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- Différences et répétitions. Une sensibilité steinienne dans l’art minimal et conceptuel p.46
par Valérie Mavridorakis
couverture : Picasso, Femme aux mains jointes (étude pour Les Demoiselles d’Avignon), huile sur toile, 90,5 x 71,5 cm,
Paris, printemps 1907, Musée Picasso, Paris / Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau
© Succession Picasso 2023
communiqué
Gertrude Stein
et Pablo Picasso
L’invention du langage
Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard
75006 Paris
« Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles1 »
Gertrude Stein
L’amitié entre l’artiste Pablo Picasso et l’écrivaine Gertrude Stein s’est cristallisée autour de leur travail
respectif, fondateur du cubisme, à partir de ce qui constitue leur pratique littéraire et picturale : décomposition
analytique des objets du quotidien, du langage et de la peinture, sérialité, circularité et répétition – autant de
formulations et de trouvailles fondatrices des avant-gardes picturales et littéraires du XXe siècle.
Gertrude Stein est une immigrée américaine, juive, homosexuelle, installée à Paris, rue de Fleurus, peu
après l’arrivée en 1901 de Pablo Picasso, jeune artiste espagnol. Leur position d’étrangers, maîtrisant
approximativement le français, leur marginalité fondent leur appartenance à la bohème parisienne et leur
liberté artistique.
Leur postérité est immense. Examiner leur complicité, leur inventivité et suivre le parcours de Gertrude Stein
entre Paris et les États-Unis, permet d’esquisser une traversée des approches conceptuelles, performatives
et critiques de l’art, de la poésie, de la musique et du théâtre à travers de grandes figures de l’art américain :
John Cage, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham, Nam June Paik, Yvonne Rainer,
Lucinda Childs, Trisha Brown, Ray Johnson, Bruce Nauman, Carl Andre, James Lee Byars, Joseph Kosuth,
Hanne Darboven, Andy Warhol, Glenn Ligon, Ellen Gallagher, Gary Hill, Deborah Kass, Felix Gonzalez-
Torres...
Ainsi l’exposition entend porter un éclairage inédit et documenté sur l’œuvre poétique mal connue de Gertrude
Stein, en regard des peintures et des sculptures de Picasso, le « Paris Moment » (rue de Fleurus et rue
Christine, à deux pas du musée du Luxembourg qu’elle fréquente assidument). La postérité américaine de
ce dialogue forme la seconde partie du parcours, l’« American Moment », avec des œuvres emblématiques
issues de l’écriture steinienne, des années 1950 à nos jours : depuis le Living Theater et les expérimentations
musicales, plastiques et théâtrales néo-dada et fluxus, en passant par l’art minimal autour du langage et du
cercle, jusqu’aux œuvres néo-conceptuelles et critiques.
1 - « A writer should write with his eyes and a painter paint with his ears » (Gertrude Stein, What Are Masterpieces, Los Angeles,
Conference Press, 1940, notre trad.).
Picasso, Femme aux mains jointes (étude pour Les Demoiselles d’Avignon), huile sur toile, 90,5 x 71,5 cm, Paris, printemps 1907,
Musée Picasso, Paris / Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2023
Une série de portraits et d’œuvres hommages, comme le fameux polyptique Ten Portraits of Jews of the
Twentieth Century d’Andy Warhol ou des photographies de Cecil Beaton, évoque l’icône Gertrude Stein.
Cette exposition est programmée dans le cadre de la Célébration Picasso 1973-2023, coordonnée par le
Musée national Picasso-Paris, qui à cette occasion partage sa collection par le prêt exceptionnel de 26
œuvres de sa collection essentiellement centrées autour des années héroïques des Demoiselles d’Avignon
et du cubisme, ainsi qu’un ensemble d’archives remarquable. La Célébration Picasso et l’exposition sont
placées sous le haut patronage de la Présidence de la République.
Un programme de performances conçues par le metteur en scène Ludovic Lagarde accompagne l’exposition
pour faire entendre l’écriture cubiste de Gertrude Stein. Ces performances de 30 à 40 minutes auront lieu à
l’occasion des nocturnes du lundi à 19h et 20h30, pendant toute la durée d’ouverture au public de l’exposition
(hors vacances scolaires et 2 octobre) dans la salle Tivoli adjacente aux espaces d’exposition (sur simple
présentation du billet de l’exposition).
.......................................
commissaire générale : Cécile Debray, Présidente du Musée national Picasso, Paris
accès :
M° St Sulpice ou Mabillon
Rer B Luxembourg
Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du
Luxembourg / Sénat
informations et réservations:
museeduluxembourg.fr
#PicassoCelebration
#ExpoGertrudeStein
Gertrude Stein
and Pablo Picasso
The invention of language
Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard
75006 Paris
« A writer should write with his eyes, and a painter paint with his ears.1 »
Gertrude Stein
The friendship between Pablo Picasso and Gertrude Stein crystallised around their respective work, leading
to the founding of Cubism. The constitutive elements of their literary and pictorial practice – the analytical
decomposition of the simple elements of everyday life, language and painting, and seriality – form the
formal founding characteristics of the pictorial and literary avant-gardes of the twentieth century.
Gertrude Stein was a Jewish-American immigrant and homosexual who settled in Paris in rue de Fleurus
shortly after the arrival of Picasso, a young Spanish artist, in 1901. Their position as foreigners, with only a
rough-and-ready command of French, and their marginal status provided the basis for their membership of
the Parisian bohemian scene and their artistic freedom.
Their posterity is formidable. By exploring their close friendship and inventiveness, and by following Gertrude
Stein’s trajectory between Paris and the United States, we can begin to explore various conceptual,
performative and critical approaches in art, poetry, music and theatre through a host of key figures of
American art, including John Cage, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham, Nam June
Paik, Yvonne Rainer, Lucinda Childs, Trisha Brown, Ray Johnson, Bruce Nauman, Carl Andre, James Lee
Byars, Joseph Kosuth, Hanne Darboven, Andy Warhol, Glenn Ligon, Ellen Gallagher, Gary Hill, Deborah
Kass and Felix Gonzalez-Torres...
The exhibition aims to bring an original and documented perspective to Gertrude Stein’s little-known poetry
through an interaction with paintings and sculptures by Picasso – the “Paris Moment” (rue de Fleurus and
rue Christine, just a stone’s throw from the Musée du Luxembourg that she so keenly visited). The American
posterity of this dialogue forms the second half of the exhibition – the “American Moment” – with emblematic
works based on Stein’s writing, from the 1950s to today: from the Living Theater and the musical, artistic
and theatrical experimentations of Neo-Dada and Fluxus, through minimalist art centred on language and
circles, to neo-conceptual and critical works.
1 - Gertrude Stein, What Are Masterpieces, Los Angeles, Conference Press, 1940.
Picasso, Femme aux mains jointes (study for Les Demoiselles d’Avignon), oil on canvas, 90,5 x 71,5 cm, Paris, printemps 1907
Musée Picasso, Paris / Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2023
A series of portraits and tribute pieces, such as Andy Warhol’s famous polyptych Ten Portraits of Jews of the
Twentieth Century and photographs by Cecil Beaton, will illustrate the icon that was Gertrude Stein.
This exhibition is organised as part of Célébration Picasso 1973-2023, coordinated by the Musée National
Picasso-Paris, which is sharing its collection for the occasion through the exceptional loan of 26 of its pieces,
centred mainly around the glory days of the Demoiselles d’Avignon and Cubism, as well as a remarkable set
of archives. Célébration Picasso and the exhibition are taking place under the auspices of the President of
France.
A programme of performances conceived by the director Ludovic Lagarde accompanies the exhibition to
make Gertrude Stein’s cubist writing heard. These 30 to 40 minute performances will take place during the
Monday night sessions at 7 and 8:30 pm, while the exhibition is open to the public (except during school
holidays and october 2) in the Tivoli room adjacent to the exhibition areas (upon reservation of the exhibition
ticket).
.......................................
general curator: Cécile Debray, President of the Musée national Picasso, Paris
accès :
M° St Sulpice ou Mabillon
Rer B Luxembourg
Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du
Luxembourg / Sénat
#PicassoCelebration
#ExpoGertrudeStein
Gertrude Stein
y Pablo Picasso
La invención del lenguaje
13 de septiembre de 2023 - 28 de enero de 2024
Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard
75006 París (Francia)
« Un escritor debe escribir con los ojos y un pintor pintar con los oídos1»
Gertrude Stein
La amistad entre el artista Pablo Picasso y la escritora Gertrude Stein cristalizó en torno a sus respectivos
trabajos, que dieron forma al cubismo, a partir de lo que constituye su práctica literaria y pictórica: la
descomposición analítica de los objetos cotidianos, el lenguaje y la pintura, la serialidad, la circularidad y la
repetición, formulaciones y descubrimientos que fundaron las vanguardias pictóricas y literarias del siglo XX.
Gertrude Stein era una inmigrante judía-estadounidense y homosexual que se instaló en París, en la rue
de Fleurus, poco después de la llegada del joven artista español Pablo Picasso, en 1901. Su condición de
extranjeros, con un dominio aproximado del francés, y su marginalidad explican su pertenencia a la bohemia
parisina y de su libertad artística.
Su posteridad es inmensa. Estudiar su complicidad, su inventiva y seguir el periplo de Gertrude Stein entre
París y Estados Unidos, nos permite esbozar un cruce de enfoques conceptuales, performativos y críticos
del arte, la poesía, la música y el teatro a través de los artistas estadounidenses más emblemáticos: John
Cage, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham, Nam June Paik, Yvonne Rainer, Lucinda
Childs, Trisha Brown, Ray Johnson, Bruce Nauman, Carl Andre, James Lee Byars, Joseph Kosuth, Hanne
Darboven, Andy Warhol, Glenn Ligon, Ellen Gallagher, Gary Hill, Deborah Kass, Felix González-Torres...
La exposición pretende arrojar una luz nueva y documentada sobre la obra poética apenas conocida de
Gertrude Stein, en relación con las pinturas y esculturas de Picasso, y el Paris Moment, los lugares que habitó,
como la rue de Fleurus y rue Christine, junto al Musée du Luxembourg, que tanto frecuentaba. La posteridad
norteamericana de este diálogo constituye la segunda parte de la exposición, el American Moment, con
obras emblemáticas derivadas de la escritura de Stein, de los años 50 hasta nuestros días: desde el Living
Theater y los experimentos musicales, plásticos y teatrales del neodadaísmo y Fluxus, pasando por el arte
minimalista basado en el lenguaje y el círculo, hasta las obras neoconceptuales y críticas.
1 - « A writer should write with his eyes and a painter paint with his ears » (Gertrude Stein, What Are Masterpieces, Los Angeles,
Conference Press, 1940).
Picasso, Mujer con las manos juntas (estudio para Las señoritas de Aviñón), óleo sobre lienzo, 90,5 x 71,5 cm, Paris, printemps 1907,
Musée Picasso, Paris / Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2023
Una serie de retratos y homenajes, como el célebre políptico de Andy Warhol, Ten Portraits of Jews of the
Twentieth Century o fotografías de Cecil Beaton, evocan la histórica figura de Gertrude Stein.
Se trata de una exposición programada en el marco de la Celebración Picasso 1973-2023, coordinada por el
Musée national Picasso-Paris, que en esta ocasión comparte sus fondos mediante el préstamo excepcional
de 26 obras de su colección, centradas en particular en los años heroicos de Las señoritas de Aviñón y del
cubismo, así como de un conjunto de archivos extraordinario. La Celebración Picasso y la muestra cuentan
con el alto patrocinio de la Presidencia de la República francesa.
Un programa de performances concebido por el director Ludovic Lagarde acompaña la exposición para
hacer oír la escritura cubista de Gertrude Stein. Estas representaciones, de 30 a 40 minutos de duración,
tendrán lugar durante las sesiones nocturnas de los lunes, a 19 y 20:30 horas, mientras la exposición esté
abierta al público (excepto durante las vacaciones escolares y el 2 de octubre) en la sala Tivoli, junto a las
zonas de exposición (previa reserva de la entrada a la exposición).
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comisaria general: Cécile Debray, presidenta del Musée national Picasso-Paris
acceso :
Metro St Sulpice o Mabillon
Rer B Luxembourg
Autobús: 58; 84; 89; parada Musée du
Luxembourg / Sénat
información y reservas :
museeduluxembourg.fr
#PicassoCelebration
#ExpoGertrudeStein
1
PARIS MOMENT
1.1
PORTRAITS
CUBISTES
1.2
PORTRAITS DE
CHOSES
2
AMERICAN
MOMENT
2.1
GRAMMAIRE
2.2
GÉOGRAPHIE ET
JEUX
2.3
CERCLES ET
MOTS
2.4
CONCEPTUELLE
EXCENTRIQUE
« A writer should write with his eyes and a painter paint with his ears »
« Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles »
Gertrude Stein, 1940
Gertrude Stein (1874-1946), première collectionneuse de Pablo Picasso (1881-1973), est une des grandes
figures de la littérature d’avant-garde américaine du XXe siècle. Le portrait que Picasso réalise en 1906,
quelques mois après leur rencontre, scelle aux yeux de la postérité leur alliance amicale et artistique autour
du cubisme, entre peinture et écriture. L’histoire de leur amitié est bien connue, grâce notamment au récit
de Gertrude Stein dans l’Autobiographie d’Alice Toklas (1933).
« Paris Moment ». La genèse croisée de leurs œuvres respectives a fondé en grande partie le cubisme dont
les œuvres auront des répercussions majeures durant la seconde moitié du XXe siècle sur l’art moderne et
contemporain – l’expressionnisme abstrait, l’art conceptuel et minimal, les scènes performatives.
« American Moment ». La radicalité poétique de Gertrude Stein, qui s’est élaborée à travers un dialogue
avec la peinture et surtout avec Picasso, est la pierre angulaire des premières avant-gardes de la culture
américaine sur laquelle se fondent les mouvements expérimentaux performatifs et musicaux des années
1950 et 1960, autour de John Cage et de Merce Cunningham, du Living Theater, de Fluxus, du Pop Art, de
l’art minimal.
Jusqu’à aujourd’hui, Gertrude Stein, qui a ouvertement affirmé son homosexualité, fait figure d’icône et
irrigue des relectures conceptuelles et queer très actuelles, depuis Warhol jusqu’à Felix Gonzalez-Torres,
Ellen Gallagher ou Glenn Ligon.
Cette exposition est organisée en collaboration avec le musée national Picasso-Paris dans le cadre de la
Célébration Picasso 1973-2023, à l’occasion des cinquante ans de la disparition du peintre.
Paris Moment
Pablo Picasso arrive à Paris en 1902, Gertrude Stein, deux ans plus tard. Le peintre espagnol, s’installe
à Montmartre, dans un atelier précaire au Bateau-Lavoir, l’écrivaine américaine dans une petite maison
d’artisan, rue de Fleurus à deux pas du musée du Luxembourg. L’un et l’autre sont des étrangers attirés par la
métropole artistique et libérale qu’est Paris. La question de leur identité culturelle – espagnole ou américaine
– est au cœur de l’œuvre de Stein, dès son arrivée alors qu’elle imagine son grand livre The Making of
Americans. Elle est d’abord sous-jacente chez Picasso, pour s’affirmer franchement lorsque l’artiste se
placera en exil de l’Espagne franquiste. La position d’extériorité et de liberté de la jeune Américaine, loin de
l’atavisme du bon goût de la vieille Europe, mais aussi ses propres recherches sur la langue initiées lors de
ses études en psychologie auprès de William James à Harvard, la rendent très réceptive aux explorations
les plus radicales en art. Ainsi, elle achète avec son frère Leo la toile qui fait scandale au Salon d’automne
de 1905, La Femme au chapeau de Matisse, et rédige Three Lives face au Portrait de Madame Cézanne à
l’éventail, quand Picasso entrevoit de nouvelles voies pour sa peinture face aux tableaux de Cézanne et de
Matisse accrochés rue de Fleurus.
« Pablo is doing abstract portraits in painting. I am trying to do abstract portraits in my medium, words. »
« Pablo fait des portraits abstraits en peinture. J’essaie de faire des portraits abstraits avec mon médium, les
mots. »
G. Stein, 1945
Préoccupés par la question du réel et de sa représentation, Picasso et Stein partagent la même volonté
de ramener l’attention aux choses vues, ancrée dans l’expérience sensible du présent. Les Demoiselles
d’Avignon et The Making of Americans marquent le début de leurs recherches autour du registre du portrait
qui les a conduits respectivement vers le cubisme et les Word Portraits (« portraits de mots »). Chacun
développe sa propre écriture ; l’une, littéraire, fondée sur « l’insistance » syntaxique, sonore et lexicale,
et l’autre, picturale, sur la simplification et la décomposition des formes. À partir de quelques traits, Stein
suggère, par le rythme oral ou visuel de la répétition aux variations infimes, la pulsation de vie de son
modèle, tandis qu’avec quelques signes reconnaissables, Picasso restitue, par l’ordonnance des volumes
condensés, l’essence de ses figures.
Gertrude Stein accompagne les grandes étapes du cubisme de Picasso, en acquérant des œuvres de chaque
période et en construisant, en parallèle, son écriture selon des approches formelles voisines.
Portraits de choses
« Exact resemblance to exact resemblance the exact resemblance as exact as a resemblance, exactly as
resembling, exactly resembling, exactly in resemblance exactly a resemblance, exactly and resemblance.
For this is so. Because.. »
« Exiger ressemblance à l’exacte ressemblance l’exacte ressemblance aussi exacte qu’une ressemblance,
exactement comme ressemblant, exactement ressemblant, exactement en ressemblance, exactement une
ressemblance, exactement et ressemblance. Car ceci est ainsi.
Parce que. »
G. Stein, « If I told him. A Completed Portrait of Picasso », 1930
Dans les années 1910, Stein et Picasso entreprennent, à partir du registre de la nature morte, un tournant
radical. Leurs réflexions sur la relation qui unit les mots ou les images aux choses les mènent à élaborer une
écriture expérimentale relativement hermétique. Ils opèrent une déconstruction de la syntaxe, pour la poète,
et des volumes et plans, pour le peintre, aboutissant à l’éclatement final de la phrase et de la forme. Stein
rédige alors Tender Buttons, recueil de poèmes en prose sur la vie quotidienne, mais qui ne nomment rien,
suggérant davantage un état par le verbe et l’adverbe. Picasso et Braque explorent les voies du cubisme
analytique, frôlant l’illisibilité, avant d’intégrer littéralement des objets et matériaux ordinaires dans leurs
collages et assemblages du cubisme synthétique.
Si Stein soutient aussi Braque et Gris, elle témoigne d’une admiration sans faille pour Picasso qui est le
seul, selon elle, à être en relation avec l’objet même. Bien qu’il ne la lise pas, le peintre catalan la considère
comme son double littéraire et est respectueux de son travail d’écriture, ce qui lui vaut d’être surnommée
« la cubiste des lettres ».
« It has always seemed to me a rare privilege, this, of being an American, a real American, one whose
tradition it has taken scarcely sixty years to create. »
« Il m’a toujours semblé que c’était un rare privilège que d’être une Américaine, une vraie Américaine, une
dont la tradition a mis à peine soixante ans à se créer. »
G. Stein, The Making of Americans, 1925
La réception américaine de l’œuvre de Stein a été lente, en dépit de la réputation de son Salon de la
rue de Fleurus et de son rôle de marraine de guerre pour les GI’s engagés dans la Grande Guerre. La
reconnaissance arrive avec l’Autobiographie d’Alice Toklas (1933), qui met en scène son amitié avec le
désormais célèbre Picasso, avec aussi, le succès, en 1934, de sa pièce Four Saints in Three Acts, mise en
musique par Virgil Thomson, le « Satie américain ». Elle effectue une tournée triomphale de conférences à
travers l’Amérique (Lectures in America, 1935). Au même moment, le cubisme est présenté à l’exposition du
MoMA de New York, « Cubism and Abstract Art » (1936), comme mouvement fondateur dans la généalogie
de l’art moderne américain. Les Demoiselles d’Avignon entrent, l’année suivante, dans les collections.
Il faut attendre les années 1950-1960 et l’influence majeure de John Cage et de son cercle sur l’avant-
garde new-yorkaise pour que la radicalité formelle et conceptuelle des écrits de Stein soit saisie. Son statut
d’écrivaine majeure de la littérature moderniste américaine est progressivement reconnu. En s’appropriant
son image et son langage, les artistes américains de la seconde moitié du XXe siècle ont contribué à réactiver
son œuvre.
Grammaire
À la suite des expérimentations initiées à l’université libre du Black Mountain College par le couple formé par
John Cage et Merce Cunningham, Stein s’impose comme modèle de référence de l’avant-garde américaine,
celle de l’anti-art et de la contre-culture, notamment dans les milieux du théâtre, de la musique et de la
danse du New York des années 1950-1960. Dans un contexte d’effervescence artistique, sociale et politique
contestataire, resserré autour de Greenwich Village, émerge une constellation de lieux et groupes alternatifs,
notablement le Living Theater, le Judson Poets’ Theater et le Judson Dance Theater, foyer de la danse post-
moderne, Fluxus et le Pop Art.
Ils diffusent les écrits de Stein par le biais de performances théâtrales ou musicales et s’identifient à son
esthétique, laquelle autorise, sinon coïncide avec leur démarche critique et expérimentale : pur présent et
pure présence des formes, rejet de la narration linéaire, exploration de la matérialité de leur médium (le
corps et le mouvement pour la danse ; le son pour la musique), manipulation de la syntaxe, du processus, en
utilisant la répétition, la sérialité ou en intégrant le quotidien à partir d’un lexique épuré.
Géographie et jeux
« Play, play every day, play and play and play away, and then play the play the play you played today, the play
you play everyday, play it and play it.»
« Jouez, jouez tous les jours, jouez et jouez et jouez encore, et puis jouez la pièce la pièce que vous avez
jouée aujourd’hui, la pièce que vous jouez tous les jours, jouez-la et jouez-la. »
G. Stein, Portraits and Prayers, 1934
À partir de la fin des années 1950, les artistes de l’avant-garde new-yorkaise qui gravitent à Greenwich
Village autour de Cage-Cunningham – notamment depuis leurs études au Black Mountain College – et de la
Cercles et mots
« When I said. A rose is a rose is a rose is rose. And then later made that into a ring I made poetry. »
« Quand j’ai dit. Une rose est une rose est une rose est une rose. Et ensuite fait de cela un anneau j’ai fait
de la poésie.»
Comme Fluxus, l’art minimal et conceptuel pose la question de la définition de l’art et de ses pratiques,
affirmant le primat de l’idée et de l’environnement de l’œuvre plutôt que de sa réalisation. Cela ouvre à
une multitude de formes artistiques à partir de modes alternatifs, tels que le langage et le discours, l’action
corporelle, le son, les chiffres, la documentation non-artistique ou l’architecture. D’autres, notamment Joseph
Kosuth, défendent une vision tautologique et littérale de l’art, à savoir « l’art est la définition de l’art ». Cette
acceptation plus restreinte trouve un précédent dans la pensée steinienne incarnée par son célèbre vers «
Rose is a rose is rose is rose ». Car, si le rôle de Marcel Duchamp en tant que source de l’art conceptuel
est pleinement reconnu, la poésie expérimentale de Stein a également ouvert un champ d’explorations
artistiques et poétiques, centrales dans les démarches conceptuelles, notamment autour de la plasticité
du langage, la dimension performative, et la matérialité visuelle et sonore des mots. Aussi, les formes et
procédés institués par l’écriture épurée, répétitive, sérielle et circulaire de Stein trouvent de nombreuses
affinités avec les œuvres minimalistes. Dès 1965, la critique Barbara Rose met en avant, dans un article
fondateur, le rôle de Stein dans l’émergence du minimalisme qu’elle qualifie de « ABC Art », en réaction au
mouvement romantique et subjectif de l’expressionnisme abstrait.
Conceptuelle excentrique
« And identity is funny being yourself is funny as you are never yourself to yourself except as you remember
yourself and then of course you do not believe yourself. »
« Et l’identité c’est drôle d’être toi-même c’est drôle car tu n’es jamais toi-même pour toi-même sauf quand
tu te rappelles toi-même et alors bien sûr tu ne te crois pas toi-même. »
G. Stein, Everybody’s Autobiography, 1937
Ancrée dans sa vie, l’écriture de Gertrude Stein mêle fiction et réalité pour déployer une longue interrogation
sur l’identité – mouvante et insaisissable si ce n’est indicible – des choses, des lieux, des êtres. Elle
s’intéresse aux individus tant dans leur dimension collective (l’américanité dans The Making of Americans
ou les spécificités françaises dans Paris-France) qu’intime (la vie quotidienne, la relation à l’autre, l’amour
et l’érotisme, l’homosexualité, le genre, ou encore le rapport de l’écrivain à son œuvre). Jouissant d’une
aura incontestable depuis son portrait peint par Picasso, Stein est devenue une véritable icône pop (Andy
Warhol) – américaine et juive –, héroïne des historiographies féministes et queer. Si son influence peut se
faire parfois plus diffuse, parfaitement assimilée dans les sources de l’art contemporain par le prisme de John
Cage (Gary Hill), nombre d’artistes continuent de se confronter à son esthétique, tant de son image que de
son langage. Qu’ils s’emparent directement et plastiquement de ses écrits (Glenn Ligon) ou revendiquent
clairement la filiation (Hanne Darboven, Félix Gonzalez-Torres, Deborah Kass, Ellen Gallagher), tous attestent
de l’actualité de son œuvre et de sa place tutélaire dans l’art américain.
« This one was one, some were quite certain, one greatly expressing something being struggling. This one
was one, some were quite certain, one not greatly expressing something being struggling. »
« Celui-là était quelqu’un, certains en étaient tout à fait certains, quelqu’un qui exprimait grandement quelque
chose en train de combattre. Celui-là était quelqu’un, certains en étaient tout à fait certains, quelqu’un qui
n’exprimait pas grandement quelque chose en train de combattre. »
G. Stein, « Henri Matisse », 1909
« This one was one who was working. This one was one being one having something being coming out of
him. This one was one going on having something come out of him. This one was one going on working. This
one was one whom some were following. This one was one who was working. »
« Celui-là était quelqu’un qui travaillait. Celui-là était quelqu’un en train de faire sortir quelque chose de lui.
Celui-là continuait à faire sortir quelque chose de lui. Celui-là était quelqu’un qui continuait à travailler. Celui-
là était quelqu’un que certains suivaient. Celui-là était quelqu’un qui travaillait. »
G. Stein, « Pablo Picasso », 1909
« Brack, Brack is the one who put up the hooks and held the things up and ate his dinner. He is the one
who did more. He used his time and felt more much more and came before when he came after. He did not
resemble anything more. »
« Braque, Braque est celui qui a mis les crochets et a accroché des choses et a pris son dîner. Il est celui qui
a fait plus. Il a utilisé son temps et s’est senti plus beaucoup plus et est arrivé avant quand il arrivait après. Il
ne ressemblait à rien de plus. »
G. Stein, « Braque », 1913
« J’étais à cette époque seule à comprendre Picasso, peut-être aussi parce que j’exprimais la même chose
en littérature […] »
« I was alone at this time in understanding Picasso, perhaps because I was expressing the same thing in
literature […] »
G. Stein, Picasso, 1938
« Juan Gris formally knows me. Juan Gris and I. Juan Gris and I and formally and knows me. When this you
see remember me, remember him to me. When this you see.
Many secrets many secrets, many many and no secrets. »
« Juan Gris me connaît officiellement. Juan Gris et moi. Juan Gris et moi et officiellement et il me connaît.
Quand cela vous verrez, souvenez-vous de moi, souvenez-vous de lui à moi. Quand cela vous verrez.
Beaucoup de secrets beaucoup de secrets, beaucoup beaucoup et pas de secrets. »
G. Stein, « Pictures of Juan Gris » (1924)
« Pain soup, suppose it is question, suppose it is butter, real is, real is only, only excreate, only excreate a
no since. »
« Soupe de douleur, supposez que ça fait question, supposez que c’est du beurre, réel c’est, réel c’est
seulement, seulement excréer, seulement excréer un pas depuis. »
G. Stein, Tender Buttons: Objects – Food – Rooms, 1914
« What did he do. He met boys of every nationality and they played together. »
« Qu’a-t-il fait. Il a rencontré des garçons de toutes les nationalités et ils ont joué ensemble. »
G. Stein, Geography and Plays, 1922
« White and black is black and white. What I recollect when I am there is that words are not birds. How easily
I feel thin. Birds do not. So I replace birds with tin-foil. Silver is thin. / Life and letters of Marcel Duchamp. /
Quickly return the unabridged restraint and mention letters. / My dear Fourth. »
« Blanc et noir sont noir et blanc. Ce dont je me souviens quand j’en suis là est que les mots ne sont oiseaux.
Avec quelle facilité je me sens mince. Les oiseaux non. Alors je range les oiseaux avec les feuilles d’étain.
L’argent est mince. / Vie et lettres de Marcel Duchamp. / Redonne vite la contrainte absolue et mentionne les
lettres. / Mon cher Quatrième. »
G. Stein, « Next. Life and Letters of Marcel Duchamp », vers 1920
« There are many men and women who have queerness in them, sometime there will be a history of all the
kinds of them. »
« Il y a beaucoup d’hommes et de femmes qui ont un caractère queer, un jour il y aura une histoire de tous
ces types d’hommes et de femmes. »
G. Stein, The Making of Americans, 1925
PARIS MOMENT
Pablo Picasso
Verre, journal et dé
Avignon, été 1914
Tableau-relief : éléments de bois peints et sable
sur fond de bois peint à l’huile,
17,5 × 15,2 × 3 cm
Musée national Picasso‑Paris,
dation Pablo Picasso en 1979
Ray Johnson
Untitled (Amaryllis or the Prettiest of Legs)
vers 1953‑1960
Technique mixte et collage sur papier cartonné,
27,9 × 19,1 × 5,1 cm
New York, Ray Johnson Estate
Gertrude Stein
Lectures in America
New York Random House,
1935
Collection particulière
Une du Time
« Gertrude Stein », Time.
The Weekly Newsmagazine, vol. 22, no 11,
11 septembre 1933
Musée national Picasso‑Paris, bibliothèque
L’œuvre littéraire de Gertrude Stein est polymorphe et d’un volume impressionnant. « Toute une vie
d’écriture » selon les mots de Claude Grimal, spécialiste et traductrice de Stein, qui lui a consacré plusieurs
ouvrages. L’écrivaine s’est essayée à tous les genres littéraires : poésie, romans, pièces de théâtre, livrets
d'opéra, essais, autobiographies, récits. Son écriture a évolué au fil du temps, abandonnant l’approche
traditionnelle signifiant/signifié pour une écriture cubiste rythmique et sonore. La poète qui revendiquait
être le « Picasso de la littérature », en faisant parler sa compagne pour se raconter à travers elle dans The
Autobiography of Alice B. Toklas, permettra à Pablo Picasso de se nourrir de ses idées, et s’inspirera en
retour de la créativité du peintre dans ses écrits.
Metteur en scène des œuvres de Brecht, Bond ou Tchekhov, Ludovic Lagarde a voulu faire du théâtre pour
« apprendre à lire les textes littéraires ». Comme d’autres artistes tels que Robert Wilson, Heiner Goebbels,
ou la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaker, il a une grande admiration pour l’écriture de Stein, qu’il
découvre au début des années 2000 grâce à son complice, l’auteur Olivier Cadiot.
Pour l’exposition « Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage », Ludovic Lagarde a conçu un
programme de lectures et performances pour faire entendre l’œuvre littéraire de Gertrude Stein.
À l’occasion des nocturnes du lundi, pendant toute la durée de l’exposition (hors vacances scolaires,
et 2 octobre), une performance a lieu en soirée dans la salle Tivoli adjacente aux espaces d’exposition
du Musée du Luxembourg, à la scénographie intimiste dans l’esprit d’un salon indien (tapis au sol
pour l’auditoire, éclairage tamisé, coin salon pour les lectures et performances).
Entrée gratuite avec le billet de l’exposition, dans la limite des places disponibles.
le programme détaillé
(disponible sur le site museeduluxembourg.fr)
© Marthe Lemelle
Il crée pour l’édition 2004 du festival d’Avignon deux spectacles : Fairy Queen, texte d’Olivier Cadiot inspiré
de l’univers de l’artiste américaine, et Oui dit le très jeune homme, avant-dernière pièce de Gertrude Stein.
Oui dit le très jeune homme est un texte de Gertrude Stein inspiré de son expérience singulière de la Seconde
Guerre mondiale. Elle réside pendant cette période à la campagne, dans un village savoyard, entourée de
sa compagne et éditrice Alice B. Toklas. Juive non exilée – et non déportée –, elle n’a cessé de prendre des
notes sur la honte de la défaite, les dérives pétainistes et collaborationnistes, les engagements résistants, les
errements et hésitations de la population.
En 2010, Ludovic Lagarde réalise une création radiophonique pour France Culture à partir de textes de
Gertrude Stein, d’extraits de Doctor Faustus lights the lights, Oui dit le très jeune homme, To be sung,
l’Autobiographie d’Alice Toklas, avec les comédiennes Valérie Dashwood, Constance Larrieu, Christèle Tual
et Camille Panonacle, et les musiques de Rodolphe Burger, John Cage et Pascal Dusapin.
En 2011, il met en scène au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris Docteur Faustus lights the light, texte
de Gertrude Stein dans une adaptation d’Olivier Cadiot, et une création musicale de Rodolphe Burger.
Actualités
Il prépare actuellement l’adaptation pour la scène du dernier ouvrage d’Olivier Cadiot, Médecine générale,
dont la première aura lieu en septembre 2023 à la MC93 de Bobigny.
Lectures en Amérique1 (publié en 1935) regroupe des textes que Gertrude Stein a écrits à différentes pé-
riodes de sa vie et qui sont pour la plupart des conférences ou de courts écrits didactiques portant sur des
sujets chers à Stein : la prose, la peinture, le théâtre, le roman, la poésie … Dans ces textes, Gertrude Stein
illustre son propos de courts extraits de ses poèmes, romans et pièces.
Ludovic Lagarde a tenu à rassembler des femmes pour lire cet ouvrage traduit en français à la fin des an-
nées 1970. Il a dirigé cinq comédiennes complices, de générations différentes. Daphné Biiga Nwanak, Léa
Luce Busato, Valérie Dashwood, Dominique Reymond, Christelle Tual prennent chacune en charge une des
thématiques abordées dans Lectures en Amérique.
Chaque lecture jouée par une comédienne dure entre 30 et 40 minutes et sera interprétée à deux re-
prises au cours d’une nocturne du lundi, à 19h et 20h30.
Daphné Biiga Nwanak est diplômée d’un master de philosophie de l’EHESS de Paris où
elle consacre son mémoire à l’œuvre de Jérôme Bel. Elle se forme à l’Ecole de la Comédie
de Reims (Ludovic Lagarde), puis intègre l’école du Théâtre National de Strasbourg (groupe
44, diplômée 2019). Attachée au répertoire contemporain, elle joue dans Cancrelat mis en
scène par Jean-Pierre Vincent, puis dans Les Nègres mis en scène par Bob Wilson. Elle
participe aux créations de Maxime Kurverset collabore régulièrement avec (La) Horde. Elle
se lance dans l’écriture de ses propres pièces avec Maya Deren, projet chorégraphique et
vidéo présenté en mars 2023 au théâtre de la Cité internationale de Paris.
© Jean-Louis Fernandez
Léa Luce Busato a été formée à l’Ecole Supérieure du Théâtre National de Strasbourg
(groupe 45, formée 2020) auprès de Stanislas Nordey, Dominique Valadié, Valérie Dréville,
Laurent Poitrenaux, Julien Gosselin, Bruno Meyssat, Annie Mercier, Thomas Jolly, Claude
Duparfait, Loic Touzé. Elle a joué sous la direction de Jean Massé (Les Disparitions, 2018),
Simon-Elie Galibert (Portrait de Tony, 2019), Julien Gosselin (Dekalog, 2020) et Ludovic
Lagarde (Quai-Ouest de Bernard-Marie Koltès, 2021-2022).
© Yann Morrison
Valérie Dashwood a été formée à la classe libre du Cours Florent puis au Conservatoire
national supérieur d’art dramatique. Elle a travaillé au théâtre avec Emmanuel Demarcy-
Mota, Stuart Seide, Antony Vassiliev, Carole Thibault, Daniel Jeanneteau. Depuis 2002
elle a régulièrement travaillé avec Ludovic Lagarde : Retour définitif et durable de l’être
aimé (2002), Fairy Queen (2004), et Un nid pour quoi faire d’Olivier Cadiot (2010), Docteur
Faustus lights the lights de Gertrude Stein adapté par Olivier Cadiot (2011), ainsi que La
Collection de Harold Pinter (2019).
© Carlotta Forsberg
Metteur en scène, acteur, chorégraphe, performeur et auteur, Yves-Noël Genod travaille d’abord avec
Claude Régy et François Tanguy. À partir de la pratique du contact improvisation, il entre dans le champs
de la danse et collabore avec le chorégraphe Loïc Touzé.
En 2003, celui-ci lui propose à l’occasion d’une carte blanche au Lieu Unique de Nantes, de fabriquer son
premier spectacle. Intitulé En attendant Genod, il s’appuie sur le modèle des stand-up anglo-saxons. Les
commandes s’enchaînent ensuite : spectacles – près d’une centaine à ce jour – et performances, présentés
le plus souvent dans des festivals, lieux de danse ou de formes hybrides.
« Un théâtre dont on aurait enlevé le drame, l’action, et dont il ne resterait que la poésie, le fantôme, la
trace. Icône des marges, génie de l’incongru, Yves-Noël Genod a travaillé avec de nombreux interprètes
qu’on retrouve désormais sur les plus grandes scènes ; on peut dire dans ce sens qu’il a marqué une
génération. »
Yves-Noël Genod souhaite s’emparer de l’Autobiographie d’Alice Toklas le livre qui apporta un succès
inattendu et tardif à Stein. Écrit en six semaines au cours de l’automne 1932, « par plaisanterie, pour
s’amuser » dira t-elle, elle invente avec l’Autobiographie d’Alice Toklas un dispositif inédit pour écrire ses
mémoires : elle se fait décrire par Alice Toklas, sa compagne qui partagea toute sa vie. Se dévoile ainsi,
à travers de vifs et volubiles échanges, les débuts de son salon artistique à Paris et ses rencontres avec
les avant-gardes qu’elle a contribué à faire découvrir, à commencer par Picasso et les peintres cubistes.
Un livre savoureux sur cette époque effervescente et fondatrice du Paris des années 1900-1920 alors en
pleine mutation intellectuelle.
© Louis Malecek
« Une fée post-moderne, électrisée à l’idée de rencontrer la grande prêtresse américaine de la vie littéraire et
parisienne d’avant-guerre, est invitée à déjeuner chez Gertrude Stein. Ressuscitée pour l’occasion dans son
célèbre appartement de la rue de Fleurus, la papesse du “cubisme littéraire” y fait et défait les réputations de
ses invités. Pour une jeune artiste survoltée, c’est le passage obligé, mais aussi le risque de terminer dans
le salon des Refusés. Survitaminée dans sa combinaison noire à pois bleus, cette fée clochette azimutée a
concocté une “performance maison” sur l’amour, “peu banale et non-sentimentale”. Délurée, tranchante et
gratinée, la patronnesse Gertrude Stein la cuisine en débitant des phrases toutes faites sur les airs d’un livre
de recettes, alors que sa secrétaire Alice B. Toklas ne manque aucune occasion de toiser la prétendante.
Mais voici la fée lancée comme une fusée : dans une virevoltante et désopilante envolée, elle fait valser l’art
poétique “comme un bouchon de radiateur”, invente en direct le “neuron’art”, parle à la vitesse du son et de
la lumière. Le personnage magique de cette “reine des fées” fait passer le texte d’Olivier Cadiot à un certain
régime : celui d’un moteur à réaction et à accélérations brutales. C’est aussi l’histoire d’une femme du XXIe
siècle qui va chercher dans le XXe une réponse à ses questions. Un voyage dans le temps, l’exploration d’une
île mystérieuse, celle de nos pensées. »
Fairy Queen, d’Olivier Cadiot a été mis en scène par Ludovic Lagarde pour le Festival d’Avignon 2004. A
l’occasion du cycle de performances autour de Gertrude Stein, le metteur en scène rassemble de nouveau
les trois protagonistes de 2004, Valérie Dashwood, Philippe Duquesne, Laurent Poitrenaux, pour faire revivre
le salon de Gertrude Stein en lecture.
Valérie Dashwood a été formée à la classe libre du Cours Florent puis au Conservatoire national supérieur
d’art dramatique. Elle a travaillé au théâtre avec Emmanuel Demarcy-Mota, Stuart Seide, Antony Vassiliev,
Carole Thibault, Daniel Jeanneteau. Depuis 2002 elle a régulièrement travaillé avec Ludovic Lagarde :
Retour définitif et durable de l’être aimé (2002), Fairy Queen (2004), et Un nid pour quoi faire d’Olivier Cadiot
(2010), Docteur Faustus lights the light de Gertrude Stein adapté par Olivier Cadiot (2011), ainsi que La
Collection de Harold Pinter (2019).
Philippe Duquesne. De 1993 à 2002, Philippe Duquesne est membre de l’équipe des Deschiens. Dans la
série diffusée sur Canal+, il joue les rôles de Monsieur Duquesne ou de Madame Duquesne.
Il joue également de petits rôles dans Élisa, Les Apprentis ou J’ai horreur de l’amour. Il rencontre Jean-Marc
Barr qui le choisit pour deux de ses films, Lovers et Being Light. En 2004, après l’arrêt de la série sur Canal+,
Yolande Moreau, sa complice des Deschiens, l’engage dans son film Quand la mer monte…, qui se déroule
dans le Nord. À partir de 2005, il a joué quatre fois pour Albert Dupontel, dans Enfermés dehors, Le Vilain, 9
mois ferme et Au revoir là-haut.
En 2008, il est à nouveau remarquable dans Bienvenue chez les Ch’tis, un film hommage à la Région Nord-
Pas de Calais.
En 2020, il interprète le rôle du député européen Michel Specklin, l’un des personnages principaux de la série
télévisée Parlement sur france.tv, créée par Noé Debré.
Laurent Poitrenaux est un acteur virtuose et fidèle de Ludovic Lagarde et il a joué dans nombre de ses
spectacles : Soeurs et frères, Le Colonel des Zouaves, Retour définitif et durable de l’être aimé, Fairy
Queen, Un nid pour quoi faire, Un mage en été, L’Avare, Quai ouest, La Collection, L’Amant.
Cette fidélité n’empêche pas Laurent Poitrenaux de suivre sa propre route. Il passe avec un égal bonheur
de Racine ou Tchekhov à Beckett ou Lagarce. Arthur Nauzyciel le dirige dans Jan Karski, La Mouette et Le
Malade imaginaire ou le silence de Molière. Il tourne régulièrement au cinéma, il est à l’affiche en 2022
de Cinq hectares d’Émilie Deleuze, La Montagne de Thomas Salvador ou encore La Grande Magie de
Noémie Lvovsky. Laurent Poitrenaux est responsable pédagogique de l’école du TNB (Théâtre National de
Bretagne) de Rennes.
cycle de conférences
conférence de présentation
jeudi 21 septembre à 18h30
Avec Cécile Debray, conservatrice générale du patrimoine, présidente du Musée national Picasso-Paris et
Assia Quesnel, historienne de l’art
Dès 1905, Gertrude Stein et Pablo Picasso, fraîchement arrivés à Paris, nouent une amitié étroite. De ce
dialogue artistique entre le peintre et l’écrivain naît le cubisme, ainsi qu’une postérité immense sur la scène
américaine du vingtième siècle. Dans cette conférence, les commissaires présentent leur exposition conçue
comme une traversée des avant-gardes picturales et littéraires.
Gertrude Stein est l’autrice d’une œuvre extrêmement fournie, explorant tous les genres (romans, poèmes,
pièces de théâtre, livrets d’opéras...) pour mieux les remettre en question. Devant ces textes qui peuvent
paraître troublants, la critique a parfois parlé de langue ou de poésie «cubiste». Dans cette conférence,
on s’interrogera sur le sens et la pertinence de cette analogie en s’appuyant sur la lecture commentée de
poèmes choisis.
Compositeur, poète, peintre, philosophe, John Cage est un artiste multiple. Par ses expérimentations for-
melles, il cherche à trouver un langage artistique fondé sur le commun de l’expérience du quotidien, du ba-
nal. Mais le commun, chez Cage, est aussi la traduction d’un intérêt pour la communauté, celle de penseurs
et des artistes qui participent avec lui à repenser l’expérience démocratique.
À propos de quelques chaises : quotidien et jeux de langage dans l’art et la littérature contemporains
jeudi 14 décembre à 18h30
avec Cécile Mahiou, enseignante et chercheuse en art et littérature
Depuis les premiers collages, il n’est plus étonnant de trouver des objets communs en lieu et place de pein-
tures et de sculptures. Il en est de même en littérature, comme on le voit dans Tender Buttons de Gertrude
Stein. Cette conférence reviendra sur les représentations du quotidien dans les productions artistiques bien
au-delà du simple effet de rupture ou de la manifestation temporaire d’un art qui vouerait un culte au banal
par provocation.
L’œuvre littéraire de Gertrude Stein est polymorphe et d’un volume impressionnant. Son écriture a évolué au
fil du temps, abandonnant l’approche traditionnelle signifiant/signifié pour une écriture cubiste rythmique et
sonore. Afin de la faire entendre, le metteur en scène Ludovic Lagarde a conçu spécialement pour l’exposition
un programme de lectures et performances à découvrir lors des nocturnes du lundi soir.
week-end inspiré
samedi 11 et dimanche 12 novembre de 10h30 à 19h. Nocturne gratuite le samedi soir de 19h30 à 23h
Vous êtes plutôt promenade, visite guidée en anglais ou atelier philo en famille ? Tout le week-end, le Musée
du Luxembourg vous fait découvrir l’exposition sous des perspectives différentes : choisissez celle qui vous
inspire et, le samedi soir, profitez d’une nocturne gratuite ainsi que d’un concert exceptionnel donné par l’en-
semble Libertrio.
Lors de chaque exposition, la soirée carnet de dessin est un temps privilégié pour dessiner face aux œuvres.
Habitué ou débutant, venez avec votre matériel pour croquer vos coups de cœur : que vous préfériez le
cubisme, le Pop art ou encore l’art conceptuel, la postérité de Gertrude Stein et de Pablo Picasso saura vous
inspirer !
médiation
visite en famille
Qui aurait cru que Gertrude Stein, Américaine venue s’installer à Paris voici plus d’un siècle, serait à l’origine
d’une œuvre si féconde qu’elle inspire encore aujourd’hui les artistes plasticiens, les musiciens, les écrivains
ou encore les danseurs ? Cette visite vous fera découvrir en famille ce personnage extraordinaire, sa com-
plicité artistique avec Pablo Picasso ainsi que son influence majeure sur l’art occidental.
Que diriez-vous d’emmener vos élèves dans un voyage à la rencontre du cubisme et d’une poésie singulière
? Prenant Gertrude Stein pour guide, un conférencier accompagne les élèves de tous âges dans leur
découverte de nombreuses formes artistiques (peinture, sculpture, danse, musique…) ayant en commun
une recherche originale sur le langage.
De la rue de Fleurus en bordure du jardin du Luxembourg aux rives de la Seine, cette promenade guidée
vous emmènera sur les traces de Gertrude Stein et de ses amis artistes, écrivains, photographes ou encore
libraires et éditeurs.
visite-atelier enfants
mercredi 1er novembre, dimanche 12 novembre, dimanche 3 décembre, jeudi 28 décembre, jeudi 4 janvier
à 14h15
durée : 2h
à partir de 6 ans
Gertrude Stein aimait créer des portraits en mots de ses amis ou même des objets qui l’entouraient et, à leur
tour, les artistes l’ont représentée avec une grande variété d’expressions et de techniques. Après une visite
de l’exposition avec une plasticienne, les enfants pourront travailler en atelier des matériaux divers pour ré-
aliser un portrait en assemblage, à la manière cubiste.
Qu’est-ce que le langage ? En famille, découvrez l’exposition sous l’angle de la philosophie : partant de
l’observation des œuvres, la conférencière accompagnera les enfants dans leurs questionnements. Après
la visite, un temps d’échange collectif puis un atelier créatif permettront à toute la famille d’expérimenter
différents modes d’expression.
sommaire :
PARIS MOMENT
Portraits cubistes
Portraits de choses
AMERICAN MOMENT
Grammaire
Géographie et jeux
Cercles et mots
Conceptuelle excentrique
[…] L’histoire de leur amitié est bien connue, grâce notamment au récit de Gertrude Stein dans The
Autobiography of Alice B. Toklas / Autobiographie d’Alice Toklas (1933), et la place du cubisme et son rôle
en art moderne ont été largement explicités et montrés. En revanche, l’étude de la genèse croisée de leurs
oeuvres respectifs et de l’influence de l’écriture steinienne sur la scène artistique, surtout américaine, l’est
beaucoup moins. Pourtant, la radicalité poétique de Gertrude Stein, qui s’est élaborée à travers un dialogue
avec la peinture et surtout avec celle de Picasso, forme la pierre angulaire des premières avant-gardes de
la culture américaine, sur laquelle se fondent les mouvements performatifs et musicaux des années 1950
et 1960, autour de John Cage et de Merce Cunningham, du Living Theatre, de Fluxus, du Pop Art, de l’art
minimal et conceptuel. Gertrude Stein, qui a affirmé ouvertement son homosexualité, tant dans sa vie que
par son image, fait également figure d’icône et irrigue aujourd’hui des relectures conceptuelles et queer, plus
politiques et très actuelles, depuis Andy Warhol jusqu’à Roni Horn, Felix Gonzalez-Torres ou Glenn Ligon.
[…]
[…] L’un et l’autre sont des étrangers attirés par la métropole artistique et libérale qu’est Paris. La question
de leur identité culturelle – espagnole ou américaine – est au coeur de l’oeuvre de Gertrude Stein dès son
arrivée en France, où elle imagine son grand livre The Making of Americans / La Fabrication des Américains,
et demeure sensible et sous-jacente chez Picasso, jusqu’à s’affirmer délibérément lorsqu’il s’exilera de
l’Espagne franquiste. La position d’extériorité et de liberté de la jeune Américaine, loin de l’atavisme du bon
goût de la vieille Europe, mais aussi ses propres recherches sur la langue, la perception et l’automatisme
initiées lors de ses études en psychologie et en philosophie auprès de William James, à Radcliffe College, la
rendent très réceptive aux explorations les plus radicales en art. […]
La rencontre avec Picasso, à partir de l’achat de la grande toile de l’époque rose Jeune Fille au panier
de fleurs (1905), a lieu davantage autour de leurs personnes, d’affinités ressenties, que de la découverte
de leurs oeuvres respectifs, l’un et l’autre en devenir. Comme Stein le suggère dans son récit de 1933,
leur relation se cristallise pendant la création du fameux portrait de 1905-1906 selon une relation en écho
avec celui de Cézanne, mais aussi avec l’autoportrait du peintre exécuté dans la foulée et dont il offre une
petite étude à son amie. Stein amplifie de façon hyperbolique les séances de pose, afin d’« insister » sur
ces moments d’exception en tête à tête, emblématiques de leur amitié naissante et de leur communion
autour d’une recherche de formes nouvelles. Ce magistral portrait est parachevé après un séjour de Picasso
en Espagne, à Gósol, où il découvre la sculpture romane ibérique. Seul, à distance de son modèle, de
mémoire, il peint la tête, stylisée à la manière d’un masque, empreint toutefois de réminiscences du regard
dissymétrique de Madame Cézanne. La plupart des historiens y voient le départ des recherches pré-
cubistes de Picasso. On y lit également le début d’une interrogation sur la représentation, la ressemblance,
qui nourrit le cheminement vers le cubisme comme vers les Word Portraits de Stein, qui ne cherche pas
à décrire une personne, à rendre son reflet, mais à capter ce qui émane du modèle. En 1909, elle écrit le
portrait de Picasso. Par touches successives, à la manière encore de Cézanne, elle forge un environnement
syntaxique et sonore où se détachent quelques traits singuliers sur le mode de la litanie : « Celui que certains
certainement suivaient était celui qui était complètement charmant. Celui que certains certainement suivaient
était celui qui était charmant. Celui que certains suivaient était celui qui était complètement charmant. Celui
que certains suivaient était celui qui était certainement complètement charmant. »
La série d’énoncés déclinés en motifs rythmiques crée par l’« insistance » (et non par une pure répétition)
l’idée d’un Picasso charmant et travailleur : « Celui-là avait toujours quelque chose qui sortait de lui-même
qui était une chose solide, une chose intéressante, une chose dérangeante, une chose repoussante, une
très jolie chose. »
1 - « America is my country, and Paris is my hometown » (Stein, « An American and France » (1936), in Stein, op. cit. à la note 1).
Dans les textes de Stein, les recherches sur l’objet, sur la planéité d’un présent continu, le recours à une
syntaxe dépliée, déconstruite, qui joue sur l’oralité de la répétition, le lent déroulement continu de portraits
qui rappelle le cinéma – une succession d’unités avec des variations infinitésimales qui élargit peu à peu la
vision et le sens, en une longue suspension du présent – s’apparentent aux assemblages et décompositions
picassiens […]
La réception américaine de l’oeuvre de Stein a été lente, en dépit de la réputation de son salon de la rue
de Fleurus et de son rôle de marraine de guerre pour les GI’s engagés dans la Grande Guerre. Elle a été
lancée sur un quiproquo, le succès d’une oeuvre « alimentaire », The Autobiography of Alice B. Toklas, ses
souvenirs et anecdotes au sujet du Paris héroïque d’avant-guerre, donc son amitié avec le désormais célèbre
Picasso. En 1934, le succès de sa pièce Four Saints in Three Acts [Quatre saints en trois actes] (écrite en
1927), mise en musique par Virgil Thomson, le « Satie américain » selon les codes des revues musicales
de Broadway, avec des musiciens, danseurs et chanteurs africains-américains de Harlem, est décisif. Est
révélée la potentialité rythmique, performative et contemporaine de son écriture. Elle effectue une tournée
de conférences aux États-Unis (Lectures in America, 1935) pour expliciter sa conception de la littérature et
de l’art et se prête aux séances de photographie de son ami Carl Van Vechten, renforçant ainsi sa dimension
iconique, depuis les portraits de Picasso, Félix Vallotton, Man Ray, Francis Picabia… […]
Avec l’entrée des Demoiselles d’Avignon au MoMA, en 1937, le cubisme se targue d’une place déterminante
dans la généalogie de l’art moderne américain, mais comme une source clairement européenne. Celle de
l’œuvre de Stein est du côté américain, jouant souvent avec des marqueurs vernaculaires ou nationaux – les
gospels et hymnes américains, les romans de la Lost Generation, le rapport au présent, à la modernité, à la
culture populaire… En outre, son ouvrage The Making of Americans rejoint la longue et prégnante exploration
sur l’identité, et en particulier de l’américanité, poursuivie par les écrivains et artistes américains. […]
Au tournant des années 1960, la référence à Gertrude Stein, grâce au rôle que jouent Cage et
Cunningham, est grandissante dans les milieux de la contre-culture new-yorkaise et le mouvement néo-dada
Fluxus. Julian Beck et Judith Malina créent en 1947 le haut lieu de cette scène, le Living Theatre, et créent
en 1951 l’opéra Doctor Faustus Lights the Lights [Docteur Faust allume les lumières], sur un livret de Stein.
À l’espace culturel de la Judson Memorial Church se retrouvent la troupe de danseurs de Cunningham,
celle du Judson Dance Theater d’Yvonne Rainer, les artistes Robert Rauschenberg, Emmett Williams, Ray
2 - « The grammar is the meaning » (Merce Cunningham cité par Richard Kostelanetz, Dancing in Space and Time, Pennington, A Cappella Books,
1992, p. 30, notre trad. [Jean‑François Allain]).
Cette fusion des disciplines au profit de la pure forme apparaît comme l’apport majeur des textes de Stein
et innerve grandement l’art minimal et l’art conceptuel américain. […]
1912
Dans l’atelier du 27, rue de Fleurus, sur une table de bois massif, sous le Portrait de Gertrude Stein par
Picasso, Stein écrit, entre 1909 et 1910, le « Portrait de Picasso » publié dans Camera Work en août 1912. [...]
Comme le Portrait de Gertrude Stein par Picasso, le portrait de Picasso par Stein constitue un effort créatif
colossal. Stein rejette la description, le narratif, et se concentre sur ce qu’elle a capturé de son ami dans le
processus écouter/parler qui est le sien. L’individu Picasso est ainsi décrit selon des constantes – « solide », «
charmant », « que l’on suivait », « qui travaillait et qui produisait quelque chose », « qui sortait quelque chose
1923
La guerre a éloigné les deux amis, qui se retrouvent à la fin de l’été de 1923, à Antibes. Le peintre est
avec sa femme Olga, son fils Paulo et sa mère. Gertrude est accompagnée d’Alice : « C’est cet été-là
que Gertrude Stein, charmée par le remous des petites vagues sur le rivage d’Antibes, écrivit Le Portrait
complété de Picasso. » Napoléon apparaît tout à coup (comme il avait surgi après son évasion de l’île
d’Elbe), faisant de Picasso un conquérant qui a emporté le petit milieu de l’avant-garde montmartroise. Une
métaphore annoncée dans le premier portrait, « quelques-uns le suivaient certainement » et qu’elle explicite
dans l’Autobiographie d’Alice Toklas : « … il semblait Napoléon suivi de quatre énormes grenadiers. » Une
autre qui se dessine : « Deux. J’atterris. Trois La terre » et préfigure la conclusion du Picasso de 1938 : « La
terre vue d’un avion est une autre terre… » [...]
1933
Et puis Gertrude Stein s’éloigne de l’hermétisme des poèmes et livre sa vision épique de sa vie à Paris dans
l’Autobiographie d’Alice Toklas. Picasso y est immédiatement mis en scène, avant même Henri Matisse, que
Stein a pourtant rencontré le premier. Mythologie de la bohème, de Paris, de Montmartre ? Il semble que
Picasso, son œuvre, ses amis, ses amours, occupent une place majeure dans le livre. Au point que Fernande
Olivier, qui publie au même moment ses propres souvenirs, dont elle avait confié à Stein le manuscrit, estime
avoir été pillée : « Je suis certaine que mes souvenirs ont pour une part inspiré les siens », s’indigne-t-elle .
L’amie aussi bien que l’ex-compagne ont bien compris que la gloire de Picasso est leur chance de renom-
mée. Stein connaît, en effet, avec l’Autobiographie d’Alice Toklas un succès qui lui permet de publier tout son
œuvre : « C’était assez sentimental », admet-elle. Est-ce la jalousie d’Olga, généralement incriminée ? Ou
bien Picasso a-t-il été choqué, « furieux », même , par cet opportunisme, par l’autoproclamation du génie de
Stein (même si le sien propre est abondamment reconnu), par l’indiscrétion de l’autrice ? Stein et Picasso ne
se voient plus jusqu’en 1935, jusqu’à la séparation du couple Picasso.
1938
Rue Christine, avec un Autoportrait de Picasso et Gertrude Stein sous les yeux, Stein écrit Picasso. Une
biographie, une étude d’œuvre, qui est aussi une subtile construction mêlant ce qu’elle sait de l’artiste, ce
qu’elle ressent de ses œuvres et ce qui la définit, elle, avec ses souvenirs, la mise en scène de sa personne
et son écriture. [...]
Jusque dans les années 1930, les écrits de Gertrude Stein constituent une œuvre confidentielle, lue et
commentée par quelques initiés dans les cercles restreints des avant-gardes artistique, littéraire et
intellectuelle [...]
Si certains de ses écrits – lorsqu’elle parvient à les faire publier – ont fait l’objet de critiques plutôt positives,
cela n’en demeure pas moins assez exceptionnel et s’amoindrit avec son style littéraire dit cubiste, amorcé
par Tender Buttons / Tendres Boutons (publié en 1914), proche de la non-lisibilité et souvent incompris.
En outre, sa réception est limitée à un milieu littéraire spécialisé et intrinsèquement lié aux événements
artistiques de son temps, au grand dam de la poète, qui cherche à être reconnue en tant qu’autrice à part
entière, convaincue de son propre génie : « Pablo et Matisse ont une virilité qui appartient au génie. Moi
aussi, peut-être », suggérant, par là, que son œuvre relève bien de la modernité.
Après avoir acquis un statut populaire dans les années 1930, mais détaché de son esthétique, puis artistique
à partir des années 1940, grâce à une interprétation féconde et réfléchie, l’œuvre de Stein a continué de faire
l’objet d’une appropriation polymorphe dans les décennies suivantes. Par un jeu de réseaux et d’identification
subtile, les artistes américains des années 1950-1960 ont contribué à la légitimation du statut de la poète en
tant qu’autrice majeure de la littérature moderniste américaine. Il semble donc que ses écrits, alors que ceux-
ci étaient compris et publiés difficilement à ses débuts en raison de leur radicalité, deviennent progressive-
ment une sorte de rituel obligé pour tout artiste souhaitant inscrire son œuvre du marqueur avant-gardiste,
c’est-à-dire jouir à son tour d’une légitimation artistique et critique ; et ce, alors même que ce sont ces artistes
qui ont contribué à réactiver son œuvre, à réhabiliter sa personne, et à en faire une source de la créativité
contemporaine, au point que Stein incarne aujourd’hui un parangon de l’art américain : « Notre mère à tous ».
“ Pour commencer voilà ce que chacun doit savoir : chacun est contemporain de son époque ” C’est ainsi
qu’en 1934 Gertrude Stein introduit sa conférence « Comment l’écrit s’écrit ». Qu’entend-elle par époque ?
Le temps qui coïncide avec son existence ? Mais alors, comment expliquer que les artistes américains dont
l’œuvre émerge vingt ans après sa mort semblent à ce point être ses contemporains ? Proposons que cela
est concevable si, par « époque », nous entendons deux moments du modernisme, celui de Stein, ce Paris
moment de la première moitié du XXe siècle, et celui du modernisme dit tardif, où elle resterait la contempo-
raine des artistes qui l’ont lue et tirent le bilan de ce que sa génération a inventé.
Vincent Broqua a abordé ce dernier moment comme étant la seconde phase de la « traduction en art » de
l’écrivaine :
« Le paradigme est le suivant : avant 1945, c’est-à-dire lorsque Stein est encore vivante, « traduire Stein en
art » signifie souvent dessiner, peindre ou sculpter un portrait d’elle. Après sa mort, malgré des exceptions, le
rapport entre ce que désigne Gertrude Stein et ses représentations s’inverse. À mesure que l’oeuvre de Stein
se diffuse, d’une traduction en portrait de la personne, on passe à la traduction, souvent intersémiotique, de
ses textes et de sa poétique. »
Par quoi la lecture de Stein contribue, entre autres, au processus de textualisation de l’art, sur lequel nous
allons revenir. Auparavant, arrêtons-nous sur ce qui, dans la sensibilité minimaliste de l’art américain des
années 1960, fait écho à l’écriture steinienne.
[...] Évoquons ces deux axes, celui de la transgression, puis celui de l’expérience empirique, pour discerner
les liens sensibles qui rattachent les principes du minimalisme à l’esprit littéraire de Stein.
La liste des transgressions formelles produites par cette dernière est longue : agrammaticalité, usage res-
treint de la ponctuation, réduction du vocabulaire, neutralisation du temps, répétition (ou insistance selon sa
propre dénomination), autant de procédés qui lui permettent de « développer l’idée de chaque partie d’une
composition comme étant aussi importante que le tout », ainsi que le lui a enseigné l’observation prolongée
de Madame Cézanne à l’éventail. Tout occupée à repousser les conventions romanesques du XIXe siècle,
Stein expérimente en poésie et en théâtre. Ses romans, ses poèmes, ses pièces et ses portraits démontent
les conventions de leur genre. Paradoxalement, l’écrivaine tient aux catégories. [...]
À l’orée des années 1960, Donald Judd, qui a lui aussi bien regardé Paul Cézanne, envisage d’opérer des
bouleversements comparables dans son propre domaine. Mais c’est avec les genres artistiques qu’il com-
mence par rompre. Les « objets spécifiques » qu’il repère dans l’art de son temps ne relèvent à ses yeux
ni de la peinture – trop conventionnelle –, ni de la sculpture – trop anthropomorphe. Ce sont des œuvres
tridimensionnelles aux qualités réduites. « Il suffit qu’une œuvre soit intéressante », écrit-il en une formule
décisive pour tout l’art qui viendra. Plus simple est la forme, plus complexe est le dessein de l’artiste. Plus
cohérent est son objet, plus celui-ci peut être perçu immédiatement comme un tout et non pas comme
une construction faite de parties séparées. Si les formes minimalistes qui découleront de tels objectifs sont
d’un dépouillement sans équivalent, les objectifs en eux-mêmes semblent relever d’une tradition moderniste
déjà ancienne. Stein, cherchant à rendre les choses intéressantes autrement, n’essayait-elle pas, dès The
Making of Americans / La Fabrication des Américains, « d’obtenir cette immédiateté du moment sans rien
ajouter de superflu » ? [...]
Percevoir le texte ou l’œuvre tridimensionnelle comme un tout unifié dont nulle partie ne vaut plus qu’une
autre est non seulement une intention commune à Stein et aux artistes des années 1960, mais aussi un
type d’expérience similaire pour leurs lecteurs ou spectateurs. William James avait pour projet de décrire et
analyser l’expérience, tout type d’expérience. Stein reconnaît avoir été profondément marquée par l’homme
et par sa pensée. [...]
[...] même lorsqu’elle se veut descriptive, la poésie expérimentale de Stein invente son propre « réalisme »,
celui-ci obéissant à sa logique intime et non plus à la mimesis et au vouloir-dire habituel. Travailler la maté-
rialité de la langue est l’enjeu de The Making of Americans et de Tender Buttons / Tendres Boutons :
« Je pris des mots séparément et les pensais jusqu’à ce que je saisisse leurs poids et volume complets et
les mis l’un après l’autre et en même temps je compris très vite qu’il n’y avait rien de tel que de les mettre
ensemble sans sens. Il est impossible de les mettre ensemble sans sens. » [...]
C’est une pareille conception de la poésie qu’adopte à son tour Carl Andre. Ce dernier a beau citer Ezra
Pound, c’est à Stein qu’il emprunte son credo. [...]
Cependant, là où Stein réinvente la grammaire selon ses propres règles, Carl Andre, lui, la supprime pure-
ment et simplement dans ses arrangements de mots. Ainsi, le célèbre vers de Stein « Rose is a rose is a rose
is a rose » devient-il, dans son tapuscrit, l’accrétion du seul substantif, « roseroseroseroserose », sur huit
lignes superposées formant un rectangle dans lequel l’Éros fusionne avec la fleur et sa couleur.
Dans ses pages, les lettres, les signes de ponctuation ou les unités lexicales sont équivalentes aux unités
matérielles de sa sculpture dans l’espace :
Parmi ces « récupérateurs de langage » figure Joseph Kosuth, dont le mode d’expression privilégié est la
tautologie. En 1965, il répond lui aussi aux Five words in a line de Stein, mais de façon littérale, par exemple
avec Five Words in Blue Neon (1965). [...]
Stein elle-même ne se targuait-elle pas, par l’intermédiaire d’Alice Toklas, d’avoir vu son œuvre souvent
comparé à celui d’un mathématicien en vertu de sa passion pour l’exactitude ? [...]
[...] C’est de cette matière composite (images, chiffres, mots, signes) qu’est faite l’œuvre intitulée Quartett
>88<. Couvrant sept cent quarante-cinq feuilles, auxquelles s’ajoutent trente-six feuilles d’index et un man-
nequin de cire dans la version exposée , l’œuvre met en exergue ce que Carl Andre a pu formuler ainsi en
aparté : « Si Stein avait été un homme, elle aurait été considérée comme le plus grand écrivain américain
du XXe siècle. Mais bien sûr, si elle avait été un homme, elle n’aurait pas été le grand écrivain qu’elle est. »
Quartett >88< rend hommage à ces femmes qui se sont mesurées aux hommes dans leur domaine réservé,
et ce, à travers quatre figures emblématiques – Marie Curie, Rosa Luxemburg, Gertrude Stein et Virginia
Woolf. [...]
À la date de la mort de ces quatre illustres personnalités, c’est en effet leur portrait qui remplace l’image de la
sténographe-femme-parmi- les-femmes – en l’occurrence, pour Stein, une photographie de sa statue par Jo
Davidson (1920-1922). Une effigie solennelle, donc, plus encore qu’un portrait. La date de leur naissance est
suivie par des informations bio-bibliographiques tapuscrites prélevées dans l’encyclopédie Brockhaus. Dans
la dernière partie de l’oeuvre, on trouve « A Birthday Book » de Stein, qui ajoute son calendrier poétique au
long calendrier ésotérique qui précède.
L’écrivaine américaine est par conséquent à l’honneur dans le quatuor de Darboven et le fait que son por-
trait y soit sculpté ne manque pas d’alluder à sa détermination. Loin des tourments de Woolf, du martyre
de Luxemburg, du sacrifice de Curie, elle n’aura pas cessé d’affirmer sa puissance, de se revendiquer sans
fléchir supérieure à ses pairs. Si son statut littéraire a été conquis de haute lutte, sa liberté sociale n’est pas
un moindre exploit. Stein a vécu, agi, collaboré, paru en société avec Alice Toklas, à laquelle une part de sa
prose et de ses vers est dédiée.
Bien qu’elle ne se soit pas déclarée féministe et qu’elle aitvolontiers arboré une posture virile concurrençant
celle des écrivains qui l’entouraient, ses poèmes, ses pièces, ses romans sont remplis de voix de femmes
[...].
Avant d’être l’écrivaine et collectionneuse que l’on connaît, Stein s’oriente entre 1893 et 1901 vers des
études de psychologie, à Radcliffe College, alors annexe pour femmes de l’université de Harvard, puis de
médecine, à l’université Johns-Hopkins, de Baltimore. Les rencontres et les écrits de l’époque jalonnent sa
trajectoire littéraire, mais aussi la vision qu’elle a des rapports sociaux de genre. Dans une série d’articles
publiés entre 1901 et 1904, Stein interroge la place des femmes et leur rôle dans la société. La baisse de la
natalité, notamment américaine, liée à la contestation de l’« idéal de maternité », préoccupe à l’époque les
psychologues et les économistes. Stein constate que les femmes ont tendance à délaisser la procréation et à
investir le domaine de l’intelligence associée à l’économie, alors occupé par les hommes. Cette vision binaire
où les femmes appartiennent au foyer et les hommes au travail est caractéristique de l’antiféminisme. Stein
semble y adhérer, tout en apportant une nuance culturaliste : le statut social désavantage les femmes à être
l’égal des hommes, non leur condition biologique.
Empreinte des débats à Radcliffe au sujet de l’égalité des sexes, Stein se démarque deux ans plus tard lors
d’une conférence sur « La valeur de la formation universitaire pour les femmes ». Selon elle, il faut élargir leur
accès à l’éducation, afin que celle-ci profite à la société et à l’économie. Stein conteste la destinée biologique
des femmes, soulignant que « les différences entre les sexes, hormis les organes génitaux, sont purement
superficielles » et qu’« une mère ne devient une femme que pendant la maternité – elle n’est pas concernée
par son sexe à d’autres moments ». La différence sexuelle disparaît lorsque les femmes et les hommes ont
une capacité de travail similaire, comme l’indique l’universitaire Linda Martin, qui inscrit les réflexions de
Stein dans le sillage du taylorisme appliqué à la psychologie sociale de Hugo Münsterberg, professeur de
Stein à Radcliffe.
Ces réflexions sur les rapports sociaux de genre coïncident avec la lente élaboration du roman The Making
of Americans / La Fabrication des Américains, commencé peu de temps après l’installation de Stein au
27, rue de Fleurus à Paris, à l’automne de 1903. Elle découvre à cette période le brûlot antiféministe et
antisémite d’Otto Weininger Sexe et caractère, publié en allemand en 1903, qui place au coeur des débats la
psychologie sexuelle appliquée à la création artistique. Weininger envisage les êtres humains à partir d’une
distinction entre un pôle mâle, masculin, productif et actif, et un pôle féminin, passif, improductif et amoral.
Pour lui, afin d’éviter la décadence de la société, l’être humain doit se détacher de sa composante sexuelle
et sensible, ainsi les femmes masculines, notamment les lesbiennes, et certains hommes qui s’abstiennent
de toute activité sexuelle peuvent-ils dépasser ces pôles et devenir des génies. Stein voit dans ces écrits
le moyen de conforter l’idée selon laquelle l’homosexualité – dont les premières théories s’appuient sur les
principes moraux de la dégénérescence – doit prétendre au génie dans la création.
C’est à la fin des années 1860 qu’apparaît en Allemagne la théorie d’un troisième sexe, homosexuel, lié à
l’idéal romantique de l’androgyne. L’homosexuel, homme ou femme, n’est pas attiré par son opposé, mais
par le même pôle sexuel, son état se trouvant inversé par rapport à l’hétérosexuel et se situe donc entre les
deux pôles masculin et féminin.
Cette théorie de l’entre-deux sexuel inversé est réinterprétée par la suite à travers la psychiatrie et la médecine
légale, jusqu’aux écrits de Weininger. Stein s’en inspire pour construire une vision plus fluide et elliptique de
l’homosexualité, miroir de son existence. Dans Three Lives / Trois Vies, nouvelles écrites entre 1905 et 1906,
le personnage de Hortense Sänger se manifeste en tant que son alter ego solitaire, éloignée de la sexualité
et au plus près des livres. Comme Hortense, Stein se sent « active » et « passive » dans ses relations avec
les femmes, dominante et dominée, homme et femme par intermittence, répondant ainsi aux ambivalences
de la conscience, loin des déterminismes moraux de la psychopathologie. The Making of Americans forge
un style complexe, fait de répétitions de mots et de phrases qui tentent de saisir l’individu dans le collectif,
à partir de ses ressemblances et de ses dissemblances. Dans son écriture, Stein insiste sur le fait qu’il y
ait plusieurs sortes d’hommes et de femmes, venant contester les distinctions essentialistes de genre et de
sexualité, à la frontière entre homme et femme.
[...]
1874. Gertrude Stein naît le 3 février à Allegheny (Pennsylvanie). Elle est la dernière d’une fratrie de cinq
enfants. Sa famille est juive, non pratiquante et de milieu aisé, grâce aux affaires menées par son père,
Daniel. Personnage singulier, il passe d’une idée à l’autre concernant l’éducation des enfants, quitte à se
montrer tyrannique. Sa mère, Amelia, est très effacée.
1880. Installation de la famille Stein à Oakland (Californie). La jeune fille se lie avec tous ses camarades
d’école quels que soient leurs milieux sociaux ou origines nationales et est très proche de son frère Leo.
1891. Décès de Daniel Stein. C’est l’aîné, Michael, qui devient chargé de famille et gère l’héritage paternel.
Sa réussite sociale, à la suite de la fusion qu’il réalise des compagnies de Railway de San Francisco, met à
l’abri toute la famille, en assurant une rente à chacun.
1892. Gertrude et Bertha Stein vivent à Baltimore dans leur famille maternelle. Leo fait ses études à Harvard.
1893. Gertrude Stein devient étudiante à Radcliffe College (annexe de Harvard réservée aux femmes).
1894-1895. Mariage de Michael Stein avec Sarah Samuels. Gertrude Stein écrit ses premières ébauches
de fiction, notamment In The Red Deeps [Dans les profondeurs rouges] et Temptation [Tentation]. Elle mène
des travaux sous la tutelle de William James – qui enseigne la philosophie et la psychologie – et expérimente
l’écriture automatique.
1896. Première et seule publication universitaire de Gertrude Stein, dans la Psychological Review.
1897. Gertrude Stein commence des études de médecine à l’université Johns-Hopkins, à Baltimore, où son
frère Leo s’inscrit également, en zoologie et en biologie. Son intérêt se porte sur la neurologie. Elle rencontre
May Bookstaver, dont elle tombe amoureuse alors que cette dernière est déjà attachée à une autre jeune
femme, Mabel Haynes.
1901. En tant qu’interne à l’hôpital de Baltimore, Gertrude Stein travaille dans un service dédié aux patients
noirs. Elle abandonne ses études après avoir échoué en quatrième année.
1902. Gertrude Stein séjourne dans différentes villes européennes auprès de Leo. Elle s’installe avec lui à
Londres.
1903-1904. Retour ponctuel à New York et départ pour l’Europe. Gertrude Stein s’installe à Paris, chez Leo,
au 27, rue de Fleurus. Ensemble, ils visitent des Salons, la galerie d’Ambroise Vollard et découvrent Paul
Cézanne, Henri Matisse, Pablo Picasso. Acquisition commune de Madame Cézanne à l’éventail. Gertrude
écrit Q.E.D. [C.Q.F.D.]. Elle commence Fernhurst et The Making of Americans / La Fabrication des Américains.
En 1904, Sarah et Michael Stein s’installent rue Madame, à Paris. La famille séjourne en Italie.
1905-1906. Gertrude Stein commence à écrire Three Lives / Trois Vies. Les acquisitions de la sœur et
du frère s’accélèrent : Cézanne, Paul Gauguin, Matisse et Picasso. L’Américaine et l’Espagnol deviennent
immédiatement proches et ce dernier est bouleversé par Cézanne, dont il découvre aussi les toiles acquises
par les Stein. En 1906, Gertrude pose pour Picasso et termine d’écrire Melanctha, assise face au portrait de
Cézanne. Elle rencontre Guillaume Apollinaire et Marie Laurencin.
1908. Gertrude Stein rencontre Juan Gris, auquel elle sera très attachée, comme à sa peinture.
1910. Gertrude Stein écrit A Long Gay Book [Le Long Livre joyeux] et Many Many Women [Beaucoup
beaucoup de femmes] ainsi que ses premiers portraits, dont Ada, Picasso et Matisse.
1912. Alfred Stieglitz publie dans Camera Work les portraits de Picasso et de Matisse écrits par Gertrude
Stein en 1909. Alice B. Toklas et Gertrude séjournent en Espagne, au Maroc puis en Italie chez Mabel Dodge,
où Gertrude écrit Portrait of Mabel Dodge at the Villa Curonia [Portrait de Mabel Dodge à la Villa Curonia],
publié à titre privé à 300 exemplaires.
1913. Gertrude Stein rencontre l’éditeur John Lane, à Londres. Elle prête des œuvres pour l’exposition
« Armory Show » à New York, et y fait la rencontre de Carl Van Vechten. Elle commence Tender Buttons /
Tendres Boutons. L’incompréhension de Leo pour le travail de sa sœur ne cesse de croître et il est en proie
à de nombreuses difficultés d’ordre personnel, tant et si bien qu’il quitte la rue de Fleurus et part pour l’Italie :
tous deux se partagent les œuvres de leur collection.
1914. Gertrude Stein et Alice B. Toklas rencontrent Alfred Whitehead, en Angleterre, et restent chez lui lors
de l’entrée en guerre. Retour à Paris à l’automne.
1915. Elles se rendent à Palma de Majorque, où elles vivent une année durant. Gertrude Stein écrit Lifting
Belly / Lève bas-ventre.
1916. Gertrude Stein et Alice B. Toklas reviennent en France en juin et participent à l’effort de guerre avec le
Fonds américain pour les blessés français. Gertrude obtient le permis et achète sa première Ford, pour faire
des livraisons jusque dans le sud de la France.
1917. Entrée en guerre des États-Unis. Gertrude Stein et Alice B. Toklas deviennent marraines de plusieurs
soldats américains, dont William Rogers, qu’elles surnomment Kiddie. Gertrude écrit « The Great American
Army » [La Grande Armée américaine], qui sera l’occasion d’une première publication dans Vanity Fair, en
juin 1918. Elle y publiera ensuite des entretiens et son second portait de Picasso. Elle écrit Useful Knowledge
[Connaissance utile].
1918. Alice B. Toklas et Gertrude Stein découvrent la vallée du Rhône. Décès d’Apollinaire, en novembre.
1919. Alice B. Toklas et Gertrude Stein partent pour l’Alsace, missionnées par le Fonds américain pour les
blessés français. Retour à Paris au printemps.
1921. Gertrude Stein retrouve Picasso à Antibes et Juan Gris à Bandol (fig. 051). Elle rencontre Sherwood
Anderson, de passage à Paris. Elle écrit As Fine as Melanctha [Aussi beau que Melanctha].
1922. Gertrude Stein se lie d’amitié avec Ernest Hemingway, à qui elle prodigue avis et conseils littéraires
judicieux. Elle séjourne à Saint-Rémy-de-Provence jusqu’en février 1923. Sherwood Anderson rédige la
préface de Geography and Plays [Géographie et pièces], recueil de cinquante-deux portraits, pièces et
« paysages », dont « Susie Asado », « Ada », « Braque », « Sacred Emily », etc., publié à compte d’auteur
chez Four Seas Company. Pour remercier Anderson, elle écrit « A Valentine for Sherwood Anderson » [« Une
carte de Saint-Valentin pour Sherwood Anderson »]. Elle écrit la pièce A Saint in Seven [Un saint sur sept].
Gertrude s’éloigne progressivement de Picasso, qui s’est rapproché, de son côté, du cercle de Jean Cocteau
puis de celui d’André Breton.
1923. Gertrude Stein écrit Elaboration et le livret d’opéra Capital Capitals. Première publication dans la Little
Review.
1925. Gertrude Stein rencontre le peintre Pavel Tchélitchev et Francis Scott Fitzgerald, qui a beaucoup fait
pour Hemingway et pour qu’elle soit publiée. Elle achève A Novel of Thank You [Un roman de remerciements].
1926-1927. Gertrude Stein fait la connaissance de Virgil Thomson, René Crevel, Bernard Faÿ et Georges
Hugnet. Elle donne des conférences en Angleterre, où elle rencontre Virginia et Leonard Woolf. Daniel-Henry
Kahnweiler, avec la galerie Simon, publie le poème A Book Concluding with As a Wife Has a Cow [Un livre
qui se termine par Comme une épouse a une vache], illustré par des lithographies de Juan Gris. Il s’agit du
premier ouvrage de Gertrude publié par un éditeur français. Juan Gris meurt en mai 1927 et Gertrude écrit
« Vie et mort de Juan Gris », publié dans la revue transition. Période prolifique, écriture et/ou publication de :
An Elucidation [Une élucidation], Composition as Explanation [Composition comme explication], Elaboration
[Élaboration], Four Saints in Three Acts [Quatre saints en trois actes], Patriarchal Poetry [Poésie patriarcale],
Alphabets and Birthdays [Alphabets et anniversaires], An Acquaintance with Description [Une connaissance
avec description] et Lucy Church Amiably [Lucy Church aimablement].
1928. Gertrude Stein écrit un livret d’opéra dédié à Alice B. Toklas, Lyrical Opera / Made by Two / To be Sung
[Opéra lyrique / Fait à deux / Afin d’être chanté]. La galerie Simon publie la pièce A Village. Are You Ready
Yet Not Yet [Un village. Êtes-vous prêt pas prêt], illustrée par Élie Lascaux.
1929. Alice B. Toklas et Gertrude Stein acquièrent une maison à Billignin, où elles se rendront chaque
printemps, jusqu’à l’automne.
1930. Premières traductions par Georges Hugnet et Virgil Thomson d’une sélection de portraits publiés ou
inédits, dont Dix Portraits et Morceaux choisis de La Fabrication des Américains. Gertrude Stein fonde la
maison d’édition Plain Edition, sous la direction d’Alice B. Toklas, et publie Lucy Church Amiably. Gertrude
rencontre le peintre Francis Rose.
1931. Gertrude Stein rencontre l’écrivain-compositeur Paul Bowles. Elle achève How to Write [Comment
écrire] et commence Winning His Way [Gagner sa place]. Après la rupture amicale avec Georges Hugnet,
elle publie, chez Plain Edition, Before the Flowers of Friendship Faded Friendship Faded. Written on a Poem
by Georges Hugnet [Avant que les fleurs de l’amitié ne se fussent fanées l’amitié s’est fanée. D’après un
poème de Georges Hugnet].
1932. Gertrude Stein écrit Stanzas in Meditation / Strophes en méditation et The Autobiography of Alice B.
Toklas / Autobiographie d’Alice Toklas. Publication d’Operas and Plays [Opéras et pièces] chez Plain Edition,
un recueil de vingt-deux livrets, pièces et scénarios écrits depuis 1920.
1933. Succès fulgurant de l’Autobiography. En France, publication d’Américains d’Amérique. Gertrude Stein
écrit Blood on the Dining-Room Floor / Du sang sur le sol de la salle à manger et Four in America [Quatre en
Amérique].
1934-1935. Convaincue par Kiddie, Gertrude Stein accepte de faire une tournée de conférences aux États-
Unis, coïncidant avec la tournée de Four Saints. Nombreuses retrouvailles et rencontres, dont Thornton
Wilder, à Chicago, qui sera un de ses éditeurs. Elle signe un contrat avec l’éditeur Bennett Cerf, qui s’engage
à publier au moins un ouvrage de l’autrice par an. Avec lui paraît Portraits and Prayers. La traduction de
l’Autobiography paraît chez Gallimard. Certains artistes vont très mal recevoir l’ouvrage : « Testimony Against
Gertrude Stein » [Témoignage contre Gertrude Stein] est publié par transition, signé Georges Braque, Eugene
Jolas, Maria Jolas, Henri Matisse, André Salmon et Tristan Tzara. Écrit Lectures in America / Lectures en
Amérique et une brève autobiographie, And Now [Et maintenant]. Retour en France en mai 1935.
1936. Gertrude Stein écrit et publie The Geographical History of America / L’Histoire géographique de
l’Amérique. Elle donne des conférences en Angleterre et écrit What Are Masterpieces [Que sont les chefs-
d’œuvre] et, vraisemblablement en français, la pièce Écoutez-moi. La déception de Gertrude à découvrir les
poèmes écrits par Picasso aurait pu les éloigner davantage encore, mais ils vont se rapprocher à nouveau
alors que le peintre travaille à Guernica.
1938. Gertrude Stein et Alice B. Toklas quittent la rue de Fleurus pour la rue Christine. Gertrude écrit le livret
Doctor Faustus Lights the Lights [Docteur Faust allume les lumières] et The World is Round / La Terre est
ronde, illustré par Clement Hurd.
1939-1940. Gertrude Stein et Alice B. Toklas se réfugient à Billignin lorsque la guerre est déclarée. Elles
emportent le portrait de Gertrude par Picasso et Madame Cézanne à l’éventail. Gertrude écrit et publie Paris
France. En juin 1940, les Allemands sont dans l’Ain, quand le maréchal Pétain signe l’armistice. Gertrude
écrit le livre pour enfants To Do [À faire] et commence Mrs. Reynolds.
1941. Une exposition « Gertrude Stein » est organisée à l’université Yale en février. Gertrude Stein termine
et publie Ida. Four Saints est joué au MoMA.
1942-1943. Gertrude Stein et Alice B. Toklas s’installent à Culoz, près de Billignin. Gertrude, étant juive,
figure dans la liste Otto, qui recense les livres interdits durant l’Occupation. Pour survivre, elle vend Madame
Cézanne à l’éventail.
1944. Débarquement des Américains. Gertrude Stein finit Wars I Have Seen / Les guerres que j’ai vues.
Retour à Paris en décembre.
1945-1946. Gertrude Stein rencontre de nombreux GI et écrit l’opéra The Mother of Us All / Notre mère
à tous, Brewsie and Willie / Brewsie et Willie et Reflection on the Atomic Bomb [Réflexion sur la bombe
atomique]. Bennett Cerf publie, chez Random House, l’anthologie Selected Writings of Gertrude Stein [Écrits
choisis de Gertrude Stein]. Gertrude Stein meurt le 27 juillet 1946, d’un cancer à l’estomac.
“Mostly always sometime each one is a whole one to me, very often each one is in pieces to me. Always
every one is repeating, repeating and repeating the being in them and always repeating is coming out of
each one, always all through all the living they are doing, always all their living and sometimes it is exciting to
know it in them, sometimes a very dreary thing, sometimes a very discouraging feeling for living, sometimes a
friendly one and sometimes then it makes of some one not such an important one as one had thought them,
sometimes then it makes of some one a more important one than one had thought them, sometimes it is a
habit in one to expect it of them the repeating from some one.”
« La plupart du temps parfois chacun est un tout pour moi, très souvent chacun est fragmentaire
pour moi. Toujours chacun répète, répète et répète l’être qui est en lui et toujours la répétition émane
de chacun, toujours à travers toute la vie qu’il mène, toujours dans toute sa vie et quelquefois c’est
excitant de savoir cela en lui, parfois c’est une chose très ennuyeuse, parfois c’est un sentiment très
décourageant envers la vie, parfois c’est un sentiment amical et parfois alors cela rend quelqu’un un
peu moins important que ce que l’on pensait, parfois alors cela rend quelqu’un un peu plus important
que ce que l’on pensait, parfois c’est une habitude pour qui attend d’eux la répétition de quelqu’un. »
Écrit en 1903-1906.
Dactylographié en 1908-1909 par Alice B. Toklas.
Épreuves prêtes à être éditées dès 1911.
Publié en 1924, en feuilleton, sous l’impulsion d’Ernest Hemingway, par Ford Madox Ford dans la Transatlantic Review.
Publié en 1925 : The Making of Americans. Being A History of A Family’s Progress, Paris, Contact Editions (extraits p.
348, 485 et 519) ; en 1926 : New York, A & C. Boni.
Extraits traduits en français en 1930 par Georges Hugnet et Virgil Thomson, Morceaux choisis de La Fabrication des
Américains, Paris, Éditions de la Montagne.
Nouvelle traduction en 1933 par la baronne J. Seillière et Bernard Faÿ : Américains d’Amérique, Paris, Stock, rééd.,
Paris, Bartillat, 2018.
PABLO PICASSO
Poésie en prose
“One whom some were certainly following and some were certainly following him, one whom some were
certainly following was one certainly working.
One whom some were certainly following was one having something coming out of him something having
meaning, and this one was certainly working then.”
« Celui que certains suivaient certainement et d’autres le suivaient certainement, celui que certains
suivaient certainement était celui qui travaillait certainement.
Celui que certains suivaient certainement était celui qui avait quelque chose qui sortait de lui quelque
chose qui avait un sens, et celui-là travaillait certainement alors. »
Écrit en 1909.
Publié en août 1912 : « Pablo Picasso », Camera Work, numéro spécial (extrait p. 29).
“A light in the moon the only light is on Sunday. What was the sensible decision. The sensible decision was
that notwithstanding many declarations and more music, not even notwithstanding the choice and a torch
and a collection, notwithstanding the celebrating hat and a vacation and even more noise than cutting,
notwithstanding Europe and Asia and being overbearing, not even notwithstanding an elephant and a strict
occasion, not even withstanding more cultivation and some seasoning, not even with drowning and with the
ocean being encircling, not even with more likeness and any cloud, not even with terrific sacrifice of pedes-
trianism and a special resolution, not even more likely to be pleasing. The care with which the rain is wrong
and the green is wrong and the white is wrong, the care with which there is a chair and plenty of breathing.
The care with which there is incredible justice and likeness, all this makes a magnificent asparagus, and also
a fountain.”
Écrit en 1913.
Publié en 1914 : Tender Buttons: Objects – Food – Rooms, New York,
Claire Marie (extrait tiré de Selected Writings…, op. cit., p. 450 ; il s’agit du dernier paragraphe de l’ouvrage).
Traduit en français en 2005 par Jacques Demarcq : Tendres Boutons, Caen, Nous.
USEFUL KNOWLEDGE
Méditation sur l’Amérique, les Américains et la poésie
“Grammar.
Grammar was a festival.
So was spelling.
So was permission.
So was it all.
I have started permission.
Please be neat.
Please be complete.”
« La grammaire.
La grammaire était un festival.
Tout comme l’orthographe.
Tout comme la licence.
Tout s’est passé ainsi.
Je me suis permis la licence.
S’il te plaît sois appliquée.
S’il te plaît sois complète. »
Écrit en 1917.
Publié en 1928 : Useful Knowledge, New York, Payson & Clarke (extrait tiré de Useful Knowledge, New York, Station
Hill Press, 1988, p. 7).
“Exact resemblance to exact resemblance the exact resemblance as exact as a resemblance, exactly as
resembling, exactly resembling, exactly in resemblance exactly a resemblance, exactly and resemblance.
For this is so.
Because.
Now actively repeat at all, now actively repeat at all, now actively repeat at all. Have hold and hear, actively
repeat at all.”
Écrit en 1923.
Publié en avril 1924 dans Vanity Fair (extrait p. 40) ; en 1934 :
Portraits and Prayers, New York, Random House.
Traduit en français en 1930 par Georges Hugnet et Virgil Thomson, Dix Portraits, Paris, Éditions de la Montagne, rééd.,
Paris, Deuxtemps Tierce, 1991.
HOW TO WRITE
Essai
Écrit et publié en 1931 : How to Write, Paris, Plain Edition (extraits tirés de How to Write, New York, Dover Publica-
tions, 1975, p. 115, 117, 139, 143, 177, 182, 192, 209).
Écrit en 1931-1932.
Publié en 1956 : Stanzas in Meditation and Other Poems [1929-1933], préface de Donald Sutherland, vol. 6, in Unpu-
blished Writings of Gertrude Stein, op. cit. (extrait p. 202-203)
I was alone at this time in understanding Picasso, perhaps because I was expressing the same thing in
literature […].
Gertrude Stein, Picasso, écrit en français, Paris, Floury, 1938, édition anglaise Londres, B. T. Batsford, 1938.
Pablo fait des portraits abstraits en peinture. J’essaie de faire des portraits abstraits avec mon médium,
les mots.
Gertrude Stein, propos rapportés par Arnold Rönnebeck, « Gertrude Was Always Giggling », Books Abroad, vol. 19,
no 1, hiver 1945, notre trad.
Gertrude Stein, « An American and France » (1936), What Are Masterpieces, Los Angeles, Conference Press, 1940,
notre trad.
Gertrude Stein, « Portraits and Repetition », Lectures in America, New York, Random House, 1935 / Lectures en
Amérique, Paris, Christian Bourgois, trad. Claude Grimal, 1978, rééd. 2011, p. 163-164.
Il m’a toujours semblé que c’était un rare privilège que d’être une Américaine,
une vraie Américaine, une dont la tradition a mis à peine soixante ans à se créer.
Gertrude Stein, The Making of Americans, Paris, Contact Editions, 1925, notre trad.
Jouez, jouez tous les jours, jouez et jouez et jouez encore, et puis jouez la pièce la pièce que vous avez jouée
aujourd’hui, la pièce que vous jouez tous les jours, jouez-la et jouez-la.
Gertrude Stein, extrait de « Play » (1909), Portraits and Prayers, New York, Random House, 1934, notre trad.
(Jean-François Allain).
Rose est une rose est une rose est une rose.
Gertrude Stein, « Sacred Emily » (1913), Geography and Plays, Boston, The Four Seas Company, 1922, notre trad.
Et l’identité c’est drôle d’être toi-même c’est drôle car tu n’es jamais toi-même pour toi-même
sauf quand tu te rappelles toi-même et alors bien sûr tu ne te crois pas toi-même.
FIGURES
Absorbés par la question du réel et de sa représentation (picturale ou linguistique), Pablo Picasso et Gertrude
Stein partagent la même volonté de ramener l’attention aux personnes ou aux choses vues, selon une vision
directe du monde, vierge de toute mémoire ou savoir, ancrée dans l’expérience sensible du présent. Le
registre du portrait marque le début de leurs recherches respectives. À la suite de Three Lives, achevé en
1906 et publié en 1909, l’écrivaine reprend la rédaction de The Making of Americans, son roman monumental
qui dépeint l’histoire de deux familles sur quatre générations. Le peintre, lui, entreprend de nombreuses
études préparatoires de ce qui est devenu son imposant tableau Les Demoiselles d’Avignon (1907). En
vue de restaurer la représentation, figée dans des conventions artistiques et littéraires érodées, vidées de
leur sens, car relevant d’un autre temps, Stein comme Picasso procèdent à une décomposition analytique
du modèle, du langage et de la peinture, qu’ils déclinent selon un processus de sérialité et en adoptant
un vocabulaire ou une palette dépouillés. Chacun développe sa propre écriture dans une composition où
tous les éléments sont traités de manière égale : l’une, littéraire, fondée sur une narration non linéaire au
moyen de « l’insistance » syntaxique, sonore et lexicale ; l’autre, picturale, sur la distorsion de la forme
à partir d’une perspective modifiée et de la stylisation géométrique des visages et des corps selon un
système de hachures, de courbes et de contre-courbes. Stein accompagne l’évolution radicale de Picasso
en lui achetant directement, avec son frère Leo, des tableaux et dessins contemporains de la genèse des
Demoiselles d’Avignon, en particulier un carnet aux études multipliées, y voyant, sans doute, une résonance
avec sa propre pratique littéraire.
Portraits de choses
PAYSAGES
Présentés en novembre 1907 par Guillaume Apollinaire, Georges Braque et Pablo Picasso se lient
rapidement d’amitié, impressionnés par leurs productions respectives. Durant l’été de 1908, le premier
voyage sur les traces de Paul Cézanne à l’Estaque, où il peint Le Viaduc à l’Estaque, alors que le second
réalise une série de paysages de La Rue-des-Bois, en Île-de-France, lesquels intègrent la collection de Leo
et Gertrude Stein avec le Paysage aux deux figures, achevé à l’automne de 1908. C’est par le paysage,
au centre des recherches fauves sur les formes et leur ordonnance chromatique et spatiale, que Georges
Braque, accompagné par Pablo Picasso, glisse vers la transformation radicale de l’espace pictural, l’analyse
cubiste des formes. Les maisons, arbres et autres figures peuplant ces environnements sont schématisés,
réduits en cubes et volumes géométriques. Ceux-ci sont imbriqués les uns dans les autres et juxtaposés au
même niveau, mais demeurent discernables grâce à la couleur, hachurée ou posée en aplats contrastés,
dans une perspective inversée à même de construire un espace propre à la toile, et non plus assujetti à
l’imitation du réel. Le genre du paysage occupe également une place essentielle dans l’oeuvre de Stein. La
dissolution des principes narratifs traditionnels la conduit à élaborer des poèmes, romans et pièces sans
histoires organisées avec un début, un milieu et une fin, ni personnages, mais consacrés à des lieux, à des
espaces. Dès Tender Buttons (écrit en 1913), la troisième partie est dédiée aux « Rooms » (« chambres » ou
« pièces »). Ou encore dans son roman Lucy Church Amiably (écrit en 1927), dont le sujet est un paysage
et le sous-titre indique « A Novel of Romantic Beauty and Nature and Which Looks Like an Engraving »,
soulignant la persistance de sa pratique littéraire sur le modèle des arts visuels.
NATURES MORTES
Dans les années 1910, le registre de la nature morte chez Gertrude Stein, chez Pablo Picasso et chez
Georges Braque prend un tournant radical assez similaire. Leurs réflexions sur la relation qui unit les mots
ou les images aux choses les mènent à élaborer une écriture expérimentale relativement hermétique.
Les deux peintres explorent les voies du cubisme analytique par la représentation fragmentée et presque
Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage 61
monochromatique de l’objet, aux limites de la lisibilité. Leurs tableaux, acquis par la poète, viennent la confirmer
dans sa propre démarche littéraire. Elle élargit ses portraits d’individu aux portraits de chose dans Tender
Buttons. Les trois parties de ce recueil renvoient, par leurs titres, « Objects », « Food » et « Rooms », à
la vie quotidienne, mais ne nomment rien, privilégiant l’emploi de verbes et d’adverbes. Tous opèrent une
véritable déconstruction de leur langage, de la syntaxe pour la poète, et des volumes pour les peintres, laquelle
aboutit à l’éclatement final de la phrase et de la forme. Les insistances poétiques de Stein sont à l’image de la
multiplication des points de vue des cubistes. Stein comme Picasso et Braque procèdent dans un rapport direct
avec l’objet, ils scrutent avec attention la manière dont « volumes, sons, saveurs, poids, couleurs » et textures
vont se déployer et rythmer l’espace du tableau ou du paragraphe, afin de forcer l’attention du lecteur ou du
spectateur, d’élargir sa vision. Leurs oeuvres sont une invitation à être dans une présence sensible, matérielle,
au monde, au plus près de la réalité et loin des habitudes de perception.
COLLAGES ET ASSEMBLAGES
À partir de 1912, afin de redonner de la lisibilité à leurs tableaux, Pablo Picasso et Georges Braque simplifient
la représentation de l’objet en réintroduisant de la couleur et en privilégiant des facettes significatives. À côté
de signes peints, ils commencent à insérer des lettrages appliqués au pochoir sur leurs œuvres, ainsi que des
matières organiques, comme le sable. Puis, le peintre espagnol se livre à de surprenantes constructions avec
collages et assemblages d’objets et de matériaux, papier journal et toiles, qualifiées de cubisme synthétique
par le galeriste Daniel-Henry Kahnweiler et accueillies avec enthousiasme par Gertrude Stein. Après avoir frôlé
l’abstraction, que ni le peintre ni la poète ne souhaitent, trop attachés à la relation avec le visible, Picasso réifie
le réel en intégrant littéralement des éléments du quotidien dans ses oeuvres, à l’instar de l’univers domestique
déplié par Stein dans Tender Buttons, où défilent « côtelette, guitare, parapluie, pomme de terre… ». Leurs
oeuvres établissent une esthétique du collage, où tous les éléments, qui relèvent à la fois de la représentation
et de la présentation, sont juxtaposés sans hiérarchie ni centre, dans un jeu circulaire à la saisie impossible.
Aucun sens n’est caché derrière la banalité de ces objets ordinaires. À l’encontre d’un réalisme illusionniste,
d’un symbolisme ou d’une abstraction pure, Stein et Picasso affirment joyeusement la réalité matérielle par
et de leurs oeuvres respectives, lesquelles forcent la modification de la vision et des sens dans un présent
suspendu. Bien qu’il ne lise pas l’anglais, Picasso considère son amie comme son double littéraire et il est
respectueux de son travail. Son écriture va jusqu’à être assimilée au cubisme au moment de l’Armory Show, en
1913 à New York, où circulent ses Word Portraits d’Henri Matisse et de Picasso parus en 1912 dans Camera
Work ainsi que Portrait of Mabel Dodge at the Villa Curonia (1912). Dans son premier article sur l’écrivaine, Carl
Van Vechten la qualifie de « cubiste des lettres ».
Grammaire
Comptant quelque quatre-vingts pièces, les écrits de Gertrude Stein se prêtent particulièrement à la mise en
voix par ses jeux sur les sons et par ses répétitions. Pourtant, Four Saints in Three Acts est l’une de ses rares
pièces montées de son vivant. À la demande de son ami le compositeur américain Virgil Thomson (1896-1989),
Stein écrit en 1927 un livret d’opéra sur la vie artistique, qu’elle assimile à celle des saints – leur quête de la
présence permanente lui paraissant analogue.
L’opéra est finalement mis en scène en février 1934, dans le cadre de la première rétrospective consacrée à
Pablo Picasso aux États-Unis, au Wadsworth Atheneum Museum of Art, de Hartford. La musique, composée
en 1928 par Thomson, procède d’un assemblage moderne des hymnes américains et du gospel baptiste du
sud noir des États-Unis, dans un style simplifié qui incarne avec efficacité l’écriture rythmique, abstraite mais
sensible de Stein. Le choeur, dirigé par Eva Jessye, compte uniquement des interprètes africains-américains,
recrutés dans les églises et boîtes de nuit de Brooklyn et de Harlem, en pleine renaissance, choix qui détonne
dans l’Amérique ségrégationniste des années 1930. La chorégraphie, par Frederick Ashton, qui reprend les
codes des revues musicales de Broadway, et l’exubérance des costumes et décor, fait de Cellophane et d’un
éclairage brillant, par la peintre Florine Stettheimer parachèvent la dimension spectaculaire de l’opéra. Si le
texte de Stein pouvait dérouter un public inaccoutumé à ses expérimentations sur le langage, la pièce connaît
toutefois un immense succès. Des représentations sont ensuite données à New York et à Chicago, participant
à faire connaître Stein à une audience américaine beaucoup plus large.
62 Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage
autres publications
journal de l’exposition
MUSÉE DU LUXEMBOURG JOURNAL DE L’EXPOSITION ÉDITIONS DE LA RÉUNION
13 SEPTEMBRE 2023 PAR ASSIA QUESNEL DES MUSÉES NATIONAUX –
28 JANVIER 2024 6€ GRAND PALAIS
GERTRUDE STEIN
ET PABLO PICASSO
publication aux éditons Rmn - Grand Palais L’INVENTION
28 x 43 cm, 24 pages, 40 illustrations, 6 € DU LANGAGE
COMMISSAIRE GÉNÉRALE CÉCILE DEBRAY COMMISSAIRE ASSOCIÉE ASSIA QUESNEL
carnet de l’exposition
auteurs :
Conservatrice générale du patrimoine, Cécile Debray a notamment été la
commissaire de l’exposition « Matisse, Cézanne, Picasso… L’aventure des
Stein » (Grand Palais, 2011). Elle préside le Musée national Picasso-Paris
depuis novembre 2021.
Historienne de l’art, Assia Quesnel est spécialiste en histoire de l’art moderne
et contemporain. Elle est notamment la co-autrice du catalogue raisonné de
Raymond Duchamp-VIllon et a été commissaire de l’exposition «Charles
Camoin, un fauve en liberté» (musée de Montmartre, 2022).
téléphone
01 40 13 62 00
ouverture
tous les jours de 10h30 à 19h
nocturne tous les lundis jusqu’à 22h sauf le 2 octobre
les 17 octobre, 24 et 31 décembre de 10h30 à 18h
fermeture exceptionnelle le 25 décembre
tarifs
14 € ; TR 10 €,
spécial jeune 16-25 ans : 10 € pour 2 personnes du lundi au vendredi après 16h
réservation conseillée
gratuit pour les moins de 16 ans, bénéficiaires des minima sociaux, illimité avec le pass Sésame Escales
accès
métro St Sulpice ou Mabillon
rer B Luxembourg
bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du Luxembourg / Sénat
informations et réservations : museeduluxembourg.fr
Les audioguides peuvent y être téléchargés directement, en achats intégrés, au prix de 3,49 €
adulte (français, anglais, espagnol, allemand, italien)
enfant (français)
téléchargez l’application
Prolongez et accompagnez sa visite grâce à l’agenda autour de l’exposition, des articles thématiques, des
anecdotes coulisses, des focus oeuvres et de multiples ressources vidéo, audio et activités ludiques adap-
tées à tous les publics.
#ExpoGertrudeStein
#MuseeduLuxembourg
Picasso, artiste total, est puissamment connecté aux mouvements et aux artistes qui l’ont précédé et suivi.
Personnage hors-norme à la créativité démesurée, il a aussi introduit des ruptures radicales dans la plupart des
formes artistiques qu’il a investies. Au travers de productions vidéos originales et de nombreuses ressources
complémentaires en ligne, le MOOC Picasso vous permettra également d’entrer dans le processus créatif
de l’artiste : chaque séquence vous proposera une analyse d’oeuvres et un exposé montrant le dialogue
permanent entre la vie et l’environnement de Picasso d’une part, son activité artistique d’autre part.
https://mooc-culturels.fondationorange.com/course/view.php?id=58
https://panoramadelart.com/analyse/lhomme-la-guitare
https://panoramadelart.com/analyse/la-lecture-de-la-lettre
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et ce, quelle que soit la provenance de l’image ou le lieu de conservation de l’œuvre.
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(35 visuels)
Paul Cézanne
Pommes et biscuits
1880
huile sur toile
45 × 55 cm
Paris, musée de l’Orangerie, collection Walter-Guillaume,
achat en 1959
© Rmn - Grand Palais (musée de l’Orangerie) / Franck Raux
Pablo Picasso
Pomme
Paris, automne‑hiver 1909
plâtre, 10,5 × 10 × 7,5 cm
Musée national Picasso‑Paris, dation Pablo Picasso en 1979
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien
Didierjean / Mathieu Rabeau
© Succession Picasso 2023
Anonyme
Gertrude Stein dans les jardins du Luxembourg
non daté, [vers 1905]
épreuve gélatino-argentique (tirage d’exposition)
New Haven, Yale University Library, Beinecke Rare Book and
Manuscript Library, Gertrude Stein and Alice B. Toklas Papers
© Yale Collection of American Literature, Beinecke Rare Book and
Manuscript Library
Pablo Picasso
Femme aux mains jointes
(étude pour Les Demoiselles d’Avignon)
Paris, printemps 1907
huile sur toile
90,5 × 71,5 cm
Musée national Picasso‑Paris, dation Pablo Picasso en 1979
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) /
Mathieu Rabeau
© Succession Picasso 2023
Pablo Picasso
Trois Figures sous un arbre
Paris, hiver 1907-1908
huile sur toile, 99 × 99 cm
Musée national Picasso‑Paris, don William McCarthy‑Cooper
en 1986
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris)
/ Mathieu Rabeau
© Succession Picasso 2023
Pablo Picasso
Tête de femme (Fernande)
Paris, automne 1909
bronze, épreuve pour le marchand Ambroise Vollard
40,5 × 23 × 26 cm
Musée national Picasso‑Paris, dation Pablo Picasso en 1979
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien
Didierjean
© Succession Picasso 2023
Pablo Picasso
Guitare
Paris, décembre 1912
carton découpé, papier collé, toile, ficelle et crayon
21 ×14 × 7,5 cm
Musée Picasso, Paris, dation Pablo Picasso en 1979
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean
© Succession Picasso 2023
Pablo Picasso
Guitare
printemps 1926
tableau-relief, toile, bois, corde, clous et pitons
sur panneau peint
130 x 96,5 cm
Musée national Picasso‑Paris,
dation Pablo Picasso en 1979
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) /
Adrien Didierjean
© Succession Picasso 2023
Al Carmines (musique)
Gertrude Stein (texte)
In Circles
1968
vinyle
Avant-Garde Records
© Droits réservés
Robert Rauschenberg
Centennial Certificate MMA
1969
lithographie couleur
91,4 × 63,5 cm
New York, The Metropolitan Museum of Art,
Florence and Joseph Singer Collection, 1972
© The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais
/ image of the MMA © Robert Rauschenberg Foundation /
Adagp, Paris, 2023
Jasper Johns
Untitled
1984
fusain sur papier
111,4 × 84,1 cm
New York, Whitney Museum of American Art,
purchase with funds from the Burroughs Wellcome
Purchase Fund, the Equitable Life Assurance Society of the
United States
Purchase Fund, the Mr. and Mrs. Thomas
M. Evans Purchase Fund and the Mrs. Percy Purchase Fund
© Digital image Whitney Museum of American Art / Licensed
by Scala © Jasper Johns / ADAGP, Paris 2023
Jasper Johns
Target
1971
lithographie offset avec collage, dans un coffret en plastique
blanc avec le catalogue de l’exposition « Technics and
Creativity »
26,4 × 21,3 cm (feuillets)
New York, The Metropolitan Museum of Art, bequest of
William S. Lieberman, 2005
© The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Pa-
lais / image of the MMA © Jasper Johns / ADAGP, Paris
2023
Joseph Kosuth
Quoted Clocks #14
2022
horloge et vinyle
40 × 40 × 4,5 cm chacune
Paris, galerie Almine Rech, courtesy of the artist and Almine Rech
© Courtesy of the Artist and Almine Rech / Photo: Nicolas Brasseur
© ADAGP, Paris 2023
Carl Andre
Short Words
1963
tapuscrit à l’encre noire, ensemble de quatre pages
27,6 × 21,3 cm chacune
New York, Courtesy Paula Cooper Gallery
© Courtesy Paula Cooper Gallery, New York © ADAGP, Paris 2023
Joseph Kosuth
Self-defined in five colors
1966
néons, 12,5 × 232 × 3 cm
Paris, Fondation Louis Vuitton
© Primae / David Bordes © ADAGP, Paris 2023
Deborah Kass
Let Us Now Praise Famous Women #2
1994-1995
sérigraphie et acrylique sur toile
182 × 168 × 4,5 cm
Washington D.C., U.S.
Department of State Cultural Heritage Collection, courtesy
of the Foundation for Art and Preservation in Embassies
© ADAGP, Paris 2023
Hanne Darboven
Quartet >88<
1990
ensemble de six tirages offset avec photographies
montées et livre dans un coffret portfolio en lin rouge,
42 × 30,5 cm (feuillets) et 43,5 × 31,5 × 6 cm (coffret
portfolio fermé)
Hambourg, Hanne Darboven Foundation c/o Sprüth
Magers
© Hanne Darboven Foundation, Hamburg Courtesy
Sprüth Magers / Photo: © Felix Krebs © ADAGP, Paris
2023
Gary Hill
ELLE/IL (ELLE-IL), ELLE/IL
(AND), ELLE/IL (IL-ELLE),
ELLE/IL (OR), ELLE/IL (XOR)
(Engender Project)
2022
polyptyque de cinq pièces uniques, aquarelle sur papier
45 × 60 cm chacune
Galerie In Situ – fabienne leclerc, Grand Paris
Ellen Gallagher
Dance You Monster
2000
caoutchouc, papier et émail sur lin
305,2 × 244,6 × 4 cm
Reggio Emilia, Collezione Maramotti
© Ellen Gallagher
Felix Gonzalez-Torres
« Untitled » (Alice B. Toklas’ and Gertrude Stein’s Grave, Paris)
1992
C-print contrecollé sur carton
12 × 17,8 cm
Collection Chantal Crousel
© Estate of Felix Gonzalez-Torres - Courtesy of The Felix
Gonzalez-Torres Foundation / Photo Suzanne Nagy
Pablo Picasso, Femme aux mains jointes (étude pour «Les Demoiselles d’Avignon»), 1907, Huile sur toile, 90,5 .71,5 cm , Musée Picasso, Paris © Succession Picasso 2023 - Design : Fabrice Urviez - laika-design.fr
affiche de l’exposition
© Réunion des musées nationaux - Grand Palais, 2023
GERTRUDE
STEIN
& PABLO
PICASSO
L’INVENTION DU LANGAGE
AVEC LE SOUTIEN EXCLUSIF DE
EN COLLABORATION AVEC
GERTRUDE STEIN
ET PABLO PICASSO
L’INVENTION couverture du catalogue
DU LANGAGE
broché, 20 x 29 cm, 200 pages, 160 illustrations, 40 €
parution : 13 septembre
Réunion des musées nationaux – Grand Palais Musée du Luxembourg
GERTRUDE STEIN
ET PABLO PICASSO couverture du journal
L’INVENTION 28 x 43 cm, 24 pages, 40 illustrations, 6 €
DU LANGAGE parution : 13 septembre
© Réunion des musées nationaux - Grand Palais, 2023
COMMISSAIRE GÉNÉRALE CÉCILE DEBRAY COMMISSAIRE ASSOCIÉE ASSIA QUESNEL
Andy Warhol, Gertrude Stein, 1980, acrylique et sérigraphie sur toile, 101,9 × 101,9 cm, New York, Whitney Museum of American Art, gift of Ronald and Frayda Feldman, inv. 2015.296
En 2019 à la suite d’une procédure de mise en concurrence, le Bureau du Sénat a décidé, de confier à
nouveau la délégation de service public pour la gestion du Musée du Luxembourg à la Réunion des musées
nationaux - Grand Palais du 1er janvier 2020 au 31 juillet 2026.
Depuis février 2011, la Rmn - Grand Palais a produit dans l’écrin du Musée du Luxembourg 20 expositions
dont la qualité scientifique a été saluée par la critique. Elles ont permis au public de découvrir ou redécouvrir
de grandes figures et thématiques de l’histoire de l’art. La programmation a été marquée par d’immenses
succès populaires, notamment l’exposition Chagall. Entre guerre et paix en 2013, Alphonse Mucha en
2018, Peintres femmes. 1780-1830. Naissance d’un combat, et Vivian Maier en 2021 ou plus récemment
Pionnières, artistes dans le Paris des Années folles et Miroir du monde. Chefs-d’oeuvre du Cabinet d’art de
Dresde. Le Musée a exposé dernièrement Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur.
D’abord installé dans le Palais du Luxembourg, que Marie de Médicis fait construire entre 1615 et 1630, le
Musée du Luxembourg est le premier musée français ouvert au public en 1750. Les visiteurs peuvent alors
y admirer les vingt-quatre toiles de Rubens à la gloire de Marie de Médicis et une centaine de tableaux
provenant du Cabinet du Roi, peints par Léonard de Vinci, Raphaël, Véronèse, Titien, Poussin, Van Dyck ou
encore Rembrandt. Après le transfert de ces œuvres au Louvre, le Musée du Luxembourg devient, en 1818,
le « musée des artistes vivants », c’est-à-dire l’équivalent du musée national d’art contemporain. David,
Ingres, Delacroix, entre autres, y sont exposés.
Affectataire du Palais et du Jardin du Luxembourg en 1879, le Sénat fait édifier le bâtiment actuel entre 1884
et 1886. Les impressionnistes y sont pour la première fois exposés dans un musée national, grâce au legs
Caillebotte qui comporte des œuvres de Pissarro, Manet, Cézanne, Sisley, Monet, Renoir... Cette collection
se trouve aujourd’hui au musée d’Orsay. Fermé après la construction d’un musée national d’art moderne
au Palais de Tokyo en 1937, le Musée du Luxembourg rouvre ses portes au public en 1979. Le Ministère
de la Culture y organise des expositions sur le patrimoine des régions et les collections des musées de
province, le Sénat conservant un droit de regard sur la programmation et l’usage du bâtiment. En 2000, le
Sénat décide d’assumer à nouveau l’entière responsabilité du Musée du Luxembourg, afin de conduire une
politique culturelle coordonnée dans le Palais, le Jardin et le Musée.
S’il a pour missions premières, en sa qualité d’assemblée parlementaire, le vote de la loi, le contrôle du
Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques et la prospective, le Sénat se doit également de mettre
en valeur le patrimoine dont il est affectataire. Pour garantir un rayonnement et un niveau d’excellence dans la
production et l’organisation des expositions présentées au Musée du Luxembourg, le Sénat a choisi de faire
appel à des professionnels de ce secteur. Le Musée du Luxembourg s’est ainsi imposé au fil des ans comme
l’un des principaux lieux d’expositions parisiens, en permettant à ses très nombreux visiteurs d’apprécier les
chefs-d’œuvre de Botticelli, Raphaël, Titien, Arcimboldo, Véronèse, Gauguin, Matisse, Vlaminck, Modigliani,
Chagall, Fragonard…
La Rmn – Grand Palais est l’un des premiers organisateurs d’expositions dans le monde. Exposer, éditer,
diffuser, acquérir, accueillir, informer : elle contribue, pour tous les publics, à l’enrichissement et à la meilleure
connaissance du patrimoine artistique aux niveaux national et international.
© Nicolas K
Deux structures temporaires extérieures ont également été érigées pour abriter, à l’avant du Musée, le
restaurant-salon de thé et à l’arrière, les ateliers pédagogiques ou des manifestations privées. Ces deux
structures ont fait en 2020 l’objet d’importants travaux de rénovation, de leurs façades notamment, afin de
leur restituer la transparence souhaitée par leur concepteur et permettre ainsi une parfaite synergie entre
l’intérieur des bâtiments et leur environnement immédiat.
L’identité forte de ses réalisations a incité des institutions telles que le MoMa de New York ou la Fondation
Guggenheim à lui commander des projets pour des installations temporaires. En 2014, il a reçu le Pritzker
Prize qui récompense chaque année le travail d’un architecte vivant qui a montré, à travers ses projets et ses
réalisations, les différentes facettes de son talent et qui a eu un apport significatif à l’architecture.
Il a, avec Jean de Gastines, livré le Centre Pompidou de Metz en mai 2010 et la Seine Musicale à Boulogne-
Billancourt en 2017.
Cette collection est connue du monde entier mais aussi des territoires et des publics français. À l’initiative
du musée, engagé dans une grande politique de rayonnement international, la collection a fait l’objet de
nombreuses expositions itinérantes et in situ qui ont permis des approches inédites et des études très
diverses et séduisantes, participant à une démocratisation de l’œuvre de Picasso.
Au même moment, Sophie Calle célèbre à sa manière les 50 ans de la mort de Pablo Picasso, en investissant
la totalité des quatre étages de l’hôtel Salé avec une proposition d’exposition inédite intitulée A toi de faire,
ma mignonne, présentée du 3 octobre 2023 au 7 janvier 2024.
La Célébration Picasso 1973-2023 est initiée par le Musée national Picasso-Paris, principal
prêteur de l’évènement et coordinateur, et Bernard Picasso, petit-fils de l’artiste et président de
la FABA et du musée Picasso de Malaga. Elle s’articule autour d’une cinquantaine d’expositions
et de manifestations qui se tiendront dans des institutions culturelles de renom, en Europe
et en Amérique du Nord et qui, ensemble, grâce à des relectures et des approches inédites,
permettront de dresser un état des études et de la compréhension de l’oeuvre de Picasso.
Les gouvernements français et espagnols ont souhaité porter ensemble cet événement
transnational d’ampleur, ainsi la commémoration sera rythmée par des temps de célébrations
officiels en France et en Espagne et se terminera par un grand symposium international à
l’automne 2023, au moment de l’ouverture du Centre d’Études Picasso à Paris.
C’est un « Picasso aujourd’hui » qui incarne cette Célébration et qui pose les jalons du musée
national Picasso-Paris de demain.
#PicassoCelebration
#CelebracionPicasso
Pablo Picasso, « L’acrobate », 1930, Huile sur toile, 162 x 130 cm, MP120,
Musée national Picasso-Paris
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean
© Succession Picasso 2022
Gertrude Stein était une femme de lettres visionnaire, une artiste œuvrant à l’émancipation des
femmes et dont le rayonnement sur la scènes artistiques américaine et française fut immense.
Photographiée par Man Ray, peinte par Pablo Picasso, citée par Ernest Hemingway en exergue de
Le soleil se lève aussi, amie de Francis Picabia, Henri Matisse, Jean Cocteau, ou James Joyce,
Gertrude Stein est un témoin de l’effervescence créative dans les domaines de la peinture et de la
littérature. Comme elle, Gabrielle Chanel côtoie des artistes de toutes disciplines. Elle exerce un rôle
de mécène auprès notamment de Picasso, Igor Stravinsky, Serge Diaghilev et les Ballets russes,
Pierre Reverdy et Jean Cocteau.
Attentive à l’avant-garde de la première moitié du XXe siècle et à ceux qui l’inventent, au dialogue
entre les arts et le quotidien, Gertrude Stein pense la modernité qui se dessine en écrivant des textes
sur le cubisme naissant, sur la fiction et l’abstraction, ou sur les années héroïques des Demoiselles
d’Avignon et du cubisme, lesquels font écho aux publications de la revue Nord-Sud, initiée par Pierre
Reverdy. Durant ces décennies, Gabrielle Chanel crée les costumes de différentes pièces de Jean
Cocteau, entre autres ceux du ballet Le Train bleu pour lequel Pablo Picasso conçoit aussi le rideau
de scène et le programme. Avec Picasso, que Chanel rencontre aux alentours de 1917, probablement
par l’intermédiaire de Misia Sert, Gabrielle et Gertrude s’inscrivent chacune à leur manière dans le
Paris des corps qui se libèrent, de la garçonne, des Années folles et d’un appétit de vivre.
À travers cette exposition, dans le prolongement des précédentes « Peintres femmes. 1780-1830
Naissance d’un combat » (2021), « Vivian Maier » (2021-2022), et « Pionnières. Artistes dans le Paris
des Années folles » (2022), la Maison CHANEL réaffirme son soutien au Musée du Luxembourg et à
la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, dans leur travail de mise en lumière des femmes
artistes.
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