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LI VR E Mac
L OUVRE
MPC P E I N T U R E F R A N Ç A I S E
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introduction sommaire page de titre index paginé
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Texte de :
Vincent Pomarède,
Conservateur au Département des peintures du musée du Louvre
Françoise Le Douaron
ODA Édition
LOUVRE
introduction sommaire index des peintres index des œuvres index paginé 3
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DANS L’INDEX DES ŒUVRES, CLIQUER SUR LE NOM POUR OBTENIR LA BIOGRAPHIE,
B D H
BAUGIN Lubin DAUBIGNY Charles-François HEIM François-Joseph
BOURDON Sébastien F L
C FLANDRIN Hippolyte LA FOSSE Charles de
LE MOYNE François P V
LE NAIN Mathieu PERRIER François VALENCIENNES Pierre-Henri de
N STELLA Jacques W
NATTIER Jean-Marc SUBLEYRAS Pierre WATTEAU Jean-Antoine
O T
OUDRY Jean-Baptiste TROY Jean-François de
TROYON Constant
sommaire index des œuvres 5 A
CHARDIN Jean-Baptiste-Siméon
• La Raie • Pipes et vase à boire, dit aussi La Tabagie
Vers
• Le Buffet • Le Bocal d’olives
• La Fontaine de cuivre • Le Gobelet d’argent
Vers Vers
• Jeune Dessinateur taillant son crayon • Poires, noix et verre de vin
Vers
• L’Enfant au toton • La Brioche
• La Pourvoyeuse • Raisin et grenades
• La Mère laborieuse • Panier de pêches avec noix,
couteau et verre de vin
• Le Bénédicité
• Portrait de l’artiste
• Le Jeune Homme au violon
Vers
sommaire index des œuvres 7 C
• La Charité • Pierrot,
dit autrefois Gilles
Vers Vers -
• Allégorie de la Richesse • Diane au bain
Vers Vers
• Le Faux pas
WATTEAU Jean-Antoine Vers
• Assemblée dans le parc
Vers
• La Finette
Vers
• Pèlerinage à l’île de Cythère
• L’Indifférent
Vers
• Nymphe et satyre
Vers
• Le Jugement de Pâris
Vers
ŒUVRES A
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 18 A
R.F. 2490
0040021C. PIC ANONYME
099586
ANONYME
Jean II le Bon (-), fils de Philippe VI, fut roi de France de à , durant la période
troublée de la guerre de Cent Ans, opposant la France et l’Angleterre. Les troupes
françaises ayant été battues à la bataille de Poitiers (), Jean II le Bon dût se rendre
et termina son règne prisonnier des Anglais. L’artiste, malgré un désir visible de simplifier
et d’idéaliser les traits du modèle, a privilégié un certain sens du réalisme et a cherché
à rendre le caractère volontaire et juste de ce monarque, qui a traversé avec dignité
une période politique d’une grande instabilité.
Symbole de la perfection divine, la section d’or a pris une importance particulière au Moyen
Âge. En effet un mysticisme y était attaché à la progression harmonique continue.
La construction de la section d’or, en partant de la moyenne dimension, c’est-à-dire de la
largeur du tableau, est appliquée ici. La largeur du tableau permet de construire un carré,
la demi-diagonale rabattue du carré détermine la hauteur du tableau. La progression
continue entre EC, CB et EB est la progression basée sur la proportion d’or.
Enlevée sur un fond d’or unifié, sans décor et sans profondeur, la figure du roi est montrée
de profil, comme l’art des médailles avait coutume de le pratiquer. Le roi est représenté
sans ostentation, sans accessoire, sans couronne, ni attribut de sa fonction. Seule une
inscription, placée dans la partie supérieure dutableau, rappelle l’identité du souverain.
Il semble que le peintre ait cherché à attirer l’attention sur les qualités humaines du roi
et sur sa simplicité d’apparence, plutôt que sur sa fonction et le pouvoir qui en découle.
Considéré comme la plus ancienne peinture de chevalet connue en France et un des premiers
portraits individuels en Europe depuis l’Antiquité, ce portrait est la première œuvre
découverte par le visiteur des peintures françaises du musée du Louvre. Ce portrait a pu
être réalisé par « le valet de chambre » de Jean II le Bon, Girard d’Orléans, mais il
demeure de nos jours anonyme. Il fait sans doute partie d’un groupe de portraits de rois
signalés dans la collection de Charles V autour de et dont on perd la trace durant
plusieurs siècles. Ce portrait est redécouvert en , lorsqu’il est offert par le
collectionneur Roger de Gaignières à la Bibliothèque de Louis XV. Il entre au musée
du Louvre en après un dépôt de la Bibliothèque nationale au musée du Louvre.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 19 A
ANONYME
Le Parement de Narbonne
Vers
Encre noire sur soie, , x
La présence dans cette grisaille, peinte sur soie, des portraits du roi Charles V (-),
fils de Jean II le Bon, et de sa femme, Jeanne de Bourbon, tous deux agenouillés, suggère
qu’elle doit être une commande du roi, passée autour de à un des peintres travaillant
pour son frère, le duc Jean de Berry (-), célèbre mécène et collectionneur.
L’œuvre fut peut-être donnée par le roi à la cathédrale de Narbonne.
Conçue pour être un ornement religieux pendant la période du Carême, d’une grande
précision de trait, cette œuvre – qui s’apparente par sa monochromie davantage au dessin
qu’à la peinture – est marquée par l’influence de l’art de l’enluminure, pratiquée dans
l’entourage du duc de Berry. Une certaine relation avec la construction spatiale
et le réalisme des artistes italiens est également à remarquer.
L’œuvre fut peut-être donnée par le roi Charles V (-) à la cathédrale de Narbonne.
Elle fut acquise par le musée du Louvre en et appartient au département des Arts
Graphiques, qui l’a déposé au département des Peintures.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 20 A
ANONYME
De part et d’autre du calvaire, quatre saints évoquent la rencontre entre le pouvoir spirituel
et le pouvoir temporel. Ces quatre personnalités ont « préparé le chemin du Seigneur »
sur la terre. Nous trouvons à gauche de la croix, Saint Louis, roi de France (-),
qui fait alors l’objet d’un véritable culte, et saint Jean-Baptiste, le dernier des prophètes
et le premier des martyrs de l’histoire de l’Église. À droite de la croix, sont représentés
saint Denis, qui porte sa tête dans ses mains, symbole de son martyre, et saint
Charlemagne. À l’arrière-plan du retable, un paysage évoque Paris au milieu
du XVe siècle, avec la tour de Nesle et le Palais du Louvre, le palais fortifié de Philippe
Auguste (-), avec les modifications effectuées par Charles V (-).
Au centre de l’œuvre, la Crucifixion est peinte avec force et réalisme. Le Christ en croix
est placé dans la partie la plus élevée du retable, comme dans une chapelle. Au-dessus de
sa tête, Dieu le Père contemple l’agonie de son fils. À gauche de la croix, la Vierge pleure
et s’abandonne dans les bras d’une sainte femme, tandis qu’à droite, saint Jean lève les
yeux avec respect pour regarder une dernière fois l’image du Seigneur, ouvrant les mains,
paumes tendues vers le Christ, pour montrer sa soumission au message évangélique.
Sans doute commandé en pour la Grand Chambre du Parlement de Paris, ce retable fut
exécuté par un peintre, sans doute originaire de Flandre ou du Nord de la France,
dont l’identité ne nous est pas parvenue. Saisi durant la Révolution et attribué en
à la Cour d’appel de Paris, cet important retable revint au musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 21 A
ANONYME
La figure du flûtiste a toujours été dans la tradition européenne une figure étrange dotée
de pouvoirs souvent magiques, parfois néfastes. Ce musicien borgne possède l’art
du souffle musical pour compenser son infirmité, sa musique peut être de divertissement,
mais elle peut également faire sonner son pouvoir. La technique de ce portrait fait, dans
tous les cas, songer à celle de François Clouet.
La Charité
Vers
Huile sur toile, x ,
Représentation allégorique d’une des trois vertus théologales, la Caritas, amour de Dieu
et du prochain en vue de Dieu. Le thème de la jeune femme allaitant, entourée d’enfants
(amours), est particulièrement à l’honneur dans l’école de Fontainebleau, mais l’allégorie
religieuse cède le pas à la seule grâce d’un monde sensuel et voluptueux.
Le thème essentiel est la nudité du corps humain. La figure de la Charité : une jeune femme,
dont la nudité se dérobe à peine, est manifestement inspirée de la Flore Farnèse , statue
antique. Sa beauté était proverbiale comme celle de son pendant l’Hercule Farnèse.
Les putti, aux musculatures accusées sont influencés par ceux de Michel-Ange.
Mais le type féminin, au canon si caractéristique, est bien celui de l’école
de Fontainebleau, celui du Primatice. Dans la composition pyramidale, le dessin aigu
reste déterminant. Il se complaît aux torsions, aux emmêlements d’arabesques,
aux rendus des corps ondoyants, aux drapés qui s’enroulent et se déroulent.
Diane chasseresse
Vers -
Huile sur toile, x
Cette œuvre, peinte vers , est devenue une sorte de symbole de l’école de Fontainebleau.
On a parfois voulu y trouver une allégorie de Diane de Poitiers (-), maîtresse
de Henri II (-), qui faisait alors construire, près de Paris, le château d’Anet,
dont la décoration était entièrement organisée autour de la déesse antique de la chasse.
Ce tableau, inspiré par une fonte sortie de l’atelier de Primaticcio qui provient sûrement
de Fontainebleau a parfois été cité comme une œuvre de Luca Penni, un des peintres
italiens travaillant à Fontainebleau avant .
Déesse antique de la chasse et de la nature sauvage, Diane est représentée ici de manière
traditionnelle, nue, portant l’arc et le carquois qui évoquent sa passion pour la chasse.
La présence d’un lévrier, insiste encore sur ce thème. Le traitement du nu est
particulièrement délicat, le modelé du corps d’une grande habileté, construit entièrement
à partir de la lumière provenant de la gauche du tableau. Le paysage a une grande
importance dans l’univers pictural de cette œuvre, à la fois comme décor de la scène
évoquant la nature sauvage, et comme moyen de mettre davantage en valeur,
par contraste, la sensualité du corps féminin. Le réalisme de l’arbre ou des montagnes,
révèlent les qualités évidentes de paysagiste d’un peintre qui a dû étudier avec attention
la nature.
Vénus à sa toilette
Vers
Huile sur panneau, x
Avec cette Vénus à sa toilette, nous voyons s’incarner le maniérisme dans ce qu’il a de plus
affiné : attitude « torsadée », à la limite des possibilités anatomiques et hors contexte,
décor théâtral, appel à l’antiquité sous sa forme la plus archétypale et la mise en valeur
de la nudité des corps. Tout est fait pour dévoiler la beauté du corps humain.
Cette Vénus à sa toilette a été autrefois attribuée à Niccolo dell’Abbate, qui travailla à
la décoration du château de Fontainebleau à partir de , appelé avec des artistes italiens
comme Rosso Fiorentino et le Primatice par François Ier. Donation Jules Maciet, .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 25 A
Cette œuvre demeure anonyme, bien que peinte dans un style très caractéristique de
la deuxième période de l’école de Fontainebleau. Elle montre l’influence de l’art italien
de la Renaissance, dans le modelé sensuel des corps des deux jeunes femmes,
mais comporte aussi des références à l’art flamand, dans l’intimité de la scène peinte
à l’arrière-plan.
Les modèles sont identifiés, Gabrielle d’Estrées (-), favorite du roi Henri IV
(-), et sans doute une de ses sœurs, la duchesse de Villars ou la maréchale
de Balagny. Le geste étrange et affectueux de la jeune femme, qui pince le sein droit
de Gabrielle d’Estrées, a souvent été interprété comme un symbole de la grossesse
de Gabrielle, enceinte d’un enfant naturel de Henri IV. La scène de la jeune femme
cousant, peut-être une layette pour l’enfant à naître, à l’arrière-plan, confirme ce symbole
de la grossesse de la favorite royale.
Lubin BAUGIN
Le Dessert de gaufrettes
Vers
Huile sur panneau, x
L’œuvre de Lubin Baugin est mal connue et seulement quatre natures mortes lui ont été
attribuées avec certitude. Son approche esthétique est d’une grande pureté, dépouillant
les éléments et ne retenant que quelques objets. Ici, le verre de vin rouge et la blancheur
des gaufrettes présentées dans une assiette en argent ont pu évoquer, pour certains
critiques, un symbole de l’Eucharistie. Mais l’éclairage théâtral et la disposition
rigoureuse des objets ont fait de ses natures mortes un exemple pour les peintres qui
se confrontèrent à ce genre au XVIIe siècle. Contrairement à ses contemporains, Baugin
refuse le décoratif au profit du réalisme et d’un sens de la construction presque abstrait.
Cette rare nature morte de Lubin Baugin, aujourd’hui la plus célèbre, a été acquise par le musée
du Louvre en .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 27 B
Lubin BAUGIN
Cette œuvre nous plonge dans un espace où sont assemblés des objets emblématiques
d’une notion abstraite, comme par exemple le miroir, emblème de vanité, qui est ici noir
et sans reflet et devient le symbole de la mort. Le sens des objets entre en résonance avec
celui des autres objets, et des groupements se font par contiguïté : le pain et le vin
signifient le corps du Christ, la perle, la bourse, le jeu de cartes donnent à voir les plaisirs
des cabarets et de l’amour vénal. Mais l’œuvre n’est pas pour autant une devinette;
elle est un support matériel donné à la réflexion et à la méditation.
Le pain, le vin font référence à la Cène : « Jésus prit du pain, et l’ayant béni, il le rompit et le
donna à ses disciples en disant prenez et mangez, ceci est mon corps. » (Matthieu -).
Situés dans l’espace clair, avec la perle, la bourse, la carte, la mandore (petit luth)
et la partition, ils représentent la partie divine de l’homme. L’œillet symbolise l’amour
sacré, le nombre trois indique que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne font qu’un
dans la caritas. Perle, bourse et cartes font également allusion à la cupidité, au temps
dilapidé, et à l’amour vénal. La mandore et la partition disent que la musique peut être
sacrée ou profane. Le miroir noir est la mort. Mais l’échiquier est fermé et la partie n’a pas
commencé : c’est à l’homme de jouer la partie de son choix.
Jean de BEAUMETZ
Le Calvaire avec un moine chartreux a été peint vers et par Jean de Beaumetz,
peintre du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, pour orner la chartreuse de Champmol
près de Dijon, véritable nécropole des Valois de Bourgogne. Un tableau stylistiquement
très proche de cette œuvre du Louvre est aujourd’hui conservé au Cliveland museum
of Art. Acquis par le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 29 B
Henri BELLECHOSE
La cour de Bourgogne s’impose à la fin du XIVe et au début du XVe siècles comme l’une
des plus brillantes et des plus cultivées d’Europe. Le duc Philippe le Hardi (-),
fils du roi Jean II le Bon, anime une politique de mécénat ambitieuse, qui se concrétise
après sa mort par l’achèvement de la chartreuse de Champmol près de Dijon autour
de . Philippe le Hardi et plus tard son fils Jean sans Peur (-) emploient
des peintres flamands, comme Jean de Beaumetz, Jean Malouel ou Henri Bellechose,
tous trois représentés dans les collections du Louvre.
Encore rempli de l’esthétique médiévale, ce retable surprend par sa profonde piété et la force
de sa construction. La variété du coloris, renforcée par le riche fond d’or, est également
à signaler, dominée par le bleu intense des manteaux du Christ et des saints.
Le Christ crucifié placé au centre est dominé par Dieu le Père et le Saint-Esprit, tandis que
deux épisodes de la vie de saint Denis sont représentés de part et d’autre de la croix.
À gauche, la dernière communion reçue par saint Denis de la main du Christ même et,
à droite, le martyre de saint Denis, qui fut décapité avec ses deux disciples, Rustique
et Éleuthère. Selon Grégoire de Tours, saint Denis fut évangélisateur des Gaules et
premier évêque de Paris (vers ). Décapité à Montmartre, il est souvent représenté
avec l’attribut de son martyre, tenant sa tête qu’il aurait ramassée après sa décollation.
Le Retable de saint Denis a été commandé, avant , pour la chartreuse de Champmol
sans doute au principal peintre de la cour de Bourgogne, Henri Bellechose, un des artistes
du Gothique international. Cette peinture fut donnée en au musée du Louvre
par un ancien directeur des Musées nationaux, grand collectionneur, Frédéric Reiset
(-).
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 30 B
Jacques BLANCHARD
Jacques Blanchard est influencé dans cette œuvre par les nus de la Renaissance italienne,
par ceux du Corrège et de Véronèse, ainsi que par le traitement délicat du nu féminin
qu’avaient pratiqué les artistes de l’école de Fontainebleau. On songe évidemment,
devant le traitement du nu de Vénus, allongée avec Cupidon endormi auprès d’elle,
au Jupiter et Antiope du musée du Louvre, qui allait entrer dans les collections royales
cinquante ans plus tard.
Le contraste entre le rouge soutenu du velours de la tenture protégeant les quatre femmes et le
rose des chairs est d’une grande habileté, ainsi que l’effet de lumière qui plonge le mortel
dans une demi-obscurité, tandis que les quatre femmes sont éclairées plus violemment.
Ancienne divinité romaine secondaire, Vénus fut assimilée à Aphrodite, déesse grecque
de l’amour, de la beauté et de la fécondité. Les légendes qui furent attachées à son nom
et la nature même de ses pouvoirs inspirèrent les artistes de l’Antiquité et de l’époque
moderne, à la fois en raison des allégories de l’amour que sa présence favorisait, mais aussi
parce que ce sujet permettait le traitement du nu féminin. Son personnage devint
fréquemment représenté en peinture avec la Renaissance et surtout le maniérisme.
Les Grâces, au nombre de trois, Aglaé, Thalie et Euphrosyne, étaient des déesses
gréco-romaines de la Beauté et leurs images furent fréquemment associées à celle de
Vénus-Aphrodite.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 31 B
On appréciait chez Blin de Fontenay la fraîcheur des fleurs, le velouté de la peau des fruits,
le rendu véridique des insectes et de la rosée, le sens des matières et l’originalité
du groupement. La composition se développe en trois groupes : bouquet de fleurs
et buste, pièces d’armures, corbeille de fruits. Les groupes sont séparés par l’horizontale
du dessus de la table et la verticale de la colonne. Les liaisons entre le bouquet et les objets
au sol se font par le tapis et les branches de liseron, mais aussi par des enchaînements
géométriques (axe de symétrie constitué de l’horizontale du dessus de table). Enfin il
existe aussi des liaisons par opposition : la couleur chaude du vase métallique contraste
avec la couleur froide du métal de la cuirasse.
La construction baroque de cette nature morte est significative : le roi est au sommet, les objets
au sol disent la grandeur du roi, le panier n’est pas renversé pour créer un artifice mais
pour signifier l’abondance qui se répand dans le royaume. Les pièces d’armures ont, elles,
deux sens : la cuirasse de triomphe de l’empereur à Rome, symbole du roi guerrier
et victorieux, et la cuirasse qui repose à terre, sous la table, qui donne à voir la paix
du royaume.
Louis-Léopold BOILLY
Si le thème de l’œuvre n’est pas réellement néoclassique, par contre, la mise en page et la facture
relèvent bien de cette école de rigueur et d’intention morale.
Boilly a représenté dans cette œuvre des peintres, des écrivains et des musiciens et l’on
reconnaît de gauche à droite : le compositeur Méhul, le critique d’art Hoffmann,
le sculpteur Corbet, le peintre Drölling, le paysagiste Demarne, le peintre Isabey
accueillant ses amis, le peintre Gérard, le paysagiste et le peintre de genre Taunay,
le paysagiste Swbach-Desfontaines, le miniaturiste Charles Bourgeois, le peintre
Guillon-Léthière, le peintre animalier Vernet, le graveur et peintre Duplessis-Bertaux,
les architectes Percier et Fontaine, l’acteur de la Comédie-Française Baptiste, le peintre
et architecte Thiébaud, les peintres de fleurs Van Daël et Redouté, l’acteur Talma,
le peintre Meynier, l’auteur du tableau Boilly, le comédien Chenard, le paysagiste
Bidauld, le peintre Girodet, le sculpteur Chaudet, le graveur Blot, le sculpteur Lemot,
le peintre Serangeli, le miniaturiste Augustin.
Ce tableau exposé au Salon de , témoignage de l’amitié d’un groupe de peintres venus
rendre visite à l’atelier de Jean-Baptiste Isabey (-), et passionnant document
de l’univers des artistes durant l’Empire, a été légué au musée du Louvre par
Mme Auguste Monrival (-), sous réserve d’usufruit de son fils, en . L’œuvre
est entrée au musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR AN Ç AI SE — Œ U V R E S 33 B
Louis-Léopold BOILLY
Comme David, Boilly et ses confrères peintres de genre refusent les couleurs artificielles
de Boucher, les empâtements de Fragonard. Pour imiter et rivaliser avec la nature,
délaissant les leçons de l’antique, il se tourne vers les peintres flamands et hollandais
que les amateurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle collectionnaient avec passion.
Ter Boch, Mieris et Dou lui apprennent l’exécution précise et raffinée, la pâte lisse et
les couleurs saturées.
Louis-Léopold BOILLY
Gabrielle Arnault
Vers
Huile sur toile, , x
Boilly peignit les portraits de tous les membres de la famille Arnault, mais la figure délicate
de cette petite fille, tenant son chat dans ses mains et regardant avec innocence
et étonnement le spectateur, est l’œuvre la plus réussie de la série. Gabrielle Arnault
de Gorse (-) était la fille de l’écrivain Antoine Vincent Arnault (-),
secrétaire perpétuel de l’Académie française. Elle devint plus tard Madame Donat d’Ariès.
Ce portrait d’enfant a été légué au musée du Louvre en par Mme Arnault, veuve du neveu
du modèle.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 35 B
François BOUCHER
Renaud et Armide
Huile sur toile, , x ,
Boucher a choisi l’instant où les deux amis de Renaud – que l’on aperçoit à droite, entre
les deux colonnes du temple en ruines qui abrite le couple amoureux – surprennent
Renaud, encore en armure, fasciné par la beauté d’Armide. À droite, Cupidon darde
une flèche vers Renaud, rappelant les liens amoureux que la jeune Armide vient d’établir
avec le jeune croisé, éperdument amoureux de cette jeune femme ensorcelante.
L’histoire racontée par ce tableau est tirée d’un épisode de la Jérusalem délivrée du Tasse,
ouvrage paru en . Le chevalier croisé Renaud, en route pour Jérusalem, est séduit
par Armide, jeune sarrasine, dépitée d’avoir rendu amoureux tous les croisés sauf le jeune
Renaud. Grâce à un sortilège, elle parvient à le rendre amoureux et le garde prisonnier
de ses charmes, mais elle sera alors partagé entre l’amour qu’elle porte au jeune homme
et la fureur d’avoir dû utiliser un charme pour parvenir à ses fins. Deux amis de Renaud,
Carlo et Ubaldo, tentent de le délivrer. L’architecture en ruines, qui sert de décor
à la scène, symbolise le palais enchanté dans lequel Armide retient Renaud prisonnier
de ses charmes.
François BOUCHER
Le Déjeuner
Huile sur toile, , x ,
Le Déjeuner a parfois été interprété comme un portrait de l’épouse et des enfants de François
Boucher, posant dans un intérieur bourgeois, sans doute celui même de l’artiste. Boucher
cherche à reconstituer, dans cette œuvre, l’intimité quotidienne qui animait les tableaux
hollandais d’intérieurs du XVIIe siècle. Nous découvrons ainsi, par-delà son penchant
pour les sujets de style rocaille, sa passion pour le réalisme de l’art nordique
qu’il collectionne et qui lui inspire de nombreuses toiles.
Cette œuvre fut léguée en par le Docteur Achille Étienne Malécot, médecin
collectionneur, qui avait constitué une intéressante collection de peintures et
d’objets d’art.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 37 B
François BOUCHER
La Forêt
Huile sur toile, x
Cet étonnant paysage, encore chargé de l’influence des paysagistes italiens découverts lors de
son séjour à Rome, rappelle certaines vues romantiques de Salvator Rosa ou du Vénitien
Ricci. Les deux soldats romains, assis au pied d’un arbre décharné, ajoutent une étrange
note de poésie à cette sombre entrée de forêt au réalisme étrange. L’œuvre possède
un pendant, Vue d’un moulin avec un temple dans le lointain, conservé au Nelson-Atkins
Museum of Art de Kansas City. Cette œuvre a été attribuée au musée du Louvre en
par l’officie des Biens Privés.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 38 B
François BOUCHER
Boucher s’intéresse surtout à la relation établie entre le corps humain et la nature. Au bleu
intense des draperies répondent en effet la fraîcheur rosée des chairs et le vert subtil
du paysage.
Déesse antique de la chasse et de la nature sauvage, Diane est représentée au bain, nue,
accompagnée d’une servante. Les accessoires traditionnels de Diane ne sont pas loin :
l’arc et le carquois, qui évoquent sa passion pour la chasse, sont posés à terre, à gauche
de l’œuvre, et les chiens de chasse, à gauche, comme le gibier mort posé à terre à droite,
insistent encore sur ce thème. Le traitement du nu féminin est ici particulièrement
délicat, le modelé du corps étant d’une grande sensualité, construit entièrement à partir
de la lumière provenant de la gauche du tableau.
Ce nu féminin, peint en et exposé au Salon, a été acquis par le musée du Louvre en .
Il s’agit du premier tableau de Boucher entré au musée du Louvre depuis le début
du XIXe siècle, marquant la fin de la longue éclipse qu’avait connue l’œuvre de cet artiste
jugé trop frivole par les révolutionnaires.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 39 B
François BOUCHER
L’Odalisque
?
Huile sur toile, , x ,
Le travail délicat du coloris des chairs, contrastant avec le bleu et le blanc intenses des draps et
des étoffes est à lui seul la justification d’une œuvre sensuelle, qui paraît être un symbole
de certains aspects de l’art français du XVIIIe siècle.
Dans l’imagerie orientale, une odalisque était une femme vivant dans un harem. Thème favori
des tableaux orientalistes de l’époque romantique, l’évocation de ces femmes sensuelles
et asservies devint un des motifs fréquents des peintres de la première moitié
du XIXe siècle, qu’il soit romantique comme Delacroix ou néoclassique comme Ingres.
La destinée de ce thème, qui se poursuivit jusqu’à Matisse, rencontra des tableaux
aussi célèbres que l’Olympia de Manet. Le titre l’Odalisque apparaît tardivement et
est d’ailleurs mal adapté à ce tableau, qui présente une femme surprise dans l’intimité de
son intérieur. On a parfois prétendu, sans preuve aucune, que ce tableau représentait
Madame Boucher, et Diderot lui-même, qui exécrait Boucher, lui reprocha d’avoir
« prostitué » sa femme.
Cette œuvre, dont il existe une autre version au musée des Beaux-Arts de Reims, a été léguée
en par le baron Basile de Schlichting (-), conseiller d’État de l’empereur
de Russie installé en France.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 40 B
François BOUCHER
L’Enlèvement d’Europe
Huile sur toile, , x ,
Collection de Louis XV, acquis au concours organisé entre les peintres de l’Académie royale
de peinture et de sculpture par la direction des Bâtiments du roi en .
Si l'on compare cette œuvre à l'Enlèvement d'Europe de Jordaens, on ne peut que constater que
si le thème est le même, le propos est différent. Au drame visionnaire du peintre flamand,
se substitue un simple prétexte à mettre en scène des académies féminines
aux jolies expressions, dans un décor de théâtre. Le traitement des motifs, l'étagement
des couleurs, nous plonge au cœur du style rocaille ou rococo.
M U SÉE D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 41 B
François BOUCHER
La Marquise de Pompadour
Vers
Huile sur toile, x ,
D’abord graveur, François Boucher s’intéresse bientôt à la peinture à l’huile et, dès ,
obtient le prix de Rome. En compagnie de la famille Van Loo, il part pour l’Italie en
et y découvre le sens du théâtre des Tiepolo et les décorations ambitieuses des Carrache
ou de l’Albane. Sa carrière devient alors fulgurante. À son retour d’Italie, il est agréé en
à l’Académie royale. Protégé par Madame de Pompadour, Boucher reçoit
de nombreuses commandes royales. La carrière de François Boucher ne connaît ensuite
que des succès officiels. Mais ses succès de cour coïncident avec des critiques de plus en
plus vives portées par Diderot et les encyclopédistes, qui lui reprochent la facilité de
sa technique et la frivolité de ses sujets.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 42 B
François BOUCHER
Le Moulin
Huile sur toile, x ,
Il s’agit d’un des plus beaux paysages de Boucher, qui sait trouver une technique et une poésie
sans égales dans ce genre, se laissant emporter par son admiration pour les paysages
réalistes de la peinture nordique et les tableaux chargés de Salvator Rosa. Le foisonnement
de la nature n’exclut cependant pas le réalisme du traitement des écorces, des ciels et des
feuillages. Peint en avec son pendant le Pont, pour la chambre du cardinal de Soubise
à l’hôtel de Rohan à Paris, ce tableau fut transféré de l’hôtel de Rohan au Louvre en .
MU SÉE D U LO UVR E , PEI NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 43 B
François BOUCHER
Les Forges de Vulcain de Boucher, exposé au Salon de , est un foisonnant tableau,
habilement construit à partir de courbes et de volutes et dont la surcharge volontaire et
le coloris affirmé ont fait une œuvre symbole du style « rocaille ». Les personnages,
aux chairs d’un rose soutenu, et les étoffes bleues ou roses, se confondent avec les vapeurs
des nuages dans un mouvement circulaire d’une grande habileté.
Vénus, déesse de l’amour et femme de Vulcain, avait trompé son époux avec le mortel Anchise,
troyen, parent du roi Priam. Elle en eut un fils Énée, héros de la guerre de Troie,
dont César revendiqua plus tard être le descendant. Durant la guerre de Troie,
Énée devant affronter le meilleur des soldats grecs, Achille, sa mère parvint à convaincre
son mari de forger une armure qui rendrait Énée invincible. La scène de la séduction
de Vulcain par Vénus, qui lui réclame des armes pour son fils, a été représentée plusieurs
fois par Boucher, qui aimait opposer la grâce féminine de Vénus à la virilité brutale
du dieu des forgerons.
Ce tableau, destiné à être exécuté en tapisserie, avait été commandé à François Boucher par
la manufacture des Gobelins, afin de faire partie de la série des tentures des Amours
des dieux . Boucher présenta ce tableau au Salon de et l’œuvre demeura par la suite
dans les collections de Louis XV, avant d’entrer, en , au Muséum central des arts
de la République, futur musée du Louvre. Les trois autres tableaux initialement destinés
à servir de modèles pour cette tenture, peints en par Carle Van Loo, Pierre et Vien,
ont respectivement été déposés par le musée du Louvre à Nice, Arras – détruit –
et Grenoble. Des « tableaux d’accompagnement » ont été demandés en
aux mêmes artistes.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 44 B
Sébastien BOURDON
La Présentation au Temple
Vers
Huile sur panneau, x
Le peintre passait, à son époque, pour un artiste productif, s’interessant à tous les genres,
brillant, d’un tempérament fougueux et instable. Sébastien Bourdon se reconnaît à ses
harmonies de couleurs légères où rien ne vient rompre la solidité des blancs et des bleus.
Il place ici un jeu d’horizontales et de verticales au centre du tableau et rejette contre
le cadre, sur les marges de la toile, les protagonistes secondaires de la scène.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 45 B
Sébastien BOURDON
La Descente de croix
Vers
Huile sur toile, x
Le peintre passait, à son époque, pour un artiste productif, s’interessant à tous les genres,
brillant, d’un tempérament fougueux et instable. Il est un des peintres du XVIIe siècle
dont la manière et la poésie se reconnaissent par une douceur pleine de mélancolie. Ici, il
nous donne à voir un art consommé de la composition des volumes coordonnée à celle
des couleurs. Sur une diagonale en reprise chevauchée, croix et corps du Christ,
un jeu de courbes définit des espaces de tonalités qui sous-tendent les expressions
des protagonistes.
Peint pour l’église Saint-Benoît, Paris. Saisi à la Révolution française en et transféré
au Muséum central des arts de la République, futur musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 46 B
Sébastien BOURDON
Sébastien Bourdon nous livre ici un portrait présumé de René Descartes. Le philosophe
est peint à la manière des portraits flamands et hollandais, allusion à son long séjour
aux Pays-Bas? C’est un visage qui émerge et nous regarde à la fois avec bienveillance
et sans aucune illusion. Dans ce portrait, l’homme qui voulait que même les femmes
puissent lire de la philosophie semble retenir son jugement et rentrer ses pensées.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 47 C
Antoine CARON
Appien, historien grec hellénistique, écrivant sous le règne de Marc Aurèle une Histoire
Romaine en livres, consacre les livres XIII à XVII à l’histoire des guerres civiles et rend
compte des massacres perpétrés par les trois triumvirs Antoine, Octave et Lépide
après leur marche sur Rome et leur nomination comme triumvirs en avant J.-C.
Le thème choisi par Antoine Caron entre en résonance avec les massacres
entre protestants et catholiques et plus particulièrement le massacre des protestants
du avril par le « triumvirat » formé par le connétable de Montmorency,
Jacques d’Albon de Saint-André et le duc de Guise.
Le tableau représente la Rome antique d’après l’ouvrage du graveur Lafery Speculum romanae
magnificentia. Il faut savoir qu’Antoine Caron n’a pas fait le voyage d’Italie.
À droite, l’empereur Commode en Hercule, découvert en , l’arc de Constantin
érigé en après J.-C. et la place du Capitole, dessinée par Michel-Ange, avec la statue
équestre de Marc Aurèle. À gauche, l’Apollon du Belvédère, l’arc de triomphe de Septime
Sévère érigé en après J.-C. et la colonne Trajan. Au centre, le Colisée inauguré en
par Domitien et le Panthéon. À l’arrière-plan droit, l’arc de triomphe de Titus
et à l’arrière-plan gauche, le château et le pont Saint-Ange.
Ce tableau fut donné au musée du Louvre en par le marquis de Jaucourt. Originellement
constitué d’un seul tenant, il fut partagé, à une date inconnue, en trois panneaux
distincts.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 48 C
Antoine CARON
La Sibylle de Tibur
Vers -
Huile sur toile, x
La sibylle de Tibur est debout au centre, montrant de la main gauche le ciel, dans lequel sont
apparus le Christ et la Vierge. À ses pieds, l’empereur Auguste s’est agenouillé avec respect
devant ce Dieu, qui sera un jour plus grand que lui, et regarde également la vision dans
le ciel. À gauche, un groupe de soldats et de vestales assistent à la scène, tandis qu’au fond,
dans les architectures imaginaires, une foule assiste à ce geste de dévotion de l’empereur.
L’empereur Auguste agenouillé devant la sibylle est probablement Charles IX,
roi de France.
Construit à partir d’une perspective linéaire, héritée des grands peintres de la première
Renaissance italienne, la Sibylle de Tibur de Caron, peint vers , est rempli
de surcharges décoratives, telles ces deux somptueuses colonnes à l’avant-plan,
et de nombreux groupes de personnages sont utilisés comme autant d’accessoires
secondaires par rapport à l’action. Cette théâtralité de l’œuvre de Caron, qui marqua
jusqu’aux surréalistes, est à retenir comme une étape indispensable entre le maniérisme
et le baroque. L’arrière-plan représente Paris au XVIe siècle, la tour de Nesle et le jardin
des Tuileries.
Personnages antiques réutilisés par l’Église, les sibylles étaient des devineresses. Divers lieux
religieux abritèrent dans l’Antiquité de tels oracles, que l’on venait parfois consulter de
très loin. Afin de faire le lien entre l’Antiquité et le monde romain converti, entre
l’époque païenne et l’époque chrétienne, on insista beaucoup, surtout durant la
Renaissance, sur ces prophétesses dont certaines auraient, durant l’Antiquité, prédit
la naissance du Christ. Une des plus célèbres, la sibylle de Tibur, aurait prédit à
l’empereur Auguste la naissance du Christ qui allait bouleverser le monde. La ville de
Tibur, ou de Tivoli, était durant l’Antiquité un lieu sacré célèbre et la sibylle, qui y
transmettait les oracles des dieux était particulièrement respectée.
Philippe de CHAMPAIGNE
Le Cardinal de Richelieu
Vers
Huile sur toile, x
Armand Jean du Plessis (-), fut évêque de Luçon en et député du clergé aux États
Généraux de , responsabilités qui lui donnèrent accès aux coulisses du pouvoir.
Il s’attache à la reine Marie de Médicis, qu’il suit durant son exil en . Mais il est
bientôt rappelé en France et, nommé cardinal en , Richelieu entre au Conseil du roi
en . Ses qualités humaines et politiques en font rapidement le chef du Conseil
et le ministre le plus écouté par le jeune roi Louis XIII.
Une politique intérieure habile permet au cardinal de Richelieu de soumettre les révoltes
fréquentes de la noblesse contre la couronne et de renforcer ainsi le pouvoir
monarchique. Richelieu réforme en profondeur l’administration, la marine, l’armée
et les finances, et mène une politique de mécénat culturel et artistique d’une grande
qualité. Sa politique étrangère est particulièrement conquérante : lutte contre la maison
d’Autriche, alliance avec la Suède, guerre avec l’Espagne, conquête du Roussillon, lutte
contre les protestants et l’Angleterre. Malgré les excès de sa politique de fermeté et
de clientélisme, l’action de Richelieu a permis de renforcer l’unité du royaume de France
et de doter l’État d’une armature administrative et politique qui fera sa force tout au long
du XVIIe siècle.
L’œuvre a fait partie de la collection du duc de Penthièvre et fut saisie par les révolutionnaires
dans son hôtel de Toulouse à Paris.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 50 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Commandé par le cardinal de Richelieu pour la galerie des Objets d’art et des Hommes illustres
du palais Cardinal à Paris. Saisie révolutionnaire de la collection du duc d’Orléans
au Palais-Royal, Paris.
Voici Louis XIII couronné par la Victoire. Cette allégorie est aussi la manifestation d'une
finesse politique. Nous sommes à la fin du siège de la Rochelle. Le véritable vainqueur, est
évidemment le cardinal de Richelieu, mais il ne faut pas indisposer le souverain et
respecter les apparences, le pouvoir en place, et c'est donc Louis XIII qui se voit couronné
ici, du triomphe.
M U SÉE D U LO UVR E , PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 51 C
Philippe de CHAMPAIGNE
La Cène
Huile sur toile, x
Le cadrage en largeur de la scène, l’éclairage contrasté et théâtral et le réalisme des visages ont
fait de ce tableau dramatique, mystique et austère une des représentations les plus réussies
de la Cène dans la peinture française. Dernier repas du Christ, la Cène a été pour tous
les artistes de la Renaissance et de l’époque moderne un sujet incontournable, dans lequel
les conventions religieuses laissaient pourtant une grande marge à leur inventivité,
dans la disposition des treize personnages et du moment précis du repas choisi.
Peint pour le maître-autel de l’église de Port-Royal des Champs, ce tableau constitue une des
principales réussites de Philippe de Champaigne. Transportée en à Port-Royal
de Paris, l’œuvre y fut saisie durant la Révolution française et transférée au Muséum
central des arts de la République en , futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 52 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Ce portrait de groupe, peint pour l’Hôtel de Ville de Paris en représente Jérôme Le Féron,
président du Parlement et prévôt des marchands de à ; Germain Piètre,
procureur; Martin Lemaire, greffier; Nicolas Boucot, receveur. À droite, les échevins :
Jean de Bruges, docteur en médecine; Geoffroy Yon; Gabriel Fournier, président
en l’Élection de Paris ; Pierre Hélyot.
Philippe de CHAMPAIGNE
Cette austère image religieuse, où le réalisme violent du cadavre du Christ devient le sujet
central, étonne par ce cadrage surprenant, l’œuvre étant entièrement construite en
largeur, dans l’esprit de certaines images de dévotion de la peinture nordique. On ne peut
qu’admirer le rendu du corps qui, sans faire grâce d’aucun détail anatomique, réussit
à ne pas être une simple académie mais provoque émotion et douleur.
Peinte pour l’abbaye de Port-Royal des Champs, cette œuvre fut probablement donnée par
les héritiers de Jean-Baptiste de Champaigne à l’abbaye de Port-Royal des Champs.
Elle fut saisie à la Révolution française et entra dans les collections du Muséum central
des arts de la République, créé dans le palais du Louvre en , futur musée du Louvre.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 54 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Portrait d’homme
Huile sur toile, x
Minutieusement préparés par des études de profils et de mains, les portraits de Philippe
de Champaigne ont longtemps constitué la part la plus appréciée de son œuvre.
Après la mort du cardinal de Richelieu et de Louis XIII, la clientèle de l’artiste s’élargit
et toute la haute société vient poser devant lui. Le coloris volontairement réduit, la touche
soigneuse ne distraient pas l’attention du spectateur de la contemplation du modèle
rendu avec lucidité.
La conception du portrait se fait plus intime : des effigies à mi-corps, de trois quarts,
sont souvent placées dans un cadre d’architecture, dans la tradition des Pays-Bas,
accentuant l’effet de trompe-l’œil. Le traitement réaliste des mains en prend une plus
grande intensité.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 55 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Fait partie d’une série de quatre tableaux commandés en pour une salle basse de
l’appartement d’Anne d’Autriche au Val-de-Grâce à Paris. Le peintre cherche à imaginer
des paysages susceptibles de s’accorder aux scènes représentées dans un souci de vérité
historique et géographique. Dans ces grands paysages, d’une construction toute classique,
Champaigne trouve des accents réalistes dans le traitement de la lumière, des arbres et des
rochers qui rappellent les recherches, alors contemporaines, de Nicolas Poussin
dans ses paysages intellectualisés peints en Italie.
Ce tableau prend le prétexte de la légende des miracles de sainte Marie qui ressuscite
un mort pour mettre en scène un paysage de plaine ouverte. Comme Poussin avec
la grappe de raisin, Philippe de Champaigne lie le cycle de la nature avec des éléments
de l’histoire religieuse.
Ce grand paysage de style classique a été peint, avec son pendant Paphnuce libérant Thaïs,
par Philippe de Champaigne en pour l’appartement, au Val-de-Grâce à Paris,
d’Anne d’Autriche (-), fille de Philippe III d’Espagne, femme de Louis XIII
et mère de Louis XIV. Régente de France, elle gouvernait alors le royaume avec le cardinal
de Mazarin, son principal ministre. L’œuvre fut saisie durant la Révolution française
et affectée au Muséum central des arts de la République en , futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 56 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Le sujet est tiré des Confessions de saint Augustin et d’une lettre d’Ambroise à sa sœur où il
transcrit son sermon. Dans la basilique Saint-Félix-Nabor de Milan qui renferme
les reliques des saints Gervais et Protais, la foule des fidèles s’est réunie autour de son
évêque Ambroise, prêt à subir le martyre, lors des persécutions ordonnées par Justine,
la mère de l’empereur Valentinien. Pour apaiser les fidèles, Ambroise prononce
un sermon fondé sur le commentaire du psaume . Et Champaigne représente
le sermon. La peinture donne également à voir Ambroise, celui qui désigne les visiteurs
célestes, saint Gervais et saint Protais, et qui indique l’emplacement des reliques.
Carton de tapisserie commandé en par les marguilliers de l’église Saint-Gervais, à Paris
pour la tenture de l’Histoire de saint Gervais et saint Protais. Deux autres cartons,
par Champaigne et par le Sueur, sont au Louvre. Les trois autres cartons de cette tenture,
un peint par Philippe de Champaigne et un par Le Sueur et Goussé ont été envoyés au
musée de Lyon en , un peint par Bourdon, a été déposé par le musée du Louvre au
musée des Beaux-Arts d’Arras. Demeurée dans l’église Saint-Gervais à Paris jusqu’à la
Révolution française, cette œuvre fut saisie et entra en dans les collections du
Muséum central des arts de la République, futur musée du Louvre.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 57 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Ex-voto de
Huile sur toile, x
D’une simplicité sans décor et sans artifice, ce tableau fut peint par Philippe de Champaigne
du janvier au juin , dans la fièvre de la joie qui suivit la guérison de sa fille,
comme ex-voto d’actions de grâce. Philippe de Champaigne a choisi l’instant précis où la
révélation divine s’impose à la mère abbesse et où la lumière venant du ciel, annonciatrice
du miracle à venir, frappe la jeune fille malade, en prière. La beauté des visages,
d’un réalisme sans égal, transfigurés par la spiritualité, est une des qualités de ce tableau,
composé d’une manière simple et mystique, quoique habilement théâtrale.
Ce double portrait avait été donné par Philippe de Champaigne lui-même à Port-Royal
de Paris en . Demeuré dans ce couvent jusqu’à la Révolution française, il fut saisi
et entra en dans les collections du Muséum central des arts de la République,
futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 58 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
La Raie
Huile sur toile, , x
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Le Buffet
Huile sur toile, x
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
La Fontaine de cuivre
Vers
Huile sur bois, , x
La fontaine est un objet du ménage Chardin. Cette réserve d’eau pour la famille Chardin
est mentionnée dans l’inventaire du novembre après décès de sa femme
Marguerite Saintard, qu’il avait épousée en . La fontaine figure aussi dans deux scènes
de genre de l’artiste, une Femme tirant l’eau à une fontaine et au second plan
de la Pourvoyeuse. Ce tableau rappelle les influences flamandes de Chardin et étonne par
la perfection de sa recherche de réalisme, le choix et la disposition des objets étant
entièrement guidés par la virtuosité technique.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 61 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Les modulations neutres du fond mettent en valeur l’harmonie chaude ponctuée de quelques
taches de couleur, le rouge du ruban du carton à dessin, le bleu du tablier et de la feuille
sur laquelle le jeune homme dessine une tête de vieillard ou de satyre.
Une des œuvres les plus parfaites de Chardin sur le thème du jeune dessinateur, thème qui
n’est pas propre à Chardin mais dont la popularité semble être due aux peintres flamands
et hollandais dont certains travaillaient à Paris et qui s’en étaient fait une spécialité.
Le génie de Chardin repose dans la construction de l’œuvre parfaitement équilibrée et
dans le rendu psychologique le plus sensible et le plus fin.
Donation de Madame Edme Sommier sous réserve d’usufruit, , en souvenir de son père,
le président Casimir-Perier.
M U SÉE D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 62 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
L’Enfant au toton
Huile sur toile, x
Toute la construction de l’œuvre est centrée sur la tache blanche du toton qui tournoie sur
le plateau clair de la table. La table fait liaison avec le gilet clair du costume
par l’intermédiaire des deux mains. En clartés opposées on trouve la feuille, la plume,
le tiroir entrouvert. Pour entourer ces clartés, les bandes rouges et vertes alternées du fond
de la pièce, les reliures des livres.
Une œuvre où le temps est presque suspendu au tournoiement du toton, où le silence est
perceptible, silence de l’attente de l’arrêt sur le chiffre ou la lettre qui figure sur la tranche
du disque et qui est invisible sur le tableau. Cette œuvre, à la limite du portrait et
de la scène de genre, représente sans doute Auguste-Gabriel Godefroy (-),
le fils d’un ami joaillier de Chardin, Charles Godefroy. Elle porte l’influence des scènes
de genre nordiques : fond sombre devant lequel se détache le modèle, gestes quotidiens
saisis comme par effraction par le peintre, soin extrême apporté au traitement
des vêtements et des accessoires.
Acquis par le musée du Louvre en , cette œuvre, qui fut exposée au Salon de ,
est souvent intitulée l’Enfant au toton, prouvant que, par-delà le portrait de l’enfant
d’un de ses amis, Chardin avait souhaité représenter de manière atemporelle l’attitude
concentrée d’un enfant en train de jouer.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 63 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
La Pourvoyeuse
Huile sur toile, x
La composition reprend les structures des peintres de l’école hollandaise, Pieter de Hooch,
Metsu, avec le jeu des portes entrouvertes plongeant en alternance les pièces dans l’ombre
et la lumière, ou la manière de peindre de certains tableaux de Vermeer. Mais il va
bien au-delà en construisant une composition pyramidale parfaite et développant
une harmonie colorée faite de blancs laiteux, de bleu passé, de lumière dorée, le tout
rehaussé et organisé par le point rouge du cachet de la bouteille, des roses et des jaune-
orange. Il y a là un « faire sans pareil » bien plus ample que dans le Bénédicité.
Chardin avait commencé, à partir de , à peindre des scènes de genre, inspirées par
les scènes de genre flamandes et hollandaises et dans lesquelles il conservait le réalisme
de ses natures mortes en ajoutant une observation des mœurs sociales de son époque.
On a pensé que le décor de cette petite scène était la représentation de l’appartement
de Chardin rue du Four à Paris. On reconnaît d’ailleurs au fond de l’œuvre la fontaine
de cuivre, le sujet d’une nature morte du même nom. Chardin a joué, dans cette petite
scène de genre, sur le double sens du mot « pourvoyeuse », personne chargée de livrer
les aliments dans les foyers bourgeois, mais aussi femme vendant ses charmes.
Cette œuvre peinte en par Chardin fut acquise par le musée du Louvre en .
Chardin peignit plusieurs versions de cette œuvre célèbre, l’une étant au musée de Berlin
et l’autre à Toronto.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 64 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
La Mère laborieuse
Huile sur toile, x
Avec la femme laborieuse, Chardin construit un thème moral que l'on retrouvera maintes
et maintes fois par la suite et jusque dans nos livres scolaires : celui de la bonne famille
vivant dans le travail et l’harmonie.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 65 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Le Bénédicité
Huile sur toile, , x ,
Le jeu des regards crée un cercle, cercle formel et cercle de la tendresse qui s’intègrent dans
les autres cercles de la composition, celui de la nappe et celui des assiettes.
Le thème n’est pas nouveau : c’est celui d’une mère qui apprend à ses enfants à réciter leur
prière avant de se mettre à table. Tout ici oppose Chardin à un peintre comme Boucher.
Il met en valeur les vertus méritantes et obscures, la souriante vie du devoir, les humbles
robes propres et bien ajustées et non la coquetterie des marquises, les déjeuners sur l’herbe
et les promenades au clair de lune. Œuvre simple dans sa composition, raffinée dans
sa facture, volontairement banale par son sujet, le Bénédicité connaît dès sa création
un grand succès. La moralisation du sujet, exaltation d’une vie simple et familiale,
et l’intimité qu’il sait rendre expliquent l’enthousiasme d’un Diderot pour les scènes
de genre de Chardin.
Exposée au salon de , cette scène de genre fut achetée par Louis XV et demeura jusqu’à
la Révolution française dans les collections royales, avant d’entrer, en , au Muséum
central des arts de la République, futur musée du Louvre. Notons qu’il existe une réplique
de cette œuvre, avec d’infimes variantes, qui fit partie de la collection de Dominique
Vivant-Denon, avant d’être léguée en au musée du Louvre par le Docteur Louis
La Caze.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 66 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Portrait de Charles Théodose Godefroy (-), fils aîné du joaillier Charles Godefroy.
L’œuvre met en scène l’homme plus que l’instrument dont le rôle principal semble être
de tracer l’oblique organisant le tableau et autour de laquelle se structure un jeu savant
de courbes et de contre-courbes. Il faut noter l’extraordinaire ligne de boutons d’habit
et de manche qui crée tout le volume et le relief du sujet.
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
La composition savante, la sûreté dans le groupement des objets donnent une parfaite
impression de naturel : le fouillis d’un coin de table fixé par le pinceau. L’œuvre est fondée
sur une harmonie de bleu et de blanc que viennent rompre les reflets argent du gobelet,
des poignées du coffret, les roses passés du pot et de son couvercle. La petite note rouge
du tabac incandescent dans le fourneau noirci de la longue pipe en terre permet de mieux
organiser la vision des couleurs. Il s’agit sans doute de la plus belle des natures mortes
de Chardin, certainement de la plus séduisante.
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Le Bocal d’olives
Huile sur toile, x
Dans le Gobelet d’argent ou le Bocal d’olives, tableaux loués par Diderot qui admirait l’art
simple, quotidien et moral de Chardin, ce dernier épure encore sa composition et trouve
des effets sobres et directs pour imiter la nature. « C’est que ce vase de porcelaine est
de la porcelaine; c’est que ces olives sont réellement séparées de l’œil par l’eau dans
laquelle elles nagent; c’est qu’il n’y a qu’à prendre ces biscuits et les manger, cette bigarade
l’ouvrir et la presser, ce verre de vin et le boire, ces fruits et les peler, ce pâté et y mettre
le couteau » écrivait Diderot dans ses commentaires du Salon de .
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 69 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Le Gobelet d’argent
Vers
Huile sur toile, x
De près, tout se brouille, tout s’aplatit, tout disparaît. À mesure que la distance entre la toile
et le spectateur augmente, l’objet se crée et finit par être l’objet familier. On atteint ici
au dépouillement des œuvres tardives de Chardin où les objets n’existent que pour leurs
formes unifiées dans l’air, pour la couleur, l’ombre, la lumière et les reflets, les objets
ne sont que prétexte à peinture. Les objets sont disposés comme sur une scène de théâtre,
devenant les acteurs d’un drame étrange qu’éclaire une lumière contrastée.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 70 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
De près, tout se brouille, tout s’aplatit, tout disparaît; à mesure que la distance entre la toile
et le spectateur augmente, l’objet se crée et il finit par être l’objet familier. On atteint ici
au dépouillement des œuvres tardives où les objets n’existent que pour leurs formes
unifiées dans l’air, la couleur, l’ombre, la lumière et les reflets : les objets ne sont que
prétexte à peinture.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 71 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
La Brioche
Huile sur toile, x
Comme le Bocal d’olives, tableau admiré par Diderot, la Brioche représente la dernière
évolution de l’œuvre de Chardin, qui théâtralise davantage ses natures mortes,
dépouillant le nombre et la position des objets et construisant avec rigueur des tableaux
où la lumière joue un rôle déterminant.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 72 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Raisin et grenades
Huile sur toile, x
Ici, tout est dit de la nature morte. Et la grenade ouverte laisse voir ses pépins rouges qui jouent
le rôle de la petite note de rouge de Corot : aider l’œil à distinguer les couleurs et à mieux
voir les reflets.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 73 C
Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN
Le plus souvent, les natures mortes composent, de manière savante ou symbolique, des objets
de la nature qu’elles imitent. Ici, Chardin n’imite pas, il crée un monde à partir d’une
analyse des formes et des volumes. C’est une leçon que retiendra Cézanne.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 74 C
Portrait de l’artiste
Pastel, x
Exposé au Salon de , le tableau fit sensation, cassant l’image du « plus grand peintre
de natures mortes de son temps » et l’on fut bien obligé de reconnaître qu’il était aussi
grand dans le portrait que dans la nature morte.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 75 C
Théodore CHASSÉRIAU
Vers , un mouvement de renaissance religieuse s’incarne dans le mémorial catholique avec
Lacordaire et Lamennais. Après les journées de , autour de Lamennais, de jeunes
chrétiens fondent l’Avenir, mouvement du catholicisme libéral, qui se donne comme
programme Dieu et la liberté. La lutte s’engage contre le conservatisme bourgeois.
Le père Lacordaire, dominicain, participe de ce mouvement. Chassériau en donne ici
un portrait dans la veine du romantisme social cher à George Sand et à Victor Hugo.
Le révérend père Dominique Lacordaire (-) faisait partie de l’ordre des Frères
Prêcheurs, ayant été ordonné prêtre en . Disciple de Lamennais, il ne suivit pas son
maître dans sa rupture avec le Vatican et devint un des prêcheurs les plus célèbres
de Notre-Dame de Paris en . En , il rétablit l’ordre des Dominicains en France.
Plus tard, fondateur d’un journal démocrate-chrétien, l’Ère nouvelle, et député de
Marseille, il s’engagea politiquement, avant de se retirer définitivement du monde
politique après la Révolution de . L’homme est saisi au détour d’un cloître, lieu
de silence. Chassériau a réussi à rendre le caractère mystique et volontaire de son modèle,
dont les yeux brillent d’une grande ferveur religieuse.
Peint par Chassériau durant son voyage à Rome en , ce tableau fut exposé à son retour
en France au Salon de . Il fut acquis par le musée du Louvre en grâce à l’aide
du baron Arthur Chassériau, descendant de l’artiste, qui allait donner au musée
du Louvre, en , et , un ensemble d’œuvres provenant directement de l’atelier
de Chassériau.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 76 C
Théodore CHASSÉRIAU
La Toilette d’Esther
Huile sur toile, , x ,
Le thème biblique n’ouvre pas sur une peinture religieuse mais donne le prétexte à une
variation sur l’Orient des odalisques. Esther est une femme orientale, une de ces femmes
qu’a imaginées Ingres, dont Chassériau fut l’élève, toute en courbes et en arabesques.
En effet, la Toilette d’Esther, par sa sensualité et son amour des lignes courbes du corps
féminin, rappelle Ingres et ses odalisques. Si Esther est une Orientale, ni les deux
personnages qui entourent l’héroïne, ni le ciel à l’arrière-plan, ne le sont. Les étoffes,
les objets d’orfèvrerie, l’harmonie colorée qui rehausse l’éclat du corps d’Esther,
témoignent de l’admiration de Chassériau pour Delacroix.
Le livre d’Esther conte l’histoire d’une jeune juive qui avait été déportée à Babylone et qui
devient reine des Perses, sauvant du massacre les Juifs en captivité. Mais le thème renvoie
aussi aux contes orientaux qui traitent de la belle esclave apprivoisant le tyran.
Ce tableau, exposé au Salon de , demeura dans la famille de l’artiste, avant d’être légué
en par un de ses lointains descendants, le baron Arthur Chassériau.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 77 C
Théodore CHASSÉRIAU
Plutôt que la terrible scène du meurtre de Desdémone par Othello, le Maure de Venise,
ou la description des tourments de la jalousie ressentie par ce dernier, Chassériau a choisi
de peindre l’amour serein et profond des deux époux, avant que le traître Iago n’ait
cyniquement distillé le doute dans l’esprit d’Othello quant à la fidélité de sa femme.
Le tableau est tiré de la pièce Othello, (acte I, scène ) de William Shakespeare
créée vers .
Cette petite étude peinte en , fut léguée par le baron Arthur Chassériau, descendant de
l’artiste, au musée du Louvre en , avec une partie du fonds de l’atelier de son ancêtre.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 78 C
François CLOUET
François Clouet peint son ami et voisin Pierre Quthe (-vers ), riche apothicaire
parisien, connu pour ses travaux en botanique et pour l’étonnant « jardin des simples »
qu’il entretenait patiemment en plein Paris. L’inscription est riche d’enseignements,
précisant la date du tableau, , ce qui donne l’âge de Pierre Quthe, ans. L’œuvre
est un des rares exemples connus de signature de François Clouet.
Une draperie d’un superbe bleu-vert, placée à gauche, crée un effet de trompe-l’œil, accentuant
la profondeur du tableau et l’effet de réalisme recherché par Clouet. On trouve dans
ce portrait un subtil dosage entre la précision d’une facture lisse, le réalisme
psychologique de la tradition du portrait flamand et le travail de la lumière et du modelé
du visage provenant de l’influence, toute récente, des peintres italiens de la Renaissance.
Cette œuvre fut acquise par la société des Amis du Louvre, qui en fit don en au musée
du Louvre. L’acquisition avait été rendue possible grâce au collectionneur et donateur
Étienne Moreau-Nélaton qui, ayant repéré le tableau dans une collection étrangère,
l’avait acquis sur ses propres deniers, avant d’être remboursé par la société des Amis
du Louvre, dont il fut un membre actif.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 79 C
François CLOUET
Élisabeth d’Autriche (-), fille de Maximilien II d’Autriche, fut l’épouse du roi de France
Charles IX (-). Une inscription sur l’œuvre fixe aisément l’identité du modèle
peu souvent représenté. Dans le cabinet des portraits français du XVIe siècle,
dont le musée du Louvre conserve une collection unique, il est intéressant de retenir
ce petit portrait d’Élisabeth d’Autriche, donné en au musée du Louvre par Charles
Sauvageot. Charles Sauvageot (-), violoniste, fonctionnaire des douanes,
collectionneur et historien, fut un des modèles de Balzac pour le personnage principal
de son roman le Cousin Pons.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 80 C
Jean CLOUET
À l’époque où fut peint ce portrait de François Ier (-), roi de France, sans doute
vers , le vainqueur de Marignan avait déjà surmonté les difficultés politiques
survenues après sa défaite de Pavie et son emprisonnement par Charles Quint.
Tout en renforçant son pouvoir politique, François Ier développe un mécénat
d’une envergure jamais atteinte jusque-là en France.
L’école de Fontainebleau, dont l’esthétique fut en partie importée d’Italie par Louis XII
et François Ier, révèle ce genre dominant au XVIe siècle à la cour de France.
L’école de Fontainebleau se caractérise par un goût pour le décoratif, l’ornement,
les thèmes mythologiques, et par une sensualité affirmée dans la représentation du corps
féminin. Son début correspond avec la présence des artistes italiens le Rosso Fiorentino,
le Primatice et Niccolo dell’Abbate lors de la décoration du château de Fontainebleau
à partir de . On distingue traditionnellement deux écoles de Fontainebleau,
la première pendant le règne de François Ier et d’Henri II, tandis que la seconde
correspond au renouveau artistique du règne d’Henri IV.
Reprenant la mise en page du Portrait de Charles VII peint par Fouquet, Jean Clouet
représente François Ier de face, regardant noblement le spectateur. Il est richement vêtu
à l’italienne, ne portant pas les attributs de sa fonction – ni couronne, ni sceptre.
La tête, à peine idéalisée, représentée avec une grande précision, est peinte d’après
un dessin du musée de Chantilly, attribué à Jean Clouet. Malgré la persistance
du réalisme de l’école flamande, tout rappelle dans ce portrait l’influence des peintres
italiens de la Renaissance : l’éclairage subtil, le modelé du visage et des mains, le réalisme
des plis du vêtement, l’éclat des bijoux et, bien sûr, le cadrage, venant de Fouquet
tout autant que de Raphaël ou de Léonard de Vinci.
Ce portrait est demeuré dans les collections royales depuis sa commande passée à Jean Clouet
par François Ier. Il est entré au musée du Louvre, avec les collections royales, lors de
la création du Muséum central des arts de la République en . Traditionnellement,
on considère que François Clouet, fils de Jean Clouet, a peut-être collaboré à ce tableau.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 81 C
CORNEILLE DE LYON
Pierre Aymeric
Huile sur panneau, , x
Pierre Aymeric (né vers ), marchand à Saint-Flour, plus tard consul de Lyon en .
Au revers, inscription de la main du modèle précisant son identité, celle de l’artiste
et les date et lieu d’exécution de l’œuvre, à Lyon. Acquis par le musée du Louvre
en .
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 82 C
Camille COROT
Portrait de l’artiste
?
Huile sur papier, , x ,
Corot a la trentaine. Il a abandonné son apprentissage de marchand de drap et est entré en
dans l’atelier d’Achille-Etna Michallon puis dans celui de Jean-Victor Bertin. En ,
il s’apprête à partir en Italie. Il lui a fallu convaincre son père de financer son voyage,
indispensable étape dans la formation d’un paysagiste. Ses parents ne mirent cependant
à ce voyage qu’une seule condition : qu’il peigne son portrait. L’œuvre étonne,
pour cet artiste réputé si équilibré et débonnaire, par la sourde inquiétude qui se dégage
du visage concentré et de l’éclairage à contre-jour, un peu dramatique.
L’artiste au travail devant son chevalet est la reprise d’un motif traditionnel. Ici nous le voyons
interrompu dans son travail. Le peintre suspend son geste, échange un regard avec nous,
un regard où il s’affirme. Nous ignorons ce qu’il y a sur la toile : l’œuvre à venir, celle
qui naîtra de son voyage en Italie? Il y a une autre possibilité : nous sommes devant
un autoportrait et il faut bien qu’il y ait un miroir. Alors, l’artiste ne nous regarde pas,
il se regarde, seul sur un fond sombre comme dans les autoportraits de Poussin,
de Le Brun ou de Mignard.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 83 C
Camille COROT
La ville de Rome, un des lieux préférés des peintres de vedute au XVIIIe siècle, a inspiré
au XIXe siècle des paysagistes par ses monuments antiques et de la Renaissance. Corot
séjourna deux fois à Rome : en , date de son premier voyage de trois ans en Italie ;
et en , où il revint dans la « ville éternelle » pour quelques semaines. Le château Saint-
Ange, mausolée d’Hadrien achevé en 139, dominant le Tibre non loin du Vatican, est
un bâtiment antique remanié durant le Moyen Âge, qui fut utilisé par les papes comme
prison, caserne, citadelle en cas de troubles. Joseph Vernet ou Valenciennes s’inspirèrent
également de ce monument favorable aux recherches de volumes et de lumières.
Ce tableau fut donné en par Étienne Moreau-Nélaton (-), qui fit entrer au musée
du Louvre, en même temps que des œuvres de Delacroix et Decamps, une collection
impressionniste et un ensemble de trente-neuf tableaux de Corot. Étienne Moreau-
Nélaton avait participé entre et à la rédaction et à la publication du catalogue
raisonné de l’œuvre de Corot, commencé par Alfred Robaut (-).
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 84 C
Camille COROT
Corot se rend sur la colline du Janicule où se trouve la villa Farnèse entourée de jardins.
Nous sommes avec le peintre sur une terrasse du jardin, abrités du soleil. Devant nous,
le Colisée, qui n’est pas le sujet du tableau mais un objet dans l’espace. Corot ne
s’y attarde pas et rien ne nous incite, devant cet antique monument, à méditer
sur l’éphémère de l’instant. Mieux, si nous levons les yeux, ce ne sont pas des monuments
que nous percevons mais des façades, des toits, des volumes colorés. Quelle est l’intention
du peintre ? Si nous baissons les yeux, la réponse nous est donnée : les rayons du soleil,
les effets de lumière sur les feuillages, sur les toits, les façades. Corot nous demande
d’oublier ce que nous savons de Rome, du Colisée et de regarder.
Corot a légué le Colisée vu des jardins Farnèse, ainsi que son pendant le Forum vu des jardins
Farnèse, au musée du Louvre en . Parmi les nombreuses œuvres se trouvant dans
son atelier à sa mort, et dispersées durant la vente posthume qui fut organisée en ,
Corot avait spécialement choisi, pour le représenter au musée du Louvre, ces deux
tableaux, deux études peintes en Italie durant sa jeunesse.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 85 C
Camille COROT
Le Colisée vu des jardins Farnèse et le Forum vu des jardins Farnèse, peints durant le séjour
de Corot en Italie, révèlent ses motivations : peindre fidèlement la nature, mais conserver
le lien avec le paysage classique. Peints en plein air durant de longues séances solitaires
et ensuite retouchés en atelier, ils font partie d’une série de trois vues qui évoquent
les trois heures du jour, dans la manière des peintres nordiques ou italiens des XVIIe
et XVIIIe siècles (le troisième tableau de cette série se trouve à la Phillips Collection
de Washington). Le parfait équilibre de la construction et la luminosité qui permet un jeu
de volumes sur les architectures ont apporté à ces tableaux un grand succès.
Corot a légué le Forum vu des jardins Farnèse , ainsi que son pendant le Colisée vu des jardins
Farnèse, au musée du Louvre en . Parmi les nombreuses œuvres se trouvant dans
son atelier à sa mort, et dispersées durant la vente posthume qui fut organisée en ,
Corot avait spécialement choisi pour le représenter au Louvre ces deux tableaux, deux
études peintes en Italie durant sa jeunesse.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR AN Ç AI SE — Œ U V R E S 86 C
Camille COROT
Le Pont de Narni
Huile sur papier, x
Nous voyons ici l’esquisse peinte à l’huile, qui n’était pas destinée à être exposée mais
à conserver cette « première impression » à laquelle, disait Corot, il faut être fidèle.
Cette étude de plein air, peinte durant son premier voyage en Italie en , fut utilisée
par Corot pour peindre un grand paysage, exposé à Paris au Salon de et maintenant
conservé au musée des Beaux-Arts d’Ottawa. Narni est un important bourg situé dans
la campagne romaine au Nord de la capitale de l’Italie. « Les sites, la vue d’une contrée,
demandent, pour plaire, des couleurs et une exécution parfaite ». Voici un des préceptes
auxquels se plia Corot en s’affrontant à un site que les peintres Valenciennes et Michallon
avaient déjà fait connaître.
Revenu à l’atelier, Corot exécute l’œuvre qu’il destine au public. Alors les enseignements
d’école se mêlent aux impressions de la vision première. La pente abrupte « devant »
le paysage se change en une belle terrasse, où, comme le veut la tradition, des bergers
gardent leurs troupeaux non loin de deux pins parasols, qui nous confirment que
nous sommes dans la campagne romaine.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 87 C
Camille COROT
La Cathédrale de Chartres
, retouché en
Huile sur toile, x ,
La mise en page du tableau frappe d’emblée. Le « terrain vague » avec ses trois arbres, les pavés,
les maisons contrastent avec l’énormité du vaisseau et des tours. Si l’on cache les tours,
le monument s’insère dans l’ensemble, sinon tout devient comme hors de proportions.
C’est ce que Corot lui-même critique en , et ce à quoi il tente de remédier
en ajoutant l’enfant assis sur un bloc de pierre au premier plan.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 88 C
Camille COROT
Corot est un peintre voyageur. Il parcourt la France pour faire des études sur le motif qui seront
la base de ses réalisations en atelier. Un jour, bientôt, les peintres ne retourneront plus
à l’atelier, ils peindront sur le motif. Corot a aimé durant toute sa carrière travailler sur
la cöte normande, à Honfleur ou Dieppe, ville dans lesquelle il peint dès .
La luminosité de la mer et du ciel a particulièrement retenu son attention, cinquante
années avant l’impressionnisme.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 89 C
Camille COROT
Volterra, la citadelle
Juin-juillet
Huile sur toile, , x
Le paysage est traité avec une remarquable économie de moyens : des ocres, du bleu, du vert,
des pierres, du ciel, des arbres : tout est agencement des lignes, des volumes, juxtaposition
de contrastes forts dans un éclairage sans concession. C’est le rôle de ce curieux
chemin qui fait passer les rochers du chaos à la géométrie. Enfin la forme de la terrasse
rocheuse du premier plan, la même forme que la ville, cette cité qui s’enfante dans
un triangle. Tout le propos de Corot est de nous faire rester au pied de la falaise, de nous
faire sentir l’appel de la cité. C’est-à-dire de donner une idée d’ascension, de chemin
et de profondeur.
Ce paysage, peint en Italie en durant le deuxième voyage de Corot, fut donné,
ainsi que son pendant, représentant cette ancienne cité étrusque vue de l’autre côté,
au musée du Louvre en , par Étienne Moreau-Nélaton (-), en même temps
que des œuvres de Delacroix et Decamps, ainsi qu’une collection impressionniste,
un ensemble de trente-neuf tableaux de Corot. Étienne Moreau-Nélaton avait participé
entre et à la rédaction et à la publication du catalogue raisonné de l’œuvre
de Corot, commencé par Alfred Robaut (-).
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 90 C
Camille COROT
Camille COROT
Le Vallon
Vers
Huile sur panneau, x ,
Corot est un inlassable voyageur, presque un arpenteur des régions françaises : il parcourt
l’Auvergne, le Limousin, la région du Nord et la Provence. Négligeant les beautés
réputées de ces contrées, négligeant le pittoresque dramatique ou la vue topographique,
Corot est un des premiers peintres à travailler en Bretagne et en Normandie, esquissant
des marines et peignant des landes. Dans ce renoncement aux effets, dans ce sentiment
du paysage qui se transforme en science du paysage, dans ce naturalisme « naïf », on pense
aux paysages de Constable dont les œuvres exposées à Paris en ont influencé
Delacroix, Géricault et Corot.
Ici, il y a – et c’est l’art de Corot – comme la peinture d’un « rien ». Et ce rien, c’est un vallon
traité par une sorte d’absence de définition du lieu, un paysage familier, calme et
tranquille, une petite parcelle de nature sous l’action de la lumière et de l’ombre.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 92 C
Camille COROT
Liseuse couronnée de fleurs ou La Muse de Virgile, cette œuvre à double titre met en scène
une jeune fille absorbée dans sa lecture. Le cadre est bucolique, et le front de la liseuse
aux pieds nus est orné d’un bandeau fleuri, comme une muse. Légèrement en retrait
d’un petit amas de fleurs, dans une attitude concentrée; comme isolée du monde
et plongée dans le livre, la liseuse vit en fait dans un autre paysage : celui du texte.
La composition prend le parti de la mise en scène théâtrale : le paysage est traité comme
un décor. Deux perspectives, celle d’un modèle au premier plan et celle du paysage,
sont en léger décalage.
Camille COROT
La Femme à la perle
Huile sur toile, x
Le titre, inexpliqué, fait surgir dans la mémoire le portrait d’une autre jeune femme, celle
de Jan Vermeer. Même énigme sur le modèle, même regard, même interrogation
sur le costume. Chez Vermeer, le turban bleu et jaune aurait fait partie des « costumes
turcs » de la Jeune Fille au turban. Chez Corot, le costume est inspiré des costumes
des paysannes italiennes ou grecques. La perle bien sûr. Elle est reconnaissable dans
la toile de Vermeer. Ici, elle désigne peut-être l’ornement sombre sur le front de la jeune
femme, élément d’un voile transparent qui couvre le haut du front.
Un léger voile sur le front, la jeune femme assise, les bras croisés, les mains abandonnées…
Une image surgit : celle de la Joconde de Léonard de Vinci. À ceci près que la Joconde
est représentée devant un paysage. La coiffure des cheveux, l’ovale du visage, le costume,
la gamme des couleurs nous entraînent vers Raphaël. Quel a été le propos de Corot ?
Il est bien difficile de le dire. On peut ne pas rester insensible au fait que jusqu’au début
du XIXe siècle, la Joconde n’attira guère l’attention, mais qu’à partir de ,
dans la mouvance romantique, naît l’intérêt qui est à l’origine du mythe actuel.
La reproduction en série se développait, il fallut graver l’œuvre et ce fut en , la célèbre
gravure de Calamatta.
Camille COROT
Souvenir de Mortefontaine
Huile sur toile, x
Dans son atelier, le peintre se souvient des étangs de Mortefontaine, situés près d’Ermenonville,
où il vient et revient à partir de étudier les reflets sur la surface de l’eau et les effets
de lumière. Mais attention il s’agit ici d’une construction particulière du souvenir, à partir
de toutes les images du lieu. Corot en peint une qui les contient toutes. Après ,
l’art de Corot devient lyrique et sa technique volontairement plus elliptique. Souvenir
de Mortefontaine est un chef-d’œuvre de cette période de maturité par son ambiance
brumeuse et poétique.
La construction est simple et rigoureuse, c’est celle, élaborée par les maîtres du XVIIe siècle, que
lui ont enseignée ses professeurs : au premier plan, sur la berge, un arbre forme écran,
derrière l’arbre, le plan d’eau conduit le regard jusqu’à l’infini où les lointains bleutés
rejoignent le ciel. L’enchantement mélancolique qui naît peu à peu repose sur une gamme
de couleurs réduite où les bleus pâle du ciel et de l’eau s’harmonisent aux marrons et
aux verts de la végétation. Les effets de lumière du matin ont disparu. L’équilibre de
la composition est fondé sur la dissymétrie entre la partie droite, dépouillée, et la partie
gauche, animée par trois jeunes filles qui ont remplacé les habituelles divinités païennes.
Souvenir de Mortefontaine est un des premiers tableaux acquis par l’État directement à Corot
en . L’œuvre fut achetée sur la liste civile de Napoléon III et, après être demeurée
quelque temps à Fontainebleau, elle entra au musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 95 C
Camille COROT
L’Atelier de Corot
Vers
Huile sur toile, x
Camille COROT
Le Pont de Mantes
Vers
Huile sur toile, , x ,
Un pont et deux maisons construits sur des droites et des courbes. Une rivière, un fluide
qui reflète et crée le mouvement. Corot se place sur la berge, un endroit planté d’arbres.
Les arbres sont une frise connectée à la rythmique des arches du pont. Une frise d’arbres,
bien plantés comme les arches du pont, sinueux comme la rivière. Dans la frise, il y a
un « accident », le moignon de tronc et son symétrique dans la rivière, la barque.
La barque rappelle l’horizontale du pont, le pêcheur la verticale des arbres, des arches,
des murs, des cheminées. Le pêcheur porte un chapeau rouge. À partir de ce point rouge,
de cette fameuse touche de rouge, toutes les couleurs vont sortir du « brouillard »,
les couleurs vont vibrer. Corot parvient à peindre ce qu’il voit, à transmettre l’impression.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 97 C
Camille COROT
Il s’agit vraisemblablement d’un tableau peint en atelier vers , d’après une étude
peinte en plein air et qui fut exposé au Salon de . Corot alterne les campagnes
d’études de paysages menées sur le motif à travers toute la France, mais surtout dans
quelques régions favorites à l’Ouest de Paris, son cher Ville-d’Avray, le Morvan ou
la Picardie, avec la réalisation de grandes compositions aux titres évocateurs, qu’il expose
régulièrement au Salon.
Camille COROT
La théâtralité de la scène est évidente, rappelant la passion de Corot pour la musique et pour
l’opéra. Le paysage de marine, au fond de l’œuvre, avec ce bateau qui quitte la rive
rappelle un extrait de l’opéra d’Auber. Haydée, jeune fille abandonnée qui semble écouter
une lointaine musique nostalgique, a sans doute été inspirée d’un des modèles préférés
de Corot, Emma Dobigny. Il s’agit peut-être de la représentation imaginaire de l’héroïne
d’un opéra d’Auber, Haydée ou le secret, exaltant la fidélité amoureuse et la passion
d’une jeune fille romantique. Haydée est aussi l’héroïne du poème Don Juan de Byron
et l’une des femmes aimées par le comte de Monte-Cristo chez Alexandre Dumas.
Corot représente l’archétype d’une héroïne romantique.
Donné par la baronne Eva Gebhard-Gourgaud en , ce tableau est un des derniers de Corot
entré au musée du Louvre, qui possède la plus importante collection de Corot au monde.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 99 C
Camille COROT
Velléda
Vers
Huile sur panneau, x ,
Camille COROT
La Dame en bleu
Huile sur toile, x ,
Un atelier et une femme. Ce n’est pas un motif nouveau chez Corot. À plusieurs reprises
des jeunes femmes sont venues s’asseoir dans l’atelier, une mandoline à la main, devant
la toile de l’artiste. S’agit-il d’un portrait? S’agit-il de montrer ce qui va donner lieu
au travail de l’artiste, au tableau que l’artiste est en train de peindre, comme si nous
arrivions dans l’atelier? Corot serait alors à gauche et nous en face. Vermeer clarifiait
les choses et Vélasquez aussi. L’étoffe bleue de la robe avec le point rouge de l’éventail.
La lumineuse carnation du bras. La tonalité du fond. Ce n’est ni l’énigme du sens de
l’œuvre, ni l’identité de la belle inconnue qui émeuvent. Les mots viennent après le choc
visuel qui produit une « impression ». Corot employait ce mot : une impression picturale.
Corot pratique l’art du portrait dans les années , laissant quelques œuvres charmantes,
comme Alexina Legoux ou Claire Sennegon, mais plus tard il dépersonnalise
progressivement ses représentations de la figure humaine. Il peint ainsi de véritables
morceaux de peinture pure. La Dame en bleu est une des dernières œuvres de Corot.
Elle date de . Nous sommes dans l’atelier. Sur les murs, un paysage de France et
une vue d’Italie. Appuyant son coude sur les coussins, une femme, un éventail à la main,
vêtue d’une robe bleue, le regard perdu, tourne la tête en direction de quelque chose
que nous ne voyons pas.
Cette œuvre, passée dans les plus prestigieuses collections parisiennes, fut acquise par le musée
du Louvre en , grâce aux arrérages du legs de Maurice Audéoud et à la participation
des enfants d’Henri Rouart, dernier propriétaire du tableau.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 101 C
Jean COUSIN
Cette représentation imaginaire et sensuelle d’Ève, la première femme, se veut une vision idéale
de la femme, posant devant un double paysage : sauvage et rappelant les errements
du paradis terrestre à droite, organisé et dominé par l’homme à gauche. L’inspiration
italienne de Jean Cousin est ici évidente : perspective rigoureuse dans la construction ;
mise en place savante de l’espace pictural; modelé du corps construit à partir d’un
éclairage subtil venant de la gauche; sensualité du corps de la jeune femme et raffinement
dans le traitement des bijoux et des accessoires. L’utilisation symbolique de l’architecture,
ou du crâne, évoquent le caractère éphémère de la vie et de la beauté terrestre rappelant
les symboles raffinés de Mantegna.
Nous connaissons peu de choses quant aux circonstances de la réalisation de cette œuvre
et à son histoire. Demeurée dans une famille de Sens, originaire du même village
que Jean Cousin, elle fut acquise par la société des Amis du Louvre et donnée au musée
du Louvre en .
MU SÉ E D U LO UVRE , PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 102 C
Antoine COYPEL
Démocrite
Huile sur toile, x
Antoine Coypel, travaillant beaucoup à Versailles et célèbre pour ses superbes décorations
du château, est un défenseur du coloris, partisan des « rubénistes », qui viennent
de remporter la célèbre « querelle du coloris ». Son œuvre vivante, expressive, colorée
et construite sur des courbes et des volutes prépare clairement le style rococo
et la peinture de cour sous Louis XV.
Peint pour le duc d’Orléans (-), futur régent de France après la mort de Louis XIV
et grand amateur d’art, ce tableau est exposé au Salon de par Antoine Coypel, fils de
Noël Coypel, qui est alors un des grands peintres officiels de la cour de Louis XIV.
Le tableau fait partie de la donation du Docteur Louis La Caze, .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 103 C
Antoine COYPEL
Éliézer et Rébecca
Huile sur toile, x
Le sens profond et la grandeur de la scène biblique font ici place à une mise en scène, dans
un paysage pastoral, d’une rencontre entre un groupe de jeunes filles rieuses
et chuchotantes et un vieil homme qui a tous les traits d’un maure de théâtre
« orientaliste ». Au centre, Rébecca fait la jonction entre les deux mondes : elle est vêtue
d’une robe-tunique certes, mais sur des pantalons « orientaux ».
Commandé en pour le Cabinet du billard au château de Versailles, avec son pendant,
Moïse sauvé des eaux de Charles de La Fosse, également au musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 104 D
Charles-François DAUBIGNY
Baudelaire n’accepta pas ce genre de tableau où « la copie de la nature est l’ennemi de l’art »
disait-il. Il y manquait pour lui l’imagination créatrice. Il n’arrivait pas à suivre ceux qui
avaient dépassé leur désappointement pour chercher dans ces toiles ce qui était la manière
de l’artiste, véritable discours de l’œuvre.
« Faire servir le trivial à l’expression du sublime » disait Millet. Et c’est ce que fait Daubigny.
Le trivial, c’est le site qui n’a rien de pittoresque, c’est-à-dire digne d’être peint.
Daubigny maintient tous les principes de composition du paysage, les arbres, le ciel,
l’eau, les reflets, la terrasse du « devant » du tableau et ses objets bien détaillés.
Ici la composition ne détruit pas l’espace pictural, tout est équilibré. La Vanne d’Optevoz,
peinte en atelier d’après une étude en plein air, est une des œuvres les plus achevées
de Daubigny par l’habileté avec laquelle le peintre rend la matière, rugosité des arbres,
transparence de l’eau, inégalité du chemin ou de la pierre de l’écluse, la luminosité
d’un ciel très clair.
La Vanne d’Optevoz , réplique peinte en d’après un tableau exposé lors de l’Exposition
universelle de (Rouen, musée des Beaux-Arts), fut léguée en par Georges
Thomy Thiéry, un des plus importants collectionneurs des peintres de l’école
de Barbizon.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 105 D
Charles-François DAUBIGNY
Les Péniches
Huile sur toile, x
Daubigny travaillait régulièrement sur les bords de l’Oise, au Nord de Paris. Il s’était installé
un atelier à bord d’un bateau, qu’il appelait « Le Botin », et pouvait ainsi travailler
aisément sur les bords des rivières qui entourent Paris.
Ce tableau fut légué en au musée du Louvre par le financier Georges Thomy Thiéry
(-).
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 106 D
Jacques-Louis DAVID
Le tableau de David, lors de sa présentation au Salon de , fait sensation : « Tous les jours
je le vois et crois toujours le voir pour la première fois » s’écrie Diderot. La nouveauté
ne réside pas entièrement dans le sujet, thème héroïque et exemplaire d’une austère
morale stoïcienne. Elle ne réside pas non plus dans l’émotion créée par la correspondance
que l’on établit entre le général romain, injustement condamné, et la décapitation
en du héros de Fontenoy, Lally-Tollendal, injustement accusé de trahison après
ses défaites aux Indes. La nouveauté est tout entière dans la nouvelle façon de peindre
qui se révèle ici.
Toute la composition est centrée sur l’essentiel. Le groupe central des quatre personnages
est dessiné et modelé « à l’antique ». L’ensemble de la composition entoure le groupe
comme « un écrin accordé ». La monumentalité des colonnes et du dallage délimitant
l’espace central et le rythme, le paysage « héroïque » à la manière des Carrache et
de Poussin, situent la scène – convenance archéologique – et donnent le ton : grandeur
et austérité. L’austérité spartiate du coloris déconcerta et fut jugée par certains trop
sombre : David allait trop loin dans sa réaction anti-rococo. David a réussi par
sa composition à élever une anecdote historique au niveau d’un thème dont la
signification transcende le temps et l’histoire.
Le sujet est tiré d’une légende inventée par l’écrivain byzantin Jean Tzetzès au XIIe siècle.
Bélisaire, général de l’empereur Justinien, qui remporta des victoires sur tous les champs
de bataille, fut accusé de conspiration et disgracié. Bélisaire aurait même, selon
une tradition douteuse, eu les yeux crevés et été réduit à la mendicité. Le thème était à
la mode depuis la publication, en , du Bélisaire de Marmontel et plusieurs tableaux
d’importance ont été peints sur ce sujet avant celui de David.
Les personnages n’ont rien de froides statues. Leur expression est juste : étonnement du soldat
qui reconnaît son général dans le mendiant, douleur et attention de l’aveugle Bélisaire,
pitié de la femme.
Ce tableau est une réplique réduite, exécutée en partie par Fabre et Girodet, du tableau exposé
au Salon de , actuellement au musée des Beaux-Arts de Lille. Saisie révolutionnaire
de la collection de la duchesse de Noailles.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 107 D
Jacques-Louis DAVID
Le Serment des Horaces, l’œuvre, acclamée tant à Rome où elle fut réalisée qu’à Paris où elle fut
exposée, devient le manifeste de la nouvelle école de peinture. Pourquoi? L’intention
de David est de restaurer la peinture. Les sujets galants et aimables qui ont envahi
la peinture d’histoire sont pour lui une perversion de sa mission qui est d’instruire autant
que de plaire. Pour remettre la peinture d’histoire dans la juste voie, il faut se remettre,
comme les peintres du XVIIe siècle, à l’école de l’Antiquité. Pourquoi ce retour
à l’Antiquité? Si la peinture de genre se donne les attributs de la peinture d’histoire,
c’est toute la peinture qui est détruite et c’est elle que David tente de sauver, ce qu’il
ne réussira pas à faire. Le néoclassicisme des Horaces n’aboutira qu’à l’académisme.
La construction, qui enthousiasma les contemporains, est fondée sur la ligne droite et non plus
sur la courbe comme chez Boucher. Au groupe raidi des soldats à gauche, répondent,
à droite, les postures alanguies des jeunes femmes. David a retenu, lors de son séjour
à Rome, la force dramatique des éclairages du Caravage et il utilise une lumière violente,
contrastée, qui théâtralise encore la scène. La disposition en frise des personnages
accentue cet « effet de scène » qui allait marquer profondément l’esthétique de la peinture
d’histoire. Chaque détail de l’ameublement a été étudié par David dans des manuels
d’archéologie. Le dallage et la verticalité des colonnes stabilisent avec force l’ensemble
de la composition.
Les Horaces étaient trois frères romains qui, d’après la légende romaine, furent choisis pour
combattre les trois Curiaces, trois frères champions de la ville d’Albe, afin de déterminer
laquelle des deux villes, de Rome ou d’Albe, aurait l’hégémonie. Les Romains furent
vainqueurs de ce duel grâce à une ruse du dernier survivant des Horaces qui, demeuré
seul face aux trois Curiaces, fit semblant de fuir et parvint ainsi à les tuer les uns après
les autres. David a choisi de montrer l’instant du serment à la Patrie, où les trois frères
jurent de donner leur vie pour Rome.
Le sujet en est l’exaltation de la vertu, du don de soi et de l’engagement pour la Patrie, idéaux
alors défendus par les encyclopédistes et qui allaient devenir une des vertus principales
prônées par les révolutionnaires.
Le Serment des Horaces, commande royale confiée à David en par le comte d’Angiviller,
est le premier chef-d’œuvre de l’art néoclassique et un des plus importants tableaux
de son auteur.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 108 D
Jacques-Louis DAVID
Les œuvres inspirées par la mythologie gréco-latine viennent heurter ici l’idée que nous avons
de la pensée picturale de David, pourfendeur du style rocaille. Comme il revient à cette
source d’inspiration après , il est tentant d’y voir la production d’un artiste vieillissant
et décadent. Cette œuvre témoigne du contraire, puisqu’elle est contemporaine du
Portrait de Lavoisier et de sa femme et que les attitudes des deux couples présentent
de grandes similitudes.
David qui souhaite s’en tenir à la représentation du sentiment amoureux, semble avoir de
la peine à éviter le côté érotique de la scène.
Fils du roi troyen Priam, Pâris est un des héros du cycle littéraire et mythologique antique de
la Guerre de Troie. Ayant été choisi par trois déesses, Héra, Aphrodite et Athéna,
pour être l’arbitre de leur beauté, il choisit Aphrodite, qui lui avait promis qu’il serait
aimé de la plus belle femme du monde, Hélène. Hélène, fille de Léda et sœur de Castor
et Pollux, avait épousé le roi de Sparte, Ménélas, frère du roi Agamemnon.
L’accomplissement de la promesse faite par Aphrodite à Pâris, avec l’enlèvement
d’Hélène, fut à l’origine de la Guerre de Troie.
Commandé par le comte d’Artois, avec un pendant peint par Vincent, pour son château
de Bagatelle, les Amours de Pâris et d’Hélène fut exposé par David au Salon de ,
la même année que les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils. Le tableau
fut donné en au musée du Louvre par le comte d’Artois, qui allait bientôt devenir
Charles X.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 109 D
Jacques-Louis DAVID
En mettant en regard la date du tableau, , et son sujet il est tentant de voir un écho
des évènements politiques du temps et de faire du David de cette époque un peintre
engagé dans le combat politique. Il n’en n’est rien. Le propos de cette œuvre, commandée
par la Couronne, est de représenter, une lettre de David le confirme, « la tragédie et
la grandeur de l’homme le plus malheureux qui ait jamais existé ». Le seul impact
des évènements de : David avait présenté les têtes séparées des corps. Il enleva
ce détail. Brutus acquit une place de choix dans l’imagerie révolutionnaire, et c’est
au peintre patriote que les membres du club des Jacobins commanderont le premier acte
de désobéissance au roi, le Serment du Jeu de Paume.
David joue dans cette œuvre avec une savante dissymétrie des groupes de personnages
pour engendrer un mouvement dramatique. Une rangée de colonnes coupe l’œuvre
en deux, à gauche les licteurs qui entrent dans la maison de Brutus, à droite la femme
de Brutus et ses deux filles qui pleurent le retour des corps. Le groupe de la femme de
Brutus et de ses enfants, violemment éclairé, contraste avec la calme résignation
de Brutus dans l’ombre.
Personnage légendaire de l’histoire de Rome, Lucius Junius Brutus a chassé le roi Tarquin
le Superbe et devient un des deux premiers consuls de la République romaine. Ses deux
fils ayant participé à un complot contre la République, Brutus n’hésita pas à les laisser
condamner, puis exécuter. David a choisi le moment dramatique où les licteurs romains
rapportent à Brutus les corps de ses deux fils morts pour qu’on leur donne une sépulture.
Les Licteurs rapportant à Brutus les corps de ses fils, exposé au Salon de , l’année même
du début de la Révolution française, est le parfait exemple des sujets patriotiques
de David, exaltant les vertus d’un héros antique, capable de sacrifier sa famille à
la grandeur de la Nation. L’œuvre avait été peinte pour le roi Louis XVI et fut exposée
de nouveau au Salon de .
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 110 D
Jacques-Louis DAVID
La Marquise d’Orvilliers
Huile sur toile, x
La marquise d’Orvilliers, née Jeanne-Robertine Rillet (-) est saisie sans la pose
conventionnelle des portraits : elle ne nous regarde pas, elle n’est pas interrompue dans
son geste.
Jacques-Louis DAVID
Nous sentons bien qu’il y a dans le simple charme de cette jeune femme, la volonté de saisir
le modèle dans l’intimité, au « naturel » et pourtant, même sans décor, nous sentons
la pose avec ce visage tourné vers le spectateur. Le naturel, c’est ici la tristesse du regard
dans ce portrait inachevé. Comme si ce portrait commandé par Madame Trudaine
à David en , voulait être un ultime témoignage avant la tragédie : toute la famille
sera guillotinée.
Après avoir un moment considéré que le modèle de ce portrait pouvait être Madame Chalgrin,
fille du peintre Joseph Vernet, on admet que ce tableau représente Marie-Louise-Josèphe
Micault de Courbeton, (-), qui avait épousé en Charles-Louis Trudaine
(-), et dont toute la famille finit sur l’échafaud. Peut-être une des raisons
qui explique que David laissa inachevée cette œuvre, sans doute commencée vers .
La posture du modèle, la finesse du traitement du visage et ce fond rouge éclatant peint avec
la technique du « frottis », auquel on donne parfois le nom de « davidien » font de
ce portrait un des chefs-d’œuvre de David.
Cette œuvre, demeurée dans l’atelier de David à sa mort, fut léguée en par Horace Paul
Delaroche (-), petit-fils du peintre Paul Delaroche et de Louise Vernet,
fille d’Horace Vernet.
M U SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 112 D
Jacques-Louis DAVID
Marat assassiné
Huile sur toile, , x
Le cadavre nu, la plaie au côté, le sang qui coule, le drap, renvoient au Christ mort.
La peinture devient l’équivalent d’une image de dévotion et Marat un crucifié laïc.
Mais le corps nu, la baignoire, la mort provoquée, l’écriture renvoient aux philosophes
antiques : Sénèque, Socrate. Dieu ici est bien mort : le fond est sombre et vide,
les cieux n’existent pas, le néant vaste et noir est l’avenir post-mortem. C’est ce
qu’indique, au sein de la composition sévère basée sur les verticales et les horizontales,
le bras qui tombe jusqu’à terre, la main qui touche le sol, la plume qui désigne la terre
sans évasion possible puisque toute échappée vers le haut de la composition se heurte
à la grande horizontale claire.
Marat assassiné n’a de postérité que dans la mémoire de la Nation : il est un martyr, un héros,
il a donné sa vie à la cause publique, pourchassant les traîtres comme Brutus, offrant
sa vie comme les Horaces, vivant dans le dénuement comme les premiers républicains
romains. Le message moral est le même : vertu civique, patriotisme, mais le héros
est mort.
Réplique du tableau donné par David à la Convention le novembre (Bruxelles, musées
royaux des Beaux-Arts).
Jacques-Louis DAVID
Autoportrait
Huile sur toile, x
Cet autoportrait, d’une vigueur peu commune et dans lequel David s’est représenté le regard
lourd d’une angoisse étrange, a été peint en , au moment de son emprisonnement
et des difficultés rencontrées suite à l’engagement politique du peintre aux côtés
de Robespierre. De sa prison du palais du Luxembourg David écrit : « Je jouissais dans
la maison de Fermes de la faculté de communiquer avec ma mère, mes enfants, et le petit
nombre d’amis que l’adversité ne m’a pas ôtés, dont la plus part sont mes élèves; tout
à coup j’ai été transféré ici où je ne peux voir personne… Je suis dans un abandon total…
Je gémis seul. »
David fit cadeau de cet autoportrait à un de ses élèves favoris, Jean-Baptiste Isabey (-).
Il fut donné au musée du Louvre en par le fils de ce dernier, le peintre Eugène Isabey
(-).
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 114 D
Jacques-Louis DAVID
Depuis une quinzaine d’années en effet, ce seul paysage connu de David apparaît de plus
en plus contesté et l’on recherche d’autres attributions, comme celles de Valenciennes
ou de Gauffier. Ce tableau a été donné au musée du Louvre en par deux marchands
d’art, Josse Bernheim (-) et Gaston Bernheim (-).
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 115 D
Jacques-Louis DAVID
Émilie Sériziat, née Pécoul, est la belle-sœur de l’artiste. David se réfugie chez elle et son mari
après sa libération de prison. Elle est peinte ici avec un de ses fils, Émile, né en .
David reprend à son compte la tradition du diptyque des époux et réalise deux portraits
en pendant, Monsieur et Madame Sériziat.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 116 D
Jacques-Louis DAVID
Pierre Sériziat
Huile sur toile, x ,
La fraîcheur de cette œuvre découle du contraste entre l’emploi raffiné des tons clairs et
le dessin néoclassique.
Pierre Sériziat (-) est le beau-frère de l’artiste et David se réfugie chez lui après
sa libération de prison. C’est là qu’il réalise le portrait du mari et de sa femme,
Émilie Sériziat, née Pécoul.
M U SÉE D U LO UVR E , PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 117 D
Jacques-Louis DAVID
Les Sabines
Huile sur toile, x
David dessine la première pensée des Sabines, alors qu’il est en captivité au Palais
du Luxembourg, en septembre . Élu député à la Convention en septembre ,
ayant voté la mort du roi, David est un proche de Robespierre. Le sujet, réconciliation
entre les Romains et les Sabins, est comme un plaidoyer pour la paix civile et la
réconciliation nationale ; il reflète l’air du temps, la répulsion pour la Terreur
et les massacres sanglants.
David a résumé toute l’action à travers le groupe principal situé à l’avant plan du tableau.
Deux guerriers, un Romain à droite et un Sabin à gauche, symbolisent les deux armées
tandis que les femmes tentent de réconcilier les combattants : l’une veut les séparer,
l’autre tente de les émouvoir par son vieil âge, une troisième se jette aux genoux du Sabin,
tandis que la quatrième montre les enfants allongés sur le sol. Contrairement à Poussin
où tout s’ordonne autour d’un point de fuite central, David conserve, même au sein
de la mêlée, le parti pris de la frise : il n’y a pas de profondeur mais l’illusion du relief.
Cet épisode légendaire de l’histoire romaine est la suite de l’enlèvement des Sabines. Après
la fondation de Rome, les Romains, à la recherche d’épouses, enlèvent des femmes,
d’une des villes voisines, les Sabines. David représente l’instant, trois ans après
l’enlèvement des Sabines, où les Sabins, tentent de récupérer leurs filles. Les femmes
s’interposent pour arrêter le combat. L’action se situe en extérieur. En fait le paysage est
à peine visible. Le sol est entièrement masqué par les personnages et le ciel n’occupe
que la moitié supérieure droite du tableau. Par contre, la forteresse, une vue imaginaire
de Rome, à l’arrière-plan, est particulièrement importante et domine l’action.
Cette œuvre fut exposée par David jusqu’en au musée du Louvre, avant d’être transportée
en dans son atelier de l’église de Cluny, dont le peintre Gros assurait la surveillance.
L’œuvre fut achetée par l’État, en même temps que Léonidas aux Thermopyles en
pour la somme de francs les deux. Le tableau fut alors exposé au musée
du Luxembourg avant d’entrer au musée du Louvre, à la mort de David en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 118 D
Jacques-Louis DAVID
Madame Récamier
Huile sur toile, x
Ce tableau avait été peint par David en , mais n’étant pas satisfait, il décida de le conserver
et de le retoucher. Madame Récamier ayant souhaité demander son portrait à un autre
peintre, David, vexé, le conserva dans son atelier, sans le livrer. L’œuvre fut ensuite
conservée dans son atelier jusqu’en , veillée par Gros après l’exil de David
en Belgique. Cédée lors de la vente, après décès de l’artiste, à un descendant du modèle,
l’œuvre fut finalement achetée en par le comte de Forbin pour le musée du Louvre.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 119 D
Jacques-Louis DAVID
Pie VII
Huile sur toile, , x ,
Ce portrait de Pie VII (-), pape élu en , a été commandé par Napoléon Ier
à David à l’occasion du sacre de Napoléon Ier en .
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 120 D
Jacques-Louis DAVID
Ayant réussi à prendre tous les pouvoirs, après ses succès militaires et sa place privilégiée
de premier consul, Napoléon Bonaparte songea à consacrer définitivement son œuvre
en instaurant l’Empire dès . En avril , à sa demande, le Conseil d’État suggéra
officiellement de lui donner le titre d’empereur. Après de nombreuses négociations
avec les républicains, hostiles à l’idée d’empire et avec le pape lui-même qui ne voulait
pas sacrer un homme qui avait renforcé le pouvoir gallican du Concordat sur les prêtres,
Napoléon fut couronné empereur le décembre à Notre-Dame de Paris, qui avait
été entièrement décorée pour l’occasion. Durant la cérémonie, David dessina d’après
nature l’emplacement des personnages, avant de faire poser en atelier, par la suite, tous
les protagonistes de la scène.
La scène représente l’instant où Napoléon Ier, qui s’est couronné lui-même, s’empare de
la couronne qu’il va déposer sur la tête de son épouse Joséphine. L’immensité de cette
œuvre ne doit pas faire oublier la précision du détail, la perfection de la construction,
l’intelligence de la plupart des portraits et un sens aigu de la lumière. Préparée avec soin,
précédée de nombreuses esquisses, la toile a fait l’objet d’une surveillance attentive
de Napoléon, qui y voit un monument élevé à la gloire de son règne. Il y a plus de deux
cents figures dans le tableau et les cent personnages principaux furent peints avec un sens
précis du réalisme par David.
Tous les membres importants de la cour impériale sont représentés, y compris des personnages
qui n’étaient pas présents le jour du Sacre, comme la mère de Napoléon Ier, Laetitia
Ramolino. Hormis Napoléon Ier, Joséphine, et le pape Pie VII, on peut reconnaître
Cambacérès, le maréchal Berthier, Talleyrand, Eugène de Beauharnais, Bernadotte,
Murat, Caroline Murat, Pauline Borghèse, Hortense de Beauharnais, Junot, Louis
Bonaparte, Joseph Bonaparte, le maréchal Lefebvre, le comte de Forbin, le maréchal
Duroc, Laetitia Ramolino, le duc de Gravina, ambassadeur d’Espagne, le comte de
Marescalchi, ministre des Affaires étrangères, le comte de Cobenzel, l’ambassadeur turc,
Monsieur Armstrong, ambassadeur des États-Unis, le marquis de Lucchesini,
ambassadeur de Prusse, Madame David et ses deux filles, David lui-même, Mongez,
Grétry et Vien.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 121 D
Jacques-Louis DAVID
On est dans le même ordre de sujet qu’avec les peintures romaines de David, mais le recours
à la Grèce indique que le peintre se tourne vers l’art grec, vers les sources les plus pures
de l’Antiquité. Cette œuvre est pour David comme le sommet de toutes ses recherches
picturales depuis Bélisaire demandant l’aumône. Pour nous, cette quête commencée
sous le signe de la révolution néoclassique, aboutit à un nouvel académisme qui rattachera
à l’idéal néoclassique tous les tâcherons de la palette jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Le sujet issu d’Hérodote (Histoire VII, -) est emprunté à l’histoire grecque.
Les Thermopyles sont le nom d’un défilé de Thessalie où Léonidas, roi de Sparte de
à avant J.-C. tenta avec trois cents Spartiates d’arrêter l’invasion perse de Xerxès et
de son immense armée en avant J.-C. Ils périrent tous.
Les personnages ont été « trouvés » dans l’art grec. Léonidas a l’attitude de l’Ajax publié
par Winckelmann et le spartiate gravant sur le rocher est inspiré du groupe du Taureau
Farnèse. Il y a là une déclaration de principe : la sculpture romaine a été faite
par des Grecs asservis, elle est donc moins bonne que la sculpture grecque faite par
des hommes libres, sans autre loi que celle de la beauté. Winckelmann, Lessing, Mengs
décrivaient à loisir ces différences qui étaient visibles pour David. La topographie du lieu
et la description de la bataille sont empruntées au texte d’Hérodote. C’est ce que
doit faire le peintre, c’est là qu’il se montre « inventif », en donnant une forme
aux visions que les mots suscitent dans son esprit, visions que le connaisseur qui a lu
le texte sait apprécier.
Le moment choisi est celui jugé le plus fécond. La peinture, ne peut exploiter qu’un seul instant
de l’action. David choisit le moment qui permet à l’imagination de se déployer et non pas
le moment qui suscite les émotions les plus fortes, la mort des héros, les fureurs
de la bataille. La peinture ne peut pas imiter l’action, son propos est la représentation
de la beauté, seule capable de charmer le corps humain (la loi de l’art formulée par
les Grecs, dixit Lessing). David cherche à montrer que toute l’action se déduit de corps
idéaux. L’expression est poussée aussi loin que possible sans déroger ni à la beauté, ni à
la dignité. Pour David, toute expression violente déforme et entraîne la répulsion.
Alexandre-Gabriel DECAMPS
La Caravane
Vers
Huile sur toile, , x
Acquis à la vente posthume de l’artiste, (en remplacement d’un tableau, le Christ,
commandé en , non livré, partiellement payé); entré au musée du Luxembourg
en 1. Attribué au musée du Louvre en .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 123 D
Alexandre-Gabriel DECAMPS
Cette amusante scène de genre est animée avec habileté, par une construction sans complexe,
et éclairée d’une étrange lumière dorée qui adoucit les couleurs plutôt franches.
Passionné de sujets orientaux et grand coloriste, Decamps alterne les paysages, souvent
peints en forêt de Fontainebleau, avec d’amusantes scènes de genre et d’ambitieuses
compositions historiques. La Sortie de l’école turque, par sa fraîcheur et son habileté
technique, est un des meilleurs exemples de l’art de Decamps.
Ce tableau orientaliste fut donné au musée du Louvre en par Étienne Moreau-Nélaton,
qui fit entrer dans les collections du musée cinq tableaux de cet artiste orientaliste.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 124 D
Eugène DELACROIX
Dante et Virgile
Huile sur toile, x ,
Les classiques imitant les Grecs et les Latins ont fait leur temps. Ils ne correspondent plus
au goût nouveau. L’idée qui sous-tend Dante et Virgile est que, à l’étranger, de grands
génies ont écrit des œuvres où la manière de voir et de sentir diffère beaucoup de celle
des Français. Les lire, c’est exciter son esprit par des sujets nouveaux, c’est animer
son imagination par des hardiesses nouvelles. Si nouvelles que le tableau de Delacroix
reçut un accueil mitigé : Delécluze, disciple de David, y voyait « une vraie tartouillade ».
Delacroix s’inspire de l’écriture visionnaire du poète italien, afin de mettre en scène
un tableau d’une force et d’un romantisme évidents.
Bien qu’inspirée de la tradition mythologique, l’œuvre montre le poète italien Dante Alighieri
(-). Dante raconte dans sa Divine Comédie, (-), la visite qu’il aurait
accomplie dans l’enfer, guidé par Virgile. La Divine Comédie est divisée en trois parties :
l’enfer, le purgatoire, le paradis, et c’est en enfer que Dante effectue ce voyage initiatique
avec le poète antique, traversant les neuf cercles et rencontrant Béatrice, qui le conduira
au paradis. Ici, Dante et Virgile, conduits par Plégias, franchissent le lac qui entoure
la cité infernale de Dité et dans lequel se tordent des damnés. Les damnés tentent
de s’échapper de l’enfer en s’accrochant à la barque (Dante, Divine Comédie, Enfer,
chant VIII).
Le tableau enthousiasma Adolphe Thiers et fut acquis pour les collections royales à l’issue
du Salon de .
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 125 D
Eugène DELACROIX
Au Salon de , Delacroix expose sans doute cette figure de femme, un rien larmoyante,
mais d’une réelle beauté d’exécution picturale et d’une évidente force expressive.
Longtemps considérée comme une étude pour les Massacres de Scio, exposée la même
année au Salon, la Jeune orpheline au cimetière doit être, en fait, une œuvre conçue
dès l’origine comme un tableau indépendant.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 126 D
Eugène DELACROIX
La technique de Delacroix étonne, tout autant que le sujet, servie par un sens parfait du coloris,
venant de l’admiration du jeune artiste pour l’art de Rubens et accentuant l’effet
dramatique de la scène. La scène est à la fois mouvementée et profondément mûrie.
L’accablement du groupe de prisonniers, à gauche, contraste avec la violence triomphante
du Turc vainqueur, à droite. Au centre, une femme âgée regarde vers le ciel, symbole
de l’accablement d’un peuple entier. Nul héros salvateur ne viendra les toucher comme
dans les Pestiférés de Jaffa. À l’infini, la terre est remplie de ruines et, dans le ciel vide,
on ne voit que la fumée des villages en feu. Au fond, un paysage lumineux et peint
d’une manière transparente ajoute encore à la beauté barbare de la scène.
Eugène DELACROIX
La Mort de Sardanapale
Huile sur toile, x
L’œuvre a été exposée au Salon de , Salon où Ingres expose l’Apothéose d’Homère. Face à
l’œuvre d’Ingres, la Mort de Sardanapale joue le rôle de la préface de Cromwell,
celui du manifeste de la peinture d’histoire romantique. Victor Hugo ne s’y est pas
trompé qui fut un des seuls à ne pas condamner l’absence de mesure, le rejet du « Beau »,
la cruauté de la scène contemplée par un tyran esthète bien loin des exemples
néoclassiques de vertu.
La composition est fondée sur les diagonales mais ne respecte pas l’unité d’action et prend
le parti de « fouillis » presque « illisible ». Le lieu est mal défini, imprécis et semble
se prolonger dans l’espace du spectateur, il laisse voir un homme coupé à droite et
un cheval qui surgit dans le tableau. Le coloris chaud argumenté sur une diagonale
est nettement rubénien. Il est traité avec une hardiesse qui enthousiasma les romantiques,
avec ces rouges vibrants, évocateurs des meurtres de la scène.
Sardanapale est en fait Assurbanipal qui vécut entre et avant J.-C. La scène raconte
l’épisode dramatique de la mort du souverain perse Sardanapale, dont la capitale
est assiégée sans aucun espoir de délivrance et qui décide de se suicider en compagnie
de ses esclaves et de ses favorites. La calme résolution du tyran, qui semble admirer
la scène en spectateur, s’oppose à la violence des tueries. Delacroix s’est peut-être inspiré
du poème de Byron, qui avait fait paraître en un Sardanapale. La scène avait été
résumée dans le livret du Salon de : « Couché sur un lit superbe au sommet
d’un immense bûcher, Sardanapale donna l’ordre à ses eunuques et aux officiers du palais
d’égorger ses femmes, ses pages et jusqu’à ses chevaux et ses chiens favoris ».
L’œuvre fut conservée dans quelques-unes des plus prestigieuses collections de la deuxième
moitié du XIXe siècle, avant d’être acquise en par le musée du Louvre grâce
aux arrérages du legs Audéoud.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 128 D
Eugène DELACROIX
En , Delacroix peint son Dante et Virgile, les Massacres de Scio et la Mort de Sardanapale.
Trois peintures d’histoire. La même année il peint la Nature morte au homard.
Nous sommes devant une nature morte réalisée par un peintre d’histoire. Pas de figure
humaine, pas d’action, un sujet sans beaucoup d’intérêt : sommes-nous devant une
nature morte ou devant un paysage? L’œuvre serait incompréhensible si l’on ne se
souvenait qu’en , Delacroix fut ébloui par le paysagiste anglais Constable pour qui
il y a des merveilles dans toutes les parties de la nature, dans le moindre des animaux.
La mise au premier plan du homard étonne par sa position centrale, et il est traité avec
habileté : composition, rendu des matières, accord coloré. Le paysage lui, s’étend à l’infini
sans la composition traditionnelle par écrans; c’est par la dégradation atmosphérique
des tons vers les lointains que le regard est entraîné. L’alternance des clairs et des sombres
permet de construire le raccord entre la terre et le ciel sans bloquer le parcours de la vision
et sans se détourner par trop d’architecture du motif central.
On a dit que ce tableau réunissait trois genres – la nature morte, le paysage et la scène de chasse.
Cette synthèse est très sensible car si la nature morte dans un paysage de plein air existe
chez Jean Fyt, il est rare que l’on mélange homards et gibiers dans la peinture flamande.
Eugène DELACROIX
À la suite de la publication par Charles X d’une série d’ordonnances limitant les libertés, Paris
se révolte durant trois jours, les , et juillet , journées appelées depuis lors
les Trois Glorieuses. À l’issue de ces journées d’insurrection particulièrement violentes,
Charles X abdique et s’enfuit en Angleterre. Louis-Philippe, le duc d’Orléans, devient roi
des Français le août . Ainsi débute la monarchie de Juillet, monarchie bourgeoise.
Dans cette scène, tout est vrai, un suisse, un cuirassier, un enfant, des citoyens en armes, une
femme. Ce sont ceux que l’on a vus durant les Trois Glorieuses. Cette femme à la poitrine
dénudée, au bonnet phrygien, aux pieds nus, à la robe légère est bien une allégorie,
celle de la Liberté. Pas d’abstraction, pas de figure idéale puisée dans l’Antiquité. Il n’y a
que le peuple et cette Liberté pour laquelle on donne sa vie et qui n’est qu’une femme des
rues sans pudeur. « Si je n’ai pas vaincu pour la Patrie, au moins peindrais-je pour elle… »,
écrit Delacroix à son frère le octobre . En prise avec l’évènement, ce tableau est
un manifeste politique révélateur de l’engagement personnel du peintre. Delacroix sait
hisser l’évènement contemporain au niveau de l’histoire universelle.
Au fond, on devine Notre-Dame, qui sert de décor à cet évènement sacralisé. On a voulu
voir dans le personnage en chapeau haut-de-forme, qui tient un fusil, un autoportrait
de Delacroix, qui avait fait partie brièvement de la Garde nationale. On a
traditionnellement fait de l’adolescent, qui surgit de la barricade, un pistolet à la main,
sur la droite du tableau, une prémonition du Gavroche que Victor Hugo créera dans
les Misérables trente ans plus tard.
Cette œuvre est exposée au Salon de et a été acquise aussitôt par le gouvernement
de Louis-Philippe, dont elle glorifiait en fait l’avènement.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 130 D
Eugène DELACROIX
Les Femmes d’Alger dans leur appartement est la première grande toile de Delacroix inspirée
par les souvenirs du voyage que le peintre fit au Maroc en . Il reprendra le sujet
en , dans une œuvre conservée au musée Fabre de Montpellier. Lors de son
exposition au Salon de , la critique l’accueillit favorablement. Très à propos,
le critique Gustave Planche, notait bien qu’il s’agissait d’une peinture « réduite à ses seules
ressources, des couleurs et des formes dans l’espace ». En effet, ni peinture d’histoire,
ni portrait, ni scène de genre, l’œuvre pourrait être apparentée avec certains portraits
de genre flamands.
Les Femmes d’Alger dans leur appartement est un des tableaux où Delacroix pousse le plus loin
ses recherches sur la couleur et le travail de la touche. Ainsi le coussin, sur lequel s’appuie
la jeune femme à gauche du tableau, est-il un merveilleux morceau de peinture pure,
enchevêtrement de couleurs qui prennent toute leur signification avec l’éloignement
de l’œil. Théophile Gautier attirait l’attention sur l’art et la science du coloriste, un art
qui permet à Delacroix d’obtenir une harmonie chromatique et de jouer sur les moindres
détails : le vert rehaussé de motifs jaunes du pantalon de la femme de droite, la doublure
vert-bleu du corsage rouge-orangé de la femme de gauche, le jaune du foulard exalté
par les rayures rouges, le contraste vibrant du blanc et du noir agrémenté d’une rose.
Le voyage au Maroc en constitue pour Delacroix une étape essentielle de sa création,
apportant un renouvellement de ses sources d’inspiration et renforçant son intérêt pour
les phénomènes lumineux et les recherches de coloris. Il rapporte de ce voyage
de nombreux carnets de croquis, qui lui inspireront jusqu’à sa mort des tableaux à sujets
orientalistes, pleins de lumière et de couleurs.
Le plus célèbre fut sûrement les Femmes d’Alger dans leur appartement, peint pour le Salon
de et qui inspira jusqu’à Manet dans son Olympia et Pablo Picasso dans sa longue
série de variations sur les Femmes d’Alger.
Ce tableau fut acquis par l’État pour le musée du Luxembourg à l’issue du Salon de .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 131 D
Eugène DELACROIX
Frédéric Chopin
Huile sur toile, , x
C’est George Sand qui crée la légende de Chopin, celle du « poète à l’agonie », de l’homme
frêle, sentimental, s’épanchant devant son piano, l’instrument roi de l’époque
romantique, époque qui crée la figure du génie à la destinée tragique. Chopin
et Delacroix se connaissaient car ils fréquentaient chez George Sand, notamment à
Nohant, les gens les plus célèbres du temps : Liszt, Balzac, Arago, Quinet… Delacroix,
comme Liszt, admirait les préludes, les fantaisies, qui produisaient sur l’âme un effet
analogue à celui des poèmes et « l’élevait jusqu’aux régions idéales ». Ils s’enchantaient
de cette musique qui donnait l’impression d’un élan soudain. La musique de Chopin est
à l’image de Delacroix dans ce portrait, l’idée fausse d’une ébauche.
Ce portrait faisait partie d’un tableau représentant Frédéric Chopin et George Sand. Demeurée
dans l’atelier de Delacroix jusqu’à sa mort, l’œuvre passa ensuite dans la collection
du peintre Constant Dutilleux (-), ami et exécuteur testamentaire de Delacroix,
et elle fut découpée. Le fragment représentant le portrait du compositeur Frédéric
Chopin a été légué en au musée du Louvre par Antonin Marmontel (-),
pianiste et professeur au Conservatoire de Paris, tandis que le portrait de sa maîtresse,
George Sand, est conservée à Ordrupgaard, Copenhague.
MU SÉE D U LO UVR E , PEI NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 132 D
Eugène DELACROIX
Charles Baudelaire revoit ce tableau à l’Exposition universelle de . Son héros, dit
Baudelaire, « est tout délicat et pâlot, aux mains blanches et féminines, une nature
exquise, molle, légèrement indécise, avec un œil pratiquement atone ». Et le poète juge :
l’Hamlet de Delacroix n’est pas le héros théâtral qu’on voit sur les scènes,
c’est un personnage plus « fidèle » (sic) à l’idéal même du héros romantique tel que
l’a décrit Shakespeare. Delacroix n’est pas seulement peintre mais il est encore
« littéraire ». La fréquentation des « hautes littératures », Arioste, Byron, Dante, Walter
Scott, Shakespeare, lui permet de révéler des idées plus finement. Encore une fois
Baudelaire nous donne la clef : romantique est un terme littéraire. Delacroix lui-même
n’admettait pas cet épithète ; il était peintre.
Ce tableau est tiré de Hamlet, acte V, de Shakespeare, un des auteurs préférés des romantiques.
Créé vers , Hamlet, drame en cinq actes, raconte l’histoire d’un prince du Danemark
qui doit venger son père assassiné par son oncle. Simulant la folie, délaissant sa fiancée,
il parviendra à tuer son oncle avant de périr lui-même. Ce tableau représente la célèbre
scène du cimetière, durant laquelle Hamlet et son ami Horatio attendent l’arrivée
du convoi funèbre de la fiancée d’Hamlet, Ophélie, noyée durant une crise de folie.
Les deux hommes discutent avec des fossoyeurs du caractère éphémère de la vie et de
la vanité. Rien n’indique que nous sommes dans un cimetière, sinon l’ambiance de mort
et de tristesse du paysage qui se met à l’écoute des sentiments des personnages.
Ce tableau fut exposé au Salon de . Il fut légué au musée du Louvre en par Maurice
Cottier (-), propriétaire de la Gazette des beaux-arts, sous réserve d’usufruit pour
sa femme. L’œuvre est entrée au musée du Louvre en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 133 D
Eugène DELACROIX
L’attirance pour l’Orient, apparue dès le milieu du XVIIIe siècle, se développa vers avec
les voyages vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. À cette époque, l’esprit
romantique, qui incitait l’homme à l’évasion, fut accompagné d’évènements historiques,
comme la prise d’Alger. Le voyage au Maroc en constitue l’étape essentielle dans
l’œuvre de Delacroix. Il rapporte de ce voyage de nombreux carnets de croquis, qui lui
inspireront des tableaux à sujets orientalistes, pleins de lumière et de couleurs.
Le plus célèbre, le plus sensuel, est sûrement les Femmes d’Alger dans leur appartement,
peint pour le Salon de .
L’œuvre commencée en utilise des dessins et des aquarelles réalisés à Tanger le février
, lors d’une noce juive à laquelle le peintre assista. Mais rien ne transparaît dans
le tableau de l’incompréhension de Delacroix devant la musique et la danse qu’il jugea
de très mauvais goût. Exposé au Salon de , cet important tableau orientaliste
fut acquis à l’issue du Salon par l’État.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 134 D
Eugène DELACROIX
Autoportrait
Vers 1840
Huile sur toile, 65 x 54,5
Baudelaire disait : « On peut faire d’un portrait un poème plein d’espace et de rêverie ».
Voici le portrait que fit de lui-même Delacroix, le peintre de Dante et Virgile,
des Massacres de Scio, de Sardanapale, de la Liberté. Cet Autoportrait date de ,
l’année où il peint Hamlet et Horatio au cimetière et la Noce juive au Maroc. Dix ans
auparavant, Delacroix écrivait à un de ses amis « J’ai un rare génie qui ne va pas jusqu’à
me faire vivre paisiblement comme un commis » ( avril ). Le mai , il écrit
dans son journal « Je n’aime point la peinture raisonnable; il faut, je le vois, que mon
esprit brouillon s’agite, dépasse, essaye de cent manières, avant d’arriver au but dont
le besoin me travaille dans chaque chose ».
Cet Autoportrait du peintre romantique fut légué à sa servante dévouée Jenny Le Guillou,
à condition qu’elle la donne au musée du Louvre lorsque la famille d’Orléans reprendrait
le pouvoir. En , l’historien de Delacroix et de Corot, le peintre Alfred Robaut
(-), a remis cette œuvre au Louvre.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 135 D
Eugène DELACROIX
L’artiste rédige une description de son œuvre exposée au Salon de : « Baudoin, comte
de Flandre, commandait les Français qui avaient donné l’assaut du côté de la terre, et
le vieux doge Dandolo, à la tête des Vénitiens, et sur ses vaisseaux, avait attaqué le port.
Les principaux chefs parcourent les divers quartiers de la ville, et les familles éplorées
viennent sur leur passage invoquer leur clémence ». On est dans la victoire et pourtant
Baudoin, le conquérant au milieu de ses oriflammes, est triste et las. Delacroix rejoint ici
la tradition de la grande peinture historique d’Empire, celle de Gros : le triomphe
de la victoire s’est mué en une méditation sur les horreurs de la guerre. La nature se met
à l’écoute des hommes, idée profondément romantique : le ciel est plombé, la lumière
filtre à travers les nuages, le climat est lourd, oppressant.
En , Delacroix reçoit commande d’une toile destinée à la salle des Croisades du
musée historique de Versailles, nouvellement créée par Louis-Philippe : la Prise
de Constantinople par les Croisés en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 136 D
Eugène DELACROIX
Chasse au tigre
Huile sur toile, , x ,
L’œuvre fait partie des trente-cinq tableaux de l’Exposition universelle de . L’œuvre séduit
Baudelaire qui invite le public à se laisser ensorceler par la puissance de l’art du coloriste
où la couleur pense par elle-même, sans le support du sujet. Delacroix s’inspire ici
d’un thème rubénien. Delacroix n’a sans doute pas vu les tableaux de Rubens, mais il a
longuement analysé les gravures de la Chasse au lion et de la Chasse à l’hippopotame.
Eugène DELACROIX
Médée furieuse
Huile sur toile, , x ,
Nous sommes loin du monstre féminin traité généralement dans la peinture. Ici, Médée est
une femme bien en chair dont le sentiment de fureur réside surtout dans le couteau
qu’elle tient. Il est à noter que rien dans sa musculature ne trahit la tension ou l’effort.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 138 D
François DESPORTES
Brillant de facture et de coloris, ce tableau est aussi réussi dans le traitement du personnage
– un autoportrait sans concession –, que des animaux ou du paysage. Il s’agit de
la première œuvre importante d’un peintre qui allait incarner le siècle de Louis XV et qui
développa son talent dans le thème de la chasse. Afin d’atteindre une perfection dans
le réalisme du traitement des animaux, des paysages et des accessoires, Desportes travaille
beaucoup d’après nature, amassant les esquisses animalières et les études à l’huile peintes
en plein air.
Morceau de réception offert à l’Académie royale par François Desportes, le peintre animalier
du début du XVIIIe siècle. Demeurée dans les collections de l’Académie royale de peinture
et de sculpture, cette œuvre entra à la Révolution française, en , au Muséum central
des arts de la République, futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 139 D
Toussaint DUBREUIL
Le sujet est tiré de la Franciade de Pierre de Ronsard, Livre . Dans cette épopée inspirée
d’Homère et de Virgile, Astyanax, le fils d’Hector, échappe à la mort lors de la prise
de Troie. Sous le nom de Francus, il devient, comme Énée pour les Romains, l’ancêtre
des Francs. Rescapé d’une tempête, il aborde en Crête, triomphe du géant Phovère
et s’attire la reconnaissance du roi Dicé. Hyante et Climène, les deux filles du roi tombent
amoureuses de lui. Hyante et Climène sont à leur toilette pour se préparer à séduire
Francus. La toilette est la reprise d’un thème fréquent dans la peinture de l’école
de Fontainebleau.
Les deux tableaux de Toussaint Dubreuil font partie d’une série d’une soixantaine de toiles
commandées par Henri IV, entre et , pour le château Neuf de Saint-Germain-
en-Laye. Le sujet, les attitudes complexes et l’iconographie recherchée rattachent
le peintre à la seconde école de Fontainebleau au maniérisme tardif européen, mais par
la rigueur de son architecture, la clarté et la rhétorique de sa composition, l’œuvre
préfigure l’art du classicisme français du XVIIe siècle.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 140 D
Toussaint DUBREUIL
Le sujet est tiré de la Franciade de Pierre de Ronsard, Livre . Dans cette épopée inspirée
d’Homère et de Virgile, Astyanax, le fils d’Hector, échappe à la mort lors de la prise
de Troie. Sous le nom de Francus, il devient, comme Énée pour les Romains, l’ancêtre
des Francs. Rescapé d’une tempête, il aborde en Crête, triomphe du géant Phovère
et s’attire la reconnaissance du roi Dicé. Hyante et Climène, les deux filles du roi tombent
amoureuses de lui. Les deux sœurs font des offrandes à Vénus et à l’Amour. Hyante fait
une libation de vin tandis que Climène jette dans le feu le poil d’un animal sacré.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 141 D
Pierre DUPUIS
Cette nature morte de Pierre Dupuis, contemporain de Lubin Baugin et de Louise Moillon,
monogrammée et datée de 1650 est la plus ancienne connue du peintre. Acquise
par le musée du Louvre en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 142 F
Hippolyte FLANDRIN
Parfait exemple de l’esthétique néoclassique des élèves d’Ingres, ce nu raffiné, posé devant
un paysage de marine qui accentue l’étrangeté de la scène, montre le renouvellement
entrepris par la génération néoclassique afin d’orienter l’esthétique antique vers un goût
contemporain. Grand portraitiste, Hippolyte Flandrin est un des meilleurs représentants
de la descendance d’Ingres et de l’art néoclassique. Il est aussi un des plus importants
peintres de peinture religieuse du XIXe siècle.
Jean FOUQUET
Charles VII (-), roi de France, qui libéra la France de l’occupation anglaise lors
de la guerre de Cent Ans, est représenté de face, comme aperçu à travers une fenêtre
bordée de rideaux blancs, et ses mains sont posées sur un meuble, qui pourrait être le haut
d’un prie-Dieu.
L’influence des portraits flamands, à commencer par ceux de Van Eyck, est ici évidente,
accentuée encore par la précision du traitement du costume royal et le réalisme du visage.
Il est possible que ce portrait fût peint avant le voyage de Fouquet en Italie, voyage qui lui
fit découvrir les œuvres de la Renaissance.
La notoriété de cette œuvre dut être grande en son temps, et le portrait de François Ier
par Jean Clouet en prouve l’influence.
Cette œuvre monumentale est entrée au musée du Louvre en , sans attribution
et considérée comme étant d’un « peintre grec inconnu ».
Certains historiens pensent par ailleurs qu’il doit s’agir d’un portrait, avec un pendant
représentant la reine, offert par le roi à la Sainte-Chapelle de Bourges et s’y trouvant
encore lors de la démolition de cette église en . L’inscription fait référence à un acte
politique important accompli par Charles VII, la victoire de Formigny (le avril )
ou les trêves de Tours ().
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 144 F
Jean FOUQUET
Guillaume Jouvenel des Ursins (-), baron de Trainel, occupait la fonction élevée
de chancelier de France et cette position sociale privilégiée lui avait permis d’être peint
par le peintre du roi. Guillaume Jouvenel des Ursins était l’héritier d’une famille
de dignitaires français, d’origine champenoise, les Juvénal ou Jouvenel des Ursins,
dont certains membres avaient déjà atteint une grande notoriété, comme Jean Jouvenel
(-), magistrat et prévôt des marchands et Jean II (-), également
magistrat, mais surtout célèbre comme chroniqueur et historien. Fils de Jean et frère
de Jean II, Guillaume Jouvenel des Ursins demeura chancelier de France sous Charles VII
et Louis XI.
Le réalisme du traitement du visage de Guillaume Jouvenel des Ursins, peint sans aucune
concession, est d’autant plus remarquable que l’œuvre, d’une grande richesse, témoigne
de la puissance de ces hauts fonctionnaires, dont le pouvoir était parfois supérieur à celui
du roi lui-même. La couleur rouge de ce vêtement, simple mais raffiné, est rehaussée
par un décor doré, riche et surchargé. En haut de deux pilastres de ce décor, les armoiries
de la famille Jouvenel permettent d’identifier le modèle.
Le chancelier de France est présenté de trois quarts, agenouillé devant un petit autel, sur lequel
est posé un livre de prières. Il a les mains jointes et regarde sur la droite de l’œuvre,
vers l’extérieur du tableau. Il est vêtu d’un manteau rouge, bordé de fourrure, identique
à celui de Charles VII dans le portrait peint par le même Fouquet.
Un des rares tableaux de Jean Fouquet aujourd’hui connu, ce portrait de Guillaume Jouvenel
des Ursins a été acquis par le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 145 F
Jean-Honoré FRAGONARD
La seconde partie du titre, la Charrette embourbée, vient nous rappeler que, dès son premier
séjour en Italie, la peinture nordique et Rubens en particulier, tiennent une grande place
dans la pensée de Fragonard. Fragonard attaque et enlève son paysage d’une façon vive
et puissante, chargeant la toile. Tout est ici saisi dans le mouvement et la brosse roule
dans toute la scène comme le vent qui y passe.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 146 F
Jean-Honoré FRAGONARD
Il s’agit d’un des premiers essais de Fragonard dans la peinture d’histoire, qu’il abandonne
aussitôt au profit de la peinture de genre, moins austère et plus lucrative. Ce tableau place
le jeune Fragonard, alors à la recherche de son style après son retour d’Italie,
dans la continuité de la tradition baroque italienne, où théâtralité et effet pictural
n’excluent pas une solide construction. Pour ce Morceau de réception à l’Académie royale
en , Fragonard a choisi un sujet rare tiré de l’Itinéraire de la Grèce de Pausanias dont
l’abbé Gedoyn avait donné une traduction française en et dont Destouches fit
un opéra sur un livret de Roy.
Dans cette œuvre, Fragonard se montre influencé par l’œuvre de Sébastien Bourdon qui lui
inspire la mise en page avec sa puissante architecture d’encadrement, la vue di sotto in su.
La lumière blonde montre également l’influence de Sébastien Bourdon sur Fragonard.
Corésus, grand prêtre de la ville de Calydon dédiée à Bacchus, aime Callirhoé. L’indifférence
de cette dernière le pousse à demander vengeance à Bacchus qui plonge dans l’ivresse ou
la folie tous les habitants de la ville. Pour calmer son courroux, le dieu exige que Corésus
sacrifie Callirhoé ou une autre victime s’il s’en présente une. Au moment d’immoler
la jeune fille, Corésus, ému par sa beauté, se sacrifie lui-même. Quelques critiques
se firent jour à l’époque à propos du caractère féminin du vêtement de Corésus,
au sexe indéterminé de ses acolytes, de l’expression de Callirhoé qui paraît plus endormie
qu’évanouie.
Accroché en évidence au Salon de , sous le numéro , le tableau fut l’une des attractions
du Salon. On s’empressait pour voir l’œuvre qui avait valu à Fragonard un agrément
à l’Académie royale des peintures et des sculptures « avec applaudissements ». Le tableau
est acquis par Louis XV.
Ce tableau avait été peint pour être exécuté en tapisserie par la manufacture des Gobelins,
mais cette commande ne fut jamais exécutée. Le tableau est demeuré dans les collections
royales jusqu’à la Révolution française.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 147 F
Jean-Honoré FRAGONARD
Ce tableau de Fragonard, entré en au musée du Louvre, est une des esquisses les plus libres
du peintre. La scène nocturne est difficile à interpréter et son sujet nous reste inconnu :
un vieillard ou un voyageur dort au pied d’un édifice antique, un jeune homme
en costume espagnol, peut-être un soldat, enlace la jeune femme.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 148 F
Jean-Honoré FRAGONARD
La Musique
Huile sur toile, x
Dans cette œuvre, qui est une allégorie de la Musique, nous sommes dans cette tradition de
la peinture où l'artiste est surpris par le spectateur : il était en train de jouer et voici qu'il
tourne la tête pour nous regarder et a comme un sourire satisfait. Il semble dire :"Je joue
bien, n'est-ce pas ?".
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 149 F
Jean-Honoré FRAGONARD
L’Étude
Vers
Huile sur toile, , x ,
Le déguisement à l’espagnole, ou plus exactement à la mode de Louis XIII, est non seulement
issu du théâtre mais aussi de la vague du portrait travesti et du succès qu’avaient remporté
des tableaux de Carle Van Loo comme la Conversation espagnole et la Lecture espagnole
exposés aux Salons de et . « Peint en une heure de temps » a écrit Fragonard
au revers de telles peintures. La facture est ner veuse, la touche hachée, seul le visage est
défini avec une technique plus serrée qui n’en cherche pas moins l’accent. Le coup de
pinceau de Fragonard a surpris ses contemporains. Jamais avant lui, la touche n’avait
soumis aussi impérieusement le tableau à sa loi.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 150 F
Jean-Honoré FRAGONARD
Jean-Honoré FRAGONARD
La Leçon de musique
Vers
Huile sur toile, x
La leçon de musique dégage une atmosphère étrange : la scène est coutumière mais poses
et traitement transforment les personnages en figures de porcelaine ou mieux encore
en automates de boîte à musique, objet très à la mode en ce temps. Il en est jusqu’au petit
chat, posé comme une peluche qui renforce cette impression.
R.F. 1972-14
Jean-Honoré FRAGONARD
Denis Diderot
Vers
Huile sur toile, ,
Denis Diderot. L’homme qui anima pendant près de vingt ans l’encyclopédie. Un des écrivains
et philosophes français les plus importants de ce qu’on a appelé le Siècle des lumières. Ses
talents étaient variés : théâtre, roman, philosophie et aussi la critique d’art. Il commenta,
durant plusieurs années, les Salons, défendant un art quotidien, réaliste, moral, et
condamnant l’académisme et les conventions de certains artistes officiels comme
Boucher.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 153 F
Jean-Honoré FRAGONARD
Les Baigneuses
Vers -
Huile sur toile, x
Une riche clientèle privée commande à Fragonard des sujets légers ou érotiques, tel
les Baigneuses peintes quelque temps après son retour d’Italie. Il doit sa virtuosité de
touche tout autant à Boucher qu’à Rubens. À côté des « polissonneries »,
des thèmes à sous-entendus, cette œuvre est un éclatant poème à la beauté sensuelle des
corps. Les touches, fortement accusées, soulignent les courbes et contribuent à donner
aux formes leur déroulement endiablé. C’est tout une vie turbulente qui anime la toile.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 154 F
Jean-Honoré FRAGONARD
Le Verrou
Avant
Huile sur toile, x
Le sujet est-il si simple? La pomme, bien en évidence sur la table semble être une allusion
évidente au péché originel. Le verrou, en réalité, ferme la porte du paradis. Au-delà
de l’apparence grivoise et légère, c’est bien à une peinture morale que l’on a affaire ici.
Peint pour le marquis de Véri avant . ce tableau a été acquis par le musée du Louvre
en . Le Verrou possédait un pendant, l’Adoration des bergers, entré au musée
du Louvre en . Les deux tableaux sont à présent exposés côte à côte.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 155 F
Jean-Honoré FRAGONARD
La Chemise enlevée
Avant
Huile sur toile, x ,
Dans la Chemise enlevée, Fragonard nous donne à voir un nu féminin dans la manière de ce qui
deviendra le thème des odalisques. Seulement il y a un problème : cette jeune femme,
couchée comme elle est, ne peut pas enlever sa chemise, comme elle semble le faire. Il y a
forcément quelqu’un qui l’aide et nous le voyons! C’est toute l’ambiguïté trouble qui se
dégage de l’œuvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 156 G
Au XVIIe siècle, la veduta est un genre pictural autonome fort prisé où les représentations
des sites et des monuments de Rome sont particulièrement demandées. Dans l’œuvre
de Claude Gellée qui le plus souvent réemploie, dans des vues imaginaires,
d’authentiques bâtiments ou en recompose de nouveaux à partir d’éléments existants,
cette description fidèle et son pendant Vue du Campo Vaccino, font figure d’exception.
On suppose que, voulant garder des souvenirs de la ville, Philippe de Béthune aurait
indiqué à Claude Gellée les sujets de ces peintures.
Vue d’un port avec le Capitole, comme fréquemment dans l’œuvre de Claude Gellée, fait partie
d’une paire dont le pendant est la Vue du Campo Vaccino conservée au musée du Louvre.
Les deux œuvres furent exécutées, vers , pour Philippe de Béthune, ambassadeur
de France à Rome auprès du pape Urbain VIII, qui fut un des premiers protecteurs
de l’artiste à Rome. Gravé par l’artiste en . Saisie révolutionnaire de la collection
du duc de Brissac.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 157 G
La composition est inspirée d’une œuvre du peintre hollandais Herman Van Swanevelt,
qui habitait à Rome la même maison que Claude Gellée. Le peintre dispose
les monuments sur le tracé d’un rectangle et crée la profondeur en alternant des bandes
d’ombre et de lumière.
Le Forum romain, vu à partir de l’extrémité ouest, est représenté tel qu’il était dans les années
. À gauche, l’arc de Septime Sévère au-dessus duquel se profile la tour des Conti,
le temple d’Antonin et Faustine transformé en église et, derrière, la basilique
de Constantin. À l’arrière-plan, le Colisée devant lequel se dresse l’église Sainte-
Françoise-Romaine fermant le Forum, à l’Est, le mur latéral du palais Frangipani et l’arc
de Titus. À droite, le mur des jardins Farnèse sur les pentes du Palatin avec la porte
de Vignole et le pavillon d’angle, les trois colonnes du temple de Castor et Pollux et,
à peine visible en arrière, l’église Sainte-Marie-Libératrice; enfin, au premier plan,
les colonnes du temple de Saturne.
La Vue du Campo Vaccino, comme fréquemment dans l’œuvre de Claude Gellée, fait partie
d’une paire avec son pendant la Vue d’un port avec le Capitole conservée au musée
du Louvre. Les deux œuvres furent exécutées, vers , pour Philippe de Béthune,
ambassadeur de France à Rome auprès du pape Urbain VIII, un des premiers protecteurs
de l’artiste à Rome. Saisie révolutionnaire de la collection du duc de Brissac.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 158 G
Les deux parties du tableau sont nettement divisées par le lever du soleil. À droite, une suite
d’architectures imaginaires – inspirées de monuments romains – domine la scène.
À gauche, des navires amarrés forment un pendant étrange aux monuments, sortes
d’architectures plus aérées. Cet habile recours à une lumière légèrement brumeuse donne
à la scène une étrange poésie, une des qualités principales des paysages maritimes de
Le Lorrain, inspirés par certains paysages des Carrache et les marines réalistes des peintres
nordiques.
Reine d’Égypte, Cléopâtre VII (- avant J.-C.), qui avait été la maîtresse de Jules César,
est représentée dans ce tableau alors qu’elle débarque à Tarse, ville antique située en
Turquie, afin de rencontrer Marc-Antoine, le séduire et le convaincre d’aider l’Égypte.
Cet épisode, daté de avant J.-C., précède l’hégémonie militaire et politique
que les deux amants imposèrent en Méditerranée, avant d’être vaincus par Auguste
à Actium, défaite à la suite de laquelle Cléopâtre se suicida. Ce tableau constitue avec
son pendant, David sacré roi par Samuel, un message à portée morale, puisqu’il présente
l’ambition destructrice d’une reine opposée à la sagesse d’un jeune garçon, David,
que Dieu va inspirer durant son règne.
Sans doute peinte en pour le cardinal Angelo Giorio, un des riches protecteurs de Claude
Le Lorrain, cette œuvre est accompagnée d’un pendant, David sacré roi par Samuel,
également conservé au musée du Louvre. Le tableau et son pendant entrent dans
les collections de Louis XIV en et ensuite dans les collections du musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 159 G
Dans cette œuvre il y a bien sûr Samuel qui sacre David, roi d'Israël. Mais il y a bien plus !
À droite, un paysage, un paysage bucolique. À gauche, un palais. Cela nous rappelle,
par la simple image, que David est un simple berger qui est en train de passer de la nature
à la politique, à la cité, au pouvoir !
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 160 G
L’histoire mythologique n’est qu’un prétexte pour Claude Le Lorrain à peindre un paysage
lumineux et à la construction complexe, caractéristique de ses recherches autour
des descriptions intellectuelles et sensibles de la nature. Comme dans le Débarquement
de Cléopâtre, la scène principale, qui donne son titre au tableau, est rejetée en bas.
La quasi-totalité de l’œuvre est occupée par des architectures imaginaires,
parfois inspirées de monuments romains, bordant les rivages d’une mer idéale peinte
dans la lumière brumeuse et pure du matin.
Chryséis était la fille de Chrysès, prêtre d’Apollon à Chrysè. Lorsque les Grecs s’emparèrent
de la ville des environs de Troie où ils habitaient tous les deux, Agamemnon reçut
Chryséis comme butin de guerre. Mais Apollon, irrité de cette situation, envoya la peste
sur l’armée grecque et Ulysse parvint à convaincre Agamemnon de rendre Chryséis
à son père. En compensation, Agamemnon s’empara de Briséis, captive du héros Achille,
ce qui entraîna la brouille violente entre les deux hommes, qui devait durer pendant toute
la guerre de Troie.
Peint pour Roger du Plessis de Liancourt, ce tableau avait fait partie, avec son pendant
Paysage avec Pâris et Œnone, de la collection du duc de Richelieu, petit-neveu
du cardinal de Richelieu. Les deux œuvres furent vendues en par le duc de Richelieu
à Louis XIV, en même temps que quelques-uns des plus beaux tableaux de Poussin
du musée du Louvre. Demeuré dans les collections royales durant tout le XVIIIe siècle,
ce tableau entra dans les collections du musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 161 G
François GÉRARD
Isabey et sa fille
Huile sur toile, , x
Jean-Baptiste Isabey (-), peintre en miniatures, et sa fille Alexandrine, enfant, plus tard
Madame Cicéri (-).
François Gérard est un des élèves de David. S'il est contesté pour ses œuvres d'inspiration
antique, par contre, il s'affirme comme un excellent portraitiste, traitant ses modèles avec
charme et délicatesse. C'est ce dont témoigne ce tableau d'Isabey et de sa fille.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 162 G
François GÉRARD
Psyché et l’Amour
Huile sur toile, x
Exemple de ce que donne le néoclassicisme, issu d’une révolution, sous-tendue par des idées
et un combat, lorsqu’il se transforme en style artistique. Ce que les artistes néoclassiques
avaient combattus dans le style rococo resurgit dans cette peinture. La toile est une
variation sur l’œuvre du sculpteur Canova, Cupidon et Psyché, , une recherche pour
atteindre la forme idéale qui s’accorde le mieux avec l’idyllique représentation d’un amour
jeune et pur.
Fille de roi, Psyché dont la beauté écartait les sujets du royaume de son père du culte de Vénus,
provoqua la jalousie de la déesse, qui chargea son fils, Cupidon, de la faire devenir
amoureuse d’un homme laid et méprisable. Mais Cupidon tomba lui-même amoureux
de la jeune femme. La statuaire antique avait déjà représenté les deux amoureux, devenus
des archétypes de la force de l’amour.
Exposé au Salon de , ce tableau fut acquis par le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 163 G
Théodore GÉRICAULT
C’est la première œuvre publique de Géricault. L’artiste choisit de faire le portrait équestre
d’un lieutenant de chasseurs, officier sorti du rang, qui mourut le décembre
pendant la retraite de Russie. Le format de l’œuvre indique qu’il s’agit d’une peinture
d’histoire, format des portraits royaux et princiers. Gros représente aussi les troupes
sur de grands formats mais alors il montre la bataille. Ici, si la bataille est présente,
elle est à l’arrière-plan comme une évocation de feu et de mort. Mieux, le héros n’a pas
la mine conquérante qu’on attendrait d’un cavalier au brillant uniforme. Au moment
de charger, il se détourne, son regard s’abîme dans la contemplation. Il semble penser
à la fournaise qui l’attend.
Portrait équestre de Dieudonné, lieutenant des guides de l’Empereur. Le tableau, qui reflète
la passion de Géricault pour l’art équestre, porte l’influence de Rubens et de Gros, mais
il est déjà profondément personnel par sa vigueur de touche et la violence de la posture.
Ce qui surprit le plus les contemporains, ce fut la hardiesse du pinceau qui, brutalement,
était en rupture avec le fini néoclassique davidien.
Au Salon de , à l’âge de ans, Géricault expose son premier chef-d’œuvre Officier
de chasseurs à cheval de la Garde impériale chargeant. L’œuvre fut un succès et frappa
les esprits par la nouveauté de son propos. À nouveau exposé au Salon de , aux côtés
du Cuirassier blessé quittant le feu. L’Officier chargeant fut acquis, tout comme
le Cuirassier blessé quittant le feu, par Louis-Philippe sur sa cassette personnelle.
Demeurée dans la collection personnelle du souverain, cette œuvre fut achetée par
l’État à la vente de la collection de Louis-Philippe en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 164 G
Théodore GÉRICAULT
L’œuvre montre la détresse d’une génération : plus besoin de symbole, pas besoin d’anecdote :
un homme seul, blessé, défait, suffit. Le format monumental du tableau surprit
les contemporains qui ne voyaient dans la scène qu’un portrait de genre. La surprise
se mua en critiques devant le dessin de l’homme jugé incorrect et la touche raboteuse.
On pria Géricault de reprendre « cette ébauche » dans l’espoir d’en faire « un bon
tableau ». Pourtant Géricault avait bien entendu la leçon de la Bataille d’Eylau de Gros
et notamment les figures du premier plan. Mais là où Gros posait la question
des souffrances de la guerre, Géricault, selon l’idéal néoclassique, y met l’effondrement
d’un idéal et la « blessure » de toute une génération.
L’œuvre est construite sur un jeu de volumes en oblique où les jambes du soldat et les jambes
du cheval ont le même mouvement, la même flexion. Cela donne une impression
d’instabilité contrebalancée par le sabre sur lequel s’appuie l’homme. Comme dans
la tradition romantique, la nature s’accorde à l’évènement humain et le ciel comme
la terre servent d’écrin à la sensation des acteurs de la scène. Il ne s’agit pas d’un décor
mais de la mise en scène d’un vécu. Le dessin ferme du soldat s’oppose à celui moins
défini de l’animal. Le coloris et la touche ont été jugés raboteux et non achevés :
ils traduisent en fait une idée plus qu’une réalité.
Il y a dans cette œuvre un parti pris de créer une figure hors des contraintes de temps
et d’espace, hors de l’anecdote. Le feu que quitte le soldat, nous ne faisons
que l’apercevoir entre les jambes du cheval. L’homme est blessé mais sa blessure est
invisible. La souffrance se lit sur son visage, le regard pathétique et l’appui sur le sabre.
Que regarde-t-il ?
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR AN Ç AI SE — Œ U V R E S 165 G
Théodore GÉRICAULT
L’étude de l’antique, une fois encore, a permis qu’un évènement populaire qui relève
de la peinture de genre, s’élève à la hauteur du combat passionné et sans frein de l’homme
contre la nature sauvage. C’est en ce sens que l’œuvre est à la fois néoclassique
et romantique.
Géricault se souvient ici de son travail sur les sarcophages romains et compose l’œuvre
en bas-relief ordonnée en trois groupes indépendants. Le métier est large et joue sur
une opposition des masses par des contrastes de valeurs.
Au printemps de , Géricault assiste à la course des chevaux d’origine arabe le long
du Corso à Rome, course qui clôture le Carnaval et dite course libre car sans cavalier.
Géricault choisit le moment où la tension est à son maximum : celui où les palefreniers
ne parviennent qu’à grand-peine à maîtriser les chevaux qui vont s’élancer. Il en fait
un combat entre l’homme et l’animal sauvage.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 166 G
Théodore GÉRICAULT
Aucune anecdote, aucun symbole mais une technique solide, une touche libre, une harmonie
de vert et de brun où le blanc encadre le pauvre visage dont le regard ne cesse de nous
interpeller. On ne peut qu’admirer la grandeur de ce portrait qui traduit avec sobriété
l’égarement de la conscience de cette femme.
Géricault a peint des monomanes, fous qui focalisent leur déséquilibre sur un aspect précis tout
en demeurant normaux dans le reste de leurs activités. Il a représenté le monomane du vol
d’enfant (Springfield Museum of Art), du commandement militaire (Winterthur,
Collection Oskar Reinhart), du vol (Gand, musée des Beaux-Arts et Lyon, musée
des Beaux-Arts), du jeu (musée du Louvre). Dans chacun de ces portraits, individualisés
et d’une analyse psychologique aiguë, Géricault a synthétisé une forme de la folie.
Il s’agit, indépendamment de l’intérêt esthétique de ces œuvres, d’un étonnant
témoignage des relations entre la société et l’univers psychiatrique au XIXe siècle.
Ce tableau a été acquis par la société des Amis du Louvre qui en fit don au musée du Louvre
en . Retrouvé par hasard dans la collection d’un médecin de Baden-Baden,
ce portrait, ainsi que quatre autres découverts en même temps, a appartenu aux peintres
Henri Harpignies et Charles Jacque, avant d’arriver au musée du Louvre, séparé
des autres tableaux qui furent dispersés au gré de ventes successives.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 167 G
Théodore GÉRICAULT
Le Radeau de la Méduse
Huile sur toile, x
L’œuvre n’est pas romantique mais appartient à un néoclassicisme qui se fissure : la peinture
de genre est traitée comme la peinture d’histoire et le « réalisme » submerge l’idéal.
Les souffrances de l’être humain accèdent au rang de la peinture d’histoire, au grand
genre réservé aux épisodes bibliques, aux exploits des héros grecs et romains et aux hauts
faits des monarques. Parmi ces naufragés, Géricault aurait pu faire figurer un exemple
de courage spartiate ou de résignation stoïcienne. Or il n’en n’est rien. Hommes
et femmes souffrent, mus par le seul instinct de conservation. Ils sont dominés
par une souffrance toute animale. Le schéma davidien est transformé.
Géricault s’inspire de la Bataille d’Eylau de Gros pour mettre au premier plan les souffrances
des hommes dans des circonstances extraordinaires. Géricault choisit un moment de forte
tension : à l’horizon un navire se profile; les survivants rassemblent leurs forces, agitent
des linges. Rien ne nous dit que les signaux seront perçus. Géricault se révèle
un exceptionnel dessinateur et un prodigieux constructeur de l’espace pictural, ajoutant
à son œuvre une tension dramatique violente et une force des éclairages venant
des peintres baroques napolitains et du Caravage.
Inspiré d’un évènement récent, que Géricault analyse « à chaud », cette œuvre évoque
le naufrage du bateau la Méduse, coulé le juillet . L’affaire défraye la chronique,
cent quarante-neuf rescapés s’étant entassés sur un radeau de fortune, à bord duquel
ils devaient souffrir vingt-sept jours avant d’être sauvés par un autre navire,
L’Argus, qui ne recueillit en définitive que quinze survivants. Tout dans cet épisode
provoque le scandale : le contexte politique avec la mise en cause d’une administration
qui a laissé un capitaine inexpérimenté diriger le vaisseau, les scènes d’anthropophagie
sordides qui eurent lieu à bord du radeau et la noirceur générale de l’histoire.
De retour à Paris après son voyage en Italie, en , Géricault commence à peindre le Radeau
de la Méduse. L’œuvre est saluée au Salon de , sous le titre Scène de naufrage,
comme celle d’un peintre de génie, mais provoque le scandale, à la fois en raison de son
sujet contemporain et polémique, mais aussi en raison du réalisme morbide des corps des
naufragés, pour lesquels Géricault a multiplié les études, y compris d’après des cadavres.
Exposé en Angleterre en , le Radeau de la Méduse fut acquis par l’État, grâce à
la clairvoyance du comte de Forbin, lors de la vente posthume de Géricault en .
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 168 G
Théodore GÉRICAULT
Géricault semble tenté de décrire la pensée sombre et hermétique de l’homme. D’un homme
qui est peut-être un de ces paysans des guerres de la Vendée, un de ces paysans de la
chouannerie. Cet homme qui semble en quelque sorte, s’interroger. Ce portrait d’homme
est dit “Le Vendéen”.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 169 G
Théodore GÉRICAULT
Théodore GÉRICAULT
Les dernières années de la vie de Géricault sont marquées par un chef-d’œuvre, le Derby
d’Epsom, étonnante composition peinte lors d’un séjour en Angleterre. Géricault s’est
donné comme objectif de donner avec les seules ressources de l’art de peindre – format,
composition, formes et couleurs – les sensations d’un mouvement rapide s’effectuant
dans la fièvre. Cette toile est la première d’une longue série de représentations de chevaux
au galop et de champs de course, notamment les œuvres de Degas. Elle pose, au moment
où l’invention de la photographie approche, la question de la représentation du
mouvement rapide et fugitif.
La composition est basée sur des horizontales légèrement basculées qui provoquent la sensation
d’instabilité. Une seule verticale ferme le tableau à droite, le côté gauche est libre.
Les silhouettes sont démultipliées alors qu’elles restent en groupe. Le jeu des jambes est
traité en séries d’obliques.
La vitesse y est rendue par une savante construction, les coureurs et leurs montures étant peints
immobiles dans leur course. Les chevaux sont représentés en l’air dans une sorte de galop
volant. Ils sont sans appui sur le sol, convention picturale empruntée aux gravures
sportives anglaises, signe du cheval courant au maximum de sa vitesse. Nous ne sommes
pas devant une étude d’anatomie mais dans la traduction picturale du mouvement.
Ce tableau, qui rappelle la passion de Géricault pour les courses de chevaux, fut acquis par
le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 171 G
Théodore GÉRICAULT
Le Four à plâtre
-
Huile sur toile, x
Le Four à plâtre est un des ultimes tableaux que Géricault peignit avant de s’aliter au mois
de février pour onze mois d’agonie. Les références à la peinture nordique se doublent
d’un réalisme noir qui dépasse la simple représentation de la nature. L’éclairage nocturne,
violemment contrasté, entraîne le spectateur vers un véritable drame inexprimé.
Géricault vit le sujet qu’il allait peindre pendant une promenade à Montmartre. Il en fit
un croquis et rentra peindre aussitôt le tableau. Mais en fait, c’est à Londres, en ,
que l’artiste, se promenant dans les rues apprit « l’école du réel » : pas besoin de « sujet »
pour peindre, il suffit de regarder le monde et les scènes de la vie : travail du forgeron
ou musicien ambulant.
Ce paysage tourmenté fut acquis en par le musée du Louvre, qui acheta durant tout
le XIXe siècle de nombreux tableaux de Géricault.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 172 G
Girodet désespérait David qui le considérait comme un de ses élèves les plus prometteurs.
Il ne reste que quelques traces de la forme davidienne dans ce tableau, la gravité sévère
du propos davidien a été totalement abandonnée au profit d’un thème qu’un peintre
rococo ne renierait pas.
Endymion, berger de la mythologie grecque, est découvert un jour endormi par Séléné,
la Lune, sur le mont Ida. Tombée follement amoureuse du plus beau des jeunes mortels,
la lune obtient de Zeus que le jeune homme soit éternellement assoupi afin qu’elle puisse
le retrouver chaque nuit. Selon d’autres versions, c’est Endymion qui aurait choisi
le sommeil éternel. Cette œuvre est d’une totale ambiguïté. Le corps endormi pour
l’éternité, abandonné nu aux rayons de la lune, et l’union amoureuse, sous les yeux
d’un éphèbe Cupidon, sur un étrange lit de mort.
Comme les grands exemples de vertu civique, la mort appartient au registre du sublime qui
est un des attributs de la peinture d’histoire. Point d’excès ou de baroque dans la mort
néoclassique, la figure du mort est représentée au repos, paisiblement dans la douceur
du sommeil éternel, le « sommeil » trouble, équivoque, d’Endymion justement.
Tout comme la mort qui revêt sur les tombeaux l’aspect d’un jeune homme, l’ange de
la mort a d’étranges ressemblances avec un éphèbe Cupidon. Il faut savoir que le sommeil
et la mort, Hypnos et Thanatos, dans la tradition antique sont frères jumeaux.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 173 G
Scène du déluge
Huile sur toile, , x ,
Un homme, qui porte un vieillard sur ses épaules, s’accroche à la branche d’un arbre mort,
tout en tenant par l’autre main sa femme à laquelle s’accrochent deux enfants.
Cette œuvre violente, qui évoque tout à la fois Poussin dans l’Hiver des Saisons et
la terribilità de Michel-Ange, constitue un véritable prologue au romantisme, en raison
de sa réflexion esthétique et philosophique sur la destinée humaine.
La scène du déluge, une des plus violentes de l’Ancien Testament, qui voit Dieu, déçu
et furieux des péchés de l’homme, détruire le monde qu’il a créé, afin de le rebâtir.
Girodet a concentré l’action sur un groupe de personnages, évoquant le déluge
uniquement dans le drame de ces quelques humains.
Exposé au Salon de , puis à nouveau au Salon de , la Scène du déluge fut acquis
par l’État en . En fut acquis par l’État également un second tableau de Girodet,
Atala au tombeau, exposé au Salon de .
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 174 G
Girodet suit la description du lieu et du moment que donne Chateaubriand dans Atala :
« une barre d’or se forma dans l’Orient », le « désert » sauvage des forêts d’Amérique
du Nord, l’entrée des « Bocages de la mort ». Girodet suit aussi la description du cadavre
mais il choisit de mettre en scène le moment de la mise en terre, moment qu’il juge être
le plus émouvant, le plus sublime. Par contre, le dépouillement de la composition,
les figures monumentales, l’expression retenue sont néoclassiques. Sans cesser de référer
l’œuvre d’art à l’idée normative du « Beau idéal », Girodet trouve dans la littérature
contemporaine et dans l’éloignement exotique une nouvelle source d’inspiration.
Inspiré de Chateaubriand, ce tableau révèle l’intérêt des peintres de la fin du XVIIIe siècle
pour les sujets dramatiques et exotiques tirés de la littérature contemporaine. Paru
en , le roman de Chateaubriand, Atala, situé sur les rives du Mississipi, en Amérique
du Nord, conte l’histoire d’amour exotique et passionnée vécue par deux « bons
sauvages » ayant connu la civilisation et le christianisme, Atala et Chactas. Ce roman,
la description de l’homme pur face à la nature primitive, révéla son auteur comme un
des premiers écrivains romantiques français. Atala, écartelée entre son amour pour
Chactas et sa promesse de demeurer vierge pour servir la religion chrétienne, meurt dans
la grotte où les deux amoureux avaient été recueillis par un vieux missionnaire.
« Elle (Atala) paraissait enchantée par l’Ange de la Mélancolie » et par « le double sommeil
de l’innocence et de la tombe », « une statue de la virginité endormie ».
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 175 G
Jean-Baptiste GREUZE
L’Accordée de village
Huile sur toile, x
Un sujet simple : l’enregistrement d’un mariage par devant notaire. Une scène de genre.
Et pourtant! Et pourtant le tableau attira la foule. Louis XVI l’acheta à la vente Marigny
car on avait très peur qu’il ne partît pour l’étranger. Les commentaires élogieux jaillirent
de toutes parts et le tableau donna même lieu à un tableau vivant par les comédiens
italiens. Pourquoi cet engouement ?
Bien qu’il ne s’agisse que d’une peinture de genre, Greuze a pris ici le parti de traiter le sujet
comme s’il était une peinture d’histoire. Il en fait un sujet pathétique. Et les critiques
du temps jugent les figures vraies. Ils les jugent non grossières, ils les jugent non
chimériques et trouvent que l’on peut suivre, comme dans une peinture de Poussin,
la variété des expressions de chaque figure, expressions justes et attitudes qui conviennent.
Regardez : la mère a de la peine à quitter sa fille, elle regarde son futur gendre avec tendresse,
la fiancée est charmante et prodigue à son fiancé des marques de tendresse décente
et pudique. Et même le détail de la mère poule et des poussins devient poétique,
bien intégré dans la composition. La petite enfant jette du grain.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 176 G
Jean-Baptiste GREUZE
La Cruche cassée
ou
Huile sur toile, x
La simplicité de la posture de la jeune fille ne trompe pas les contemporains qui perçoivent
parfaitement l’allusion directe au thème de la virginité perdue, permettant à Greuze
de livrer un de ces tableaux moralisants qui plaisaient tant à Diderot. Malgré cela, par son
sujet même et sa facture « de porcelaine », ce tableau rattache encore Greuze, pourtant
un des grands novateurs de la peinture du XVIIIe siècle, à l’art léger d’un Boucher.
Tableau de la maturité de Greuze, exposée dans son atelier en , cette œuvre à l’histoire
mystérieuse dont on connaît en fait deux versions, fut fort admirée. La Cruche cassée avait
fait partie de la collection de la comtesse Du Barry à Louveciennes, elle fut saisie en 1793
et entra dans les collections du Muséum central des arts de la République, futur musée
du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 177 G
Jean-Baptiste GREUZE
Déjà célèbre pour avoir cherché, dès , à régénérer la peinture de genre par des sujets
moralisants empruntés à la grande peinture, Greuze peint une « œuvre manifeste »,
profondément novatrice dans sa construction et dans son discours exaltant les vertus
antiques. Très construite, volontairement théâtralisée, cette œuvre est une véritable
prémonition du néoclassicisme que Vien, puis David, allaient bientôt défendre.
Ce tableau est violemment rejeté et critiqué par les membres de l’Académie.
Empereur romain, qui régna de à , Septime Sévère (-) exerça un pouvoir absolu sur
l’Empire romain. Grand conquérant, il conquit la Mésopotamie et renforça les frontières
de l’Empire au Nord de l’Europe. Son fils, Caracalla (-) lui succéda en et fut
un grand administrateur, qui construisit à Rome les célèbres thermes qui portent encore
son nom. Le tableau de Greuze représente un épisode de l’histoire de ces deux empereurs,
durant lequel le fils est accusé par le père d’avoir cherché à l’assassiner.
Jean-Baptiste GREUZE
Un fils, seul soutien d’une famille paysanne sans ressources, dont le père est malade,
vient de s’enrôler dans l’armée, abandonnant les siens et venant réclamer quelque argent
pour financer son départ. Dans un dernier effort, son père le maudit devant la famille
terrorisée. Greuze a peint toute la gamme des sentiments des acteurs de la scène,
depuis l’orgueil du fils, la colère du père, le désespoir de la mère et la peur des enfants.
La scène est violente, les attitudes figées des personnages et la lumière théâtrale, qui vient
du haut du tableau, renforcent l’impression d’une image instantanée, arrêtée au plus fort
de la querelle.
Les commentaires de l’époque reconnaissent tous que Greuze a atteint là au sublime, terme
réservé à la peinture d’histoire. Greuze emploie tout son talent à provoquer de fortes
réactions émotionnelles : « effrayant », « sentiment terrible » sont les termes employés.
À l’époque, on s’interroge aussi sur l’opportunité de montrer de « pareils monstres ».
Certains s’en scandalisent, d’autres disent qu’une tragédie aussi pathétique est plus utile
que bien des sermons.
Acquis en par le musée du Louvre, le Fils ingrat, peint en et le Fils puni,
sont un parfait exemple des intentions moralisantes de Greuze dans sa peinture de genre,
qu’il essaya de rendre égale à la peinture d’histoire par une construction rigoureuse
néoclassique et une élévation dans le traitement du choix des sujets. Greuze a conçu
ces deux tableaux comme des pendants : dans le premier tableau, le fils ingrat quitte
sa famille dont il est le seul soutien pour s’engager dans l’armée – alors considérée comme
le lieu de toutes les débauches et paresses –, tandis que dans la deuxième œuvre, revenant
de l’armée, il trouve son père mort.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 179 G
Jean-Baptiste GREUZE
La théâtralisation des attitudes des personnages et l’éclairage contrasté sont deux moyens
techniques mis en œuvre par Greuze pour hausser cette scène de genre au niveau des plus
grandes peintures d’histoire. Sept ans avant le Serment des Horaces de David, il construit
avec rigueur sa composition dans l’esprit classique, les personnages étant disposés en frise
devant un fond sombre et sans décor.
Le fils, qui avait choisi de s’engager dans l’armée, revient au foyer pour trouver son père mort
de tristesse et de contrariété. Sa mère lui montre la scène avec réprobation, le rendant
responsable, tandis que ses frères et sœurs entourent le corps en pleurant. La chaufferette
éteinte à l’avant-plan du tableau, symbole de la perte du soutien paternel, ou le chien,
image de la fidélité, qui quitte la pièce, sont deux exemples de symboles distillés
par Greuze, afin de renforcer son sujet moralisant.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 180 G
Jean-Baptiste GREUZE
L’Oiseau mort
Huile sur panneau, x
« La jolie élégie! Le charmant poème ! », s’était écrié Diderot découvrant au Salon une
des versions de ce tableau. Le philosophe expliquait d’ailleurs avec humour le symbole
de cette scène : « Que signifie cet air rêveur et mélancolique! Quoi! pour un oiseau…
Eh bien je le conçois, il vous aimait, il vous le jurait… ». Greuze, tout comme dans
la Cruche cassée, avait en effet cherché à évoquer, dans cette petite scène de genre,
le thème de la virginité perdue par une toute jeune fille.
Exposé au Salon de , dans les dernières années de la carrière de Greuze, à un moment où
sa peinture, moralisante, n’est plus à la mode, ce tableau fit partie de la collection de
la famille de Rothschild et fut légué au musée du Louvre par le baron Arthur
de Rothschild en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 181 G
La personnalité de Napoléon Bonaparte eut sans aucun doute une grande importance dans
la mise en place des idéaux romantiques. La stature du héros, la passion de l’Antiquité
et le goût du dépassement de soi furent les qualités essentielles de Napoléon Ier
qui marquèrent toute une génération. La fin de l’épopée militaire de l’Empire, qui avait
secoué l’Europe, laissa toute la jeunesse dans un dénuement philosophique total,
ne sachant plus vers quel idéal se tourner et renforçant ce « mal de vivre » que toute
la génération du tournant entre les deux siècles connaissait alors.
Il s’agit d’une étude exécutée par Gros à Milan en , afin de servir au portrait du général
Bonaparte qui fut exposé au Salon de . Ce portrait se trouve à présent au château
de Versailles. Cette œuvre a fait partie de la collection réunie par Louis Joseph Auguste
Coutan (-), marchand de tableaux sous la Restauration, collection qui
fut donnée au musée du Louvre en par ses descendants.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 182 G
Enveloppée par un clair-obscur dramatique, la scène est un prétexte à peindre des anatomies
qui rappellent Michel-Ange et à découper avec finesse les visages et les corps de manière
contrastée. À droite, lieu de l’action où l’éclairage se fait plus intense. À gauche répond
la détresse sombre des malades mourants. Cette œuvre importante représenta un exemple
pour la jeune génération, l’influence de Gros fut décisive sur les jeunes romantiques,
Géricault ou Delacroix.
Bonaparte est présenté au milieu des pestiférés de son armée, touchant les plaies de l’un d’eux.
Gros a volontairement souhaité glorifier le courage physique de Bonaparte, qui ne craint
pas de s’approcher de ses soldats malades pour les réconforter, tout en rappelant
les pouvoirs thaumaturges des rois de France qui pouvaient, d’après la tradition, guérir,
après leur sacre, certaines maladies de peau. Le tableau ayant été peint en ,
l’année du sacre, le symbole politique prend toute sa force.
M U SÉE D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 183 G
Le février , Napoléon Ier avait remporté contre les Russes la bataille d’Eylau, qui avait
provoqué un effroyable carnage parmi les soldats des deux camps. Napoléon demande
à Gros de fixer sur la toile, non la bataille, mais un évènement du lendemain matin.
En visitant le champ de bataille, l’Empereur, au faîte de sa gloire, qui n’avait fait, disait-il,
que se défendre contre l’invasion des armées russes, aurait dit que si tous les rois de
la terre pouvaient contempler, comme lui, ce champ de bataille jonché de morts,
ils seraient moins avides de conquêtes et de guerres. Le héros vainqueur, issu de
la Révolution et porteur des valeurs révolutionnaires, est humain et pacifiste.
C’est pourquoi, au premier plan, Gros met bien en évidence les horreurs qui justifient
les paroles de l’Empereur.
L’épopée napoléonienne tourna à la défaite, les morts s’accumulaient sur les champs de bataille
et les horreurs de la retraite de Russie rejoignirent celles de la bataille d’Eylau.
Les Français, soldats de conscription, s’identifièrent aux soldats du premier plan,
qui deviennent le groupe principal, celui qui dominait l’œuvre, qui du coup changea
de sens. Les peintres, dès la première exposition au Salon de ne s’y trompèrent pas.
Ce qui était novateur, révolutionnaire dans l’œuvre de Gros, c’était ce premier plan,
inattendu sous le pinceau du plus proche disciple de David. Ces Titans abattus,
minutieusement décrits sans fard, peints avec une manière large, éclatèrent comme
un coup de tonnerre au sein d’une peinture néoclassique.
Au premier plan, des cadavres, peints avec réalisme, sont une allusion directe aux propos
de l’Empereur. Au centre, Napoléon, que l’un des prisonniers de son armée, à genoux,
remercie pour sa bienveillance envers l’ennemi, fait partager à ses maréchaux sa détresse
de constater qu’une bataille nécessite autant de morts. À l’arrière, la topographie
du champ de bataille peint comme un vaste panorama.
Le peintre Gros fut vainqueur de ce concours. Il peignit ce tableau durant l’hiver -,
commandé par Napoléon suite à un concours ouvert en et l’exposa au Salon de .
L’Empereur, malgré ceux qui critiquaient le réalisme des figures qui ont deux fois la taille
humaine, fut satisfait, décora Gros de la légion d’honneur et en fit un baron. L’œuvre
demeura dans les collections impériales, avant d’entrer au musée du Luxembourg, puis
au musée du Louvre.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 184 H
François-Joseph HEIM
Charles X (-) fut roi de France de à . Dernier fils de Louis, Dauphin
de France, petit-fils de Louis XV, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, Charles X
était comte d’Artois avant la Révolution française. Émigré en , il devint chef du parti
royaliste en exil. À la mort de Louis XVIII, il était héritier du trône, mais son règne court
( ans) et contesté en raison de son autoritarisme se termina avec le soulèvement
de Paris et la révolte des Trois Glorieuses en juillet . Il s’exila de nouveau et mourut
en Allemagne.
Le tableau, représentant la distribution des récompenses aux artistes durant le Salon de ,
a été peint par Heim pour le Salon de . Il avait été commandé par Charles X à l’issue
du Salon de et il entra par la suite au musée du Louvre.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 185 H
Le réalisme des visages et la précision des costumes évoquent les portraits de Van Eyck
et rappellent l’origine flamande de cet artiste. Les œuvres de Jean Hey sont demeurées
longtemps anonymes, regroupées sous le nom de Maître de Moulins, en comparaison
avec le Triptyque de la Vierge en gloire entourée d’anges conservé à la cathédrale
de Moulins. On a aujourd’hui attribué l’ensemble des œuvres du Maître de Moulins
à Jean Hey, peintre d’origine flamande, auteur de l’Ecce Homo conservé au musée
des Beaux-Arts de Bruxelles et ayant travaillé en France, particulièrement dans le centre.
Ce panneau est le volet gauche d’un triptyque ou d’un diptyque. Il représente la donatrice,
qui en est la commanditaire, et Marie Madeleine, reconnaissable à son riche vêtement
et à la boîte de parfum. Elles regardent toutes deux vers le sujet principal du retable, situé
au centre du triptyque, hors du cadre de ce tableau. Marie Madeleine désigne
la donatrice, comme pour l’introduire auprès d’un personnage important représenté
sur le panneau suivant. On a souvent pensé que la donatrice représentée pourrait être
Madeleine de Laage, fille naturelle du duc de Bourgogne, Philippe le Bon (-).
Madeleine de Laage étant déjà morte en , la datation pourrait être vers ,
ce qui paraît compatible avec l’œuvre connue de Jean Hey.
Cet élément de retable, demeuré longtemps dans la famille de Laage avant de faire partie
des collections de Wurzbourg, a été acquis par le musée du Louvre en .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 186 H
Le Louvre possède les volets droit et gauche d’un triptyque dont le centre est perdu.
Le volet droit du triptyque, qui représente Anne de France, dame de Beaujeu, duchesse
de Bourbon, présentée par saint Jean l’Évangéliste , a été coupé à droite ultérieurement ;
derrière la donatrice figurait à l’origine sa fille Suzanne, âgée d’un ou deux ans
(Suzanne de Bourbon, dit Enfant en prière, donné au musée du Louvre par la Société
des Amis du Louvre en ). Volet gauche acquis par le musée du Louvre en .
Volet droit donné au musée du Louvre par Jules Maciet, en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 187 H
Le Dauphin Charles-Orlant
Panneau, , x ,
Donation Carlos de Beistegui sous réserve d’usufruit, ; entré au musée du Louvre en .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 188 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Caroline Rivière, (-), fille de Philibert Rivière, devait mourir quelque temps après
l’exposition au Salon de des trois portraits peints par Ingres d’après la famille
Rivière. L’œuvre fut apparemment la plus mûrie et conçue avec des références évidentes
à la technique du portrait de Raphaël. La figure enlevée devant un paysage, la posture
de la jeune femme, debout et à mi-corps, la facture d’une précision extrême, s’appuyant
sur un dessin précis, évoque les portraits du « dieu » d’Ingres, Raphaël.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 189 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Madame Rivière
-
Huile sur toile, x
Ingres a cassé la construction du tableau par la forme du châle de la jeune femme, qui tombe
vers le bas droit du tableau, contrariant la ligne du corps allongé vers la gauche
du tableau. L’œuvre fut souvent appelée, en raison de cette construction savante,
« la femme au châle ». La même année, Ingres avait peint, également dans un format
ovale, un autre portrait d’une aussi grande sensualité, la Belle Zélie (Rouen, musée
des Beaux-Arts).
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 190 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Philibert Rivière
-
Huile sur toile, x
Philibert Rivière (-), agent d’affaires, maître des requêtes au Conseil d’État en ,
est représenté assis à sa table de travail, posant orgueilleusement et presque souriant,
la main gauche enfoncée dans son gilet et la main droite nonchalamment posée
sur l’accoudoir de son fauteuil. La facture d’Ingres est d’une grande délicatesse et
d’un réalisme parfait, influencée par celle des portraits de son maître David.
Philibert Rivière, maître des requêtes au Conseil d’État avait commandé à Ingres un triple
portrait : lui-même, sa femme et sa fille. Exécutés en et par le jeune Ingres,
ces portraits furent exposés au Salon de . Demeurés dans la famille du modèle
jusqu’en , ils furent légués par Madame Sophie Rivière, née Robillart, belle-fille
de M. et Mme Rivière.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 191 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Peinture d’histoire, sujet antique, ordre du sublime. Ingres est bien ici l’élève de David
et du néoclassicisme. Le moment choisi est le plus propice, selon l’enseignement de
David, le moment où Œdipe va donner sa réponse au sphinx. Mais jamais David n’aurait
choisi un tel sujet qui n’est pas un exemplum virtutis . Ingres choisit bien un exemplum
mais un exemplum du destin tragique de l’homme écrasé dans un univers ténébreux
où des dieux/forces monstrueuses, la bête et le paysage, inspirent la terreur. L’Antiquité
n’est plus l’univers où règnent la vertu et la raison.
Fils du roi et de la reine de Thèbes, Laïos et Jocaste, Œdipe avait été abandonné dans
les montagnes par son père, menacé d’un complot, et il fut recueilli par des bergers,
avant d’être éduqué par le roi de Corinthe. Ayant tué par erreur son père, Œdipe devint
roi de Thèbes à sa place, après avoir découvert l’énigme du sphinx, qui terrorisait le pays.
Il épousa alors sa mère, dont il eut plusieurs enfants. Ayant découvert le parricide
et l’inceste dont il s’était rendu coupable sans le savoir, Œdipe se creva les yeux et mena
alors une vie errante accompagné de sa fille, Antigone.
Ingres a représenté le moment où Œdipe répond à l’énigme du sphinx. Ce dernier vient de lui
poser la question : « Quel est l’animal qui a quatre pieds le matin, deux le midi et trois
le soir ? » « L’homme, qui se traîne sur ses pieds enfant, marche debout à l’âge adulte et
a besoin d’un bâton durant sa vieillesse », répondit Œdipe, qui avait ainsi pu vaincre
les pouvoirs du sphinx. Le personnage à l’arrière-plan donne la tonalité, l’effroi devant
le monstre, effroi de ce qui va advenir : ou bien Œdipe se trompe et il est dévoré,
ou bien il résout l’énigme et il entre dans un cycle infernal. Il ne faut pas oublier que
ce bel éphèbe est déjà un meurtrier.
Peint durant le premier séjour d’Ingres en Italie, ce tableau fut achevé en et envoyé
de Rome à Paris, afin de prouver l’évolution et les progrès techniques de son auteur.
Retouché et sans doute agrandi en ou , il fut exposé au Salon de .
Il fut légué en par la comtesse Duchâtel, veuve de Charles Marie Tanneguy, comte
de Duchâtel, ministre de l’Intérieur sous Louis-Philippe et membre de l’Académie
des beaux-arts, qui donna son nom à une salle du musée du Louvre.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 192 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
La Baigneuse Valpinçon
Huile sur toile, x ,
Il n’est pas de critique – même ceux qui haïssaient Ingres – qui n’ait été subjugué par l’émotion
devant « cette étude de femme nue assise sur un lit, vue de dos, toute entière dans
la demi-teinte ». Au moment de l’Exposition universelle de , Ingres, demanda à
Henri de Valpinçon, propriétaire de l’œuvre, de la lui prêter pour l’exposer. Valpinçon,
ami de la famille Degas, refusa puis finit par s’y résoudre sur les incitations du jeune
Edgar Degas. Les deux hommes allèrent ensemble porter l’œuvre chez Ingres qui
encouragea le jeune homme à se consacrer à la peinture. L’œuvre dont Degas fit un dessin
fut toute sa vie présente dans sa pensée, comme l’attestent les dix pastels de l’Exposition
de . Le dos de cette femme exprime plus que son visage que nous ne faisons
qu’apercevoir.
Ce tableau de jeunesse, peint par Ingres à Rome en , durant son premier séjour en Italie,
fut acquis par le musée du Louvre en . Ingres l’avait envoyé à Paris avec Œdipe et
le Sphinx, afin de prouver ses progrès obtenus durant son séjour à Rome. Ayant
appartenu au collectionneur Valpinçon, ce tableau porte aujourd’hui le nom
de cet ancien propriétaire, bien que le musée du Louvre l’ait acheté à un autre
collectionneur célèbre du XIXe siècle, le banquier Isaac Péreire (-).
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 193 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
La Grande Odalisque
Huile sur toile, x
Une femme allongée, nue, entourée d’un précieux décor. Qu’elle s’appelle Vénus, Odalisque,
Olympia, c’est le schéma de composition inaugurée par Giorgione, repris plusieurs fois
par Titien : le corps féminin vu de face est comme couché sur un arc de cercle. Ingres
est fidèle au schéma en arc de cercle, mais la figure est de dos et laisse deviner un sein et,
comme dans un portrait, le visage se tourne vers le spectateur.
La Grande Odalisque suscite des critiques, celles des Goncourt, celles de Baudelaire, celles
de Delacroix rapportées par Maurice Denis en : « Ingres fait entrer le modèle comme
une réalité froide dans un rêve. Il a tout ensemble l’horreur de l’anatomie et le scrupule
du détail. Il est visuel avant tout ». Ingres renonce à l’illusionnisme pour privilégier
sa vision personnelle de la réalité, prise de position promise à un bel avenir. L’absence
de modelé, les couleurs froides traduisent la volonté de suggérer avant tout par la ligne.
Ingres reprend la métaphore de l’écrin : tissus précieux, fourrure, linge blanc mettent
en valeur le long corps qui occupe tout l’espace.
Ingres s’intéressa durant toute sa vie à l’étude du corps féminin. La Grande Odalisque révèle
une grande habileté dans la mise en scène du corps nu. Les critiques s’élevèrent avec
violence, contre cette forme d’abstraction. Ingres avait fait déformer le corps, afin
d’accentuer la beauté de l’élongation du dos nu. Dans l’imagerie orientale, une odalisque
était une femme vivant dans un harem. Thème favori des orientalistes du XVIIIe siècle,
l’évocation de ces femmes sensuelles et asservies devint un des motifs fréquents
des peintres de la première moitié du XIXe siècle, qu’ils soient romantiques comme
Delacroix ou néoclassiques comme Ingres. La destinée de ce thème, qui se poursuivra
jusqu’à Matisse, rencontra des tableaux aussi célèbres que l’Olympia de Manet.
Commandée par Caroline Murat, reine de Naples, comme un pendant à un nu détruit en ,
l’œuvre avait été peinte en par Ingres durant son séjour à Rome. Elle ne fut pas livrée
et fut exposée aux Salons de et de , à l’Exposition universelle de , rencontrant
à chaque fois l’indifférence, voire l’hostilité. Elle fut acquise par le musée du Louvre
en , devenant un des nus les plus célèbres du musée.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 194 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
L’œuvre, destinée à orner la salle du Trône du château de Versailles, dérouta les critiques
du Salon de par son parti pris archaïsant et ce d’autant plus qu’elle était voisine
du Radeau de la Méduse. Les critiques ne voulaient pas être ramenés au goût de
la « peinture gothique ». Vers , naît ce qu’on appelle « l’école de Cimabue » du nom
du peintre florentin (v. -v. ). Le retour aux « primitifs », c’est-à-dire à des peintres
d’avant Raphaël est alors prôné comme le meilleur remède au « rococo davidien »
(le « gréco-romain »). Ce mouvement emprunte thèmes et styles à la fin du Moyen Âge.
On disait qu’il s’agissait de la peinture « avant la science, la peinture avant l’art »,
la peinture toute pure et toute imprégnée de l’idéal des chevaliers.
Le corps bardé de fer de Roger, son armure restituée avec un souci évident d’archéologue,
s’opposent au corps d’Angélique, équivoque et sensuel. Le monstre, aux pieds
d’Angélique, un hippogriffe, est peint avec la précision d’un miniaturiste. La scène
est construite sur des oppositions brutales d’ombre et de lumière.
Le thème est relativement difficile à identifier, il est dans la lignée de saint Georges et le dragon,
de Persée et Andromède. Il s’agit en fait de Roger délivrant Angélique, sujet tiré
de l’Arioste (-), poète italien auteur du Roland furieux, épopée romanesque et
qui fut un ouvrage fournissant de nombreux sujets aux peintres du XVIe siècle. La scène
est réputée mouvementée mais ce que l’on voit ici est bien calme avec un parti pris
théâtral : les rochers « en carton pâte » et les animaux fantastiques dans la tradition
du théâtre du XVIIIe siècle.
Commandé en pour être placé en dessus-de-porte dans la salle du Trône du château
de Versailles.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 195 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Louis-François Bertin
Huile sur toile, x
Ingres connut ses plus grands succès dans le genre du portrait. Il choisit pour ceux-ci l’attitude
la plus caractéristique du sujet, celle qui exprime le mieux les habitudes et l’esprit
du modèle; ici, le bourgeois « florissant » du XIXe siècle, l’homme arrivé et bien en place
dans son fauteuil. La composition, la facture, rendent les détails caractéristiques
du modèle : l’âge est donné par les cheveux gris-blanc qui encadrent le visage, les plis
du gilet trahissent l’embonpoint, mais… la manchette gauche perturbe l’ordonnance
de l’habit riche et sévère. Le décor n’est que suggéré : lambris vert, dossier de fauteuil,
siège rouge. L’ensemble est à petites touches qui situent le personnage : l’impression
est que Monsieur Bertin écrase les touches par son poids.
Journaliste et homme d’affaires, devenu directeur du Journal des débats, Louis-François Bertin
(-), père du peintre Édouard Bertin, est représenté par Ingres avec une étonnante
concision de construction et un réalisme aigu des traits. Ingres y démontre une
compréhension lucide de la psychologie et de la position sociale de son modèle. Il a utilisé
toutes les possibilités de sa technique, lisse et réaliste, pour servir un modèle qu’il semble
apprécier passionnément et dont il fait un archétype de la classe bourgeoise au XIXe siècle
de l’époque de Louis-Philippe. Peut-être plus vériste que naturaliste ou réaliste, tout
est dit dans ce portrait : le spectateur constate, regarde mais ne peut rien projeter de
son émotion à lui. Il n’y a pas de jeu possible, tout est montré.
Ce tableau, exposé au Salon de , a été acquis par le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 196 I
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Le Bain turc
Huile sur toile, x
Dans cette ultime œuvre, Ingres reprend les recherches menées tout au long de sa vie sur
le corps féminin pris comme un motif, comme un support d’un travail sur la ligne
et l’arabesque. Le thème du bain turc n’est pas seulement le prétexte à montrer des corps
dénudés, il est la reprise de certains usages antiques : « Les Romains et les Grecs sont
à ma porte », disait Delacroix dans une lettre de Tanger le juin . En effet, la pratique
thermale marque une civilisation raffinée et luxueuse. « La grâce se venge de notre
science », écrivait toujours Delacroix au Maroc. Mais le tableau eut des détracteurs
car Ingres n’avait pas le souci du rendu anatomique et illusionniste du corps.
Reprenant le motif de la femme assise, nue et vue de dos, qu’il a déjà traité plusieurs fois,
Ingres se livre à une brillante variation sur les positions du corps féminin, dans laquelle
la ligne et la courbe constituent le premier sujet de cette œuvre d’une puissante sensualité.
Aussi bien dans le traitement pictural, d’un réalisme et d’une douceur extrême, de la chair
féminine que dans la brillante nature morte du service à thé, Ingres révèle dans cette
œuvre de sa vieillesse, loin des conventions néoclassiques que certains lui avaient
reprochées, l’aboutissement de ses recherches picturales.
Après la Baigneuse Valpinçon, peinte en , la Petite Baigneuse , datée de et la Grande
Odalisque, exposée en , Ingres achève à ans son ultime chef-d’œuvre en ,
le Bain turc. Ce tableau fut acquis en par les Amis du Louvre, avec le concours
de Maurice Fenaille, et fut donné au musée du Louvre.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR AN Ç AI SE — Œ U V R E S 197 J
Jean JOUVENET
La Descente de croix
Huile sur toile, x
Théâtral est un qualificatif souvent appliqué à l’œuvre de Jouvenet, artiste qui, pénétré
de l’art de Poussin, prit Charles Le Brun pour modèle. Pourtant, tout en conservant
le « grand goût » de ses maîtres, il rompt avec la peinture réflexive, recherche les grands
effets dramatiques, les tonalités chaudes et un certain réalisme. Grâce à lui, en cette fin
de XVIIe siècle, la peinture française dispose d’une expression picturale qui peut rivaliser
avec celle des grands maîtres étrangers baroques.
Jouvenet qui connaissait la peinture italienne ne s’est pas mis à l’école de Raphaël
et de l’Antique ou de Poussin. Si on compare l’œuvre au Portement de croix de Le Brun
(musée de Rennes), on voit que Jouvenet se situe dans le clan des rubénistes
dans la querelle du coloris. Il n’y a pas de place ici pour la méditation silencieuse
et l’artiste recherche les effets théâtraux et dramatiques. Pourtant la toile garde la sévérité
des grands tableaux d’autel du XVIIe siècle, loin des grâces des peintres de Louis XV.
Jouvenet use d’une tonalité chaude avec une pâte solidement travaillée. Il détaille
sans complaisance les corps et les visages. Le nœud de bras, de jambes et de torses autour
de la croix plantée en biais donne une puissance qui peut rivaliser avec celle des grands
baroques.
Peint pour l’autel principal de l’église des Capucines de la place Louis-le-Grand, à Paris.
Déposé à l’Académie en . Collection de l’Académie.
M U SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 198 L
Charles de LA FOSSE
Loin de la leçon religieuse, La Fosse peint ici une scène au charme sensuel. La transformation
profonde de la peinture au début du XVIIIe siècle résulte de la querelle qui opposa dans
les dernières années du XVIIe siècle, autour des noms de Rubens et de Poussin, les tenants
du coloris, autrement dit d’une peinture qui s’adresse aux sens, cherche à plaire,
aux partisans d’une peinture s’adressant à l’intellect, cherchant à instruire. Charles
de La Fosse avait fait son apprentissage chez Le Brun puis était parti en Italie où il étudia
Titien et Véronèse et se passionna, dès son retour en France pour Rubens et Van Dyck.
Son succès fut grand auprès du public et montre que les rubénistes avaient gagné.
MU SÉE D U LO UVR E , PEI NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 199 L
099925
Laurent de LA HYRE
Paysage composé en atelier, ce tableau de La Hyre révèle toutes les qualités d’équilibre,
de réalisme et de luminosité des paysages italianisants qui devinrent à la mode au
XVIIe siècle sous l’influence de Poussin et de Claude Gellée. Présentant une architecture
en ruines, déjà envahie par la nature, à droite de la composition, ce tableau montre,
dans sa partie gauche, un vaste paysage réaliste, panorama de montagnes et de rivières
peint avec une grande maîtrise de la perspective et de la lumière.
Tiré du livre de la Genèse, cet épisode de la Bible raconte l’histoire de Jacob, fils d’Isaac
et fondateur des douze tribus d’Israël, qui s’était installé dans le royaume de Laban
et avait épousé ses deux filles, Rachel et Léa. À la suite d’un désaccord avec Laban,
Jacob décida de s’enfuir, mais ayant appris sa fuite, Laban, aidé de sa fille Rachel,
chercha à récupérer les idoles familiales, symboles de richesse et de prospérité, qu’il lui
avait données. La Hyre peint l’instant précis où Laban cherche dans le coffre de voyage
de Jacob les idoles qu’il souhaite récupérer, révélant son attachement au culte païen
et le distinguant de Jacob qui est, quant à lui, près de Dieu.
Peint pour Monsieur de Palerne, receveur général des gabelles à Paris, ce tableau fut acheté par
Louis XVI et fit partie des collections royales jusqu’à la Révolution française, date de son
entrée au Muséum central des arts de la République, futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 200 L
Laurent de LA HYRE
Dans les Évangiles de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Marc, le Christ apparaît,
après sa Résurrection, à trois saintes femmes, Marie la Magdaléenne et « l’autre Marie »,
mère de Jacques, venues prier sur son tombeau. La troisième femme est tantôt Salomé,
tantôt Jeanne. Le Christ leur demande d’aller annoncer à tous qu’il est ressuscité. Dans
l’Évangile de saint Jean, seule Marie Madeleine assiste à l’apparition du Christ ressuscité.
Ce tableau d’autel avait été peint par La Hyre pour l’église du couvent des Carmélites de la rue
Saint-Jacques à Paris. Demeurée dans le couvent des Carmélites jusqu’à la Révolution
française, cette œuvre fut saisie en pour être transférée au Muséum central des arts
de la République, futur musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 201 L
Georges de LA TOUR
Saint Thomas
Vers
Huile sur toile, x
Saint Thomas est représenté plutôt âgé, tenant dans sa main la lance, qui rappelle l’agonie
du Christ – dont le côté fut transpercé par un coup de lance afin que sa mort soit
parfaitement avérée – et l’instrument de son martyre. Il tient dans son autre main
un livre, évoquant la révélation de la parole divine. Le visage du saint est crispé
et intériorisé, révélant son conflit intérieur et les difficultés de s’abandonner à la foi.
Georges de LA TOUR
Le Tricheur
Huile sur toile, x
Les peintres français ayant séjourné en Italie au début du XVIIe siècle, comme le Valentin,
ont pratiqué un art influencé par le Caravage et le baroque italien. Georges de La Tour,
dont le voyage en Italie n’a jamais été prouvé, est un des artistes qui ont subi avec le plus
de force cette influence et qui ont su régénérer le réalisme et l’expression du Caravage.
Le thème est caravagesque : le banquet galant, le jeu, le vin, la luxure, et l’enfant
prodigue. La mise en scène aussi : figures à mi-corps, géométrie des formes, simplification
des volumes. La narration se fait par le geste des mains et le jeu des regards. Le moment
choisi est le point d’équilibre entre les trois tentations, un moment suspendu.
Raffinement du coloris : la soie jaune dans le crevé du corsage prune, les broderies dorées,
les aiguillettes rouges sur la casaque grise, la grande plume orange. La gamme jaune-
rouge-orangé est d’un raffinement qui montre que ce peintre, à l’aise dans les scènes
nocturnes, avait su également trouver chez les coloristes italiens ou nordiques
des références qui ont transcendé son œuvre. Des éléments de nature morte : le verre
de vin, la fiasque, le bracelet; les accessoires, rares, donnent une valeur sans pareille
au moindre détail.
Le thème du tricheur est un des plus fréquemment utilisés par les peintres du XVIIe siècle, dans
la suite du Caravage. Prétexte à un message moralisateur, il permet de confronter un
jeune homme, innocent et imprévoyant, à quelques-uns des vices éternels de la société :
ici le jeu, le vin et la luxure. Le jeune homme regarde sottement ses cartes, sorte
d’allégorie du fils prodigue, sans observer les trois autres personnages, en train de le
perdre : la jeune courtisane, au centre, regarde la servante amenant le vin et désigne
le séduisant joueur de cartes, le tricheur, qui cache des cartes dans sa ceinture.
Georges de LA TOUR
L’œuvre demeurera longtemps méconnue et son influence sur les artistes des XVIIIe
et XIXe siècles semble difficile à démontrer. Elle représente un des meilleurs exemples
de la grande religiosité qui anima la peinture baroque française.
La splendeur du tableau provient de cet effet nocturne, animé par la lumière de la bougie,
avec lequel La Tour, poursuivant la tradition du Caravage, mène plus loin son expérience
en utilisant une source lumineuse artificielle, présente dans l’action même du tableau.
L’effet des doigts de l’Enfant Jésus traversés par la lumière de la bougie qu’il protège est
superbe, de même que le modelé contrasté du visage de Joseph et la lumière éclatante
qui semble sortir de celui du Christ, alors qu’il ne s’agit que du reflet réaliste de la bougie.
L’Enfant Jésus éclaire de sa bougie le travail de son père, charpentier, en train de planter une
vrille dans une planche de bois. Cette œuvre pleine de spiritualité, sans doute peinte
dans les dernières années de La Tour, comporte un étonnant sens de la synthèse
et de la concision. Le geste de saint Joseph est rendu avec vérité. Son visage est crispé par
l’effort et ses yeux rivés à sa tâche, tandis que Jésus est représenté sous les traits d’un
enfant sage, dont seul le regard étrange, qui semble contempler le vide, évoque le destin.
Le geste de Joseph et le bois posé au sol constituent une prémonition du supplice
de la Croix que Jésus devra endurer.
Georges de LA TOUR
L’effet de lumière, obtenu par la main de saint Joseph orientant la lueur de la bougie, accentue
encore l’intimité de cette scène. L’Enfant, endormi et emmailloté, est violemment éclairé,
tandis que les autres personnages sont dans la pénombre. Cette scène nocturne, le simple
éclairage d’une chandelle, pas de lumière surnaturelle, est la reprise du thème de Joseph
protégeant la flamme qui vacille. Une économie de moyens : suppression du décor et
des accessoires, un langage strictement géométrique abolissant l’anecdote, un coloris
réduit au service des valeurs, une construction par volumes. Pas d’expressionnisme
mais la présence des corps et des âmes.
Georges de La Tour fait appel, dans cette œuvre, à une représentation simple et naturelle
de ses personnages, qui ont tous des attitudes vraies, des visages personnalisés. Georges
de La Tour recherche clairement une approche humaniste de la scène. D’une profonde
spiritualité et d’un réalisme directement accessible, cette œuvre devient ainsi, lorsqu’elle
entre dans les collections du musée du Louvre, une des préférées du public.
Comme Saint Joseph charpentier, l’Adoration des bergers date vraisemblablement des dernières
années de La Tour, réinstallé à Lunéville après son séjour parisien. Acquis en ,
ce tableau de Georges de La Tour, alors artiste peu connu, fut le premier à entrer dans
les collections du musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 205 L
Georges de LA TOUR
La Madeleine à la veilleuse
Vers -
Huile sur toile, x
Georges de La Tour peignit plusieurs fois la figure de Marie Madeleine et celle-ci est une de ses
œuvres les plus achevées. La jeune femme, autrefois courtisane convertie par sa rencontre
avec le Christ, est absorbée dans sa rêverie religieuse. Elle regarde, sans fixer son regard
ailleurs qu’en elle-même, la lampe qui brûle devant des livres entassés, et appuie sa main
sur un crâne, symbole de la vanité des choses terrestres. L’œuvre apparaît comme une
réflexion simple et directe d’une jeune femme sur sa beauté éphémère et l’éternité
des choses célestes. La Tour a volontairement dépouillé la jeune femme de tout accessoire
afin de concentrer l’action sur l’aspect religieux de son message.
Georges de LA TOUR
Saint Sébastien, jeune officier romain converti au christianisme, fut condamné à être percé
de flèches et exécuté. Sainte Irène découvre son corps torturé et tente de le soigner avant
de pleurer sa mort. Sainte Irène tient, dans le tableau de La Tour, la torche qui éclaire
la scène et se penche vers saint Sébastien allongé, tandis que trois servantes, à l’arrière-
plan, pleurent ou rendent hommage au courage du martyr.
Cette toile de Georges de La Tour fut découverte en par Jacques Dupont dans la petite
église de Bois-Anzeray dans l’Eure. Plus tard, Jacques Dupont parvint à faire acheter par
la société des Amis du Louvre, dont il fut président, cette œuvre qui entra ainsi dans
les collections du musée du Louvre en . Un autre exemplaire de ce tableau se trouve
de nos jours conservé à Berlin.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 207 L
Portrait de Louis XV
Pastel, ,
Maurice Quentin de La Tour s’affirme comme peintre de portraits et de pastels. Son art tout
en finesse représente ses personnages plus par les détails qui les entourent que par la pose
et l’expression. Il faut dire que le travail du pastel lui a donné la réputation de ne pas
« fatiguer » ses modèles et donc de les saisir avec une certaine spontanéité.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 208 L
Autoportrait
Vers
Pastel, ,
Le peintre fit toute sa carrière dans le portrait. Diderot était un de ses défenseurs enthousiastes.
L’homme, lui, était irascible et entier. Quand il passa de mode, il se retira dans sa ville
natale, Saint-Quentin, et s’adonna aux bonnes œuvres. À sa mort, une partie de son
œuvre fut léguée à sa ville.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 209 L
Nicolas LANCRET
L’Hiver
Huile sur toile, x
L’Hiver fait partie, avec le Printemps, l’Été et l’Automne, d’une série de quatre tableaux
peints en pour le cabinet du roi au château de la Muette. Salon de . Collection
de Louis XV.
Le tableau représente bien l'œuvre de Nicolas Lancret. Un homme qui s'est spécialisé dans
la composition de petites scènes charmantes, qui souvent restent au niveau de l'anecdote.
Ici, c'est un élément des Quatre saisons qui furent composées en pour le château
de la Muette. Voici l'évocation des occupations saisonnières de la société mondaine,
de la bonne société, dont on voit les fines silhouettes animer un paysage, un paysage
d'hiver, un paysage saisonnier.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 210 L
Nicolas de LARGILLIÈRE
Charles Le Brun
Huile sur toile, x
Assis dans un fauteuil à haut dossier, Charles Le Brun (-) est drapé dans une cape.
Autour de lui, dans un savant fouillis, les témoignages de l’activité du premier peintre
du roi sont là. Depuis , la position du peintre est amoindrie par l’hostilité de Louvois
et la cabale des amis de Pierre Mignard. Le tableau est un triple hommage : le geste
s’adapte aux trois rôles de Le Brun, peintre, membre de l’Académie et homme protégé
par le roi. Le peintre montre sa peinture, le geste est celui du conférencier qui commente,
mais il désigne également Louis XIV représenté sur la peinture. N’oublions pas que
Le Brun a été nommé premier peintre du roi en et directeur des Gobelins en .
Le schéma de représentation est celui d’un modèle de stature majestueuse entouré d’accessoires
symboliques. La peinture sur le chevalet est celle de la Conquête de la Franche-Comté,
, toile conservée au musée de Versailles, en relation avec la septième composition
de la voûte de la Galerie des glaces à Versailles, l’une des compositions allégoriques
les plus attentivement élaborées du peintre. Elle figurait dans les collections de peinture
de Louis XIV et Le Brun semble avoir attaché un grand prix à cette œuvre. Les moulages
d’antiques témoignent que Le Brun est le membre fondateur de l’Académie, conférencier
faisant autorité et codificateur des règles d’un art qui allait « rayonner sur le monde ».
Nicolas de LARGILLIÈRE
Portrait de famille
Vers -
Huile sur toile, x
Charles LE BRUN
Cette œuvre parle d’elle-même par son titre, Sainte Madeleine repentante renonce à toutes
les vanités de la vie. À vrai dire, on a l’impression que le tableau suit le titre à la lettre.
Une Marie Madeleine dans l’attitude classique du repentir, les yeux tournés vers les cieux,
semble prendre Dieu à témoin de ce qu’elle abandonne : bijoux, draperies, parfums…
Les vanités du monde font un écrin à ce corps de femme qui reste sensuel, un écrin
qui met en valeur sa foi et sa décision.
Commandé peu après par l’abbé Le Camus pour l’église du couvent des Carmélites,
rue Saint-Jacques, à Paris. Saisi à la Révolution française et transféré au Muséum central
des arts de la République en , futur musée du Louvre.
M U SÉE D U LO UVR E , PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 213 L
Charles LE BRUN
Le Chancelier Séguier
Vers
Huile sur toile, x
Pierre Séguier (-), chancelier de France sous Louis XIII et Louis XIV, est le premier
protecteur de Le Brun, le faisant entrer dans l’atelier de Vouet et finançant son séjour
en Italie. Le chancelier est représenté ici en grande tenue protocolaire, à cheval et revêtu
des attributs de sa fonction, accompagné d’un riche cortège. Les vêtements de Pierre
Séguier, mais aussi des pages, sont somptueux et le désir de mettre en valeur la grandeur
du modèle est évidente à travers le réalisme et le luxe des étoffes et des accessoires.
L’œuvre est habilement construite. La forte verticalité de l’ombrelle qui abrite le chancelier
divise le tableau en deux parties, tandis que le groupe des pages, répartis en couronne
autour du chancelier Séguier anime l’œuvre.
Ce tableau, peint pour la reine mère Anne d’Autriche, est traditionnellement daté vers .
Étant resté dans la descendance du modèle, il fut acquis en , grâce aux Amis
du Louvre qui en firent don la même année au musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 214 L
Charles LE BRUN
Le Triomphe d’Alexandre.
Suite de l’Histoire d’Alexandre le Grand
Huile sur toile, x
Charles Le Brun avait choisi un grand sujet, il lui fallait trouver un style élevé, allier la gravité
et la solennité requises. Il lui fallait préserver la lisibilité nécessaire à la compréhension
de la scène tout en montrant un grand nombre de figures. Il lui fallait restituer la diversité
des temples, des vases, des armes, des instruments de musique, des costumes et des lieux
pour que chacun puisse sans difficulté identifier la scène. Il lui fallait enfin donner
l’illusion d’un cortège qui s’avance et, en même temps, l’illusion d’une ville qui se
développe en profondeur.
Alexandre, qui avait défait Darius III de Perse à la bataille d’Issos en avant J.-C., prévoyait
une nouvelle bataille pour s’emparer de Babylone. Aussi fut-il surpris de voir s’ouvrir
les portes d’une ville qui l’accueillait triomphalement. Charles le Brun représente
le moment où Alexandre, tenant dans la main gauche un sceptre surmonté d’une
Victoire, s’avance, debout dans un char traîné par deux éléphants capturés à l’armée
de Darius. Le héros, couronné de laurier, est précédé par des sonneurs de trompes perses.
À ses côtés trois hommes, auxquels un cavalier, Épheston l’ami d’Alexandre peut-être,
donne des indications, portent un vase d’orfèvrerie. À l’arrière-plan, les jardins suspendus
de Babylone et, au premier plan à gauche, la statue de Sémiramis.
M U SÉE D U LO UVR E , PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 215 L
Charles LE BRUN
Alexandre et Porus.
Suite de l’Histoire
d’Alexandre le Grand
Huile sur toile, x
Le Brun, peintre officiel de Louis XIV, chargé de mettre en scène la politique du souverain,
reçoit, en , commande d’une série de quatre grands tableaux, sorte de « poème
épique » racontant l’histoire d’Alexandre. Terminée en , cette série présente trois
batailles et un triomphe : le Passage du Granique, Alexandre et Porus, la Bataille
d’Arbelles, et le Triomphe d’Alexandre. Le Brun souhaite imposer la grandeur de son art
en se comparant, dans ce cycle ambitieux, aux plus grands artistes, comme Rubens dans
la Galerie de Médicis ou Raphaël dans l’Histoire de Constantin. La comparaison avec
les batailles peintes par les artistes de la Renaissance est également recherchée, de
la Bataille de San Romano de Paolo Ucello à la Bataille d’Anghiari, de Léonard de Vinci.
Le Brun domine parfaitement la mise en page de cette immense scène de bataille et il sait
parfaitement varier les postures de tous les soldats afin d’évoquer les différents stades
du combat. L’ensemble de la scène se déroule dans un paysage majestueux, s’ouvrant sur
des montagnes inquiétantes à gauche et une immense forêt qui se cache à droite.
Alexandre le Grand est volontairement décentré, afin d’animer la construction, mais
un effet de lumière met évidemment en valeur le personnage central.
Alexandre le Grand a atteint les frontières de l’Inde, lorsqu’il livre bataille en
avant J.-C. au roi Paurava ou Pôros, nom latinisé en Porus. Le roi indien est vaincu après
un affrontement direct avec Alexandre, affrontement que montre le tableau.
Les quatre œuvres sont exposées au Salon de , où leur taille imposante et leur construction
mouvementée provoquent l’admiration. L’allusion à la grandeur du règne de Louis XIV,
lui aussi grand conquérant et monarque puissant, est évidente et l’enjeu politique
clairement posé. Les quatre œuvres, exécutées par la suite en tapisserie, faisaient partie
des collections de Louis XIV. Demeurées depuis lors dans les collections royales,
ces œuvres sont entrées au Muséum central des arts de la République en ,
futur musée du Louvre. La force de ces quatre œuvres est une preuve du talent de Le Brun
et explique la fascination qu’il exercera sur les artistes romantiques, tels Horace Vernet
ou Eugène Delacroix.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 216 L
Charles LE BRUN
Avec cette dernière toile, Le Brun aborde une nouvelle manière où la méditation prend le pas
sur les grandes décorations de Versailles. Le motif principal de l’œuvre a été repris dans la
toile que Le Brun, pressentant sa fin, peignit pour sa femme en gage d’affection.
Elle est également conservée au musée du Louvre. Le langage pictural de Le Brun est fixé
depuis longtemps mais ici l’émotion est différente : la multiplicité des sources de lumière,
les phylactères déployés qui servent de liaison entre le ciel et la terre sont sans précédent
dans l’œuvre du peintre.
Charles LE BRUN
Le Brun exécuta une Élévation de croix en moins de trois mois. Les amis de Pierre Mignard,
dépités, voulurent alors priver Le Brun des besognes « secondaires » c’est-à-dire
les ouvrages décoratifs faits pour Louis XIV. Le Brun, pour rappeler la faveur royale,
entreprit de faire une suite à son tableau : le Portement de croix, l’Entrée à Jérusalem,
l’Adoration des bergers.
Cette œuvre fait partie d’une série sur la vie du Christ entreprise par Le Brun
dans des conditions particulières. Seignelay avait fait cadeau au roi Louis XIV
d’un Portement de croix de Mignard qui fut monté aux nues sous l’effet d’une cabale
des amis de Mignard contre Le Brun. Louis XIV demanda à Le Brun de lui faire
un tableau pour faire taire la cabale sur le sujet qu’il voudrait.
Il mourut alors qu’il ébauchait la Cène et l’Adoration des Mages. On pense qu’il songeait à une
suite de sept œuvres sur la vie du Christ, à l’image des Sept Sacrements de Poussin.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AI SE — Œ U V R E S 218 L
François LE MOYNE
Hercule et Omphale
Huile sur toile, x
L’oracle d’Apollon avait conseillé à Hercule, cherchant à expier le meurtre d’un de ses amis,
de se mettre au service de la reine de Lydie, Omphale. Celle-ci imposa au héros,
fils de Zeus réputé pour sa force invincible, quelques épreuves destinées à expier
son crime. Séduite par sa force et sa beauté, la reine Omphale épousa Hercule. Ce thème
de la mythologie grecque et romaine a connu de nombreuses variantes, et a beaucoup
inspiré la peinture maniériste en Italie et en France, ainsi que la peinture des artistes
vénitiens, qui influença Le Moyne. Notons que François Boucher traita lui aussi
cette scène d’amour entre Hercule et la reine de Lydie.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 219 L
Mathieu LE NAIN
Allégorie de la Victoire
Vers
Huile sur toile, x
L’interprétation du sujet est difficile et fait songer aux difficultés rencontrées pour donner
du sens aux allégories maniéristes de la galerie du château de Fontainebleau. Tenant une
palme à la main droite, une figure casquée et ailée foule aux pieds une figure renversée
à terre dont les jambes se terminent en queue de serpent. La figure ailée représente
peut-être la Victoire, mais cette identification ne rend pas compte du geste de la femme
pressant son sein droit, motif évoquant la Charité. La queue de serpent qui termine les
jambes de l’autre figure incline à l’identifier comme une représentation de la Tromperie,
de l’Intrigue ou peut-être de la Rébellion.
Peintres des intérieurs paysans sombres, permettant des effets caravagesques, les frères Le Nain,
ici vraisemblablement Louis et Antoine, ont également représenté fréquemment des vues
paysannes en extérieur. La Charrette est un des meilleurs exemples de cette veine,
dans laquelle ils ont su conserver leur traitement réaliste des accessoires et des
architectures, ainsi que le cadre de vie des paysans de leur époque. Perdant en grandeur
et en intimité par rapport aux vues d’intérieur, cette œuvre dégage une fraîcheur et une
vérité étonnantes, provenant à la fois de la clarté de la palette et de la simplicité
de la composition.
Au groupe debout, à gauche, répond un autre groupe, à droite, assis sur la charrette,
l’œuvre étant équilibrée, en bas à droite, par la figure assise de la mère tenant son enfant.
La vérité des costumes et des accessoires de la scène est rendue par une touche tantôt
discrète et fondue, tantôt épaisse et visible, en fonction du matériau à imiter.
Cette œuvre fut léguée au musée du Louvre en par le vicomte de Saint-Albin,
qui fut bibliothécaire et ami de l’impératrice Eugénie. L’œuvre est datée de ,
quelques années seulement avant la mort de Louis et d’Antoine, qui allait clore
la collaboration des trois frères.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 222 L
Repas de paysans
Huile sur toile, x
Morceau de virtuosité technique, cette œuvre est un résumé du réalisme des frères Le Nain.
Le panier à terre, le chaudron sous la table, la miche de pain ou le verre de vin sont autant
de petites natures mortes d’une éblouissante facture. Le modelé des visages, tous peints
avec de forts contrastes, en raison du clair-obscur de la scène, nous questionne.
La lumière qui éclaire les personnages vient de droite, alors qu’un feu de cheminée éclaire
l’arrière de la salle à gauche, et qu’en général la lumière des tableaux vient de gauche.
Acquis en grâce au legs d’Arthur Pernolet, ingénieur et homme politique français.
Ce portrait de groupe de paysans est une des œuvres les plus célèbres des frères Le Nain.
M U SÉE D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 224 L
Eustache LE SUEUR
Eustache LE SUEUR
Le Sueur cherche très clairement à conter les divers épisodes de la vie de saint Bruno d’une
manière très simple et il épure le récit, ne retenant que des groupes de personnages
essentiels. Il évite le trop grand nombre de détails et souhaite concentrer toute l’action
sur le personnage central du saint. L’idéalisation des visages et des postures participe de
la grande spiritualité de cette série. Par ailleurs c’est un des meilleurs exemples des talents
de Le Sueur comme coloriste, qui sait utiliser des bleus profonds et des rouges intenses.
Saint Bruno (-), le fondateur de l’ordre des Chartreux, est canonisé quelques années
auparavant, en , et les moines, qui pratiquent la règle sévère du saint, souhaitent
célébrer tous les moments marquants de sa vie spirituelle, ainsi que ses premiers miracles.
Dans cette œuvre, saint Bruno est d’ailleurs présenté en train d’accomplir un des actes
forts de son ministère et de son enseignement : la fondation d’un monastère de moines
chartreux, qui vont s’organiser autour de la règle qu’il a définie.
La réalisation de la série des vingt-deux tableaux de la Vie de saint Bruno pour le couvent
des chartreux de Paris a marqué le début de la notoriété de Le Sueur. Commandée
en , la série est rapidement exécutée en , grâce à la participation indispensable
de son atelier. Elle ornera le petit cloître du couvent et y demeurera jusqu’en où
le comte d’Angiviller prend l’initiative de la sauver en la faisant acquérir pour la collection
de Louis XVI.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 226 L
Eustache LE SUEUR
Avec le retour d’Italie de Jacques Stella puis de Nicolas Poussin, la conception d’une peinture
fondée sur la réflexion, la mesure et la règle se fait jour en réaction au style brillant
de Simon Vouet. La Prédication de saint Paul d’Eustache Le Sueur, influencée
par les cartons de la Tenture des Apôtres de Raphaël, est un exemple de ce parti pris
de clarté, de formes massives immédiatement lisibles et d’une expression des émotions
qui élève les protagonistes du récit au statut d’archétypes.
Le sujet est tiré du Nouveau Testament, Actes des Apôtres, chapitre . Paul vint à Éphèse
et y prêcha d’abord dans la synagogue puis dans une école « de sorte que tous ceux
qui demeuraient en Asie, tant Juifs que Gentils, ouïrent la Parole de Dieu » verset .
Après la confusion de deux exorcistes, de nombreux fidèles vinrent avouer leurs fautes
et « beaucoup, aussi de ceux qui avaient exercé les arts, apportèrent leurs livres et les
brûlèrent devant tout le monde ».
Un grand tableau religieux commandé par la corporation des orfèvres pour le may de
Notre-Dame en . Solennellement offertes, chaque année, ces grandes toiles
religieuses étaient exposées au public et commentées par tous. Les jeunes peintres
s’en servirent souvent pour tenter d’imposer leurs idées en peinture. Saisi à la Révolution
française en et transféré au Muséum central des arts de la République, futur
musée du Louvre.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 227 L
Eustache LE SUEUR
Réunion d’amis
Vers
Huile sur panneau, x
Fils d’un tourneur sur bois, Le Sueur reçoit une formation solide et classique, tout en étant
initié vers par son professeur Simon Vouet aux recherches chromatiques et
à l’expression de l’art baroque italien. Il participe en 1648 à la fondation de l’Académie
royale de peinture et de sculpture. L’œuvre, ici, allie les motifs caravagesques à une mise
en couleur et en lumière de type classique.
Commandé par Anne de Chambré, trésorier des guerres. Collection de Louis XVI, entré
avant .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 228 L
Eustache LE SUEUR
La scène est présentée dans un ravissant paysage, intime et réaliste, et les trois Muses sont
groupées au centre. Le raffinement des couleurs est ici évident, jaune, rose et bleu pour
les trois robes des Muses, couleurs qui répondent avec le vert des feuillages et le gris-bleu
du ciel. Le Sueur présente ici comme un hommage à la peinture maniériste italienne.
Dans la mythologie, les neuf Muses, filles de Zeus et de Mnémosyne (la mémoire), évoquent
les différents thèmes de la création artistique : Clio l’histoire, Euterpe la musique,
Thalie la comédie, Melpomène la tragédie, Terpsichore la danse, Érato l’élégie, Polymnie
la poésie lyrique, Uranie l’astronomie et Calliope la poésie épique et l’éloquence.
C’est Apollon, qui conduit leur cortège et inspire leurs travaux. Un autre tableau,
Melpomène, Érato et Polymnie, constitue un pendant à celui-ci et la décoration de
la chambre dite « des Muses » de l’hôtel Lambert comprenait également une
représentation d’Uranie, de Terpsichore et de Calliope traitées isolément. Le plafond était
décoré par la scène de Phaéton demandant à Apollon la conduite du char du soleil.
Cette composition colorée et élégante ornait, en compagnie de quatre autres tableaux peints
vers par Le Sueur, la chambre des Muses, pièce de l’hôtel de Lambert de Thorigny,
président de la Cour des comptes pour lequel Le Sueur – entre autres artistes –
a beaucoup travaillé. Cet hôtel, situé dans l’île Saint-Louis et bâti par Le Vau, comportait
de nombreuses décorations et Le Sueur, hormis cette série pour la chambre des Muses,
intervint également dans le cabinet de l’Amour, autre ensemble décoratif célèbre.
La chambre des Muses et le cabinet de l’Amour furent sauvés par le comte d’Angiviller
en , qui les fit entrer dans les collections royales.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 229 L
Eustache LE SUEUR
Melpomène, Érato et Polymnie . Trois Muses encore et toujours le même principe : construire
un décor plutôt que faire une œuvre.
Cette composition colorée et élégante ornait, en compagnie de quatre autres tableaux peints
vers par Le Sueur, la chambre des Muses, pièce de l’hôtel de Lambert de Thorigny,
président de la Cour des comptes pour lequel Le Sueur – entre autres artistes –
a beaucoup travaillé. Cet hôtel, situé dans l’île Saint-Louis et bâti par Le Vau, comportait
de nombreuses décorations et Le Sueur, hormis cette série pour la chambre des Muses,
intervint également dans le cabinet de l’Amour, autre ensemble décoratif célèbre.
La chambre des Muses et le cabinet de l’Amour furent sauvés par le comte d’Angiviller
en , qui les fit entrer dans les collections royales.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 230 L
Josse LIEFERINXE
L’Adoration de l’Enfant
Vers
Panneau, , x ,
Fragment d’un compartiment de volet d’un retable de la Vie de la Vierge. Trois autres panneaux
sont connus de nos jours, dont : le Mariage de la Vierge, musées royaux des Beaux-Arts,
Bruxelles ; et l’Annonciation et la Circoncision, musée du Petit-Palais, Avignon.
Cette œuvre a fait partie des collections du musée de Cluny, avant d’être transférée
au musée du Louvre en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 231 L
Josse LIEFERINXE
Le Calvaire
Vers
Panneau, x
Ce tableau constitue un des derniers exemples de l’école provençale, qui s’était groupée
à Aix-en-Provence, autour de la personnalité raffinée du roi René Ier le Bon (-),
mécène et poète.
Encore nettement marquée par l’art nordique, cette scène de Crucifixion est caractérisée par un
sens de l’équilibre maîtrisé. Les figures de la Vierge et de saint Jean, agenouillés au pied
de la croix, stabilisent la composition, tandis que le corps du Christ occupe le centre
de l’œuvre, séparant la surface picturale en deux parties égales. Au fond, un paysage
réaliste avec un château, un village, une rivière et des montagnes renforce encore
la simplicité de la composition.
Cette Crucifixion, qui formait probablement l’élément central d’un retable, a été acquise
par le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 232 L
Jacques LINARD
Les quatre éléments, le feu, l’air, la terre, l’eau se combinent ici aux cinq sens dans leur
manifestation. C’est à une véritable anatomie des relations au monde que nous convie
l’artiste. C’est aussi à une nature morte qui se rapproche d’un cabinet de curiosité
qu’il confie notre réflexion de manière presque encyclopédique.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 233 M
Jean MALOUEL
Des armoiries peintes à l’arrière du tableau permettent de penser que cette Pietà a pu être
peinte pour le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (-) par Jean Malouel,
un artiste ayant travaillé pour la cour de Bourgogne de à . Sans doute originaire
des environs de Nimègue, oncle des frères de Limbourg, Jean Malouel, après avoir
travaillé pour Isabeau de Bavière (-), devint peintre en titre des ducs
de Bourgogne et travailla alors pour orner la chartreuse de Champmol près de Dijon,
véritable nécropole des Valois de Bourgogne, tels les peintres Henri Bellechose, Melchior
Broederlam, Jean de Beaumetz ou le sculpteur Claus Slutter. Ce tableau, acheté par
le musée du Louvre en , est une de ses rares œuvres connues.
Le format rond de cette œuvre a obligé l’artiste à resserrer ses groupes de personnages
et à concentrer l’action sur le groupe principal, constitué de Dieu, du Christ, de la Vierge
et de saint Jean. D’une grande expression – chaque personnage évoquant un sentiment
différent – cette œuvre est subtilement colorée, le rouge du manteau de saint Jean
se retrouvant dans les vêtements des anges, tandis que les bleus du manteau de la Vierge
et de celui de Dieu se répondent malgré un volontaire décalage chromatique.
Le Christ mort est soutenu par des anges et par Dieu, tandis que d’autres anges animent
l’arrière-plan par des physionomies diverses évoquant la souffrance et le désespoir.
La Vierge s’accroche au corps abandonné de son fils, tandis que saint Jean regarde la scène
avec tristesse. La Pietà est aussi une représentation de la Sainte-Trinité, avec le Saint-
Esprit, Dieu le Père et son Fils qu’il soutient dans ses bras.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 234 M
Charles MELLIN
La Charité romaine
Vers -
Huile sur toile, x
La structure rigoureuse de la mise en page donne à cette œuvre son aspect classique tandis que
les jeux de lumière et la focalisation sur les visages nous plongent dans l’art baroque de
la Rome du milieu du XVIIe siècle.
Cimon, un vieillard a été mis en prison. Il est condamné à mourir de faim. Sa fille Pero lui rend
quotidiennement visite et le nourrit au sein. Cette légende que l’on connaît sous le nom
de Charité romaine ou Caritas, va devenir un modèle dans les représentations chrétiennes
et les allégories de la charité. Ici la scène est loin d’être allégorique. Elle est représentée
avec réalisme, jusque dans le regard de la fille qui se détourne de son père et dans celui
affamé du vieil homme. Alain Tapié a noté à propos de la Charité romaine de Mellin :
« Bien au-delà d’une anecdote sur la piété filiale, la vertu de Charité s’exprime
par une triple œuvre de miséricorde : vêtir, nourrir et protéger. »
Acquis par le musée du Louvre en . Ce tableau est le second original de l’artiste, le premier
se trouvant au musée d’Art et d’Histoire à Genève.
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 235 M
Achille-Etna MICHALLON
Inspiré de… Ces mots désignent sans ambiguïté que l’œuvre fut exécutée à l’atelier, d’après
une première « impression » qui donna peut-être lieu à une étude ou à des dessins.
Rien n’est laissé ici au hasard : l’étagement des deux terrasses reliées par un écran végétal,
les collines jusqu’à l’infini de l’horizon, l’arbre qui se découpe sur le ciel, la fabrique,
la danse de paysans. Corot ne s’y est pas trompé en copiant cette œuvre dont l’auteur
fut son maître en , l’année de ce paysage. Michallon montre son désir de régénérer
le paysage classique par le recours au réalisme, par sa propre expérience de la peinture
en plein air.
Ce tableau a été exposé au Salon de , année de sa mort, par Achille-Etna Michallon, qui
montrait ainsi sa dernière grande composition. Il fut acquis par l’État à l’issue du Salon.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 236 M
Pierre MIGNARD
La Vierge à la grappe
Vers
Huile sur toile, x
Cette œuvre est l’exemple même de ces fameuses madones, images de dévotion si recherchées
et si célèbres qu’on les a appelées les « Mignardes ». Le succès de ces œuvres vient de ce
qu’elles s’accordaient à la dévotion du Grand Siècle finissant, celle que l’on retrouve dans
l’Esther de Racine.
La fraîcheur des couleurs, l’opposition entre le bleu et le rouge des vêtements de la Vierge
et la simplicité quotidienne de la scène – une mère tend à son fils une grappe de raisin –
rappelle Raphaël, tandis que la nature morte de la corbeille aux fruits montre que
Mignard avait assimilé la précision des artistes flamands et hollandais. Cette Vierge n’est
pas trop maniérée, la correction précieuse du dessin est adoucie par un sfumato qui ravit
les contemporains.
Le thème est celui de la Vierge-mère toute de douceur qui joue avec l’Enfant. La présence
de la grappe de raisin, symbole du sang du Christ, perd son côté tragique pour devenir
un objet attendrissant, un objet intime.
Sans doute peint par Mignard au début de sa carrière, vers -, alors qu’il n’est pas
encore peintre du roi, cette œuvre faisait partie des collections de Louis XIV et demeura
dans les collections royales durant tout le XVIIIe siècle.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 237 M
Pierre MIGNARD
La Délivrance d’Andromède
Huile sur toile, x
Tenu à l’écart des commandes royales jusque vers , Mignard occupait, depuis son retour
à Paris en , une position marginale quoique brillante puisqu’il était soutenu par des
grands esprits de l’époque comme Molière, Racine, Boileau, La Rochefoucauld
ou Madame de Sévigné et par des personnages de haut rang comme le prince de Condé
pour qui fut peint ce tableau en . Le mouvement de la composition en frise
est pondéré. Le coloris acide et brillant rappelle celui des peintres bolonais.
Dans cette peinture d’histoire, on peut apprécier la différence entre Mignard et Le Brun.
Le peintre met au centre du tableau les remerciements des parents d’Andromède et non
le moment héroïque de la délivrance.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 238 M
Pierre MIGNARD
On peut dire que ce portrait est en quelque sorte le pendant de celui de Charles Le Brun
par Largillière. Il illustre l’ambition de Mignard qui, dès son retour à Paris, entre en lutte
ouverte avec Le Brun. Mignard se présente comme un artiste au sommet de sa gloire,
évoquant ses dons et ses travaux les plus fameux. À la mort de Charles Le Brun, Pierre
Mignard revêt toutes les fonctions et dignités de ce dernier mais n’en jouira que cinq ans.
Pierre Mignard, déjà âgé et reconnu, s’est représenté en , assis dans son cabinet de travail,
au milieu des objets servant à son métier et d’accessoires rappelant sa fonction de peintre.
La noblesse de la posture et la richesse de son vêtement ne font pas oublier le réalisme
des objets posés à terre ou sur la table et la noblesse de son geste de créateur.
Conservé par Pierre Mignard dans son atelier, durant toute sa carrière, cet autoportrait
fut donné par sa fille, la comtesse de Feuquières, à l’Académie royale de peinture
et de sculpture en , un an après la mort de Mignard. Demeuré dans les collections
de l’Académie, il entra au Muséum central des arts de la République à la Révolution
française en , futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 239 M
Jean-François MILLET
Un Vanneur
Huile sur toile, x
Comme bien des artistes de son époque, Jean-François Millet est bouleversé par les évènements
de . À partir de ce moment, il donne la place centrale aux hommes du peuple, héros
de la Révolution. Millet, comme Géricault, contemporain du triomphe du romantisme,
revendique, comme les romantiques, la liberté dans l’art, milite pour plus de sincérité
et refuse de prendre pour sujet autre chose que ce qu’il voit.
Pour bien comprendre Millet, il ne faut pas oublier que la France, à son époque, est aux trois
quarts rurale : un peuple de paysans et de travailleurs en campagne. Les ouvriers urbains
eux-mêmes ont encore de très fortes attaches campagnardes. Il y a dans la peinture
française une tradition de la représentation de la vie du peuple, et ces peintres de
la nouvelle peinture qu’on appellera plus tard réalistes voient dans les frères Le Nain
« les peintres des pauvres gens ».
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 240 M
2280861C. PIC
Jean-François MILLET
Le Fendeur de bois
Huile sur panneau, ,
Louise MOILLON
En apparence, l’œuvre combine une scène de genre et une nature morte. La scène de genre
correspondrait à la première partie du titre : « la marchande… » et la nature morte
à la seconde « fruits et légumes… » En fait nous sommes devant ce qu’on appelait
à cette époque une scène de boutique; une scène où les figures humaines ont autant
d’importance que les fruits, les légumes, les poissons ou les viandes. C’est Joachim
Bueckelaer (vers -vers ) qui fut un des fondateurs du genre. Un fond uni sur
lequel est suspendue une étagère, deux tables, des légumes, des fruits et un chat couché.
Cette scène de la vie quotidienne n’est pas l’unique propos de l’œuvre.
La composition est un collage de trois morceaux : une nature morte de fruits vue en plongée
au premier plan à gauche, une nature morte de légumes à droite, une scène anecdotique.
La facture est méticuleuse et l’exécution précise détache chaque objet sous une lumière
uniforme avec une attention portée à la matière. Il y a dans cette œuvre un parti pris
d’archaïsme. Les paniers sont disposés en échiquier sur la table vue en contre-plongée.
Une grappe de raisin et une pelure de pomme rappellent le leitmotiv des natures mortes
flamandes et animent la surface lisse du plateau-échiquier.
Que dit l’anecdote? Une dame de qualité, une pomme à la main, soulève le couvercle de
feuilles recouvrant des abricots dans une corbeille que lui tend une femme de condition
humble, la « marchande » au regard perdu dans une méditation intérieure. Derrière elle,
un chat derrière un potiron guette le spectateur. Au-delà des apparences, il y a une scène
symbolique dont les abricots sont la clef. La dame dévoile les abricots, symbole du sexe
féminin, elle tient la pomme du péché. Le chat qui voit la nuit veille et guette.
La marchande, elle, voit mentalement ce qui va advenir après le dévoilement des abricots.
Cette nature morte de Louise Moillon, aujourd’hui la plus célèbre femme peintre française
travaillant à Paris au XVIIe siècle et appartenant à une importante famille de peintres
protestants, a été acquise par le musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 242 M
Louise MOILLON
Cette nature morte de Louise Moillon, aujourd’hui la plus célèbre femme peintre française
travaillant à Paris au XVIIe siècle, a été acquise par le musée du Louvre en .
Quelque peu archaïque dans sa composition, cette nature morte, peinte dans l’esprit
des natures mortes flamandes, présente cependant un dépouillement et un sens de la mise
en scène qui en font un des exemples les plus réussis de ce genre dans la peinture française
du XVIIe siècle.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 243 N
Jean-Marc NATTIER
La Comtesse Tessin
Huile sur toile, x
Le tableau est construit à partir du trompe-l’œil que constitue cette forme ovale de laquelle
la jeune femme surgit, s’appuyant sur le bord du cadre. Ce portrait de la Comtesse Tessin
se caractérise surtout par une fraîcheur des couleurs, associée à la simplicité de la posture
du modèle.
Ce portrait fut légué au musée du Louvre en par le docteur Achille Malécot (-),
médecin parisien et collectionneur qui légua également le Déjeuner de François Boucher.
M U SÉE D U LO UVR E , PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 244 O
Jean-Baptiste OUDRY
D’un grand dépouillement, ce « retour de chasse » est traité de manière presque abstraite
par Oudry, qui a groupé sur une étagère en bois, sans noblesse, un faisan, un lièvre et
une perdrix rouge, formant une étrange verticale très composée. Cette nature morte,
d’une grande théâtralité, révèle une réelle force expressive apportée par l’unité et la pureté
des éléments mis en place.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ A ISE — Œ U V R E S 245 P
François PERRIER
Au cours de son périple qui le conduisit de Troie détruite au Latium, Énée eut à combattre
divers ennemis et à franchir maints obstacles. Il combattit entre autres les Harpies,
ces femmes ailées à la belle chevelure, impossibles à rassasier.
Peint vers - pour le cabinet de l’Amour dans l’hôtel du président Nicolas Lambert
de Thorigny à Paris. Collection de Louis XVI, acquis en .
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 246 P
Nicolas POUSSIN
L’Inspiration du poète
Vers
Huile sur toile, x
L’œuvre représente un Parnasse, c’est-à-dire l’assemblée des Muses réunies autour d’Apollon,
le dieu de la lumière, de la beauté et des arts. Dans la mythologie antique, cette assemblée
se tenait sur le Parnasse, lieu sacré dédié aux Beaux-Arts. La mise en scène par Poussin
de cette scène mythologique se situe dans une tradition antique, rénovée durant
la Renaissance italienne, et dont une des principales représentations demeure celle que
peignit Raphaël dans l’une des « Chambres » du Vatican.
À la différence de Raphaël, Poussin ne peint pas une contemplation mais une action, l’acte
même de naissance du poème, résultat de l’invocation à Apollon et à la Muse Calliope.
Au centre du tableau, la lyre, une lyre étrange, sans cordes, sur laquelle s’appuie Apollon.
Autour de la lyre tout est arrêté, suspendu : la plume, le geste d’Apollon, la Muse.
Cette œuvre, tournant dans la création de Poussin, est caractérisée par la composition
cadencée sous l’apparente immobilité des figures. La rigueur de la mise en page, inspirée
des reliefs antiques, se combine à une forte présence plastique des figures, elles aussi
inspirées de la sculpture antique mais colorées comme chez Titien.
Apollon, situé au centre de l’œuvre, assis et tenant sa lyre, dicte son inspiration au poète.
Apollon est représenté dans la tradition de la Renaissance, avec ses attributs traditionnels,
la lyre et la couronne de lauriers. On considère traditionnellement que le personnage
féminin, à gauche de l’œuvre, est Calliope, Muse de la Poésie épique et de l’Éloquence,
qui surveille la scène avec bienveillance. On a parfois considéré que le poète, symbole
du créateur et de l’artiste, pouvait être Virgile. Recevant la dictée d’Apollon, qui inspire
son œuvre, il regarde vers le ciel tandis qu’un amour dépose sur sa tête une couronne
de lauriers. Remarquons qu’il s’agit d’un jeune homme dont la physionomie,
volontairement féminine, rappelle celle d’Apollon lui-même.
Ce tableau fut un des derniers tableaux de Poussin à être entré au musée du Louvre, en ,
grâce aux arrérages du legs Audéoud. L’Inspiration du poète a fait partie de la collection
du cardinal Mazarin (-), puis de la collection du marquis de Lassay, avant
de passer dans des collections anglaises, comme celle de Thomas Hope. Sa date a été
beaucoup discutée, certains historiens d’art la situent dans la première partie de la carrière
de Poussin, vers , d’autres plus tard, jusqu’en . Elle était dans tous les cas déjà
dans la collection du cardinal Mazarin en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 247 P
Nicolas POUSSIN
L’Enfance de Bacchus
Vers
Huile sur toile, x
L’enfance de Bacchus a été mouvementée. Sa mère, Sémélé, qui l’a conçu avec Jupiter,
meurt foudroyée à la vue de son amant. Il faudra que le dieu couse l’enfant dans sa cuisse
pour qu’il puisse arriver à terme. Il est alors élevé par des parents adoptifs, dont la sœur
de Sémélé. Ces derniers sont rendus fous par Junon jalouse. Ce sont alors des nymphes
qui prennent en charge l’enfant. Il sera élevé dans le monde de la nature, des nymphes
et des satyres. Il en gardera son caractère agreste et une certaine ivresse de la vie.
Nicolas POUSSIN
L’œuvre s’inscrit dans ce qu’on appelle le néo-vénitianisme. Elle fit l’objet d’une conférence
prononcée à l’Académie royale de peinture et de sculpture par Jean-Baptiste
de Champaigne, le mars . L’influence vénitienne se marque par une gamme de
couleurs chaudes, orange, rouge, et un sujet sensuel, musique, danse, vin, amour, jeu,
sommeil. Mais on y trouve une influence de l’Antique se traduisant par la composition
en frise.
Le thème est celui des Bacchanales et des Andriens : l’île d’Andros, grâce à Bacchus, était riche
en vin qui coulait à flot, mais les habitants en faisaient bon usage. Bacchus est couché
à gauche sur un lit de grappes de raisins.
Nicolas POUSSIN
La Peste d’Asdod
-
Huile sur toile, x
Avec cette œuvre nous sommes dans le classicisme de Poussin, celui des années -.
Il se marque par une volonté de redonner vie à la statuaire antique et par une très forte
tension entre le dessin contrôlé des formes et les possibilités expressives du coloris.
Le tableau fait l’objet d’une conférence de Jean-Baptiste de Champaigne à l’Académie
royale, le er mars . C’est une sorte de manifeste, avec l’Empire de Flore du musée
de Dresde, de l’art renouvelé.
Le point de fuite centré, la rigueur de la perspective, la mise en scène dans un décor inspiré
de Vitruve et de Serlio renouent avec les modèles de la Renaissance classique
et ordonnent tout un système de signes de reconnaissance, de citations habilement
rapprochées. Le discours lié et hiérarchisé est soumis à une harmonie générale à laquelle
contribuent lignes, attitudes, coloris, lumière faible et teintes sombres.
Le sujet est tiré de Samuel I, V, -. Le récit inclut une dimension morale : le drame
de l’homme frappé par la colère divine. On remarque une grande fidélité au récit et pour
la première fois dans l’œuvre de Poussin une étude réussie des affetti.
Nicolas POUSSIN
Peint pour Paul Fréart de Chantelou entre et . Collection de Louis XIV, entré en
ou peu après, provenant de la collection du surintendant des Finances Nicolas Fouquet
(-).
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 251 P
Nicolas POUSSIN
Cette scène de l’Ancien Testament, représentée dans un calme paysage composé, révèle toute
l’habileté de Poussin à régénérer la peinture religieuse, en idéalisant les relations entre
les personnages et en intellectualisant le rapport entre la figure humaine et la nature.
Poussin a subtilement groupé ses personnages à l’avant plan, posant comme sur une scène
de théâtre. Le groupe est dominé par les figures de la fille de Pharaon et d’une de
ses suivantes, hors de l’eau.
Moïse, personnage de l’Ancien Testament, est le libérateur du peuple juif, qu’il parvint à faire
échapper d’Égypte et à emmener vers la Terre promise. Rapportés dans la Bible dans
le livre de l’Exode, les divers évènements de la vie de Moïse en ont fait le premier
unificateur du peuple juif, le fondateur de la loi juive (la Torah), qu’il aurait reçu
directement de la révélation divine. Le paysage serait une vue du Tibre, située non loin de
Rome, au Nord de la ville, où le peintre avait l’habitude, d’après les témoignages proches
de la légende, de chercher l’inspiration. Ce lieu, appelé depuis lors « la Promenade
du Poussin », sera peint par la suite par des artistes de passage à Rome, à commencer
par Corot entre et . Poussin a soigné l’arrière-plan, comme ce pont ou
cette pyramide, sans doute celle de Cestius.
Ayant fait partie de la collection de l’architecte des jardins royaux de Louis XIV,
André Le Nôtre (-), qui travailla à Vaux-le-Vicomte, Sceaux et Versailles,
cette œuvre fut donnée par Le Nôtre au roi en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 252 P
Nicolas POUSSIN
La scène est composée en cercle, au centre du tableau. Un paysage idéal, composé autour
de deux points de fuite situés à gauche et à droite, crée une impression d’espace infini,
qui évoque bien sûr le pays idyllique qu’en a fait la tradition poétique. Poussin a
parfaitement posé ici sa conception intellectuelle et philosophique de la peinture, dans
laquelle l’œil du spectateur doit être subtilement guidé par le peintre vers un message
philosophique fort.
Poussin a groupé trois bergers et une jeune femme autour d’une stèle qui porte l’inscription
« Et in Arcadia Ego » c’est-à-dire « Même en Arcadie, Moi (la Mort), je suis ».
L’Arcadie est une région de la Grèce antique dont les légendes ont fait un pays idyllique.
Ainsi le groupe de bergers se trouve dramatiquement confronté à l’omniprésence
de la Mort, au sein même du bonheur humain le plus parfait.
Ayant sans doute appartenu à un ingénieur du roi, Henri Avice, l’œuvre fut cependant acquise
par les représentants de Louis XIV sur le marché de l’art. On a longtemps prétendu,
sans qu’aucune preuve ne vienne confirmer cette thèse, que Poussin avait reçu
la commande et l’idée de ce tableau symbolique du cardinal romain Rospigliosi.
Un tableau du Guerchin, alors visible dans la collection de la famille Barberini,
a pu d’ailleurs servir d’exemple à Poussin. Le tableau aurait été peint par Poussin
vers , avant son départ pour l’Italie.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 253 P
Nicolas POUSSIN
Cet épisode légendaire de l’histoire romaine est celui de l’enlèvement des Sabines. Peu de temps
après la fondation de leur ville, les Romains, à la fois militaires et célibataires, étaient
à la recherche d’épouses, afin de renforcer l’installation de leur cité. Ils profitèrent d’une
fête donnée en l’honneur des habitants de l’une des villes voisines, les Sabins, pour tenter
d’enlever leurs femmes. Poussin représente l’instant précis de l’enlèvement : les Romains
se sont jetés sur les Sabines et chaque soldat essaie de s’emparer d’une femme.
Ce tableau a sans doute été peint par Poussin pour un riche cardinal mécène de Rome,
le cardinal Aluigi Omodei, qui le possédait en et ses héritiers le vendirent à
Louis XIV en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 254 P
Nicolas POUSSIN
Poussin remet en jeu la notion de paysage panoramique des Flamands : étagement savant des
plans, articulation des constructions, variété de l’observation (les baigneurs, les pêcheurs).
L’avant plan du paysage est volontairement réaliste, une mare, un tronc d’arbre abattu,
un chemin de terre qui mène à un fleuve tranquille, autant de symboles d’une nature
primitive, sauvage et non civilisée, idéal de Diogène. L’arrière-plan montre un paysage
urbain, avec de nombreuses fabriques et le Belvédère du Vatican, repris à gauche une
seconde fois. L’avant plan, peint dans une lumière diffuse et adoucie, s’oppose au paysage
du fond saisi sous un soleil violent. La grandeur et le réalisme de ce paysage en ont fait
un des plus accomplis du XVIIe siècle.
L’œuvre est du genre paysage « idéal » ou paysage « composé ». Elle dégage aussi une leçon
morale : Diogène tourne le dos à la ville, à la « civilisation » pour se soumettre aux simples
lois de la nature. Diogène le Cynique (- avant J.-C.), philosophe grec, définit
la liberté comme une absence totale de contraintes matérielles, humaines, sociales
et rejette les richesses, les honneurs, les conventions. Personnalité originale, il loge dans
un tonneau et sa rencontre avec Alexandre le Grand est demeurée célèbre. « Veux-tu
quelque chose ? » lui aurait demandé le souverain. « Oui, que tu t’ôtes de mon soleil »
aurait répondu le philosophe. Ici, Diogène aperçoit un jeune homme qui boit l’eau
d’une rivière dans sa main et, toujours avide de détachement matériel, Diogène jette
l’écuelle dont il se servait pour boire.
Sans doute peint pour un collectionneur lyonnais établi en Italie, le marquis de Lumague
(-). Le tableau fit partie de la collection du duc de Richelieu, petit-neveu
du cardinal de Richelieu, et fut acquis par Louis XIV en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 255 P
Nicolas POUSSIN
Éliézer et Rébecca
Huile sur toile, x
Poussin pose la rencontre dans un décor aux lignes sobres presque entièrement composé
d’architectures où dominent les verticales et les angles droits. La scène est construite
sur un rythme de frise où le jeu des courbes est dominant. Au premier plan, Rébecca
et Éliézer sont presque figés sur deux lignes verticales. Leurs attitudes rappellent celle
de l’annonce à Marie. Surprise de la jeune femme : moi ? Toi, répond Éliézer, la désignant
du doigt.
Peint pour le banquier Pointel en . Collection de Louis XIV, acquis du duc Richelieu,
petit-neveu du cardinal de Richelieu, en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 256 P
Nicolas POUSSIN
Le Jugement de Salomon
Huile sur toile, x
L’œuvre s’inscrit dans ce qu’on appelle chez Poussin le nouveau classicisme ou « l’atticisme »
(-). Cela se traduit par la rigueur accrue des compositions, construites en plans
distincts et liées dans des paysages agrémentés d’architectures, et par le souci d’ordonner
les groupes et de rechercher des attitudes capables de rendre visibles les « passions »
de l’âme.
Nicolas POUSSIN
Le sujet, tiré de l’Épitre aux Corinthiens (,), s’appuie sur un traitement symbolique
des couleurs et des attitudes qu’a bien vu Le Brun dans la conférence qu’il fit à son sujet
devant l’Académie royale de peinture et de sculpture le janvier . Le tableau comme
la conférence montrent que les tableaux de Poussin se lisent autant qu’ils se regardent.
Il faut suivre le peintre qui disait : « lisez l’histoire ». Tout l’art consiste à prendre le texte
de base et à en tirer les éléments significatifs pour les traduire en expressions, figures,
symboles et couleurs. Tout devient alors pertinent y compris, comme le note Le Brun,
la couleur et la texture de l’air.
Peint pour l’écrivain Paul Scarron en -. Collection de Louis XIV, acquis du duc
de Richelieu, petit-neveu du cardinal de Richelieu, en .
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 258 P
Nicolas POUSSIN
Écho et Narcisse
Vers
Huile sur toile, x
Le thème donne à voir que la mort et le renouveau sont intimement liés. La nymphe Écho,
qui avait importuné Héra par ses bavardages, fut condamnée « à avoir le dernier mot sans
jamais pouvoir parler la première ». Amoureuse de Narcisse, Écho ne parvint qu’à répéter
son propre nom, ce qui lassa le jeune homme. Elle tomba alors dans une profonde
prostration et maigrit tant que seule sa voix demeura, faisant écho dans les montagnes.
Au fond, Écho se confond déjà avec le rocher. Narcisse fut puni pour son indifférence
à l’amour d’Écho par la déesse Némésis. Voulant se désaltérer dans une fontaine, Narcisse
y découvre sa propre image, dont il tombe éperdument amoureux. Ne voulant plus
quitter son image, il meurt en se métamorphosant en la fleur qui porte son nom.
Cette légende mythologique inspira un des plus beaux textes des Métamorphoses d’Ovide
(III, -) dont Poussin semble s’être particulièrement inspiré. À l’avant plan, Narcisse
meurt, allongé, prétexte à un morceau d’anatomie masculine exceptionnel.
Sans doute passée par la collection d’un cardinal italien collectionneur, Angelo Giori
(-), puis héritée par son neveu, l’œuvre fut vendue à Louis XIV en
par le marchand Alvarez. Demeuré dans les collections royales durant tout le XVIIIe siècle,
le tableau entra en au Muséum central des arts de la République, le futur musée
du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 259 P
Nicolas POUSSIN
Orphée et Eurydice
Vers
Huile sur toile, x
Principal acteur de cette scène, le paysage de ce tableau est un des plus majestueux peints
par Poussin. À gauche, une forteresse, rappelant le château et le pont Saint-Ange à Rome,
semble en flammes, d’inquiétantes fumées s’échappant de ses tours. À droite,
des montagnes rocheuses et des arbres évoquent une nature sauvage. À l’avant plan,
une calme rivière, peinte avec un fort désir de réalisme, avec quelques baigneurs dans
le lointain. La lumière éclairant l’avant plan où Orphée joue de sa lyre, tout autant que
les tours de la forteresse de l’arrière-plan, suggère une tranquille journée d’été secouée
tout à coup par le drame qui précède la mort de la jeune nymphe Eurydice.
Fils du roi de Thrace Œagre et de la muse Calliope, Orphée avait reçu d’Apollon une lyre
magique dont il tirait des sons si mélodieux que les rivières s’arrêtaient de couler pour
l’écouter et que les rochers le suivaient. Il avait épousé la nymphe Eurydice qui, voulant
échapper aux avances du berger Aristée, fut piquée par un serpent et mourut. Orphée
parvint à obtenir de Zeus d’aller la chercher aux Enfers, mais il ne put s’empêcher de
la regarder avant d’en être sorti, malgré l’interdiction qui lui en avait été faite, et la jeune
femme disparut à jamais. Poussin, ne faisant pas référence au berger Aristée, représente
l’instant où Eurydice vient d’être piqué par le serpent. Orphée joue de la lyre, ne voit pas
la jeune femme piquée par le serpent que l’on devine à peine dans l’herbe.
Peint pour le banquier Pointel. Cette œuvre, une des plus célèbres de Poussin, faisait partie
des collections de Louis XIV, acquise en à un marchand parisien Branjon.
Elle demeura durant tout le XVIIIe siècle dans les collections royales, avant d’entrer
au musée du Louvre.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 260 P
Nicolas POUSSIN
Autoportrait
-
Huile sur toile, x
Le peintre s’est représenté avec vigueur et réalisme, le buste vu de profil et le visage de face,
les yeux tournés vers le spectateur avec un regard absorbé dans ses pensées créatrices.
Il est sobrement vêtu de noir, sa main droite est appuyée sur un portefeuille fermé.
Poussin s’est peint dans un coin d’atelier, au milieu d’œuvres dont on n’aperçoit que
les cadres. Au fond, sur un des tableaux, apparaît un visage de femme antique vers
laquelle se tendent deux bras, sans doute une allégorie, où l’on a voulu voir tantôt
un symbole de l’amitié entre Poussin et Chantelou, commanditaire du tableau, tantôt un
symbole du créateur accueillant sa muse.
Cet Autoportait fut peint par Poussin entre septembre et mai afin de répondre
à la commande de Paul Fréart de Chantelou (-). Demeuré dans la descendance
de Chantelou, avant d’être proposé, sans succès, à Louis XVI, cet autoportrait n’entra
dans les collections du musée du Louvre qu’en , à la suite d’un échange.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 261 P
Nicolas POUSSIN
Cette série marque l’apogée de l’œuvre de Poussin et un des sommets de l’art du paysage
classique. Le thème représenté est celui des quatre saisons, mais Poussin a choisi de traiter
dans chaque tableau une scène précise de l’Ancien Testament, sans doute à la demande
du duc de Richelieu, qui renvoie à chacune des saisons. Chacun des tableaux révèle une
image différente de la nature : sauvage, idyllique et primitive dans le Printemps. Adam et
Ève sont noyés dans une nature abondante, foisonnante et sans ordre. Dans le ciel Dieu
se détourne du premier couple de l’humanité, les abandonnant à leur faute, lorsqu’Ève
va tenter Adam de croquer la pomme, faisant basculer l’homme dans le péché originel.
À partir des études peintes d’après nature, au crayon ou à l’encre, directement sur le motif,
Poussin a acquis tout au long de sa carrière une grande expérience visuelle de la nature,
qui lui permet, en assemblant les souvenirs de composer en atelier de vastes paysages,
reflétant les relations puissantes de la nature et de l’homme, relations tantôt productrices,
tantôt destructrices. Les effets de lumière, le traitement de la perspective et des volumes
de chaque élément du tableau se caractérisent, dans cette série de Poussin, par une
perfection et un réalisme sans égal.
Dans les dernières années de sa carrière, alors qu’il vit de plus en plus replié sur son art,
dans la contemplation de la nature et la pratique du paysage, Poussin reçoit la commande
par le duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal de Richelieu, d’une série de quatre
tableaux représentant les saisons. Il les peint de à . En , année de la mort
de Poussin, les quatre tableaux, qui constituent un véritable testament artistique de
Poussin, entrent dans les collections de Louis XIV, acquis par le roi directement au duc.
Chef-d’œuvre de l’art classique, les quatre saisons de Nicolas Poussin exercèrent
une immense influence sur les artistes du XVIIe au XIXe siècle.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 262 P
Nicolas POUSSIN
Le thème représenté est celui des quatre saisons, mais Poussin a choisi de traiter une scène
de l’Ancien Testament, qui renvoie à chacune des saisons. Ainsi l’Été montre la rencontre
de Ruth et Booz qui se situe durant une moisson. Chaque tableau révèle une image
différente de la nature, dominée par l’homme et la pensée divine, dans l’Été.
Cette rencontre entre Ruth et Booz est racontée dans le livre de Ruth. Par leur mariage,
Ruth et Booz engendrent un fils qui sera l’ancêtre direct de David. Allégorie de la
fécondité, de l’abondance et de la vie qu’elle apporte, le thème de la moisson s’adapte
parfaitement à cet épisode de la Bible.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 263 P
Nicolas POUSSIN
Cette série marque l’apogée de l’œuvre de Poussin et un des sommets de l’art du paysage
classique. Le thème représenté est celui des quatre saisons, mais Poussin, sans doute
à la demande du duc, a choisi de traiter dans chaque tableau une scène de l’Ancien
Testament, qui renvoie à chacune des saisons. Ainsi l’Automne évoque les Hébreux
découvrant les plaisirs de la Terre promise. Chaque tableau révèle une image différente
de la nature, dominée par l’homme et la pensée divine, dans l’Automne.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 264 P
Nicolas POUSSIN
L’Hiver ou Le Déluge
-
Huile sur toile, x
Nouvelle inflexion du paysage chez Poussin : l’espace se fait moins profond et tend
à s’organiser par plans parallèles avec une valorisation de la surface plane au détriment
de la profondeur. Le pinceau ne dessine plus, il procède par points et taches, la touche
est divisée. Vibrations d’une manière grenue, un certain effacement des contours.
Enfin il y a une sorte d’abolition de la frontière entre mythologique et religieux.
Chacun des tableaux révèle une image différente de la nature : violente et dominatrice
dans l’Hiver. L’Hiver présente une dramatique scène du Déluge, une des plus violentes
de l’Ancien Testament, qui voit Dieu, déçu et furieux des péchés de l’homme, décidé
de détruire le monde qu’il a créé, afin de le rebâtir. À gauche du paysage, un serpent,
symbole du péché originel, descend se noyer dans les flots. Au fond de l’œuvre, on devine
l’arche de Noé, portant les seuls survivants de l’espèce humaine et animale, symbole
de l’espoir qui doit habiter l’homme, même à l’heure du Jugement dernier.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 265 P
Nicolas POUSSIN
L’œuvre dont le sujet est l’amour malheureux d’Apollon pour Daphné, est inachevée, les figures
sont à l’état d’ébauche et les corps résumés à leurs masses essentielles; les visages ont des
traits à peine indiqués. Mais la composition est élaborée dans ses moindres détails.
Les épisodes s’enchaînent selon leur ordre d’importance et leur repère chronologique
en suivant les plans : premier plan, second plan. L’ensemble est difficile à interpréter
et il semble qu’il faut y voir un rêve un peu nostalgique d’un peintre près de la mort,
une sorte d’adieu et à son œuvre et à la beauté.
Dernier tableau peint par Nicolas Poussin. Donné inachevé au cardinal Camillo Massimi
en . Acquis par le musée du Louvre en 1869
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 266 P
L’Impératrice Joséphine
Huile sur toile, x
. Joséphine, qui va bientôt être répudiée, est ici une femme qui ne cherche pas
à séduire le spectateur, qui l’ignore et rêve. La mélancolie de la posture de l’impératrice,
abandonnée sur un fauteuil installé en pleine nature, le recours au cadre poétique
d’un paysage de sous-bois évoquent déjà les passions romantiques d’un Chateaubriand.
Cette œuvre a fait partie des collections de Napoléon III. Appartenant à son domaine privé,
elle fut attribuée au musée du Louvre, après sa chute en , suite à une décision
de justice rendue en .
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 267 P
Apparu avec le Sturm und Drang allemand, l’amour de la nature des aquarellistes anglais
et l’analyse des philosophes du XVIIIe siècle – de Rousseau à Gœthe –, le sentiment
romantique repose sur l’exaltation des passions, le culte de l’individualité et des
sentiments, l’amour de la nature et la rêverie poétique. Assimilé, dans les années ,
à une révolte contre le conformisme de l’académisme classique, le romantisme trouve
son expression en littérature, en musique, en sculpture comme en peinture. Après
un mouvement de « préromantisme » représenté en peinture par Prud’hon, Girodet,
Guérin ou Gros de à , le romantisme s’impose véritablement en France à partir
de avec l’œuvre de Géricault, puis de Delacroix.
Le crime représenté est un crime précis : le meurtre d’Abel par Caïn (Genèse, IV). Mais
Prud’hon prend des libertés avec le récit : c’est la Justice et la Vengeance qui poursuivent
Caïn, le premier meurtrier de l’histoire, un fugitif et un vagabond sur la terre. Le récit
religieux est en effet devenu un moment de l’épopée humaine, un moment de la Légende
des siècles pleine de merveilleux diffus et de présence du surnaturel que l’artiste rend
par les allégories et un éclairage dramatique.
Cette œuvre allégorique avait été commandée par le préfet de la Seine pour la salle des assises
du Palais de justice de Paris et elle fut exposée aux Salons de et de . Elle fit l’objet
d’un échange avec la Ville de Paris en et entra alors au musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 268 P
Enguerrand QUARTON
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon
Vers
Huile sur panneau, x ,
L’école d’Avignon est une brillante école de peinture qui se développe à partir de ,
avec l’installation des papes en Avignon, et dure jusqu’au XVe siècle. Après le déplacement
de la papauté en Avignon la migration des influences italiennes en France va être facilitée.
Simone Martini lui-même s’installe dans la nouvelle ville du pape en . Le modèle
siennois va entrer en contact avec les autres traditions gothiques en France, au Centre
comme au Nord de l’Europe.
La Pietà de Villeneuve-lès-Avignon est une œuvre d’une intense émotion, en raison de la force
expressive des personnages qui entourent le corps du Christ, décharné, meurtri et raidi
par la mort. Le donateur, à gauche du tableau, est en posture traditionnelle,
agenouillé, les mains jointes. Son visage est personnalisé, contrairement à ceux des saints
et du Christ. Son vêtement, d’un blanc soutenu, rappelle le blanc du linceul du Christ
et de la chemise de la Vierge. Les trois figures, la Vierge, Marie Madeleine et saint Jean,
sont autant de variantes sur l’expression de la douleur : pâle et profonde, toute intériorisée
chez la Vierge, plus expansive et affective chez Marie Madeleine et d’une tristesse infinie
chez saint Jean.
Acquise par les Amis du Louvre en , cette Pietà est l’une des œuvres majeures du musée
du Louvre par sa force expressive, son sens du drame et de la spiritualité. Ce n’est que très
récemment que Charles Sterling a démontré le lien de cette œuvre, provenant sans doute
de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, avec le Couronnement de la Vierge de ,
toujours conservé dans la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. L’auteur de ce tableau
a ainsi pu être identifié comme étant Enguerrand Quarton, peintre originaire de Laon,
qui est durant le XVe siècle un des plus importants représentants de l’école d’Avignon.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 269 Q
C’est la seule œuvre de l’artiste qui soit restée célèbre. Elle date de mais Regnault
poursuivra ce genre de peinture toute sa vie. Nous sommes dans un monde surprenant,
à l’opposé de l’univers de David, fait de suavité et de raffinement issus de l’antique
et de l’étude des grands peintres bolonais du XVIIe siècle.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 270 R
Jean RESTOUT
La Pentecôte
Huile sur toile, x
Restout a construit sa mise en scène dans une spectaculaire architecture, peinte en contre-
plongée en un saisissant effet de construction qui théâtralise la scène et accentue l’effet
miraculeux de l’apparition de l’Esprit-Saint. Les personnages sont situés dans un ovale
rigoureux, qui occupe la partie basse de la toile et qui contraste avec l’effet linéaire
des architectures.
L’œuvre présente l’instant précis où l’Esprit-Saint, sous la forme d’une colombe, descend sur
les douze apôtres et la Vierge, réunis pour prier après la mort du Christ. La Vierge Marie
et une sainte femme occupent la position centrale du tableau, entourées des Apôtres
et de quelques disciples.
Cette toile immense avait été peinte en par Jean Restout pour décorer le réfectoire de
l’abbaye de Saint-Denis. Saisie à la Révolution française, elle fut envoyée à la cathédrale
de Lyon où elle demeura jusqu’en . Elle fut alors transférée au musée du Louvre,
puis restaurée en et à nouveau exposée dans les salles du Musée, comme un
témoignage de la richesse de la grande peinture religieuse du XVIIIe siècle. L’œuvre,
primitivement cintrée, a été amputée et transformée en rectangle à une date inconnue.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 271 R
Hyacinthe RIGAUD
Ce portrait, vu de trois quarts et de profil, a été peint pour servir de modèle à un buste
de marbre commandé au sculpteur Antoine Coysevox, ce qui explique la double
représentation du modèle dans la même œuvre. On retrouve le Rigaud portraitiste
de cour dans la virtuosité du traitement du costume dont les couleurs mettent en valeur,
par contraste, le visage; on le retrouve dans l’expression aimable et hautaine, fine
et lointaine, mi-souriante du visage. L’expression du regard donne à penser que Rigaud
se souvient des portraits que le jeune Rembrandt fit de sa mère.
Ce portrait de Madame Rigaud, née Marie Serre, mère de l’artiste, a été exposé au Salon
de . Collection de l’Académie, legs de l’artiste à l’Académie, .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 272 R
Hyacinthe RIGAUD
Louis XIV (-), un des plus importants souverains français, était le fils de Louis XIII
et d’Anne d’Autriche. Il fut roi de France, surnommé le « Roi-soleil », de à .
Ayant connu les troubles politiques de la Fronde durant son enfance, il chercha durant
tout son règne à maintenir l’unité du royaume et à écraser les velléités de pouvoir
de la noblesse. En il épouse Marie-Thérèse d’Autriche. Dès , à la mort de
Mazarin, il débute un règne brillant, exerçant un pouvoir absolu mais sachant s’entourer
de ministres dévoués, tels Colbert, Louvois ou Vauban. Les finances royales, l’armée,
l’industrie et l’administration furent réformées et le commerce se développa.
Le monarque assurait une brillante politique culturelle, le château de Versailles constitue
son aboutissement.
Louis XIV est représenté à soixante-trois ans, en costume de sacre, l’épée royale au côté, la main
appuyée sur le sceptre et la couronne posée sur un tabouret derrière lui. Le traitement
des étoffes est particulièrement raffiné – quoique surchargé – et rappelle la grandeur
du règne du souverain. L’atelier de Rigaud a dû intervenir sur certaines parties
de ce tableau, mais le visage – peint sur un papier marouflé sur la toile définitive – a été
étudié avec réalisme et noblesse par Rigaud lui-même.
Commandé par le roi Louis XIV en pour son petit-fils, le roi d’Espagne Philippe V,
ce portrait fut exposé au Salon de et fit partie des collections de Louis XIV,
demeurant ensuite dans les collections royales, avant d’entrer en au Muséum central
des arts de la République, futur musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 273 R
Hyacinthe RIGAUD
Jacques-Bénigne Bossuet
Huile sur toile, x
Une étonnante composition de rideaux et d’étoffes dont la matière, le tombé et les plis sont
restitués avec virtuosité. On retrouve la manière de Rigaud, bien que le portrait ait été
exécuté avec la collaboration de Sevin de la Penaye, manière qui exploite à fond
le costume d’évêque et qui s’oppose à l’expression ouverte et doucement souriante
du visage.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 274 R
Hubert ROBERT
Hubert Robert fut aussi un chroniqueur de la vie parisienne : incendies, fêtes, travaux
d’urbanisme, peu d’évènements échappèrent à son pinceau. Hubert Robert renforce dans
ce tableau la pratique des vues urbaines, à la mode dans l’Europe du XVIIIe siècle,
la chronique fidèle des évènements parisiens qu’il traite, comme un journaliste, au
moment même où ils viennent de s’accomplir. L’œuvre d’Hubert Robert, en plus de celle
d’un grand paysagiste, est un parfait témoignage de l’évolution du cadre urbain de Paris
durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Cette œuvre, peinte en , au moment même où eut lieu la démolition des maisons
construites sur le pont Notre-Dame, fut donnée au musée du Louvre en par Jacques
Lenté, en souvenir de M. et Mme Lucien Laveissière.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 275 R
Hubert ROBERT
Influencé par l’œuvre de Pannini durant son long séjour à Rome, Hubert Robert se fit « peintre
d’architecture et de ruines » genre qui reprend le schéma du paysage classique de Claude
Gellée et de Poussin en l’accordant au goût du temps. Tombeaux, monuments antiques
ruinés, maximes sur des frontons brisés évoquent que « tout s’anéantit, tout périt, tout
passe » (Denis Diderot). Diderot loua ces « sublimes ruines » dans lesquelles certains
voulurent voir les préludes du sentiment romantique. Le jeu intellectuel qui accompagne
la réalisation de ces tableaux de ruines, composés entièrement en atelier, permet
de rappeler que les paysagistes préféraient alors à la copie exacte de la nature l’imagination
de la recréation d’un paysage inexistant.
La série des Antiquités du Sud de la France avait été commandée à Hubert Robert par le comte
d’Angiviller, surintendant des Beaux-Arts du roi Louis XVI. Cette série de quatre
tableaux devait être installée au château de Fontainebleau. Exposés au Salon de ,
ils restèrent en fait dans l’atelier de l’artiste et furent légués à l’État par sa veuve en .
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 276 R
Hubert ROBERT
« Tout s’anéantit, tout périt, tout passe », c’est ce que dit Diderot des ruines d’Hubert Robert.
Seulement cette ruine-là nous permet de mieux comprendre le travail du peintre.
Regardez : au premier plan des gens qui vivent dans le présent et qui sont comme adossés
à la ruine. À cela, il y a deux leçons : le passé qui nourrit le présent, et puis le présent
définitivement voué à se perdre et à se ruiner.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 277 R
Hubert ROBERT
Si Hubert Robert s’intéressa si fort au Louvre, au point de « le ruiner », c’est qu’il fut mêlé
aux questions que soulevait l’aménagement de la grande galerie du Louvre. Après avoir
été « Garde des tableaux du Roy » en , Hubert Robert fut membre du Conservatoire
et du conseil d’administration du Muséum central des arts de la République à partir
de .
À côté de la Vue imaginaire de la grande galerie du Louvre, Hubert Robert peint à quatre
reprises les vues de la grande galerie du Louvre si précises qu’on peut les dater.
Vers - le Muséum central des arts de la République, tel qu’il fut ouvert au public
le août . La Grande Galerie lors du banquet offert à Bonaparte par le Directoire
en l’honneur des victoires de l’Armée d’Italie, le décembre . La Grande Galerie
lors des travaux de remise en état avant la réouverture le avril . La grande galerie
du Louvre est entièrement ouverte après le juillet .
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 278 R
Hubert ROBERT
Projet d’aménagement
de la grande galerie du Louvre, en
Huile sur toile, , x
Conseiller du comte d’Angiviller sous la Monarchie, conservateur du Muséum central des arts
de la République, Hubert Robert réside une grande partie de sa vie au palais du Louvre,
devenant peu à peu le mémorialiste scrupuleux des évènements éphémères comme
des modifications profondes du Palais. Ainsi travaille-t-il durant de nombreux mois
à la rénovation de la Grande Galerie, destinée à recevoir des œuvres d’art, depuis
les réflexions du comte d’Angiviller sur l’exposition au public des collections royales.
Quelques tableaux témoignent de ses recherches, tel que ce jeu intellectuel, ironique,
qui imagine la Grande Galerie en ruines.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 279 R
Théodore ROUSSEAU
L’Allée de châtaigniers,
au château du Souliers, près de Bressuire
Huile sur toile, x
Les innovations de Théodore Rousseau déroutèrent un public incapable de se laisser porter par
une écriture inhabituelle qui privilégiait la représentation de la nature par elle-même
et la description d’éléments anodins de sites sans poésie, peints de manière réaliste.
Qu’étaient donc devenus les sites remarquables, montagnes, fleuves, rochers. Pourquoi
délaisser les vues topographiques de villes ou de monuments? Cet étonnant paysage,
d’une construction rigoureuse, peint en atelier mais inspiré par la pratique du plein air,
a été refusé par le jury du Salon de . Théodore Rousseau ne parvint pas en effet
à exposer au Salon entre et , le jury lui reprochant d’exposer des tableaux,
étudiés en plein air, qu’il trouvait inachevés et imparfaits.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 280 R
Théodore ROUSSEAU
La sensibilité de l’époque fut choquée par les œuvres de Théodore Rousseau. Dans ces
lambeaux arrachés à la nature, les critiques comme le public avaient du mal à déceler
une composition. Ayant coupé, dès sa jeunesse, tout lien avec le monde des Salons et de
l’Académie, Théodore Rousseau s’intéresse à la seule représentation réaliste et expressive
de la nature, débarrassée de tout sujet et de toute anecdote, une nature peinte pour
elle-même.
Exposé au Salon de , puis à l’Exposition universelle de , ce paysage a été acquis en
par le musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 281 R
Théodore ROUSSEAU
Théodore Rousseau privilégie les effets de masse, mais il conserve la couleur sombre et les ciels
nuageux des romantiques. On se posait la question de savoir ce qu’il y avait à voir dans
un groupe d’arbres entre ciel et terre sans pittoresque et sans imagination. C’est que,
pour Rousseau, l’art de peindre, un art limité, abstrait, doit se retrouver dans chaque
feuillage, et même, disait Constable, dans chaque brin d’herbe.
Ce paysage de l’école de Barbizon, d’un dépouillement et d’une précision parfaite, sans doute
peint en atelier, représente la région du petit village d’Apremont, dans la forêt
de Fontainebleau. Exposé au Salon de , il a révélé à la critique la réconciliation
des goûts du public avec la conception romantique et réaliste du paysage, défendue
avec rigueur et pureté par Théodore Rousseau et ses amis. C’est seulement après ,
avec l’école de Barbizon puis l’impressionnisme, que la peinture de plein air devint
une fin en soi, en renonçant aux sujets historiques qui justifiaient le genre du paysage.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 282 R
Jacques STELLA
Le sujet tiré d’Ovide (Métamorphoses -) subit une modification par l’invention
d’une Muse de la peinture, rôle tenu par Polymnie, la Muse de la poésie lyrique,
en l’honneur des dieux et des héros. Cette représentation modifiée de la fable traduit
l’idée que l’art de peindre, mis au rang des autres disciplines de l’esprit, sait subordonner
son inspiration aux exigences de la sagesse et de la raison comme en témoigne la présence
de Minerve. Après leur joute victorieuse contre les Piérides, les Muses entonnent
un chant gonflant d’allégresse le mont Hélicon qui manque d’éclater. Pégase frappe
la montagne de son sabot, la source Hippocrène en jaillit. Minerve, alertée par
la Renommée, vient contempler ce phénomène.
Pierre SUBLEYRAS
Dans la mythologie gréco-romaine, Caron est un vieillard sinistre et mal vêtu, fils de l’Érèbe
et de la Nuit, qui a pour fonction de faire passer aux âmes des morts les fleuves infernaux
qui séparaient le monde des vivants des Enfers. Inflexible, le passeur réclame toujours une
obole aux morts afin de leur faire passer le fleuve et de leur éviter d’errer éternellement.
Pierre SUBLEYRAS
Cette toile, à l’étrange format allongé, fut commandée par les chanoines de Latran pour
le réfectoire du couvent d’Asti, près de Turin en Italie. Véronèse et ses grandes
compositions religieuses, au coloris intense et au réalisme voulu d’une scène quotidienne,
ont clairement influencé Subleyras dans cette œuvre.
La scène présente le repas du Christ chez Simon, durant lequel Marie Madeleine, femme
pécheresse, se précipita au pied du Christ afin de lui rendre hommage en lui lavant
les pieds. Devant l’indignation des convives, qui ne comprenaient pas pourquoi le Christ
acceptait l’hommage d’une femme de mauvaise vie, le Christ fit preuve de charité
et appela chacun au pardon des fautes commises. Subleyras a choisi de représenter
l’instant précis où le Christ, situé à gauche de la composition, se laisse laver les pieds
par Marie Madeleine.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 285 S
Jean-François de TROY
Déjeuner de chasse
Huile sur toile, x
Il s’agit d’un sujet léger peint par un peintre d’histoire qui montre le changement de goût
qui se produit dès la Régence dans la décoration des appartements. Les sujets choisis, issus
de la pastorale ou de la vie des chasseurs, remplacent l’imagerie mythologique. La chasse
royale avait donné lieu auparavant à des représentations (Bernard Van Orley, les Chasses
de Maximilien ) : ce qui était peint c’était l’activité des chasseurs. Ce qui est montré ici
c’est l’entre-deux de la chasse, prétexte à un déjeuner en plein air où les plaisirs de la table
et celui des conversations galantes et des intrigues amoureuses l’emportent sur l’action.
Constant TROYON
Le Petit troupeau
Vers
Huile sur toile, x
Après avoir débuté comme peintre sur porcelaine, Constant Troyon se passionne pour
le paysage, influencé par les peintres flamands et hollandais du XVIIe siècle.
Troyon rencontre Dupré et Rousseau et se spécialise dans le paysage réaliste. Grâce à un
voyage en Hollande, en , il ajoute à sa passion du paysage celle de la peinture
animalière, marqué en cela par le travail de Paulus Potter.
Georges Thomy Thiéry (-) donna en un ensemble de dix tableaux de Constant
Troyon, achetés à prix d’or entre et , à un moment où cet artiste était
particulièrement coté sur le marché de l’art.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 287 T
Pierre-Henri de VALENCIENNES
Pierre-Henri de VALENCIENNES
L’œuvre de Pierre-Henri de Valenciennes souffre d’un curieux paradoxe. Depuis une trentaine
d’années, on met en avant les petites esquisses qu’il aurait – dit-on – réalisées librement
sur le motif et on délaisse le travail du paysagiste d’histoire. Peut-être par crainte
d’éprouver de l’ennui. Or Valenciennes se veut le « David » du paysage, il rompt avec l’art
de Boucher et dénonce les insuffisances des paysagistes flamands et hollandais.
Valenciennes enseigne que pour bien peindre le paysage, il ne faut pas peindre avec le seul
sentiment de la couleur, mais recréer une « belle nature simple et majestueuse » comme
Poussin a su le faire. Toute bizarrerie pittoresque éliminée, l’espace de la toile doit
s’ordonner par l’agencement des masses, l’équilibre des lignes et la justesse de la lumière.
Les paysagistes se sont toujours rendus dans la nature, pour travailler directement sur le motif.
Mais les contraintes techniques avaient imposé, lors de ces séances en plein air,
le recours au dessin, au lavis, à l’aquarelle. Si nous connaissons des artistes de la fin
du XVIIe siècle, comme Desportes, qui emportaient leur « attirail » de peintre pour
travailler à l’huile en plein air, cette pratique ne se développa vraiment que dans le dernier
quart du XVIIIe siècle. Les peintres considéraient ces études d’après nature comme des
esquisses, qu’il ne convenait pas d’exposer au public. Le tableau définitif était composé
en atelier. C’est seulement après , avec l’école de Barbizon puis l’impressionnisme,
que la peinture de plein air devient une fin en soi, exposable en tant que telle.
L’importante série d’études à l’huile peinte en Italie à la fin du XVIIIe siècle par le paysagiste
Pierre-Henri de Valenciennes fut donnée en , sous réserve d’usufruit, par la princesse
Louis de Croy, arrière petite-fille et petite-fille de Pierre-Charles de l’Espine (-)
et d’Alexandre-Émile de l’Espine (-), deux collectionneurs de la Restauration et
du Second Empire, qui avaient acquis une importante collection de tableaux de l’école
nordique et d’études de paysages français de l’époque néoclassique. La collection de
la princesse de Croy entra au musée du Louvre en .
MU SÉ E D U LOUV RE , PE INTU RE FR A NÇ AI SE — Œ U V R E S 289 V
Pierre-Henri de VALENCIENNES
Valenciennes professe, à la suite de Roger de Piles, qu’aucune étude d’après nature ne saurait
être profitable si le peintre n’a pas auparavant acquis une certaine habitude auprès
des maîtres anciens en copiant dessins, estampes et tableaux. Pour lui, il ne faut jamais
abandonner l’étude de la nature sous peine de s’enfermer dans des formules d’école mais,
sans l’école, comment faire pour imiter la nature.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 290 V
Le Jugement de Salomon
Vers
Huile sur toile, x
L’œuvre de référence est ici le Caravage, et plus précisément le Martyre de saint Matthieu :
des volumes qui s’ordonnent sur des rythmes mouvementés où les diagonales jouent
un rôle important. Mais il y a dépassement du Caravage : rien ne vient détruire l’ordre
monumental, dans le moment où se noue l’action dramatique brutale, chaque
personnage demeure dans la vérité silencieuse du mystère de son être. Dépassement
du Caravage aussi car le réalisme des figures n’est pas un parti pris de représentation
mais un moyen d’atteindre le plus profond des êtres. L’enfant pèse tout le poids d’un petit
corps raidi, les mères sont de jeunes femmes du peuple toutes tendues
de passion, Salomon est un adolescent aux yeux trop graves.
La Diseuse de bonne aventure, c'est le Caravage, c'est son thème. Et tout ici est du Caravage :
la plume sur le chapeau, le costume, la position des corps. Évidemment, il n'y a peut-être
pas la puissance expressive du Caravage, il n'y a peut-être pas l'attitude expressive
des corps qu'il met en scène. C'est le Caravage, mais c'est surtout Valentin de Boulogne,
influencé par le Caravage !
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 292 V
Le Concert au bas-relief
Vers -
Huile sur toile, x
Influencés par le réalisme et la théâtralité des œuvres de Caravage (-), qui privilégiait
les éclairages savants et les constructions simples et directes, de nombreux peintres
français, ayant étudié en Italie, développent, au début du XVIIe siècle un art influencé
par le baroque italien. Dans cette scène de genre, on songe évidemment à la Diseuse
de bonne aventure du Caravage. Le motif est caravagesque : figures à mi-jambes ramenées
sur le devant du tableau dans un éclairage artificiel, des volumes souples et puissants
soulignés par de grands coups de lumière. Mais il y a un renouvellement du thème :
installation des buveurs sur un fragment d’autel antique dans la scène de genre. Il y a aussi
comme une sollicitation de la vie intérieure des personnages : le garçon chantant à
tue-tête paraît figé de stupeur.
Commandé par Louis XIV, afin de célébrer les conquêtes militaires de son règne, cette œuvre
demeura dans les collections royales durant tout le XVIIIe siècle, jusqu’à son entrée
au Muséum central des arts de la République durant la Révolution française en ,
futur musée du Louvre.
MU SÉE D U LO UVR E , PE I NTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 294 V
Denis Diderot
Huile sur toile, x
Denis Diderot (-) est un des écrivains et philosophes français les plus importants
du « Siècle des Lumières », ayant manifesté l’étendue de ses talents, particulièrement
variés, dans le théâtre, le roman, philosophique ou non, il fut le créateur de la critique
d’art. Diderot commenta les « Salons » (-), défendant un art quotidien, réaliste
et moral et condamnant l’académisme et les conventions de certains artistes officiels,
comme Boucher. Il anima durant presque vingt ans les travaux essentiels
de l’Encyclopédie. Louis-Michel Van Loo l’a saisi avec réalisme et simplicité dans
l’intimité de son cabinet de travail.
Il semble que le peintre a commencé à travailler d’après nature et qu’il a terminé son tableau,
comme cela se faisait couramment, sur un mannequin, ce qui expliquerait le costume
qui n’a rien à voir avec la fameuse « vieille robe de chambre » de Diderot. Ce tableau,
exposé au Salon de , fut donné au musée du Louvre en par la famille de Vandeul,
descendante de Diderot.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 295 V
Halte de chasse
Huile sur toile, x
Peint pour la salle à manger des petits appartements de Louis XV au château de Fontainebleau.
Pendant de Halte de grenadiers de Charles Parocel, également au musée du Louvre.
Salon de . Collection de Louis XV.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 296 V
Joseph VERNET
Vernet qui étudie la nature sur le motif est attentif aux effets de la lumière, à l’atmosphère
de l’air modifiée par les vapeurs d’eau. La comparaison avec Claude Gellée s’impose.
Œuvre de la première manière de Vernet, blonde et claire, c’est une des œuvres de Vernet
les plus appréciées sans doute parce qu’elle préfigure Corot. Elle est louée, à l’époque,
pour sa juste représentation des monuments mais aussi par ce qu’elle révèle du talent
du peintre pour choisir son point de vue.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 297 V
Joseph VERNET
Choisir son point de vue, choisir sa lumière, cadrer afin de montrer l’originalité de sa vision ;
voici les contraintes auxquelles s’affronte Vernet et qui le firent paraître, sous certaines
plumes de critiques, comme l’égal d’un Claude Gellée.
Fait partie d’une série de quatre tableaux représentant les quatre parties du jour, commandés
par la comtesse Du Barry pour le pavillon de son château de Louveciennes.
Saisie révolutionnaire de la collection de la comtesse Du Barry.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 298 V
Joseph-Marie VIEN
Cette œuvre est une des premières manifestations au XVIIIe siècle du désir de régénération en
France de la peinture par un retour aux idéaux antiques. Elle rappelle, à partir des écrits
théoriques de Wincklemann et de Caylus, les revendications esthétiques de Joseph-Marie
Vien, professeur de David, qui débuta, presque vingt années avant son illustre élève,
le combat pour imposer la vision néoclassique.
Joseph-Marie VIEN
Ce tableau fait partie d’une série de quatre tableaux représentant les Progrès de l’amour dans
le cœur des jeunes filles, commandés par la comtesse Du Barry pour la décoration de son
château de Louveciennes. Fragonard a précédemment peint quatre tableaux pour décorer
le même espace, mais Madame Du Barry, devant les vives réactions des opposants
farouches au style « rocaille » de Fragonard, jugé dépassé, décide de retirer les œuvres
de Fragonard et de confier à Vien la décoration dans un goût plus moderne. Ce dernier
s’acquitte de sa tâche en développant un désir de réalisme quasi archéologique dans
la représentation des costumes et des accessoires.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 300 V
Élisabeth-Louise VIGÉE-LEBRUN
Donation de Mme Tripier Le Franc, suivant le vœu de sa tante Mme Vigée-Lebrun, .
Voici Hubert Robert, l'homme des peintures de ruines, de l'éphémère mélancolique. Madame
Vigée-Lebrun a choisi de nous le montrer dans toute sa réalité physique et morale,
faite de certitude et de puissance, presque le contraire de son œuvre !
MU SÉ E D U LO UVRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 301 V
Élisabeth-Louise VIGÉE-LEBRUN
L’artiste est la représentante du « portrait sensible ». Elle doit son succès à son premier portrait
de la reine Marie-Antoinette en dont elle devient la portraitiste et l’amie et qu’elle
se plaît à représenter avec ses enfants. Son art s’inscrit dans le courant de pensée illustré
par Jean-Jacques Rousseau et en offre la version « de cour ». Elle est reçue à l’Académie
en .
L’art de Madame Vigée-Lebrun est fixé une fois pour toutes : douceur, rêve, nonchalance,
dépouillement et simplicité. L’air du temps est à l’habillement grec et l’artiste en use.
La mise en page est sobre, la gamme de couleurs restreinte et la facture est au service
du négligé élégant des costumes. Cet autoportrait, où la jeune femme peintre pose
tendrement enlacée avec sa fille, est un des meilleurs exemples de sa technique parfaite
et de son sens raffiné.
Ce double portrait avait été peint quelques mois avant la Révolution française pour le comte
d’Angiviller, surintendant des Bâtiments du roi, ami du peintre. Durant la Révolution
française, Madame Vigée-Lebrun, fidèle à ses idées monarchiques, émigre en Italie,
puis en Russie, tandis que son mari, Jean-Baptiste-Pierre Lebrun demeure à Paris
et participe à la création du Muséum central des arts de la République au palais
du Louvre. Cet autoportrait fut saisi dans la collection du comte d’Angiviller par
les révolutionnaires et transféré en 1793 au Muséum central des arts de la République.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ AI SE — Œ U V R E S 302 V
Claude VIGNON
Le Jeune Chanteur
Vers -
Huile sur toile, x
Motifs caravagesques : portrait à la manière du Caravage, figure à mi-corps de trois quarts, fond
uni sombre, forts contrastes d’ombre et de lumière, construction diagonale, ample
manche jaune au premier plan. Costume caravagesque : béret à plumes, fraise blanche,
jaune et rouge du vêtement. Mais aussi une sorte de figure de fantaisie qui par son esprit
et sa technique préfigure celles de Fragonard.
Le jeune chanteur, richement vêtu et coiffé d’un chapeau à plumes, tient à la main une
partition correspondant au morceau qu’il s’apprête à chanter, l’œil fixé vers la gauche
de la toile, vers son public ou sur les instrumentistes qui vont l’accompagner.
Le Jeune Chanteur, œuvre de jeunesse de Claude Vignon acquis par la société des Amis
du Louvre, fut donné au musée du Louvre en 1966.
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 303 V
Claude VIGNON
Claude Vignon est un virtuose qui retient tout ce que la peinture de son temps peut lui offrir :
une dominante maniériste sans cesse modifiée, caravagisme, école vénitienne. Il a une
technique particulière : « sa façon d’employer ses teintes était de les mettre en place
sans les lier et de peindre en ajoutant toujours des couleurs et non pas en les mêlant par
le mouvement du pinceau, en sorte que la superficie de ses tableaux est très raboteuse »,
dit Roger de Piles. Empâtements, transparences, couleurs vives, c’est le « plaisir de
peindre » des Vénitiens.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 304 V
Simon VOUET
Grands effets de masse, grands contrastes de draperies et de lumières, larges rythmes circulaires
parcourant tout le tableau. Grand coloriste, formé au contact des peintres italiens et
des traditions de la Renaissance, Simon Vouet a fait surgir son personnage des effets de
la draperie qui l’enserre.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 305 V
Simon VOUET
La Présentation au Temple
Vers -
Huile sur toile, x
La construction de l’œuvre naît des figures elles-mêmes. Les attitudes, les gestes enchaînés
selon les courbes et les obliques donnent dynamisme et profondeur à la composition
d’où le terme de baroque. L’architecture fournit des points de repère, une direction
et des éléments décoratifs. Rappelant les grandes architectures placées par Raphaël,
ou plus tard par les peintres vénitiens comme Véronèse, dans leurs scènes religieuses,
l’architecture qui sert de décor à l’action évoque évidemment le Temple de Jérusalem
et permet à Simon Vouet d’accentuer la verticalité de la composition, symbole
de l’élévation morale des protagonistes de la scène.
L’œuvre fut donnée par le cardinal de Richelieu (-) à l’église de la maison professe
des Jésuites, actuelle église Saint-Paul-Saint-Louis, située rue Saint-Antoine à Paris.
Lorsque l’ordre des Jésuites fut supprimé en , Jean de Julienne l’acheta et en fit don
à l’Académie royale de peinture et de sculpture en . Elle fut transférée au Muséum
central des arts de la République, futur musée du Louvre avec les collections
de l’Académie pendant la Révolution française, en .
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 306 V
Simon VOUET
La Charité
Vers
Huile sur toile, x
Dérivée de l’ancienne Caritas romaine, la Charité tient à la main la flamme divine et la palme
du martyre. Ses yeux sont tournés vers la flamme qui semble jaillir d’une forme
qui rappelle le Sacré-Cœur de Jésus-Christ.
Ce tableau faisait peut-être partie d’une série de peintures allégoriques exécutées vers
pour les appartements royaux du château Neuf de Saint-Germain-en-Laye. Collection
de Louis XIII.
MU SÉ E D U LO UV RE , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 307 V
Simon VOUET
Allégorie de la Richesse
Vers
Huile sur toile, x
Grands effets de masse, grands contrastes de draperies et de lumières, larges rythmes circulaires
parcourant tout le tableau, opposés aux lignes dures des architectures, coloris brillant.
Mais une sorte d’éparpillement de l’intérêt entre les expressions, les silhouettes maniérées,
les accessoires : l’unité se fait dans l’élan lyrique qui emporte la composition.
Grand coloriste, formé au contact des peintres italiens et des traditions de la Renaissance,
Simon Vouet a utilisé pour le manteau de la Richesse une somptueuse teinte jaune,
éclatante, qui contraste avec le rose violacé de la draperie qu’elle tient dans ses mains.
Le livre, les vases et les bijoux sont autant de morceaux de bravoure techniques
qui rappellent que Vouet excellait autant dans le genre du portrait, de la peinture
religieuse que dans celui de la nature morte.
Le livre abandonné au sol, aux pages écornées, rappelle la sagesse foulée aux pieds au profit
de la richesse, qu’évoquent les bijoux que tend à la jeune femme un amour et les riches
vases décorés posés au sol. Sorte d’antithèse du thème de la vanité, cette allégorie présente
au contraire une Richesse triomphante et opulente, que seul le doigt pointé vers le ciel
du petit amour, qu’elle tient dans ses bras, semble inciter à se rappeler l’existence de Dieu
et des richesses célestes.
Ce tableau faisait peut-être partie d’une série de peintures allégoriques exécutées vers
pour les appartements royaux du château Neuf de Saint-Germain-en-Laye. Collection
de Louis XIII.
MU SÉ E D U LO UVRE , PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 308 V
Jean-Antoine WATTEAU
Jean-Antoine WATTEAU
La Finette
Vers
Huile sur panneau, x
Exemple de la grâce apportée par Watteau dans le traitement de sujets favorables à des effets
raffinés de facture et de matière. Ici la jeune femme, qui est peinte de manière
dépersonnalisée comme une figure de fantaisie, semble être une allégorie de la musique.
MU SÉ E D U LO UVR E , PE INTU RE FR AN Ç AISE — Œ U V R E S 310 W
Jean-Antoine WATTEAU
Watteau peint, comme Morceau de réception à l’Académie royale, cette grande composition
qu’il mettra en fait cinq années à terminer, préférant répondre aux nombreuses
commandes privées que sa jeune notoriété lui apporte. Agréé en , il ne livra
cependant qu’en son Morceau de réception, une de ses plus importantes œuvres,
le Pèlerinage à l’île de Cythère, qui lui permet d’entrer à l’Académie comme peintre
de « fêtes galantes ». Est-ce un départ pour l’île de Cythère ou un retour après l’amour?
Chaque historien d’art a interprété à sa manière l’allégorie de ce voyage dans l’île
de l’Amour.
Dans l’Antiquité, l’île de Cythère, située dans l’archipel des îles grecques, était considérée
comme un des lieux probables de la naissance d’Aphrodite, déesse de l’Amour, et l’île était
devenue un lieu sacré dédié à Aphrodite et à l’Amour. Peut-être inspiré de certains opéras
du XVIIe siècle ou d’une comédie de Dancourt, les Trois Cousines, créée en ,
ce tableau montre l’itinéraire amoureux d’un couple vers l’île de l’Amour. Assis en galante
conversation, un couple voisine un autre couple qui se lève, tandis qu’un troisième
chemine vers la barque qui doit les ramener au rivage. La jeune femme se retourne
et regarde avec regret le lieu de son bonheur. Au fond, des personnages embarquent
à bord d’une ravissante barque que survolent des amours.
Demeurée dans les collections de l’Académie royale de peinture et de sculpture, cette œuvre
intégra en , le Muséum central des arts de la République, futur musée du Louvre.
Devant le succès de cette œuvre, qui inaugure le XVIIIe siècle, Watteau en peint,
à la demande d’un de ses amis Jean de Julienne, une deuxième version, qui fait partie
des collections de Frédéric II (Berlin, château de Charlottenburg).
MU SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 311 W
Jean-Antoine WATTEAU
L’Indifférent
Vers
Huile sur panneau, , x
Le titre, qui n’est pas de Watteau, note bien l’émotion que ressent le spectateur : indifférence au
monde, à la vie, renfermement mélancolique dans un monde intérieur inaccessible à tous.
Une figure unique, sur une surface restreinte, incarnant à elle seule toute la séduction
d’un milieu social à l’extrême raffinement. Une silhouette de soie qui s’apprête à esquisser
un pas de danse, un instant fugitif fixé dans l’infini de l’espace. La sensibilité toute
personnelle de Watteau renouvelle l’idée de grâce.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 312 W
Jean-Antoine WATTEAU
Nymphe et satyre
Vers
Huile sur toile, , x ,
Watteau n’est pas seulement le peintre des « Fêtes galantes », il est aussi le peintre des tableaux
d’histoire religieuse et mythologique.
MU SÉ E D U LOU VRE , PE INTU RE F RA NÇ A ISE — Œ U V R E S 313 W
Jean-Antoine WATTEAU
Le Jugement de Pâris
Vers
Huile sur panneau, x
Le Jugement de Pâris a été maintes fois le sujet de peintures. Cette scène qui déclencha
en quelque sorte la Guerre de Troie nous est généralement montrée dans son ensemble :
Pâris, les trois « femmes ». Watteau nous donne à voir les raisons du choix : la beauté de
Vénus; une beauté qui nous tourne le dos et laisse deviner le devant du corps par
l’harmonie du dos. Nous ne voyons pas ce que voit Pâris, mais ce que nous voyons
explique son choix. Un mystère et un rébus esthétique en quelque sorte.
MU SÉE D U LO UVR E , PE INTU RE FR ANÇ AISE — Œ U V R E S 314 W
Jean-Antoine WATTEAU
Ce tableau était autrefois appelé le Gilles, mais on lui préfère à présent le titre, plus proche
du sujet, le Pierrot. Son sujet n’est d’ailleurs pas clairement défini : est-ce une enseigne
de théâtre pour un café ou un spectacle de forains? Est-ce une commande ou un tableau
qui trouve en lui-même sa propre finalité? Le personnage de Pierrot occupe toute
la hauteur du tableau et se détache sur le ciel, tandis que les personnages de la Comédie
italienne qui l’accompagnent sont vus à mi-corps, derrière des feuillages. On distingue
ainsi quatre des compères habituels de Pierrot dans la Comédie italienne traditionnelle :
le docteur sur son âne, Léandre et Isabelle, les amoureux, et le capitaine.
Jean-Antoine WATTEAU
Diane au bain
Vers
Huile sur toile, x
Il n’y a plus rien de mythologique dans cette Diane au bain : plus de croissant, plus d’amours
ailés, plus d’animaux de chasse, plus de nymphes. Même le carquois devient simple objet
de décor. Il y a simplement une jeune fille nue qui se lave les pieds « réellement ».
La Diane est devenue femme et le paysage, paysage. Watteau ne raconte pas d’histoire,
il note une attitude éphémère d’un être entré en lui-même et dont nous ne pouvons saisir
les pensées ou les sentiments.
M U SÉ E D U LO UVR E, PE IN TU RE FRA NÇ A ISE — Œ U V R E S 316 W
Jean-Antoine WATTEAU
Le Faux pas
Vers
Huile sur toile, x ,
Watteau aborde le genre des Fêtes galantes dans un esprit bien différent de celui
de ses contemporains : celui de l’image poétique et nostalgique des plaisirs de la fin
du XVIIe siècle liés au thème de la quête amoureuse ouverte sur l’infini et le rêve :
chez Watteau, tout est montré, rien n’est dit. Il est le peintre du fugitif, du moment
qui passe et qui ne revient pas, du moment dont on sait le prix et dont on connaît
les retours amers. C’est ce qui donne justement le sens du Faux pas.
BIOGRAPHIE
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU R E F RA NÇA I SE — B I OGRA PH IE 318 A
ANONYME
Si la période médiévale a connu des artistes nombreux et divers, dont les gens de l’époque
connaissaient bien les noms, beaucoup d’entre eux ne nous sont connus que par leurs
œuvres sans que nous puissions connaître leur nom de manière certaine, car on ne
pratiquait que très rarement la signature des œuvres et les archives qui pourraient nous
renseigner n’existent pas ou ont été perdues. On regroupe ces artistes sous la rubrique
« anonyme » et, pour certains d’entre eux sous le nom du lieu de l’œuvre la plus connue
précédé de la mention « maître ». Il en est ainsi du Maître de Moulins dont on débat
encore de l’identité qui doit sa désignation à l’œuvre qu’il fit pour la cathédrale
de Moulins. Il en est de même pour certains artistes de la Renaissance française
et notamment de l’école de Fontainebleau. Sans certitude absolue, ils deviennent dans
les catalogues des « anonymes, école de Fontainebleau ».
Lubin BAUGIN
C’est à la perfection des deux tableaux de nature morte des collections du musée du Louvre
que Lubin Baugin doit d’avoir retrouvé aujourd’hui la faveur du public.
La Coupe de fruits du musée des Beaux-Arts de Rennes, peinte dans un style proche de Jacques
Linard et de Louise Moillon, est la première œuvre connue de l’artiste.
L’insolite accord des tons gris, jaune et rose avec le bleu d’une nappe et la stricte ordonnance
des volumes font de la Nature morte aux gaufrettes du musée du Louvre l’œuvre la plus
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE F RA NÇAI SE — B I OGRA PH IE 319 B
remarquable de ce type de nature morte, qui connut son plein succès en France
entre et .
Jean de BEAUMETZ
Peintre flamand, Jean de Beaumetz s’installe à Dijon où Philippe le Hardi, duc de Bourgogne,
le fait venir. Il devient quasiment peintre officiel de la cour de Bourgogne, réalisant
des œuvres pour la chartreuse de Champmol, nécropole des ducs, et décorant
des châteaux. Son art s’accordait bien au style raffiné de la cour de Bourgogne.
Sa peinture, dont on ne connaît que deux œuvres, est une synthèse de l’école de Sienne
et de la tradition, à la fois réaliste et religieuse, de l’école flamande.
Henri BELLECHOSE
Nous connaissons peu d’éléments biographiques concernant cet artiste, sans doute né en
Flandres, jusqu’à ce qu’il soit nommé peintre en titre du duc de Bourgogne, Jean
sans Peur, vers . Il travaille à la cour de Bourgogne, peignant des retables pour
la décoration de la chartreuse de Champmol et pour les résidences du duc.
Il demeure durant le reste de sa carrière dans la ville de Dijon, terminant sa vie dans la disgrâce
et la misère. Le musée du Louvre possède, avec le Retable de saint Denis, la seule œuvre
connue d’Henri Bellechose.
Jacques BLANCHARD
Il y découvre le coloris raffiné des peintres italiens qu’il saura adapter dans des portraits comme
dans des scènes religieuses ou tirées de la mythologie.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E F RA NÇA I SE — B I OGRA PH IE 320 B
D’une grande sensualité, son œuvre, marquée par Titien et par Véronèse, mais également
par la deuxième école de Fontainebleau, a trouvé dans la vigueur des peintres nordiques
une évidente régénération.
Formé à Paris dans l’atelier du très célèbre peintre de fleurs Jean-Baptiste Monnoyer dont
il devient le gendre et le meilleur disciple, Jean-Baptiste Blin de Fontenay, né à Caen
en , est reçu peintre de fleurs à l’Académie royale de peinture et de sculpture en
grâce au Vase d’or avec le buste de Louis XIV, entré depuis dans les collections du musée
du Louvre.
Jusqu’à sa mort à Paris en , Jean-Baptiste Blin de Fontenay compose bordures et modèles
pour l’ancienne Manufacture royale des Gobelins, comme Alexandre-François Desportes,
pour les résidences royales. Pour Marly et pour Trianon, il invente de somptueuses
compositions dans lesquelles il associe des vases précieux et des pièces d’orfèvrerie
à des bouquets de fleurs et des corbeilles de fruits dans un décor de draperies
et d’architectures ou dans un décor de plein air.
Louis-Léopold BOILLY
Originaire du Nord de la France et ayant appris son métier très jeune à Arras et à Douai, Boilly
s’installe à Paris en et expose au Salon à partir de . Son succès, qui dure
de la Révolution à la Restauration, est assez paradoxal puisqu’il sait unir dans ses œuvres,
à une facture lisse et travaillée, qui lui vient de ses origines nordiques, une fraîcheur
qui évoque certains artistes de l’Ancien Régime, comme Fragonard.
François BOUCHER
Fils d’un peintre et élève de François Le Moyne entre et , François Boucher possède,
dès son adolescence, toutes les qualités d’un artiste. Il reçoit de Le Moyne, peintre alors
célèbre pour sa décoration du Salon d’Hercule à Versailles, le sens de la couleur, la leçon
de Titien, Véronèse et le Tintoret et l’intérêt pour des sujets tirés de la mythologie.
D’abord graveur, Boucher s’intéresse bientôt à la peinture à l’huile et, dès , obtient le prix
de Rome de peinture d’histoire avec Elvimedorach, fils et successeur de Nabuchodonosor,
qui délivre Joachim que son père avait tenu captif depuis dix-sept ans (Paris, École
nationale supérieure des beaux-arts). En compagnie de la famille Van Loo, il part pour
l’Italie en et y découvre les décorations ambitieuses des Carrache, de l’Albane
ou des Tiepolo.
Sa carrière devient alors fulgurante. À son retour d’Italie, il est agréé en à l’Académie royale
avec Renaud et Armide. Il y est bientôt nommé professeur en . Protégé par Madame
de Pompadour, qu’il initie d’ailleurs à la gravure et dont il fait plusieurs portraits,
Boucher reçoit de nombreuses commandes royales, tel l’Enlèvement d’Europe , tableau
encore très italien qu’il peint en réponse à un concours lancé par le roi en . La carrière
de François Boucher ne connaît ensuite que des succès officiels. En , il est nommé
recteur de l’Académie royale et premier peintre du Roi, à la mort de Carle Van Loo
en . Il dirige également ou conseille les manufactures de Beauvais et des Gobelins.
Mais ses succès de cour coïncident avec des critiques de plus en plus vives portées par Diderot
et les encyclopédistes, qui lui reprochent la facilité de sa technique et la frivolité
de ses sujets. La Révolution française éclipse totalement l’œuvre de Boucher dont
la renommée ne réapparaît que dans la dernière moitié du XIXe siècle. Toujours considéré
comme un peintre léger, ne s’attachant qu’aux corps nus et à l’amour champêtre, Boucher
est pourtant un artiste sensible et raffiné, inventeur du genre pastoral, qui va tant
marquer la fin du XVIIIe siècle.
Sébastien BOURDON
La postérité est injuste pour ce peintre dont l’existence fut fort mouvementée. Artiste fécond,
il aborde tous les genres et modifie sa manière en cours de carrière. Graveur, excellent
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — BI OGR A PH IE 322 C
dessinateur, Sébastien Bourdon est aussi un homme qui connaît tout de la technique
et qui réfléchit sur son art.
Avant , date de son départ pour l’Italie, Sébastien Bourdon, né à Montpellier en
dans une famille protestante, mène une vie errante, allant même jusqu’à s’engager
dans l’armée. À Rome où il s’installe, il attire rapidement l’attention grâce à ses pastiches
de peintres connus et à ses « bambochades » aux accords bleu et gris-acier. Dénoncé
comme protestant auprès de l’Inquisition, il s’enfuit vers la France et se fait connaître
en exécutant des tableaux religieux et des bambochades. En -, Nicolas Poussin,
au sommet de sa gloire est à Paris. Pour Sébastien Bourdon, comme pour Charles
Le Brun, il devient le modèle qui fraie la voie à un renouvellement de la peinture.
Il est, en , un des fondateurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture.
De son temps, aucun peintre n’a su comme lui allier une géométrie rigoureuse dans
l’ordonnance de l’espace pictural, la Présentation au Temple du musée du Louvre en est
un remarquable exemple, et ce goût si particulier pour les contrastes et les couleurs.
Antoine CARON
Peintre officiel de la cour de Catherine de Médicis, puis de son fils Charles IX, Antoine Caron
a retenu la leçon des peintures décoratives et théâtrales de l’art maniériste italien, puis
des peintres de la première école de Fontainebleau.
Réalisée durant l’époque troublée et violente des guerres de Religion, son œuvre parfois cruelle
et toujours raffinée est remplie de massacres (les Massacres du Triumvirat au musée
du Louvre) ou de symboles.
L’espoir apparaît cependant dans cette Sibylle de Tibur, représentant la célèbre scène où
l’empereur Auguste entend l’oracle de la prophétesse de Tibur annonçant l’avènement
du sauveur.
MU SÉ E D U LOU VRE , P EIN TUR E FR AN ÇAI SE — B IOGR A PH IE 323 C
Philippe de CHAMPAIGNE
Ne souhaitant pas entrer dans l’atelier du flamand Rubens, qui travaille alors au palais
du Luxembourg à la réalisation de la Galerie commandée par Marie de Médicis, il entre
dans l’atelier de Lallemand et participe avec Poussin à la décoration d’autres salles
du palais du Luxembourg de à . À la mort de Lallemand, ayant épousé sa fille
en , il prend sa succession, et est nommé peintre ordinaire de la reine mère et valet
de chambre du roi.
Très apprécié de Louis XIII (-) et de Richelieu (-) – qui lui commande
son portrait et pour qui il décore avec Simon Vouet sa Galerie des Objets d’Art et
des Hommes illustres au Palais-Cardinal –, il est également un des peintres religieux
les plus recherchés de Paris, travaillant à de nombreuses décorations pour les chartreux
à partir de , puis pour Port-Royal. Sa religiosité exigeante et sévère lui fait adopter
les idées pures et réformatrices de Port-Royal, ordre dans lequel sa fille devient religieuse.
À la mort de Louis XIII et de Richelieu, il est un des artistes les plus influents de la cour,
surveillant en la création toute récente de l’Académie royale de peinture et
de sculpture et travaillant beaucoup pour Anne d’Autriche durant la Régence.
Sa notoriété dépassant nettement les frontières de Paris, il devient également, en raison
de son réalisme et d’une technique parfaite, un des portraitistes les plus réputés du milieu
du XVIIe siècle.
À partir de , l’ascension irrésistible de Le Brun à la cour du jeune roi Louis XIV écarte peu
à peu Champaigne des commandes institutionnelles. Diverses polémiques l’opposent
à Le Brun entre et et ses trois dernières années verront un net recul de
sa notoriété.
Apprécié durant tout le XVIIIe siècle par les amateurs comme par les peintres religieux,
tels Subleyras ou Restout, le style de Philippe de Champaigne demeure toujours
une référence au XIXe siècle pour Ingres et les néoclassiques.
MU SÉ E D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇ AI SE — BI OGR A PH IE 324 C
Une période de deux années d’apprentissage auprès du peintre d’histoire Cazes, puis de huit
années dans l’atelier de Noël Coypel, accompagnées de quelques mois de travaux
de restauration aux côtés de Jean-Baptiste Van Loo au château de Fontainebleau,
semblent avoir constitué la formation de Chardin qui, dès ses premiers essais personnels,
se destine au genre de la nature morte, abandonnant les grands sujets historiques
ou religieux.
Très influencé par la tradition du genre de la nature morte dans la peinture flamande
et hollandaise, Chardin a assimilé à la perfection la virtuosité de la facture, servie par
une touche nerveuse et le réalisme du traitement des objets. Reçu maître-peintre
par l’académie de Saint-Luc, il attend cependant encore quatre ans pour être remarqué
par Nicolas de Largillière, qui l’encourage à se présenter devant l’Académie royale.
En , il est, chose rarissime, reçu et agréé le même jour par l’Académie sur
sa présentation de deux chefs-d’œuvre : la Raie et le Buffet, tableaux à présent conservés
au Louvre.
À partir de cette entrée officielle à l’Académie royale, Chardin poursuit une évolution picturale
linéaire et discrète, travaillant pour une clientèle bourgeoise, mais apprécié également
des nobles de la cour. Son œuvre est occupée, à partir de , par un autre centre
d’intérêt, la scène de genre. Quelques portraits, d’un réalisme et d’un sens de la
psychologie indéniables et, surtout, des scènes d’intérieur, ayant pour sujet les gestes de la
vie quotidienne, tableaux très influencés par la peinture nordique, lui apportent un
immense succès.
Son influence, qui s’atténue à la fin du XVIIIe siècle – les dernières années de sa vie sont
d’ailleurs marquées par les difficultés matérielles –, est ensuite considérable jusque sur
la peinture cubiste.
Théodore CHASSÉRIAU
Élève d’Ingres, qui voyait en lui un des peintres les plus doués de sa génération, mais aussi
grand admirateur de Delacroix et de ses couleurs violentes, Théodore Chassériau
a toujours été perçu comme un homme de synthèse entre la rigueur des peintres
MU SÉ E D U LO UV RE , P EIN TUR E FR ANÇ AI SE — BI OGR A PH IE 325 C
François CLOUET
Fils de Jean Clouet, dont il fut sans doute un collaborateur à ses débuts et à qui il succède
comme peintre du roi en 1541, François Clouet est un des principaux artistes de la cour
d’Henri II (-), puis de Charles IX (-). Il est bien plus qu’un peintre,
étant aussi organisateur des cérémonies ou des funérailles royales, et même concepteur
des bannières des trompettes du roi… Il assume les tâches de sa fonction, tout
en répondant à de nombreuses commandes privées de portraits avec son atelier.
Protégé par Catherine de Médicis (-), et accomplissant pour elle souvent de
discrètes missions diplomatiques, François Clouet peint divers portraits des grands
souverains d’Europe. Sa manière, plus proche des artistes maniéristes italiens que
de celle des peintres du Nord, sa patrie d’origine, marquera toute l’histoire du portrait
aux XVIe et XVIIe siècles.
Jean Clouet est originaire des Pays-Bas, mais aucun document n’atteste son origine,
sa formation et les circonstances de son arrivée en France. La première mention
le concernant date de et il est déjà signalé comme peintre de François Ier. On pense
d’ailleurs qu’il fut auparavant peintre de Louis XII (-). Nous savons qu’il s’établit
à Tours entre et , travaillant pour les églises de la région.
À partir de , il semble travailler davantage pour François Ier, partageant son temps
entre Paris et les divers châteaux de la Loire. Son habileté de portraitiste le rend célèbre
et il se spécialise dans ce genre, utilisant toutes les techniques possibles : miniature,
portrait à l’huile, dessin aux crayons colorés…
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Son œuvre connue est devenue à présent plus restreinte, mais elle fut sûrement très abondante,
car il alimente un grand atelier qui d’ailleurs accueillera son fils, François. Principal
représentant de l’école du portrait français au XVIe siècle, qui se perpétua grâce à son fils,
Jean Clouet pose les jalons essentiels de ce genre pour tout le XVIe siècle.
Corneille de Lyon est né à La Haye et ne doit son surnom qu’au fait d’un long séjour à Lyon.
Peintre d’Henri II dès , il sera un des intimes de ce monarque, étant mentionné en
comme « valet de chambre » du roi. Portraitiste d’un grand talent, il avait développé
une manière très sobre dans ce genre, peignant ses figures, généralement montées en
buste, sur un fond sombre, bleu ou vert.
Il est l’homme d’un travail minutieux et plein de raffinement. Ses couleurs favorites,
le bleu et le vert, se déploient dans des œuvres de petite taille. Ce raffinement fait
de lui le peintre de la noblesse.
Camille COROT
Enfant de riches commerçants parisiens, Corot est attiré par l’art dès son adolescence,
mais ne se décide à suivre sa vocation qu’à l’âge de ans, en entrant dans l’atelier
d’Achille-Etna Michallon. Corot n’oublie jamais le conseil de son jeune professeur :
« exprimer naïvement sa vision devant la nature ». Marqué par cet enseignement,
Corot entre ensuite dans l’atelier de Jean-Victor Bertin et alterne alors l’apprentissage
du dessin avec de longues séances sur le motif dans le parc de Saint-Cloud et déjà
à Ville-d’Avray, autour de la propriété de ses parents.
Mais, sensible aux arguments de ses professeurs et lui-même attiré par l’Italie, il se décide
à y effectuer un séjour afin de s’imprégner de la culture classique qui anime ce pays
et de découvrir la luminosité des paysages méditerranéens. Ce voyage déterminant
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De retour en France, Corot alterne les campagnes d’études de paysages menées sur le motif
à travers toute la France, mais surtout dans quelques régions favorites telles l’Ouest
de Paris – et son cher Ville-d’Avray –, le Morvan ou la Picardie, avec la réalisation
de grandes compositions aux titres évocateurs, qu’il expose régulièrement au Salon :
Agar dans le désert, Dante et Virgile, Saint Jérôme dans le désert ou Démocrite
et les Abdéritains.
Il s’intéresse aussi à la représentation de la figure humaine dans des portraits d’un profond
réalisme des membres de sa famille ou de proches, comme dans d’intéressantes figures
de fantaisie, allégories poétiques et colorées. Par sa variété et son efficace simplicité
picturale, l’œuvre de Corot, qui s’achève alors que débute le mouvement impressionniste,
demeure comme une des plus importantes et des plus cohérentes du XIXe siècle. À partir
de , son œuvre rencontre un immense succès auprès des professionnels et des
collectionneurs, succès qui n’a plus diminué depuis lors.
Jean COUSIN
C’est seulement en que l’on trouve la première mention de son nom, dans sa ville natale,
comme ayant participé à l’exécution des vitraux de la cathédrale, puis en tant que peintre
travaillant à la décoration de l’abbaye de Vauluisant. Jean Cousin s’établit sans doute à
Paris vers et travaille surtout à la réalisation de cartons de tapisseries ou de vitraux. À
cette époque, il est également connu comme graveur et comme illustrateur.
En , nous le trouvons aux côtés du sculpteur Jean Goujon. Les deux hommes réalisent
un des arcs de triomphe installés dans Paris pour accueillir le roi Henri II. La Pandore
qu’il peint pour ce décor sera d’ailleurs sans doute à l’origine d’une de ses rares peintures
de chevalet connues, Eva Prima Pandora. Dans ses dernières années, il est suffisamment
célèbre pour que Vasari cite son nom avec enthousiasme dans la première édition
des Vies, publiée en . Son fils, Jean Cousin le jeune, fut également peintre et graveur
et ses œuvres sont parfois difficiles à distinguer de celles de son père.
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Antoine COYPEL
Fils de Noël Coypel (-), qui dirigea l’Académie de France à Rome et travailla
beaucoup pour le Louvre et les Tuileries, Antoine Coypel fut d’abord l’élève de son père
et vécut avec ce dernier à Rome entre et . Enfant prodige, il étudie Raphaël,
Carrache, Corrège et Titien, ainsi que l’art antique, et il rencontre, grâce à son père,
Le Bernin et Maratta. Reçu à l’Académie en , il montre aussitôt une virtuosité
qui étonne, synthèse entre la facture enlevée de Rubens et de Jordaens et le coloris
des Vénitiens. Il reçoit alors de nombreuses commandes pour la cour de Versailles,
à Marly, Meudon, Trianon, et il devient le premier peintre des ducs d’Orléans.
Ayant souvent peint des scènes religieuses, il excelle surtout dans les sujets tirés de
la mythologie et de l’Antiquité, pour lesquels sa virtuosité de touche et ses recherches
dans le rendu pictural des passions humaines font merveille. Directeur de l’Académie
et premier peintre du roi, il domine bientôt l’art français et exécute des chefs-d’œuvre
de l’art décoratif pour la galerie d’Énée au Palais-Royal et la chapelle de Versailles.
Son art, sensuel, violent et coloré, arbitre la querelle du coloris en faveur des rubénistes
et prépare l’art du XVIIIe siècle.
Charles-François DAUBIGNY
Ami des principaux paysagistes de la première moitié du XIXe siècle, de Corot à Ravier,
exposant à la fin de sa vie aux côtés des impressionnistes, Daubigny fut avant tout
un passionné de la nature, qui s’intéressa, à l’exclusion de tout autre motif, au paysage.
La lumière et son traitement pictural, les phénomènes de reflet et de transparence et, surtout,
la calme poésie de la nature forment les caractéristiques de son art, serein et réaliste.
Jacques-Louis DAVID
Adressé comme élève à François Boucher, un lointain cousin, David entre en ,
sur recommandation de celui-ci, dans l’atelier de Joseph-Marie Vien, peintre ayant alors
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une grande notoriété et farouche partisan du retour à l’antique, prôné par ses
contemporains Winckelmann et Mengs. David n’est pas, à cette époque, sensible
au courant néoclassique, il souhaite, plus conventionnellement, concourir pour le prix
de Rome et entrer à l’Académie royale. Il tente d’ailleurs le prix de Rome trois fois, avant
de l’obtenir en avec Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochus.
Son voyage en Italie en , comme premier prix de Rome, lui fait découvrir les beautés
de l’Antique et adopter les théories esthétiques de son professeur. De retour à Paris,
il reçoit en la commande par le comte d’Angiviller du Serment des Horaces, dont il
fera le manifeste de la nouvelle peinture néoclassique, le retour vers les idéaux
moralisateurs de l’Antiquité et la rigueur de la construction classique de Poussin.
Sous la Révolution française et l’Empire, David, cohérent jusqu’à l’excès avec ses convictions
esthétiques, s’engage avec passion pour le nouveau pouvoir, et devient peintre officiel
comblé d’honneurs mais aussi homme politique.
Il est élu de la Convention, grand ordonnateur des fêtes révolutionnaires, membre du Comité
de sûreté générale et ami de Robespierre. Durant l’Empire, il travaille sans cesse,
aussi bien pour le pouvoir que pour une clientèle privée et il ouvre un atelier,
qui va devenir un des plus importants d’Europe. Il y accueille ainsi Drouais, Gérard,
Fabre, Isabey, Gros, Girodet et Ingres. Son enseignement imprègne toute
une génération, y compris des artistes qui s’engagent dans les combats romantiques
de la génération suivante.
Mais David ne résiste pas à la chute de l’Empire et à la Restauration. Fidèle à ses idéaux,
il préfère s’exiler et réside durant les dernières années de sa vie à Bruxelles, où il continue
à peindre des œuvres d’inspiration antique mais plus légères dans leurs sujets et moins
imprégnées de concepts moralisants.
Le musée du Louvre possède une importante collection des œuvres de cet artiste – sans doute
la plus belle au monde – et l’on peut y admirer ses grandes compositions néoclassiques,
mais également l’étudier comme portraitiste. Les portraits de Pierre Sériziat, de Madame
Trudaine ou de Madame Récamier sont autant de preuves de son sens de la psychologie
et de sa science de la composition. Par sa maîtrise de la ligne et sa passion de l’Antiquité,
David va profondément marquer les peintres classiques du XIXe siècle, tel Ingres,
mais, par son souffle épique et son sens du drame, il n’est nullement étranger au lyrisme
des romantiques.
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Alexandre-Gabriel DECAMPS
Ayant passé quelques mois dans l’atelier d’Abel de Pujol, il rompt dès le commencement de
sa carrière avec la formation traditionnelle et préfère apprendre son métier seul, en
travaillant d’après nature et en copiant les maîtres du Louvre. Dessinateur et caricaturiste,
il s’impose comme peintre orientaliste lors du Salon de . De à , il avait
en effet séjourné en Orient, rapportant un ensemble d’études et de croquis, qui allait
ensuite lui servir durant toute sa carrière. La Défaite des Cimbres, qu’il expose au Salon
de , révèle un grand peintre d’histoire, marqué par l’esprit romantique. Également
peintre de genre, souvent à la limite de la caricature, et s’inspirant de la peinture
hollandaise du XVIIe siècle, il est aussi un grand paysagiste et s’installe, après ,
à Fontainebleau où il participe aux recherches des artistes travaillant à Barbizon.
Eugène DELACROIX
Delacroix est-il un « pur classique », comme il se définissait lui-même, aimant Raphaël tout
autant que Rubens et s’inspirant de Le Brun comme de Véronèse? Ou bien fut-il un être
tourmenté et romantique, suiveur du réalisme et de la violence de Géricault,
génie solitaire créant dans la souffrance des tableaux violemment colorés? En fait, l’œuvre
de cet artiste protéiforme est délicate à appréhender tant elle est variée, parfois
contradictoire, spontanée dans sa touche mais longuement mûrie dans ses sources
d’inspiration. Le musée du Louvre, qui conserve une soixantaine d’œuvres de Delacroix,
est sûrement le meilleur lieu au monde pour comprendre son œuvre.
Peu à peu devenu, avec ses tableaux exposés aux Salons de (Dante et Virgile) et
(les Massacres de Scio), chef de file de l’école romantique, l’adversaire d’Ingres et
des classiques, Delacroix se lie avec toute une génération : Stendhal, Hugo, Dumas,
Mérimée, Chopin, George Sand, Barye ou Delaroche. Son tableau de , la Liberté
guidant le peuple, engagement politique pour la Révolution des Trois Glorieuses
et l’avènement de Louis-Philippe, resserre encore ses liens avec la génération romantique.
Disposant de solides appuis dans les milieux politiques, il obtint de nombreuses décorations
au musée du Louvre (Apollon vainqueur du serpent Python, un plafond dans la galerie
d’Apollon), à l’Hôtel de Ville de Paris, au Sénat ou au Palais-Bourbon. Il peint également
de grandes compositions historiques, telles la Prise de Constantinople par les croisés et
la Bataille de Poitiers (Paris, musée du Louvre) ou la Bataille de Nancy (Nancy, musée
des Beaux-Arts), trouvant également ses sources d’inspiration souvent dans la littérature.
Personnalité d’une rigueur et d’une honnêteté artistiques parfaites, Delacroix est un des artistes
de référence de son temps, par sa liberté de facture, ses recherches sur la couleur et son
sens de la lumière. Lui-même, toujours en recherche de formes d’expression nouvelles,
a cependant trouvé dans l’œuvre des grands peintres classiques des exemples qu’il sait
adapter aux enjeux esthétiques de son époque.
François DESPORTES
Reçu à l’Académie en , il exécute des décorations pour Marly et Meudon, et peint en série
les chiens de la meute royale. Il travaille pour les châteaux de la famille royale, Versailles,
les Tuileries, Compiègne ou Choisy, mais sa manière élégante et réaliste lui attire,
jusqu’en Angleterre, une nombreuse clientèle privée. Malgré son immense notoriété,
il continue à travailler d’après nature, peignant en plein air, à l’huile, d’intéressants
paysages qui annoncent les recherches réalistes du XVIIIe et du XIXe siècle dans ce genre.
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Toussaint DUBREUIL
Nous ne connaissons plus guère l’œuvre de Toussaint Dubreuil en qui ses contemporains
virent un « nouveau Primatice » puisque les décorations qu’il conçut pour les palais
de Fontainebleau et du Louvre, pour les châteaux des Tuileries et de Saint-Germain-
en-Laye ont disparu lors des remaniements de ces bâtiments.
Quand, après les troubles des guerres de Religion, le pouvoir royal fut rétabli, Toussaint
Dubreuil devient le peintre du roi Henri IV. Il reçoit de nombreuses commandes pour
les résidences royales et conçoit pour le château Neuf de Saint-Germain-en-Laye un cycle
de soixante-dix-huit tableaux illustrant l’épopée de Pierre de Ronsard, la Franciade, dont
il subsiste cinq œuvres parmi lesquelles Hyante et Climène à leur toilette et le Sacrifice
antique des collections du musée du Louvre.
Passé maître dans la représentation de la Fable, il sait associer aventures amoureuses et voyages
périlleux sans oublier les scènes de chasse qui plaisent tant au roi et à la cour. La concision
minutieuse d’Antoine Caron, le maniérisme du Primatice définissent un style où
les caractéristiques formelles d’œuvres comme le Sacrifice antique annoncent
leclassicisme français des années postérieures.
Pierre DUPUIS
–
Longtemps méconnu, Pierre Dupuis est mieux identifié aujourd’hui et ses œuvres, rarement
datées, attestent d’une parfaite maîtrise de la mise en page des natures mortes et dans
le rendu de ses sujet. Ils s’inscrit dans cet art de la nature morte qui accompagne
le Grand Siècle et qui mêle savamment éléments décoratifs et significations symboliques.
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Hippolyte FLANDRIN
Deuxième des frères Flandrin (Auguste, l’aîné, était né en et Paul, le cadet, en ),
Hippolyte Flandrin est peut-être le plus talentueux des trois frères. Élève d’Ingres, comme
ses deux frères, il devient un des disciples favoris du maître et remporte le grand prix
de Rome de peinture d’histoire en .
Après son séjour à Rome, il participe avec succès à la campagne de décoration des églises
de Paris, lancée à l’initiative de la Ville de Paris, durant la seconde moitié du XIXe siècle.
Il travaille ainsi à Saint-Germain-des-Prés, Saint-Vincent-de-Paul, mais aussi dans
des églises à Nîmes et à Lyon, sa ville natale. Grand portraitiste, il est un des meilleurs
représentants de la descendance d’Ingres et de l’art néoclassique. Il est aussi un des plus
importants peintres de peinture religieuse du XIXe siècle.
Jean FOUQUET
Toujours considéré comme le principal peintre du XVe siècle français, Fouquet nous est
cependant peu connu, sa biographie étant particulièrement lacunaire et la chronologie
de son œuvre ne pouvant être reconstituée que partiellement. Ses origines sociales
sont incertaines et on a parfois écrit qu’il serait fils de prêtre.
Nous savons qu’il effectue un essentiel voyage en Italie entre et , pendant lequel
il peint un portrait d’Eugène IV, très admiré par les artistes italiens.
À son retour d’Italie, s’installant à Tours, il trouve immédiatement une riche clientèle parmi
les fonctionnaires de la Cour. Ainsi Étienne Chevalier, trésorier de France,
lui commande-t-il le Diptyque de Melun, entre et , et à partir de , Fouquet
réalise pour lui les célèbres Heures d’Étienne Chevalier, superbe ouvrage enluminé.
Dans ses diverses œuvres, l’influence de l’art de la Renaissance italienne est évidente.
Entre et , il exécute de nombreux manuscrits enluminés pour lesquels il a recours
à plusieurs élèves. En , il peint l’effigie mortuaire de Charles VII et anime les fêtes
de l’entrée solennelle de Louis XI à Tours. Louis XI le nomme d’ailleurs maître
de cérémonies et ordonnateur des fêtes royales.
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Devenant peintre du roi, il participe à toutes les commandes officielles et répond dans le même
temps à de nombreuses commandes privées et religieuses. Son influence sur la peinture
de son temps et sur les portraitistes de la génération suivante est essentielle,
car il introduit définitivement l’art italien en France.
Jean-Honoré FRAGONARD
Le jeune Fragonard semble béni des dieux. Élève de Chardin et de Boucher, ami de Greuze
et d’Hubert Robert, entré à l’École des élèves protégés auprès de Carle Van Loo,
il a remporté à ans le grand prix de Rome de peinture d’histoire avec Jéroboam
sacrifiant aux idoles (Paris, École nationale supérieure des beaux-arts).
En , il a pu ainsi partir en Italie, où il demeure jusqu’en , étudiant les œuvres de l’art
baroque italien. Enchanté également par la foisonnante campagne romaine, il se consacre
beaucoup au paysage durant ce séjour, peignant et dessinant d’après nature des vues
qu’il réutilisera plus tard dans des compositions plus ambitieuses.
Même si les révolutionnaires ne l’écartent pas en – Fragonard est conservateur au Muséum
central des arts de la République, futur musée du Louvre – et malgré la protection
de David, la facilité d’exécution de son art le font rejeter à la fin de sa vie – et pour
de longues années. Par son lyrisme et sa sensibilité, l’œuvre de Fragonard apparaît
cependant comme une des plus importantes du XVIIIe siècle.
Orphelin très jeune, il se rend aussitôt à Rome, entre et et y apprend son métier.
Il séjourne durant deux années à Naples auprès du peintre Gottfried Wals. De retour
dans sa Lorraine natale entre et , il devient durant cette période l’assistant
de Deruet. Mais les paysages italiens lui manquent et il repart pour Rome en ,
après seulement une année passée en Lorraine.
À Rome, il commence à dessiner en plein air et, travaillant avec Swanevelt, il s’inspire du
réalisme des peintres nordiques de paysages.
De à , sa renommée grandit et il peint des fresques pour le palais Muti à Rome.
Bientôt les commandes du cardinal Bentivoglio et du pape Urbain VIII lui apportent
un considérable succès. Il travaille alors beaucoup pour la noblesse romaine qui aime
ses paysages réalistes et poétiques. Ses principaux acheteurs durant cette période sont
le roi d’Espagne et le prince Colonna.
Vers , l’influence des paysages d’Annibal Carrache, savamment construits et d’un profond
réalisme, se fait sentir dans son œuvre, il peint alors des paysages à sujets religieux
ou mythologiques, cherchant à synthétiser le réalisme de paysages habilement recomposés
avec une iconographie originale.
François GÉRARD
Il devient à partir de un des élèves les plus enthousiastes de David, le maître qui enflamme
alors la jeune génération avec ses théories néoclassiques. Gérard remporte enfin son
premier succès au Salon en , Bélisaire portant son guide piqué par un serpent. Bientôt
reconnu comme portraitiste, après le portrait de Jean-Baptiste Isabey et de sa fille (musée
du Louvre), il est davantage contesté pour certaines de ses œuvres d’inspiration antique,
comme Psyché et l’Amour.
Mais l’Empire, dont il devint un des chroniqueurs et portraitistes officiels, allait enfin
lui apporter la renommée. Choisi pour représenter l’Empereur en tenue du sacre, en ,
il représenta tous les membres de la famille impériale et les hauts dignitaires du régime.
Son œuvre de peintre d’histoire est tout aussi intéressante, que cela soit dans la Victoire
d’Austerlitz (galerie des Batailles, château de Versailles) ou bien l’Entrée d’Henri IV
à Paris (château de Versailles).
La chute de l’Empire n’eut pas de grandes conséquences sur la carrière de Gérard et, malgré
d’évidentes redites dans son art après , il demeura une des personnalités les plus
influentes du monde artistique parisien, arbitrant à sa manière les premières querelles
entre Ingres et Delacroix.
Théodore GÉRICAULT
Originaire de Rouen, Géricault est camarade de lycée de Delacroix et il s’inscrit tout d’abord
chez Carle Vernet, célèbre peintre de chevaux et fils du paysagiste Joseph Vernet,
qui a élevé le genre du paysage au niveau de la peinture d’histoire au XVIIIe siècle. Durant
cette période, Géricault se passionne pour Rubens et les maîtres vénitiens, qu’il copie
abondamment, mais aussi pour l’œuvre de Gros et de Prud’hon, deux peintres issus
du néoclassicisme. Désireux de pousser plus avant sa formation, il s’inscrit dans l’atelier
de Pierre-Narcisse Guérin, qui a déjà accueilli Delacroix, le paysagiste Paul Huet et
les frères Scheffer.
Ses premiers tableaux exposés au Salon de , Officier de chasseurs à cheval de la Garde
Impériale chargeant, et au Salon de 1814, le Cuirassier blessé, lui apportent de nombreux
admirateurs dans la jeune génération. Il profite de ce succès, bien que n’ayant pas
concouru pour le prix de Rome pour aller achever sa formation en Italie, où il demeure
entre et . L’Italie lui apporte, non seulement le choc de l’œuvre des génies de la
Renaissance – et pour lui, plus particulièrement, de Michel-Ange –, mais aussi
le spectacle de certaines scènes typiques, comme la célèbre course des chevaux barbes,
lui inspirant un projet de grand tableau, qui ne verra jamais le jour.
À son retour, il livre, pour le Salon de , son chef-d’œuvre, le Radeau de la Méduse.
Plus tard, il continue à s’intéresser à la peinture des chevaux mais il se passionne aussi,
avec une acuité morbide et une profonde lucidité, pour des études psychologiques
d’un réalisme sans concession avec des portraits de fous, dont le musée du Louvre
conserve un des plus intéressants exemples, la Folle monomane du jeu. Son souci exacerbé
de réalisme guide ses quelques portraits, tels le Vendéen ou Louise Vernet enfant,
et quelques-uns de ses plus beaux paysages.
Par sa formation et son sens de la construction, par ses références classiques et son amour
de David et Gros, Géricault se place comme un héritier des grandes traditions
de la peinture, mais il sut enrichir son regard d’un réalisme absolu, d’une grande violence
du regard sur la nature et d’un évident sens du mouvement qui le situent clairement
comme un des premiers romantiques français.
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Entré fort jeune, en , dans l’atelier de David, il en est un des élèves les plus brillants
et remporte le grand prix de Rome de peinture d’histoire en .
Son séjour à Rome est caractérisé, au contact avec la peinture italienne, par une relative rupture
avec l’art de David. S’intéressant à Léonard de Vinci et à Corrège, passionné par
le modelé des chairs, il peint l’étonnant Sommeil d’Endymion (musée du Louvre),
qui est un des premiers tableaux nettement romantiques. Portraitiste, il immortalise
Chateaubriand en (musée de Saint-Malo) et il s’intéresse également au genre
du paysage, qu’il pratique et collectionne durant toute sa carrière.
Mais ses œuvres les plus importantes, Ossian (château de Malmaison), le Déluge
ou les Funérailles d’Atala (musée du Louvre) sont peintes durant l’Empire.
Jean-Baptiste GREUZE
Ayant effectué ses études de peintre à Lyon, il arrive à Paris en pour devenir élève de
Natoire à l’Académie. Agréé à l’Académie en , il semble hésiter à choisir la voie
institutionnelle, n’ayant pas présenté le grand prix de Rome de peinture d’histoire et
tardant à livrer son Morceau de réception à l’Académie, qu’il ne donne qu’en
(l’Empereur Sévère reproche à Caracalla d’avoir voulu l’assassiner), subissant alors de
nombreuses critiques.
Par contre, ses tableaux de genre, d’une facture sans défaut, liant la lumière du Caravage
au réalisme des peintres hollandais, rencontrent un grand succès au Salon, surtout auprès
des encyclopédistes. Il n’est pas marqué par un rapide voyage en Italie en et continue
ensuite à peindre des tableaux légers, dont l’esprit grivois à la mode au XVIIIe siècle
est souvent corrigé par une note moralisante ou un sens évident de la mise en scène
et de l’allégorie.
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Mais son échec devant l’Académie, puis les réticences du public face à ses essais de retour
à l’Antique lui retirent progressivement tout rôle dominant et il s’oriente,
dans les dernières années de sa vie, vers l’art du portrait dans lequel il avait réussi durant
toute sa carrière.
Admis à ans comme élève de David, il surprend dans l’atelier du maître néoclassique
par son admiration pour Rubens et la peinture baroque. D’esprit peu révolutionnaire,
il voyage en Italie, au moment de la Terreur, en , séjournant huit années à Milan,
Gênes, Rome et Florence et copiant l’antique comme les maîtres de la Renaissance.
François-Joseph HEIM
Ayant remporté le grand prix de Rome de peinture d’histoire en , Heim fut un des peintres
institutionnels de la Restauration, sachant manier dans ses tableaux la fougue romantique
tout autant que la manière classique et peignant de nombreux sujets religieux.
Aimant la pratique réaliste du portrait, il fut surtout célèbre comme décorateur, ayant peint
pour le Louvre plusieurs décors durant les travaux effectués dans le Palais sous Charles X.
Ce peintre dont l’identité est incertaine tire son nom du Triptyque de la Vierge en gloire
entourée d’anges de la cathédrale de Moulins. Il a travaillé principalement pour la cour
de Bourbon où il abandonne progressivement une influence manifestement flamande
pour s’acclimater aux caractéristiques de la peinture française de l’époque, pleine
de raffinement aristocratique et d’élégance.
Jean-Auguste-Dominique INGRES
Fils d’un peintre, sculpteur et architecte, Ingres est l’élève de deux peintres toulousains, Roques
et Vigan, avant de se rendre à Paris dans l’atelier de David, où il demeure de à .
Son évolution l’amène tout naturellement à concourir pour le prix de Rome qu’il
remporte en avec les Ambassadeurs d’Agamemnon venant prier Achille de combattre
(Paris, École nationale supérieure des beaux-arts). Mais la situation politique de la France
et ses propres activités ne lui permettent pas de partir immédiatement pour l’Italie.
C’est durant cette période qu’il réalise un portrait de Napoléon Ier et, surtout, l’exquise
série des trois portraits de la famille Rivière.
Partant pour Rome en , Ingres demeure en Italie jusqu’en . Durant cette période,
où il découvre Masaccio à Florence ou Raphaël au Vatican et dessine beaucoup d’après
l’antique, Ingres peint le Portrait de Granet (Aix-en-Provence, musée Granet)
et le hiératique Jupiter et Thétis (Aix-en-Provence, musée Granet), qui montrent la variété
de ses recherches. C’est également durant ces années qu’il reçoit la commande du Songe
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d’Ossian (Montauban, musée Ingres) et qu’il peint la première étape de son analyse
du nu féminin, qu’il poursuivra toute sa vie, avec la Baigneuse Valpinçon (Paris, musée
du Louvre).
Cette période, particulièrement productive, est aussi celle où il peint un de ses chefs-d’œuvre,
Roger et Angélique, étonnant tableau où il s’écarte des références antiques au profit
d’une influence évidente des artistes baroques italiens, et, surtout, la Grande Odalisque ,
deuxième étape de sa réflexion sur le corps féminin, nu sensuel où il intellectualise
son propos et cherche à idéaliser les formes naturelles en autant de principes picturaux.
À son retour en France, il reçoit plusieurs commandes importantes, à commencer par celle
du Vœu de Louis XIII à la Vierge (Montauban, cathédrale), monumentale composition
qui l’occupe durant quatre années et qui est exposée au Salon de , où on l’oppose
aux recherches romantiques de Delacroix dans ses Massacres de Scio. Cette confrontation
entre les deux artistes se poursuit avec, dès , la Mort de Sardanapale et l’Apothéose
d’Homère. En , il est nommé directeur de l’Académie de France à Rome, poste
prestigieux qui le renforce encore dans sa passion pour l’éducation – tout comme David,
il dirige un important atelier –, et il revient à Paris auréolé de la gloire de ce poste
prestigieux et son succès ne tarira plus.
Les dernières années de sa vie, devenu un artiste reconnu, il peint les vingt-cinq cartons
préparatoires pour la chapelle de Dreux (Paris, musée du Louvre) et un chef-d’œuvre,
l’Âge d’or (château de Dampierre).
Durant cette période, il poursuit ses recherches sur le nu féminin dans des œuvres d’une
délicate facture et d’une grande sensualité. Son insistance sur la ligne, qui provient de sa
pratique constante et première du dessin, ne saurait cependant faire oublier l’importance
dans son art de la couleur et, surtout, des effets de lumière. En fait, loin d’être un des
grands peintres d’histoire de son époque, Ingres fut surtout un artiste sensuel et réaliste,
qui réussit le mieux dans les deux genres par excellence de l’observation de la nature :
le nu et le portrait.
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Jean JOUVENET
Né en au sein d’une dynastie d’artistes établie à Rouen, Jean Jouvenet reçoit une première
formation dans l’atelier familial avant de former, à son tour, son neveu Jean II Restout.
Dès sa dix-septième année, il se rend à Paris où il est remarqué par Charles Le Brun que
Louis XIV a chargé des grands travaux de décoration de Versailles, de Saint-Germain-
en-Laye et des Tuileries. Jean Jouvenet y participe. Reçu à l’Académie royale de peinture
et de sculpture en , il consacre la plus grande partie de son œuvre à la peinture
religieuse. Ce sera, en , la Descente de croix du musée du Louvre, peinte pour
les capucines de la place Vendôme puis la série des quatre toiles monumentales des scènes
de la vie du Christ pour Saint-Martin-des-Champs. Mises en place en , la Pêche
miraculeuse et la Résurrection de Lazare sont aujourd’hui au musée du Louvre.
Durant les dernières années du règne de Louis XIV, Jean Jouvenet est avec Charles de La Fosse
et Antoine Coypel l’un des peintres les plus considérés. Il réalise des décorations dans le
parlement de Rennes et au dôme des Invalides. Nommé recteur de l’Académie en ,
il décore la tribune du roi à la chapelle de Versailles d’une Descente du Saint-Esprit
et exécute de nouvelles décorations au parlement de Rouen. Les dernières années
de sa vie sont assombries par la maladie. Paralysé de la main droite, c’est avec la main
gauche qu’il peint le Magnificat de Notre-Dame de Paris avant de s’éteindre en .
Théâtral est un qualificatif souvent appliqué à l’œuvre de cet artiste qui, pénétré de l’art
de Poussin, prit Charles Le Brun pour modèle. Grâce à lui, en cette fin de siècle,
la peinture française dispose d’une expression picturale qui peut rivaliser avec celle
des grands maîtres étrangers baroques.
Charles de LA FOSSE
C’est à Rome puis à Modène, Parme et Venise où il séjourne de à , qu’il acquiert
sa véritable formation ce dont témoigne le Moïse sauvé des eaux du musée du Louvre.
MU SÉ E D U LO UVRE , P EIN TU RE FR AN ÇAI SE — B I OG RA PH IE 343 L
À son retour en France, il est reçu à l’Académie en et assiste Charles Le Brun dans
les décorations des Tuileries et de Versailles.
Mais en , grand ami de Roger de Piles, il se tourne vers le parti du « coloris » et se met
à l’école de Rubens. Il fait partie de l’atelier qui décore le Grand Trianon, bâti par
J.H. Mansart en , de peintures à sujets mythologiques convenant bien à un art plus
soucieux de plaire que « d’instruire ».
En , le roi s’étant tourné vers la religion et la piété, il est rappelé de Londres, où il décore
le palais du duc de Montagu, pour peindre la coupole du dôme des Invalides puis l’abside
de la chapelle du château de Versailles. Il meurt à Paris en .
En regardant ses œuvres, on a sous les yeux les tendances de la fin du siècle, l’intérêt pour la
peinture vénitienne et la peinture flamande, l’ouverture vers une construction dynamique
inconnue dans la peinture française depuis Simon Vouet.
Laurent de LA HYRE
Paris, – Paris,
Il apprit son art auprès de son père, Étienne de la Hyre, lui-même peintre, puis des peintres
Georges Lallemand et Quentin Varin, ce dernier ayant été le premier maître de Poussin.
Il reçoit dès des commandes officielles importantes, comme celles de deux « mai »,
peints pour Notre-Dame de Paris en et .
Son œuvre est surtout caractérisée par une esthétique baroque et dramatique, qui évoque l’art
de Vouet et de Blanchard, et un grand sens du coloris. Il connaît un grand succès, surtout
après , recevant de nombreuses commandes privées et travaillant aussi pour
des cartons de tapisseries, tout en s’affirmant comme un intéressant peintre décorateur.
En , il est un des douze artistes fondateurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture.
S’intéressant dans ses tableaux religieux davantage au rendu expressif des postures de
ses personnages ainsi qu’à la fougue des passions, il s’intéresse, dans ses dernières années,
au genre réaliste et raffiné du paysage. Son coloris recherché et sa touche précise en ont
fait un des artistes les plus sensibles et les plus influents de son siècle.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — BI OGRA PH IE 344 L
Georges de LA TOUR
Sa formation, sur laquelle nous n’avons aucun renseignement, semble se dérouler entre
et , accompagnée peut-être d’un voyage en Italie, durant lequel il aurait découvert
des œuvres du Caravage.
Il demeure dans sa petite ville natale jusqu’en , date à laquelle il s’installe à Lunéville,
ville dont est originaire son épouse, Diane de Nerf. De à , il mène une vie
sédentaire et travaille beaucoup, recevant des commandes du maréchal de la Ferté
et devenant peintre ordinaire du roi.
S’inspirant de thèmes limités, généralement d’origine religieuse, La Tour peint une œuvre
d’une grande spiritualité et d’un humanisme profond. Réaliste et mystique,
elle influencera peu les générations suivantes, étant tombée dans l’oubli, mais elle
est un témoignage essentiel de l’histoire du baroque en France.
Il expose au Salon sans continuité de à et c’est au Salon de que l’on put admirer
le Portrait de Louis XV du musée du Louvre. Mais, hanté par le souci de la perfection,
il s’abstient de figurer au Salon de . Pris d’une insatisfaction maladive, il retouche ou
détruit ses œuvres antérieures jusqu’à ce que sa raison chancelle. Il se retire à Saint-
Quentin en avec son frère et y meurt quatre ans après.
Nicolas LANCRET
Né à Paris en , Nicolas Lancret fut comme Jean-Antoine Watteau l’élève du peintre Claude
Gillot. Très vite, à une époque où le goût français s’ouvre à la peinture des écoles du Nord,
il se spécialise dans les représentations de fêtes galantes et son talent aimable lui vaut
de très nombreuses commandes.
Ami de François Le Moyne, il n’en a pas le goût, peignant des sujets de genre légers et
des scènes rustiques plaisantes, s’intéressant au théâtre, aux scènes de comédie
et aux acteurs comme Jean-Antoine Watteau. Mais, contrairement à Jean-Baptiste Pater,
il est sensible aux questions de décoration. Il travaille pour Fontainebleau, pour le château
de la Muette pour lequel fut peinte en la série des Quatre Saisons du musée
du Louvre et pour les petits appartements de Versailles. Lorsqu’il disparaît en , la fête
galante disparaît avec lui.
M U SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E F RA NÇA I SE — B I OGRA PH IE 346 L
Nicolas de LARGILLIÈRE
Malgré une origine française, Nicolas de Largillière passa son enfance et apprit les rudiments
de son métier à Anvers. Il y est l’élève d’Antoine Goubau et il est reçu membre
de la guilde d’Anvers en . À cet apprentissage solide du réalisme et de la vigueur
de coloris des maîtres flamands, il a ajouté l’expérience acquise au cours d’un important
séjour en Angleterre, où il s’initie auprès de Peter Lely à la tradition du portrait hérité
de Van Dyck.
Dès son retour à Paris en , il est protégé par l’importante communauté des artistes
flamands installés à Paris. Lorsqu’il est reçu à l’Académie en , il se place cependant
dans la filiation de la grande tradition française, en peignant le Portrait de Le Brun
(musée du Louvre), alors l’artiste le plus influent de la cour de Louis XIV.
La fraîcheur des chairs de ses modèles et son rendu précis des costumes et des accessoires
lui attirent un succès considérable. Quelques natures mortes et quelques rares paysages,
dans lesquels il s’essaie à ces genres tout aussi réalistes que le portrait, viennent parfois
rompre une carrière remplie des commandes innombrables des aristocrates et des riches
bourgeois parisiens.
Charles LE BRUN
Fils de sculpteur et enfant prodige, Le Brun, très jeune, est protégé par le chancelier Séguier,
un des plus importants fonctionnaires de la cour de Louis XIII, qui le fait entrer en
dans l’atelier de Simon Vouet, alors principal peintre de la cour. Cette puissante
protection lance sa carrière et lui permet d’accéder aux plus hautes responsabilités
artistiques.
Ainsi en , il obtient le brevet de peintre et valet de chambre du roi. Cette nomination ne
lui fait pas renoncer pour autant à un voyage en Italie en – il part avec Poussin –,
d’où il ne revient qu’en .
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE F RA NÇAI SE — B I OGRA PH IE 347 L
Le contact avec Poussin mûrit son style, l’écartant du lyrisme coloré et baroque de Simon Vouet
pour adopter une manière plus construite, rigoureuse et intellectuelle.
De retour en France et une fois les graves évènements de la Fronde passés, il reçoit
de nombreuses commandes et devient un des peintres à la mode. Il est chargé, entre
et , de la décoration du château de Vaux-le-Vicomte pour le surintendant Nicolas
Fouquet (-). Cette décoration demeure d’ailleurs une de ses plus belles réussites.
Parallèlement, il travaille pour Louis XIV et devient premier peintre du roi en .
Il accumule alors les honneurs et les charges officielles : chargé à vie de l’Académie royale
de peinture et de sculpture, directeur de la manufacture des Gobelins, gardien
des collections du roi, décorateur du château de Versailles…
Le Brun est véritablement l’exécuteur de la vision culturelle et politique de Louis XIV, utilisant
les beaux-arts pour renforcer son pouvoir et prouver sa puissance.
François LE MOYNE
Après avoir étudié auprès de Louis Galloche, durant douze ans, de à , il est reçu
académicien en et devient bientôt premier peintre du roi. D’une sensibilité aiguë
et d’une facture brillante, son œuvre est surtout caractérisée par un sens de la couleur
hérité non seulement de Jouvenet ou de La Fosse, mais surtout des grands italiens
du XVIe siècle et particulièrement des peintres vénitiens.
Cette influence des peintres baroques italiens allait encore être renforcée par son amitié avec
Sebastiano Ricci et Pellegrini, ainsi que par un essentiel voyage en Italie en .
Son œuvre personnelle, marquée par une constante évolution se tournant autant vers l’art
italien que nordique, est une des plus importantes du règne de Louis XIV et de
la Régence et constitue une étape essentielle entre le XVIIe siècle et l’art de Boucher
et de Natoire, deux de ses élèves.
MU SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE FR AN ÇAI SE — B I OG RA PH IE 348 L
Injustement oubliés durant plus d’un siècle, les travaux des frères Le Nain, Antoine (Laon,
vers - – Paris, ), Louis (Laon, vers - – Paris, ) et Mathieu (Laon, vers –
Paris, ) sont redécouverts au XIXe siècle, avec les recherches de Champfleury, et surtout
étudiés depuis le premier quart du XXe siècle.
Après de nombreux tâtonnements, il semble, que l’œuvre de chacun des trois frères puisse être
distinguée et étudiée séparément. Trois ensembles, assez homogènes, ont été mis en
lumière de manière nette, même si de nombreux tableaux paraissent avoir été exécutés
à plusieurs mains par deux des trois frères.
En effet, Louis et Antoine semblent avoir beaucoup travaillé ensemble, Antoine étant
traditionnellement considéré comme le moins doué et Louis comme le génie
de la famille. Leurs tableaux sont généralement signés simplement « Le Nain », ce qui ne
facilite pas les attributions.
Originaires de Laon, les trois frères s’installent à Paris en et y font toute leur carrière.
Antoine est reçu dès son arrivée comme maître dans la corporation des peintres de Saint-
Germain-des-Prés et, en , il reçoit la commande d’un portrait de groupe des échevins
de Paris.
En , Mathieu est quant à lui nommé peintre ordinaire de la Ville de Paris. Tous les trois
seront admis en , année de la mort de Louis et d’Antoine, à l’Académie royale
de peinture et de sculpture.
Après la mort de ses deux frères, Mathieu, qui est leur légataire universel, poursuit seul l’œuvre
familiale. À partir de , il semble posséder une certaine aisance, multipliant
les opérations immobilières et se parant du nom de Sieur de la Jumelle. En ,
il obtient le collier de l’ordre de Saint-Michel. La carrière de Mathieu, la plus longue
et la plus documentée, nous est la mieux connue et l’on peut suivre jusqu’à sa mort
sa production, parfois inégale et assez superficielle.
D’un profond réalisme, très souvent inspirée par des sujets religieux ou paysans, l’œuvre
des trois frères Le Nain a reçu l’influence du caravagisme européen et de la peinture
de genre des écoles nordiques. Leurs sujets sont généralement mis en scène dans un habile
clair-obscur, qui théâtralise même ces portraits de groupe de paysans qui firent
leur célébrité.
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Eustache LE SUEUR
Fils d’un tourneur sur bois, Le Sueur reçoit une formation solide et classique, tout en étant
initié vers par son professeur Simon Vouet aux recherches chromatiques
et à l’expression de l’art baroque italien. Vouet favorise d’ailleurs ses premiers pas dans
la carrière, en lui obtenant une commande de huit tableaux ayant pour sujet le Songe
de Poliphile. Très vite son style brillant impose Le Sueur comme un des artistes à la mode
dans Paris et les commandes affluent.
Ainsi en , le président de la cour des comptes, Lambert de Thorigny, lui confie-t-il une
partie de la décoration de son hôtel particulier parisien, superbe demeure conçue par
Le Vau. Le Sueur y peindra en le célèbre cabinet des Muses.
En , les chartreux de Paris lui commandent, pour décorer le cloître du couvent, une série
de vingt-deux tableaux contant la Vie de saint Bruno, le fondateur de leur ordre.
Il exécute cet impressionnant ensemble, aidé par son atelier, entre et , cette série
lui apporte le succès et il se trouve ainsi placé parmi les artistes les plus influents. Ainsi,
il participe en à la fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture, voulue
par Richelieu.
Les commandes royales affluent alors et il peint pour la chambre du roi une Allégorie
de la Monarchie et, pour son cabinet, l’Autorité royale. Il peint également un ensemble
décoratif pour l’appartement des bains de la reine mère.
De à , malgré les innombrables responsabilités officielles, il poursuit une œuvre
religieuse, répondant aux commandes privées qui ne cessent de lui arriver. Il réalise aussi
des peintures de chevalet ayant pour sujets des thèmes mythologiques, qui prouvent
la variété de son talent.
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Josse LIEFERINXE
Connu en Provence de à
Longtemps identifié comme le « Maître de saint Sébastien », cet artiste a été mieux connu grâce
aux travaux de Charles Sterling qui rapprocha certaines œuvres, alors anonymes, de celles
de ce peintre, originaire du Hainaut et résidant durant une quinzaine d’années à Marseille
entre et .
Considéré comme le dernier grand peintre de l’École d’Avignon, après Enguerrand Quarton
disparu un demi-siècle auparavant, Lieferinxe est porteur de la technique forte et réaliste
des peintres flamands, tout en retrouvant le sens de la lumière et de la couleur
de ses prédécesseurs peignant dans la région d’Avignon au XVe siècle.
Jacques LINARD
Peintre de nature morte, Jacques Linard se caractérise par la simplicité de sa mise en page
comme par la délicatesse de son traitement. Il s’inscrit dans cette tradition française de la
nature morte qui privilégie une certaine forme de rusticité savante au détriment de la
somptuosité et de l’opulence. Linard travaille ses œuvres avec la lumière comme outil,
une lumière qui semble venir de l’œuvre elle-même et non de l’extérieur.
Célèbre comme un peintre de fleurs, Linard aborda également avec succès le genre de l’allégorie
avec les cinq sens (Musée des Beaux-Arts, Strasbourg) et les quatre éléments (Musée
d’Alger, en dépôt au Louvre) et celui de la variété.
Jean MALOUEL
C’est vers que l’on trouve pour la première fois la trace de Jean Malouel, peintre originaire
de Nimègue arrivant alors à Paris pour travailler à la cour de la reine Isabeau de Bavière.
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Oncle des célèbres peintres-enlumineurs, les frères de Limbourg, il semble s’imposer aussitôt
par son talent, devenant le peintre en titre du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi,
puis de son fils, Jean sans Peur.
Marqué par son origine flamande, Malouel, un des chefs de la prestigieuse école de Bourgogne
a su par ailleurs s’inspirer de la richesse de coloris des italiens de la première Renaissance.
Charles MELLIN
Longtemps confondu avec Poussin, Charles Mellin est plus célèbre en Italie, où on le place
aux côtés de Poussin et de Claude Gellée pour représenter l’art français du XVIIe siècle,
qu’en France. Peut-être a-t-il souffert de son caractère éclectique et chaleureux et surtout
d’être un coloriste plus qu’un narrateur par le dessin.
Achille-Etna MICHALLON
Fils d’un intéressant sculpteur de la Révolution, Achille-Etna Michallon, orphelin très jeune,
fut protégé par David, qui dut l’initier à la peinture, avant de devenir l’élève des trois plus
importants paysagistes de son époque : Valenciennes, professeur à l’École des beaux-arts
et théoricien du paysage néoclassique, Jean-Victor Bertin et Alexandre-Hyacinthe
Dunouy.
Passionné de paysages classiques, il copie Poussin et Le Lorrain, ses deux maîtres préférés,
mais il aime également les grands paysagistes réalistes de Flandres et de Hollande.
Se présentant au premier grand prix de Rome de paysage historique en , il remporte
l’épreuve et peut ainsi séjourner à Rome de à , y travaillant beaucoup d’après
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De retour en France, il ouvre un éphémère atelier, dans lequel travaille le jeune Corot,
avant de mourir à vingt-six ans. Néoclassique dans sa formation et romantique par
ses aspirations et sa génération, Michallon prépare, dans ses lumineuses et précises études
de plein air comme dans ses grands paysages peints en atelier, l’évolution du paysage
au XIXe siècle vers davantage de lumière et de réalisme.
Pierre MIGNARD
Élève de Jean Boucher, à Bourges, et ayant reçu les conseils de son frère aîné, Nicolas, il se rend
en Italie en et il y travaille durant vingt ans, rencontrant une certaine notoriété
en peignant des petits tableaux religieux. Il est particulièrement marqué par les œuvres
de Pierre de Cortone, l’Albane et le Dominiquin, qui animent alors l’art italien
du XVIIe siècle.
Revenant en France en , il peint en une de ses réalisations les plus ambitieuses,
la coupole de l’église du Val-de-Grâce, qui en fait un chef d’école que l’on oppose aussitôt
à Le Brun. Il dirige d’ailleurs l’Académie de Saint-Luc, qui anime à Paris une certaine
résistance contre la récente et déjà puissante Académie royale de peinture et de sculpture,
que domine alors Le Brun. Ce n’est que tardivement qu’il reçoit des commandes
officielles pour la cour de Versailles, en , avec la décoration de la petite galerie. Grâce
à l’appui de Louvois, il profite des jalousies de la Cour pour s’affirmer face à Le Brun,
dont la gloire décline.
À la mort de Le Brun, il prend la première place à la Cour et peint aussi bien des compositions
décoratives, que des portraits ou des scènes religieuses. Mais il a alors plus de ans et,
malgré une étonnante vivacité physique et artistique, il ne pourra profiter longtemps
de cette reconnaissance officielle absolue. Grand portraitiste, il s’est surtout affirmé
comme un coloriste sensible et sensuel et la disparition de certaines de ses importantes
compositions décoratives, comme celles des plafonds et des salons de la petite galerie de
Versailles, ne permet malheureusement de goûter aujourd’hui qu’une partie de son talent.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — BI OGRA PH IE 353 M
Jean-François MILLET
Il s’installe à Paris à la fin de . Les commandes de portraits se faisant rares, il change
de thématique et exécute des peintures d’histoire, des nus et des scènes de genre.
Bouleversé comme tant d’autres artistes par la Révolution de , il devient le « peintre
des paysans ». Comme les Botteleurs de foin du musée du Louvre, la figure héroïque
du Semeur, exposée au Salon de -, assure sa renommée.
Grâce aux revenus d’une commande officielle, Jean-François Millet s’installe à Barbizon.
Vers , l’artiste, qui vient de terminer son œuvre la plus célèbre, l’Angélus, se tourne,
comme son ami Théodore Rousseau, vers le paysage. Décoré de la Légion d’honneur
en , après un séjour à Cherbourg durant la guerre de , il passe ses dernières
années à Barbizon où il meurt en .
Louise MOILLON
Sa production n’est pas très abondante – une quarantaine de tableaux attribués seulement –
et est constituée uniquement de natures mortes ou de tableaux de fruits ou de fleurs.
Une des femmes peintres les plus appréciées du XVIIe siècle, elle a laissé une œuvre précise
et délicate, d’une grande sensibilité de coloris.
MU SÉ E D U LO UV RE , P EIN TUR E FR ANÇ AI SE — BI OGR A PH IE 354 M
Jean-Marc NATTIER
Né dans une famille de peintres, il révèle très jeune son talent de peintre et de graveur,
dessinant de à la série de l’Histoire de Marie de Médicis de Rubens, afin
de la publier en gravure. Il travaille ensuite pour Pierre le Grand et participe avec Watteau
à la gravure des tableaux du roi dont le collectionneur et mécène Crozat leur avait passé
commande en .
Jean-Baptiste OUDRY
Fils d’un peintre qui avait été directeur de l’Académie de Saint-Luc, il aurait étudié d’abord
auprès de Michel Serre avant d’entrer en dans l’atelier de Largillière. Il y découvre
la richesse du métier flamand qu’il utilisera plus tard dans sa carrière de peintre animalier.
Reçu en à l’Académie de Saint-Luc, il débute d’abord une carrière de portraitiste,
avant d’être reçu en à l’Académie royale de peinture et de sculpture comme peintre
d’histoire. Passionné de scènes de chasse, de peinture animalière, de nature morte
et de paysage, il devient bientôt le principal successeur de François Desportes.
Ses essais, vers , dans le genre de la scène animalière lui amènent la commande de trois
grandes scènes de chasse peintes pour Chantilly. Il devient alors peintre de la vénerie
royale et une brillante carrière officielle débute pour lui. Il est nommé directeur
de la manufacture de Beauvais en , puis, ayant rénové et géré cette institution avec
une grande intelligence, il devient inspecteur de la manufacture des Gobelins en .
Ces activités l’amèneront à peindre d’importants cartons de tapisseries qui firent sa gloire,
telle la série des Chasses royales, exécutées de à . Ces activités officielles
ne l’empêchent pas de s’être constitué une importante et fidèle clientèle privée,
MU SÉ E D U LOU VRE , P EIN TUR E FR AN ÇAI SE — B IOGR A PH IE 355 O
pour laquelle il peint surtout, avec un réalisme qui va jusqu’au trompe-l’œil le plus
parfait, des natures mortes et des scènes de chasse.
François PERRIER
Après un premier apprentissage à Lyon, François Perrier, né en Bourgogne en , part pour
Rome avant où il prend le peintre Giovanni Lanfranco, grand décorateur baroque,
pour modèle.
De retour en France, après un bref séjour à Lyon, il se fixe à Paris en et travaille aux côtés
de Simon Vouet. Son influence est déterminante sur le très jeune Charles Le Brun qui est
son élève dans les années -.
Il repart pour Rome en , y demeure dix ans et travaille à la décoration du palais Peretti.
En , de retour à Paris, il peint la voûte de la galerie de l’hôtel de La Vrillière, dont il
ne subsiste qu’une copie, et le cabinet de l’amour de l’hôtel Lambert aux côtés d’Eustache
Le Sueur. En , il est l’un des douze fondateurs de l’Académie royale de peinture
et de sculpture.
Nicolas POUSSIN
Fils unique d’une famille normande aisée, Poussin affirme très tôt son talent et, contrarié
par ses parents, il quitte la maison familiale en , après avoir reçu sa première
formation de Quentin Varin, graveur et dessinateur, mais aussi peintre. Hormis divers
séjours dans l’atelier de Lallemand ou de Ferdinand Elle à Paris, Poussin effectue
sa formation hors des filières corporatives traditionnelles. Il vit bientôt de ses premières
commandes sans rencontrer immédiatement le succès.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — BI OGRA PH IE 356 P
Ainsi, après deux tentatives avortées, se décide-t-il à partir pour l’Italie, où il arrive en ,
bénéficiant aussitôt de la protection du cardinal Barberini, raffiné collectionneur
et mécène, et de son secrétaire, Cassiano del Pozzo. Grâce à eux, Poussin devient un
artiste admiré des érudits et des riches aristocrates romains. Il mène alors une vie assez
désordonnée et n’entre pas dans les schémas esthétiques des artistes de la Renaissance
italienne, ce qui l’empêche de recevoir de nombreuses commandes officielles. Pourtant en
, il reçoit enfin la commande d’un grand tableau d’autel pour l’église Saint-Pierre,
le Martyre de saint Érasme . L’accueil de la critique est plutôt réservé.
Tombant gravement malade à cette époque, il est soigné par Jacques Dughet, dont il épouse
bientôt la fille, devenant également le professeur de son beau-frère, Gaspard Dughet.
Après cette maladie, il définit enfin son style, refusant de solliciter des commandes
officielles et préférant peindre à son idée des toiles de moyennes dimensions destinées
à des collectionneurs érudits.
Sa renommée s’étend alors jusqu’à Paris et en , il doit céder aux fortes pressions de la cour
de France, appelé par Louis XIII et le cardinal de Richelieu, afin de surveiller les travaux
du Louvre et décorer la Grande Galerie. Marqué par les intrigues organisées par Simon
Vouet et les difficultés de travail, ce séjour sera un échec pour Poussin, qui répond
parallèlement à ses travaux officiels à des commandes religieuses ne convenant pas
réellement à sa personnalité.
En , il parvient à quitter Paris et retourne à Rome, où il résidera sans interruption jusqu’à
sa mort. Il conserve cependant des relations avec certains collectionneurs français, dont
Paul Fréart de Chantelou pour qui il peint les Sept Sacrements, ou le duc de Richelieu
parent du cardinal, qui lui commande les Quatre Saisons .
À partir de cette époque, ses ambitieux tableaux religieux et mythologiques et ses vastes
paysages composés en font un des premiers artistes d’Europe. La révélation de la nature,
qu’il admire de plus en plus durant ses dernières années, le conduit à un style lyrique
et idéalisant, et le traitement du paysage devient spatialement plus important que le récit
de l’œuvre.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — BI OGRA PH IE 357 P
Ses derniers paysages sont un hymne à la création divine, habilement recomposés en fonction
d’un ambitieux discours philosophique qui n’exclut pas le réalisme du traitement
des arbres et des ruisseaux. Travaillant seul, sans atelier, il construit patiemment
une œuvre savante, intellectuelle et sensible qui est le fondement de la peinture classique,
marquant définitivement l’histoire de l’art aux XVIIe et XVIIIe siècles jusqu’au
néoclassicisme.
Pierre-Paul PRUD’HON
Ayant étudié à Dijon, auprès de Devosge, il peut se rendre à Rome, de à , ayant
remporté le prix des états de Bourgogne. Il découvre alors le modelé de Pierre de Cortone,
de Corrège et de Léonard, préoccupation technique qui va occuper toute son œuvre.
De retour en France, il s’engage avec passion dans la Révolution et l’Empire, livrant un certain
nombre d’œuvres « engagées » comme la Sagesse et la Vérité descendant sur la Terre
(Paris, musée du Louvre), ou la Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime (Paris,
musée du Louvre). Mais, conservant le souvenir des raffinements du XVIIIe siècle
et des grands décorateurs du passé, il peint en la décoration de l’hôtel de Lannoy
à Paris.
Un temps rejeté par les davidiens, il dut graver des illustrations pour subsister et ne fut reçu
à l’Institut qu’en . Peintre favori de la famille impériale, il reçoit de nombreuses
commandes de portraits.
Enguerrand QUARTON
Sans doute d’origine picarde, si l’on se fie à son nom Charreton ou Charretier, déformé
en Carton, puis Quarton, il a dû naître vers et recevoir une formation de peintre
dans le Nord de la France vers . Fort de l’expérience de Van Eyck, Campin et
Van der Weyden, il enrichit son esthétique de celle des artistes méditerranéens lorsqu’il
s’installe en Provence.
Jean-Baptiste REGNAULT
Dès l’âge de dix ans, Jean-Baptiste Regnault, né à Paris en , se révéla dessinateur. Suivant
son père, il part en Amérique, s’engage comme mousse et reste cinq ans dans la marine
de à .
Rentré à Paris, il se forme dans l’atelier du peintre Bardin qu’il accompagne en Italie. De
à , il séjourne à Rome et découvre le grand courant néoclassique.
De retour en France, il est reçu à l’Académie en . Les thèmes qu’il retient alors sont le plus
souvent des thèmes mythologiques ou des sujets tirés de l’Antiquité. Avec les Trois Grâces,
aujourd’hui au musée du Louvre, il tente d’assouplir les sculpturaux modèles du David
des Sabines. Bon portraitiste, il aborde l’allégorie et traite, sous l’Empire, des thèmes
historiques contemporains.
Dans les dernières années de sa vie, il revient à la peinture de sujets mythologiques. Il s’éteint
à Paris en .
Émule de David, dont il n’a pas la personnalité, il crée un univers raffiné dans la tradition
de la peinture galante du XVIIIe siècle. Sa manière, qu’il doit à l’antique et aux grands
maîtres bolonais, n’évolue guère tout au long de sa carrière.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — BI OGRA PH IE 359 R
Les sujets mythologiques ou allégoriques de ces œuvres sont surtout l’occasion qu’il se donne
pour peindre un monde de jeunes femmes et d’adolescents dont les carnations nacrées
s’opposent aux tonalités bleu vif, vert ou ocre du reste de la composition.
Jean RESTOUT
Fils d’un peintre rouennais, Jean Ier Restout, et neveu de Jean Jouvenet dont il est l’élève,
Jean Restout n’a jamais effectué le traditionnel voyage en Italie. Il est reçu à l’Académie
en et demeure toujours attaché à cet organisme officiel dont il est directeur à partir
de . À côté de sensuels tableaux religieux, qui évoquent parfois l’art de Boucher,
Restout a surtout peint d’ambitieuses compositions religieuses, parfois de grandes
dimensions, qui constituent une suite brillante à l’art religieux du baroque. Aimant
les grandes architectures, la perspective et le traitement longiligne des corps humains,
il sait animer ses compositions par des mouvements de draperies et une touche enlevée,
qui rappellent parfois Le Bernin. Il poursuit jusque dans la deuxième moitié
du XVIIIe siècle l’effort entrepris par les grands précurseurs du coloris, Jean Jouvenet,
Charles de La Fosse ou Nicolas de Largillière.
Hyacinthe RIGAUD
Né en à Perpignan, Hyacinthe Rigaud apprend son métier à Montpellier puis à Lyon.
En , il est élève à l’Académie royale de peinture et de sculpture à Paris et,
sur les conseils de Charles Le Brun, renonce à la peinture d’histoire pour se consacrer
au portrait. Il travaille alors, comme François de Troy et Nicolas de Largillière pour
une clientèle essentiellement bourgeoise.
Sa renommée éclate lorsqu’il exécute le portrait de Monsieur, frère de Louis XIV en ,
puis celui de son fils l’année suivante. Le roi désire alors poser pour le peintre et ce sera,
en , le portrait de Louis XIV en costume de sacre du musée du Louvre, œuvre
emblématique de la monarchie française.
Cependant, le portraitiste des rois et des grands personnages, sait fixer sans solennité
les traits de ses proches. Le Portrait de Marie Serres que l’on peut voir au musée du
Louvre, en est un vibrant témoignage.
La mise en page brillante, la noblesse des modèles, un sens certain du faste allié à un métier
irréprochable renouvellent le genre du portrait de cour tel que le pratiquaient les peintres
français. Hyacinthe Rigaud invente une version baroque de ce genre de portrait où
se mêlent les inventions d’Anton Van Dyck et l’influence de Philippe de Champaigne.
Hubert ROBERT
Ayant appris le dessin auprès de Michel-Ange Slodtz, Hubert Robert effectue son voyage
à Rome dès l’âge de dix-neuf ans, accompagnant Choiseul, ambassadeur de France en
Italie. Il y découvre l’art de paysagiste de Pannini, Piranèse et des « vedutistes » italiens
et se destine aussitôt au paysage.
Durant la Révolution française, il conserve ses fonctions, cette fois dans la commission
du Muséum central des arts de la République, habitant toujours le palais du Louvre,
mais il est emprisonné entre et , période durant laquelle il peint des vues
MU SÉ E D U LO UVRE , P EIN TU RE FR AN ÇAI SE — B I OG RA PH IE 361 R
Théodore ROUSSEAU
Son talent de peintre s’était révélé très tôt et il accomplit une formation complète, dans l’atelier
du paysagiste Pau de Saint-Martin d’abord, puis à l’École des beaux-arts auprès
de Guillon-Léthière et de Rémond. Renonçant à se présenter au grand prix de Rome
de paysage historique, il copie cependant avec attention les chefs-d’œuvre des paysagistes
du XVIIe siècle, ayant une préférence évidente pour les maîtres nordiques, attachés à plus
de réalisme.
Mais le travail d’après nature, permettant de rendre sur la toile le réalisme du plein air, l’occupe
de plus en plus, après une première campagne de paysages effectuée en en Auvergne.
Marqué par la démarche romantique, avide de projeter les sentiments de l’artiste dans
la nature et attachée au plus parfait réalisme, il effectue une importante saison de travail
en Normandie aux côtés de Paul Huet en . Il essaie alors, sans succès, de s’imposer
au Salon et, après le refus brutal du jury de son tableau la Descente des vaches dans le Jura
(La Haye, Rijsksmuseum Mesdag), proposé au Salon de , il n’exposera plus au Salon
jusqu’en . Après divers séjours dans les Landes ou dans le Berry, durant lesquels
il complète sa vision de la nature, il trouve en forêt de Fontainebleau les sites solitaires
et tourmentés qui vont inspirer ses paysages.
Malgré ses succès au Salon et dans les milieux institutionnels, à partir de , il continue
à travailler seul, attaché à rendre les effets de lumière et d’atmosphère avec une technique
nerveuse et précise. Un des principaux peintres du courant que l’on a appelé l’école
de Barbizon, il prépare clairement la réflexion des peintres des années qui va aboutir
à l’impressionnisme.
MU SÉ E D U LO UV RE , P EIN TUR E FR AN ÇAI SE — BI OGR A PH IE 362 S
Jacques STELLA
En , le jeune Jacques Stella, né à Lyon en dans une famille d’origine flamande,
complète sa formation à Florence et travaille pour le grand-duc Cosme II de Médicis.
En ou , il quitte Florence pour s’installer à Rome durant une dizaine d’années
et se lie d’amitié avec Nicolas Poussin.
Il rentre en France et, dès son installation à Paris en , il devient le peintre du cardinal
de Richelieu qui le couvre de faveurs et de commandes. En , il est confronté
à Nicolas Poussin et à Simon Vouet pour la commande du noviciat des jésuites. À l’œuvre
de ce dernier, il oppose une composition mesurée, le Christ et les docteurs qui n’est en rien
inférieure au Miracle de saint François Xavier de son ami.
Jusqu’à sa mort en , malgré une mauvaise santé, sa production reste abondante.
En réaction contre le lyrisme de Simon Vouet et de ses élèves, cet admirateur de Nicolas
Poussin aime les compositions calmes et bien rythmées.
Les grandes figures sculpturales de Minerve et les Muses du musée du Louvre, témoignent
d’une bonne connaissance de l’Antique. Les couleurs fondues, les tons peu éclatants,
la lumière froide et l’exécution lisse évoquent étrangement dans nos esprits, bien avant
qu’elle n’existe, la peinture de Anne-Louis Girodet.
Pierre SUBLEYRAS
Ayant été formé à Toulouse, ce peintre méditerranéen vient compléter sa formation à Paris,
entre et , grâce à une bourse de la ville de Toulouse.
Mais, tout comme Poussin, Pierre Subleyras quitte Paris en pour ne plus y revenir
et se rend en Italie où va se dérouler toute sa carrière. Recevant de nombreuses
commandes privées, il participe activement aux décorations religieuses des monuments
romains et devient un des plus célèbres peintres étrangers travaillant en Italie, tout en
conservant des liens solides avec la France.
MU SÉ E D U LO UV RE , P EIN TUR E FR ANÇ AI SE — BI OGR A PH IE 363 S
Peintre d’histoire, il sait de temps à autre varier ses sujets avec d’amusantes ou grivoises scènes
de genre, tout en demeurant un artiste à la rigueur évidente, qui annonce parfois
le néoclassicisme, et un grand coloriste, fidèle à la tradition italienne.
Jean-François de TROY
Ce peintre, fils du portraitiste François de Troy, eut l’ambition d’être le grand maître
de sa génération. S’il fut victime de la réaction néoclassique, il n’en demeure pas moins
l’un des grands peintres d’histoire du XVIIIe siècle et son influence fut grande sur le jeune
Joseph-Marie Vien.
Né à Paris en , Jean-François de Troy est l’élève de son père avant de séjourner en Italie
de à . Il y admire Véronèse et Titien avant de regagner Paris où il est reçu
à l’Académie de peinture et de sculpture en en tant que peintre d’histoire.
S’il exécute de grands tableaux religieux comme le Christ devant Pilate du musée
du Louvre, il traite avec bonheur tous les genres, scènes galantes et tableaux de mode,
mythologie, portraits, dont l’iconographie est souvent prétexte à représenter des nus
féminins.
Navré de ne pas obtenir de commandes importantes, il exécute sept cartons de tapisseries pour
la manufacture royale des Gobelins. La suite de l’Histoire d’Esther eut un vif succès et
fut tissée à plusieurs reprises au cours du XVIIIe siècle.
Nommé directeur de l’Académie de France à Rome, il s’y installe en et conçoit une
nouvelle série de cartons de tapisseries. Au Salon de , l’Histoire de Jason et de Médée
est mal accueillie. En , tombé en disgrâce, il est remplacé à son poste par Charles-
Joseph Natoire et c’est à Rome, où il demeure, qu’il meurt en .
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FRA NÇA I SE — B I OGRA PH IE 364 T
Constant TROYON
Après avoir débuté comme peintre sur porcelaine, il se passionne immédiatement pour
le paysage, influencé de façon consciente par les peintres flamands et hollandais du
XVIIe siècle.
Après quelques essais dans le genre du paysage historique, Troyon rencontre Dupré et Rousseau
et se spécialise dans le paysage réaliste. Grâce à un voyage en Hollande, effectué en ,
il ajoute à sa passion du paysage celle de la peinture animalière, très marqué en cela par
le travail de Paulus Potter.
Pierre de VALENCIENNES
Théoricien du paysage, dans un célèbre ouvrage paru en qui allait devenir le manuel
de base des paysagistes au XIXe siècle, professeur reconnu qui forma toute une génération,
Pierre-Henri de Valenciennes est, de nos jours, surtout apprécié pour ses études de plein
air, peintes à l’huile en Italie autour de , qui le font passer pour l’ancêtre
de l’impressionnisme.
Né dans une famille d’artisans et d’artistes, Le Valentin serait arrivé à Rome, selon Sandrart,
avant Simon Vouet, sans doute vers .
Il demeure à Rome durant toute sa carrière. Travaillant à ses débuts dans un style proche
de Manfredi, il se spécialise dans le traitement réaliste et coloré de scènes de genre
et de sujets populaires et il reçoit l’influence des tableaux diurnes du Caravage.
Protégé par des personnalités influentes, il travaille pour le Vatican, la famille Barberini,
Cassiano del Pozzo, un des protecteurs de Poussin, tout en menant une vie de bohème.
Son œuvre influencera les peintres français et nordiques de la deuxième moitié du XVIIe siècle,
lançant la mode pour les sujets populaires.
Né à Bruxelles en , Adam Frans Van der Meulen est un peintre flamand qui reçoit
sa formation chez le peintre de batailles Pieter Snayers. Il se fixe à Paris vers . Charles
Le Brun, dont il épouse une parente, l’emploie à la manufacture des Gobelins dont il est
l’un des principaux animateurs après avoir été reçu à l’Académie royale en .
Il y est d’abord paysagiste puis il fournit de nombreux modèles qui sont l’objet
de tentures. C’est au titre de peintre des « conquêtes du roi » qu’il doit d’être resté
dans l’Histoire. Pour remplir sa charge, il accompagne le roi dans ses campagnes
militaires, exécutant « sur le motif » nombre de croquis de vues de ville, de paysages
et de scènes diverses qu’il reprend à l’atelier dans les compositions.
Débordant sa spécialité, comme son maître Pieter Snayers, il fixe aussi sur la toile
les évènements du règne et les chasses royales.
Ses paysages où un premier plan surélevé se détache sur un fond panoramique, apportent une
ouverture non négligeable dans le genre du paysage français, dominé par les paysages
classiques de Claude Gellée et de Nicolas Poussin.
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E F RA NÇA I SE — B I OGRA PH IE 366 V
Neveu de Carle Van Loo, Louis-Michel Van Loo naît à Toulon en . Il reçoit des leçons
de son père qu’il suit à Turin, à Rome puis à Paris. En , il retourne à Rome avec son
oncle Carle, regagne la France en et collabore avec son père. En , il est reçu
à l’Académie royale comme peintre d’histoire puis rejoint Madrid où il est nommé pictor
de Camara auprès du roi d’Espagne. Pendant quinze ans, il mène une carrière
de portraitiste de la famille royale sans négliger la peinture d’histoire et la production
de cartons de tapisserie. Il satisfait aussi les commandes d’une clientèle privée.
De retour à Paris en , il peint de grands portraits d’apparat du roi Louis XV mais obtient
surtout des commandes privées. Hommes d’État, officiers, personnalités étrangères,
personnages de la cour, artistes et écrivains lui demandent leurs effigies. Cependant,
ses plus beaux portraits sont ceux des membres de sa famille.
En , il fait un court séjour à Londres puis, de retour à Paris, succède à son oncle Carle
à la tête de l’École des élèves protégés. Grand amateur de tableaux, il laisse à sa mort,
survenue à Paris en , une importante collection où figurent des œuvres de Titien,
de Vélasquez et de Van Dyck.
Carle Van Loo naît à Nice en . Orphelin, il est élevé par son frère Jean-Baptiste avec
son neveu Louis-Michel Van Loo. Il suit son frère à Turin, à Rome, puis à Paris avant
de repartir pour l’Italie. Il s’installe quelque temps à Turin où il travaille pour le roi
de Sardaigne, puis revient à Paris en . Aux côtés de Charles-Joseph Natoire
et de François Boucher, il fait partie des peintres qui dominent l’école française après
la mort de François Le Moyne.
Jusque vers , après avoir été reçu à l’Académie royale en , il peint pour les résidences
royales, – la Halte de chasse du musée du Louvre décorait la grande salle à manger
des petits appartements de Fontainebleau –, pour les églises de Paris et de la province,
pour les cours d’Europe et pour une clientèle d’amateurs.
À partir de , on note une rupture dans sa manière. Carle Van Loo, qui était l’un des maîtres
du rococo, s’en détourne pour accentuer le classicisme de ses compositions et lutte pour
MU SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE FR AN ÇAI SE — B I OG RA PH IE 367 V
faire revivre la peinture d’histoire. À la tête de l’École des élèves protégés où Jean-Honoré
Fragonard est son élève, il enseigne le retour à la monumentalité, à un coloris moins
brillant et demande d’accorder une attention plus stricte aux convenances du sujet
et de l’histoire.
Le titre de premier peintre du roi vient consacrer sa notoriété en . Malgré les critiques
de Diderot, le succès de ses « grandes machines » est considérable auprès de tout ce que
l’époque compte d’amateurs. Il meurt en pleine gloire à Paris en .
Carle Van Loo fut la première victime de la réaction davidienne et il sera, un siècle après,
oublié par les frères Goncourt. Les contemporains ne s’y sont pas trompés qui ont vu
dans ce peintre, consciencieux et appliqué, celui qui ouvrait la voie à Joseph-Marie Vien
et à Jacques-Louis David.
Joseph VERNET
Joseph Vernet, après une formation aixoise assez complète, part très jeune en Italie, où il a
la chance d’avoir comme professeurs, à Rome, Pannini et Locatelli, deux des plus
importants paysagistes italiens, maîtres de la veduta.
Travaillant beaucoup d’après nature, il étudie avec précision les effets de la lumière sur
les volumes architecturaux et les végétations. Après un assez long séjour en Italie,
il revient en France pour être reçu à l’Académie royale en et obtenir aussitôt, grâce
à Marigny, l’importante commande de la série des Ports de France, qui va l’occuper
jusqu’en . Il peint ces quinze toiles avec un réalisme longuement mûri, représentant
les grands ports français, après avoir effectué de nombreux repérages d’après nature
et peint ou dessiné d’innombrables études.
Il est très marqué par la doctrine classique de Poussin, Le Lorrain et des grands paysagistes
italiens, tout en s’inspirant – particulièrement dans ses marines, qui rencontrèrent
un immense succès – des paysagistes nordiques du siècle précédent. Certaines
de ses compositions révèlent un sentiment romantique qui le feront beaucoup apprécier,
malgré le relâchement commercial de ses dernières années, par les paysagistes
néoclassiques de .
MU SÉ E D U LOUV RE , P EIN TUR E FR AN ÇAI SE — B IOGR A PH IE 368 V
Joseph-Marie VIEN
Très inséré dans la vie active de l’Académie de France à Rome, alors dirigée par l’énergique
Jean-François de Troy, il est profondément marqué par les peintres bolonais, et surtout
par Le Guerchin.
Bientôt reconnu par ses pairs, Vien fut professeur – il forma Peyron, Regnault, Suvée et,
surtout, David, qui allait devenir le chef d’école de la génération suivante – puis directeur
de l’Académie de France à Rome, qu’il marque fermement de son autorité
et de son ouverture vers l’Antiquité.
Sa carrière, débutée au milieu du XVIIIe siècle, se poursuit tard après la chute de la Monarchie
et il demeure sous l’Empire comblé d’honneurs, quoique moins créateur et n’ayant plus
un rôle actif dans le monde des arts.
Élisabeth-Louise VIGÉE-LEBRUN
Grâce à ses Souvenirs, publiés en , nous connaissons bien la vie de cette femme peintre
ayant un métier de portraitiste d’une grande élégance.
Élève de son père, puis de Joseph Vernet et de Greuze, elle devient peintre officiel de la reine
Marie-Antoinette en , puis est reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture
en . Elle avait épousé en le peintre, marchand de tableaux et critique d’art,
Jean-Baptiste-Pierre Lebrun et, malgré son mariage avec cet homme qui s’était rapproché
MU SÉ E D U LO UV RE , P EIN TUR E FR ANÇ AI SE — BI OGR A PH IE 369 V
des idées révolutionnaires, elle doit s’exiler, en raison de ses liens trop forts avec
la couronne, et elle voyage en Italie, en Autriche et en Russie, peignant dans
ces différentes villes de superbes portraits de cour.
Son exil achevé en , elle continue cependant à voyager à travers l’Europe et enrichit
son expérience par sa rencontre avec les portraitistes anglais, comme Reynolds et West.
Son métier demeure cependant toujours d’une grande préciosité, tout en conservant
la rigueur du portrait néoclassique.
Claude VIGNON
Présent en Italie dès – il a alors dix-sept ans –, Claude Vignon travaille à Rome en
comme peintre déjà formé et reconnu. Il réside ensuite en Italie, coupant ses séjours
par des voyages, comme celui qu’il effectue en Espagne vers , avant de revenir
en France.
Vignon peint alors en quantité des scènes religieuses pour les églises françaises, se faisant aider
par un important atelier. En , il est reçu à l’Académie et y devient professeur.
Mais son œuvre, d’un coloris et d’un métier brillants, tombe dans l’oubli après la mort
de ses deux principaux protecteurs, Louis XIII et Richelieu.
Simon VOUET
Simon Vouet semble avoir reçu sa formation directement de son père, mais il enrichit
son expérience par de nombreux voyages, en Angleterre entre et ,
à Constantinople entre et et enfin à Venise en . Il arrive à Rome en
et y achève sa formation avant d’y travailler jusqu’en . À partir de , il reçoit
une pension versée par la couronne de France, qui lui permet de séjourner et de voyager
en Italie.
Là, il s’impose d’abord comme portraitiste, prenant pour modèle la princesse de Piombino ou
des membres de la famille Doria. Il peint également des tableaux religieux et des sujets
allégoriques, mais il voyage beaucoup, de Parme à Pavie, de Bologne à Florence,
accumulant les copies et les expériences visuelles.
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE F RA NÇAI SE — B I OGRA PH IE 370 W
En , il reçoit la commande de la décoration d’une chapelle dans l’église San Lorenzo in
Lucina à Rome. Il est reçu à l’Académie de Saint-Luc de Rome, mais en , Louis XIII
demande son retour en France et le prend à son service.
Dès , il est occupé sur le chantier de la décoration du palais de la reine mère puis du Palais
Royal et la même année et il devient alors l’artiste le plus influent, qui réorganise la vie
artistique parisienne, participant en à la création de l’Académie royale de peinture
et de sculpture.
Bien que pris par diverses charges officielles, il répond à d’innombrables commandes religieuses
ou privées, comme le décor de l’hôtel de Claude de Bullion, alors surintendant
des Finances. Pour faire face à tous ces travaux, il crée un atelier autour de lui, engageant
Michel Corneille, mais aussi Le Sueur, Le Brun, Dorigny ou Aubin Vouet.
Jean-Antoine WATTEAU
Artiste issu du XVIIe siècle, qui débute sa carrière sous Louis XIV et l’achève avant l’avènement
de Louis XV, Watteau, plus que tout autre, incarne pourtant l’esprit du XVIIIe siècle
et l’insouciance de cette période de « fêtes galantes ». La brièveté et la marginalité
de sa carrière, son sens inné de la poésie et sa virtuosité technique en font cependant
un des artistes qui pesèrent le plus fortement sur l’évolution de la peinture de son temps,
dépassant les modes et les conventions.
Élève de Jacques-Albert Gérin, peintre de Valenciennes, sa ville natale, Watteau quitte dès l’âge
de dix-huit ans sa région des Flandres pour se rendre à Paris, où il gagne sa vie en vendant
des gravures d’imageries religieuses. Vers , il entre dans l’atelier du peintre Claude
Gillot, auprès de qui il peint des décors de théâtre et des peintures de genre, souvent
inspirées de la Commedia dell’arte. Il y demeure quatre années, avant de le quitter pour
l’atelier de Claude III Audran.
Après un bref retour dans sa ville natale en , durant lequel il rencontre Jean-Baptiste Pater,
Watteau rentre à Paris quelques mois plus tard pour y tenter sans succès le prix de Rome.
Mais grâce à l’amicale protection de Charles de La Fosse, Watteau est tout de même agréé
à l’Académie royale en . Très occupé par de nombreuses commandes privées,
il ne livre qu’en son Morceau de réception, Pèlerinage à l’île de Cythère.
Les dernières années de sa courte carrière le voient peindre de nombreux petits tableaux
de genre, dont le musée du Louvre reflète la qualité et la variété – grâce au legs de Louis
La Caze –, qui donnent la Finette et son pendant l’Indifférent, le Faux pas ou Assemblée
dans un parc.
Gravement malade et malgré un voyage en Angleterre pour soigner une tuberculose, Watteau
meurt en , interrompant à trente-sept ans une des plus belles carrières
de son époque.
Son rayonnement artistique, d’abord très intense durant la première moitié du XVIIIe siècle,
s’estompe peu à peu pour tomber dans l’oubli et ne s’imposer à nouveau que dans
la deuxième moitié du XIXe siècle, avec le legs La Caze et les travaux des frères Goncourt.
HISTOIRE
MU SÉ E D U LO UV RE , P EIN TUR E FR ANÇ AI SE — HI S TO IR E 373
MOYEN ÂGE
De la fin de l’Antiquité tardive au début de la Renaissance, le Moyen Âge s’étend sur près
de mille ans. Le terme de Moyen Âge a été créé au XIXe siècle. Il laisse entendre une
période médiane, moyenne, sans beaucoup de relief et de mouvement, ce qui est
particulièrement inadapté et dommageable pour rendre compte de cette immense plage
de temps d’une grande richesse et d’une grande variété historique. Entre la fin
de l’Antiquité et la Renaissance, tous les éléments de l’Europe des temps modernes se
mettent en place. Et si la mentalité médiévale nous déconcerte souvent, elle n’en est pas
moins à la base de ce que nous sommes.
L’effondrement des structures impériales et les invasions barbares provoquent une profonde
et immense mutation sur les territoires des Gaules. De nouvelles formes de pouvoir
naissent lentement et la civilisation franque va progressivement s’imposer. Sous
la dynastie mérovingienne, les éléments culturels issus des mondes barbares fusionnent
lentement avec le fonds gallo-romain : une nouvelle société prend naissance dominée par
la ruralité au contraire de l’urbanité des temps impériaux. C’est dans cette société que
s’implante de plus en plus profondément le christianisme.
À l’entour de l’an , deux foyers de civilisation dominent l’Europe : le monde musulman
et le monde byzantin. Entre ces deux pôles, l’Occident élabore progressivement son unité
et son originalité. Au cœur de ce processus se trouve la dynastie des Carolingiens. Par son
sacre en , Charlemagne fait de son immense domaine, franc et chrétien, un empire
dans la filiation romaine. On assiste alors à une véritable « renaissance » où de nouvelles
institutions se mettent en place qui instaurent entre les hommes des formes nouvelles
de relations. Avec l’an mil, vient le temps des grands changements. Après les invasions
normandes, arabes, hongroises, l’Europe connaît un extraordinaire essor économique,
démographique et culturel qui transforme la France et l’Occident. La dynastie
des Capétiens, à partir de , organise lentement le royaume de France dans
le mouvement de cet essor. Progressivement se crée une organisation originale de
la société qui divise la population en trois groupes : les combattants, les paysans
et les clercs. C’est la société féodale. Le monde de la féodalité sera celui du royaume
pendant plusieurs siècles. Entre et , le royaume capétien est à son apogée.
Les personnalités de Philippe-Auguste, Saint Louis et Philippe le Bel y rayonnent.
Cette époque se caractérise par des institutions qui fonctionnent de mieux en mieux,
une économie dynamique et un essor culturel majeur. Puis vient le temps des épreuves
(-). La guerre de Cent Ans et celle qui oppose Louis XI à Charles le Téméraire
mettent la France en récession. La Grande Peste dépeuple et la France et l’Europe
de manière tragique. De ces deux causes découle une profonde dépression économique.
MU SÉ E D U LO UV RE , PEI N TUR E FR ANÇ AI SE — HI STO IR E 374 R
Toutefois, c’est au cours de ces crises graves qui se succèdent que l’État trouve les moyens
de son affirmation.
RENAISSANCE
Il ne faut pas comprendre la Renaissance comme l’émergence brutale d’une civilisation qui
serait née sur les cendres du Moyen Âge. En réalité, la Renaissance n’est qu’une synthèse
nouvelle des courants culturels et politiques présents au Moyen Âge. Il n’en reste pas
moins que si nous sommes les enfants des temps médiévaux, les structures culturelles
mises en place pendant la Renaissance sont encore pleinement les nôtres.
La Renaissance en France est un temps composite pour ne pas dire ambigu. La période voit
l’épanouissement d’une civilisation raffinée et complexe, qui puise ses sources dans
la Renaissance italienne : c’est le temps – inégalé – des châteaux du Val de Loire,
du renouvellement des mœurs et de la civilité, de la renaissance littéraire autour de
la Pléiade. C’est aussi le temps de l’affaiblissement de la Couronne, des intrigues
sanglantes et de la guerre civile larvée. C’est aussi – et peut-être surtout – celui des guerres
de Religion.
Dans les années , les maisons d’Autriche et de France sont en conflit. Les guerres d’Italie
menées par Charles VIII, Louis XII et François Ier en sont les conséquences militaires
et les causes de cette infusion italienne dans la culture française.
Sur le plan de la politique intérieure, si François Ier et Henri II renforcent les pouvoirs
de la monarchie et favorisent le succès de la Renaissance, ils ne peuvent empêcher
la diffusion de la Réforme.
Entre et , catholiques et protestants sont en guerre pendant près de quarante ans :
ce sont les guerres de Religion.
Au-delà du conflit religieux, c’est toute une transition qui se met en place. En effet, cette crise
nationale n’est pas que religieuse, elle est à la fois le résultat de la faiblesse du régime
sous le règne des trois fils d’Henri II et celui des résistances féodales à l’émergence
d’un pouvoir centralisé sur un pays unifié : l’administration royale tente en fait
de remplacer les relations entre vassaux et suzerain, relations qui permettent
l’éparpillement des centres de décision, la puissance des seigneurs et qui bloquent
la construction du pays. Henri IV ramène la paix religieuse par l’Édit de Nantes en ,
mais le conflit politique entre la monarchie et les « grands » est loin d’être terminé.
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU R E F RA NÇA I SE — HI S TO IRE 375 L
LOUIS XIII
Le règne de Louis XIII (-), sur lequel l’éclat du Roi-Soleil a fait ombre, a été un
moment charnière dans l’histoire de la France. C’est avec lui que se mettent en place
les structures de l’État moderne et de la centralisation, comme du nivellement
des structures sociales issues de la féodalité.
Richelieu restaura l’autorité royale dans le domaine de la politique intérieure comme dans celui
de la politique étrangère. Cependant sa lutte contre les Habsbourg suscita des résistances
importantes par les charges qu’elle entraîna. Résistances et mécontentement largement
exploités par les « grands » pour tenter de reconquérir une influence en déclin et
un pouvoir disparaissant. Après Richelieu, Mazarin (Louis XIV étant mineur) eut
à combattre une véritable guerre civile, la Fronde, où s’affrontèrent les derniers tenants
du pouvoir féodal et les tenants d’un État moderne. La lutte, longtemps indécise
ou mettant en péril le pouvoir royal, s’acheva par une faible victoire de la monarchie :
victoire qui tenait plus du compromis que du triomphe.
GRAND SIÈCLE
À partir de , Louis XIV (règne : -) décide d’exercer le pouvoir de manière
personnelle. Dès lors, il s’attache à renforcer l’autorité royale et à réaliser l’unité
religieuse du pays.
Tout se construit alors autour de la personne royale et la cour devient le centre du monde social
et politique. C’est aussi l’instauration d’un « théâtre » politique avec ce qu’on appelle
l’étiquette. Mais il ne faut pas être dupe. Cette exacerbation de la personne royale,
ce culte politique instauré autour du Roi-Soleil n’est qu’un moyen de concentrer
à Versailles tout ce qui compte de personnalités religieuses et nobiliaires. Avoir la cour
sous les yeux, c’est avoir les nobles à l’œil et les couper progressivement de leurs fiefs,
de leurs revenus et de leurs pouvoirs. C’est un véritable système de clientèle qui se met
en place et les pensions versées rendent leurs bénéficiaires débiteurs du pouvoir.
D’un autre point de vue, Louis XIV met en œuvre, avec Colbert, un redressement financier
et économique de grande ampleur annonçant les structures socio-économiques
modernes.
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE FR A NÇAI SE — HI S TO IR E 376 R
Enfin sur le plan culturel, écrivains, artistes, architectes et paysagistes donnent au règne
de Louis XIV un éclat incomparable et transforment son règne en siècle d’or de la culture
française.
RÉGENCE
Après la mort de Louis XIV, c’est son arrière-petit-fils, âgé de cinq ans, qui devient roi
sous le nom de Louis XV. Le duc d’Orléans devient Régent.
La Régence (-) est une véritable réaction contre la sombre fin du règne de Louis XIV.
En économie financière le système Law, première tentative de l’émission par la banque générale
de billets de banque, s’achève en déroute.
Au fond, la Régence est un temps ambigu où tout bascule à des vitesses différentes dans
les premiers moments de la modernité. La Régence est avant tout la naissance
d’un nouvel art de vivre et de penser. Elle annonce le siècle des Lumières.
LOUIS XV
Après la Régence, le règne de Louis XV (-) connaît en gros deux périodes. Le ministère
Fleury est un temps de paix et de relative prospérité et les difficultés de la fin de la
Régence semblent s’estomper. Mais la fin du règne de Louis XV ouvre un temps
de difficultés. Des guerres difficiles ou inutiles, une augmentation du déficit financier
qui provoquent l’agitation des parlements et des populations. Louis XV le Bien Aimé
meurt dans l’opprobre et on doit l’enterrer en cachette. Mais le règne de Louis XV
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE F RA NÇA I SE — HI S TO IRE 377 L
voit aussi se développer un art de vivre issu de la Régence, où les fastes grandioses
du règne de Louis XIV laissent la place à une civilisation raffinée et à échelle humaine.
Les temps s’adoucissent et les pensées s’envolent. Au fond, on peut dire que le pays
se divise en deux : un gouvernement qui gère l’impossible selon d’anciens critères et
une « élite » intellectuelle qui se tourne vers l’avenir et se répand en idées nouvelles.
LES LUMIÈRES
RÉVOLUTION ET EMPIRE
Si Louis XVI écrit dans son agenda, à la date du juillet , « rien », c’est bien tout
un monde qui s’effondre entre les mois de juin et de septembre . La France entre
pour dix ans dans un tourbillon dramatique qui la marquera pour toujours :
la Révolution française.
Pendant cette période, tout ce qui fit les cadres du royaume s’efface au profit de structures
nouvelles, structures qui sont, à quelques différences près, les nôtres : déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, abolition des privilèges, égalité devant l’impôt,
monarchie constitutionnelle puis république, nouvelle organisation territoriale (canton,
département), tentatives vers le suffrage universel, réforme des enseignements (écoles
normales), naissance des musées, unification des poids et mesures avec l’adoption
du système métrique, armée de conscription, mise en place d’une administration
puissante et centralisée, apparition de nouvelles réalités monétaires, apparition
d’une nouvelle classe moyenne de possédants (avec la vente des biens nationaux)…
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On peut lire la Révolution comme une tourmente où domine la guillotine et où les idées
généreuses s’enlisent dans le sang et la guerre, mais on peut aussi la lire comme
l’accouchement difficile et tumultueux de la France moderne.
RESTAURATION
On a dit qu’à la fin de l’Empire, les nobles émigrés étaient revenus dans les fourgons
des troupes d’invasion et n’avaient « rien appris ni rien oublié ». C’est un peu vrai,
c’est aussi faux. Si les nobles qui avaient souffert de la Révolution aspiraient
à la revanche et au retour aux temps anciens, ils se heurtèrent à la profonde
transformation du pays sur tous les plans : économique, culturel, mental et politique.
Louis XVIII (règne : -) l’avait bien compris qui tenta le compromis et, sous
l’aspect d’un monarque de l’Ancien Régime, adopta bien des tournures de la monarchie
constitutionnelle. Charles X (règne : -), lui, fit tout pour retrouver l’Ancien
Régime, ses mœurs et ses pensées comme son rapport au pays. Son règne s’acheva
dans la Révolution de .
LOUIS-PHILIPPE
Avec Louis-Philippe Ier d’Orléans (règne : -), le passage à la France moderne se fait
définitivement. Si Charles X a été le dernier roi de France, Louis-Philippe fut le premier
roi des Français et le drapeau tricolore redevint l’emblème national. Sous son règne
débonnaire et bourgeois, la modernité s’installe dans le pays : développement de
l’industrie, des banques, naissance et développement des chemins de fer, développement
de l’instruction, construction d’une « histoire nationale » où le souci de la continuité
de la nation domine les ruptures et les drames (le retour des cendres de l’Empereur en est
un exemple, la création du musée de l’Histoire de France à Versailles un autre).
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — HI STO IRE 379 A
NAPOLÉON III
Le décembre , le prince-président Charles Louis Napoléon fait un coup d’État qu’il fait
confirmer par plébiscite le décembre. L’Empire est rétabli le novembre .
Le Second Empire s’effondrera en dans la défaite française devant la Prusse. Entre
ces deux dates, la modernisation de la France se poursuit, les banques se développent,
les grands magasins se créent, l’industrialisation s’accélère et le baron Haussmann change
le visage de Paris. L’Empire développe une politique coloniale qui rend la France présente
en Océanie et en Cochinchine. Au fond, c’est la France du début du XXe siècle qui se met
en place et l’atmosphère cesse d’être celle d’un Balzac pour devenir celle d’un Zola,
d’un Proust ou encore d’un Anatole France.
HISTOIRE DE L’ART A
MU SÉ E D U LOU VRE , P EIN TUR E FR AN ÇAI SE — HI S TOIR E D E L’ A R T 381 A
GOTHIQUE
C’est avec l’Abbé Suger que l’on fait commencer l’âge gothique, plus exactement avec
la reconstruction qu’il dirigea de l’église de Saint-Denis vers . Il faut savoir qu’à
l’origine le terme gothique est péjoratif, (l’équivalent de barbare) et qu’il a été créé par
les hommes de la Renaissance pour désigner cet art des cathédrales qui succède à l’âge
roman vers le XIIe siècle.
L’univers gothique n’est pas seulement celui des cathédrales, c’est aussi, c’est surtout, un monde
à la civilisation particulière qui voit l’Europe se dégager de la confusion des influences
pour se fonder dans un style original et spécifique. L’art gothique est d’abord une pensée
du monde où tout témoigne de la présence divine et lui rend grâce, à commencer
par les hommes dont la civilité et le raffinement font écho au plan divin. Troubadours,
trouvères, premiers romans, développement de la scolastique et de l’art rhétorique, amour
courtois, chevalerie aussi vont de pair avec les voussures des cathédrales et relèvent
du même esprit.
Au Moyen Âge gothique, la circulation des hommes comme des idées et des marchandises font
de l’art un art européen. Avec ses grandes tendances : rigueur de la composition, sens
des volumes simplifiés, goût pour une lumière forte qui accuse les masses, la peinture
médiévale organise un univers profondément marqué par le religieux qui imprègne
la mentalité des hommes de cette époque à un point que nous pouvons difficilement
imaginer, comme en témoigne l’école d’Avignon. De au début du XVIe siècle un
centre d’art se développe en Avignon qui correspond au séjour des papes. Au XVe siècle,
la Provence accueille des peintres venus du Nord aux côtés des peintres italiens de la cour
pontificale. Enguerrand Quarton et Josse Lieferinxe sont de bons exemples de ces
rencontres entre les différentes influences européennes qui se synthétisent en un moment
et un lieu.
M U SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU R E F RA NÇA I SE — HI S TO IRE DE L’ A R T 382 A
RENAISSANCE
La Renaissance française s’installe à la suite des guerres d’Italie et le premier pôle renaissant
se développe – après une première esquisse au château de Blois – autour du chantier
de Fontainebleau sous le règne de François Ier. Le Rosso arrive sur le chantier en ,
le Primatice en , et ils concourent à l’installation d’un art de cour, d’ornement et de
décoration. À la suite de l’école de Fontainebleau, le maniérisme se développe en France
autour des œuvres d’un peintre comme Toussaint Dubreuil. Il rassemble des artistes qui
se sont formés sur les grands ensembles peints du palais de Fontainebleau auxquels
s’ajoute une forte influence flamande. Le maniérisme privilégie des allégories
compliquées, des sujets mythologiques au symbolisme hermétique, met en scène
des corps traités en courbes et contrecourbes dans des attitudes complexes et raffinées
qui ne tiennent pas toujours compte des possibilités anatomiques. Les derniers
maniéristes ouvrent la voie au classicisme.
CARAVAGISME
BAROQUE
Le terme baroque n’a jamais été utilisé au XVIIe siècle. Au sens strict, il s’applique au style
d’un certain nombre d’édifices construits à Rome au début du XVIIe siècle. Son emploi
aux autres formes de la production artistique de l’époque est une simple extension.
En France, il n’y a pas à proprement parler de peinture baroque. Au début du siècle Simon
Vouet, Jacques Blanchart et François Perrier subissent à Rome l’influence des maîtres
italiens qui se caractérisent par des compositions qui privilégient les obliques
MU SÉE D U LO UVR E , P EIN TUR E FR ANÇA I SE — HI STO IRE DE L’ A RT 383 A
CLASSICISME
Les règles du classicisme se déclinent selon les genres à partir d’un certain nombre d’éléments :
observer la vraisemblance, respecter la bienséance et instruire. En effet, sur ce dernier
plan, le sujet de l’œuvre doit donner matière à réflexion et plaire, c’est-à-dire à cette
époque, flatter les sens. Outre ces règles, le classicisme « imite la nature ». Cet art d’imiter
la nature a donné lieu à des contresens. Imiter la nature, pour les classiques, ce n’est pas
la rendre telle qu’elle est, mais découvrir en elle ce qui est caractéristique au-delà
des accidents et des anecdotes.
Du milieu du XVIIe siècle à , commence la querelle des anciens et des modernes qui agite
le monde du classicisme.
Les artistes classiques sont Charles Le Brun, Nicolas Poussin, Jacques Stella.
PEINTRES DE LA RÉALITÉ
Un certain nombre de peintres n’entrent pas complètement dans les règles du classicisme.
Plus exactement, leurs thèmes ne sont pas en accord, en apparence du moins, avec ce que
doit être la peinture après le concile de Trente (-). Parfois inspirés par le Caravage,
parfois par les écoles du Nord, ils construisent leurs œuvres sous l’angle réaliste : famille
de paysans, nature morte du quotidien, scène de genre rugueuse ou rustique. C’est tout
une réalité propre au XVIIe siècle qu’ils nous donnent à voir. Mais ne nous y trompons
pas : les peintres de la réalité ne sont pas des artistes réalistes, ils construisent leurs œuvres
à partir des idées et des symboles que le monde cultivé se fait de la vie populaire
et quotidienne et non à partir du motif réel. Les peintres de la réalité sont des interprètes.
Si les frères Le Nain illustrent ce propos, il n’en est pas de même pour Jean-Baptiste
Chardin, bien plus tard. Avec son art parfait des natures mortes et du quotidien, Chardin
MU SÉ E D U LO UVR E, P EIN TU RE FR AN ÇAI SE — HI S TO IR E DE L’ A R T 384 A
est sans conteste un peintre de la réalité. Mais il n’a pas ce souci d’interprétation
et d’idéalisation. Bien au contraire, la réalité est pour lui la matière même de l’œuvre :
en choisissant des thèmes hors des grands genres, il confère à l’humble réalité un statut
de modèle où tout se joue selon la composition. Dépouillées de leurs artifices
et des leçons instructives, les « choses » du monde de Chardin existent en elles-mêmes
et plus que de nature morte ou de scènes du quotidien, on devrait parler de « portraits
de choses et de vie ».
ROCOCO
Le style rocaille ou rococo commence dans les dernières années du règne de Louis XIV
(vers ) et se termine avec le « retour à l’antique » néoclassique. Il est issu de la victoire
des rubénistes dans la querelle du coloris : sont alors privilégiées des compositions pleines
de mouvement. Rubens entraîne tout le monde vers l’art des écoles du Nord avec un goût
pour la couleur allant jusqu’à l’irréalisme, une recherche de la traduction des qualités
tactiles, un renouvellement des thèmes (faveur des sujets de genre, scènes galantes,
amours des dieux).
NÉOCLASSICISME
À partir de , en réaction contre les abus du style rococo, le néoclassicisme, influencé
par les récentes découvertes archéologiques de Pompéi et d’Herculanum, affirme son style
où le dessin l’emporte sur la couleur, où le désir d’instruire l’emporte sur le goût de plaire.
Les compositions sont lisibles et claires. Le retour aux valeurs de l’antique et à la vertu
des Anciens entrera en résonance avec les idéaux des révolutionnaires de .
ROMANTISME
ORIENTALISME
L’attirance pour l’Orient apparaît dès le milieu du XVIIIe siècle mais se développe surtout
vers avec la fréquence des voyages vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
À cette époque, l’esprit romantique, qui incitait l’homme à l’évasion, fut accompagné
d’événements historiques, comme la prise d’Alger, qui renforcèrent les liens entre
la France et le Moyen-Orient. La lumière de l’Orient permit aux peintres de renouveler
leur palette, les scènes de la vie quotidienne, ainsi que leurs thèmes en s’ancrant
dans l’exotique et l’imaginaire.
RÉALISME
Le réalisme est une synthèse entre diverses tendances : romantisme, naturalisme, orientalisme
aussi. Cette synthèse se fait sous l’angle d’une sorte de vérisme où la leçon néoclassique
puise ses illustrations dans la vérité sociale du moment. Le réalisme veut montrer
ce versant longtemps ignoré de la peinture : la réalité de la vie sans illusion et sans
embellissement. Les peintres naturalistes se veulent les portraitistes de la nature.
Ils peignent en atelier des œuvres qu’ils élaborent à partir des esquisses ou des études
qu’ils ont faites « sur le motif ». Plus tard, dans le droit-fil du premier naturalisme,
les peintres de l’école de Barbizon (un ensemble de peintres de paysage qui,
dans le second quart du XIXe siècle, se retrouvent ou s’établissent dans le village proche
de la forêt de Fontainebleau) approfondissent cet art de la nature qu’illustrent Théodore
Rousseau, Jean-François Millet, François Daubigny.
Mais il ne faut pas réduire les courants réalistes au seul domaine de la peinture. En fait,
c’est à un profond changement de mentalité et société auquel nous assistons en ces années
d’effervescence plastique. Romantisme, réalisme, orientalisme, dans une certaine mesure,
cassent les structures intellectuelles de notre civilisation et mettent l’accent sur la société
et l’homme bien plus que sur le monde, la nature, la leçon morale des arts. Ce n’est pas
pour rien que le terme « intellectuel » naît à cette époque. Dans les faits, ces courants
artistiques, littéraires, sociaux, politiques sont autant de clefs qui ouvrent sur les nouvelles
formes d’expression de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle naissant.
index paginé
sommaire index paginé 387
• Portrait d’un artiste dans son atelier … p. 169 HEIM François-Joseph … p. 340
• Course de chevaux, dit Le Derby de à Epsom … p. 170 • Charles X distribuant des récompenses
• Le Four à plâtre … p. 171 aux artistes, à la fin du Salon de … p. 184