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Masarykova univerzita

Filozofická fakulta

Ústav románských jazyků a literatur

Magisterská diplomová práce

2020 Bc. Pavla Skalická

Masarykova univerzita
Filozofická fakulta
Ústav románských jazyků a literatur

Učitelství francouzského jazyka a literatury pro střední školy

Bc. Pavla Skalická

Enseignement des éléments de la culture


autochtone à travers Manikanetish de Naomi
Fontaine et Histoires nordiques de Lucie
Lachapelle
Magisterská diplomová práce

Vedoucí práce: prof. PhDr. Petr Kyloušek, CSc.

Brno 2020
Prohlašuji, že jsem diplomovou práci vypracoval/a
samostatně s využitím uvedených pramenů a literatury.

……………………………………………..
Podpis autora práce
Je tiens à adresser mes remerciements sincères à prof. PhDr. Petr Kyloušek, CSc. pour ses
conseils précieux, sa patience et le temps qu’il m’a accordé.

Je remercie également mes amies pour leur soutien émotionnel sans lequel ce mémoire de
master n’existerait pas.
Table des matières
1 Introduction.........................................................................................................................
2 Identité et culture autochtone............................................................................................
2.1 Rencontre avec le colonisateur : Histoire de la colonisation.....................................
2.2 Influence de l’éducation sur l’identité........................................................................
2.3 Identité tribale : Inuits et Innus..................................................................................
2.3.1 Inuits...................................................................................................................
2.3.2 Innus (Montagnais-Naskapi)...............................................................................
3 Culture dans l’enseignement du FLE................................................................................
3.1 « Culture » et « civilisation ».....................................................................................
3.2 Enseignement de la « culture » ?................................................................................
3.3 La culture et le CECRL..............................................................................................
3.4 Compétence interculturelle........................................................................................
3.4.1 Méthodologie de la compétence interculturelle..................................................
3.4.2 Évaluation...........................................................................................................
3.4.3 État de lieu : enseignement de la compétence interculturelle en République
tchèque 34
4 Manikanetish de Naomi Fontaine......................................................................................
4.1 Manikanetish : résumé, composition et style d’écriture............................................
4.2 Analyse thématique....................................................................................................
4.2.1 L’appartenance et l’identité................................................................................
4.2.2 La réserve et les conditions sociales...................................................................
5 Histoires nordiques de Lucie Lachapelle..........................................................................
5.1 Histoires nordiques : résumé, composition et style d’écriture...................................
5.2 Analyse thématique....................................................................................................
5.2.1 L’autre.................................................................................................................
5.2.2 La vie et la société inuite....................................................................................
6 Fiches pédagogiques..........................................................................................................
6.1 Fiche pédagogique 1 : La vie des Inuits.....................................................................
6.1.1 Fiche d’étudiant..................................................................................................
6.2 Fiche pédagogique 2 : L’image d’un Inuit.................................................................
6.2.1 Fiche d’étudiant..................................................................................................
6.3 Fiche pédagogique 3 : Les Amérindiens d’aujourd’hui (Partie 1).............................

5
6.3.1 Fiche d’étudiant..................................................................................................
6.4 Fiche pédagogique 4 : Les Amérindiens d’aujourd’hui (Partie 2) : Devenir Innu.....
6.4.1 Fiche d’étudiant..................................................................................................
6.5 Fiche pédagogique 5 : L’importance de l’identité.....................................................
6.5.1 Fiche d’étudiant..................................................................................................
7 Conclusion.........................................................................................................................
8 Bibliographie.....................................................................................................................
9 Annexes.............................................................................................................................
9.1 Fiche pédagogique 2 : L’image d’un Inuit.................................................................
9.2 Fiche pédagogique 3 : Les réserves............................................................................
9.3 Fiche pédagogique 4 : Devenir Innu..........................................................................

6
1 Introduction
La culture joue un rôle indispensable dans la didactique des langues. Cependant, il
existe une confusion en ce qui concerne la culture et la manière de l’enseigner, car
différentes méthodologies de langues lui accordent une importance variable, en fonction
des théories d’apprentissage sur lesquelles elles reposent. Tout enseignement des langues
inclut un élément de culture-civilisation, que ce soient des informations sur la vie
quotidienne dans les pays où on parle la langue cible, des stéréotypes et des clichés relatifs
aux peuples ou les connaissances sur l’art, la musique et la littérature.

Dans le contexte européen, ce type d’enseignement connaît une popularité


particulière. Les politiques linguistiques de l’Union européenne mettent actuellement
l’accent sur la capacité de ses citoyens de communiquer et d’interagir effectivement, ce qui
inclut la nécessité d’acquérir des savoirs culturels relatifs à d’autres pays membres ainsi
que des savoirs (inter)culturelles. Dans le but d’unifier les objectifs de l’enseignement des
langues, l’Union européenne a établi le CECRL (Cadre européen commun de référence
pour les langues). Les maints ouvrages sur le CECRL qui existent à l’heure actuelle visent,
entre autres, à analyser les modalités de l’enseignement des langues. Cela inclut l’analyse
des compétences indispensables à l’apprentissages des langues dont une s’avère être la
compétence (inter)culturelle.

La question se pose sur la valeur de l’apprentissage de la culture autochtone en


République tchèque. Certes, enseigner la culture autochtone du Québec dans une classe de
français en République tchèque paraît être insensé. Dans les cours, le temps manque pour
se concentrer sur des objectifs jugés plus importants, cela veut dire des objectifs
communicatifs, langagiers et linguistiques. Les objectifs socio-culturels et la compétence
interculturelle ne sont donc pas considérés comme des priorités. Toutefois, ils ne peuvent
pas être mis de côté. Des thèmes d’ordre culturel approfondissent les connaissances des
étudiants, les sensibilisent à la culture de l’autre et à leur propre culture et leur apprennent
à réfléchir et à comparer leurs expériences avec celles de l’autre, à mieux comprendre eux-
mêmes.

Qui plus est, l’enseignement des éléments de la culture autochtone offre plusieurs
avantages spécifiques. Dans le contexte de l’enseignement des langues-civilisations, nous
regardons rarement au-delà de notre continent – l’Europe reste quand même assez euro-

7
centrique. En ce qui concerne la langue française, les étudiants sont exposés à des
informations afférentes à la France, peut-être à la Belgique et la Suisse, mais peu
d’informations se rapportent à d’autres régions où on parle français. Certes, le Canada et le
Québec sont d’habitude mentionnés aussi, comme des territoires ayant une minorité
considérable de locuteurs de français natifs, mais ces informations ne sont certainement
pas exhaustives. Pourtant, la littérature francophone du Canada est intéressante par son
apport culturel. De plus, la littérature sur la problématique autochtone ajoute une autre
valeur – il s’agit d’une littérature minoritaire francophone.

Le but de ce mémoire est d’exploiter les possibilités d’enseignement des éléments


culturels et interculturels à travers la littérature. L’importance de l’enseignement de la
culture une fois affirmée, la question suivante se pose : la littérature en soi est-elle un
moyen adéquat, une ressource légitime et un support convenable qui devrait être exploité
dans la quête d’enseigner la culture et la compétence (inter)culturelle ? Selon le
didacticien Christian Puren qui s’intéresse principalement à la didactique des langues-
cultures, cela semble être le cas : « En raison de son prestige et des nombreux intérêts
qu'elle présente – tout particulièrement les valeurs qu'elle porte, la relation étroite qu'elle
établit entre langue et culture ainsi que son ouverture à des interprétations et réactions
plurielles –, la littérature a toujours eu une place privilégiée dans les cursus scolaires de
langue. »1 Ainsi, la littérature trouve sans aucun doute une place dans l’enseignement,
même l’enseignement à travers les méthodologies nouvelles telles que l’approche
communicative et la perspective actionnelle. Cependant, elle ne jouit pas du même ordre
de popularité qu’elle a eu au sein des méthodologies traditionnelles. Plus que jamais, les
textes authentiques dans les manuels se voient remplacés par des textes adaptés.

Le choix des textes reste d’une grande importance. Pour ce mémoire qui vise à
exploiter les possibilités d’enseignement des éléments culturels autochtones du Québec, le
choix est tombé sur deux œuvres : Manikanetish de Naomi Fontaine et Histoires nordiques
de Lucie Lachapelle. Ce sont des textes qui peuvent servir de base pour identifier les
éléments de la culture autochtone, pour les présenter et les enseigner aux étudiants. Ils
démontrent plusieurs parallèles. D’abord, ils sont centrés sur la problématique autochtone
et la question d’identité. Ensuite, il s’agit des œuvres du 21 e siècle qui offrent un point de

1
PUREN. CH. (2018). « Résumé ». Dans La littérature dans une perspective actionnelle : une approche
intégrative des différentes logiques documentaires en didactique scolaire des langues cultures. [En ligne]
[Consulté le 27 octobre 2020]. Disponible sur : https://www.christianpuren.com/mes-travaux/2018d/

8
vue et des thèmes contemporains. Finalement, ils sont écrits par les femmes-écrivaines qui
ont des expériences personnelles, en tant qu’enseignantes, avec le monde autochtone.

En ce qui concerne les différences entre les deux œuvres choisies, il importe de
souligner que l’auteure de roman Manikanetish est de descendance amérindienne, innue, ce
qui se démontre dans la fluidité du texte au style lyrique et la narration qui semble être sans
conflits. Le recueil Histoires nordiques, par contre, offre un regard extérieur à la société
inuite du Grand Nord. L’auteure est une « blanche », une Québécoise au style d’écriture
épique. Du point de vue didactique, le texte de Fontaine est plus simple à lire : les phrases
sont courtes, la langue et le vocabulaire en français courant. Le texte de Lachapelle est plus
complexe, de type documentaire, mais reste accessible à l’apprenant grâce à la prévalence
du récit au présent et l’usage rare du passé simple.

Quant à la composition du mémoire, il est divisé en deux grandes parties. La partie


théorique consiste de deux chapitres. Le premier portera sur l’identité et la culture
autochtone. Nous clarifierons la définition d’identité avec laquelle le mémoire travaillera.
Puis, nous évoquerons brièvement l’histoire de la colonisation du Canada, avec un accent
mis sur l’identité autochtone et les informations pertinentes aux deux tribus autochtones
qui sont les acteurs des œuvres littéraires choisies. Le deuxième chapitre répondra à la
question de la place de la culture dans l’enseignement de français langue étrangère (FLE).
En passant par la terminologie de « culture » et « civilisation », le chapitre mentionnera des
approches contemporaines de la didactique des langues, notamment l’approche
communicative et la perspective actionnelle. Nous y commenterons le CECRL (Cadre
européen commun de référence pour les langues) qui définit les compétences nécessaires à
l’apprentissage des langues étrangères. Nous choisirons la compétence interculturelle pour
une analyse approfondie. Dans le chapitre, nous profiterons particulièrement des ouvrages
de M. Byram, en collaboration avec d’autres auteurs, et de Ch. Puren, qui a mis en place la
méthodologie de la compétence interculturelle à travers les textes authentiques dans
Traitement didactique des documents authentiques et spécificités des textes littéraires. Le
dernier sous-chapitre de cette partie abordera le RVP (Curriculum par compétences pour
l’enseignement) et la situation actuelle de l’enseignement des langues étrangères en
République tchèque.

La partie pratique est divisée en trois grandes parties. Elle consistera de deux
chapitres qui porteront sur les œuvres choisis qui donneront des informations de base sur
les auteures et les œuvres, tels que le résumé, la composition et le style d’écriture. Ensuite,

9
les œuvres seront examinées à travers une analyse thématique. Quant au dernier chapitre, il
consistera de cinq fiches pédagogiques et des cinq fiches d’étudiants élaborées sur la base
des extraits littéraires. Faute d’autres ressources sur la problématique, les fiches seront
conçues selon les directives de l’article théorique « Concevoir une fiche pédagogique »
de l’Institut français de Pologne et selon des connaissances acquises dans le cadre des
études. Toutes les fiches pédagogiques auront pour objectif primairement la compétence
(inter)culturelle. Elles comporteront une vue d’ensemble des objectifs visés ainsi que la
description du déroulement de cours, la description étape par étape et les solutions.

10
2 Identité et culture autochtone
Pour pouvoir analyser les textes littéraires québécois choisis, nous devons d’abord
définir ce que on entend par le terme « identité autochtone » ou encore « culture
autochtone ». L’Encyclopédie canadienne indique que trois groupes de peuples
autochtones existent au Canada et qu’ils sont tous considérés comme des « habitants
originaux du territoire »2. Il s’agit des Inuits, des Métis et des Premières Nations. La
question se pose si les trois groupes peuvent être considérés comme partageant la même
culture.

Du point de vue géographique, ce n’est certainement pas le cas. Nous trouvons les
Inuits dans les terres de la région arctique, aussi connues sous le nom « Inuit Nunangat ».
Les Métis, qui sont « des mélanges d’ancêtres européens et autochtones […] vivent
principalement dans les provinces des Prairies et en Ontario »3. Les Premières Nations, par
contre, occupent souvent « les terres au sud de l’Arctique »4, leurs territoires ancestraux
s’étendent aux États-Unis.

Continuant avec la division géographique, les peuples autochtones du Canada ont été
répartis en six aires culturelles pour faciliter leur classification. Ce sont : Arctique, Régions
subarctiques, Côte Nord-Ouest, Plateau, Plaines, Forêts de l’Est (connu aussi comme
Nord-Est). Ces aires culturelles semblent reposer sur des divisions linguistiques, culturelles
et historiques. Elles ont été établies par l’ethnologue Edward Sapir au 20 e siècle en guise
d’une délimitation géographique convenable. Bien que les aires donnent une idée
d’entre-appartenance, d’une certaine homogénéité, en réalité, elles sont souvent
entremêlées, car certains traits culturels et identitaires sont partagés par plusieurs d’entre
elles, alors que d’autres ne se manifestent qu’au sein d’un seul groupe.

En outre, ce qui est valable pour un groupe ou une bande, dont plusieurs
appartiennent au même groupe, ne l’est pas pour un autre. Dépendant du type de territoire,
le mode de vie et la manière historique de gagner la subsistance sont différents. Il s’agit
d’un mélange de chasse, de cueillette, de pêche et d’agriculture dans le cas des peuples de
langue iroquoienne qui avaient formé, parmi les Premières Nations, une culture

2
PARROTT, Z. (2007). « Peuples autochtones au Canada ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En ligne]
[Consulté le 20 novembre 2019]. Disponible sur : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/peuples-
autochtones.
3
Ibid.
4
Ibid.

11
sédentarisée avant l’arrivée des Européens. L’influence que les colons européens avaient
exercée sur les différents groupes de peuples autochtones est un facteur majeur qui a
influencé le futur développement de leurs cultures tout en exacerbant, en même temps, les
différences existantes.

Les recherches faites par des ethnologues n’indiquent pas un seul élément de culture
qui serait partagé par tous les peuples autochtones de Canada. Nous ne pouvons que
constater que les Inuits, les Métis et les Premières Nations sont culturellement hétérogènes,
non seulement parce qu’ils vivent dans des régions et des conditions naturelles différentes,
mais aussi parce qu’ils ont connu une histoire différente. Aussi devons-nous définir les
groupes qui nous concernent avec plus de détails.

Jusqu’ici, nous avons entrepris de délimiter ce qui pour nous signifie la culture et
l’identité autochtone. Pour clarifier, nous avons utilisé le terme « identité » dans le sens
d’identité collective, à l’opposé de l’identité individuelle ou personnelle qui répond au
« besoin de différenciation »5 de l’individu, le besoin d’être unique dans la société.
L’identité collective, par contre, répond « au besoin de similitude et d’apparence
catégorielle »6.

Les deux types d’identité sont inséparablement liées l’une à l’autre, car dans le
« processus de production d’une identité collective, l’identité individuelle joue un rôle
important en tant que lieu de l’interaction entre les expériences sociales et l’imaginaire,
que permet la projection vers une identité nouvelle. »7 Les éléments essentiels qui
constituent l’identité individuelle sont « le sentiment de l’unité et de la permanence de soi ;
la reconnaissance de soi par autrui ; la valorisation de soi, le sentiment de l’autonomie et
du pouvoir »8. Les mêmes éléments font partie de l’identité collective, sauf qu’ils ne
concernent pas le soi, mais l’ensemble de soi ; en autres mots, la communauté formée par
les individus. Vu le statut des communautés autochtones en Amérique du Nord au cours
d’histoire, nous devons constater que ces valeurs ne sont pas faciles à atteindre pour les
personnes appartenant à une culture minoritaire.

5
TABOADA-LEONETTI, I. « Identité Individuelle, Identité Collective Problèmes Posés Par l’introduction
Du Concept d’identité En Sociologie. Quelques Propositions Théoriques à Partir de Trois Recherches Sur
l’immigration. ». Dans : Information (International Social Science Council), vol. 20, no. 1, Feb. 1981, pp.
137–167, [En ligne] [Consulté le 5 janvier 2020]. Disponible sur : doi:10.1177/053901848102000106. P.138
6
Ibid. p.138
7
Ibid. p.140.
8
Ibid. p.143.

12
Dans ce mémoire, les deux identités et les liens entre elles seront évoqués, mais
l’importance sera mise sur l’identité individuelle vue à travers les yeux des personnages et
des narrateurs des œuvres choisies.

2.1 Rencontre avec le colonisateur : Histoire de la colonisation


Afin de mieux comprendre le fonctionnement des communautés autochtones, les
comportements des individus et leurs raisonnements, nous nous efforçons de présenter un
bref aperçu de l’histoire autochtone au Canada.

Quand les premiers Européens dont nous tenons les récits arrivent sur le territoire du
Canada, ils représentent une minorité vis-à-vis des Autochtones. Le tout premier
explorateur moderne, Jacques Cartier, arrive au XVI e siècle. Au XVIIe siècle, l’arrivée de
Samuel de Champlain marque le début d’une colonisation véritable. Les deux Européens
n’ont encore qu’une idée imprécise de la situation aux Amériques. Géographiquement, ni
l’un ni l’autre n’avancent pas jusqu’au Grand Nord pour rencontrer les Inuits, ni assez loin
vers l’intérieur du pays, vers l’ouest. Néanmoins leur arrivée et celle, ultérieure, des colons
et commerçants européens commence à influencer les Autochtones que ceux-ci rencontrent
sans qu’ils s’en rendent compte. Les maladies d’origine européenne contre lesquelles les
autochtones ne sont pas immunisés commencent à se propager, prouvant l’influence
involontairement malveillante des explorateurs. Combinées avec l’impact de la découverte
de l’alcool, jusque-là inconnu chez les Amérindiens, les épidémies déciment les
populations autochtones.

Les premiers Européens qui arrivent sur le territoire de la Nouvelle France pour s’y
installer sont des marchands de fourrures et des missionnaires. Le nombre des
colonisateurs francophones est moindre que celui de leurs homologues anglais, néanmoins,
leur influence n’est pas négligeable. Les colons français préfèrent s’allier avec les
Amérindiens, contrairement au reste des Européens qui se mettent en position de force.
Ainsi, la situation des Autochtones sur le territoire contrôlé par les Français devient plus
favorable qu’ailleurs.

Les marchands employés par les compagnies de traite veulent acquérir la coopération
des indigènes car leur objectif c’est le commerce ou en temps de guerre, la coopération.
Quant aux missionnaires, venus dans le but d’évangéliser les peuples indigènes, ils essaient
de les « civiliser » et « humaniser ». Ils apprennent les langues autochtones, et non

13
vice-versa, et s’adaptent à leurs coutumes et à leurs valeurs. Les colonisateurs français
« comblèrent les autochtones de cadeaux (outils, armes et munition, aliments, vêtements,
ustensiles de cuisine, animaux, etc.) afin de bénéficier de leur collaboration. »9. Ils
entament de les intégrer à l’empire colonial français sans devoir recourir à la force, le
dessein qui ne réussit pas en entier. En guise d’exemple, nous pouvons citer le cas des
Iroquois, une tribu habitant la Vallée du Saint Laurent, contre lesquels les colonisateurs
entrent en guerre à la fin de 17e siècle.

À l’époque, les Français qualifient les Amérindiens de « Sauvages », mais sans


connotations péjoratives, car ce terme signifie, à l’origine, les « habitants des forêts »10.
De toute façon, dans les débuts, la position des autochtones dans le nouvel ordre des
choses n’est pas claire. Les tous premiers colons français de l’époque de Champlain sont
peu nombreux et peu habitués au climat rude. Ils vivent côte-à-côte avec les Amérindiens
qui complètent leurs activités agricoles par la chasse et la pêche 11. Les colons
n’interviennent jamais dans les guerres tribales, laissant les nations indigènes autonomes et
indépendantes de la souveraineté du roi de France pour le moment. Ils ne les considèrent
pas leurs égaux. En même temps, les Autochtones possèdent un « statut particulier »12 dans
la colonie de la Nouvelle France, car le gouvernement en a besoin. Il en a autant besoin
qu’il s’achète leur loyauté et leur coopération, ce qui se manifeste par la distribution des
cadeaux, l’approche qu’on adopte systématique.

Néanmoins, cette politique presque contradictoire « d’intégration » des autochtones


dans la société des colons tourne progressivement à la politique d’assimilation. Selon les
écrits de Champlain elle doit se manifester par l’intermariage : « Nos jeunes hommes
marieront vos filles, et nous ne formerons plus qu'un peuple. » 13. Cependant les résultats de
l’assimilation sont faibles, d’autant plus que les Français ont la tendance à devenir
« sauvages » et non vice-versa, ce qui aboutit au renversement de la politique. La pratique
de confier les enfants illégitimes blancs aux Autochtones était répandue, tout aussi que
l’adoption des enfants anglais faits prisonniers pendant la guerre, ce qui contribue

9
LECLERC, J. « Histoire du français au Québec : La Nouvelle France (1534-1760) ». Dans L’aménagement
linguistique dans le monde, Québec, CEFAN, Université Laval. [En ligne] [Consulté le 10 janvier 2020].
Disponible sur : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HISTfrQC_s1_Nlle-
France.htm#1.1_Jacques_Cartier
10
Ibid.
11
KYLOUSEK, P. (2009) Us them me: the search for identity in Canadian literature and film = Nous eux
moi: la quête de lidentité dans la littérature et le cinéma canadiens. Brno : Masarykova Univerzita. p.112.
12
LECLERC, J. « Histoire du français au Québec : La Nouvelle France (1534-1760).
13
Ibid.

14
également à l’intégration « renversée », dans la société amérindienne au lieu de celle dans
la société européenne, car les enfants sont élevés comme des « sauvages ».

Après la Conquête par les Britanniques en 1760, les Amérindiens des Sept Nations
qui ont participé à la guerre au côté des Français signent un traité de neutralité avec le
nouveau pouvoir. Les autochtones ne représentent pas une menace pour les Anglais, plus
nombreux que les Français et déjà bien établis. Leur assistance quant à la traite des
fourrures, qui est en déclin, n’est plus requise. En conséquence, ils sont laissés à eux-
mêmes. Le statut des Autochtones change rapidement de celui des alliés de la Nouvelle
France à celui des habitants plus au moins ignorés, même superflus.

En 1763, la Proclamation royale est promulguée par le roi anglais. On l’appelle « la


charte des droits des Autochtones »14, car elle spécifie que « les Autochtones possèdent
toute terre qu’ils n’ont pas cédée ou vendue »15 et que, dès la promulgation, ces terres ne
peuvent être achetées qu’avec l’autorisation du roi. Après la Guerre de l’Indépendance, la
politique anglaise de ségrégation, sinon d’extermination au Canada, servira d’impulsion
pour de nombreuses tribus d’émigrer aux États-Unis.16

Les deux siècles suivant la Conquête verront les autochtones progressivement isolés,
socialement et géographiquement, et assignés aux territoires qui leur seront stipulés, d’où
l’existence des réserves. En fait, il ne s’agit pas d’une idée nouvelle car l’origine des
réserves remonte au 17e siècle. Leur fonction à l’époque était d’imposer la vie sédentaire
aux Indiens, jusqu’alors nomades.17 Mais leur rôle précis n’est codifié qu’en 1876 par la
Loi sur les Indiens qui « permet au gouvernement fédéral d’administrer les Indiens, les
gouvernements locaux des Premières Nations et la gestion des terres de réserve et des
fonds communautaires. »18

14
HALL, Anthony J. (2019). « Proclamation royale de 1763 ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En ligne]
[Consulté le 10 janvier 2020]. Disponible sur :
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/proclamation-royale-de-1763.
15
Ibid.
16
LECLERC, J. (2018). « Histoire du français au Québec : Le Régime britannique (1760-1840) ». Dans
L’aménagement linguistique dans le monde, Québec, CEFAN, Université Laval. [En ligne] [Consulté le 11
janvier 2020]. Disponible sur :
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HISTfrQC_s2_Britannique.htm#3_Le_trait
%C3%A9_de_Paris_de_1763_.
17
MCCUE, H. (2018). « Réserves ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En ligne] [Consulté le 11 janvier
2020]. Disponible sur : http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/reserves-2/.
18
HENDERSON, W. B. (2019). « Loi sur les Indiens. » [En ligne] [Consulté le 12 janvier 2020].
Dans l'Encyclopédie Canadienne. Disponible sur : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loi-sur-
les-indiens.

15
Il s’agit d’une loi problématique, car parfois contradictoire, composée de « plusieurs
ordonnances coloniales antérieures visant à éradiquer la culture des Premières Nations et à
promouvoir l’assimilation de leurs membres dans la société canadienne »19. Même si elle
assure certains droits aux Premières Nations (et seulement aux Premières Nations, car elle
ne concerne ni les Inuits, ni les Métis) elle leur interdit en même temps « d’exprimer leur
identité par des activités liées à leur culture ou à la gouvernance. »20.

Mise en pratique, la loi force les enfants amérindiennes à partir aux écoles
industrielles ou aux pensionnats pour être assimilés à la société canadienne majoritaire. La
loi sur les Indiens est soutenue par la Loi sur les écoles indiennes qui « permettait de placer
en internat les enfants amérindiens loin de leurs parents et de leur milieu tribal, pour les
acculturer »21. Les cérémonies religieuses et les danses sont graduellement interdites dans
les réserves. De fait, il est interdit de professer publiquement les éléments de l’identité
collective traditionnelle et sa transmission est interrompue.

Le statut d’Indien assigné aux membres des Premières Nations peut leur être enlevé
pour des raisons discriminatoires, telles que l’obtention d’un diplôme universitaire ou en
cas de la femme, le mariage avec une personne qui ne possède pas le statut officiel
d’Indien. La Loi sur les Indiens a été amendée plusieurs fois depuis sa conception en 1876,
mais malgré son statut « périmé[e] »22, elle continue à décider du statut légal d’Indien, de
ses droits et de ses obligations.

La position des Amérindiens ne change qu’au milieu du 20 e siècle grâce à un des


amendements qui a permis aux élites autochtones de s’établir en dehors des réserves sans
pour autant être obligés de renoncer à leur statut d’Indien, ce qui n’était pas faisable
auparavant.23 Pourtant, de nos jours encore, les droits des tribus et des groupes autochtones
du Canada dépendent des facteurs du développement historique, parmi lesquels
l’appartenance à un de trois groupes autochtones, les traités signées avec le gouvernement,
ainsi que les revendications territoriales gagnées devant des tribunaux. Certains droits
protégés tels que « le libre accès aux terres et aux ressources ancestrales et le droit à
l’autonomie gouvernementale »24 sont garantis à tous les peuples autochtones.
19
Ibid.
20
Ibid.
21
KYLOUSEK P. Us them me: the search for identity in Canadian literature and film = Nous eux moi: la
quête de lidentité dans la littérature et le cinéma canadiens. 2009. p.113.
22
HENDERSON, W. B. (2019). « Loi sur les Indiens. »
23
KYLOUSEK P. Us them me: the search for identity in Canadian literature and film = Nous eux moi: la
quête de lidentité dans la littérature et le cinéma canadiens. 2009. p.113.
24
HENDERSON, W. B. (2019). « Loi sur les Indiens. »

16
2.2 Influence de l’éducation sur l’identité
L’accès à l’éducation dans sa propre langue et, en même temps, l’enseignement
conçu de la manière traditionnelle est une des prédispositions pour que la transmission de
la culture, donc de l’identité collective, puisse se réaliser. Pourtant, le droit des parents
autochtones de décider de l’éducation de leurs enfants était limité dans l’histoire
canadienne. Pour comprendre les difficultés que les Amérindiens rencontrent au contact
avec la culture des nouveaux arrivés, nous devons d’abord comprendre leur propre culture.

L’éducation des jeunes autochtones est radicalement différente avant l’arrivée des
Européens. Pour commencer, la vision du monde des deux cultures – amérindienne et
européenne - est incompatible. Galvani affirme que, chez les Autochtones, l’éducation
« n’est pas organisée par des discours conceptuels ou dogmatiques »25, comme elle l’est en
Europe où la société est strictement hiérarchisée et où le peuple se fie à l’autorité
spirituelle biblique représentée très souvent par l’Église. Chez les Amérindiens, au
contraire, cette vision « émerge des pratiques rituelles, des mythes et des symboles »26.
Galvani ajoute, en citant Religions des Indiens d’Amérique de Hultkrantz (1993) que si
nous souhaitons comprendre les Amérindiens, il ne faut pas viser le peuple entier, mais une
tribu spécifique à chaque fois pour pouvoir « observer leur pratique des rites et […] être à
l’écoute des croyances et des mythes rapportés par les membres de la tribu. »27

Selon Mccue (2018), les moyens traditionnels d’enseignement autochtones sont :


« démonstration [observation et pratique], socialisation en groupe, participation à des rites
spirituels et culturels, développement des compétences et enseignement oral »28. Il s’agit
donc des approches assez différentes de celles des colonisateurs européens, car
l’enseignement à l’européenne se déroule exclusivement à l’école, dans une salle de classe,
et il favorise la mémoration à la démonstration et l’écrit à l’oral, les deux méthodes de
l’approche européenne traditionnelle de la didactique. De plus, tandis que l’autorité est due
aux « aînés » dans le milieu social autochtone, l’autorité dans le contexte européen est
25
GALVANI, P. (1997). Quête de sens et formation : anthropologie du blason et de l’autoformation. Paris :
L’Harmattan. [En ligne] [Consulté le 10 janvier 2020]. Disponible sur :
https://www.academia.edu/35243065/Imaginaire_visionnaire_et_formation_spirituelle_am
%C3%A9rindienne_extrait_Galvani_Qu%C3%AAte_sens_ch.4.pdf. P.166
26
Ibid.
27
Hultkrantz (Religions des Indiens d’Amérique. Aix-en-Provence : Le Mail, 1993, p.200) cité par
GALVANI P. (1997). P.166.
28
MCCUE, H. (2018). « Éducation des Autochtones au Canada ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En
ligne] [Consulté le 10 janvier 2020]. Disponible sur :
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/education-des-autochtones.

17
détenue par la figure de l’enseignant, ce dernier n’étant pas apparenté avec les élèves, car
n’appartenant ni à leur groupe social, ni familial, ni aux notions spirituelles inclues dans la
conception des « aînés », comme le sont aussi les animaux et les éléments – eux aussi
considérés détenteurs du savoir dans le contexte autochtone.

Que donc est-il considéré traditionnellement comme le « savoir » nécessaire à


apprendre ? Ce seront surtout des compétences de survie, les modèles archétypaux et les
comportements passés des aînés aux enfants à l’aide des exemples. En même temps,
l’enfant autochtone apprend quand il montre l’intérêt, il n’est jamais contraint d’apprendre.
Il n’y a jamais d’exclusion pour le comportement vu par la société comme indésirable ni de
punition.29

Pourquoi le style européen d’éducation a-t-il été adopté, alors qu’il ne convenait pas
aux Amérindiens ? C’est d’abord parce que le gouvernement colonial souhaitait que les
Amérindiens se sédentarisent et qu’ils aient une manière plus stable d’obtenir la
subsistance nécessaire que n’étaient la chasse et la cueillette, car la traite de la fourrure,
grâce à laquelle les Autochtones avaient pu se sédentariser et faire du commerce avec les
nouveaux-venus, était en déclin. De plus, du point de vue du gouvernement, la vie nomade
ou semi-nomade dépendante du mouvement empêchait l’immigration de nouveaux colons
vers l’ouest du pays.

Influencée par les facteurs externes, l’éducation à l’européenne subira des


changements au cours des siècles. Au début de la colonisation, sous le régime français, en
Nouvelle-France, il s’agit d’un modèle similaire au modèle préscolaire car la majorité des
apprentissages se fait au sein de la famille. Les missionnaires catholiques tentent de
« civiliser » les peuples indigènes, mais leurs efforts restent largement sans grand succès,
car l’éducation formelle est très différente de l’éducation traditionnelle autochtone. Le but
des éducateurs change après 1830, sous le régime britannique, quand les premiers
pensionnats indiens pour les « inscrits » des Premières Nations sont fondés. Les Inuits et
les Métis continuent à fréquenter les écoles provinciales. Les pensionnats sont soutenus par
l’Église catholique ou anglicane et, à une plus grande échelle, par les gouvernements
provinciaux et le gouvernement fédéral. On y enseigne la « doctrine chrétienne,

29
GALVANI, P. (22 juin 1996). « Les cultures amérindiennes et l’éducation ». Dans Journées d’études
« Cultures autres et éducation ». Paris. [En ligne]. [Consulté le 7 janvier 2020]. Disponible sur :
http://www.barbier-rd.nom.fr/PGalvaniCulturesAmerindien.html.

18
alphabétisation et calcul de base »30, en interdisant aux élèves de parler leurs langues
maternelles.

Du point de vue des peuples indigènes, les pensionnats sont la cause de la perte du
lien avec la communauté et la perte graduelle des traditions. Les jeunes autochtones y sont
amenés « à ressentir la honte par rapport à leur identité culturelle »31. Du point de vue des
colonisateurs, par contre, il s’agit d’un « …système idéal pour éduquer les jeunes
autochtones, étant donné [que les nouvelles pratiques] éloignent les enfants de l’influence
des éléments traditionnels familiaux et culturels »32. Enfin, les colonisateurs connaissent la
réussite dans leur politique d’assimilation au prix de la destruction des communautés.

Malgré les amendements de la loi sur les Indiens, la forme de scolarisation


majoritaire au cours des 19e et 20e siècles perdurera avec des modifications jusqu’en 1996.
Pour illustrer la situation, mentionnons que ce n’est que dans les années 1940 qu’il est
enfin permis aux Premières Nations d’inscrire leurs enfants dans les écoles provinciales.
Simultanément, les enseignants-missionnaires dans les réserves sont remplacés par des
enseignants qualifiés, ce qui améliore la qualité de l’éducation accessible, même si le taux
de succès atteint par les élèves ne change pas.

Même à l’heure actuelle, l’avenir de l’éducation et la transmission des valeurs


culturelles restent une question importante pour le peuple indigène, en 2019, les
programmes d’enseignement qui respecteraient l’identité autochtone étaient en cours
d’élaboration.33

2.3 Identité tribale : Inuits et Innus


Considérant les différences culturelles existant entre les onze nations autochtones qui
vivent actuellement sur le territoire du Québec, nous ne présentons, dans ce chapitre, que
les nations représentées dans les textes littéraires choisis pour l’analyse. Les nations visées
sont les Inuits, représentés par les Histoires nordique et les Innus, la tribu connue aussi
sous le nom de Montagnais-Naskapi, représentés par Manikatenish.

30
MCCUE, H. (2018). « Éducation des Autochtones au Canada ».
31
Ibid.
32
Ibid.
33
GAFFIELD, Ch. (15 juillet 2013). « Histoire d’éducation au Canada ». Dans l'Encyclopédie Canadienne.
[En ligne] [Consulté le 7 janvier 2020]. Disponible sur : https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/histoire-
de-leducation.

19
2.3.1 Inuits
Ce terme désigne le peuple autochtone dont la plupart vivent au nord du Canada,
dans la région arctique, l’Inuit Nunangat, comme l’appellent les Inuits. Cette région au
climat rude se trouve au-delà de la limite de la forêt. Elle subit de longs hivers avec de
fortes gelées, ce qui influence profondément la manière de vivre de ce peuple. La
topographie est constituée de « terres basses parsemées de lacs aux régions alpines
recouverte de glaciers »34, ainsi, les activités de subsistance des Inuits sont saisonnières,
comme, d’ailleurs, les activités des autres groupes autochtones. L’hiver, l’Inuit chasse les
mammifères marins, surtout les phoques ; l’été, il chasse le caribou ou, sur la côte
maritime, il pêche et chasse d’autres espèces de gibier. De plus, il participe à la cueillette et
à la chasse à l’ours polaire et à la baleine. Au cours de l’histoire, les Inuits trouvent des
manières ingénieuses pour profiter des matériaux naturels modestes dont ils disposent, tels
que : « os, cornes, andouillers, ivoire, pierres et peaux d’animaux »35, qui suppléent le bois,
le cuivre ou encore l’herbe. Avant l’arrivée des Européens, ils ne se servent que de ces
matériaux pour fabriquer leurs outils et vêtements.

La manière de vivre de l’Inuit est largement ignorée par les colons. Les premiers
contacts entre les deux cultures se font à la fin du 18 e siècle en raison des missionnaires
moraves (Frères moraves, église protestante de la Saxe 36). Néanmoins, les rencontres avec
les Inuits sont plutôt rares jusqu’à la seconde moitié du 19 e siècle ; à cette époque, les
chasseurs commerciaux de baleines arrivent dans la région. Le gouvernement ne
commence à s’intéresser aux Inuits qu’en 1939, donc assez récemment en comparaison
avec les Premières Nations. Leur intérêt dans le Nord est stratégique : il faut y installer les
bases militaires pour faire face aux Russes qui ont conclu le pacte Ribbentrop Molotov
avec les Allemands. Après la Deuxième Guerre mondiale, par contre, le gouvernement
« construit des écoles, des postes de soins infirmiers, des aéroports et des installations de
communication »37. Des délocalisations imposées dues à la nécessité d’occuper l’extrême
Nord sont « à la source de nombreuses tensions culturelles, puisque plusieurs Inuits sont
délocalisés de force dans des endroits qu’ils ne connaissent pas »38. De nos jours, les Inuits
34
FREEMAN, M. (15 mars 2007). « Peuples autochtones de l’Arctique au Canada ». Dans l'Encyclopédie
Canadienne. [En ligne] [Consulté le 22 novembre 2019]. Disponible sur :
https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/autochtones-larctique
35
Ibid.
36
KEILLOR, E. (7 février 2006). « Missions moraves au Labrador ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En
ligne] [Consulté le 8 janvier 2020]. Disponible sur : https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/missions-
moraves-au-labrador.
37
FREEMAN, M. (15 mars 2007). « Peuples autochtones de l’Arctique au Canada ».
38
Ibid.

20
subissent les conséquences socioéconomiques de la colonisation : « la surpopulation, la
pénurie alimentaire, les maladies chroniques et le haut taux de suicide chez les jeunes »39,
dont le texte choisi est une attestation.

La société inuite s’est conformée aux ressources limitées, la vie (semi-)nomade,


déplacements vers les terres de chasse ou de pêche étant de norme, et elle a donné
naissance à une structure sociale et politique spécifique. Le groupe social le plus important
est la bande régionale, comptant de 100 à 1000 membres, qui se rassemble en hiver durant
de courtes périodes pour la chasse au phoque. Sauf ce cas, l’Inuit vit dans son groupe
familial composé de plusieurs familles très souvent apparentée. Le partage, qui donne la
possibilité de survie, est l’élément central de vie communale inuite. Il n’y a pas de
hiérarchisation stricte, mais chaque membre a son rôle à jouer. Le membre actif le plus âgé
devient le chef. Parfois, nous remarquons la fonction d’un chef informel, en général un
chasseur accompli.

Traditionnellement, les liens entre les membres de la famille sont d’extrême


importance pour l’Inuit, les jeunes qui fondent une famille restent à vivre avec les parents
de l’un d’entre eux. Leur union est, en outre, décidée par leurs aînés. La famille est une
unité économique importante où toutes les tâches sont partagées.

Pour que ce peuple puisse parcourir de grandes distances, il utilise le traîneau à chien
sur terre, le kayak pour chasser sur l’eau ou l’umiak, le mot qui signifie « embarcation en
peau ouverte »40 utilisé pour le déplacement des personnes et des biens. L’Inuit vit dans un
igloo habité par plusieurs générations de la même famille. Il s’agit d’une habitation
réfléchie qui peut contenir plusieurs pièces, des surfaces de couchage ou encore une fenêtre
faite de glace transparente. Dans l’Arctique occidental, des habitations permanentes en
bois de grève sont construites aussi. Lors des déplacements, l’Inuit se sert de tentes
fabriquées de peaux de phoque ou de caribou, ou d’igloos simples.

2.3.2 Innus (Montagnais-Naskapi)


Les Innus appartiennent à la nation indienne des Alconquins, une des Premières
Nations. Ils se divisent en deux tribus, les Montagnais et les Naskapis. Les Montagnais,
comme leur nom signifie, vivent dans les parties montagneuses et boisées du Québec du
39
Ibid.
40
GADACZ, R. R. (7 février 2006). « Umiak ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En ligne]. [Consulté le 22
novembre 2019]. Disponible sur : https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/umiak# .

21
Sud. Les Naskapis, par contre, se sont installés plus au nord, sur le territoire subarctique et
aride de la péninsule du Labrador. À l’origine nomade, leur mode de vie est pareil à celui
des Inuits avec une économie saisonnière et dépendante du climat. La tribu gagne sa
subsistance en chassant le gibier (caribou, castor, ours) et même le phoque, en pêchant et
en cueillant des racines et des baies. Le caribou est un animal vénéré, toutes ses parties
sont utilisées pour fabriquer des vêtements, des tambours peints, de plus, être chasseur
réussi de caribou et être capable d’offrir sa viande aux autres « permet d’établir [le] statut
social »41 du chasseur. En hiver, plusieurs familles se rassemblent pour faciliter la chasse.

La plupart des Innus, vivant dans des parties plus accessibles aux Européens, se sont
vus influencés très tôt par les colonisateurs. Leur religion ancestrale se manifeste par la foi
aux esprits animaliers, mais les missionnaires qui avaient entrepris de les convertir au
christianisme ont bouleversé leur société. Dès le 18 e siècle, les missionnaires mettent en
place une orthographe standardisée pour la langue innue qui, jusqu’à ce moment-là, n’avait
que la forme orale. L’une des premières tribus à être connue par les Européens, les Innus
du Sud, s’allient aux Français dans la guerre contre les Anglais. Les Innus du Nord, par
contre, n’ont pas de contact direct avec les colonisateurs avant le développement de la
traite des fourrures. Vers le milieu du 19 e siècle, les Innus du Sud ne sont plus en mesure
de gagner leur subsistance par eux-mêmes, d’abord à cause de la chasse excessive, puis à
cause de l’industrie forestière, de la location des rivières au saumon et du fait que leur
participation à la traite empêche le style de vie migratoire. Les Innus ne signent aucun
traité avec le gouvernement, ainsi, « leurs droits ancestraux sur leurs terres ne leur sont pas
reconnus »42. Les membres de la tribu ne sont pas inclus parmi les Indiens « inscrits », ceux
auxquels s’applique la Loi sur les Indiens, qu’en 2002. Pareils aux Inuits, ils sont
contraints, au milieu du 20e siècle, de s’installer dans les réserves, ce qui continue à
entraîner des problèmes sociaux actuels qu’ils subissent : l’alcoolisme, l’abus de drogues,
la suicide.

La société innue traditionnelle est composée de petits groupes familiaux de chasse


qui se rassemblent en été pour faciliter la « vie sociale plus intense, l’organisation de
festivités et de cérémonies à caractère spirituel et religieux et […] mariages inter-groupes

41
TANNER A. (1 septembre 2010). « Innu (Montagnais-Naskapi) ». Dans l'Encyclopédie Canadienne. [En
ligne] [Consulté le 8 janvier 2020] Disponible sur : https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/innu-
montagnais-naskapi.
42
TANNER A. (1 septembre 2010). « Innu (Montagnais-Naskapi) ».

22
»43. Bien qu’il n’y ait pas de chef en général, lors des occasions spéciales telles que les
regroupements d’été, un membre de la tribu peut être choisi pour assumer la fonction en
vertu de ses qualités individuelles. L’organisation de la société ne se conforme pas aux
règles strictes, mais les tâches quotidiennes sont réparties d’après le sexe. Les femmes
restent au campement, prennent soin des aînés, entretiennent le feu et la réserve de bois.
Les hommes, par contre, s’éloignent du campement pour chasser ou inspecter les pistes de
trappe.44

Pour faciliter les déplacements, l’Innu se sert de canots ou, en hiver, de toboggans en
bois. Vu que la région du sud est boisée, on y fabrique traditionnellement des wigwams
d’écorce, au nord, les peux de caribous servent à cet effet.45

43
[Anonyme] « Première Nation ». Dans Regroupement Petapan. [En ligne] [Consulté le 9 janvier 2020].
Disponible sur : http://petapan.ca/page/premiere-nation#Qui%20sont%20les%20Innus%20?.
44
Ibid.
45
Ibid.

23
3 Culture dans l’enseignement du FLE
Quelle est la place de la culture et de la civilisation dans l’enseignement ? Après le
chapitre sur l’histoire et la culture autochtone du Canada, ce chapitre vise à répondre à la
question de la place de culture et de civilisation en didactique des langues. En premier
lieu, nous entamons de définir ce que sont la culture et la civilisation. Ensuite nous
évoquons les raisons pour la mise en place de l’enseignement de la culture-civilisation, en
passant par les approches contemporaines de l’enseignement des langues - l’approche
communicative et la perspective actionnelle. Nous étudions le CECRL en nous concentrant
sur la notion de la culture et de la compétence interculturelle. Enfin, dans le cadre de
l’approche actionnelle, nous analysons la méthode de l’enseignement de la culture par
« tâche » et nous évoquons les possibilités d’évaluation. Dans la dernière sous-partie, nous
abordons l’état de lieu de l’enseignement de la compétence culturelle en République
tchèque.

Nous profitons principalement des ouvrages de Ch. Puren, des documents concernant
le CECRL accessibles en ligne sur le site de Conseil de l’Europe et de RVP, le document
qui régule les programmes d’études dans les écoles tchèques et qui est accessible sur le site
de l’Institut National d’Education.

3.1 « Culture » et « civilisation »


Tout d’abord, la signification de termes : « civilisation » et « culture ». Vu qu’il
s’agit des termes polysémiques, à chaque fois, nous allons choisir la définition pertinente
dans le contexte de ce mémoire.

Selon le dictionnaire Le Petit Robert de la langue française (2017), la définition du


mot « culture » est un « ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une
nation »46. La civilisation, quant à elle, est définie comme un « ensemble de phénomènes
sociaux (religieux, moraux, esthétiques, scientifiques, techniques) communs à une grande
société ou un groupe de société »47. Les deux définitions sont interconnectées, car les deux
termes entrent en relation de hiérarchie. La culture, ce sont les éléments « visibles » d’une

46
REY, A, REY-DEBOYE, J. (Eds.). (2017). Le petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la
langue française : Nouvelle édition du « Petit Robert » de Paul Robert (Nouvelle édition millésime). Le
Robert. P.604
47
Ibid. p.444

24
civilisation. En didactique des langues, on subdivise parfois la culture en culture avec un
grand C, représentée par ce qui est tangible : la littérature, l’histoire, l’art, etc. ; et la culture
avec un petit c, intangible : les pratiques sociales du quotidien. Pourtant, la définition du
Petit Robert de la langue française (2017) ci-dessus n’admet que le premier cas.

En pratique tout comme en théorie, la question se pose du bon usage de termes de


« culture » et « civilisation ». La confusion n’est pas surprenante puisque les deux termes
sont ambigus, comme l’affirme le Dictionnaire culturel en langue française48, et que
l’usage entre le français, qui préfère le mot civilisation, et les langues germaniques, qui
préfèrent le mot culture (anglais - culture, allemand - Kultur) est différente. 49 De plus, en
Français langue étrangère (FLE) « culture » et « civilisation » sont souvent synonymes. On
enseigne la culture-civilisation, ou même la langue-culture. Parfois, le terme « culture »
n’est utilisé que pour parler des aspects socio-culturels, donc de la culture du quotidien.

Compte tenu de la confusion concernant ces deux définitions et leur usage, le terme
que nous devrions utiliser dans ce mémoire est celui de la « civilisation ». Nous tentons
non seulement de décrire et de comprendre les aspects culturels d’une culture – celle de
l’autochtone (culture innue ou culture inuite) – mais de comparer les civilisations : celle du
« blanc » ou la civilisation occidentale, avec celle de l’autochtone. En dépit de cela, nous
allons utiliser le terme de « culture » parce que c’est ce qui est de l’usage à l’heure actuelle
dans les œuvres théoriques sur la didactique des langues.

3.2 Enseignement de la « culture » ?


Quel intérêt à étudier la culture dans un cours de langue ? Porcher (1994) affirme que
la civilisation est une partie indispensable de la didactique des langues et que « la langue et
la culture se présupposent l’une l’autre »50. Cependant, il ajoute qu’avant d’enseigner la
culture, plusieurs difficultés sont à considérer, vu surmonter.

Tout d’abord, il faut analyser les besoins langagiers des apprenants et définir les
objectifs d’apprentissage. Porcher (1994) se demande ce que nous devons enseigner et ce
qu’il est possible de laisser de côté, mais admet qu’une réponse claire n’est pas établie dans

48
REY, A., MORYAN, D. (Ed.) (2005). Dictionnaire culturel en langue française. (Tome 1, A-Détisser).
Paris : Dictionnaire le Robert. P.1582.
49
Ibid.
50
PORCHER, L. (1994) « L'enseignement de la civilisation ». Dans Revue française de pédagogie, volume
108. pp. 5—12. [En ligne] [Consulté le 4 septembre 2020]. Disponible sur :
https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1994_num_108_1_1251. P.5

25
le moment où il écrit, surtout faute de recherches dans cette problématique. Il ajoute qu’il y
a d’autres problèmes qui se posent : la notion de progrès des connaissances dans le
domaine de la civilisation et de la culture, et la question de l’évaluation. Comment justifier
et mesurer la progression ? Comment évaluer les connaissances ? Selon Porcher (1994), ce
n’est plus la question du contrôle classique. Dès lors, il s’agit « d’évaluer ce dont
l’apprenant est effectivement capable dans un échange communicatif authentique (c’est-à-
dire hors de classe) »51. En 1994, Porcher (1994) part des prémisses établies par la
méthodologie de la didactique des langues prévalente à l’époque : la méthodologie
(l’approche) communicative. Jetons ainsi un coup d’œil sur la perspective historique.

L’approche communicative est élaborée dans les années soixante-dix à partir des
théories d’Hymes, linguiste américain qui met un « accent particulier sur les aspects
sociaux du langage. »52. Il publie On Communicative competence et déclenche l’intérêt
pour une méthodologie nouvelle qui remplacera la méthodologie audio-orale et audio-
visuelle majoritaires à l’époque. C’est ainsi qu’il ouvre la voie à la publication de
l’ouvrage révolutionnaire qui se trouve à l’origine de l’approche communicative et qui a
paru en France en 1976 : Un Niveau seuil.

La nouvelle approche qui y est élaborée « repose sur le principe que la langue est un
instrument de communication, et surtout d’interaction sociale. »53 et promet le retour vers
l’écrit, vers la lecture et vers l’utilisation des textes authentiques en tant que support de la
communication écrite54. Basée sur l’interaction, l’approche communicative s’avère
polyvalente, ce qui a pour conséquent son emploi continuel. Ainsi, même de nos jours, il
s’agit d’une des approches principales de l’enseignement des langues étrangères.

3.3 La culture et le CECRL


L’usage de l’approche communicative évolue avec les politiques linguistiques de
l’Union européenne, dont le responsable est le Conseil de l’Europe. Ces politiques
influencent l’enseignement des langues étrangères dans les pays membres, y compris la
République tchèque. À l’heure actuelle, l’Union européenne décide des politiques
langagières à partir du document appelé le Cadre européen commun de référence pour les

51
PORCHER, L. (1994) « L'enseignement de la civilisation ». p.7
52
CORNAIRE, C., & GERMAIN, C. (1999). Le point sur la lecture. Paris : CLE international. P.8.
53
Ibid.
54
Ibid.

26
langues (CECRL), publié pour la première fois en 2001 et mis à jour en 2018 55. Le CECRL
respecte les méthodes définies par l’approche dite actionnelle (aussi appelé « perspective »
actionnelle) qui est fondée sur l’approche communicative.

La perspective actionnelle, telle que décrite dans CECRL (2001) « considère avant
tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir
des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et [dans] un
environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier (…). Il y a « tâche »
dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt)
stratégiquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat
déterminé. »56 Dans d’autres mots, la perspective actionnelle continue dans la tradition de
communication et de l’interaction de l’approche communicative, mais ajoute la notion de
tâche, définie dans le sens de « réalisation de quelque chose, d’accomplissement en termes
d’actions »57.

Dans le cadre de CECRL (2001), le Conseil de l’Europe définit les compétences


nécessaires à l’apprentissage des langues étrangères. Ces compétences sont en même temps
les objectifs de l’apprentissage. D’après le CECRL, ce sont les suivantes58 : la compétence
socio-linguistique (le choix de langue adapté à la situation de communication), la
compétence pragmatique (le but de la situation de communication), la compétence
linguistique (le lexique, la syntaxe) et finalement la compétence culturelle, qui renvoie à :
« tout ce qu'il convient de connaître du ou des pays où la langue est parlée et de la culture
qui leur est propre faute de quoi la communication ne pourrait s'établir correctement ».59

Nous allons nous intéresser plus à la compétence culturelle. Le Guide pour le


développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et
interculturelle (2016), mentionne qu’elle se rapporte au « savoir, savoir-faire et savoir-être
relatifs à des groupes sociaux locuteurs d’une langue et à leurs cultures » 60, ce qui est d’un
55
[Anonyme]. « Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) ». Dans éduscol. Mise à
jour le 22 juillet 2019. [En ligne] [Consulté le 5 septembre 2020]. Disponible sur :
https://eduscol.education.fr/cid45678/cadre-europeen-commun-de-reference-cecrl.html.
56
Conseil de l’Europe. (2001). Un cadre européen commun de référence pour les langues. Apprendre,
enseigner, évaluer. Strasbourg. [En ligne] [Consulté le 8 septembre 2020]. Disponible
sur : https://www.coe.int/fr/web/language-policy/cefr; https://rm.coe.int/16802fc3a8. P.15
57
[Anonyme]. « Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) ». Dans éduscol. [Consulté
le 8 septembre 2020].
58
Ibid.
59
Ibid.
60
BEACCO J.-C., BYRAM M., COSTE D. et al. (2016). « Guide pour le développement et la mise en œuvre
de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle ». Dans Conseil de l’Europe. [En ligne].
[Consulté le 7 septembre 2020]. Disponible sur : https://www.coe.int/fr/web/language-policy/guide-for-the-

27
grand intérêt pour ce mémoire. Le Conseil de l’Europe prétend promouvoir la compétence
culturelle, entre autres, pour : « une meilleure compréhension mutuelle et l’acceptation de
la différence dans nos sociétés multiculturelles et multilingues »61.

De nouveau la question de terminologie concernant la culture au sein du CECRL


s’impose : Quelle différence y a-t-il entre « culturelle » et « interculturelle -
interculturalité » ou « multiculturelle/pluriculturelle - multiculturalité/pluriculturalité » ?

Commençons par la définition du mot « culturelle ». Selon le Petit Robert de la


langue française (2017), « culturelle » renvoie à ce « qui est relatif à la culture, à la
civilisation dans ces aspects intellectuels ».62 En bref, culturelle, c’est ce qui concerne une
seule culture à la fois, contrairement aux termes suivants. Le Guide (2016) les explique
ainsi 63 :

- « La pluriculturalité désigne la capacité de participer à des cultures différentes – notamment par le


biais de l’acquisition de plusieurs langues. » C’est la question de « l’appartenance et la
participation à plusieurs groupes sociaux et à leurs cultures ».

- « L’interculturalité désigne la capacité de faire l’expérience de l’altérité et de la diversité


culturelle, d’analyser cette expérience et d’en tirer profit. » C’est la question des « compétences
nécessaires pour un engagement personnel face à l’altérité ».

Le Guide (2016) présume que les deux termes entretiennent « des relations de
complémentarité »64 et que « À travers la découverte active d’une ou de plusieurs cultures
autres, l’apprenant peut être conduit à développer des compétences interculturelles. »65

D’une part, ces termes sont utilisés dans le CECRL comme des quasi-synonymes,
l’usage dont le Guide (2016) fait preuve. D’autre part, Puren (2014) insiste dans l’ouvrage
La compétence culturelle et ses différentes composantes 66 que la compétence interculturelle

development-and-implementation-of-curricula-for-plurilingual-and-intercultural-education. P.15
61
BYRAM M., GRIBKOVA B., STARKEY H. (2002). Développer la dimension interculturelle de
l’enseignement des langues. Une introduction à l’usage des enseignants. Éditions du Conseil de l’Europe.
[En ligne] [Consulté le 8 septembre 2020]. Disponible sur :
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/source/guide_dimintercult_fr.pdf.; https://rm.coe.int/16802fc3aa. P.5
62
REY, A., REY-DEBOYE, J (Eds.). (2017). Le petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la
langue française : Nouvelle édition du « Petit Robert » de Paul Robert (Nouvelle édition millésime). P. 604.
63
BEACCO J.-C., BYRAM M., COSTE D. et al. (2016) « Guide pour le développement et la mise en œuvre
de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle ». P.21-22.
64
Ibid. p.22.
65
Ibid. p.22.
66
PUREN, Ch. (2014) « La Compétence culturelle et ses différentes composantes dans la mise en œuvre de
la perspective actionnelle. Une problématique didactique ». Dans Intercâmbio, 2e série, vol.7, pp. 21-38. [En
ligne]. [Consulté le 7 septembre 2020]. Disponible sur :
http://ezproxy.muni.cz/login?url=https://search.ebscohost.com/login.aspx?
direct=true&AuthType=ip,cookie,uid&db=asn&AN=101429396&lang=cs&site=eds-live&scope=site.

28
est une des composantes de la compétence culturelle, et que les deux entrent dans une
relation hiérarchique. Selon lui, la compétence culturelle est composée de non seulement la
compétence interculturelle, mais aussi de la compétence « co-culturelle »,
« métaculturelle » et « transculturelle ».67 Tel excès définitionnel s’avère déroutant.
Chaque ouvrage théorique semble utiliser une terminologie différente, ce qui complique
davantage les efforts d’établir une éducation interculturelle universelle. Ainsi, dans ce
mémoire, nous allons utiliser la perspective de Guide (2016).

3.4 Compétence interculturelle


Nous allons étudier l’ouvrage publié par le Conseil de l’Europe, Développer la
dimension interculturelle de l’enseignement des langues 68, afin de découvrir comment la
compétence interculturelle peut être enseignée aux apprenants.

Byram, Gribkova et Starkey (2002) expliquent que pour un enseignement réussi de la


dimension interculturelle, il faut viser deux compétences : linguistique et interculturelle ; et
ajoutent que les cultures sont en état de changement continuel. La culture ne peut donc pas
être comprise dans sa totalité, sa connaissance parfaite est peu probable, même par les
locuteurs natifs. Par ailleurs, la culture est liée à la notion d’identité sociale de ses
membres et à l’identité collective des communautés qui continuent à évoluer dans le temps.
Il est donc préférable, au lieu de centrer l’enseignement sur des connaissances qui
évoluent, d’enseigner les « savoirs ».

Dans le chapitre 2 Développer la dimension interculturelle de l’enseignement des


langues (2002), les auteurs extrapolent cinq composantes de la compétence interculturelle
qui sont nécessaires pour identifier les éléments de la culture. Ce sont69 :

- « Les points de vue et approches interculturels (ou le « savoir-être ») : curiosité et ouverture,


aptitude à réviser sa méfiance vis-à-vis des autres cultures et sa foi dans sa propre culture. »
- « La connaissance (ou les savoirs) : connaissance des groupes sociaux, de leurs produits et de leurs
pratiques, à la fois dans son propre pays et dans celui de l’interlocuteur ; connaissance, également,
des interactions générales entre les sociétés et les individus. »

67
Ibid. p.32
68
BYRAM M., GRIBKOVA B., STARKEY H. (2002). Développer la dimension interculturelle de
l’enseignement des langues. Une introduction à l’usage des enseignants.
69
BYRAM M., GRIBKOVA B., STARKEY H. (2002). Développer la dimension interculturelle de
l’enseignement des langues. Une introduction à l’usage des enseignants. p.12-15.

29
- « Les capacités d’interprétation et de mise en relation (« savoir comprendre ») : il s’agit de
l’aptitude générale à interpréter un document ou un événement lié à une autre culture, à les
expliquer et à les rapprocher de documents ou d’événements liés à sa propre culture »
- « Les capacités de découverte et d’interaction (« savoir apprendre/faire) » : il s’agit de la capacité,
en général, à acquérir de nouvelles connaissances sur une culture et des pratiques culturelles
données, et à manier connaissances, points de vue et aptitudes sous la contrainte de la
communication et de l’interaction en temps réel. »
- « La vision critique au niveau culturel (« savoir s’engager ») : il s’agit de l’aptitude à évaluer - de
manière critique et sur la base de critères explicites – les points de vue, pratiques et produits de son
propre pays et des autres nations et cultures. »

Se pose la question du rôle de l’enseignant dans cette approche. En fait, dès


l’approche communicative, l’enseignant n’est plus censé être le détenteur du savoir, ni
l’expert sur la culture de pays cible. Son rôle est de susciter l’intérêt des apprenants à eux-
mêmes et à l’altérité, de les encourager à discuter et à être critique ; et aussi d’arbitrer les
débats qu’il provoque. L’enseignant amène les apprenants à analyser et comparer ce qu’ils
apprennent sur la sphère culturelle de leur propre culture, et à comparer entre eux les
informations dont ils disposent sur la culture étrangère. En d’autres termes, l’enseignant
encourage les apprenants à faire l’analyse comparative des différentes cultures et en même
temps il stimule leur esprit critique.

Comme le soulignent le Guide pour le développement et la mise en œuvre de


curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle (2016) du Conseil de
l’Europe, « La compétence interculturelle (…) vise à mieux comprendre l’altérité, à établir
des liens cognitifs et affectifs entre les acquis et les apports de toute nouvelle expérience de
l’altérité, à permettre la médiation entre les participants à différents groupes sociaux et à
questionner des aspects généralement considérés comme allant de soi au sein de son propre
groupe culturel et de son milieu. »70

3.4.1 Méthodologie de la compétence interculturelle


Ayant établi la nécessité de former les apprenants en ce qui concerne la compétence
culturelle, nous allons examiner de plus près la méthodologie. Prenons l’exemple des
manuels scolaires de langues étrangères. Bien qu’il existe maintes façons d’organiser des

70
BEACCO J.-C., BYRAM M., COSTE D. et al. (2016). « Guide pour le développement et la mise en œuvre
de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle ». P.22.

30
manuels, d’après les méthodologies d’enseignement de langues, les manuels les plus
communs dans le domaine de la didactique des langues sont élaborés à partir du CECRL.
Les leçons dans ces manuels sont construites autour de « différents domaines d’action du
CECRL, (…) différentes thématiques, différents types de production finale visée, etc. »71.

L’apprentissage de la compétence interculturelle peut se faire, elle aussi, autour


d’un thème commun qui sert d’un thème de communication. Le point principal est de
présenter les activités d’une manière qui permet le regard critique, de donner le contexte.
Byram, Gribkova et Starkey (2002 : 24) mentionnent l’exemple de trois procédés qui
peuvent être employées lors d’un cours pour enseigner l’interculturalité. D’abord, ils
prennent l’exemple du « sport » pour démontrer comment réaliser cette démarche : ils
proposent de l’analyser sous différents angles, tels que « le sexe », « l’âge », « la région »,
« la religion » ou « le racisme » en posant des questions pertinentes aux apprenants. Le
but ? Remettre en question les préjugés et les stéréotypes. Ensuite, ils suggèrent d’évoquer
le point de vue opposé – celui de l’autre culture – et de demander aux apprenants de
réfléchir sur leurs pratiques culturelles, par exemple les vêtements qu’ils portent, la
manière dont ils vivent, l’alimentation, les coutumes spécifiques, etc. Finalement, ils
constatent que les apprenants peuvent concevoir de nouveaux exercices à partir du matériel
qui leur est proposé. Ils pourraient, par exemple, écrire la suite à l’actualité qu’ils viennent
de lire, ou réfléchir sur la position de son auteur et imaginer ce qu’en penserait les acteurs
de l’actualité.

En ce qui concerne la mise en place des activités, Développer la dimension


interculturelle de l’enseignement des langues (2002) constate qu’elles « doivent être
clairement prédéfinies, et comporter notamment des analyses des différences d’opinions,
ainsi que des écarts en matière d’information. »72

Beacco, Byram et Coste publient le Guide pour le développement et la mise en


œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle (2016 : 15) dans
lequel ils établissent la méthodologie de l’enseignement de la compétence culturelle. Ils y
insistent sur le fait que l’éducation interculturelle est une partie intégrante de la
méthodologie de la didactique des langues, donc de l’approche actionnelle.

71
PUREN, Ch. (2014). « La Compétence culturelle et ses différentes composantes dans la mise en œuvre de
la perspective actionnelle. Une problématique didactique ». P.34.
72
BYRAM M., GRIBKOVA B., STARKEY H. (2002). P.22.

31
En général, l’enseignement en approche actionnelle se fait par l’apprentissage par
tâches. Néanmoins d’autres méthodes, telles que par exemple les méthodes de l’approche
communicative, sont employés. Ces méthodes peuvent inclure le jeu de rôle, le fossé
informationnel, l’activité de casse-tête, l’activité de partage de l’opinion, etc. 73

Quant à la méthode de tâche, Puren (2012) introduit son modèle de l’analyse


textuelle dans Traitement didactique des documents authentiques et spécificités des textes
littéraires. Vu qu’il y utilise des documents authentiques en tant que support et qu’il se
concentre uniquement sur le contenu de ces documents et non sur la forme, ce que nous
aussi entendons faire dans notre analyse, nous allons exploiter son ouvrage pour présenter
la mise en place d’une « tâche ».

Dans le chapitre 2.2, Puren (2012) met en évidence 10 tâches pour effectuer
« l’activité globale » de l’explication de texte dans le cadre de la méthodologie active. Il
maintient qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser toutes les tâches lors de l’explication d’un
texte authentique unique, et que l’ordre dans lequel elles sont indiquées ci-dessus n’est pas
obligatoire. Il est, par exemple, possible de « juger » le texte et puis en « réagir », donc de
changer leur ordre.

Pour simplifier, nous allons citer les tâches - phases d’analyse textuelle - en les
décrivant brièvement74 :

1. Se préparer. La phase prend place avant l’exploitation de document même afin de motiver et de
susciter l’intérêt de l’apprenant.

2. Repérer. « Localiser et/ou identifier certains éléments du texte ».75 Dans le contexte culturel,
orienter les apprenants vers le contenu cible qui se reporte au objectif/thème choisi.

3. Analyser. Étudier le texte en fonction d’un/plusieurs thème(s).

4. Interpréter. Expliquer le texte en faisant appel aux connaissances préalables (du point de vue des
apprenants).

73
Texte original en anglais : « role-play, information gap, jigsaw activity, opinion-sharing activity ».
RICHARDS, J. C. (2006). Communicative language teaching. Cambridge University press. [En ligne]
[Consulté le 7 septembre 2020]. Disponible sur :
https://www.professorjackrichards.com/wp-content/uploads/Richards-Communicative-Language.pdf . P.18-
20.
74
PUREN, Ch. (2012). Traitement didactique des documents authentiques et spécificités des textes
littéraires : du modèle historique des tâches scolaires aux cinq logiques documentaires actuelles. [En ligne]
[Consulté le 7 septembre 2020]. Disponible sur : https://www.christianpuren.com/mes-travaux/2012j/. P.7-
17.
75
Ibid. p.8

32
5. Extrapoler. Contrairement à la phase précédente, « exploiter le document en tant que support
d’enseignement et de découverte culturels. »76, dans d’autres mots, tirer en des connaissances
nouvelles.

6. Réagir. Expliquer le texte au niveau personnel et subjectif.

7. Juger. Expliquer le texte au niveau objectif et raisonné.

8. Comparer. Faire appel à la compétence interculturelle :

« 1) faire appel aux connaissances et compétences des apprenants pour leur faire mieux prendre
conscience des réalités étrangères »77

« 2) à l’inverse leur faire mieux prendre conscience de leur propre culture »78

9. Transposer. Transposer l’expérience interculturelle du texte dans une expérience personnelle,


c’est-à-dire de votre culture. Identifier-vous avec la situation décrite dans le texte.

10. Prolonger. Utiliser le texte en tant que support pour un projet, souvent la production écrite.

3.4.2 Évaluation
Quant à l’évaluation de la compétence interculturelle, il y a un manque de
consensus d’opinion. Le Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums
pour une éducation plurilingue et interculturelle (2016 : 73) admet la nécessité
d’approfondir la recherche en ce qui concerne l’évaluation, qu’elle soit formative 79 ou
sommative. Tout comme Byram, Gribkova et Starkey (2002), le Guide constate que
les savoirs et les savoir-faire peuvent être évalués en somme, mais que le savoir-être ne
peut pas l’être.

Dans le cadre de l’évaluation formative de la compétence interculturelle, le Guide


(2016) propose d’utiliser l’Autobiographie de rencontres interculturelles. Dans le cadre de
l’évaluation formative de la compétence plurilingue, on y propose d’utiliser le Portfolio
européen des langues. Grâce à ces deux documents, facilement accessibles en ligne sur le
site web du Conseil de l’Europe, l’apprenant peut organiser son apprentissage des langues
étrangères et s’auto-évaluer, ce qui le guide vers l’analyse de ses compétences, donc vers
une plus grande autonomie de l’apprentissage. Cependant, aucune manière d’évaluation

76
PUREN, Ch. (2012). Traitement didactique des documents authentiques et spécificités des textes
littéraires : du modèle historique des tâches scolaires aux cinq logiques documentaires actuelles. p.12.
77
Ibid. p.16.
78
Ibid. p.16.
79
Par l’enseignant (feedbacks), l’autoévaluation (portfolios, journaux de bord) ou l’évaluation mutuelle par
des pairs. BEACCO J.-C., BYRAM M., COSTE D. et al. (2016). P.73.

33
sommative pour le savoir-être n’est suggérée par le Guide, ni d’ailleurs par Byram,
Gribkova et Starkey. Ceci pose un problème pour l’enseignement formel, car l’auto-
évaluation n’y est pas acceptée à l’heure actuelle.

3.4.3 État de lieu : enseignement de la compétence interculturelle en République tchèque


Vu que ce mémoire porte sur l’enseignement des langues en République tchèque,
nous allons évoquer des contraintes qui sont imposées au système éducatif par des
documents régulateurs lorsqu’il s’agit de la culture-civilisation et de la compétence
interculturelle.

La République tchèque, en tant que membre de l’Union européenne, est influencée


par les politiques linguistiques promues par le Conseil de l’Europe. Ces influences sont
apparentes dans le Rámcový vzdělávací program (RVP), ou Curriculum par compétences
pour l‘enseignement, qui est publié par le Ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et du
Sport de la République tchèque.80 Le but de RVP est de dresser une définition générale de
programme d’études dans les écoles tchèques. Il existe plusieurs RVPs, chacun d’eux n’est
valable que pour un type d’école. L’enseignement approfondi des langues étrangères se fait
surtout dans les lycées généraux, c’est donc le RVP-G (2007) 81 qui les réglemente dont
nous allons nous intéresser.

Dans la partie « Langues et communication », le RVP-G identifie les objectifs de


l’apprentissage des langues et spécifie les connaissances et les compétences que chaque
apprenant doit acquérir dans le cadre de « cizí jazyk », première langue étrangère,
habituellement l’anglais, et « další cizí jazyk », deuxième langue étrangère. Cependant, le
RVP n’impose pas l’enseignement obligatoire des langues concrètes.

Le RVP évoque l’objectif global de l’apprentissage des langues, c’est-à-dire


l’objectif de l’apprentissage de la langue tchèque, de la 1 re et de la 2e langue étrangère :
« À l’heure actuelle, l’enseignement des langues encourage l’augmentation de niveau de la
compétence communicative pour que les apprenants puissent s’exprimer efficacement en
ce qui concerne les thèmes de la vie quotidienne, pour qu’ils soient capables d’établir des

80
Texte original en tchèque : Ministerstvo školství, mládeže a tělovýchovy České republiky (MŠMT).
81
Rámcový vzdělávací program pro gymnázia. Praha : MŠMT. [En ligne] [Consulté le 8 septembre 2020].
Disponible sur : http://www.nuv.cz/t/rvp-pro-gymnazia.

34
liens personnels et professionnels et pour qu’ils apprennent à comprendre et à respecter la
culture et les coutumes d’autrui. »82

Les objectifs secondaires de l’apprentissage des langues, pertinents au regard de la


compétence interculturelle telle que décrite dans le CECRL, sont les suivants83 :

- La maîtrise et le respect des règles de base de la communication interpersonnelle au sein de la


culture cible

- La formation de la connaissance générale du développement socio-historique de la société humaine


qui aide à respecter et à tolérer les valeurs culturelles des différentes communautés linguistiques.

- L’établissement d’une relation personnelle, critique et globalement positive envers la littérature et la


mise en œuvre d’une habitude de lecture individuelle de textes littéraires et non-littéraires qui se
manifestera dans l’orientation personnelle future de l’apprenant

- La compréhension de soi-même, la compréhension de son rôle dans différentes situations de


communication, et la capacité de définir sa position parmi les interlocuteurs différents

- La formation des orientations de valeurs, de préférences de goût et de la perception sensible du


monde environnant ; la perception de soi-même

Bien que les définitions que nous retrouvons dans le RVP ne répondent pas exactement aux
composantes de la compétence interculturelle tels que décrits par Byram, Gribkova et
Starkey (2002), nous repérons des objectifs parallèles.

Le RVP ne mentionne que les objectifs. Il énumère aussi les catégories de « savoirs »
et de « savoir-faire » inscrites dans le programme d’étude. Ce sont : la compétence de
compréhension ; la compétence d’expression ; la compétence d’interaction, les moyens
langagiers et les fonctions du langage ; la compétence communicative et les types de
textes ; le lexique par thème et les situations de communication ; la civilisation.84

La « civilisation » inclut les thèmes suivants : géographie et description du pays


cible ; événements historiques et personnages principaux ; comparaison avec des pratiques
sociales et des traditions tchèques ; culture, art, sport, personnages principaux choisis et
extraits des œuvres littéraires importantes. »85 En d’autres mots, le concept tchèque de
civilisation comprend la définition de la civilisation classique (la littérature, l’art,

82
Rámcový vzdělávací program pro gymnázia. p.13 traduit de tchèque
83
Ibid. p.13 traduit de tchèque
84
[Anonyme]. « Další cizí jazyk. ». Dans Rámcový vzdělávací program pro gymnázia. Praha : MŠMT. [En
ligne] [Consulté le 8 septembre 2020]. Disponible sur : http://www.nuv.cz/t/rvp-pro-gymnazia. P.19-21.
Traduit de tchèque
85
Ibid. p.21 traduit de tchèque

35
l’histoire…) ainsi que les pratiques socio-culturelles et la compétence interculturelle, car
on demande aux apprenants de comparer leurs expériences avec celles d’une autre culture.
Néanmoins, l’énumération des thèmes n’indique pas les détails de ce qu’on entend
enseigner et dans quelle mesure. Ce type de décision est laissé aux écoles elles-mêmes.

Quant aux « compétences » dans le contexte tchèque, le RVP-G précise six


« compétences clés », qu’il définit comme un « ensemble de connaissances, de savoir-faire,
de capacités, d’attitudes et de valeurs qui sont importantes pour le développement
personnel de l’apprenant, son intégration active dans la société et la mise en valeur
de l’éducation obtenue. »86 Ces compétences clés sont : compétence à apprendre,
compétence à résoudre des problèmes, compétence communicative, compétence sociale et
personnelle, compétence civique et finalement compétence entrepreneuriale. »87
Néanmoins, il s’agit des compétences générales qui n’opèrent pas sur la même base que les
compétences inscrites dans le CECRL. La culture/l’interculturalité n’y sont pas
mentionnées.

86
Ibid. p.8 traduit de tchèque
87
Ibid. p.9-11 traduit de tchèque

36
4 Manikanetish de Naomi Fontaine
Naomi Fontaine est une jeune auteure francophone de descendance innue. Née en
1987 à Uashat, une réserve de la Côte-Nord du Québec, elle entreprend des études de
français à l’Université de Laval pour devenir enseignante. Sa première œuvre, Kuessipan,
parut en 2011. Ce roman dont le nom innu signifie « à toi » ou « à ton tour » ramène le
lecteur à une réserve innue pour lui faire découvrir la vie quotidienne de ses habitants.
Ayant du succès, l’œuvre est adaptée au cinéma en 2019.

Après avoir fini ses études, Fontaine revient à la réserve de sa naissance pour devenir
enseignante. Elle s’inspire de son expérience pour écrire son deuxième roman,
Manikanetish (2017), ou « petite margarite », en innu. Il s’agit d’un récit presque
autobiographique : comme Fontaine, le personnage principal est une institutrice débutante
qui enseigne le français dans la réserve d’Uashat.

Le troisième et pour le moment dernier roman se déroule aussi dans la réserve. Il


paraît en 2019 sous le nom Shuni : ce que tu dois savoir, Julie. Shuni est la prononciation
innue de « Julie ». Il est écrit sous la forme d’une lettre qu’une femme innue rédige pour
l’envoyer à une ancienne amie qu’elle n’a pas revue depuis l’enfance. À travers ses 3
romans, Fontaine tente de montrer au lecteur la vie en réserve telle qu’elle la connaît, ainsi
que les conditions sociales qui y règnent. Grâce à ses efforts à cet égard, elle reçoit le Prix
Voix Autochtone 2020 en catégorie de prose publiée en français pour Shuni.88

4.1 Manikanetish : résumé, composition et style d’écriture


Manikanetish suit les pas d’une jeune femme d’origine innue, Yammie,
nouvellement diplômée en enseignement du français. Yammie, la narratrice et en même
temps le personnage principal, nous amène à (re)découvrir la réserve et ses problèmes
durant la période d’une année scolaire. Le livre commence quand Yammie, ayant vécu
dans la société des blancs dès l’enfance, décide de revenir à son lieu de naissance, la
réserve d’Uashat, pour prendre un poste d’institutrice au lycée local. Jeune enseignante,

88
[Anonyme]. « Naomi Fontaine. Biographie ». Dans Kwahiatonhk. [En ligne] [Consulté le 1 septembre
2020] Disponible sur : https://kwahiatonhk.com/auteurs/naomi-fontaine/#1533653833396-3a68569f-b417;
[Anonyme]. « Naomi Fontaine ». Dans Mémoire d’encrier. [En ligne] [Consulté le 1 septembre 2020]
Disponible sur : http://memoiredencrier.com/naomi-fontaine/ ; [Anonyme]. « Kuessipan ». Dans Mémoire
d’encrier. [En ligne] [Consulté le 1 septembre 2020]. Disponible sur : http://memoiredencrier.com/kuessipan-
naomi-fontaine/.

37
Yammie est pleine d’élan pour sa profession, bien qu’elle ait sa part de craintes et
d’incertitudes. Malgré l’amour qu’elle ressent pour son petit ami blanc, elle le laisse
derrière à Québec car il semble que les idées qu’ils se sont faits de leur avenir ne se
croisent plus. Elle a hâte de partager ses connaissances et faire découvrir à ses élèves le
monde en dehors de l’espace limité de la réserve, le seul espace qu’ils connaissent.
Pourtant, elle ne s’attend pas à ce que les expériences qu’elle vivra au sein de la réserve la
changeront d’une manière aussi profonde. Entre les histoires bouleversantes de ses élèves
qui mènent tous des vies pleines de moments dramatiques, ses efforts éducatifs lors des
cours de français et ses efforts de mener à bien la mise en scène d’un jeu de théâtre
scolaire, Yammie devient une personne nouvelle. Elle ressent une solitude profonde dans
le milieu inconnu. Elle qui s’est fait une vie en dehors de la communauté autochtone, telle
une « blanche », la fille qui a été élevée en dehors de la réserve, réussit à se renouer avec
son peuple. Cependant, la solitude profonde qu’elle a ressentie dans le milieu inconnu ne
l’abandonne pas complètement.

Quant au style du roman, Fontaine emploie une écriture simple et subtile. Sa


simplicité se montre dans les phrases courtes, le vocabulaire de la langue familière et
l’occasionnel « pas » omis. Le récit à la première personne montre le point de vue de
Yammie, à travers des expériences et des manques d’expérience d’une personne qui se
trouve dans un milieu nouveau. Manikanetish peut être lu de deux façons. Les lecteurs
non-autochtones peuvent le lire comme une expérience personnelle, s’imaginer à la place
de l’enseignante et découvrir au fur et à mesure son univers. En même temps, les lecteurs
autochtones pourraient lire le roman comme une redécouverte des racines, car Yammie, en
tant qu’autochtone, possède déjà des expériences antérieures nécessaire pour interpréter les
intrigues. Ce qui est décevant dans ce récit, c’est que nous en tant que lecteurs ne pouvons
pas savoir si elle les interprète fidèlement, car la voix des autres personnages n’est pas
incluse. Leurs actions sont décrites par le personnage principal qui a pu mal comprendre
leurs motifs. Nous ne saurons jamais si la narratrice est fiable, mais prenant en compte le
fait que l’auteure elle-même appartient au peuple innu, nous pouvons décider de lui faire
confiance. D’autant plus que, par manque d’informations concernant l’auteure, nous ne
pouvons ni affirmer ni nier le fait que Manikanetish soit un récit autobiographique.

En ce qui concerne la composition, Manikanetish commence par une citation en


innu traduite en français, et par un chapitre court qui sert d’introduction. Le corps du
roman est divisé en trois grandes parties d’à-peu-près de la même longueur intitulées, dans

38
l’ordre : « L’inconnu », « La vie est un combat », « Les choses que je ne peux changer ».
« L’inconnu » parle des premières expériences de Yammie dans la réserve et finit quand
elle rompt avec son petit ami blanc. Dans la 2 e partie, le personnage principal trouve un
petit ami innu et consent à assurer la mise en scène du Cid avec ses élèves. Dans la partie
finale, elle accepte d’être responsable pour une sortie dans la nature et réussit à mener à
bien la réalisation de la pièce de théâtre, en dépit du fait qu’un des acteurs-étudiants
déménage. Qui plus est, dans la vie personnelle, Louise accepte malgré elle, de porter à
terme le bébé de son petit ami innu et cela même si elle doit le faire seule.

Chacune des trois parties se passe dans le cadre d’une année scolaire et comprend
des chapitres courts d’une à trois pages maximum. Le premier mot de chaque chapitre est
en italiques, en guise de titre ou de thème. Il s’agit souvent des noms de personnages (par
ex. Mikuan, Marc, Stanley), des lieux, des actions ou des événements. Certains thèmes se
répètent, tels que « cours » ou « théâtre », et certains n’apparaissent qu’une fois. En fait, la
composition du livre est telle que nous pouvons le lire comme un recueil de nouvelle, des
sketchs qui attirent le lecteur à lire pour découvrir l’univers innu.

4.2 Analyse thématique


Plusieurs thèmes récurrents apparaissent dans Manikanetish. Le plus évident est le
thème de l’appartenance - à la communauté minoritaire, innu, et à la société majoritaire
blanche – qui relie le récit. D’autres thèmes universels sont : la question de l’identité, la
question de l’autre et la question de la société de la réserve, y compris les problèmes
sociaux qui touchent les innus.

4.2.1 L’appartenance et l’identité


Yammie, le personnage principal du récit, prend progressivement conscience de sa
place dans la société. Enfant, elle est partie de la réserve d’Uashat avec sa mère sans le
vouloir. Quinze ans plus tard, à l’âge de 23 ans, elle revient à son lieu de naissance qui lui
est désormais étranger. Elle a reçu une éducation à Québec et elle n’est plus liée à sa terre
natale de la même manière que les autres innus. Elle est aussi ignorante des traditions et
des coutumes de son peuple.

39
Bien que tous les autres membres de sa famille, sauf sa mère, semblent vivre dans la
réserve et aux alentours, Yammie ne les reconnait pas. Pour avoir grandi dans un autre
milieu, elle a perdu les liens qui se serait autrement formés autour d’elle dans la
communauté de la réserve, au sein de sa famille élargie. Pour Yammie, les nombreux
oncles et tantes sont des inconnus, mais rien n’est perdu. À son retour, elle commence à
redécouvrir ses parents. Pendant un cours de français par exemple, à l’étonnement général,
elle apprend qu’une de ses élèves est sa cousine. À ce point de l’histoire, Yammie elle-
même reconnaît que ne pas connaître sa famille immédiate est étrange : « Je sentais bien
que cette ignorance dérangeait. La généalogie qui s’allongeait, s’élargissait. Être liée à
tous, par tous. »89

Pour ses élèves, par contre, ne pas être au courant de non seulement sa famille, mais
aussi des habitants de la réserve, est inattendu. Dans la communauté, les nouvelles se
répandent vite parmi tous ceux qui y appartiennent - sauf que Yammie n’y appartient pas
de la même façon que les Innus qui y sont vécus leur vie entière. Ceci devient apparent à
plusieurs occasions dans le récit. Un exemple serait l’ignorance de l’existence des parents
avouée par Yammie. L’autre, moins évident, le fait que les nouvelles des difficultés de
Marc ne lui parviennent que très tard, par une élève indignée qui ne comprend pas
comment l’enseignante pouvait ne pas être au courant. Mais Yammie n’est pas la seule qui
ne fait pas partie intégrale de la communauté. Ses expériences du début du récit trouvent
parallèle avec celles de Mikuan, son élève qui a aménagé à Uashat à l’âge de dix-sept ans :
de nombreuses années plus tard, Uashat n’est toujours pas « chez elle ».90 Tout comme
Mikuan, Yammie éprouve un sentiment d’exclusion, malgré ses efforts d’intégration.

Les expériences de Yammie et de Mikuan indiquent qu’il ne s’agit pas de


l’appartenance au peuple innu qui empêche l’appartenance à la communauté. Les deux
sont de descendance innue, ainsi, c’est le fait de ne pas avoir vécu au sein de la
communauté dès la naissance qui les exclut. Toutefois, contrairement à Mikuan, Yammie
s’intègre peu à peu. Le fait d’être née à Uashat lui accorde l’opportunité de redevenir un
membre à part entière de sa communauté innue.

Le personnage principal souhaite ardemment avoir quelqu’un proche d’elle, une âme
sœur, pour pouvoir créer des liens personnels autres que familiales. Mais au sein de la
communauté, il lui est même difficile de trouver des amis qui l’aideraient à se réapproprier

89
FONTAINE, N. (2017) Manikanetish. p.32.
90
Ibid. p.35

40
son héritage. De fait, le roman manque le personnage d’un ami. Yammie mentionne que
les autres enseignants ne s’intéressent à elle, et en ce qui concerne les élèves, elle constate
qu’il faut entretenir des relations professionnelles. Pourtant, au cours de l’histoire, c’est
avec les étudiants qu’elle a les relations les plus amicales, comme par exemple avec
Mikuan, ou avec ceux qui font la sortie dans le bois.

À part l’amitié, elle entretient une relation amoureuse avec Stanley, un « mauvais
gars »91 dont elle semble avoir honte : elle ne peut pas imaginer de le présenter à sa mère,
car il est irresponsable, il n’a pas de travail, de diplôme, il se drogue, il est alcoolique. De
plus, il est père de plusieurs enfants de femmes différentes à qui il ne s’intéresse pas. Ce
dernier détail mentionné dans le récit présage le destin de Yammie. Elle aussi tombe
enceinte et elle est abandonnée à son tour. Quand elle décide de garder le bébé, son avenir
devient incertain.

Yammie elle-même ne sait pas comment continuer, mais envisage repartir pour la
ville de Québec et continuer ses études. Grâce à ce séjour à Uashat et aux expériences
qu’elle a vécu à travers ses élèves, elle accepte enfin son héritage innu. Le fait qu’elle
considère le retour à Québec démontre qu’elle n’a pas oublié les années passées dans la
société des blancs et qu’elle a désormais deux identités particulières, parallèles, qui
coexistent en elle et qui se mélangent l’une à l’autre. Son identité de « blanche », celle
d’une innu moderne vivant en ville, elle l’a eue depuis le début de Manikanetish. Son
identité « innue », elle l’a (re)découverte à Uashat.

Au début, de retour à Uashat, elle se sent « autre », plus blanche que toute autre. Lors
des rencontres avec la famille élargie de la réserve, elle fait semblant d’y appartenir, tout
en se sentant comme une blanche : « Durant les repas en famille, ou les soirées de bingo,
j’ai préféré être sans opinion qu’étrangère. Je voulais faire partie, quitte à me fondre dans
la masse. À nouveau. »92 En réalité, le même sentiment d’aliénation qu’elle ressent à
Uashat l’a poussée à quitter Québec. Dans la ville, mais surtout à la pensée de vivre le rêve
de son amant blanc, Nicolas, dont le rêve était de vivre dans une maison blanche à côté des
champs, elle se sentait déplacée.

Tout au long de Manikanetish, Yammie est confuse quant à son identité. Enfant, elle
a été obligée de quitter la réserve. Adulte, elle devait y revenir pour être en mesure
d’accepter son héritage innu. Sinon, elle n’aurait appartenu nulle part, se trouvant
91
FONTAINE, N. (2017) Manikanetish. p.96
92
Ibid. p.33

41
constamment pas assez blanche et pas assez innue. Garantie, même au retour à Uashat,
empruntant le chemin de retour qui est « le chemin des exilés »93, elle se sent étrangère,
une personne du dehors. Mais progressivement, elle se réconcilie avec son identité innue.
La réserve, qu’elle caractérise d’abord comme une « clôture désuète et immobile… que
l’on appelle une communauté que pour s’adoucir le cœur »94 lui devient chère. Elle se rend
compte du fait que son peuple et la réserve lui ont manqué. La première fois qu’elle part
dans les bois, elle redécouvre l’importance de la nature perdue dans l’enfance dont elle ne
peut pas se gorger : « J’ignorais que la forêt m’avait tant manquée. Toutes ces années.
Alors, j’y retourne la fin de semaine qui suit. Puis l’autre. J’apprends à poser des collets, à
ne pas craindre la noirceur. Puis encore l’autre fin de semaine. Jusqu’à ce que la première
neige rende la route impraticable. »95

4.2.2 La réserve et les conditions sociales


Quand Yammie revient à la réserve, elle se rend compte du fait que la vie dans un
milieu géographiquement isolé, amène des difficultés particulières. Les jeunes ont des
perspectives d’avenir sombres : enfermés dans la réserve, leur monde offre des
opportunités limitées, sauf s’ils partent en ville, qui au contraire, les prive de la vie en
communauté à laquelle ils sont habitués, de leurs coutumes, leurs traditions, et les expose à
la discrimination éventuelle.

Quant aux problèmes de la réserve dans Manikanetish, il s’agit principalement des


expériences personnelles de ses élèves et de leurs familles. Nous les verrons à travers le
point de vue de personnage principal, l’alter ego de l’auteure. De fait, les étudiants de
Fontaine sont réels – l’auteur a demandé la permission de ses anciens élèves de « relater
leur expérience dans son roman […où elle a réussi] à démontrer que ces jeunes ont une
force de caractère incroyable, à la mesure des défis qui les entourent. » 96 Le récit entier est
écrit en leur hommage. Tremblay, elle aussi affirme, en parlant d’une émission radio de
l’auteure, que Fontaine « voulait surtout souligner la force de caractère des Innus dont elle

93
FONTAINE, N. (2017) Manikanetish. p.10
94
Ibid. p.13
95
Ibid. p.31
96
CHAGNON, K. (19 décembre 2017). « L’infiniment grande Petite Marguerite ». Dans Spiral Web. [En
ligne] [Consulté le 8 octobre 2020]. Disponible sur :
https://www.academia.edu/35853570/Linfiniment_grande_Petite_Marguerite. P.3

42
s’est inspirée. »97 et que « ce qu’elle voulait qu’on voie, c’est surtout la force qui émane
des personnages », malgré les conditions adverses de la réserve.

Considérant la position de Yammie en tant qu’enseignante au lycée, nous


remarquons aussitôt la prévalence des mères adolescentes dont le sort s’avère difficile.
Étudiantes, elles sont censées s’occuper également de leurs enfants et sont ainsi bien
souvent forcées d’abandonner leurs études secondaires. D’abord, il y a Mikuan, qui a un
garçon de deux ans et un amoureux dont elle se plaint ainsi : « Quand j’arrive à
l’appartement et que je me rends compte que mon chum a rien fait. Pas le ménage, pas la
cuisine, pas la vaisselle. Pis en plus, je dois m’occuper du souper et de mon garçon. Des
fois, j’ai juste envie de retourner à Pakua Shipi [son ancienne réserve]. »98

Il y a d’autres filles, encore moins contentes avec leur vie que Mikuan. En guise
d’exemple, nous allons mentionner les sœurs Myriam et Marithée, toutes les deux mères
adolescentes. Leur partie de l’histoire commence quand nous apprenons avec Yammie que
Marithée s’est suicidée, sans que personne sache la raison exacte. La rumeur court vite
dans la communauté soudée, provoquant la déprime des élèves, et démontre que le suicide
chez les jeunes devient vite endémique dans les communautés pareilles où ils manquent
d’objectifs dans la vie. Le suicide de Marithée elle-même aurait pu être inspiré par la
tentative de suicide de son amie Maya, qui a fini par être envoyée, temporairement, à
l’asile psychiatrique de l’hôpital. Le décès de Marithée a une grande influence sur la
communauté – l’idée du suicide se répand - et sur le reste de sa famille : à dix-sept ans,
Myriam devient la fille aînée, responsable de ses nombreux frères et sœurs en plus de son
propre enfant.

Vu les conditions sociales, il n’est pas surprenant que la réussite scolaire des élèves
autochtones de la réserve, dans ce cas des filles, est moindre que celle de leurs pairs et que
certains souffrent d’un désespoir profond. De plus, l’alcool, les drogues et d’autres
dépendances constituent un problème grave des communautés autochtones. Dans
Manikanetish, ceci est illustré par le cas de Stanley, le petit ami de Louise, mentionné ci-
dessus.

L’école et la réussite scolaire, thèmes très présents dans le récit, représentent le


moyen d’esquiver l’avenir incertain. Le rôle de Yammie, enseignante, est d’ouvrir la voie
97
TREMBLAY, J. (5 novembre 2017). « Naomi Fontaine : la force des Innus ». Dans Radio-Canada. [En
ligne] [consulté le 8 octobre 2020]. Disponible sur : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1065491/naomi-
fontaine-uashat-roman-eleves-innu
98
FONTAINE, N. (2017) Manikanetish. p.51

43
future aux jeunes innus, ce qu’elle a l’intention de faire à travers la littérature française
dont elle introduit le pouvoir dans ses cours. Les possibilités élargies de ceux qui finissent
leurs études secondaires sont claires : après la mort de sa mère, Marc déclare qu’il veut
partir pour faire ses études à Québec et Julie, jeune fille heureuse d’être enceinte, exprime
son désir de devenir infirmière. Toutefois la continuation des études – le cégep et les
études universitaires – impliquent le départ de la réserve.

Quand Yammie arrive à Uashat, elle n’amène que les capacités d’une enseignante de
français, mais elle devient aussi la metteuse en scène d’une pièce de théâtre. C’est aussi à
travers ses efforts éducatifs parascolaires que nous découvrons que les élèves ne se sont
pas soumis à la vie de réserve. Pour les étudiants innus, la mise en scène de la pièce de
théâtre est : « Plus qu’une simple activité scolaire, elle constitue […] un projet commun
dans lequel ils peuvent enfin s’investir. […] Même l’élève le plus insolent de Yammie
souhaite y participer. Lorsqu’elle accepte enfin qu’il le fasse, il est métamorphosé. »99

Par ailleurs, le choix de la pièce – Le Cid - est spécifique. Quelle raison Yammie
pourrait-elle avoir pour choisir un drame tellement obscur, d’origine européenne du 17 e
siècle ? Pour les élèves qui ont des difficultés avec le français courant, réciter des
alexandrins de Corneille est déjà un défi. Qui plus est, le thème leur est
éloigné géographiquement et culturellement, ce qui s’avère être une décision géniale car,
comme Yammie le souligne, il est plus facile de se mettre dans la peau d’un personnage
qui nous est éloigné. Vu que Yammie choisi cette œuvre malgré les difficultés qu’elle
pose, nous présumons qu’une autre raison pour son choix est la question identitaire. Quand
elle présente la pièce jeu à sa future troupe, les élèves réclament une œuvre innue, ou au
moins celle qui se passe au Québec. Mais en choisissant Le Cid, Yammie élargit les
horizons des élèves : en participant à la production théâtrale, les étudiants doivent imaginer
les personnages de Cid, comprendre les sentiments et les raisonnements qui poussent les
personnages à réagir. Dans ce sens, faire du théâtre est comparable au fait de faire une
analyse. De plus, l’avantage d’une pièce de théâtre, et des jeux de rôle dans
l’enseignement, est l’apprentissage indirect, par exemple en suivant des objectifs affectifs,
ou, ce qui est pertinent pour ce mémoire, des objectifs interculturels.

Jusqu’ici, nous travaillons avec l’idée qu’il n’existe que deux voies à suivre pour les
jeunes innus – la « solitude » de la ville ou le « désespoir » de la réserve. Déjà, cette idée
99
BOULANGER, J. (7 janvier 2018). « Manikanetish de Naomi Fontaine ». Dans Le bal des absentes. [En
ligne] [Consulté le 8 octobre 2020]. Disponible sur :
lebaldesabsentes.wordpress.com/2018/01/07/manikanetish-de-naomi-fontaine/#more-2117

44
est une simplification du choix dont ils disposent. Nous avons ignoré la possibilité, réelle,
mais peu probable, représentée par le personnage de Jean-Guy. L’hiver, Jean-Guy vit la vie
innue de chasseur d’autrefois, ce que la plupart des autochtones ne peut plus faire que
pendant des excursions occasionnelles, comme quelques étudiants qui sont venus au
territoire ancestral avec leurs familles. Les élèves et Yammie rencontrent ce personnage
lors d’une excursion dans le bois de Nutshimit, à l’intérieur des terres à plus de 550 milles
d’Uashat. Jean-Guy, d’après Yammie, « C’était un Innu qui vivait la vie d’un Innu.
Lorsqu’il enfilait son lourd manteau cousu en toile brodée et fait sur mesure pour ses
épaules. Lorsqu’il conduisait fiévreusement son ski-doo, fusil en bandoulière sur le dos,
suivant des pistes ensevelies par la neige et la glace. Lorsqu’il installait des collets à
quelques milles de son chalet, confiant. »100

Le séjour dans la nature a un effet calmant sur le groupe, qui constatent un isolement
de la réalité de la vie dans la réserve, l’expérience qu’ils aimeraient prolonger. Une élève
rigole même du fait qu’elle ferait venir ses enfants pour en faire une famille de bois, une
notion attirante mais absurde. L’importance de la nature est évoquée aussi par Yammie,
quand elle redécouvre son héritage innu. Elle insiste que « Deux jours dans [la] forêt, ce
n’est pas suffisant. Pas assez long pour [se] réapproprier ce qu[‘elle a] quitté dans
l’enfance. »101

100
FONTAINE, N. (2017) Manikanetish. p.105
101
Ibid. p.31

45
5 Histoires nordiques de Lucie Lachapelle
Lucie Lachapelle est une auteure et réalisatrice québécoise. Née à Montréal, elle a
obtenu le diplôme en Communication, profil cinéma, de l’Université du Québec. Son
premier roman, Rivière Mékistan (2010), est inspiré par sa vie à Abitibi à côté des
Premières Nations. Lachapelle y raconte le retour d’Alice, le personnage principal, dans le
milieu amérindien, et relève le thème de l’(in)compréhension mutuelle entre les blancs et
les amérindiens. En 2011, Rivière Mékistan reçoit le Prix littéraire France-Québec.

Durant sa carrière, Lachapelle a été enseignante, notamment chez les Inuits au


Nunavik, consultante en communication et recherchiste pour des documentaires de
l’ONF.102 Son séjour à Nunavik lui a donné le stimulus pour écrire sa deuxième œuvre, un
recueil de nouvelles au nom d’Histoires nordiques (2013) pour lequel elle remporte le Prix
littéraire des enseignants AQPF/ANEL en 2014. Son dernier roman pour le moment, Les
étrangères, a paru en 2018. Elle y rompt avec la tradition, car il ne s’agit pas d’un roman
amérindien.

En ce qui concerne le film, Lachapelle a écrit et réalisé de nombreux documentaires,


en commençant par La Rencontre (1994), Femmes religieuses (1999), L’Autisme (2001) ou
Les Phobies (2002). Elle a reçu le Prix Gémeux du multiculturalisme pour Village
Mosaïque parut en 1996. À l’heure actuelle, en plus d’être écrivaine, elle travaille en tant
qu’animatrice d’ateliers d’écriture, conférencière et consultante en scénarisation. 103

5.1 Histoires nordiques : résumé, composition et style d’écriture


Le recueil Histoires nordiques raconte l’histoire de Louise, une jeune femme
québécoise qui décide de venir au Nord pour devenir enseignante. Le point focal de
l’œuvre, ce sont les expériences de Louise dans le monde nordique. Sa présence est le fil
rouge qui relie les nouvelles l’une à l’autre et oppose la présence du Sud et des blancs aux
habitudes et coutumes du Nord. Louise y découvre les pièges de la vie dans un village inuit

102
L’Office national du film du Canada.
103
[Anonyme] « Lucie Lachapelle, auteure et écrivaine ». Dans Municipalité d’Oka. [En ligne] [Consulté le
20 Septembre 2020] Disponible sur : https://www.municipalite.oka.qc.ca/repertoire-lucie-lachapelle,-auteure-
et-ecrivaine ; [Anonyme] « Lucie Lachapelle, écrivaine et réalisatrice ». Dans Mémoire d’encrier. [En ligne]
[Consulté le 20 septembre 2020] Disponible sur : https://lucielachapelle-auteur-realisatrice.blogspot.com/ ;
[Anonyme] « Rivière Mékistan ». Dans Bibliothèque québécoise. [En ligne] [Consulté le 20 Septembre 2020]
Disponible sur : http://www.livres-bq.com/catalogue/309-riviere-mekiskan.html.

46
isolé des années 1980. Elle n’est d’abord qu’une « blanche » naïve, pleine d’admiration et
d’enthousiasme pour la civilisation inuite. Pourtant, au fil des années, Louise ressent de
plus en plus la solitude pesante et se rend graduellement compte de nombreux points
négatifs de la vie chez les Inuits : des réalités de la vie des femmes et des problèmes
sociaux, tels que la violence, les suicides, les dépendances de l’alcool et de drogues, la
perte d’identité. Finalement, en dépit de l’amour et de l’admiration qu’elle pour le Nord,
pour son peuple et pour la nature, elle décide de revenir au Sud. Pour elle au moins, sinon
pour tout le monde, le nord n’offre pas d’avenir.

Le recueil ne se réduit pas au récit de Louise. Au contraire, il s’agit d’une œuvre rare
qui accorde au lecteur non seulement le point de vue des blancs, mais aussi le point de vue
de l’autre - des personnages inuits – à travers leurs portraits. Il y a l’amie de Louise, Annie,
qui a une famille nombreuse, une dizaine d’enfants dont elle s’occupe sans cesse. Tamusi,
l’amoureux de Louise qui a perdu une partie d’héritage de son peuple dans les pensionnats
du Sud, d’ailleurs comme la plupart des hommes de sa génération. Qumaluq, un vieux inuit
qui souffre des traumatismes de la guerre, à laquelle il s’est engagé comme volontaire, et
qui n’est sauvé que par l’amour de la nature du Nord, de la chasse et la pêche. Il y a la
vieille Akinisie, guérisseuse de profession, qui se souvient bien du temps où son peuple
vivait la vie nomade. Une femme qui, avec la perte des traditions inuites due à la vie en
réserve, perd graduellement sa place dans la société. Ce n’est pas tout, d’autres
personnages encore apparaissent dans les histoires : Kurt, un blanc, qui est le commis
d’aéroport, ou le jeune Pitaa, l’enfant d’un chasseur renommé qui a élevé tous ses enfants
dans la tradition inuite.

Histoires nordiques ont une composition bien réfléchie. Le recueil comprend 13


nouvelles, divisées en deux parties principales de 6 nouvelles par une nouvelle très courte,
intitulée La Folie, qui remplit le rôle d’un tournant. Le recueil se lit d’une manière aussi
fluide qu’il pourrait être considéré comme un roman dont les nouvelles sont les chapitres.
Les premières 6 nouvelles introduisent le point de vue positif : Louise arrive au Nord,
passionnée pour son métier d’enseignante, elle apprend l’inuktitut, se fait des amis,
découvre les coutumes inuites, tombe amoureuse d’un jeune inuk. Mais déjà, la nouvelle
précédant « La folie », intitulée « Mélancolie », insinue un retournement au lecteur qui
devient d’autant plus apparent dans les 6 dernières nouvelles. Elles démontrent, dans un
premier temps, les aspects négatifs de la vie dans le Nord aperçus par Louise et, dans un
deuxième temps, l’influence de la vie dans le Nord sur son bien-être.

47
Quant au cadre temporel des nouvelles, la plupart se déroulent pendant que Louise
enseigne dans le Nord dans les années 1980, mais la longueur de son séjour n’est spécifiée
que par une vague constatation : « Les années ont passé »104. La première nouvelle a lieu
quelques années avant l’arrivée de Louise au Nord en tant qu’enseignante, au moment où
elle était encore étudiante. Les dernières deux nouvelles, par contre, prennent place 20 ans
après, donc dans les années 2000. Toutes les nouvelles sauf la première se déroulent dans
et autour du même village inuit sans nom qui se trouve quelque part dans la baie d’Hudson.
La première nouvelle se déroule dans un village anonyme des côtes de l’Ungava et
d’Hudson.

Lachapelle utilise un style d’écriture documentaire et fluide, qui suscite en même


temps des émotions du lecteur tout en évitant d’émettre des jugements. Le récit, écrit en
troisième personne, nous offre le point de vue d’un narrateur omniprésent. La langue des
Histoires nordiques est littéraire, mais moderne et accessible au lecteur contemporain (et
étranger) par son emploi peu fréquent du passé simple et la prévalence du récit au présent.
Les phrases du récit varient en longueur en fonction de la situation. Lachapelle emploie de
longues phrases descriptives, mais alterne avec des phrases courtes et le discours direct
dont la présence est indiquée par le tiret. Pour varier le décor et pour s’approcher à la
situation langagière réelle du Canada, le recueil comprend des mots en inuktitut, du même
qu’en anglais, écrits en italiques. Le lecteur profite aussi de la partie du lexique inuktitut-
français qui se trouve vers la fin de l’œuvre.

5.2 Analyse thématique


De nombreux thèmes apparaissent dans Histoires nordiques. Contrairement
à Manikanetish, ce recueil de nouvelles est écrit par une Québécoise, donc une personne
extérieure à la culture autochtone, mais qui s’intéresse à la vie inuite traditionnelle. Ainsi,
plus d’espace y est consacré aux coutumes, à la nature, la chasse et la pêche, à l’apparence
physique, au style vestimentaire, à la nourriture, etc. Le thème central du récit est
néanmoins double. Il s’agit de la question d’identité vis-à-vis de l’autre et de la question
d’état de la société inuite liée aux conditions sociales.

104
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.105.

48
5.2.1 L’autre
Quand Louise arrive dans le Nord pour la première fois en tant qu’étudiante, elle est
fascinée par ce qu’elle découvre. Elle fait connaissance d’une jeune femme inuite, Kitty, et
ensemble elles s’embarquent pour une excursion. Les deux sont curieuses l’une par rapport
à l’autre et admirent la vie que l’autre mène. Chacune a l’impression que la vie ailleurs,
celle de l’autre, serait meilleure que ce qu’elles ont maintenant. Louise aimerait rester au
Nord où, pense-t-elle, elle n’aura plus « à plaire à l’un et à l’autre, à performer, à se
conformer, à prouver quoi que ce soit. »105 Kitty, au contraire, voudrait partir au Sud, où
elle n’aura pas, comme elle dit, « à servir les hommes, à travailler du matin au soir comme
sa mère. »106

Le rêve de Kitty est répété à plusieurs instances à travers le récit par des personnages
inuits, mais aucun ne sera apte à l’accomplir. Le rêve de Louise devient réalité quand, une
fois les études accomplies, elle prend le poste d’institutrice dans le Nord, prête à échapper
« à son vide existentiel, à son mal-être, à sa vie dépourvue de sens »107.

Une fois venue chez les Inuits, elle a hâte de s’adapter à la vie dans le Grand Nord.
Pleine d’enthousiasme, elle réussit à s’intégrer assez facilement dans la communauté. Dès
le début, elle devient amie d’Annie, une femme inuite qui lui enseigne l’inuktitut. Grâce à
elle, elle fait connaissance de plusieurs aspects de la vie inuite – en entrant dans la maison
d’Annie, elle pénètre dans sa vie et crée une distraction pour la femme occupée par les
tâches domestiques. Quant à Annie, elle est surprise du fait que Louise, une blanche, est
comme elle, car Annie « s’était imaginée les Blanches bien différentes »108. Pourtant,
Louise ne s’occupe pas du désordre de la maison, des enfants qui sont partout et des
éléments de la vie inuite comme la viande crue, les peaux ou un seau de missiraq. À travers
Annie, Louise rencontre plusieurs personnages inuits, tels que la vieille guérisseuse
Akinisie et sa fille. Annie invite même Louise à une excursion à la chasse et la pêche avec
sa famille, constatant qu’elle « aime bien Louise et leur amitié toute simple »109. Elle
n’oublie pas d’ajouter que, « Du moment que je peux pêcher et que la vieille et la Blanche
ne m’accaparent pas trop »110, tout serait bien.

105
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.22
106
Ibid. p.23
107
Ibid. p.77
108
Ibid. p.41
109
Ibid. p.106
110
Ibid. p.105-106

49
Annie semble aimer bien Louise, mais leurs vies sont d’un ordre complètement
opposé. Quand Louise décide de revenir au Sud, les deux communiquent par des lettres,
mais graduellement perdent le contact. Louise, revenant des années après, pense renouer
avec Annie, mais la femme inuite est déjà morte. Le fantôme d’Annie se rappelle à la jeune
enseignante, mais constate que ce n’est qu’une femme blanche qui a passé quelques années
dans le Nord avant de repartir vers le Sud, ce qui était « dans la normalité des choses »111.
Cette opinion que les blancs finissent toujours par partir résonne avec celle de Qumalaq.

Jeune, Qumalaq a quitté le Nord et s’est engagé à la guerre, comme volontaire, car il
voulait voir le monde. Revenu, il est content qu’on le laisse seul dans sa cabane avec son
alcool. Il n’a plus envie de revenir au Sud, ni de nouer des amitiés avec personne, encore
moins avec les bancs qu’il considère comme des étrangers qui ne peuvent pas devenir
membres de la communauté : « Ici, les Blancs font leur travail, c’est ce que l’on attend
d’eux. Ils ont le privilège de n’avoir de comptes à rendre à personne, à condition de ne pas
causer de trouble. Pour certains, le Nord est un refuge, pour d’autres, un havre de paix ou
encore une cachette. Pour un temps, rarement pour toujours. Leur histoire ne concerne
personne, c’est ce que Qumalaq se dit. »112

Louise, pareil au personnage principal de Manikanetish, a aussi un amoureux,


Tamusi. Les deux ont des projets d’avenir contraires de ce que l’autre attend. Louise
s’imagine vivre dans la maison de Tamusi, un matchbox rudimentaire, où il n’y a ni eau
courante ni chauffage, à la manière inuite. Elle profiterait de la beauté de vue sur la mer,
romantique. Tamusi, au contraire, vient passer le temps chez Louise pour profiter des
conforts d’une habitation moderne. Leurs attentes se manifestent aussi dans la façon dont
ils s’habillent. Louise, fidèle à son désir de vivre dans le Nord porte un atigi, tandis que
Tamusi s’habille en parka. Pour Tamusi, Louise est un moyen d’échapper au Nord, sinon
en réalité, du moins en sa compagnie, bien que pour Louise, le Nord soit le lieu où elle
avait fui pour échapper au « vide existentiel »113.

Ce n’est que dans la seconde partie de l’histoire que nous apprenons la raison du
comportement de Tamusi, et la raison pour laquelle il essaie de se construire une existence
nouvelle. En présentant l’histoire de Tamusi, l’auteure nous fait entrevoir de l’histoire de
l’exploitation des Inuits :

111
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.130
112
Ibid. p.84
113
Ibid. p.77

50
« Il a été éduqué dans le Sud, dans un pensionnat. Presque tous les hommes de sa
génération ont passé par là. Ce qui voulait dire cinq ans, six ans, parfois même dix
ans à l’extérieur du village, séparés de leurs familles. Lorsque Tamusi rentrait, il se
sentait différent. Il ne savait plus comment faire partie de la communauté, devait
réapprendre sa langue. Mauvais chasseur, il se voyait diminué. C’est à cause de cela
qu’il a résolu d’être moderne, comme les Blancs. Luise, il l’aime bien. Mais la fille
fait des rêves idiots à leur sujet. Lui, il ne va pas traîner longtemps au village. Son
rêve, c’est de partir dans le Sud. »114

Louise devient graduellement insatisfaite dans le Nord. Le Sud, sa famille et ses


amies lui manquent. Personne ne veut venir la voir, elle n’a pas réussi à convaincre ses
proches de l’attrait du Nord. La fin de sa relation avec Tamusi, tout comme la violence
domestique envers son amie dont elle a été témoin, a signalé le début de la fin. Le fait
qu’elle habite au Nord depuis des années, mais qu’elle est toujours seule, sans enfants, la
tracasse de plus en plus. Louise se rend compte de son identité de blanche qui l’empêche
de s’intégrer à la vie inuite et à vivre comme une femme inuite. Elle remplit la prédiction
que les blancs sont de passage, bien qu’elle déteste cette vérité, et elle repart vers le Sud.
Cependant, son regard idéaliste sur la vie dans le Nord persiste, même s’il est tempéré par
les expériences personnelles. Quand elle revient dans le Nord vingt ans après la partie
centrale de l’histoire, Yammie accueille la communauté inuite avec les mots suivants « Ils
sont si loin, si seuls, si isolés […]. Si seuls, mais ensemble. »115 et pense qu’elle aurait
peut-être dû rester malgré elle-même, à l’époque. Elle admet y ayant vécu les moments les
plus bouleversants de sa vie. C’est ici qu’elle a vécu réellement.

5.2.2 La vie et la société inuite


Les Inuits vivent dans un temps figé, isolés du reste du monde. Leur société évolue,
mais lentement, et les plus grands changements n’arrivent et ne sont remarqués par Louise
qu’à son retour vingt ans après la partie centrale du récit. Durant son séjour d’enseignante,
Louise participe à la vie de la communauté. Elle fait des courses dans le magasin peu
achalandé de la Baie de Hudson et se retient de profiter de sa position de blanche et de
commander de la nourriture directement au Sud. Elle essaie de s’accoutumer à la nourriture

114
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.92
115
Ibid. p.117

51
inuite, bien qu’elle ne soit toujours pas capable de manger de la viande crue encore chaude
de phoque. Elle apprend l’inuktitut et les gestes inuits et elle prépare le pain bannique.

Invitée chez les parents des élèves inuits lors de la remise des bulletins scolaires, elle
est en mesure de découvrir les coutumes de ce peuple. À chaque fois qu’elle arrive chez
une famille, elle entre sans frapper, à la coutume inuite, car personne ne ferme la porte à
clé. À chaque fois, elle a droit a du thé noir bien sucré et à un bout de bannique ou une
pièce de poisson, les actions qui représentent l’hospitalité, une des valeurs inuites. À
chaque fois, elle est accueillie par les femmes, dont le rôle est d’être présentes dans la
maison. Louise espère que ce sera pareil dans la dernière famille, celle de Pitaa, un enfant
qui manque souvent à l’école, car elle est avertie à l’avance que son père est un chasseur
respecté et qu’elle ferait mieux de l’éviter. Une autre enseignante la renseigne qu’aucun de
ses douze enfants n’a terminé même le primaire. Ses mots insinuent que la famille suit les
rôles traditionnels : « Les garçons sont tous des chasseurs, les filles restent à la maison,
aident leur mère ou leur mari. »116

En dépit des avis reçus, Louise décide de rendre visite à la famille. Comme elle le
craignait, elle est accueillie par le père, qui, à son grand étonnement, accepte son discours à
propos des absences de Pitaa : « J’ai éduqué mes fils à la manière inuite, sans donner
d’explications, par l’exemple, dans l’action et dans l’épreuve. Mais puisque les temps
changent, Pitaa apprendra les langues des Blancs, leurs manières et leurs coutumes, je ne
l’amènerai plus à la chasse comme avant. Je n’ai rien à ajouter. »117 Bien que le chasseur
consente aux reproches de l’enseignante, au lieu d’être contente, Louise commence à avoir
des doutes sur la justesse de ce qu’elle vient de faire. Elle ne s’attendait pas à une réaction
pareille, donc elle ne sait pas quoi en penser, « elle se sent perdue, confuse et honteuse ».
Vu qu’elle est venue dans le Nord parce qu’elle admire la vie inuite, le fait qu’elle a forcé
un Inuit respecté à accepter les manières des blancs, à renoncer au comportement
identitaire inuit ne correspond pas à sa croyance personnelle. De plus, elle a des doutes en
ce qui concerne l’avenir de Pitaa, car l’enfant ne sait ni lire ni compter, et l’identité de
chasseur lui est désormais interdite.

Lors d’un épisode où deux jeunes se noient avec leur motoneige, Louise apprend que
pour survivre dans le climat rude, il faut vivre dans la communauté ou au moins en famille.
La solitude n’est pas la solution. Toutefois, en tant qu’une personne blanche, Louise n’est

116
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.28
117
Ibid. p.33

52
pas en mesure de s’intégrer dans la communauté. Au bout du compte, elle ressent une
solitude de plus en plus profonde. Tous les blancs dans le Nord, en règle générale,
« perdent la raison à force d’être isolés ».118 Dans le cas de Louise, elle ressent parfois un
malaise, « Un vertige. Surtout le soir. Elle se sent alors affreusement seule, loin. Ça hurle à
l’intérieur d’elle comme le vent, comme les chiens dehors. Ça va vite dans sa tête. Elle sent
le village se refermer sur elle, l’enfermer, l’oppresser. Son cœur bat vite, trop vite. Elle
voudrait se mettre à courir. Elle n’a pas d’endroit où aller, personne à qui parler. »119

Louise se sent oppressée dans le village, mais devient plus libre une fois sortie au-
delà de ses confins. Elle est heureuse de parcourir le pays avec Tamusi sur sa motoneige,
mais quand ils rompent, quelque chose se casse en elle. S’échappant dehors, elle faillit
mourir de froid. Elle aime la nature nordique, mais elle n’en fait pas partie dans le même
sens que les Inuits. La force de la nature ne peut pas la sauver comme elle a sauvé
Qumalaq, souffrant de traumatisme de la guerre : « Si les fantômes refont surface, il a
confiance qu’ils seront balayés par le vent, que leurs vieux os s’éparpilleront et que la
lumière du printemps brûlera leurs restes. »120

Louise essaie de décrire ce qu’elle voit dans la communauté sans la critiquer. Elle est
cependant consciente des conditions sociales détériorantes et de la violence omniprésente,
les éléments qu’elle décrit dans la deuxième partie du recueil. Ces problèmes étaient
présents lors de sa première visite dans le Nord, mais elle s’en était vu épargnée par Kitty.
La jeune femme, sachant tout, ne lui aurait jamais dit que dans son village, il y a une
famille où le père ne travaillent pas et où la mère couche avec les hommes pour de l’argent,
et qu’il y aussi un homme blanc qui « est sûrement le meilleur blanc du monde nordique
[car] il n’a ni battu ni violé aucune femme, il aime les enfants, il aime rire et il parle
l’inuktitut. »121. Ce « sûrement » pourrait être moqueur de la part de Kitty, mais sinon, elle
a des critères peu exigeants pour qualifier une bonne personne.

Le problème le plus grave semble être la dépendance générale de l’alcool et des


drogues. Au moment où l’alcool arrive par avion, tout le monde devient fou : « il y en a qui
se soûlent pendant des jours. Les enfants sont laissés à eux-mêmes, les couples se
bagarrent, souvent violemment. »122 C’est lors du débarquement de la livraison d’alcool

118
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.72
119
Ibid. p.72
120
Ibid. p.103
121
Ibid. p.15
122
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.91

53
que Tamusi et Louise se séparent et que les jeunes vont de maisons à maisons pour boire là
où il y a de l’alcool restant. Quelques jeunes hommes rendent visite aussi à Kurt, le blanc
solitaire qui travaille à l’aéroport et ils amènent avec eux Qumalaq. C’est à cette occasion
que Kurt, soûl, décide de passer l’hymne de la Wehrmacht. Il semblerait que lui aussi est
un ancien soldat, mais de l’autre côté du front de guerre, qui a trouvé refuge dans le Grand
Nord. Par la suite, Qumalaq devient presque fou en souffrant d’hallucinations.

Quant à Kurt, il est occasionnellement visité par une femme inuite avec qui il a des
relations sexuelles. L’Inuite vient seule, ou avec un enfant, et n’exige rien de lui. Elle
profite seulement de l’eau courante et chaude pour se doucher. Une fois, Qumalaq essaie
de l’inviter chez lui et offre de lui payer, mais elle est pleine de mépris à son propos.
L’homme inuit comprend qu’elle ne va qu’avec les blancs et qu’elle les considère au-
dessus des Inuits. Elle n’est pas la seule à « vendre » son corps aux blancs, il y aussi
l’histoire d’une fille qui danse toute nue pour les ouvriers. Dans le Nord, les filles se
marient tôt et ont des enfants tôt, avant même de terminer leurs études. Annie confirme
qu’au passé, les femmes n’avaient même pas le choix de décider de leur propre mariage et
déclare que « C’était la façon de faire, avant. »123

En ce qui concerne d’autres problèmes sociaux, la violence domestique est répandue


dans la communauté. Louise en est témoin et en devient terrorisée, car personne, ni la
police, ne veut se porter en aide. Son amie inuite Lizzie a rompu avec son compagnon qui
a refusé d’accepter cette décision. Il est venu la chercher chez des amis, menaçant que si
elle ne sort pas, il va les tuer tous. Au final, la fille part avec lui. Louise se sent
impuissante, pleine de rage. Elle veut partir tout de suite de ce village infernal, mais il n’y
a pas d’avion. Le beau monde nordique montre ses griffes. Le lendemain, elle finit par aller
à l’école comme toujours, espérant que son amie est au moins vivante. Elle la trouve
violemment battue.

Le dernier problème, c’est le suicide chez les jeunes et les enfants. Louise n’évoque
ce problème qu’à son retour vingt ans après, mais son étendue est grave. Toutes les filles
qui auparavant étaient ses élèves et venaient chez elles en sont terrorisées car elles sont
presque toutes les mères. Nous apprenons la raison du décès d’Annie : son plus jeune s’est
suicidé en se passant la corde au cou. Elle en était désespérée et, n’ayant plus envie de
vivre, elle a commencé à boire. Annie ne veut pas que cela arrive aux autres enfants. En
tant que fantôme – la femme squelette – elle flâne dans le village et essaie d’aider les
123
Ibid. p.41

54
enfants qui, à sept, huit ans de l’âge, « s’engourdissent aux vapeurs d’essence »124. Une fois
les enfants évanouis, elle les berce et les apaise. Elle espère les encourager à vivre. Bien
que Louise ne soit pas consciente de la présence d’Annie et regrette ne pas avoir pu la
revoir, elle partage le même sentiment de l’espoir envers la vie dans le Nord et finit le récit
sur une note positive :

« Elle a bien fait de revenir. Il y a des problèmes, c’est vrai. Mais il y de l’espoir. Le
monde nordique a changé, évolué, mais sa beauté est intacte. Elle l’a vu, encore une
fois, dans toute sa grandeur et avec tous ses malheurs. Il y a des vieilles au sourire
moqueurs et des vieux à la peux burinée, des enfants aux yeux rieurs et d’autres qui
se suicident, des parents bienveillants et d’autres qui se soûles, des filles amoureuses
et d’autres qui sont violentées, des ciels lumineux, des coups de vent et des
tempêtes. »125

124
LACHAPELLE, L. (2018). Histoires nordiques. p.127
125
Ibid. p.125

55
6 Fiches pédagogiques
Dans ce chapitre, nous allons élaborer des fiches pédagogiques en prenant en compte
la partie théorique de ce mémoire. Nous allons concevoir d’abord des fiches d’enseignant,
avec des solutions, suivies par des fiches d’étudiant. En ce qui concerne la forme de nos
fiches pédagogiques, nous allons profiter de l’article intitulé « Concevoir une fiche
pédagogique »126 de l’Institut français de Pologne, car il semble y avoir un manque de
ressources concernant cette problématique dans les œuvres imprimées. L’article de
l’Institut, par contre, est consacré aux étapes de la conception des fiches pédagogiques et
offre aussi des explications pour chaque étape.

Nous allons déterminer les objectifs de nos fiches pédagogiques en nous rapportant à
la méthodologie de tâche telle qu’elle a été établie par Puren (2012) dans Traitement
didactique des documents authentiques et spécificités des textes littéraires. Nous allons
aussi faire référence à la définition de la compétence (inter)culturelle telle qu’précisée dans
le CECRL et le RVP.

Au cours de l’élaboration des fiches, nous nous concentrerons, dans un premier


temps, sur la culture autochtone et sur la compétence (inter)culturelle. Dans un second
temps, nous mettrons l’accent sur le lexique qui apparaît dans le contexte de la vie
autochtone au Québec. Nos fiches pédagogiques porteront largement sur des textes comme
sources d’information ; sur les deux œuvres analysées, Manikanetish de Naomi Fontaine et
Histoires nordiques de Lucie Lachapelle, mais aussi sur d’autres supports textuels et
visuels.

L’objectif de ce mémoire n’est pas d’enseigner la langue en tant que grammaire.


Aussi nous n’allons pas concevoir primordialement des tâches visant la langue, mais plutôt
des tâches qui vont motiver les étudiants à participer aux discussions pour améliorer la
compétence d’interaction et la compétence communicative et qui vont les amener à
réfléchir sur les thèmes (inter)culturels. Les fiches sont conçues de telle manière qu’elles
peuvent être utilisées lors des cours de français au lycée, surtout dans des cours de
conversation ou lors de la préparation au baccalauréat.

Les fiches sont conçues pour des séances de 45 minutes, de norme dans les écoles
tchèques. Cependant, elles sont assez exigeantes, ainsi, en dépendance de niveau des
126
[Anonyme]. « Concevoir une fiche pédagogique ». Dans Institut français Pologne. [En ligne] [Consulté le
22 septembre 2020]. Disponible sur : https://www.institutfrancais.pl/fr/concevoir-une-fiche-pedagogique.

56
élèves, elles peuvent être étirées sur deux heures de cours. Dans ce cas, le premier cours
serait préparatoire et le deuxième porterait sur la partie discussion/jeu de rôle. Cela
permettrait à l’enseignant de consacrer plus de temps à la partie production, et favoriserait
l’augmentation du temps de parole des étudiants. Les deux cours seraient, de préférence,
enseignés dans une courte période de temps pour que les étudiants se rappellent plus
facilement le contenu du premier cours et peuvent établir les liens nécessaires.

Le chapitre consistera de 5 fiches pédagogiques. La première portera sur la vie des


Inuits. Elle introduira le thème du Québec aux étudiants et évoquera la problématique de la
vie dans le Grand Nord. La deuxième traitera le thème de l’image que l’on se fait des
Autochtones. En passant par la description des photos réelles des Inuits et des
Amérindiens, les étudiants auront la possibilité de comprendre ce qu’est la perception
préconçue, stéréotypée d’une personne et d’une ethnique. La troisième et la quatrième
fiche aborderons ensemble la question de l’appartenance des Premières Nations est de la
discrimination. À travers la troisième fiche pédagogique, les étudiants comprendront ce
qu’est la réserve et réfléchiront aux conditions sociales de la vie des Autochtones
d’aujourd’hui. Les ressources didactiques utilisées ouvriront la voie à une discussion sur la
discrimination dans un contexte plus élargi. La quatrième fiche pédagogique reviendra au
thème de la vie en réserve et des problèmes sociaux qui les atteignent. Les étudiants liront
des extraits qui leur rapprocheront les questions sociales et puis deviendront, lors d’un jeu
de rôle, des jeunes innus à leur tour. Finalement, la cinquième fiche évoquera le thème
d’identité. En créant une carte heuristique, les étudiants se répondront à la question Qui
suis-je ? Ensuite, les extraits choisis leur permettront d’effectuer une réflexion sur
l’identité collective, en passant par les problèmes identitaires et l’idée de l’appartenance au
sens large.

6.1 Fiche pédagogique 1 : La vie des Inuits


Titre : La vie des Inuits
Type de public : adolescents/adultes
Niveau : B1+/B2
Objectif général : Introduire le thème de Québec et des Inuits
Objectifs :

57
1) Connaissances socio-culturelles et la compétence interculturelle : le Canada et les
Inuits, la vie des Inuits dans le Nord (la nature, les animaux, la nourriture) ;
l’extrapolation des connaissances obtenues lors de la lecture et lors de l’écoute pour
participer à la discussion.
2) Compétences communicatives et fonctionnelles : savoir répondre aux questions, savoir
présenter et justifier son avis, savoir participer à une discussion dans des petits groupes,
savoir interagir avec des locuteurs différents
3) Compétences langagières
a) CO : l’écoute de l’extrait du documentaire en ligne sur la vie des Inuits
b) CE : la lecture de l’extrait des Histoires nordiques
c) PO : la participation à la discussion
d) PE : la production d’un texte explicatif (devoir)
4) Compétences linguistiques
a) Vocabulaire : le vocabulaire lié à la vie des Inuits
b) Actes de paroles : présenter et justifier un avis, donner des raisons pour et contre

Durée de la séquence : 45 minutes

Méthodes et techniques de travail : Le cours commencera par amener les étudiants à


réfléchir sur le Canada et les Inuits. Ensuite, les étudiants liront et repéreront des éléments
de l’extrait littéraire provenant des Histoires nordiques. Ils répondront aux questions de
compréhension du texte et seront amenés à réfléchir sur la réalité de la vie au Nord. La
compréhension orale se fait par l’écoute qui porte sur la question du déménagement d’une
famille française chez les Inuits. Pour finir, les étudiants discuteront à partir de deux
documents présentés et transposeront les connaissances acquises dans une expérience
personnelle.

Ressources et support didactique : l’ordinateur, le projecteur, la carte du Canada en ligne,


l’accès internet, le tableau noir et les marqueurs, l’extrait des Histoires nordiques p.104-5,
la vidéo en ligne, la fiche d’étudiant

Déroulement du cours :

1) Introduction (3 minutes)
a) Remue-méninges : Utiliser le projecteur pour montrer la carte du Canada aux
étudiants.

58
i) L’enseignant demande ce que les étudiants savent du Canada et écrit les
réponses au tableau. Il sollicite la réponse « Québec ».
ii) Si nécessaire, il oriente les étudiants vers les réponses auxquelles il s’attend. Il
sollicite les réponses « les tribus indiennes », « les Inuits ». Il précise que nous
ne disons plus « les Esquimaux ».

2) Développement
a) Lecture de l’extrait des Histoires nordiques p.104-5 (15 minutes)
i) L’enseignent donne des informations supplémentaires sur l’extrait. Il précise
que l’extrait provient d’un livre qui s’appelle Histoires nordiques écrit par
Lucie Lachapelle. Il précise que la narratrice est en même temps le personnage
principal, qu’elle s’appelle Louise et que c’est une enseignante qui est venue au
Nord pour enseigner dans un village inuit.
ii) L’enseignant distribue les fiches aux étudiants.
iii) Les étudiants lisent les questions de compréhension et l’extrait. Ils répondent
aux questions de compréhension du texte en paires. Les réponses sont ensuite
contrôlées en classe, ce qui permet aussi de s’assurer que les étudiants
comprennent les mots clés du texte et sinon, de faire des explications. Questions
de compréhension :
(1) Que se passe-t-il dans l’extrait ?127
(2) Que va Louise faire lors de la sortie ?128
(3) Que vont-ils manger lors de la sortie ?129
iv) L’enseignant demande aux étudiants de souligner les mots de l’extrait qui se
rapportent à la nourriture traditionnelle inuite. Il attire leur attention sur les
différences entre la nourriture inuite et la nourriture européenne en posant des
questions suivantes :
(1) Pourquoi Louise ne peut-elle pas s’habituer à la nourriture inuite ?
(2) Mangeriez-vous à la façon inuite ? Est-ce que vous avez déjà mangé du
poisson cru ou de la viande crue ?
v) Activité additionnelle : L’enseignant sollicite le vocabulaire. Il écrit les
réponses au tableau noir.

127
Corrigé : Louise va partir pour une excursion avec ses amis inuits.
128
Corrigé : Elle va chasser et pêcher, dormir dehors sous la tente et l’igloo.
129
Corrigé est indiqué en gras dans la partie fiche d‘étudiant.

59
(1) Quel d’autres types de poisson ou de fruit de mer connaissez-vous ?130

b) Compréhension orale : l’extrait du documentaire À la rencontre de l'Arctique - La


vie des inuit à Qikiqtarjuaq. Ce documentaire a paru en 2016 et il est accessible en
ligne sur le site de YouTube.131
(10 minutes)
i) L’enseignant explique d’où vient le documentaire et précise la date de parution
et le fait que le documentaire parle d’une famille française qui a décidé de
déménager au Pôle Nord, à Nunavut (= le pays inuit)
ii) L’enseignant fait passer l’extrait 1’14’’ – 2’40’’ deux fois. Il demande aux
étudiants de lire les questions de compréhension écrites sur la fiche d’étudiant
avant de passer la vidéo.
iii) L’enseignant précise le sens de mots « le voilier », « la nuit polaire » et il
contrôle les réponses aux questions.

c) Discussion à partir de deux documents. Les étudiants discutent d’abord en paires,


puis en groupe de 4 personnes. Pour conclure la tâche, les réponses sont contrôlées
en classe et les étudiants votent sur le tableau noir pour faire un bilan des réponses.
(15 minutes)
(1) Vous iriez vous au Pôle Nord pour faire une excursion ? Pourquoi ?
(2) Déménageriez-vous au Pôle Nord pour vivre dans un village pareil ?
Pourquoi ?
(3) Est-ce que c’est facile d’après vous de vivre au Pôle Nord ? Pensez au
climat, à la nourriture, aux habitations, à la technologie.
ii) Contrôle en classe : le vote sur le tableau :
o Pour ou contre l’excursion dans le nord
o Pour ou contre le déménagement au nord

3) Conclusion (2 minutes)
a) Devoir : Production écrite

130
Corrigé possible : La baleine (la chair et le gras), Le saumon, la truite, la morue, le thon, les coquilles
Saint Jacques, l’huître, les crevettes, etc.
131
CHAPOUTIER, K. (réalisateur). (2016). Aventures sur la banquise. Produit par : Éléphant Adventures.
[En ligne] [Consulté le 1 septembre 2020]. Disponible sur : https://youtu.be/Z_hcUTN6VOE.

60
i) Production écrite d’un texte explicatif. Les étudiants vont expliquer
pourquoi ils voudraient vivre ou non dans l’Arctique. L’enseignant peut en
profiter pour évaluer la rétention et la pertinence des arguments, ou la
langue de la production écrite.

6.1.1 Fiche d’étudiant

1) Lisez l’extrait qui provient des Histoires nordiques :

Louise se prépare pour la grande aventure. Annie est son marie Lukassi l’on invité
pour quelques jours. Ils vont pêcher, chasser le phoque et l’outarde132, dormir sous l’igloo
ou sous la tente, cela dépendre de la météo et de la texture de la neige. Annie lui a dit de
prendre des vêtements chauds, un sac de couchage ou des couvertures. Même à ce temps-ci
d l’année, il fait froid sur la banquise 133. Louise a mis doubles bas de laine, doubles
chandails et doubles mitaines. Elle prend du chocolat, un sac de chips, des cannettes de
Coca-Cola. Elle prépare des sandwichs pour tout le monde. Des sandwichs au jambon en
conserve Kam et à la moutarde. C’est tout ce qu’il restait à la coopérative. C’est bête à
dire, mais elle préfère encore le Kam au foie de phoque, au gésier134 d’outarde, à la chair
de perdrix135 ou de béluga crue136. Malgré les années, Louise n’a jamais pu s’habituer. Le
poisson et les moules, ça va. Le poisson fraîchement pêché, c’est même très bon. Pourvu
qu’on ne lui propose pas de le tremper dans le missiraq137. Ils auront du thé et de la
bannique frite138 préparée par Annie, celle qu’elle préfère. Louise est heureuse de partir
avec eux. Elle affectionne particulièrement Annie, si gentille, si douce, si maternelle. Son
mari, elle le connaît peu. Il est rarement à la maison et ne parle pas beaucoup.
Cette expédition sera sa dernière, et Louise compte en profiter au maximum. Elle va
se gaver de lumière et d’espace. Respirer à fond, boire le ciel, ouvrir grand les yeux. Au
printemps, la vie éclate. On ne se soucie plus des heures. Le jour ne finit pas et la nuit ne
déploie jamais son apaisante noirceur. Les corps, les cœurs, les esprits sont en
effervescence. On chasse, on pêche, on baise. Le ciel se remplit de bernaches 139, les
caribous abondent. Les enfants ne se couchent plus. Le matin, ils dorment la tête sur leur
pupitre. Plus d’une foi, Louise a ressenti l’euphorie printanière. Souvent, elle a été tentée
de laisser dormir les enfants en classe. Ce pays, elle l’aime. Mais sa décision est prise. Elle
va quitter le Nord.

132
Traduction : Tuleň a kanadská divoká kachna
133
Traduction : Pobřežní led
134
Traduction : Ptačí žaludek
135
Traduction : Bělokur horský
136
Traduction : Syrové maso běluhy
137
Traduction : Fermentovaný olej vyráběný z mořských savců
138
Traduction : Typ nekvašeného chleba vyráběný indiány a Inuity
139
Traduction : Divoká husa

61
2) Lisez les questions suivantes et répondez :
a) Que se passe-t-il dans l’extrait ?
……………………………………………………………………………………….
b) Que va Louise faire lors de la sortie ?
……………………………………………………………………………………….
c) Que vont-ils manger lors de la sortie ?
……………………………………………………………………………………….

3) Ecoutez l’extrait du documentaire sur la vie dans l’Arctique. Lisez les questions et
répondez-y. Utilisez des phrases entières.
a) Où vit la famille française ?140
……………………………………………………………………………………….
b) Quand ont-ils déménagé au Canada ?141
……………………………………………………………………………………….
c) Pourquoi ? Citez 2 raisons.142
……………………………………………………………………………………….
d) La famille vit près de quel endroit ?143
………………………………………………..............................................................
e) Que font les enfants ?144
…………………………………………………………..............................................
f) Quels sont les « gestes de survie » (otázka přežití) cités par le documentaire ?145
……………………………………………………………………………………….

3) Discutez en paires

a) Vous iriez vous au Pôle Nord pour faire une excursion ? Pourquoi ? Pourquoi pas ?
b) Déménageriez-vous au Pôle Nord pour vivre dans un village pareil ? Pourquoi ?
Pourquoi pas ?
c) Est-ce que c’est facile d’après vous de vivre au Pôle Nord ? Pensez au climat, à la
nourriture, aux habitations, à la technologie.

4) Devoir : production écrite. À remettre au prochain cours. Bonne chance !

140
Corrigé : Dans une maison particulière, un voilier au nom de Vagabond.
141
Corrigé : Ils ont déménagé il y a 15 ans.
142
Corrigé : Ils ont déménagé par l’amour de la nature et pour partager le quotidien des Inuits.
143
Corrigé : La famille vit près d’un village inuit isolé (Qikiqtarjuaq)
144
Corrigé : Ils vont à l’école avec des enfants inuits.
145
Corrigé : Boire, manger, s’habiller et chasser.

62
a) Imaginez que vous avez reçu l’offre de vivre chez les Inuits. Décidez si vous allez
accepter l’offre ou non. Justifiez votre décision. Écrivez au moins 5 phrases.
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
b) Puis, imaginez que vous avez vécu il y a 50 ans. Comment le fait d’avoir vécu il y a
50 ans changerait votre décision de déménager au Nord ? Pourquoi ? Écrivez au
moins 5 phrases.
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………

6.2 Fiche pédagogique 2 : L’image d’un Inuit


Titre : L’image d’un Inuit
Type de public : adolescents/adultes
Niveau : B1+/B2
Objectif général : Savoir se faire une image objective de quelqu’un, savoir décrire une
personne
Objectifs :

1) Connaissances socio-culturelles et la compétence interculturelle : la prise de


conscience de l’apparence des Amérindiens au passé et aujourd’hui, l’influence de
l’image préconçue et/ou stéréotypée de l’autre sur notre perception de la personne
réelle
2) Compétences communicatives et fonctionnelles : savoir rechercher des informations en
ligne, savoir participer à une discussion et créer une affiche
3) Compétences langagières
a) CO : la capacité à participer à l’activité de remue-méninges et à la discussion
b) CE : la lecture de l’extrait des Histoires nordiques
c) PO : la participation active dans la discussion

63
d) PE : la description de l’apparence physique d’une personne
4) Compétences linguistiques
a) Vocabulaire : le vocabulaire de la description physique (les parties du corps, le
visage) et le vocabulaire sur les vêtements inuits
b) Actes de paroles : savoir décrire une personne

Durée de la séquence : 45 minutes

Méthodes et techniques de travail : Les étudiants seront divisés dans deux groupes et feront
une compétition pour trouver le vocabulaire de la description physique. Ensuite, ils liront
l’extrait des Histoires nordiques qui porte sur la description physique d’une vieille femme
inuite. Ils chercheront 3 images des Amérindiens en ligne d’après les critères définies dans
2b. Pour finir, ils discuteront de l’importance de l’apparence. Ils réagiront aux images et
jugeront l’impact d’une image que l’on se fait de quelqu’un sur ce que nous pensons de lui.

Ressources et support didactique : le tableau noir, les marqueurs, l’extrait des Histoires
nordiques p.48 et p.51, la fiche d’étudiant, 3 images qui correspondent aux critères de 2b
(voir les Annexes)

Déroulement du cours :

1) Introduction (10 minutes)


a) Compétition en remue-méninges. L’enseignant demande aux étudiants d’écrire le
plus de mots possibles liés à la description physique (les parties du corps, le
visage).
i) L’enseignant divise la classe en deux et demande aux groupes de se mettre en
deux lignes devant le tableau noir. Il donne un marqueur à chaque groupe. Il
s’assure que les groupes ne peuvent pas voir les réponses de l’autre groupe.
(1) Le premier étudiant de la ligne commence. Il écrit un mot au tableau, puis
revient dans sa ligne, passe le marqueur à la 1 re personne de la ligne et se
met dernier.
(2) Le procès se répète jusqu’au moment où les étudiants ne se souviennent
plus de nouveaux mots.
ii) L’enseignant montre toutes les réponses à la classe. Il compte les mots et
annonce le vainqueur. Il demande aux étudiants de lire et de traduire les mots
pour s’assurer du fait que tout le monde comprend le sens.

64
2) Développement
a) Lecture de l’extrait des Histoires nordiques (p.48, p.51) : la description de la
guérisseuse inuite, Akinisie. (5 minutes)
i) Les étudiants vont lire l’extrait et souligner les mots utilisés pour décrire le
personnage. Le contrôle se fera en classe. La solution possible a été indiquée en
gras.
b) Recherche des images en ligne. Les étudiants vont rechercher individuellement des
images en ligne, d’après les critères suivants : (7 minutes)
(1) N°1 Une image qui correspond le plus à la description de la femme inuite.
(2) N°2 Une image qui correspond à ce qu’ils imaginent quand on dit « un
Indien ».
(3) N°3 Une image contemporaine d’un Amérindien ou d’un Inuit.
c) Discussion à partir de la recherche. (22 minutes)
i) Les étudiants vont choisir une image qui correspond le plus à chaque catégorie
au-dessus. Ils vont discuter en groupes de 4 personnes des questions 1-4
indiquées ci-dessous. Pour conclure l’activité, ils vont d’abord présenter leur
opinion devant la classe entière et ensuite discuter avec les autres groupes.
o Pour illustrer, l’enseignant montrera l’image d’un amérindien dans
chaque catégorie et demandera aux étudiants de les comparer avec celles
qu’ils ont trouvées eux-mêmes.
(1) Comment trouvez-vous les images ? Est-ce que c’est ce dont vous vous
attendiez ? Pourquoi ?
(2) Quelle image correspond le plus à la description d’Akinisie ? Est-ce que
cette image correspond à ce que vous avez imaginé quand vous avez lu la
description ?
(3) Pourquoi imaginons-nous l’Indien comme cela ? Est-ce qu’il s’agit d’une
image stéréotypée ? Ou d’un amérindien portant la tenue traditionnelle ?
o L’enseignant pourra suggérer le lexique suivant pour faciliter la
description de l’image n°2 : un collier, un bracelet, une coiffe, une
plume, un tomahawk, une pipe longue, la peinture corporelle, la peinture
de visage
(4) Quelle apparence ont les Autochtones d’aujourd’hui ? Pouvons-nous les
reconnaitre dans la population ? Si oui, d’après quoi ? Le visage ? Les
vêtements, les accessoires qu’ils portent ?

65
3) Conclusion (1 minute)
a) Création d’une affiche (prolongement et évaluation)
i) Les étudiants auront à créer une affiche. Ils utiliseront les images trouvées lors
du cours, ou des images qui répondent aux mêmes critères qu’ils trouveront à la
maison. Ils décriront les personnes sur les images, puis imprimeront et colleront
les images à côté de chaque description. Ils auront à donner un titre à chaque
image.

6.2.1 Fiche d’étudiant

1) Lisez l’extrait
Akinisie est assise devant l’unique fenêtre de la maison. Couverte de résidus graisseux et
de suie, elle ne laisse entrer qu’un peu de la lumière du jour. Elle jette un coup d’œil eux
environs. Courte et ronde, elle porte une grosse jupe de laine, un châle épais et des
kamiks146 en peau de phoque, même si c’est l’été. Elle fume. Ses dents sont jaunies, à
cause du tabac, mais aussi de toutes les peaux de bêtes qu’elle a mâchées afin de les rendre
souples et malléables pour la couture des vêtements et des bottes.
Louise n’ose pas regarder Akinisie avec trop d’insistance, mais il lui est difficile d’en
détacher son regard. Un rayon de soleil perce la petite fenêtre et illumine le visage de la
vielle. Elle a la face ronde comme une pleine lune. Ses pommettes sont hautes, son
front large, son teint, cuivré. Un de ses yeux est légèrement fermé. Elle a comme un
tatouage au menton. Ses cheveux noirs parsemés de fils blancs sont tressés et noués
derrière la tête à l’aide de bouts de laine. Sa peau stridée de rides d’expression lui
donne un air enjoué Annie lui a dit qu’elle était vielle. Louise lui donne la soixantaine,
tout au plus.

2) Cherchez des images qui correspond aux critères suivants en ligne. Travaillez
individuellement.
a) N°1 Une image qui correspond le plus possible à la description de la femme inuite.
b) N°2 Une image qui correspond à ce que vous imaginez quand on dit « un Indien ».
c) N°3 Une image contemporaine d’un Amérindien.

3) Discutez en groupe de 4. Choisissez une image pour chaque catégorie.

146
Des bottes en inuktitut

66
(1) Comment trouvez-vous les images ? Est-ce que c’est ce dont vous vous
attendiez ? Pourquoi ?
(2) Quelle image correspond le plus à la description d’Akinisie ? Est-ce que
cette image correspond à ce que vous avez imaginé quand vous avez lu la
description ?
(3) Pourquoi imaginons-nous l’Indien comme cela ? Est-ce qu’il s’agit d’une
image stéréotypée ?
(Vocabulaire qui pourra être utile : un collier, un bracelet, une coiffe, une
plume, un tomahawk, une pipe longue, la peinture corporelle)
(4) Quelle apparence ont les Autochtones d’aujourd’hui ? Pouvons-nous les
reconnaitre dans la population ? Si oui, d’après quoi ? Le visage ? Les
vêtements, les accessoires qu’ils portent ?

4) Devoir : Amusez-vous à créer une affiche !


a) Utilisez les images que vous avez trouvées lors du cours, ou des images qui
correspondent aux mêmes critères. Donnez un titre à chaque image, présentez et
décrivez la personne. Collez les images imprimées à côté des descriptions.

6.3 Fiche pédagogique 3 : Les Amérindiens d’aujourd’hui (Partie 1)


Titre : Les amérindiens d’aujourd’hui. Partie 1
Type de public : adolescents/adultes
Niveau : B1+/B2
Objectif général : Comprendre la situation actuelle des Amérindiens
Objectifs :
1) Connaissances socio-culturelles et la compétence interculturelle : la prise de
conscience de la situation actuelle des Amérindiens au Canada, de leur place dans la
société et surtout dans le milieu urbain ; la réflexion sur l’inégalité et la discrimination
dans la société au sens large
2) Compétences communicatives et fonctionnelles : savoir exprimer son opinion, savoir
réagir à un texte littéraire et le juger
3) Compétences langagières
a) CO : la description et la comparaison des images, la participation à la discussion

67
b) CE : la lecture de l’article et de l’extrait littéraire
c) PO : la participation active à la discussion
d) PE : le travail écrit sur la discrimination (facultatif)
4) Compétences linguistiques
a) Vocabulaire : le vocabulaire de l’article, le vocabulaire qui porte sur la
discrimination

Durée de la séquence : 45 minutes

Méthodes et techniques de travail : Pour commencer le cours, les étudiants réfléchiront sur
les endroits où vivent les autochtones au Canada. Ils décriront et compareront 2 images de
la réserve présentées par l’enseignant. Ensuite, pour développer, les étudiants liront
l’extrait d’un article raccourci Où vivent les Autochtones au Canada147 qui évoque le thème
de la discrimination d’un peuple minoritaire. Dans la deuxième moitié du cours, les
étudiants discuteront à partir de ce document sur le thème de l’appartenance et de la
discrimination. Ils compareront la situation au Canada avec la situation chez eux et
évoqueront leurs propres expériences.

Ressources et support didactique : 2 images de la réserve (voir les Annexes), la fiche


d’étudiant, l’article raccourci Où vivent les Autochtones au Canada disponible sur le site
de Radio Canada

Déroulement du cours :

1) Introduction (7 minutes)
a) L’enseignant sollicite comment et dans quel endroit vivent les Autochtones
d’aujourd’hui. Il explique la signification du mot « autochtone ». Il sollicite le mot
« réserve » et explique de quoi il s’agit.
b) Description et comparaison des images de la réserve :
i) L’enseignant met les étudiants en paires. Il leur montre deux images de la
réserve. Les étudiants décrivent et comparent les images. L’enseignant est à
l’écoute des étudiants. Vers la fin de l’activité, il demande à plusieurs paires de
communiquer leurs réponses à la classe entière.

2) Développement :
147
[Anonyme] « Où vivent les Autochtones au Canada ». Dans Radio Canada. [En ligne] [Consulté le 20
septembre 2020]. Disponible sur : https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/10/carte-autochtones-
provinces-canada/index.html.

68
a) Lecture d’un article raccourci Où vivent les Autochtones au Canada (12 minutes)
i) L’enseignant distribue la fiche d’étudiant. Les étudiants lisent individuellement
les questions de compréhension du texte et l’article. Ils répondent aux questions
de compréhension. Ensuite, les réponses sont contrôlées en classe, ce qui
permet à l’enseignant de s’assurer que les étudiants comprennent les mots clés
du texte et sinon, d’expliquer leur sens.
(1) Où vivent les Autochtones d’après l’article ?148
(2) Quels types d’inégalité sont mentionnés dans l’article ?149
(3) Pourquoi les Autochtones sont-ils désavantagés d’après l’article ?150
ii) Réflexion sur le texte. L’enseignant pose des questions qui visent à sensibiliser
les étudiants à la situation actuelle des autochtones.
(1) Que ressentez-vous en lisant le texte ? Que pensez-vous de la situation des
autochtones ?
(2) D’après vous, est-ce que le traitement des autochtones dans l’article est
juste ? Pourquoi ?

b) Réflexion sur la discrimination. Les étudiants vont discuter en groupe de 4


personnes, puis la discussion se poursuivra en classe entière entre les groupes. (25
minutes)
(1) Quel autre groupe désavantagé connaissez-vous. Est-ce qu’il y en a chez
nous ?
(2) Pourquoi discriminons-nous les autres ? Pensez aux critères et faites-en une
liste.
o Les étudiants peuvent évoquer par exemple : la couleur de peau, le sexe,
l’appartenance à un groupe ethnique, la nationalité, l’apparence
physique, l’éducation, le handicap, etc.
(3) Pensez à votre propre expérience avec la discrimination. Cela peut être une
expérience personnelle, une histoire que vous avez entendue ou lue.
(a) Qui a été la personne discriminée ? Pourquoi ?
(b) Que peut-on faire pour empêcher la discrimination ?
148
Corrigé : En ville.
149
Piste de correction possible : Ils sont plus jeunes, ils font plus de bébés, leur population croît plus vite que
la population des blancs, mais ils gagnent moins d’argent/leurs salaires sont moindres, ils reçoivent moins en
budget pour l’éducation et la santé, ils sont plus souvent emprisonnés/incarcérés que les blancs et ils meurent
plus jeunes.
150
Corrigé : À cause de la Loi sur les Indiens.

69
3) Conclusion (1 minutes)
a) L’enseignant demande aux étudiants de faire réfléchir à leurs expériences
quotidiennes et de citer les situations où on discrimine l’autre. Éventuellement,
l’enseignant peut donner un devoir : écrire un essai qui portera sur les expérience(s)
personnelle(s) des étudiants avec la discrimination.

6.3.1 Fiche d’étudiant

1) Lisez l’article de Radio Canada

Où vivent les Autochtones au Canada ?

Il y a 1,4 million d’Autochtones au pays. C’est moins que la population de Montréal,


mais plus que celle de Calgary. Une population répartie dans plus de 600
communautés d’un océan à l’autre.

Mais, dans les faits, les Autochtones vivent majoritairement en ville (51 %) comme à
Winnipeg (78 420), Edmonton (61 765), Vancouver (52 375) ou Montréal (26 280). Ils
représentent 4,3 % de la population du Canada. Les Premières Nations (Cri, Innu,
Mohawk, etc.) sont pour 61 % des Autochtones, 32 % sont des Métis et 4 % sont des
Inuits.

Les Autochtones soufflent un vent de jeunesse sur le Canada : l’âge médian est de 27 ans,
comparativement à 41 ans pour les non-Autochtones. Ils font aussi plus de bébés que les
autres Canadiens : la population autochtone s'est accrue de 232 385 personnes (ou de 20
%) entre 2006 et 2011, comparativement à une croissance de 5 % observée chez les non-
Autochtones.

Ce n’est pas le seul type d’inégalité. Les Autochtones gagnent moins, reçoivent moins en
budget pour l’éducation et la santé, ont plus de chance de se retrouver en prison et meurent
plus jeunes que les non-Autochtones.

Les Premières Nations sont gouvernées par la Loi sur les Indiens promulguée dans sa
première version en 1876 et dont de larges pans - comme l’administration des réserves ou
des structures comme les conseils de bande - ont survécu jusqu’à nos jours. Une loi qui
traite les Autochtones comme des personnes mineures.

2) Lisez et répondez aux questions :


a) Où vivent les Autochtones d’après l’article ?

70
………………………………………………………………………………………..
b) Quels types d’inégalité sont mentionnés dans l’article ?
………………………………………………………………………………………..
c) Pourquoi les Autochtones sont-ils désavantagés d’après l’article ?
………………………………………………………………………………………..

4) Réfléchissez à ce qu’est la discrimination. Discutez des questions suivantes en groupe


de 4 étudiants.
a) Quel autre groupe désavantagé connaissez-vous. Est-ce qu’il y en a chez nous ?
b) Pourquoi discriminons-nous contre les autres ? Pensez aux critères et faites-en une
liste :

1. 5.
2. 6.
3. 7.
4. 8.

c) Réfléchissez à votre propre expérience de discrimination. Cela peut être une


expérience personnelle, une histoire que vous avez entendue ou lue.
i) Qui a été la personne discriminée ? Pourquoi ?
ii) Que peut-on faire pour empêcher la discrimination ?

5) Réflexion : Faites attention dans la vie quotidienne et remarquez les instances où on


discrimine l’autre.

6.4 Fiche pédagogique 4 : Les Amérindiens d’aujourd’hui (Partie 2) : Devenir


Innu
Titre : Les amérindiens d’aujourd’hui (Partie 2) : Devenir Innu
Type de public : adolescents/adultes
Niveau : B1+/B2
Objectif général : La sensibilisation à la vie des Innu
Objectifs :
1) Connaissances socio-culturelles et la compétence interculturelle : la vie des Innus (des
Premières Nations) dans une réserve, la prise de conscience des problèmes sociaux, la

71
comparaison de soi-même et la transposition des expériences innues à travers un jeu de
rôle
2) Compétences communicatives et fonctionnelles : Savoir se créer un personnage fictif,
savoir participer à un jeu de rôle
3) Compétences langagières
a) CO : la capacité à discuter, à participer à un jeu de rôle
b) CE : la lecture des extraits de Manikanetish
c) PO : la discussion, le jeu de rôle
d) PE : le devoir écrit facultatif
4) Compétences linguistiques
a) Vocabulaire : le vocabulaire des extraits lié aux questions sociaux
b) Actes de paroles : un jeu de rôle

Durée de la séquence : 45 minutes

Méthodes et techniques de travail : La 4e fiche pédagogique continue à élaborer le thème


évoqué dans la fiche précédente, qui visait à introduire les endroits où les autochtones
vivent à l’heure actuelle et les problèmes de la vie en ville. Dans la fiche, les étudiants
liront des extraits de Manikanetish qui portent sur les personnages innus vivant en réserve.
Les étudiants coopéreront en paires pour analyser les textes vis-à-vis des problèmes
sociaux des réserves qui y sont introduits à travers les jeunes. Pour leur rapprocher la vie
innue, les étudiants participeront à un jeu de rôle lors duquel ils prétendront être des jeunes
autochtones vivant en réserve qui doivent décider de leur avenir.

Pour une meilleure immersion, la fiche peut être étendue sur deux heures de cours.
Dans ce cas, le premier cours sera préparatoire et portera sur la lecture des textes, l’analyse
et l’élaboration des personnages. Pendant le deuxième cours, les étudiants finaliseront leurs
alter egos innus. Quant au déroulement du cours, il consistera de deux phases : le jeu de
rôle prolongé et la réflexion sur le déroulement et le succès de l’activité.

Ressources et support didactique : le tableau noir, les marqueurs, les extraits de


Manikanetish (vois les Annexes) p. 34-35 ; 38-39 ; 82-83 ; 92-93 ; 96-97 ; 119-120, la
fiche d’étudiant.

Déroulement du cours :

1) Introduction (3 minutes)

72
a) Le jeu de l’homme pendu avec le mot « réserve ».
i) L’enseignant organise un jeu du bonhomme pendu pour rappeler la
signification du mot « réserve » aux étudiants. Il sollicite ce que c’est une
réserve.

2) Développement
a) Lecture des extraits de Manikanetish (15 minutes)
i) L’enseignant montre le livre Manikanetish aux étudiants.
(1) Il précise que les extraits proviennent d’un livre écrit par l’auteure de
descendance innue et qu’ils sont semi-autobiographique.
(2) Il explique aux étudiants que l’auteure et la narratrice/le personnage
principal ont vécu dès l’enfance en dehors de la réserve d’Uashat, mais
qu’elles y sont revenues pour prendre le poste d’enseignante.
(3) Il spécifie que chaque extrait est un portrait partiel d’une personne innue de
la réserve d’Uashat. Pour rapprocher le thème aux étudiants, l’enseignant
peut aussi monter l’emplacement d’Uashat sur la carte du Canada.
ii) L’enseignant divise les étudiants en paires et donne un extrait à chaque paire.
Comme il y a 7 extraits différents, s’il y plus de 14 étudiants, il donne le même
extrait à plusieurs paires.
iii) L’enseignant précise qu’il est important de comprendre le sens du texte, en vue
de consignes, mais que la connaissance de tous les mots n’est pas nécessaire. Il
ajoute que les étudiants peuvent demander des explications ou consulter le
dictionnaire.
iv) Les étudiants lisent les extraits individuellement. Ensuite, ils consultent les
extraits en paires. Ils prennent en compte les consignes sur la fiche d’étudiant.
Après la lecture, ils auront à indiquer 1. Le nom de l’acteur principal du texte,
ainsi que 2. Le(s) problème(s) social(aux) de la réserve sur le tableau noir et à
résumer l’extrait pour le reste de la classe. Pendant que les étudiants lisent les
extraits, l’enseignant circule dans la classe et aide les étudiants.
v) L’enseignant demande à chaque paire de remplir leur partie de tableau
(répondre à l’écrit à 1. Qui ? et 2. Quel problème ?) et de lire leur résumé.151

151
Pistes de correction possibles à 1. Qui ? et 2. Quel problème ? :
- Mikuan (p.34-35) : jeune mère qui n’a pas de temps pour l’école, elle a dû abandonner sa
communauté parce qu’elle voulait suivre les études secondaires, elle se sent exclue dans la
communauté d’Uashat.

73
L’enseignant demande aux étudiants de clarifier leurs réponses si nécessaire.
vi) Après avoir interrogé tous les étudiants, l’enseignant sollicite leur avis sur
d’autres problèmes qui peuvent y avoir dans la réserve.152

b) Jeu de rôle (25 minutes)


i) Les étudiants vont prétendre être des jeunes autochtones vivant dans la réserve.
Ils vont se créer un personnage en écrivant des informations sur leur famille,
leurs ami(e)s, etc. Ils vont penser à leurs projets d’avenir et donner des raisons,
par écrit, pour et contre la vie en réserve et pour et contre la vie en ville.
ii) Ensuite, les étudiants vont circuler dans la classe et interviewer 5 camarades de
classe sur leurs projets d’avenir.
iii) Après l’activité, le contrôle se fera en classe. L’enseignant choisira un étudiant
par hasard. L’étudiant va rapporter ce qu’il a appris par rapport à un autre
étudiant. Puis, on demandera à la classe sera de faire un rapport sur le premier
étudiant et ainsi de suite jusqu’au moment où tout le monde aura parlé.
iv) Au cours de l’interrogation, l’enseignant fera un bilan sur le tableau noir pour
tenir compte des résultats.
v) Pour éviter la généralisation, l’enseignant rappellera aux étudiants que les
extraits offrent un point de vue stéréotypé sur des autochtones, malgré le fait
qu’ils ont été écrits par une auteure innue, et que la situation rapportée dans les
extraits ne s’applique pas à tous les autochtones.

3) Conclusion (2 minutes)
a) L’enseignant pose des questions finales pour faire réfléchir les étudiants : Devrions
nous recommander aux jeunes innus de partir de la réserve et aller vivre dans la

- Marc (p.38-39) : l’absence à l’école, la réussite/l’échec scolaire, les services dans la réserve
(l’hôpital inadéquat), la mort de la mère.
- Marc (p.52-53) : une déprime, la réussite scolaire, le départ de la réserve.
- Maya (p.82-83) : la tentative de suicide, des drogues, des antidépresseurs, le désespoir.
- Myriam (p.92-93) : la perte d’une sœur, une mère adolescente, la mort
- Stanley (p.96-97) : pas de diplôme, pas de travail, l’alcool, les drogues et autres dépendances, père
de 3 enfants qui ne l’intéressent pas.
- Mélina (p.119) : l’absentéisme, l’échec scolaire.
152
Réponses suggérées : l’isolement géographique, la violence domestique, la décomposition de la société dû
à des raisons historiques – les pensionnat : les enfants enlevés à leurs familles, ce qui a entrainé l’écart
identitaire et social et dont le résultat est la perte des relations familiales traditionnelles, le traumatisme des
enfants et leur incapacité d’élever leurs propres enfants.

74
ville ? Est-ce que chez nous, il y a aussi des personnes qui se trouvent dans la
même situation ?
b) L’enseignant peut demander les étudiants de répondre à cette question en écrit.

6.4.1 Fiche d’étudiant

1) Lisez l’extrait de Manikanetish qui porte sur une personne innue. Il est important que
vous compreniez le sens du texte, mais si vous ne connaissez pas le sens de quelques
mots, ce n’est pas grave. Vous pouvez si, vous le souhaitez, consulter le dictionnaire.
a) Lisez l’extrait par vous-même, puis consultez avec votre paire. Après la lecture,
vous allez répondre à des consignes suivantes :
i) Indiquez le nom de la personne innue et le(s) problème(s) social(aux) dont on
parle dans le texte.
ii) Résumez l’extrait pour le reste de la classe. Écrivez le résumé à l’avance.

Qui ?
Quel(s) problème(s) ?
………………………………………………………………………………………………
Résumé :
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
2) Jeu de rôle
a) Vous êtes un(u) jeune autochtone, né(e) en réserve. Tous les gens que vous
connaissez vivent dans la réserve, de même que votre famille. Vous avez le choix
de rester dans la réserve ou de partir vivre en ville. Que choisirez-vous ?
(1) Imaginer vous une vie à la réserve. Comment est votre famille ? Vos amis ?
Que faites-vous pour passer le temps ?
(2) Quels sont vos projets d’avenir ? Allez-vous rester et vivre dans la réserve
ou Allez-vous partir pour vivre en ville ? Pensez à vos arguments et faites
une liste pour - contre. Donner au moins 3 raisons pour et 3 contre.

Moi, Amérindien(ne) :

75
Comment est ma situation familiale ? Mes amis ?
………………………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………..
……...
…………………………………………………………………………………………...
Quels sont mes projets d’avenir ? Où veux je vivre ? Pourquoi ?
………………………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………..
……..…...…………………………………………………………………………………….
………………………………………………………………………………………………
…..……………...
………………………………………………………………………………...

b) Circuler dans la classe et demander à 5 camarades de classe ce qu’ils vont faire et


pourquoi. Écrivez ce qu’ils vous disent.

1. ……………………………………………………………………………………
2. ……………………………………………………………………………………
3. ……………………………………………………………………………………
4. ……………………………………………………………………………………
5. ……………………………………………………………………………………

6.5 Fiche pédagogique 5 : L’importance de l’identité


Titre : L’importance de l’identité
Type de public : adolescents/adultes
Niveau : B1+/B2
Objectif général : Savoir parler et réfléchir de l’importance d’identité
Objectifs :
1) Connaissances socio-culturelles et la compétence interculturelle : la sensibilisation des
étudiants envers la question de l’identité personnelle et collective, liée à
l’appartenance ; une meilleure compréhension de soi, la sensibilisation aux problèmes
identitaires des minorités.
2) Compétences communicatives et fonctionnelles : savoir participer à l’activité de
remue-méninges, savoir participer à une discussion courte
3) Compétences langagières
a) CO : la participation à la réflexion

76
b) CE : la lecture de l’extrait de Manikanetish et des Histoires nordiques
c) PO : la participation à la réflexion
d) PE : le devoir facultatif
4) Compétences linguistiques
a) Vocabulaire : le vocabulaire lié à l’identité, à l’idée de l’appartenance

Durée de la séquence : 45 minutes

Méthodes et techniques de travail : Le cours commencera avec une activité de remue-


méninges qui visera à solliciter le vocabulaire lié au thème d’identité. Les étudiants s’en
inspireront pour élaborer des cartes heuristiques (identité personnelle) et refléteront les
résultats dans les groupes. Dans la deuxième partie du cours, les étudiants analyseront deux
extraits littéraires qui portent sur le thème de l’identité et des problèmes identitaires des
minorités : Innus et Inuits. Pour conclure, les étudiants profiteront des textes et
participeront à une discussion courte qui évoque l’idée d’appartenance (identité collective).

Ressources et support didactique : le tableau noir, les marqueurs, l’extrait de Manikanetish


(p.25-26) et des Histoires nordiques (p.92), la fiche d’étudiant.

Déroulement du cours :

1) Introduction (5 minutes)

a) Remue-méninges. L’enseignant demande aux étudiants de réfléchir au vocabulaire


lié à l’identité collective et personnelle : « Qu’est-ce qui fait de nous des personnes
uniques ? Réfléchissez aux critères d’ordre de milieu personnel. »

i) L’enseignant écrit les réponses au tableau sous la forme d’une carte heuristique.
Il aide les étudiants en les guidant vers des réponses possibles. Il s’assure que
tout le monde comprend le sens des mots et sollicite des explications où
nécessaire.

(Réponses possibles : la race, la nationalité, l’appartenance à un groupe


ethnique, la religion, le milieu linguistique, le milieu social et familial, le milieu
professionnel, les capacités personnelles, les goûts)

2) Développement

a) Réflexion sur l’identité. Phase préparatoire : Mon identité (10 minutes)

77
i) Les étudiants répondent à la question : Qui suis-je ?153 (identité personnelle).
Les étudiants écrivent au moins 5 idées qui leur viennent à l’esprit sous la
forme d’une carte heuristique. Ils peuvent inclure les caractéristiques émises par
différentes personnes sous condition qu’ils les misent entre guillemets.
ii) Les étudiants choisissent 3 critères qui les décrivent le mieux. Ils comparent les
caractéristiques et le type des caractéristiques utilisées en groupes de 4
personnes.
iii) Après l’activité, ils reportent brièvement devant la classe ce qu’ils ont
découvert. En option : si les étudiants hésitent à en discuter devant la classe, il
est possible de faire un bilan au tableau pour savoir de quel ordre sont les
caractéristiques les plus utilisées.
b) Lecture des extraits (15 minutes)
i) L’enseignant explique l’origine des extraits : il s’agit des extraits qui parlent des
expériences de deux autochtones personnelles qui portent sur l’identité. Le
premier extrait parle des expériences d’une femme innu (= Innu, aussi
Montagnais-Naskapi, une des 11 tribus indiennes qui vivent actuellement sur le
territoire du Québec), le deuxième parle des expériences d’un homme inuit au
nom de Tamusi.
ii) Les étudiants lisent les textes et répondent aux questions à l’oral. Le contrôle se
fait en classe.
(1) Lecture de l’extrait de Manikanetish (p.25-26)
(a) Quel problème la narratrice a-t-elle ?154
(b) Pourquoi les gens pensent-ils qu’elle est Latina ?155
(c) Que signifie le « eux » et « nous » qu’elle mentionne ?156
(2) Lecture de l’extrait des Histoires nordiques (p. 92)
(a) Quel problème le personnage a-t-il ?157
(b) Quel est la cause de ses difficultés ?158

153
L’activité a été inspirée par : https://www.facinghistory.org/resource-library/teaching-strategies/identity-
charts.
154
Réponses possibles : Elle ne peut pas s’identifier avec son peuple, elle ressent la honte d’être autochtone,
elle n’est pas contente d’appartenir au peuple innu, elle a des doutes par rapport à son identité personnelle.
155
Réponses possibles : à cause de son apparence physique, à cause de son accent.
156
Corrigé : Le « eux » et le « nous » signifient le peuple innu. La narratrice utilise le « eux » parce qu’elle
n’identifie pas facilement avec le peuple innu et préfère l’éviter. Elle utilise le « nous » quand elle doit
expliquer son appartenance, mais elle le fait avec hésitation.
157
Réponses possibles : Il se sent différent, il ne sait plus comment faire partie de la communauté.
158
Réponses possibles : Le pensionnat. Il a été éduqué au Sud, loin de sa famille et de sa communauté, et il la
perdu une partie de son identité inuite.

78
(c) Comment a-t-il résolu son problème ?159
c) Courte discussion sur l’identité collective : l’appartenance (13 minutes)
i) L’enseignant écrit les questions au tableau. Les étudiants ont 3 minutes à
réfléchir sur les questions, seuls ou en paires. Ensuite, la réflexion se poursuit
en classe.
(1) L’identité collective est-elle importante ? Pourquoi ? Est-elle importante
pour vous ? Pourquoi ?

3) Conclusion (2 minutes)
Approfondissement de la réflexion pour le cours suivant ou le devoir écrit : Est-il
possible d’intégrer une communauté/une culture étrangère ? Quels sont les défis
d’intégration dans le contexte québécois/européen ?

6.5.1 Fiche d’étudiant


1) Qui suis-je ? Faites une carte heuristique au verso composée d’au moins 5
caractéristiques qui vous viennent à l’esprit quand on vous demande cette question.

Vous pouvez utiliser les caractéristiques émises par les autres à propos de vous, mais
vous devez les mettre entre guillemets.

Lecture des extraits

2) Lisez l’extrait qui parle des expériences personnelles d’une femme Innu (= une tribu
indienne) et répondez aux questions à l’oral.

Il est arrivé que des gens que je rencontrais pour la première fois pensent que j’étais
Latina. Ça me plaisait. Parce que j’ai la peau brune, les cheveux noirs et longs, les yeux
moins bridés que ceux de ma mère. À cause de mon accent difficile à identifier.
M’avait-on déjà humiliée parce que j’étais Innu ? Peut-être une fois ou deux. Pas
suffisamment pour que la honte s’établisse. Et pourtant elle était là, liée à mon incapacité à
m’identifier à eux. À ce eux qui aurait dû être ce nous. Le nous me glissait dans la gorge
lorsque je devais expliquer mon appartenance.

a) Quel problème la narratrice a-t-elle ?


………………………………………………………………………………………..
b) Pourquoi les gens pensent-ils qu’elle est Latina ?
159
Réponses possibles : Il a décidé d’être moderne. Il veut partir au Sud.

79
………………………………………………………………………………………..
c) Que signifie le « eux » et le « nous » qu’elle mentionne ?
………………………………………………………………………………………..
.……………………………………………………………………………………….

3) Lisez l’extrait qui parle des expériences personnelles d’un homme Inuit (= peuple
autochtone qui vit au nord du Canada) et répondez aux questions à l’oral.

Il a été éduqué dans le Sud, dans un pensionnat. Presque tous les hommes de sa génération
ont passé par là. Ce qui voulait dire cinq ans, six ans, parfois même dix ans à l’extérieur du
village, séparés de leurs familles. Lorsque Tamusi rentrait, il se sentait différent. Il ne
savait plus comment faire partie de la communauté, devait réapprendre sa langue. Mauvais
chasseur, il se voyait diminué. C’est à cause de cela qu’il a résolu d’être moderne, comme
les Blancs. Luise, il l’aime bien. Mais la fille fait des rêves idiots à leur sujet. Lui, il ne va
pas traîner longtemps au village. Son rêve, c’est de partir dans le Sud.

a) Quel problème le personnage a-t-il ?


………………………………………………………………………………………..
.
b) Quel est la cause de ses difficultés ?
………………………………………………………………………………………..
.
c) Comment veut-il résoudre son problème ?
………………………………………………………………………………………..
.

4) Réfléchissez à ce qu’est l’identité collective. Réfléchissez seule ou en paires. Ensuite,


on en parlera en classe.
a) L’identité collective est-elle importante ? Pourquoi ? Est-elle importante pour
vous ? Pourquoi ?

80
7 Conclusion
Dans ce mémoire, nous avons exploité les possibilités d’enseignement des éléments
culturels et interculturels à travers les textes littéraires choisis : Manikanetish de Naomi
Fontaine et Histoires nordiques de Lucie Lachapelle. Nous nous sommes concentrées sur
les sociétés autochtones du Québec, notamment la culture amérindienne innue, représentée
par la première œuvre, et la culture inuite, représentée par la deuxième œuvre.

Dans la partie théorique, nous présentons brièvement l’histoire des autochtones au


Canada en mettant l’accent sur la question identitaire. Dans le chapitre suivant, nous
établissons des bases théoriques de l’analyse de la place de la culture dans l’enseignement
du français langue étrangère. En passant par la terminologie concernant la « culture » et la
« civilisation », nous évoquons en particulier la compétence (inter)culturelle, telle que
décrite dans le CECRL et le RVP. Pour finir, nous définissons, à l’aide du Traitement
didactique des documents authentiques et spécificités des textes littéraires de M. Byram, la
méthodologie de l’enseignement de la compétence (inter)culturelle par l’intermédiaire des
textes littéraires authentiques.

Nous en profitons dans la partie pratique où nous concevons cinq fiches


pédagogiques accompagnées de cinq fiches d’étudiant. L’objectif des fiches est, dans un
premier temps, de présenter les éléments de la culture autochtone aux étudiants et
d’améliorer la compétence (inter)culturelle. Dans un second temps, nous mettons l’accent
sur le lexique qui apparaît dans le contexte de la vie autochtone au Québec. Les extraits
littéraires provenant des œuvres choisies sont utilisés en tant que support didactique dans
lequel les étudiants identifient les composantes (inter)culturelles. Le but des fiches est non
seulement d’approfondir les savoirs des étudiants, mais aussi de les sensibiliser à la culture
de l’autre et à leur apprendre à réfléchir et à comparer leurs expériences personnelles avec
celles des autres, le plus souvent à travers la discussion. La partie pratique consiste aussi
d’un chapitre sur chaque œuvre choisie qui porte sur des informations de base sur l’auteure
et l’œuvre : le résumé, la composition et une brève analyse thématique.

Les fiches pédagogiques ont été élaborées compte tenu du contexte particulier de
l’enseignement du FLE dans un lycée général, à un groupe de conversation d’un assez haut
niveau de français. Dans ce sens, les fiches pédagogiques et les supports peuvent s’avérer
exigeants. Toutefois, ils portent sur des thèmes universels et contiennent des activités de

81
paires et de groupes qui soulignent l’importance de la compétence d’interaction et de la
compétence communicative.

La compétence (inter)culturelle est une vaste problématique, surtout quand il s’agit


de définir le contenu de ce qu’il convient d’enseigner au lycée dans le contexte du FLE.
Dans ce mémoire, nous avons fait le choix d’accentuer le thème du Québec en relevant des
questions portantes sur les minorités autochtones. Pour approfondir la problématique de
l’univers autochtone, il serait certainement possible de profiter d’autres ressources
textuelles et audiovisuelles qui sont accessibles en ligne. Au-delà du cadre de ce mémoire,
l’analyse et l’exploitation successive d’autres œuvres des auteures choisies, par exemple du
roman Kuessipan de Naomi Fontaine et de son adaptation filmique, pourraient être
intéressantes.

82
8 Bibliographie

Œuvres analysées

FONTAINE, NAOMI. (2017). Manikanetish. Québec : Mémoire d’encrier.

LACHAPELLE, LUCIE. (2018). Histoires nordiques. Québec : Bibliothèque québécoise


(BQ).

Œuvres théoriques

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[Anonyme] « Naomi Fontaine. Biographie ». Dans Kwahiatonhk. [En ligne]


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[Anonyme] « Naomi Fontaine ». Dans Mémoire d’encrier. [En ligne] [Consulté le 1


septembre 2020]. Disponible sur : http://memoiredencrier.com/naomi-fontaine/ .

[Anonyme] « Kuessipan » dans Mémoire d’encrier. [En ligne] [Consulté le 1


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[Anonyme] « Lucie Lachapelle, auteure et écrivaine ». Dans Municipalité d’Oka. [En


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[Anonyme] « Lucie Lachapelle, écrivaine et réalisatrice ». Dans Mémoire d’encrier.


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realisatrice.blogspot.com/.

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canada.ca/nouvelle/1065491/naomi-fontaine-uashat-roman-eleves-innu.

87
Images

Amérindiens contemporains. Disponible sur : https://www.itk.ca/about-canadian-inuit/.

Amérindien portant une tenue traditionnelle. Disponible sur :


https://www.pinterest.fr/pin/658581145497885148/.

Vieille femme inuite. Image disponible sur :


https://www.pinterest.at/pin/731905376911762393/.

Réserve inuite de Iqaluit, Nunavut. Disponible sur :


https://www.macleans.ca/politics/keep-soft-liquor-store-out-of-iqaluit-a-founding-
premiers-plea/.

Réserve innu de Natashquan. Disponible sur :


https://tourismecote-nord.com/en/natashquan/.

88
9 Annexes
9.1 Fiche pédagogique
2 : L’image d’un
Inuit

Vieille femme inuite. Image accessible sur :


https://www.pinterest.at/pin/731905376911762393/

Á gauche : amérindien portant une tenue traditionnelle. Accessible sur :


ttps://www.pinterest.fr/pin/658581145497885148/

89
Á droite : une image des Inuits contemporains. Accessible sur : https://www.itk.ca/about-
canadian-inuit/

90
9.2 Fiche pédagogique 3 : Les réserves
https://www.macleans.ca/politics/keep-soft-liquor-store-out-of-iqaluit-a-founding-
premiers-plea/ la réserve inuite de Iqaluit, Nunavut

https://tourismecote-nord.com/en/natashquan/ la réserve innue de Natashquan

91
9.3 Fiche pédagogique 4 : Devenir Innu

Mikuan p.34-35
Mikuan, quant à elle, me donnait l’impression d’une élève sérieuse. A vingt ans,
elle avait l’allure d’une femme mature, l’adolescence n’avait fait que passer. Le visage
rond, les cheveux jusqu’au fesses lorsqu’elle ne les attachait pas et cet accent qui ne ment
pas, l’accent chantant du Nord. En classe, elle s’assoyait seule, à l’abri des chuchotements.
Elle me fixait, avec des yeux qui interrogent, l’esprit ouvert. Elle travaillait lorsque je le lui
demandais, elle écoutait lorsque je donnais mes indications et elle répondait même aux
questions, celle dont les réponses invitaient aux explications les plus récentes. Il n’y avait
que ce minime trouble d’assiduité envers l’horaire. Elle vivait, je crois, dans un autre
temps.
Mikuan a quitté sa communauté à l’âge de dix-sept ans, enceinte, avec son
amoureux, Là-bas, dans son village accessible que par la mer, l’école arrêtait en secondaire
trois. Ensuite, il restait le choix d’abandonner ou de déménager. Elle a décidé de continuer.
Uashat, ce n’était pas chez elle. Je la comprenais. Car malgré mes efforts pour m’intégrer
depuis mon retour à Uashat, la plupart du temps, je partageais ce sentiment. L’exclusion.
Peut-être pour cette raison, elle a été la première avec qui ai sympathisé après les
cours, les autres élèves fuyaient la classe une fois la cloche sonnée. On parlait de tout de
rien. De son garçon de deux ans qu’elle a dû amener à l’hôpital la veille, d’où elle est
partie sans avoir vu de médecin parce que les longues heures d’attente l’avaient exaspérée.
Elle m’a dit qu’elle y retournerait si la fièvre ne passait pas. Et devant la charge que je
voyais peser sur son dos, je l’encourageais. Souvent, je n’arrivais même pas à imaginer la
manière dont elle s’y prendrait pour décrocher un diplôme. Parce que malgré sa grande
détermination, elle cumulait les échecs en lecture et en écriture. Il m’était difficile de lui
donner du travail supplémentaire, à cause de son garçon dont elle devait s’occuper tous les
soirs. Je l’écoutais en hochant la tête, empathique. Je lui disais à demain.

92
Marc p.38-39
La mère de Marc. Il était absent ce matin-là. Ça n’a inquiété personne puisqu’il s’absentait
souvent sans raison valable. Ses absences faisaient partie de la tension qui émanait de lui
lorsqu’il s’agissait de lire, d’écrire, d’apprendre à conjuguer au passé simple. Je ne m’étais
pas habituée à son attitude négative et je le lui disais constamment. Nous étions à la fin
d’une étape et je me suis permis de critiquer ouvertement son inconscience devant le
groupe, répétant pour la énième fois combien la présence à l’école était importante. Qu’elle
était le premier facteur de réussite. L’une des élèves m’a interrompue, et de sa voix
complétement outrée, cette voix à laquelle je ne m’étais pas habituée non plus, elle m’a
dit :
« Ben voyons, madame. Tu sais pas qu’il est parti à Québec. Sa mère est malade et
elle va peut-être mourir. »
Je n’en savais rien. Et j’ai interrogé ma commère, pas celle à la voix outrée, mais
l’autre, celle par qui tous les potins, vrais ou faux, concernant la communauté passaient et
se diffusaient, afin qu’elle me dise ce qu’elle a entendu.
A ce qui paraît, sa mère a fait une crise cardiaque et ils savent pas si elle va vivre.
Ils l’ont amenée à Québec en avion pour qu’elle voie des spécialistes parce qu’ici on sait
bien, c’est juste des pas bons qu’on a dans notre hôpital. Et eux autre, Marc et son frère,
sont partis en char160 ce matin. Ils savent pas s’ils vont être capables de la voir avant…
C’est vraiment triste madame, pour Marc. Je comprends pas que t’a pas entendu parler de
ça.
Je ne comprenais pas moi non plus. Et j’ai passé le reste du cours à penser à lui, à
son inquiétude, à ses incertitudes. Mon cœur faisait un léger arrêt chaque fois que je me
répétais silencieusement les paroles de l’élève. Ils savent pas s’ils vont être capable de la
voir avant…
Ce jour-là, je suis allée dîner chez ma mère.

160
Français québécois : la voiture.

93
Marc p.52-53
Marc. Il n’avait pas raté une seule journée d’école depuis son retour. Il avait cessé de
rouspéter et prenait au sérieux mes recommandations sur les travaux à faire.
Paradoxalement, j’ai eu peur qu’il ne soit atteint d’une déprime profonde. Même si tout
dans son comportement faisait mentir cette hypothèse. Ces changements d’attitude
m’inquiétaient de plus en plus.
Je l’ai pris à pars après un cours, ignorant ma crainte de faire une gaffe, de raviver
une douleur tout juste pansée.
Marc, je voulais te dire que je vois tous les efforts que tu fais en classe. Si tu
continues à ce rythme, c’est une belle réussite qui t’attend.
Ah c’est cool, madame.
Je veux quand même te poser la question. A Part l’école, ça va toi ? à la maison,
comment ça va ? Ou avec tes amis ?
Ben…
Il a pris une grande respiration.
Oui ?, l’ai-je encouragé.
Je vais partir d’ici. Quand j’aurai fini mon secondaire, je vais déménager à Québec.
Je veux aller faire mon cégep161 là-bas. Je suis comme tanné162, madame, d’ici. Je veux
partir d’Uashat.
Il me touchait. Sa détermination, sa fougue me touchaient.
Tu vois, madame, c’est pour ça que t’as remarqué que je travaillais plus.
Oui je vois. Crois-moi, on va travailler fort ensemble pour que tu réussisses.
L’enseignante de mathématiques avait raison. La force de Marc, elle était bien au-
delà de ce que je pouvais imaginer.

161
L’école post-secondaire qui précède l’université, spécifique au Québec.
162
Français québécois : être agacé.

94
Myriam p.92-93
Théâtre. La question que je me posais était indélicate et essentielle. Laquelle de mes élèves
allait jouer Chimène à présent ? Deux semaines étaient passés et Myriam n’était toujours
pas de retour. Je comprenais ses absences et pour rien au monde je ne me serais permis de
la juger. Perdre sa sœur à cet âge-là, c’était comme perdre un bras. On ne sait plus
comment bouger, comment jouer, comment garder l’équilibre. On n’a plus envie de danser,
de faire rire les autres, de bercer son garçonnet. Car Myriam était mère également. D’un
bébé d’à peine un an. Depuis la rentrée scolaire, elle avait pris une entente avec sa belle-
mère pour pouvoir aller à l’école. Après les cours, elle terminait ses journées une fois la
maison propre, son fils endormi et les dizaines de pyjamas miniatures lessivés, séchés et
pliés. Elle avait dix-sept ans. Malgré cela, depuis le début de l’année, elle ne rechignait pas
devant un travail long en écriture ou un roman à lire en devoir. Bien sûr, elle me servait
parfois l’excuse du bébé malade comme le faisaient les autres mères dans mes groupes,
toutefois, elle me questionnait toujours sur le travail à reprendre. C’est pourquoi,
lorsqu’elle m’avait proposé de jouer Chimène, malgré l’ampleur du rôle à apprendre par
cœur, je le lui avais accordé. Elle était fiable.
Seulement, sa vie avait chaviré. De la deuxième de la famille, elle était devenue
l’aînée. C’est sur elle à présent que sa mère comptait pour l’aider avec ses frères et sœurs.
Ce devait être lourd. Exigeant de les réconforter tour à tour. De leur dire que non, Marithée
n’est plus là, mais que maintenant, où elle est, dans le ciel bleu, il n’y a plus de colère, plus
de larmes, plus de mal. Imaginer ma jeune élève et son drame sur les épaules déchirait mon
cœur un peu plus.

95
Stanley p.96-97
Stanley. Un soir il est arrivé avec un châteauneuf-du-pape 163. Il cherchait à
m’impressionner. Nous avons bu cette bouteille et une autre qu’il a débauché avec plaisir.
Je gardais cette relation secrète. Par orgueil. J’imaginais mal que l’on puisse ses
retrouver, lui et moi, assis dans le salon de ma mère à discuter de l’été un peu frisquet. Ou
le présenter à mes amies de Québec. Parce qu’il avait une réputation de mauvais gars dans
la réserve. Il n’avait ni diplôme, ni travail, ni même de permis de conduire. Il jouait de la
guitare et était le père de trois enfants qu’il ne voyait pratiquement jamais. J’ajoutais à cela
ses problèmes d’alcool, de drogues été autres dépendances connexes. Son attitude me
séduisait sans que je puisse me prémunir. L’humour cinglant d’un gars qui n’en a rien à
faire de ce que pensent les autres. L’arrogance d’un homme qui s’était rarement fait dire
non. Sa manière de m’embrasser en prenant mon visage dans ses deux mains.
J’ai un show dans deux semaines. Ça te tenterait de venir avec moi.
C’est où ?
A Natashquan.
Ah…
Il fumait près de la fenêtre en soufflant à l’extérieur. Ce qui n’empêchait pas la
fumée d’entrer. Je lui ai fait signe de m’en donner une bouffée. J’en étais à mon cinquième
verre. Le vin était bon.
Je sais pas. Je veux pas te déranger.
Tu me dérangeras pas. Je vais te traiter comme une reine, tu vas voir.
Je me suis mise à rire. Tu vas être avec qui ?
J’pars avec mon drummeur et mon bassiste.
Ah…
J’ai pris quelques secondes. Je me suis imaginée en backstage, dans un village où je
ne connaissais personne. Une groupie seule au milieu de la foule échauffée et bruyante.
Je sais pas…
De quoi t’as peur ?
J’ai pas dit que j’avais peur. J’ai juste pas envie de me retrouver avec tous tes amis
à Natashquan.
J’ai pincé mes lèvres.
Ouin.
Il avait fait l’air franchement déçu.
Ce serait trop bizarre qu’on nous voie ensemble, comme si on était un couple ou
quelque chose de même, lui ai-je dit en penchant ma tête vers lui.
Ouais, je sais.

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Vin rouge français renommé.

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Maya p.82-83
Au même instant, Maya pousse la porte de la classe. Elle nous voit, en cercle, graves. Elle
a un court sanglot et cache son visage derrière ses mains. Je me lève rapidement et je la
prends dans mes bras, caressant ses longs cheveux noirs. J’ai oublié Maya, la grande amie
de Marithée. Récemment, des rumeurs avait couru à son sujet. Elle aurait tenté de s’enlever
la vie et a été internée quelques jours dans l’aile psychiatrique de l’hôpital. C’est ainsi
qu’on faisait. La tentative menait à une semaine en compagnie de ceux qui avaient perdu la
tête à force d’inhaler des drogues fortes et bon marché, de ceux qui ne ressentaient plus
rien grâce aux antidépresseurs que des médecins leur prescrivaient, de ceux qui comme
elle, vivaient d’un noir profond, perdus dans les ténèbres, sans espoir de revoir la lueur.
Elle s’effondre dans mes bras. Je l’assieds juste à côté de moi. Je pleure avec elle. Elle est
mère elle aussi. De deux jeunes enfants. Je lui chuchote à l’oreille.
C’est l’amour, ma belle, c’est l’amour qui va nous sauver. Ce soir, tu vas prendre
tes enfants dans tes bras, et même si ça fait mal, tu vas leur dire que tu les aimes. Plus que
tout.
Durant le reste du cours, les élèves parlent peu. Je les encourage sans pression.
J’apprends que pour sa famille, c’est un geste inattendu. Il n’y avait rien dans son
comportement qui aurait pu suggérer qu’elle vivait cette détresse. Ce désespoir opaque.
Insurmontable. Jusqu’à se pendre à un arbre à la lisière de la forêt. J’apprends également
qu’elle vient d’une famille nombreuse. Que le plus jeune de ses frères a l’âge de son fils.
Que lorsque sa mère a rassemblé ses enfants pour leur annoncer la nouvelle de sa mort, le
jeune frère a continué à jouer avec son camion jaune. Et la mère l’a regardé avec envie.
Qu’est-ce qu’elle aurait donné pour une seconde d’inconscience.

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Mélina p.119-120
Mélina. Entre deux cours, je l’ai croisé dans le corridor. Elle portait un sac d’école avec
tous ses cartables sur une épaule. A cause de sa petite taille, on aurait presque dit qu’elle
allait basculer. Elle avait cet air abattu que j’avais appris à repérer chez mes élèves. Entre
le sentiment fautif et la déception.
Mélina ?
Salut madame.
Ça va ?
Ben pas vraiment. Je retourne chez moi.
Comment ça ?
Je viens de rencontrer monsieur Boulanger. Il m’a dit que j’avais manqué trop de
cours. Il me renvoie.
Ah non…
Ouais.
Combien de temps ?
Jusqu’à la fin de l’année, je crois…
Ben voyons donc !
Ouais.
Tu veux que je lui parle ?
Je sais pas.
Je peux lui parler. Ça n’a pas de sens de pas te laisser terminer l’année.
Tu crois ?
Je vais aller le vois. Je crois que je peux peut-être arriver à le convaincre. J’ai
besoin d’être sûre que c’est ce que tu veux.
Ben oui madame. C’est juste que je suis dans une mauvaise passe, là…Je veux finir
mon année pareille.
D’accord. Accroche-toi ma belle. Si t’as envie de parler je suis là.
J’ai obtenu du directeur qu’elle réintègre sa classe le lendemain. Lui expliquant
qu’elle était l’une des élèves qui obtiendrait son diplôme assurément. Elle a dû promettre
tout de même de ne plus manquer un seul cours jusqu’à la fin de l’année. Ce qu’elle a fait,
l’espace de quelques jours. Puis, je n’ai jamais su réellement pourquoi, elle a décidé
d’abandonner une fois pour toutes le secondaire. Mélina, ma précieuse rédactrice.
Je lui ai écrit quelques jours après son départ pour lui dire qu’il existait très peu de
gens capables d’écrire comme elle. Si naturellement. Que je savais de quoi je parlais. Je me
suis vanté d’avoir du goût en matière de littérature. Que peu importe le métier qu’elle
choisirait de pratiquer, elle devait absolument écrire. Elle m’a répondu un très court Merci
madame. Et je l’ai accueilli, égoïstement, comme un échec personnel.

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