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Dans un espace vectoriel de dimension finie, on peut identifier les vecteurs à des matrices colonnes par l’intermédiaire
d’une base, chaque vecteur étant défini par ses coordonnées. On peut également identifier les applications linéaires à
des matrices, puisque toute application linéaire est déterminée par l’image d’une base. On a ainsi une représentation
matricielle des applications linéaires en dimension finie. Cela permet d’établir une correspondance entre les propriétés
des applications linéaires et celles du calcul matriciel, et donc de traduire les problèmes linéaires avec un nombre fini
de degrés de liberté en termes de calcul matriciel.
Comme dans tous les chapitres d’algèbre linéaire, K désigne R ou C. Les points abordés dans le chapitre sont les
suivants.
≻ Matrices et applications linéaires : matrice d’une application linéaire dans un couple de bases, calcul des coor-
données de l’image d’un vecteur par une application linéaire définie par sa matrice, matrices et opérations sur
les applications linéaires, isomorphisme entre L (E, F ) et Mn,p (K), lien entre matrices inversibles et isomor-
phismes.
≻ Matrices de passage : effet d’un changement de base sur la matrice d’un vecteur ou d’une application linéaire.
≻ Noyau, image et rang : application linéaire canoniquement associée à une matrice, noyau et image d’une
matrice, rang d’une matrice, version matricielle du théorème du rang, caractérisations de l’inversibilité d’une
matrice par le noyau, par l’image ou par le rang, majoration du rang de AB par les rangs de A et de B,
conservation du rang par multiplication par une matrice inversible et par transposition, lien avec les systèmes
linéaires.
Remarque
En d’autres termes, si (a1,j , a2,j , . . . , an,j ) est le n-uplet des coordonnées du vecteur wj dans la base C, alors
Mat C (w1 , . . . , wp ) = (ai,j ) 1≤i≤n :
1≤j≤p
w1 w2 wp
↓ ↓ ↓
a1,1 a1,2 · · · a1,p
a2,1 a2,2 · · · a2,p
Mat C (w1 , . . . , wp ) = .. .. .. .
. . .
an,1 an,2 · · · an,p
Exemples 1
• La matrice de la famille F = ((1, 2), (2, −1), (4, 0), (1, 3)) dans la base canonique C de R2 est
1 2 4 1
Mat C (F) = .
2 −1 0 3
• La matrice de la famille F ′ = (2X 2 − 3X, X + 1) dans la base canonique C ′ = (1, X, X 2 ) de R2 [X] est
0 1
Mat C ′ (F ′ ) = −3 1 .
2 0
Définition 2
• M ATRICE D ’ UNE APPLICATION LINÉAIRE DANS UN COUPLE DE BASES .
Soient des K-espaces vectoriels E et F de dimensions finies non nulles, une base B de E et une base C de F ,
et f ∈ L (E, F ). On appelle matrice de f relativement au couple de bases (B, C) la matrice de la famille f (B)
dans la base C. On peut la noter Mat B,C (f ).
En d’autres termes, si B = (u1 , u2 , . . . , up ) et C = (v1 , v2 , . . . , vn ), alors Mat B,C (f ) = (ai,j ) 1≤i≤n est la matrice
1≤j≤p
n
X
de Mn,p (K) telle que, pour tout j ∈ [[1, p]], on ait f (uj ) = ai,j vi .
i=1
• M ATRICE D ’ UN ENDOMORPHISME DANS UNE BASE .
Soient un K-espace vectoriel E de dimension finie non nulle, admettant une base B, et f ∈ L (E).
On appelle matrice de f dans la base B la matrice de f dans le couple de bases (B, B), c’est-à-dire la matrice de
la famille f (B) dans la base B. On peut la noter Mat B (f ).
Exemple 2
R3 −→ R2
Soit l’application linéaire f : . Soient B = ((1, 0, 0), (0, 1, 0), (0, 0, 1)) et
(x, y, z) 7−→ (2x + z, x − y + 3z)
C = ((1, 0), (0, 1)) les bases canoniques de R3 et de R2 respectivement. On a f (1, 0, 0) = (2, 1), f (0, 1, 0) = (0, −1)
et f (0, 0, 1) = (1, 3), donc la matrice de f dans le couple de bases (B, C) est
2 0 1
Mat B,C (f ) = .
1 −1 3
On peut vérifier aisément que la famille B ′ = ((−1, 0, 1), (2, 1, 3), (1, 1, 0)) est également une base de R3 . On a
f (−1, 0, 1) = (−1, 2), f (2, 1, 3) = (7, 10) et f (1, 1, 0) = (2, 0). La matrice de f dans le couple de bases (B ′ , C) est
donc
−1 7 2
Mat B ,C (f ) =
′ .
2 10 0
◮ Exercices 1 et 2
Proposition 1
M ATRICE D ’ UNE HOMOTHÉTIE .
Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie n ≥ 1 admettant une base B.
• Pour a ∈ K, la matrice de l’homothétie de E de rapport a dans B est la matrice scalaire aIn de Mn (K).
• La matrice de idE dans B est la matrice identité In de Mn (K).
Remarque
Si B et C sont deux bases différentes d’un espace E, la matrice de idE dans le couple de bases (B, C) n’est pas la
matrice identité.
Proposition et définition 2
M ATRICE D ’ UNE ROTATION VECTORIELLE DU PLAN .
~v
On appelle rotation vectorielle du plan d’angle α ∈ R la transformation du
plan euclidien qui à tout vecteur ~u associe le vecteur ~v de même norme que ~u ~e2
α
~u
et tel que l’angle entre le vecteur ~u et le vecteur ~v soit égal à α.
~e1
cos(α) − sin(α)
Cette rotation est un endomorphisme dont la matrice dans toute base orthonormée directe est .
sin(α) cos(α)
Exemples 3
1 −1
• Soit f l’application linéaire de C2 dans C3 dont la matrice dans les bases canoniques est 0 2 . Pour tout
1 −2
1 −1 z1 − z2
z1
vecteur (z1 , z2 ) de C2 on a 0 2 = 2z2 , donc f (z1 , z2 ) = (z1 − z2 , 2z2 , z1 − 2z2 ).
z2
1 −2 z1 − 2z2
• Dans une base orthonorméedirecte B du plan euclidien, la rotation vectorielle d’angle θ a pourmatrice
cos(θ) − sin(θ) x
A= . Soit ~u un vecteur de coordonnées (x, y) dans B. En posant X = , on a
sin(θ) cos(θ) y
cos(θ) − sin(θ) x cos(θ)x − sin(θ)y
AX = = .
sin(θ) cos(θ) y sin(θ)x + cos(θ)y
L’image de ~u par cette rotation est donc le vecteur de coordonnées (cos(θ)x − sin(θ)y, sin(θ)x + cos(θ)y) dans B.
◮ Exercice 3
1.3. Lien entre opérations matricielles et opérations sur les applications linéaires
Proposition 4
M ATRICE D ’ UNE COMBINAISON LINÉAIRE D ’ APPLICATIONS LINÉAIRES .
Soient des K-espaces vectoriels E et F de dimensions finies non nulles, et des bases B et C de E et F respectivement.
Pour toutes applications linéaires f, g de L (E, F ) et tous scalaires λ, µ de K :
Mat B,C (λf + µg) = λ Mat B,C (f ) + µ Mat B,C (g).
Proposition 5
M ATRICE D ’ UNE COMPOSÉE D ’ APPLICATIONS LINÉAIRES OU D ’ ENDOMORPHISMES .
• Soient des K-espaces vectoriels E, F et G de dimensions finies non nulles, et des bases B, C, D de E, F , G
respectivement. Pour toutes applications linéaires f ∈ L (E, F ) et g ∈ L (F, G) :
Mat B,D (g ◦ f ) = Mat C,D (g) Mat B,C (f ).
• Soient un K-espace vectoriel E de dimension finie non nulle et une base B de E.
Pour tous endomorphismes f ∈ L (E) et g ∈ L (E) :
Mat B (g ◦ f ) = Mat B (g) Mat B (f ).
Remarque
La proposition précédente permet de justifier que si des K-espaces vectoriels E et F sont de dimensions finies, alors
le K-espace vectoriel L (E, F ) est de dimension finie égale à dim(E) · dim(F ).
On peut en déduire aisément la caractérisation suivante des bases, par le biais de l’inversibilité de leur matrice.
Proposition 8
Soient un K-espace vectoriel E de dimension finie n ≥ 1, une base B de E et une famille F de n vecteurs de E.
La famille F est une base de E si et seulement si sa matrice Mat B (F) est inversible.
◮ Exercice 4
Exemple 4
La matrice de passage de la base canonique B = 0), (0, 0, 1)) de R à la base
((1, 0, 0), (0, 1, 3
−1 2 1
B ′ = ((−1, 0, 1), (2, 1, 3), (1, 1, 0)) est PB,B′ = 0 1 1 .
1 3 0
Proposition 9
Quelles que soient les bases B et B ′ d’un K-espace vectoriel E de dimension finie non nulle, PB,B′ est inversible et
(PB,B′ )−1 = PB′ ,B .
2.2. Effet d’un changement de bases sur la matrice d’un vecteur ou d’une application
Proposition 10
E FFET D ’ UN CHANGEMENT DE BASE SUR LA MATRICE D ’ UN VECTEUR .
Soient un K-espace vectoriel E de dimension finie non nulle et des bases B et B ′ de E. Pour tout vecteur x de E, en
notant P = PB,B′ , X = Mat B (x) et X ′ = Mat B′ (x), on a X = P X ′ .
◮ Exercice 5
Proposition 11
• E FFET D ’ UN CHANGEMENT DE BASES SUR LA MATRICE D ’ UNE APPLICATION LINÉAIRE .
Soient des K-espaces vectoriels E et F de dimensions finies non nulles, des bases B et B ′ de E, des bases C et C ′
de F , et f ∈ L (E, F ).
En notant A = Mat B,C (f ), A′ = Mat B′ ,C ′ (f ), P = PB,B′ et Q = PC,C ′ , on a A′ = Q−1 AP .
• E FFET D ’ UN CHANGEMENT DE BASE SUR LA MATRICE D ’ UN ENDOMORPHISME .
Soient un K-espace vectoriel E de dimension finie non nulle, des bases B et B ′ de E, et f ∈ L (E).
En notant A = Mat B (f ), A′ = Mat B′ (f ), et P = PB,B′ , on a A′ = P −1 AP .
Exemple 5
R2 [X] −→ R2 [X]
Soit l’endomorphisme f : .
P 7−→ 2P + XP ′
On a f (1) = 2, f (X) = 3X et f (X 2 ) = 4X 2 . La matrice de f dans la base canonique B = (1, X, X 2 ) de R2 [X] est
donc
2 0 0
A = 0 3 0 .
0 0 4
On vérifie que :
4 0 0 0 0 1 2 0 0 1 1 1
−1 3 0 = 0 1 −1 0 3 0 1 1 0 ,
−1 −1 2 1 −1 0 0 0 4 1 0 0
soit A′ = P −1 AP .
◮ Exercice 6
Définition 4
M ATRICES SEMBLABLES .
Des matrices A et A′ de Mn (K) sont dites semblables s’il existe une matrice P ∈ GLn (K) telle que A′ = P −1 AP .
Remarque
Des matrices A et A′ de Mn,p (K) sont dites équivalentes s’il existe des matrices P ∈ GLp (K) et Q ∈ GLn (K)
telles que A′ = Q−1 AP . D’après la proposition 11, deux matrices sont équivalentes si et seulement si elles repré-
sentent une même application linéaire, et deux matrices sont semblables si et seulement si elles représentent un même
endomorphisme.
Remarque
Par convention, dans la pratique, on identifie Kn et Mn,1 (K), ce qui permet d’écrire les éléments de Kn sous forme
de colonnes. D’après la proposition 3, l’application linéaire canoniquement associée à une matrice A de Mn,p (K) est
alors l’application linéaire :
Kp −→ Kn
.
X 7−→ AX
Exemple 6
1 0 −1
Soit la matrice A = de M2,3 (R). Pour tout (x, y, z) ∈ R3 ,
1 2 1
x
1 0 −1 x−z
y = .
1 2 1 x + 2y + z
z
L’application linéaire canoniquement associée à A est donc l’application f : R3 −→ R2 telle que f (x, y, z) =
(x − z, x + 2y + z) pour tout (x, y, z) ∈ R3 .
• Recherche de KerA. On a, pour (x, y, z) ∈ R3 :
x−z =0 z=x
(x, y, z) ∈ Ker(A) ⇐⇒ f (x, y, z) = 0R2 ⇐⇒ AX = O ⇐⇒ ⇐⇒ ,
x + 2y + z = 0 y = −x
donc KerA = {(x, −x, x) | x ∈ R} = {x(1, −1, 1) | x ∈ R} = Vect((1, −1, 1)).
• Recherche de ImA. En notant B la base canonique de R3 , on a ImA = Imf = Vect(f (B)), soit ImA =
Vect((1, 1), (0, 2), (−1, 1)), et donc ImA = R2 .
Proposition 12
Soit une matrice A de Mn,p (K).
• KerA est le sous-espace de Kp qui est l’ensemble des solutions du système linéaire homogène AX = O.
• ImA est le sous-espace de Kn engendré par la famille des colonnes de A.
◮ Exercice 7
3.3. Rang d’une matrice et lien avec l’inversibilité des matrices carrées
Définition 7
On appelle RANG D ’ UNE MATRICE A, et on note rg(A), le rang de l’application linéaire canoniquement associée
à A. C’est également le rang de la famille des vecteurs colonnes de A.
Remarque
Si A est une matrice de Mn,p (K), rg(A) est le rang d’une famille de p vecteurs d’un espace de dimension n, donc
rg(A) ≤ min{n, p}.
Théorème 1
T HÉORÈME DU RANG ( VERSION MATRICIELLE ).
Pour toute matrice A de Mn,p (K) on a dim(KerA) + rg(A) = p.
Proposition 13
Caractérisation de l’inversibilité d’une matrice par le rang, le noyau ou l’image.
Pour toute matrice A de Mn (K), les assertions suivantes sont équivalentes.
1) A ∈ GLn (K)
2) rg(A) = n
3) KerA = {0Kn }
4) ImA = Kn
Proposition 14
Conservation du rang lors de la multiplication par une matrice inversible.
• Multiplier une matrice à droite par une matrice inversible conserve son image, et donc son rang.
• Multiplier une matrice à gauche par une matrice inversible conserve son noyau, et donc son rang.
• Les opérations élémentaires sur les lignes ou sur les colonnes conservent donc le rang, et des matrices équivalentes
par lignes ou par colonnes ont le même rang.
Proposition 15
Soient des K-espaces vectoriels E et F de dimensions finies non nulles, munis de bases respectives B et C.
Si f ∈ L (E, F ) et si A = Mat B,C (f ), alors rg(f ) = rg(A).
Proposition 16
Majoration du rang d’un produit de matrices.
Pour toutes matrices A ∈ Mn,p (K) et B ∈ Mp,q (K), on a l’inégalité : rg(AB) ≤ min{rg(A), rg(B)}.
Remarques
• Calcul pratique du rang d’une matrice.
On peut appliquer l’algorithme de Gauss pour calculer le rang d’une matrice : on passe d’une matrice donnée A
à une matrice échelonnée A′ , équivalente par lignes à A′ donc de même rang que A. Le rang de A est alors le
nombre de pivots de la matrice A′ . Par exemple :
1 −2 0 1 L1 1 −2 0 1 L1
A= 0 2 2 0 L2 ∼ 0 2 2 0 L2
L
1 −1 1 0 L3 0 1 1 −1 L3 ←− L3 − L1
1 −2 0 1 L1
∼ 0 2 2 0 L2 ,
L
0 0 0 2 L3 ←− −2L3 + L2
donc rg(A) = 3.
• Pour toute famille finie F de vecteurs d’un espace de dimension finie non nulle admettant une base B, on a
rg(F) = rg(Mat B (F)).
◮ Exercices 8, 9 et 10
Proposition 17
Pour toute matrice A on a rg(AT ) = rg(A).
Remarque
Puisque d’une part le rang d’une matrice A est le rang de la famille de ses matrices colonnes, et d’autre part le rang
de A est le même que celui de sa transposée, le rang de A est aussi égal au rang de la famille de ses matrices lignes.
Définition 8
Soit A ∈ Mn,p (K).
• On dit que A est INVERSIBLE À DROITE s’il existe une matrice B de Mp,n (K) vérifiant AB = In . Dans ce cas,
une telle matrice B est appelée une inverse de A à droite.
• On dit que A est INVERSIBLE À GAUCHE s’il existe une matrice C de Mp,n (K) vérifiant CA = Ip . Dans ce
cas, une telle matrice C est appelée une inverse de A à gauche.
Proposition 18
Si une matrice carrée A est inversible à gauche ou à droite, alors A est inversible. Dans ce cas, A−1 est l’unique
inverse à gauche de A et son unique inverse à droite.
Proposition 19
Condition d’inversibilité d’une matrice triangulaire.
Une matrice triangulaire est inversible si et seulement si tous ses éléments diagonaux sont non nuls.
Proposition 20
Soit un système linéaire d’écriture matricielle (S) : AX = B, où A ∈ Mn,p (K) et B ∈ Kn , d’inconnue X ∈ Kp .
• Le rang du système (S) est égal au rang de A.
• KerA est l’ensemble de solutions du système homogène (H) : AX = O. C’est un sous-espace de Kp de
dimension p − rg(A).
• ImA = {AX | X ∈ Kp }, et (S) est compatible si et seulement si B ∈ ImA.
• Si X0 est une solution particulière de (S), les solutions de (S) sont les vecteurs de la forme X = X0 + U où
U ∈ KerA.
• Dans le cas où n = p, (S) possède une unique solution si et seulement si A est inversible, cette solution étant
alors A−1 B. Dans ce cas, on dit que (S) est un système de Cramer.