La généralisation de la protection sociale est l’un des piliers de la justice
sociale. La santé est non seulement un levier de développement, elle assure
également la sécurité stratégique du pays. De plus, il s’agit de l’un des secteurs sur lequel le Maroc travaille pour assurer un essor économique, mais aussi diplomatique. Ce secteur participe au leadership du Maroc sur le plan régional et continental. où en sommes-nous aujourd’hui par rapport aux objectifs initiaux ? Ce chantier royal s’articule autour de 4 phases, à savoir celle de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO), dont le délai a été fixé à 2 ans. Cette opération a nécessité le changement du cadre juridique. A cet effet, plusieurs textes juridiques et législatifs ont connu des modifications et une série de discussions a eu lieu avec des partenaires sociaux. Il a fallu également un travail administratif afin d’identifier et d’inscrire tous les Marocains, dont des Ramedistes qui vont bénéficier de l’aide de l’Etat. Pour le reste de la population, chacun doit cotiser selon ses revenus. A partir du 1er décembre 2022, les Ramedistes ont basculé vers l’AMO, et c’est une bonne chose. Je pourrai donc dire que cette première étape de généralisation de l’AMO, que j’appelle étape quantitative, est assurée ou presque. Il va falloir par la suite passer à autre chose, et là je rappelle le discours royal de 2018 qui avait identifié 3 faiblesses au niveau du système marocain de couverture médicale. Sur le plan quantitatif, il s’agit tout d’abord d’un régime dont la couverture est faible; ce problème a été résolu avec la généralisation. Deuxièmement, le Roi a relevé une faiblesse de l’efficience de l’AMO. C’est-à-dire que plusieurs personnes sont inscrites à l’AMO, mais n’en bénéficient pas à cause d’un problème de gouvernance. Le troisième constat est celui de l’éparpillement des caisses. En effet, il existe plusieurs caisses, à savoir la CNSS, la CNOPS, les caisses de services publics, semi- publics, et autres, qui, à mon sens, doivent être unifiées. En gros, cette première étape, à caractère quantitatif, législatif et administratif est dans les délais. En revanche, il va falloir travailler sur l’efficience de l’AMO. Le 3ème Objectif de développement durable consiste à permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous. Être en bonne santé permet en quelque sorte de participer au développement du pays. Par exemple, en dépensant un Dollar dans les mala- dies non transmissibles, le retour d’investissement est de 7 dollars. En dépensant un Dollar dans la vaccination, la rentabilité se situe entre 16 et 44 dollars. Plusieurs études internationales l’ont prouvé : investir dans la santé, c’est investir dans l’économie du pays. La santé n’est pas juste un secteur social. Être en bonne santé permet aux gens de jouir des autres droits humains. Un enfant qui est tout le temps malade, n’ira pas à l’école et par conséquent ne pourra pas accéder de manière équitable au marché du travail. Etre en bonne santé permet donc d’être productif, d’être instruit, plus rentable, de faire des économies et d’encourager l’investissement. Au Maroc, les ménages marocains payent environ 60% des dépenses de santé, dont 45% sont des dépenses directes et le reste des cotisations à l’AMO. Or, 60% c’est énorme puisque dans certains pays, ce taux varie entre 1% et 8%. 60% des dépenses de santé à la charge des ménages constituent un handicap face au recours aux soins. Le Maroc connaît une fuite non négligeable des cerveaux dans le domaine de la santé. Quelles peuvent être les solutions envisageables selon vous ? Le Maroc dispose actuellement de 28.000 médecins, et nous avons besoin de 65.000 professionnels de santé dont 32.000 autres médecins. Le besoin en médecins est criant et la seule solution est de former plus. Le problème, c’est que même en for- mant plus, plusieurs étudiants en médecine font le choix d’exercer à l’étranger. Les médecins marocains fuient leur pays pour plusieurs raisons. D’abord, les conditions salariales ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, que ce soit dans le public ou dans le privé. D’ailleurs, certains médecins du privé partent à l’étranger même après avoir engagé des investissements, et ce au vu des nombreuses difficultés rencontrées, notamment sur le plan fiscal. Il faut donc repenser tout ça et améliorer les conditions matérielles ainsi que l’environnement de travail. Le Maroc devrait changer certaines lois pour faciliter le retour de certains et permettre à d’autres de venir travailler au Maroc de manière partielle. Il faut aussi profiter de ces compétences à l’étranger pour aider le système de santé marocain, notamment en les associant à la réflexion.