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L'éventualité de la réunion d'un congrès pour négocier la paix entre la Prusse


et la France doit nous rendre attentifs à cet égard. Il est plus que probable que
la Russie voudra profiter de l'occasion pour soulever cette question. Ainsi il
me semble que dans le cas où les Puissances se décideraient à se réunir en
congrès tous les efforts devront se diriger vers le but d'en circonscrire la tâche
aux affaires des belligérants actuels et d'obtenir, s'il est possible d'en fixer
d'avance le programme.
Je recommande ces points importants à votre discrète vigilance et à votre
attention éclairée.
Je pense que nous ne devrons pas nous montrer complètement insensibles aux
assurances d'amitié et de bonnes intentions que la Russie nous prodigue à
présent, si elles sont sincères, c'est une grande et importante garantie de la
tranquillité intérieure et extérieure pour l'Empire ; si elles ne le sont pas, nous
n'y perdrons rien parce que le rapprochement actuel des deux Empires
limitrophes n'exclut point de notre part une attention continue et des efforts
constants pour nous mettre à même de nous défendre contre toute éventualité.
Le grand point pour nous c'est d'avoir deux ou trois ans de paix et de
tranquillité. Ce terme nous est indispensable pour compléter nos armements et
aux voies de communication.
Revenons maintenant à la question brûlante actuelle.
Vous n'ignorez pas que la France impériale nous a rendu de bons et de mauvais
services ; si nous en faisions le dénombrement, je suis sûr que le nombre des
mauvais surpasserait de beaucoup celui des bons.
Ainsi la chute de l'Empire a produit chez nous le même sentiment
d'indifférence avec lequel elle a été accueillie partout ailleurs.
Ce à quoi nous ne pouvons pas être complètement indifférents, c'est la
prolongation de la guerre. L'état de choses actuelles nous cause, comme à tout
le monde, des embarras de tous genres ; il nous semble gros d'événement
d'une extrême gravité. Nous souhaitons donc ardemment le rétablissement de
la paix, et d'ordre de Notre Auguste Maître nous avons fait dans ce sens
quelque démarche auprès des cabinets neutres.
Mais il est à craindre que les exigences de la Prusse d'un côté et la résistance
inutile des Français de l'autre, ne rendent une médiation presque impossible.
Vous sonderez à votre arrivée à Florence l'opinion du gouvernement italien à
cet égard. On a fait courir dernièrement tant ici qu'à Belgrade le bruit sur la
disposition que le gouvernement britannique manifesterait d'appuyer les
derniers dans leur velléité de s'annexer la Bosnie.
L'ambassadeur d'Angleterre dément formellement ce bruit et nous croyons la
déclaration de Sir Henry Elliot parfaitement fondée. Si le consul anglais à
Belgrade, M. Longworth, a montré à la régence quelques facilités, elles ne
peuvent être assurément que le résultat de l'âge où l'homme tombe dans
l'enfance. Il est bien entendu que le gouvernement de S.M.I. n'est nullement
disposé à entrer dans une négociation de cette nature.
Vous devez avoir déjà parcouru le dossier de la mission de votre prédécesseur à
Rome. Les dissensions qui existent entre les Arméniens catholiques me
paraissent irréconciliables. Nous devons donc donner à cette malheureuse
question une solution conforme au droit religieux et politique.
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Musurus Pacha à Aali Pacha


Londres, le 6 octobre 1870
Télégramme chiffré N° 4240/118
Confidentiel

Reçu télégramme N° 202 1 . Je me conformerai exactement aux instructions de


Votre Altesse et je me réserve de télégraphier aussitôt que j'aurai vu Lord
Granville à son prochain retour de la campagne.

[141

Musurus Pacha à Aali Pacha


Londres, le 8 octobre 1870
Télégramme chiffré N° 4134/119
Très confidentiel

J'ai entretenu Lord Granville du contenu du télégramme confidentiel de V.A.


du 2 2 . Lord Granville m'a dit que dès le commencement de la guerre actuelle,
la Russie avait proposé la réunion d'un congrès pour le rétablissement d'une
paix permanente ; que l'Angleterre sans s'y refuser définitivement s'était
prononcée contre l'opportunité de la mesure qui sans le consentement
volontaire et mutuel des belligérants, resterait sans résultat ou provoquerait
d'autres complications ; que le cabinet britannique désirait ardemment le
prompt rétablissement d'une paix durable et honorable pour les deux parties,
mais qu'il pensait que pour être sûr du succès, il faudrait attendre que les deux
belligérants manifestent un égal désir pour la paix et des dispositions qui
puissent se concilier ; que tel étant la ligne de conduite que le cabinet
Britannique s'était tracé, il ne saurait dès à présent provoquer la déclaration
collective suggérée dans le télégramme précité de V.A. sans paraître
reconnaître implicitement que le moment était venu pour la réunion d'un
congrès, ce qui pourrait retarder la manifestation si désirée des dispositions
pacifiques ; que dès lors il faut s'abstenir pour le moment d'une telle
déclaration et qu'il serait mieux de n'aviser, suivant la suggestion de V A . , à la
circonscription des points qui feront l'objet exclusif des délibérations du
Congrès, que lorsque sa réunion aurait été reconnue nécessaire.
Telle est en substance la réponse de Lord Granville. Quant à moi, je ne
cesserai de diriger tous mes efforts vers le but indiqué par V. A, afin que la
question d'Orient soit complètement exclue des délibérations du Congrès dès
qu'il s'agira de le convoquer.

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No 9.
2
No 9.

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