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LES FETES D'HEBE


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Les Arts Florissants


WILLIAM CHRISTIE

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NOUVEAUTE

WILLIAM CHRISTIE ET LES ARTS FLORISSANTS ENREGISTRENT


EN EXCLUSIVITÉ POUR ERATO.
ERATO
JEAN-PHILIPPE R A M E A U
(1683-1764)

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LES FETES D'HEBE
(1739)
Opéra-ballet en trois actes sur un livret d'Antoine Gautier de Montdorge
(version de concert)

DISTRIBUTION

Dessus Sarah Connolly


Sophie Daneman
Maryseult Wieczorek
Haute-contre : Jean-Paul Fouchécourt
Taille : Paul Agnew
Basse : Luc Coadou
Olivier Lallouette
Matthieu Lécroart
Laurent Slaars

DECEMBRE 1996
BRUXELLES Palais des Beaux-Arts le 16 à20h00
LONDRES Barbican Centre le 18 à19h30
CAEN Théâtre de Caen le 20 à20h30

Avec le soutien de IA.F.A.A., Association Française dAction Artistique - Ministère des Affaires Etrangères

Avec la participation du Ministère de la Culture, de la ville de Caen,


du Conseil Régional de Basse-Normandie
PECHINEY parraine Les Arts Florissants depuis 1990

LPRO 1996/64
RÔLES

PROLOGUE

FFébé : Sophie Daneman


L'Amour : Sarah Connolly
Momus : Paul Agnew

PREMIERE ENTRÉE : LA POÉSIE

Sapho . Sarah Connolly


La Naïade. Sophie Daneman
Le Ruisseau, Maryseult Wieczorek
Paul Agnew
Thélème. Jean-Paul Fouchécourt
Alcée. Luc Coadou
Hymas. Laurent Slaars
Le Fleuve. Matthieu Lécroart

DEUXIEME ENTREE : LA MUSIQUE

Iphise : Sarah Connolly


Une Lacédémonienne : Maryseult Wieczorek
Lycurgue : Paul Agnew
Tirtée : Olivier Lallouette

TROISIÈME ENTRÉE : LA DANSE

Eglé : Sophie Daneman


Une Bergère : Maryseult Wieczorek
Mercure : Jean-Paul Fouchécourt
Eurilas : Olivier Lallouette
CHŒUR

Soprano : Solange Afïorga


Bettina Arias
Marie-Louise Duthoit
Violaine Lucas
Victoria Manso
Anne Mopin
Brigitte Pelote
Anne Pichard

Haute-contre : Jean-Xavier Combarieu


Richard Duguay
Bruno Renhold
Andrew Sinclair

Ténor : Alain Brumeau


Michael Loughlin-Smith
François Piolino
Jean-Marie Puissant
Jean-Yves Ravoux
Laurent Slaars

Basse : Fabrice Chomienne


Laurent Collobert
Jean-François Gay
David Le Monnier
Matthieu Lécroart
Christophe Olive
Frits Vanhulle

Préparation du chœur François Bazola


Répétiteur claveciniste Béatrice Martin
ORCHESTRE

Violon I : Myriam Gevers


Jean-Paul Burgos
Sophie Gevers-Demoures
Simon Heyerick
Mihoko Kimura
Valérie Mascia
John Wilson Meyer
Susanne Scholz
George Willms
Violon II : Michèle Sauvé
Bernadette Charbonnier
Roberto Crisafulli
Catherine Girard
Dario Luisi
Guya Martinini
Martha Moore
Ruth Weber
Alto : Galina Zinchenko
Marciai Moreiras
Michel Renard
Jean-Luc Thonnérieux
Anne Weber
Basse de violon & violoncelle . David Simpson (Continuo)
Emmanuel Baissa
Ulrike Brütt
Brigitte Crépin
Damien Launay
Marion Middenway
Michel Murgier
Alix Verzier
Basse de viole : Anne-Marie Lasla (Continuo)
Contrebasse : Jonathan Cable (Continuo)
Michael Greenberg
Richard Myron
Flute : Serge Saïtta
Charles Zebley
Hautbois : Michel Henry
Christian Moreaux
Vincent Robin
Machiko Ueno
Basson : Claude Wassmer
Jun Harada
Eckhardt Lenzing
Philippe Miqueu
Cor : Denis Maton
Piet Dombrecht
Trompette : Per Olov Lindeke
Gilles Rapin
Musette : Jean-Christophe Maillard
Jean-Pierre Van Hees
Percussion : Marie-Ange Petit
Michèle Claude
Clavecin : Emmanuelle Haïm (Continuo)
Direction : William Christie
LES FÊTES D'HÉBÉ
Opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau

LE COMPOSITEUR

L es grandes lignes de la vie et de la carrière de Jean-Philippe Rameau sont


aujourd'hui connues de la plupart des amateurs de musique baroque française. Né à
Dijon en 1683, Rameau voyage un peu en Italie et occupe le poste d'organiste aux
cathédrales d'Avignon et de Clermont avant de publier son Premier livre de pièces de
clavecin à Paris en 1706. Il reste probablement à Paris, où il exerce également les fonctions
d'organiste, jusqu'en 1709, date à laquelle il est nommé organiste à la cathédrale Notre-
Dame à Dijon. On le retrouve à Lyon de 1713 à 1715. Qualifié de «maître organiste et
musicien de cette ville» dans un document de l'époque, il y organise des concerts
importants et compose des motets et d'autres œuvres dont la plupart sont aujourd'hui
inconnues. En 1715, il est nommé organiste à la cathédrale de Clermont, où il reste
environ sept ans. Plusieurs cantates et motets figurent parmi les projets que Rameau réalise
à cette époque ; c'est également à Clermont qu'il écrit son premier grand ouvrage
théorique, le Traité de Tharmonie.
L'année 1722 marque l'arrivée définitive de Rameau à Paris. La publication de son
Traité de Tharmonie, en 1722, est un début étonnant pour sa carrière de théoricien.
Rameau continue à travailler à des problèmes théoriques et publie ses découvertes
pratiquement jusqu'à sa mort, en 1764. Dès 1723, il compose des opéras comiques qui sont
représentés à la Foire Saint-Germain ou à la Foire Saint-Laurent. En 1724, il publie les
Pièces de clavessin ; cinq ans plus tard environ paraissent les Nouvelles suites de pièces de
clavecin. En 1726, il épouse la jeune chanteuse et claveciniste Marie-Louise Mangot,
probablement l'une de ses élèves. Son fils, Claude-François, naît l'année suivante. Une
lettre de Rameau au librettiste Antoine Houdar de La Motte, datée de 1727, indique son
désir de travailler à un opéra, et évalue ses talents potentiels de compositeur de musique
dramatique.
En 1733, l'Académie R o y a l e de Musique donne la première représentation
cY Hippolyte & Aricie, sa première tragédie. Cet opéra inaugure un débat entre «lullistes» et
«ramistes», et marque le début d'une nouvelle époque à l'Opéra de Paris. On est
bouleversé par la vigueur, la richesse d'invention et la complexité contrapuntique de cette
nouvelle musique. Les cinq opéras de Rameau qui sont représentés avant la fin des années
1730, c'est-à-dire Hippolyte & Aricie, Les Indes galantes, Castor & Pollux, Les Fêtes
d'Héhé et Dardanus, ne constituent pas son seul champ d'action à cette époque. Vers 1734,
Rameau est engagé par Alexandre-Jean-Joseph Le Riche de La Pouplinière pour diriger
son établissement musical. Pendant environ vingt ans, Rameau organise des concerts chez
La Pouplinière et dirige son orchestre. Au cours des années 1730, Rameau occupe
également des postes importants d'organiste et continue à enseigner. Parmi ses élèves,
citons Thérèse des Hayes, qui épousa La Pouplinière vers 1734, la future Madame Denis
(nièce et maîtresse de Voltaire), et les compositeurs Claude Balbastre, Pierre Montan
Berton, ainsi qu'Antoine Dauvergne.
Au début des années 1740, Rameau publie les Pièces de clavecin en concerts, puis se
consacre surtout à la composition de musique dramatique. Sa collaboration avec Louis de
Cahusac, qui écrira pour lui plusieurs livrets, commence vers 1744. En 1745, il reçoit le
titre de compositeur de la musique de la Chambre du Roi, ainsi qu'une pension de 2000
livres. Entre 1745 et 1749, dix opéras nouveaux, parmi lesquels Platée, Le Temple de la
Gloire, Les Surprises de l'Amour, Pygmalion et Zoroastre sont représentés soit à l'Opéra de
Paris, soit à la cour de Louis XV. Les anciens opéras de Rameau sont également souvent
repris. Vers la fin de la décennie, ses opéras sont si souvent représentés par l'Académie Royale
de Musique que le Comte d'Argenson, secrétaire d'état de la Maison du Roi, essaie d'imposer
des limites. Espérant sans doute l'influencer en sa faveur, R a m e a u lui dédie sa
Démonstration du principe de l'harmonie en 1750.
R a m e a u traverse en effet à cette époque une p é r i o d e de d é s a c c o r d avec
l'administration de l'Opéra, différend qui n'est que partiellement résolu avec l'attribution
d'une pension en 1757. De 1750 à 1755 environ, Rameau travaille à plusieurs opéras qui
furent donnés longtemps après leur composition ou ne furent jamais représentés de son
vivant. On peut citer par exemple Les Paladins, composé vers 1755 mais représenté pour la
première fois en 1760, et Linus, répété chez Madame de Villeroy vers 1752 mais
abandonné peu après. Rameau — ou plutôt la musique de Rameau — figure largement
dans la Querelle des Bouffons des années 1752 à 1754. Sa réponse officielle à la Lettre sur
la musique française de Rousseau se trouve dans les Observations sur notre instinct sur la
musique, publiées en 1754.
Rameau ne semble pas avoir entrepris de nouveaux projets d'opéra après l'âge de 75
ans, mais il continua à réviser ses anciennes œuvres. Concernant les «nouveautés» qu'on
voulut lui faire ajouter à Castor & Pollux pour des représentations à Fontainebleau en
1763, il dit à Michel-Paul-Gui de Chabanon : «Mon ami, j'ai plus de goût qu'autrefois,
mais je n'ai plus de génie du tout». En moins de trente ans, Rameau a composé plus de cent
actes de musique dramatique. Selon son confrère Hugues Maret, «il étoit réellement dans
l'enthousiasme en composant : il se livroit a une gaieté déclamatoire, lorsque son génie le
servoit a son gré ; & à une espèce de fureur chagrine, s'il se refusoit a ses efforts». Peu après
la mort de Rameau et son enterrement à l'église Saint-Eustache, en septembre 1764, trois
cérémonies mémoriales eurent lieu à Paris. Les 1500 personnes environ qui assistèrent à
celle de l'église des Pères de l'Oratoire purent contempler la vie de ce grand homme en
écoutant le Requiem de Jean Gilles, le De Profundis de François Rebel, et plusieurs
morceaux pathétiques de Rameau lui-même.

L A C O M P O S I T I O N ET LES S O U R C E S MUSICALES

Les Fêtes d'Hébé, ou les Talens Lyriques de Rameau sont représentées pour la
première fois par l'Académie Royale de Musique, dans la Salle du Palais Royal, le 21 mai
1739. C'est le quatrième opéra de Rameau à paraître sur la scène de l'Opéra de Paris.
Comme les paroles d'Hippolyte & Aricie et de Castor & Pollux, celles des Fêtes d'Hébé
sont évidemment écrites dans l'entourage de La Pouplinière. Bien que le livret ait été
publié sans nom d'auteur, la plupart des sources du XVIIF siècle indiquent qu'il est
principalement l'ouvrage d'Antoine Gautier de Montdorge, peintre amateur et maître a la
Chambre aux deniers du Roi. Pour écrire et réviser ce livret, Montdorge eut, paraît-il,
plusieurs collaborateurs : La Pouplinière, une certaine «Madame Bersin» (probablement
l'épouse de Jean-Baptiste Bersin, conseiller du Roi en ses conseils), Pierre-Joseph («Gentil»)
Bernard, auteur des paroles de Castor & Pollux, et l'abbé Simon-Joseph Pellegrin, auteur
des paroles d'Hippolyte & Aricie. Rameau lui-même contribua, dans une certaine mesure,
au livret des Fêtes d'FFébé. En effet, quatre ans après la première représentation,
Montdorge publie un petit livre intitulé Réflexions d'un peintre sur l'opéra, qui raconte
l'histoire d'un librettiste anonyme tyrannisé par son compositeur. Ce récit a sans doute été
inspiré par son travail sur Les Fêtes d'FLébé et par les discussions qu'il avait pu surprendre
chez La Pouplinière.
Nous ne savons ni quand ni dans quelles circonstances Rameau et ses librettistes ont
pu commencer leur travail sur cet opéra. Près de dix-huit mois s'écoulent entre la dernière
représentation de Castor & Pollux, en décembre 1737, et la première représentation des
Fêtes d'FFébé, en mai 1739. Cependant, la première indication connue de cet ouvrage, une
lettre du commissaire Simon-Henri Dubuisson au Marquis de Caumont, porte la date
relativement tardive du 5 avril 1739 et mentionne seulement qu'un «ballet nouveau» de
Rameau serait représenté bientôt à l'Opéra. En l'absence de documents révélateurs, on
peut chercher des indications dans l'ouvrage lui-même. L'idée générale du livret provient
sans doute d'un livret d'Antoine Houdar de La Motte, Le Triomphe des Arts, qui fut mis
en musique par Michel de La Barre et représenté pour la première fois par l'Académie
Royale de Musique en mai 1700. Les sujets de la deuxième et de la troisième entrée de ce
livret (La Poésie ou Sapho et La Musique ou Amphion) furent repris dans les deux
premières entrées des Fêtes d'FLébé (La Poésie et La Musique). Le rôle d'Iphise, l'héroïne
de La Musique de Rameau, a peut-être été suggéré par le rôle d'Iphise dans Jephté, une
tragédie de Pellegrin et de Michel Pignolet de Montéclair. La première production de
Jephté, en 1732, avait beaucoup impressionné Rameau. Son Dardanus, dont le livret fut
ébauché au moins un an avant la première représentation des Fêtes d'FLébé, comprend
également une héroine nommée Iphise. Par ailleurs, Issé, une pastorale héroïque de La
Motte et d'André Cardinal Destouches, inspira probablement la troisième entrée des Fêtes
d'FLébé (La Danse). La reprise d'Issé en novembre 1733 fut si bien reçue par le public
parisien que les représentations ne cessèrent qu'en mai 1734. Dans Issé, Apollon, dieu des
arts, se déguise en berger et sous le nom de Philémon triomphe d'un rival, Hilas, pour
gagner l'amour de la bergère Issé. Dans La Danse, Mercure, dieu des arts dans certaines
mythologies (le livret nous le rappelle) se déguise en berger, rencontre le berger Eurilas, et
triomphe d'un rival, Palémon, pour gagner l'amour de la bergère Eglé.
Dès la première représentation, Les Fêtes d'FLébé comportent plusieurs pages de
musique que Rameau avait d'abord destinées à d'autres œuvres. Selon un compte-rendu
publié dans le Journal de Paris en 1777, Rameau lui-même disait que les plus beaux
morceaux de cet opéra avaient été écrits pour Samson. Le compositeur avait travaillé à cette
tragédie avec Voltaire en 1734 mais l'abandonna en 1735 ou 1736. Le Journal de Paris
mentionne que «la musique du Divertissement du Fleuve, dans le premier acte, était le
morceau destiné à peindre l'eau jaillissante du Rocher» [Samson, II, 2] ; que «le grand
Morceau de Tirtée [son air «Eveille-toi»] est le même que celui qui dans la bouche de Samson
devait reprocher leur lâcheté aux Israélites» [Samson I, 4] ; que «le Divertissement du
troisième acte était la fête d'Adonis» [Samson III, 1]. Rameau basa au moins quatre morceaux
des Fêtes d'Hébé sur des pièces qu'il avait composées au moins dix ans plus tôt. La première
version de La Musique comporte un «Air tendre» basé sur «L'Entretien des Muses», qui
parut dans les Pièces de clavessin en 1724. Cette collection fournit également la «Musette en
rondeau» et le «Tambourin en rondeau» de La Danse. «L'objet qui règne», une ariette de
cette même entrée, parut d'abord dans la cantate Le Berger fidèle, achevée en 1728.
Les Fêtes d'Hébé ne sont malheureusement pas au nombre des opéras de Rameau
qui existent aujourd'hui en partition autographe. En effet, tous les manuscrits autographes
de cet opéra furent probablement jetés au XVIII siècle. De plus, les partitions utilisées pour
e

les productions à l'Opéra de Paris du vivant de Rameau ont également disparu. On trouve
cependant des exemplaires d'au moins trois éditions gravées qui furent approuvées par le
compositeur. La deuxième édition comprend la seconde version de La Musique,
représentée environ un mois après la première, tandis que la troisième édition comporte
des changements supplémentaires. Certains manuscrits et certaines révisions de la main de
copistes importants de la période 1750-1775, parmi lesquels Durand et Marvereau, font
état de versions qui furent sans doute représentées à diverses étapes de la vie de Rameau.
Parmi ces sources, citons un manuscrit qui appartint au Marquis de Brancas (Pn Vm 3 42), 2

un manuscrit qui provient de la collection de Jacques-Joseph-Marie Decroix (Pn Vm 343), 2

et une partition gravée avec révisions manuscrites qui appartint au Marquis de La Salle
(Po A. 143a). On trouve également une partition manuscrite de la troisième entrée
qui fut probablement préparée pour les représentations parisiennes de 1765 ou 1770
(Po A. 143b). Dans les nombreuses parties séparées existantes qui servirent pour diverses
productions du vivant de Rameau, on relève des indications très précieuses pour
l'interprétation.

LE LIVRET

Il existe plusieurs éditions du livret des Fêtes d'Hébé, toutes publiées sans nom
d'auteur pour des représentations qui eurent lieu entre 1739 et 1777 à l'Opéra de Paris ou
à la cour de Louis XV. La première édition comporte Y «Extrait d'une lettre, écrite a M.
Rameau», où le librettiste anonyme reconnaît la qualité inférieure de sa poésie, constatant
que son seul but était de produire un «enchaînement de Scènes qui prêtassent a la Musique
et au Spectacle». Le peu d'intérêt dramatique qu'on y trouve serait insuffisant pour une
tragédie. Pourtant, cette œuvre est un opéra-ballet, où la musique et le spectacle sont les
éléments les plus importants. Comme la plupart des opéras-ballets, il comporte un
prologue et trois entrées liées par un seul sujet, mais présentant chacune une action
indépendante. Les trois arts lyriques, poésie, musique et danse, sont représentés ici par
trois personnages, Sapho, Tirtée et Eglé.
Le prologue est une célébration de la jeunesse et de l'amour. Hébé, déesse de la
jeunesse, et Momus, dieu de la raillerie, quittent le ciel pour chercher leur bonheur sur
terre. Les Grâces viennent faire leur cour à Hébé, puis l'Amour invite des bergers
thessaliens à lui rendre hommage. Hébé et l'Amour se décident à fixer leur séjour «aux
plus heureux climats», c'est-à-dire «sur les bords de la Seine». Les Zéphyrs arrivent pour
soutenir le char d'Hébé. L'Amour ayant annoncé le sujet de l'opéra, le triomphe des
talents lyriques, Hébé monte dans le char, et l'Amour et Zéphyr volent à ses côtés.
La première entrée, La Poésie, propose une action qui naît d'un amour imaginaire
entre Alcée et Sapho, poète et poétesse de la Grèce antique. Sapho se plaint de l'exil auquel
Alcée est condamné par Hymas, roi de l'île de Lesbos, à l'instigation de Thélème, un rival
jaloux. Elle fait jouer au roi un divertissement allégorique qui représente les maux qu'elle
ressent par l'absence de son amant. Dans ce divertissement, une Naïade se plaint de
l'inconstance de son Ruisseau, et le Fleuve qui a fait son mal rejoint le couple séparé.
Touché par ce spectacle, le roi rappelle Alcée et le couple est réuni. Thélème ayant fui les
lieux, l'acte se conclut par une fête marine.
Dans la seconde entrée, La Musique, Iphise, fille de Lycurge, roi de Sparte, est sur le
point de se marier à Tirtée, envoyé d'Athènes aux Lacédémoniens pour commander leur
armée. Lycurge entre pour annoncer qu'un oracle destine Iphise au héros qui peut vaincre
les Messéniens. Par ses chants émouvants, Tirtée anime l'audace des Lacédémoniens et les
mène au combat. Iphise se lamente de son absence et attend son retour en compagnie
d'autres femmes. Un second oracle et un ballet figuré lui révèlent son heureux destin.
Tirtée revient triomphant, et Lycurge bénit l'union du couple. La victoire de Tirtée
s'achève par une fête guerrière pour laquelle «des nuages chargés de trompettes, de
timbales, de hautbois et de bassons descendent sur le théâtre». Dans la seconde version de
cette entrée, qui remplaça la première après dix-neuf représentations, le rôle de Lycurge
fut éliminé, les exhortations de Tirtée et la scène de l'attente des femmes furent remaniées,
et les rôles d'Iphise et de Tirtée gagnèrent en importance.
Dans la troisième entrée, La Danse, Mercure arrive dans un hameau où l'Amour lui
a promis une conquête. Déguisé en berger, il apprend d'Eurilas qu'Églé, pour prix de son
dévouement à Terpsichore, va choisir un époux au cours d'une fête. Eurilas se retire,
victime de sa propre timidité. Un autre rival, Palémon, joue du hautbois, mais Églé préfère
le son de la voix de Mercure. Mercure déclare son amour pour Eglé, qui essaie vainement
de cacher son enchantement. Les bergers du hameau se disputent la gloire d'être choisis
par Eglé, mais c'est Mercure qui reçoit la guirlande destinée à son vainqueur. Mercure
révèle sa divinité, et Terpsichore arrive pour mener le divertissement dans un jardin orné.
Quand elle remet son tambour à Eglé, toute sa cour reconnaît la bergère pour nymphe de
la danse.

LA RÉCEPTION DE L'ŒUVRE

Les Fêtes d'FLébé figurent parmi les opéras de Rameau les plus appréciés de ses
contemporains, et parmi les rares œuvres dramatiques du compositeur qui plurent dès les
premières représentations. Entre 1739 et 1777, date de la dernière reprise, on compte plus
de 300 représentations, soit de l'œuvre entière, soit de l'une ou de plusieurs entrées, à
l'Opéra de Paris. De plus, la troisième entrée, La Danse, est représentée plusieurs fois à la
cour de Louis XV. Pierre-Louis d'Aquin de Château-Lyon observe en 1752 dans son Siècle
littéraire de Louis XV, que «c'est un des plus beaux ouvrages de ce grand homme : tout y
est également soutenu, les Tableaux en sont agréables & rians...». D'Aquin admirait
surtout le divertissement du troisième acte. Selon lui, «c'est la plus gracieuse Bergerie qui
soit au Théâtre Lyrique ; où trouver autant de douceur, de délicatesse & d'aménité ? Ce joli
Tableau est fait avec le pinceau des Grâces». Melchior Grimm nota après la mort de
Rameau que le compositeur «fit réussir [cet opéra] par ses gavottes et ses rigodons»,
indiquant à quel point sa musique détermina le succès de l'œuvre.
La première production des Fêtes d'FLébé débuta le 21 mai 1739 et continua jusqu'au
1er septembre suivant. Les rôles principaux furent interprétés par Marie Fel (Hébé),
M. Cuvillier (Momus) et Mlle Bourbonnois (l'Amour) dans le prologue ; Mlle Eremans
(Sapho), M. Albert (Alcée) et Pierre Jélyotte (Thélème) dans La Poésie ; Mlle Pélissier
(Iphise, première version), Marie Fel (Iphise, seconde version), M. Le Page (Tirtée) et M.
Bérard (Lycurge) dans La Musique ; enfin Pierre Jélyotte (Mercure), Mlle Mariette (Eglé)
et Marie Salle (Terpsichore) dans La Danse. Dans son compte-rendu de cette production,
le Mercure de France se borne principalement à un résumé du livret, mais indique que
l'œuvre fut bien reçue, surtout après la révision de la seconde entrée. Il observe que la
troisième entrée fut préférée aux autres, que les rôles de Mercure et d'Eglé furent
«parfaitement bien rendus, & au gré des Connoisseurs les plus délicats», et que la
déclaration d'amour de ces deux personnages «a fait beaucoup de plaisir». Le Postillon
français loue «la riante et féconde imagination» de Rameau ainsi que «les charmes, les
grâces et le pathétique» de sa musique.
Bien qu'une deuxième série de représentations ait eu lieu en décembre 1739 et en
janvier 1740, la première reprise proprement dite date de l'été 1747. L'abbé Raynal, dans
une nouvelle littéraire adressée au Duc de Saxe-Gotha, mentionne le «grand succès» de
cette reprise. Bien qu'il critique le style du livret, juge la fête de la première entrée «trop
triste et trop longue» et déplore un manque de variété et d'intérêt dans la deuxième entrée,
il observe que la troisième entrée «plaît généralement» et que sa musique est «délicieuse».
Le Mercure de France trouve que les sujets de l'opéra sont «neufs, agréables, galans,
intéressans» et estime que «l'heureuse invention des sujets, les tableaux agréables et rians
qu'ils présentent, la disposition adroite des scènes et des divertissements sont l'ouvrage
d'une main habile». Il indique que le public fut ravi de la musique de Rameau et juge que
«c'est peut-être celui de ses ouvrages qui est le plus également soutenu». L'auteur est
impressionné surtout par la troisième entrée, «une des plus gracieuses bergeries qui ait
jamais charmé les connoisseurs sur le Théâtre de l'Opéra».
Pour cette reprise, Marie Fel garda les deux rôles importants qu'elle avait créés, ceux
d'Hébé et d'Iphise, et Pierre Jélyotte conserva le rôle de Mercure. Ces deux artistes, nés
l'un et l'autre en 1713, brillaient dans les rôles que Rameau avait composés pour eux. Selon
le Mercure de France, la voix claire et agile de Marie Fel «pouvait passer tout a coup du
léger au pathétique. Les inflexions les plus touchantes succédèrent aux traits les plus
rapides». Commentant la reprise des Fêtes d'Hébé, ce journal note que Mlle Romainville,
dans le rôle de Sapho, «a fait briller [...] le feu gracieux de la Muse Lesbienne» et que le
public a admiré l'ariette de Mercure et «l'art avec lequel M. Jeliotte l'a chanté, la faisant
paraître nouvelle â chaque représentation par les variations qu'il y met». Emprunté à la
cantate Le Berger fidèle, «L'objet qui règne» est un des premiers essais connus de Rameau
dans le style italien et une de ses ariettes les plus célèbres. Jean-Jacques Rousseau cite ce
morceau dans sa Dissertation sur la musique moderne (1743), et Jean-Antoine Bérard, dans
son traité L'art du chant, dédié à Madame de Pompadour (1755), indique avec un certain
détail la façon dont elle pourrait être interprétée.
La première reprise des Fêtes d'Hébé eut lieu à une époque où la carrière de Rameau
approchait de son apogée. En janvier 1748, l'Opéra inaugura une seconde série de
représentations, remplaçant ainsi L'Europe galante d'André Campra. Quelques semaines
plus tard, selon le Mercure de France, «on continue d'aller en foule aux représentations,
comme s'il s'agissait d'une nouveauté. A une de ces représentations, lorsque M. Rameau
parut, le public lui fit le même accueil qu'à ses ouvrages, et l'honora de nombreux
applaudissements». Rameau était évidemment très sensible à l'appréciation du public
parisien. Le caractère pastoral de la troisième entrée des Fêtes dFFébé, avec son calme, sa
douceur imprégnée de nostalgie, son sentiment de bonheur innocent, reparaît dans
plusieurs ouvrages qu'il écrit à l'époque. On peut citer par exemple Les Fêtes de l'Hymen
et de l'Amour, représentées pour la première fois le 15 mars 1747, et Zaïs, représenté pour
la première fois le 29 février 1748. En août 1748, l'Opéra donne la première représentation
de Pygmalion, dont le livret fut inspiré, comme celui des Fêtes d'Hébé, par Le Triomphe
des Arts de La Motte. La dernière entrée de cet ouvrage (La Sculpture) fournit le sujet et
plusieurs vers pour l'acte de ballet de Rameau. L'année 1749 voit la création de Nais et la
première représentation parisienne de Platée, où Momus reparaît, et le caractère léger du
prologue des Fêtes d'Hébé. se développe. En juillet 1749, le Mercure de France publie une
lettre où Rameau affirme son dévouement au public parisien, indiquant qu'il ne
«désirerois rien tant que d'être plus à portée de lui procurer encore plus de plaisir, & de
pouvoir à mon gré pousser aussi loin que j'en puis être capable, un art qui a fait seul
l'occupation de toute ma vie». Vers 1750, il compose Les Beaux Jours de l'Amour, où les
protagonistes sont, comme dans la première entrée des Fêtes d'Hébé, des poètes de la
Grèce antique (Anacréon et Mirthis). En 1751 paraît La Guirlande, où le symbole de
l'amour d'Eglé devient l'objet central d'un drame plus intime. Enfin, Eglé elle-même
reparaît dans Daphnis & Églé en 1753, et Jupiter se déguise de nouveau en berger pour
séduire une nymphe dans l'acte incomplet d'Io.
En conclusion, citons une parodie des Fêtes d'Hébé qui parut en 1739. Dans Les
Talents a la mode, de Louis de Boissy, Léandre, le jeune galant qui découvre le don de la
poésie, de la musique ou de la danse dans les trois filles de Géronte, proclame que Rameau

a tout réuni dans ses Fêtes d'Hébé ;


Et le savant s'y marie à l'aimable.
Il étoitfort, hardi, profond, harmonieux :
Dans ce dernier Ballet, il devient agréable ;
Il est tendre, amusant, léger, gracieux ;
Mais, que dis-je ? Il est plus, il est voluptueux.

Thomas GREEN
PROLOGUE
Le théâtre représente une campagne riante, le Mont Olympe
paraît dans Véloignement.

SCÈNE I
Hébé, Momus

HÉBÉ & MOMUS


Non, {ne suivez point mes pas
{je ne vous quitte pas.
Je hais, je fuis, je déteste
Toute la troupe céleste.

MOMUS
Vous m'évitez en vain, je vous suivrai sans cesse.
Rien ne peut séparer Momus de la jeunesse.

HÉBÉ
Les plus fiers immortels
Partageaient avec moi l'encens de leurs autels !
Lors qu'au plus haut des cieux j'avais droit de prétendre ;
Ces Dieux trop inconstants me forcent d'en descendre ?

MOMUS
Il font votre bonheur en vous éloignant d'eux.
Nous voyons Jupiter lui-même
Abandonner le rang suprême,
Et parmi les mortels chercher des jours heureux.

S C È N E II
Hébé, Momus, les Grâces
Une douce symphonie annonce les Grâces. Une d'entre elles
porte l'arc de l'Amour, une autre porte son carquois.

MOMUS
Les Grâces, dans ces lieux, pour calmer vos alarmes
Conduisent sur vos pas le plus charmant des Dieux.

HÉBÉ

Entre leurs mains je reconnais ses armes.

MOMUS
Amour vous cherche, Amour va renoncer aux Cieux.
HÉBÉ & MOMUS
Séduisantes immortelles,
Par vos faveurs toujours nouvelles,
Mille charmes divers
Animent l'univers.
Tout languirait sans elles.

SCÈNE III

L'Amour, Hébé, les Grâces, et suite de l'Amour

L'AMOUR
Vénus près de l'objet de sa vive tendresse
Soutient l'empire de l'Amour,
Et l'Amour vient former la cour
De l'aimable jeunesse.
HÉBÉ
Je ne regrette plus le séjour du Tonnerre ;
Les Grâces, l'Amour et Vénus
Ont leur empire sur la terre.

MOMUS
Chérissez le jour qui vous rassemble,
Jeunesse, Amour, soyez toujours ensemble.

HÉBÉ, L'AMOUR & MOMUS


Chérissons le jour qui nous rassemble,
Amour, soyons toujours ensemble.

SCÈNE IV
Hébé, l'Amour, chœur de Thessaliens, suite de l'Amour

L'AMOUR
Fortunés habitants de ces prochains bocages,
Dans vos jeux, dans vos chants,
Qu'Hébé reçoive vos hommages.

CHŒUR
Que jusqu'aux Cieux s'élèvent nos accords,
Et que du fond de sa grotte profonde
L'écho réponde à nos transports.

HÉBÉ
Accourez, riante jeunesse,
L'Amour veut régner avec nous.
Fuyez, tristesse, fuyez jaloux ;
Ce n'est jamais pour vous
Que ce Dieu s'intéresse.

L'AMOUR

Qu'avec l'Amour Hébé soit partout souveraine.

HÉBÉ

Fixons notre séjour aux plus heureux climats.

L'AMOUR

Volons sur les bords de la Seine.

HÉBÉ & L'AMOUR

Fixons notre séjour aux plus heureux climats.

L'AMOUR
Sur ces bords j'assemble, pour plaire,
Les belles dont mon art augmente les appas ;
C'est toujours sur leurs pas que je cherche les jeux
Échappés de Cythère.
Vole Zéphir, Hébé t'appelle.
Vole, amène ici ta cour.
Transportons la jeune immortelle
Dans le plus aimable séjour.
Il va réunir auprès d'elle SCENE V
La volupté, les Grâces
Zéphireet l'amour.
et les précédents
Zéphire, après avoir voltigé autour des Grâces,
va joindre une troupe de Zéphirs qui soutiennent
un char destiné à Hébé.

HÉBÉ
Volons sur les bords de la Seine,
Par des concerts mélodieux
Animons les plaisirs qui régnent en ces lieux.

HÉBÉ & L'AMOUR


Volons sur les bords de la Seine.

L'AMOUR
Que Polimnie, avec ses sœurs
Des talents qu'on chérit
Sur la lyrique scène,
Fasse triompher les douceurs.
La jeunesse et les ris ont des attraits brillants,
Mais la victoire est incertaine
Sans l'heureux secours des talents.

CHŒUR
Volez zéphirs,
Tout vous en presse.
Transportez la jeunesse
Au séjour des plaisirs.

PREMIÈRE ENTRÉE

LA POESIE

Le Théâtre représente un bosquet, dans le fond duquel


on distingue deux portiques de verdure.

SCÈNE I
Sapho

SAPHO
Bois chéri des amours,
Que vous étiez charmant,
Quand vos retraites sombres
Rassemblaient sous leurs ombres,
Et les plaisirs, et mon amant !

Souvenir trop aimable ! Eloignez-vous de moi !


Aux injustes rigueurs d'un exil effroyable
Le roi condamne Alcée, et l'arrêt qui m'accable
Nous sépare, au moment qu'il me donnait sa foi.

Je cache en vain mes feux ; ils irritent Thélème,


Et je connais sa trahison.
Sa faveur près du Roi confirme mon soupçon.
Oui, Thélème jaloux... Mais je le vois lui-même...
Qu'il excite en mon cœur de haine et de courroux !
SCÈNE II
Sapho, Thélème

THÉLÈME
Cessez de m'agiter, vains remords, taisez-vous !
L'amour me justifie...

SAPHO (à part)

Son trouble le trahit ; je vois sa perfidie.

THÉLÈME
Tandis qu'Hymas, avec sa cour,
Par la chasse entraîné, dans la forêt s'égare,
De la cour et d'Hymas, Sapho, je me sépare ;
Tout entraîne Thélème en cet heureux séjour.
Quand Sapho vient se rendre dans un bois écarté,
Vient-elle s'applaudir d'avoir sa liberté,
Ou goûter en secret les douceurs d'un cœur tendre ?
SAPHO
Sans cesse les oiseaux font retentir les airs
Dans cet asile solitaire.
Comme leurs chants, et ma voix et mes vers
Célèbrent l'Amour et sa mère.

THÉLÈME
Quittez un vain détour ! Alcée...

SAPHO
O Dieux !

THÉLÈME
Alcée a su vous plaire...

SAPHO
Non, non, c'est sans aimer que je chante l'amour.
Je le fuis... si j'aimais, en ferais-je mystère ?

THÉLÈME
En s'enflammant pour vous,
Un amant malheureux doit craindre
Les plus funestes coups.
Mon cœur ne sent que trop combien on est à plaindre,
En s'enflammant pour vous.
SAPHO
Quoi ! Mes faibles attraits...
Ah ! Perfide Thélème !

THÉLÈME
Mon trouble extrême,
Mes transports, vos appas,
Tout ne vous dit-il pas, Sapho, que je vous aime ?

SAPHO
Eh bien, si vous m'aimez, j'exige que du Roi
Vos soins obtiennent une grâce.
Dans les bois d'alentour il va suivre la chasse.
Dois-je espérer ?

THÉLÈME
Parlez, vous pouvez tout sur moi.

SAPHO
Conduisez-le, Thélème, en ce séjour champêtre,
Où des jeux préparés...

THÉLÈME
Il va bientôt paraître ;
Mais sur mes feux...

SAPHO
Allez ! Si je l'obtiens de vous,
Le bonheur que j'attends me semblera plus doux.

SCENE III
Sapho, Alcée

SAPHO
Contrainte trop cruelle !
Dieux ! Que vois-je ? Alcée !
Alcée est-il rebelle ?

ALCÉE
On me condamne en vain par d'odieuses lois,
Et ce n'est que de vous, Sapho, que j'en reçois.
Prononcez...

SAPHO
Non ! Le Dieu qui nous rassemble
Nous accordera son appui.
Mais apprenez tous les crimes ensemble !
C'est un rival jaloux qui vous perd aujourd'hui.
Thélème...

ALCÉE

Contre moi Thélème se déclare ?

SAPHO

C'est un rival jaloux qui vous perd aujourd'hui.

ALCÉE
Par les horreurs du noir Tartare,
Que l'amour outragé
Soit vengé !
Que les tourments qu'on y prépare,
Pour les cœurs criminels
Soient encor plus cruels !
SAPHO
En vain, contre Thélème
Vous excitez des Dieux la vengeance suprême.
Cessez de l'implorer, cessez !
Thélème vous trahit : il m'aime ;
Mon cœur vous venge assez.
Le perfide, séduit par des promesses vaines,
Conduit ici le Roi.
Je l'attends, et je veux
Par mon art, par mes vers, que tout sente les peines
Des amants malheureux.
L'amour va triompher, il ordonne mes jeux.
ALCÉE & SAPHO
Dieu des vers, à ton tour,
Viens seconder l'amour !
Lance tes feux !
Réunis en ce jour
Tes accents et ses charmes !

Dieu des vers, à ton tour,


Viens seconder l'amour !
Lance tes feux !
Réunis en ce jour
Ton pouvoir et ses armes !

SAPHO
Le bruit des cors annonce Hymas.
L'Amour va triompher, ne vous éloignez pas !
(Alcée se cache derrière un feuillage)

SCÈNE IV
Hymas, Sapho, Thélème, suite d'Hymas

SAPHO
Votre auguste présence, Seigneur, comble nos vœux.
Je ne désire rien, si ma reconnaissance
Eclate aujourd'hui dans mes yeux.

HYMAS
On doit voler, quand Sapho nous appelle.
Les Muses et les Arts se plaisent auprès d'elle ;
J'aime à la voir partager avec eux
Une gloire immortelle.

SCÈNE V
Sapho, Thélème

Se placent pour voir la fête qui commence.


Les acteurs précédents et plusieurs esclaves de Sapho jouant
différents rôles dans une fête allégorique qu'elle fait
exécuter. Le fond du théâtre s'ouvre pour laisser voir, à
travers des portiques de verdure, un lointain frappé de
lumière : le point de vue est terminé par le cours d'un fleuve,
et on aperçoit, sur le devant de la décoration, une Naïade
couchée sur son urne.

CHŒUR DES MARINIERS


Dansons tous, dansons, chantons !
Profitons des plus doux moments,
Des moments charmants,
Pour d'heureux amants !

Les langueurs, les larmes,


Les soins, les soupirs,
Les alarmes,
Ne troublent point nos plaisirs.

Dansons tous, dansons, chantons !


Profitons des plus doux moments,
Des moments charmants,
Pour d'heureux amants !
LA NAÏADE
Mortels que le plaisir amène,
Fuyez ces tristes bords !
Vos chants, vos doux transports,
Tout irrite ma peine.

Le ruisseau que j'aimais, infidèle et parjure,


Méprise mes soupirs ; il détourne son cours.
Je n'entends plus le doux murmure
Qu'il me jurait que j'entendrais toujours.

(Les plaintes de la Naïade sont troublées par un bruit souterrain ;


les Mariniers reviennent)

CHŒUR
Ciel ! O ciel ! Le fleuve agite son onde ;
Il nous menace, il gronde.
Prévenons son courroux !
Pour le calmer courons, courons, empressons-nous !

LE FLEUVE (sortant de l'Onde)


Mortels, rassurez-vous !
Ah ! Nymphe, de vos plaintes
Quels cœurs ne seraient pénétrés ?
Je viens calmer vos craintes :
Vous reverrez l'amant que vous pleurez,
Vous verrez près de vous augmenter sa tendresse.

LA NAÏADE
Trop flatteuses promesses !

LE FLEUVE
Le cours impétueux
De mon onde rapide
A changé, de ce Dieu, la pente qui le guide ;
Mais j'ignorais vos feux...

LA NAÏADE
Hélas ! Dans mon cœur tout l'appelle.
Il est constant, rendez-le moi !
Je l'aimerais encor, s'il eût manqué de foi ;
Jugez de mon ardeur, quand je le sais fidèle !

LE FLEUVE
Revenez, tendre amant, embellissez ces lieux !
L'amour vous y promet le sort le plus heureux.
CHŒUR
Revenez, tendre amant, embellissez ces lieux !
L'amour vous y promet le sort le plus heureux.

(Pendant le chœur précédent on voit s'avancer, au fond du


théâtre, une toile d'argent qui imite le cours d'un ruisseau ;
et bientôt le dieu de ce ruisseau paraît sur son onde.)

LE RUISSEAU & LA NAÏADE


Je vous revois ; tout cède à la douceur extrême
De retrouver l'objet qu'on aime.
J'ai vu troubler mes eaux des pleurs que j'ai versés.
Perdons le souvenir de nos tourments passés !

SCÈNE VI
Hymas, Sapho, Thélème

HYMAS (se levant)


Mon cœur est enchanté des tendres sentiments
Qu'à cette fête on voit paraître.
Heureux qui peut être le maître
De terminer les maux de deux parfaits amants !

SAPHO
La liberté que Sapho veut vous rendre
Sera le prix des soins que vous venez de prendre.
Allez ! Je vous la dois.
Soyez heureux, et plus heureux que moi !

HYMAS

Au bonheur de Sapho qui peut être contraire ?

SAPHO
Un arrêt rigoureux.
Sans mériter votre colère,
Alcée est menacé du sort le plus affreux.
Qu'en son exil je puisse au moins le suivre !
THÉLÈME
O dieux !

HYMAS
Alcée !

SAPHO
Hélas ! Sans lui je ne puis vivre.
HYMAS
A vos divins talents il devra son retour.

THÉLÈME
Ciel ! De ma trahison je deviens la victime. Fuyons !

SCÈNE VII
Sapho, Alcée, Hymas

SAPHO
Venez, Alcée !

ALCÉE

Au transport qui m'anime...

HYMAS
Je ne vois plus en vous que le seul crime
De m'avoir caché votre amour.
Célébrez le pouvoir d'une muse touchante !
Vous qui formiez ici les concerts les plus doux,
Venez, troupe riante,
Venez, rassemblez-vous !
ALCÉE & HYMAS
Chantez Sapho, chantez sa gloire !
Que son triomphe et que son nom,
Gravés au Temple de Mémoire,
Soient célébrés dans le sacré Vallon !

CHŒUR
Chantons Sapho, chantons sa gloire !
Que son triomphe et que son nom,
Gravés au Temple de Mémoire,
Soient célébrés dans le sacré Vallon !

SCÈNE VIII
Le Ruisseau, la Naïade, Sapho, Alcée, le chœur

LE RUISSEAU
Fuis, fuis, porte ailleurs tes fureurs,
Fier Aquilon ! Ton bruit, ton horrible ravage,
Cause trop de frayeurs
Sur ce rivage.
Fuis ! Laisse-nous goûter, après l'orage,
D'un calme heureux les flatteuses douceur !
LA NAÏADE
Un jour passé dans les tourments
Paraît aux vrais amants
Aussi long que la vie.
Mais il est des moments, Dieux !
Quels moments ! Où l'on oublie
Les jours passés dans les tourments.

SAPHO & ALCÉE


Dieu charmant, Dieu qui nous blesse,
Lance, Dieu plein d'attraits, lance tes traits !
Sur nos cœurs règne sans cesse, règne !

CHŒUR
Dieu charmant, Dieu qui nous blesse,
Lance, Dieu plein d'attraits, lance tes traits !
Sur nos cœurs règne sans cesse, règne !

Jean-Philippe Rameau
par Jacques André Joseph Aved
Dijon, Musée des Beaux-Arts
M
elle
Camargo, 1731
Gravure de Laurent Cars, d'après Nicolas Lancret
Bibliothèque Nationale de Paris, Cabinet des Estampes
DEUXIÈME ENTRÉE

LA MUSIQUE

Le théâtre représente le péristyle du Temple.

SCÈNE I
Iphise

IPHISE
Pour rendre à mon hymen tout l'Olympe propice,
On offre dans le temple un pompeux sacrifice.
Vole, Amour, seconde mes vœux !
Qu'à ton flambeau l'hymen puisse allumer ses feux !
Ce grand jour, cher Tirtée,
Ce jour qui va combler l'espoir le plus flatteur,
Me retrace l'instant où mon âme agitée
Reconnut un vainqueur.
Tu chantais, et ta lyre
Formait de si beaux sons
Que le Dieu séducteur, qui prit soin de t'instruire,
Cherche à les imiter dans ses tendres chansons.
La plus ardente flamme
S'empara de mes sens ;
Qu'il est de chemin différents
Pour triompher d'une âme !

SCÈNE II
Iphise, Lycurgue et sa suite

IPHISE

Mais le Roi sort du temple ; allons le recevoir !

LYCURGUE
Iphise, à votre hymen le ciel met un obstacle.
IPHISE
O Dieux !

LYCURGUE
Ecoutez leur oracle !

IPHISE
O mortel désespoir !
LYCURGUE
Peuple, la main d'Iphise
A Tirtée est promise.
Sans l'aveu de la gloire, on forme ces liens ;
Le ciel qui pour vous s'intéresse,
Destine à la Princesse
Le vainqueur des Messéniens.

IPHISE

Que n'ai-je différé l'aveu de ma tendresse ?

LYCURGUE
Tirtée, au pied de nos autels,
Vient de faire à l'instant des serments solennels.
C'est vous qu'il en atteste,
Il se livre aux horreurs de la haine céleste,
Si l'orgueil de nos ennemis
Dans ce jour même n'est soumis.
IPHISE

Serment trop téméraire !

LYCURGUE
Mes sujets empressés s'assemblent sur ses pas.
Son art va les forcer à braver le trépas.
IPHISE
Ah ! Si tu veux que Mars ne nous soit pas contraire,
Amour, à notre sort intéresse ta mère !

SCÈNE III
Lycurgue, Iphise, Tirtée, peuple de Lacédémone entraîné
par le chant de Tirtée

TIRTÉE
Mortels, pour être heureux,
Cherchez à l'être !
Pour le bonheur sans cesse on fait des vœux.
Il se présente à nous ; mais il faut le connaître,
Mortels, pour être heureux .
Qui te retient, Lacédémone ?
L'ennemi trop longtemps est au pied de tes murs.
Le ciel en ta faveur menace, tonne.
Cours au combat, tes coups sont sûrs !
CHŒUR
Marchons, commandez-nous !
Nous allons tous triompher avec vous.

TRIO (PETIT CHŒUR)


Quelle gloire pour nous !
Ils veulent tous triompher avec vous.

TIRTÉE
Que la victoire a de charmes !
Elle vole après nous.

IPHISE ET LYCURGUE
Lacédémone, aux armes !

CHŒUR
Courons aux armes,
Courons tous aux armes !
Quelle gloire pour nous !
Ils veulent tous triompher avec vous.

TIRTÉE
Téléclès immolé par un peuple rebelle,
Du fond de son tombeau, pour le venger, t'appelle.

CHŒUR
Marchons, commandez-nous !
Que la victoire a de charmes !
Lacédémone, aux armes !
Courons aux armes, courons tous aux armes !

(Lycurgue et Tirtée mettent l'épée à la main et marchent à


tête des guerriers qui sortent en désordre).

SCÈNE IV
Iphise, Lacédémoniennes, l'Oracle

IPHISE
O mort, n'exerce pas ta rigueur inhumaine
Sur nos guerriers !
Frappe, détruis les guerriers de Messène !
Laisse-nous cueillir les lauriers
Dont l'hymen veut former ma chaîne !

Réponds, oracle de nos Dieux !


Dissipe les horreurs que la crainte fait naître !
Des fiers Messéniens Lycurge est-il le maître ?
Tirtée est-il victorieux ?

PETIT CHŒUR
Dissipe les horreurs que la crainte fait naître !
Des fiers Messéniens Lycurge est-il le maître ?
Réponds, oracle de nos Dieux !

L'ORACLE
Son destin et le tien vont paraître à tes yeux.

SCÈNE V
Iphise
Un Amour sort du Temple et se joint au Génie d'Apollon,
le Génie d'Apollon entraîne le Génie de Mars ; ils s'unissent
pour attirer le Génie de la Victoire ; le Génie de la Victoire
enfin est suivi d'un Amour qui porte le flambeau de
l'Hymen. Ces différentes entrées forment un ballet qui par
ses liaisons apprend a Iphise le succès qu 'elle doit attendre.

IPHISE
Ah ! Le plaisir s'accorde avec la gloire !
Que nos cœurs vont jouir d'un aimable repos !
Entre Mars et l'Hymen, la brillante victoire...
Mais je vois le héros.

SCÈNE VI
Iphise, Tirtée

IPHISE
Cher Prince, quel triomphe !

TIRTÉE
À peine
Nous joignons le camp de Messène,
Nos guerriers, par mes sons, au combat animés,
Font éclater le plus ardent courage.
Dans les horreurs de Mars nos ennemis formés,
Sur nous ont d'abord l'avantage.
J'appelle alors la mort et le carnage...
Et mes plus doux accents rendent grâces aux Dieux.

IPHISE
Je connais leur justice à vos faits glorieux.
SCÈNE VII
Lycurgue, Iphise, Tirtée, les Lacédémoniens
qui reviennent armés.

LYCURGUE
Aimez, d'une ardeur mutuelle !
La gloire vient unir de si tendres amours.

TRIO
Aimons, d'une ardeur mutuelle !
Unissons de si tendres amours !

IPHISE
Charmes d'une chaîne si belle,
Vous redirez toujours :
Aimons d'une ardeur mutuelle !

TRIO
Nous redirons toujours :
Aimons d'une ardeur mutuelle !

SCENE VIII
Les précédents

Des Nuages chargés de Trompettes, de Timbales,


de Hautbois et de Bassons descendent sur le théâtre ;
l'orchestre s'unit à ce nouveau concert.

TIRTÉE
Apollon veut aussi prendre part
Au succès de son art.
La tendre mélodie,
Les éclatants concerts
Qui remplissent les airs,
Tout confirme l'aveu
Du Dieu de l'Harmonie.

IPHISE & LYCURGUE

A ces divins accords, guerriers, joignez vos voix !

CHŒUR
Chantons la gloire de nos armes !
LYCURGUE & TIRTÉE
Chantez Iphise, et célébrez ses charmes !
CHŒUR
Chantons !

LYCURGUE & TIRTÉE


Nous devons à l'Amour nos glorieux exploits.

CHŒUR
Chantons Iphise et célébrons ses charmes !
Chantons la gloire de nos armes !
Nous devons à l'Amour nos glorieux exploits.

IPHISE
Eclatante trompette, annoncez notre gloire !
Sonnez, publiez la victoire !
Répondez-nous , tendres hautbois,
Célébrez les plus grands exploits !

CHŒUR
Eclatante trompette, annoncez notre gloire !
Sonnez, publiez la victoire !

PETIT CHŒUR
Répondez-nous , tendres hautbois,
Célébrez les plus grands exploits !

UNE LACÉDÉMONIENNE
Régnez, voltigez,
Ris et Jeux !
Par mille nouveaux charmes,
Bannissez de ces lieux les cruelles alarmes !

IPHISE
Éclatante trompette, annoncez notre gloire !
Sonnez, publiez la victoire !

CHŒUR
Éclatante trompette, annoncez notre gloire !
Sonnez, publiez la victoire !

IPHISE, LYCURGUE & TIRTÉE


Les plaisirs exilés
Sont rappelés ;
La victoire les ramène ;
Que pour jamais
Elle les enchaîne
Avec la paix !
TROISIÈME ENTRÉE

LA DANSE

Le théâtre représente un bocage ; on découvre un hameau


dans Téloignement.

SCÈNE I
Mercure

MERCURE
Que de plaisirs l'Amour m'apprête !
Le plus aimable objet doit être la conquête
Qu'il me promet dans ce hameau ;
Mais pour jouir d'un triomphe plus beau,
Mercure, comme un Dieu, ne veut point y paraître !
On approche... Evitons de me faire connaître .

SCÈNE II
Eurilas

EURI LAS
Amants, voulez-vous qu'une belle,
Des feux dont vous brûlez soit éprise à son tour ?
Déguisez près d'elle
L'excès de votre amour !

SCÈNE III
Mercure sans caducée, Eurilas

MERCURE
Le hameau se prépare à célébrer des jeux ;
D'où naissent ses transports ?

EURILAS
C'est dans ce jour heureux
Qu'Amour va m'accorder la faveur que j'espère :
Aux autels de l'hymen
Eglé porte ses vœux.
C'est pour le choix qu'elle va faire,
Qu'on voit par les plaisirs le hameau rassemblé !

MERCURE
Etranger en ces lieux, je ne sais point encore
Quels sont, et les desseins, et les appas d'Eglé.
EURI LAS
De l'art de Terpsichore
Eglé nous enseigna les lois.
Un asile charmant, révéré dans ces bois,
Voit offrir chaque jour, au lever de l'aurore,
Des jeux qu'Eglé conduit au son de nos hautbois.
Pour prix de ses soins, de son zèle,
Terpsichore l'engage à choisir un époux,
Et lui promet la chaîne la plus belle.

MERCURE

Et ce choix glorieux doit se fixer sur vous ?

EURI LAS
Eglé de son ardeur me fait encor mystère ;
Mais je vois mes rivaux trop empressés à plaire,
Soupirer, et gémir dans leurs fers malheureux.
J'aime, sans me plaindre, comme eux.
Amants, voulez-vous qu'une belle,
Des feux dont vous brûlez soit éprise à son tour ?
Déguisez près d'elle
L'excès de votre amour !
MERCURE
Non, ce n'est qu'à vous qu'Eglé rendra les armes ;
Des feux si bien conduits seront récompensés.

EURI LAS
De sa danse elle vient faire briller les charmes,
Et je crains de montrer des soins trop empressés.

SCÈNE IV
Mercure, Eglé, Palémon jouant du hautbois
Églé est ornée d'une guirlande de fleurs, qui doit être
présentée au berger qu'elle va choisir ; elle arrive en dansant
au son du hautbois de Palémon et Mercure s'accorde a ce
hautbois, en chantant l'air que danse Eglé.

MERCURE
Tu veux avoir la préférence,
Berger, au son de ton hautbois ;
Crois-tu d'Eglé guider encor la danse ?
Non, c'est le son de ma voix.

Grâces, quittez Cythère !


Venez sur ce gazon
Pour danser et pour plaire,
Venez de la bergère
Prendre leçon !

(Eglé sourit en dansant près de Mercure ; Palémon, jaloux,


marque son dépit et sort)

Mais il fuit... il soupire...


Il brise son hautbois.
Ah ! Si de son courroux Eglé ne fait que rire,
Que ce dépit me sera doux !

SCÈNE V
Eglé, Mercure

EGLÉ (à part)
Par quel enchantement me laissai-je surprendre ?
Dieux ! Quel est ce berger ?

MERCURE
Mon cœur, jusqu'à ce jour,
Avait su se défendre
Des attraits de l'amour,
Et j'espérais de ne jamais m'y rendre.
J'apprends à soupirer.
Eglé, c'est dans vos jeux,
C'est par vous que je sais qu'il faut enfin qu'on aime.
Je ne sais, en aimant, si l'on peut être heureux ;
L'apprendrai-je de même ?

ÉGLÉ (à part)
Que lui dirai-je ! Hélas !
Tous mes sens sont troublés.

MERCURE

Vous ne répondez point, parlez !

ÉGLÉ
Une tendre bergère
Emprunte vainement
Un langage sévère.
La feinte se dément,
Quand l'amant sait lui plaire.
MERCURE
Maître des cieux, vos grandeurs ne sont rien ;
Le cœur d'Églé, lui seul, est le souverain bien.
Vous méritez des vœux plus éclatants encore.
Reconnaissez Mercure, épris de vos attraits !
Il sent pour vous les feux les plus parfaits.
Mercure vous adore.

ÉGLÉ
Mon cœur, à ses transports,
Reconnaît un pouvoir suprême.
Hélas ! Pour les cacher, j'ai fait de vains efforts !

MERCURE

Ah ! C'est ainsi qu'Amour veut que l'on aime.

ÉGLÉ

Il veut qu'on aime constamment.

MERCURE

Je deviens pour Eglé le plus fidèle amant.

ÉGLÉ

Eh ! C'est ainsi qu'Amour veut que l'on aime.

MERCURE
Non, non, je n'aimerai que vous ;
Mon bonheur dépendra du vôtre.
ÉGLÉ & MERCURE
Non, non, je n'aimerai que vous ;
Mon bonheur dépendra du vôtre.
Ah ! Que notre sort sera doux,
De vivre l'un pour l'autre.

(Le son des musettes annonce les bergers du hameau)

MERCURE

On vient, et vous allez déclarer votre époux.

ÉGLÉ
Non, non, je n'aimerai que vous.
SCÈNE VI
Mercure, Eglé, Eurilas, troupe de bergers et de bergères
UNE BERGÈRE
L'Amour règne en ces bois ;
Hymen, c'est par nos voix
Qu'en ce jour il t'implore.
CHŒUR
L'Amour règne en ces bois ;
Hymen, c'est par nos voix
Qu'en ce jour il t'implore.

UNE BERGÈRE
Confonds si bien
Ton empire et le sien,
Que sans cesse on ignore
Qui des deux
Sait rendre plus heureux !

CHŒUR
L'Amour règne en ces bois ;
Hymen, c'est par nos voix
Qu'en ce jour il t'implore.

ÉGLÉ (à Mercure)
C'est pour l'Amour que nos hameaux sont faits ;
Nos bergers sont toujours sincères,
Et l'on ne voit jamais
D'infidèles bergères.
Quand un amant espère un doux retour,
Ce n'est point pour la gloire
Qu'il tente la victoire,
C'est pour l'Amour.

(Églé donne la guirlande à Mercure, après avoir dansé)

EURI LAS
Pour un autre, Eglé se déclare.
Espoir flatteur, qu'êtes-vous devenu ?
Mais, que je suis vengé par un choix si bizarre !
Il fallait à son cœur un berger inconnu.

MERCURE
Au choix d'Églé cesse de faire injure !
(Un Amour vole et apporte le Caducée qu'il remet a Mercure)
Dans ce berger reconnaissez Mercure !

PETIT CHŒUR

Le charmant art d'Eglé, d'un Dieu même est vainqueur.

MERCURE
Eglé va faire mon bonheur.
(Une symphonie brillante suspend le chant des Bergers.
Le théâtre change et représente un jardin orné).
MERCURE
Mais par les soins des plus aimables Dieux,
De mille attraits nouveaux on voit briller ces lieux.
Ces sons annoncent Terpsichore.
Les Faunes, les Sylvains empressés sur ses pas,
De la bergère que j'adore
Viennent célébrer les appas.

SCÈNE VII
Les précédents, Terpsichore et les Nymphes,
les Faunes, les Sylvains.
Terpsichore et les Nymphes paraissent en dansant au son de leur
tambour ; les Faunes et les Sylvains se mêlent à leurs danses.

MERCURE (aux Nymphes)


Contre l'Amour, jeunes beautés,
Ne combattez
Que pour rendre les armes !
Vous lui devez vos charmes,
Ils vous fuiront, jeunes beautés,
Si vous n'en profitez.

CHŒUR
Suivez les lois
Qu'Amour vient nous dicter lui-même !
Suivez les lois
Que nous chérissons dans nos bois !

UNE BERGÈRE
On fait un choix,
On aime, et pour toujours on aime.

CHŒUR
Suivez les lois
Que nous chérissons dans nos bois !

UNE BERGÈRE
L'Amour vous appelle,
Aimez, soyez fidèles !
L'Amour vous appelle,
Qu'il est doux d'entendre sa voix !

MERCURE & UNE BERGÈRE


On fait un choix.
On aime, et c'est pour toujours qu'on aime.
Suivons les lois
Que nous chérissons dans nos bois !

CHŒUR
Suivez les lois
Qu'Amour vient nous dicter lui-même !
Suivez les lois
Que nous chérissons dans nos bois !

UNE BERGÈRE
Notre ardeur constante
Sans cesse s'augmente.

UNE BERGÈRE & MERCURE


Qu'ici chacun chante
Mille et mille fois !
On fait un choix,
On aime, et pour toujours on aime.
Suivez les lois
Que nous chérissons dans nos bois !

MERCURE (à Terpsichore)
Eglé me tient sous sa puissance.
D'une Nymphe si belle augmentez votre cour !
Vous verrez à jamais les Grâces et l'Amour
Partager ma reconnaissance.

(Terpsichore prend Églé pour danser, et toute sa cour la


reconnaît pour Nymphe de la danse, dès que cette Muse lui a
remis son tambour).

MERCURE
L'objet qui règne dans mon âme,
Des mortels et des Dieux doit être le vainqueur.
Chaque instant il m'enflamme
D'une nouvelle ardeur.

Je m'abandonne à mon amour extrême


Et je fixe à jamais mes plaisirs en ces lieux.
C'est où l'on aime
Que sont les cieux.

Je fais mon bien suprême


Des fers que j'ai reçus.
Que ne suis-je Amour même
Pour aimer encor plus !
Qu'il vienne, qu'il s'empresse
A nous voir dans l'ivresse
Des vives voluptés
De deux cœurs enchantés !

Témoins de ma tendresse,
Célébrez nos plaisirs !
Bergers, chantez dans cesse
L'objet de mes désirs !

Non, non, dans vos retraites,


Les hautbois, les musettes
Ne chanteront jamais
De si brillants attraits.

CHŒUR
Non, non, dans nos retraites,
Les hautbois, les musettes
Ne chanteront jamais
De si brillants attraits.
W I L L I A M CHRISTIE

N é en 1944 à B u f f a l o , W i l l i a m C h r i s t i e
débute ses études musicales avec sa mère,
puis poursuit l'étude du piano, de l'orgue
et du clavecin, notamment avec Ralph Kirkpatrick
qui sait l'encourager dans sa prédisposition pour la
musique française. Diplômé de Harvard et de Yale,
il s'installe en France en 1971 et enregistre son
premier disque pour l'ORTF, en collaboration avec
Geneviève T h i b a u l t de C h a m b u r e . Il c o n t i n u e
parallèlement ses études de clavecin avec Kenneth
Gilbert et David Fuller et se produit dans la plupart
des grands festivals européens. De 1971 à 1975, il
fait partie du Five C e n t u r i e s Ensemble, g r o u p e
expérimental consacré aux musiques ancienne et
contemporaine, et participe ainsi à de nombreuses
créations d ' œ u v r e s de c o m p o s i t e u r s c o m m e L.
Berio, S. Bussotti, M. Feldman, L. De Pablo.
Il rejoint l'ensemble Concerto Vocale, dirigé par
René J a c o b s , en 1976 ; il y tient le c l a v e c i n et
l'orgue jusqu'en 1980.
C'est en 1979 q u ' i l fonde Les A r t s F l o r i s s a n t s ,
e n s e m b l e a v e c l e q u e l il se c o n s a c r e à la
redécouverte du patrimoine musical français, italien
et anglais des XVIIè et XVIIIè siècles ; la singularité
de cet e n s e m b l e , q u i se p r o d u i t aussi bien en
formation de chambre qu'avec des solistes, chœurs
et o r c h e s t r e s , et qui défend le r é p e r t o i r e sacré
c o m m e le r é p e r t o i r e de t h é â t r e , l u i p e r m e t
d ' e x p r i m e r c o m p l è t e m e n t ses g o û t s p o u r les
m u s i q u e s de cette é p o q u e et de p a r t i c i p e r au Photo Michel S Z A B O
renouveau d'un art vocal baroque.
Homme de théâtre, sa passion pour la déclamation française le conduit à aborder la Tragédie Lyrique
Française et il se voit rapidement confier la direction musicale de productions d'opéras avec Les Arts
Florissants ; il connaît ainsi certains de ses plus beaux succès, avec la complicité des metteurs en scène
Jean-Marie Villégier, Robert Carsen, Alfredo Arias, Jorge Lavelli, Adrian Noble, Pier-Luigi Pizzi, Pierre
Barrât et des chorégraphes Francine Lancelot, Béatrice Massin, Ana Yepes, Shirley W y n n e , M a g u y
Marin, François Rafnnot.
En 1982, il devient le premier américain titulaire au Conservatoire National Supérieur de Musique de
Paris, et prend en charge la classe de musique ancienne ; il y enseigne jusqu'en 1995. Dans ce cadre, et
avec la participation d'autres institutions pédagogiques prestigieuses (Conservatoire Royal de La Haye,
Guildhall School of Music and Drama de Londres, Conservatoire National Supérieur de Musique de
Lyon), il prend régulièrement la responsabilité de productions d'élèves.
William Christie contribue largement à la redécouverte de l'œuvre de Marc-Antoine Charpentier en lui
consacrant une part importante de la discographie des Arts Florissants, douze titres parmi lesquels les
opéras Médée et David & Jonatkas ainsi que les intermèdes musicaux du Malade Imaginaire. Jean-
Pnilippe Rameau est également l'un des compositeurs de prédilection de William Christie : il grave
l'intégrale des Œuvres pour clavecin, Anacréon, Les Indes Galantes, Pygmalion, Nélée & Myrthis, Castor
& Pollux et les Grands Motets.
De très n o m b r e u x prix internationaux (France, G r a n d e - B r e t a g n e , États-Unis, A l l e m a g n e , Japon,
Argentine, Hollande, Suisse...) couronnent ses enregistrements avec Les Arts Florissants, soit plus de 40
titres parus chez Harmonia Mundi. Début 1994, William Christie rejoint en exclusivité Erato/Warner
Classics pour une production discographique qui comporte déjà les Grands Motets de Rameau, Dido &
/Eneas et King Arthur de Purcell, Médée de Charpentier, le Requiem et La Flûte Enchantée de Mozart,
La Descente d'Orphée aux Enfers de Charpentier, Orlando de Handel et // Sant'Alessio de Landi.
Sa fidélité aux Arts Florissants ne l'empêche pas de répondre occasionnellement aux invitations de grands
orchestres (Paris, Lyon, Londres, Genève, Boston, San Francisco...). Il a tout récemment dirigé Theodora
de Handel au Festival de Glyndebourne dans une mise en scène de Peter Sellars.
Amoureux de l'«Art de vivre à la française», William Christie se passionne pour la gastronomie de son
pays d'adoption et pour les jardins. Il a par ailleurs publié dans la collection Découvertes/Gallimard un
livre consacré à Purcell, écrit en collaboration avec Marielle D. Khoury.
William Christie s'est vu décerner la Légion d ' H o n n e u r en janvier 1993 et a obtenu la nationalité
française en 1995.
Sophie DANEMAN, soprano
Sophie Daneman commence ses études musicales à la Guildhall School of Music avec
Johanna Peters et obtient le prix de lieder.
Elle se produit comme soliste en récital ou en oratorio aussi bien en Angleterre
qu'en Europe, dans des œuvres allant de Monteverdi, Bach et Mozart à Britten,
Schônberg ou Berio.
Ses apparitions à la scène lui ont permis de chanter les rôles de Despina (Cosi fan
Tutte), de la première sorcière (Dido and Aeneas), Rowan (Let's make an opéra de
Britten), Susanna (Les Noces de Figaro), Frasquita (Carmen)...
À partir de 1991 commence une collaboration régulière avec William Christie et Les
Arts Florissants : elle chante les rôles d'Aricie dans Hippolyte et Aricie et la Suivante
d'Hébé dans Castor et Pollux de Rameau, Iphise dans Jepkté de Montéclair, la Victoire, le Premier Fantôme et
l'Italienne dans Médée de Charpentier, ainsi que dans Dido and Aeneas, suivis de nombreux enregistrements
chez Harmonia Mundi et Erato (notamment Les Grands Motets de Rameau).
Toujours avec William Christie et Les Arts Florissants, elle a chanté fin 1994 dans Messiah de Handel et a
participé à la tournée de King Arthur de Purcell en version concert. Elle a également chanté dans deux petits
opéras de Charpentier, Les Plaisirs de Versailles et La Descente d'Orphée aux Enfers, enregistrés pour Erato, et
a effectué une tournée en octobre/novembre 1995 au Japon, aux États-Unis et en Australie avec The Fairy
Queen de Purcell.
En 1995, Philippe Herreweghe l'a invitée au Festival de Saintes pour y donner un récital de lieder ; elle s'est
également produite à Rome à la Villa Medicis dans un récital de lieder de Schubert, Schumann, Brahms, Wolf
et Berg.
Elle a également réalisé un programme Ravel avec Musique Oblique sous la direction de Philippe Herreweghe
et chanté le rôle titre de Rodelinda de Handel, dans une mise en scène de Jonathan Miller, œuvre enregistrée
pour Virgin Classics.
Parmi ses récentes productions, notons une reprise de Rodelinda, les Grands Motets de Mondonville, Acis et
Galatée de Handel et les Leçons de Ténèbres de Couperin avec Les Arts Florissants, ainsi que le Spanisches
Liederbuch de Wolf au Festival de Saintes.

Sarah CONNOLLY, mezzo-soprano


Née dans le Yorkshire, Sarah Connolly étudie le chant et le piano au Royal College
of Music, où elle gagne une bourse et plusieurs prix de chant. Elle prend actuellement
des cours auprès de David Mason et Gerald Martin Moore, et a remporté en 1994 le
deuxième prix dans la catégorie opéra lors de la Hertogenbosch Compétition.
En concert, on a pu l ' e n t e n d r e dans le Requiem de Verdi avec le Bergen
Philharmonie, le Requiem de Mozart avec les London Mozart Players, des Cantates
de Bach avec le Collegium Vocale dirigé par Philippe Herreweghe à Madrid, Milan
et en Belgique, Gloria e Imaneo de Vivaldi au Lufthansa Baroque Festival, la Messe
Sainte-Thérèse de Haydn avec le London Philharmonie Orchestra et Jeanne d'Arc
de Honegger avec le Royal Liverpool Philharmonie Orchestra dirigé par Libor Pesek. En janvier 1994 elle a
participé au week-end Janacek au Barbican et a interprété The Diary of One Who Disappeared.
Avec le Welsh National Opera, Sarah Connolly a chanté Annina dans Der Rosenkavalier. Au Châtelet, on a
pu l'entendre dans la nouvelle production de Nicholas Hytner The Cunning Little Vixen, sous la direction de
Sir Charles Mackerras, qui a été enregistré pour la télévision et la radio. Avec John Eliot Gardiner, elle a
enregistré la seconde demoiselle d'honneur des Noces de Figaro, en représentation à Londres et Paris. Elle a
fait ses débuts à PEnglish National Opera dans le rôle du Renard de The Cunning Little Vixen et a incarné la
Proserpine de Y Orfeo de Monteverdi avec l'English Bach Festival (tournée en Suisse).
La saison dernière, Sarah Connolly a chanté pour la première fois le rôle de Charlotte dans Werther avec
l'English Touring Opera. Puis elle a brillamment interprété avec l'English National Opera le rôle de
Messaggeria dans Orfeo de Monteverdi et a fait ses débuts au Festival de Glyndebourne en chantant Madame
Larina dans Eugène Onéguine (production de Graham Vick dirigée par Gennadi Rozhdestvensky). On peut
également retenir My Night With Handel, documentaire sur les adaptations contemporaines des Arias de
Handel pour la chaîne Channel 4 et un récital de mélodies de Schumann, Poulenc, Turinas et Weill pour BBC
Radio 3.
Parmi ses projets, notons le rôle de Minerve dans // Ritorno d'Ulisse in Patria, Idamante dans Idoménée, le
rôle-titre de Serse à l'English National Opera et Musico dans Manon Lescaut sous la direction de John Eliot
Gardiner avec le Glyndebourne Festival Opera. En concert, elle chantera cette saison au Concertgebouw (Die
Dame dans Cardillac d'Hindemith), en Australie dans Dream of Gerontius d'Elgar sous la direction de Edo de
Waart ; elle partira également en tournée avec Philippe Herreweghe pour des Cantates de l'Avent de Bach,
puis chantera dans VOratorio de Noël de Bach avec l'Aarhus Symphony Orchestra et dans Le Messie de
Handel avec I Fiamminghi.
Maryseult WlECZOREK, mezzo-soprano
Après l'étude de la flûte à bec et une formation au clavecin, Maryseult Wieczorek
s'oriente à 17 ans vers le chant et reçoit les enseignements de Greta de Reyghere,
Charles Brett, C h r i s t o p h e Rousset, W i l l i a m C h r i s t i e , Jane Berbié ; elle se
perfectionne actuellement auprès de Nicole Fallien.
Elle est membre des Arts Florissants depuis 1994, et a déjà participé avec cet
ensemble à de nombreuses productions : Messie de Handel, Requiem et La Flûte
Enchantée de M o z a r t , Missa Solemnis de B e e t h o v e n , Grands Motets de
Mondonville, Madrigaux de Monteverdi et d'India.
Elle se produit régulièrement en France comme à l'étranger lors de récitals de
musique sacrée et profane et participe à plusieurs productions d'opéra en tant que soliste : Didon & Enée de
Purcell (sorceress), Eugène Onéguine de Tchaïkowski (Larina), L'enfant et les Sortilèges de Ravel (bergère,
chatte, écureuil) en tournée en Sicile et dirigé par Gabriele Ferro, l'Amour des trois oranges de Prokofiev
(Clarisse) mis en scène par Andrei Serban, // Sant'Alessio de Landi (Religione, Roma) en tournée française
dirigé par William Christie, enregistré pour Erato, Fairy Queen de Purcell et Le Malade Imaginaire de
Molière/Charpentier (Daphne, Toinette et de la Troisième femme more) en tournée en Australie, au Japon et
aux États-Unis, dirigé par William Christie.
Parmi ses projets, citons L'Enfant et les Sortilèges avec l'Orchestre National d'Ile-de-France (Jacques Mercier).

Jean-Paul FOUCHÉCOURT, ténor


Jeune saxophoniste de renom et chef d'orchestre, c'est en 1982, sur les conseils de
Cathy Berberian, que Jean-Paul Fouchécourt choisit la voix pour instrument. Il
débute avec William Christie et Les Arts Florissants, et Atys marque le début de son
parcours baroque.
Suivent pour l'essentiel The Fairy Queen de Purcell et Les Indes Galantes de
Rameau, toujours avec William Christie, Phaéton de Lully avec Marc Minkowski,
mais aussi Hippolyte & Aricie de R a m e a u à V e r s a i l l e s et à Beaune ( M a r c
Minkowski), L'incoronazione di Poppea à Amsterdam (Christophe Rousset), Y Orfeo
de Monteverdi à Salzbourg (René Jacobs), Le Retour d'Ulysse de Monteverdi à
Genève (Michel Corboz).
Plus récemment, notons le Requiem de Mozart (William Christie) à Paris, Acis et Galatée de Lully et La
Résurrection de Handel (Marc Minkowski), Les Fêtes de Paphos de Mondonville (Christophe Rousset), des
extraits de V Orfeo de Gluck et le Requiem de Mozart (Frans Brüggen) à Edimbourg et Glasgow.
Jean-Paul Fouchécourt se produit également beaucoup en récital à travers l'Europe, notamment pour des
concerts de mélodies françaises. Notons Socrate de Satie, Orphée aux Enfers d'Offenbach (Michel Plasson), Le
songe d'une nuit d'été de Britten à l'Opéra de Lyon, la Sérénade avec cor de Britten, Roméo et Juliette de
Berlioz, et en septembre 1996 Les Mamelles de Tirésias de Poulen (Seiji Osawa) dans le cadre du Festival de
Saïto Kinen.
Durant la saison 1996-97, on pourra l'entendre, tous répertoires confondus, dans la Paukenmesse de Haydn
(Sigiswald Kuijken), Orfeo de Monteverdi (reprise à l'Opéra d'Amsterdam), des concerts Offenbach (Michel
Plasson) à Toulouse, la Messe en Si de Bach (Sigiswald Kuijken), Les Noces de Figaro de Mozart (William
Christie), Platée de Rameau (Nicholas McGegan).
Il effectuera également une tournée de récitals, notamment avec Stephen Stubbs, Marielle Nordmann,
Christian Ivaldi...
Jean-Paul Fouchécourt enseigne aujourd'hui au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il
propose des sessions (3è cycle) de chant et esthétique baroque.
Paul A G N E W , ténor
Né à Glasgow en 1964, Paul Agnew commence ses études musicales au Magdalen
College d'Oxford auprès de Janet Edmonds, puis devient membre du Consort of
Musicke pendant une longue période.
Très demandé en tant que soliste, il a notamment chanté dans Pulcinella de
Stravinsky avec Sinfonietta 21, les Cantates de Bach avec l'Orchestra of the Age of
Enlightenment, Médée de Charpentier (rôle de Jason) avec Les Arts Florissants en
France, au Portugal et aux Etats-Unis. Paul Agnew travaille régulièrement avec the
English Concert (arias de Handel et Arne au King's Lynn Festival, the Fairy Queen
à Lisbonne, Dioclesian, Timon of Athens, Bonducca, King Arthur en Allemagne, en
Argentine et en Finlande). Il enregistre également pour BBC Radio 3 (concerts avec le Purcell Quartet,
Taverner Consort, St James's Baroque Players, Orchestra of the Age of Enlightenment).
Parmi ses prestations les plus récentes, notons King Arthur avec John Eliot Gardiner, les Chandos Anthems de
Handel au Festival de Bruges, la Messe du Couronnement de Mozart et les Cantates de Bach enregistrées par
Erato avec l'Amsterdam Baroque Orchestra dirigé par Ton Koopman, le Messie avec le Royal Liverpool
Philharmonie Orchestra et Dioclesian de Purcell avec Tafelmusik à Toronto. Avec Les Arts Florissants, Paul a
enregistré La Descente d'Orphée aux Enfers de Charpentier et les Grands Motets de Rameau, et a interprété en
septembre 1996 le rôle d'Hippolyte dans Hippolyte & Aricie de Rameau. Il a également effectué à l'automne
une tournée aux États-Unis, au Canada et au Mexique avec Acis et Galatée de Handel.
Cette saison, il chantera the Fairy Queen de Purcell avec le Gabrieli Consort, Canticles and Folk Songs de
Britten avec Musique Oblique au Festival de Normandie, VIndian Queen de Purcell au Barbican Centre de
Londres et à la Cité de la Musique avec the Academy of Ancient Music, la Passion selon Saint-Jean de Bach
avec le Brandenburg Consort et le King's College Choir de Cambridge (qu'il enregistrera en CD et en vidéo) ;
il reprendra le rôle d'Hippolyte dans la nouvelle production à'Hippolyte et Aricie à Paris, Nice, Caen,
Montpellier et à la Brooklyn Academy of Music de New York avec William Christie et Les Arts Florissants. Il
enregistrera également les Cantates de Bach avec l'Amsterdam Baroque Orchestra.

Luc COADOU, baryton

Après un premier contact avec le chant à la Manécanterie de Dunkerque, Luc


Coadou entreprend des études d'art lyrique au Conservatoire National de Région de
Lille dans la classe d'Annick My-Morelle où il obtient la médaille d'or de chant en
1986.
Il travaille dès lors la pédagogie du chant auprès de Richard Miller, professeur à
l'Oberlin Collège (Ohio) et se perfectionne parallèlement au studio «Versailles
Opéra» auprès de René Jacobs et Rachel Yakar.
Il collabore régulièrement tant à la scène qu'au concert avec Jean-Claude Malgoire,
Philippe Herreweghe, Marc Minkowski, Christophe Rousset, William Christie.
Une certaine prédilection pour les répertoires des XVIIè et XVIIIè siècles se retrouve dans son travail
universitaire : titulaire d'une licence de musicologie, Luc Coadou est l'auteur d'un mémoire de maîtrise sur le
théâtre lyrique à l'époque de la Révolution Française.
Sur scène, sa voix de baryton lyrique lui permet d'aborder un répertoire varié, du Testo, du Combattimento de
Monteverdi aux opéras-minute de D. Milhaud avec un intérêt particulier pour les opéras de Mozart et Rossini, :
Figaro des Noces et du Barbier, Guglielmo de Cosi, Arbace d'Idomeneo, Germano de la Scala di seta. Son sens
de la composition en fait un interprète apprécié pour ses rôles de caractère, Tisiphone dans Hippolyte & Aricie
de Rameau, Mr Tue de On ne s'avise jamais de tout de Monsigny, Alcindoro dans La Bohème de Puccini.
Il poursuit également une carrière dans le domaine de l'oratorio avec notamment la Messe en Si, la Passion
selon Saint-Jean, le Magnificat, la Cantate 82 Ich habe genug de J.S. Bach, les Requiem de Fauré et Duruflé, les
Carmina Burana de C. Orff, les Messes de Mozart.
La saison dernière, il a interprété les rôles d'Arbace et du Gran Sacerdoce d'Idomeneo de Mozart au Théâtre
Sao Carlo de Lisbonne, ainsi que le rôle de Cecco de II Mercato di Malmantile de Cimarosa pour l'Opéra du
Rhin. Un enregistrement des Cantates de L.N. Clérambault sortira prochainement chez Naxos.
Olivier LALLOUETTE, baryton
Né à Paris, Olivier Lallouette commence sa formation en Avignon en 1979 avec
Marion Sylvestre avant d'entrer au C.N.S.M. de Paris chez Peter Gottlieb en 1984,
puis à l'École d'Art Lyrique de l'Opéra de Paris avec Michel Sencchal en 1987.
Il travaille au Studio Opéra du Centre de Musique Baroque de Versailles avec René
Jacobs, et aborde le répertoire de la musique ancienne à Mozart. Il collabore
également avec Roy Goodman (Tamerlano de Handel), Jean-Claude Malgoire
(Alceste de Lully et La Clemenza di Tito de Mozart), Christophe Rousset (Scipione
et Ricardo 1er de Handel), William Christie (Médée de Charpentier, mis en scène par
Jean-Marie Villégier, à Caen et à New York), Christophe Coin dans des Messes de
Mozart et Philippe Hcrreweghe dans L'Enfance du Christ de Berlioz.
Son répertoire s'étend à des créations contemporaines, mais ses qualités vocales l'orientent surtout vers les
rôles mozartiens, ceux du bel canto italien et de l'opéra français du XlXè siècle : Masetto dans Don Giovanni,
Papageno dans La Flûte Enchantée, Malatesta dans Don Pasquale de Donizetti, Ernesto dans Don Procopio de
Bizct et Brétigny dans Manon de Massenet, Dandini dans La Cenerentola de Rossini, Raimbaud dans Le
Comte Ory de Rossini, Morales et Dancaire dans Carmen, Albert dans Werther et Golaud dans Pelléas et
Mélisande de Debussy.
Disciple de Christa Ludwig, il aime aussi se consacrer au Lied et à la mélodie. Il reçoit le Grand Prix Henri
Duparc en 1989 et est dédicatairc des Mélodies de Jean-Michel Damase et Jacques Chaillet.
Il participe à la création d'Horizons Chimériques, spectacle de Lieder et de mélodies sur le romantisme
allemand et français, avec Hélène Delavault, Suzan Manof, mis en scène par Joël Jouanneau.
Dans sa discographie, on retrouve le Giulio Cesare et // Ritorno d'Ulisse in Patria, mais aussi Alceste et
Scipione et Carmen.
Il vient de remporter un très grand succès à la Monnaie de Bruxelles dans La Calisto de Cavalli et interprétera
à l'Opéra de Liège le Comte des Noces de Figaro de Mozart.

Matthieu LÉCROART, baryton


Né en 1967, Matthieu Lécroart chante dès l'âge de 10 ans dans une Maîtrise d'Ile-de-
France, qui se produit a capella ou avec orchestre. Après divers professeurs de chant,
il rencontre Christiane Eda-Pierre et entre dans sa classe au Conservatoire de Paris
en 1992. Il interprète les rôles d'Eugène Onéguine dans l'opéra de Tchaïkowski
(1994) et de Léandre dans L'Amour des Trois Oranges de Prokoviev (1995).
En octobre 1994, dans le cadre de l'Académie Baroque d'Ambronay, il chante le rôle
d'Achis dans David & Jonathas de Charpentier, dirigé par William Christie, en
tournée en Europe. Il aborde le rôle-titre d'Orfeo de Monteverdi à Lyon en avril
1995, avec Les Concerts de PHostel-Dieu, dirigés par Franck-Emmanuel Comte ; il
chante ensuite Papageno dans La Flûte Enchantée de Mozart en août 1995 tout d'abord au Festival de Saint-
Céré, puis en novembre-décembre, en tournée dans toute la France avec l'Opéra Éclaté. Il se produit
également en récital, en oratorio (Carissimi, Haydn, Puccini) et interprète la musique contemporaine. Il chante
aussi le rôle de la Deuxième Parque dans Hippolyte & Aricie de Rameau avec Les Arts Florissants et William
Christie, au Palais Garnier et en tournée en Europe et aux États-Unis (saison 1996-97).

Laurent SLAARS, baryton


Laurent Slaars est né en 1965. Parallèlement à un cursus supérieur d'économie et
d'histoire, il étudie le chant à Paris avec Micheline Grancher et à Londres avec David
Mason. En 1993, il intègre le Cycle de Perfectionnement Baroque du CNSM de
Paris où il travaille sous la direction de Rachel Yakar et de William Christie, tout en
complétant sa formation avec les meilleurs ensembles européens de musique baroque :
Collcgium Vocale de Gand (dir. Philippe Herreweghe et Gustav Leonhardt), The
Taverner Consort Se Choir (dir. Andrew Parrott), Les Arts Florissants (dir. William
Christie), Le Parlement de Musique (dir. Martin Gester), La Grande Écurie et la
Chambre du Roy (dir. Jean-Claude Malgoire).
Attiré par le répertoire contemporain, Laurent Slaars créée des œuvres de plusieurs compositeurs
d'aujourd'hui dont Jacques Rebotier, Henri Pousseur ou Vincent Bouchot. Il chante également avec divers
ensembles spécialisés dans ce répertoire : Nedcrlands Kamerkoor Amsterdam, Hélix-Ensemble de Bruxelles...
Il pratique l'opéra classique et moderne : Monteverdi, Lully, Rameau, Mozart (Papageno, Monostatos,
Bastien...), Milhaud (Orphée), Britten, Hindemith... En 1995, Christophe Coin dirige ses débuts scéniques
parisiens dans le rôle d'Énée (Purcell) sur la scène de l'Opéra Comique.
En 1997, il se produira en récital à la Maison de la Poésie de Paris dans le cadre d'une Semaine Schubert dont il
est l'un des instigateurs, ainsi qu'au Festival de Budapest dans un programme de créations.
LES ARTS FLORISSANTS

E n 1979, William Christie fonde un ensemble vocal et instrumental qui emprunte son nom à un petit
opéra de Marc-Antoine Charpentier : Les Arts Florissants. Interprète d'œuvres souvent inédites des
XVIIè et XVIIIè siècles, puisées dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France,
l'ensemble contribue à la redécouverte d'un vaste répertoire (Charpentier, Campra, Montéclair, Moulinié,
Lambert, Bouzignac, Rossi...)
Les Arts Florissants abordent rapidement le monde de l'opéra, notamment à l'Opéra du Rhin dans des
mises en scène de Pierre Barrât avec Dido and Aeneas de Purcell, II Ballo Délie Ingrate de Monteverdi
(1983), Anacréon de Rameau et Actéon de Charpentier (1985).
Ils connaissent la consécration avec Atys de Lully mis en scène par Jean-Marie Villégier (Grand Prix de
la Critique 1987) à l'Opéra Comique, Caen, Montpellier, Versailles, Firenze, N e w York et Madrid en 1987,
1989 et 1992. J e a n - M a r i e Villégier met également en scène avec succès Le Malade Imaginaire de
Molière/M.-A. Charpentier (coproduction Théâtre du Châtelet, Théâtre de Caen, Opéra de Montpellier
1990), La Fée Urgèle de Duni/Favart (direction musicale Christophe Rousset, Opéra Comique 1991),
Médée de M . - A . Charpentier (coproduction Opéra Comique, Théâtre de Caen, Opéra du Rhin 1993,
également présentée à Lisbonne et New York en 1994) et Hippolyte & Aricie de Rameau (coproduction
Opéra National de Paris, Opéra de Nice, Opéra de Montpellier, Théâtre de Caen, Brooklyn Academy of
Music 1996).
Le Festival d'Aix-en-Provence invite régulièrement Les Arts Florissants pour des productions toujours
très remarquées : The Fairy Queen de Purcell (mise en scène A. Noble, 1989, Grand Prix de la Critique), Les
Indes Galantes de Rameau (mise en scène A. Arias, 1990, repris à Caen, Montpellier, Lyon et à l'Opéra
Comique), Castor & Pollux également de Rameau (mise en scène P.L. Pizzi, 1991), Orlando de Handel (mise
en scène R. Carsen, coproduction Théâtre des Champs-Elysées, Théâtre de Caen, Opéra de Montpellier,
1993), Die Zauberflôte de Mozart en 1994 et 1995 et Sémélé de Handel en 1996 (mise en scène R. Carsen).
La Brooklyn Academy of Music de New York est également fidèle aux Arts Florissants depuis 1989, soit
pour des spectacles (Atys en 1989 et 1992, Médée en 1994), soit pour des festivals de concerts (1991,1993,1995).
De t r è s n o m b r e u s e s d i s t i n c t i o n s f r a n ç a i s e s et i n t e r n a t i o n a l e s s a l u e n t les e n r e g i s t r e m e n t s
discographiques des Arts Florissants, de Gesualdo à Rameau, soit plus de 40 titres édités par Harmonia
Mundi. Début 1994, Les Arts Florissants rejoignent en exclusivité Erato/Warner Classics pour une
production discographique dont les derniers titres, Orlando de Handel et // SantAlessio de Landi, sont
parus récemment. Leur succéderont notamment Les Plaisirs de Versailles de Charpentier et Hippolyte &
Aricie de Rameau. Les Arts Florissants ont remporté le Gramophone A w a r d « E a r l y Opéra» pour
l'enregistrement de King Arthur de Purcell ainsi que le Gramophone Award dans la catégorie «Baroque
Vocal» pour les Grands Motets de Rameau.
Réclamé dans le monde entier, l'ensemble visitera pendant la saison 1996/97 la Grande-Bretagne, la
Suisse, les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, la Belgique et l'Autriche, avec le soutien actif du Ministère
des Affaires Étrangères / Association Française d'Action Artistique.
Caen et la Basse-Normandie sont associés depuis 1990 pour offrir aux Arts Florissants une résidence
privilégiée, au Théâtre de Caen mais également en région.
Les Arts Florissants sont subventionnés par le Ministère de la Culture, la ville de Caen et le Conseil
Régional de Basse-Normandie. PECHINEYparraine Les Arts Florissants depuis 1990.

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André Campra : Idoménéc — Caen, Église Notre-Dame de la Gloriette, 18/10/1991 — Photo Michel S Z A B O

LES ARTS FLORISSANTS


2, r u e d e S a i n t - P é t e r s b o u r ; r, 75008 Paris - Tél. : 01 43 87 98 88 - F a x : 01 43 87 37 31

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