-il pas pré­
férable que .je sois comme je · suis, ,.n'ayant .. ni leur
savoir ni·leur ignorance; plutôt.que d'êti,e comme eux
àla fois savant et ignorant?,Et�. àmoi.,.même.,comme à
eoracle, je répondis: qu'iLvalait-::-mieux être comme je
suis
· ..
· C'est précisément cette enquête, �théniens, qui m'a
valu des inimitiés si· nombreuses. [23a]. ·. qui .pré.sen-
taient une virulence. et une gravité d'une telle.impçt-':­
tance qu'eJles.ont suscité 'maintes calomnies et m�ont
yalu de me voir attribuer ce:nom, celui de.. << savant >>�9•
ChaqueJois, c'est la même chôse: ceux qui assistent à
la · .discussion s�imaginent en. effet q�e · je ,sui� moi:..
mêmersavant daris 1}es ,matières où je mets :mon..inter­
locute.ur à:l'épreuv.è??v,.,Mais, citoyens,,il y a bien: des
chances pour q11ele·vrai savant·ce-soit le ..dieu et que,
par :cet oracle, dL •ait ,voulu (;dire la ·chose suivante : : le
savoir que; possède,:l'ho�e présente peu-:de valeur,
et pe_ut�être ·, même ·. aucune ? 1_. : Et,· s'i. l a.·· parlé de :· ce
Socrate · qui ,est ici devant, .vous,. c'est· probablement
que, me prenant pour exemple, [23b] il a .:utilisé mon
nom, :c. omme . pour ·dire :, << Parmi vous,..humain•s,
celui-làest le:plus..savant .qui, comme l'a fait Socrate.,, a
reconnu que réellement il.·. ne· vaut, rien, face:• au
' .Je poursms
. • 92
savoir. ·:>> 0• r:;,.en . a11ant, de-c1. de-la,,. · ma-
recherche et, pour: comprendre ce qu'a voulu dire· le
dieu, ! je,, cher.Che· à, ·découvrir ., si, parmi , les .. gens
d'Athènes· et parmi les :étrangers,il ne s'en tro:µve pas
un qtiLsoit.sava:ni:'.. Et,· chaque fois .qu'il -me p:araît que
ce.n'est pas le cas, je-prête.niain-forte·au·.-dieu en mon­
.trant. que.,;cet homme :n;est pas.· savant 93• Et l'absence
de. loisir qui en;rési.tlte1expliqu,e·,qu'il ne ·ïne reste pas
detemps,pour. m'occuper,·sérleusement 94 dès âffaires
de.· là; cité et'··des · miennes;. aussL-est�ce dans. une
extrênie·p,auvreté.que·.je·vi�:\ parce que.je suis au ser-
v· 1·ce· :· 96 du· d1'eu · ·. · .:·, · · ,, · · · ·
. • • . • •• '• • •• 1 /.•
� : • • '' '
· · · · .· ·
. ; '� • ' ......• -· •. • , • ;
..'.[23c] �Qui plus-...est; :.c'est spontan�ment :que
s'attachent àmoiJe·s jeunes. gens quiont1eplus.de. loi­
sirs et qukappartie1U1erit .au.x,·famill�s les. plus riches,
pour le plaisir d'entendre.Jes;gens -qué je,suis en.tra1n
de réfuter, et _c?est; de.deur propre .chef que · souvent ils
se pr�nnent"àm'imiter et que,. à:leutto:ur/ils''&,'essai�nt
à:éprouvèrd�autres,persomies. Inutile d'.âjoute'l\ j,'ima­
gine, qu'-ils-trouvent·àfoison-des.gens qui s'imaginent
·savoir quelque· :chose, mais qui ne.savent- que,très peu
de :.chosesrou.même. . rien.dl rs'.ensuit. que c�est ç(;)htre
moi et nQn contre eux que se mettent,.en· colèrè .ceµx
que .ces jeùnes geris soumettentà réfutation;· et qu'ils
répandent la· rumeur qu'il y .a un certain ,Socrate, un
salé type 9\ qui corrompt [23dlles jeunes.: geni,: Leur
dèmande-t-on ce'que So-crate fait•etce qu'il enseigne;
1·1s: n,'ont-i:n.en . a
' repon
' d. re, 1·1s· '.sont,dans l'em·b aqas:98• .
Mais, .pour ne·.pas avoir l'air:d'être dans l'embarras, ils
allègùent les.'griefs qu'ils .ont sotisila main.contre·tous
ceux . qui · p:ratiqùent,, la philosophie 99 ,: · << mener · des
recherche� sur ·ce· qui se- passe'.dans le, ciel et sous ·la
tèrre >>, .· << .ne 1past reèonnaîtie: - les' ·dieux:>>, · << faire de
l'àtgumènt.le _plus faible· le plus 'fort:>> 1-� ;, La-:vérité -
0
j?imagine, · en effet, ·.qu'ils :,ne , consentiraient· pas . à
l'admettre·:.;.;, c'escqu'.ils,sont:pris·en flagrant délit de
!
faire .semblant de-' savoir,· alors qu�ils · nei savent rien.
Or; comme sans aucun doute ils tiennent à ·leur répu.;.
tation; ,comnie ,ils· sont agressifs -et nombreux;, et qu'ils
parlent '. de;..moi sur; un ton véhément [23elet persua­
sif, ils .vous ont depuis· longtemps · déjâ rempli· les
oreilles ... de•: càlomnies .. véhémentes.: Et c·' est. en
s'appuyant sur ces· calomnies; qué Mélétos:de::concert
avec Anytos et Lycon ,m.e·-sont,tombés:·(lessus,:Mélë­
tos. exprhnant-l'hostilité:d�s.poètès;' ;Anytos ·cell� ·des
gens de métier..101, et Lycon,(24�] celle· des orateurs,
c'est-à-dite celle des . dirigeants ;politiques,;;Aussi
serais-je étonné,-.·comme;.,je le:idisais·, en1.comnien­
çant 10�, si je parvenais à détruire chez. vous,en-un laps
de:. temps aussi . court une. calomnie 1 qui à- :pris ) tant
a�ampleur. Voilà, Athéniens,· toute·la>.vérité-;,. et je .:vous
la dis sans rien cacher ni peu ni prou, saris rien•;dissi­
muler non plus.· Pourtant;- je ·sais assez bien· quë c'est
en disant la:vérité :que je:me::fàis de's:ennèmis, :preuve
què j'ai raison·, -qûe là réside .la ,calomnie .' dont je suis
victime et. :que les ,caus:es:en--sont.;celles4à. Et si ·vous
vous . interrogez·.· tnaintenanr. ou:.· plus:, tard'.-, ·sur . ces
causes, [24b] voilà-ce;que vous trouverez.t, ,
·· ,,,Eh bien, yen ai assez dit pour:me.défèndre auprès
de·,v:ous- contre les acctisations:portées contre-moi,par
·mes premiers accusateurs 10\ . .C'est maintenant contre
Mélétos.;- ce 'bon citoyen,et;ce patriote· comme-:il se
ql:lalifie� - et· contre mes récents accus ateurs . que je :vais
tenter· de nie défendre. En . effet ,il.··nous faut, voyez,..
vous, revenir en arrière -.et . (aisant, comme _si ces
accusations étaient distinctes des précédentes, formu­
ler une nouvelle fois la plainte déposée sous serment
réciproque. Elle se présente à peu près ainsi :
<< Socrate, dit-elle, est coupàble de corrompre la jeu­
nesse.:et; ,de-recoI1,11aître· non pas l�s di�ux que la, cité
reconnaît,,Jllais, _au:.lieu de ce�,.,là, des. [24c]· divÎllités
po. ttvelles. ,> Ainst ,se présente :la . plainte;. et cette
plainte, nous allons l'examiner à forîd, point par point.
Mélétos prétend, . vous le voyez bien, que je suis
coupable de corrompre la, j<!unesse. Eh bien moi,
Athéniens, je prétends que Mélétos est coupable . de
.plaisanter avec des ·sujets' sërièux; 'en iritentartf ainsi à
des gens un procès à la légère et en faisant semblant
de prendre au sérieux des affaires dont il ne s'est
jamais:soucié 104 et:de s'en inquiéter:,Qu'il en est bien
ainsi, c'est ce que je vais tenter, de ·vous ·faire voir 105•
SOCRATE
Viens ici Mélétos, et réporids-moi 106• N,attaches-tu
pas la plus grande impol,1:ance [24d] .. à ce que : les
jeunes gens soient les meilleurs - possible ?
MÉLÉTOS
Assurément.
SOCRATE
Allons, dis maintenant aux jeunes gens qui sont là
.quel est celui qui peut les rendre meilleurs. Évidem­
ment, tu dois le savoir; puisque tu t'en soucies. Tu as,
di�-tu, découy�rt celui .qui les. corrompt: c'est moi,
- ·guetµ ·asS:igne�:devant c_e tnbunar•èt.que tu accuses.
Qô�ht :à celui quiles rend meilleurs, allons, dis�leur
qtti_Jl. ·est �t'·),ria�gue-le-leur 101.''1\i 'vois,. Mêlétos, tu
n'ouvres pas la bôuchë et tû ne sais que répondre. Tu
ne te rends pas compte que cela est déshonorant · et
que cela suffit à piouv�r ce. que moi je prétends,· à
savoir que tu n'as nul souci de la chose? Allons, mon
cher, réponds : qui rend les jeunes gens meilleurs?
 'MÉLÉTOS. . SOCRATE
1 ;:

·Les .. -lois. . . t•;, Et qu?en ·est-il des membres du Consei l113 ?

·. ; . :: ( ... ,'; ..

,: . .S9CR,A.TE :, . .
·. ,MÉLÉTOS .
. : ;Mâis··c.e n�est pas .·-là' [24ef,ëé· "<1ûè 'je· ·cherche à . · Les' membres: du Conseij '. ��ssi..· .
savoir� inbn éhér.'Je:·defo:andê phitôt·pout coirimëhcèr
quel esf l'hôninie. qui_ connaît au inièux les lois dont tû .
. � ..
: SOCRATE
. .
��des?· '· · · ' '' ,. · ·· · · . . .. ' ·- --� ; .. �-
: , Mais, fil.en est pien ..ai�si. Mélétos,. faut-il craindre .
. _ . . : : ,,,.: ; . . ' . .

que ceux qui C<>nstltuent 'l'As�emblée du. peuple, · 1es

MÉLÉTOS metp.bres , ,de : fAssemblêe 114, corrompent ks .jeunes
· 108 gens ( o:u: ..bien · .eu�-, .aussi,. dans, leµr . ensemble, les
sq oi . ,. . cràte,jes jug��,
. . . qé v·- : d/�_6
· ·-Lë(gèn:
• 1
..
rendent-ils meilleurs? . . .
' . ' ,

.,_ ,. sbcRÂ-rÊ .'M�LÉTOS >

Que veux-tlVdire par là,, Mélétos? Les ·gens. que . ,·: ,·
voici. sont:i capables··. d'ins,truire · les jeunes , ,et de les Eux aussi, ils les -rendent- meilleurs.
rendre meilleurs?
SOCRATE
MÉLÉTOS Par conséquent, tous.· ies Athéniens 115, à ce qu'il
· · Ils le sont au- plus haut point. paraît; rendent les -jeunes gens excellents, excepté moi,
qui suis le seul à les corrompre. Est-ce bien là ce que
tu veux dire? ·
SOCRATE ·
T�us sans exception oJ certains· d'entre eux oui, et ., MËLÉTOS
d'autres non?
,C'e�t to�t à'fah ce que'j� veu� dire ..
SoëRATE
SOCRATE
Eh bien, si je fen crois�' jè me trouve dans une fort
SOCRATE mauvaise passe 116• Encore une · question. À ton avis,
. V oilà� · p a/ } I é ra l1 °
, _µ në b i�t)·,.bonn� :hot1veue·:_qûe en va-t-il de. même en ce qui concerne les chevaux?
. Tout le monde serait en mesure de les rendre meil­
d'appr�n,qre qu'il y}ùne t�Ue ap_ond�nce.:de ge�t(}Ui leu.rs, [ZSb]:et il n'y aurait.qu'un seul individu· pour
œuvrènt fiour' notre bièn:,111 !-Et alqrs;I�s,_g�ris qupi,Qu� les rendre·pires? .. Ou.bien est�ce,tout le,contraire? :Un
écoutent. 12 rèrident , -:- ils (25�1 les . jèun' .'. . ,,
, meilJetjri
. ., . es�·. gens seul individu 11\ tout au plus ·guelques--uns, à· savoir
qui_ ou
rio.xi? . . .
les éleveurs de . chevaux, seraient en mesure de les
rendre meilleurs, tandis . que la plupart des gens,
. MÉLÉTOS chaque fois qu'ils s'en·occupe·nt ou qu'ils les montent,
Oui, , eux aussi. les rendraient pires? N'en est-il pas .ainsi, Mélétos, à la
 fois pour les chevaux . �t pour l'ensemble des autres
vivants sans exception? Oui c'est bien le cas, que vous
.
répondiez par oui ou par non, toi et Anytos;. Certes; ce
serait un grand bonheur pour les jeunes gens s'il était
vrai qu'un seul homme les corrompt, tandis que les
autres œuvrent pour leu�.bje�.,.M�is,iln'est pa� besoin
d'aller plus loin, [2S'cl Mêlêtos, car tu fais assez·voir
que jamais tu ne t'es pré_occupé de la jeunesse; tu
montres clairement l'insouciance qui est la tienne, ton
absence totale ·dé souèi concérnarit les àccû•sétiÔns :qui
t'amènèhfà:·me·tr�duire\:l�vant: èè;tribunal.' .. ·, ...
'Autre question:' /\if nom de Zeus 118, dis:.moi, Mélé­
tos, s'il vaut -m. iê\.bf vivrê· dans Uné'·cité de ·geqs de bien,
ou dans une cité de mêchantes. gens ('iM6nJbôn ll9
réponds-moi. Ma que�tion n'a rien de difficile.
N'est-il pas vrai que les méchantes gens {ont toujours
du tort à ceux qui lêuz:. sqnt les; plus proches, tandis
que les gens· de bien leur font du bien?
MÉLÉTOS
. qui, d'après la loi, ï.mpliquent non pas qu'ôrt traduise
. Hé oui, · absolument. .
SocRÀTi { ·
Cela dit, y a-t-il un homme qui souhaite êtic(mal
traité plutôt que bien tnlité par·les gens avec lesquels il
se trouve en relation [2Sd]? Réponds, mon cher. La
loi t'enjoint, en: effet, de' 'rêpoi:idre 120• 'Existê�t-il
quelqu'un qui _souhaite être mal traité?
. MÉLÉTOS
· Non; bien sûr.. J• • . . .
SobJ4-E·
�. . ,:'
. Poursuivons •.3Me; traduis-tu devant .,CC;' -tribunal en
riù1ccusant dei· corrompre• ies .jeunes .gens.. et de les
rendre méchants. à..:.,dessein,. ou . sans: :m'en rendre
compte 121 ? . ; .
MÉLÉTOS
C'est à ·dessein, j'en suis .convaincu;
SOCRATE
Q�'est..ce ..à dire,:_Mélétos? 'À,l'âge que,tu as 12�, ton
savo� �épasse tellement �on s�voir à �oi, qui ai l'âge
que J �i, que, alors que t01··tu.·es conscient du fait que
_ les .mechantes gen�ifont.,toµJours:-dutort;à çeux-:qui
· J�_µr: son,.t les--plus _proçhes, ;[25e] et -qu� les .gens de
bum)eµrifon.t d'1 bieq,;;'en suis,�rtjvé,·.moi, à un.tel
deg.r,é q.�,.çonf�sio;n que.je·1;1�.s.ais ni.que,.,si je· rei.:ids
m,é�hant, �u�lq'li).1�; q_uiJ ait parti.� dei,me:� relatlonsl je
cour.�)e,psq?_e;)��- il_ rn�. �ass� ,d� tort; rii qu'un tort
�ussi gr�J).d:c:, .�:s�. � d.esseii}: que, j� le, fais, suivant. ce que
tu ,_prétçnds ,toi? :Non,. Mélétos, de·. cela . tù. ne me
conyajpc,;-as:: pàs, . ras -�lus_; j'imagîne;.. '.,q�e, tu ·ne
copva�ncras, .qu�lqthun,_ 4autre. �ors, ou ,bien. je ne
sui�. pas. up. �o�pte� ou bien, si j'en suis ui1 :[26â] l
Ge n'est pas �.,dessein,,qu�jele suis, �e.sori�·que, dan�
:un cas _ço�e. dans !�aptr�,}u, �is .C_ fll:��fiue , chose qe
�aux.. �i ce t;>: est p,s �,d�sseip., 9:u� -Je s-µ1�. :un cormp­
teur, la faute en quçsîJ.on 1;essort:1t a ce genre de.fautes
le coupable devant un tribµnal, mais qù'on le prenne
e_n, privé pout; l'avertir çt le ! réprimander. 1.23. Il va. de
soï;.:eri effet, qtie;' 'si je· :reçois ün avèrtis�e�ent, je ces-
. serai d� faire ce que je fais. Mâis. tof tu t'es bien ga:tdé
de vemr me trouver pp:ur me donner un avertisse­
ment; et comme· tu n�avais.pas l'intention de le faire
tu iri'as 1!aduit '.devant 'ce hibunâl; auquel J� loi• défèr�
ceux qui doivent rèce·voif une punition, rîori· un aver-
tissement. · ' · : · · · · · · : · · ·· · · ··
En voilà assez, Athéniens, pour faire apparaître clài­
'
rement que, comme j� le .disais à l'instant, Mélétos
[26b) n'a jamais eu ni peu rii prou le souci de la chose.
Màis, guoi ,qu1il en :-f.soit, :explique-nous,' Mélétos:
·comment' ptêtends.:.tu que 'je m'y·. pténds · p-our cor­
rompre les jeunes gens? D'après le texte de l'action
judiciaire, c'est clair; << e_n leur enseignant à
reconnaître: non pas les 'dietix que la cité reconnaît,
mais, , 'à ·1eur place,; des- divinités nouvelles 1 ?4: i>: : C'est
bien en . enseignant cela , que, , prétends-tu, je les cor-
romps, n'est ..ce pas?,- .. . , . •

MÉLÉTOS
·
· Ouî absolum:ent,; .voilà bien:ce.'que je préte_ndsi .
' . . ,·
:.<: 'y,·.: SOCRATE,
' En ce· cas; . Mélétos/ au· nom de ces dieux même�
l .
dont . i est question; exprime!.toiK ,avèc 'plus de: clârt�
encore pour noûs. éclàirér moi �er les · gerts·,·qui' -sont ici:
Pour ma part; 'en effet/ [26c]' je ne. pu�s ·débrouiller
ceci. Que· prétends"'.tu? Que · F �riséighe , à; rte . pas
reconnaître· que ·certains : dieux 'existênf?;'Dàns· ce ca·s,
Je:
je· reconnais· qu'il y ;,;a '�es' diëtlx; rie ·suif, en .�, ucürte
füçon ·un athée et je rie ·sùis pas· ïîon plus coup:able à
cêt égard.: Où ·seulement· qile· je·'reconnais l'èxistêrice
de dieux 'qui sorit non pas èeux que·recoririaîtla cité,
mais â'àtittês'? Et,·dâns! cé d1s, tû porte$ plainte d�!1tre
niôi, pàrèe ·;que êe rt'e soil.f pas lès ' mêmes, Ai�uxi?''Ou
bien< e.st-ce: 'que: tu soùtieris ·que,' pei:'sdiniellèment,' j_e
né recônnais··�hsolunierit aucun 4ieu et que'j'ènseigne
parti? . . ..
aux. � . autre�.· à. ·prendre le 'même
: ·• . . .: . . ,·
' .
lesJivres écrits par Anaxagore -de Clazomène qui sont
pleins de. ée · genre de théories. Et, bien entendu, ces
théories, dont .à l'occasion ils· peuvent avoir lecture à
l'orc�estre 129 ·pour ·le prix. d'une. drachme ·[26e] tout
au ..plus, · c'est moi qui les mettrais dans; la tête de
jeunes• gens, qui ne · manqueraient certainement pas de
se 'moquer, d'un; Socr�te qui · prétendrait qu'elles sont
de. lui ces théories 'qtii, par..;dessus.. le marché; sont si
étranges? Mais, p�t.Ze:us,·.est-ce. bien là l'impression
que.•je: te · donne? .Que- je ne reconnais l'existence
d'aucun dieu?: .·
MÉLÉTOS
Oui,' par Zeus, tu ne reconnais l'existence d'aucun
dieu, en aucune manière.
SOCRATE
Ce que tu dis est incroyable, Mélétos, et tu ne crois
même pas toi-même à ce · que tu dis, j'en ai bien
l'impression; .Le fait est, Athéniens; que j'ai l'impres­
sion que mon adversaire: a perdu toute mesure et toute
retenue· ·et que, 'tout compte fait� l'action judiciaire

MÉLÉTOs-···
qu'il 'a intentée est due à ùri manque de.mesure, à un
.· .
'. Oui, voilà . �e que .je• sou,tiens,°,
. q�e n.( n:_e reê�rtn�is mânqùê 'de-retenue et à la jeunesse 130• ]'eh viens, en
absolument aucun di�Ü. . . ..· /: effet, à me·· dire qü'il [27a] ·a 'voulu:· me mettre à
l'épreuve en me so�ettant tirte' énigme: << Voyons.
SocRATÉ '�i •:.· '·· ... , •. Est.;.èe _que Socrate qui est ün savant· se rendra·compte
·_, -Qu'es�-ce qui te fait ciire .c:e(à ,,:ê\oriria�t }A�l�tos?
· . ? que jë·plaîsantê: et' que je i:ne<ëoilttedis · inoi-rtiêrilè 131
Est-ce que je ne recon·nats_�e.i:ne
. pas; [26_d)c<;>nup�Je ou est.;,ce que je réussîraià l'abµsër lui en même temps
font les autres gens; que le soleil et la · lune, ,SOJ}t des que lè restë de ceux:· qui n6ùs écoutent? >> Car il est
dieux 125 ? . . •.: .1.
clair que celui qui ·m'acètise se contredit lui-même
dans Faction qu�il· a intentée/·C'est· comme s ? il avait
. MÉLÉTOS dit : · << Socrate ·est· c6ùpàblè de'·. ne pas reconnaître les
·
'Par · Zeus 1 ���:;j��es•�b, Hn�'.1�.�·-recon��it l?�s:. . poÙr dieux, alors qu'il reconnaît les dieux. >> Tout cela î1'e'st
tels, puisqu'il dit,qùe le soieil est .une pierre ,et la 1-µ_n� donc que plaisanterie ...
une terre. Je vous prie d'examiner· avec m,oi, citoyens, de
quelle façon j'interprète ce qu'il dit. Toi,. Mélétos,
SocRATif ·.·.. ' réponds-nous. Et vous autres, rappelez-vous, [27b]
: . : Tu t'iniagines ac��ser· An��ag��e:, �herMélêtos? .Et que<·je vous: ai) en,commençant, rècommandé de ne
ce faisànt tu méprises Jes juges, en ·les:.prenant pour pas· m'interrompre en :faisant du tapage 132, si133je parle
des gens si incultes qu'ils ne savent pas.que ce· sont
128 chaque fois.comme.j'ai l'habitude de - le faire •
 Y a-:-t-il . parmi• les.]hommes·.quelqu�un; .. - Mélétos,
pour· reconnaître:· qu'il. existe , des affaires humaines;
l
mais,·,qu'il n'existe·. pas :.d'hommes"? Qu'i i:éponde;
citoyëns, et qu'il ne m'interrompe pas tout· le temps en
faisant du tapage·134• ·Y,a-t-il quelqu'un .qui reconnaît
que les chevaux.n'existent pas, mais qu'il y .a .des acti­
vités hippiques, qui reconnaît.:qu'iFn'y a pas-.de :flû-:­
tistes, mais qu'il y' a un art de la fl,Ote? Nori; mon chet;
un tel individu n'existe ·p· as. Puisque tu n'e veux:-pas
. répondre, c'èst·moi qui-vais. répondre:à·cètte question
et qui répondrai aux autres. Mais réponds .au moins à
la question suivante. Existe-t,-il . quelqu'un gui
reconnaît qu'il y a des puissances démoniques, mais
qu1 il n'y a pas de déniôris 135?· · ·
MÉLÉTOS
[27c] Non, personne.
. est impossible que.c.e:soit.le.. même homme qui .cro. it
·_-· · ··
• t'
.So'c:RATE
. ' . .
Quel service tu· tn<! .. rends en me répondant .çe,ge
fois,-même-si:c'�st à cqnn:ecœur, parce qµe: les. j\}ges
t'y forcent; .Ainsi :'donc, tu déclares que. je reconnai�, et
que ,·'.enseigne
. . qu�il . .existe . ,. des· pujssànces;
. démo­
niques; qu'elles sqi.e_nt . nouvelles: ou . anciennes lH _ ..
qu'importe ,- toujours est.,_il que j'es1ime qu'elles
existep.t..C- 'est t9i- qt,1i le (iis, et cela tul'as attesté._par
serment en déposa.nt ta:.plainte.. Mais,-si je crois qu'�l:Y
a. des, puissances démo,niques, il f�4t bit!n ,qu�je croie
qu'il y a at;tssi. des: déniop.s ?-N'en est-il pas ainsi�- ; .
. _Ouj, il en e_st .ainsi. Je- �uP,pose, - en �ffet, que. tu es
d'accor�, puisque _tu ne rçponds pas. .- . . _. . . ..
Mais le� démons,_ ne consiqér9ns-nous p�s su�on
que-ce.�ont des dieux, [27�] du.mC>ins:que.ce _sont des
enfants. de dieux? .
MÉLÉTOS
· .. .
. ;,
Oui, absolument.
SOCRATE . �· � ; ',
Dans ces conditions, si, comme · tu·· l'affirmes, je
considère qu'il .y a des démons, -et siles ..démohs. sont
des dieux, n'ai-;e·pas raison de dire·que. tu parles par
énigmes et qu� tu ,plaisantes, quand ,t:Q p1;_�teµqs que je
consîdère que. les . dieux ,n'existent _pa�;::-;alors. que je
crois aux démon,s.;_Si� par �ülleurs, les dérp.on�::.sont d.�s
enfants de. dieux,<de� ib�tards.�nés- de Nymphes 13?. ou
œautres, pers_onnages; ,cornm.�- ,le rapporte la tradition,
quel ê�e humainiestimetait qu'il existe des·�nfants des
dieu�;, iµais:_ ,pas : d�, cii�ux:?:. En:, ,effet, ce. serait. aussi
absurde.:que,de soutenir c�ttë opinion :_ lei:mulets sont
[27el d,es.rejetons. de:.chevaux ;et,d'ânes, mais il n'y _. a
pas de; cheva:ux,, ,et: il n'y: a .pas, d!�nes: .Non, M.�létos, il
n'estipas :possible que tu- p:'a�es pas eu -l'inteQtion: de
nous mettreà· -l'éprel,lve en . rédigeant l'action'.que tµ as
intentée;:à·mt>ins..:que tu te sqjstrou"'é dans l'embai-ra_s
lorsqu�il s'e.st agi,:de trouve11;un chef d'accusation véri.:.
table ,à lancer· ç9ntre, moL Mais tu J:i'arriveras ja111ais à
persuader:quelqu'tin., m�me _s'il- a· l'èsprit;.borné, qu'il
qu'il y a des pùissances démoniques et di.vines; et-qui
c�oi� à r�r verse:quUI,n'y,� ni démons, ni dieu� [2��],
ru heros . s·. : _ ·:'.· .-;--. u:,.:- -,· • : ._ ::. -·_.__ ·_, ,;,_ . , . , .:·,.:n
· Cel� établi,·( Ath�niens,• -j.L :n��st pas besojp/ d'.up.e
défen.se.ph.1s ,lo.ngue_pour p:tJ)uver·que_.j_e ne suis,;pas
coupable _ de· ce dont m'accuse Mélétos dans. . -sa
plainte; ce que je vien� -çtè .dire suftit:139;-· -. : .. ; _ , , _ .
-· Mais j'ai aussi. .dit .tout à .l'heure 140 que, je· m'étais
attiré beaucoup d'inimitié de fa part ·de .beaucQ.up. qe
gens; c'est la vérité, sai::hez'."'.le. bien.-.Et ce quLest_sus­
ceptible- de me Ja,ire .condamner, si ;e.- sujs, condam.né,
ce n'est ni ·-Mélé.t◊.s,m Anytos; mais la calomnje trans-:­
mise .par beaucoup. de g�ns,._,et_ leur_-jaloU,sie,.C'�st là, en
vérité? c��qui,.a/ f��t,condamn�r beaucoup d'.µomn;ies
de bien 1 et qm . en fer:a· çond,amner sans.. dollte
encore. :.JI.serait bien [2�b] étr_ange_que cela s'arrêtât à
moi. :, .-<·',:. _ . , ,.-, ·_ - , · . · .- . . .. - , . , . · ,•_
-· . Peut-:être bien me dira-t-on ��: <cN'as�tu pas honte:,
1
Socratej. d'avoir adopté, µn,e·coriduite quL.�ujourd'hui
t'exposeà..la-mort? ·
>>. A: cela.•.je . serais- ep
14 3.. ,.
drojt de,faire
'
cette, repons. e : .. <tMon \ bon : :, ce . n est ,pas parler
.cotnme_il fautque,d'imaginer,.. comme tukfais, qu'uil
homme qui, vaut quelque c];lose, si peu que ce s9it,
 d'bive,: lorsqu'il: 'pose 'Une,, action, 1.mettre, dans; i -la
balance, ses :chances•, de vie• -et de mort,>au lieùi de . se
demander :seUlement , si l'action qri 'il· pose est juste· ou
injusfé,,;,g?îJise ;coridùit''en:-homrtie ;de>bieri. OÙ' Cùmtne
un ·méchant 111 J' A ton -âvis' en ·tout cas·; ,ce· seraient, .en
effet' 1 de · pauvres types' tous i ces, demi,.;.diemû.��iqüi ont
trou�é fa· mort devant Troie�; [28c].et tout; particuliè­
renten:t te•'fils de Thétis! 4\tqui'faisait:si,pe'trde :cas = du
danger, 'Cotnparé,•au ·déshonriéuri 1 Sa= mère,,,quf était
une déesse,-lûi·àvait tenu,:en le·voyant-:touriinpâtient
d'aller- ruertHector;: ces'.·propos qui;.saùf::err.eur de ·ma
partj soiit: à,i:fou près les!suivants ·.:,_ 5';Moh ·ertfant;-dit.le
poète}4\ ·si tu: dois' .venget ·ie . met.Utre·· :de· 1. ton ·:1�mL1,48
1
Patrocle· et tuer Hèctorrtoiraussi tu'mtiutras, cari 1'tout
de· suitè après· •Hettot l�=,irio.'.
rvesvptéparée p6ùr toi'.
Mais :Achille,: qufàvait ·enté'ndu :Cet ,avertissement, ·se
soucia peu' de la mort et:: du, danger;,' càt! il· craignait
1
phis· [28d] ide vivre··enlâche que deJàisser �.es âinis
s�rts'.: venge'ance:. ;Aussi:: fo(: poète t '.f:,oursuit-:-il ·· par. ces
mots :.."Que je meure tout de suite,après ·avôir,irifligé
ün' •2,hâfünent à ce ètiminel,. ·et ·què;jé,nei:reste '}:,as· ici
objet/ de · riséè; al\près! tdes nefs· •reëouroées�·.:vain ·:far;;;.
deau, dè Ia,.'têrre?' · T.imagines;;.; ru, qu'Achille,.sei soit
soucie de la mort :èt,dtf:danger? >> .. : ·. '.1 ·•. • - .· • .:: · .
· . Voici; 'e1t,effet, la· vérité ;sür-:la question, :Athénîens.
Quelle"qüêJ'soivla:-place :daris le rang qu'on: occupe -­
qu'on,. ait choisi· soi..:mêrtie:• cette· place·· comme �la :plus ·
hdi'iora:blê''OU' .'qtl.' on· y :aiFéte·, placé ;par son: chef.;..,,. le
devoir·;inip"ose·
. ' à mcm avis·•.dù moins,.·.. d'y,demeurer . .
quel' qüé soit ;:le. riiguëi éncouru;t sans· mettre• dans, .la
bala-rtce rli la, mort-ni rien d'aùtre; ·en: faisant tout · pas· .:.
149
s·er ·avant- le déshonheùr. • · -,.
Moi,, dorie 1. so, ·, Athéniens,djè', me·· èonduirâis . d'une
. pas de biens;.et je p.e chercherai p�s.non plus à les évi-
façon bien étrange. · si,.
.. · quand. nies· , chefs, [28e] ceux
d
· . - er '.j \ ·.que
. ' C0mman
qùe .vous; aviez. élus pou:r, rt1e' 1s1· . ·
:soft!:à. Potldée ,.:.à ·Amphipolis ,· ou ·à 1Délion �!4,
152 153
m'-avaient-àssigné ·.un· poste,·"j'étais alors· demeuré à ée
posté . èommé' ·n'importe· quèl:autre homme;· en· cou;.
ranttÎe risque ·d'êtré:tué; et' qU:è 55
-à.·rinverse?�qu�n&-!e
dieù ·,m.' à' assigné pour tâche \ �-: comme Je l'al pre-
sumé et-supposé !16 -.de vivre. en philosophant, c'e�t­
à-dire · en- soumettant, moi.,.même: et : }es .. autres à exa­
men, à ce· moment-là,. pat;peur1de la, mort ou de quoi
que ce soitd'autre,,;je quitfais:-mon poste 1 57• [29a] Ce
serait up.e conduite;bien ,étrange; et.:c'est alors}: assuré­
ment,; qu'il -serait juste de ,me, traduire ,:devant le tribu­
nal 1 58, en m'aGC�sant de,;:ne- pas reconnaître:que· les
dieux.existent; puisque.,.je:·n'aurais ·pas obéi à l'oracle
par,crainte,de la,mort eten,m'imaginant être savant,
alors que ce ·ne serait pas· le cas. .: , · .. . •. ,
Qu'est.:.ce� en· effet, que crairidr.e la · mort, citoyens,
sinon se.prétendre:en · possession·�Eun savoir que·-l'on
n'a. point?. En , définitive,., cela: ·re vi�nt à. prétendre
savoir. ce. que l'on-ile ·sait point. Car personne ne :sait
ce,_qu'est la.mort/ni même si elle ne1s� trouve pas être
pour l'homme le·,plùs· grand des biens,. et pourtant les
gens. la craignent>comme sms ·savaient .parfaitement
qu�il s'agit du .plus grand· :des'. malheurs 15,9·; Comment
ne pas discerner là, de (29.b] l'ignot.ance:,• celle qui est
répréhensible:. et . qui 1 consiste: à, s'imaginer savoir.:ce
que l'9rt .ne sait pas ?: Pour ma -part,. citoyens, c'est pro­
bablement bien:en:cela .et.dans cette mesure -que-je me
distirigue,de fa plupntttdes gens; ,et:si après tout je me
.déclara,js,-supétieur à .quelqu�un, .en ·ce. qui concerne le
.savoir;• ce serait• en cecLque, ne sachant ·pas assez à
quoi· m'.en . tenir stir: -.EHadès 1�1\ . je ne ,��imagine pas
posséder ce :savoir ·,aussi.: Ce que je .sais en·tèvanche,
.c'est ,que commettre l'injustice, c'.e�t�à-dire désobéir à
.qui vaut'·mieu,x que:.soi,-dieu ou homme, est:un mal,
une;honte. Il·s'ensuit:.que, ayant celle;de maux·dont je
-sais qu'-il s'agir de· maux,- jè.' ne · ferai jamais. passer la
crainte· envers· des .èhos'ès: dont je. ne: sais .s'il ne s'agit
(
ce
,_. � '. ', ...
ter�.
Par conséquent,. à,.supposer même que vous soyez
-�
1
aujourd'hui prêts à m�acquittèr, 'en. refusant de faire ce
.que (vous: dema:ndait . de:, faire Ahytos · (29c] en .vous
disant 161,·:• ·<< Ou bien iLne fallait absolument pas pow
commencer que Sâcrate fftt1 traduit devànt ce tribunal,
ou bien il est néce ssaire, puisqu'il y est .traduit, de pro-
 noncer contre lui une sentence de mort;·162,étant donné
que, préteridait-,il en ·.s'adressant à:vous si Socrate
arrive· ,à échapper. à ceJ :ch&timent; · .dêsormais.N:os: fils,
. plus proches, voilà çomment'je· me· comporterai. Ç'est
mêftafit en pratique• êe::qù�il';enseigne;,ne mànqueront
6
pas: d'être tous totalement. corrompus ! � •. >> Supposons
que;; , en ··réponse:' à· ,:ces.,.' propos,, ··.vous, ·me:; disiez :
-<<.Socrate,: ·nous,. ne .suivrons�.,pas.,aujourd'hui . l'avis
d'Anytos. :Noùs:allons ·iaU: rcontraµ-e: ;t'acquitter, -mais · à
cette..- condition q\,le . n ·cesse. s· de·.1passer-; ton· temps ·à
·soumettre . les gens à cet examen auquel •.tu les ·sou­
mets;· c'est-à�dire que:.tu.·acceptes :de·.:ne· plus.- pl)ilo­
sopher.· Et,· si .on.t'y •reprendf- tu mourras. >>.· Sh c'était
aux conditions· [29d], . que je :viens· de formuler.; que
vous étiez disposés:à m'acquitter;'.je .vous.répondrais:
<< Citoyens,.fai .pour vous la ·considêration·•.et . l'affec­
tion,-Ies ,plus, grandes 1��- mais j'obéirai au .dieu plutôt
qu'à'.vous•;:jusqu'à mon.d�rnier·souffle et.tant que:fen
serai _;_capable,,• je .èontinuerài de philosopher,' c'est­
à-dire de.· vous·· adresser des · recommandations et de
faire la leçon à celui d'entre,vous que,- eri toute·.occa­
·sion, ,je · rencontrérai,., -.en lui tenant.les propos ·que·,j'ai
coutume' de tenir :' "Ô le· ,meilleu'r, des ·hommes, toi.qui
es ,Athénien; ·un citoyen de la citéJa ])lµs .importante iet
la plus renommée dans lesidoi:naines, dè.'la .sa·gesse · et
de- la puissance 1.6�-; n'as-tu. pas,honte de'i_te soucier-de
-la:façon · d!augmente_r Je· plus .'possible' richesses,: répu­
tation [29e] et··honneurs,-' alors, que. tu ·n'as-· aucun
sotici· de la pensée, de la·-vérité. et de J'amélioratjo
meme pas ?"
"' 166
. · ;
.ton ame; et que tu n.y,songes.- >>
A · A
,
avec quelqu'un d'ailleurs ou avec un habitant
d'Athènes,· mais surtout avec .vous, · mes. conci­
toyens 169,---étant dQriné que par le ..-sang vous m'êtes
cela, sachez-le . bien, que m'ordonne de faire le dieu 170,
et, de mon côté, -je· pense que jamais dans cette cité
vo':ls n'avez connu rien de.plus avantageux 171 que ma
soumission :au service du:dieu 172•. · ..
·.··.Ma seule: affaire est d'aller et de .venir ;pour : vous
persuader, jeunes et vi_eux, de n'avoir point pour v:otre
corps et pour · votre fortune de souci supérieur ou égal
[30b] à . celui que · vous· ·-devez avoir concernant la
façon de .:rendre. votre ·âme la·: meilleure possible, et de
vous dire: << Ce n'est :'pàs· des- richesses que vient la
vertu, mais c'est de--Ia vertu que viennent les richesses
et tous ,les autres biens, . pour les particuliers .comme
pour l'Etat 173• >> Si donc., c'est ;en ,tenant cé discours
que je corromps .les jeunes gens, il faut.: bien admettre
que··ce discours est :nuisible 174:. Mais prétendre ,que je
tiens un autre· discours• que celui-.là,, .c'est ne ,rien dire
qui vaille. Aµ .regard de·: cela 17\ si -je puis me per­
mettre, Ath_éniens, suivez·· ou·· nori l'avis d�Anytos,
acquittez-moi ou non,· 'mais tenez pour certain que je
ne. me..comporterai pas autrement,:, [30c]:. dussé-je
subir mille ·morts 176 •. ·
n de.
E .
t,si,

parmi, vous, . il en :est un pour _'contester' cette affirma­

tion et pour -prétendre· qu'il se,soucie. de .ràmélio.ration
de· son.âme, je· ne·vais ni-partir nile.:laisser··partir;ltbien
àu contraire - je vais; lui.-poser -des. questions,. je vais le
soumettre à examen et je vais chercher à montrer qu'il
a tort 167 .et, ,s'il ne me ··semble-,pas .posséder ·la :vertu,
alors· qum. le prétend, ·. .je lui,.diraLqu'il devrait avoir
honte 1�8 ,ct? àrtribuer·la valeur la plus,·haute [30a] à ce
qùi.eri·a le··moiris et:de donner,moins,d'impôrtanèe:à
ce 'qui en- a plus. Avec:un jeune homme ou ,avec ;Un
plus vieux/quel·que' soit·celui sur lequel .je tomberai,