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AIRES

PROTÉGÉES
D’AFRIQUE
CENTRALE
État 2015
État des aires protégées 2015

L’État des aires protégées 2015 est une publication produite dans le cadre de l’Observatoire des Forêts d’Afrique
Centrale (OFAC).
http://www.observatoire-comifac.net

Sauf indication contraire, les limites administratives et les tracés des cartes sont produits à titre illustratif et
ne présument d’aucune approbation officielle. Sauf indication contraire, les données, analyses et conclusions
présentées dans cet ouvrage sont celles de leurs auteurs.

Toutes les photographies présentées dans cette publication sont soumises au droit d’auteur. Toute reproduction
imprimée, électronique ou sous toute autre forme que ce soit sont interdites sans la permission écrite du pho-
tographe.

Citation souhaitée : Doumenge C., Palla F., Scholte P., Hiol Hiol F. & Larzillière A. (Eds.), 2015. Aires pro-
tégées d’Afrique centrale – État 2015. OFAC, Kinshasa, République Démocratique du Congo et Yaoundé,
Cameroun : 256 p.

COMIFAC : Commission des Forêts d’Afrique Centrale


La COMIFAC est l’instance politique et technique d’orientation, de coordination, d’harmonisation et de déci-
sion en matière de conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers et de savanes en Afrique
Centrale. Elle assure le suivi de la Déclaration de Yaoundé et veille à la mise en application des conventions
internationales et des initiatives de développement forestier en Afrique Centrale. Le cadre juridique de la
COMIFAC est le traité de février 2005 baptisé « Traité relatif à la conservation et à la gestion durable des éco-
systèmes forestiers d’Afrique Centrale et instituant la Commission des Forêts d’Afrique Centrale ». Le Plan
de Convergence de la COMIFAC définit les stratégies communes d’intervention des états et des partenaires
au développement de l’Afrique Centrale en matière de conservation et de gestion durable des écosystèmes
forestiers et de savanes.
Site web : www.comifac.org

OFAC : Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale


L’OFAC est une cellule spécialisée de la COMIFAC en charge de la coordination de l’observatoire des forêts,
des relations avec les antennes nationales et de la collaboration avec l’OSFAC et l’ensemble des partenaires qui
produisent et diffusent de l’information sur les forêts et les écosystèmes d’Afrique centrale. Elle assure la coor-
dination des activités de collecte et de mise en forme des données, d’analyse des résultats et de diffusion des
informations vers les groupes-cibles au travers du site internet de l’Observatoire et de diverses publications.
L’OFAC permet ainsi à la sous-région et à ses partenaires de disposer des outils essentiels de pilotage et de
partage des connaissances pour une meilleure gouvernance et une gestion durable des écosystèmes forestiers.
La cellule contribue à l’animation et à la diffusion des informations au sein du Partenariat pour les Forêts du
Bassin du Congo (PFBC). Elle bénéficie d’un projet d’appui financé par l’Union Européenne via son Centre
commun de recherche (JRC).
Site web : www.observatoire-comifac.net

RAPAC : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale


Le RAPAC est une organisation non gouvernementale sous-régionale à vocation environnementale, à carac-
tère technique et scientifique. Ce réseau fédérateur se veut une plateforme d’harmonisation, de coordination,
d’échange et d’appui entre les acteurs concernés par la gestion des aires protégées et par la valorisation des
ressources naturelles d’Afrique centrale. Le RAPAC bénéficie d’un mandat de la COMIFAC pour l’application
de l’axe du Plan de Convergence sous-régional relatif à la conservation de la biodiversité.
Site web : www.rapac.org

Reproduction autorisée moyennant mention de la source.


© 2015 OFAC-COMIFAC & RAPAC
Aires protégées
d’Afrique centrale
État 2015

MEFCP
2
SOMMAIRE
Avant Propos................................................................................................................................................................... 6
Charles DOUMENGE, Florence PALLA, Paul SCHOLTE et Alain BILLAND

Les aires protégées du cœur de l’Afrique.............................................................................10


Charles DOUMENGE, Alain BILLAND, Florence PALLA et Paul SCHOLTE

République du Burundi...................................................................................................................................17
Jean-Marie Vianney NSABIYUMVA, Jean-Claude RIVUZIMANA,
Charles DOUMENGE et Adélaïde LARZILLIERE

République du Cameroun...........................................................................................................................41
François HIOL HIOL, Adélaïde LARZILLIERE, Florence PALLA et Paul SCHOLTE

République Centrafricaine..........................................................................................................................67
Jean-Bapstiste MAMANG KANGA, Charles DOUMENGE et Adélaïde LARZILLIERE

République du Congo......................................................................................................................................89
Asté Serge Ludovic BONGUI et Jérôme MOKOKO IKONGA

République démocratique du Congo...................................................................................... 111


Cyril PELISSIER, Paya DE MARCKEN, Jean-Joseph MAPILANGA WA TSARAMU
et Cosma WILUNGULA BALONGELWA

République du Gabon.................................................................................................................................. 149


Florence PALLA, Charles DOUMENGE et Adélaïde LARZILLIERE
République de Guinée Équatoriale............................................................................................ 171
Adélaïde LARZILLIERE et Charles DOUMENGE

République du Rwanda.............................................................................................................................. 191


Paul SCHOLTE et Adélaïde LARZILLIERE

République démocratique de Sao Tomé-et-Principe.......................................... 211


Meyer ANTONIO

République du Tchad..................................................................................................................................... 229


Paul SCHOLTE et Adélaïde LARZILLIERE

Plan stratégique des aires marines protégées


d’Afrique Centrale............................................................................................................................................ 247
Jean-Jacques GOUSSARD, Florence PALLA et Jean-Michel SIONNEAU

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4
LISTE DES CONTRIBUTEURS
Coordinateur
DOUMENGE Charles – CIRAD

Éditeurs
DOUMENGE Charles – CIRAD
PALLA Florence – OFAC (anciennement RAPAC)
SCHOLTE Paul – GIZ
HIOL HIOL François – Crésa Forêts Bois (anciennement OFAC)
LARZILLIERE Adélaïde – Consultante indépendante

Conception et mise en page


BONNET Hélène – Studio 9 Bourrely
LARZILLIERE Adélaïde – Consultante indépendante
Maquette originale de CONSIGNY Thomas – RACKKHAM

Auteurs
ANTONIO Meyer – Direction des forêts, Ministère de l’Agriculture et Développement Rural,
Sao Tomé-et-Principe
BONGUI Asté Serge Ludovic – Agence Congolaise de la Faune et des Aires Protégées, Congo
DE MARCKEN Paya – WWF, RDC
DOUMENGE Charles – CIRAD
GOUSSARD Jean-Jacques – Expert indépendant, France
HIOL HIOL François – Crésa Forêts Bois (anciennement OFAC)
LARZILLIERE Adélaïde – Consultante indépendante
MAMANG-KANGA Jean-Baptiste – CEEAC
(anciennement Directeur de la faune et des aires protégées, RCA)
MAPILANGA WA TSARAMU Jean-Joseph – ICCN, RDC
MOKOKO IKONGA Jérôme – WCS, Congo
NSABIYUMVA Jean Marie Vianney – Expert indépendant, Burundi
PALLA Florence – OFAC (anciennement RAPAC)
PELISSIER Cyril – WWF, RDC
RIVUZIMANA Jean Claude – Expert indépendant, Burundi
SCHOLTE Paul – GIZ
SIONNEAU Jean-Michel – Expert indépendant, France
WILUNGULA BALONGELWA Cosma – ICCN, RDC

Cartes
OFAC - HALLEUX Claire

Crédits photos
ACFAP-Congo (105), ANPN-Gabon (154), ARBONNIER Michel (16, 29, 35, 190, 195, 206), CRUZ
Rute (219), CONDE Bernardo (251), DAVIDSON Bruce & RAPAC (couverture, 60, 166, 177, 178,
183, 226, 228, 244, 248), DOUMENGE Charles (11, 40, 52, 53, 59, 66, 70, 74, 77, 78, 81, 82, 85,
88, 92, 99, 106, 140, 148, 153, 159, 160, 163, 170, 184, 210, 220, 252, 255, 256), FORNI Eric
(114, 134), G ­ ONÇALVES Ines (222), LOLOUM Bastien (214, 225), LUKURU Foundation (133),
­NSABIYUMVA Jean Marie Vianney (25), ORTEGA Nuria (3, 4, 119, 120, 123, 137, 234, 237, 238,
239), POPE Cody & WWF (110, 128), RIVUZIMANA Jean-Claude (7, 20, 31), SCHOLTE Paul (8,
12, 15, 45, 46, 49, 199, 201, 202, 205, 208, 233, 241), WCS-Congo (100).

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6
AVANT PROPOS
Charles DOUMENGE, Florence PALLA, Paul SCHOLTE et Alain BILLAND

Pourquoi réaliser un état lution des conflits doit se baser sur des informa-
des aires protégées tions les plus exhaustives possibles et accessibles
d’Afrique centrale ? au plus grand nombre.
Depuis plusieurs décennies, l’UICN colla-
Les réseaux d’aires protégées constituent le bore avec l’UNEP-WCMC (Centre mondial de
cœur des stratégies nationales et régionales de surveillance de la conservation du Programme
conservation de la biodiversité. Ils sont soumis des Nations-Unies pour l’environnement) afin
à une législation particulière et ont pour objectif de produire régulièrement une liste mondiale
la protection à long terme du patrimoine naturel des aires protégées (Deguignet et al., 2014). Il
et des ressources biologiques constituant le s’agit uniquement d’une énumération des sites
fondement des économies des pays. Pourtant, accompagnée de quelques informations mini-
les connaissances nécessaires aux prises de déci- males. Bien qu’elle fournisse une première base
sions sur la biodiversité et sur ces réseaux d’aires de connaissance sur les aires protégées, cette
protégées ne sont pas facilement disponibles pour liste reste malheureusement insuffisante pour la
les décideurs et les gestionnaires des ressources réalisation d’un état des lieux des aires protégées
naturelles. Les décisions d’aménagement du d’Afrique centrale. Le seul document relative-
territoire et d’exploitation des ressources natio- ment complet sur les aires protégées africaines
nales sont souvent prises sans tenir compte des date maintenant de plus de 25 ans (IUCN, 1987).
réseaux existants ni des sites critiques pour la Un certain nombre d’informations y sont obso-
conservation de la biodiversité. lètes et il n’est que peu ou pas accessible.
Aujourd’hui, il est plus que jamais néces- Lors de la préparation du programme
saire de synthétiser et de mettre à disposition des ECOFAC (Conservation et utilisation rationnelle
parties prenantes à la gestion des ressources natu- des Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale),
relles les informations pertinentes et actualisées entre 1988 et 1991, une série de monographies
sur les aires protégées de l’ensemble de l’Afrique nationales et un bilan synthétique de la conserva-
centrale. Lorsqu’elles existent, ces informations tion des forêts de la région ont été publiés, effec-
sont en effet souvent disparates et dispersées tuant pour la première fois une revue des réseaux
et ne sont que difficilement mobilisables. Le d’aires protégées de la région. Cette revue s’était
contexte actuel nécessite des prises de décision toutefois concentrée sur les écosystèmes fores-
bien informées, sur la base d’informations régu- tiers et ne prenait pas en compte les savanes et le
lièrement mises à jour. De fortes menaces pèsent milieu marin (UICN, 1989).
en effet sur la biodiversité et les aires proté- Une dizaine d’années après, un document
gées de la région, avec une intensification sans sur les aires protégées d’Afrique francophone
précédent du braconnage, de la pression démo- a permis d’actualiser des données sur certains
graphique et du morcellement des massifs fores- pays et au début des années 2000, l’UICN a
tiers, ainsi qu‘une augmentation de la demande entrepris une nouvelle évaluation de la conser-
en ressources minières et agro-industrielles. La vation des forêts et des réseaux d’aires proté-
considération de ces nombreux enjeux et la réso- gées dans trois pays de la région (Sournia, 1998 ;
Doumenge et al., 2001, 2003a et b). Ces études Objectifs
n’étaient toutefois pas complètes et étaient insuf-
fisante pour effectuer une revue systématique des Ce premier « État des aires protégées 2015 »
aires protégées d’Afrique centrale. Un document (EdAP 2015) a donc pour objectif d’effectuer
de synthèse sur les réseaux d’aires protégées de un bilan des réseaux d’aires protégées des pays
la région reste donc plus que jamais d’actualité. d’Afrique centrale. Il vise à donner un premier
L’OFAC, dont le rôle premier concerne la aperçu le plus objectif et exhaustif possible des
compilation et la diffusion auprès des utilisa- efforts consentis en matière de conservation de la
teurs des données sur les forêts et la gestion de biodiversité et de gestion des aires protégées par
la biodiversité, a ainsi initié un premier « État des les états et les parties prenantes impliquées dans
aires protégées d’Afrique centrale », à l’initiative le développement et la gestion de ces sites.
du RAPAC. Dans la logique des « États des forêts L’ouvrage s’adresse en priorité aux décideurs et
du bassin du Congo » successifs, ce document gestionnaires de la biodiversité d’Afrique centrale,
permet de présenter les réseaux d’aires protégées en particulier aux planificateurs. Il sera aussi utile
des pays de la région, d’en relater l’évolution et pour les administrations hors du domaine de
de discuter de divers sujets d’intérêt commun la biodiversité et des aires protégées mais dont
relatifs aux aires protégées d’Afrique centrale. les activités peuvent entrer en conflits avec ces
L’OFAC est le partenaire, pour l’Afrique dernières, pour les bailleurs de fonds, pour les
centrale, du programme BIOPAMA, soutenu par enseignants et les étudiants préoccupés par ces
le 10ème FED de l’Union Européenne, visant à problématiques et, de manière plus générale, pour
mettre en place plusieurs observatoires des aires toute personne qui s’intéresse à la conservation de
protégées dans les pays ACP (Afrique-Caraïbe- la biodiversité d’Afrique centrale et au développe-
Pacifique). Ce programme BIOPAMA est mis en ment des réseaux d’aires protégées.
œuvre conjointement par l’UICN (Union Inter-
nationale pour la Conservation de la Nature), le Contenu de l’ouvrage
Centre Commun de Recherche de l’Union Euro-
péenne et l’Initiative APA. Il est encore dans une L’essentiel de l’ouvrage est constitué par
phase de démarrage mais il permettra ultérieu- des chapitres nationaux présentant les réseaux
rement de collecter de manière plus systéma- d’aires protégées de chaque pays, tant en termes
tique les données relatives aux aires protégées et de types d’aires protégées que de superficies et
de mettre en place au sein de l’OFAC une base de répartition de ces réseaux. Ces données de
de donnée dédiée aux aires protégées et à leur base sont commentées et complétées par des
efficacité de gestion. Cette base de donnée sera informations sur la gouvernance et la gestion des
à disposition des gestionnaires et des décideurs aires protégées, sur les projets en appui à leur
et elle permettra d’améliorer les états des aires développement ainsi que sur l’importance socio-
protégées qui seront réalisés ultérieurement. économique des sites en question. Ces chapitres

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nationaux sont introduits par des données qui protégées, des personnels d’appui travaillant
permettent de replacer les aires protégées dans dans des ONG de conservation ou des struc-
un contexte plus large, comprenant en particu- tures de coopération ainsi que par des experts
lier des aspects légaux et institutionnels. Dans et rédacteurs connaissant bien le domaine. Un
chaque chapitre un encart met en évidence l’une comité de rédaction à été mis en place, appuyé
des aires protégées du pays. par une rédactrice professionnelle contractée
L’ouvrage est introduit par un chapitre histo- pour l’occasion.
rique et un chapitre transversal sur les aires proté- Les délais de préparation de cet EdAP 2015
gées marines le clôture, présentant la dynamique ont été très courts, afin qu’il soit disponible pour
régionale en cours dans ce secteur. les Cinquièmes journées sur les aires protégées
d’Afrique centrale, programmées en juin 2015.
Processus de compilation Ces contraintes de temps ont fortement pesé sur
des données et limites les auteurs et éditeurs, en particulier en termes
de possibilités de vérification et de mise ne cohé-
de validité de l’exercice
rence des données de base. Vous constaterez en
Après un premier travail de compilations des effet à la lecture du document que les aires proté-
données par le personnel de l’OFAC, qui s’est gées qui sont représentées sur les cartes ne sont
déroulé courant 2014, l’OFAC a sollicité en pas toutes insérées dans le tableau de synthèse
2015 la participation de nombreux spécialistes clôturant chaque chapitre, et vice versa. Cela est
pour la rédaction des chapitres nationaux. De dû à la disparité des informations disponibles
nombreuses personnes ont été contactées, dont selon des sources de données et à l’absence de
les administrateurs du RAPAC et des person- précisions géographiques dans le cas des aires
nels des services en charge des aires protégées, protégées non cartographiées. D’autre part, les
les représentants de l’OFAC dans les ministères textes de lois de nombreuses aires protégées
nationaux et bien d’autres personnes travail- n’ont pas encore pu être localisés. C’est un
lant dans le domaine. Suite à ces sollicitations, processus qui prendra du temps et qui est hors
un certain nombre de rédacteurs se sont mani- des termes de référence du présent document.
festés. Ce premier état des aires protégées a ainsi Il faut donc considérer cet EdAP 2015 comme
été rédigé par un groupe de spécialistes issus à une première étape vers un bilan plus complet
la fois des administrations en charge des aires des aires protégées de la région. L’ICCN en
partenariat avec le WWF a d’ailleurs entamé une la production d’un EdAP sur le format actuel ou
revue complète de son système d’aires protégées de s’orienter vers d’autres productions.
mais les résultats finaux de ce travail ne seront Enfin, il sera utile de discuter de la programma-
pas prêts avant plusieurs mois. Au fur et à mesure tion de ces productions (annuelles, bisannuelles,
que les informations actualisées seront dispo- autres) et des voies et moyens de la participation
nibles, elles seront intégrées au système de suivi plus active des institutions en charge de la gestion
des aires protégées de l’OFAC. des aires protégées dans ces produits, en appui au
Le document actuel permet surtout d’or- développement et au pilotage des aires protégées
donner un certain nombre d’informations sur de la région.
les réseaux d’aires protégées, leur gouvernance La préparation de cet ouvrage a bénéficié du
et leur gestion ainsi que leur importance socio- concours financier de l’Union Européenne et du
économique. Les données présentées ici – et, RAPAC, à travers le projet OBAPAC, financé
plus encore, les lacunes dans ces données – dans le cadre d’ECOFAC V et la troisième phase
doivent susciter un regain d’intérêt de la part des du projet d’appui à l’OFAC, financé aussi par
différents services en charge des aires protégées l’Union Européenne via le Centre Commun
et leurs partenaires afin que le prochain EdAP de Recherche. Il a bénéficié du concours de
puisse présenter un bilan plus complet que ce nombreux auteurs et institutions que nous souhai-
qui a pu être réalisé dans cet EdAP 2015. Sur tons remercier collectivement ici.
cette base, une réflexion doit être entamée avec
les parties prenantes à la gestion et au pilotage Très bonne lecture à toutes et à tous!
des aires protégées (y compris les politiques et
les bailleurs de fonds), afin de produire à l’avenir Et n’hésitez pas à nous faire remonter vos
des informations les plus utiles possibles pour besoins et vos suggestions afin que l’OFAC
ces parties prenantes, sous une forme facilement puisse produire des documents qui soient les
mobilisable par chacun. Cela supposera d’en- mieux adaptés possibles aux besoins des utili-
gager une réflexion sur la nécessité de poursuivre sateurs.

Bibliographie
Deguignet M., Juffe-Bignoli D., Harrison J., Mac­ Doumenge C., Fomete Nembot T., Tchanou Z.,
Sharry B., Burgess N. & Kingston N., 2014. Liste ­ icha Ondo V., Ona Nze N., Bourobou Bourobou H.
M
des Nations Unies des Aires Protégées 2014. UNEP- & Ngoye A., 2003b. Conservation de la biodiversité
WCMC : Cambridge, UK forestière en Afrique centrale atlantique. III – Gestion
Doumenge C., Garcia Yuste J.-E., Gartlan S., et priorités d’investissement dans les sites critiques.
­Langrand O. & Ndinga A., 2001. Conservation de la Bois For. Trop. 277 : 53-67.
biodiversité forestière en Afrique centrale atlantique : IUCN, 1987. IUCN Directory of Afrotropical protec-
le réseau d’aires protégées est-il adéquat ? Bois For. ted areas. Gland, Switzerland.
Trop. 268 : 5-27. Sournia G. (Ed.), 1998. Les aires protégées d’Afrique
Doumenge C., Ndinga A., Fomete Nembot T., francophone. ACCT & Jean-Pierre de Monza, Paris :
­Tchanou Z., Micha Ondo V., Ona Nze N., Bourobou 272 p.
Bourobou H. & Ngoye A., 2003a. Conservation de la UICN, 1989. La conservation des écosystèmes fores-
biodiversité forestière en Afrique centrale atlantique. tiers d’Afrique centrale. Gland, Suisse et Cambridge,
II – Identification d’un réseau de sites critiques. Bois Royaume-Uni : viii + 124 p.
For. Trop. 276 : 43-58.

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10
LES AIRES PROTÉGÉES
DU CŒUR DE L’AFRIQUE
Charles DOUMENGE, Alain BILLAND, Florence PALLA et Paul SCHOLTE

Des premières aires protégées locales jugées destructrices. Les premières


réserves de chasse ont été créées en République
aux années 80
centrafricaine (RCA), par exemple, dès 1925,
Dans la plupart des pays d’Afrique centrale, les faisant suite à la loi sur la chasse promulguée une
premières générations d’aires protégées au sens dizaine d’années auparavant, en 1916. Il s’agis-
moderne du terme furent instituées au cours de la sait des réserves de chasse de Zemongo et de
période coloniale, dès le début du XXe siècle. La Ouandja-Vakaga, instituées pour 30 ans et où la
création de ces sites correspondait d’abord à des chasse était permise une année sur trois (Doun-
stratégies de mise en repos des ressources face goube, 1991). La chasse pratiquée à l’époque
à une exploitation potentiellement abusive de la avait aussi pour vocation d’alimenter les postes
grande faune ou du bois d’œuvre. Deux corpus coloniaux.
législatifs ont ainsi été mis en place, d’une part Assez rapidement, toutefois, une approche plus
concernant la faune et la conservation de la biodi- stricte de protection des ressources fauniques était
versité, d’autre part concernant les ressources mise en place, avec un décret de 1929 qui intro-
forestières. Les deux ensembles de textes légaux duisait la notion de parc national dans l’ancienne
se sont développés en parallèle, souvent sans Afrique Équatoriale Française (AEF). Initiale-
réelle intégration, conduisant à des incohérences ment la création de ces parcs et réserves ne devait
dans les textes relatifs à la biodiversité. Ces inco- pas entrainer de perturbations dans la vie écono-
hérences sont encore manifestes aujourd’hui dans mique des populations rurales concernées. Cette
les textes de certains pays de la région. Les services disposition était contredite dans le cas des parcs
en charge de la faune – qui se posent comme les nationaux car ceux-ci étaient considérés comme
premiers garants de la conservation de la biodi- des réserves naturelles intégrales. Alors que la loi
versité – sont souvent en opposition aux services prévoyait au départ une intégration de la conser-
en charge des forêts, très orientés vers la produc- vation et du développement, ces dispositions
tion industrielle de bois d’œuvre. Les prolonge- antagonistes ont d’emblé créé des freins à cette
ments de cet état de fait en termes de gestion du intégration (Doungoube, 1991). Bien qu’elles
territoire ne sont pas anodins, y compris lorsqu’il aient été abordées il y a déjà plus de 80 ans, ces
s’agit d’inventorier les aires protégées des pays questions de conciliation de la conservation et du
en question et d’évaluer la portée des réseaux qui développement continuent aujourd’hui de préoc-
ont été mis en place par chacun d’eux. cuper les États et les organismes en charge de la
Ainsi, les premières aires protégées d’Afrique gestion des aires protégées.
centrale ont d’abord été des réserves de faune En application de ce décret, les premiers parcs
érigées à des fins de régulation de la chasse nationaux ont vu le jour dans l’ancienne AEF
commerciale et de loisir, au bénéfice des colons dans les années 1933-1935. Ainsi le parc national
et en opposition aux pratiques des populations d’Odzala, initié à titre provisoire en 1933, a été
avalisé définitivement par un décret en date du 13 années 45 à 60, en général sur de vastes superfi-
avril 1935. Même s’il inclue dans sa partie sud cies relativement peu peuplées et éloignées des
une petite portion de savanes, c’est le plus ancien pôles de développement économiques. Ces aires
parc national en forêt dense de basse altitude protégées se situent souvent sur les marges ou
d’Afrique centrale (Hecketsweiler et al., 1991). aux frontières des pays. Cette situation géogra-
Ces notions de conservation des espèces et de phique suscitera ultérieurement des initiatives
protection de l’environnement étaient déjà dans de coopération et de création d’aires protégées
l’air du temps depuis la fin du XIXe siècle. La transfrontalières, développées beaucoup plus
« Convention pour la protection de la faune et de récemment en Afrique centrale.
la flore en Afrique », qui s’est tenue à Londres
à la fin de l’année 1933, confirme cet intérêt de Si, durant cette période, la plupart des nouvelles
plus en plus manifeste pour la conservation de la aires protégées sont installées dans des régions
nature. Entre la date de la convention et sa ratifica- de savanes ou de contact forêt-savane, quelques
tion par l’AEF en 1938, plusieurs nouveaux parcs unes sont toutefois créées en région forestière.
auront vu le jour, souvent à partir de réserves de Au Cameroun, la réserve de faune du Dja est
faune déjà existantes mais pas toujours. établie le 25 avril 1950 mais il faudra attendre
En dehors de l’AEF d’autres aires protégées le 30 octobre 1986 pour que le premier parc
de la région, présentant une nature d’une richesse national forestier soit institué dans ce pays : le
exceptionnelle, ont également été créées avant parc national de Korup. De nombreuses réserves
ladite convention. C’est le cas du parc national forestières sont mises en place en parallèle entre
Albert, qui fut institué par décret royal sur le terri- les années 1930 et la fin des années 1970 dans le
toire du Congo belge dès 1925 sur le modèle du pays (Gartlan, 1989).
parc national du Yellowstone, créé en 1872 au
États-Unis, le plus ancien parc national du monde Toutes ces réserves forestières, comme déjà
(de Mérode & Languy, 2009). Le parc Albert a indiqué pour d’autres pays de la région, visaient
été fondé pour protéger une diversité exception- à maintenir la capacité de production de bois
nelle de paysages mais surtout pour la protection d’œuvre face à d’éventuelles surexploitations.
des gorilles de montagne. Premier parc du conti- Ces réserves ne bénéficient donc pas d’un statut
nent africain, il fut suivi par le parc de Kruger en de conservation très fort et peuvent être régu-
Afrique du Sud en 1926 (né du rassemblement de lièrement soumises à exploitation. Malgré cela,
plusieurs réserves de faune préexistantes), et par nombre d’entre elles ont constitué une réserve
divers autres parcs et aires protégées créés dans foncière pour les états et n’ont pas été exploitées
les années 1930. ou très marginalement. Comme pour les réserves
Ce mouvement va s’amplifier après la seconde de faune, certaines ont gardé un très fort potentiel
guerre mondiale, les pouvoirs coloniaux vont de biodiversité et ont par la suite changé de voca-
identifier des territoires de conservation dans les tion pour devenir des aires « de c­ onservation ».

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C’est, par exemple, le cas de la réserve fores- Un tournant dans la conservation
tière de Takamanda au Cameroun, l’une des plus en Afrique centrale
anciennes du pays. Datant de 1934, elle a été
reclassée en parc national en 2008 du fait d’une À partir de la deuxième moitié des années
grande diversité biologique mais surtout grâce 1980 et dans la préfiguration de la conférence
à la présence du rare gorille de la rivière Cross internationale sur l’environnement et le dévelop-
(Gorilla gorilla diehli). pement durable, qui s’est tenue à Rio en 1992,
Après cette première période de créa- des initiatives se mettent en place pour répondre
tion d’aires protégées de l’entre deux guerres aux défis de la dégradation des aires protégées
mondiales puis une seconde vague après la d’Afrique centrale et aux difficultés de justi-
seconde guerre mondiale, à partir des indépen- fier les actions de conservation auprès de pays
dances, les états nouvellement créés ont affirmé qui souhaitent se « développer » ; sous-entendu
l’exercice de leur pouvoir centralisé en initiant exploiter leurs ressources naturelles. Cette muta-
une nouvelle vague d’aires protégées. C’est tion se manifeste par le déploiement de projets
surtout dans les années 1960-1970 que certains de conservation-développement ayant pour
pays vont renforcer leur réseau d’aires proté- objectif d’intégrer les actions de conservation
gées. Cette période correspond à la création de dans un développement local et national. Cette
nombreux parcs au Cameroun (dont le parc de approche rejoint certaines notions encouragées
Waza et celui de la Bénoué qui étaient des réserves par le réseau des réserves de la biosphère de
depuis les années 30) ou en République Démo- l’Unesco (Organisation des Nations unies pour
cratique du Congo (RDC, à l’époque le Zaïre), l’éduction, la science et la culture), qui promou-
avec les parcs du Kahuzi-Biega, de Kundelungu, vait depuis les années 1970 un schéma d’aire
de la Maïko et de la Salonga. C’est aussi à cette protégée destiné à permettre une meilleure inser-
époque que sont établies de nombreuses réserves tion de celle-ci dans son contexte social et écono-
de faune ou domaine de chasse, en particulier au mique. Plusieurs pays ont d’ailleurs intégré ce
Gabon (posant ainsi les bases d’un futur réseau réseau international des réserves de la biosphère
d’aires protégées plus extensif) mais aussi au à cette époque. Même si la mise en pratique de
Cameroun, en RDC... ces nouvelles idées s’est avérée difficile, cette
inflexion dans les stratégies de conservation a Des réseaux d’aires protégées
été entérinée par la conférence de Rio et aura mieux connectés et insérés
des répercussions jusqu’à nos jours. dans le tissus socio-économique
Un autre élément important de changement
est dérivé d’une première étude globale de Malgré quelques créations d’aires proté-
l’Union Internationale pour la Conservation gées dans les années 1990, il faudra attendre
de la Nature (UICN) qui considérait la conser- les années 2000 et 2010 pour que de nouvelles
vation de la biodiversité forestière à la fois à aires protégées soient créées en nombre dans la
l’échelle des pays mais aussi, pour la première région. C’est à cette époque que le Burundi met
fois en Afrique centrale, à l’échelle de la région. en place un réseau d’aires protégées digne de ce
Ce travail, réalisé entre les années 1988 à 1991, nom. De même, au Gabon, en Guinée Équato-
avec l’appui financier de l’Union Européenne riale ou à Sao Tomé-et-Principe, les états créent
(UE) et en partenariat avec les services natio- des réseaux de parcs et réserves qui couvrent
naux en charge des aires protégées, a produit enfin de manière adéquate la biodiversité natio-
une série de monographies nationales et une nale. Dans les autres pays, des aires protégées
vision régionale de la conservation. Ce travail viennent compléter les réseaux existants ou leur
a conduit, en 1992, au lancement du premier statut de conservation est réévalué, permettant
programme régional de conservation : le une protection plus efficace. C’est le cas de la
programme ECOFAC, financé par l’UE. À la forêt de Nyungwe, au Rwanda, qui devient un
suite de cette dynamique régionale, les auto- parc national en 2005.
rités forestières des pays de la région vont Depuis les années 2000 et 2010, un renfor-
s’organiser, avec l’émergence de la COMIFAC cement des dynamiques régionales s’est mis
(Commission des Forêts d’Afrique Centrale) en place, en particulier d’un point de vue insti-
puis du RAPAC (Réseau des Aires Protégées tutionnel et fonctionnel. La coopération régio-
d’Afrique Centrale). nale s’est dotée d’un instrument de concertation
De nombreux bailleurs comme l’UE, le comme le PFBC (Partenariat pour les Forêts du
FEM (Fonds pour l’Environnement Mondial), Bassin du Congo) et d’un organisme régional tel
les coopérations bilatérales (Allemagne, Pays que la CEEAC (Communauté Economique des
Bas, France, etc.) vont augmenter leur appui États d’Afrique Centrale).
à la mise en place et au renforcement des aires Des traités et accords bilatéraux et multi-
protégées de la région, certains d’entre eux étant latéraux ont aussi été signés afin d’améliorer
déjà anciennement impliqués dans le secteur l’efficacité des politiques de conservation et,
comme la GIZ. En parallèle à ce renforcement singulièrement, la gestion des aires protégées,
de l’investissement financier et technique, des en particulier dans les espaces transfrontaliers.
ONG internationales de conservation vont s’ins- Les réseaux d’aires protégées couvrent mieux la
taller durablement en Afrique centrale (WWF- biodiversité dans chaque pays et des dynamiques
Fonds Mondial pour la Nature, WCS-Wildlife de collaborations se mettent en place afin de
Conservation Society, etc.) et vont se positionner renforcer l’efficacité de gestion des aires proté-
en appui aux pouvoirs publics pour la gestion gées et la lutte contre un grand braconnage qui
d’aires protégées ciblées et pour le soutien à la s’est de plus en plus internationnalisé.
gouvernance du secteur. Ces ONGs ont progres- On assiste également à un mouvement d’au-
sivement élargi leur mandat de la seule conserva- tonomisation des administrations en charge des
tion vers la problématique de la gestion durable aires protégées. Après l’Institut Congolais de
des écosystèmes et des territoires. Conservation de la Nature (ICCN), en 1963,

13
14
le pionnier des institutions autonomes de la sus des revenus de l’accueil/hébergement). Ces
région, l’Office Rwandais de Tourisme et des zones de chasse contribuent ainsi à la gestion
Parcs Nationaux (ORTPN) a été créé en 1973. durable de la faune et de la biodiversité dans
Le Gabon s’est aussi doté de l’ANPN (Agence son ensemble.
Nationale des Parcs Nationaux) en 2007 puis Dans un contexte où les administrations
le Congo de l’ACFAP (Agence Congolaise de en charge de la gestion des aires protégées ne
la Faune et des Aires Protégées) en 2010 et le possèdent ni les moyens humains, ni les moyens
Burundi de L’Office Burundais pour la Protec- financiers et matériels de gérer l’ensemble des
tion de l’Environnement (OBPE) en 2014. aires protégées sous leur juridiction, la dévolu-
Aujourd’hui, les difficultés financières des tion de certaines responsabilités aux populations
états et le manque d’investissement dans les rurales et à des acteurs privés devient une néces-
aires protégées, aggravés par des problèmes de sité. Cela suppose aussi d’évaluer les coûts et les
gouvernance, associés à des menaces sans cesse bénéfices (économiques, sociaux et environne-
grandissantes, incitent les états à s’orienter vers mentaux) de chaque aire protégée et d’aborder
une gestion déléguée ou partagée des aires proté- la question de leur partage entre les diverses
gées. Des délégations de gestion auprès de struc- parties prenantes. Cette question – épineuse s’il
tures privées ou d’ONGs se mettent en place ; des en est – reste d’actualité et doit être résolue au
formes de gouvernances différentes de la gouver- cas par cas, même si des principes d’équité, de
nance unique par les services étatiques mais aussi transparence et de respect mutel entre les parties
une certaine décentralisation apparaissent aussi. prenantes sont indispensables.
Certains parcs nationaux sont ainsi gérés par des Malgré toutes ces améliorations, les réseaux
structures privées en collaboration avec les admi- d’aires protégées sont fortement soumis à des
nistrations selon un mode de gestion en Partena- pressions sans cesse croissantes, qu’il s’agisse
riat Public Privé (PPP). Il s’agit notamment de de pression de chasse – dont le grand bracon-
la RDC (parcs de la Garamba et des Virunga, nage pour l’ivoire – mais aussi de pressions plus
2005), du Rwanda (parc de l’Akagera, 2008), récentes et qui vont en s’intensifiant, telles que
du Tchad (parc de Zakouma, 2010), du Congo l’émergence de projets d’exploitation minière ou
(parcs d’Odzala en 2010 et de Nouabalé-Ndoki pétrolière, voire le développement de grandes
en 2012) et de la RCA (Chinko, 2014). infrastructures telles que les barrages ou les
D’autre part, des zones de chasses gérées grands axes routiers. Pour en réduire les consé-
par des sociétés de safari privées ont été mises quences, les états disposent parfois d’un arsenal
en place dans des pays comme le Cameroun et juridique et de procédures comme les études
la RCA. S’il ne s’agit pas à proprement parler d’impact sur l’environnement. Les perspec-
d’aires protégées, les opérateurs économiques tives de développement économique et d’em-
contribuent à la surveillance de ces sites et à ploi apportées par l’exploitation de ces mines
leur conservation, participant à une stratégie sont très importantes pour les pays et entrent
générale de gestion durable de la biodiversité. en conflit avec une affectation des terres en
Des sites communautaires ouverts au tourisme faveur de la conservation de la biodiversité et
cynégétique, tels que les COVAREF (Comités de sa valorisation durable. Les aires protégées
de Valorisation des Ressources Faunistiques) doivent en effet s’attendre à faire face à de fortes
au Cameroun ou les Zones Cynégétiques Villa- augmentations des pressions directes (entrées en
geoises (ZCV) en RCA permettent de générer forêt, déboisements) et indirectes (pression de la
des revenus auprès des populations locales sur chasse alimentaire, pression des défrichements
les taxes de chasse payées par les touristes (en agricoles, etc.) sur leur intégrité écologique.
Leur existence même peut être remise en ques- de riches ressources minières auxquelles le pays
tion car les pays de la région ont exprimé une devra renoncer.
volonté forte de développement économique Les réseaux d’aires protégées devront ainsi
vers l’émergence d’ici les années 2030. Ces poli- être justifiés quant à leur existence même : ils
tiques tendent à entériner des pressions accrues, doivent à la fois montrer qu’ils font partie des
que l’on dit inévitables, sur leurs ressources piliers incontournables du développement et
naturelles. De fait, l’importance de la conserva- qu’ils remplissent des rôles essentiels pour la
tion et de l’utilisation durable de la biodiversité survie du patrimoine naturel et des sociétés
comme facteurs de développement socio-écono- humaines des pays en question. C’est là que la
mique n’est pas encore pleinement intégrée. réalisation d’un état des lieux périodique des
La plupart des pays continue d’autre part à aires protégées de la région trouve une grande
affirmer une volonté d’augmenter la superficie part de sa justification. Il s’agira à terme de
totale des aires protégées. Ainsi, la RDC annon- mettre en place une comptabilité nationale
çait à Bonn en 2008 sa volonté de créer de 13 à des aires protégées – qu’elle soit écologique,
15 millions d’hectares d’aires protégées supplé- sociale ou économique – qui permette d’affirmer,
mentaires, afin d’atteindre une couverture d’aires de présenter et de suivre l’importance de ces
protégées d’environ 17 % de son territoire, réseaux d’aires protégées pour le développement
conformément à ses engagements internatio- durable de l’Afrique centrale. Le RAPAC a bien
naux. L’insertion des communautés locales dans compris cela en initiant ce premier état des lieux
cette démarche sera un élément crucial. Cette des aires protégées de la région en partenariat
décision nécessitera aussi des arbitrages écono- avec l’OFAC (Observatoire des Forêts d’Afrique
miques difficiles dans les secteurs protégés ayant Centrale), sous l’égide de la COMIFAC.

Bibliographie
De Mérode E. & Languy M., 2009. Virunga : the sur- Gartlan S., 1989. La conservation des écosystèmes fo-
vival of Africa’s first national park. Antique Collec- restiers du Cameroun. UICN, Gland, Suisse et Cam-
tors Club : 350 p. bridge, Royaume-Uni : 186 p.
Doungoube G., 1991. Situation des aires protégées Hecketsweiler P., Doumenge C. & Mokoko Ikonga
ou proposées de la République Centrafricaine. Rap- J., 1991. Le parc national d’Odzala, Congo. UICN,
port MEFCPT, Direction de la faune, Bangui, Répu- Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni : xiv +
blique Centrafricaine : 47 p., 6 p. annexes. 334 p.

15
RÉPUBLIQUE
DU BURUNDI
Jean-Marie Vianney NSABIYUMVA,
Jean-Claude RIVUZIMANA, Charles DOUMENGE
et Adélaïde LARZILIERE

Avec la contribution de : Michel ARBONNIER


18
Le Burundi est un petit pays enclavé et largement montagneux. C’est l’un des pays
les plus pauvres de la planète, avec une densité de population humaine parmi les
plus élevées du continent. Le pays a bénéficié en 2009 de l’annulation de sa dette
mais celle-ci a retrouvé un niveau alarmant en 2015. L’économie burundaise est
dominée par le secteur agricole (café, thé), un secteur consommateur de terres et
très sensible aux variations des conditions climatiques, aux variations des cours
des produits commercialisés et à celles des taux de change. Une grande partie de
la population burundaise vit de l’agriculture vivrière et de l’élevage. Du fait de ce
besoin en terres agricoles, l’environnement d’une vaste partie du pays a été profon-
dément modifié.

Malgré cela, quelques régions naturelles Le Burundi a traversé des périodes de


méritaient l’attention des autorités politiques et profonde instabilité mais le dialogue entre le
un réseau d’aires protégées a été instauré afin de pouvoir en place et l’opposition s’est rétabli
protéger les écosystèmes naturels résiduels ainsi progressivement au cours de l’année 2013. La
que des écosystèmes anthropisés conservant situation politique demeure toutefois fragile,
certains éléments de la biodiversité originelle. Le surtout à l’approche des élections générales
Burundi a également signé et ratifié différentes prévues en 2015. Toute instabilité politique
conventions et traités internationaux, et inter- serait défavorable à une bonne gestion des aires
nalisé une partie d’entre eux à travers des plans protégées ainsi qu’à leur valorisation via des
d’actions et stratégies nationales. activités touristiques (qui pourraient pourtant
Malgré ces efforts apparents, le constat est permettre au pays de bénéficier de sources de
pourtant que la biodiversité des aires proté- revenus additionnelles pour le soutien de l’éco-
gées du Burundi est en continuelle dégradation nomie nationale et locale).
suite aux divers conflits entre les communautés
locales et les gestionnaires des aires protégées, 1. Contexte des aires protégées
liées notamment aux mesures de gestion coer-
citive empêchant l’exploitation des ressources 1.1 Contexte politique
naturelles par les populations riveraines (INECN,
2008). Suite aux échecs constatés par la politique Depuis la fin des années 2000, le Burundi a
répressive de conservation, le gouvernement a développé une politique de sauvegarde de la
orienté sa politique de gestion des aires protégées biodiversité et de développement d’un réseau
vers une cogestion entre l’État et les commu- d’aires protégées tenant compte des spécifi-
nautés locales. Ce type de gouvernance répond cités nationales. À long terme, le gouvernement
à la variété des droits reconnus par une société a défini le cadre politique du développement
démocratique et manifestés par le partage d’au- économique et social du pays à travers la « Vision
torité et de responsabilité de gestion entre l’État Burundi 2025 ». Ce document indique que le pays
et les communautés locales (INECN & APRN/ mettra en place une politique environnementale
BEPB, 2011). Malgré ces avancées notables vers agressive afin d’assurer une gestion durable des
un partage du pouvoir et des avantages procurés ressources naturelles. Le Burundi s’est ainsi fixé
par les aires protégées, ces dernières restent comme objectif, qu’en 2016, au moins 15 %
fortement soumises à diverses pressions. des zones terrestres et d’eaux intérieures seront
Pays Burundi
Superficie 27 834 km² dont superficie terrestre 25 834 km²
Variation d’altitude 775 m - 2 670 m (Rivuzimana, 2014)
Population 8 053 574 habitants (ISTEEBU, 2008)
Densité moyenne d’habitants 289 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale 10/90
Bujumbura (497 166 hab.), Gitega (41 944 hab.),
Villes principales
Ngozi (42 835 hab. ; ISTEEBU, 2008)
PIB/habitant 267 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,389 ; 180/187 pays (PNUD, 2014)
Principales activités économiques Agriculture
Superficie de végétation naturelle
22 000 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
1 000 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
2 947 espèces, 20 endémiques (MEEATU, 2013),
Phanérogames
7 espèces de plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames 246 espèces (MEEATU, 2013)
Champignons 110 espèces (INECN, 2013)
143 espèces, 17 endémiques (MEEATU, 2013),
Mammifères
11 espèces menacées (UICN, 2014)
722 espèces, 23 endémiques (MEEATU, 2013),
Oiseaux
13 espèces menacées (UICN, 2014)
115 espèces (MEEATU, 2013), 0 espèces menacées
Reptiles
(UICN, 2014)
69 espèces (MEEATU, 2013),
Amphibiens
5 espèces menacées (UICN, 2014)
270 espèces, 201 endémiques (MEEATU, 2013),
Poissons
17 espèces menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

conservées dans un réseau d’aires protégées, miques et en garantissant des avantages essentiels
gérées efficacement et équitablement à travers aux générations actuelles et futures ». À plus court
divers types de gouvernance (INECN, 2012). terme, le Cadre Stratégique de Croissance et de
La Stratégie Nationale et Plan d’Action en Lutte contre la Pauvreté (CSLPII) assure aussi la
matière de Diversité Biologique (SNPA-DB), dont protection des espèces et des populations mena-
une première version datait de l’an 2000, a été cées, la protection des zones riches en biodiversité
révisée en 2013 et définit ainsi sa vision pour la ou d’intérêt particulier, la promotion d’un usage
conservation de la biodiversité nationale : « d’ici à traditionnel des ressources biologiques compatible
2030, la diversité biologique est restaurée, conser- avec les impératifs de leur conservation et de leur
vée et utilisée rationnellement par tous les acteurs, utilisation durable et l’introduction d’espèces exo-
en assurant le maintien des services écosysté- tiques sans effets dégradateurs ou nuisibles.

19
20
D’autres documents participent à cet engage- du 10 septembre 2011 portant commerce de
ment national : le Plan d’Action National d’Adap- faune et de flore sauvages, la loi 1/010 du 30 juin
tation aux changements climatiques « PANA » 2000 portant Code de l’environnement, le décret
dont six actions prioritaires concernent la préser- 100/007 du 25 janvier 2000 portant délimitation
vation de la biodiversité, la Stratégie Nationale et d’un parc national et plusieurs réserves natu-
Plan d’Action National de Lutte contre la dégra- relles, le décret-loi 1/033 du 30 juin 1993 portant
dation des sols (SP-LCD), la Politique forestière protection des végétaux, et la loi 1/02 du 25 mars
pour la pérennisation des ressources forestières 1985 portant Code forestier (MEEATU, 2013).
existantes et le développement de nouvelles Les aires protégées sont ainsi réparties dans
ressources, la Stratégie Nationale et Plan d’Ac- cinq des catégories de l’UICN (Union Internatio-
tion en matière d’Education Environnementale nale pour la Conservation de la Nature) à savoir
et de Sensibilisation et la Politique sectorielle les parcs nationaux (catégorie II), les réserves
du Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de naturelles intégrales ou sauvages (Ia et b), les
l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme monuments naturels (III), les réserves naturelles
(MEEATU,2013). Ces documents intègrent gérées pour l’habitat, la faune ou la flore (en
différemment les préoccupations de la gestion particulier des réserves naturelles forestières,
de la biodiversité à savoir sa conservation, son IV) et les paysages protégés (V). Les termes
utilisation durable et le partage juste et équitable « réserves naturelles » sont généralement utilisés
des avantages qui en découlent mais témoignent dans la terminologie internationale pour désigner
tous de l’engagement politique du Burundi en des aires protégées gérées principalement à des
matière de sauvegarde de la biodiversité depuis fins de protection de la biodiversité mais aussi
les années 2000. à des fins scientifiques ; toute autre intervention
humaine étant exclue (catégorie I de l’UICN).
1.2 Législation et réglementation Ces termes prennent toutefois un autre sens dans
les textes de création de certaines réserves natu-
Le gouvernement du Burundi s’est doté relles du Burundi, car ceux-ci prévoient « certains
de divers outils juridiques pour la gestion des droits d’usage susceptibles d’être exercés par les
ressources naturelles et de la biodiversité même populations riveraines sans pour autant mettre en
si des lacunes existent encore dans ce domaine. danger l’atteinte des objectifs de conservation »
Le cadre légal actuel de la gestion des aires (par exemple : art. 4 du décret 100/115 du 12 avril
protégées fait référence en premier lieu à la loi 2011 portant création de la réserve naturelle fores-
1/10 du 30 mai 2011 portant création et gestion tière de Mpotsa). Dans la loi burundaise, ces aires
des aires protégées, actualisant le décret-loi protégées font ainsi plutôt référence à des aires de
01/06 du 3 mars 1980. D’autres textes de loi catégorie IV de l’UICN, prévoyant certains usages
touchent aussi aux aires protégées : la loi 1/17 et une gestion active de la biodiversité.
Ces aires protégées sont régies par la loi 1/10 ronnement naturel ou au moins freiner la dégra-
du 30 mai 2011. Elles sont classées et déclassées dation environnementale et la perte de certains
par décret « lorsque la conservation de la faune, services écosystémiques, mais limite leur
de la flore, du sol, de l’atmosphère, des eaux et intérêt à long terme dans le cadre d’un réseau
en général du milieu naturel présente un intérêt d’aires protégées.
spécial et qu’il importe de le préserver contre La loi 1/10 de 2011 oblige à l’élaboration,
tout effet de dégradation naturelle et de le sous- pour chaque aire protégée, d’un plan de gestion et
traire à toute intervention artificielle susceptible d’aménagement en consultation avec les parties
d’en altérer l’aspect, la composition et l’évolu- prenantes. Ces plans doivent intégrer des mesures
tion » (art. 2). Quatre types de gouvernance sont incitatives comprenant : la promotion des droits
reconnus : les aires protégées gérées par l’État, d’usages qui ne dégradent par l’aire protégée, la
les aires protégées cogérées par l’État et les promotion des alternatives aux ressources biolo-
communautés, les aires protégées gérées par des giques vulnérables dans les villages riverains, la
communautés et les aires protégées gérées par promotion du développement socio-économique
des privés (art. 9). Les périmètres réservés aux des milieux riverains et l’éducation et la sensi-
aires protégées gérées par l’État ou cogérées ne bilisation en faveur des communautés riveraines
sont susceptibles d’aucune cession ou conces- des aires protégées (art. 26). Un mémorandum
sion à un titre quelconque (art. 46). d’accord de droits d’usages et de ses modalités
Outre ces aires protégées classiques, d’autres d’application est signé pour une durée déter-
territoires, où la conservation de la biodiversité minée et limitée par des objectifs et indicateurs
peut être envisagée, sont mentionnés dans divers précis (art. 27). Les recettes d’exploitation des
textes, plans et stratégies, tels que les jardins aires protégées sont destinées à être réinjectées
botaniques ou zoologiques et les arboreta (art. dans les activités de conservation de la nature
1, 3 et 4 de la loi 1/10 du 30 mai 2011). Ces ou de promotion du développement des commu-
derniers sont des habitats forestiers souvent arti- nautés riveraines aux aires protégées cogérées ou
ficiels, bien que parfois semi-naturels, comme gérées par l’État (art. 30).
d’ailleurs les jardins botaniques et zoologiques. Le régime juridique des aires protégées
Souvent de très petite étendue, ils peuvent parti- prévoit la protection de l’intégralité des espèces
ciper à la protection in- et ex-situ de la biodiver- d’oiseaux et des autres espèces animales et
sité nationale, complétant le réseau classique des végétales considérées comme menacées par les
aires protégées. conventions internationales et par l’organisme
Les conditions de la « mise en défens » des gestionnaires des aires protégées du Burundi (art.
terrains sont aussi précisées dans le Code fores- 5, 6 et 7), exception faite des opérations d’amé-
tier (art. 167 de la loi 1/02 du 25 mars 1985) nagement du site ou à des fins scientifiques. Les
mais uniquement à propos de questions d’éro- différentes infractions sont constatées par procès
sion et de dégradation des sols : « La mise en verbal par des agents assermentés relevant du
défens des terrains et pâturages en montagne, à ministère en charge de l’environnement (le
quelque propriétaire qu’ils appartiennent, peut MEEATU) et sont punies par des amendes entre
être prononcée par l’autorité provinciale, toutes 100 000 à 800 000 Francs Burundais ou par des
les fois que l’état de dégradation du sol ne paraît servitudes pénales allant de un à huit mois.
pas assez avancé pour nécessiter des travaux de Le décret 100/007 du 25 janvier 2000 portant
restauration ». Ces mises en défens sont tempo- délimitation du parc national de la Kibira et de
raires et sont limitées à 10 ans (art. 168), ce qui quatre réserves naturelles (Bururi, Kigwena,
peut permettre de contribuer à restaurer l’envi- Rumonge-Vyanda, Rusizi) précise les mesures

21
22
de gestion pour ces aires protégées. L’exploita- exploiter dans la zone tampon du parc dans les
tion des ressources se trouve réglementée dans la limites légales des activités minières sur le terri-
zone tampon et à l’intérieur des limites des aires toire national (art. 5). L’article 28 de ce texte de
protégées. La chasse, la pêche et la coupe de bois loi indique aussi plusieurs sites qui devraient être
sont interdites dans les limites des aires protégées classés ultérieurement mais certains n’ont été
(art. 26) et l’exploitation des terres n’est permise légalisés que relativement récemment et d’autres
qu’au delà de 1 000 mètres des limites (art. 25). ne semblent pas avoir bénéficié d’un statut de
Toutefois, la population riveraine des aires proté- protection jusqu’à ce jour.
gées pourra être autorisée à opérer des extrac- Depuis le début des années 2010, divers projets
tions de certains produits ou autres ressources soutenus par des institutions internationales
indispensables à leur vie sans préjudice pour la telles que le Programme des Nations Unies pour
sauvegarde de la diversité biologique au maintien l’Environnement (PNUE) et le Programme des
des écosystèmes (art. 26). Nations Unies pour le Développement (PNUD)
Le même décret stipule également qu’aucune ont permis la réalisation de nombreuses études
activité ne peut être menée dans la zone de protec- et la production de documents de cadrage pour
tion intégrale du parc national, sans l’accord préa- les aires protégées du pays. Afin de compléter et
lable du Conservateur (art. 6). Les partenaires d’actualiser ces instruments juridiques, un projet
voisins au parc national continueront de béné- de loi sur la biodiversité (INECN, 2013) a été
ficier de l’exercice des activités qu’ils mènent préparé mais il n’a pas encore abouti en 2015.
dans les zones qui leur sont reconnues autour Le pays a signé différents accords inter-
du parc, qu’il s’agisse d’activités agricoles ou nationaux qui touchent aux aires protégées et
d’élevage et d’activités géologiques et minières. à la protection de la biodiversité (tableau 1).
Les orpailleurs riverains sont ainsi autorisés à La signature de ces accords a servi de cadre inci-

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et
16 juin 1969 Signée en 1968
des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et
Adoptée en 2003 2007
des ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées
1er juillet 1975 1988
d’extinction (CITES)
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1982
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 2004
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 2011
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1994
Convention Cadre des Nations Unies
21 mars 1994 2001
sur les Changements Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1996
tatif à la préparation de stratégies et de plans D’autres institutions sont parties prenantes, de
d’action, dont le plan d’action pour l’application près ou de loin, dans les questions relatives aux
du programme de travail sur les aires protégées aires protégées. L’Université du Burundi, dépen-
de la Convention sur la Diversité Biologique dant du Ministère de l’enseignement supérieur et
(CDB ; INECN, 2012). de la recherche scientifique, est impliquée dans
la gestion de la biodiversité à travers les acti-
1.3 Contexte institutionnel vités des recherches que mènent la faculté des
sciences et la faculté des sciences agronomiques.
Plusieurs institutions sont concernées par les Le Ministère de l’intérieur intervient quant à lui
questions se rapportant à la biodiversité. Il s’agit dans la poursuite des infractions commises dans
des acteurs étatiques comprenant les ministères les boisements domaniaux et dans les aires proté-
et les départements ou directions associés ainsi gées. Le Ministère des finances et de la planifi-
que les provinces et les communes. D’autres cation du développement économique accorde
acteurs importants incluent les communautés annuellement un budget aux institutions étatiques
locales et autochtones, les ONGs et associations pour la protection de la biodiversité. Enfin, le
nationales et internationales, les organisations Ministère de la justice et garde des sceaux parti-
du système des Nations Unies, le secteur privé cipe au développement et à la mise en œuvre des
et les institutions universitaires et de recherche cadres réglementaires, et assure la surveillance et
(MEEATU, 2013). la conformité des textes dans le domaine de la
Le MEEATU est la structure étatique respon- biodiversité.
sable de la gestion et de la conservation de la Le Ministère de l’énergie et des mines est
biodiversité. L’Office Burundais pour la Protec- impliqué d’une manière ou d’une autre dans la
tion de l’Environnement (OBPE) a été créé tout conservation des aires protégées par la gestion
récemment en son sein, par décret 100/240 du 29 de l’exploitation des mines dans et en périphérie
octobre 2014 portant création, missions, organi- des aires protégées, qui ont un impact très impor-
sation et fonctionnement de l’Office. L’OBPE est tant sur la diversité biologique des écosystèmes.
un établissement public doté de la personnalité D’autres entités étatiques peuvent avoir un impact
juridique, d’un patrimoine propre et d’une auto- sur les aires protégées, tel que le ministère en
nomie financière et administrative, placé sous charge de l’agriculture, bien qu’ils ne soient pas
la tutelle du MEEATU avec rang de direction directement impliqués dans leur gestion.
générale. Il correspond à la fusion de l’Institut Les communautés locales sont les premières
National pour l’Environnement et la Conser- à exercer des pressions sur les ressources des
vation de la Nature (INECN) et de la Direc- aires protégées pour satisfaire leurs besoins
tion Générale des Forêts et de l’Environnement multiples. Certains membres de ces commu-
(DGFE). Sa mission principale est d’assurer la nautés sont organisés en groupement pour l’ex-
sauvegarde de l’environnement et la conserva- ploitation des ressources naturelles au sein des
tion de la biodiversité. L’OBPE crée, aménage et aires protégées, de façon autorisée ou illicite,
gère les aires protégées pour en assurer la péren- comme les bucherons et les scieurs de long,
nisation et l’exploitation à des fins touristiques. les pêcheurs, les chasseurs ou collecteurs de
Il entreprend et encourage les recherches, met produits naturels, les artisans ou les apiculteurs.
en place des mesures d’accompagnement pour Les groupes autochtones (Batwa) jouent ainsi un
le maintien de la diversité biologique et veille à rôle important dans l’utilisation des ressources
l’application des conventions nationales et inter- biologiques des aires protégées, surtout dans le
nationales relatives à la biodiversité. parc national de la Kibira. Ces derniers vivent de

23
24
diverses ressources qu’ils récoltent dans le parc de cette grande région. Ces initiatives ont déjà
et servent d’intermédiaires aux tradipraticiens permis de développer plusieurs activités en
pour la collecte des plantes et animaux utilisés appuyant les associations nationales dans la
en médecine traditionnelle. protection de la biodiversité. Le Burundi est
Plusieurs organisations nationales participent soutenu par la Belgique dans les activités de
aux activités de conservation de la biodiver- protection de la biodiversité dans le cadre du
sité sous forme d’associations sans but lucratif. mémorandum d’accord signé entre l’INECN et
Elles œuvrent dans l’encadrement des commu- l’IRScNB (L’Institut royal des sciences natu-
nautés locales pour une utilisation durable des relles de Belgique). Ce mémorandum d’accord
ressources biologiques et la promotion de meil- est intitulé « Appui aux activités de l’INECN
leures pratiques dans la gestion de la biodiversité. axées sur la recherche, l’échange d’information
Les plus actives sont notamment : l’association et la conservation de la biodiversité des aires
burundaise pour la protection des oiseaux, l’as- protégées au Burundi ».
sociation de protection des ressources naturelles
pour le bien-être de la population au Burundi, 1.4 Stratégies et programmes
l’action ceinture verte pour l’environnement, relatifs aux aires protégées
l’association burundaise pour les études d’im-
pacts environnementaux, l’association de protec- L’appui de diverses institutions internatio-
tion de l’environnement, l’organisation pour la nales dont il a été fait mention plus haut, tant d’un
défense de l’environnement au Burundi, l’asso- point de vue financier que technique, a favorisé,
ciation femme et environnement au Burundi et le depuis la fin des années 2000, une forte mobili-
réseau Burundi 2000. sation dans le domaine de l’environnement et des
Le Burundi est appuyé par des organisations aires protégées. De nombreux textes de lois ont
internationales, notamment le Fonds pour l’Envi- été produits, des aires protégées ont été créées et
ronnement Mondial (FEM), le PNUD, le PNUE des plans de gestion ont été préparés. Cette dyna-
et la Banque Mondiale. Ces organisations inter- mique a aussi et surtout permis d’adapter la vision
viennent comme bailleurs de fonds dans les acti- de la gestion des aires protégées au contexte du
vités de préservation des aires protégées mais pays, en particulier en terme de gouvernance et
également dans les activités d’élaboration des d’implication des communautés riveraines de ces
politiques et plans nationaux. L’UICN appuie aires protégées.
également des associations nationales œuvrant Un premier cadre stratégique relatif à la biodi-
dans la conservation de la nature. Les autres orga- versité avait été préparé au début des années 2000
nisations non-gouvernementales les plus actives mais il n’a jamais été réellement mis en œuvre. Il
sont la Wildlife Conservation Society (WCS) et la a été révisé une dizaine d’années plus tard, avec
Société de conservation du rift Albert (ARCOS) de nouveaux espoirs quant à une meilleure effica-
qui mènent des interventions diverses de conser- cité. Les axes stratégiques de l’actuelle stratégie
vation dans les aires protégées. nationale et du plan d’action sur la biodiversité
Plusieurs initiatives régionales sont en train de sont les suivants (MEEATU, 2013) :
naître en Afrique. Le Burundi fait actuellement • la gestion des causes sous-jacentes de l’appau-
partie de la Commission des Forêts d’Afrique vrissement de la biodiversité à travers l’impli-
centrale (COMIFAC) et de l’Initiative du Bassin cation et l’engagement de toutes les parties
du Nil (IBN). Le pays participe également au prenantes à tous les niveaux ;
Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo • la réduction des pressions directes exercées sur
(PFBC) dont l’objectif est de protéger les forêts la biodiversité et les ressources biologiques ;
• l’amélioration de l’état de la diversité biolo- parc national de la Kibira), la réserve forestière
gique en sauvegardant les écosystèmes, les de Bururi en 1951 et la réserve forestière de
espèces et la diversité génétique ; Kigwena en 1954. À cette époque, le législateur
• la valorisation des avantages tirés de la diver- mettait l’accent sur la protection des sols contre
sité biologique et des services fournis par les l’érosion et la conservation de la faune. Leur
écosystèmes ; existence ne fut réellement effective qu’après
• le renforcement de la mise en œuvre, au l’indépendance, en 1962, mais il faudra attendre
moyen d’une planification participative, de la encore une vingtaine d’années pour que le cadre
gestion des connaissances et du renforcement politique devienne favorable à la protection de
des capacités. l’environnement avec la promulgation du décret-
loi 01/06 du 3 mars 1980. Ce décret-loi institue
Cette stratégie fait appel à plusieurs acteurs un cadre formel pour la création et la gestion des
mais le MEEATU reste le principal intervenant aires protégées dans le pays. L’Institut National
dans sa mise en œuvre. Si cette stratégie et ce pour la Conservation de la Nature (INCN), en
plan d’action de 2013 ont le mérite de fixer un charge des aires protégées, sera ainsi créé par le
cap, un cadre de travail, il reste encore au nouvel décret-loi 100/47 du 3 mars 1980. Il deviendra
OBPE à les mettre en œuvre le plus largement l’INECN en 1989 (décret 100/188 du 5 octobre
possible. 1989) et, en 2015, l’OBPE. La promulgation de
ce décret-loi de 1980 a été suivie, en 1985, par
2. Le réseau des aires protégées la publication du Code forestier, qui prévoyait la
création de forêts protégées, de réserves fores-
2.1 Historique tières et de zones de reboisement.
En 1990, les conflits entre l’INECN et les
Le territoire constituant actuellement le populations riveraines deviennent difficiles à
Burundi était recouvert par une végétation très gérer du fait de la suppression des droits d’usage
diversifiée et abritait par le passé une faune et de la non-indemnisation des populations expro-
typique des savanes et des forêts africaines. priées, qui multiplient les infractions dans les
Si la faune aviaire reste encore très riche, les aires protégées. L’INECN tente alors de mettre
grands mammifères tels que le lion (Panthera en place des plans de gestion qui ne pourront pas
leo, Felidae) ou l’éléphant (Loxodonta africana, être appliqués du fait du déclenchement du conflit
Elephantidae) ont disparu depuis longtemps du armé en 1993. L’INECN mettra ensuite en place
fait du fort impact des activités humaines sur le concept de « paysage protégé » dans le but de
ces paysages. gérer les conflits avec les populations riveraines.
Trois réserves forestières furent établies L’objectif de gestion est de « garantir un équi-
durant la période coloniale : la réserve forestière libre entre l’homme et la nature en protégeant la
de la ligne de partage Congo-Nil en 1933 (actuel couverture végétale naturelle et en encourageant

25
26
l’utilisation rationnelle des ressources fores- il semble que cette aire protégée n’ait jamais été
tières » (Nzigidahera, 1994). Quatre « paysages légalisée. Malgré cela, un plan de gestion a été
protégés » furent ainsi instaurés en 1996 pour élaboré en 2005 (Nzigidahera & Fofo, 2005).
compléter le réseau : les paysages protégés de Elle fait maintenant partie du paysage aquatique
Gisagara, Mabanda-lac Nyanza lac, Mukungu- protégé du Nord. Comme signalé plus haut, les
Rukambasi et Kinoso. « réserves naturelles » du pays sont présentées
dans divers documents du pays comme relevant
2.2 Le réseau actuel de la catégorie « I » de l’UICN mais elles ont été
des aires protégées reclassées dans le tableau ci-dessous en catégorie
« IV », leur catégorie effective de gestion.
Actuellement, le Burundi compte 16 aires L’essentiel des écosystèmes naturels résiduels
protégées (tableau 2 et figure 1) réparties en du Burundi est bien représenté dans les aires
quatre catégories au statut de conservation plus protégées du pays, hormis certains écosystèmes
ou moins fort et impliquant de manière différente montagnards (prairies, marais). Plus de 90 %
les parties prenantes à la gestion de ces terri- des forêts denses humides de montagne sont
toires. Ce réseau d’aires protégées occupe une intégrées dans les aires protégées, ainsi que les
superficie d’un peu plus de 143 000 ha, soit 5,1 % plus importantes forêts résiduelles bordant le
du total du territoire national et quasiment 30 % lac Tanganyika et un peu plus de 40 % des forêts
du total des écosystèmes naturels disponibles claires. Environ 10 % des lacs et rivières du pays
(MEEATU, 2013). sont aussi inclus dans le réseau grâce à l’effort
À ce réseau s’ajoutent deux arboreta (75 ha). consenti par la création du paysage protégé aqua-
De par la loi, les arboreta pourraient être inclus tique de Bugesera (MEEATU, 2013).
dans ce réseau mais leur superficie est faible Comme nous l’avons signalé précédemment,
et leur contribution effective à la protection de la grande faune du pays est très appauvrie.
la biodiversité n’est pas documentée ; il pour- Les hippopotames (Hippopotamus amphibius,
rait en effet s’agir largement voire uniquement Hippopotamidae) sont encore présents dans le
d’espèces exotiques. Nous les avons donc main- parc national de la Rusizi, mais en nombre réduit,
tenus en dehors des statistiques présentées dans ainsi que des guibs harnachés (Tragelaphus
le tableau 2. scriptus, Bovidae) et des sitatunga (T. spekei).
Article 28 de la loi 100/07 du 25 janvier 2000 Une dizaine d’espèces de primates ont été identi-
mentionne, au titre des « aires déjà identifiées mais fiées dans le parc national de la Kibira, alors que
dont la délimitation n’est pas encore terminée » celui de la Ruvubu protègerait encore des buffles
une « réserve naturelle gérée de Rwihinda » mais (Syncerus caffer, Bovidae) ou le cobe à croissant

Tableau 2 – Les aires protégées du Burundi

Catégorie % du total des aires


Catégorie Nombre Superficie (ha)
UICN protégées (en superficie)
Parcs nationaux II 3 101 473 70,8
Monuments naturels III 2 742 0,5
Réserves naturelles IV 6 14 111 9,8
Paysages protégés V 5 26 937 18,8
TOTAL 16 143 263 100
(Kobus ellipsiprymnus, Bovidae) et, parmi les le réseau d’aires protégées, celles-ci sont pour
grands prédateurs : le léopard (Panthera pardus, la plupart de petite taille et ne permettent donc
Felidae), le lycaon (Lycaon pictus, Canidae) et la pas de préserver efficacement les écosystèmes
hyène tachetée (Crocuta crocuta, Hyenidae). qu’elles contiennent, ni d’assurer la viabilité des
Malgré tout, plus de 95 % des espèces d’oi- populations animales et végétales.
seaux recensés dans le pays ont été retrouvées Les quelques grandes aires protégées ont des
dans les aires protégées. Les parcs nationaux formes très allongées et par conséquent peu adap-
de la Kibira, de la Ruvubu et de la Rusizi, la tées à la mise en place de zones refuges pour la
réserve naturelle forestière de Bururi ainsi que le grande faune résiduelle ou pour la faune limitée
lac Rwihinda (inclus dans le paysage aquatique à des habitats non perturbés par les activités
protégé du Nord) ont été identifiés en tant que humaines. La forte densité de population sur tout
sites particulièrement importants pour la conser- le territoire national interdit aussi toute possibi-
vation des oiseaux car ils protègent des espèces lité d’établir des corridors migratoires entre les
endémiques du rift Albert et des espèces à aire de aires protégées et des zones de transition entre les
répartition plus large mais en danger de dispari- écosystèmes (UICN, 2011).
tion. Le parc de la Kibira et la réserve de Bururi Suite à la signature de la convention sur les
sont particulièrement importants pour la protec- zones humides d’importance internationale (ou
tion des espèces typiques des forêts de montagne convention de Ramsar), le pays a inscrit le parc
(Hakizimana et al., 2010). national de la Rusizi au titre de cette conven-
Il faut aussi souligner que, même si les écosys- tion ainsi que, plus récemment, trois autres sites
tèmes sont globalement bien représentés dans (Ruvubu, paysage aquatique du Nord, Malaga-

Figure 1 – Les aires protégées du Burundi *

)
" Capitale

! Chef-lieu de province ou de région

Cours d'eau
7
Eau libre

7 Paysage à haute valeur de conservation

7 Aire protégée

Parc national
1
Autre aire protégée
4

n° Nom
1 Ruvubu
2 Bururi
4 Rusizi

2 5 Rumonge
5
6 Kigwena
6
7 Kibira

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées


du fait du manque de données géolocalisées

27
28
razi ; tableau 3). Bien que les tambours du Burundi l’ignorance de la valeur de la biodiversité et de
aient été inscrits fin 2014 sur la liste du ­patrimoine son rôle dans la croissance de l’économie natio-
mondial immatériel, le pays ne dispose pas de site nale et dans la survie des communautés.
naturel. Il a toutefois soumis plusieurs sites dans
sa liste indicative. Le Burundi n’a pas non plus 3. Organisation de la gestion
mis en place de réserve de la biosphère (réseau des aires protégées
de réserves affilié au programme L’Homme et
la biosphère de l’Unesco, l’organisation des 3.1 Gouvernance et
Nations Unies pour l’éducation, la science et systèmes de gestion
la culture). Enfin, si le pays est membre de la des aires protégées
COMIFAC et s’est engagé dans le PFBC, il n’est
pas encore membre du Réseau des Aires Proté- Quatre types de gouvernance des aires
gées d’Afrique Centrale (RAPAC). protégées sont reconnus par l’article 9 de la
Les aires protégées burundaises sont, dans leur loi 1/10 du 30 mai 2011 : les aires protégées
ensemble, menacées par les défrichements cultu- gérées par l’État, les aires protégées cogérées,
raux à la recherche de terres arables, les coupes les aires protégées gérées par des privés et les
illicites de bois pour divers usages, le braconnage aires protégées gérées par des communautés.
et la pêche abusive, les feux de brousse incon- Il semblerait que, suite à cette loi, l’intégra-
trôlés, l’introduction et la propagation d’espèces lité des aires protégées des catégories UICN
envahissantes, la pollution suite à la libération soit à présent sous cogestion entre l’État et les
de produits toxiques dans le sol ainsi que par communautés locales (tableau 4) mais cela reste
les changements climatiques qui ne manqueront à confirmer au cas par cas par une évaluation
pas de les impacter (INECN, 2012 ; MEEATU, détaillée des dispositions réglementaires et leur
2013). Parmi toutes ces menaces, la déforestation application effective.
est la plus préoccupante. La gouvernance des aires cogérées par l’État
Hormis ces causes directes de dégradation, et les populations riveraines est donc une gouver-
il convient de souligner que des causes plus nance en partenariat entre l’État et les popu-
profondes ont été identifiées (MEEATU, 2013), lations riveraines où l’État reste propriétaire
telles que la pauvreté des communautés rurales et terrien et responsable de la gestion au quotidien de
urbaines, la mauvaise gouvernance dans la gestion l’aire protégée (art. 12). Pour chaque aire protégée
de la biodiversité, une concertation encore trop cogérée, un comité d’appui est mis en place avec
faible dans la planification du développement ou une composition de trois agents de l’organisme

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international Inclus dans


dans le pays les aires protégées
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 0 0 0 0
Sites Ramsar 4 78 515 78 515 54,8
Réserves de la biosphère 0 0 0 0
Sites RAPAC 0 0 0 0
Le Parc national de la Rusizi
JMV Nsabiyumva & JC Rivuzimana

Le parc national de la Rusizi a été créé en 1980 tèmes du Burundi. Le parc constitue surtout un
sur 8 000 ha pour sauvegarder les marais et les site ornithologique pour plusieurs oiseaux migra-
autres milieux naturels de la plaine de la Rusizi, le teurs et sédentaires. Il offre aux visiteurs plusieurs
long du lac Tanganyika, sur lesquels s’exerçaient points de vue magnifiques sur la Rusizi, le lac Tan-
d’importantes pressions anthropiques (INECN & ganyika et les lagunes de Gatumba, et offre des
APRN/BEPB, 2011). Sa superficie a ensuite été possibilités de randonnées dans les savanes et les
réduite à 5 932 ha et le statut modifié pour devenir formations arborées ou le long des plages. L’obser-
la réserve naturelle de la Rusizi. Le décret 100/282 vation des hippopotames dans la rivière Rusizi, de
du 14 novembre 2011 portant modification de cer- l’embouchure au Pont de la Concorde, constitue
taines dispositions du décret 100/007, requalifiera une véritable aubaine pour les amateurs de nature.
la réserve naturelle en parc national de la Rusizi, Compte tenu de son accessibilité et de sa proximité
portant la superficie de 5 932 ha à 10 673 ha. de Bujumbura, il dispose aussi d’un fort potentiel
Ce parc a pour but de protéger les formations scientifique et éducatif pour les universités et les
naturelles particulières de la vallée de la rivière écoles de la ville. Actuellement, seul le secteur du
dont il porte le nom, au nord du lac Tanganyika. delta est visité tandis que celui de la Palmeraie,
Ces formations incluent des marais à Phragmytes faute d’infrastructure d’accueil, reste peu exploité.
et Typha, de grandes Poaceae atteignant plusieurs Les produits forestiers non ligneux font l’objet
mètres de haut, des palmeraies à Hyphaene peter- d’une exploitation par les populations riveraines.
siana et des savanes arborées. Le delta de la Rusizi L’INECN (actuellement OBPE) prélève des taxes
héberge l’une des deux seules populations d’hip- sur l’exploitation des Phragmytes, des terres sa-
popotames du Burundi ainsi que quelques anti- lées et des produits de la pêche. L’exploitation des
lopes (guib harnaché, sitatunga) et des crocodiles Phragmytes constitue une réelle source de revenus
(crocodile du nil, Crocodilus niloticus, et faux pour les familles car il est très recherché pour la
gavial Mecistops cataphractus, Crocodilidae). Les construction des maisons et des clôtures de Bujum-
oiseaux constituent la partie la plus visible et la bura. Les recettes d’un vendeur peuvent atteindre
plus importante de la biodiversité animale avec, en 40 $US par jour (Nzigidahera, 2003). Les palmiers
particulier, 120 espèces d’oiseaux nicheurs et plus Hyphaene sont également très recherchés pour la
de 90 espèces d’oiseaux migrateurs (dont certaines fabrication de clôtures, de porte ou de mobiliers,
en concentrations supérieures à 100 000 individus etc. ; toutes ces parties sont utilisées d’une manière
en périodes de passage). ou d’une autre.
L’objectif du parc est de maintenir les processus Plusieurs mesures incitatives ont été mises en
naturels dans un état non perturbé à des fins scienti- place dans le parc afin de favoriser une exploita-
fiques et de surveillance de l’environnement, de pré- tion durable alliant amélioration des conditions de
server les ressources génétiques dans un état naturel vie et conservation (droits d’usage, identification
d’évolution et de protéger le site contre la dégrada- d’espèces alternatives et promotion du développe-
tion des sols. Ce parc est un parc péri-urbain, situé ment socio-économique). La mise en œuvre d’une
en périphérie de Bujumbura, et de ce fait soumis gestion efficiente et de mesures incitatives pour la
à de nombreuses pressions telles que la chasse et protection du parc nécessite un meilleur engage-
la pêche, la collecte de roseaux et autres produits ment du gouvernement, des communautés locales
issus des écosystèmes naturels, la collecte de bois et des autres acteurs. Le plan de gestion du parc
de construction ou de bois de feu, le pâturage des s’oriente donc vers un mécanisme de financement
bovins, l’extraction de sel, la spéculation foncière… opérationnel et durable, le renforcement des ca-
Le parc dispose d’atouts touristiques malheu- pacités institutionnelles et communautaires, et la
reusement non exploités. La forêt de palmier sau- mise en place d’un système de suivi et évaluation
vage forme un paysage unique parmi les écosys- participatif.

29
30
ayant la conservation de la nature dans ses attri- tants des communautés locales occupant les 40 %
butions, trois agents de l’administration locale et des sièges restants. Ces communautés participent
quatre représentants élus des populations rive- dans la cogestion à travers des comités démo-
raines. Dans le cadre de la cogestion, le mandat cratiquement élus au niveau des collines et des
des populations et communautés locales est le communes. Des accords particuliers peuvent être
suivant (art. 17) : signés chaque fois que nécessaire entre l’organisme
• « assurer la concertation et participation de ayant la conservation de la nature dans ses attribu-
tous les concernés dans les activités de conser- tions et les communautés afin d’améliorer la parti-
vation ; cipation de ces dernières et d’encadrer de manière
• inciter toutes les couches de la population à adéquate des activités spécifiques. Toutefois, ces
participer dans l’activité de conservation ; dispositions, si elles partent de la reconnaissance
• appuyer les responsables de gestion de l’aire que l’État ne saurait protéger la biodiversité du
protégée dans la gestion et planification des pays sans l’appui des communautés locales, ne
activités de la réserve ; sont pas encore réellement mises en pratique dans
• assurer la résolution de conflits entre les la plupart des aires protégées du pays.
communautés et l’aire protégée ; Malgré l’existence de cette loi sur la gouver-
• servir de chambre pour recueillir les doléances nance des aires protégées, le premier obstacle
et dénonciations ; à leur conservation reste la mauvaise gouver-
• donner rapport au gestionnaire de l’aire nance. Le manque de dialogue entre les parties
protégée et à l’organisme ayant la conservation prenantes, les interdictions policières souvent
de la nature dans ses attributions ; utilisées dans la gestion et sources des conflits
• servir de porte étendard dans les autres entités avec les communautés locales prédominent
administratives ; encore (INECN, 2012).
• participer dans la désignation des personnes L’arboretum de Bujumbura est le seul site
susceptibles de devenir membres du conseil connu qui soit sous la gestion d’un opérateur
d’administration de l’organisme ayant la privé. Il a été créé par la Société Procobu sur un
conservation de la nature dans ses attributions. » terrain en location sans option d’achat accordé
Dans cette cogestion, l’État est représenté par par le Ministère de l’Aménagement du Territoire
l’OBPE et l’administration locale à hauteur de 60 % en 2002. Une collaboration technique a été mise
des membres du comité de gestion ; les représen- en place avec l’OBPE.

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées du Burundi

Type de Institutions et groupes Nombre Superficie des aires


gouvernance de gestion impliqués * d’aires protégées protégées (ha)
Gouvernementale - - -
Privée - - -
Communautaire - - -
OBPE (ex-INECN),
Partagée ** 16 143 263
communautés locales et ONG
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles
Sur un total de 16 aires protégées, 9 d’entre de la Rusizi était élaboré dans le cadre du projet
elles bénéficient de documents d’aménagement « Promotion d’une gouvernance participative
(tableau 5). En 2002, une étude de cas d’aménage- de la réserve naturelle de la Rusizi » financé par
ment forestier a été réalisée pour le parc national l’UICN (INECN & APRN/BEPB, 2011). Un autre
de la Kibira (Nzojibwami, 2002). En 2009, plan de gestion a été élaboré plus récemment, en
plusieurs plans d’aménagement ont été rédigés 2013, concernant toute la dépression de Kumoso,
dans le cadre du « Projet d’appui à l’action du pays incluant les aires protégées de Gisagara, Kinoso,
pour la mise en œuvre du programme de travail Mabanda et Malagarazi (INECN, 2013).
sur les aires protégées de la convention de la diver- Malgré les efforts considérables pour la prépa-
sité biologique » financé par le PNUD/FEM : ration des plans d’aménagement et de gestion des
• plan de gestion des monuments naturels de principales aires protégées, ceux-ci ne sont pas ou
l’Est (INECN, 2009a) très marginalement mis en application. Diverses
• plan de gestion du paysage protégé aquatique raisons sont invoquées dont les difficultés d’appui
du Nord (Bugesera ; INECN, 2009b) de la part des autres services de l’État mais surtout
• plan de gestion du paysage protégé de Gisa- le manque de moyens humains (en quantité et
gara (INECN, 2009c) en compétence), matériels et financiers (UICN,
• plan de gestion de la réserve naturelle de Mala- 2011 ; MEEATU, 2013). L’exemple des sites
garazi (INECN, 2009d). Ramsar est révélateur à ce sujet : ce sont les seuls
qui bénéficient d’une reconnaissance internatio-
En 2011, le plan de cogestion et mesures inci- nale mais ils ne semblent pas mieux lotis que les
tatives pour la protection de la réserve naturelle autres aires protégées du pays (Ramsar, 2015).

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours Evalué et révisé
Aucun Réalisé (date)
de préparation (date)
Parcs nationaux 1 0 2 (2002 et 2011) 0
Réserves naturelles 5 0 1 (2009/2013) 0
Monuments naturels 0 0 2 (2009) 0
Paysages protégés 1 0 4 (2009 et 2013) 0

31
32
3.2 Moyens disponibles communautaires de gestion. On observe égale-
ment une insuffisance de compétences nécessaires
3.2.1 Ressources humaines pour l’élaboration et la mise en œuvre des plans
et matérielles de gestion et d’aménagement des aires protégées.
Sur les 11 responsables des aires protégées,
Le personnel des aires protégées comprend seulement 3 sont de niveau universitaire, un
des cadres et agents chargés de leur gestion, et biologiste pour le parc national de la Rusizi, un
un personnel d’appui et de surveillance des aires ingénieur agronome pour le parc national de la
protégées. Le tableau 6, qui devrait reprendre Kibira et un ingénieur industriel pour le paysage
l’évolution du personnel en charge des aires proté- aquatique protégé du Nord. Cette situation est
gées n’a pas pu être rempli faute d’informations inquiétante dans la mesure où le responsable
fiables. Il est toutefois bien admis que, sur le terrain d’une aire protégée est non seulement confronté
les aires protégées ne disposent pas de toutes les à la gestion quotidienne mais doit aussi identi-
ressources humaines exigées par la loi notamment fier et coordonner les activités conduisant notam-
un responsable chargé du suivi écologique, un ment à la connaissance et à la préservation du
responsable de la surveillance et un responsable patrimoine biologique (identification, inventaire,
de l’intégration publique en charge des comités conservation, etc. ; MEEATU, 2013).

Tableau 6 - Évolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - - - - - 11 -
Cadres moyens - - - - - - - - - -
Gardes et écogardes - - - - - - - - - -
Total - - - - - - - - - -
- : données non disponibles

3.2.2 Financements développer une stratégie et un plan d’action pour


la biodiversité (MEEATU, 2013 ; tableau 7) mais
Malgré un engagement public qui s’est aussi des plans de gestion des aires protégées
renforcé au cours du temps, le financement de la comme il a été souligné plus haut.
gestion de la biodiversité se limite au paiement Plusieurs pistes sont susceptibles de consti-
des salaires de son personnel. La part du budget tuer des sources importantes de financement
alloué au ministère en charge de l’environne- à travers le paiement des services des écosys-
ment dans le budget général de l’État a augmenté tèmes, le mécanisme REDD+ (Réduction de la
progressivement, passant de 0,5 % en 2008 à déforestation et de la dégradation forestière), le
3,1 % en 2011 et 2,3 % en 2012. Le pays a toute- mécanisme de compensation de la biodiversité,
fois bénéficié d’un appui important du FEM et les mécanismes supplémentaires, et le droit sur
du PNUD qui a permis, entre autres choses, de la bioprospection (MEEATU, 2013).
Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées du Burundi

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
État - - - - - -
Amélioration
Stratégies de
de l’efficacité
conservation,
du système de FEM/PNUD - - -
plans d’actions,
gestion des aires
plans de gestion
protégées
Partenaires Révision de
la stratégie Stratégies
nationale de conservation,
FEM/PNUE - - -
et plan d’action plans d’actions,
sur la diversité plans de gestion
biologique
- : données non disponibles

4. Enjeux socio-économiques développement local, permettant de les insérer


autour des aires protégées dans le tissu socioéconomique. Cela permettra
aussi d’en relever le potentiel dans les straté-
4.1 Tourisme gies de développement local et de faciliter leur
insertion dans le plan global de développement
D’après l’évaluation de l’UICN réalisée en du pays. La mise en place d’une stratégie de
2011, la majorité des aires protégées reçoivent des développement touristique et la croissance des
touristes et parfois en quantité importante (estimés recettes touristiques que l’on pourrait en attendre
à environ 1 500 visiteurs par an pour la Rusizi et sont toutefois très dépendantes, non seulement
3 000 par an pour les monuments naturels de l’Est des capacités nationales ou de l’investissement
d’après leurs gestionnaires respectifs) ou du moins national ou étranger dans ce secteur d’activité
significatives (environ 150 par an pour la Ruvubu mais aussi de la stabilité politique du pays ; l’acti-
et 200 par an pour le paysage aquatique du Nord). vité touristique étant très sensible à cette stabilité
La plupart des aires protégées perçoivent les droits et à l’image de marque du pays.
d’entrée ainsi que les amendes prévus par les règle-
ments. À l’exception de la commune de Musongati 4.2 Valorisation durable
qui prélève une taxe touristique supplémentaire à de la biodiversité
l’entrée des monuments naturels de l’Est, aucune
part des recettes effectuées par les aires protégées Au Burundi, les aires protégées jouent un rôle
n’est rétribuée aux acteurs riverains puisqu’elles très important dans la vie socio-économique de
sont réacheminées en totalité vers la direction la population qui en exploite les ressources natu-
générale de l’ex-INECN. relles. Une soixantaine d’espèces végétales sont
L’application de l’article 30 de la loi 1/10 consommées sous forme de légumes, de fruits,
du 30 mai 2011 devrait permettre la réinjection de tubercules, d’épices et de boissons et plus de
des recettes d’exploitations dans les activités de 50 espèces de champignons dont notamment les
conservation de la nature ou de promotion du chanterelles (genre Cantharellus, ­Cantharellaceae).

33
34
La ­ pharmacopée traditionnelle rassemble plus de fonds issus de rentrées touristiques, par
400 espèces végétales (Bigendako et al., 1994). exemple, qu’en participant à l’amélioration des
Les plantes médicinales constituent une source de méthodes agricoles, en favorisant l’aménage-
revenus pour la population locale. Une étude menée ment de sources d’eau potables ou toutes autres
sur le marché de Gitega a ainsi dénombré 187 actions permettant de mettre en avant les retom-
espèces correspondant à 30 051 tonnes commercia- bées positives de la conservation. La sensibili-
lisées par an. Il faut toutefois noter une perte de 48 % sation et l’éducation seront également au cœur
sur ce total lié au manque de méthodes de conser- du projet des aires protégées. Cela nécessitera
vation adaptées (Nzigidahera, 2007). Plusieurs bien attendu un programme de développement
végétaux sont exploités par l’artisanat local pour la concerté et auquel les différents partenaires de
fabrication de cordage, de vannerie, d’instruments développement, notamment les autres ministères
de musique, et de meubles, notamment en rotin. concernés, les bailleurs de fonds, les ONGs,
Les grandes forêts de montagne permettent aussi peuvent s’inscrire (INECN, 2008).
d’alimenter le marché du bois d’œuvre, du bois de
service et du bois de chauffage. 4.3 Autres
La chasse est également pratiquée dans les
aires protégées pour l’autoconsommation et Les aires protégées forestières du pays,
le commerce, la capture de jeunes individus et en particulier le parc national de la Kibira,
l’élevage qui alimentent un commerce national protègent les sources de nombreuses rivières
et international. Certains animaux sont aussi et constituent le château d’eau du pays. Le rôle
prélevés pour la transformation pharmaceutique. des nombreux lacs et marais dans la régulation
Ainsi, divers organes ou organismes d’animaux du cycle de l’eau et en tant que soutien aux
(peaux de serpents, cornes de diverses espèces de filières de pêche et de produits végétaux issus
mammifères, têtes ou corps complets d’oiseaux, de ces écosystèmes a trop souvent été négligé
etc.) sont vendus sur la quasi-totalité des marchés et doit être aussi plus clairement affirmé. Des
au niveau national et local (MEEATU, 2013). études devraient être entreprises afin de montrer
Actuellement, les prélèvements effectués, leur importance concrète à la société dans son
en particulier sur la faune mais aussi parfois sur ensemble et pour poser les bases d’une gestion
la végétation, ne sont pas durables. Il s’en suit scientifique de ces milieux.
un appauvrissement croissant de la biodiversité
des aires protégées et du patrimoine naturel du 5. Bilan général de la gestion
pays dans son ensemble. La mise en place d’une des aires protégées du pays
utilisation durable, minimisant les impacts sur
les systèmes naturels, préservant leur potentiel Le pourcentage de la surface du territoire
productif et contribuant à la protection de la biodi- national protégé n’est, au Burundi, que d’un peu
versité, demandera une adaptation des systèmes plus de 5 % malgré l’objectif de 10 % de protec-
d’exploitation des ressources naturelles voire tion du territoire énoncé dans divers textes inter-
leur complet arrêt dans certaines zones sensibles. nationaux. Les objectifs d’extension affichés par
L’OBPE devra convaincre les populations rurales le pays sont parfois plus importants encore : 15 et
du bien fondé de cette démarche et négocier avec même 16 % (INECN, 2012). Si des écosystèmes
elle des accords de protection et d’exploitation. tels que les forêts de montagne sont adéquatement
Dans l’autre sens, les responsables des aires inclus dans le réseau des aires protégées, d’autres
protégées devront se préoccuper du mode de écosystèmes devraient être mieux préservés
vie des communautés, tant par des rétributions (formations herbeuses de haute altitude, de terre
ferme ou marécageuse, par exemple). Pourtant, L’augmentation du réseau d’aires protégées
la densité de la population est telle qu’en dehors pourrait se concevoir si le pouvoir politique
des aires protégées existantes, la quasi-totalité envisage de mettre en place des aires protégées
de l’espace foncier est occupé par l’agriculture. destinées à conserver ou réhabiliter des systèmes
Même si une petite extension serait possible productifs à l’origine de filières économiques à
par endroits, il parait irréaliste de prévoir une base de produits naturels. Il faudrait alors que
extension du réseau d’aires protégées telle que l’État mette réellement en place des aires proté-
proposée, au moins sur terre ferme. gées gérées par les communautés locales, avec un
Il faut en effet noter que la zone lacustre du appui et un contrôle de l’OBPE ; soit, l’inverse
lac Tanganyika, adjacente au parc national de la du système de co-gestion actuel où l’État dispose
Rusizi, ne fait pas encore partie du réseau des d’une plus forte proportion du pouvoir décisionnel
aires protégées du Burundi, alors que des parcs et reste le gestionnaire principal. La primauté de
nationaux en zone aquatique ont été établis sur l’État apparaît justifiée dans le cas de parcs natio-
les rives zambiennes et tanzaniennes. Un plan naux et de certaines réserves mais demanderait à
d’action stratégique pour la gestion durable du être réexaminée dans le cas d’autres aires proté-
lac Tanganyika et une convention sous régio- gées moins stratégiques en termes de conserva-
nale sur la protection du lac Tanganyika ont tion de la biodiversité mais importantes pour le
toutefois été ratifiés par le Burundi en 2004. soutien de filières économiques.
Cela donne une possibilité importante d’exten- La mise en place de programmes de dévelop-
sion du réseau vers des écosystèmes aquatiques pement autour des aires protégées est primordiale
d’intérêt international. et exige des préalables. La question qui s’impose
D’une manière générale, le contexte légal du est de savoir comment mettre en place une bonne
réseau des aires protégées s’est amélioré mais reste gouvernance des aires protégées dans une situa-
encore fragile. Toutes les aires protégées du pays tion macroéconomique post-conflit dominée par
ne semblent pas encore disposer d’un statut légal des urgences humanitaires. Le développement
de protection (voir annexe 1). Du point de vue de la autour des aires protégées nécessite une planifi-
gouvernance, la loi 1/10 du 30 mai 2011, intégrant cation intégrée et concertée : un cadre de consul-
des modes de gestion participatifs plus adaptés au tation et d’implication de tous les partenaires de
contexte actuel de participation communautaire et développement est d’une grande nécessité.
de forte densité rurale, marque un tournant dans Dans un pays agraire tel que le Burundi, la
la gestion de ces aires protégées. Certains sites conservation de la biodiversité devrait aussi s’en-
disposent aussi de plans de gestion. Toutefois, visager dans les paysages ruraux. Par exemple,
ces avancées restent encore très théoriques car la la mise en place de haies entre les parcelles agri-
plupart des plans de gestion ne sont pas encore mis coles pourrait à la fois permettre la production de
en œuvre, faute de volonté politique, de moyens bois et autres produits mais aussi servir de lieu
et d’actions de gestion plus précises en partenariat de refuge pour les oiseaux et autre faune. Cela
avec les communautés riveraines. permettrait de relier les aires protégées existantes

35
36
par des corridors biologiques intégrés dans le Pour terminer, il est utile de rappeler que le
tissu socioéconomique. D’un point de vue biolo- maintien et l’amélioration du réseau des aires
gique et socio-économique, il serait ainsi utile, protégées du pays dépendent étroitement de
dans ces paysages ruraux, de renverser la vision la volonté politique mais aussi, et surtout, des
de « défense de la biodiversité », telle qu’elle est compétences humaines des gestionnaires en
le plus souvent portée par les organisations de charge de ces aires protégées et de l’OBPE dans
conservation, en une vision « d’intégration de la son ensemble. Il est plus que jamais nécessaire de
biodiversité » dans les systèmes productifs. Cela renforcer ces capacités humaines en s’appuyant
ouvrirait d’autres pistes à la protection et à la sur des programmes de recherche et de formation
réhabilitation de la biodiversité dans un pays où adaptés, et d’augmenter leur effectif sur le terrain
celle-ci a été fort dégradée. (UICN, 2011 ; MEEATU, 2013).

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forestier exemplaire en Afrique centrale : Le Parc Na-

Sigles et abréviations
ARCOS : Société de conservation du rift Albert (Al- OBPE : Office Burundais pour la Protection de l’En-
bertine Rift Conservation Society) vironnement
CDB : Convention sur la Diversité Biologique ONG : Organisation Non Gouvernementale
CITES : Convention sur le commerce international PANA : Plan d’Action National d’Adaptation aux
des espèces menacées d’extinction changements climatiques
CMSC : Centre mondial de surveillance continue de PNUD : Programmes des Nations Unies pour le Dé-
la conservation de la nature veloppement
COMIFAC : Commission des Forêts d’Afrique Cen- PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Envi-
trale ronnement
CSLP : Cadre stratégique de croissance et de lutte RAPAC : Réseau d’Aires Protégées d’Afrique Cen-
contre la pauvreté trale
DGFE : Direction Générale des Forêts et de l’Envi- REDD : Réduction de la déforestation et de la dégra-
ronnement dation forestière
FEM : Fond pour l’Environnement Mondial SNPA-DB : Stratégie Nationale et Plan d’Action en
IBN : Initiative du Bassin du Nil. matière de Diversité Biologique
IGEBU : Institut Géographique du Burundi SP-LCD : Stratégie Nationale et plan d’action natio-
INECN : Institut National pour l’Environnement et la nal de Lutte Contre la Dégradation des sols
Conservation de la Nature UICN : Union Internationale pour la Conservation de
IRScNB : Institut Royal des Sciences Naturelles de la Nature
Belgique UNCC : Convention cadre des nations unies sur les
MEEATU : Ministère de l’Eau, de l’Environnement, changements climatiques
de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme WCS : Wildlife Conservation Society

37
38
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Burundi
Date de Textes Superficie
Nom AP
création de référence (ha)
Décret 100/007 du 25 janvier 2000 et
1 PN de la Rusizi 2000 10 673
décret 100/282 du 14 novembre 2011

2 PN de la Kibira 1935 Décret 100/007 du 25 janvier 2000 40 000

3 PN de la Ruvubu - Décret 100/113 du 12 avril 2011 50 800

4 MN de Karera 2011 Décret 100/118 du 12 avril 2011 142

5 MN de Nyakazu 2011 Décret 100/118 du 12 avril 2011 600

6 RN forestière de Rumonge-Vyanda 2000 Décret 100/007 du 25 janvier 2000 5 100

7 RN forestière de Kigwena 1954 Décret 100/007 du 25 janvier 2000 800

8 RN forestière de Bururi 1951 Décret 100/007 du 25 janvier 2000 3 300

9 R.N. forestière de Monge - Décret 100/117 du 12 avril 2011 4 080

10 RN de Malagarazi 2009 - 800

11 RN forestière de Mpotsa 2011 Décret 100/115 du 12 avril 2011 31

12 PP de Gisagara 2011 Décret 100/116 du 12 avril 2011 6 126

13 PP Mabanda-Nyanza-lac - - 1 729

14 PP Mukungu-Rukambasa - - 2 360

15 PP de Kinoso - - 480

16 PP aquatique du Nord 2005 Décret 100/114 du 12 avril 2011 16 242

Total 143 263

1
: Certains documents mentionnent aussi les paysages protégés de Nyakagano et de Rubungu-Kigagbwe mais il n’a pas été possible de recueillir
d’informations précises à leur sujet. Le paysage aquatique protégé du Nord inclut le lac de Rwihinda ; une réserve naturelle de ce nom est men-
tionnée dans certains documents mais elle ne semble pas avoir été créée officiellement. Ces sites ne sont donc pas inclus dans le tableau ci-dessus.
Notes : PN : parc national ; MN : monument naturel ; RN : réserve naturelle ; PP : paysage protégé
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires1. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif Principaux Catégorie Plan d'amgt


RAPAC PM RB SR
personnel partenaires UICN (année)

- OBPE, ONG, Communautés II 2011 x

- OBPE, ONG, Communautés II 2002

- OBPE, ONG, Communautés II - x

- OBPE, ONG, Communautés III 2009

- OBPE, ONG, Communautés III 2009

- OBPE, ONG, Communautés IV -

- OBPE, ONG, Communautés IV -

- OBPE, ONG, Communautés IV -

- OBPE, ONG, Communautés IV -

- OBPE, ONG, Communautés IV 2013 x

- OBPE, ONG, Communautés IV -

- OBPE, ONG, Communautés V 2013

- OBPE, ONG, Communautés V 2013

- OBPE, ONG, Communautés V -

- OBPE, ONG, Communautés V 2013

- OBPE, ONG, Communautés V 2009 x

- 9 0 0 0 4

Plan d’amgt : plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du
réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
- : données non disponibles

39
RÉPUBLIQUE
DU CAMEROUN
François HIOL HIOL, Adélaïde LARZILLIERE,
Florence PALLA et Paul SCHOLTE

Avec la contribution de : Pascal CUNY, Marc PARREN


et Frank STENMANNS
42
La République du Cameroun dispose d’une grande diversité d’habitats naturels
liée à la variabilité de ses caractéristiques physiques et climatiques, des mangroves
et des forêts denses humides aux steppes sahéliennes, du niveau de la mer jusqu’à
4 100 m d’altitude pour le mont Cameroun, plus haut point d’Afrique centrale.
Le pays est d’ailleurs souvent qualifié d’« Afrique en miniature ». Cette diversité
d’habitats naturels regorge d’une biodiversité riche et abondante et de nombreuses
espèces endémiques, tant végétales qu’animales. Après la République démocratique
du Congo, c’est le pays qui dispose de la biodiversité la plus élevée et qui renferme
le plus grand nombre d’espèces endémiques parmi les pays d’Afrique centrale.

Hormis dans les petits pays du rift tels que 1. Contexte des aires protégées
le Rwanda ou le Burundi, le Cameroun est le
pays de la région où le développement agricole 1.1 Contexte politique
est le plus important. Cela, associé à une forte
pression de la chasse, à une exploitation fores- Le Cameroun a adopté une nouvelle politique
tière ancienne et à un développement minier forestière en 1993, suite au sommet mondial sur
plus récent, entraine des pressions considérables le développement durable qui s’est tenu à Rio
sur les ressources naturelles. Le pays reste aussi en 1992. Cette politique forestière s’appuie sur
parmi ceux dont l’indice de développement les principes fondamentaux de protection et de
humain est le plus faible (PNUD, 2014) et où la gestion durable de l’environnement. Elle a pour
corruption est endémique. Le nord du Cameroun objectif global le développement économique,
souffre en outre actuellement d’une instabilité écologique et social des forêts à travers une
importante en provenance du Nigéria voisin et gestion intégrée et participative, pour une conser-
des réfugiés centrafricains se sont installés dans vation et une utilisation soutenue des ressources.
le sud-est du pays, impactant fortement les popu- Etant donné l’importance de l’économie
lations humaines de ces régions et les ressources forestière dans la vie socio-économique natio-
naturelles dont elles dépendent. nale, cette politique requiert l’implication des
Afin de sauvegarder et de valoriser cette biodi- pouvoirs publics, des collectivités décentralisées,
versité, un important réseau d’aires protégées a de la société civile et des populations locales.
été mis en place au fil du temps, d’abord dans la Cette politique forestière prend également en
région des savanes puis dans le sud forestier. À compte les aspirations de la communauté natio-
partir des années 2000, de nouvelles aires proté- nale et internationale en matière de gestion des
gées ont été créées en cohérence avec le plan de ressources forestières sur le long terme.
convergence de la COMIFAC (Commission des Le Cameroun a développé, dans le cadre
Forêts d’Afrique Centrale ; MINFOF, 2014b) et du Programme Sectoriel Forêt-Environnement
des projets d’aires protégées supplémentaires (PSFE), un ensemble de critères pour la créa-
sont encore à l’étude, en particulier dans la région tion et le classement des aires protégées et des
forestière. sites critiques pour la conservation de la biodi-
versité, en s’appuyant sur les écorégions et les
écosystèmes fonctionnels du pays. Cette vision
dite « vision biologique » a pour objectif affiché
de préserver au moins 90 % de la diversité biolo-
gique du pays dans les aires protégées.
Pays Cameroun
Superficie 475 000 km² (INED, 2013)
Variation d’altitude 0 - 4 094 m (Mont Cameroun)
Population 21,5 millions habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 45 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale 1,08 (INS, 2010)
Douala (1 907 479 hab.) et Yaoundé (1 817 524 hab. ;
Villes principales
INS, 2010)
PIB/habitant 1 328 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,504 ; 152/187 pays (PNUD, 2014)
Principales activités économiques Agriculture (MINFOF, 2014b)
Superficie de végétation naturelle
417 300 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
191 100 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
Probablement plus de 7 500 espèces (Letouzey, 1985), 425
Phanérogames
espèces de plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons 1 150 espèces (MINEPDED, 2014)
303 espèces dont 18 endémiques (Vivien, 2012),
Mammifères
41 espèces menacées (UICN, 2014)
968 espèces (dont 703 résidents), 7 endémiques, 20 quasi
endémiques (limitées au Cameroun et à deux autres pays ;
Oiseaux
African Bird Club 2014), 25 espèces menacées
(UICN, 2014)
274 espèces, dont 38 endémiques (Chirio & LeBreton,
Reptiles
2007), 6 espèces menacées (UICN, 2014)
199 espèces dont au moins 58 endémiques (MINEPDED,
Amphibiens
2014), 55 espèces menacées (UICN, 2014)
613 espèces dont 146 endémiques (Vivien, 2012),
Poissons
109 espèces menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

1.2 Législation et réglementation l’ordonnance 73/18 du 22 mai 1973 et la loi


81/13 du 27 novembre 1981. Cette dernière
Une analyse du contexte législatif, réalisée a été remplacée par la loi 94/01 du 20 janvier
par Yadji Bello & Oko (2014), met en évidence 1994 portant régime des forêts, de la faune et
un certain nombre d’éléments sur lesquels se de la pêche, en cours de révision depuis 2008.
base la présentation du cadre législatif ci-après. Elle a été complétée par divers textes d’appli-
Les premiers textes de loi sur les forêts et la cation parmi lesquels le décret 95/466 du 20
faune, produits par le nouvel état camerounais juillet 1995 fixant les modalités d’application
après son accession à l’indépendance, sont du régime de la faune.

43
44
Les grands principes de la loi 94/01 concernent tration. Les parties prenantes, notamment rive-
la sauvegarde de l’environnement et la préser- raines et locales, participent au processus par le
vation de la biodiversité tout en améliorant la biais de consultations locales et de commissions
participation des populations dans la gestion départementales.
et la conservation de celle-ci. Une production Six types d’aires protégées sont reconnus par
forestière durable et un système constitutionnel la loi 94/01 (art. 24) et relèvent du régime de
efficace font également partie des bases de cette la faune (« aires protégées pour la faune ») : les
loi. Le Cameroun a adopté, pour sa partie méri- parcs nationaux, les réserves de faune, les sanc-
dionale, un plan d’affectation des terres appelé tuaires de faune, les zones tampon, les Zones
« plan de zonage » sanctionné par le décret d’Intérêts Cynégétiques (ZIC), les jardins zoolo-
95/678/PM du18 décembre 1995. La partie giques et les game-ranches appartenant à l’État.
septentrionale du pays, où se trouvent les plus Le décret d’application 95/446 définit plus préci-
anciennes aires protégées et où l’activité cynégé- sément ces diverses catégories d’aires protégées,
tique est la mieux organisée, ne dispose d’aucun leurs objectifs de gestion et les activités qui y
plan de zonage. Des initiatives sont actuellement sont réglementées ou interdites (art. 2 et 3). Ce
en cours pour formuler des plans de zonage au décret inclus aussi une catégorie de gestion – les
Nord (Adamaoua, Nord et Extrême Nord). réserves écologiques intégrales – qui relève du
Le « domaine forestier national » est constitué domaine des forêts d’après la loi 94/01 mais sont
du « domaine forestier permanent » qui regroupe rapportées au régime de la faune dans le décret
les terres définitivement affectées à la forêt et/ou d’application (voir ci-après).
l’habitat de la faune et du « domaine forestier non D’après la législation camerounaise, les zones
permanent » correspondant aux terres affectées à tampons créées autour des autres catégories
des utilisations autres que forestières (art. 20 de d’aires protégées font ainsi partie des aires proté-
la loi 94/01). Les aires protégées, intégrées dans gées pour la faune alors que ce n’est généralement
les « forêts domaniales », sont classées dans les pas le cas de manière explicite dans les autres
forêts permanentes (art. 24-1 de la loi 94/01). pays. En effet, la loi 94/01 stipule que « la chasse
Il est précisé qu’elles doivent couvrir au moins est interdite dans ces zones au même titre qu’à
30 % de la superficie totale du territoire national l’intérieur des aires de protection » (art. 104). Le
et représenter la diversité écologique du pays décret 95/446 précisant quant à lui qu’une zone
(art. 22 de la loi 94/01). tampon est « une aire protégée située à la péri-
Le classement, le déclassement et l’exten- phérie de chaque parc national, réserve naturelle
sion des aires protégées sont sanctionnés par ou réserve de faune, et destinée à marquer une
un décret du Premier ministre. Ces modifica- transition entre ces aires et les zones où les acti-
tions dans le réseau des aires protégées doivent vités cynégétiques, agricoles et autres sont libre-
tenir compte du plan d’affectation des terres de ment pratiquées. Toutefois, certaines activités
la région concernée, du respect du droit d’usage humaines peuvent y être réglementées selon un
des populations locales et du dédommagement plan d’aménagement dûment approuvé par le
desdites populations pour la dépossession des Ministre de la faune » (art. 2).
biens le cas échéant (art. 25 à 28 de la loi 94/01). Il convient aussi de souligner ici que les deux
Les procédures de classement, de déclassement textes légaux (loi 94/01 et décret 95/446) classent
et d’extension sont fixées par les dispositions du les ZIC parmi les aires protégées, en précisant
décret 95/466 (art. 5, 6, 7 et 10). Elles sont deve- qu’il s’agit d’une « aire protégée réservée à la
nues participatives et interactives, se démarquant chasse » (décret 95/446, art. 3). Il semble toutefois
de l’ancienne procédure imposée par l’adminis- que d’autres activités économiques puissent être
menées sur ces territoires, y compris industrielles, d’adaptation à une gestion consensuelle (Scholte,
comme cela se passe dans le Sud-est où les ZIC 2009). L’aménagement devra prendre en compte
sont largement superposées avec les concessions les activités et investissements en vue de la protec-
forestières (MINFOF, 2014a et Cerutti et al., tion soutenue de produits forestiers et de services,
2009). Même si ces ZIC contribuent à la protec- sans toutefois porter atteinte à l’intégrité de la
tion de certaines espèces, l’objectif premier de zone (art. 23 de la loi 94/01). Le micro-zonage
gestion concerne le développement d’une filière permet de circonscrire un noyau dur, constitué
économique basée sur l’exploitation de la faune. d’une ou plusieurs séries de protection, et une
Cela pose ainsi la question de leur intégration zone tampon (art. 104 de la loi 94/01). Dans la
parmi les aires protégées au sens international pratique, aucun décret ou acte règlementaire n’a
de ces termes, tels que prôné par l’UICN (Union été pris pour fixer les limites de la zone tampon,
International pour la Conservation de la Nature). qui sont souvent objet de litiges entre les popu-
La loi 94/01 définit aussi sept types de lations riveraines et les gestionnaires de l’aire
« réserves forestières » (art. 24) dont on peut protégée.
penser que certaines d’entre elles relèvent en effet La sécurisation des aires protégées est pres-
des aires protégées, en particulier les réserves crite dans le décret 95/466 fixant le régime de la
écologiques intégrales et les sanctuaires de flore ; faune, qui fait de l’acte de classement un droit à
y sont aussi mentionnés, les jardins botaniques, l’obtention du titre foncier (art. 5) et qui astreint
les forêts de protection, les forêts de récréation, l’administration de la faune à la matérialisation
les forêts d’enseignement et de recherche. Toute- des limites de celles-ci (art. 10). Cependant, à
fois, étant donné que les forêts de production l’heure actuelle, aucune aire protégée ne dispose
et les périmètres de reboisements font partie de d’un titre foncier. Les ordonnances 74/1 et 74/2 du
cette catégorie de forêts domaniales nommée 06 juillet 1974 fixant le régime foncier et doma-
« réserves forestières », on peut penser que, dans nial n’ont pas été révisées de manière à prendre
l’esprit du législateur, ces termes concernent le en compte cette disposition et le processus de
maintien d’un couvert forestier et non pas un délivrance de ce document reste encore long et
statut de gestion du type « aire protégée ». Les coûteux (cartographie, bornage, frais de notaire,
divers termes employés prêtent malgré tout à etc.). De plus, étant donné l’absence de zonage
confusion et soulignent que les cadres législa- dans le nord du pays, les conflits d’usages sont
tifs relevant de la gestion de la faune et de celle fréquents entre les activités agricoles (défriche-
des forêts, historiquement différenciés, n’ont pas ment, pâturage), les activités de conservation et
encore été fusionnés de manière cohérente. le tourisme.
Chaque aire protégée doit faire l’objet d’un Le droit d’usage ou coutumier, au sens de
plan d’aménagement élaboré suivant les direc- la loi 94/01, est celui reconnu aux populations
tives fixées par le Ministère des Forêts et de la riveraines d’exploiter tous les produits fores-
Faune (MINFOF), et ainsi être un outil efficace tiers, fauniques et halieutiques à l’exception des

45
46
espèces protégées en vue d’une utilisation person- issus. Dans les ZIC, l’État a délégué la gestion
nelle (art. 8 et 9). L’exploitation des produits aux amodiateurs, notamment des guides de
forestiers non ligneux (PFNL) est donc autorisée chasse privée, responsable de la gestion quoti-
à travers une convention entre les populations dienne de la zone de chasse (accueil des chas-
riveraines et l’administration des aires protégées. seurs, chasse, protection de la zone, etc.). Un
L’exploitation de la faune par les communautés plan simple de gestion doit être élaboré par les
villageoises est autorisée par la loi 94/01 dans les communautés bénéficiaires sous l’assistance de
forêts communautaires (art. 95) et dans les zones l’administration de la faune. Des directives pour
d’intérêts cynégétiques (art. 19 et 25-28) et doit l’élaboration de ces plans de gestion on été adop-
être prévue dans le plan d’aménagement. tées fin 2013 par le MINFOF.
Les espèces animales sont classées en trois La réglementation donne la possibilité de
catégories de protection plus ou moins forte (art. ristourner une partie des recettes aux communes.
78 à 80 de la loi 94/01 et art. 14 et 15 du décret Un partage de revenu est mis place – au moins
95/466). Le régime d’exploitation rationnelle de sur le papier – entre l’État et les communautés
la faune précise les différents territoires auto- bénéficiaires pour le partage de la taxe d’affer-
risés, les modes d’exploitation et les périodes mage. Le produit des droits d’affermage est ainsi
d’ouverture et de fermeture de la chasse dans les partagé entre l’État, les communes et les commu-
différentes zones écologiques (art. 85 à 102 de nautés suivant la répartition suivante : 50 % pour
la loi 94/01 et art. 16 à 67 du décret 95/466). Un l’État, 40 % pour les communes qui abritent la
droit d’usage sur la faune, toutefois limité aux ZIC et 10 % pour les populations riveraines
catégories 2 et 3, est concédé aux populations organisées en Groupement d’Intérêt Commu-
locales à travers l’exercice de la chasse tradition- nautaire (GIC) ou en Comité de Valorisation des
nelle (art. 26 et 86 de la loi 94/01) et uniquement Ressources Fauniques (COVAREF).
pour l’autoconsommation. L’article 24 du décret Le contrôle de la loi et la répression des infrac-
95/466 précise le champ d’application et les tions sont effectués par les agents de l’adminis-
espèces concernées. tration forestière assermentés au titre d’officier
Dans les Zones d’Intérêt Cynégétique à de police judiciaire à compétence spéciale en
Gestion Communautaire (ZICGC), la gestion est matière de forêt, de faune et de pêche (art. 141
assurée par les communautés bénéficiaires qui et 142 de la loi 94/01). Ils sont astreints au port
jouissent de la totalité des revenus qui en sont de l’uniforme, d’armes et d’insignes de grade
formant un corps de type paramilitaire (ordon- ment les ressources foncières dans l’attribution
nance de 1973). La loi de 1994 et ses textes d’ap- des territoires communautaires de chasse.
plication ainsi que le code pénal contiennent des Le pays a aussi promulgué une loi d’orien-
dispositions relatives à la répression des infrac- tation pour l’aménagement et le développement
tions. Ces dispositions concernent les différents durable du territoire (n° 2011/008 du 6 mai 2011).
types d’infractions, les procédures de répres- Ce texte concrétise dans le corpus législatif l’im-
sion, les sanctions et pénalités qui en découlent portance d’une approche globale de gestion du
et les conditions de bénéfice de transaction (art. territoire telle qu’elle semble reconnue par l’Etat.
144-155 de la loi 94/01et les articles 68-79 du Il définit des « principes directeurs de la politique
décret 95/466). Malgré ces dispositions, le d’aménagement et de développement durable
braconnage persiste, voire augmente dans un du territoire » ainsi que « les choix stratégiques
certain nombre d’aires protégées et cela laisse à d’élaboration des schémas d’aménagement et de
penser que les sanctions et les peines prévues ne développement durable du territoire ainsi que
sont pas suffisamment dissuasives et surtout, que des schémas sectoriels » (article 2). Parmi les
l’intensité de surveillance n’est pas en phase avec premiers, on retiendra un principe d’intégration
les menaces. des lois dont celles relatives à la protection de
Des dispositions sont aussi prévues dans le l’environnement (art. 6). Parmi les seconds, il
décret 95/466 contre les dommages causés par faut souligner deux choix stratégiques qui sont
les mouvements des animaux, leur refoulement, « le soutien à certaines zones spécifiques notam-
les battues administratives et l’abattage pour ment, les zones à écologie fragile » ainsi que « la
légitime défense. préservation de l’environnement et la lutte contre
Une réforme de la loi forestière de 1994 est les effets néfastes des changements climatiques »
actuellement en cours autour des axes suivants : (art. 7). Cette loi prévoit, entre autres, la prépa-
la maitrise de la ressource, le droit des commu- ration de schémas et de plans d’aménagement à
nautés riveraines, la conservation de la biodiver- différentes échelles, qu’il soient de portée globale
sité et l’amélioration de la gouvernance. Comme ou sectorielle, qui devraient permettre d’éliminer
elle n’a pas encore abouti, la loi 94/01 et le décret un certain nombre d’incohérences sectorielles et
95/466 restent encore les textes de référence en de conflits d’affectation des terres.
matière d’aires protégées.
D’autres instruments juridiques influençant Le Cameroun a signé différents accords inter-
aussi la gestion des aires protégées, dont le nationaux qui touchent aux aires protégées et à
Code de l’environnement, le Code minier et le la protection de la biodiversité (tableau 1). La
Code foncier. Selon le Code de l’environnement mise en cohérence du dispositif législatif avec
(loi 96/12 du 5 août 1996), la mise en œuvre ces conventions n’est perceptible que pour la
de chaque plan d’aménagement est soumise à Convention sur le commerce international des
la réalisation d’une étude d’impact environne- espèces menacées d’extinction (CITES), la
mental. Cette mesure n’est pas pour l’instant Convention sur la Diversité Biologique (CDB)
mise en application par le MINFOF. De même, et la convention sur les zones humides (conven-
le développement de l’industrie minière semble tion de Ramsar). Sur le plan institutionnel, les
être prioritaire sur les autres secteurs et met en organes de gestion, les organes scientifiques et
difficulté les principes de conservation de la les points focaux ont été désignés pour la plupart
biodiversité dans les aires protégées. La gestion de ces conventions, accords et traités mais sont
des ressources foncières ignore la propriété éparpillés dans diverses administrations selon
coutumière des ressources naturelles et notam- leur compétence.

47
48
Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité
et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et
16 juin 1969 1977
des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et
Adoptée en 2003 -
des ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces
1er juillet 1975 1983
menacées d’extinction (CITES)
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1982
Adhésion
Convention de Ramsar 21 décembre 1975
en 2006
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 1993
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1994
Convention Cadre des Nations Unies
21 mars 1994 1994
sur les Changements Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1994

1.3 Contexte institutionnel des aires protégées, comme par exemple la déli-
vrance des titres de chasse, du contrôle et de la
Deux structures étatiques sont actuellement répression des infractions en matière de faune,
responsables de la gestion de la biodiversité et des etc. L’Office National pour les Aires Protégées
aires protégées : le Ministère des Forêts et de la (ONAP), bras exécutif pour la gestion quoti-
Faune (MINFOF) et le Ministère de l’Environne- dienne des parcs nationaux, est en cours de créa-
ment, de la Protection de la Nature et du Dévelop- tion.
pement Durable (MINEPDEP). Le MINEPDEP D’autres ministères agissent au niveau central
est chargé d’élaborer, de suivre et de contrôler la pour la planification stratégique, la mise à dispo-
mise en œuvre des politiques environnementales sition de ressources internes ou externes, la coor-
et des stratégies de développement durable. dination des actions et le suivi-évaluation. Il
Le MINFOF a été créé en 2004 (décret s’agit notamment des ministères de l’agriculture,
2004/320 du 8 décembre 2004) et a pour mission de l’urbanisme et l’habitat, de la recherche scien-
l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de tifique, des mines, du développement industriel
la politique du Cameroun en matière de forêts et commercial. L’absence de textes réglemen-
et de faune. Au sein du MINFOF, la responsabi- taires conjoints rend difficile une coordination
lité de la politique en matière de faune et d’aires d’ensemble ce qui peut engendrer des conflits
protégées relève de la Direction de la Faune et de compétences. Par exemple, l’attribution des
des Aires Protégées (DFAP). Elle est responsable armes de chasse relève de l’administration terri-
de la mise en œuvre de la politique du Gouverne- toriale, ce qui pose un problème de maîtrise de
ment en la matière, de la création et de la gestion l’information à l’avantage des braconniers.
Le MINFOF est également appuyé par de Campo-Ma’an, Mont Cameroun, Kupé et
nombreuses organisations internationales et régio- Kilum Ijim ;
nales come l’UICN, le Fond Mondial pour la Nature • le projet de conservation et de développement
(WWF), la coopération technique allemande de la région de Waza.
(GIZ), le Centre pour le Développement et l’Envi-
ronnement (CED), la Wildlife Conservation Society 2. Le réseau des aires protégées
(WCS) et des partenaires techniques et financiers
(Fond pour l’Environnement Mondial - FEM, 2.1 Historique
banque allemande de développement - KfW,…).
Depuis 1930, le Cameroun entreprend des
1.4 Stratégies et programmes efforts de conservation de la biodiversité avec la
relatifs aux aires protégées mise en place d’un domaine forestier permanent
au sein duquel se trouve un réseau d’aires proté-
Plusieurs programmes et projets ont été mis en gées. Suite à diverses études et projets depuis la
place et sont en cours d’exécution au Cameroun fin des années 1980, le réseau des aires protégées
pour assurer la gestion et la protection des aires du Cameroun s’est étendu depuis les savanes –
protégées. Le pays s’est, en particulier, doté en où avaient été créés les premiers parcs – vers les
1999 d’une Stratégie Nationale de Lutte Contre le régions forestières. Le sommet des chefs d’États
Braconnage (SNLCB). Plusieurs grands projets d’Afrique Centrale, qui s’est tenu en 1999 à
de conservation de la biodiversité lancés dans les Yaoundé, a permis de confirmer cette dyna-
années 1990 ont enregistré d’importants acquis mique, avec la mise en place d’aires protégées
et ont permis de développer des approches de de statut international (en particulier en milieu
conservation novatrices (Tabi Tako-Eta, 2013). forestier ou de contact forêt-savane, avec des
Parmi les divers programmes de conservation en parcs nationaux et des sanctuaires de faune) et
cours, on peut relever : le développement de zones cynégétiques, tant en
• la composante 3 du PSFE, conservation de milieu forestier qu’en région de savane (RAPAC,
la biodiversité et valorisation des ressources 2013 ; MINFOF, 2014a).
fauniques ;
• le programme de gestion durable des ressources 2.2 Le réseau actuel
naturelles dans la région du sud-ouest ; des aires protégées
• le programme ECOFAC V (Ecosystèmes
Fragilisés en Afrique Centrale) dans la réserve Le Cameroun compte actuellement 30 aires
du Dja ainsi que le projet de mesures d’accom- protégées recouvrant 8 % du territoire (tableau
pagnement ; 2 et figure 1). Les parcs nationaux (75 %) et
• le programme de conservation et de gestion de les réserves de faune (23 %) constituent la
la biodiversité dans 6 sites : savane, sud-est, majorité des aires protégées du pays, quelques

49
50
sanctuaires de faune sont également établis. Le statut de conservation de ces zones de chasse
Ce réseau d’aires protégées est complété est malgré tout ambigu et nécessitera d’être clarifié
par 45 ZIC et 26 ZICGC couvrant plus de (cf. le paragraphe de présentation sur la législation
5,6 millions d’hectares et trois jardins zoolo- et la réglementation). Enfin, comme cela s’est fait
giques (8 ha). Selon la définition camerounaise par le passé, certaines réserves forestières pour-
des aires protégées, le réseau, toutes catégo- raient bénéficier d’un statut de protection et inté-
ries confondues, couvrirait donc un peu plus grer le réseau des aires protégées. Les 77 réserves
de 9 millions d’hectares soit environ 20 % du forestières du pays couvriraient une superficie de
­territoire national. 880 496 ha (Cerutti et al., 2009).

Tableau 2 – Les aires protégées du Cameroun

Catégorie Superficie % du total des aires protégées


Catégorie Nombre
UICN (ha) (en superficie)
Parcs nationaux II 18 2 861 531 74,8
Réserves de faune IV 7 859 667 22,5
Sanctuaires de faune IV 5 103 826 2,7
TOTAL 30 3 825 024 100

Plusieurs parcs nationaux majeurs ont été parc marin de Kribi-Campo, le parc national
classés au cours des quinze dernières années, de la Mefou et l’extension du parc national de
dont le parc national du mont Cameroun, en Deng Deng. Le Cameroun a amorcé l’objectif
2009, après des années d’efforts conjoints de de 30 % du territoire affecté à la conservation.
l’État camerounais et de divers partenaires. Cette Douze nouvelles aires protégées sont déjà envi-
aire protégée majeure renferme un volcan actif et sagées (7 parcs nationaux, 4 réserves naturelles
la plus haute montagne de toute l’Afrique occi- et 1 sanctuaire) soit environ 1 millions d’hectares
dentale et centrale entre le rift Albert et l’océan supplémentaires, pour atteindre environ 21 % du
Atlantique. Elle englobe une très grande diversité territoire affecté à la conservation ou à l’exploi-
d’écosystèmes, depuis les forêts denses humides tation de la faune (MINFOF, 2014a).
de basse altitude jusqu’aux forêts de montagnes Douze aires protégées partagent une frontière
et aux savanes montagnardes et afro-subalpines, avec les pays voisins du Cameroun, cumulant
ainsi que des espèces végétales et animales endé- 550 km de linéaire. C’est ainsi que trois accords
miques. Les derniers éléphants du Sud-ouest du de collaboration transfrontalière ont été signés
pays y trouvent aussi refuge. Ce parc fait partie (MINFOF, 2014a) :
d’un des points chauds de la biodiversité afri- • le Trinational de la Sangha, TNS, (Cameroun,
caine, entre les fleuves Sanaga au Cameroun et Congo et République Centrafricaine)
Niger au Nigeria, qui inclut à la fois des sites • le Trinational de Dja-Odzala-Minkébé,
à très haute valeur de conservation mais aussi TRIDOM, (Cameroun, Congo et Gabon)
soumis à de fortes pressions humaines. • et le Binational Sena-Oura, Bouba-Ndjida,
appelé BSB Yamoussa (Tchad et Cameroun).
Trois dossiers de classement des aires proté- La réserve de faune du Dja, encerclée par le
gées ont été finalisés récemment et transmis fleuve du même nom, abrite plus d’une centaine
aux services du Premier Ministre à savoir : le de mammifères dont au moins 14 espèces de
Figure 1 – Les aires protégées du Cameroun*
)
" Capitale
101
! Chef-lieu de province ou de région

96 Cours d'eau
97
Eau libre

Paysage à haute valeur de conservation

Aire protégée

Parc national

98 Autre aire protégée

100 109
n° Nom n° Nom
1 Lac Ossa 100 Faro
107 2 Douala-Edéa 101 Kalamaloué
4 3 Dja 102 Korup
73 93
112 4 Kimbi 103 Lobéké
104
5 Santchou 104 Mbam et Djérem
95 38
102 5 38 Deng Deng 105 Monts Bakossi
105 106
73 Takamanda 106 Mpem et Djim
93 Kilum Ijim (Mont Oku) 107 Vallée du Mbéré
111
94 Mengamé 108 Nki
1
2 95 Banyang-Mbo 109 Bénoué
3 96 Waza 111 Mont Cameroun
99 200
108 97 Mozogo Gokoro 112 Kagwene
94 103
98 Bouba-Ndjida 200 Boumba Bek
99 Campo-Ma'an

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées

primates (y compris plusieurs espèces menacées) Waza-Logone (7 600 km²) se situe dans le bassin
comme le gorille des plaines de l’ouest (Gorilla du lac Tchad, à l’extrême nord du Cameroun, elle
gorilla gorilla), le chimpanzé (Pan troglo- comprend le parc national de Waza (1 700 km2).
dytes), le mangabey à collier blanc (Cercocebus Waza compte la dernière population d’éléphants
torquatus). D’autres espèces phares se trouvent du nord de l’Afrique centrale (Cameroun, Tchad,
dans la réserve comme l’éléphant de forêt (Loxo- RCA) qui n’a pas encore été victime du grand
donta africana), en danger, ainsi que le bongo braconnage, ainsi que des populations impor-
(Tragelaphus eurycerus) et le léopard (Panthera tantes au niveau international de girafes (Giraffa
pardus), quasi menacés (Unesco, 2015). camelopardalis), de gazelles rufifrons (Gazelle
Cette zone bénéficie de plusieurs statuts inter- rufifrons) et d’antilopes damalisque (Dama-
nationaux (tableau 3), classée au patrimoine liscus lunatus korrigum). Toutefois, la pression
mondial, elle est également affiliée au réseau des du braconnage et l’envahissement du parc par les
réserves de la biosphère du programme l’Homme éleveurs augmente sans cesse depuis quelques
et la biosphère de l’Unesco (Organisation des années et la survie des populations de lions
Nations Unies pour l’éducation, la science et la (Panthera leo), et d’antilopes comme le Kob de
culture). Compte tenu de la pression croissante Buffon (Kobus kob) est sérieusement menacée
sur cette zone, elle est aussi placée sur la liste (Scholte, 2013).
rouge des sites du patrimoine mondial en danger La réserve de la biosphère de la Bénoué,
(UICN, 2014). dont les limites correspondent à celles du parc
Deux autres réserves de la biosphère ont été national de la Bénoué, est constituée de savanes
mises en place. La réserve de la biosphère de et de forêts de type soudano-guinéen. Elle

51
52
Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 2 743 854 743 854 19
Sites Ramsar 7 655 860 174 870 5
Réserves de la biosphère 3 1 466 144 876 000 23
Sites RAPAC 8 2 120 330 2 120 330 55

compte, parmi ses espèces phares, l’éléphant, le Cameroun a inscrit 7 sites comprenant 4 aires
le lion, le léopard et l’hippopotame (Hippopo- protégées du réseau formel (les parcs nationaux
tamus amphibius). Le rhinocéros noir d’Afrique de Waza, Mozogo et Kalamaloué et la réserve de
de l’Ouest/Centre (Diceros bicornis longipes) a faune de Mbi).
disparu depuis 2004. Le nombre des orpailleurs Le site Ramsar de la plaine d’inondation
à l’intérieur du parc et ses alentours a été estimé du Waza-Logone se compose notamment de
à 12 000 personnes, entrainant un impact majeur 600 000 ha de plaines inondables, qui constituent
sur l’environnement du parc et ses populations environ 10 % des zones humides du Sahel ouest
animales. C’est ainsi que la population d’hip- africain. Il regroupe le parc national de Waza
popotames a chuté de 50 % entre 2000 et 2013 et celui de Mozogo (Ramsar, 2015). En plus de
(Scholte & Lyah, 2015). son importance sur le plan des grands mammi-
Le parc national de Lobéké est un des trois fères, il constitue un des plus importants refuges
parcs que comprend le Tri-National de la Sangha pour les oiseaux migrateurs d’Afrique (Scholte,
(TNS), site transfrontalier inscrit au patrimoine 2006). Plus de la moitié des surfaces protégées
mondial. Suite à la signature de la convention font partie des sites pilotes du Réseau des Aires
sur les zones humides (convention de Ramsar), Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC).
Le parc national de Bouba-Ndjida
P. Scholte, d’après Mimbissa, 2012

Le parc national de Bouba-Ndjida est situé au nord assurée par un conservateur et environ 33 écogardes
du pays, le long de sa frontière avec le Tchad. Un permanents, bien que ce nombre ait beaucoup fluc-
accord transfrontalier de coopération a été signé tué, l’effectif de 2012 ne comptait que 6 écogardes.
entre ces deux pays pour la gestion du BSB Yamous- Le braconnage est la principale menace qui affecte
sa (Binational Sena-Oura, Bouba-Ndjida). Le parc la grande faune du parc. Les braconniers opèrent
national était autrefois le territoire de chasse du « La- essentiellement en saison des pluies, lorsque la sur-
mido » Bouba N’Djidah, Sultan de Rey Bouba, dont veillance du parc et des ZIC est rendue difficile du
il tire son nom. Il est devenu parc national en 1968, fait de l’impraticabilité des pistes. Cette pression du
sur une superficie de 220 000 ha. Il est entouré par braconnage a entrainé la raréfaction voire parfois la
7 ZIC couvrant une superficie de 408 000 ha. Sa vé- disparition de plusieurs espèces phares (rhinocéros,
gétation de type soudano-guinéenne est principale- guépard, lycaon). En 2012, plus de 350 éléphants ont
ment constituée de savanes boisées et de forêts claires été massacrés dans ce parc par des braconniers lour-
sèches. Le sud du parc se compose d’un petit mas- dement armés, dit « Soudanais ». Ce massacre d’élé-
sif montagneux. Ces paysages et reliefs variés sont phants a été largement médiatisé et a fait de Bou-
entrecoupés de nombreux cours d’eau saisonniers, ba-Ndjida le symbole de la pression croissante d’un
les « mayos », qui, même si la plupart sont quasiment braconnage organisé. Le Gouvernement du Came-
asséchés à la fin de la saison chaude, permettent à la roun a depuis lancé l’opération « Paix à Bouba-Ndji-
faune d’être toujours à proximité d’un point d’eau. da » qui a permis de protéger la zone de nouvelles in-
Le parc a conservé une faune d’une abondance et cursions avec le déploiement de soldats lourdement
d’une diversité remarquables. Il abrite toutes les armés du 4e bataillon d’intervention rapide (BIR).
espèces propres à cette région d’Afrique Centrale : Toutefois, en janvier-février 2015, une quarantaine
24 espèces de grands et moyens mammifères sont de nouvelles carcasses ont été retrouvées, ce qui met
recensées dont 4 sont menacées d’extinction. L’éland en évidence les faiblesses de la protection actuelle.
de Derby (Taurotragus derbianus), la plus grande Le parc est ouvert pour l’accueil des touristes durant
des antilopes d’Afrique, y est particulièrement abon- la saison sèche, durant laquelle les pistes sont prati-
dante. On peut également observer d’autres espèces cables. Le réseau de pistes de 500 km est uniquement
telles que la girafe, le lion, le léopard, le buffle de accessible en véhicule et accompagné d’un garde ; les
savane (Syncerus caffer brachyceros), et plusieurs sorties à pied sont réglementées. Un campement ins-
espèces de céphalophes, de colobes ou encore des ba- tallé au centre du parc, dans une zone d’abondance
bouins (Papio cynocephalus) qui sont également très de faune, offre un potentiel touristique qui pour
abondamment représentées. L’éléphant, autrefois l’instant (2015) n’est pas encore exploité à sa capaci-
attraction phare du parc, a quasiment disparu après té, à cause de la situation sécuritaire. Les entreprises
les événements de 2012 (voir ci-dessous). Une étude de safari amodiataires des sept ZIC situées dans la
ornithologique en 2001 a permis d’identifier 250 périphérie constituent des alliés potentiels pour le
espèces d’oiseaux dont les plus grandes comme le MINFOF dans la lutte contre le braconnage et le
jabiru (Ephippiorhynchus senegalensis), le marabout suivi des populations animales. Elles contribuent
(Leptoptilos crumenifer) et le bucorve d’Abyssinie de manière significative à l’économie locale par la
(Bucorvus abyssinicus). Les rapaces sont aussi bien rétrocession d’une partie de la taxe d’affermage aux
présents avec le balbuzard pêcheur (Pandion haliae- communes (40 %) et aux communautés riveraines
tus), le bateleur des savanes (Terathopius ecaudatus) (10 %), la contribution directe à des projets commu-
et le vautour à dos blanc (Gyps africanus). L’ama- nautaires et le paiement des salaires des employés
rante de Reichenow (Lagonosticta umbrinodorsalis, comme les guides et les chasseurs journaliers. Ce-
Estrildidae) est une espèce de passereau endémique pendant de nombreux conflits sont régulièrement
de la région qui est parfois observée dans le parc. observés notamment par rapport à l’occupation des
La gestion du parc et de sa zone périphérique est sols pour l’agriculture, l’orpaillage et l’élevage.

53
54
3. Organisation de la gestion • 3e catégorie :
des aires protégées superficie inférieure à 50 000 ha.
Ces UTO incorporent généralement une ou
3.1 Gouvernance et systèmes de plusieurs aires protégées et les territoires alen-
gestion des aires protégées tours, avec des statuts de gestion très variables
(voir par exemple le cas de l’UTO de Campo-
Chaque aire protégée est placée sous l’auto- Ma’an ; RAPAC, s.d.). Les conservateurs des
rité d’un conservateur. Sur le plan opérationnel, UTO de 3ème catégorie sont placés sous la
il est prévu que la gestion des aires protégées supervision des délégués départementaux du
soit assurée par quatre organes : le service de la MINFOF, alors que ceux des UTO de 2ème et
conservation, le comité de gestion, le comité 1ère catégorie sont placés sous la supervision
scientifique et le comité consultatif local. Dans hiérarchique du délégué régional. Les conserva-
les aires protégées dotées d’un plan d’aména- teurs des aires protégées transfrontalières ou des
gement, un comité d’aménagement impliquant aires protégées interrégionales sont directement
toutes les parties prenantes est mis en place dans placés sous l’autorité hiérarchique du MINFOF.
le cadre de la gestion participative. Pour assurer Pour le cas des aires protégées transfrontalières
le fonctionnement optimal du service de conser- (2 trinationales et 1 binationale), la gestion est
vation, sous la direction du conservateur, il est régie par des accords spécifiques et les directives
prévu la mise en place d’une unité administration formulées à travers la COMIFAC.
et finances, d’une unité de protection, d’une unité Treize aires protégées disposent de plans
de recherche et suivi-écologique, d’une unité de d’aménagement et de plans d’affaires qui
gestion participative et d’écodéveloppement et prennent en compte la gestion managériale et
les postes fixes de contrôle. écologique de l’aire protégée (tableau 5). Deux
Les aires protégées camerounaises sont clas- plans d’aménagement ont été élaborés et validés
sées par UTO (Unité Technique Opérationnelle) en 2012 pour les parcs nationaux de Boumba
réparties en trois catégories suivant la superficie Bek et Nki alors que celui du mont Cameroun
(Tabi Tako-Eta, 2013): vient d’être validé tout récemment en avril 2015.
• 1ère catégorie : Quatre plans d’aménagement sont en cours
superficie supérieure à 100 000 ha d’élaboration (Mpem et Djim, vallée du Mbéré,
• 2e catégorie : Douala-Edéa et Mengame). Tous les sites pilotes
superficie comprise entre 50 000 et 100 000 ha RAPAC au Cameroun disposent chacun d’un

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées du Cameroun

Institutions et groupes Nombre Superficie des


Type de gouvernance
de gestion impliqués * d’aires protégées aires protégées (ha)
Gouvernementale État 30 3 825 024
Privée - - -
Communautaire - - -
État – populations riveraines ZICGC -
Partagée **
État – privée ZIC -
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles
plan d’aménagement. Le plan d’aménagement du actuellement en cours de révision, comme celui
parc national de Korup, le plus ancien de tous, est de plusieurs autres aires protégées (cf. annexe 1).

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours Réalisé Evalué et révisé
Aucun
de préparation (date) (date)
Parcs nationaux 4 2 11 1
Réserves de faune 5 1 1 0
Sanctuaires de faune 4 1 0 0
Source : RAPAC (2013)

3.2 Les moyens disponibles suite au massacre des éléphants dans le parc
national de Bouba-Ndjida, a permis de recruter
3.2.1 Les ressources humaines 375 écogardes supplémentaires. Fin 2012, les
et matérielles aires protégées camerounaises comptabilisaient
700 écogardes et 76 personnels d’appui et conser-
Une amélioration quantitative et qualitative vateurs (RAPAC, 2013). Le déploiement effectif
du personnel dans les aires protégées camerou- sur le terrain reste toutefois une préoccupation.
naises a été observée depuis 2007. En plus du Ces personnels en charge de la faune et des
personnel existant, 140 écogardes avaient été aires protégées n’ont pas de statut spécial au sein
recrutés en 2007 et affectés dans les services de du MINFOF. Un projet de décret portant statut
conservation des aires protégées dont 78 dans spécial du corps des fonctionnaires des eaux et
les UTO témoins. En avril 2012, les aires proté- forêts a été élaboré et soumis. Il n’est pas exclu
gées (hormis les jardins zoologiques) cumulaient qu’avec la création de l’ONAP, un autre projet de
des effectifs de 325 personnels écogardes. Le statut pour le personnel de la faune et des aires
dernier renforcement d’effectifs, en avril 2012, protégées soit envisagé.

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - 26 - - 11 -
76
Cadres moyens - - - - 161 - - - -
Gardes et écogardes - - 140 - 211 - - 700 - -
Total - - - - 398 - - 776 - -
- : données non disponibles

3.2.2 Financements contributions des partenaires (tableau 7). Les


aires protégées ont généralement des budgets de
Il existe deux types de financements pour la fonctionnement annuel de l’ordre de 24 millions
réalisation des activités des aires protégées au (catégorie 1) à 5 millions FCFA par site et des
Cameroun. Le budget alloué par l’État et les budgets d’investissement pour la construction

55
56
des infrastructures d’accueil des écogardes. Ces touristes sont restés dans les grandes villes mais
sommes ne sont toutefois pas versées dans leur une autre partie, qu’il est bien difficile d’évaluer,
intégralité et le montant disponible pour les sites ont visité certaines aires protégées. Celles-ci
est plutôt de l’ordre de 12-15 millions FCFA/ développent des activités génératrices de revenus
an. L’État finance également les fonds de contre non négligeables à travers les droits d’entrée et
partie pour les projets dans les aires protégées des l’écotourisme. Il s’agit notamment des parcs
sept sites pilote du RAPAC pour une moyenne de nationaux aménagés de Waza, Benoué et Bouba
20 millions FCFA par site. Ndjidda dans la partie septentrionale du pays.
En 2009, les financements disponibles pour Toutefois la situation sécuritaire dégradée dans
l’ensemble des aires protégées du Cameroun le Nord est à l’origine d’une chute des visites
ont atteint 10,86 millions de $US. Ces fonds touristiques depuis 2012, en particulier dans le
provenaient de fonds publics nationaux (3 parc de Waza.
millions de $US), de la coopération internatio- Actuellement, le gouvernement s’est engagé
nale (7 millions de $US) et des recettes générées dans le développement de plusieurs filières
par les aires protégées (0,86 millions de $US ; économiques par le biais d’investissements dans
Galindo, 2010). les infrastructures et le renforcement des capa-
cités humaines, avec le soutien financier d’un prêt
Le fond spécial de protection de la faune de la Banque mondiale à travers le Projet Compé-
du MINFOF finance de nombreuses activités titivité des Filières de Croissance (PCFC). L’une
de conservation dans tout le pays. En 2005, un de ces filières concerne le secteur du tourisme
mécanisme de financement novateur a aussi vu pour lequel le projet prévoit un investissement
le jour. Il s’agit du Fonds commun Basket Fund 8,7 millions de $US d’assistance technique et
qui cible les aspects du PSFE relatifs à l’assis- d’investissements. Le mont Cameroun est l’une
tance technique, à la formation et à de grands des quatre régions ciblées, avec une allocation de
investissements pour les infrastructures (route, 2 millions de $US. Le trekking et la randonnée
bâtiments, matériels, etc.). Les procédures du sont les principaux types de tourisme pratiqués
Fond commun sont parfois compliquées et le sur le mont Cameroun. Les quatre principaux
déblocage des fonds s’effectue avec une certaine itinéraires de randonnée ont ainsi attirés au cours
lenteur. de la saison sèche 2015 plus de 2 000 randon-
Afin de redynamiser la fonction financière neurs. Grâce à un financement de la KfW et du
et la rendre plus efficiente, le MINFOF – avec PCFC, les refuges existants seront transformés
l’assistance des partenaires multilatéraux et bila- en éco-lodges durant la période 2015-2017.
téraux – a installé le Système Intégré de Compta-
bilité Administrative et Financière (SICAF). Un site d’habituation des gorilles a aussi été mis
en place en 2011 dans le parc national de Campo-
4. Enjeux socio-économiques Ma’an sur l’île de Dipikar, qui pourrait permettre
autour des aires protégées de développer un tourisme de vision des gorilles.
Les résultats sont positifs pour l’instant même si
4.1 Tourisme la réussite d’un tel projet reste très aléatoire. Cette
activité pourrait devenir un attrait majeur pour les
L’Institut National de la Statistique estimait touristes internationaux (MINFOF, 2014b). Enfin,
en 2013 que le Cameroun avait accueilli un peu en dehors des aires protégées classiques, les parcs
plus de 900 000 touristes, dont environ 400 000 zoologiques de Yaoundé et de Limbé génèrent
étaient entrés par avion. Une partie de ces aussi des revenus par les droits d’entrées.
Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées du Cameroun
Programmes Sources Activités Sites
Catégorie Période Montant
et projets de financement financées bénéficiaires
Trésor, Fonds Conservation et
Fonctionnement et Les AP
spéciaux, ressources valorisation de la - -
investissement nationales
générées biodiversité
État
Conservation et
PIB, BF, Fonds Les AP
PSFE valorisation de la - -
Spéciaux nationales
biodiversité
Fonds Commun
(Coopération Korup, Faro,
PSFE Allemande, - Bénoué, Bouba- - -
Francaise et Ndjida, Waza
canadienne,
Appui au gouvernement
Projet de conservation Coopération
pour consolider
et de développement Neerlandaise (à Waza et
et améliorer - -
de la région de Waza- travers UICN), Kalamaloué
l’aménagement des
Logone terminé en 2004.
aires protégées
Programme de Savane, Sud-est,
Conservation et WWF avec Campo-Ma’an,
de Gestion de la financement des - Mt Cameroun, - -
la Biodiversité au bailleurs Kupé, Kilum-
Cameroun Ijim (Mt Oku)
Programme de
Gestion Durable des AP Sud-ouest
Ressources Naturelles KfW et le Gestion durables des et Korup, jusqu’en
-
de la Région du Sud Gouvernement ressources naturelles Takamanda, 2018
ouest (PSMNR-SW) Mt Cameroun
et le projet Pro- PSFE
FEM/ UNOPS à partir
Partenaires - - Projet TRIDOM -
TRIDOM de 2016
Révision du plan
d’aménagement, du
plan de développement
local, le renforcement
Programme
CEEAC et l’UE des capacités des Lobéké - -
PACEBCo (Ecofac V)
personnels écogardes et
formation des riverains
à l’utilisation de la
biodiversité
Campo-Ma’an,
RAPAC, ECOFAC CEEAC et l’UE - Bouba-Ndjida - -
et Dja
Sécurisation des
Projet MINFOF- Waza et sa
- moyens d’existence des - -
UICN-PPTE périphérie
communautés
Bouba-Ndjida
(Cameroun)
Coopération et Sena Oura 2014- 7,9
BSB Yamoussa -
Allemande et UE (Tchad) + 2018 millions E
zones de chasse
environnantes
- : données non disponibles

57
58
4.2 Valorisation durable cette volonté avec les parties prenantes qui ont
de la biodiversité un intérêt dans, et autour, des aires protégées. Il
est également nécessaire de trouver des syner-
En dehors du gibier et des produits de la pêche gies entre les aires protégées et d’autres thèmes
continentale, une gamme très variée d’autres émergents, tels que le paiement pour les services
PFNL est régulièrement collectée par les popula- environnementaux de telle manière que les inté-
tions riveraines des aires protégées. Les produits rêts des populations riveraines puissent être pris
collectés sont destinés à différents usages : en ligne de compte » (Cerutti et al., 2009). Le
consommation alimentaire, médecine tradition- Cameroun consacre ainsi d’importants efforts
nelle, pratique socioculturelle, artisanat, construc- à la préservation de son riche patrimoine floris-
tion, etc. Les lieux de collecte sont localisés à la fois tique et faunique, ce qui s’est traduit par l’ac-
dans les forêts primaires, les forêts secondaires, croissement du nombre d’aires protégées et la
les jachères et les champs vivriers. La consomma- découverte d’espèces végétales et animales endé-
tion domestique des PFNL est d’une importance miques (MINEPDEP, 2014).
vitale pour le bien-être des populations. Face à la montée de la criminalité environne-
La commercialisation de ces PFNL porte sur mentale, le pays a adapté les politiques et les stra-
un nombre limité de produits vendus principale- tégies nationales pour faire face à ces nouveaux
ment dans le réseau villageois tel que le vin de enjeux sécuritaires. On note aussi certains axes
palme ou de raphia, le njansang (Ricinodendron prioritaires pour contribuer à l’amélioration de la
heudelotii, Euphorbiaceae), les noix de cola, les gestion des aires protégées tels que :
noisettes (Coula edulis, Coulaceae). Dans le parc • l’élaboration des textes pour la création et la
national de Campo-Ma’an, les graines d’andok mise en place de l’ONAP à l’instar de ce qui
(Irvingia gabonensis, Irvingiaceae), les écorces existe déjà dans la sous-région (RDC, Guinée
de johimbé (Pausinystalia johimbe, Rubiaceae), Équatoriale, Gabon et Congo) ;
les graines d’ebae (Pentaclethra macrophylla, • l’élaboration du règlement intérieur des aires
Fabaceae-Mimosoideae), sont les PFNL les plus protégées ;
intégrés dans les filières commerciales régionales • la sécurisation des aires protégées à travers
(MINFOF, 2014b). leur titrisation foncière ;
• la poursuite de la réflexion sur la révision de la
4.3 Autres loi de 1994.

Certaines aires protégées tel que le parc En dépit de toutes ces initiatives, des menaces
national de Waza sont considérées comme des récurrentes d’origine anthropique, les conflits
réserves foncières pour le pâturage du bétail. Les homme-faune et la compétition pour l’utilisation
éleveurs viennent aussi y prélever du bois de feu de l’espace nécessitent un regain d’effort de la
et contribuent à éloigner la faune sauvage par part des autorités en charge de la gestion des aires
leur présence. protégées en s’appuyant sur le renforcement de
l’arsenal juridique et législatif.
5. Bilan général de la gestion
des aires protégées du pays
« La volonté d’accroître le territoire couvert
par des aires protégées est communément admise
par le Ministère. Le défi est d’opérationnaliser
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Sigles et abréviations
BSB : Binational Sena-Oura, Bouba-Ndjida (BSB PCFC : Projet Compétitivité des Filières de Crois-
Yamoussa ; Tchad et Cameroun) sance
CDB : Convention sur la Diversité Biologique PFNL : Produits Forestiers Non Ligneux
CITES : Convention sur le commerce international PSFE : Programme Sectoriel Forêt et Environnement
des espèces menacées d’extinction RAPAC : Réseaux des Aires Protégées d’Afrique
CED : Centre pour le Développement et l’Environ- Centrale
nement SICAF : Système Intégré de Comptabilité Adminis-
COVAREF : Comité de Valorisation des Ressources trative et Financière
Fauniques SNLCB : Stratégie Nationale de Lutte contre le Bra-
COMIFAC : Commission des Forêts d’Afrique cen- connage
trale TNS : Tri-national de la Sangha (Cameroun, Congo
DFAP : Direction de la Faune et des Aires Protégées et République Centrafricaine)
TRIDOM : Trinational de Dja-Odzala-Minkébé (Ca-
ECOFAC : Conservation et Utilisation Rationnelle
meroun, Congo et Gabon)
des Ecosystèmes Forestiers en Afrique Centrale
UICN : Union Internationale pour le Conservation
FCFA : Franc des Communautés Financières d’Afrique
de la Nature
FEM : Fond Mondial pour l’Environnement
UNCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les
GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit Changements Climatiques
(coopération technique allemande) UNESCO : Organisation des Nations unies pour
GIC : Groupement d’Intérêt Communautaire l’éducation, la science et la culture
KfW : Kreditanstalt für Wiederaufbau, ou Banque UTO : Unité Technique Opérationnelle
allemande de développement WCS : Wildlife Conservation Society
MINEPDEP : Ministère de l’Environnement, de la WWF : World Wide Fund Nature
Protection de la Nature et du Développement Durable ZIC : Zone d’Intérêt Cynégétique
MINFOF : Ministère des Forêts et de la Faune ZICGC : Zone d’Intérêt Cynégétique à Gestion Com-
ONAP : Office National des Aires Protégées munautaire

61
62
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Cameroun

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

1 PN de la Benoué 1968 Arrêté 120/SEDR du 05/12/1968 180 000

2 PN de Bouba-Ndjida 1968 Arrêté 120/SEDR du 05/12/1968 220 000

3 PN de Campo-Ma’an 2000 Décret 2000/004/PM du 06/01/2000 264 064

Arrêté 120/SEDR du 05/12/1968


4 PN du Faro 1980 330 000
et décret 80/243 du 08/07/1980
Arrêté 120/SEDR du 05/12/1968
5 PN de Kalamaloué 1968 4 500
et arrêté 7 du 04/02/1972

6 PN de Korup 1986 Décret 86/1283 du 30/10/1986 125 900

Décret 2001/107/CAB/PM
7 PN de Lobéké 2001 217 854
du 19/03/2001

8 PN de Mbam et Djérem 2000 Décret 2000/005/PM du 06/01/2000 416 512

9 PN de Mozogo Gokoro 1968 Arrêté 120/SEDR du 05/12/1968 1400

10 PN de Mpem et Djim 2004 Décret 2004/0836/PM du 12/05/2004 97 480

11 PN de la Vallée du Mbéré 2004 Décret 2004/3052/PM du 04/02/2004 77 760

12 PN de Waza 1968 Arrêté 120/SEDR du 05/12/1968 170 000

13 PN de Boumba Bek 2005 Décret 2005/3284/PM du 06/10/2005 238 255

14 PN de Nki 2005 Décret 2005/3283/PM du 06/10/2005 309 362

15 PN des Monts Bakossi 2007 Décret 2007/1459/PM du 28/11/2007 29 320

1 : Certains documents mentionnent aussi les paysages protégés de Nyakagano et de Rubungu-Kigagbwe mais il n’a pas été possible de recueil-
lir d’informations précises à leur sujet. Le paysage aquatique protégé du Nord inclut le lac de Rwihinda ; une réserve naturelle de ce nom est
mentionnée dans certains documents mais elle ne semble pas avoir été créée officiellement. Ces sites ne sont donc pas inclus dans le tableau
ci-dessus.
Notes : PN : parc national ; RF : réserve de faune ; SF : sanctuaire de faune
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires1. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.
Effectif
Catégorie Plan d'amgt
personnel Principaux partenaires RAPAC PM RB SR
UICN (année)
(en 2012)
2003, en
33 MINFOF/DFAP, WWF II X X
révision

75 MINFOF/DFAP, PDOB II 2010 X

2005, en
61 MINFOF/DFAP, WWF II X
révision

34 MINFOF/DFAP, PDOB, KfW II 2008

9 MINFOF/DFAP II 0 X

MINFOF/DFAP, WWF, 1999,


39 II X
GIZ, UE en révision
MINFOF/DFAP, WWF, En cours X
47 II X
CEEAC, UE de révision (TNS)

42 MINFOF/DFAP, WCS II 2007 X

4 MINFOF/DFAP II 0 X

En cours
25 MINFOF/DFAP II
d’élaboration
En cours
32 MINFOF/DFAP II
d’élaboration
MINFOF/DFAP, UICN,
1997,
45 SNV, DGIS, GEF, GIZ, II X X X
en révision
DFID, PCGBC, WCS

35 MINFOF/DFAP, FC II 2012

38 MINFOF/DFAP, FC, KfW II 2012

12 MINFOF/DFAP II 0

Plan d’amgt : plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du
réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
- : données non disponibles

63
64
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Cameroun (suite)

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

16 PN de Takamanda 2008 Décret 2008/2751/PM du 21/11/2008 68 599

17 PN du Mont Cameroun 2009 Décret 2009/2279/PM du 18/12/2009 58 178

18 PN de Deng Deng 2010 Décret 2010/0482/PM du 18/03/2010 52 347

Arrêté 75/50 du 25/04/1950 et


19 RF du Dja 1950 526 000
décret 2007/1029/PM du 9 juillet 2007

20 RF de Douala-Edéa 1932 Arrêté du 18/11/1932 160 000

21 RF de Kimbi 1964 - 5 625

22 RF du Lac Ossa 1968 Arrêté 538 de 1948 4 000

23 RF de Mbi Crater 1964 - 370

24 RF de Santchou 1967 - 7 000

25 RF de Ngoyla 2014 Décret 2014/2383/PM du 27/08/2014 156 672

26 SF de Banyang-Mbo 1996 Décret 96/119/PM du 12/03/1996 66 000

27 SF de Kagwene 2008 Décret 2008/0634/PM du 03/04/2008 1 522

28 SF à Gorilles de Mengame 2008 Décret 2008/2207 du 14/07/2008 27 217

29 SF du Mont Oku 2005 - 1 000

30 SF de Tofala Hill 2014 Décret 2014/3212/PM du 29/09/2014 8 087

Total 3 825 024

Notes : PN : parc national ; RF : réserve de faune ; SF : sanctuaire de faune


Plan d’amgt : plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du
réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
- : données non disponibles
Effectif
Catégorie Plan d'amgt
personnel Principaux partenaires RAPAC PM RB SR
UICN (année)
(en 2012)

18 MINFOF/DFAP, WCS II 2010

Validé
13 MINFOF/DFAP, DFID, GIZ II
04/2015

8 MINFOF/DFAP II 0

MINFOF/DFAP, ECOFAC,
90 IV 2007 X X X
UNESCO, FEM, UNOPS
En cours
20 MINFOF/DFAP IV
d’élaboration

10 MINFOF/DFAP IV 0

9 MINFOF/DFAP IV 0

8 MINFOF/DFAP IV 0 X

11 MINFOF/DFAP IV Prévu

- MINFOF/DFAP - 0

11 MINFOF/DFAP IV 0

5 MINFOF/DFAP IV 0

En cours
20 MINFOF/DFAP IV
d’élaboration

7 MINFOF/DFAP IV 0

- MINFOF/DFAP - 0

191 12 8 2 3 4

65
RÉPUBLIQUE
CENTRAFRICAINE
Jean-Baptiste MAMANG KANGA, Charles DOUMENGE
et Adélaïde LARZILLIERE
68
La République Centrafricaine (RCA) est l’un des pays les plus enclavés du conti-
nent africain et parmi les plus pauvres de la planète. Depuis plusieurs décennies
le pays a souffert sous des gouvernements plus ou moins autoritaires et a subi des
périodes d’instabilité récurrentes. La dernière en date, depuis décembre 2012, a
débouché sur une crise profonde qui touche tout le pays, sans commune mesure
avec les périodes d’instabilité précédentes. La situation s’est enlisée et cette crise a
débouchée sur des affrontements intercommunautaires qui ont conduit au déploie-
ment d’une force internationale de maintien de la paix (la MISCA ou Mission
Internationale de Soutien à la Centrafrique, sous conduite africaine). Depuis 2014,
un gouvernement de transition gère le pays mais il peine à y ramener la stabilité.

Malgré toutes ces difficultés, la RCA se place conflits liés à la transhumance du bétail, la question
parmi les pays d’Afrique dont le réseau d’aires de la chasse d’autoconsommation et commerciale
protégées est ancien et relativement bien réparti dans un contexte de crise économique permanente
sur son territoire. Le pays est l’un des plus avancés sont des défis à relever pour la sauvegarde des
d’Afrique centrale en termes de gestion commu- écosystèmes en République Centrafricaine.
nautaire de la faune sauvage. Associant la chasse
sportive, des zones cynégétiques villageoises ont 1. Contexte des aires protégées
été créées à l’initiative du Programme de Déve-
loppement de la Région Nord (PDRN), dans ses 1.1 Contexte politique
phases I et II, consolidées par le Programme de
Développement des Zones Cynégétiques Villa- La conservation et l’utilisation des écosys-
geoises (PDZCV). tèmes naturels est une préoccupation des états
La mise en avant sur la scène internationale d’Afrique centrale qui abritent, de par leur situa-
des multiples problèmes auxquels doit faire tion en zone intertropicale, une part importante
face la RCA a eu pour principal effet de foca- de la diversité biologique de notre planète. En
liser l’attention des bailleurs de fond sur la zone République Centrafricaine, cette préoccupation
nord, ce qui a débouché sur une augmentation se traduit par la création ou le maintien d’un
des crédits d’organismes bi- et multilatéraux système d’aires protégées dans lesquelles les
pour un appui au développement de la province. utilisations doivent garantir la régénération de
Des pôles de développement vont être créés, de l’écosystème. Même si la Constitution de la RCA
nombreuses ONG humanitaires se sont installées ne mentionne pas directement la question de la
dans les provinces éloignées et transfrontalières, protection des ressources naturelles, le Code de
le secteur privé et minier réinvestit certaines protection de la faune sauvage marque toutefois
zones délaissées (uranium, or diamant). Pourtant, son intérêt et engagement dans ce domaine :
il semble que jamais les conflits n’ont été aussi « La faune, en République Centrafricaine, est
présents sur l’ensemble du territoire centrafri- partie intégrante du patrimoine national. Il est du
cain et cela malgré des densités de populations devoir de chacun de veiller à sa sauvegarde » (Loi
humaines toujours très faibles. 84/045 du 27 juillet 1984, art.1).
La poursuite d’un braconnage professionnel Le Plan National d’Action Environnementale
et toujours plus violent perpétré par des hommes (PNAE) est le premier document de politique
venant souvent de pays voisins, l’explosion des environnementale élaboré avec la participation
Pays République Centrafricaine
Superficie 623 000 km² (INED, 2013)
Variation d’altitude 500 m - 1 420 m
Population 4,7 millions habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 7 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale Données non disponibles
Bangui (600 000 hab.), Berberati, Bouar, Bossangoa
Villes principales
et Bangassou
PIB/habitant 335 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,341 ; 185/187 pays (PNUD, 2014)
Agriculture, commerce (diamant, or, bois…),
Principales activités économiques
transport et élevage
Superficie de végétation naturelle
613 000 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
70 000 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
3 602 plantes vasculaires,
Phanérogames
18 plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
Mammifères 209 espèces dont 8 menacées (UICN, 2014)
Oiseaux 668 espèces dont 10 menacées (UICN, 2014)
Reptiles Données non disponibles
Amphibiens Données non disponibles
Poissons 260 espèces dont 3 menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

des composantes sociales de base, notamment les dans une large mesure, la conservation de la
populations rurales les plus reculées de la capi- diversité biologique de manière systémique, en
tale (MEEFCP, 1999). Plus de 80 % des villages relation avec les accords internationaux sur l’en-
et localités de la RCA ont été consultés pour son vironnement (MEE, 2010).
élaboration. Il comporte 31 programmes tirés du Pour renforcer la transparence et améliorer
schéma de l’Agenda 21. Quoique son processus la gestion dans le secteur forestier, la RCA et
d’adoption n’ait pas abouti à cause des crises l’Union européenne ont signé en novembre 2011,
militaro politiques de 1996-2001, il reste le dans le cadre du FLEGT (Forest Law Enforcement
document de politique environnementale le plus Governance and Trade), un Accord de Partena-
objectif et prospectif produit à ce jour. Il intègre, riat Volontaire (APV) qui permet de promouvoir

69
70
le commerce de bois légal et de garantir les la loi semble valider de facto ces termes « réserve
produits de bois centrafricain exportés dans les de la biosphère » dans son annexe 1 mais sans
pays de l’Union Européenne. Cet accord possède en donner de définition précise. Cette annexe
des implications en relation avec l’exploitation reprend en effet les trois catégories précitées
dans certaines aires protégées. ainsi que les réserves de la biosphère ; chaque
aire protégée étant classée dans la catégorie y
1.2 Législation et réglementation relative, avec le détail de ses limites.
D’autre part, dans son article 9, le Code
Une analyse du contexte législatif, réalisée par forestier défini, de manière très peu détaillée il
Yadji Bello & Oko en 2014, met en évidence un est vrai, une nouvelle catégorie d’aires proté-
certain nombre d’éléments que nous reprenons gées : « Réserves écologiques ou réserves de
largement dans les lignes suivantes. En RCA, les biosphère, des superficies de forêt à écologie
législations relatives à la faune et aux aires proté- fragile où l’utilisation des ressources naturelles
gées sont séparées de celles relatives aux forêts et à est réglementée de manière à sauvegarder les
l’environnement. La loi 08/022 du 17 octobre 2008 conditions écologiques originelles souhaitées ».
porte Code forestier, la loi 07/018 du 28 décembre Il semble donc que ce soit le Code forestier qui
2007 porte Code de l’environnement et l’ordon- fasse foi pour ce type de réserve, même si la
nance 84/045 du 27 juillet 1984 porte protection définition qui en est donnée est très éloignée
de la faune sauvage, appelée aussi Code de protec- de celle portée par l’Unesco (Organisation des
tion de la faune sauvage ou Code faune. Nations Unies pour l’éducation, la science et
Les aires protégées sont propriété de l’État. la culture).
Selon le Code faune, une portion du territoire Dans cet article 9, le Code forestier précise
national peut être confiée à une communauté aussi la définition d’autres catégories d’aires
villageoise pour son aménagement ou sa loca- protégées :
tion à des sociétés de chasse privées. Les aires • les réserves spéciales, des aires à usage
protégées relèvent de trois types : les réserves multiple,
naturelles intégrales, les parcs nationaux et les • les sanctuaires de faune, des espaces réservés à
réserves de faune (Titre I, Chapitre I de la loi). la faune où toute activité humaine est proscrite
Faisant partie du domaine public de l’État, les sauf la recherche scientifique,
conditions de classement et de déclassement • les sanctuaires de flore, « des bandes fores-
de ces aires protégées sont précisées par la loi tières constituées en réserves spéciales en vue
(art.10 à 19). de la conservation d’une espèce endémique
Il existe toutefois une ambigüité dans ce Code menacée d’extinction ».
faune concernant les réserves de la biosphère. • il introduit aussi la notion de « Zones tampons
En effet, les trois catégories d’aires protégées et pré-parcs, des aires de transition entre
mentionnées au chapitre 1 sont les seules qui sont une zone d’activité anthropique et une aire
effectivement définies dans le texte. Malgré cela, protégée ».
L’accès aux aires protégées est réglementé amodiés. Un pourcentage des taxes et redevances
dans le Code faune. La construction et l’exploi- versées par les sociétés de safari est théorique-
tation des installations hôtelières, ou des infras- ment reversé à la commune à hauteur de :
tructures touristiques ainsi que l’organisation • 60 % sur les taxes de permis de port d’arme ;
de visites guidées et commentées pourront être • 45 % sur les patentes d’activités commerciales ;
concédées à des personnes privées ou morales, • 40 % sur les taxes d’amodiation ;
dans les parcs nationaux et les réserves de faune, • 25 % sur les taxes d’abattage des animaux
par le Ministre chargé de la faune (art. 23). (art. 58 du Code faune sauf pour les activités
Ce Code faune, en son Titre I, Chapitre III, commerciales).
définit les secteurs de chasse et les zones d’in- Les taxes et redevances liées aux activités
térêt cynégétique. Ultérieurement, avec les cynégétiques sont réparties dans les ZCV entre
changements de paradigmes dans la gestion de l’État, le Fond forestier (MEFCP), les communes,
la faune, des Zones Cynégétiques Villageoises les communautés villageoises et les comités de
(ZCV) et des Domaines Fauniques Communau- gestion des ZCV. Alors que dans les secteurs de
taires (DFC) ont été définis mais aucun texte chasses classiques, les taxes sont réparties entre
de loi ne semble en avoir confirmé la légalité. l’État, le Fond forestier et les communes.
D’une manière générale, malgré de nombreuses Les espèces animales sont classées en trois
avancées concrètes dans la gestion communau- catégories : intégralement protégées, partiel-
taire des ressources fauniques, les dispositions lement protégées et ordinaires (art. 28 à 30 du
légales en faveur des associations villageoises de Code faune). La réglementation de la chasse
valorisation de la faune restent insuffisantes. Ces distingue trois différents permis selon le gibier
lacunes devaient être dépassées par une nouvelle concerné. La nouvelle loi sur la faune en prépa-
loi sur la faune en préparation au début des ration intègrera de nouvelles pratiques de chasse
années 2010 mais celle-ci n’a toujours pas vu le (safari vision, commerce, récolte, ranch faunique,
jour en 2015. Le Code faune de 1984, toujours élevage). Les communautés villageoises ont droit
en vigueur, était en effet essentiellement focalisé de chasse coutumière sans permis administratif si
sur le tourisme cynégétique (Titre II, Chapitre celui-ci est exercé aux moyens d’armes ou engins
III). « Aujourd’hui encore, la législation centra- de fabrication locale à l’exclusion des armes à
fricaine ne fait que de brèves allusions aux droits feux (art. 36 à 38 du Code faune). Ces commu-
et usages coutumiers des populations rurales en nautés villageoises titulaires du droit de chasse
matière cynégétique dans des articles insuffi- coutumier pourront éventuellement être détermi-
sants, parfois contradictoires et dans la pratique, nées par un Arrêté conjoint du Ministre chargé
jamais appliqués, car inapplicables » (BRL- de la faune et du Ministre de l’intérieur (art. 39).
SECA et al., 2010). L’exploitation des produits forestiers non
La mise en valeur de la faune dans les ZCV, les ligneux est également autorisée pour les commu-
secteurs de chasse amodiés et les DFC ainsi que nautés locales par un droit d’usage coutumier
l’écotourisme dans les aires protégées, procurent excluant les espèces protégées (art. 14 du Code
toutefois des revenus au bénéfice des commu- forestier). Cependant, ces droits coutumiers ne
nautés locales. Les populations et les communes s’appliquent pas dans les parcs nationaux et les
bénéficient de retombées touristiques grâce à la réserves naturelles intégrales (art. 13 du Code
création d’emplois et à la réalisation de micro- faune et art. 17 du Code forestier) sauf si les
projets de développement bénéficiant de contri- populations étaient déjà établies. Dans ce cas,
butions des sociétés de chasse dans les villages, si les populations autochtones sont déjà établies
à l’intérieur et autour des domaines de chasse avant le classement d’une zone dans l’une des

71
72
catégories des aires protégées, des dispositions et sanctionnées. Mais, compte tenu de la faible
sont prises pour préserver leurs droits de cueil- intensité des peines en rapport avec les infrac-
lette, de chasse de subsistance et de pêche tradi- tions commises, le projet de révision du code
tionnelle, pourvu que ces activités ne portent pas de la faune prévoit d’introduire de nouveaux
atteinte à leur propre intégrité, aux intérêts des concepts comme la « criminalité faunique » afin
autres communautés et à ­l’environnement. de rétablir l’équilibre entre l’infraction et la
La gestion des conflits homme-faune sauvage peine encourue.
est traitée par l’autorisation « de repousser de La République Centrafricaine a ratifié la
leurs terres les animaux qui feraient courir à leurs majeure partie des conventions internationales
bétails et cultures un danger immédiat » (art. 95 relatives à la biodiversité et aux aires protégées
du Code faune). L’intervention des services de la (tableau 1). Les conventions et textes internatio-
faune peut être sollicitée en cas de danger iden- naux ont contribué à améliorer certains aspects
tifié sous la forme d’une battue administrative des législations et politiques nationales mais leur
(art. 96) dont un rapport détaillé sera adressé intégration complète parait encore bien éloignée
au Ministre en charge de la faune (art. 97). La des réalités de terrain du pays.
connaissance et l’utilisation de procédés préven- Le code de protection de la faune sauvage
tifs doivent cependant être favorisées par les datant maintenant de trente ans ne correspond
services chargés de la faune (art. 94). Les infrac- plus aux objectifs de gestion durable de la faune.
tions peuvent être constatées par les agents asser- Un nouveau code de protection des espèces de
mentés des Eaux et Forêts, les guides de chasse faune sauvage et des aires protégées, finalisé en
assermentés et les gardes des parcs et réserves novembre 2013, attend d’être validé nationale-
(art. 122). Les infractions constatées sont pour- ment pour être ensuite soumis à adoption par le
suivies d’office par le Ministère public (art. 129) Conseil national de transition.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
16 juin 1969 1970
ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
Adoptée en 2003 Signée en 2012
ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées
1er juillet 1975 Signée en 1980
d’extinction (CITES)
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1987
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 Signée en 2005
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 -
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1995
Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
21 mars 1994 1995
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1996
1.3 Contexte institutionnel la première direction consacrée à l’environne-
ment existait auparavant au sein du MEFCP. Des
Le Ministère des Eaux, Forêts, Chasse et responsabilités ont été ajoutées dans les domaines
Pêche (MEFCP) est chargé, dans le cadre de la de l’économie sociale et du développement local.
politique générale définie par le Gouvernement, Au niveau régional, la mission de l’administra-
de l’élaboration et de la mise en œuvre de la tion de l’environnement est exercée par les Direc-
politique nationale dans les domaines des eaux, tions régionales des eaux et forêts.
des forêts et de la gestion et exploitation de la Les organismes sous tutelle (projets de
faune sauvage. La gestion de la faune et des aires conservation), les sociétés de safari (à travers les
protégées relève de la responsabilité de sa Direc- secteurs de chasse) et les gestionnaires des ZCV
tion de la Faune et des Aires Protégées (DFAP). participent également à la gestion de la faune et
Le MEFCP a aussi pour attributions de gérer et des aires protégées. Plusieurs partenaires parti-
de contrôler toutes activités du développement cipent ainsi à la mise en œuvre de programmes et
économique relevant de son département. Il est de projets en RCA. Il s’agit entre autre de : WCS
notamment chargé de : (Wildlife Conservation Society), WWF (Fonds
• veiller à la protection et à la restauration des mondial pour la nature), UICN (Union Internatio-
ressources naturelles par leur exploitation nale pour la Conservation de la Nature), Fonda-
rationnelle, tion Tri-National de la Sangha, Union Européenne
• assurer la vulgarisation des techniques de mise (programme ECOFAC, Conservation et utilisa-
en valeur des ressources forestières, fauniques tion rationnelle des Ecosystèmes Forestiers en
et aquatiques, Afrique Centrale), projet PACEBCo (Programme
• veiller à la préservation, à la conservation et d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du
au renouvellement des écosystèmes menacés Bassin du Congo), RAPAC (Réseau des Aires
de disparition, Protégées d’Afrique Centrale), fondation John
• déterminer les zones d’aménagement forestier, Aspinall, Help, fondation Jane Goodall…
cynégétique, faunique et aquatique,
• intégrer la dimension environnementale dans 1.4 Stratégies et programmes
les politiques, plans et programmes de déve- relatifs aux aires protégées
loppement des secteurs forestiers, fauniques et
aquatiques, Une stratégie nationale en matière de diver-
• veiller au respect des textes en vigueur relatifs sité biologique a été validée au cours d’un
à la protection et à la gestion des ressources séminaire atelier organisé à Bangui, du 05 au
naturelles dans les secteurs du MEFCP. 08 janvier 2000. Cette stratégie a été suivie par
Le Ministère de l’Environnement et de l’Eco- la préparation d’un plan d’action mais celui-ci
logie (MEE), créé en 2009, a pour mission de peine à être mis en place (MEE, 2010). Plusieurs
préserver les ressources forestières et fauniques programmes et projets ont démarré et sont en
et d’améliorer le cadre de vie des populations, cours d’exécution pour assurer la gestion et la
aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain. Le protection des aires protégées, comme notam-
ministère dispose de deux directions générales : ment le Programme d’élaboration et de mise en
la Direction générale de l’environnement et de œuvre des plans d’aménagement et de gestion
l’économie sociale et la Direction générale de dans les aires protégées.
l’écologie et de la prévention des risques. Contrai- Il faut toutefois relever qu’à l’heure actuelle
rement à la Direction générale de l’écologie et la République Centrafricaine connait une situa-
de la prévention des risques, qui est nouvelle, tion conflictuelle des plus intenses. Les groupes

73
74
armés ayant traversé tout le pays, occupent de protégées en région forestière centrafricaine ont
nombreuses zones naturelles sous protection. Le vu le jour (Pinglo, 1988). En 1990 furent alors
réseau des aires protégées est fortement fragi- créés le parc national de Dzanga-Ndoki et la
lisé par la prolifération des armes de guerres réserve spéciale de Dzanga-Sangha.
dans les zones de chasses, l’affaiblissement des
systèmes de gestion et de contrôle et le pillage 2.2 Le réseau actuel
des ressources fauniques par le grand braconnage. des aires protégées

2. Le réseau des aires protégées La position privilégiée de la RCA, à cheval


sur la forêt dense au sud et la steppe au nord, lui
2.1 Historique confère une diversité de milieux naturels, de flore
et de faune appréciable. À ce jour on dénombre
Les fondements du réseau moderne d’aires environ 3 602 espèces de plantes vasculaires et
protégées de la RCA datent du début du 209 espèces de mammifères. Cette diversité
XXe siècle, avec la promulgation de la première biologique, opposée au faible peuplement du
loi sur la chasse, en 1916. Les premières réserves pays a permis très tôt la création, entre 1930 et
de chasse ont été créées en 1925, dans l’est du 1990, de nombreuses aires protégées, en particu-
pays, pour une période de 30 ans. Il s’agissait lier dans le nord et l’est du pays.
des réserves de Zémongo et de la haute Kotto La RCA compte un total de 16 aires proté-
(Doungoube, 1991). Ce n’est qu’en 1933 que gées (catégorie UICN I à VI) recouvrant 11 %
furent créés les deux premiers parcs nationaux du du territoire national (tableau 2 et figure 1). Les
pays, le parc national de l’Oubangui-Chari, qui parcs nationaux (II) et les réserves de faune (IV)
deviendra ultérieurement le parc de Bamingui- se partagent à peu près à part égale les superfi-
Bangoran, et le parc national Saint Floris. cies couvertes (environ 45 % des aires proté-
Entre la fin des années 1930 et les années 1950, gées chacun), les autres types d’aires protégées
plusieurs lois sur la chasse et les aires protégées n’occupant que quelques pourcents du pays. Le
ont redéfini le statut de ces dernières et les activités parc national de Dzanga-Nodki et la réserve de
qui pouvaient y être menées. Plusieurs aires proté- Dzanga-Shanga font partie du Trinational de la
gées ont été créées et certaines ont été reclassées Sangha, un accord transfrontalier entre la RCA,
dans des catégories d’usage différentes, en particu- le Cameroun et le Congo.
lier pour le développement de zones cynégétiques. Comme il a été précisé plus haut, le statut de
Toutes les aires protégées jusque dans les années réserve de biosphère est inclu dans les textes
1980 ont été créées dans les grandes savanes du nationaux (Code faune et Code forestier) mais de
nord et de l’est du pays (Doungoube, 1991). manière ambigüe. Si la réserve de la biosphère
Ce n’est qu’à partir de la préparation du de Bamingui-Bangoran correspond aux limites
programme ECOFAC, à la fin des années 1980, du parc national du même nom, celle de Basse
que les premières propositions de création d’aires Lobaye n’a bénéficié d’aucun décret de créa-
Tableau 2 – Les aires protégées de République Centrafricaine

Catégorie Superficie % du total des aires


Catégorie Nombre
UICN (ha) protégées (en superficie)
Réserves intégrales I 1 80 300 1,1
Parcs nationaux II 5 3 403 700 48,5
Parc présidentiel* VI 1 170 000 2,4
Réserves de faune IV 8 3 030 000 43,2
Réserves spéciales VI 1 315 900 4,5
Réserves de la biosphère** VI 1 14 600 0,2
Total 16 7 014 500 100
Note : * Considéré dans les faits comme une réserve de chasse privée ; ** il s’agit ici uniquement de la réserve de Basse Lobaye
Source : sources diverses (UICN, OFAC…)

tion ni autre statut légal. Nous l’avons toutefois de 121 800 ha dans l’est du pays, entre la réserve
conservée dans le tableau 2 de manière indi- forestière de Bangassou et la réserve de faune de
viduelle, car elle est incluse dans le réseau des Zemongo. Cette aire centrale est entourée d’une
réserves de la biosphère de l’Unesco depuis le 23 zone tampon et d’une zone de transition où sont
juillet 1979, ayant bénéficié d’appui de cette insti- installés divers villages (respectivement 340 600 ha
tution, et qu’une présence de terrain y est effec- et 1 313 200 ha). Ce site du projet Chinko n’est
tive, même si insuffisante (voir aussi tableau 3). toutefois pas repris dans le tableau 2 car son statut
Le réseau d’aires protégées couvre environ légal n’a pas encore été prononcé. Enfin, certaines
la moitié des écosystèmes de steppes soudano- réserves forestières et forêts classées pourraient
sahéliennes du pays mais à peine plus de 7 % aussi compléter le réseau formel des aires proté-
des savanes guinéennes et soudano-guinéennes. gées géré par la DFAP, améliorant la couverture
Les quatre aires protégées du massif forestier territoriale de la biodiversité du pays ; ils ne sont
du Sud-ouest couvrent quant à elles environ 6 % pas non plus repris dans les statistiques actuelles.
de la superficie totale du massif de forêts denses Le réseau des aires protégées centrafricaines
guinéo-congolaises (MEE, 2010). compte deux sites du patrimoine mondial repré-
Ce réseau d’aires protégées est complété par sentant environ 35 % des superficies protégées :
46 secteurs de chasse dont 11 zones cynégétiques le parc national de Dzanga-Ndoki, inclus dans le
villageoises. L’extrême nord-est du pays est en Trinational de la Sangha, en région de forêts denses
effet classé en zone d’intérêt cynégétique. La et celui de Manovo-Gounda Saint Floris dans les
RCA fait ainsi partie des pays où les zones de savanes du nord ; ce dernier est inscrit depuis peu
chasse classées comme telles couvrent des super- sur la liste des sites du patrimoine mondial en
ficies supérieures à celles couvertes par les parcs péril (tableau 3). Le pays héberge aussi deux sites
nationaux, les réserves de faune ou aires proté- Ramsar, en zone forestière uniquement (celui de
gées assimilées (Roulet, 2004). Le réseau total Dzanga-Sangha correspond aux aires protégées
des aires protégées, toutes catégories confon- du même nom). Deux réserves de la biosphère
dues, couvrirait ainsi près de 18 000 000 ha, soit sont aussi inscrites dans le réseau du même nom
29 % du territoire national. (Bamingui-Bangoran et Basse Lobaye) et les sites
Il convient aussi de mentionner une autre initia- pilotes du RAPAC occupent un peu plus de 50 %
tive, le projet Chinko, qui gère une aire naturelle de la superficie des aires protégées.

75
76
Figure 1 – Les aires protégées de Centrafrique*

19

6
2 5 7
1
4
11
8
10

12
13

18
16
17

)
" Capitale n° Nom n° Nom
! Chef-lieu de province ou de région 1 Bamingui-Bangoran 10 Koukourou-Bamingui

Cours d'eau 2 Manovo-Gounda St Floris 11 Gribingui-Bamingui


4 Vasako-Bolo 12 Mbaéré-Bodingué
Eau libre
5 Ouandjia-Vakaga 13 Basse Lobaye
Paysage à haute valeur de conservation
6 André Félix 16 Dzanga-Sangha
Aire protégée
7 Yata-Ngaya 17 Dzanga-Ndoki (p.p.)
Parc national
8 Nana-Barya 18 Dzanga-Ndoki (p.p.)
Autre aire protégée
9 Zemongo 19 Aouk-Aoukale

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international dans le


Inclus dans les aires protégées
pays
Catégorie
Nombre de Superficie Superficie % du total des aires
sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 2 2 033 000 2 033 000 30,0
Sites Ramsar 2 376 300 275 000 3,9
Réserves de la biosphère 2 1 128 600 1 128 600 16,1
Sites RAPAC 5 3 549 600 3 549 600 50,6
Note : * superficies communiquées par le RAPAC
Les aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS)
J.-B. Mamang Kanga

Le complexe des Aires Protégées de Dzanga-San- logique, des relations avec les riverains et les acteurs
gha (APDS) comprend le parc national de Dzanga- économiques ou de la mise en valeur écotouristique.
Ndoki, divisé en deux secteurs de conservation, et la Les seuls postes qui sont pourvus par des agents de
réserve spéciale de Dzanga-Sangha qui correspond à la fonction publique sont les experts nationaux, les
la zone périphérique du parc national. Le complexe conservateurs et quelques écogardes, ce qui pose des
des APDS est adjacent aux parcs nationaux de Lobé- questions quant à la pérennité de la gestion des APDS
ké, au Cameroun, et de Nouabalé-Ndoki, au Congo. sur le long terme.
Ensemble, ces aires protégées forment un complexe Dans la réserve spéciale et en périphérie, diverses
forestier transfrontalier appelé le Tri-National de la activités économiques telles que l’exploitation fores-
Sangha (TNS). tière, la chasse ou le tourisme, permettent de géné-
La majorité du territoire des APDS est recouverte rer des valeurs ajoutées très conséquentes pour les
de forêts denses humides semi-décidues et semper- communautés locales et l’État. Ces trois piliers éco-
virentes, composée de forêt primaire (secteur Ndoki nomiques jouent chacun, vis-à-vis de la protection
du Parc) et secondaire (zones d’exploitation fores- des APDS, un rôle à la fois de stabilisateur social, de
tière, anciennes et modernes ; Boulvert, 1986). Sur réducteur des pressions anthropiques et de source de
les bordures nord de la réserve spéciale, des savanes financement aussi bien pour le développement socio-
herbeuses de type soudanien succèdent aux forma- économique que pour les besoins de l’administra-
tions forestières. Elles sont parsemées d’arbustes tels tion des APDS. Des efforts sont menés pour engager
qu’Annona senegalensis, Hymenocardia acida, etc. l’exploitation forestière vers une exploitation plus
Le complexe des APDS renferme une forte den- durable et respectueuse de la ressource. Les APDS
sité d’espèces remarquables telles que l’éléphant de constituent un des sites majeurs d’intérêt touristique
forêt (Loxodonta cyclotis), le gorille de plaine (Gorilla dans le plan directeur pour le développement touris-
gorilla gorilla), le chimpanzé (Pan panicus), le bongo tiques en RCA de 1999. La chasse safari (tourisme
(Tragelaphus eurycerus), des centaines d’espèces d’oi- cynégétique) peut aussi favoriser une mise en valeur
seaux et des milliers d’insectes. L’accès des animaux des ressources fauniques très efficace pour la sau-
à des habitats non perturbés sur de grandes surfaces vegarde d’espaces protégés si elle est bien encadrée
fait des APDS une zone attractive pour ces animaux par un système de concessions, de taxes et de quotas
exigeants en ce qui concerne la qualité de leurs terri- d’abattage. Toutefois, en 2011, trois concessions de
toires. De nombreuses études ont permis d’estimer la chasse étaient présentes sur la réserve mais aucune
densité des gorilles dans le secteur Dzanga du parc n’exerçait son activité.
à 1,6 individus/km² (en 1996-1997) et celle des élé- D’après le plan d’aménagement 2011-2015 (ME-
phants à 3,18 individus/km² (Blom, 1999). FCP, 2011), les retombées directes de ces activités
L’administration des APDS est une structure qui a sont de l’ordre de 30 à 50 millions de FCFA (envi-
été constituée en grande partie de façon ad hoc, sous ron 45 000 et 75 000 e). Cette somme assure plus ou
l’influence des acteurs concernés : le ministère de tu- moins l’intégralité des revenus de 30 à 40 personnes
telle et les partenaires GIZ (coopération allemande) (soit environ 3 % des ménages de la zone), à qui les
et WWF. La grande majorité des postes de cette ad- activités touristiques procurent une occupation prin-
ministration, quel que soit l’échelon, a été créée et est cipale. Elle profite encore à quelques personnes qui,
rémunérée dans le cadre des projets financés par la à travers ces activités, réalisent des revenus complé-
GIZ (jusqu’au fin 2009) et le WWF. Ces fonds des mentaires. On peut estimer qu’au total un peu plus
partenaires financent aussi l’essentiel des investisse- de 5 % des ménages sont concernés. Les retombées
ments en équipements et infrastructures ainsi que le indirectes issues des droits d’entrée du parc à hau-
fonctionnement. Les différents dispositifs de gestion teur de 40 % représentent environ 4 millions de
des APDS correspondent à des activités des parte- FCFA/an, ce qui est encore très faible au regard du
naires, qu’il s’agisse de la surveillance, du suivi éco- nombre d’habitants de la zone.

77
78
3. Organisation de la gestion Les ZCV sont des portions du territoire
des aires protégées national vouées à l’exploitation cynégétique dont
la gestion est confiée officiellement par l’État
3.1 Gouvernance et systèmes de aux communautés villageoises locales. Celles-
gestion des aires protégées ci les louent à des sociétés de chasse privées,
qui les exploitent suivant un cahier des charges
Toutes les aires protégées sont gérées par la et dans le respect de quotas d’abattage spéci-
Direction de la faune et des aires protégées du fiques accordés par l’État. Ce sont les commu-
MEFCP (tableau 4). Les autres partenaires sont nautés d’un commun accord avec les sociétés de
essentiellement des partenaires techniques et safari qui assurent la protection des zones sous
financiers, à l’exemple de la prise en charge des leur responsabilité, et sous la supervision d’un
écogardes pour la surveillance des sites. Toute- cadre des Eaux et forêts affecté dans la structure.
fois, de facto, comme dans l’exemple des Aires Les fonds générés par les taxes et redevances
protégées de Dzanga-Sangha, l’État est très sont, en dehors de la part réservée à l’État et
largement secondé par des partenaires techniques aux communes, gérés démocratiquement et de
étrangers ou parfois locaux, en particulier des manière autonome par des structures villageoises.
ONGs (Organisation non-gouvernementales). Suivant le protocole d’accord avec son locataire,

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées de République Centrafricaine

Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
Parcs nationaux,
Gouvernementale DFAP1 réserves de faune et 7 014 500
de biosphère (16)
Privée Sociétés de safari Secteurs de chasse 7 931 800
Communautaire - - -
Sociétés de safari,
Partagée** ZCV 3 332 100
communautés et DFAP
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
Notes : 1 avec appui technique et parfois implication importante de partenaires dans certains parcs tels que WWF, UICN,…
- : données non disponibles
le comité de gestion de la ZCV affecte une partie Un plan d’aménagement a été réalisé pour les
de ses recettes à l’aménagement et à la gestion de Aires protégées de Dzanga-Sangha sur la période
la zone et une autre partie à des initiatives et à des 2011/2015 ; aucune révision n’est pour l’instant
services communautaires identifiés par les villa- planifiée. Le plan de gestion du parc national de
geois. L’objectif principal de la gestion dans les Mbaéré-Bodingué 2011/2020 est encore dans
ZCV est de générer durablement des avantages sa version provisoire. Hormis ces deux plans
suffisants pour l’amélioration des conditions de d’aménagement, aucune autre aire protégée ne
vie des communautés locales et la contribution à dispose de plans d’aménagement ou de gestion
la préservation de la faune sauvage (MEE, 2012). (tableau 5).

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours de Réalisé Evalué et révisé
Aucun
préparation (date) (date)
Réserves naturelles
1 0 0 0
intégrales
Parcs nationaux 4 0 1 (2011/2015) 0
Parc présidentiel 1 0 0 0
Réserves de faune 8 0 0 0
Réserves spéciales 0 0 1 (2011/2015) 0
Réserves de la
1 0 0 0
biosphère*
Note : * il s’agit ici uniquement de la réserve de Basse Lobaye

3.2 Les moyens disponibles d’un partenariat extérieur (financier, technique et


matériel) sont réellement efficientes. L’absence
3.2.1 Les ressources humaines de partenaires dans une aire protégée implique
et matérielles directement le non fonctionnement de celle-ci.
Les informations sur les ressources humaines
Etant donné les difficultés financières de sont disparates et incomplètes et ne permettent
l’État centrafricain depuis quelques années, il pas réellement d’en apprécier l’importance
s’avère que seules les aires protégées bénéficiant actuelle (tableau 6).

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - 12 12 - - - - -
18
Cadres moyens - - 4 52 - - - 14 -
Gardes et écogardes - - 121 162 31 - - 278 - -
Total - - 137 226 31 - - 310 - -
- : données non disponibles

79
80
3.2.2 Financements Européenne, PACEBCo, RAPAC,…), pour une
partie du personnel mais surtout aussi l’essentiel
Le budget alloué par l’État pour la gestion des investissements et du fonctionnement.
des aires protégées est notoirement insuffisant. La faible contribution de l’État s’opère à
Les aires protégées reçoivent de l’État un budget travers un organe de financement de la poli-
de fonctionnement annuel qui sert à rétribuer tique nationale de conservation des ressources
une partie du personnel et à un fonctionnement naturelles : le Compte d’Affectation Spécial de
minime. La majorité des financements (tableau Développement Forestier et Touristique (CAS-
7) est assurée par des partenaires extérieurs DFT) qui est alimenté par les taxes et redevances
(WWF, UICN, WCS, Fondation TNS, Union forestières et faunistiques.

Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées de République Centrafricaine

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
État - CAS-DF - - - -
PN Dzanga-
Conservation de
Ndoki,
la biodiversité et
Projet Réserve
WWF, GIZ développement - -
Dzanga-Sangha Spéciale
économique du
de Dzanga-
sud ouest du pays
Sangha
Partenaires PN Manovo
Développement
Gounda
des ZVC,
St-Floris,
conservation de
ECOFAC-ZCV UE Bamingui- - -
la biodiversité et
Bangoran et la
développement
zone pilote de
socioéconomique
Sangba
- : données non disponibles

national de Mbaéré-Bodingué ont été reconnus,


4. Enjeux socio-économiques dans le plan directeur pour le développement
autour des aires protégées touristique en RCA de 1999, comme les sites
majeurs d’intérêt touristique correspondants aux
4.1 Tourisme produits touristiques les plus compétitifs sur le
plan international. Ce document estime que les
Le tourisme en RCA a longtemps été associé forêts tropicales humides, la faune et surtout
aux activités de safari de chasse et safari de vision les grands mammifères forestiers ainsi que la
dans les grands parcs et les zones de chasse des culture pygmée, constituent des spécificités
savanes du nord du pays. Le développement qui permettent de se distinguer des destinations
touristique du sud-ouest du pays est concentré safari des régions de savanes (Afrique de l’Est
dans le parc national Dzanga-Ndoki et la réserve ou Australe). Cette spécificité permettrait d’at-
spéciale de Dzanga-Sangha. Les APDS et le parc tirer une clientèle suffisante pour rentabiliser les
investissements touristiques. Avec un contexte puis deux familles de gorilles auraient pu consti-
politique stabilisé, les perspectives d’un essor tuer la base d’une activité touristique régulière.
plus important dans les années à venir pourraient Si la situation politique ne s’était pas dégradée,
donc être intéressantes. on pouvait considérer que la RCA aurait pu, petit
Les populations et les communes profitent en à petit, offrir des prestations à la hauteur de celles
effet des retombées touristiques grâce à la créa- que l’on connait dans la région du rift (Rwanda,
tion de petits emplois et à l’injection d’argent Ouganda…). Actuellement, ce n’est malheureu-
dans le circuit économique à travers les salaires sement pas encore envisageable.
du personnel durant la période d’activités. Ils
profitent aussi de micro-projets de développe- 4.2 Valorisation durable
ment bénéficiant de contributions des sociétés de de la biodiversité
chasse dans les villages à l’intérieur et autour des
domaines amodiés. De plus, sur les taxes payées à Le Code faune et le Code forestier permettent
l’État, les pourcentages suivants sont (en principe) le maintien de certains droits d’usages dans les
reversés aux communes (voir paragraphe 1.2). aires protégées, en fonction de leur statut légal
La part de la commune dans les différentes et de leur impact sur la biodiversité. Les terri-
taxes représentait ces dernières années, dans les toires inclus dans le réseau d’aires protégées
aires protégées de Dzanga-Sangha, où une seule jouent en effet un rôle important dans la vie
des trois sociétés de chasse était véritablement socio-économique des populations rurales qui en
active dans la zone qui lui avait été attribuée, exploitent les ressources naturelles. C’est le cas,
un montant de l’ordre de 3 millions FCFA. En par exemple dans la réserve spéciale de Dzanga-
supposant le maintien des taux des taxes et des Sangha ou dans la réserve de la biosphère de
pourcentages de leurs répartitions on pourrait Basse Lobaye, pour toute une série de produits
s’attendre en cas d’activités des trois sociétés de forestiers non ligneux tels que : fruits, graines,
chasse et d’une réalisation des quotas actuels à tubercules, plantes à épices ou médicinales. La
des montants de l’ordre de 5 à 8 millions FCFA chasse y est également pratiquée pour l’autocon-
(MEFCP, 2011). sommation et le commerce. Ces ressources sont
Le tourisme de vision de certaines espèces importantes pour les villageois mais aussi pour
charismatiques telles que les gorilles pourrait les Pygmées qui se déplacent encore sur de vastes
aussi potentiellement apporter des sources très superficies, y compris à l’intérieur des aires
appréciables de revenus, sous réserve que la protégées forestières. Dans les aires protégées de
stabilité politique du pays soit rétablie. Depuis savanes, les populations rurales collectent aussi
quelques années, le taux de rencontres des certains produits végétaux et animaux. Ces zones
gorilles dans les APDS avait augmenté et une, sont aussi parfois importantes pour la transhu-

81
82
mance du bétail en tant que zones de passage, et de gestion (fréquentation et mouvements d’es-
ce qui peut poser parfois des conflits avec les pèces phares, composition floristique).
gestionnaires. Il faut aussi souligner que ces aires
protégées centrafricaines ont servi, depuis de 5. Bilan général de la gestion
nombreuses années, de territoire de chasse pour des aires protégées du pays
le trafic d’ivoire.
Avec la situation politique et sécuritaire Depuis la création de la plupart des aires
instable, il est à craindre que ces trafics continuent protégées, des efforts ont été accomplis dans la
et que la mise en place d’une gestion durable des connaissance de la richesse biologique. Les prin-
ressources fauniques et floristiques dans les aires cipales causes directes de la perte de la biodiver-
protégées où cela serait justifié, ne soit impos- sité dans les aires protégées sont souvent liées au
sible à l’heure actuelle. Les seuls sites où cela manque de ressources financières, à l’inadéqua-
pourrait être possible sont ceux où l’implantation tion entre la fonction de gestionnaire des aires
des partenaires de la DFAP permet d’assurer une protégées et le profil des compétences dispo-
présence et un appui technique conséquent. nibles, à l’absence d’un plan d’aménagement
et de gestion du territoire, au sous effectif des
4.3 Autres agents en charge de la gestion des aires protégées,
à l’absence d’un système de suivi-évaluation
Les aires protégées du sud-ouest du pays sont de la biodiversité et à l’inexistence des centres
internationalement connues dans les milieux de de référence en matière de taxonomie en RCA
la recherche, de la conservation et de la coopé- (MEE, 2010). Il faut toutefois rajouter à toutes
ration en raison de leur valeur écologique, et ces causes, une cause profonde et fondamentale,
en particulier de leur grande biodiversité, ainsi dont souffre actuellement le pays : une situation
qu’en raison du maintien d’espèces animales sécuritaire très instable entrainant une dégrada-
devenues rares dans d’autres zones. En matière tion qui peine à être endiguée.
de recherche, des partenaires scientifiques Une situation sécuritaire et politique stable
nationaux et internationaux s’intéressent, par fait partie des pré-requis nécessaires à l’effica-
exemple, aux APDS depuis déjà plus de 15 ans. cité des politiques de conservation et des réseaux
Cet engagement à long terme sert aussi directe- d’aires protégées. En situation d’instabilité, ces
ment l’administration des APDS dans la mesure aires protégées peuvent toutefois être mobilisées
où les connaissances accumulées sur l’écologie pour rétablir l’état de droit dans certaines régions,
de la zone éclairent les décisions d’aménagement sous réserve que la présence de l’administration
et de ses partenaires sur le terrain soit suffisante. significative de la plupart des espèces animales
À l’heure actuelle, les bandes armées occupant en voie de disparition qui étaient menacées par
les aires protégées menacent encore fortement le braconnage, une diminution de la pression sur
cette richesse biologique et son potentiel de valo- les animaux, une avancée dans les recherches
risation pour le développement du pays. fauniques, etc. Il est vital pour le pays que ces
Certaines aires protégées sont traversées par appuis perdurent et permettent à terme de favo-
des parcours pastoraux, créant ainsi une menace riser une gestion plus efficace des aires protégées
sur la faune sauvage. C’est le cas des réserves de par l’État et, singulièrement, par la DFAP, en
Zemongo, de Nana Barya, de Manovo Gounda partenariat avec les autres parties prenantes.
Saint Floris, etc. L’incursion des éleveurs trans- La loi 08/022 du 17 octobre 2008 portant Code
humants étrangers et leurs troupeaux de bovins forestier en RCA instaure le partage des béné-
en dehors des couloirs de transhumance constitue fices découlant de l’exploitation des ressources
un facteur de dégradation de ces habitats naturels.
biologiques et exprime la nécessité de faire
Dans d’autres cas, l’occupation des terres par les
participer les communautés locales à la gestion
exploitants miniers et l’implantation des villages
des ressources biologiques. Cette loi prévoit la
artificiels entrainent une très forte dégradation de
mise en place d’une gestion participative et de la
l’environnement et de la biodiversité. Ces ques-
foresterie communautaire pour améliorer l’utili-
tions nécessitent une réflexion d’aménagement
sation durable des ressources de la biodiversité
intégré du territoire et de zonage (permis minier,
limite des aires protégées, couloirs de transhu- en RCA. La gestion durable des aires protégées
mance) qui n’est pas encore développée dans le nécessite non seulement l’appui des partenaires
pays. au développement mais aussi la mise en place
Les interventions de certains acteurs et d’une plate forme de concertation intergouverne-
programmes de conservation (WWF, Union mentale. Celle-ci permettra d’asseoir et de mettre
Europeenne, UICN,…) dans les aires proté- en œuvre une politique cohérente pour améliorer
gées du sud-ouest (APDS et parc national de les stratégies focalisées sur la réduction des effets
Mbaéré-Bodingué) ou du nord (parcs nationaux négatifs de la dégradation des sites à écologie
de Manovo Gonda Saint Floris et de Bamingui- fragile. La conjugaison de ces actions permet-
Bangoran) ont montré des résultats très positifs trait de réduire les incidences négatives des effets
en matière de conservation et de gestion des aires anthropiques, d’une part, et de lutter contre la
protégées. On y a constaté une augmentation pauvreté, d’autre part (MEE, 2010).

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MEE, 2010. Quatrième rapport national à la Conven-
UICN, 2014. Red List version 2014.3, Table 5 :
tion sur la diversité écologique. Ministère de l’envi-
Threatened species in each country. http://www.iuc-
ronnement et de l’écologie, PNUD/GEF, RCA : 93 p. nredlist.org/
MEE, 2012. Deuxième rapport national sur le déve-
Yadji Bello & Oko R.A., 2014. Étude sur l’harmo-
loppement durable. Ministère de l’environnement et
nisation des législations relatives à la gestion de la
de l’écologie, PNUD/UNDESA, RCA : 40 p.
faune et des aires protégées dans sept pays membres
MEFCP, 2011. Plan d’aménagement des aires protégées du RAPAC : Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC,
de Dzanga-Sangha 2011-2015. Ministère des Eaux, Fo- STP et Tchad. Partie 1 : État des lieux et analyse
rêts, Chasse et Pêche, GIZ/WWF, RCA : 202 p. comparative des législations relatives à la gestion de
MEEFCP, 1999. Plan National d’Action Environne- la faune et des aires protégées. RAPAC, Libreville,
mental 2000-2020. Ministère de l’Environnement, Gabon : 251 p.

Sigles et abréviations
APV : Accord de Partenariat Volontaire Ecosystèmes Forestiers en Afrique Centrale
APDS : Aires Protégées de Dzanga-Sangha FCFA : Franc des Communautés Financières
CAS-DFT : Compte d’Affectation Spéciale - Déve- d’Afrique
loppement Forestier et Touristique FSC : Forest Stewardship Council
CDB : Convention sur la Diversité Biologique FLEGT : Forest Law Enforcement Governance and
CITES : Convention sur le Commerce international Trade
des espèces de faune et de flore sauvages menacées FTNS : Fondation Tri-National de la Sangha
d’extinction GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusamme-
DFC : Domaines fauniques communautaires narbeit (coopération allemande)
DFAP : Direction de la Faune et des Aires Protégées MEE : Ministère de l’Environnement et de l’Ecologie
ECOFAC : Conservation et utilisation rationnelle des MEFCP : Ministère des Eaux, Forêts, Chasse et Pêche
MISCA : Mission Internationale de Soutien à la Cen- RAPAC : Réseaux des Aires Protégées d’Afrique
trafrique Centrale
ONG : Organisation Non-Gouvernementale RCA : République Centrafricaine
OFAC : Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale TNS : Tri-national de la Sangha
PACEBCo : Programme d’Appui à la Conservation UE : Union Européenne
des Ecosystèmes du Bassin du Congo UICN : Union Internationale pour le Conservation de
PDRN : Programme de Développement de la Région la Nature
Nord UNCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les
PDZCV : Programme de Développement des Zones Changements Climatiques
Cynégétiques Villageoises UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
PILED : Programme d’Initiatives Locales et d’Eco- l’Education, la Science et la Culture
Développement WCS : Wildlife conservation society
PNAE : Plan National d’Action Environnementale WWF : World Wild Fund Nature
PN : Parc National ZCV : Zone Cynégétique Villageoise

85
86
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
de République Centrafricaine

Date de Textes Superficie*


Nom AP
création de référence (ha)

01 RNI de Vassako-Bolo 1940 Arrêté 2/243 du 27 juillet 1940 80 300

Arrêté du 08 juillet 1933 et Arr. 2/243


02 PN de Bamingui-Bangoran 1933 1 114 000
du 27 juillet 1940

Arrêté du 10 décembre 1933


03 PN de Manovo-Gounda St Floris 1933 1 911 000
et arrêté 2/243 du 27 juillet 1940

04 PN de Dzanga-Ndoki 1990 Loi 90/017 du 29 décembre 1990 122 000

05 PN de Mbaéré-Bodingué 2007 Loi 07/008 du 09 mai 2007 86 700

06 PN André Félix 1960 Loi 60/014 du 20 juin 1960 170 000

07 Parc présidentiel de l’Awakaba 1968 Ordonnance 80/055 du 11 juillet 1980 170 000

08 RF de Zemongo 1925 Arrêté du 29 juin 1925 1 010 000

09 RF d’Ouandja-Vakaga 1925 Arrêté du 29 juin 1925 480 000

Décret du 30 avril 1935


10 RF d’Aouk-Aoukale 1935 330 000
et arrêté 2/243 du 27 juillet 1940

11 RF de Gribingui-Bamingui 1933 Arrêté du 08 juillet 1933 450 000

Arrêté du 08 juillet 1933


12 RF de Koukourou-Bamingui 1933 110 000
et arrêté 2/243 du 27 juillet 1940

13 RF de Nana-Barya 1953 11 décembre 1953 230 000

14 RF de Yata-Ngaya 1925 Arrêté du 29 juin 1925 420 000

15 Réserve spéciale de Dzanga-Sangha 1990 Loi 90/018 du 29 décembre 1990 315 900

16 RB de Basse Lobaye - - 14 600

Total 7 014 500

Notes : PN : parc national ; RF : réserve de faune


Plan d’amgt : Plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie
du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humide
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif
Principaux Catégorie Plan d'amgt
personnel RAPAC PM RB SR
partenaires UICN (année)
(en 2012)
MEFCP/DFAP,
- I -
Société de chasse, UE
MEFCP/DFAP,
31 II - X X
Société de chasse, UE
MEFCP/DFAP,
X en
33 Société de chasse, UE, II - X
péril
UNESCO
MEFCP/DFAP, WWF,
38 II 2011/2015 X X X
GIZ, WCS
MEFCP/DFAP,
34 Société de chasse, UE, II - X X
exploitants forestiers

- MEFCP/DFAP II -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP IV -

- MEFCP/DFAP VI 2011/2015 X

- MEFCP/DFAP VI - X

- 2 5 2 2 2

* : superficies communiquées par le RAPAC


- : données non disponibles

87
RÉPUBLIQUE
DU CONGO
Asté Serge Ludovic BONGUI
et Jérôme MOKOKO IKONGA
90
La République du Congo renferme divers écosystèmes tant forestiers, savanicoles,
dulçaquicoles que côtiers. La forêt recouvre environ 60 % du territoire. Elle est subdi-
visée en trois massifs discontinus, celui du Nord comprenant les trois quarts de la
superficie forestière (Kimpouni et al., 2013). Le Congo reste l’un des pays d’Afrique
centrale les moins connus du point de vue botanique. Le seul inventaire disponible pour
la flore vasculaire est celui de Sita & Moutsamboté (1988) qui est réduit à une liste de
noms, sans indication de répartition des échantillons de référence (Lachenaud, 2009).
La diversité floristique du Congo actuellement connue se monte à un peu plus de
5 100 espèces mais pourrait atteindre 6 000 à 6 500 espèces (DGDD, 2014). La richesse
de la flore du Congo est liée à sa position de carrefour entre les domaines Bas-Guinéens
au sud et Congolais au nord (White, 1979).

Les espèces animales considérées emblé- à une érosion côtière et à une forte pollution
matiques au Congo sont notamment, l’éléphant provenant particulièrement du fleuve Congo, des
d’Afrique de forêt (Loxodonta cyclotis, Elephan- activités humaines et industrielles de la ville de
tidae), le gorille de plaine de l’ouest (Gorilla Pointe-Noire (DGDD, 2014).
gorilla gorilla, Hominidae), le chimpanzé (Pan La République du Congo a entrepris depuis le
troglodytes, Hominidae), le bongo (Tragela- début de la décennie 2000, une réforme profonde
phus eurycerus, Bovidae). Le lion (Panthera du cadre juridique et institutionnel des secteurs
leo, Felidae) était encore présent au nord du de l’environnement et des forêts. À cet effet, le
pays au début des années 1990 (Hecketsweiler Code forestier et les textes subséquents ont été
et al., 1991) mais il semble avoir disparu depuis révisés. Il en est de même de la loi sur la faune et
alors que les hyènes tachetées (Crocuta crocuta, les aires protégées, dont les textes d’application
Hyaenidae) y sont toujours répertoriées. Le sont en cours d’approbation, tandis que le cadre
Colobe rouge de Bouvier (Piliocolobus bouvieri, institutionnel est en mutation.
Cercopithecidae) est une des quelques espèces de
mammifères endémiques de la région. 1. Contexte des aires protégées
La déforestation et la dégradation forestière
ainsi que la prolifération des espèces envahis- 1.1 Contexte politique
santes menacent les écosystèmes forestiers
et la biodiversité nationale. Ainsi, les princi- La stratégie du développement forestier de
paux facteurs influant sur l’état de la diversité la République du Congo est encadrée par le
sont entres autres les causes liées à la destruc- Programme d’Action Forestier National (PAFN)
tion des habitats et à l’exploitation de la flore et le Projet d’Action pour la Valorisation des
terrestre. Le braconnage ne cesse d’augmenter Aires Protégées (PAVAP). Les différents axes
tant au niveau des zones banales que dans les stratégiques prioritaires s’orientent autour de la
aires protégées. Il ne concerne plus seulement conservation des écosystèmes et de l’exploitation
les grands mammifères protégés comme l’élé- rationnelle de la faune, à travers la promotion
phant, les grands singes, le bongo et le léopard de la gestion participative, le renforcement des
(Panthera pardus, Felidae) mais aussi les capacités de lutte contre les crimes environne-
espèces partiellement ou non protégées. L’éco- mentaux et l’amélioration de la gouvernance et
système marin et côtier congolais est soumis de la coopération internationale.
Pays République du Congo
Superficie 342 000 km² (INED, 2013)
Variation d’altitude 0 – 1 200 m
Population 4,46 millions habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 13,6 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale 80/20
Brazzaville (1 373 382 hab.), Pointe-Noire (715 334 hab. ;
Villes principales
RPGH, 2007)
PIB/habitant 3 167 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,564 ; 140/187 pays (PNUD, 2014)
Principales activités économiques Exploitation pétrolière, exploitation forestière, agriculture
Superficie de végétation naturelle
305 100 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
213 100 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
Environ 5 000 espèces (DGDD, 2014) dont 41 plantes
Phanérogames
menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
Environ 200 espèces (DGDD, 2014)
Mammifères
dont 14 espèces menacées (UICN, 2014)
676 espèces (DGDD, 2014)
Oiseaux
dont 5 espèces menacées (UICN, 2014)
151 espèces (DGDD, 2014)
Reptiles
dont 4 espèces menacées (UICN, 2014)
74 espèces (DGDD, 2014)
Amphibiens
dont 0 espèces menacée (UICN, 2014)
Poissons 355 espèces dont 47 espèces menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

Quelques éléments ressortent dans le docu- • l’amélioration et la maîtrise de la gestion des


ment de politique forestière qui a pour objectif aires protégées actuelles ;
d’assurer le développement économique, • la promotion du secteur de la faune en tant que
social et écologique du pays sur la base de la support essentiel pour le développement de
gestion durable des ressources forestières et l’industrie touristique ;
fauniques. • la lutte contre le braconnage avec l’implication
Ceux en matière de conservation de la biodi- des exploitants forestiers et des populations
versité sont : riveraines ;

91
92
• l’utilisation économique et environnementale • loi 16/2000 du 20 novembre 2000 portant Code
des 7 millions d’hectares de forêts denses, de forestier et ses textes d’application ;
zones inondables ou marécageuses comme • loi sur la chasse 48/83 du 21 avril 1983, défi-
puits de carbone ; nissant les conditions de conservation et d’ex-
• la coopération au niveau sous-régional et inter- ploitation de la faune sauvage.
national en matière de conservation et d’utili- Les principes généraux qui sous-tendent
sation durable des écosystèmes forestiers, dans le cadre législatif en vigueur (loi 37/2008)
le respect de la souveraineté et d’un partenariat concernent le caractère public et d’intérêt général
responsable ; des ressources naturelles qui, de ce fait, méritent
• la promotion d’une gestion participative des une protection, une sauvegarde et une gestion
ressources naturelles ; durable. La promotion de la démarche participa-
• la conciliation des objectifs de développement tive et l’affirmation des droits d’usage à des fins
avec les exigences de la conservation. de subsistance appuient la volonté d’un accès
équitable aux ressources pour toutes les parties
1.2 Législation et réglementation prenantes. Les textes d’application de cette loi
sont en cours d’approbation par le gouvernement.
Une analyse du contexte législatif, réalisée par Six types d’aires protégées sont identifiés,
Yadji Bello & Oko en 2014, met en évidence un tous sous contrôle de l’État : les parcs nationaux,
certain nombre d’éléments que nous reprenons les réserves naturelles intégrales, les réserves de
largement dans les lignes suivantes. Plusieurs faune, les réserves spéciales ou sanctuaires de
textes législatifs majeurs régissent la gestion de faune et les zones d’intérêt cynégétique (art. 6
la faune et des aires protégées en République du et 9). Les aires protégées sont créées par décret
Congo : ministériel suite à une étude d’impact environne-
• loi 34/2012 du 31 octobre 2012 portant créa- mental et doivent tenir compte des objectifs de
tion de l’agence congolaise de la faune et des conservation durable des ressources naturelles et
aires protégées ; de la nécessité de satisfaire les besoins des popu-
• arrêté 6075 du 9 avril 2011 déterminant les lations riveraines (art. 8). Il est prévu la mise en
espèces animales intégralement et partielle- place d’une zone tampon ou périphérique pour
ment protégées ; les activités socio-économiques compatibles
• loi 37/2008 du 28 novembre 2008 sur la faune avec les objectifs de l’aire protégée ; les disposi-
et les aires protégées ; tions sur les activités interdites au sein des aires
• loi 03/91 du 21 avril 2001 sur l’environne- protégées sont précisées dans les articles 12 à 17.
ment ; Le pays ne dispose pas encore de plan de zonage
mais une loi foncière est actuellement en chan- protégées sauf dérogation spéciale, la chasse est
tier. Le futur plan d’affectation des terres prévoit autorisée pour les espèces non protégées et celles
de distinguer des zones d’aménagement et des partiellement protégées. L’arrêté 6075 du 9 avril
zones de conservation. 2011 détermine la liste des espèces intégralement
La gestion des aires protégées se fait suivant et partiellement protégées. Les conditions dans
un plan d’aménagement (art. 19) qui décrit les lesquelles ces espèces sont soumises au régime
potentialités et l’état des ressources et définit de chasse sont déterminées par voie réglemen-
les activités à réaliser. Il s’agit notamment des taire (art. 24, 25 et 26 de la loi 37/2008).
actions de conservation, du traçage des pistes L’exercice de la police de la faune et de la
et des infrastructures d’accueil, du programme chasse est assuré par les personnels des services
de recherche, des modalités de participation des compétents du ministère en charge dont font
populations riveraines et des activités alterna- partie les écogardes (art. 95 et 96). Deux types
tives, et des limites de la zone tampon ou péri- de sanctions sont prévues : les amendes (de
phérique. Sa planification et sa mise en œuvre 10 000 à 5 000 000 FCFA maximum) et l’em-
sont soumises à la participation des populations prisonnement (de 1 mois à 5 ans). Un cumul
riveraines (art. 20 et 21). des peines est envisagé pour les délits les plus
Les populations locales peuvent exercer leurs graves, comme l’abattage d’un animal intégra-
droits d’usage pour la chasse traditionnelle pour lement protégé, le non respect de la période de
satisfaire leurs besoins individuels ou commu- chasse et la récidive (art. 112 et 113). « Toute
nautaires, à l’intérieur de leur terroir ou dans personne qui aura rejeté ou déversé des subs-
les limites des zones ouvertes à la chasse tradi- tances ou des déchets préjudiciables à la faune
tionnelle (art. 62). La loi distingue également la ou à son milieu peut encourir une sanction
chasse villageoise (art. 64), qui donne droit aux maximum de 50 millions de FCFA et 20 ans
associations villageoises ou fédérations d’asso- de réclusion » (art. 114). Quant aux conditions
ciations dûment constituées de mener leurs acti- d’importation et de réexportation des animaux
vités de chasse pour leur compte et de disposer intégralement ou partiellement protégés, elles
librement des produits qui en résultent. L’ex- découlent largement des dispositions en vigueur
ploitation des produits forestiers non ligneux de la CITES et de l’accord de Lusaka sur la lutte
dans les aires protégées doit être définie par un contre le commerce illicite des produits de la
règlement intérieur ; une taxe d’exploitation est faune (article 27, 28 et 30).
appliquée (art. 82 et 83). « Les populations rive- Le Code forestier (loi 16/2000 du 20 novembre
raines sont associées à la gestion des aires proté- 2000) ne fait pas référence aux aires protégées
gées. Elles bénéficient des revenus générés par de manière explicite mais il définit les règles de
les activités qui s’y exercent dans les conditions gestion durable de leurs zones périphériques. Il
et les modalités fixées par décret en conseil des évoque ainsi la notion de « forêts de conserva-
ministres » (art. 22). tion naturelle », partie intégrante du domaine de
La gestion des zones de chasse se fait par l’État, dont la mission est d’assurer la pérennité
affermage contre participation à la protection d’essences forestières, de protéger les habitats de
de l’environnement et des ressources naturelles la faune sauvage et de la flore ou de préserver
(titre III, chapitre IV). L’exploitation touris- des paysages (art. 10). Le domaine forestier non
tique des aires protégées à travers notamment le permanent est constitué par des forêts proté-
tourisme de vision est prise en compte à travers la gées, n’ayant pas fait l’objet de classement,
délivrance de permis et de licences (titre IV). À faisant parties intégrantes du domaine public de
l’exception des espèces animales intégralement l’État (art. 13).

93
94
L’article 40 du Code forestier, précise les droits Leur exercice est gratuit. Les feux de forêt et
d’usage qui s’appliquent dans les forêts proté- les incendies de végétation ne sont autorisés que
gées (en dehors des aires protégées). Les popu- dans le cadre de ces droits d’usage.
lations locales peuvent (i) y récolter les produits Le Congo est signataire de la plupart des
ligneux pour la construction de leur habitation, conventions internationales pour la protection de
les bois morts, les plantes médicinales ou d’in- la nature (tableau 1). La législation congolaise
térêt culturel ; (ii) y chasser, pêcher et récolter les sur la faune et les aires protégées internalise les
produits dans les limites prévues par la loi ; (iii) conventions internationales ratifiées et établit des
y établir des cultures, des ruches ou faire pâturer passerelles avec le Code forestier mais manque
leur bétail ou récolter du fourrage. L’article 42, de cohérence avec les législations des secteurs
précise enfin que les droits d’usage sont réservés connexes. Plusieurs décrets sont attendus sur la
à la satisfaction des besoins personnels de leurs lutte anti braconnage avec la mise en place d’un
bénéficiaires. Les produits qui en sont issus ne comité national et l’attribution de moyens finan-
peuvent faire l’objet de ventes commerciales. ciers conséquents.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature
16 juin 1969 1981
et des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et
Adoptée en 2003 2014
des ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international Adhésion
1er juillet 1975
des espèces menacées d’extinction (CITES) en 1983
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1987
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 1998
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1 novembre 1983
er
1999
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1996
Convention Cadre des Nations Unies
21 mars 1994 1996
sur les Changements Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1999

1.3 Contexte institutionnel le ministre dans l’exercice de ses attributions


en matière de faune et de forêt, au sein duquel
La gestion des aires protégées est sous la la Direction de la Faune et des Aires Protégées
tutelle du Ministère de l’Economie Forestière et (DFAP) est plus spécifiquement en charge de
du Développement Durable (MEFDD) dont les l’application des politiques gouvernementales en
missions ont été nouvellement définies en 2012 matière de gestion durable de la faune et des aires
(décret 2012/1155 du 9 novembre 2012). Selon protégées. Elle propose des programmes d’inven-
les dispositions du décret 98-175 du 12 mai 1998, taires de la faune et de la flore, contrôle l’appli-
la Direction Générale de l’Economie Fores- cation des plans d’aménagement et de l’activité
tière (DGEF) est l’organe technique qui assiste cynégétique, et entretient les relations de coopé-
ration avec les organismes nationaux, régionaux nale et Plan d’Action sur la Diversité Biologique
et internationaux concernés (MEFDD, 2015). (SNPA-DB) élaborée en 2002. La stratégie a,
L’Inspection Générale des Services de l’Eco- entre autres, les objectifs :
nomie Forestière et du Développement Durable • de concevoir et appliquer un programme
(IGSEFDD) veille à l’application des lois et national exhaustif pour la conservation de la
règlements à travers plus spécifiquement l’Ins- diversité biologique et l’utilisation durable des
pection de la faune et des aires protégées. éléments qui la constitue ;
L’Agence Congolaise de la Faune et des Aires • de coordonner la planification et la mise en œuvre
Protégées (ACFAP) a été créée en 2012 par la du programme de conservation de la biodiver-
loi 34/2012. Il s’agit d’un établissement public sité en veillant à ce que ses activités pertinentes
administratif, doté de la personnalité morale et de s’harmonisent avec l’action des autres groupes
l’autonomie financière. L’ACFAP a pour mission gouvernementaux et non gouvernementaux, du
la gestion de la faune, des aires protégées et des secteur privé, des groupes religieux, des autres
unités de surveillance et de lutte anti-bracon- utilisateurs de la biodiversité ;
nage. Son financement est notamment prévu par • d’institutionnaliser la pratique de la conser-
un prélèvement de 70 % sur les permis de visites vation de la biodiversité et de l’utilisation
des aires protégées et sur les licences liées à l’ex- durable des ressources au moyen de mesures
ploitation de la faune. Sans décret d’application, législatives, administratives, fiscales, et régle-
cette agence n’a pas pour l’instant de réelle exis- mentaires ;
tence juridique. • de sensibiliser le public aux valeurs et aux
Le Centre National d’Inventaire et d’Aména- avantages de la conservation de la biodiversité
gement des ressources Forestières et Fauniques et du bien-fondé du développement durable ;
(CNIAF) est affecté aux inventaires des ressources • d’assurer le renforcement des capacités par des
fauniques et à l’aménagement des aires proté- mesures éducatives systématiques ou extras-
gées. D’autres ministères interviennent dans la colaires, par la formation, la recherche et la
gestion des aires protégées tels que la justice, les consolidation des institutions.
forces armées, le tourisme et la recherche.
La Wildlife Conservation Society (WCS) 2. Le réseau des aires protégées
travaille depuis 1991 en partenariat avec le
gouvernement et a été particulièrement active 2.1 Historique
dans la création de deux parcs nationaux : Noua-
balé-Ndoki et Ntokou-Pikounda. D’autres parte- La conférence de Londres en 1933 donne lieu
naires techniques et financiers sont également à la première convention internationale pour la
présents en République du Congo : la Fonda- protection de la faune et de la flore en Afrique.
tion Jane Goodal, African Parks, HELP Congo Le parc national d’Odzala est ainsi créé le 13
(Habitat Ecologique et Liberté des Primates), la avril 1935 et validé dans ses limites par l’arrêté
Fondation John Aspinall. 2243 du 27 juillet 1940. Deux décennies après sa
création, il sera créé simultanément, par l’arrêté
1.4 Stratégies et programmes 4220 du 23 décembre 1955, deux autres aires
relatifs aux aires protégées protégées contigües à ce parc national : la réserve
de faune de la Lékoli-Pandaka, pour développer
Ratifiée par le Congo le 25 juin 1996, la mise le tourisme de vision dans les salines, mares et
en œuvre de la Convention sur la Diversité Biolo- savanes et le domaine de chasse de Mboko pour
gique (CDB) a fait l’objet d’une Stratégie Natio- le tourisme cynégétique.

95
96
La réserve de chasse de la Léfini fut ensuite cageuses et inondables mais elles sont moins
créée en 1951 et s’étendait au nord de la rivière représentatives de la variabilité de ceux du sud
Léfini. Sur demande des populations riveraines, du pays, en particulier les forêts du massif du
cette aire a connu une extension au sud-est de Chaillu. Les écosystèmes de savanes y sont aussi
la rivière Léfini, et sa superficie est passée de partiellement représentés mais la plupart de la
400 000 ha à 630 000 ha. Le complexe d’aires proté- grande faune y a disparu.
gées du Mont Fouari, constitué de deux réserves, Afin de palier quelque peu à ces manques,
celle du Mont Fouari et de Nyanga nord, et de une nouvelle aire protégée (le parc national
deux domaines de chasse, le Mont Mavoumba et d’Ogooué-Lékéti), à caractère transfrontalier
Nyanga sud fut institué en 1953. En 1958 fut enfin et située dans les savanes et forêts galeries des
créé la dernière aire protégée sous l’époque colo- Plateaux Batéké, verra le jour au courant du
niale : la réserve de faune de la Tsoulou. deuxième semestre 2015. La procédure de clas-
Après l’indépendance, le Congo a continué sement d’une nouvelle aire marine protégée
ses efforts en matière de classement de nouvelles pour la protection des sites de nidification et de
aires protégées. Huit aires protégées ont vu le jour nourrissage des tortues marines est également en
depuis les années 80, trois parcs nationaux, quatre cours ainsi que la finalisation du processus de
réserves et un sanctuaire. Le dernier parc national classement d’une Zone d’Intérêt Cynégétique
de Ntokou-Pikounda a été classé en 2013. (ZIC) à Yengo, au nord du pays.
Nous n’avons pas inclus dans ce réseau la
2.2 Le réseau actuel petite forêt de la Patte d’oie, à Brazzaville (94 ha
des aires protégées morcelés en trois blocs ; Kimpouni et al., 2013)
car elle relève plutôt de la catégorie des parcs
À ce jour, avec l’appui de la communauté urbains, ne présentant pas d’intérêt en terme de
internationale, le pays compte un total de 15 conservation de la biodiversité nationale.
aires protégées d’une superficie d’environ La réserve de la biosphère de Dimonika a été
3 990 000 ha, soit 11,7 % du territoire national créée sous cette appellation en 1988, alors que
(tableau 2 et figure 1). Ces aires protégées la catégorie « réserve de la biosphère » n’est pas
incluent une bonne diversité des écosystèmes incluse dans les lois nationales. Nous l’avons
forestiers du nord, y compris des forêts maré- toutefois conservée de manière isolée dans le

Tableau 2 – Les aires protégées du Congo

Catégorie Superficie % du total des aires


Catégorie Nombre
UICN (ha) protégées (en superficie)
Parcs nationaux II 4 2 706 464 67,8
Réserves de faune IV 4 323 700 8,1
Sanctuaires IV 3 322 298 8,1
Réserves communautaires VI 1 438 960 11,0
Réserves de la biosphère* VI 1 136 000 3,4
Domaines de chasse VI 2 65 000 1,6
TOTAL 15 3 992 422 100
Note : * il s’agit ici uniquement de la réserve de Dimonika
Figure 1 – Les aires protégées du Congo

)
" Capitale

! Chef-lieu de province ou de région

Cours d'eau
7
Eau libre

Paysage à haute valeur de conservation

Aire protégée

Parc national
8
15 Autre aire protégée

13 16 n° Nom
1 Conkouati - Douli
2 Mont Mavoumbou
3 Nyanga Nord
4 Lesio-Louna
5 Tsoulou
6 Tchimpounga
7 Nouabalé-Ndoki
8 Lac Télé
11 3
2 9 9 Léfini
10 10 Nyanga Sud
4
11 Mont Fouari
5
1 13 Lossi
14
6 14 Dimonika
15 Odzala-Kokoua
16 Ntokou-Pikounda

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées

tableau 2, car elle fait partie du réseau interna- Nous avons considéré qu’il s’agissait en fait d’une
tional des réserves de la biosphère de l’Unesco réserve de faune, seuls termes valables dans la loi
depuis la même année, ayant bénéficié d’appui 37/2008 (art. 5) pour ce type d’aire protégée.
de cette institution, et qu’elle a été le lieu de Dans d’autres cas, une double appellation est
nombreux travaux de recherche. Malgré une mentionnée dans le texte de création. Le décret
faune appauvrie, elle conserve encore un grand 2009/203 du 20 juillet 2009 « portant création et
intérêt dans le cadre de la conservation des forêts organisation de la réserve naturelle de gorilles
du Mayombe. de Lésio-Louna » précise que cette réserve est
Dans certains cas, les appellations des aires « dénommée sanctuaire à gorilles de Lésio-
protégées prêtent à confusion car elles ne sont Louna » (art. 1). Cette réserve ne relève donc pas
pas répertoriées dans la loi 37/2008 sur la faune de la catégorie « réserve naturelle intégrale » de la
et les aires protégées ni dans le Code forestier loi 37/2008 mais de la catégorie « réserve spéciale
(loi 16/2000). C’est le cas pour la réserve de la ou sanctuaire de faune » (art. 5). Les trois sanc-
Léfini. L’arrêté 684 du 14 avril 2008, modifiant et tuaires existants dans le pays ont été classés dans
complétant l’article 3 de l’arrête 3671/CH du 26 la catégorie IV des aires protégées de l’UICN,
novembre 1951 créant une réserve de chasse dite même si celui de Lossi est plus proche d’une
« de la Léfini », institue ainsi l’appellation « réserve réserve naturelle intégrale car moins impacté par
de chasse » qui n’existe pas dans la loi actuelle. la chasse contrairement aux deux autres.

97
98
Un autre exemple de confusion dans la loi blique Démocratique du Congo, République
congolaise réside dans la survivance de l’appella- du Congo et Gabon) dans le cadre de la gestion
tion ancienne « domaine de chasse », qui n’existe participative ;
plus dans la loi 37/2008. Nous avons toutefois • le Trinational Dja-Odzala-Minkébé (TRIDOM).
conservé cette appellation dans le tableau 2 car Le TRIDOM est, selon l’accord de coopération
ce type d’aire protégée pourrait être reclassé, soit de 2005, composé de neuf aires protégées (4 au
parmi les réserves de faune, soit parmi les ZIC, Cameroun, 2 au Congo et 3 au Gabon) reliées
voire dans les réserves spéciales. En attente d’une par une « interzone ». Le parc national Ntokou-
décision gouvernementale à ce sujet, nous les Pikounda créé en 2013, a augmenté la partie
avons conservés dans une catégorie à part. Enfin, congolaise du TRIDOM de 427 000 hectares.
les réserves communautaires ne sont reconnues Suite à la mise en œuvre d’un projet de « conserva-
ni par la loi 37/2008, ni par le Code forestier. tion de la biodiversité transfrontalière de l’inter­
Nous avons donc, là-encore, conservé cette caté- zone » financé par le Fond pour l’Environnement
gorie à part pour la réserve du Lac Télé. Mondial (FEM), les trois gouvernements ont
Plusieurs initiatives transfrontalières ont programmé des interventions dans le TRIDOM
été mises en œuvre dans le cadre de la gestion pour réduire l’impact du braconnage, des conces-
concertée transfrontalière des aires protégées, sions agro-industrielles et, dans une moindre
notamment : mesure, des populations locales. En soutien à cet
• le Tri-national de la Sangha (TNS) entre les effort de coopération, l’Unesco (Organisation
trois parcs nationaux contigus de Lobéké au des Nations Unies pour l’éducation, les sciences
Cameroun, Dzanga-Ndoki en République et la culture) a entrepris une étude de faisabilité
Centrafricaine et Nouabalé-Ndoki en Répu- en 2013 pour l’établissement d’une réserve de la
blique du Congo ; biosphère transfrontalière (Fondjo, 2013).
• l’espace lac Toumba en République Démocra- Le Congo a mis en place deux réserves de la
tique du Congo – Lac Télé en République du biosphère (réseau affilié au programme l’Homme
Congo ; et la biosphère de l’Unesco) et a inscrit 10 sites
• le Parc Transfrontalier Mayumba – Conkouati- au titre de la convention sur les zones humides
Douli (PTMC) entre Mayumba au Gabon et (convention de Ramsar) dont 4 sont des aires
Conkouati-Douli au Congo ; protégées (tableau 3). Bien que bénéficiant de
• le Complexe Transfrontalier du Mayombe ce label international, les autres sites Ramsar
(CTM) partagé par quatre pays (Angola, Répu- ne sont pas gérés comme des aires protégées.

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 1 419 314 419 314 10,5
Sites Ramsar 10 11 323 499 2 717 824 68,1
Réserves de la biosphère * 2 246 000 246 000 6,2
Sites RAPAC 5 2 853 824 2 853 824 71,5
Note : * ces chiffres incluent la réserve de Dimonika et une partie du parc national d’Odzala-Kokoua.
Le parc national de Nouabalé-Ndoki
J. Mokoko Ikonga

Avec plus de 1 000 espèces de plantes et Depuis mai 2013, le PNNN bénéficie de l’ap-
d’arbres incluant une grande diversité de vieux pui d’une fondation du même nom. Sa gestion et
arbres dépassant 2 mètres de diamètre et âgés son financement sont assurés par un accord de
de plusieurs siècles, plus de 300 espèces d’oi- partenariat entre le WCS et l’État. Les actions
seaux et plus de 120 mammifères, dont le quart prioritaires restent la formation et la gestion de
des éléphants du bassin du Congo, le parc na- l’unité de gestion du parc, la préparation du
tional de Nouabalé-Ndoki (PNNN) est le miroir plan d’affaires et des budgets annuels y affé-
de la conservation au Congo. rent, la préparation du plan d’aménagement
Ce parc fait partie du Tri-national de la (en cours), la mise en œuvre de son manuel de
Sangha (site du patrimoine mondial) incluant procédures, la recherche des partenaires pour
le parc national de Lobéké au Cameroun, ce- la valorisation des ressources naturelles du
lui de Dzanga-Ndoki en République Centra- parc, et la protection efficace du parc avec la
fricaine et Nouabalé-Ndoki en République du mise en place d’un corps d’écogardes perfor-
Congo. Cette nomination sur les listes du patri- mant.
moine mondial fait référence à la conservation Le conflit majeur reste le grand braconnage
des bassins versants tributaires des rivières du de l’éléphant (Loxodonta cyclotis) et d’autres
nord Congo, la conservation de la diversité bio- espèces clés, facilité par la porosité des fron-
logique, la préservation de l’écosystème fores- tières, l’existence des grands chantiers fores-
tier dans son état naturel, la promotion de la tiers entrainant une démographie galopante et
recherche scientifique, la promotion et le déve- la prolifération des armes de différents calibres.
loppement du tourisme de vision, l’éducation Le site d’habituation des gorilles de Mondika
à l’environnement, l’utilisation rationnelle et pourra faire du PNNN une aire de prédilection
durable des zones périphériques au parc et la pour l’observation des gorilles de plaine et ainsi
protection des sites archéologiques. développer le tourisme au sein du parc.

99
100
Le parc de la Nouabalé-Ndoki est inscrit au titre populations actuelles sont viables ou non. C’est
du patrimoine mondial, faisant partie des trois le cas d’une population relictuelle de hyènes
parcs que comprend le Trinational de la Sangha. (Crocuta crocuta, Hyaenidae) dans le parc
Les sites pilotes du RAPAC (Réseau des Aires national d’Odzala-Kokoua.
protégées d’Afrique Centrale) concernent un peu Le réseau d’aires protégées est majoritaire-
plus de 70 % des aires protégées du pays. ment constitué d’écosystèmes intacts (biodiver-
Une évaluation a été menée par l’UICN en sité native) et exemplaires. Le Congo bénéficie
2012 (UICN/PACO, 2012) sur 10 des 15 aires en effet d’une situation très avantageuse dans
protégées congolaises. Les résultats présentés la mesure où la population est peu importante
sont issus d’une autoévaluation de l’efficacité comparée à la superficie du territoire national
de gestion des aires protégées mais donnent (densité de population de 13 hab./km²). Ainsi
certaines indications sur la représentativité du même si la pression anthropique existe, elle ne
système actuel, dont nous avons déjà abordé semble avoir globalement qu’un impact modéré
quelques éléments plus haut. sur les ressources naturelles. Les sites de haute
Le réseau d’aires protégées est globalement valeur de conservation pour les espèces clés sont
représentatif de la diversité des écosystèmes ainsi globalement protégés. Toutes les espèces
du pays même si quelques écosystèmes y sont emblématiques (gorille, chimpanzé, éléphant,
encore sous représentés. Elles sont globale- bongo, lamantin…) sont représentées dans les
ment de taille suffisante pour assurer la survie aires protégées.
de nombreuses espèces (la superficie moyenne Le réseau d’aires protégées inclut des zones
des 10 aires protégées évaluées est d’environ de transition entre les écosystèmes. La grande
400 000 ha). En dehors de celles situées proches taille de certaines d’entre elles leur permet de
des grandes agglomérations telles que Braz- couvrir plusieurs types d’écosystèmes. C’est le
zaville (Léfini) et Pointe Noire (Dimonika), cas des parcs nationaux de Conkouati-Douli ou
la pression démographique environnante est d’Odzala-Kokoua, qui contiennent par exemple
en général peu importante et les pressions de des zones de transition forêt-savane. Le parc
braconnage pour la subsistance peu détermi- national de Conkouati-Douli héberge égale-
nantes sur la survie des espèces. Par contre ment des interfaces savane-lagune, des systèmes
certaines espèces ciblées pour le commerce de littoraux incluant de la végétation côtière et des
viande ou d’autres sous produits tels que l’ivoire mangroves, divers types de forêts marécageuses
sont plus fortement touchées. On note égale- ou inondées et des forêts de moyenne altitude.
ment que les données scientifiques sur certaines C’est l’aire protégée du pays qui renferme la plus
espèces ne permettent pas de d­ éterminer si leurs grande diversité d’écosystèmes.
Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées du Congo

Type de Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


gouvernance de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
Gouvernementale MEFDD/ACFAP 9 1 391 260
African Parks,
Privée 2 1 407 596
Fondation Jane Goodall
Communautaire - - -
MEFDD/ACFAP, WCS,
Partagée** Fondation Aspinall, Help Congo, 4 1 193 566
communautés locales
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles

Les sites de haute valeur biologique et à fort de l’appui d’une fondation : Odzala-Kokoua et
potentiel en espèces endémiques sont globale- Nouabalé-Ndoki.
ment protégés. C’est le cas de Conkouati-Douli, Pour les 9 aires protégées sous gestion
de Nouabalé-Ndoki, d’Odzala-Kokoua et de purement étatique, comme indiqué dans la loi
Ntokou-Pikounda, qui sont des aires protégées 37/2008, les aires protégées sont administrées
renfermant plusieurs espèces endémiques et une par des directeurs ou conservateurs, assistés par
grande biodiversité, tant animale que végétale. des agents commissionnés des eaux et forêts non
fonctionnaires, tels que les écogardes, pisteurs,
3. Organisation de la gestion aménagistes,… (titre VI, art. 89 à 94). Cette
des aires protégées analyse de la gouvernance des aires protégées du
pays reste malgré tout très préliminaire et néces-
3.1 Gouvernance et systèmes de sitera un travail plus approfondi.
gestion des aires protégées Le nouveau plan d’aménagement du parc
national d’Odzala-Kokoua a été validé au début
La gestion des aires protégées au Congo de l’année 2015, incluant un noyau central de
relève, depuis plus de deux décennies d’un 828 000 ha ainsi que des zones de transition et
partenariat public privé (PPP). Sur les 15 aires de développement, cette dernière est destinée à
protégées connues, 4 font l’objet d’une gestion la valorisation durable des ressources naturelles
partenariale (Conkouati-Douli, Nouabalé-Ndoki, au profit des communautés locales (tableau 5).
Lésio-Louna et Lossi), dont le dernier avec une Alors que le plan d’aménagement de Nouabalé-
association d’ayants droits des communautés Ndoki (2003-2007) est en cours de révision,
locales (tableau 4). D’après les informations à celui du parc national de Conkouati-Douli a
notre disposition, et en tenant compte du fait que été réalisé par l’UICN (Union pour la Conser-
nous n’avons pas eu accès aux textes des accords vation de la Nature) en 1999, à la création du
signés entre le gouvernement et African Parks ou parc (WCS, 2015). Sans plus d’informations à
la fondation Jane Goodall, nous avons considéré notre disposition, il semblerait qu’il soit toujours
que le parc national d’Odzala-Kokoua et le sanc- en vigueur comme indiqué dans le cinquième
tuaire de Tchimpounga étaient gérés sous une rapport national sur la diversité biologique
forme privatisée. Deux parcs bénéficient en outre (DGDD, 2014).

101
102
Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie
de protection En cours de Réalisé Evalué et révisé
Aucun
préparation (date) (date)
Parcs nationaux 1 0 2 1 (2015)
Réserves de faune 4 0 0 0
Sanctuaires 1 1 1 (2015) 0
Réserves communautaires 1 0 0 0
Réserves de la biosphère* 1 0 0 0
Domaines de chasse 2 0 0 0
Note : * il s’agit ici uniquement de la réserve de Dimonika

Le plan d’aménagement du sanctuaire de est partout insuffisant (tableau 6). Le personnel


gorilles de Lossi a été actualisé et la nouvelle des aires protégées nécessite un renforcement de
version validée en février 2015, inclue un noyau capacités orientées autour de l’application de la
central de 26 286 ha sur les 35 000 ha de l’aire loi, les techniques de navigation, les techniques
protégée. Pour le sanctuaire de gorilles de Lésio- de collecte et analyse de donnée et la formation
Louna, le projet de plan d’aménagement a déjà été para-militaire.
soumis à l’administration en charge de la faune Seules les aires protégées bénéficiant de
pour examen et adoption. Les autres aires proté- l’appui technique et financier des partenaires
gées ne disposent pas de plan d’aménagement. disposent de moyens roulants, de matériel de
terrain et de bureau avec le minimum nécessaire
3.2 Les moyens disponibles (Odzala-Kokoua, Nouabalé-Ndoki, Lac Télé,
Conkouati-Douli, Lésio-Louna, Tchimpounga,
3.2.1 Les ressources humaines Lossi). La réserve de biosphère de Dimonika
et matérielles dispose toutefois de deux véhicules (financement
de l’État congolais). De manière générale, le
Le nombre d’agents chargés de l’application matériel et l’équipement de terrain sont insuffi-
de la loi comparé à la surface des aires protégées sants dans les aires protégées.

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - - - - 99 48 75
Cadres moyens * - - - - - - - 231 265 225
Gardes et écogardes - - - - - - - 173 177 303
Total - - - - - - - 503 490 603
- : données non disponibles
* : cadres moyens et divers personnels sont comptabilisés ensemble.
3.2.2 Financements confondues, mais les données financières n’étaient
pas encore totalement consolidés (Nsosso, 2015).
Le financement des aires protégées au Congo Dans le cadre du plan national de dévelop-
est essentiellement assuré par les partenaires car la pement 2012-2016, les enveloppes budgétaires
contribution de l’État est très faible et atteint rare- projetées pour le développement durable, la
ment 5 % sur chacun des sites (tableau 7). Bien protection de l’environnement et les change-
que l’information sur les financements mobilisés ments climatiques étaient chiffrées en dépenses
par les partenaires ne soit pas accessible, en 2012, courantes et en dépenses d’investissement à plus
le financement global de la filière a été estimé de 44 milliards de FCFA, soit un peu plus de
à environ 4 milliards de FCFA, toutes sources 67 millions d’e (Nsosso, 2015).
Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées du Congo

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
Programme 2013- 323 370 000
Trésor public - -
d’investissement 2015 FCFA
Nyanga Nord,
Nyanga Sud, Mont
Mavoumbou, Mont
Fouari, Ntokou-
Programme de Pikounda, Tsoulou,
Trésor public - - -
fonctionnement Léfini, Odzala,
Lésio-Louna,
État Conkouati-Douli,
Dimonika, Lac
Télé
Léfini, Lac Télé,
Odzala-Kokoua,
Personnel d’appui, Lésio-Louna,
2011- 219 822 175
Fond spécial Fond forestier surveillance et Nouabalé-Ndoki,
2013 FCFA
logistique Lossi, Dimonika,
Ntokou-Pikouda et
Plateaux Batékés
Conservation, lutte
WCS et antibraconnage, Nouabalé- Ndoki,
- bailleurs recherche, Conkouati-Douli, - -
internationaux formation, Lac Télé
tourisme
- Jane Goodall Suivi chimpanzés Tchimpounga - -
John Aspinall et Suivi gorilles, 157 632 474
- Lésio-Louna
CARPE/USAID tourisme FCFA
Partenaires
Conservation, lutte
African
antibraconnage, 1 212 277 500
- Parks/Union Odzala-Kokoua 2014
tourisme, FCFA
Européenne
formation
Réintroduction et
suivi chimpanzés, Conkouati-Douli
- Help Congo - -
éducation (Triangle)
environnementale
- : données non disponibles

103
104
4. Enjeux socio-économiques lations riveraines, l’autre partie sert à alimenter
autour des aires protégées le budget du parc à hauteur de 7 % pour l’ins-
tant. Ces revenus pourraient atteindre 30 % des
4.1 Tourisme budgets si des fonds suffisants étaient trouvés
pour la construction d’infrastructures supplé-
En dépit de son potentiel faunique très diver- mentaires (WCS, 2015).
sifié, l’activité du tourisme écologique n’est pas Le parc national de Nouabalé-Ndoki reçoit
encore réglementée, ni très développée. Les acti- entre 150 et 200 visiteurs par an. Les activités
vités éco-touristiques existent déjà dans quatre d’écotourisme sont organisées par le WCS
aires protégées et les perspectives de développe- suivant un protocole touristique élaboré en 2010
ment sont toutefois prometteuses. À Nouabalé- à titre expérimental. Ce parc dispose de deux
Ndoki et à Conkouati, une partie des revenus plateformes d’observation de la grande faune,
touristiques est reversée à 2 villages riverains. Un dont notamment les gorilles, qui constituent une
mécanisme similaire existe à Odzala. À Lésio- de ses attractions phares. En 2014, 174 visiteurs
Louna et Tchimpounga, les villages riverains ont été enregistrés.
bénéficient de retombées indirectes par la vente Pour le reste des aires protégées, l’activité
hebdomadaire de grosses quantités de fruits à ces touristique comme telle n’est pas encore déve-
aires protégées pour nourrir les gorilles ou chim- loppée sinon officialisée. Ces aires protégées
panzés en captivité. connaissent des problèmes d’accès, d’aménage-
Le sanctuaire de gorilles de Lésio-Louna est ment et manquent de structures d’accueil. Elles
l’aire protégée qui accueille le plus de touristes disposent pourtant d’un potentiel récréatif impor-
par an (environ 450 visiteurs/an depuis 2010 tant ; c’est le cas du sanctuaire de chimpanzés de
d’après l’ACFAP). Au sanctuaire de Lossi, l’éco- Tchimpounga qui ne bénéficie pas de moyens
tourisme qui était encore dans sa phase expéri- humains et logistiques pour assurer l’encadre-
mentale s’est arrêté depuis que l’épidémie de ment des visiteurs.
fièvre hémorragique à virus ébola de 2002-2003 Le tourisme de vision est potentielle-
a décimé les deux groupes de gorilles déjà habi- ment prometteur et susceptible de générer
tués (57 individus au total). des revenus substantiels à l’État, de créer les
Au parc national d’Odzala-Kokoua, le nombre emplois et d’améliorer les conditions de vie
de visiteurs avait considérablement baissé suite des populations riveraines. Quelques droits
à l’épidémie d’ébola. Plus de dix ans après, issus des activités touristiques sont prélevés et
les activités touristiques ont été relancées, leur alimentent un fond d’appui villageois au niveau
gestion a été cédée à la Congo Conservation des communautés villageoises mais toute cette
Company (CCC), qui a modernisé les structures activité demande encore d’être mieux encadrée
d’accueil. Ces deux dernières années, le nombre et soutenue par l’État.
de visiteurs à Odzala-Kokoua est de 164 visiteurs
en 2013 et 305 visiteurs en 2014. 4.2 Valorisation durable
Le parc national de Conkouati-Douli, de de la biodiversité
part sa proximité avec la ville de Pointe-Noire
et l’océan, présente un bon potentiel écotouris- Les plantes alimentaires « sauvages » consti-
tique. En 2014, 361 visiteurs ont payé le droit tuent un groupe important des produits forestiers
d’entrée. Ainsi depuis son lancement en 2008, les non ligneux (PFNL). Elles font l’objet d’une
revenus générés par le tourisme ont quadruplés. exploitation et d’une commercialisation intenses
Une partie des revenus est reversée aux popu- dans le pays (DGDD, 2014). L’utilisation du
raphia et l’exploitation artisanale du sel ont été 5. Bilan général de la gestion
par exemple observées dans le parc national des aires protégées du pays
d’Odzala-Kokoua. D’autres filières de produits
forestiers non ligneux pourraient être dévelop- Facteurs essentiel de l’émergence de l’éco-
pées, dans et en périphérie de certaines aires nomie verte au Congo par le biais de l’écotou-
protégées, mais ce secteur reste mal connu, peu risme, du tourisme cynégétique et des services
encadré et n’est pas du tout valorisé. environnementaux, les aires protégées du Congo
Les seules filières qui causent de grands constituent des atouts précieux et stratégiques
problèmes dans certaines aires protégées pour le développement du pays. Le réseau
concernent l’abattage des éléphants pour le des aires protégées couvre 12 % du territoire
commerce international de l’ivoire et les filières national et est bien représentatif de la richesse
de viande de brousse. Actuellement, les prélève- biologique du pays. Des ressources biologiques
ments effectués ne sont pas durables, favorisant d’une variété exceptionnelle existent encore et
un appauvrissement croissant de la biodiversité la faible densité des populations humaines dans
des aires protégées et du patrimoine naturel du les zones de conservation constitue un atout.
pays dans son ensemble. Si le braconnage des Des efforts doivent toutefois être réalisés sur la
éléphants est combattu avec des résultats très connaissance de la biodiversité avec la réalisa-
mitigés, la seconde filière pourrait être enca- tion d’inventaires et la centralisation des données
drée et permettre une gestion durable de la faune de recherche (UICN/PACO, 2012).
sauvage à des fins d’alimentation. Même si toutes les aires protégées disposent
de leurs actes juridiques de création, les moyens
4.3 Autres nécessaires à leur gestion sont encore très insuf-
fisants hormis pour celles bénéficiant d’un appui
Les aires protégées qui incluent des forêts et extérieur. La majorité des aires protégées ne
végétation marécageuses et inondables (Lac Télé disposent pas encore de plan d’aménagement et
ou Conkouati-Douli, par exemple) jouent un rôle l’implication des communautés locales dans la
important dans la régulation du cycle de l’eau et en gestion est faible. Le fond forestier du MEFDD
tant que soutien aux filières de pêche et de produits assure le paiement des salaires de ses agents en
végétaux issus de ces écosystèmes. Des études poste sur le terrain de manière continue mais les
devraient être entreprises afin de montrer leur budgets de fonctionnement pour la gestion quoti-
importance concrète et pour poser les bases d’une dienne des sites sont par contre distribués de façon
gestion scientifique de ces milieux. Les forêts des aléatoire. La mise en place d’une plateforme de
reliefs du Mayombe du parc de Conkouati-Douli concertation permettrait d’assurer le suivi-évalua-
ou de la réserve de Dimonika protègent aussi tion des conservateurs et des partenaires tech-
certains sols à fortes pentes de l’érosion. niques et d’améliorer l’efficacité des interventions.

105
106
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Sigles et abréviations
ACFAP : Agence Congolaise de la Faune et des Aires PAVAP : Projet d’Action pour la Valorisation des
Protégée Aires Protégées
CCC : Congo Conservation Company PFNL : Produits Forestiers Non Ligneux
CDB : Convention sur la Diversité Biologique PNNN : Parc National de Nouabalé-Ndoki
CITES : Convention sur le Commerce international PPP : Partenariat Public Privé
des espèces menacées d’extinction PTMC : Parc Transfrontalier Mayumba – Conkouati-
CNIAF : Centre National d’Inventaire et d’Aménage- Douli
ment des ressources Forestières et Fauniques RAPAC : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Cen-
trale
CTM : Complexe Transfrontalier du Mayombe
SNPA-DB : Stratégie Nationale et Plan d’Action sur
DFAP : Direction de la Faune et des Aires Protégées
la Diversité Biologique
DGDD : Direction Générale pour le Développement
TNS : Trinational de la Sangha
Durable
TRIDOM : Trinational Dja-Odzala-Minkaba
DGEF : Direction Générale de l’Economie Forestière
UICN : Union Mondiale pour la Conservation de la
FEM : Fond pour l’Environnement Mondial Nature
HELP : Habitat Ecologique et Liberté des Primates UNCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les
IGSEFDD : Inspection Générale des Services de Changements Climatiques
l’Economie Forestière et du Développement Durable UNESCO : United Nations Educational, Scientific
MEFDD : Ministère de l’Economie Forestière et du and Cultural Organization
Développement Durable WCS : Wildlife Conservation Society
PAFN : Programme d’Action Forestier National ZIC : Zone d’Intérêt Cynégétique

107
108
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Congo
Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)
Arrêté 2243 du 27 juillet 1940
1 PN d’Odzala-Kokoua 1935 1 354 600
et décret présidentiel 2004-221

2 PN de Nouabalé-Ndoki 1993 Décret 93/727 du 31 décembre 1993 419 314

Arrêté 4432/MEF/DEFRN/BC-17-01
3 PN de Conkouati-Douli 1980 du 20 mai 1980 504 950
et décret 99/136 bis du 11 aout 1999

4 PN de Ntokou-Pikounda 2013 Décret 2013/77 du 4 mars 2013 427 600

Arreté 3671/CH du 26 novembre 1951


5 RF de la Léfini 1951 271 000
et arrêté 684 du 14 avril 2008

6 RF du Mont Fouari 1958 Arrêté 535/CH du 8 février 1958 15 000

7 RF de la Tsoulou 1958 Arrêté 535/CH du 8 février 1958 30 000

8 RF de la Nyanga Nord 1958 Arrêté 535/CH du 8 février 1958 7 700

RN (dite sanctuaire) de gorilles de Décret 2001/222 du 10 mai 2001


9 2001 96 302
Lossi et arrêté 3010 du 04 juillet 2003
RN (dite sanctuaire) de chimpanzés
10 1999 Décret 99/300 du 31 décembre 1999 52 996
de Tchimpounga
RN de gorilles (dite sanctuaire à Décret 2009/203 du 20 juillet 2009
11 1999 173 000
gorilles) de Lésio-Louna et décret 99/309 du 31 décembre 1999

12 RC du Lac Télé 2001 Décret 2001/220 du 10 mai 2001 438 960

13 RB de Dimonika 1988 Décret 88/131 du 1er mars 1988 136 000

14 DC du Mont Mavoumbou 1958 Arrêté 535/CH du 8 février 1958 42 000

15 DC de Nyanga Sud 1958 Arrêté 535/CH du 8 février 1958 23 000

Total 3 992 422


Notes : PN : parc national ; RF : réserve de faune ; RN : réserve naturelle ; RC : réserve communautaire ; RB réserve de la biosphère ; DC : domaine de chasse
Plan d’amgt : Plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du réseau des rése
- : données non disponibles
* les 14 agents de Mont Fouari interviennent également dans les aires protégées ci-après : Mont Mavoumbou, Nyanga Nord, Nyanga Sud.
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif Catégorie Plan d'amgt


Principaux partenaires RAPAC PM RB SR
personnel UICN (année)
X
273 ACFAP, African Parks II 2010, 2015 X X
110 000 ha

X
59 ACFAP, WCS II X en révision X X
(TNS)

68 ACFAP, WCS/HELP Congo II 1999 X X

15 ACFAP II -

15 ACFAP IV -

14 * ACFAP IV -

1 ACFAP IV -

- ACFAP VI -

16 ACFAP, APN/RAPAC IV 2015

31 Fondation Jane Goodall IV -

38 Fondation John Aspinall IV en cours

47 ACFAP, WCS VI - X X

26 ACFAP VI - X X

- ACFAP VI -

- ACFAP VI -

603 4 5 1 2 4

erves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humide

109
RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE
DU CONGO
Cyril PELISSIER, Paya DE MARCKEN,
Jean-Joseph MAPILANGA WA TSARAMU
et Cosma WILUNGULA BALONGELWA

Avec la contribution de : Godefroid MWAMBA MATANZI, Nelly RELIAT


112
La République Démocratique du Congo (RDC), plus grand pays d’Afrique sub-saha-
rienne avec une superficie de 2 344 858 km², possède un patrimoine naturel excep-
tionnel. Distribués de part et d’autre de l’équateur et s’étendant entre l’océan atlantique
et le rift albertin, les écosystèmes terrestres et d’eau douce du pays comprennent plus
de 60 % des forêts denses du bassin du Congo1 (de Wasseige et al., 2012) et un réseau
de zones humides occupant plus de 50 % du second bassin fluvial de la planète (Linke
et al., 2012). Ces écosystèmes sont très diversifiés et se caractérisent par une faune et
une flore remarquables. Avec 1 857 espèces de vertébrés (hors poissons), dont 137 sont
endémiques, plus de 900 espèces de poissons, et 11 000 plantes vasculaires (Mitter-
meier et al., 1997), la RDC est « le » pays africain en termes de diversité biologique et
l’un des 18 pays de « mégadiversité » à l’échelle mondiale (Mittermeier et al., 2007).
Ce capital naturel est également essentiel au maintien de services environnementaux
dont dépendent la RDC et la communauté mondiale dans son ensemble.
Les aires protégées du pays constituent le dation de la gestion et de la gouvernance de ses
principal outil sur lequel les politiques publiques aires protégées ainsi qu’à leur structuration en un
congolaises se sont historiquement appuyées réseau étendu et fonctionnel. L’objectif est d’atté-
pour assurer la conservation et la gestion durable nuer les menaces sur la biodiversité et garantir une
de cette extraordinaire biodiversité. Cependant, et contribution positive tangible de celle-ci aux objec-
depuis la création des premières aires protégées tifs de lutte contre la pauvreté et de développe-
il y a plus d’un siècle, le contexte a considérable- ment durable. En effet, malgré ses vastes richesses
ment évolué. La forte croissance démographique, naturelles, le pays reste l’un des plus pauvres de
une demande nationale et internationale toujours la planète. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit ni
plus soutenue pour les ressources naturelles sont plus ni moins que de permettre au pays d’asseoir
parmi les facteurs contribuant aujourd’hui à l’ex- son capital naturel comme l’un des piliers fonda-
tension des pratiques extractives non durables et mentaux de son émergence économique.
à un renforcement de la compétition intersecto-
rielle pour l’accès à la terre et l’utilisation de ces 1. Contexte des aires protégées
ressources. La diversité biologique du pays se
trouve donc menacée par des prélèvements non 1.1 Contexte politique
contrôlés ou encore par la perte et la fragmentation
des habitats. La permanence de conflits armés, la L’État congolais a toujours porté une attention
difficile mise en place d’un cadre de coordination particulière à la conservation de la nature et aux
pour piloter l’aménagement du territoire et l’in- aires protégées. Les Chefs d’État et les gouver-
suffisance des capacités de gestion constituent nements successifs de RDC et de la République
des contraintes importantes à la conservation et à du Zaïre (avant 1997), ont en effet régulièrement
la valorisation des aires protégées et de la diver- formulé des orientations et objectifs sur ces sujets
sité biologique du pays en général. d’intérêt public.
La RDC travaille aujourd’hui, avec l’appui de En 1975, après une décennie durant laquelle
plusieurs partenaires internationaux, à la consoli- de nombreuses aires protégées furent créées, le
1. Superficie cumulée des différents types forestiers des 6 pays suivants : Cameroun, République centrafricaine, République démocra-
tique du Congo, République du Congo, Guinée équatoriale et Gabon
Pays République Démocratique du Congo (RDC)
2 344 858 km² (terrestre : 2 267 048 km2 ;
Superficie
aquatique : 77 810 km2 ; CIA, 2015)
Variation d’altitude 0 m – 5 110 m (Pic Marguerite ; CIA, 2015)
Population 77 433 744 habitants (CIA, 2015)
Densité moyenne d’habitants 33 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale 42 % pop. urbaine (2014 ; CIA, 2015)
Kinshasa (11,116 millions hab.),
Lubumbashi (1,936 millions hab.)
Villes principales Mbuji-Mayi (1,919 millions hab.),
Kananga (1,119 millions hab.),
Kisangani (1,001 millions hab. ; chiffres 2014, CIA, 2015)
PIB/habitant 484 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,338 ; 186/187 pays (PNUD, 2014a)
40 % agriculture (manioc, maïs, palmier, etc.),
Principales activités économiques 23 % industrie (mines, bois, produits de consommation, etc.)
et 36 % services (chiffres 2014, CIA, 2015)
Superficie de végétation naturelle
2 085 000 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
1 145 400 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
11 000 espèces (espèces de plantes supérieures) ;
Phanérogames 3 200 espèces endémiques (espèces de plantes supérieures) ;
32 taxons en danger ou en danger critique (UICN, 2015)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
415 espèces ; 28 espèces endémiques ; 15 taxons en danger
Mammifères
ou en danger critique (Mittemeier et al., 1997 ; UICN, 2015)
1 094 espèces ; 23 espèces endémiques ; 14 taxons en danger
Oiseaux
ou en danger critique (Mittemeier et al., 1997 ; UICN, 2015)
268 espèces ; 33 espèces endémiques ; 1 taxon en danger
Reptiles
ou en danger critique (Mittemeier et al., 1997 ; UICN, 2015)
80 espèces ; 53 espèces endémiques ; 4 taxons en danger
Amphibiens
ou en danger critique (Mittemeier et al., 1997 ; UICN, 2015)
962 espèces d’eau douce ; 25 (21 en zones humides ,
Poissons 4 marines) taxons en danger ou en danger critique
(Mittemeier et al., 1997 ; UICN, 2015)
Autres groupes animaux Données non disponibles

113
114
Président de la République de l’époque présenta (ICCN) et ses partenaires, avec le soutien du
un objectif ambitieux lors du discours d’ouver- centre du patrimoine mondial de l’Organisation
ture de la douzième assemblée générale de des Nations Unies pour l’éducation, la science
l’Union Internationale pour la Conservation de et la culture (Unesco), lancèrent en 1999 une
la Nature (UICN) : « […] notre objectif est d’ar- initiative politique et diplomatique (Debonnet
river à une protection intégrale, de quinze pour & Hillman-Smith, 2004) : la « diplomatie de la
cent du territoire national ; […] » (UICN, 1976). conservation ». S’appuyant sur la convention du
Intervenant dans un contexte politique particu- Patrimoine mondial, celle-ci permit d’obtenir la
lier, celui de la zaïrianisation et du recours à l’ coopération des différentes parties engagées dans
« authenticité », cet objectif reposait en partie sur le conflit pour la sauvegarde de ces cinq aires
une vision intégrant les concepts de nature et de protégées. Cette initiative démontra qu’il était
culture. D’autres considérations sous-tendaient possible d’utiliser une convention internationale
cependant cette ambition : l’obtention de « retom- comme outil permettant de catalyser l’appui poli-
bées immédiates » au travers de la promotion du tique à la conservation (Debonnet & Hillman-
tourisme, ainsi que le rôle et la responsabilité du Smith, 2004).
pays dans le cadre de « l’environnement mondial » Au début des années 2000, les orientations
(UICN, 1976). Ces considérations conduisirent politiques en matière d’extension du réseau
notamment à la formulation des premières orien- d‘aires protégées débouchèrent sur une disposi-
tations en matière d’aménagement du territoire. tion explicite, obligatoire et opérationnelle, prise
Cet engagement politique s’est poursuivi d’une par le pouvoir législatif.
manière plus implicite au cours des années 1980 Le Code forestier promulgué en 2002 définit
et au début des années 1990, au travers de la créa- en effet un objectif de superficie concernant les
tion de quelques aires protégées additionnelles. forêts classées. Ces dernières sont les espaces
Dès 1994, les conflits dans la région des grands classés au sein du domaine forestier de l’État,
lacs suivis de l’embrasement de l’Est du pays en soumis à un régime juridique restrictif et affectés
1996, puis de la reprise de la guerre en 1998, à une vocation écologique. L’article 14 mentionne
furent à l’origine d’impacts extrêmement négatifs que celles-ci « […] doivent représenter au moins
sur de nombreuses aires protégées de RDC, dont 15 % de la superficie totale du territoire national ».
les sites du patrimoine mondial (voir plus loin, le Plus récemment, cet engagement a été réaf-
réseau actuel des aires protégées). Ces cinq aires firmé par le Ministre de l’environnement, conser-
protégées furent progressivement inscrites, entre vation de la nature et tourisme lors de la neuvième
1994 et 1999, sur la liste du patrimoine mondial Conférence des Parties (CoP) de la Convention sur
en péril. Face à cette situation dramatique, l’Ins- la Diversité Biologique (CDB) tenue à Bonn en
titut Congolais pour la Conservation de la Nature mai 2008. Cette annonce a débouché sur la signa-
ture d’une Déclaration commune avec la Répu- intégrer les éléments programmatiques relatifs
blique fédérale d’Allemagne visant à appuyer à la vision de la RDC d’atteindre l’émergence à
les efforts de la partie congolaise pour « […] l’horizon 2030. Le principal objectif retenu pour
porter la couverture de zones protégées à 15 % de le secteur « environnement & changement clima-
l’étendue nationale ». L’importance des écosys- tique » est d’« augmenter d’ici 2015 le ratio de
tèmes forestiers de RDC pour « la conservation surface protégée sur le territoire à 17 % contre
de la diversité biologique à l’échelle mondiale », 11 % actuellement ».
« la stabilisation du climat de la planète » et pour Finalement, la nouvelle loi sur la conserva-
soutenir les moyens d’existence « des commu- tion de la nature, promulguée en 2014, réitère de
nautés locales et populations autochtones », est manière explicite les objectifs de superficie en
consacrée au travers de cet engagement commun. matière d’aires protégées. Dans son article 26, il
Lors de la 10e CoP de la CDB, tenue en est stipulé que l’« […] État veille que les aires
novembre 2010 à Nagoya, l’objectif à atteindre protégées représentent au moins quinze pourcent
en termes de superficie pour les aires proté- de la superficie totale du territoire national […] ».
gées a été porté à 17 % dans le cadre de l’Ob-
jectif 11 d’Aichi du plan stratégique pour la 1.2 Législation et réglementation
diversité biologique 2011-2020. L’importance
d’une gestion efficace de ces aires protégées au Les principaux textes législatifs de RDC
sein d’un réseau structuré et représentatif de la se rapportant aux aires protégées sont listés
diversité biologique a également été soulignée à ci-dessous :
cette occasion. Cet objectif a été confirmé par le • loi 14/003 du 11 février 2014 relative à la
Président de la République au cours du discours conservation de la nature
prononcé lors du « Sommet des Trois Bassins » • loi 11/009 du 09 juillet 2011 portant principes
tenu à Brazzaville en juin 2011. fondamentaux relatifs à la protection de l’envi-
En janvier 2011, le premier ministre et la direc- ronnement
trice générale de l’Unesco adoptèrent également • loi 011/2002 du 29 août 2002 portant Code
la « déclaration de Kinshasa », à l’issue d’une forestier
réunion de haut niveau. Celle-ci marque l’enga- • loi 82/002 du 28 mai 1982 portant réglementa-
gement du gouvernement congolais à mettre en tion de la chasse
œuvre, avec l’appui de l’Unesco, les mesures • loi 75/024 du 22 juillet 1975 relative à la créa-
correctives décidées par le comité du Patrimoine tion de secteurs sauvegardés.
mondial pour la réhabilitation de la valeur univer- Le concept d’aire protégée apparaît nommément
selle exceptionnelle des sites inscrits sur la liste pour la première fois au sein du corpus juridique
du patrimoine mondial en péril. dans le décret 10/15 du 10 avril 2010. Il n’est véri-
Le gouvernement congolais a également tablement défini que dans la loi 11/009, puis dans
adopté, en octobre 2011, le Document de la la loi 14/003. Cette dernière en donne la définition
Stratégie de Croissance et de Réduction de la suivante : « espace géographique clairement défini,
Pauvreté de seconde génération (DSCRP-2 ; reconnu, consacré et géré par tout moyen efficace,
Ministère du Plan, 2011) pour la période 2011- juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la
2015, assorti d’un Programme d’Actions Prio- conservation de la nature ainsi que les services des
ritaires (PAP) pour sa mise en œuvre. Une écosystèmes et les valeurs culturelles qui lui sont
version renforcée du PAP a été développée en associées ». Cette définition est identique à celle
2013 (Ministère du Plan et SMRM, 2013) pour donnée par l’UICN (Dudley, 2008). Auparavant,
la période 2012-2016 et ce, notamment, pour les lois du secteur, voire certains de leurs textes

115
116
d’application, avaient institué différentes catégo- Dans la lignée de la loi 11/009, elle acte donc
ries d’aires protégées – et parfois leurs objectifs – l’intégration du processus de décentralisation en
et ce, sans en donner une définition conceptuelle matière d’environnement, plus particulièrement
générale. La loi 14/003 du 11 février 2014 reprend en ce qui concerne la conservation de la diversité
un certain nombre de catégories d’aires protégées biologique et des aires protégées. À ce titre, elle
dont les réserves naturelles, les parcs nationaux, les définit les modalités d’implication des provinces
domaines et réserves de chasse ainsi que d’autres et des entités territoriales décentralisées.
catégories plus mineures (voir aussi le paragraphe Plus généralement, cette loi 14/003 reconnait
sur le réseau des aires protégées). Leurs objectifs l’obligation d’informer et de faire participer les
seront déterminés dans un décret pris en conseil populations riveraines ainsi que tous les acteurs
des ministres. concernés, tant publics que privés, à la mise en
L’entrée en vigueur de cette nouvelle loi sur œuvre de la politique nationale en la matière.
la conservation de la nature, abrogeant l’or- Elle prévoit également une indemnisation ou
donnance-loi 69/041 du 22 août 1969, apporte une compensation, équitable et préalable, en cas
d’autres innovations. Elle permet tout d’abord d’éventuelles expropriations lors de la création
à la RDC d’adapter son cadre juridique aux d’une aire protégée.
exigences de mise en œuvre des conventions Le concept de zone tampon est également
internationales et traités ratifiés par le pays introduit et en partie défini. Concernant les
(tableau 1). Elle s’inscrit également dans la infractions et les peines encourues, la loi va
mise en conformité du secteur avec les prescrip- plutôt dans le sens d’un renforcement du régime
tions de la Constitution du 18 février 2006, en répressif. Finalement, cette loi devra faire l’objet
particulier en ce qui concerne les compétences de mesures d’application pour permettre sa
reconnues au pouvoir central et aux provinces. pleine exécution.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
16 juin 1969 1976
ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
Adoptée en 2003 Signée en 2008
ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées
1er juillet 1975 1976
d’extinction (CITES)
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1974

Convention de Ramsar 21 décembre 1975 1996

Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 1990
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1994

Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements


21 mars 1994 1995
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1997
Le corpus de lois qui régit les aires protégées générales applicables aux établissements publics,
ne se limite pas aux textes présentés ci-dessus. l’ICCN jouit d’une personnalité juridique propre
Il est aussi composé de textes couvrant d’autres avec une autonomie de gestion financière et
secteurs (mines, agriculture, etc.), au sein administrative. Un changement important est
desquels les concepts, objectifs et modalités en également intervenu à l’occasion de ce change-
la matière diffèrent de ceux définis dans les lois ment de statut : dissous en février 2010, l’Institut
du secteur environnemental. Les incohérences, des Jardins Zoologiques et Botaniques du Congo
ainsi que leurs incidences sur le régime des aires (IJZBC) a été intégré au sein de l’ICCN en
protégées, varient en fonction des secteurs et des février 2011, selon des modalités définies dans
intérêts qu’ils portent. le décret mentionné ci-dessus. Structuré organi-
Les principaux textes internationaux rela- quement autour d’un Conseil d’administration,
tifs à la biodiversité et aux aires protégées sont d’une Direction générale et d’un Collège des
présentés dans le tableau 1. Le pays a signé commissaires aux comptes, l’Institut est placé
tous les principaux textes relatifs à la conser- sous la tutelle du Ministre ayant la conservation
vation de la biodiversité et des aires protégées, de la nature dans ses attributions. Il s’agit, depuis
ainsi que d’autres textes de portée mondiale (tel le 8 décembre 2014, du Ministre de l’Environne-
que le protocle de Montréal relatif à la couche ment et Développement Durable (MEDD).
d’ozone…) ou continentale, voire régionale Conformément au décret 10/15, l’ICCN a pour
(traité de la COMIFAC, convention sur la gestion objet la conservation de la nature dans les aires
durable du lac Tanganyika,…). protégées in et ex situ. À ce titre il est notamment
La RDC est également partie prenante à un chargé :
certain nombre d’accords transfrontaliers concer- • d’assurer la protection de la faune et de la flore,
nant les aires protégées, y compris : • de valoriser la biodiversité en favorisant la
• Tripartite Declaration of Goma on the Trans- recherche scientifique et en facilitant les acti-
boundary Natural Resources Management of vités d’écotourisme conformément à la législa-
the Transfrontier Protected Area Network of tion en vigueur et dans le respect des principes
the Central Albertine Rift (2005), fondamentaux de la conservation,
• Rubavu Ministerial Declaration for the Greater • de réaliser ou faire réaliser les études et assurer
Virunga Transboundary Collaboration (2008), la vulgarisation à des fins scientifiques et didac-
• Accord de coopération entre les gouverne- tiques dans le domaine de la conservation.
ments de la République du Congo et de la RDC Le siège social de l’ICCN est à Kinshasa,
relatif à la gestion transfrontalière du paysage capitale de la RDC. L’ICCN dispose de bureaux
Lac Télé – Lac Tumba (2010). dans les capitales des provinces où sont locali-
sées de nombreuses aires protégées : Lubumbashi
1.3 Contexte institutionnel (Katanga), Bukavu (Sud-Kivu), Goma (Nord-
Kivu), Kisangani (Province Orientale) et Mban-
L’ICCN est l’organisme public en charge de daka (Equateur). Composés d’un directeur et de
la gestion des aires protégées en RDC. Depuis quelques agents d’appui, ces bureaux permettent
2010, et le décret 10/15 du 10 avril 2010 actant à l’ICCN de renforcer la coordination avec les
la dernière évolution statutaire et structurelle de différentes institutions provinciales, décentra-
l’une des plus anciennes institutions de RDC, lisées et déconcentrées, notamment celles en
l’ICCN est un établissement public à caractère charge de l’administration territoriale, de l’en-
scientifique et technique. Egalement régi par la vironnement, de la défense, de la sécurité inté-
loi 08/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions rieure, de l’agriculture et des activités minières.

117
118
L’ICCN a développé des partenariats avec la Garamba (PNG) et de la Virunga Foundation
une quarantaine d’institutions et organisations. (VF) pour le Parc National des Virunga (PNVi).
Celles-ci contribuent à l’animation du secteur des Des réflexions portant sur le modèle de gouver-
aires protégées sur les plans financiers et tech- nance institué dans le cadre de ce deuxième type
niques. Concernant le financement de la gestion de contrat sont actuellement en cours. L’ICCN
des aires protégées (voir aussi le paragraphe évalue également la possibilité de les étendre
« Moyens disponibles »), les principaux acteurs à d’autres aires protégées, au rang desquelles
sont les bailleurs institutionnels publics (Mato- figurent notamment le Parc National de la Salonga
mene Tudilu & Pingannaud, 2014) : l’Union (PNS), le Parc National d’Upemba (PNU) et le
Européenne (UE), la Banque allemande pour Parc National des ­Kundelungu (PNKL).
la coopération financière (KfW), le Fonds pour La direction générale de l’ICCN bénéficie
l’Environnement Mondial (FEM), la Banque d’un appui technique de la GIZ, dans le cadre de
Mondiale (BM), l’Agence des États-Unis pour la coopération bilatérale entre la RDC et la Répu-
le développement international (USAID), la blique fédérale d’Allemagne. Enfin, l’ICCN est
Banque Africaine de Développement (BAD) et parfois épaulé, dans son rôle de maître d’ou-
la Coopération technique allemande (GIZ). vrage de certains programmes de financement,
Des partenaires privés financent également par des bureaux d’études privés internationaux.
certaines aires protégées : Howard Buffet Founda- La société GFA Consulting est par exemple
tion, Virunga Foundation (VF), Arcus Foundation, aujourd’hui présente à ce titre dans plusieurs
Perenco et Rawbank. Leurs modes d’intervention aires protégées de la RDC sur financements de la
auprès de l’ICCN sont très variables : gestion coopération allemande.
intégralement déléguée, régie directe ou encore Des collaborations sont également dévelop-
co-gestion (voir aussi le paragraphe relatif à la pées entre l’ICCN et des organisations natio-
gouvernance dans les aires protégées). nales. Nous citerons la Congo Bassin Biodiversité
L’ICCN s’appuie sur des organisations inter- Conservation (CBBC) pour le renforcement des
nationales pour la mise en œuvre technique capacités de gestion des aires protégées, mais
des programmes de financement. Deux princi- aussi Juristrale et Avocats Verts pour l’appui juri-
paux types d’arrangement contractuels lient ces dique. Des activités de recherche et de suivi des
organisations à l’ICCN : contrats de collabora- espèces sont menées dans les aires protégées.
tion et contrats de gestion (Matomene Tudilu & Le département de primatologie du Max Planck
Pingannaud, 2014). Le premier type concerne de Institute for Evolutionary Anthropology (MPI-
nombreuses organisations non gouvernementales EVA), ou encore l’organisation Gorilla Doctors,
(ONG) parmi lesquelles figurent le Fonds mondial sont parmi les plus actives. L’Unesco intervient
pour la nature (WWF), la Wildlife Conservation également auprès de l’ICCN et ce, dans le but
Society (WCS), la Lukuru Foundation, African de faciliter la mise en œuvre de certaines acti-
Wildlife Foundation (AWF), Conservation Inter- vités relatives à la gestion des cinq aires proté-
national (CI), et Fauna et Flora International gées inscrites sur la liste du patrimoine mondial.
(FFI). Ces ONG interviennent généralement sur Les partenariats financiers, techniques et scienti-
différentes thématiques au sein de plusieurs aires fiques engageant l’ICCN se concentrent sur une
protégées. Deux contrats de gestion sont actuelle- quinzaine d’aires protégées.
ment en cours d’exécution en RDC. Ils permettent La RDC est partie prenante dans le méca-
aux partenaires d’intervenir dans le cadre d’une nisme de gestion transfrontalière du paysage
délégation de gestion. Il s’agit respectivement des Virunga, dénommé Greater Virunga Trans-
d’African Parks (AP) pour le Parc National de boundary Collaboration (GVTC). Celui-ci vise
à la mise en place d’une gestion stratégique et association. Entre 2010 et 2014, le RAPAC a
durable des aires protégées localisées dans la également accompagné l’ICCN dans la maîtrise
partie centrale du rift albertin et ce, en catalysant d’œuvre d’un projet financé par l’UE, destiné au
la collaboration entre les autorités des trois pays renforcement de la gestion du PNS. Le directeur
concernés (RDC, Ouganda et Rwanda). Huit général de l’ICCN représente le gouvernement
parcs nationaux sont regroupés dans le cadre de la RDC dans le conseil d’administration du
de ce mécanisme. En grand partie contigus, ils RAPAC. La RDC est aussi membre de l’UICN
forment un système d’aires protégées unique, depuis de nombreuses années. Cette institution
centré sur un paysage aux caractéristiques écolo- dispose également à Kinshasa d’un bureau de
giques exceptionnelles. Trois parcs nationaux représentation et de coordination de projets.
sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial, Dans le but, d’une part, d’assurer un renforce-
dont le PNVi, et deux sont des sites du réseau ment de ses interventions et afin, d’autre part, de
Man and Biosphere (MAB), réseau des réserves répondre aux enjeux de coordination posés par
de la biosphère du programme l’Homme et la le grand nombre de partenariats, l’ICCN a déve-
biosphère de l’Unesco. Le secrétariat exécutif loppé deux plates-formes. Il s’agit tout d’abord
du GVTC, installé à Kigali au Rwanda, coor- de la Coalition pour la Conservation au Congo
donne actuellement la mise en œuvre d’un (CoCoCongo), intervenant au niveau national.
plan stratégique transfrontalier courant sur la Réunie annuellement, cette coalition permet à
période 2013‑2018. L’ICCN est l’une des insti- l’ensemble des acteurs d’échanger sur les enjeux
tutions à l’origine de cette initiative, aux côtés et défis auxquels le secteur des aires protégées
de l’Uganda Wildlife Authority (UWA) et du est confronté, afin d’identifier des mesures de
Rwanda Development Board (RDB, ancienne- renforcement des mécanismes de mise en œuvre
ment ORTPN). Un protocole d’entente impli- de la stratégie en matière d’aires protégées.
quant les trois autorités de gestion a été signé en La seconde plate-forme, le Comité de Coor-
2005 et un conseil interministériel a été mis en dination du Site (CoCoSi), a été créée dans la
place en 2009. plupart des aires protégées où des partenaires
La RDC est membre du Réseau des Aires interviennent aux côtés de l’ICCN. Cette struc-
Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC), asso- ture locale est mobilisée de façon régulière par
ciation sous régionale à but non lucratif, de l’équipe de gestion de l’ICCN et vise à organiser
caractère technique et scientifique et à voca- la coordination, la planification et le suivi-évalua-
tion environnementale. L’ICCN participe donc tion des activités de gestion des aires protégées
à ce titre à certaines initiatives portées par cette qui en sont pourvues. Les communautés locales,

119
120
pouvant être organisées en comités et conseils 1.4 Stratégies et programmes
(voir « Gouvernance et systèmes de gestion des relatifs aux aires protégées
aires protégées »), sont également associées à la
gestion des aires protégées au travers notamment Plusieurs outils stratégiques et programma-
des sessions des CoCoSi spécifiques à la conser- tiques concernant la conservation de la nature et
vation communautaire. les aires protégées ont été développés en RDC au
L’ICCN travaille également avec de cours des dix dernières années. Les principaux
nombreuses autres institutions étatiques natio- sont brièvement présentés ci-dessous :
nales. La collaboration avec les Forces Armées • le Programme National Environnement,
de la RDC (FARDC) est à relever. Essentielle à la Forêts, Eaux et Biodiversité de 2e généra-
sécurisation de certaines aires protégées, l’armée tion (PNEFEB-2 ; MECNT, 2013), élaboré
a une longue histoire de collaborations ponc- en 2013, constitue le cadre stratégique global
tuelles et d’opérations communes avec l’ICCN d’intervention dans les secteurs de l’environ-
(Mapilanga wa Tsaramu, 2014). Souhaitant nement, des forêts, des ressources en eau et de
accroitre l’efficacité des interventions, l’ICCN la diversité biologique pour la période 2014-
et les FARDC sont aujourd’hui engagés dans un 2020. Il a arrêté 4 priorités dans le domaine
dialogue visant à lever certains défis institution- de la biodiversité à savoir : i) l’extension du
nels et opérationnels relatifs à cette collaboration. réseau d’aires protégées, ii) la gestion partici-
Finalement, il convient de relever que les pative des ressources biologiques, iii) la valori-
réserves de biosphère ne sont pas gérées par sation de la biodiversité et iv) le renforcement
l’ICCN. Réserves forestières et stations de des mécanismes de gestion de la biodiversité
recherche désignées pour inclusion dans le transfrontalière ;
réseau MAB, et les réserves de biosphère de • la Stratégie et Plan d’Action Nationaux de
Luki et Yangambi sont sous la double tutelle la Biodiversité (SPANB ; MECNT, 2014),
du MEDD, via le comité national MAB, et de élaborée en 1999, a été révisée une première
l’Institut National pour l’Etude et la Recherche fois en 2002 (2002 – 2010) puis en 2013. Le
Agronomiques (INERA). Ce dernier est un développement de cette dernière version est
établissement public sous tutelle du Ministre toujours en cours. Parmi les axes d’interven-
de la recherche scientifique et technologique et tion prioritaire identifiés dans celle-ci figurent :
dispose d’un programme de recherche traitant de l’intégration de la biodiversité dans tous les
la gestion et de conservation des ressources natu- secteurs nationaux prioritaires et pertinents,
relles dans ces deux aires protégées. La réserve l’amélioration de la gestion des aires proté-
de la biosphère de Lufira est quant à elle sous la gées existantes et l’extension de leur réseau,
tutelle du comité national MAB. la sauvegarde des espèces de faune et de flore
menacées d’extinction et l’accroissement des de validation vise à accroitre l’implication des
financements affectés à la biodiversité ; populations riveraines et autochtones dans le
• la Stratégie cadre nationale REDD+ (MECNT, maintien de l’intégrité des aires protégées, à
2012), validée en conseil des Ministres en valoriser les services environnementaux rendus
novembre 2012, reconnaît l’importance des par les aires protégées pour le bénéfice de ces
aires protégées comme catégorie juridique du mêmes acteurs, et à promouvoir les activités
domaine forestier et leur rôle dans la conser- de conservation-développement dans le but de
vation des stocks de carbone forestier. La stra- contribuer à leur bien-être. Cinq programmes
tégie met également l’accent sur la nécessité de sont dimensionnés à cet effet ;
consolider et étendre le réseau national d’aires • la politique et le Plan Directeur de Recherche
protégées et mentionne le besoin de favoriser (PDR) de l’ICCN a été publié en 2011 (ICCN,
la gestion participative et communautaire des 2011). Définissant les objectifs et axes priori-
ressources naturelles ainsi que la valorisation taires en matière de recherche, le PDR articule
économique de ces espaces (écotourisme, les programmes visant à acquérir les infor-
projets REDD+, etc.) ; mations et les connaissances nécessaires à la
• la Stratégie Nationale de Conservation de gestion des aires protégées.
la Biodiversité dans les aires protégées de la D’autres stratégies, déclinées en programme
RDC (SNCB ; ICCN, 2012) a été publiée en d’actions, ciblent la conservation de certaines
2005 (2005 – 2015). Celle-ci a été évaluée puis espèces emblématiques et ce, y compris au sein
révisée à partir de 2011. La nouvelle version des aires protégées.
porte sur une période de dix ans (2012 – 2022) Il s’agit de :
et est assortie d’un plan d’action quinquennal. • la stratégie et plan d’action pour la survie des
Cette stratégie met, d’une part, un accent parti- grands singes en RDC (MECNT & UICN,
culier sur le processus d’extension du réseau, 2014),
les mécanismes de financement durable, les • la stratégie de conservation du Bonobo 2012 –
changements climatiques (atténuation et 2022 (UICN & ICCN, 2012),
adaptation), la communication, l’accès aux • le plan d’action 2012-2022 pour la conserva-
ressources et le partage équitable des béné- tion des gorilles de Grauer et chimpanzés de
fices et, d’autre part, intègre les aires protégées l’Est de la RDC (Maldonado et al., 2012),
ex situ. Articulée autour de 9 programmes, • l’état de conservation de l’espèce et plan
cette stratégie organise également les outils de d’action 2010 – 2020 pour le Chimpanzé de
gestion mobilisés par l’ICCN (voir paragraphe Schweinfurth (Plumptre et al., 2010),
Gouvernance et systèmes de gestion des aires • la revue du statut et stratégie de conservation
protégées), tant au niveau de la direction géné- de l’Okapi (Quinn et al., sous presse).
rale que des aires protégées ;
• la Stratégie Nationale de Conservation De nombreux programmes d’appui à la gestion
Communautaire dans les aires protégées des aires protégées sont actuellement en cours
(SNCC ; ICCN, en cours de validation), dont d’exécution en RDC. Ils rassemblent, aux côtés
la première version a été validée en 2008, voit de l’ICCN, un grand nombre de partenaires finan-
actuellement son processus de révision arriver ciers et techniques. Une brève description des
à son terme. Reflétant notamment l’importance programmes majeurs est proposée ci-dessous :
stratégique des questions liées à l’implication • le Programme de conservation de la Biodiver-
des populations riveraines dans la gestion des sité et de la gestion durable des Forêts (PBF),
aires protégées, cette nouvelle version en cours appuyé par la coopération technique et finan-

121
122
cière allemande, vise à contribuer à l’objectif à différents niveaux pour contribuer à la gestion
global de la conservation de la biodiversité durable des forêts et la réduction des menaces
tout comme à la réduction de la pauvreté et à sur la diversité biologique. Il comprend une
la stabilisation du climat. La GIZ développe stratégie dédiée à l’amélioration de la gestion
des activités d’appui à la direction générale de efficace d’une dizaine d’aires protégées locali-
l’ICCN et dans certaines aires protégées loca- sées dans six paysages écologiques de la RDC ;
lisées des provinces du Sud Kivu, Maniema • l’UE prépare actuellement la mise en œuvre
et Katanga, dans les domaines de la gestion du programme relatif au secteur « environne-
des sites, le développement organisationnel ment et agriculture durable » du 11ème Fonds
et des ressources humaines. Sur la période Européen de Développement (FED) 2014 –
2014-2018, les interventions de la Coopération 2020. Poursuivant les actions entreprises dans
financière allemande (KfW) se concentrent le cadre de la phase précédente, le programme
sur l’appui à la gestion de 6 aires protégées : interviendra en faveur de quatre aires proté-
le parc national de Kahuzi Biega (PNKB), la gées (PNG, PNVi, PNS et PNU), auxquelles
réserve de faune à Okapis (RFO), le PNKL, une cinquième viendra s’ajouter (réserve de
le PNS, la réserve naturelle du Triangle de la la biosphère de Yangambi). Un volet impor-
Ngiri (RNTN) et le futur parc national de la tant d’actions est consacré aux populations
Lomami (PNL) ; riveraines de ces aires protégées au travers
• le Projet d’Appui à la Réhabilitation des Parcs de travaux d’infrastructures et d’initiatives de
Nationaux (PREPAN) de la BM, sur fonds du relance des activités économiques rurales ;
FEM et de l’IDA (International Development • le Programme d’Appui au Réseau des Aires
Association), vise à renforcer, d’ici à 2016, Protégées (PARAP), initiative conjointe entre
les capacités financières, organisationnelles l’ICCN (via son département technique et
et techniques de l’ICCN au niveau central scientifique) et le WWF, procède actuellement
ainsi que dans deux parcs nationaux (PNG et à l’évaluation du réseau actuel dans le but
PNVi). À ce titre, le projet intervient en appui d’appuyer le développement d’une stratégie
au développement du fonds fiduciaire pour informée visant à promouvoir la consolidation
la conservation (voir paragraphe « Moyens du réseau existant, et planifier son extension.
disponibles »), dénommé Fonds Okapi pour la Ce programme est co-financé par le Minis-
Conservation de la Nature (FOCON) ; tère allemand de l’environnement, la Coopé-
• la troisième phase (2013-2018) du Central ration financière allemande, le PREPAN et le
Africa Regional Program for the Environment réseau WWF. Le produit final, qui sera livré au
(CARPE), cofinancé par l’agence américaine courant du premier semestre 2016, constituera
pour le développement international (United un outil d’aide à la décision permettant notam-
States Agency for International Develop- ment d’informer le processus d’aménagement
ment, USAID) et le gouvernement norvégien, du territoire en cours de développement.
appuie les efforts entrepris pour le maintien
de l’intégrité écologique des écosystèmes de 2. Le réseau des aires protégées
forêts humides dans le bassin du Congo. Ce
programme (divisé en deux sous-programmes, 2.1 Historique
CAFEC - Central Africa Forest Ecosystems
Conservation et SCAEMPS - Strengthening Le réseau actuel des aires protégées de RDC
Central Africa Environmental Management and est le fruit d’une longue histoire, s’étalant sur
Policy Support), regroupe de nombreux acteurs plus de 115 ans, et qui, par bien des aspects, est
intimement liée à la celle de l’État congolais. Le nent. En 1934, l’Institut des Parcs Nationaux du
concept d’aire protégée, notamment en ce qui Congo-Belge (IPNCB) est créée pour assurer sa
concerne leurs rôles en matière de conservation gestion. Deux autres parcs nationaux sont créés
et de développement, a donc connu des évolu- dans les années 1930 : le PNG (1938) et le PNU
tions au cours de cette période. Les principaux (1939) avec l’objectif de protéger la grand faune
éléments caractérisant cette trajectoire historique de savane. Les années 1930 marquent également
sont brièvement rappelés ci-après. le début d’une période, s’étendant jusqu’après la
À la fin du XIXe siècle, et au début du XXe, seconde guerre mondiale, durant laquelle furent
et en parallèle à l’émergence d’une reconnais- classées un grand nombre de réserves forestières
sance internationale à propos de la nécessité de et de réserves de chasse. Cette période coïncide
protéger certaines espèces d’une surexploita- avec le lancement de programmes d’aménage-
tion, les premières réserves in situ sont mises ment territorial et de développement industriel
en place pour réglementer les prélèvements de (Cornevin, 1989). Certaines de ces aires proté-
bois, de quelques espèces de grands mammifères gées existent encore aujourd’hui tandis que
(comme les éléphants et les hippopotames) et des d’autres ont été modifiées ou encore déclassées.
stocks de poissons. Les populations résidentes Suite à l’accession du pays à l’indépendance
ne bénéficièrent que d’une reconnaisance margi- en 1960, l’État a poursuivi l’extension du réseau
nale de leurs droits fonciers et droits d’usage. En des aires protégées (voir paragraphe suivant).
1900, les deux premiers jardins botaniques sont Quatre parcs nationaux supplémentaires furent
créés (Kisantu et Eala). Destinés à l’origine à la crées dans les années 1970 : le parc national de
culture de fruits et légumes et à l’acclimatation la Maïko (1970), PNS (1970), PNKL (1975) et
de plantes exotiques d’intérêt, ces jardins ont PNKB (1975).
rassemblé progressivement les espèces végé- En 1967, l’IPNCB fut renommé Institut
tales les plus caractéristiques des écosystèmes du National de la Conservation de la Nature (INCN),
pays. Sept jardins botaniques et zoologiques sont puis Institut Zaïrois pour la Conservation de la
au total créés entre 1900 et 1955. Ils acquièrent Nature (IZCN) par ordonnance-loi 75/023 du 22
leur reconnaissance en tant qu’aire protégée ex juillet 1975. Son statut fut modifié et complété
situ au XXIe siècle. par la loi 78/190 du 5 mai 1978.
Suite à la première collecte de spécimens de Depuis les années 1970, plusieurs aires proté-
gorille des montagnes (Gorilla beringei beringei) gées ont été reconnues au niveau international
au début du XXe dans l’Est du pays, puis à la pour leurs valeurs universelles exceptionnelles
conduite d’expéditions scientifiques dans les (convention du Patrimoine mondial) ou encore
années 1920 décrivant l’importance de cette pour leur importance dans la mise en œuvre le
région pour la faune et la flore, le parc national développement durable (programme MAB). Les
Albert fût créé par décret le 21 avril 1925. Etendu premières prises en compte des écosystèmes
à plusieurs reprises au cours des quinze années d’eau douce interviennent progressivement dans
qui suivirent, et renommé parc national des les années 1990 et 2000, au travers de l’inscrip-
Virunga en 1969 (Languy & de Merode, 2006), il tion de trois sites sur la liste des zones humides
s’agit du premier parc national classé sur le conti- d’importance internationale (convention de

123
124
Ramsar). Le rythme de création de nouvelles coopération avec les communautés locales et les
aires protégées diminuent durant les années autres partenaires pour le bien-être des popula-
1980 et 1990. La RFO et la réserve naturelle des tions congolaises et de toute l’humanité » (ICCN,
Mangroves (appelé communément Parc Marin 2012). Le renforcement des capacités pour une
des Mangroves - PMM) sont, par exemple, clas- gestion efficace des aires protégées, la prise en
sées en 1992. Les crises successives qui ont compte de celles-ci dans le processus d’amé-
touché la RDC depuis le milieu des années 1990, nagement du territoire, le partage juste et équi-
en particulier jusqu’au début des années 2000, table des avantages fournis par les écosystèmes,
ont grandement affecté la capacité de gestion des la mise en place de mécanismes de financement
aires protégées et la participation des partenaires durable, l’atténuation et l’adaptation au chan-
financiers et techniques. Les impacts à long terme gement climatique, la gestion des écosystèmes
sur les valeurs de conservation de nombreuses d’eau douce sont aujourd’hui quelques-uns des
aires protégées furent significatifs et conduisirent nombreux défis auxquels la RDC est confrontée
par exemple à l’inscription des biens du Patri- pour permettre l’avènement d’une telle vision.
moine mondial sur la liste des sites en péril. Des
mesures d’urgence, avec le soutien de l’Unesco 2.2 Le réseau actuel
en particulier, permirent cependant de maintenir des aires protégées
des activités clés dans certaines aires protégées.
À partir des années 2000, la RDC adopte une Le réseau des aires protégées de RDC
série de stratégies, programmes et dispositions comprend plus de 25 catégories nationales d’aires
législatives réaffirmant l’engagement de l’État protégées in et ex situ, dont notamment les parcs
dans le secteur de la conservation de la nature et nationaux, les réserves de faune, les réserves
des aires protégées. Ce nouveau cadre place la naturelles, les domaines de chasse et les jardins
réhabilitation de celles-ci, ainsi que l’extension zoologiques et botaniques. Ce grand nombre de
de leur réseau, comme des éléments centraux de catégories, et la diversité d’objectifs de gestion
la gestion durable des ressources naturelles du à laquelle il donne lieu, reflète l’histoire de la
pays. L’importance croissante accordée aux aires conservation en RDC. Selon les données actuel-
protégées en RDC se traduit notamment en 2011 lement disponibles, le réseau couvrirait plus de
par l’incorporation du secteur forêt-environne- 26 millions d’hectares, soit environ 11 % du terri-
ment comme l’un des 4 piliers du DSCRP-2 (2011 toire national (tableau 2 et figure 1). Il représente
– 2015), dont l’un des volets s’intitule « gérer et à des degrés variables les différents types d’éco-
protéger l’environnement et les ressources natu- systèmes terrestres et aquatiques de la RDC.
relles », et au sein duquel l’extension du réseau L’ICCN est aujourd’hui engagé dans une
des aires protégées figure comme objectif. En revue systématique de son réseau d’aires proté-
parallèle, des outils permettant la participation de gées dans le cadre du PARAP. Les chiffres
l’ensemble des parties prenantes à la gestion des présentés ici sont donc tout à fait préliminaires
aires protégées, sont développés. et seront ré-évalués suite à cette étude engagée
Aujourd’hui, le pays s’est engagée dans la par le PARAP. Comme indiqué ci-dessus (voir
consolidation d’un réseau d’aires protégées repré- le paragraphe sur les programmes et stratégies),
sentatif, efficacement et équitablement géré, et cette analyse doit permettre de déterminer de
ce, dans le but d’atteindre la vision promue dans façon fiable la configuration du réseau et d’éva-
la SNCB : « Assurer la conservation et la gestion luer dans quelle mesure il protège adéquatement
efficace et durable de la biodiversité dans tout le l’ensemble des écosystèmes terrestres et aqua-
réseau national d’aires protégées de la RDC, en tiques, ainsi que certains taxons clés, de la RDC.
Tableau 2 – Les aires protégées de RDC *

Catégorie % du total des aires


Catégorie Nombre Superficie (ha)
UICN ** protégées (en superficie)
Réserves naturelles I, III ou IV 12 5 430 461 20,6
Parcs nationaux II et VI 7 8 638 031 32,7
Réserves de faune ou
Ia et IV 2 1 442 615 5,5
catégories équivalentes
Réserves et domaines de
VI et II 26 10 611 283 40,2
chasse
Autres catégories I etVI 4 293 347 1,1
Total 51 26 415 737 100
Notes :
* Toutes les données ainsi que les chiffres de ce tableau sont présentés à titre indicatif car ils résultent d’une compilation de sources variables
qui n’ont pas pu être totalement harmonisées. Les marges d’erreurs sur les chiffres sont importantes et le lecteur avisé s’attachera surtout aux
grandes proportions d’aires protégées plus qu’aux chiffres eux-mêmes.
** Les statuts UICN sont donnés à titre indicatif car la véritable catégorie de gestion de chaque aire protégée n’a pas pu être évaluée dans le
cadre de ce document préliminaire.
Sources : OFAC (2015) et RAPAC (2015)

Les résultats de cette analyse permettront d’iden- d’extinction (Robbins et al., 2011). Le réseau
tifier les actions relatives à la consolidation et à hydrologique du parc assure les besoins en eau
l’extension du réseau, afin d’assurer qu’il réponde de Goma et sa région tandis que son poten-
aux enjeux de conservation de la biodiversité, tiel hydro-électrique est en cours de valorisa-
dont le maintien des services environnementaux tion. Il est à relever que le PNVi est menacé
d’approvisionnement, de régulation et culturels. de déclassement partiel dans le cadre du déve-
Cette initiative est partie intégrante des efforts loppement éventuel d’un projet d’extraction
nationaux entrepris dans le cadre de l’atteinte de d’hydrocarbures ;
l’Objectif 11 d’Aichi du Plan stratégique pour la • le parc national de la Garamba et les domaines
biodiversité 2011 – 2020 de la CDB. de chasse attenants contiennent les écosys-
Sept parcs nationaux, créés entre 1925 et 1975 tèmes typiques de la bordure nord du bassin du
et couvrant plus de 8 millions d’hectares, consti- Congo : vastes savanes herbeuses et boisées,
tuent le cœur du réseau. Quelques caractéris- entrecoupées de forêts galeries et zones maré-
tiques remarquables de certains d’entre eux sont cageuses. La dernière population de girafes de
brièvement rappelées ci-après : Kordofan (Giraffa camelopardalis antiquorum)
• le parc national des Virunga, situé dans la partie de RDC est restreinte à cette aire protégée ;
centrale du rift albertin, renferme une diversité • le parc national de la Salonga, situé dans la
exceptionnelle d’écosystèmes : forêts, savanes, cuvette centrale, est l’une des plus grandes
lacs et zones humides, volcans actifs, glacier et aires protégées de forêt tropicale dense humide
neiges éternelles. Le massif des Virunga abrite au monde. Contenant une population impor-
plus de la moitié de la population restante de tante de bonobos (Pan paniscus), ses écosys-
gorilles de montagne et l’augmentation de la tèmes forestiers jouent un rôle fondamental
protection et du suivi journalier dans le PNVi a dans la séquestration du carbone ;
joué un rôle crucial dans l’accroissement de la • l’ensemble formé par les parcs de l’Upemba
population de cette espèce en danger critique et des Kundelungu et les aires protégées atte-

125
126
nantes (domaine de chasse et réserves) assure dédiées à la gestion des activités cynégétiques
la protection d’une vaste étendue de forêts (domaines et réserves de chasse), pour la plupart
claires de type miombo. Celle-ci est traversée créées avant les années 1950. Près d’une ving-
par la vallée de la Lufira et ses zones humides, taine sont spécifiquement consacrées à la gestion
dont l’exploitation des stocks halieutiques des habitats ou des espèces. Cette liste provisoire
compte pour une part importante dans l’appro- est basée sur un travail d’identification, de localisa-
visionnement en protéines des agglomérations tion, d’archivage et d’analyse de textes juridiques
de Likasi et Lubumbashi. La dernière popula- traitant du classement, et de la modification du
tion de zèbres des plaines (Equus quagga) de classement et du déclassement des aires protégées
RDC parcourt les plateaux d’altitude du PNU. en RDC. Cette analyse a été ensuite complétée par
Deux nouveaux parcs nationaux sont en cours des travaux de cartographie, voire d’inventaires et
de création. Le parc national de la Lomami d’enquêtes de terrain pour certaines entités. Les
(voir encadré), celui pour lequel le processus résultats complets ne sont pas encore disponibles,
est le plus avancé, couvrira un massif forestier ils seront publiés ultérieurement.
situé dans l’Est de la cuvette congolaise. Une La RDC inclut aussi dans ses aires proté-
nouvelle espèce de cercopithèque y a été décrite gées nationales 7 aires protégées ex situ. Créées
en 2012. Le parc national de Ngamikka, quant à entre 1900 et 1955, celles-ci comprennent trois
lui, devrait contribuer à la protection d’un massif jardins botaniques (Kinshasa, Kisantu et Eala) et
montagneux surplombant le lac Tanganyka. Il quatre jardins zoologiques (Kinshasa, Kisangani,
contient une flore remarquable, quatre espèces Lubumbashi et Gbadolite). Si les jardins bota-
de micromammifères et deux nouvelles espèces niques ont, à différents degrés, reçu un appui au
de batraciens y ont été récemment découvertes. cours des dix dernières années, les jardins zoolo-
Au total, 51 aires protégées sont détaillées en giques souffrent d’investissements très limités à
annexe au présent texte, dont les 7 parcs natio- l’exception de celui de Lubumbashi. Ces sites
naux mentionnés ci-dessus, 12 réserves naturelles, ne sont pas repris dans le tableau 2 ni dans l’an-
26 réserves et domaines de chasse et 6 réserves de nexe car ils sont de petite superficie et ne corres-
divers statuts. Dans le cadre de l’évaluation en cours pondent pas à des habitats naturels. Même s’ils
du réseau d’aires protégées menées par le PARAP, participent à une stratégie de conservation de la
plus de 90 autres aires protégées in situ ont été pré- biodiversité du pays, ils ne correspondent pas à la
identifiées en sus des parcs nationaux. Celles-ci définition des aires protégées telle que détaillée
incluent 12 réserves naturelles et plus de 40 zones par l’UICN.

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international dans


Inclus dans les aires protégées
le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 5 6 745 982 6 745 982 25,5
Sites Ramsar 3 7 435 624 1 607 016 6,1
Réserves de la biosphère 3 270 464 270 464 1,0
Sites RAPAC 7 7 881 540 7 881 540 29,8
Sources : Ramsar (2015), Unesco (2015a), Unesco (2015b), et OFAC (2015).
Figure 1 – Les aires protégées de RDC *

36
36
15
30 8
28
29
20
23
20
24 14
25
8
5 7
27 26
48 42
4
6
3 31
41 11
21
18 32
47
1 17
43
22

16
10 )
" Capitale
38
! Chef-lieu de province ou de région
44 13
40 Cours d'eau
46
33 19 12
45 Eau libre
37 34 12
39 Paysage à haute valeur de conservation

35 Aire protégée

Parc national

Autre aire protégée

n° Nom n° Nom n° Nom


1 Luki 17 Luama-Katanga 33 Mulumbu
2 Okapis 18 N'sele 34 Mufufya
3 Salonga 19 Lubudi Sampwe 35 Kiziba-Baluba
4 Salonga 20 Maïka-Penge 36 Bomu
5 Maïko 21 Luama-Kivu 37 Tshangalele
6 Kahuzi-Biega 22 Mangroves 38 Tshikamba
7 Virunga 23 Rubi-Tele 39 Basse Kando
8 Tayna 24 Lomako-Yokokala 40 Plateau de Kundelungu
9 Garamba 25 Luo 41 Oshwe
10 Swa-Kibula 26 Rutshuru 42 Sarambwe
11 Itombwe 27 Kisimba Ikobo 43 Gungu
12 Kundelungu 28 Mondo-Missa 44 Alunda et Tutshokwe
13 Upemba 29 Gangala na Bodio 45 Mwene Kay
14 Yangambi 30 Azande 46 Mwene Musoma
15 Bili-Uere 31 Sankuru 47 Bombo-Lumene (R)
16 Bushimaie 32 Bombo-Lumene (DC) 48 Lomami

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées

127
128
Le parc national de la Lomami
T. Hart, J. Hart, D-D. Bya’ombe Balongelwa, P. Tshikaya Ngoi et D. Mestre

Le parc national de la Lomami (PNL), en cours Initié dès 2007, avec les premières explorations
de création, est situé au coeur de la forêt tropicale biologiques menées par la Fondation Lukuru
humide d’Afrique centrale dans les provinces du dans les provinces du Maniema et Orientale et
Maniema et Orientale. Il couvre une superficie l’accompagnement des autorités provinciales des
d’environ 888 000 ha et s’insère dans un paysage deux provinces dans ces démarches, le processus
écologique plus vaste (2 200 000 ha), dénommé de classement du PNL est le premier à se confor-
« Complexe TL2 » en référence aux trois cours mer à la règlementation en vigueur, en associant
d’eau drainant celui-ci : la Tshuapa, la Lomami toutes les parties prenantes au processus de créa-
et la Lualaba (fleuve Congo). Couvrant un mas- tion du parc, conformément aux procédures de
sif forestier relativement peu perturbé, le PNL est classement, et tout particulièrement les commu-
composé de différents écosystèmes terrestres et nautés riveraines et les autorités provinciales. Bé-
aquatiques : forêt dense humide, clairières fores- néficiant dans un premier temps d’un classement
tières, mosaïques forêt-savane, zones humides et au niveau provincial, avec les signatures respec-
cours d’eau. tives d’un arrêté de classement pour la province
Plus de 50 espèces de grands mammifères sont du Maniema en 2011 et d’un arrêté de classement
présentes dans le futur PNL, parmi lesquelles fi- pour la province Orientale en 2013, le futur PNL
gurent les espèces emblématiques : le bonobo (Pan est géré par l’ICCN et a pu bénéficier de la formu-
paniscus ; entre 4 500 et 6 000 individus), l’éléphant lation d’un cadre de gestion et de mesures de pro-
de forêt (Loxodonta cyclotis ; entre 450 et 600 indi- tection et de gestion avec l’appui de la Fondation
vidus), l’okapi (Okapia johnstoni), le bongo (Trage- Lukuru et de la GIZ.
laphus eurycerus) et le léopard (Panthera pardus). Les procédures de classement au niveau natio-
Le paon congolais (Afropavo congensis) est aussi nal initiées par la déclaration commune des deux
présent dans le parc et sur les deux rives de la Lo- gouverneurs en 2011, ont été réactivées par les
mami. Cette zone recèle une diversité remarquable décisions du CoCoSi de mars 2015 et la lettre com-
de primates avec 13 espèces et sous-espèces de pri- mune des deux gouverneurs signée à cette occa-
mates diurnes recensées. Tandis que les sous-es- sion. Le processus de classement arrive désormais
pèces du colobe rouge (Procolobus badius parmen- à son terme, le dossier venant d’être transmis par
tieri) et du cercopithèque à diadème (Cercopithecus l’ICCN au Ministère national chargé de l’environ-
mitis heymansi) sont endémiques à cette région, on nement pour préparer la signature d’un décret par
a constaté récemment la présence du rare cercopi- le Premier ministre. Avec son classement va dé-
thèque dryas (Cercopithecus dryas), étendant son marrer une nouvelle phase de gestion de ce fleuron
aire de distribution au sud-est sur plus de 400 km. de l’ICCN en matière de conservation du capital
En outre, une nouvelle espèce de cercopithèque a naturel congolais, avec l’appui de ses principaux
été décrite en 2012 : le lesula (Cercopithecus loma- partenaires techniques et financiers : Fondation
miensis). Le futur PNL abrite le plus grand nombre Lukuru, PBF/KfW et PBF/GIZ.
d’animaux endémiques à la RDC que tout autre
aire protégée du pays.
Comme mentionné précédemment, cinq aires pation à la gestion de l’aire protégée ou la gestion
protégées (PNVi, PNG, PNKB, PNS et RFO) des conflits et le contrôle des éventuelles rétroces-
sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial sions financières. Si ces structures ne remettent
(tableau 3). Trois réserves de biosphères sont pas en cause le type de gouvernance par le
intégrées dans le programme MAB de l’Unesco gouvernement, elles consacrent l’adoption d’une
mais ne sont pas gérées par l’ICCN. Concer- approche participative et permettent de répondre
nant la convention de Ramsar (convention sur aux obligations légales instituées par la loi 14/003
les zones humides), deux sites sont inscrits relativement à l’information et à la consultation
dans des aires protégées existantes. Un troi- des parties prenantes (voir le paragraphe sur la
sième couvre une vaste région de frontalière législation et la réglementation). Cette même
de la République du Congo et contient deux loi institue également l’autorité de gestion des
aires protégées (RNTN et réserve naturelle de provinces et des entités territoriales décentralisées
Tumba-Lediima dont les limites ne sont pas pour les aires protégées dites d’intérêt provincial
reprises dans la figure 1 par manque de données ou local, permettant ainsi d’élargir les formes de
suffisamment précises). gouvernance par le gouvernement.
Le montage de premiers partenariats public-
3. Organisation de la gestion privé (PPP) concernant les aires protégées est
des aires protégées intervenu en RDC en 2005, et pour la première fois
en Afrique centrale. Les arrangements contrac-
3.1. Gouvernance et systèmes de tuels ont été développés à ce moment-là entre,
gestion des aires protégées d’une part, l’ICCN et, d’autre part, respectivement
AP (anciennement African Park Network) pour le
La gouvernance « par le gouvernement1 », PNG et VF (anciennement Africa Conservation
conduite au niveau national par le ministère de Fund) pour le PNVi (voir paragraphe « Contexte
tutelle ou l’agence nationale en charge des aires institutionnel »). Ils ont permis de développer
protégées, est le modèle historique organisant une gouvernance partagée de ces aires protégées
le pouvoir de décision et la responsabilité de (d’Huart, 2014). Celle-ci répond aux critères d’une
gestion des aires protégées en RDC (tableau 4). gestion dite collaborative : l’autorité décisionnelle
Cependant, et depuis plus d’une décennie, diffé- et la responsabilité de gestion sont confiées à un
rentes initiatives participent à la diversification organisme privé, tenu d’informer ou de consulter
des types de gouvernance. les autres parties prenantes. Ce modèle connaît
Le développement puis la mise en œuvre aujourd’hui une évolution vers une gestion plutôt
de la SNCC au sein de plusieurs aires proté- de type conjointe, toujours dans le cadre d’une
gées a permis d’éprouver des approches visant gouvernance partagée, au travers de projets en
à renforcer la collaboration entre l’ICCN et les cours de dimensionnement pour le PNS et la RFO
populations riveraines. Ces approches ont été (d’Huart, 2014), respectivement avec le WWF et
évaluées et ont donné lieu, dans le cadre de la le WCS comme parties contractantes avec l’ICCN.
révision en cours de la SNCC, à des prescriptions La volonté est en effet de voir les différents acteurs
concernant la mise en place de structures de colla- siéger au sein d’un organe de gestion qui possède
borations locales (ICCN, en cours de validation). l’autorité décisionnelle, tandis que la responsabi-
Ces structures disposent d’organes, de méca- lité de gestion est confiée à un organisme privé.
nismes et de mandats distincts comme la partici- La place de ces modèles de gouvernance
1. Les types de gouvernance décrits suivent la nomenclature
partagée devrait s’accroître à l’avenir pour certaines
UICN décrite dans Dudley (2008) catégories d’aires protégées, celles-ci restant à

129
130
définir. En effet, le développement de partenariats, une vocation de conservation, et à condition de
entre l’organisme en charge de la gestion des aires disposer des institutions et réglementations iden-
protégées et des personnes physiques ou morales tifiables et responsables de l’atteinte des objectifs
de droit privé disposant de capacités avérées, est de conservation, il est en effet envisageable que
l’une des mesures innovantes de la loi 14/003. ce type de gouvernance puisse être reconnu.
Cette loi permet ainsi d’envisager la créa- Les aires protégées sont gérées par des équipes
tion d’aires protégées, puis leur gestion, par une ICCN conduites par des conservateurs - chefs de
personne physique ou morale de droit privé. Les site. Les interventions mises en œuvre sur le terrain
conditions et modalités de fonctionnement de sont structurées selon différents programmes :
ces entités vis-à-vis de l’organisme public en surveillance, conservation communautaire,
charge de la gestion des aires protégées devront recherche et suivi, etc. Comme abordé précedem-
être cependant précisées dans les mesures d’ap- ment, les CoCoSi permettent à l’ICCN de coor-
plication de cette loi. L’émergence d’un type de donner avec ses partenaires les interventions au sein
gouvernance privé pour les aires protégées n’est des aires protégées. À l’heure actuelle, vingt-cinq
donc pas à exclure. aires protégées disposent d’une équipe de gestion.
Finalement, la définition d’une aire protégée L’ICCN a développé une série d’outils dans
telle que donnée par la loi 14/003, ainsi que le le cadre de l’opérationnalisation de la SNCB,
décret 14/018 du 02 août 2014 fixant les moda- visant à planifier, superviser puis suivre et évaluer
lités d’attribution de concessions aux commu- la mise en œuvre des actions de gestion. Ils
nautés locales (une mesure d’application de la concernent aussi bien la direction générale que
loi 011/2002 portant Code forestier récemment les aires protégées. Il s’agit du plan stratégique
publiée) ouvre des perspectives pour le dévelop- d’action (5 ans) et du plan d’opération (1 ans)
pement en RDC de modes de gouvernance par au niveau national. Pour les aires protéges, trois
des « populations autochtones et des commu- outils sont principalement mobilisés : le plan de
nautés locales1». Dans l’éventualité où, au sein gestion (10 ans), le plan d’action (3 à 5 ans) et le
du domaine privé de l’État, une concession plan d’opération (1 ans).
forestière attribuée à une communauté locale a L’ICCN travaille également avec certains de
1
Les types de gouvernance décrits suivent la nomenclature UICN
ses partenaires au développement d’un système
décrite dans Dudley (2008) de suivi de l’efficacité de gestion des aires proté-

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées de RDC

Institutions et groupes Nombre Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * d’aires protégées protégées (ha)
Toutes les aires protégées
Gouvernementale ICCN, Comité MAB 25 113 563
(sauf PNVi et PNG)
Privée - - -
Communautaire - - -
Partagée** ICCN/AP/VF 2 1 302 174
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles
Source : OFAC (2015)
Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours de Evalué et
Aucun Réalisé (date)
préparation révisé (date)
Réserves naturelles 9 1 2 0
Parcs nationaux 1 2 4 0
Réserves de faune 2 0 0 0
Réserves et domaines de chasse 26 0 0 0
Autres catégories 4 0 0 0

gées, intégré aux outils en vigueur. À ce jour, programme de réformes a permis d’évaluer le
6 plans de gestion ont été développés et sont capital humain de l’entreprise (recensement
validés, ou en cours de validation, par la direc- physique et biométrique) et de mettre en place
tion générale de l’ICCN. Ils concernent notam- divers outils de gestion des ressources humaines
ment les 5 aires protégées inscrites au Patrimoine (organigramme, statut du personnel, profils de
mondial. L’ICCN travaille actuellement au poste et classification des emplois, outil informa-
renforcement de sa cellule de planification, suivi tique) ainsi que de procéder à la mise à la retraite
et évaluation, dans le but d’accroître la mise en de plus de 300 agents.
œuvre des outils de gestion. L’ICCN est égale- Le recensement physique et biométrique du
ment engagé dans l’intégration de l’outil SMART personnel de l’ICCN, conduit en 2009 et 2010,
(Spatial Monitoring and ReportingTool) afin de a permis d’avoir une certaine estimation du
faciliter la collecte et l’analyse des données, le personnel. Actuellement, dans le cadre des appuis
rapportage et la planification des actions d’appli- de la GIZ, une base de données du personnel
cation de la loi. Une phase pilote est actuellement ICCN gérée avec le logiciel Sage est en train d’être
en cours de mise en œuvre dans 7 aires protégées. alimentée et actualisée afin de fournir des effectifs
et des données plus fiables. Au 1er juillet 2015, le
3.2 Les moyens disponibles personnel de l’ICCN se monte à 2 472 agents. Le
personnel technique s’élève à 1 892 agents, dont
3.2.1 Les ressources humaines 1 258 gardes (50,1 % de l’effectif total), 538 cadres
et matérielles moyen (21,8 %) et 96 cadres supérieurs (3,9 %) ; le
reste est constitué essentiellement par du personnel
Suite à une revue institutionnelle effectuée administratif et quelques scientifiques (580 agents
en 2006 avec l’appui financier de l’UE, l’ICCN soit 23,5% du personnel de l’institut).
s’est engagé entre 2009 et 2012 dans un impor- L’actualisation numérique des données
tant programme de réforme. L’une de ses consé- s’accompagne d’une actualisation physique
quences majeures a été la mutation de l’institut, des dossiers du personnel. En outre, l’ICCN
qui venait d’absorber l’ex Institut des Jardins a développé, avec le concours de la GIZ, une
Zoologique et Botaniques du Congo (IJZBC), en politique de gestion de la performance des
un établissement public doté de nouveaux statuts ressources humaines (vision, orientations, prin-
et de nouvelles structures. En ce qui concerne cipes moteurs, processus,…), entrée en appli-
les ressources humaines spécifiquement, ce cation en 2014-2015. Le mécanisme de gestion

131
132
de performance mis en place mobilise des Pour la suite, le développement organi-
outils standards, objectifs et crédibles, tels que sationnel suit son cours avec cette nécessité
des fiches d’évaluation de la performance avec d’avoir des effectifs fiables pour tout l’ICCN,
objectifs SMART trimestriels pour les cadres de revoir le cadre organique et d’établir un plan
de commandement, tant pour la Direction de recrutement afin de combler les postes clés
Générale que pour les sites. Tout le processus vacants dans un premier temps. Il convient aussi
d’évaluation est accrédité par un panel. Il faut de préciser qu’il n’existe pas actuellement de
aussi mentionner qu’un mécanisme de gestion données consolidées sur les effectifs mobilisés
des formations continues a été institué, compre- par les différents partenaires intervenant en
nant une politique, des outils comme le plan appui à l’ICCN, ce qui permettrait de disposer
de formation continues et autres, qui est validé d’une connaissance globale du personnel
pour certains sites et en cours de validation pour oeuvrant effectivement dans la gestion des aires
la Direction Générale. protégées du pays.

Tableau 6 - Évolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - - - - - - -
Cadres moyens - - - - - - - - - -
Gardes et écogardes - - - - - - - - - -
Total - - - - - - - 3 671* - -
- : données non disponibles
* : Estimation réalisée par le Ministère des finances (2012).

3.2.2 Financements pour la même année, s’organisent comme


suit : 2,5 millions de $US proviennent des
En 2011, d’après Matomene Tudilu & Pingan- ressources propres de l’Institut (redevance
naud (2014), le coût de la gestion des aires proté- tourisme, loyers, etc.), soit 8 % du coût total, et
gées par l’ICCN s’est élevé à 32,6 millions 2,3 millions de $US du budget de l’État (7 % du
de $US. Ce coût prend en compte le total des même total). Cette dernière contribution prend
charges de fonctionnement ainsi que l’investisse- principalement en charge la rémunération des
ment réalisé. Pour l’année considérée, le premier agents immatriculés.
poste concentre 66 % des dépenses totales, avec Les 5 aires protégées inscrites sur la liste du
21,4 millions de $US, contre 34 % pour le second patrimoine mondial captent de l’ordre de 75 à
(11,2 millions de $US). Quatre aires protégées 80 % du financement global alloué au secteur
concentrent 90 % de ces investissements : PNVi, (Matomene Tudilu & Pingannaud, 2014). Le
PNG, PNKB et RFO. niveau de ressources mobilisées, et les méca-
Le coût de la gestion des aires proté- nismes associés, permettent à ces dernières
gées en 2011 a été couvert à hauteur de 85 % d’envisager un financement quasi-pérenne sur
par les partenaires internationaux de la RDC le moyen-terme. Les autres aires protégées
(Matomene Tudilu & Pingannaud, 2014). Les sont largement sous-financées, voire totalement
ressources nationales mobilisées par l’ICCN, marginalisées (tableau 7).
La dépendance financière de la gestion des de santé du personnel, conduite de procédures
aires protégées vis-à-vis des financements inter- judiciaires, etc.), peu ou pas couverts par les
nationaux induit une certaine fragilité pour partenaires, ne sont donc pas pris en charge de
le secteur, avec notamment une variabilité du façon convenable. En outre, les aires protégées
niveau des flux financiers annuels et ce, tant au dépourvues de partenariats ne disposent pas des
niveau global que local (Matomene Tudilu & ressources minimales nécessaires à leur gestion.
Pingannaud, 2014). Elle donne également lieu à Sur la base d’un processus multi-acteur, un
des négociations complexes, au cours desquelles fonds fiduciaire pour la conservation, dénommé
la souveraineté décisionnelle peine parfois à Fonds Okapi pour la Conservation de la Nature
se maintenir. (FOCON) a été mis en place. Dédié à financer de
La faible capacité d’intervention budgétaire manière pérenne la mise en œuvre d’activités de
de l’État en matière d’aires protégées pèse forte- gestion dans les aires protégées, en particulier les
ment sur le secteur. À titre d’exemple, sur les 1 sites du patrimoine mondial, le FOCON aura la
millions de $US inscrits dans la loi de finances capacité de gérer deux mécanismes de finance-
2012 pour le fonctionnement de l’ICCN (hors ment : un fonds de dotation et un fonds d’amortis-
rémunération), seuls 18 000 $US ont été effecti- sement. Alors que la cible de capitalisation est de
vement exécutés, soit moins de 2 % de réalisa- 50 millions de $US, plus de 25 millions de $US
tion (Matomene Tudilu & Pingannaud, 2014). ont été d’ores et déjà promis par des bailleurs de
Certains besoins récurrents essentiels (frais fonds internationaux (FEM, KfW, BM).

Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées de RDC

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
Rémunération des
Non Budget de agents matriculés, 2,3
- 2011
attribuable l’État dépenses de millions $US
État fonctionnement
Non Dépenses de 2,5
ICCN - 2011
attribuable fonctionnement millions $US
Partenaires Dépenses
27,8
Partenaires - internationaux d’investissement et - 2011
millions $US
de RDC de fonctionnement
- : données non disponibles

133
134
Initiée en 2008, la phase de préparation a renforcer la gestion des aires protégées et de
débouché sur la création et l’enregistrement du soutenir des projets de développement commu-
fonds en Angleterre en novembre 2013 en tant nautaire dans le cadre du partage des béné-
qu’entité caritative, puis sur l’entrée en exercice fices. Ensuite, et de façon indirecte, le but est
d’un conseil d’administration en février 2014. de promouvoir, sur le plan local, les investisse-
Les membres de ce dernier sont issus du gouver- ments, la création d’emplois et la consomma-
nement, du secteur privé, de la société civile et tion de biens et de services.
des bailleurs de fonds. Un directeur exécutif doit Les activités touristiques sont aujourd’hui
être nommé. L’élaboration du manuel de procé- pratiquées dans un nombre restreint d’aires
dures, du règlement intérieur ainsi que la création protégées. Les trois parcs nationaux inscrits sur
du siège d’exploitation en RDC sont les activités la liste du patrimoine mondial situés dans l’Est
actuellement conduites pour opérationnaliser le du pays disposent des programmes touristiques
fonds. Concernant la capitalisation, la sélection les plus développés. Les données suivantes sont
d’un gestionnaire de portefeuille pour le capital, disponibles :
la mise en place d’un comité d’investissement • en 2011, le PNVi a reçu la visite de 4 000
et la définition d’une politique d’investissement touristes, soit une fréquentation en hausse
sont en cours. de plus de 200 % par rapport à l’année 2009
(WWF & Dalberg, 2013). Des projections font
4. Enjeux socio-économiques état d’un potentiel pouvant atteindre de 13 000
autour des aires protégées (WWF & Dalberg, 2013) à 20 000 visiteurs
annuels (Hatfield & Malleret-King, 2007)
4.1 Tourisme et ce, sous réserve de l’atteinte de certaines
conditions habilitantes en matière de sécurité
Le tourisme est l’un des axes de dévelop- et d’infrastructures. Différents produits sont
pement majeurs considéré par l’ICCN pour la proposés aux visiteurs pour la plupart interna-
valorisation des aires protégées. À cet effet, l’un tionaux. L’observation de groupes habitués de
des 9 programmes de la SNCB est dédié à la gorilles des montagnes constitue le pivot de
relance et à la promotion d’un tourisme durable l’offre. Les activités touristiques ont dû ralentir
au sein de celles-ci (ICCN, 2012). Les objectifs considérablement en 2012, suite au conflit en
poursuivis sont multiples. Il s’agit tout d’abord, cours dans la région, et ne reprirent progressi-
au travers des recettes directement générées, de vement qu’en 2014 ;
• le PNKB a connu une affluence record en 4.2 Valorisation durable
2014 avec 1 551 visiteurs (Nishuli R., commu- de la biodiversité
nication personnelle), venus principalement
observer un groupe habitué de gorilles de Les écosystèmes naturels, terrestres et aqua-
Grauer (Gorilla beringei graueri) ; tiques de la RDC jouent un rôle clé pour le main-
• le PNG a également développé des infrastruc- tien du bien-être de la société congolaise et ce au
tures permettant l’accueil de touristes interna- travers du large éventail de services environne-
tionaux pour l’observation de la grande faune mentaux directs (approvisionnement) et indirects
de savane. (support et régulation), qu’ils génèrent. Environ
Ces trois aires protégées ont généré en 2011 50 millions de citoyens congolais, soit près de
plus de 900 000 $US de recettes (Pingannaud P., 70 % de la population, dépendent des écosys-
communication personnelle) qui ont été venti- tèmes forestiers pour leur approvisionnement en
lées entre les différentes parties prenantes selon énergie, en matériaux de construction ainsi que
les clés de répartition en vigueur. Les autres aires pour un grand nombre de produits forestier non
protégées proposant des activités touristiques ligneux à vocations diverses (PNUD, 2014b).
sont le PNKL au Katanga, le PMM et le domaine La chasse et la pêche constituent également
de chasse de la Bombo-Lumene. Des initiatives des sources de protéines essentielles pour de
sont en cours pour ces deux dernières aires proté- nombreuses communautés rurales. Ces services
gées, situées dans l’ouest du pays, avec l’élabo- forment donc une base essentielle pour le déve-
ration de plans directeurs dans le but d’identifier loppement économique et social de la RDC
les produits potentiels, et le développement de (PNUD, 2014b).
plans d’affaires chiffrés et de produits marketing Peu d’études documentent de façon complète
(logos, dépliants, etc. ; ICCN, 2013). les biens et services fournis dans le cadre des aires
Les contraintes rencontrées dans le dévelop- protégées de RDC et rares sont celles qui procèdent
pement du tourisme sont multiples (ICCN, 2012 ; à leur évaluation monétaire. Le PNVi a fait récem-
Wilungula Balongelwa, 2014), au rang desquelles ment l’objet de travaux dans ce sens : la valeur
figurent un contexte sécuritaire toujours fragile économique totale annuelle des services rendus
dans de nombreuses aires protégées, des forma- par les écosystèmes de cette aire protégée est
lités d’obtention des visas parfois complexes, le estimée à 48,9 millions de $US (WWF & Dalberg,
manque d’organisation des opérateurs écono- 2013). La valeur d’usage direct pèse pour plus de
miques du secteur et plus généralement le retour 70 % de ce montant, au travers notamment de la
de la confiance vis-vis de la RDC en tant que production annuelle halieutique du lac Edouard.
destination touristique. Celle-ci est de l’ordre de 15 000 tonnes et repré-
Le type de tourisme, et les problématiques sente une valeur annuelle d’environ 30 millions
liées à sa promotion, sont très différents dans de $US. Dans le cadre de ces mêmes travaux
les jardins botaniques et zoologiques. L’état des (WWF & Dalberg, 2013), une valeur économique
infrastructures, et la qualité de l’offre associée, totale annuelle potentielle plus de vingt fois supé-
ainsi que la proximité avec un marché poten- rieure est projetée pour les services fournis par les
tiel, sont les principaux facteurs sous-tendant au écosystèmes du PNVi et ce, sous réserve que les
succès de leur valorisation. Le jardin botanique conditions cadres s’améliorent et qu’un certain
de Kisantu, le jardin zoologique de Lubumbashi nombre d’actions puissent être entreprises corré-
et le jardin botanique de Kinshasa, dans une lativement. Cette dernière estimation doit être
moindre mesure, sont les sites les plus avancés cependant considérée avec soin au vue des hypo-
en la matière. thèses mobilisées et des limites identifiées.

135
136
Dans le contexte de la gestion d’une aire subsister et, dans de très rares cas, de renforcer leur
protégée, la valorisation des services rendus par capacité de gestion, malgré les fortes contraintes
les écosystèmes est, une fois qu’ils ont été iden- éprouvées au cours des deux dernières décen-
tifiés puis évalués, tributaire des objectifs de nies. Les résultats de l’évaluation en cours des
conservation assignés à cette aire, et donc de sa aires protégées de la RDC fourniront une analyse
catégorie de gestion et de sa règlementation, ainsi détaillée et actualisée de la capacité du réseau
que du type de gouvernance appliqué. La ques- actuel à représenter les écosystèmes terrestres et
tion concomitante, relative à l’organisation du aquatiques, ainsi que d’autres éléments clé de la
partage des revenus entre les parties prenantes, biodiversité nationale, et à répondre aux objectifs
est également centrale. La revue du réseau actuel- nationaux et internationaux qui lui sont assignés.
lement en cours, ainsi que les outils développés Aujourd’hui, il est cependant clair que seule
comme la SNCC, doivent progressivement une dizaine d’aires protégées disposent des
permettre à l’ICCN d’une part d’intégrer ces capacités techniques et financières adéquates
nouveaux paramètres dans les processus de dialo- pour relever les défis auxquels elles font face.
gues tant au niveau local qu’au niveau national, et L’accroissement de l’engagement de l’État et de
de participer, d’autre part, au développement de ses moyens, le renforcement de la collaboration
mécanismes de paiement pour services environ- interinstitutionnelle et intersectorielle, le déve-
nementaux adaptés aux aires protégées. loppement de partenariats innovants et la valo-
risation des ressources humaines de l’ICCN sont
4.3 Autres parmi les conditions cadres essentielles pour une
amélioration systémique de l’efficacité de gestion
Sur un plan plus global, et concernant un des aires protégées. Le règlement des conflits et
service environnemental aujourd’hui au centre crises sécuritaires en cours dans certaines régions
de préoccupations internationales, le stock de du pays est également fondamental pour de
carbone séquestré dans les écosystèmes de nombreuses aires protégées.
la RDC représente de l’ordre de 50 à 60 % du La conservation des espèces de faune et
tonnage total des six pays forestiers du bassin flore menacées de RDC repose aujourd’hui en
du Congo (Nasi et al., 2010). Le réseau des aires grande partie sur les aires protégées. Le prélève-
protégées est l’un des mécanismes clés considéré ment illégal de certaines d’entre elles puis leur
par la RDC pour gérer durablement ses écosys- commerce, notamment pour certaines espèces
tèmes. La valorisation des services rendus par ces de grands mammifères, sont souvent opérés
derniers doit également permettre de renforcer par des réseaux criminels aux capacités avérées
les capacités de gestion des aires protégées et et impliquent parfois des groupes rebelles.
participer au développement local des zones Le renforcement de l’application de la loi, au
périphériques. travers de la lutte anti-braconnage et du contrôle
des trafics, est donc une priorité pour assurer le
5. Bilan général de la gestion maintien de ces espèces souvent emblématiques.
des aires protégées du pays La menace représentée par l’exploitation illégale
de certaines ressources, comme les minerais ou
La volonté politique affichée par la RDC en encore le charbon de bois, s’inscrit également
matière de conservation de la nature, ainsi que pour certaines aires protégées dans des logiques
la traduction programmatique de celle-ci dans criminelles et sécuritaires. Elle appelle par
les multiples initiatives portées par l’ICCN et ses conséquent là aussi une réponse adaptée des
partenaires, ont permis aux aires protégées de pouvoirs publics.
Le rôle central joué par les aires protégées à leur réseau et ce, afin d’assurer leur véritable
dans le maintien des services environnementaux inclusion dans les politiques et stratégies inter-
doit être mieux évalué puis intégré dans les diffé- sectorielles de développement. C’est en particu-
rents processus sectoriels de planification. Au lier le cas en ce qui concerne l’aménagement du
niveau local, et en s’appuyant notamment sur les territoire, où il est primordial que les aires proté-
opportunités offertes dans le cadre de la décen- gées soient systématiquement prises en compte
tralisation, la prise en compte de ces valeurs est face aux pressions croissantes sur l’utilisation
l’occasion de rénover le dialogue avec les parties des terres et de leurs ressources. Enfin, l’utilisa-
prenantes, dont les communautés locales et le tion de mécanismes de financement durable, au
secteur privé, et de renforcer la gouvernance, travers de la valorisation de ces services en parti-
l’adéquation des réglementations et le partage des culier, doit permettre à la RDC d’accroître ses
bénéfices. Au niveau national, il s’agit de mettre à ressources pour la gestion de ce capital naturel
disposition des preneurs de décisions les données essentiel dont l’importance globale n’est plus à
et les informations relativesaux aires protégées et démontrer.

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BAD : Banque Africaine de Développement espèces de faune et de flore sauvages menacées d’ex-
BM : Banque Mondiale tinction

CAFEC : Central Africa Forest Ecosystems Conserva- CoCoCongo : Coalition pour la Conservation au Congo
tion (programme financé par USAID et le Gouverne- CoCoSi : Comité de Coordination du Site
ment norvégien) CoP : Conférence des Parties
CARPE : Central Africa Regional Program for the En- DSCRP 2 : Document de la Stratégie de Croissance et
vironment de Réduction de la Pauvreté de seconde génération
CBBC : Congo Bassin Biodiversité Conservation FACET : Forêts d’Afrique Centrale Evaluées par Télé-
CDB : Convention sur la Diversité Biologique détection

139
140
FARDC : Forces Armées de la République Démocra- PNKL : Parc National des Kundelungu
tique du Congo PNL : Parc National de la Lomami (en cours de créa-
FED : Fonds Européen de Développement tion)
FEM : Fonds pour l’Environnement Mondial PNS : Parc National de la Salonga
FFI : Fauna and Flora International PNU : Parc National d’Upemba
FOCON : Fonds Okapi pour la Conservation de la Na- PNUD : Programme des Nations Unies pour le Déve-
ture loppement
GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit - Coo- PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environ-
pération Technique Allemande nement
GVTC : Greater Virunga Transboundary Collaboration PNVi : Parc National des Virunga
ICCN : Institut Congolais pour la Conservation de la PPP : Partenariat Public-Privé
Nature PREPAN : Projet d’Appui à la Réhabilitation des Parcs
IDA : International Development Association (Fonds de Nationaux
la BM) RAPAC : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Cen-
IJZBC : Institut des Jardins Zoologiques et Botaniques trale
du Congo RDC : République Démocratique du Congo
INCN : Institut National de la Conservation de la Nature RDB : Rwanda Development Board (anciennement
INERA : Institut national pour l’Etude et la Recherche ORTPN).
Agronomique RFO : Réserve de faune à Okapis
IPNCB : Institut des Parcs Nationaux du Congo-Belge RNTN : Réserve Naturelle du Triangle de la Ngiri
IZCN : Institut Zaïrois pour la Conservation de la Na- SCAEMPS : Strengthening Central Africa Environmen-
ture tal Management and Policy Support
KfW : Kreditanstalt für Wiederaufbau – Banque allemande (programme financé par USAID)
pour la coopération financière SNCB : Stratégie Nationale de Conservation de la Bio-
MAB : Man and Biosphere (programme l’Homme et le diversité dans les aires protégées de la RDC
Biosphère de l’Unesco) SNCC : Stratégie Nationale de Conservation Commu-
MECNT : Ministère de l’Environnement, Conservation nautaire dans les aires protégées
de la Nature et Tourisme SPANB : Stratégie et Plan d’Action Nationaux de la
MEDD : Ministère de l’Environnement et Développe- Biodiversité
ment Durable UE : Union Européenne
MPI-EVA : Max Planck Institute for Evolutionary An- UICN : Union Internationale pour la Conservation de
thropology la Nature
ONG : Organisation Non-Gouvernementale UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’édu-
PARAP : Programme d’Appui au Réseau des Aires Pro- cation, la science et la culture
tégées UNCC : Convention cadre des Nations Unies sur les
PAP : Programme d’Actions Prioritaires changements climatiques
PBF : Programme de conservation de la Biodiversité et de USAID : United States Agency for International Deve-
la gestion durable des Forêts lopment
PDR : Plan Directeur de Recherche UWA : Uganda Wildlife Authority
PMM : Parc Marin des Mangroves VF : Virunga Foundation
PNEFEB-2 : Le Programme National Environnement, WCS : Wildlife Conservation Society
Forêts, Eaux et Biodiversité de 2e génération WRI : World Resources Institute
PNG : Parc National de la Garamba WWF : World Wild Fund for Nature - Fonds mondial
PNKB : Parc National de Kahuzi Biega pour la nature

141
142
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
de la République Démocratique du Congo

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

1 PN des Virunga 1925 Décret du 21 avril 1925 788 000

2 PN de la Garamba 1938 Décret royal du 17 mars 1938 514 174

Décret royal du 16 mai 1939 et ordonnance


3 PN de l'Upemba 1939 1 369 644
75/241 du 22 juillet 1975
4 PN de la Maïko 1970 Ordonnance 70/312 du 20 novembre 1970 1 104 204

5 PN de la Salonga 1970 Ordonnance 70/318 du 30/11/1970 3 361 760

6 PN du Kahuzi-Biega 1975 Ordonnance 70/316 du 30 novembre 1970 678 082

Ordonnance 70/317 du 30 novembre 1970


7 PN des Kundelungu 1970 822 167
et ordonnance 75/097 du 1er mars 1975
RN intégrale (Parc présidentiel)
8 1983 Ordonnance 83/110 du 3 mai 1983 3 478
de la N'sélé
Arrêté Ministériel 045/CM/ECN/92
9 RN (réserve de faune) à Okapis 1992 1 403 966
du 2 mai 1992
Arrêté ministériel 044/CM/ECN/92
10 RN (Parc marin) des Mangroves 1992 63 516
du 2 mai 1992
Arrêté ministériel 038/CAB/MIN/ECN-
11 RN d'Itombwe 2006 608 448
EF/2006 du 11 octobre 2006
Arrêté ministériel 012/CAB/MIN/ECN-
12 RN des primates de Tayna 2006 90 576
EF/2006 du 3 avril 2006
Arrêté départemental
13 RN de gorilles de Sarambwe 2003 76 331
016/RCD/DP-AGR-DR/2003
Arrêté ministériel
14 RN du Sankuru 2007 045/CAB/MIN/ECN-EF/03/PDB/07 2 306 156
du 06 novembre 2007

Notes : PN : parc national ; RN : réserve naturelle ; RB : réserve de biosphère ; RF : réserve de faune ; DC : domaine de chasse ; Plan d’amgt :
plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC
PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la
convention de Ramsar sur les zones humides.
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif
Principaux Catégorie Plan d'amgt
personnel RAPAC PM RB SR
partenaires UICN (année)
(en 2012)
ICCN, Virunga Foundation,
UNESCO/UNF, UE, WWF,
536 SZL, SZF, DFGF/I, GO, PICG, II X X X X
MGVP, WCS, WF, CARPE/
CBFP, GEF/BM, FEM/PNUD
ICCN, African Park, IFAW,
239 FFI, WF, UE, FEM/BM, II X X X
UNESCO/UNF, Espagne

- ICCN II

82 ICCN, FEM/PNUD, WCS II X


ICCN, UNESCO/UNF,
WWF, WCS, SZM, LWRP,
227 II X X X
MPI, BCI, CARPE/CBFP, CE,
UE, FEM/PNUD
ICCN, GIZ/PBF, WWF, WF,
138 UNESCO/UNF, WCS, UE, II X X X
MGVP

- ICCN II

- ICCN I

ICCN, GIC, WCS,


107 IV X X X
CARPE/CBFP

- ICCN I X

- ICCN, WWF IV

- Gestion communautaire IV

- ICCN IV

- ICCN IV

- : données non disponibles


Sources : OFAC (2015)

143
144
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
de la République Démocratique du Congo (suite)

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

Arrêté ministériel
15 RN du Triangle de la Ngiri 2011 001/CAB/MIN/ECN-T/27/JEB/10 5 500
du 8 janvier 2011
Arrêté ministériel
16 RN de Tumba-Lediima 2006 053/CAB/MIN/ECN-EF/2006 750 000
du 7 décembre 2006
Arrêté ministériel
17 RN de Bonobos de Kokolopori 2009 n099 /CAB/MIN/ECN- T/33/JEB/09 4 785
du 12 mai 2009

Arrêté 013/CAB/MIN/ENV/2006
18 RN (de primates) de Kisimba-Ikobo 2006 97 705
du 3 avril 2006

19 Réserve intégrale du Mont Hoyo - - 20 000


20 Réserve scientifique de Luo - - 22 883
21 RB de Luki 1937 Créée en 1937, Décision du MAB en 1976 31 354
22 RB de Yangambi - Créée en 1933, Décision du MAB en 1976 224 410
23 RB de la Lufira 1982 Décision du MAB en 1982 14 700
Arrêté 24 CAB/MIN/ECN-EF/2006
24 RF de Lomako-Yokokala 2006 364 521
du 28 juin 2006
25 RF de Bomu - - 1 078 094
Arrêté 056/CAB/MIN/ECN-EF/2006
26 DC de Swa-Kibula 2006 100 838
du 8 décembre 2006
Arrêté 052/47 du 6 mai 1954 et arrêté
27 DC de Kiziba-Baluba 2006 ­ministériel 054/CAB/MIN/ECN-EF/2006 149 787
du 7 décembre 2006
036/CAB/MIN/ECN-EF/2004 du 7 juin 2004 et
28 DC de Oshwe 2006 arrêté 057 CAB/MIN/ECN-EF/2006 1 342 233
du 6 décembre 2006
29 DC de Rutshuru 1974 Arrêté 00024 du 14 février 1974 67 008
30 DC de Bushimaie 1958 - 439 471
Arrêté ministériel 002/CAB/MIN/ECN- T/03/
31 DC de Luama-Katanga - 344 127
JEB/11 du 19 janvier 2011

Notes : PN : parc national ; RN : réserve naturelle ; RB : réserve de biosphère ; RF : réserve de faune ; DC : domaine de chasse ; Plan d’amgt :
plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC
PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la
convention de Ramsar sur les zones humides.
Effectif
Principaux Catégorie Plan d'amgt
personnel RAPAC PM RB SR
partenaires UICN (année)
(en 2012)

- ICCN IV X X

- ICCN IV X

- ICCN IV

ICCN, RECOPRIBA
- (réserve communautaires IV
des primates de Bakumbule)
- ICCN III
- ICCN I?
- MEDD/Unesco, WWF VI X X
- MEDD/Unesco VI X
- Unesco VI X

- ICCN IV

- ICCN Ia

- ICCN VI

- ICCN VI

- ICCN VI

- ICCN VI
- ICCN VI

- ICCN VI

- : données non disponibles


Sources : OFAC (2015)

145
146
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
de la République Démocratique du Congo (fin)

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

32 DC de Lubudi Sampwe - - 349 642


33 DC de Maïka-Penge - - 151 834
34 DC de Luama-Kivu 1935 - 394 526
35 DC de Rubi-Tele - - 627 462
36 DC des Mondo-Missa - - 198 081
37 DC de Gangala na Bodio - - 378 381
38 DC des Azande - - 410 553
Arrêté 0021 du 10 avril 1958
39 DC de Bombo-Lumene 1968 208 642
et arrêté 021 du 16 avril 1976
40 DC de Mulumbu - - 127 633
41 DC de Basse Kando - - 49 104
42 DC du Plateau Kundelungu - - 164 695
43 DC de Gungu - - 334 940
44 DC de Mwene Kay - - 104 264
45 DC de Mwene Musoma - - 197 097
46 DC de Bili Uere - - 3 311 389
47 DC du Lac Tshangalele - - 53 610
Réserve zoologique et forestière
48 - - 85 033
de Bombo-Lumene
Réserve intégrale de chasse
49 - - 436 984
des Alunda et des Tutshokwe
Réserve intégrale de chasse
50 - - 90 808
de la Mufufya
Réserve intégrale de chasses
51 - - 493 141
du lac Tshikamba
Total 26 415 737

Notes : PN : parc national ; RN : réserve naturelle ; RB : réserve de biosphère ; RF : réserve de faune ; DC : domaine de chasse ; Plan d’amgt : plan
d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC
PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la
convention de Ramsar sur les zones humides.
Effectif
Principaux Catégorie Plan d'amgt
personnel RAPAC PM RB SR
partenaires UICN (année)
(en 2012)
- ICCN VI
-- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI

- ICCN VI

- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI
- ICCN VI

- ICCN VI

- ICCN II

- ICCN II

- ICCN II

- 7 5 3 4

- : données non disponibles


Sources : OFAC (2015)

147
RÉPUBLIQUE
DU GABON
Florence PALLA, Charles DOUMENGE
et Adélaïde LARZILLIERE
150
Si l’on s’en tient au pourcentage de couvert forestier, le Gabon est « le » pays
forestier du bassin du Congo car la forêt y occupe plus de 80 % du territoire. Le
taux de déforestation annuel est considéré parmi les plus faibles du monde, se
situant autour de 0,5 % avec environ 0,4 % du pays sous agriculture. Bien que de
nombreuses régions forestières aient fait l’objet d’une exploitation à des degrés
divers pour le bois d’œuvre, de vastes zones de forêts demeurent localement encore
intactes. Compte tenu de sa faible population et de ses besoins domestiques en
biens et services forestiers, c’est le pays qui dispose des meilleurs atouts pour main-
tenir un important potentiel forestier à l’avenir.
Dans ce contexte, l’État s’est engagé dans la sommet de Copenhague. La politique forestière
mise en place d’un cadre institutionnel, législatif du Gabon est ainsi fortement engagée dans la
et réglementaire en adéquation avec les exigences gestion durable des ressources et la conservation
nationales et internationales relatives à la gestion de la biodiversité dans le but d’accroitre sa contri-
durable des forêts. Dans cet élan, conscient non bution au développement économique, social,
seulement de son immense richesse en ressources culturel et scientifique du pays.
forestières, mais aussi de sa position géogra- Un quatrième pilier, « le Gabon bleu », a été
phique en Afrique centrale, le pays révise actuel- mis en place plus récemment à l’initiative de
lement son Code forestier adopté en 2001 afin de l’ANPN (l’Agence Nationale des Parcs Natio-
s’arrimer plus fermement aux enjeux nationaux naux). Ce programme consiste à proposer un
et internationaux (Mouelle & Ngowou, 2014). aménagement de zones économiques exclusives
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2009 du qui s’étendraient au delà des limites extérieures
Président Ali Bongo Ondimba, le développe- des eaux territoriales. Il préconise également la
ment du Gabon est axé autour de trois piliers de création de 20 % de zones maritimes protégées
croissance, le Gabon industriel, le Gabon vert sur la côte atlantique.
et le Gabon des services. L’objectif principal
est la diversification de l’économie gabonaise – 1.2 Législation et réglementation
jusqu’alors essentiellement tournée autour des
ressources pétrolières et minières – en intégrant Une analyse du contexte législatif, réalisée par
le concept de développement durable au cœur de Yadji Bello & Oko en 2014, met en évidence un
cette démarche. certain nombre d’éléments que nous reprenons
largement – en les complétant – dans les lignes
1. Contexte des aires protégées suivantes. Les deux textes législatifs majeurs en
matière de gestion de la faune et des aires proté-
1.1 Contexte politique gées sont :
• la loi 03/2007 du 27 août 2007 relative aux
Le pilier « Gabon vert » vise à positionner le parcs nationaux ;
pays en pionnier sur l’effort mondial de préser- • la loi 16/01 du 31 décembre 2001 portant Code
vation de l’environnement et de lutte contre le forestier en République Gabonaise, qui abroge
réchauffement climatique en proposant « aux l’ancienne loi 01/82 du 22 juillet 1982, dite loi
générations actuelles et futures, un véritable projet d’orientation en matière des eaux et forêts.
de développement à faible émission de carbone », Les principes généraux qui sous-tendent
rappelait le président Ali Bongo Ondimba lors du le Code forestier concernent en particulier la
Pays République du Gabon
Superficie 268 000 km2 (INED, 2013)
Variation d’altitude 0 – env. 1 000 m
Population 1,6 millions habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 6 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale Données non disponibles
Villes principales Libreville (753 550 hab., 2010), Port Gentil (142 280 hab.)
PIB/habitant 11 571 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,674 ; 112/187 pays (PNUD, 2014)
Principales activités économiques Pétrole, sylviculture, agriculture,..
Superficie de végétation naturelle
247 100 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
224 600 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
Plus de 7 000 espèces (Sosef et al., 2006)
Phanérogames
dont 132 plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
190 espèces (ONB, 2004) dont 18 menacées
Mammifères
(UICN, 2014)
Oiseaux 676 espèces (ONB, 2004) dont 5 menacées (UICN, 2014)
Reptiles 5 espèces menacées (UICN, 2014)
Amphibiens 3 espèces menacées (UICN, 2014)
Poissons 61 espèces menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

protection des écosystèmes et la conservation de du « domaine forestier permanent » de l’État.


la biodiversité, dans un cadre général de valorisa- « Le texte portant classement ou déclassement
tion des ressources et des écosystèmes où les prin- d’une forêt dans le domaine public doit préciser
cipes de « durabilité » sont clairement affirmés. à quelle catégorie elle fait partie, le mode de
L’inventaire et l’aménagement des ressources gestion de ses ressources et les restrictions appli-
naturelles constituent des bases indispensables cables à l’intérieur de cette forêt » (art. 9). Sept
à leur gestion durable. La recherche, la forma- types d’aires protégées sont reconnus par la loi
tion et la sensibilisation font partie des piliers de 16/01 (art. 70) : les réserves naturelles intégrales,
gestion durable établis dans le code forestier. les jardins zoologiques, les sanctuaires d’espèces
Les aires protégées gabonaises sont inté- animales et végétales, les réserves de faune, les
grées dans les « forêts domaniales classées » parcs nationaux, les parcs marins et les domaines

151
152
de chasse. Elles se répartissent entre les catégo- l’implication des populations riveraines. « Dans
ries 1b et IV suivant la classification de l’UICN tous les cas, l’administration des Eaux et Forêts
(Union Internationale pour la Conservation de la procède en collaboration avec les représentants
Nature). À l’inverse des autres catégories d’aires des villages limitrophes, à la reconnaissance du
protégées, la loi prévoit la création d’une zone périmètre à classer et des droits d’usages coutu-
tampon d’au moins cinq kilomètres de large miers ou autres s’exerçant à l’intérieur de ce péri-
autour de chaque parc national (art. 77). mètre » (art. 90).
Le Code forestier précise en outre que, dans Les conditions d’exploitation de la faune
certaines aires protégées, l’accès est réglementé. sauvage sont définies quant à elles dans le Code
« Dans tous les cas, il ne peut être attribué des forestier, telles que la délivrance des permis ou
permis d’exploitation forestière dans des aires titres d’exploitation et les conditions de circu-
protégées » (art. 70) mais il n’est fait aucune- lation. Les normes de capture et d’abattage de
ment mention des autres types d’exploitation la faune sont précisées dans le décret 0164/PR/
des ressources, en particulier minières alors que MEF du 19 janvier 2011 sur le classement et les
« toutes activités forestières, minières, aqua- règles d’abattage des espèces animales fixant
coles, cynégétiques, agricoles et touristiques à notamment des quotas annuels. Ces normes sont
l’intérieur de la zone tampon sont réglemen- actuellement encore difficilement contrôlables.
tées par arrêté du Ministre chargé des eaux et Cependant, les populations locales peuvent
forêts ». Les parcs nationaux sont en outre expli- exercer leurs droits d’usages coutumiers dans et
citement destinés au développement d’activités en dehors des aires protégées (art. 151 à 161 de
touristiques (art. 76). Toutes ces dispositions, la loi 16/01). La loi 03/2007 relative aux parcs
incomplètes au vu de la protection effective de nationaux mentionne que, « dans les zones péri-
la biodiversité, laissent supposer que les acti- phériques, l’exercice des droits d’usage coutu-
vités extractives, en particulier industrielles, miers notamment la pêche, la chasse, l’abattage
disposent de fait d’une prééminence sur les et la capture de la faune sauvage, les activités
activités de conservation et d’exploitation non agricoles et forestières, la cueillettes de plantes,
consommatrice des ressources telles que le la collecte de minéraux est libre, sous réserve des
tourisme. textes en vigueur et des dispositions du plan de
Etant donné l’absence de plan d’affectation gestion » (art. 16).
des terres, de nombreux conflits sont provoqués Le Code forestier prévoit également la mise en
par la superposition d’usages incompatibles ou place d’aires protégées à l’initiative des commu-
difficilement compatibles tels que la conserva- nautés locales ou de forêts communautaires suite
tion ou le tourisme avec la présence de permis à l’élaboration d’un plan simple de gestion. Ce
d’exploration ou de concessions minières ou statut attribue un accès à la ressource mais pas
pétrolières. « Tout parc national est soumis à un à la propriété foncière. La gestion peut se faire
plan d’aménagement spécifique révisable » (art. en régie ou en partenariat avec l’État, qui a un
79 de la loi 16/01) mais cette disposition n’est pas devoir d’assistance gratuite dans l’élaboration du
prévue pour les autres catégories d’aires proté- plan simple de gestion. Le Code forestier de 2001
gées. Les articles 87 à 91 instituent la création de ne prévoit malgré tout aucune disposition pour le
commissions de classement ou de déclassement partage des bénéfices générés de l’exploitation
des aires protégées dans chaque province, dont des ressources fauniques ou des aires protégées
la composition et le fonctionnement sont fixés alors qu’un article mentionne de telles disposi-
par voie réglementaire. Leur fonctionnement tions dans le cas des concessions d’exploitation
se veut relativement participatif et garantissant forestière (art. 251).
Un article (196) traite des battues et autres • la mise en place des principes, règles et assises
moyens de luttes suite aux dégâts causés aux institutionnelles devant servir de base juri-
cultures par les animaux sauvages. S’il est fait dique et organique à cette politique ;
mention de cette question plusieurs fois dans le • le rattachement des parcs nationaux au domaine
texte, les dispositions relatives à la prévention et public de l’État ;
à la gestion des conflits homme-faune sont peu • la création du service public chargé de la
précises et ne permettent pas d’apporter des solu- gestion des parcs nationaux ;
tions à ce problème récurrent. • l’information, l’éducation et la communication
Les articles 203 à 207 encadrent les activités environnementales ainsi que l’écotourisme et
de tourisme cynégétique mais, comme pour la recherche scientifique ;
tout article de ce code forestier, ils demandent • la mise en place d’un mécanisme de finance-
à être précisés par des décrets d’application. ment pérenne ;
Une vingtaine d’article (art. 261 à 281) est • la définition des modalités d’intervention
consacrée à la répression des infractions qui de l’État et des différents partenaires dans la
peuvent être constatées par les agents des Eaux gestion des parcs ;
et Forêts en tant qu’officier de police judiciaire • le transfert des pouvoirs de police des autorités
dans leur domaine. Il apparait que certaines locales à l’organisme de gestion des parcs ;
peines prévues demeurent très peu dissuasives • le renforcement de la collaboration et de la
(6 mois d’emprisonnement pour trafic d’ivoire coopération sous-régionale et internationale,
contre 5 ans au Congo). Certaines de ces dispo- conformément aux conventions internationales.
sitions ont toutefois été renforcées dans la Cependant, ce dispositif législatif et régle-
loi 03/2007. mentaire demeure encore faible car aucun texte
La loi 03/2007 du 27 août 2007 relative aux d’application n’a été adopté pour renforcer le
parcs nationaux est un instrument d’encadrement cadre juridique de la gestion des parcs nationaux.
énonçant le cadre institutionnel de la gestion des Le Gabon a signé différents accords interna-
parcs nationaux ainsi que les principes d’amé- tionaux sur les aires protégées et la protection
nagement relevant du développement et de la de la biodiversité (tableau 1). Ceux-ci semblent
gestion des activités. Cette loi vise, dans le cadre avoir été pris en compte dans la révision du Code
du processus de développement de la conserva- forestier de 2001 mais il existe encore un grand
tion du patrimoine naturel et culturel national hiatus entre l’adoption de dispositions légales,
(titre premier, art. 2), à promouvoir une politique leurs mises en œuvre et le respect de celles-ci.
de protection et de valorisation durable des parcs L’analyse des cadres juridiques et institutionnels
nationaux, notamment par : révèle certains manquements :
• le renforcement d’un réseau de parcs (créé en • plusieurs dispositions répressives peu dissua-
2002) représentatif de la diversité biologique sives ;
du Gabon et couvrant au moins dix pour cent • une faible application de la réglementation en
du territoire national ; vigueur ;

153
154
• un retard dans l’adoption des textes d’applica- • un cadre légal presque obsolète au regard des
tion ; enjeux et défis nouveaux.
• une absence de clarté et de précision dans La révision de la loi 16/01 est en cours,
la définition des droits d’usage coutumier notamment sur l’aménagement et l’exploita-
consentis aux populations locales ; tion de la faune sauvage. En matière de gestion
• des vides juridiques sur certains aspects des aires protégées, elle devrait notamment
(gestion transfrontalière, exploitation de la favoriser la correspondance avec les catégories
filière viande de brousse…) ; de l’UICN.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
16 juin 1969 1988
ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
Adoptée en 2003 Signée en 2014
ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées
1er juillet 1975 1989
d’extinction (CITES)
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1986
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 1987
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 Signée en 2008
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1997
Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
21 mars 1994 1996
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1997

1.3 Stratégies et programmes outre l’élaboration des plans de gestion en cours :


relatifs aux aires protégées • mise en place de Comités Consultatif de
Gestion Local (CCGL) ;
S’agissant des stratégies de gestion des aires • création d’une unité des parcs nationaux au sein
protégées en République Gabonaise, plusieurs de la gendarmerie nationale pour renforcer les
programmes et plans d’actions ont été élaborés services de conservation en matière de surveil-
pour l’atteinte des objectifs précis de gestion, lance et de protection de l’intégrité du réseau ;
• étude de techniques de refoulement sur la au moins une fois pour le bois d’œuvre, hormis
gestion des conflits homme-faune, en particu- la réserve d’Ipassa (actuellement incluse dans
lier vis-à-vis des éléphants ; le parc national de l’Ivindo). L’évaluation de
• développement d’un système de suivi-évalua- ce réseau d’aires protégées réalisée à la fin des
tion au sein du réseau des parcs nationaux années 1980, dans le cadre de la préparation du
dont l’un des logiciels répond aux besoins de programme ECOFAC (programme de conserva-
l’ANPN. Un formulaire vient d’être testé en tion et utilisation rationnelle des Ecosystèmes
partenariat avec le projet BIOPAMA (Biodi- Forestiers d’Afrique Centrale ; Wilks, 1990),
versity and Protected Areas Management a permis de poser les bases du nouveau réseau
Programme) et l’OFAC (Observatoire des d’aires protégées créé plus de vingt ans plus tard,
Forêts d’Afrique Centrale) et sera prochai- permettant de conserver de manière plus exhaus-
nement disponible pour les gestionnaires des tive la riche biodiversité du pays.
aires protégées ; La création des parcs nationaux du Gabon,
• création d’une base de données pour gérer le le 30 août 2002 doit beaucoup aux actions de
flux des touristes dans les parcs ; recherche réalisées depuis les années 1980
• intensification des missions pour la lutte anti par l’UICN et la WCS (Wildlife Conservation
braconnage ; Society) en partenariat avec la DGFAP. Cette
• création d’emplois et développement des acti- décision s’intègre dans un long processus de
vités touristiques pour freiner la chasse dans prise de conscience du patrimoine naturel des
les aires protégées ; États d’Afrique centrale, de mise en œuvre des
• renforcement de la gestion transfrontalière par conventions internationales et de mise en applica-
la mise en place de partenariats avec des pays tion du Code forestier promulgué le 31 décembre
voisins ; 2001. La création des parcs nationaux répond,
• multiplication des formations dans le cadre du non seulement, à un souci de conservation des
renforcement des capacités des agents de la espaces naturels et des espèces animales et végé-
conservation. tales mais aussi à des considérations écono-
miques. Elle permet de développer un secteur
2. Le réseau des aires protégées économique de plus en plus important à l’échelle
mondiale, celui du tourisme de nature (Hebdo
2.1 Historique Informations, 2002).

En 1962, le Gabon disposait d’un réseau 2.2 Le réseau actuel


d’aires protégées essentiellement créé dans une des aires protégées
optique de protection et d’exploitation de la faune
sauvage, en particulier via le tourisme cynégé- Depuis 2002, le Gabon protège sa diversité
tique. Cette activité économique n’a en fait jamais biologique remarquable par un réseau de treize
pris de l’ampleur. Ce réseau d’aires protégées parcs nationaux qui couvrent 11,2 % du territoire
occupait 1 790 000 ha à la fin des années 1980, soit soit un peu plus de 3 millions d’hectares. À ce
moins de 7 % du territoire (Wilks, 1990). Il était réseau, s’ajoutent deux domaines de chasse, deux
alors uniquement formé de réserves de faune et réserves de faune dont la réserve présidentielle
de domaines de chasse, hormis une réserve prési- de Wonga Wongué, portant le réseau des aires
dentielle et la petite réserve naturelle intégrale protégées à une superficie totale d’un peu plus de
du plateau d’Ipassa. Toutes les aires protégées 3,4 millions d’hectares, soit 12,9 % du territoire
existantes à cette époque avaient été exploitées gabonais (tableau 2 et figure 1).

155
156
L’un des deux arboreta du pays figure égale- dont on pense qu’elles ont joué le rôle de refuges
ment dans ce réseau : l’arboretum Raponda forestiers lors des périodes géologiques passées
Walker, dans la forêt classée de la Mondah. d’assèchement climatique, dont le parc national
Créée en 2002 et gérée par l’ANPN, cette aire des Monts de Cristal ou celui de Moukalaba-
protégée est d’une étendue supérieure aux Doudou.
arboreta classiques. Il inclut aussi une zone de Ces parcs incluent aussi des écosystèmes
forêt semi-naturelle et d’espèces plantées qui rares, à haute valeur de conservation, tels que
renferme une très grande biodiversité, y compris des forêts submontagnardes (sur les petites
des espèces rares. montagnes des Monts de Cristal, par exemple),
C’est pour cette raison que nous l’avons des inselbergs (dans le parc de Minkébé) ou
conservé ici, au contraire de l’arboretum de des clairières marécageuses dans les parcs de
Sibang, une zone de très petite superficie, en l’Ivindo et de Mwagna. Ces dernières sont d’un
milieu dégradé, dont l’intérêt consiste essentiel- grand intérêt pour les populations de grands
lement en espèces arborées plantées lors d’es- mammifères tels que les éléphants (Loxodonta
sais sylvicoles. Ce dernier arboretum est géré cyclotis, Elephantidae), les buffles (Syncerus
par le CENAREST avec des objectifs d’appui à caffer nanus, Bovidae) ou même les gorilles de
la recherche scientifique. Situés à proximité de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla, Hominidae). Ce
Libreville, ces deux arboreta ont toutefois l’in- réseau d’aires protégées est toutefois perfectible
térêt de restituer l’atmosphère de la forêt dense en ce qui concerne la biodiversité dulçaquicole et
sur des sites facilement accessibles au public. marine, y compris les écosystèmes marécageux
Des projets de parcours de sensibilisation et et inondables.
d’éducation sont envisagés sur les deux sites. Le Gabon a conclu deux accords avec les pays
Même si des améliorations sont toujours voisins afin d’ouvrir la voie à une gestion trans-
possibles, le réseau actuel des aires protégées frontalière des aires protégées :
du Gabon protège un ensemble tout à fait repré- • le trinational Dja-Odzala-Minkébé (TRIDOM),
sentatif des écosystèmes et de la biodiversité entre le Cameroun, le Congo et le Gabon
terrestre du pays. Les aires protégées incluent • le binational Mayumba-Conkouati ou Parcs
des sites de très forte diversité botanique, renfer- Transfrontaliers Mayumba-Conkouati (PTMC)
mant aussi des espèces endémiques et des forêts sur le littoral entre le Gabon et le Congo.

Tableau 2 – Les aires protégées du Gabon

Catégorie % du total des aires


Catégorie Nombre Superficie (ha)
UICN protégées (en superficie)
Parcs nationaux II 13 3 013 842 87,1
Réserves de faune * IV 2 400 000 11,6
Domaines de chasse ** IV 2 39 000 1,1
Arboretums III 1 6 700 0,2
Total 18 3 459 542 100
Notes : * malgré une appellation différente, la réserve présidentielle de Wonga Wongué a été classée dans la même catégorie que les réserves
de faune car son statut de conservation est similaire à ces dernières ;
** bien que disposant d’appellations différentes, réserves de faune et domaines de chasse semblent gérés de la même manière et corres-
pondent à la catégorie IV de l’UICN.
Figure 1 – Les aires protégées du Gabon

)
" Capitale

! Chef-lieu de province ou de région

Cours d'eau

Eau libre
8
Paysage à haute valeur de conservation

Aire protégée

11 Parc national

1 7 Autre aire protégée


12

13 3 n° Nom

1 Akanda
2 Birougou
15 5
3 Ivindo
4 Loango
5 Lopé
14
6 Mayumba
2 7 Monts de Cristal secteur Mbé

4 8 Minkébé
10
9 Moukalaba-Doudou
9
10 Plateaux Batéké
11 Monts de Cristal secteur Mt. Seni
12 Mwagna
13 Pongara
14 Waka
6
15 Wonga Wongué

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées.

Suite à la signature de la convention sur les chelys coriacea) et la tortue imbriquée (Eretmo-
zones humides (convention de Ramsar), le Gabon chelys imbricata), toutes deux en danger critique
a inscrit 9 sites dont 5 d’entres eux ont également d’extinction (Ramsar, 2015).
un statut national d’aires protégées (tableau 3). Le parc national de la Lopé est l’unique aire
Les autres sites ne semblent pas bénéficier d’at- protégée inscrite sur la liste de la convention
tentions de gestion particulières. La réserve prési- du patrimoine mondial. Inscrit en 2007, ce site
dentielle de Wonga Wongué, inscrite en 1986, est une zone de transition entre la forêt dense
protège une partie du littoral gabonais et un arrière humide et la savane. La diversité des habitats et
pays composé de marécages et de vastes plateaux les relations complexes entre ces deux écosys-
sablonneux. Elle abrite une population de grands tèmes lui confèrent une diversité biologique
mammifères (chimpanzés, éléphants, hippopo- élevée, avec plus de 1 550 espèces de plantes
tames) et de nombreux oiseaux d’eau dont notam- décrites, dont 40 jamais recensées ailleurs au
ment le pélican blanc (Pelecanus onocrotalus). Gabon (Unesco, 2015).
Les plages des parcs de Pongara et Akanda La réserve naturelle intégrale d’Ipassa-
sont des sites de reproduction de plusieurs tortues Makokou, au nord-est du pays, a intégré le réseau
marines protégées dont la tortue luth (Dermo- des réserves de la biosphère de l’Unesco (Orga-

157
158
nisation des Nations Unies pour l’éducation, la de réserve de la biosphère et son étendue n’ont
science et la culture) en 1983. Cette réserve de pas été revus récemment pour tenir compte de
la biosphère inclut les 10 000 ha de la réserve la création du parc. Une étude menée en 2013
naturelle et des zones tampon et de transition de propose d’ailleurs la révision du statut et du
5 000 ha. Depuis 2002, la réserve naturelle est zonage de cet ensemble, au sein d’un projet plus
incluse dans le parc national de l’Ivindo mais global de création d’une réserve de la biosphère
le statut de l’ancienne réserve ne semble pas transfrontalière du TRIDOM, en partenariat avec
avoir été révisé ou annulé. D’autre part, le label le Cameroun et le Congo (Fondjo, 2013).

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 1 491 291 491 291 14,2
Sites Ramsar 9 2 818 469 727 770 21,0
Réserves de la biosphère 1 15 000 10 000 0,3
Sites RAPAC 4 836 647 836 647 24,2

Suite à une vaste étude scientifique des fonds et l’arboretum Raponda Walker (tableau 4 ;
marins débutée en 2012, le Président de la Répu- Mouelle & Ngowou, 2014). Le MEF a quant
blique a annoncé la création d’un réseau d’aires à lui sous sa tutelle une réserve de faune et un
protégées marines lors du Congrès mondial des domaine de chasse. Ces aires protégées n’ayant
parcs qui s’est tenu fin 2014 en Australie. Ce pas fait partie du réseau de parcs à sa création en
réseau devrait occuper à terme un peu plus de 2002, ont conservé leur statut et sont gérées par
20 % de la zone économique exclusive du pays, la DGFAP à travers la Direction de l’Aménage-
où seront aussi délimitées des zones de pêche ment des Aires Protégées (DAAP). Sur le terrain,
communautaire, de pêche industrielle et des la gestion de chaque aire protégée est assurée par
zones d’exclusion pour la protection des infras- un conservateur.
tructures pétrolières (ANPN, 2015). Le CENAREST ne participe pas directement
à la gestion des aires protégées. Il gère toutefois
3. Organisation de la gestion des stations de recherche dans certains parcs
des aires protégées nationaux (Ivindo, Moukalaba-Doudou), où il
mène des activités de recherche appliquée sur la
3.1 Gouvernance et systèmes de gestion de la biodiversité. La Société de Déve-
gestion des aires protégées loppement du Parc de la Lékédi (SODEPAL)
gère, en tant que promoteur privé, un domaine
L’ANPN est constituée d’un comité de gestion de chasse où les animaux (locaux et exotiques)
qui est l’organe délibérant, d’une agence comp- vivent en semi-captivité dans trois blocs clôturés.
table et d’un secrétariat exécutif qui est l’organe Si aucun système de gouvernance mixte n’est
de gestion au niveau central. Cette agence gère développé dans le pays pour le moment, la loi sur
les 13 parcs nationaux, la réserve présidentielle les parcs nationaux prévoit une gestion axée sur
Le parc national de Mayumba
A. Larzillière, d’après Mimbissa (2012)

Le parc national de Mayumba est l’unique parc ­ ’agriculture est pratiquée autour des habitations
L
marin des aires protégées du Gabon. Avec le parc sans jamais trop s’en écarter (1 à 2 km). Bien qu’il
national de Conkouati-Douli, au Congo, il forme soit moins important que la vente des produits de
le Parc Transfrontalier Mayumba-Conkouati la pêche, le commerce des produits agricoles consti-
(PTMC). Il se compose d’une partie marine de tue la deuxième source de revenu dans certains vil-
90 000 ha et d’une partie terrestre de 6 000 ha qui lages. La chasse et l’élevage sont peu pratiqués sur
s’étend sur une bande d’un kilomètre de large. l’étroite bande côtière du parc. Quelques produits
L’écosystème marin protégé par ce parc abrite forestiers non ligneux font l’objet de cueillette et de
de nombreux mammifères marins, notamment les ramassage comme les noisettes d’Afrique (prove-
baleines à bosse (Megaptera noviangliae), les dau- nant du fruit d’un arbre, Coula edulis), les cham-
phins à bosse (Sousa teuszii) et surtout le laman- pignons, les feuilles de marantacées et les noix
tin de l’ouest africain (Trichechus senegalensis), de cola.
espèce la plus menacée de toutes les espèces de De nombreuses actions de sensibilisation à la
lamantins. Il est le premier site au monde de nidi- protection des espèces et à la réglementation ont
fication des tortues marines, à savoir la tortue luth été menées auprès de l’ensemble des populations
(Dermochelys coriacea), la tortue olivâtre (Lepido- riveraines. Cela a permis d’acquérir l’adhésion
chelys olivacea), la tortue verte (Chelonia mydas) et de celles-ci et leur implication dans le dévelop-
la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata). Des pement du parc. Ce dernier présente en effet un
grands mammifères (buffle et éléphant) peuplent grand potentiel écotouristique qui n’est pas encore
la partie terrestre et il n’est pas rare d’y observer exploité à sa juste valeur. Le tourisme de vision des
des primates comme les mandrills (Mandrillus tortues et des mammifères marins ainsi que le tou-
sphinx), menacés d’extinction. Les écosystèmes risme balnéaire (plongée sous marine, voile, plage)
terrestres renferment une végétation typique des offrent de multiples possibilités d’attraction pour
zones côtières. On retrouve ainsi des forêts scléro- les visiteurs et des possibilités de retombées finan-
phylles, des forêts marécageuses, quelques savanes cières pour les populations rurales. Pour l’instant,
herbeuses et des mangroves à R ­ hizophora. le parc de Mayumba reste surtout une destination
Sous la tutelle de l’ANPN, le parc est dirigé pour des visiteurs aventuriers qui souhaiteraient
par un conservateur assisté de 11 écogardes. Plu- découvrir des zones quasiment intactes.
sieurs partenaires techniques appuient la gestion Le parc est soumis à de nombreuses menaces
de ce parc dont notamment le WCS, qui compte 14 dont la pêche industrielle illégale et le braconnage.
agents dont 8 temporaires affectés au suivi des tor- Ces deux activités impactent fortement les popu-
tues marines. La Marine Marchande et le canton- lations de mammifères marins, espèces phares
nement de la Pêche de Mayumba participent aux du parc. La cohabitation avec les exploitations
missions conjointes de lutte contre la pêche illégale offshore de gisement de pétrole, déjà présentes
et de protection des ressources halieutiques. avant le classement du parc, n’est pas évidente.
Les communautés riveraines ont développées Même si les équipements pétroliers permanents se
plusieurs activités socio-économiques dans la comportent à présent comme des récifs artificiels,
zone tampon du parc. La pêche est la principale favorisant la faune et la flore inféodées à ce type
activité de subsistance et commerciale, et la prin- de milieu, les pollutions à l’hydrocarbure et aux
cipale source de revenu et de nourriture. La pêche matériaux (flotteurs, plomb, filet et fûts de carbu-
aux huitres est la plus pratiquée ; les crabes, cre- rants) menacent sérieusement l’écosystème marin
vettes ou gobies font aussi l’objet de ramassage. et côtier, et l’intégrité même du parc.

159
160
l’implication de toutes les parties prenantes. Pour formes », chacune représentant un segment de la
ce faire, il est prévu la mise en place dans chaque société : populations locales (villages), secteur
parc national, d’un Comité Consultatif de Gestion privé, associations locales, administrations
Local (CCGL) composé de quatre « plates- locales (Mouelle & Ngowou, 2014).

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées du Gabon

Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
1 domaine de chasse
MEF/DGFAP 40 000
et 1 réserve de faune
Gouvernementale 13 parcs nationaux,
ANPN 1 réserve présidentielle 3 400 542
et 1 arboretum
Privée SODEPAL 1 domaine de chasse 19 000
Communautaire - - -
Partagée** - - -
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles

Ce comité sert de base de concertation pour volet environnemental concerne la mise en place
la mise en œuvre des activités identifiées dans le de CCGL dans tous les parcs nationaux qui n’en
programme de travail annuel et dans la prise de disposent pas encore (ANPN, 2015).
décisions au niveau de la cogestion des projets Fin 2012, l’ANPN a élaboré, avec l’assis-
communautaires. Les parties prenantes proposent tance du WWF (Fond mondial pour la nature),
des activités à l’ANPN qui reste toutefois maître du WCS et de l’USFS (United State Forest
de la décision finale. Des CCGL ont été consti- Service), cinq plans de gestion prioritaires pour
tués dans une partie des parcs (Mayumba, les parcs nationaux de Loango, Moukalaba-
Moukalaba-Doudou, Loango, Monts de Cristal, Doudou, Mayumba, Pongara et Lopé (tableau
Birougou, Waka… ; Mamfoumbi Kombila, 2013 5). Aucune des autres aires protégées ne dispose
et ANPN, 2015). Cette initiative est appuyée par pour le moment d’un plan d’aménagement. Des
un programme financé par l’Union Européenne comités techniques pilotés par les conservateurs
(UE), le Programme d’Appui à la Gouvernance ont également été mis en place dans chaque parc
Sectorielle (PAGOS), dont un des objectifs du national (WWF Gabon, 2012).
S’agissant de l’occupation spatiale en général une zone de préservation, une zone d’activités
et des aires protégées en particulier, les diffé- multiples réglementées et une zone de services
rents types d’affectation des terres dans et autour et d’infrastructures. Quant à la périphérie, elle
des aires protégées correspondent au principe englobe une zone de transition jouxtant une
de zonage interne et périphérique des espaces zone tampon, avec des activités anthropiques
concernés. Ainsi, le zonage interne varie en fonc- sans impact négatif et une zone périphérique
tion des objectifs de gestion et de la catégorie où peuvent être menées des activités multiples,
de l’aire protégée et renferme généralement notamment extractives.

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours de Réalisé Evalué et
Aucun
préparation (date) révisé (date)
Parcs nationaux 8 - 5 -
Réserves de faune* 2 - - -
Domaine de chasse 2 - - -
Arboretum 1 - - -
- : données non disponibles
Notes : * malgré une appellation différente, la réserve présidentielle de Wonga Wongué a été classée dans la même catégorie que les réserves
de faune car son statut de conservation est similaire à ces dernières.

3.2 Les moyens disponibles signé avec l’École Nationale des Eaux et Forêts
(ENEF) où un master a été créé pour renforcer les
3.2.1 Les ressources humaines capacités dans l’évaluation des études d’impacts.
et matérielles Sur le plan du renforcement de mesures de
protection et de surveillance des aires protégées,
L’effectif du personnel de l’ANPN a connu les plus hautes autorités ont créé une brigade
une augmentation exponentielle, passant ainsi des parcs nationaux de 250 hommes au sein
de 108 agents en 2010 à 507 agents en 2012 de la Gendarmerie nationale pour appuyer les
(Mamfoumbi Kombila, 2013 ; tableau 6). Plus écogardes dans la sécurisation des parcs natio-
de 300 agents ont été formés en 2012, en grande naux et faire face aux braconniers lourdement
majorité des écogardes ayant bénéficié d’une armés et bien organisés. Au début de 2013, trois
formation militaire et d’une formation en délimi- commandants de brigade et 40 gendarmes avaient
tation d’aires protégées. Un partenariat a aussi été été affectés sur le terrain.

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - - - - - - -
Cadres moyens - - - - - - - - - -
Gardes et écogardes - - - - - 68 - 324 - -
Total - - - - - 108 - 507 - -
- : données non disponibles

161
162
3.2.2 Financements vités alternatives génératrices de revenus sont
également réalisées comme notamment via
Il existe deux types de financement au Gabon. l’éco-tourisme. À l’exception des aires protégées
Le budget alloué par l’État et les contributions sous tutelle de l’ANPN, la dotation financière de
des partenaires (tableau 7). L’État met à la dispo- l’État ne permet pas à l’heure actuelle de déve-
sition de l’ANPN un budget de fonctionnement lopper les aires protégées gérées par le MEF (un
et d’investissement pour assurer la gestion des domaine de chasse et une réserve de faune). Le
différents parcs nationaux. Le budget alloué a budget de la DGFAP était de 31,5 millions FCFA
considérablement augmenté au cours de ces trois en 2013 dont 8,5 millions était alloué à la DAAP
dernières années, passant de 1,5 milliards de en 2013.
FCFA en 2010 à plus de 5,2 milliards de FCFA en Une réflexion est menée sur la mise en place
2012 (Mamfoumbi Kombila, 2013). Pour 2013, d’une structure telle qu’une fondation pour les
le budget total accordé par l’État devait se monter parcs nationaux et les autres aires protégées
à près de 8,9 milliards de FCFA, dont environ 3,7 du Gabon en vue de leur assurer un finance-
milliards de fonctionnement et 5,2 milliards de ment durable. Ce « fonds faune » pourrait être
FCFA d’investissement ; les ressources supplé- alimenté par les dons et les legs, et par un prélè-
mentaires sécurisées auprès des bailleurs s’éle- vement sur les recettes issues de l’exploitation
vant à plus de 7,4 milliards de FCFA, dont 5,5 de la faune (permis et licences, taxes d’abattage/
milliards de fonctionnement et 1,9 d’investisse- capture, d’amodiation, amendes… ; Mouelle &
ment (Mamfoumbi Kombila, 2013). Des acti- Ngowou, 2014).

Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées du Gabon

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
5,2
Trésor Fonctionnement Les parcs
État - 2013 milliards
Public et investissement nationaux
FCFA
- Olam - Akanda et Pongara - -
PACEBCo UE - Monts de Cristal - -
Minkébé, Mwagna,
- WWF - - -
Ivindo et Loango
Plateaux Batéké,
Partenaires - WCS - Lopé, Waka et - -
Birougou
Union
ECOFAC Mayumba - -
Européenne
Loango et
- FEM - Moukalaba- - -
Doudou
- : données non disponibles
Tous les parcs nationaux reçoivent des appuis gamme dans les parcs nationaux de Pongara et
techniques ou financiers des partenaires dont les de Loango. SFM Safari Gabon, en collabora-
plus actifs sont le WWF et le WCS (tableau 7). tion avec l’ANPN, devrait également développer
Plusieurs accords et conventions ont été signées prochainement l’Institut des grands singes de
en 2012, qui permettent de financer des actions Loango, sous la direction de l’Institut Max-Plank
diverses dans les aires protégées du pays, dont pour l’Anthropologie évolutive, qui travaille
un accord sur la conversion de la dette avec depuis près de 10 ans sur des programmes d’ha-
l’Agence Française de Développement (AFD). bituation des gorilles et des chimpanzés dans le
Une convention a aussi été signée avec le groupe parc national de Loango.
AMAN Resorts, une société singapourienne Malgré la mise en place des CCGL dans
spécialisée dans les hôtels de luxe (Mamfoumbi certains parcs, aucune disposition n’est prévue
Kombila, 2013). dans la loi pour le partage des bénéfices générés
par l’exploitation des ressources fauniques ou
4. Enjeux socio-économiques des aires protégées (Yadji Bello & Oko, 2014).
autour des aires protégées
4.2 Valorisation durable
4.1 Tourisme de la biodiversité

La concrétisation du « Gabon Vert » doit Avant la création des parcs nationaux, prati-
favoriser un développement intelligent en quement toutes les aires protégées anciennes ainsi
créant de nouvelles sources de diversification que les territoires nouvellement dédiés à la conser-
de l’économie nationale respectueuses de l’en- vation de la biodiversité avaient été exploités pour
vironnement, comme alternative économique le bois d’œuvre. L’exploitation forestière indus-
à l’exploitation des ressources naturelles du trielle mais aussi l’exploration et l’exploitation
Gabon. L’écotourisme est l’une de ces alterna- minière et pétrolière exercent des pressions sur
tives mais elle nécessite encore d’accroitre ses ces territoires. Deux des parcs nationaux ont été
possibilités d’accueil. particulièrement affectés dans le passé ; le parc
La convention signée avec le groupe singa- national de l’Ivindo et celui de Loango.
pourien AMAN Resorts dont il a été fait mention La valorisation de la faune via le commerce de
plus haut, prévoit de mettre en place des infras- la viande de brousse ou celui de l’ivoire induisent
tructures hôtelières de luxe dans les parcs natio- aussi des pressions importantes sur les aires proté-
naux de Loango, de Pongara de la Lopé, de gées du pays. Ces pressions peuvent remettre en
l’Ivindo et de Plateaux Batéké ainsi qu’à Libre- question la gestion durable de la biodiversité et
ville (Mamfoumbi Kombila, 2013). L’ANPN la protection du patrimoine naturel national. Les
et SFM Safari Gabon ont aussi signé, en 2013, produits forestiers non ligneux – tant fauniques
un contrat de concession touristique de conser- que floristiques – représentent aussi un atout
vation pour la construction de lodges haut de économique très important au regard de la

163
164
demande, non seulement en milieu rural, mais Le Gabon apparaît ainsi comme le pays d’Afrique
aussi en milieu urbain où leur diversité et leur centrale où la gestion des aires protégées s’est le
forte implication dans le commerce informel plus nettement améliorée au cours de la dernière
appellent des mesures adaptées (Mouelle & décennie.
Ngowou, 2014). La valorisation de la biodiver- Malgré cela, et malgré la stabilité politique du
sité à travers des filières formelles et bien enca- pays et une faible densité de population, la recru-
drées permettrait aux populations riveraines des descence du braconnage et de la contrebande
aires protégées de profiter pleinement de leurs organisée, s’étendant jusqu’à l’intérieur des aires
droits d’usage. C’est dans cet esprit que l’ANPN protégées, menace dangereusement le patri-
soutient la production et la commercialisation moine faunique et floristique national. Derrière
d’huile de moabi (Baillonella toxisperma, Sapo- ce braconnage se développe un commerce illicite
taceae ; ANPN, 2015). Dans le parc national de très florissant des produits de la faune ; particuliè-
l’Ivindo, les activités de pêche traditionnelle sont rement l’ivoire et la viande de brousse. Le pays
aussi permises dans le fleuve Ivindo. peine encore à contrôler efficacement des acti-
vités prédatrices, en particulier le grand bracon-
4.3 Autres nage des éléphants. La pêche illégale a aussi pris
Parmi les aires protégées du pays, il en est une qui des proportions inquiétantes ayant conduit le
joue un rôle particulier dans l’approvisionnement gouvernement à prendre des mesures fortes pour
en énergie hydroélectrique de la capitale. C’est le contrôler et réguler les activités de ce secteur.
parc national des Monts de Cristal, dont la créa- Outre l’augmentation du personnel et des
tion a été en partie motivée par la protection des investissements financiers et matériels, le Gabon
bassins versants des barrages de Tchimbélé et a aussi prévu le renforcement de son cadre juri-
Kinguélé, qui assurent l’alimentation électrique dique par la révision de la loi sur les parcs natio-
de Libreville. naux ainsi que par l’élaboration d’un manuel de
procédures et de plusieurs textes d’application.
5. Bilan général de la gestion L’ANPN s’est quand à elle engagée dans un effort
des aires protégées du pays d’élaboration et de mise en œuvre de documents
techniques (plans d’aménagement et de gestion,
En vue de répondre aux engagements interna- mise en place de CCGL, etc.) pour une gestion
tionaux, notamment ceux de la Convention sur la efficiente du réseau des parcs nationaux. La créa-
Diversité Biologique (CDB) et du Protocole de tion de la DGFAP et des autres structures d’appui
Nagoya, le Gabon poursuit ses efforts de conser- représente une avancée significative. Cependant,
vation pour atteindre 17 % du territoire national, ce dispositif institutionnel mis en place par les
soit 4 millions d’hectares, en aires protégées d’ici pouvoirs publics dans le but ultime de parvenir
à 2025. Depuis la création de l’ANPN, et du fait entre autres à une gestion optimisée des aires
de la volonté politique exprimée et mise en appli- protégées et de la faune rencontre quelques diffi-
cation par l’actuel président, les investissements cultés de fonctionnement. Si les moyens mis à la
dans le réseau des aires protégées du pays ont disposition de l’ANPN ont fortement augmenté,
fortement augmenté. Le personnel de l’ANPN a ceux de la DGFAP sont encore trop insuffisants
augmenté et se professionnalise de plus en plus. (Mouelle & Ngowou, 2014).
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165
166
Sigles et abréviations
AFD : Agence Française de Développement MEF : Ministère des Eaux et Forêts
ANPN : Agence Nationale des Parcs Nationaux OFAC : Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale
BIOPAMA : Biodiversity and Protected Areas Mana- ONG : Organisation Non Gouvernementale
gement Programme
PACEBCo : Programme d’Appui à la Conservation
CDB : Convention sur la Diversité Biologique des Ecosystèmes du Bassin du Congo
CCGL : Comité Consultatif de Gestion Local PAGOS : Programme d’Appui à la Gouvernance Sec-
CENAREST : Centre National de la Recherche Scien- torielle
tifique et Technologique PTMC : Parcs Transfrontaliers Mayumba-Conkouati
CITES : Convention sur le Commerce international des SODEPAL : Société de Développement du Parc de
espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinc- la Lédéki
tion
TRIDOM : Trinational Dja-Odzala-Minkébé
DAAP : Direction de l’Aménagement des Aires Pro-
tégées UE : Union Européenne
DGFAP : Direction Générale de la Faune et des Aires UICN : Union Internationale pour la Conservation de
Protégées la Nature
ECOFAC : Conservation et utilisation rationnelle des UNCC : Convention cadre des Nations Unies sur les
Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale changements climatiques
ENEF : Ecole Nationale des Eaux et Forêts UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture
FCFA : Franc des Communautés Financières
d’Afrique USFS : United State Forest Service
FEM : Fond pour l’Environnement Mondial WCS : Wildlife Conservation Society
IRET : Institut de Recherche en Écologie Tropicale WWF : World Wide Fund for nature

167
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Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Gabon

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

1 PN d’Akanda 2002 Décret 608/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 53 780

2 PN de Pongara 2002 Décret 618/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 92 969

3 PN des Monts de Cristal 2002 Décret 611/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 119 636
4 PN de Minkébé 2002 Décret 615/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 756 669
5 PN de Mwagna 2002 Décret 617/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 116 475
Décret 612/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002
6 PN de l’Ivindo 2002 et décret 837/PR/MEF du 2 octobre 1971 300 274
portant création réserve Ipassa
7 PN des Plateaux Batéké 2002 Décret 609/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 204 854
8 PN de la Lopé 2002 Décret 607/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 491 291
9 PN de Waka 2002 Décret 619/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 106 938
10 PN de Birougou 2002 Décret 610/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 69 021
11 PN de Loango 2002 Décret 613/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 155 224
12 PN de Moukalaba-Doudou 2002 Décret 616/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 449 548
13 PN de Mayumba 2002 Décret 614/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 97 163
Arrêté 1488/SF-5225 du 17 novembre 1962
14 RP de Wonga Wongué 1962 380 000
et décret 882/PR du 14 juillet 1972
15 RF de la Plaine Ouanga 1966 Arrêté 1571/sf-chpp du 29 décembre 1966 20 000
16 DC de Lékédi - - 19 000
17 DC de Moukalaba 1962 Arrêté 1484/mef/sf-5225 du 17 novembre 1962 20 000
18 Arboretum Raponda Walker - - 6 700
Total 3 459 542
Notes : PN : parc national ; RP : réserve présidentielle ; RF : réserve de faune ; DC : domaine de chasse
Plan d’amgt : Plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie
du réseau des réserves de la biosphère
SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humide
- : données non disponibles
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif
Principaux Catégorie Plan d'amgt
personnel RAPAC PM RB SR
partenaires UICN (année)
(en 2012)
25 ANPN, OLAM II - X
ANPN, OLAM, PERENCO,
27 II X X X
ASF
14 ANPN, PACEBCo II -
47 ANPN, WWF II -
21 ANPN, WWF II -

35 ANPN, IRET, WWF II - X X


15 000 ha

22 ANPN, WCS, PPG II -


21 ANPN, WCS, ECOFAC II X X X
23 ANPN, WCS II -
17 ANPN, WCS II - X
25 ANPN, WWF, FEM II X X
28 ANPN, FEM II X
20 ANPN, FEM, ECOFAC II X X

26 ANPN IV - X

- MEF/DGFAP IV -
- SODEPAL IV -
- MEF/DGFAP IV -
- ANPN III -
351 5 4 1 0 5

169
RÉPUBLIQUE
DE GUINÉE
ÉQUATORIALE
Adélaïde LARZILLIERE et Charles DOUMENGE
172
Le territoire de la Guinée Équatoriale est composé d’une partie continentale et
d’une partie insulaire incluant deux îles principales : Bioko et Annobon. Le pays est
couvert sur près de 60 % de son territoire par des forêts denses, majoritairement de
basse et moyenne altitude. Ces forêts ont été partiellement transformées par l’agri-
culture itinérante (en particulier au nord-est du pays et sur la côte) et, surtout, large-
ment parcourues par l’exploitation forestière industrielle au cours des dernières
décennies. Les dernières forêts primaires pourraient être transformées à leur tour si
­l’exploitation commerciale se poursuit au même rythme (Mugnier et al., 2009).
La rapide augmentation de la population, liée conservation de la diversité biologique que rela-
à la mise en valeur des réserves pétrolières et tivement récemment. À la fin des années 1980
une certaine amélioration du système de santé, a et au début de la décennie suivante, diverses
entrainé une augmentation de la pression démo- études ont suggéré des modifications dans la
graphique sur les ressources naturelles. Les acti- législation nationale relative à la biodiversité et
vités rurales traditionnelles (culture itinérante la création d’un réseau d’aires protégées digne
sur brulis, chasse, collecte de produits forestiers) de ce nom (Fa, 1991). En 1988, la loi 8/1988
ne sont plus compatibles avec la durabilité des crée en effet un réseau temporaire d’aires
écosystèmes, en particulier sur l’île de Bioko, où protégées mais ce n’est qu’avec la loi 4/2000
cinq sous-espèces de primates endémiques sont du 22 mai 2000 que douze aires protégées sont
déjà menacées d’extinction. créées de manière plus permanente. La Guinée
Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, Équatoriale est maintenant, avec 21 % du terri-
le développement de la production de pétrole et toire sous statut de protection, le deuxième pays
de gaz a favorisé une croissance économique très d’Afrique centrale ayant la plus grande super-
forte. La Guinée Équatoriale est devenue l’un ficie relative d’aires protégées après Sao Tomé-
des plus grands bénéficiaires d’investissements et-Principe (30 %).
étrangers en Afrique. Toutefois, ce boom écono-
mique n’a pas bénéficié à la majorité de la popu- 1. Contexte des aires protégées
lation, qui n’a que peu profité de cette manne
pétrolière ou a même souffert de l’augmentation 1.1 Contexte politique
du coût de la vie. Les secteurs tels que la santé
publique, l’éducation ou les infrastructures ont La constitution équato-guinéenne affirme
relativement peu progressé comparativement à la l’engagement du pays dans la conservation de
très forte augmentation du PIB par habitant. Les la biodiversité et de son environnement : « l’État
populations rurales restent ainsi très largement veillera à la conservation de la nature, (…) de
dépendantes des ressources forestières, en parti- sorte que le développement et la conservation
culier les plus pauvres (Allebone-Webb, 2009). apparaissent comme deux composantes indis-
La faible productivité agricole nécessite toujours sociables qui doivent être conjuguées de telle
d’importantes surfaces, continuant d’exercer des sorte que le bien-être auquel aspire le pays soit
pressions sur les ressources en sols. durable1» (art. 6). Toutefois, un engagement
Malgré le fait que quatre aires protégées aient
été créées avant l’indépendance, et contraire- 1. El Estado velará por la conservación de la naturaleza, (…)
de manera que el desarrollo y la conservación se perfilan como
ment à la plupart des autres pays de la région, la dos componentes inseparables que han de conjugarse de tal modo
Guinée Équatoriale n’a entrepris des efforts de que el bienestar al que aspira el país sea duradero.
Pays République de Guinée Équatoriale
Superficie 28 000 km2 (INED, 2013)
Variation d’altitude 0 - 3 011 m
Population 800 000 habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 28 hab./km²
60 % de population en milieu rural
Ratio population urbaine / population rurale
(Micha Ondo Angue, 2014)
Villes principales Malabo (187 000 hab.), Bata (250 770 hab.)
PIB/habitant 20 581 $US (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,556 ; 144/187 pays (PNUD, 2014)
Pétrole et gaz en majorité, bois,
Principales activités économiques
quelques productions agricoles
Superficie de végétation naturelle
21 800 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
21 500 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
Phanérogames 77 espèces de plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
Continent : 200 espèces ; île de Bioko : 60 espèces dont
Mammifères 28 % d’endémiques (Micha Ondo Angue, 2014),
22 espèces menacées (UICN, 2014)
Continent : 314 espèces ; île de Bioko : 138 espèces,
Oiseaux 45 endémiques (Micha Ondo Angue, 2014),
7 espèces menacées (UICN, 2014)
Île de Bioko : 53 espèces (Micha Ondo Angue, 2014),
Reptiles
7 espèces menacées (UICN, 2014)
Amphibiens 4 espèces menacées (UICN, 2014)
Continent : 167 espèces, 8 endémiques ; île de Bioko : 45
Poissons espèces d’eau douce (Micha Ondo Angue, 2014) ;
29 espèces menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

politique encore frileux et le manque de moyens et la signature en 2005 du traité de convergence


financiers, humains et techniques de l’adminis- porté par la COMIFAC (Commission des Forêts
tration compliquent la mise en œuvre concrète d’Afrique Centrale).
de cette volonté affichée, réaffirmée lors de la Le récent boom pétrolier a permis une diversifi-
déclaration des chefs d’États de Yaoundé (1999) cation de l’économie basée à l’origine essentielle-

173
174
ment sur l’exploitation forestière. L’aménagement compris les aires protégées. Elle prévoit aussi la
forestier est maintenant davantage centré sur une création d’un corps de gardes forestiers (art. 58).
gestion durable des ressources forestières dans Le texte le plus récent abordant la régulation
son ensemble. Ainsi, entre 1997 et 2013, la super- et la protection de l’environnement est la loi
ficie totale des aires protégées a augmenté de 63 % 7/2003 du 27 novembre 2003. Cette loi constitue
tandis que celle des concessions forestières, qui le premier instrument juridique pour la qualité
recouvraient quasiment toute la partie continentale de l’air, de l’eau, des sols, des pollutions et de
du pays, a diminué de 56 % (WRI, 2013). la conservation de l’équilibre environnemental.
Suite à la ratification de directives interna- La création de l’Institut national pour l’environ-
tionales, la Guinée Équatoriale a pris certaines nement et la conservation de la nature (Instituto
mesures visant à régulariser l’exploitation des Nacional de Conservacion del Medio Ambiente
forêts et la préservation de la biodiversité en vue INCOMA) et du Fonds national de l’environ-
d’assurer la pérennité des forêts et de l’environne- nement (Fondo Nacional de Medio Ambiente
ment. Le pays a rédigé un Plan National de Lutte FONAMA) s’intègre dans l’effort de décentrali-
contre la Désertification (PNLD) et a élaboré en sation, de coordination entre les administrations
2014 sa Stratégie Nationale et Plan d’Action sur centrales et locales ainsi que de financement
la Biodiversité (SNPAB). durable du secteur. La loi crée également un
corps spécial d’inspecteurs de l’environnement.
1.2 Législation et réglementation Cette Loi sur l’environnement décrit les dispo-
sitions relatives aux aires protégées. La classi-
C’est avec la loi 8/1988 du 31 décembre 1988, fication des terres distingue cinq types d’aires
réglementant la faune, la chasse et les aires proté- protégées, reprenant largement la classification de
gées, que la Guinée Équatoriale pose les fonde- l’UICN (Union Internationale pour la Conserva-
ments de l’exploitation rationnelle de la faune, de tion de la Nature) : les parcs naturels, les réserves
sa conservation (y compris la déclaration d’es- scientifiques, les réserves naturelles, les monu-
pèces protégées) et la mise en place d’un réseau ments naturels et les paysages protégés (art. 21 et
d’aires protégées. Les dispositions transitoires de suivants) ; l’appellation de « parc naturel » corres-
cette loi précisent ainsi les limites de neuf aires pondant à celle de « parc national » dans la classi-
protégées provisoires, réparties sur le continent fication internationale de l’UICN. Le classement
ainsi que sur les îles de Bioko et d’Annobon. Le des espaces protégés est réalisé par le Ministère
système d’aires protégées ne sera effectivement en charge de l’environnement.
sécurisé que plus d’une décennie plus tard, avec Un plan d’aménagement des ressources natu-
la loi 4/2000 du 22 mai 2000. relles doit être élaboré et approuvé pour toutes les
Actuellement, plusieurs lois interviennent réserves naturelles et les parcs naturels (art. 24).
dans la gestion des espaces naturels du pays. La Des zones tampons ou périphériques peuvent être
Loi forestière 1/1997 du 18 février 1997 portant établies. Leurs limites seront fonction du niveau
sur l’utilisation et l’aménagement des forêts, de fragilité des ressources ou des écosystèmes,
« fixe les conditions de gestion et d’utilisation de leur capacité à supporter les droits d’usage
rationnelle et durable des ressources forestières traditionnels et les installations existantes et de
afin d’éviter leur disparition » (Mugnier et al., l’intérêt d’y promouvoir certains services. Le
2009). Cette loi constitue le texte de base qui zonage de l’aire protégée peut ainsi inclure des
établit un système de classification de l’usage des zones de protection intégrale ou d’usage tradi-
terres et des droits associés. Elle définit les terres tionnel des ressources naturelles (art. 27). Des
qui relèvent du domaine forestier de l’État, y zones d’influence socioéconomique peuvent
aussi être mises en place autour des aires proté- qu’elle met en avant des principes de décen-
gées, incluant des mesures compensatoires en tralisation et d’implication des gouvernements
fonction des effets socio-économiques néga- locaux (Obama, 2008). Les mécanismes précis
tifs que peuvent engendrer la création des aires de cette implication ne sont toutefois pas claire-
protégées (art. 27). ment définis, ce qui ne favorise pas une bonne
Les espèces animales et végétales menacées intégration et collaboration des divers échelons
sont classées en quatre catégories : en voie d’ex- de l’administration. Cette loi se réfère à des
tinction, sensible à la dégradation de son habitat, règles de protection, de conservation des espèces,
vulnérable et d’intérêt particulier. Un classe- de restauration et ou de réhabilitation des espaces
ment dans les deux premières catégories interdit qui n’existaient toujours pas dans le corpus légis-
la destruction, cueillette, chasse ou capture des latif équatoguinéen il y a quelques années. Cette
espèces. Représentant autour de 42 % des revenus Loi sur l’environnement manquait aussi cruel-
des ménages en milieu rural (Obama, 2000), le lement de textes d’application et il n’a pas été
secteur des produits forestiers non ligneux est possible de s’assurer que la situation s’était forte-
pourtant relativement peu réglementé. Même si ment améliorée depuis la fin des années 2000
des mentions sont faites dans la Loi sur l’envi- dans le cadre de la présente synthèse, ni que les
ronnement et, de manière plus exhaustive, dans recommandations formulées par Obama en 2008
la Loi forestière, ce secteur reste majoritairement aient été prises en considération.
informel. Les montants des amendes pour les Le pays a ratifié la majeure partie des conven-
infractions à la Loi sur l’environnement s’éche- tions internationales relatives à la biodiversité et
lonnent entre 10 000 à 200 millions de FCFA. aux aires protégées (tableau 1). La seule conven-
Comparativement à la Loi forestière, la Loi tion importante à laquelle il n’a pas adhéré est
sur l’environnement est novatrice en ce sens celle sur les changements climatiques.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année de


Conventions internationales
en vigueur ratification *
Convention africaine sur la conservation de la nature
16 juin 1969 Signée en 2011
et des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et
Adoptée en 2003 Signée en 2005
des ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées
1er juillet 1975 1992
d’extinction (CITES)
Signée en 2003
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975
Ratifiée en 2010
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 2003
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 1983
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1994
Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
21 mars 1994 -
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1997
* La majeure partie des conventions signées par la Guinée Équatoriale rentre en vigueur sur simple signature, la ratification n’est pas exigée en
Guinée Équatoriale (Mugnier et al., 2009).

175
176
1.3 Contexte institutionnel planification et du développement économique
(MINIPLANDE). Plusieurs autres partenaires
La gestion des aires protégées dépend de contribuent aussi aux activités de gestion dans
deux ministères, le Ministère de l’agriculture et les aires protégées dont notamment, au niveau
des forêts (Ministerio de Agricultura y Bosques, national, l’ONG ANDEGE (Amigos de la Natu-
MAB) et le Ministère de la pêche et de l’environ- raleza y el Desarrollo de Guinea Ecuatorial) qui
nement (Ministerio de Pesca y Medio Ambiente, a déjà participé à la rédaction de plusieurs plans
MPMA). Avec la promulgation de la loi 7/2003, de gestion des aires protégées.
régulatrice de l’environnement, la tutelle légale Au niveau régional, la Guinée Équatoriale
des aires protégées, initialement sous le MAB, a est membre de la COMIFAC (Commission des
été théoriquement transmise au MPMA mais son Forêts d’Afrique Centrale), du RAPAC (Réseau
application pratique reste encore compliquée. des Aires Protégées d’Afrique Centrale), et colla-
Deux organes techniques sont dédiés à bore avec les programmes CARPE (Programme
la protection de l’environnement : l’Institut pour l’environnement d’Afrique centrale), le
national de développement forestier et de FFBC (Fonds Forestier du Bassin du Congo) et
gestion des aires protégées (Instituto Nacional le PACEBCo (Programme d’Appui à la Conser-
de Desarrollo Forestal y Áreas Protegidas vation des Ecosystèmes du Bassin du Congo).
INDEFOR-AP) et l’Institut national de protec-
tion de l’environnement (Instituto Nacional de 1.4 Stratégies et programmes
Conservacion del Medio Ambiente INCOMA). relatifs aux aires protégées
L’INDEFOR-AP a pour mandat d’assurer
l’aménagement des forêts et l’utilisation des Un projet de renforcement du système national
aires protégées du système national. Il jouit des aires protégées de Guinée Équatoriale a été
d’une autonomie de gestion administrative et mis en place en 2013. Le but de ce projet est de
financière et est placé sous la tutelle du MAB. préserver la biodiversité d’importance mondiale
L’INCOMA, créé plus récemment, a la charge grâce à un meilleur contexte politique et juri-
de veiller à l’application des mesures et poli- dique, et le renforcement de la gouvernance et
tiques en matière de protection de l’environne- des capacités institutionnelles et individuelles du
ment, sous la tutelle du MPMA. système national d’aires protégées. Trois d’entre
Ces doubles compétences provoquent inévi- elles servent de sites pilotes : le parc national de
tablement des conflits, comme c’est « le cas sur Monte Alén, celui du Pico Basilé et la réserve
les aires protégées dont les forêts relèvent du naturelle de Rio Muni (PNUD, 2013).
Ministère de l’agriculture et des forêts et dont la Des inventaires par groupe taxonomique
gestion générale relève du Ministère de la pêche ont été mis en place dès 2009. Ainsi, plusieurs
et de l’environnement » (Mugnier et al., 2009). conventions ont été signées avec des centres de
Toutefois, sur le terrain, seul l’INDEFOR-AP recherche : l’université américaine de Drexel,
est réellement opérationnel, l’INCOMA n’étant la Société zoologique de Londres (ZLS), l’Uni-
même pas concrétisé 10 ans après sa création versité polytechnique de Madrid et l’Université
légale (Sarilusi Tarifa King, 2013). nationale de Guinée Équatoriale.
D’autres ministères participent aux initia- Le cinquième rapport de la stratégie et le plan
tives de concertation autour des aires proté- d’action pour la diversité biologique (Micha
gées, à savoir le Ministère des mines, industrie Ondo Angue, 2014), établit les axes prioritaires
et énergie (MMIE), le Ministère des infrastruc- du renforcement du système des aires protégées :
tures et urbanisme (MIU) et le Ministère de la • développement d’un plan d’aménagement et
mise en place de structures de fonctionnement laire, la plus sensible, avec des taux d’endémisme
opérationnelles dans quatre aires protégées ; très élevés : la réserve scientifique de la Caldera
• augmentation des équipements et des de Luba et le parc national du Pico Basilé sur
ressources financières des aires protégées ; l’île de Bioko et la réserve d’Annobon sur l’île
• création de zones tampon afin de favoriser le du même nom. Plus de la moitié de la superficie
développement d’activités socio-économiques couverte par ce réseau dispose d’un statut de parc
compatibles avec les objectifs de conservation ; national. Le statut de réserve naturelle permet,
• réalisation d’études d’identification et de selon la loi équatoguinéenne, certaines activités
sélection d’aires prioritaires de conservation d’extraction de produits naturels sous réserve
des écosystèmes marins et insulaires, avec la que ces usages soient compatibles avec les objec-
création d’un réseau d’aires protégées marines. tifs de conservation de l’aire protégée ; elles sont
donc classées en catégorie IV de la typologie
2. Le réseau des aires protégées internationale proposée par l’UICN.
Le réseau d’aires protégées inclut l’essen-
2.1 Historique tiel des écosystèmes équatoguinéens, depuis
les mangroves et formations de bord de plage
La création des aires protégées en Guinée (herbacées et arborées, sur le continent et sur les
Équatoriale remonte à l’époque coloniale avec la îles) jusqu’aux formations éricoïdes et prairies
mise en place de quatre parcs territoriaux, trois de haute montagne (à Bioko), en passant par tout
dans la partie continentale (Monte Alén, Montes un ensemble d’écosystèmes forestiers insulaires
Raices et Ekuku) et le Pico Basilé dans la partie et continentaux, dont certains sous climat très
insulaire (Zafra-Calvo et al., 2008). Un réseau humide (précipitation supérieures à 2 000 mm/an).
temporaire d’aires protégées est créé en 1988. Certaines de ces forêts sont considérées comme
Les neuf aires protégées recouvrent à cette date des refuges forestiers ayant survécu aux phases
près de 12 % du territoire équatoguinéen. En d’assèchement climatique du pléistocène et de
2000, le système des aires protégées équatogui- l’holocène (Maley, 1996). La région englobant les
néens est modifié pour compter 13 aires proté- monts Mitra et Alén est ainsi parmi les plus diver-
gées recouvrant près de 20 % du territoire. sifiées en terme d’espèces d’arbres en Afrique
centrale (Gonmadje et al., 2011).
2.2 Le réseau actuel Un accord de coopération transfrontalière entre
des aires protégées le Cameroun (parc national de Campo Ma’an) et
la Guinée Équatoriale (réserve de Rio Campo) est
L’actuel système d’aires protégées couvre une en cours de négociation depuis 2012. Le projet de
superficie totale de 591 000 ha, soit 21 % de la ce protocole d’accord a été transmis pour conso-
superficie du pays (tableau 2 et figure 1). Trois lidation au RAPAC. Certaines aires protégées de
aires protégées se trouvent dans la partie insu- Guinée Équatoriale sont aussi incluses dans le

177
178
Tableau 2 – Les aires protégées de Guinée Équatoriale

Catégorie Superficie % du total des aires


Catégorie Nombre
UICN (ha) protégées (en superficie)
Réserve scientifique I 2 51 500 8,7
Parc national * II 3 303 000 51,3
Monument naturel III 2 39 000 6,6
Réserve naturelle IV 6 197 500 33,4
Total 13 591 000 100 %
* Les termes utilisés par la loi 7/2003 sont parques naturales, équivalents dans leur définition à « parc national » dans la classification internatio-
nale, termes qui étaient utilisés dans les textes précédents. Il semble que ces parcs nationaux n’aient pas été légalement renommés en parcs
naturels. C’est pourquoi nous les avons conservés sous leur première appellation dans les différents tableaux relatifs aux aires protégées du pays.

Paysage Monte Alén-Monts de Cristal : Monte Suite à la ratification de la convention sur les
Alén, Rio Muni, Altos de Nsork et Piedra Nzas zones humides, dite Convention de Ramsar, trois
(Kernan & Mehlman, 2009). Ces « paysages » sites du réseau des aires protégées sont inscrits
de gestion de la biodiversité en Afrique centrale, sur la liste des sites Ramsar : la réserve de Rio
souvent transfrontaliers, sont constitués de vastes Muni caractérisée par des forêts côtières, des
territoires incluant plusieurs aires protégées, des tourbières et des mangroves, celle de Rio Campo
zones de gestion communautaire et des zones avec des zones de frayères, d’alevinage et de
d’extraction des ressources naturelles situées migration dont dépend le stock de poisson, et l’île
dans des ensembles cohérents d’un point de vue d’Annobon, internationalement reconnue pour sa
biologique et environnemental (Alstatt et al., richesse menacée de poissons et d’oiseaux marins
2009). Ils sont destinés à favoriser la planifica- (tableau 3). Le pays ne dispose pas de sites inscrits
tion du territoire ainsi que la coopération trans- sur la liste du patrimoine mondial, ni de réserve
frontalière, comme dans le cas du Tri-National de de la biosphère (réseau de réserves affilié au
la Sangha (TNS), entre le Cameroun, le Congo programme L’Homme et la biosphère de l’Unesco,
et la République Centrafricaine (cf. les chapitres l’Organisation des Nations Unies pour l’éduca-
correspondants). La collaboration entre la Guinée tion, la science et la culture). Les sites pilotes du
Équatoriale et le Gabon n’est toutefois pas encore RAPAC concernent au contraire quasiment 80 %
aussi effective que dans le cas du TNS. de la superficie des aires protégées du pays.
Figure 1 – Les aires protégées de Guinée Équatoriale
)
" Capitale

! Chef-lieu de province ou de région

8 Cours d'eau

Eau libre
4
Paysage à haute valeur de conservation

Aire protégée

Parc national

Autre aire protégée

n° Nom
1 Annobon
2 Islas de Corisco
3 Rio Muni
13
4 Caldera de Luba
7
5 Altos de Nsork
9 6 Monte Alén
7 Monte Temelon

6 8 Pico de Basilé
1 10
12 9 Piedra Bere
10 Piedra Nzas
11 3 5 11 Playa Nendyi
12 Punta Llende
2
13 Rio Campo

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées.

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 0 0 0 0
Sites Ramsar 3 116 000 116 000 19,6
Réserves de la biosphère 0 0 0 0
Sites RAPAC 6 467 000 467 000 79,0

179
180
3. Organisation de la gestion d’aménagement ont été élaborés dont 4 ont été
des aires protégées approuvés techniquement et 3 sont en attente de
validation. Les plans d’aménagement du parc
3.1 Gouvernance et systèmes de national de Monte Alén et de la réserve naturelle
gestion des aires protégées de Rio Campo sont actuellement mis en œuvre.
Le plan d’aménagement du monument naturel
Les aires protégées sont gérées par l’INDEFOR- de Piedra Nzás est en cours d’élaboration par
AP. Les parcs nationaux disposent d’un organe de l’ONG ANDEGE (RAPAC, 2013).
gestion à vocation de consultation, promotion, La démarche d’aménagement du territoire
suivi et contrôle du parc (art. 31 de la loi 7/2003). développée dans les paysages écologiques du
La participation des populations à la prise de déci- PFBC procure un cadre d’action pour la mise
sion est pour l’instant assurée à travers la consul- en place de plans d’affection des terres et d’ac-
tation des Comités de voisins et des Conseils des tivités de développement compatibles avec la
sites créés par le Ministère de l’intérieur. À part conservation et la gestion durable des ressources
pour le parc national de Monte Alén et la réserve naturelles. C’est le cas dans le paysage Monte
scientifique de la Caldera Luba, aucune associa- Alén-Monts de Cristal (Kernan & Mehlman,
tion formelle n’est pour l’instant consacrée spéci- 2009). L’appui ancien du projet ECOFAC
fiquement à la représentation des populations (Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale),
riveraines (Micha Ondo Angue, 2014). sous financement européen, au parc naturel de
Le premier plan d’aménagement et de gestion Monte Alén, a permis en outre d’assurer une
élaboré dans le pays fut celui de la réserve scien- continuité dans la gestion du parc mais aussi de
tifique de la Caldera de Luba, grâce à l’appui de mettre en place des activités de développement
la coopération espagnole et de l’ONG Amigos de rural en périphérie, en appui aux communautés
Doñana (Mugnier et al., 2009). Les plans d’amé- locales. « Le parc national de Monte Alén a été
nagement de la réserve scientifique de Playa et continue d’être un projet de référence à partir
Nendyi et des réserves naturelles de Punta Ilende duquel les connaissances sur les stratégies et
et Montes Temelón ont été élaborés. les pratiques de gestion peuvent être transférées
Des 13 aires protégées qui composent le vers le reste des aires protégées du pays » (Zafra-
système national des aires protégées, 7 plans Calvo et al., 2008).

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées de Guinée Équatoriale

Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
INDEFOR-AP 13 591 000
Gouvernementale
- - -
Privée - - -
Communautaire - - -
Partagée** - - -
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles
Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours de Réalisé Evalué et
Aucun
préparation (date) révisé (date)
Réserve scientifique 0 - 2 -
Parc national 2 - 1 -
Monument naturel 1 1 - -
Réserve naturelle 2 - 3 -
- : données non disponibles

3.2 Les moyens disponibles niques étaient recensés en 2008, Mugnier et


al., 2009), il est probable qu’il était aussi moins
3.2.1 Les ressources humaines formé et qualifié. En 2008, 30 personnes étaient
et matérielles affectées au seul parc de Monte Alén, soit plus
de 40 % du total (Mugnier et al., 2009). Ce
En 2012, la Guinée Équatoriale disposait personnel est affecté par le gouvernement mais
d’un effectif de 55 personnes dont 3 cadres supé- aussi par des institutions partenaires, en particu-
rieurs, 4 cadres moyens et 48 écogardes (tableau lier pour les réserves de Caldera de Luba et Rio
6). Si, quatre ans auparavant, le personnel était Campo ainsi que pour les parcs de Monte Alén
plus nombreux (72 écogardes et agents tech- et Altos de Nsork.

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - - - - 3 - -
Cadres moyens - - - 15 - - - 4 - -
Gardes et écogardes - - - 57 - - - 48 - -
Total - - - 72 31 - - 55 - -
- : données non disponibles

3.2.2 Financements et les contributions des partenaires. Le tableau 7


présente un certain nombre d’informations mais
Il existe deux types de financements pour la celles-ci sont très certainement incomplètes et
réalisation des activités des aires protégées en devront être complétées et actualisées.
Guinée Équatoriale : le budget alloué par l’État

181
182
Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées de Guinée Équatoriale

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
Fonctionnement Conservation, Toutes
Depuis 450 millions
État et Trésor public valorisation de les aires
2012 FCFA
investissement la biodiversité protégées
Renforcement de
la gouvernance
Renforcement et des capacités
Monte Alén,
du système institutionnelles
FEM, PNUD Pico Basilé 2013 658 845 $US
national des et individuelles
et Rio Muni
aires protégées du système des
zones protégées
nationales
Activités de
gestion (socio-
Contrat
économiques, 207 millions
RAPAC- PACEBCo Monte Alén -
sensibilisation, FCFA
INDEFOR
recherche et
délimitation)
Projet sur la
Elaboration
conservation
du plan
des
FFBC d’aménagement Rio Campo - 500 000 e
écosystèmes
et gestion
à haute valeur
transfrontalière
Partenaires économique
Introduction des
espèces fruitières
et plantes
UICN- Altos de 11 millions
- médicinales -
CARPE Nsork FCFA
dans le système
agricole
villageois
Playa
Elaboration Nendyi,
- - des plans Punta Llende - -
d’aménagement et Monté
Temelon
Elaboration
Elaboration
d’un projet
d’un projet Punta
communautaire
communautaire Llende, Rio
sur la WCS - -
sur la promotion Campo et
promotion
de la pêche Playa Nendyi
de la pêche
artisanale
artisanale
- : données non disponibles
4. Enjeux socio-économiques des personnes liées aux activités de recherche,
autour des aires protégées notamment lors de la première phase du projet
ECOFAC (environs 200 pers./an ; Micha Ondo
4.1 Tourisme Angue, 2014).

Le pays a été fort longtemps replié sur lui- 4.2 Valorisation durable
même et n’a pas de tradition touristique. Le de la biodiversité
potentiel touristique de la Guinée Équatoriale
est pourtant tout à fait intéressant pour un petit Le secteur économique des PFNL (Produits
pays africain car il inclut, sur un territoire à taille Forestiers Non Ligneux) représente autour de
humaine, des milieux insulaires et continentaux 42 % des revenus des ménages en milieu rural
très variés, depuis les mangroves jusqu’aux forêts (Obama, 2000). De nombreux produits sont
et prairies montagnardes, à plus de 3 000 m d’al- concernés par ce secteur, comme le condiment
titude. Il renferme aussi une grande faune fores- Piper guineensis, dont l’exportation annuelle
tière charismatique (gorilles de plaine, éléphant, vers le Nigeria est estimée à 250 tonnes (Obama,
buffle, singes…) ainsi que des taxons endé- 2002). Des fruits sauvages (Dacryodes macro-
miques, spécifiques aux îles. Le parc national du phylla…), des plantes et préparations médici-
Pico Basilé et la réserve scientifique de la Caldera nales (Alstonia boonei, Annickia spp., Elaeis
de Luba hébergent les sept primates endémiques guineensis…), de la viande de brousse et d’autres
de l’île de Bioko. Le littoral de la réserve natu- produits artisanaux à base de rotins et de bambous
relle du Rio Campo, à la frontière avec le Came- sont largement présents sur les marchés locaux et
roun, est quant à lui fréquenté par la baleine à exportés dans les pays limitrophes en quantités
bosse (Micha Ondo Angue, 2014). Le tourisme conséquentes.
de vision pourrait s’y déployer, au bénéfice de Le bois de feu est également surexploité, y
l’État mais aussi des communautés rurales. Au compris des zones où la coupe est interdite, du fait
contraire de pays comme la République Centra- de la demande urbaine grandissante. Cette pratique
fricaine ou le Cameroun, le tourisme cynégétique est particulièrement frappante dans les mangroves
n’y est pas développé et possède bien moins de la zone de l’estuaire du Muni (réserve naturelle
d’atouts que dans ces pays. de Rio Muni), où le bois de feu est utilisé pour
Même si les capacités hôtelières de Malabo le séchage du poisson en dépit de l’interdiction
et de Bata se sont fortement développées ces de collecte (Nguema & Pavageau, 2012). Une
dernières années, le tourisme reste très limité en étude de l’ONG ANDEGE (2010) montre que la
Guinée Équatoriale. Le parc national de Monte production nationale informelle de bois représente
Alén dispose d’un gîte d’accueil ouvert depuis 86 800 m3 par an, la première moitié étant destinée
1994, comprenant 10 chambres. Il a été très à alimenter les villes, et l’autre moitié servant à
fréquenté entre 1996-2000 par des touristes et alimenter la demande rurale.

183
184
Cette demande de produits issus de la biodi- d’engagement de la part du gouvernement dans
versité est plus forte que dans des pays à la popu- la protection de ces écosystèmes menacés par
lation rurale moins dense comme au Gabon ou au l’exploitation forestière anarchique et une démo-
Congo, par exemple. Elle est d’autant plus forte graphie croissante. Ce réseau occupe environ
que le milieux rural n’a profité que très peu du 20 % des terres mais pourrait être encore étendu
boom pétrolier et reste attaché à des pratiques (Nguema & Pavageau, 2012). La protection
qui ne sont durables qu’avec une densité de des écosystèmes marins nécessite en particulier
population plus faible. Ces pressions se font non d’être pris en compte dans ce réseau, ce qui n’est
seulement sentir sur les terres forestières banales pas encore le cas.
mais aussi sur les aires protégées. Sur les îles, en Cependant le conflit omniprésent sur la tutelle
particulier à Bioko, ces phénomènes peuvent être institutionnelle entre les deux ministères (MAB
exacerbés du fait du confinement insulaire. et MPMA) gêne considérablement la dynamique
de mise en place technique, matérielle et finan-
4.3 Autres cière des structures de gestion des aires protégées.
Le personnel affecté dans ces différents sites
Les aires protégées jouent un rôle important, est encore trop peu important et surtout néces-
en particulier sur l’île montagneuse de Bioko, site d’être formé aux outils les plus récents de
pour la protection des bassins versants, l’appro- la gestion des aires protégées, à tous les niveaux
visionnement en eau de l’agriculture et de la hiérarchiques.
population en aval et la lutte contre l’érosion. Ces Le boom pétrolier a permis de relâcher un
aires protégées permettent de conserver un patri- peu la pression, tant politique qu’industrielle,
moine biologique souvent unique mais parfois sur les ressources forestières mais cela ne s’est
aussi un patrimoine culturel (sites sacrés) comme pas encore traduit par une politique volontariste
les inselbergs inclus dans certaines réserves. dans l’amélioration de la gestion de ces aires
protégées et leur valorisation durable. Dans un
5. Bilan général de la gestion pays possédant maintenant l’un des plus haut
des aires protégées du pays PIB du continent africain, il serait pour le moins
naturel que l’État investisse un peu plus dans
Le réseau des aires protégées de Guinée la protection et la valorisation durable du patri-
Équatoriale, qui n’est réellement en place que moine naturel national. Le gouvernement ne
depuis une quinzaine d’années, montre la volonté semble pourtant pas très proactif, qu’il s’agisse
du renforcement du réseau d’aires protégées Avant l’indépendance et surtout au cours de
mais aussi du développement touristique ou, ces 30 dernières années, diverses recherches ont
dans certains sites tout au moins, de la mise été menées sur la biodiversité équatoguinéenne,
en place de filières durables d’exploitation de dont certaines ont soutenu la réflexion et la
la biodiversité en partenariat avec les commu- planification du réseau d’aires protégées actuel
nautés rurales concernées. (Fa, 1991 ; Zafra-Calvo et al., 2008). Il reste
Si le processus de rédaction des plans d’amé- malgré tout beaucoup à faire pour une meilleure
nagement est déjà bien avancé, avec sept plans connaissance de cette biodiversité et, surtout,
rédigés sur treize aires protégées, seuls trois pour inciter les scientifiques à mieux collaborer
d’entre eux sont réellement opérationnels. Des avec les gestionnaires afin qu’ils puissent fournir
plans d’aménagement et de gestion doivent être à ces derniers des données utiles pour l’amé-
préparés pour toutes les aires protégées, mis en lioration de la gestion des aires protégées du
œuvre et révisés périodiquement. L’intégration pays. La constitution d’une masse critique suffi-
des communautés dans les prises de décision sante de chercheurs équatoguinéens en appui à
est encore faible, avec seulement deux associa- la gestion des aires protégées doit être soutenue
tions de communautés riveraines fonctionnelles. tant par le gouvernement que par les partenaires
La mise en place de zones tampons et périphé- internationaux. Par exemple, pour ne parler que
riques permettrait aussi de rendre plus compa- du domaine botanique, l’INDEFOR-AP héberge
tible les activités socio-économiques menées par en son sein l’herbier national de Guinée Équato-
les populations riveraines avec les objectifs de riale mais celui-ci est trop peu et trop mal doté
la conservation et les inciter à une réelle parti- pour être efficace dans ses missions de recherche
cipation et implication dans la conservation des et d’appui aux aires protégées, tant du fait du
écosystèmes de Guinée Équatoriale, parfois manque de personnel qualifié que d’équipement
uniques et pourtant extrêmement menacés. ou de moyens de fonctionnement.

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de Guinea Ecuatorial MPMA : Ministerio de Pesca y Medio Ambiente
CARPE : Central African Regional Program for the ONG : Organisation Non Gouvernementale
Environment
PACEBco : Programme d’Appui à la Conservation
CDB : Convention sur la Diversité Biologique
des Ecosystèmes du Bassin du Congo
CITES : Convention sur le commerce international
PIB : Produit Intérieur Brut
des espèces menacées d’extinction
PFNL : Produits Forestiers Non Ligneux
COMIFAC : Commission des Forêts d’Afrique Cen-
trale PNLD : Plan National de Lutte contre la Désertifica-
ECOFAC : Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Cen- tion
trale PNUD : Programme des Nations Unis pour le Déve-
FCFA : Franc des Communautés Financières loppement
d’Afrique RAPAC : Réseaux des Aires Protégées d’Afrique
FEM : Fond pour l’Environnement Mondial Centrale
FFBC : Fond Forestier du Bassin du Congo SNPAB : Stratégie Nationale et Plan d’Action sur la
Biodiversité
FONAMA : Fondo Nacional de Medio Ambiente
TNS : Tri-National de la Sangha
INCOMA : Instituto Nacional de Conservacion del
Medio Ambiente UICN : Union Internationale pour la Conservation de
la Nature
INDEFOR-AP : Instituto Nacional de Desarrollo
Forestal y Áreas Protegidas UNCC : Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
MAB : Ministerio de Agricultura y Bosques
MINIPLANDE : Ministerio de Planificación y De- WCS : Wildlife Conservation Society
sarrollo Económico WRI : World Resources Institute
MIU : Ministerio de Infraestructuras y Urbanismos ZSL : Zoological Society of London

187
188
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
de Guinée Équatoriale

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

1 RS de la Caldera de Luba 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 51 000

2 RS de la Playa Nendyi 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 500

Loi 8/1988 du 31 décembre 1988,


3 PN de Monte Alén 1997 loi n°1/1997 du 18 février 1997 200 000
et loi 4/2000 du 22 mai 2000

4 PN de Pico Basilé 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 33 000

5 PN de Altos de Nsork 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 70 000

6 MN de Piedra Bere 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 20 000

7 MN de Piedra Nzas 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 19 000

8 RN de Rio Campo 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 33 000

9 RN de Monte Temelon 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 23 000

10 RN de Punta Llende 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 5 500

11 RN du Rio Muni 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 60 000

12 RN de Islas de Corisco 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 53 000

13 RN de Annobon 2000 Loi 4/2000 du 22 mai 2000 23 000

Total 591 000

Notes : RS : réserve scientifique ; PN : parc national ; MN : monument naturel ; RN : réserve naturelle ; Plan d’amgt : plan d’aménagement ;
RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant partie du réseau des réserves de la biosphère
; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
* Mugnier et al., 2009.
- : données non disponibles
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif
Principaux Catégorie Plan d'amgt
personnel RAPAC PM RB SR
partenaires UICN (année)
(en 2012)

18 INDEFOR-AP I Elaboré X

- INDEFOR-AP I Elaboré

INDEFOR-AP , UE, Mis en


30 II X
PACEBCo œuvre

- INDEFOR-AP II -

8 INDEFOR-AP II - X

- INDEFOR-AP III -

2 INDEFOR-AP III En cours

Mis en
6 INDEFOR-AP IV X X
œuvre

- INDEFOR-AP IV Elaboré

2 INDEFOR-AP IV Elaboré

3 INDEFOR-AP IV - X X

3 INDEFOR-AP IV - X

- INDEFOR-AP IV - X

72 7 6 0 0 3

189
RÉPUBLIQUE
DU RWANDA
Paul SCHOLTE et Adélaïde LARZILLIERE
192
Bien que le Rwanda soit un petit pays en terme de superficie, il abrite une biodi-
versité riche et abondante, principalement conservée au sein de ses aires protégées,
en particulier dans ses trois parcs nationaux. Renfermant des forêts naturelles, des
savanes et des zones humides, ces aires protégées couvrent près de 9 % du territoire
national. Situé en plein cœur du rift occidental (ou rift Albertin), le pays – malgré
sa faible taille – offre un habitat à plus de 40 % des espèces de mammifères du
continent et à de nombreuses espèces d’oiseaux, de reptiles et d’amphibiens. Le
Rwanda, à la fois très riche et soumis à de très fortes pressions humaines, fait ainsi
partie des points chauds de la biodiversité en Afrique.
Le pays est particulièrement réputé pour ont aussi entrainé la dégradation de la biodiver-
ses primates, tels que le gorille de montagnes sité et des ressources génétiques
(Gorilla beringei beringei) dont la moitié de Le changement de la vision des ressources
la population mondiale se trouve dans le parc biologiques par le gouvernement et les popu-
national des Volcans, constituant la principale lations nécessitera la mise en avant de l’attrait
attraction touristique du pays. Les autres espèces économique de la protection et de l’utilisation
de primates recensées sont, entre autres, le cerco- rationnelle de la biodiversité, en démontrant
pithèque à tête de hibou (­Cercopithecus hamlyni) aussi que cet attrait pourrait être plus élevé que
et le singe de l’Hoest (Cercopithecus lhoesti) celui de l’exploitation d’autres ressources qui
à Nyungwe, le chimpanzé (Pan troglodytes) menacent actuellement la biodiversité.
à Nyungwe et Gishwati, et le singe doré
(­Cercopithecus mitis kandti) dans le parc 1. Contexte des aires protégées
national des Volcans. Le Rwanda abrite aussi de
nombreuses espèces typiques des savanes comme 1.1 Contexte politique
les buffles, les zèbres, les antilopes, les phaco-
chères, les babouins, les éléphants, les hippopo- Le gouvernement du Rwanda s’est attelé à la
tames, les crocodiles, les tortues terrestres dans création d’un milieu politique, juridique et insti-
le parc national de l’Akagera et quelques rares tutionnel favorable à la conservation de la biodi-
espèces comme notamment le pangolin géant versité et à la protection de l’environnement
(Smutsia gigantea). en général. Ainsi la Vision 2020 du Rwanda a,
Toutefois, ayant également la plus haute entre autres, pour objectif la réduction du pour-
densité de population d’Afrique, le Rwanda doit centage de ménages exploitant directement les
faire face à d’importantes menaces sur sa biodi- ressources agricoles de 90 % à moins de 50 %,
versité et ses ressources génétiques. La popula- en vue d’une utilisation durable des ressources
tion dépendant essentiellement de l’agriculture, naturelles et la réduction de la pauvreté (Répu-
la pression anthropique est surtout liée à la blique du Rwanda, 2000). Il est aussi prévu une
conversion des milieux naturels pour l’agricul- réduction de la part du bois de 84 % à 50 % dans
ture et pour d’autres activités comme les mines. le bilan énergétique national.
La prolifération des espèces exotiques exerce en La Vision 2020 met en avant les problèmes
outre une pression sur les espèces autochtones. environnementaux de ces dernières décennies,
L’instabilité de la région des grands lacs, en parti- liés essentiellement à une forte croissance démo-
culier le génocide de 1994, les déplacements de graphique et à la pollution industrielle. Cette
populations et le pillage des ressources naturelles dégradation est visible à travers une importante
Pays République du Rwanda
Superficie 26 335 km2 (INED, 2013)
Variation d’altitude 950 m (vallée de la Rusizi) – 4507 m (Karisimbi)
Population 11 100 000 habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 427 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale Données non disponibles
Villes principales Kigali (1,1 millions hab. ; 2012)
PIB/habitant 1 473 $US (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,506 ; 151/187 pays (PNUD, 2014)
Agriculture, services (surtout tourisme), industrie
Principales activités économiques
(République du Rwanda ; vision 2020)
Superficie de végétation naturelle
6 800 km2 (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
2 200 km² (Ernst et al., 2012)
ou peu anthropisées
5 793 espèces (REMA 2009),
Phanérogames
6 plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
402 espèces (REMA 2009),
Mammifères
23 espèces menacées (UICN, 2014)
692 espèces (491 résidentes, 138 visiteurs, 63 occasionnels ;
Vande Weghe & Vande Weghe, 2011),
Oiseaux
25 des 35 espèces endémiques du Rift Albertin,
15 espèces menacées (UICN, 2014)
Reptiles 0 espèces menacées (UICN, 2014)
Amphibiens 6 espèces menacées (UICN, 2014)
Poissons 9 espèces menacées (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

déforestation, l’épuisement de la biodiversité, des aires protégées, dont les principaux sont les
l’érosion des sols, la pollution des voies navi- suivants :
gables et la dégradation des écosystèmes fragiles • loi 53/2008 du 2 septembre 2008 portant créa-
(République du Rwanda, 2000). tion du Rwanda Development Board (RDB),
• loi organique 04/2005 du 8 avril 2005 portant
1.2 Législation et réglementation modalités de protéger, sauvegarder et promou-
voir l’environnement au Rwanda,
Le Rwanda est doté de nombreux textes de • loi organique 08/2005 du 14 juillet 2005
lois et règlements qui régissent la conservation portant régime foncier au Rwanda,

193
194
• loi 32/2003 du 6 septembre 2003 modi- parc national est confiée à un conservateur asser-
fiant et complétant le décret-loi du 26 avril menté assisté de gardes (art. 40 et 41).
1974 portant réglementation des parcs natio- Les dispositions relatives à la protection de la
naux, des domaines de chasse et des réserves faune et de la flore sont complétées dans la loi
spéciales (art. 31), organique 04/2005. L’introduction, l’importation
• ordonnance du 18 juin 1973 portant création ou l’exportation de tout animal ou plante sont
de l’Office Rwandais du Tourisme et des Parcs régies par les autorités compétentes en accord
Nationaux (ORTPN). avec les traités internationaux (art. 20). La
chasse, le braconnage, et la capture sont interdits
Le décret-loi du 26 avril 1974 définit les sauf autorisations spéciales et permis de chasse
dispositions relatives aux parcs nationaux et (art. 21, 22 et 24). La vente et l’échange d’ani-
aux domaines de chasse. Ainsi les parcs natio- maux sauvages exige une permission spéciale
naux sont définis comme des aires exclusive- des autorités compétentes (art. 23). La mise à feu
ment destinées à la propagation, à la protection des forêts, parcs nationaux et aires réservées est
et à la conservation de la biodiversité. Sur toute régie par les lois et interdite dans les montagnes,
l’étendue des parcs nationaux, la chasse, la marais, prairies et savanes (art. 38). L’État et la
pêche, et l’exploitation forestière et agricole population sont obligés de maintenir et de gérer
sont interdites (art. 30 et 31). Cette interdiction les parcs et les espaces verts (art. 46). L’État est
s’applique également pour la chasse et la pêche en charge de l’identification des zones réservées
sur une bande de terrain de 500 mètres de large pour la protection, la conservation et la réhabilita-
autour du périmètre des parcs nationaux (art. 35). tion notamment des forêts et des aires protégées.
La circulation est interdite sauf en vue d’activités Les services de l’État sont aussi chargés d’établir
touristiques ou de recherches disposant d’une la liste des espèces animales et végétales proté-
autorisation (art. 37). La surveillance de chaque gées (art. 52 et 54).

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et
16 juin 1969 1979
des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et des
Adoptée en 2003 2004
ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international
1er juillet 1975 Adhésion en 1981
des espèces menacées d’extinction (CITES)
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 Acceptée en 2000
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 2006
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 2005
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1996
Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
21 mars 1994 1995
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1998
Le pays a ratifié la majeure partie des conven- missions, la promotion et la commercialisa-
tions internationales relatives à la biodiversité tion touristique, la conservation des parcs et des
et aux aires protégées (tableau 1). Le Rwanda a autres zones réservées au tourisme et la supervi-
signé la Convention sur la Diversité Biologique sion et la promotion de l’hôtellerie. La structure
(CDB) au sommet de Rio. Cet acte est venu offrir en deux divisions, chargée respectivement de la
un cadre formel permettant de confirmer son promotion touristique et de la gestion des parcs
engagement dans la conservation de sa biodiver- nationaux a été conservée (loi 53/2008).
sité, actif depuis la création des parcs nationaux Tandis que le RDB est placé sous la tutelle
en 1934 (1925 pour la partie rwandaise du parc du Ministère du Commerce et de l’Industrie
national Albert). (MINICOM), vu l’importance économique du
secteur touristique et des aires protégées qui en
1.3 Contexte institutionnel constituent le socle, le Ministère des Ressources
Naturelles (MINIRENA) a la tutelle du Rwanda
L’Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Environment Management Authority (REMA,
Nationaux, placé sous la tutelle du Ministère en loi 04/2005). Le REMA est une institution non-
charge du tourisme a été crée par la loi du 18 juin sectorielle dont le mandat consiste à coordonner
1973. Son fonctionnement a été ensuite modifié et et à veiller à la mise en œuvre de la politique
complété par la loi 32/2003 du 6 septembre 2003. environnementale nationale et de la législation
L’ORTPN était alors chargé de promouvoir le y afférente.
tourisme, de conserver et protéger l’environne- Les organisations internationales de la conser-
ment dans les aires touristiques, et de proposer vation ont joué un rôle déterminant dans l’his-
le classement des biens présentant un intérêt toire de la conservation au Rwanda, surtout lors
historique, intellectuel, archéologique, culturel des périodes d’instabilité et de génocides. Leur
et touristique (art. 2). L’Office comprenait deux rôle a évidemment changé après la restauration
agences, l’Agence rwandaise du tourisme et d’un gouvernement central. Toutefois la quasi-
l’Agence rwandaise de la conservation qui assu- totalité de la recherche en écologie est toujours
raient entres autres la protection des ressources assurée par les partenaires internationaux. Il
naturelles et l’appui de la recherche scientifique s’agit notamment de l’IGCP (International
dans les aires touristiques. Gorilla Conservation Programme), du centre
En 2008, l’ORTPN a été intégré au sein de de recherche de Karisoke au parc national des
l’Agence de développement du Rwanda (Rwanda Volcans et de la Wildlife Conservation Society
Development Board), nouvellement créée pour (WCS) au parc national de Nyungwe. Le parc
stimuler le développement économique du pays, national de l’Akagera a connu quant à lui une
dont le tourisme – et les aires protégées – y assistance multiple ; depuis 2010, African Parks
jouent un rôle clé. Le RDB compte, parmi ses (AP) est en charge de sa gestion quotidienne.

195
196
1.4. Stratégies et programmes à l’attention des communautés riveraines. Au
relatifs aux aires protégées parc national de Nyungwe, le WCS assiste le
RDB depuis 25 ans à travers le programme de
La politique nationale de l’environnement conservation des forêts de Nyungwe.
approuvée en novembre 2003 a défini des stra- Le Rwanda est partie prenante de la Colla-
tégies prioritaires pour la diversité biologique boration transfrontalière du grand Virunga
telles que l’inventaire des espèces autochtones (GVTC), l’entité de coordination des efforts
endémiques, la conservation du patrimoine géné- de conservation dans le réseau des aires proté-
tique autochtone et la réglementation du trans- gées du centre du rift Albertin, qui a été mise en
fert de la biotechnologie. La Stratégie Nationale place par l’Institut Congolais pour la Conser-
et Plan d’Action pour la Biodiversité (SNPAB) a vation de la Nature (ICCN), le RDB, l’Uganda
été rédigée en 2003 (MINITERE, 2003). Wildlife Authority et leurs partenaires, notam-
Créé en 1979 sous le nom de Mountain ment l’IGCP, facilitateur de ce processus.
gorilla project, une initiative de protection Cette synergie a débutée par une collaboration
des gorilles de montagne, intervenant au début pour la protection des gorilles de montagnes
uniquement au Rwanda, a progressivement entre les personnels de surveillance des parcs
évolué pour devenir, en 1991, l’IGCP (Inter- de Mgahunga, Bwindi, Virunga et Volcans en
national Gorilla Conservation Programme). 1991. Plus tard, l’initiative a étendue son spectre
Ce programme est issu d’un partenariat entre d’intervention (tourisme, conservation commu-
trois ONG (organisation non gouvernementale) nautaire, recherche). Le GVTC est maintenant
de conservation : l’African Wildlife Foundation composé de huit secteurs protégés au Rwanda,
(AWF), Fauna & Flora International (FFI) en RDC et en Ouganda : le parc national des
et le World Wide Fund for nature (WWF). Ce Volcans au Rwanda, le parc national des Virunga
nouveau programme a étendu ses activités pour et la réserve naturelle de Sarambwe en RDC, et
couvrir toute l’aire de répartition du gorille de les parcs nationaux de Mgahinga, Bwindi Impe-
montagne, tant au Rwanda, qu’en Ouganda netrable, Queen Elizabeth, Rwenzori Moun-
et en République Démocratique du Congo tains, Semuliki et Kibale en Ouganda. Le GVTC
(RDC). L’IGCP finance, entre autres, en RDC, est guidé par un plan stratégique qui a pour but
du personnel de parcs capable de patrouiller et l’amélioration de la conservation des espèces,
d’assurer le suivi des gorilles. Ces activités ont des habitats et des services écologiques par une
ainsi pu être menées sans interruption malgré collaboration transfrontalière efficace. Le secré-
les conflits prolongés, liés notamment à l’afflux tariat exécutif siège à Kigali depuis 2008 pour
des réfugiés du Rwanda vers la RDC ainsi qu’à coordonner et assurer la communication entre
l’intense activité des rebelles et des militaires les différentes parties prenantes du réseau.
réguliers, en particulier en 1994. Un collaboration transfrontalière concernant
Le parc national des Volcans est appuyé le paysage écologique de Nyungwe – Kibira,
par le Mountain Gorilla Veterinary Program faisant partie de la région Sud du rift Albertin, a
(MGVP), et le centre de recherche de Kari- été adoptée et signée par les autorités de gestion
soke, qui est la plateforme pour l’étude et la des aires protégées de Nyungwe (Rwanda) et de
protection des gorilles de montagne. Ce centre Kibira (Burundi) en 2009.
mène plusieurs programmes de recherche et
de protection pour les gorilles de montagne et
pour d’autres espèces peuplant le parc, ainsi
que des programmes de santé et d’éducation
2. Le réseau des aires protégées 2.2 Le réseau actuel
des aires protégées
2.1 Historique
Le réseau des aires protégées du Rwanda est
Le parc national des Volcans, correspond à la composé de trois parcs nationaux qui couvrent
partie rwandaise du plus vieux parc national afri- une superficie de 235 400 ha, soit près de 9 % du
cain, le parc Albert, créé en 1925 pour protéger territoire national (tableau 2 et figure 1). La forêt
les gorilles de montagne. de Nyungwe est une ancienne réserve forestière
Le parc de l’Akagera fut créé une dizaine créée en 1933. Elle est devenue parc national
d’années plus tard alors que la forêt de Nyungwe, en 2005. Ce changement de statut a fortement
bénéficiant d’un statut de réserve depuis le début facilité les investissements pour son exploitation
du vingtième siècle, n’a bénéficié d’un statut touristique. Le parc national des Volcans était
équivalent aux deux autres aires protégées que bien plus étendu par le passé puisqu’à sa créa-
très récemment. tion, en 1925, il couvrait plus de 30 000 hectares.

Tableau 2 – Les aires protégées du Rwanda

Catégorie Superficie % du total des aires


Catégorie Nombre
UICN (ha) protégées (en superficie)
Parcs nationaux II 3 235 400 100
Total 3 235 400 100

Figure 1 – Les aires protégées


du Rwanda

)
" Capitale

! Chef-lieu de province ou de région

Cours d'eau
6
Eau libre
3
Paysage à haute valeur de conservation

2 Aire protégée

Parc national

1 Autre aire protégée

n° Nom
1 Mukura**
2 Gishwati**
4
5 3 Akagera
4 Nyungwe
5 Nyungwe (extension)
6 Volcans

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées.
** Les forêts de Gishwati et Mukura n’ont pas été comptabilisées dans le réseau actuel car elles sont largement envahies et que leur statut légal
n’a pu être confirmé.

197
198
Les ­défrichements liés à l’agriculture, notamment mais elles ont été dégradées petit à petit et large-
de pyrèthre, ont réduit de moitié sa surface initiale. ment envahies par les réfugiés qui sont rentrés dans
Le parc national de l’Akagera a connu le même le pays suite au génocide de 1994. La réserve de
sort après les événements de 1994 en cédant 2/3 Gishwati, la plus grande des deux, aurait occupé
de sa superficie pour la réinstallation des popula- environ 28 000 ha à l’origine mais la forêt, plus ou
tions rapatriées après le génocide. moins secondarisée, serait actuellement réduite
Les lions présents dans le parc ont été décimés à 1 440 ha. Celle de Mukura a chuté d’environ
à cette époque par les éleveurs qui avaient pénétré 3 000 ha à 1 988 ha. Ces deux reliquats, qui gardent
dans le parc, afin de protéger leur bétail. Au cours une importante valeur pour la conservation de la
du mois de juillet 2015, sept lions en provenance biodiversité du pays, feraient toutefois l’objet d’un
d’Afrique du Sud ont été réintroduits dans le parc projet de nouveau parc national.
afin de reconstituer toute la chaine écologique de Une réserve de la biosphère (réseau de réserves
la grande faune jusqu’aux prédateurs et afin d’en- affilié au programme L’Homme et la biosphère
richir le patrimoine naturel du pays. Le parc béné- de l’Unesco, l’organisation des Nations Unies
ficie de clôtures mais les félins seront tout de même pour l’éducation, la science et la culture), dési-
équipés de « colliers satellites » afin de réduire le gnée en 1983, couvre la quasi-totalité du parc
risque qu’ils n’entrent dans des zones habitées. national des Volcans. Cette zone est d’importance
Deux aires protégées n’ont pas été reprises dans pour la migration des oiseaux et la protection des
les statistiques du présent travail car leur statut légal gorilles. Sa superficie exacte n’est pas encore
et de conservation n’est pas confirmé. Il s’agit des bien identifiée. Enfin, si le pays est membre de
anciennes réserves forestières de Gishwati et de la COMIFAC (Commission des Forêts d’Afrique
Mukura. À elles deux, ces réserves occupaient à centrale), il n’est pas membre du Réseau des
l’origine plusieurs dizaines de milliers d’hectares Aires Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC).

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 0 0 0 0
Sites Ramsar 1 18 300 0 0
Réserves de la biosphère 1 10 000 10 000 6
Sites RAPAC 0 0 0 0

En dehors des trois parcs nationaux exis- sité faunistique dont quatre espèces de primates : le
tants, un projet de requalification de la réserve chimpanzé de l’Est (Pan troglodytes schweinfur-
forestière de Gishwati-Mukura au nord-ouest du thii), le singe doré, le singe bleu (Cercopithecus
pays est actuellement en cours pour créer ainsi le mitis) et le cercopithèque de l’Hoest. Durant ces
quatrième parc national (Karahunga, 2015). Les dernières décennies, la superficie de Gishwati-
forêts naturelles de Gishwati et de Mukura ont Mukura a été fortement réduite, due en grande
été classées en zone de conservation forestière partie aux réinstallations postérieures au génocide
en 1933 et sont connues pour leur grande diver- de 1994, qui ont entrainé l’extension d’activités
Le parc national de Nyungwe
P. Scholte (d’après MINITERE, 2003 et RDB, 2012a )

Le parc national de Nyungwe est constitué 15 endémiques). Le parc est enfin connu pour ses
d’une forêt ombrophile afro-montagnarde extrê- populations riches et abondantes de papillons,
mement riche, menacée et remarquable à l’échelle avec plus de 120 espèces identifiées, dont 21 endé-
mondiale. Dominant les rives du lac Kivu, au miques du rift Albertin.
sud-ouest du Rwanda, cette forêt, contigüe au Quatorze espèces de primates ont été obser-
parc national de Kibira au Burundi, est l’une des vées, soit 1/5 des espèces de primates d’Afrique.
forêts ombrophiles de montagne parmi les plus Parmi les plus menacées, on compte le singe à
étendues de toute l’Afrique. Elle s’étend sur une tête de hibou et le singe doré. Une population de
altitude allant de 1 600 à 2 950 mètres et héberge chimpanzés de l’Est et des groupes stables de 300
une mosaïque complexe de végétations : forêts de à 400 ­individus de colobe d’Angola (Colobus an-
montage, forêts de bambous, prairies, marécages golensis) sont couramment observés dans le parc
et tourbières, chacun renfermant une variété des et en font sa particularité écologique au niveau des
plantes et d’animaux rares et endémiques. singes arboricoles.
Plus de 1 200 espèces végétales ont été recen- Deux groupes de chimpanzés et un groupe de
sées parmi lesquelles pas moins de 50 espèces de colobes ont été habitués à la présence humaine et
fougères et 172 espèces d’orchidées (dont 16 des 19 font l’objet d’une fréquentation touristique en forte
espèces endémiques nationales sont à Nyungwe). augmentation. Une nouvelle attraction, un chemin
L’inventaire réalisé en 1999 a recensé 250 espèces dans la canopée (canopy walk), a été inaugurée en
ligneuses dont 10 arbres nouvellement décrits au 2010. Elle se présente sous forme d’un pont sus-
Rwanda. Au total, 39 espèces végétales menacées pendu au cœur de la canopée, perché à 50 mètres
d’extinction y ont été décrites. du sol. Cette attraction a rencontré un fort succès
Cette richesse floristique s’accompagne d’une auprès des touristes puisqu’elle est déjà à l’origine
diversité faunistique importante. Avec plus de du doublement du nombre de visiteurs.
280 espèces d’oiseaux, dont 26 endémiques au Le parc national de Nyungwe est enfin l’un
rift Albertin, le parc de Nyungwe se classe parmi des châteaux d’eau du Rwanda car il abrite près
les zones les plus importantes au monde pour la de 60 % des sources du pays dont la fameuse
conservation des oiseaux, dont notamment l’apa- source du Nil. Des efforts sont en cours pour la
lis de Moreau (Apalis argentea), la bouscarle de valorisation de l’importance nationale et inter-
Grauer (Bradypterus graueri) et le sénégali de nationale de ce parc à travers la mise en place
Shelley (Cryptospiza shelleyi). Nyungwe héberge d’un système de rémunération qui rétribuerait
aussi 43 espèces de reptiles (dont 10 endémiques les services écosystémiques qu’il rend aux terres
du rift Albertin) et 31 espèces d’amphibiens (dont agricoles en aval.

199
200
d’élevage et de petites exploitations agricoles. protection, tourisme, recherche et monitoring et
L’érosion des sols, les glissements de terrains conservation communautaire.
et les inondations en découlant ont eu plus tard L’organisation à but non lucratif African Parks
de fortes répercussions sur le milieu naturel. La a signé un accord de coopération avec le RDB fin
réserve couvrait à l’origine 250 000 ha, avant 2009 pour la gestion du parc national de l’Aka-
d’être réduite à 28 000 ha dans les années 1980. gera. Ce partenariat public-privé a été concrétisé en
La création de ce nouveau parc s’intègre dans 2010 par la création de la compagnie de gestion de
l’effort national d’augmentation de la couverture l’Akagera (AMC). Son conseil d’administration se
forestière à 30 % de la superficie du pays. compose de membres du RDB et d’African Parks,
Selon le projet de loi en cours, le parc national qui gèrent conjointement le parc national. African
Gishwati-Mukura couvrira une superficie totale Parks détient 51 % du capital et est en charge de
de 3 428 hectares (forêt de Gishwati 1 440 ha et la gestion du parc, tandis que le RDB, avec 49 %
forêt de Mukura 1 988 ha). Le gouvernement a du capital, conserve tous les droits statutaires de
aussi prévu la mise en place d’une zone tampon de propriété. L’objectif est d’investir largement dans
99 248 ha pour prévenir les incursions humaines. la réhabilitation du parc en mobilisant des bail-
leurs de fonds pour permettre à plus long terme
3. Organisation de la gestion la pérennité et l’indépendance financière du parc.
des aires protégées La mise en place d’une nouvelle force de
lutte anti-braconnage a fait chuter le braconnage
3.1 Gouvernance et systèmes de dans le parc : de 190 arrestations avant 2010,
gestion des aires protégées seulement deux par an sont réalisées à présent.
Les populations animales ont ainsi augmenté et
Les parcs nationaux du Rwanda sont tous de nouvelles infrastructures ont été construites
sous gestion gouvernementale, sous responsabi- comme la Ruzizi Tented Lodge, un nouveau
lité du RDB (tableau 4). Chaque parc est dirigé centre d’accueil et une clôture électrique pour
par un conservateur assisté de quatre adjoints limiter les ravages causés aux cultures par la
ayant chacun un domaine d’intervention établi : faune sauvage (African Parks, 2015).

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées du Rwanda

Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
Gouvernementale RDB 2 126 900
Privée - - -
Communautaire - - -
Partagée** RDB/African Parks 1 108 500
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles

Les plans d’aménagement des parcs nationaux et conservation du RDB avec l’assistance de
des Volcans et de Nyungwe (tableau 5) ont été FEM (Fond pour l’Environnement Mondial),
récemment révisés par le département Tourisme mais n’étaient pas encore validés en mai 2015.
Le plan de zonage des parcs nationaux Un zonage est mis en place à l’intérieur des
prévoit, à l’extérieur des limites administra- limites, délimitant plusieurs types de zones aux
tives, une zone tampon d’1 km de large et une objectifs bien définis. La zone écologique sensible
zone de développement économique. La zone ou de haute protection a pour but la protection
tampon a pour but de minimiser les impacts des écosystèmes. L’accès aux touristes est auto-
sur le parc, et le développement de nouvelles risé sur les parcours identifiés et les activités de
infrastructures y est soumis à restrictions. La recherches sont limitées ou parfois totalement
zone de développement économique a pour interdites. Les zones à impact humain allient
objectif la promotion de pratiques durables et la protection, le tourisme et la recherche. Des
le développement d’alternatives à l’exploitation infrastructures d’accueil peuvent être construites
des ressources naturelles. dans les zones administratives.

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours de Réalisé Evalué et
Aucun
préparation (date) révisé (date)
2 (2006/2010)
Parcs nationaux 0 0 2 (2012/2021)
1 (2005/2009)

3.2 Les moyens disponibles protégées du pays n’a pas pu être évaluée
(tableau 6). Seul, le site web d’African Parks
3.2.1 Les ressources humaines relatif au parc de l’Akagera présente sept cadres
et matérielles mais ne précise pas le nombre de gardes ou
d’autres agents impliqués dans la gestion du parc
Hormis quelques informations parcellaires, (African Parks, 2015).
l’évolution du personnel présent dans les aires

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - - - - - - - -
Cadres moyens - - - - - - - - - -
Gardes et écogardes - - - - - - - - - -
Total - - - - - - - - - -
- : données non disponibles

201
202
3.2.2 Financements gées du pays reçoivent des appuis techniques
ou financiers de partenaires. Le tableau suivant
Il existe deux types de financements pour la indique les catégories d’acteurs, les sources de
réalisation des activités des aires protégées du financements et la nature des activités menées
Rwanda : le budget alloué par l’État et les contri- dans les aires protégées du Rwanda (tableau 7).
butions des partenaires. Toutes les aires proté-

Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées du Rwanda

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
État - - - - - -
- GIZ - Akagera 2002 -
- WWF - Akagera 2002 -
Coopération
- - Akagera 2002 -
Belge
African Parks Akagera 2010
Volcans
- USAID - 2002 -
et Nyungwe
Partenaires Coopération
- - Nyungwe 2002 -
suisse
Banque
- - Nyungwe 2002 -
Mondiale
- ZLS - Nyungwe 2002 -
AWF/WWF/
- - Volcans 2002 -
FFI
- UICN/WWF - Nyungwe 2002 -
- : absence de données
* : Rwanyiziri, 2002.
4. Enjeux socio-économiques initiatives socio-économiques ou de conserva-
autour des aires protégées tion pour les communautés riveraines du parc. En
2010, la location de l’écolodge avait déjà généré
4.1 Tourisme plus de 500 000 $US pour Sacola et ses projets
communautaires (RDB, 2012b).
L’industrie du tourisme au Rwanda a été identi- Dans le parc national de Nyungwe, les site d’ha-
fiée comme l’un des principaux secteurs de déve- bituation des chimpanzés et des colobes permettent
loppement économique, pilier de la vision 2020, une activité d’observation des primates différente
permettant l’émergence du Rwanda (République de celle du tourisme de vision des gorilles mais la
du Rwanda, 2000). Le tourisme est essentielle- nouvelle attraction – un chemin suspendu dans la
ment basé sur le safari de vision, avec l’observa- canopée – a vraiment permis de lancer le tourisme
tion des grands mammifères et des paysages. En dans cette zone en doublant le nombre de visiteurs
2010, 45 000 visiteurs ont été enregistrés dans les depuis son lancement en 2010.
parcs nationaux. La moitié d’entre eux sont allés Des directives pour le partage des revenus
observer les gorilles de montagnes dans le parc touristiques ont été mises en place en septembre
national des Volcans, générant plus de 8 millions 2005. Les directives prévoient que 5 % du total
de dollars de revenus directs pour le parc, avec des annuel des revenus touristiques soit redistribués
retombées largement supérieures en prenant en aux parcs nationaux, 40 % au parc national des
compte l’ensemble du séjour (RDB, 2012b). Les Volcans et 30 % pour chacun des deux autres
frais de vision sont actuellement de 750 $US par parcs, Nyungwe et Akagera (RDB, 2012b). Ces
touriste étranger, de 350 $US par touriste résident fonds permettent de soutenir trois types d’actions :
et de 44 $US pour les touristes nationaux ou de la • conservation : réduction des activités illégales
Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). et augmentation des responsabilités pour une
Le parc national de l’Akagera dispose d’un conservation durable,
circuit touristique pédestre et motorisé et devrait • amélioration des conditions de vie : réduction
développer un circuit d’observation en canoë de la pauvreté, compensations financières pour
sur la rivière Akagera. Depuis la mise en place les dégâts sur les cultures, promotion d’alter-
du partenariat avec African Parks, les revenus natives à l’exploitation des ressources du parc,
touristiques ont fortement augmentés, en passant • relations entre le parc et les communautés
de 200 000 $US en 2010 à 800 000 $US en 2013, locales : mise en place de partenariats, réduc-
et devraient encore augmenter selon les dernières tion des conflits hommes-faune, renforcement
prévisions. Contrairement à la plupart des autres des capacités humaines et augmentation de la
parcs nationaux, la moitié des touristes venant à participation des communautés.
l’Akagera sont des rwandais. Dans le parc national de l’Akagera, selon
Plusieurs projets de développement touris- les dispositions de gestion, les communautés
tique, impliquant les communautés locales, ont riveraines reçoivent 30 % des revenus du parc.
été initiés depuis quelques années autour du parc La direction du parc reçoit également des
national des Volcans. Un des meilleurs exemples demandes de financement pour des projets des
de réussite est la mise en place en 2004 de l’éco- districts riverains. Le parc subventionne ainsi
lodge communautaire Sabyinyo, exploité par le des projets d’associations locales et de petites
groupe kenyan Governors camp, propriété de entreprises comme la construction d’infrastruc-
l’association SACOLA (Sabyinyo community tures sociales (écoles, dispensaires). Les projets
livelihoods association). Les revenus issus de communautaires soutenus consistent à l’heure
la location de l’écolodge servent à financer des actuelle en la construction d’une usine de trai-

203
204
tement de manioc, la construction de centres de aval. Leur présence favorise la conservation des
santé et d’un centre culturel pour les femmes. Le sols et la lutte contre l’érosion ainsi que la régu-
parc a aussi lancé début 2014 une association de lation du climat local.
guides indépendants en formant 15 membres de
la communauté villageoise à la fonction de guide 5. Bilan général de la gestion
touristique du parc, fournissant ainsi une oppor- des aires protégées du pays
tunité aux communautés locales de bénéficier
directement des retombées touristiques du parc Avec une densité moyenne de plus de
(African Parks, 2015). 400 habitants au km², les zones rurales autour
La valorisation des aires protégées à travers des aires protégées du Rwanda présentent des
une offre touristique durable, diversifiée et bien densités de population parmi les plus hautes
ciblée dépendra toutefois de la collaboration d’Afrique. L’activité économique principale
entre les différentes parties prenantes engagées, dans ces zones est l’agriculture de subsis-
en particulier entre le RDB et le secteur privé. tance qui fournit jusqu’à 90 % des revenus des
ménages. Ces revenus restent malgré tout très
4.2 Valorisation durable faibles étant donné les mauvais rendements
de la biodiversité agricoles, la diminution des superficies exploi-
tables par personne (entre 0,25 et 0,8 ha/pers.)
Selon le décret-loi du 26 avril 1974, sur toute et la destruction des cultures par les animaux
l’étendue des parcs nationaux, la chasse, la pêche, sauvages (RDB, 2002b). Dans ce contexte il est
et l’exploitation forestière et agricole sont inter- nécessaire de promouvoir l’amélioration des
dites (art. 30 et 31). Cette interdiction s’applique conditions de vies, l’exploitation durable des
également pour la chasse et la pêche sur une ressources naturelles et le partage des retom-
bande de terrain de 500 mètres de large autour du bées financières pour les communautés rurales,
périmètre des parcs nationaux (art. 35). La circu- afin de réduire la pression sur les ressources
lation est même interdite sauf en vue d’activités naturelles des aires protégées.
touristiques ou de recherches disposant d’une
autorisation (art. 37). On peut noter que la collecte Cependant, les activités de gestion et de
de produits forestiers non ligneux ne semble pas protections des aires protégées portent toutefois
mentionnée explicitement dans ces textes mais leurs fruits. En 2010, un inventaire de la popula-
que l’interdiction de collecte découle de fait de tion des gorilles de montagne sur l’ensemble du
l’interdiction d’accès. Les droits d’usage des massif du Virunga a montré un effectif de 480
communautés riveraines ne semblent donc pas individus. Ce chiffre représente une augmenta-
pris en compte et ne peuvent être envisagés alors tion de 26,3 % depuis 2003, soit une augmentation
que l’exploitation des ressources naturelles joue annuelle de 3,7 %. Ces résultats montrent que,
un rôle important dans la vie socio-économique malgré ces défis socio-économiques majeurs,
des populations rurales. les aires protégées au Rwanda sont parmi les
mieux sécurisées d’Afrique centrale. Les efforts
4.3 Autres de valorisation économique des aires protégées,
la stabilité gouvernementale et une vision élargie
Le parc national de Nyungwe est l’un des de la conservation par l’État et ses partenaires de
châteaux d’eau du Rwanda. Ces forêts protègent la conservation, ont placé les aires protégées du
ainsi les têtes de sources de nombreuses rivières, Rwanda au cœur de la croissance économique
permettant l’alimentation en eau des terres en remarquable de ce pays.
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205
206
Sigles et abréviations
AMC : Akagera Management Company tallation et de la protection de l’Environnement
AP : African Parks ONG : Organisation Non Gouvernementale
AWF : African Wildlife Foundation ORTPN : (ex.) Office Rwandais du Tourisme et de
CDB : Convention sur la Diversité Biologique Parcs Nationaux
CITES : Convention sur le Commerce international des RAPAC : Réseaux des Aires Protégées d’Afrique
espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinc- Centrale
tion RDB : Rwanda Development Board (intégrant ex-
COMIFAC : Commission des Forêts d’Afrique Cen- ORTPN)
trale RDC : République Démocratique du Congo
EAC : East African Community REMA : Rwanda Environmental Management Autho-
FEM : Fond pour l’Environnement Mondial rity
FFBC : Fond Forestier du Bassin du Congo SACOLA : Sabyinyo Community Livelihoods Asso-
FFI : Fauna & Flora International ciation
GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusamme- SNPAB : Stratégie Nationale et Plan d’Action pour
narbeit (coopération technique allemande) la Biodiversité
GVTC : Greater Virunga Transboundary Collabora- UICN : Union Internationale pour la Conservation de
tion la Nature
ICCN : Institut Congolais pour la Conservation de la UNCC : Convention cadre des Nations unies sur les
Nature Changements Climatiques
IGCP : International Gorilla Conservation Pro- UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
gramme l’Education, la Science et la Culture
MGVP : Mountain Gorilla Veterinary Program USAID : United States Agency for International De-
MINICOM : Ministère du Commerce et de l’industrie velopment

MINIRENA : Ministère des Ressources Naturelles WCS : Wildlife Conservation Society


(ex MINITERE) WWF : World Wild Fund
MINITERE : (ex.) Ministère des Terres, de la Réins- ZLS : Zoological Society of London

207
208
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Rwanda

Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

Décret-loi du 26 novembre 1934 et loi 33/2010


1 PN de l'Akagera 1934 108 500
du 24 septembre 2010

2 PN de Nyungwe 1933 Loi 22/2005 du 21 novembre 2005 110 900

Décret royal du 21 avril 1925, sous


3 PN des Volcans 1925 l'appellation de parc national Albert et décret- 16 000
loi du 26 novembre 1934

Total 235 400

Notes : PN : parc national ; Plan d’amgt : plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ;
RB : site faisant partie du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
- : données non disponibles
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif Principaux Catégorie Plan d'amgt


RAPAC PM RB SR
personnel partenaires UICN (année)
RDB, GIZ, WWF,
- coopération belge et II 2006-2010
African Parks depuis 2010
RDB, WWF, ZLS,
- WCS, Banque mondiale, II 2012-2021
coopération suisse, USAID

RDB, IGCP (WWF, FFI,


- II 2012-2021 1
AWF), USAID, FFBC

- 3 0 0 1 0

209
RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE
DE SAO TOMÉ-
ET-PRINCIPE
Meyer ANTONIO
212
Sao Tomé-et-Principe est constitué de deux îles d’origine volcanique situées dans
le golfe de Guinée, à environ 300 km du continent. L’isolement de ces îles a permis
la différenciation de nombreuses espèces de flore et de faune, favorisant un taux
élevé d’endémisme, et donc une biodiversité très originale.
L’archipel, qui a toujours fait l’objet d’expé- aux espèces endémiques, qui préfèrent générale-
ditions de conservation, a vu l’intérêt pour sa ment les habitats non perturbés (De Lima et al.,
biodiversité augmenter à partir des années 1990, 2013). Ainsi, le défrichage des nouvelles conces-
avec le démarrage des actions du programme sions agricoles des entreprises SATOCAO et
ECOFAC de conservation des écosystèmes fores- AGRIPALMA, à Sao Tomé, ont permis l’ouver-
tiers d’Afrique centrale. L’intérêt pour la biodi- ture de routes qui conduisent progressivement à
versité des îles n’attire pas que l’attention des l’invasion du PNOST.
scientifiques : les populations locales dépendent
fortement des ressources naturelles, notamment 1. Contexte des aires protégées
celles des forêts, mais leurs modalités d’accès
aux ressources forestières ne correspondent pas 1.1 Contexte politique
toujours aux principes de gestion durable. C’est
pourquoi l’État santoméen a mis en place diverses Sur le plan politique, les actions pour la conser-
actions pour l’utilisation durable des ressources vation de la diversité biologique varient d’une île
naturelles, la conservation de la faune et de la à l’autre. À Sao Tomé, il n’y a pas de réel enga-
flore sauvages, et de la diversité biologique en gement des politiciens pour la conservation de la
général, en créant notamment un réseau d’aires biodiversité. Malgré les nombreux discours faisant
protégées qui faisait défaut à cette époque. référence à la gestion durable des ressources natu-
Les aires protégées constituent un outil clé relles, dans la pratique, l’allocation budgétaire de
pour la conservation in situ de la diversité biolo- l’État destinée à la gestion des aires protégées et
gique, pour la sauvegarde des ressources géné- aux actions de conservation de la diversité biolo-
tiques et pour la protection des écosystèmes qui gique reste très faible. À Principe, le Gouverne-
les constituent. Elles permettent aussi la four- ment Régional est plus engagé dans la conservation
niture des divers biens et services aux commu- des patrimoines naturels, particulièrement depuis
nautés qui y vivent ou qui en sont riveraines. Le la proclamation de l’île comme réserve de la
pays a ainsi mis en place deux aires protégées biosphère de l’Unesco le 11 juillet 2012. Ainsi la
sur chacune des deux îles principales : le Parc Région Autonome de Principe a élaboré un plan de
Naturel Obô de Sao Tomé (PNOST) et le Parc développement durable basé sur la conservation de
Naturel Obô de Principe (PNP). la nature et des ressources naturelles en 2012. Elle
Cependant, l’accroissement de la popula- vient aussi de publier, au premier trimestre 2015,
tion des îles menace l’intégrité des deux sites. un arrêté interdisant l’exportation des produits de
Estimée à 150 000 habitants en 2006, à la créa- l’exploitation forestière.
tion des parcs, la population se montait déjà en Sao Tomé-et-Principe a rédigé en 2004 sa
2012, lors du dernier recensement national, à première Stratégie Nationale et Plan d’Action
179 200 habitants (INE, 2012). Cette augmenta- sur la Biodiversité (SNPAB) suite à la ratifica-
tion de la population s’accompagne de diverses tion, en 1998, de la Convention sur la Diver-
menaces telles que l’exploitation incontrôlée des sité Biologique (CDB). Ce cadre de protection
ressources naturelles, la prolifération d’espèces de la biodiversité nationale, marine, côtière et
exotiques et la diminution des habitats favorables terrestre, est en cours de révision pour l’élabora-
Pays Sao Tomé-et-Principe
Superficie 1 001 km2
Variation d’altitude 0 - 2024 m
Population 179 200 habitants (INE, 2012)
Densité moyenne d’habitants 179 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale 67/33
Villes principales Sao Tomé, Trindade, Santo Antonio
PIB/habitant 2 837 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,558 ; 142/187 pays (PNUD, 2014)
Principales activités économiques Commerce, agriculture, construction
Superficie de végétation naturelle
Données non disponibles
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
284,18 km2 (R-PP, 2014)
ou peu anthropisées
895 espèces, 134 endémiques (Vas & Oliveira, 2007),
Phanérogames
38 espèces en danger de disparition (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
28 espèces, 11 endémiques (adapté du SNPAB, 2015),
Mammifères
5 espèces en danger de disparition (UICN, 2014)
95 espèces, 28 endémiques (Leventis & Olmos, 2009),
Oiseaux
13 espèces en danger de disparition (UICN, 2014)
16 espèces, 7 endémiques (adapté du SNPAB, 2015),
Reptiles
5 espèces en danger de disparition (UICN, 2014)
9 espèces, 9 endémiques (adapté du SNPAB, 2015),
Amphibiens
3 espèces en danger de disparition (UICN, 2014)
Poissons Données non disponibles
Autres groupes animaux Données non disponibles

tion de la deuxième SNPAB. Le pays a également cipe a aussi réalisé un inventaire des pesticides
produit, en 2004, son premier Inventaire sur les et autres produits chimiques d’usage industriel et
gaz à effet de serre, ainsi qu’en 2005 et 2009, la le R-PP (Plan de Préparation pour la REDD+).
première et la deuxième Communication natio- Cette initiative, appuyée politiquement par tous
nale sur les changements climatiques, afin de les organismes étatiques du pays, vise à établir
se mettre en cohérence avec la ratification de la un cadre institutionnel approprié et opérationnel
convention sur les changements climatiques. Le pour la réduction des effets de la déforestation et
deuxième inventaire sur les gaz à effet de serre de la dégradation des forêts, et donc aussi pour la
est prévu pour 2015. En 2014, Sao Tomé-et-Prin- conservation des aires protégées.

213
214
1.2 Législation et réglementation • Loi 09/2001 du 31 décembre 2001 (Loi sur la
pêche et les ressources halieutiques), portant
Dans la législation nationale de Sao Tomé-et- sur les principes généraux de la politique de
Principe les aspects relatifs à la gestion des aires conservation, d’exploitation et la gestion des
protégées sont traités dans la loi 11/1999 du 31 ressources de la pêche et du milieu aquatique
décembre 1999, intitulée « Loi de la conservation sous la souveraineté de Sao Tomé-et-Principe,
de la faune, de la flore et des aires protégées ». ainsi que les détails de la surveillance et de
Cette loi vise la conservation des écosystèmes, de l’accès à ces ressources ;
la faune et de la flore, afin de préserver la diversité • Décret 37/1999 du 30 novembre 1999 (Règle-
biologique en tant que patrimoine national et de ment sur le processus d’évaluation d’impact
l’humanité. Elle procure aussi un cadre légal à la environnemental), où sont établies les procé-
promotion de l’usage social et économiquement dures pour la cohérence entre le développe-
durable de la biodiversité en établissant des listes ment économique, social et la bonne gestion
d’espèces à conserver et en classant des zones du des ressources naturelles ;
territoire national destinées à la conservation. • Loi 10/1999 du 31 décembre 1999 (Loi de base
Le statut juridique et le fonctionnement du sur l’environnement), où est définie la politique
réseau des aires protégées de Sao Tomé-et-Prin- environnementale pour un développement
cipe est décrit dans les lois 6/2006 et 7/2006, durable du pays et qui établit les principes qui
portant respectivement création du parc naturel la guident dans le cadre de la constitution et de
Obô de Sao Tomé et du parc naturel Obô de la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environ-
Principe. D’autres textes législatifs abordent la nement et le développement durable.
conservation de la biodiversité de manière plus Une analyse du contexte législatif, réalisée
fondamentale : par Yadji Bello & Oko en 2014, met en évidence
• Décret-loi 06/2014 du 25 février 2014, régle- un certain nombre d’éléments que nous repre-
mentant la capture et la commercialisation nons dans les lignes suivantes. La procédure
des tortues marines et de leurs dérivés dans le menée pour la création des deux parcs naturels
pays ; de Sao Tomé-et-Principe a tenu compte de la
• Loi 05/2001 du 31 décembre 2001 (Loi sur les nécessité de la protection de la biodiversité et
forêts), portant sur la création de la Direction de promotion des valeurs naturelles, culturelles
des Forêts, le corps des gardes forestiers, elle et paysagères du pays, en particulier dans les
établit les directives pour la surveillance des domaines prioritaires pour la conservation de
forêts, l’exploitation, l’utilisation et la conser- la nature. La loi prévoit que ces parcs puissent
vation des ressources forestières ; bénéficier d’un zonage interne permettant de
moduler les actions de conservation et d’utilisa- sion des infractions se limite à la confiscation
tion des ressources ainsi que d’une zone tampon des véhicules et du matériel de prélèvement,
à l’extérieur des limites de l’aire protégée. Les qui sont ensuite vendus aux enchères publiques
aires protégées doivent disposer d’un plan pour alimenter le Fonds Forestier. Les lois sur
d’aménagement et d’un plan de gestion qui la forêt (05/2001) et sur les parcs naturels (6 et
incluent les conditions de partage des revenus 7/2006) devraient être complétées par des textes
de l’aire protégée. réglementaires afin d’être plus efficaces et en
Hormis le décret 06/2014 concernant les cohérence avec celle sur la flore, faune et aires
tortues marines, il n’existe pas de législation protégées de 1999.
spécifique sur l’exploitation et la commercialisa- Le pays a ratifié la majeure partie des conven-
tion de la faune. Cette exploitation est donc prati- tions internationales relatives à la biodiversité et
quée pour la subsistance de manière libre dans et aux aires protégées (tableau 1). Plusieurs poli-
autour des aires protégées. Le pays fait pourtant tiques et rapports nationaux ont été produits mais
face à un abattage illégal d’arbre et à des captures peu de dispositions ont été prises en vue d’inter-
illicites d’espèces animales protégées. La répres- naliser ces arrangements internationaux.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et
16 juin 1969 Signée en 2010
des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et
Adoptée en 2003 Signée en 2010
des ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées Adhésion
1er juillet 1975
d’extinction (CITES) en 2001
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1977

Convention de Ramsar 21 décembre 1975 2004

Adhésion
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983
en 2001
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1998

Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements


21 mars 1994 1998
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1998

1.3 Contexte institutionnel ment Rural. La Direction de la Conservation de la


Nature, Assainissement et Qualité de l’Environ-
Les activités liées à la gestion des aires proté- nement et la Direction des Forêts sont les deux
gées sont coordonnées au niveau national par le principaux acteurs techniques. Le Secrétariat
Ministère des Travaux Publics, Infrastructures, à l’environnement du Gouvernement régional
Ressources Naturelles et Environnement et le prend en charge cette responsabilité au niveau de
Ministère de l’Agriculture, Pêche et Développe- la Région Autonome de l’île de Principe.

215
216
Plusieurs partenaires participent de près ou de stratégique, ni programme spécifique aux aires
loin à la protection, à la conservation et aux acti- protégées n’a été mis en place.
vités de gestion dans les aires protégées de Sao On peut toutefois relever que le Plan et
Tomé-et-Principe et peuvent être classés à deux l’Agenda du développement durable de l’île de
niveaux : Principe établit des bases pour la gestion des aires
• national : les ONG Mer, Environnement et protégées de cette région. Dans cet agenda est
Pêche Artisanale (MARAPA), Association proposé la création de la réserve naturelle des îles
Régionale pour la Protection Socio-Environne- Tinhosas et d’autres aires d’intérêt en dehors du
mentale (ARPA), Association des Biologistes parc naturel, ainsi que des outils pour la gestion du
Sao-toméens (ABS), Monte Pico, ALISEI et PNP. La Stratégie nationale et plan d’action pour
Club des Nations pour la Protection de l’Envi- la biodiversité II (SNPAB II), en cours d’élabora-
ronnement et l’Education (NAPAD) ; tion, devrait comprendre quelques activités pour la
• international : l’Union Européenne (ECOFAC V, conservation des aires protégées, dont la sensibi-
Programme Régional pour la Conservation des lisation des populations riveraines, la surveillance
Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale), le et le financement des aires protégés.
Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale Dès la création des parcs naturels, plusieurs
(RAPAC), le Programme des Nations Unies projets ont été mis en place pour assurer la
pour le Développement (PNUD), la Société gestion et la protection de ces aires protégées,
Portugaise d’Étude des Oiseaux (SPEA), dont entres autres, le projet « Approche écosys-
BirdLife International, le Jardin Botanique du témique intégré pour la gestion et la conserva-
Missouri (MBG), la Fondation pour la Science tion de la biodiversité dans les zones tampon des
et la Technologie du Portugal, l’Université Libre parcs naturels Obô de Sao Tomé-et-Principe »,
de Bruxelles (ULB), l’Université de Coimbra, financé par le Fonds International pour le Déve-
le Musée d’histoire naturelle de Lisbonne loppement Agricole (FIDA) et le Fonds pour
(LISU) ainsi que l’Académie des sciences de l’Environnement Mondial (FEM).
Californie (CAS).
Toutefois, malgré l’existence de toutes ces 2. Le réseau des aires protégées
organisations autour des aires protégées, la
majeure partie des activités de gestion manque 2.1 Historique
de concertation entre ces différents acteurs. Les
instances gouvernementales sont donc en train Lors la découverte de Sao Tomé-et-Principe
de réfléchir à une nouvelle forme de gestion qui en 1470, les portugais ont décrit les îles comme
s’adapterait mieux aux réalités de terrain. d’exubérantes et luxuriantes forêts tropicales.
Mais durant la colonisation, les forêts ont peu à
1.4 Stratégies et programmes peu été remplacées par des zones de défriche agri-
relatifs aux aires protégées cole, modifiant considérablement les écosystèmes
des îles. En 1989, les données du premier Inven-
Sao Tomé-et-Principe a adopté en 1998 un taire Forestier National indiquaient que moins de
Plan national sur l’environnement pour le déve- 30 % de la superficie des îles comprenaient encore
loppement durable (PNADD) à l’horizon 1998- des vestiges de forêt naturelle, situées autour des
2008, qui a lancé le développement de diverses chaines montagneuses caractérisant l’archipel. En
politiques environnementales nationales. Malgré 1993, le pays entreprend des efforts de conserva-
l’existence d’un Plan d’action pour l’application tion avec la création d’une « zone écologique » pour
du programme de travail de la CDB, aucun plan la protection de ces écosystèmes montagnards. En
Figure 1 – Les aires protégées
de Sao Tomé-et-Principe

)
" Capitale

2 ! Chef-lieu de province ou de région

Cours d'eau

Eau libre

Paysage à haute valeur de conservation

Aire protégée

Parc national

Autre aire protégée

n° Nom
1
1 Obô de Sao Tomé
2 Obô de Príncipe

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées


du fait du manque de données géolocalisées

2006, cette zone écologique sera remplacée par les (PNP). Les deux parcs couvrent une superficie
deux parcs naturels actuels. de 29 500 ha, soit 30 % du territoire national
(tableau 2 et figure 1). Un projet de réserve natu-
2.2 Le réseau actuel relle des îles de Tinhosas (23 ha) devrait intégrer
des aires protégées le parc naturel Obô de Principe. En sus de ces
aires protégées principales, le pays dispose d’un
Le réseau des aires protégées de Sao Tomé- jardin botanique d’environ 1 ha, qui permet de
et-Principe est composé de deux parcs naturels, protéger et reproduire certaines espèces végé-
l’un à Sao Tomé (PNOST) et l’autre à Principe tales, en particulier des orchidées.

Tableau 2 – Les aires protégées de Sao Tomé-et-Principe

Catégorie Superficie % du total des aires


Catégorie Nombre
UICN (ha) protégées (en superficie)
Parcs naturels II, VI * 2 29 500 100,0
Total 2 29 500 100,0
* Ces aires protégées ne sont pas classées officiellement par le pays dans la catégorie II de l’UICN du fait d’un zonage impliquant plus statuts de
gestions relatifs aux usages autorisés.

Afin d’assurer la conservation de tous les écosys- autour des pics de Sao Tomé et de Principe (des
tèmes du pays, les parcs englobent les plus impor- forêts de basse altitude plus ou moins dégradées
tants habitats du pays, à savoir les forêts naturelles aux écosystèmes montagnards bien préservés), les

217
218
mangroves, les plages, ainsi que l’unique savane de la réserve naturelle des îles de Tinhosas (23ha)
du pays située au Nord de l’île de Sao Tomé. Ces est déjà inscrit depuis 2006 au titre de la conven-
parcs renferment également la plupart des sources tion Ramsar et dans les sites pilotes du RAPAC.
d’eau du pays et constituent le plus grand réservoir Le pays renferme aussi cinq aires importantes
génétique pour la faune et la flore. pour les oiseaux et la biodiversité (IBA). Il s’agit
Le réseau des aires protégées ne compte aucun des îlots Tinhosas (ST005), des forêts de Principe
site du patrimoine mondial mais une réserve de la (ST004) et, à Sao Tomé, des forêts de basse alti-
biosphère qui comprend le parc naturel Obo de tude (ST001), des forêts de nuage et de montagne
Principe (tableau 3). Le site du projet de création (ST002) et des savanes du Nord (ST003).

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 0 0 0 0
Sites Ramsar 1 18 300 0 0
Réserves de la biosphère 1 71 593 * 10 000 6
Sites RAPAC 0 0 0 0
* La réserve de la biosphère inclut une zone centrale de 17 242 ha (marine 11 198 ha et terrestre 6 043 ha), une zone tampon de 11 770 ha (marine
10 323 ha et terrestre 1 447 ha) et une zone de transition de 42 580 ha (marine 36 082 ha et terrestre 6 499 ha).

3. Organisation de la gestion Forêts, sous tutelle du Ministère de l’Agriculture


des aires protégées et de Développement Rural.
Les deux parcs naturels disposent d’un plan
3.1 Gouvernance et systèmes de d’aménagement et d’un plan de gestion. Les plans
gestion des aires protégées d’aménagement rédigés en 2009 sont obsolètes et
ils sont actuellement en cours de révision. La zone
La gestion des deux parcs naturels est assurée de conservation des parcs naturels est divisée en
sur le terrain par une structure de gestion consti- deux zones contigües : La « zone de préserva-
tuée d’un directeur et du personnel de diffé- tion intégrale », constituée par une zone centrale,
rentes catégories. Le PNOST est sous la tutelle primitive ou intangible, et la « zone d’exploitation
du Ministère de l’Agriculture et Développement contrôlée » qui permet un usage modéré et auto-
Rural, tandis que le PNP est sous la tutelle du soutenable de la faune et de la flore ; elle peut
Gouvernement Régional de Principe (tableau 4). accueillir des activités d’écotourisme et de déve-
Les activités législatives et de définition des loppement économique non-agricole. Une « zone
stratégies ou plans inhérents aux aires proté- tampon » est aussi établie, en dehors des limites
gées sont assurées par la Direction Générale de des parcs, sur une bande comprise entre 250
l’Environnement, sous tutelle du Ministère des mètres et 10 kilomètres de largeur. Les limites de
Infrastructures, Ressources Naturelles et de l’En- cette zone tampon ont été actualisées et sont main-
vironnement. Les activités de surveillance sont tenant disponibles sur fichier SIG grâce à l’appui
assurées avec la collaboration de la Direction des du projet « Approche écosystémique intégré pour
Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées de Sao Tomé-et-Principe

Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
Ministère de l'Agriculture et du
Développement Durable (PNOST)
Gouvernementale 2 29 500 ha
et Gouvernement Régional de
Principe (PNP)
Privée - - -
Communautaire - - -
Partagée** - - -
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles

la gestion et la conservation de la biodiversité tions pour inscrire cette réserve spéciale comme
dans les zones tampon des Parcs naturels Obô de le deuxième site Ramsar du pays.. Le jardin bota-
S. Tomé et Príncipe ». nique de Bom Successo possède aussi son plan
Le tableau 5 résume l’état d’avancement de d’aménagement dont la première version a été
l’aménagement des aires protégées. Les plans préparée en 2009 et vient d’être révisée en 2015.
d’aménagement des deux parcs naturels ont Il faut souligner la gestion communautaire des
été révisés et un plan d’aménagement est aussi structures d’accueil touristique des parcs natu-
en préparation pour la future réserve des îles rels qui génèrent des revenus dont le partage est
Tinhosas La mangrove de Malanza, qui est précisé dans le plan de gestion de chaque aire
incluse dans le PNOST, dispose d’un plan d’amé- protégée.
nagement indépendant et il y a des recommanda-

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie de protection En cours de Réalisé Evalué et
Aucun
préparation (date) révisé (date)
Parcs naturels 0 0 2 (2009/2014) 2 (2015)

219
220
3.2 Les moyens disponibles gées met en avant une insuffisance du nombre et
des qualifications du personnel. Les aires proté-
3.2.1 Les ressources humaines gées comptent actuellement 14 agents dont deux
et matérielles directeurs, deux personnels administratifs, quatre
écoguides, deux forestiers et quatre personnels
L’analyse des ressources humaines impli- d’appui (tableau 6).
quées directement dans la gestion des aires proté-

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - - 2 1 3 - - - 2
Cadres moyens - - - 0 1 1 - - - 2
Gardes et écogardes - - - 6 8 7 - - - 10
Total - - - 8 10 11 - - - 14
- : données non disponibles

3.2.2 Financements dans une phase embryonnaire. Des parcours sont


toutefois aménagés dans le PNOST comme dans
Il existe deux types de financements pour la la mangrove de Malanza ou la visite guidée du
réalisation des activités des aires protégées à Sao jardin botanique de Bom Successo.
Tomé-et-Principe, le budget alloué par l’État et Toutes les aires protégées du pays reçoivent
les contributions des partenaires. des appuis techniques ou financiers de parte-
Les aires protégées reçoivent de l’État un naires. Le tableau suivant indique les catégories
budget de fonctionnement annuel. Ce budget est d’acteurs, les sources de financements et la nature
en fonction des besoins et des activités menées des activités menées dans les aires protégées de
dans les aires protégées. Ainsi, le PNOST reçoit Sao Tomé-et-Principe (tableau 7).
un budget de 6 484 $US du Gouvernement
Central, le PNP quant à lui reçoit 10 000 $US 4. Enjeux socio-économiques
du Gouvernement Régional de Principe qui autour des aires protégées
sont complétés par une contribution du groupe
HBD (Société privée de capital sud-africaine 4.1 Tourisme
dédié aux projets et activités visant le développe-
ment durable et responsable de l’île de Príncipe) Les deux parcs naturels du pays possèdent un
à hauteur de 7 058 $US. bon potentiel touristique, grâce à leur biodiversité
Les activités génératrices de revenus ne sont exceptionnelle, la beauté de leur paysage et leurs
que faiblement développées dans les aires proté- conditions d’accueil. Malheureusement l’absence
gées du pays. L’entrée des parcs est gratuite et de clôture, de contrôle des entrées et de statistiques
les prestations des guides touristiques ne sont pas de fréquentation, ne permettent d’évaluer la réelle
intégrées dans le budget du parc à moins qu’elles contribution des aires protégées dans le dévelop-
ne soient réalisées par un écoguides du parc. La pement de l’activité touristique du pays. Dans
mise en place d’attractions touristiques est encore la Région Autonome de Principe, la ­valorisation

221
222
Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées de Sao Tomé-et-Principe

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
Trésor, Fonds PNOST - 6 484 $US
Conservation et
forestier,
État - valorisation de la
ressources PNP - 10 000 $US
biodiversité
générées
HBD Vida Protection des Ile de
- - 7 058 $US
Boa tortues marines Principe
Appui
Partenaires institutionnel,
valorisation de PNOST et
- FIDA et FEM - 2 418 182 $US
la biodiversité et PNP
développement
communautaire
- : données non disponibles

touristique soutenue par le groupe HBD a permis MARAPA, pour la gestion de l’écolodge de
d’augmenter l’activité écotouristique de l’île et a Praia Jalé, dans la partie Sud du PNOST. Cet
ainsi contribué à l’amélioration des conditions de écologde est en exploitation depuis 2005 mais
vie de la population. nécessitait une réhabilitation et l’améliora-
Certaines activités génératrices de revenus tion des performances de la structure, à la fois
sont également développées dans les parcs, en termes de tourisme et de contribution à la
notamment, des visites guidées, la présence conservation. Ce projet doit aussi permettre
d’une boutique dans le jardin botanique de Bom d’améliorer la contribution de la structure au
Sucesso, la vente des produits médiatiques. développement durable de la partie sud du
En 2012, un accord a été signé entre la Direc- PNOST, en particulier dans la région de Porto
tion Générale de l’Environnement, le PNOST Alegre et Malanza. Il est appuyé financièrement
et le Consortium d’ONG unissant ALISEI et par ECOFAC V et le RAPAC.
4.2 Valorisation durable À Sao Tomé, la direction du PNOST est active
de la biodiversité auprès des partenaires internationaux et natio-
naux pour la mise en œuvre des objectifs de la
Recouvrant 30 % du territoire, les aires proté- création du parc mais le gouvernement n’est pas
gées représentent la principale source d’appro- très sensible aux questions inhérentes aux aires
visionnement en produits forestiers non ligneux protégées. Dans la Région Autonome de Principe,
(PFNL) du pays, notamment pour les plantes avec le classement de l’île de Principe en réserve
médicinales et la viande de brousse. Les revenus de Biosphère, le gouvernement régional est plus
annuels de certaines familles dépendent unique- attentif à la gestion du PNP et à la conservation
ment de l’exploitation des PFNL. La filière la de la diversité biologique. Plusieurs séances de
plus importante est celle de l’extraction et de la travail ont été coordonnées par le Gouvernement
fabrication du vin du palme (Carvalho, 2015). Régional afin d’améliorer la gestion du PNP et
Toutefois, cette exploitation des PFNL par les des aires protégées.
populations locales ne respecte pas les conditions Dans l’ensemble, le principal obstacle insti-
d’une exploitation durable. D’après les plans tutionnel à la mise en œuvre de politiques envi-
d’aménagement des deux parcs, les incendies dus ronnementales efficaces est la faible coordination
à la récolte de miel sauvage, l’extraction irration- entre les acteurs gouvernementaux sur les ques-
nelle du vin de palme et des écorces et racines tions environnementales et le manque d’inté-
des plantes médicinales, ainsi que la chasse illé- gration de la biodiversité et de la protection de
gale sont les problèmes les plus fréquents. Afin l’environnement dans la législation concernant
de pérenniser l’accès aux ressources par les popu- l’utilisation des terres, le développement rural
lations riveraines, plusieurs formations, dans le et urbain, la décentralisation, etc. (Rita, 2012).
cadre du programme ECOFAC IV, ont été dispen- Dernièrement, des terres dans la zone tampon
sées sur les méthodes d’exploitation durable des du PNOST ont été affectées à une entreprise de
ressources biologiques, notamment en apiculture. plantation de palmier à huile, ce qui a entrainé une
augmentation de l’anthropisation de la partie sud du
4.3 Autres parc. Seule une forte mobilisation des ONGs et des
environnementalistes a permis de rétablir le respect
Les deux parcs du pays protègent les sources des limites du PNOST.
de nombreuses rivières et sont les châteaux d’eau
du pays.

5 Bilan général de la gestion des


aires protégées du pays
De nombreux acteurs interviennent dans la
gestion des aires protégées du pays mais la faible
concertation sur les activités réalisées et le manque
de moyens matériels et humains ne permettent pas
une gestion efficace et efficiente. Même si quelques
ONG mènent des activités dans le domaine de la
recherche et de la sensibilisation, les programmes
gouvernementaux ne mettent pas assez l’accent
sur la valorisation des aires protégées.

223
224
Bibliographie
Albuquerque, C. & Cesarini, D. (2009). Plano de PNUD, 2014. Rapport sur le développement humain
Manejo Parque Nacional Obô de S. Tomé 2009/2014. http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr14-report-fr.
Programa ECOFAC IV. pdf.
Albuquerque, C. & Cesarini, D. (2009). Plano de R-PP, 2014. Proposta de Medidas para o Estado
Manejo Parque Natural do Príncipe 2009/2014. Pro- de Preparação. São Tomé e Príncipe. FCPF/ ONU-
grama ECOFAC IV. REDD
Carvalho S., 2015. Estudo de Base do Sitio Piloto Rita, A., 2012. Plan d’action pour l’application du
Plancas I no Distrito de Lobata. Draft 1. Projecto de Programme de travail sur les aires protégées de la
Reforço da Contribuição dos PFNLs para a Seguran- Convention sur la Diversité Biologique. Consulté en
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CBFF/FAO. nbsap-powpa-fr.pdf
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INE, 2001. Estado e Estrutura da População em São nredlist.org/
Tomé e Príncipe. III Recenseamento Geral da Popu-
Vaz H. & Oliveira F., 2007. Relatório nacional do
lação e da habitação de 2001.
estado geral da biodiversidade de São Tomé e Prín-
INE, 2012. Estado e estrutura da população. Consul- cipe. Republica democrática de São Tomé e Príncipe,
té en avril 2015 sur : http://www.ine.st/Documenta- Ministério de recursos naturais e meio ambiente, di-
cao/Recenseamentos/2012/Estado_Estrutura_Popu- recção geral de ambien.
lacao.pdf
Yadji Bello & Oko R.A., 2014. Étude sur l’harmo-
Lima, R. F., 2012. Alterações do uso do solo e bio- nisation des législations relatives à la gestion de la
diversidade em São Tomé. Actas do Colóquio Inter-
faune et des aires protégées dans sept pays membres
nacional São Tomé e Príncipe numa perspectiva
du RAPAC : Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC,
interdisciplinar, diacrónica e sincrónica), 455-464 ©
STP et Tchad. Partie 1 : État des lieux et analyse com-
2012. Instituto Universitário de Lisboa (ISCTE-IUL),
parative des législations relatives à la gestion de la
Centro de Estudos Africanos (CEA-IUL), ISBN: 978-
faune et des aires protégées. Rapport RAPAC, Libre-
989-732-089-7, Lisboa.
ville, Gabon : 251 p.
Leventis A.P. & Olmos F., 2009. The birds of Sao
Tome e Principe : a photo guide. São Paulo, Brazil :
Aves & Fotos Editora.

Sigles et abréviations
ABS : Association des Biologistes Sao-toméens tion des Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale
ARPA : Association Régionale pour la Protection FEM : Fonds pour l’Environnement Mondial
Socio-Environnementale FIDA : Fonds International pour le Développement
CAS : Californian Academy of Sciences (Académie Agricole
des sciences de Californie) IBA : Important Bird and biodiversity Area (Aire im-
CDB : Convention sur la Diversité Biologique portante pour les oiseaux et la biodiversité)
CITES : Convention sur le Commerce international INE : Institut National de Statistique
des espèces de faune et de flore sauvages menacées LISU : Musée d’histoire naturelle de Lisbonne
d’extinction MARAPA : Mer, Environnement et Pêche Artisanale
ECOFAC : Programme Régional pour la Conserva- MBG : Jardin Botanique du Missouri
NAPAD : Club des Nations pour la Protection de R-PP : Plan de Préparation pour la REDD
l’Environnement et l’Education
SIG : Système d’Information Géographique
ONG : Organisation Non Gouvernementale
SNPAB : Stratégie Nationale et Plan d’Action pour la
PFNL : Produits Forestiers non Ligneux
Biodiversité (ENPAB en espagnol)
PNADD : Plan National sur l’Environnement pour le
Développement Durable SPEA : Société Portugaise d’Étude des Oiseaux
PNOST : Parc Naturel Obô de Sao Tomé UICN : Union Internationale pour le Conservation de
PNP : Parc Naturel Obô de Principe la Nature
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Déve- ULB : Université Libre de Bruxelles
loppement
UNCC : Convention cadre des Nations Unies sur les
RAPAC  : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Cen-
Changements Climatiques
trale
REDD : Réduction de la Déforestation et de la Dégra- Unesco : Organisation des Nations Unies pour l’édu-
dation forestière cation, la science et la culture

225
226
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
de Sao Tomé-et-Principe
Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

Parc naturel Obo de Sao


01 2006 Loi 6/2006 21 100
Tomé (PNOST)

Parc naturel Obo de Principe


02 2006 Loi 7/2006 8 400
(PNP)

Total 29 500

Notes : Plan d’amgt : plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste du patrimoine mondial ; RB : site faisant
partie du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif Principaux Catégorie Plan d'amgt


RAPAC PM RB SR
personnel partenaires UICN (année)
DGA, Direccacio das
Florestas, ECOFAC, FFEM,
Monte Pico, Zatona Adil,
ADAPPA, UICN-CARPE,
09 II, VI 2015 X
Grupo Jalé, MARAPA,
Missouri Botanical Garden,
LCNSTP, ONG-NAPAD,
ADRA
DGA, Direccacio das
Florestas, Gouvernement
05 II, VI 2015 X X
Régional de Principe,
MARAPA, Zatona Adil, AMP

14 2 2 0 1 0

227
RÉPUBLIQUE
DU TCHAD
Paul SCHOLTE et Adélaïde LARZILLIERE

Avec la contribution de : Etienne BEMADJIM NGAKOUTOU


230
Le Tchad abrite une biodiversité exceptionnellement riche mais mal connue et menacée.
Son réseau d’aires protégées (parcs nationaux et réserves de faune) couvre environ
10 % du territoire national et n’est que partiellement représentatif de la diversité des
éco­systèmes sahariens, sahéliens et soudaniens du pays. Les défis sont multiples et
dépassent les capacités – humaines, matérielles et financières – des services du minis-
tère en charge de la protection et de la conservation de la biodiversité pour faire face à
des pressions croissantes climatologiques, d­ émographiques et économiques ainsi qu’à
un grand braconnage bien organisé et armé (Brugière & Scholte 2013 et UE, 2015).
Les actions de conservation au Tchad ont prescrites par la loi 14/PR/08 du 10 juin 2008
jusque-là privilégié une approche centrée sur des portant régime des forêts, de la faune et des
espèces présentes à l’intérieur des aires protégées, ressources halieutiques :
notamment les grands mammifères, sans pour- • Article 5 : « les forêts, la faune et les
tant accorder une importance réelle aux zones ressources halieutiques font l’objet d’une
périphériques. Avec quelques exceptions (parc politique intégrée, dite politique natio-
national de Sena-Oura) les besoins des commu- nale en matière de forêts, de la faune et des
nautés riveraines restent difficilement réconci- ressources halieutiques. Cette politique
liables avec une logique de conservation (zones garantit une action concertée et complémen-
tampons, corridors, etc.) poursuivie en zones taire de l’ensemble des institutions et struc-
périphériques des parcs et réserves (Brugière & tures concernées afin de réaliser les objectifs
Scholte 2013). globaux définis par le gouvernement » ;
• Article 6 : « la politique nationale en matière
1. Contexte des aires protégées des forêts, de la faune et des ressources halieu-
tiques est fondée sur les principales options
1.1 Contexte politique fondamentales suivantes : la conservation de
la diversité biologique ; la valorisation durable
Suite à son engagement lors de la conférence des ressources forestières, fauniques et halieu-
de Rio en 1992 et à la ratification de trois conven- tiques pour le développement économique,
tions clés (Convention sur la Diversité Biolo- social et culturel ; la contribution à la réduction
gique – CDB, Convention sur la Lutte contre la de la pauvreté par la création d’emplois et de
Désertification – CLD, Convention Cadre des revenus au profit de la population ; la partici-
Nations Unies sur les Changements Climatiques – pation et la responsabilisation effectives de la
UNCC), le Tchad a fait preuve d’une véritable population dans la conception, l’exécution, le
volonté d’ancrer la protection de l’environnement suivi et l’évaluation des activités forestières,
dans sa politique de développement socio-écono- notamment à travers la gestion décentralisée
mique, volonté renouvelée lors de sa participation des ressources naturelles ».
en 1998 à la table ronde de Genève IV. Plusieurs
stratégies et plans d’actions nationaux ont déjà 1.2 Législation et réglementation
été élaborés et certaines dispositions ont été inter-
nalisées dans le corpus législatif national. Une analyse du contexte législatif, réalisée par
La politique nationale en matière de forêts, de Yadji Bello & Oko en 2014, met en évidence un
faune et des ressources halieutiques est fondée sur certain nombre d’éléments que nous reprenons
les principales options fondamentales suivantes largement dans les lignes suivantes.
Pays République du Tchad
Superficie 1 284 000 km2 (INED, 2013)
Variation d’altitude 160 m (Djourab) – 3 414 m (Emi Koussi, Tibesti)
Population 12,2 millions habitants (INED, 2013)
Densité moyenne d’habitants 10 hab./km²
Ratio population urbaine / population rurale 22/78
Villes principales N’djamena (1 212 millions hab., 2014), Moundou, Sarh.
PIB/habitant 1 053 $US/hab. (Banque Mondiale, 2013)
Indice de développement humain (IDH) 0,372 ; 184/187 pays (PNUD, 2014)
Pétrole (à partir de 2003), agriculture (coton) et élevage
Principales activités économiques
(transhumance)
Superficie de végétation naturelle
Données non disponibles
ou peu anthropisée
Superficie de forêts naturelles
Données non disponibles
ou peu anthropisées
2 288 espèces, dont 55 endémiques (Brundu & Camarda
Phanérogames
2013), 5 plantes menacées (UICN, 2014)
Cryptogames Données non disponibles
Champignons Données non disponibles
Mammifères 14 espèces menacées (UICN, 2014)
565 (excluant les visiteurs irréguliers, Dowsett et al., 2015)
Oiseaux
12 espèces menacées (UICN, 2014)
Reptiles 2 espèces menacées (UICN, 2014)
Amphibiens 0 espèce menacée (UICN, 2014)
Poissons 1 espèce menacée (UICN, 2014)
Autres groupes animaux Données non disponibles

L’ordonnance 14/63 du 28 mars 1963 régle- Les conditions de création des aires proté-
mentant la chasse et la protection de la nature est gées se basent sur les intérêts de la zone « aux
le document juridique de base des autres textes fins de protéger, remettre en état et conserver les
relatifs à la protection de la nature et à la chasse espèces et les habitats spécialement menacés ou
au Tchad dont les principaux sont : présentant un intérêt particulier » (art. 41 de la
• la loi 14/PR/98 du 17 août 1998 définissant les loi 14/PR/98).
principes généraux de la protection de l’envi- La création d’une aire protégée est soumise à
ronnement ; enquête publique (art. 41) et sa procédure de clas-
• la loi 14/PR/08 du 10 juin 2008 portant régime sement et de déclassement est celle applicable au
des forêts, de la faune et des ressources domaine forestier de l’État (art. 102). Le classe-
­halieutiques. ment est promulgué par une loi pour les parcs

231
232
nationaux (art. 105) et par décret pour les forêts faune et inscrits dans le plan simple de gestion.
classées d’État (les réserves naturelles intégrales, Le plan d’aménagement prend aussi en compte
les réserves de faune de l’État, les domaines de les activités de recherche et de suivi scientifique
chasse ; art. 114-118). « constituant essentiellement un inventaire de la
L’initiative de classement, de déclassement faune et de la flore, ainsi que leurs études et celles
et de reclassement relève conjointement de de leurs évolutions spontanées » en autorisant le
l’administration en charge de la faune et des personnel scientifique à pénétrer dans les aires
populations de la zone concernée, représentées protégées sous escorte des agents du service de la
par le conseil rural concerné ou un groupement faune (art. 48 et 49 de la loi 14/PR/08).
d’intérêt communautaire. La décision de classe- L’exercice des droits d’usage traditionnels
ment ou d’inscription d’une zone spécialement sous forme de droits à la cueillette et au ramassage
protégée, lorsqu’elle occasionne un préjudice est limité à la satisfaction des besoins personnels,
matériel direct et certain, du fait d’une limita- individuels ou familiaux des usagers. Il se fait à
tion des activités antérieures, donne droit à une titre gratuit et sans permis, dans le respect de
indemnité au profit du propriétaire ou des ayant la réglementation en vigueur. Il ne peut donner
droits dans des conditions fixées par les articles lieu à une exploitation commerciale et est exclu
42 et 43 de la loi 14/PR/98. dans les parcs nationaux et les réserves intégrales
Sept types d’aires protégées au sens large sont (art. 73 et 76 de la loi 14/PR/08). La chasse tradi-
reconnues par la loi : les réserves naturelles inté- tionnelle exercée par les communautés locales
grales, les parcs nationaux, les réserves de faune sur leur territoire, en vue de satisfaire des besoins
et les domaines de chasse, ainsi que les ranches d’autoconsommation est exercée dans des condi-
de faune, les zones de gestion concertée de la tions qui sont déterminées par arrêté ministériel
faune et les jardins zoologiques (art. 100 de la loi (art. 144).
14/PR/08). Même si à l’heure actuelle seuls deux La loi 14/PR/08 classe les espèces animales
parcs nationaux disposent d’un zonage (Zakouma en deux catégories : les espèces intégralement
et Séna Oura), la loi de 2008 prévoit la mise en protégées et les espèces partiellement proté-
place dans les aires protégées d’un noyau central gées (art. 132 et 133). L’exploitation de la faune
entouré par des zones périphériques gérées par est réglementée à travers la délivrance de cinq
les communautés elles-mêmes. Conformément permis : permis de grande et de petite chasse, de
aux dispositions de la loi 14/PR/08, chaque aire capture scientifique, de capture commerciale et
protégée doit faire l’objet d’un plan d’aménage- de prise de vues (art. 149 à 189).
ment et d’un règlement intérieur, approuvé par La chasse est interdite dans les réserves
le ministre en charge des forêts ou en charge de naturelles intégrales, les parcs nationaux et
la faune. Pour les forêts des communautés et les réserves de faune (art. 167). Des possibi-
les zones de gestion concertée de la faune, il est lités d’exploitation par concession sont envisa-
rédigé un plan simple de gestion. gées dans les réserves de faune, les domaines
Le plan d’aménagement tient compte des de chasse, les zones à gestion concertée et les
potentialités de production forestière autres que ranches (art. 190 à 199). Les produits de la
le bois, notamment les plantes médicinales ou chasse ne peuvent circuler, être stockés ou
alimentaires et le gibier, les activités récréatives et vendus que s’ils proviennent de ces concessions,
le tourisme, ainsi que des fonctions économiques durant la période d’ouverture de chasse et par
de la forêt, y compris dans les zones de production. des commerçants agréés (art. 178 et 179).
Dans les domaines de chasse, les quotas annuels Dans le cadre de la réduction des conflits
sont déterminés par les services techniques de la hommes-animaux sauvages, la loi prévoit
des dispositions favorisant les opérations de forêts, de la faune et des ressources halieutiques
contrôle plutôt que l’abattage qui doit rester (art. 281). Les transactions sont exclues lorsque
exceptionnel et sérieusement motivé. Aucune l’infraction a été commise contre une espèce inté-
indemnisation n’est versée pour les dommages gralement protégée et/ou dans une forêt classée
occasionnés par le cheptel sauvage (art.200 à ou une aire protégée (art. 287).
206 de la loi 14/PR/08). Le pays a signé différents accords interna-
La loi 14/PR/08 réglemente les dispositions tionaux qui touchent aux aires protégées et à
de répression des infractions qui prévoient des la protection de la biodiversité (tableau 1). Les
transactions, des poursuites et le jugement des dispositions jugées adaptées pour le pays ont
délinquants à savoir « quiconque en tout temps ou déjà été intégrées dans le corpus législatif et
en tout lieu est trouvé en possession d’un animal réglementaire national.
vivant ou mort, d’une partie, produit ou sous- Aucune réforme législative n’est en cours pour
produit de cet animal » (art. 145). Les infractions l’instant. La préoccupation principale est l’élabo-
sont constatées par procès-verbal par les agents ration des textes d’application de la récente loi
assermentés des administrations chargées des 14/PR/08.

Tableau 1 - Conventions et textes internationaux relatifs à la biodiversité et aux aires protégées

Date d’entrée Année


Conventions internationales
en vigueur de ratification
Convention africaine sur la conservation de la nature et
16 juin 1969 Signée en 1968
des ressources naturelles (convention d’Alger)
Convention africaine sur la conservation de la nature et
Adoptée en 2003 Signée en 2004
des ressources naturelles (version révisée, convention de Maputo)
Convention sur le Commerce international des espèces menacées Adhésion
1er juillet 1975
d’extinction (CITES) en 1989
Convention du patrimoine mondial 17 décembre 1975 1999
Convention de Ramsar 21 décembre 1975 1990
Convention de Bonn sur les espèces migratrices 1er novembre 1983 Ratifiée
Convention sur la Diversité Biologique (CDB) 29 décembre1993 1994
Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
21 mars 1994 1994
Climatiques (UNCC)
Convention sur la lutte contre la désertification 25 décembre 1996 1996

233
234
1.3 Contexte institutionnel tère de la culture, des arts et de la conservation
du patrimoine et le ministère du plan.
Jusqu’en 2014, la structure étatique respon-
sable de la gestion de la biodiversité et des aires 1.4 Stratégies et programmes
protégées était le Ministère de l’Environnement relatifs aux aires protégées
et des Ressources halieutiques (MERH) à travers
la Direction des Parcs Nationaux, des Réserves Le pays s’est doté d’une stratégie nationale et
de Faune et de la Chasse (DPNFC). Il a été d’un plan d’action en matière de diversité biolo-
remplacé en 2014 par le Ministère de l’Agri- gique le 08 octobre 1999, et d’un programme de
culture et de l’Environnement (MAE) établit lutte contre la désertification.
par le décret 283/PR/PM/2014 du 2 mai 2014, Le Tchad, très dynamique dans la lutte contre
portant structure générale du Gouvernement le braconnage, a établi une coopération avec
et attribution de ses membres et le décret 582/ INTERPOL, l’organisation non-gouvernemen-
PR/PM/2014 du 14 juillet 2014 portant organi- tale ONG LAGA (Last Great Ape) et APRO-
gramme du MAE. COFF (Association pour la Protection et la
La gestion des aires protégées au niveau Conservation de la Faune et de la Flore). Depuis
central est maintenant assurée par la Direction 2010, cette coopération a été étendue à une
de la Conservation de la Biodiversité, des Parcs gestion déléguée avec African Parks Network,
Nationaux et de la Chasse (DCBPNC). De ses pour le parc national de Zakouma, dont il opère
divisions dépendent au niveau départemental la gestion pour une durée de 20 ans.
des secteurs faune qui relèvent également des La gestion des aires protégées au Tchad est
délégations régionales (secrétariat général du soutenue par de nombreux partenaires finan-
Ministère). Cette double hiérarchie est parfois ciers et techniques internationaux, notamment
peu opérationnelle. Une réflexion est en cours l’Union Européenne (UE), L’Agence Française
pour restructurer le réseau des aires protégées du pour le Développement - France Coopération, le
Tchad et repositionner les effectifs pour rendre Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), le
plus opérationnelles les actions de conserva- Programme des Nations Unis pour le Développe-
tion. Les ministères partenaires du MAE sont le ment (PNUD) et la Coopération Technique Alle-
ministère du tourisme et de l’artisanat, le minis- mande (GIZ).
2. Le réseau des aires protégées 2.2 Le réseau actuel
(basé sur Brugière & Scholte, 2013) des aires protégées

2.1 Historique Le Tchad est l’un des plus grand pays


d’Afrique et est considéré comme ayant une
La plupart des aires protégées a été créée des plus grandes diversités biologiques des pays
pendant la période coloniale ou dans les années sahélo-sahariens. La diversité biologique natio-
suivant l’indépendance de 1960. À cette époque, nale est toutefois mal documentée et la plupart
la principale motivation de la mise en place d’aires des études biologiques date de la période colo-
protégées était la protection du gros gibier comme niale (avant 1960). Le réseau des aires proté-
l’éléphant, la girafe et les grandes antilopes dont gées (catégories I à IV de l’Union Internationale
les populations étaient décimées par les chasseurs. pour la Conservation de la Nature – UICN) est
Le concept de biodiversité était alors inconnu et constitué de trois parcs nationaux et sept réserves
les principes de planification systématique de la de faune, respectivement de catégorie II et IV de
conservation via la constitution d’un réseau d’aires l’UICN (tableau 2 et figure 1), qui protègent un
protégées n’étaient pas encore développés. De plus, peu plus de 11 millions d’hectares, soit 9 % du
du milieu des années 1970 à la fin des années 1980, pays. Ce réseau est complété par deux zones de
le Tchad a connu une guerre civile qui a sévère- chasse et une zone de chasse communautaire,
ment impacté les populations animales et empêché portant la superficie des aires protégées et gérées
la mise en place des activités de conservation. pour la faune, toutes catégories confondues, à un
Neuf des dix aires protégées ont été instituées peu plus de 13 millions d’hectares, soit 10,2 % du
avant 1975, tandis que le parc national de Séna territoire tchadien.
Oura a été créé en 2010 par la loi 011/PR/2010 du
10 juin 2010 en tant qu’aire protégée transfronta-
lière adjacente au parc national de Bouba Ndjida
au Cameroun.

Tableau 2 – Les aires protégées du Tchad

Catégorie Superficie % du total des aires


Catégorie Nombre
UICN (ha) protégées (en superficie)
Parc national II 3 492 520 4,3
Réserve de faune IV 7 10 875 300 95,7
TOTAL 10 11 367 820 100,0
Source : UICN/PACO, 2008 ; Brugière & Scholte, 2013

Le complexe transfrontalier BSB Yamoussa riche et variée parmi laquelle on compte la plus
regroupe deux parcs nationaux, le parc national importante population africaine d’élan de Derby
de Séna Oura (Tchad) et celui de Bouba Ndjida (Taurotragus derbiamus), la plus grande antilope
(Cameroun). Le BSB Yamoussa (environs du monde, espèce phare du complexe binational
300 000 ha) est entouré d’un ensemble de Zones (Worgue Yemye, 2012).
d’Intérêt Cynégétiques (ZIC) et d’une zone L’actuel réseau d’aires protégées, mis en
transitoire représentant au total une surface place il y a 40 ans et ciblé sur quelques espèces
supplémentaire similaire. Il renferme une faune de gibiers, assure une protection limitée de la

235
236
Figure 1 – Les aires protégées du Tchad
)
" Capitale

! Chef-lieu de province ou de région

Cours d'eau

Eau libre

Paysage à haute valeur de conservation

Aire protégée

Parc national

Autre aire protégée


4

n° Nom
7
1 Abou Telfane
2 Bahr Salamat
3 Binder Léré
4 Fada Archei
1
6 5 Manda

9 6 Mandelia
8
2 7 Ouadi Rimé-Ouadi Achim
3
8 Siniaka Minia
10 5
9 Zakouma
10 Séna Oura

* Toutes les aires protégées n'ont pas pu être cartographiées du fait du manque de données géolocalisées.

biodiversité actuelle du pays. Ainsi, trois des de Zakouma, aucune autre aire protégée du
sept écorégions distinguées pour le Tchad ne réseau formel ne s’intègre dans les six sites
disposent d’aucun statut formel de protection car inscrits au titre de la convention sur les zones
aucun parc ou réserve de faune n’a été délimité humides (convention de Ramsar) ou ne béné-
dans ces régions (Brugière & Scholte, 2013). Il ficie d’un statut ou accord international (tableau
s’agit des écorégions du Tibesti (montagne aride 3). Les écosystèmes tchadiens constituent pour-
boisée), du Sahara de l’Est (montagne aride tant un véritable sanctuaire pour l’avifaune,
boisée) et du lac Tchad (plaines inondables). en accueillant des millions d’oiseaux migra-
En dehors des réserves de faune de Binder teurs des régions paléo-arctique tous les ans
Léré et de Bahr Salamat et du parc national (Europe, Asie).

Tableau 3 – Les aires protégées du pays sous statut ou accord international

Réseau international
Inclus dans les aires protégées
dans le pays
Catégorie
Nombre Superficie Superficie % du total des aires
de sites (ha) (ha) protégées (en superficie)
Sites du patrimoine mondial 1 62 808 0 0
Sites Ramsar 6 12 405 068 2 500 000 22
Réserves de la biosphère 0 0 0 0
Sites RAPAC 3 513 520 513 520 4,5
Deux autres sites naturels disposent d’un d’ha) la superficie totale des aires protégées pour-
décret de désignation même s’ils ne font pas rait s’élever à quasiment 25 millions hectares,
partie du réseau formel d’aires protégées tcha- soit 19 % du territoire national. Toutefois une
diens. La « réserve de la biosphère du lac Fitri » grande partie de ces zones ne dispose pas d’une
(décret 173/PR/MTE/89, 195 000 ha) est un lac protection réelle sur le terrain et semble exister
sahélien fragile, alimenté par les eaux des pluies seulement sur le papier (paper parks ; Brugière &
qui s’évaporent graduellement pendant les neuf Scholte, 2013). Le gouvernement du Tchad est de
mois suivants, jouant un rôle vital pour l’homme plus en plus conscient de ces manques et a lancé
et pour la faune pendant la saison sèche. Hormis la révision de son système d’aires protégées.
son importance locale et nationale, le lac Fitri Les écorégions de savane sahélienne à acacias
a acquis une renommée internationale du fait et de désert saharien sont les plus grandes écoré-
de la variété d’oiseaux d’eau migrateurs qui y gions du Tchad, occupant respectivement 44 %
séjournent pendant l’hiver. La zone a souvent et 26 % du territoire. À l’inverse, les écorégions
été appelée « Réserve de la Biosphère » mais elle des montagnes arides boisées et des savanes de
ne figure pas sur la liste officielle du programme l’Est couvrent moins de 3 % du pays (Brugière &
l’Homme et la Biosphère de l’Unesco (Organi- Scholte, 2013). Sur les sept écorégions du Tchad,
sation des Nations Unies pour l’éducation, la trois ne sont pas représentées dans le réseau des
science et la culture). Elle est par contre inscrite aires protégées : les montagnes arides boisées du
au titre de la convention de Ramsar. Tibesti, les montagnes arides boisées de l’Est-
Le site des lacs Ounianga (décret 1077/PR/ Saharien et les plaines inondables du lac Tchad au
PM/MC du 6 décembre 2010, 62 000 ha) est centre et au sud du lac. Le manque de protection
inscrit au titre de la convention sur les sites du formelle des plaines inondables du lac Tchad attire
patrimoine mondial depuis 2012. Situé dans particulièrement l’attention internationale du fait
le désert du Sahara, il comprend 18 lacs inter- de leur importance en Afrique tropicale aussi bien
connectés (salés, hypersalés et eau douce) et est que pour la migration des oiseaux paléarctiques.
alimenté par des eaux souterraines qui assurent Les savanes est-soudaniennes et les savanes sahé-
l’existence des plus grands lacs d’eau douce liennes à acacias sont les mieux représentées dans
permanents en plein cœur d’un milieu hypera- le réseau des aires protégées. Elles sont comprises
ride. Les zones humides comme les lacs d’Ou- respectivement dans six et cinq aires protégées
nianga sont protégées par la loi 14/PR/98. avec 19 % et 12 % de taux de couverture de la zone.
À ce jour, si on complète le réseau formel par Les écorégions de désert saharien et des steppes
les zones de chasse amodiées (environ 2 millions sud-sahariennes sont présentes dans une seule aire
d’ha) et les sites Ramsar (environ 12 millions protégée avec moins de 10 % de taux de couverture.

237
238
Sur les 31 espèces de grands mammifères, nombre d’oiseaux d’eau par rapport à sa petite
cinq espèces ne sont pas représentées dans le taille et le plus grand nombre d’espèces, dépas-
réseau des aires protégées du Tchad, dont notam- sant 1 % de la population connue en Afrique de
ment l’Oryx algazelle (Oryx dammah) et le l’Ouest et du centre. Cependant peu de grands
rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest (Diceros mammifères y ont été recensés : ni l’hippopo-
bicornis longipes) qui se trouvaient au Tchad tame (Hippopotamus amphibious), ni le sitatunga
jusque dans les années 1980 mais qui sont (Tragelaphus spekei), pourtant observés autour
maintenant éteintes. Sur les trois autres espèces du lac Tchad, ne semblent s’y trouver.
manquantes dans le réseau, toutes sont fortement La réserve de faune de Ouadi Rimé-Ouadi
menacées : l’addax (Addax nasomaculatus) est Achim renferme la plus grande proportion de
en danger critique d’extinction, la gazelle de biodiversité irremplaçable du réseau des aires
Rhim (Gazella leptoceros) en danger et le lycaon protégées car elle comprend deux écorégions qui
(Lycaon pictus) est aujourd’hui très menacé par ne sont pas présentes dans les autres aires proté-
l’extension de l’élevage dans toutes les régions gées du réseau. Malgré la perte de trois grands
anciennement délaissées du fait de l’éradication mammifères depuis sa création et l’exploitation
des glossines. de quelques espèces, la réserve protège toujours
En termes de richesse spécifique, le parc le plus grand nombre d’espèces irrempla-
national de Zakouma et la réserve de faune de çables car c’est la seule aire protégée abritant la
Bahr Salamat adjacente sont les aires protégées Gazelle dama (Gazella dama), en danger critique
qui renferment le plus grand nombre d’espèces d’extinction, et c’est aussi l’une des deux aires
(19 mammifères). Zakouma a également le plus protégées recensant la Gazelle dorcas (Gazella
grand nombre de grands mammifères estimés dorcas), espèce vulnérable. Le parc national de
à plus de 1 % de la population d’Afrique occi- Zakouma et la réserve de faune de Bahr Salamat
dentale et centrale. Sur les neuf aires protégées ont le deuxième et troisième plus haut taux de
historiques (excluant Séna Oura créée en 2010), biodiversité irremplaçable.
toutes les aires protégées ont perdu au moins Le Gouvernement du Tchad, conscient de
une espèce de grand mammifère. Leur perte fut ces carences et avec l’appui du l’Union Euro-
particulièrement prononcée dans la réserve de péenne (UE, 2015) commence à réorienter ses
faune de Mandelia et dans le parc national de objectifs qui, en dehors de la protection des parcs
Manda (six espèces disparues), situées près de nationaux et réserves de faune existants et d’un
N’djamena et Sarh, la capitale et la deuxième réalignement des limites des aires protégées exis-
ville du pays. tantes, visent à créer de nouvelles réserves ainsi
Si l’on considère les sites potentiels de protec- qu’à améliorer la protection des espèces mena-
tion de l’écorégion des plaines inondables du lac cées, des foyers de haute biodiversité et des corri-
Tchad, le lac Fitri enregistre un remarquable dors de migration saisonnière.
Le parc national de Zakouma
P. Scholte (Adapté de la brochure « Anniversaire 1963 – 2013, le PN Zakouma célèbre
ses 50 ans » ; African Parks, 2013)

Situé au Sud-Est du Tchad, le parc national de ­antiquorum), le lion (Panthera leo), le bubale de
Zakouma est l’un des derniers écosystèmes souda- Lelwell (A. b. lelwell), le renard pâle (Vulpes pal-
no-sahéliens encore intact en Afrique. Au Tchad, lida) et la gazelle à front roux (Eudorcas rufifrons)
Zakouma est la seule destination pour l’obser- d’importance internationale. La population de
vation de la grande faune dans des conditions buffles (Syncerus caffer), réduite à 220 animaux en
d’accueil convenables, en particulier en matière 1986 du fait de la peste bovine, atteint aujourd’hui
d’hébergement. Le gouvernement Tchadien s’est les 12 000 individus.
toujours engagé à protéger cet héritage naturel L’éléphant est l’espèce phare de Zakouma. De-
même durant les longues années de conflits in- puis les terribles massacres perpétrés entre 2002
ternes des années 1980 et au cours du conflits du et 2009 par des braconniers dits « soudanais », la
Darfour voisin dans les années 2000. priorité de la direction du parc a été de stopper le
Zakouma est situé sous un climat marqué par braconnage des éléphants. Une meilleure compré-
deux saisons bien distinctes. Les contrastes entre hension des déplacements des éléphants s’avérait
la saison des pluies et la saison sèche sont tout à nécessaire et, pour y parvenir, des colliers émet-
fait spectaculaires, affectant la faune, la flore et le teurs reliés aux satellites et pourvus de GPS ont été
terrain. Entre juin et novembre, les précipitations posés sur des individus dans différents troupeaux.
moyennes se montent à 850 mm et la majorité du Ces colliers émettent les positions GPS des prin-
parc se retrouve complètement inondée. Le parc cipaux troupeaux d’éléphants jusqu’à une salle de
connait alors une forte migration de ses popu- contrôle où des opérateurs suivent en permanence
lations animales en dehors de ses limites, prin- les mouvements des éléphants et les positions
cipalement des éléphants et des damalisques et, des patrouilles.
dans une moindre mesure, des antilopes rouanne Le déploiement des patrouilles de lutte anti-
(­Hippotragus equinus) et des bubales (Alcelaphus braconnage est géré en fonction des informations
buselaphus), vers des zones septentrionales plus transmises aux équipes de terrain, basées sur la
sèches. Durant la saison sèche, la faune est attirée localisation des troupeaux d’éléphants et sur les
au cœur de Zakouma, par les plaines entourées menaces potentielles. Un système de radios VHF
de zones fertiles inondables et de mares dans les a également été mis en place pour permettre la
principaux cours d’eau (Bahr Salamat, Korom et communication au sein de l’ensemble du domaine
Dikere) procurent l’eau nécessaire à ces vastes pâ- vital des éléphants. Les méthodes de patrouille
turages pendant ces mois de sécheresse. De grands ont également été ajustées et la collecte de ren-
troupeaux d’animaux ainsi que des milliers d’oi- seignements a été améliorée. Deux avions ont été
seaux se rassemblent autour de ces points d’eau de déployés pour une surveillance anti-braconnage
février à juin offrant un magnifique spectacle. extensive, le suivi aérien et l’approvisionnement
Même si l’espèce emblématique est l’éléphant, des postes reculés. Des pistes d’aviation supplé-
le parc est aussi un refuge important pour bien mentaires ont été ouvertes afin d’apporter un
d’autres espèces, dont beaucoup sont menacées appui en saison des pluies lorsque la plupart des
dans cette écorégion qui s’étend du Sénégal au Sou- routes sont impraticables. La formation, l’équipe-
dan. La faune du parc inclut 44 espèces de mammi- ment et le recrutement des gardes ont complété le
fères dont 16 sont de grands mammifères comme dispositif. Depuis 2011, la population d’éléphant
la girafe de Kordofan (Giraffa ­camelopardalis de Zakouma s’est ainsi stabilisée.

239
240
3. Organisation de la gestion de Zakouma a été confiée à la fondation African
des aires protégées Parks qui a la responsabilité quotidienne de
la gestion, dont l’exploitation touristique et la
3.1 Gouvernance et systèmes de lutte anti-braconnage. Tous les revenus qui en
gestion des aires protégées découlent sont utilisés pour sa gestion.
La création du parc national de Séna Oura, à
Chaque aire protégée est placée sous l’auto- la demande explicite des populations riveraines,
rité d’un conservateur qui en assure la gestion et a favorisé les relations entre les populations rive-
la protection. Cependant, il existe une concer- raines et l’administration d’une part, et certains
tation entre le secteur public et le secteur privé partenaires comme le RAPAC (Réseau des Aires
d’une part, et les communautés riveraines d’autre Protégées d’Afrique Centrale) et la coopération
part. Dans ce cadre, la gestion du parc national technique allemande (GIZ) d’autre part.

Tableau 4 - Formes de gouvernance dans les aires protégées du Tchad

Institutions et groupes Nombre d’aires Superficie des aires


Type de gouvernance
de gestion impliqués * protégées protégées (ha)
Gouvernementale Gestion étatique 9 11 062 820 ha
Privée - - -
Communautaire - - -
Partagée** Gestion déléguée à African Parks 1 305 000 ha
* : il peut s’agir d’un service de l’état (direction des aires protégées, agence autonome de gestion des aires protégées, service déconcentré de
l’état…), d’une structure de type association ou ONG, nationale ou internationale, d’un propriétaire privé,…
** : cela peut-être une combinaison de deux ou trois des types ci-dessus.
- : données non disponibles

Les trois parcs nationaux ont élaboré leur scientifiques…). Dans le souci de renforcer la
plan d’aménagement. La version 2009-2019 du collaboration avec les autres parcs, les acteurs
parc national Sena-Oura, lié au binational Séna impliqués dans la gestion de la faune du pays
Oura – Bouba Ndjida, est encore dans sa version ont été associés à ce processus et ont clairement
provisoire (DPNRFC, 2009). Le plan d’aména- exprimé leurs préoccupations. Les principes
gement du parc national de Manda a été élaboré d’orientation de la gestion de Manda reposent
grâce à un processus participatif en collabora- sur la sécurisation de l’espace, la recherche
tion avec les cantons de la périphérie du parc, des financements durables et l’implication des
des spécialistes de la gestion des aires protégées, populations riveraines. Le plan d’aménagement
des représentants des diverses administrations, couvre une période de 10 ans, de 2012 à 2022
élus locaux, le secteur privé et associatif, des (Worgue Yemye, 2012).

Tableau 5 - État d’avancement de l’aménagement des aires protégées

Nombre de plans d’aménagement


Catégorie
de protection En cours de Evalué et révisé
Aucun Réalisé (date)
préparation (date)
Parc national 0 1 (2009-2019) 1 (2012-2022) , 1 (2007-2011) -
Réserve de faune 7 - - -
- : données non disponibles
3.2 Les moyens disponibles

3.2.1 Les ressources humaines et matérielles

Le personnel en charge de la gestion des nance mises en place (dévolution au secteur


aires protégées se monte à un peu plus de privé ou aux communautés de certaines respon-
200 personnes mais reste très insuffisant au sabilités) permettraient de palier partiellement à
regard des besoins du pays (tableau 6). Les ce manque d’effectif des administrations, tout en
moyens de l’état tchadien restant limités, l’appui favorisant l’intégration de la conservation de la
de la communauté internationale reste plus que biodiversité et son exploitation durable dans la
nécessaire. Les nouvelles approches de gouver- société dans son ensemble.

Tableau 6 - Evolution des personnels affectés dans les aires protégées du pays

Années
Personnel
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Cadres supérieurs - - 2 - - - 16 13 - -
Cadres moyens - - 5 - - - 19 15 - -
Gardes et écogardes - - 68 - - - 190 176 - -
Total - - 75 - - - 225 219 - -
- : données non disponibles

3.2.2 Financements partenaires du développement pour l’appui à


la conservation des ressources naturelles. Il
L’État alloue 40 millions de francs CFA à la s’agit de l’Union Européenne, de la Coopé-
DPNRFC par le biais du ministère des finances et ration Française à travers le Fonds Français
du budget pour l’appui aux aires protégées. Des pour l’Environnement Mondial (FFEM), de
allocations irrégulières, comme des investisse- la GIZ, du PNUD, du PNUE (Programme des
ments en matériels, sont également octroyées. Nations Unis pour l’Environnement), du FEM,
Les financements des aires protégées au et du Fond international pour la protection des
Tchad proviennent donc essentiellement des animaux (IFAW).

241
242
Tableau 7 - Catégories d’acteurs, sources de financements et nature des activités menées dans
les aires protégées du Tchad

Programmes Sources de Activités Sites


Catégorie Période Montant
et projets financement financées bénéficiaires
Fonctionnement
Toutes les 40 millions
État et Trésor public Appui -
aires protégées FCFA
investissement
Projet Technique et
UE - -
CURESS financière
Ecodéveloppement
et renforcement
Coopération
- des capacités Zakouma - -
française
des cadres du
Ministère
Gestion du Gestion du parc
African Parks - -
parc dans sa totalité
Projet
Partenaires Conservation
et Utilisation
durable de la PNUD/FEM Financière Manda - -
biodiversité
dans le Moyen
Chari
Projet
UE/RAPAC, Technique et 2014-
transfrontalier Séna Oura 7.9 millions e
GIZ, UICN financière 2018
BSB
Projet
GIZ Technique Binder Léré - -
PRODALKA
- : données non disponibles

4. Enjeux socio-économiques 4.2 Valorisation durable


autour des aires protégées de la biodiversité

4.1 Tourisme Dans la plupart des aires protégées, les popu-


lations riveraines utilisent les ressources natu-
Le parc national de Zakouma est le seul parc relles pour leur subsistance en jouissant d’un
qui accueille régulièrement des touristes. Les droit d’usage.
chiffres de fréquentation ont beaucoup fluctué, D’après une évaluation qualitative menée par
notamment selon la situation sécuritaire (700 l’UICN en 2008 (UICN/PACO, 2008), à Binder
touristes en 2003, 100 en 2007, 365 en 2013). Léré, 32 villages sont installés dans la réserve
En dehors des chasseurs résidents, le tourisme et jouissent de droits d’usage. Dans l’Aouk,
cynégétique est devenu pratiquement inexistant les populations bénéficient de la pêche, des
et aucune zone de chasse n’est plus fonctionnelle produits de la chasse, de la capture de varans
à l’heure actuelle. (Varanus niloticus) et de la vente de peaux et
dans le Bahr Salamat, la culture du berbéré (un
sorgho repiqué, Sorghum durra), la collecte de ment de son personnel lors des périodes d’ins-
la gomme arabique (produite par des arbres du tabilité, l’appui continu de l’Union Européenne
genre Acacia) et le bétail constituent les prin- depuis 1989 pour un montant de 30 millions d’e,
cipales sources de revenus des populations. À ainsi que l’appui des plus hautes instances du
Fada Archei et à Mandelia, la survie des popu- pays expliquent cette réussite.
lations serait peu liée à l’existence de ressources Toutefois, cette situation contraste avec la
exploitables ou en baisse suite à la dégradation plupart des autres aires protégées du Tchad où
des ressources. la protection est souvent inexistante provoquant,
comme dans la zone sahélienne, la perte de ses
5. Bilan général de la gestion espèces phares telles que l’oryx. La survie de la
des aires protégées du pays faune des zones arides et humides, uniques au
Tchad et d’importance internationale, dépend
L’expérience du Tchad en matière de gestion de la redynamisation des services de la conser-
des aires protégées est mitigée. On observe d’un vation, ainsi que de la création de nouvelles
côté le parc national de Zakouma qui est le seul aires protégées dans les zones qui sont restées
parc dans la sous-région (Cameroun, RCA, jusqu’à maintenant sans véritable protection. Les
Tchad), qui en dehors des éléphants a été en facteurs qui ont prouvé leur réussite à Zakouma,
mesure de protéger sa grande faune ainsi que devraient y être mobilisés (engagement local,
son habitat (Scholte et al., in prep). L’engage- national et international).

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mise en œuvre du secteur 2 (gestion durable des res-
DPNRFC, 2009. Parc national de Sena-Oura, com- sources) du 11ème FED.
plexe binational Sena-Oura – Bouba-Ndjidda, plan
UICN, 2014. Red List version 2014.3, Table 5 : Threa-
d’aménagement 2009-2019. Version provisoire 2009, tened species in each country. http://www.iucnredlist.
Tchad : 209 p. org/
Dowsett, R.J., Atkinson, P.W. & Caddick, J.A., UICN/PACO, 2008. Evaluation de l’efficacité de
2015. Checklist of the birds of Chad. www.african- la gestion des aires protégées : aires protégées du
birdclub.org. Tchad : 52 p.

243
244
Worgue Yemye L., 2012. Rapport de collecte des don- faune et des aires protégées dans sept pays membres
nées nationales – Tchad. Aires protégées résilientes au du RAPAC : Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC,
changement climatique, PARCC Afrique de l’Ouest. STP et Tchad. Partie 1 : État des lieux et analyse
PNUE.UICN/FEM Tchad : 38 p. comparative des législations relatives à la gestion de
Yadji Bello & Oko R.A., 2014. Étude sur l’harmo- la faune et des aires protégées. RAPAC, Libreville,
nisation des législations relatives à la gestion de la Gabon : 251 p.

Sigles et abréviations
APROCOFF : Association pour la protection et la MERH : Ministère de l’Environnement et des Res-
conservation de la faune et de la flore sources halieutiques
BSB : Binational Séna Oura - Bouba Ndjida ONG : Organisation non gouvernementale
DCBPNC : Direction de Conservation de la Biodiver- PNUE : Programme des Nations Unis pour l’Envi-
sité, des Parcs Nationaux et de la Chasse (ex-DPNFC) ronnement
DPNFC : Direction des Parcs Nationaux, des Ré-
PNUD : Programme des Nations Unis pour le Déve-
serves de Faune et de la Chasse
loppement
FEM : Fond pour l’Environnement Mondial
RAPAC : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Cen-
FFEM : Fond Français pour l’Environnement Mon-
trale
dial
UE : Union Européenne
GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusamme-
narbeit (Coopération technique allemande) UICN : Union Internationale pour la Conservation de
IFAW : International Fund for Animals Welfare la Nature
LAGA : Last Great Ape UNESCO : United Nations Educational, Scientific
MAE : Ministère de l’Agriculture et de l’Environne- and Cultural Organization
ment ZIC : Zone d’Intérêt Cynégétique

245
246
Annexe 1 – Tableau récapitulatif des aires protégées
du Tchad
Date de Superficie
Nom AP Textes de référence
création (ha)

1 PN de Zakouma 1963 Décret 86/T/EFC du 7 mai 1963 305 000

2 PN de Manda 1965 Décret 56/PR/EFC/PNR du 19 mars 1965 114 000

3 PN de Séna Oura 2010 Loi 11/PR/2010 du 10 juin 2010 73 520

4 RF de Binder Léré 1974 Décret 169/PR/EFC/PNR du 14 mai 1974 135 000

5 RF de Mandelia 1967 Décret 199/PR/EFPC/PNR du 7 octobre 1967 138 000

6 RF du Bahr Salamat 1964 Décret 49/T.EFC du 29 février 1964 2 060 000

7 RF de Fada Archei 1967 Décret 232/PR/EFC/PNR du 7 octobre 1967 211 300

8 RF d’Abou Telfane 1952 Décret 52/182 du 18 février 1952 110 000

RF de Ouadi Rimé-Ouadi
9 1969 Décret 135/PR/EFC/PNR du 10 mai 1969 7 795 000
Achim

10 RF de Siniaka Minia 1961 Décret 97/PG/T/EFC du 17 mai 1961 426 000

Total 11 367 820

Notes : PN : parc national ; RF : réserve de faune ; Plan d’amgt : plan d’aménagement ; RAPAC : site pilote du RAPAC ; PM : site inscrit sur la liste
du patrimoine mondial ;
RB : site faisant partie du réseau des réserves de la biosphère ; SR : site inscrit au titre la convention de Ramsar sur les zones humides.
- : données non disponibles
Les informations présentées dans le tableau suivant sont des informations préliminaires. Elles
devront être vérifiées par les autorités compétentes et toutes personnes disposant d’une connaissance
des aires protégées du pays.

Effectif Catégorie Plan d'amgt


Principaux partenaires RAPAC PM RB SR
personnel UICN (année)
MAE/DCBPNC, UE,
87 II X X X
African Parks
MAE/DCBPNC, PNUD,
40 II X
FEM
MAE/DCBPNC, RAPAC /
15 II X X
UE, GIZ, UICN
MAE/DCBPNC, GIZ
15 IV - X X
(jusqu’au 2008)

18 MAE/DCBPNC IV -

MAE/DCBPNC,
- IV - X
African Parks

15 MAE/DCBPNC IV -

- MAE/DCBPNC IV -

MAE/DCBPNC, Sahara
20 IV -
Conservation Fund
MAE/DCBPNC,
20 IV -
African Parks

230 3 3 0 0 3

247
PLAN STRATÉGIQUE
DES AIRES MARINES
PROTÉGÉES
D’AFRIQUE CENTRALE
Jean-Jacques GOUSSARD, Florence PALLA et Jean-Michel SIONNEAU
250
Afin de faire face aux risques de dégradation des écosystèmes marins et côtiers
et renforcer la coopération régionale, la Convention relative à la coopération en
matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de
la région de l’Afrique occidentale, centrale et australe, ou Convention d’Abidjan,
a été adoptée en 1981.

L’article 11 de cette convention prévoit la Il est pourtant reconnu que le golfe de Guinée
mise en place « d’aires spécialement protégées » abrite une biodiversité remarquable et constitue
pour la conservation de la biodiversité et des un espace géographique critique pour diverses
services environnementaux marins et côtiers1. espèces protégées à forte valeur patrimoniale.
Cette dénomination correspond au terme géné- Au-delà des impératifs de conservation, les
rique aujourd’hui employé « d’aires marines ressources naturelles côtières et marines, notam-
protégées – AMP ». ment les ressources halieutiques, jouent un rôle
Cet objectif est en cohérence avec les agendas important pour les économies nationales et
globaux, notamment celui de la Convention sur locales. Certains habitats littoraux tels que les
la diversité biologique (CDB), qui engage les mangroves et les lagunes offrent des services
pays signataires à la mise en place de réseaux environnementaux essentiels, en matière de
d’AMP représentatifs, cohérents et fonction- diversité et de productivité biologique, de valeur
nels abritant au moins 10 % de la superficie des paysagère, de sécurité alimentaire, de stabilisa-
différents écosystèmes marins et côtiers, pour tion du trait de côte, de réduction des risques de
favoriser la conservation de la biodiversité et catastrophes naturelles ou encore d’atténuation
des stocks halieutiques (cf. Cible d’Aichi n°11 à des effets du changement climatique (contribu-
l’horizon 2020). tion à la fixation de carbone des écosystèmes de
mangroves et des herbiers marins).
1. Une initiative pionnière Les pays de la façade atlantique de l’Afrique
connaissent un développement rapide, tant aux
En Afrique centrale, l’essentiel des efforts plans démographique qu’économique, largement
de conservation s’est concentré sur les forêts et documenté dans l’étude prospective conduite par
la grande faune du domaine terrestre. La partie l’UICN (Union Internationale pour la Conser-
marine n’a fait l’objet que d’efforts de moindre vation de la Nature) pour le Schéma Directeur
ampleur, hormis certains cas comme la création des Littoraux de l’Afrique de l’ouest. Cette
des deux parcs marins de Conkouati-Douli au tendance lourde se traduit pour les milieux et
Congo et de Mayumba au Gabon, ayant voca- ressources naturelles par des pressions accrues,
tion à être gérés comme une grande aire marine et parfois de sévères dégradations. La croissance
protégée transfrontalière. démographique en zone côtière, l’urbanisation,
les pollutions, le défaut de planification territo-
1
Article 11 de la Convention d’Abidjan : Aires spécialement pro-
tégées. Les Parties Contractantes prendront, individuellement ou riale et la consommation d’espaces littoraux par
conjointement selon les cas, toutes les mesures appropriées pour diverses industries et infrastructures (tourisme,
protéger et préserver les écosystèmes rares et fragiles ainsi que industries extractives, ports, etc.) se combinent
les habitats des espèces surexploitées, menaces ou protégées et
la vie marine. À cette fin, les Parties Contractantes prendront les à des niveaux d’exploitation non soutenable des
dispositions nécessaires pour établir des aires protégées, telles ressources naturelles.
que des parcs et des réserves, et pour interdire et contrôler toute
activité susceptible d’avoir des effets néfastes sur les espèces,
À terme, les menaces pesant sur les écosys-
écosystèmes ou processus biologiques dans ces zones. tèmes côtiers et leur capacité à fournir les biens
et services nécessaires au développement vont à 2015 sur les pays d’Afrique de l’ouest en liaison
l’encontre des stratégies de développement, mais avec le RAMPAO (Réseau des Aires Marines
aussi de la sécurité des populations vulnérables et Protégées d’Afrique de l’Ouest), et les pays du
de la préservation de la biodiversité. C’est donc golfe de Guinée. L’étude s’inscrivait en effet
opportunément que les pays d’Afrique centrale, dans le cadre d’une initiative plus vaste portée
au travers du RAPAC (Réseau des Aires Proté- par le secrétariat de la Convention d’Abidjan
gées d’Afrique Centrale), ont pris l’initiative, à et l’UICN, destinée à produire un état de réfé-
l’échelle régionale, de compenser ce retard, et rence et un plan de travail stratégique sur les aires
ont cherché à réduire les impacts des pressions marines protégées de l’ensemble de la façade
et des changements en cours, en mettant en atlantique de l’Afrique.
place un dispositif d’aires protégées conçu sur
une base territoriale et prospective, et garantis- 2. Principales parties prenantes
sant la pérennité de la biodiversité et du potentiel
productif des écosystèmes côtiers et marins. L’étude, menée en réseau, a été coordonnée
Le RAPAC et ses partenaires, en soutien aux par l’UICN MACO (Programme marin et côtier
États côtiers d’Afrique centrale1, ont ainsi lancé pour l’Afrique centrale et occidentale), avec la
en 2012 un programme de travail stratégique sur collaboration du WWF (Fond mondial pour la
les aires marines protégées. Il avait pour objectif nature). Le Groupe Expert Côtier de la Commis-
d’établir un état de référence, d’identifier les sites sion sur la Gestion des Écosystèmes de l’UICN a
d’importance écologique et d’élaborer un plan assuré l’encadrement méthodologique.
stratégique pour construire un réseau régional L’initiative a été financée par le 10e
d’AMP représentatif, fonctionnel et cohérent Programme indicatif régional de l’Union Euro-
d’ici 2020. péenne et conduite sous supervision du Secréta-
Ce travail s’est coordonné avec d’autres riat exécutif du RAPAC et de la coordination du
processus en cours comme l’identification des programme régional ECOFAC V (Ecosystèmes
EBSA (Ecologically or Biologically Significant Forestiers d’Afrique Centrale).
Areas ou zones d’intérêt écologique ou biolo- D’autres collaborations ont été dévelop-
gique). Il a été poursuivi par l’UICN en 2014 et pées, avec la COREP (Commission Régionale
des Pêches du golfe de Guinée) et la CEAAC
1
Ce travail concerne les pays côtiers d’Afrique Centrale : Came-
roun, Guinée Équatoriale, Gabon, Sao Tomé et Principe, Congo
(Commission Économique des États d’Afrique
et République Démocratique du Congo (pays côtiers du RAPAC) Centrale).

251
252
3. 2013, les premiers résultats fondissement mené en interaction avec les 6 pays
concernés, et débouchant sur une proposition de
La première étape a été l’établissement d’un stratégie consolidée pour juin 2015. Celle-ci sera
état de référence des AMP existantes, accom- déclinée en un programme opérationnel régional,
pagné d’une cartographie au 1/500 000ème assorti de programmes opérationnels par pays.
du réseau d’AMP existantes. Cette cartogra- L’objectif du plan stratégique est de permettre
phie régionale constitue à ce jour un référentiel aux États d’Afrique centrale de satisfaire leurs
partagé par l’ensemble des acteurs. engagements auprès de la CDB en fonction des
La mise en perspective territoriale de ce réseau cibles d’Aichi, mais également :
s’est effectuée au travers d’un essai de prospec- • d’intégrer le réseau des AMP au plan territorial
tive régionale et d’une analyse des dynamiques et prospectif dans les stratégies de développe-
de développement, qui prend particulièrement ment et d’aménagement des territoires côtiers
en compte l’insertion territoriale des AMP, les des différents États,
activités de pêche ou encore d’exploitation des • d’optimiser l’effort de conservation dans les
hydrocarbures et les zones d’exclusion maritime AMP existantes au travers du renforcement de
associées. Les habitats et écosystèmes naturels capacités des gestionnaires et de l’efficacité de
présentant un intérêt pour la biodiversité ont été gestion des différentes AMP,
systématiquement repérés et cartographiés. La • d’effectuer une mise en réseau des AMP
cohérence du dispositif d’aires marines proté- cohérente avec le réseau des aires protégées
gées a été évaluée aux niveaux géographiques terrestres,
régional, national et local, et en fonction des • de formuler des propositions en vue de
dynamiques de changement observées dans les compléter le réseau des AMP afin de renforcer
politiques et les stratégies de développement, sa fonctionnalité, sa représentativité et sa cohé-
d’adaptation et de réduction des risques marins rence aux échelles régionale et nationales.
et côtiers.
Suivant les principes de l’approche orientée
4. 2014, une vision partagée sur les écosystèmes, les finalités des AMP, dans
pour les AMPs la sous-région de l’Afrique centrale, peuvent être
récapitulées comme suit :
d’Afrique centrale
• protection et/ou restauration d’un ensemble
Le plan stratégique pour les AMP d’Afrique d’habitats remarquables, rares ou menacés et
centrale est au centre d’une large concertation. des communautés biologiques associées,
La publication des résultats de la phase 2013 a été • préservation d’espèces emblématiques à forte
suivie en 2014 et 2015 d’un processus d’appro- valeur patrimoniale,
• gestion durable des ressources halieutiques du développement dans les zones côtières,
et maintien de la capacité des écosystèmes accompagnés d’outils réglementaires permet-
côtiers et marins à assurer le renouvellement tant d’améliorer la maîtrise foncière dans les
de ces ressources et des populations, espaces côtiers.
• préservation de la capacité des écosystèmes • l’information pédagogique des décideurs et
naturels à fournir les biens et services écolo- services techniques des secteurs en charge des
giques nécessaire au développement des grands projets, quant à la nécessité de préser-
sociétés côtières, notamment en matière de vation des systèmes naturels au sein des zones
réduction des risques marins et côtiers, en développement.
• gestion multifonctionnelle des espaces côtiers • la mise en œuvre volontariste de projets de terri-
et marins basée sur une gouvernance partagée toires dans les espaces côtiers incluant des AMP.
et anticipative, • le respect et la valorisation des cultures et
• préservation de systèmes naturels servant de patrimoines maritimes et côtiers, notamment
références scientifiques, au travers d’instruments encadrant les activités
• préservation du patrimoine historique et touristiques dans les zones côtières.
culturel des sociétés côtières,
• préservation d’opportunités économiques 5.2 Compléter et optimiser
actuelles et/ou futures (valeurs esthétiques et les réseaux nationaux
récréatives, tourisme par exemple, éducatives, et régional d’AMP
et scientifiques).
Il s’agit principalement ici de :
5. Quelques orientations • adapter les délimitations de certaines AMP
stratégiques existantes, en vue d’y intégrer des écosystèmes
et habitats actuellement mal représentés, tout
5.1 AMP, des éléments structu- en visant les cibles d’Aichi,
rants dans les démarches • étendre le réseau d’AMP au travers de la dési-
d’aménagement des gnation de nouveaux espaces à protéger ; la
­territoires côtiers création de nouvelles AMP étant justifiée pour
différentes raisons (i) améliorer la connecti-
en développement
vité du réseau existant ; (ii) améliorer la repré-
Dans les espaces marqués par des dévelop- sentativité du réseau existant ; (iii) créer des
pements rapides ou par l’émergence de projets réserves foncières (stratégiques) dans les zones
structurants, la préservation des biens et services soumises à un développement rapide et présen-
écologiques doit être prise en compte en amont tant un intérêt confirmé en matière de biodi-
dans le but d’une intégration efficace et fonc- versité, ou (iv) préserver des infrastructures
tionnelle des systèmes naturels au sein des terri- naturelles importantes pour le maintien des
toires aménagés. Comment intégrer à différentes services écologiques dans ces mêmes zones.
échelles, les instances en charge de la conser- Une démarche complémentaire peut conduire
vation dans les réflexions et études préalables à définir des mesures de conservation multi-
menées dans le cadre de ces grands projets ? fonctionnelles associées à des activités écono-
Conforter cette reconnaissance peut inclure : miques (zones d’exclusion des hydrocarbures,
• l’incitation des États à développer des plans zonages des pêches – restrictions spatiotempo-
stratégiques pour le milieu marin, incluant une relles). Cette démarche est à coupler avec le
réflexion prospective sur les tendances lourdes processus d’identification des EBSA,

253
254
• sécuriser, consolider et actualiser les statuts usages, gouvernance locale, notamment concer-
de certaines « AMP » actuellement classées nant les mécanismes de négociation et de prise de
en site RAMSAR (réseau des zones humides décision et la distribution des compétences.
de l’Unesco, l’Organisation des Nations unies Les travaux réalisés en 2014 et 2015 doivent
pour l’éducation, la science et la culture), dont déboucher sur des propositions de formation des
l’intérêt en matière de biodiversité justifie agents des services techniques des pays concernés
l’extension et la formalisation des mesures de qui seront testées au travers de premiers cycles
conservation, de renforcement des capacités.
• mieux considérer et préserver les systèmes de
connexions fluviomarines, estuaires et lagunes. 5.4 Développer les connaissances
L’harmonisation régionale des statuts natio- sur les écosystèmes marins
naux de conservation pour les AMP et leur et côtiers pour une meilleure
alignement sur les catégories UICN peut consti- pertinence des décisions de
tuer un chantier important à l’échelle régionale,
gestion et de l’effort
en liaison avec la démarche d’harmonisation
régionale juridique et législative engagée par
de conservation
le RAPAC. Cette harmonisation constitue un L’amélioration des connaissances est à mener
préalable pour la gestion conjointe des espaces en continu et doit permettre de pallier aux
transfrontaliers qui, en Afrique centrale, s’avère lacunes observées, notamment par la formulation
essentielle pour la conservation de la biodiver- de questions de recherche spécifiques en réponse
sité, la représentativité et la cohérence du réseau aux problèmes particuliers posés par la gestion
régional d’AMP. des AMP.
Compte tenu des moyens importants à déployer
5.3 Des capacités institution- pour la mise en œuvre de campagnes océanogra-
nelles renforcées pour la phiques, la mutualisation inter-États de celles-ci
gestion des espaces côtiers est à recommander et relève donc aussi d’une
et aires marines protégées approche géopolitique de la gestion des espaces
marins et de la mer profonde pour l’identifica-
Le développement des capacités institution- tion partagée des zones d’intérêt scientifique, qui
nelles et interinstitutionnelles (pêche, tourisme, comprennent aussi les espaces exploitées par les
transports, hydrocarbures, équipement) de ressources halieutiques partagées.
gestion des AMP implique un effort de mise à Des partenariats sont à développer avec le
niveau (formation) coordonnée, voire conjointe, secteur privé et en particulier les opérateurs du
des agents des différents départements dispo- secteur des hydrocarbures. Ces opérateurs sont
sant de compétences relatives aux espaces et aux amenés à développer de nombreuses études (dont
ressources marins et côtiers. La connaissance, les études d‘impact), qui peuvent contribuer
voire la découverte mutuelle des compétences à améliorer la connaissance des écosystèmes
respectives de chacun est de nature à favoriser la marins. Par ailleurs, ils disposent de moyens
gestion d’espaces, qui sont avant tout multifonc- favorisant l’observation en mer. Du fait des zones
tionnels. d’exclusion pour la pêche et/ou la navigation,
Un second chantier est d’ordre juridique et les installations pétrolières offshore constituent
législatif en vue de mieux encadrer globalement aussi des éléments structurants de l’aménage-
la gestion des espaces marins et côtiers et spécifi- ment spatial maritime. Le manque de moyens des
quement la gestion des AMP : réglementation des États côtiers pour la collecte de données océano-
graphiques doit amener à développer le dialogue zones au-delà des juridictions nationales. Ceci
interinstitutionnel entre les services en charge de implique le développement de partenariats straté-
la conservation et ceux en charge des hydrocar- giques avec des instituts de recherche spécialisés.
bures et de la pêche. Le recensement et l’accompagnement de
La mise en place de campagnes océanogra- projets de recherche, souvent menés par des insti-
phiques exploratoires en haute mer doit être tutions internationales, doivent être réalisés, avec
favorisée, particulièrement dans les secteurs la production de résultats finalisés exploitables
maritimes d’intérêt pour la biodiversité, canyons pour la formulation de prescriptions de gestion.
et monts sous-marins, et également dans les

255
Les aires protégées d’Afrique centrale
en 2015

)
" Capitale

)
"
! Capitale
Chef-lieu de province ou de région

!
)
" Chef-lieu
Cours de province ou de région
d'eau
Capitale

! Cours
Eau d'eau
libre
Chef-lieu de province ou de région

Eau libre
Paysage
Cours à haute valeur de conservation
d'eau

Aire protégée
Paysage
Eau libre à haute valeur de conservation
Parc national
Aire protégée
Paysage à haute valeur de conservation
Parc
Autrenational
aire protégée
Aire protégée

Autre aire protégée


Parc national

Autre aire protégée


Les aires protégées sont au cœur des stratégies
de conservation de la biodiversité :
elles ont pour objectif la protection à long
terme du patrimoine naturel et des ressources
biologiques qui constituent le fondement des
économies des pays. Le présent document
rassemble pour la première fois un inventaire
complet des aires protégées d’Afrique centrale.
Il s’adresse en priorité aux décideurs
et aux gestionnaires de la biodiversité,
aux bailleurs de fonds et, de manière plus
générale, à toute personne qui s’intéresse
à la conservation et à la gestion durable
de la biodiversité d’Afrique centrale.
Des chapitres nationaux décrivent
les réseaux d’aires protégées
en termes de superficie et
de répartition.
Ces données sont
commentées et complétées
par des informations sur
la gouvernance et la gestion
des aires protégées, sur les projets
d’appui à leur développement ainsi
que sur leur importance socio-économique.
L’ensemble procure une base nécessaire
pour les prises de décision et la gestion des
aires protégées d’Afrique centrale, et de la
biodiversité en général.

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