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I

HOGERE ZEEVAARTSCHOOL ANTWERPEN

L’enseignement du Leadership dans un


environnement maritime
Jean-Côme Vendé

Mémoire présenté pour l’obtention Promoteur: Ludwina Van Son


Du titre de
Master en Sciences Nautiques année académique: 2020 – 2021
i

AVANT-PROPOS
Ayant eu la chance d’avoir été coach sur le DAR MLODZIEZY, j’ai touché du doigt la réalité
d’un leader d’équipe tant par ma mission auprès des élèves que par les officiers que j’ai pu côtoyés.
Je me suis rendu compte qu’être officier de Marine Marchande revêtait un aspect allant au-delà d’un
simple métier de cadre supérieur en entreprise. Durant les exercices de mise en situation, j’ai
découvert que les qualités humaines d’un chef permettaient une meilleure appréhension des
situations de crise. Acquérant de ce fait, la ferme conviction que mon savoir-faire technique ne
suffirait pas à faire de moi un officier compétent, fiable et conscient des enjeux de notre beau
métier. J’ai pu également découvrir la différence assez tenue entre commandement et leadership.

Guidé en ce sens par mes proches, mes collègues et mes professeurs, j’ai donc décidé de
traiter le leadership comme étant la qualité principale, substantive à notre état de décideur.
L’objectif de ce mémoire étant de poser les bases d’une réflexion dont le point de départ est que
l’officier de Marine Marchande doit savoir cultiver, en parallèle de son bagage technique, un
charisme propre qui l’aidera à réaliser pleinement sa mission de commandement auprès de ses
hommes.

Je tiens à remercier tout particulièrement ;

Les personnes interviewées, pour leur dévouement et leur attention :

Le Dr. Rowan Van Schaeren, directeur de l’Ecole Supérieure de navigation d’Anvers


Mme Camille Debandt, professeure de psychologie à l’Ecole Supérieure de navigation d’Anvers.

Ceux qui m’ont conseillé et qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire :

Dr. Ludwina Van Son, directrice de la faculté des Sciences de l’Ecole Supérieure de navigation
d’Anvers et de ce mémoire.
Le Capitaine Michael Barbaix, commandant chez EURONAV.
M. Jean-Stéphane Betton, professeur d’Histoire-Géographie au Lycée Français de Moscou.
Mme Pauline Trouillon, diplômée de l’Ecole de Management de Lyon.
Dr. Grégory Duncan, chef de service des urgences du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer.
M. Alain Vendé, fonctionnaire du Ministère des Armées (France).

Ainsi que ma famille et mes proches qui m’ont encouragé à aller au bout.
ii

Je tiens également à dédier ce mémoire à mon frère, marin-pêcheur, dont la force d’âme et le
caractère l’ont aidé et continueront de le guider face aux situations extrêmes qu’il rencontre dans
son métier.
iii

RESUME
A travers ce mémoire, nous allons mener une recherche sur le leadership et sa conjugaison
au sein de la formation maritime. En effet, au regard du rôle à tenir à bord par les officiers, les
facteurs humains en général et le leadership en particulier, apparaissent comme des éléments
majeurs de la sécurité des équipages et de la bonne gestion de l’ensemble des opérations liées au
contexte de l’industrie maritime. C’est pourquoi nous allons traiter cette problématique en trois
parties.

Dans un premier temps, il semble important de définir l’ensemble des soft skills à connaître
et à maitriser pour un futur officier naviguant dans un contexte maritime de plus en plus globalisé
(interview des différents acteurs comme professeurs, navigants, etc…). Ceci nous amènera à dégager
le leadership comme étant la notion la plus essentielle pour former un officier. Ce dernier n’étant pas
seulement un technicien mais également un chef d’équipe responsable de la sécurité de son
équipage et garant du respect des procédures pour une conduite optimale et sécurisée des
opérations.

Puis, nous étudierons en détail l’environnement dans lequel l’officier de quart, comme
opérateur de système à risques (le navire), sera amené à évoluer. Nous inscrirons notre acteur dans
sa réalité, à savoir, ses limites propres afin d’inscrire la notion de leadership dans ce contexte
particulier.

Enfin, nous dresserons un constat sur ce qui se qui est déjà mis en place dans la formation
maritime à ce propos tout en proposant des axes de réflexions pour les enseignants et les étudiants.
Nous aborderons également de nouvelles problématiques comme la connectivité à bord. Nous
conclurons sur la manière dont un autre secteur tel que l’armée forme ses cadres au leadership.

Ce mémoire de Master aura donc pour but final de dresser un bilan sur la place à accorder au
leadership en tant que facteur humain dans l’enseignement maritime.
iv

ABSTRACT
Through this brief, we will conduct research on leadership and its conjugation within
maritime training. Indeed, with regard to the role to be played on board by officers, human factors in
general and leadership in particular, appear to be major elements of crew safety and the sound
management of all operations related to the context of the marine industry. That is why we will
address this problem in three parts:

At first, it seems important to define all the soft skills to know and master for a future officer
navigating in an increasingly globalized maritime context (interview of the different actors as
professors, sailors, etc.). This will lead us to identify leadership as the most essential concept for
training an officer. The latter is not only a technician but also a team leader responsible for the safety
of his crew and guaranteeing compliance with procedures for an optimal and secure conduct of
operations.

Then we will study in detail the environment in which the officer of the watch, as the
operator of a high-risk system (the ship), will have to operate. We will place our actor in his reality,
and discuss about his own limits in order to include the notion of leadership in this particular context.

Finally, we will draw up a report on what is already in place in maritime training in this regard
while proposing lines of thought for teachers and students. We will also discuss new issues such as
on-board connectivity. And we will open up on how another sector such as the military trains its
managerial staff for leadership.

In short, this brief proposes to establish that despite appearances (technical job); the duties of naval
officer impose training to the management because it is a preponderant human factor to face the
responsibilities entrusted in the future.
v

TABLES DES MATIERES


AVANT-PROPOS ........................................................................................................................................ i

RESUME ...................................................................................................................................................iii

ABSTRACT ................................................................................................................................................ iv

TABLES DES MATIERES .............................................................................................................................v

LISTE DES FIGURES.................................................................................................................................. vii

LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................................................. viii

INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1

1 PARTIE 1 – LE LEADERSHIP .............................................................................................................. 2

1.1 Les Soft skills ............................................................................................................................ 2

1.1.1 La capacité à travailler en équipe .................................................................................... 4

1.1.2 La communication ........................................................................................................... 6

1.1.3 L’esprit critique ................................................................................................................ 8

1.1.4 Le charisme du chef ......................................................................................................... 9

1.2 Le Leadership......................................................................................................................... 11

1.2.1 Origines du leadership ................................................................................................... 12

1.2.2 La théorie des traits ....................................................................................................... 14

1.2.3 La théorie du leadership situationnel............................................................................ 16

1.2.4 Commentaires et analyse .............................................................................................. 19

2 PARTIE 2- L’INDIVIDU ET LA (SA) REALITE ? .................................................................................. 20

2.1 Un constat simple : une industrie à risques .......................................................................... 21

2.1.1 Définition d’évènements maritimes : ............................................................................ 21

2.1.2 Nombres d’accidents et de victimes : ........................................................................... 22

2.1.3 Accidents de navigation: ............................................................................................... 23

2.2 Le facteur humain.................................................................................................................. 24

2.2.1 Evolution du facteur humain ......................................................................................... 25


vi

2.2.2 Appréciation de l’erreur humaine ................................................................................. 26

2.2.3 L’intérêt d’une formation .............................................................................................. 27

2.3 L’Homme et la limite de ses capacités naturelles ................................................................. 28

2.3.1 Les limites mentales ...................................................................................................... 28

2.3.2 Les limites physiologiques de la performance individuelle ........................................... 34

2.4 « Psychologie du risque » ...................................................................................................... 45

2.4.1 Définition du risque ....................................................................................................... 45

2.4.2 Habitude, surconfiance et expertise ............................................................................. 47

2.4.3 Contexte et décision ...................................................................................................... 48

2.4.4 Homéostasie du risque .................................................................................................. 51

3 PARTIE 3 – SUJETS CONNEXES ET ENSEIGNEMENT ....................................................................... 53

3.1 Connectivité et société .......................................................................................................... 53

3.1.1 Gestion des écrans ........................................................................................................ 53

3.1.2 Technologie et Passerelle .............................................................................................. 55

3.2 Formation .............................................................................................................................. 58

3.2.1 Former l’officier de demain ........................................................................................... 58

3.2.2 Formation actuelle ........................................................................................................ 63

3.2.3 Réalisation Concrète...................................................................................................... 66

3.2.4 Le projet TEAMS ............................................................................................................ 69

3.2.5 Les autres formations .................................................................................................... 71

3.3 Expérience personnelle : le DAR MLODZIEZY ........................................................................ 74

3.3.1 Un défi humain .............................................................................................................. 75

3.3.2 Réaliser ses compétences.............................................................................................. 76

3.3.3 Une chance .................................................................................................................... 78

CONCLUSION ......................................................................................................................................... 79

Bibliographie.......................................................................................................................................... 80

Annexe 1-Interview du Dr. Rowan Van Schaeren ................................................................................. 85

Annexe 2-Interview de Mme Camille Debandt ..................................................................................... 87


vii

LISTE DES FIGURES


Figure 1 - Résumé des typologies du leadership ................................................................................... 13
Figure 2 - Allport trait chart ................................................................................................................... 14
Figure 3- Modèle de la décision de Vroom-Yettone ............................................................................. 17
Figure 4 - Modèle d’ Hersey-Blanchard ................................................................................................. 18
Figure 5 - Accidents de navigation et accidents à bord de navires, 2009 à 2019 ................................. 22
Figure 6 - Décès et blessés graves dans le secteur maritime, 2009 à 2019 ......................................... 22
Figure 7 - Accidents de navigation par type d’accident, moyenne de 2009 à 2018, et 2019 ............... 23
Figure 8- Part de l'erreur humaine sur les accidents recensés par le BST en 2019 .............................. 24
Figure 9-Résumé des différentes mémoires ......................................................................................... 29
Figure 10- Influence de la fatigue sur la performance .......................................................................... 32
Figure 11- Pyramide de Maslow ............................................................................................................ 33
Figure 12- l'œil humain.......................................................................................................................... 34
Figure 13- L'appareil auditif................................................................................................................... 36
Figure 14- Diagramme de Wegel ........................................................................................................... 37
Figure 15-Cycle d'une nuit de sommeil ................................................................................................. 40
Figure 16- Modèle transactionnel de stress et d'adaptation de Richard Lazarus ................................. 41
Figure 17 –Effet du stress sur la performance ...................................................................................... 43
Figure 18- arbre décisionnel .................................................................................................................. 49
Figure 19 - Modèle homéostatique de la prise de risque selon Gerald J. S. Wilde (1994) ................... 51
Figure 20 - Paramètres du risque cible.................................................................................................. 52
Figure 21 - L'opérateur au centre du système : Le modèle SHELL, d'après Edwards (1972) et Hawkins
(1987) .................................................................................................................................................... 55
Figure 22 - Statistiques dans l'aviation civile......................................................................................... 58
Figure 23 - Part des soft skills dans l'enseignement de la HZS .............................................................. 64
Figure 24-Typologie du leadership militaire.......................................................................................... 72
Figure 25 - Le DAR MLODZIEZY à l'arrivée à Anvers en 2016 ................................................................ 74
Figure 26 - le Dar Mlodziezy .................................................................................................................. 78
viii

LISTE DES TABLEAUX


Tableau 1- Attentes du chef .................................................................................................................... 5
Tableau 2- Valeurs limites d'exposition au bruit ................................................................................... 38
Tableau 3- Continuum des états de vigilances ...................................................................................... 39
Tableau 4- Matrice d’évaluation du risque ........................................................................................... 45
Tableau 5 – Conséquence du comportement face au signal inconnu .................................................. 49
Tableau 6 - Cours relatifs aux soft skills dans le curriculum .................................................................. 63
1

INTRODUCTION

« Le chef est celui qui prend tout en charge. Il dit : j’ai été battu. Il ne dit pas : Mes soldats
ont été battus » (Antoine de St-Exupéry, 1942). Le leadership est le commandement des hommes par
l’adhésion et découle d’une attitude qui se travaille au quotidien. Notre état d’officier à bord est un
processus continu dans le temps et qui s’appuie sur des connaissances techniques, humaines et
personnelles.

La nécessité de former des officiers fiables, compétents et responsables n’est pas à prouver.
En revanche à l’heure où la révolution numérique bouleverse notre environnement de travail, il
apparait important de rappeler que la mission, elle, n’as pas changée. Il s’agit toujours de conduire
un navire d’un point A à un point B tout en assurant la sécurité des individus présents à bord
(équipage et passagers), l’intégrité du navire et la défense des intérêts de l’armateur et/ou de
l’affréteur (cargaison, droits). De ce fait, la formation de nos officiers en tant qu’opérateurs dans un
système à risques, doit renforcer leurs capacités d’analyse et de décision. Pour autant il ne s’agit en
aucun cas de substituer la formation humaine à la compétence technique, mais plutôt de mettre en
relation un savoir-être avec un savoir-faire. Le but à atteindre devient alors la raison pour laquelle
l’officier devra mettre en œuvre toutes ses compétence techniques et humaines afin d’en garantir la
réalisation pleine et entière. Leonard de Vinci (1480) disait en ce sens : « Toute obstacle renforce la
détermination. Celui qui s’est fixé un but n’en change pas ».

Ce mémoire traitera de la question de l’enseignement du leadership dans l’environnement


maritime à travers la problématique suivante : Peut-on faire l’économie de l’apprentissage du
leadership dans la formation des futurs officiers de la marine marchande ?

C’est pourquoi nous commencerons par définir le leadership comme étant une somme de
plusieurs soft skills1 ou qualités humaines. Puis nous développerons la notion de leadership au sein
de l’environnement de l’officier. Enfin nous finirons en analysant les déclinaisons possibles quant à
l’enseignement du leadership dans les formations d’officiers de la marine marchande ou du moins ce
qui pourrait évoluer en ce sens.

1
Le terme anglais de soft skill serait utilisé ici pour permettre une approche plus globale de la notion de
qualités humaines.
2

1 PARTIE 1 – LE LEADERSHIP
Il nous a semblé essentiel de reprendre la définition du leadership que nous avions
développée précédemment dans le mémoire de Bachelor tout en l’adaptant légèrement. Cela nous
permettra de mieux appréhender la notion de leadership comme étant le pilier central de la
formation maritime quant aux facteurs humains.

1.1 Les Soft skills

La notion de soft skill est généralement considérée comme une notion assez vague de par sa
transversalité. En effet, il s’agit de définir avant tout le contexte dans lequel ces derniers devront
s’inscrire. Dans le cadre de ce mémoire de recherche, nous nous attacherons donc dans cette
première partie à circonscrire les soft skills dans un cadre bien défini. Celui-ci s’organise autour de 3
axes : la notion de soft skill, le contexte maritime et enfin le rôle actuel de l’officier de marine
marchande.

En premier lieu, il convient de donner une définition du contexte maritime. Voici celle que
nous avons retenue «le secteur maritime […] est l’ensemble des emplois et activités économiques
directement ou indirectement liés à la mer. Les activités directement dépendantes de la mer sont
surtout la pêche, la conchyliculture, certaines formes de piscicultures et les activités industrialo-
portuaires de négoce et commerce maritime ou liées à la plaisance » (Kalaydjian, 2010).

S’appuyant sur les travaux de Schultz, nous pouvons définir les soft skills comme étant
l’ensemble des qualités humaines indispensables à toute personne amenée à exercer des
responsabilités pour évoluer dans le monde professionnel. Par construction, ils s’opposent aux hard
skills qui relatent eux la compétence technique et les qualités professionnellement quantifiables
d’une personne. Ainsi, les soft skills sont donc par définition des compétences abstraites.
L’université de Rennes 12 parle de compétences transversales car il s’agit des « savoirs
comportementaux, d’attitudes, de compétences personnelle, humaine et relationnelle ». Dans cet
esprit, le comportement en société, la capacité à travailler en équipe, le sens critique ou encore les
capacités d’adaptation, pour ne citer qu’eux, forment un ensemble que l’on pourrait qualifier
d’intelligence comportementale ou situationnelle. En résumé, les hard skills sont le savoir-faire
quand les soft skills sont le savoir-être. Dans le domaine si particulier de la marine marchande, et
plus particulièrement en envisageant les réalités de la vie embarquée, comprendre les atouts
représentés par les soft skills doit permettre d’améliorer le fonctionnement d’un navire en le rendant

2
L’Appel à Manifestation d'Intérêt piloté par le Ministère de l'Enseignement Supérieur de la Recherche et de
l'Innovation, 2017.
3

plus opérationnel. Plus largement, les enjeux économiques qui entourent le contexte maritime sont
complexes en raison de l’évolution constante de la taille des navires, et de leur haut degré de
technicité toujours plus accru. Pour ces raisons, l’environnement de travail de l’officier de marine
marchande le contraint à une bonne gestion des équipes comme à la parfaite compréhension de
celles-ci.

Le directeur de l’Ecole Supérieure de Navigation d’Anvers, le Dr. Rowan Van Schaeren, a bien
voulu nous accorder un entretien3 dont le sujet principal était de tenter de définir les exigences et
l’environnement de travail dans lequel est appelé à évoluer l’officier de marine marchande du 21ème
siècle. Les éléments de réponses qui suivent proviennent de cet entretien. Le rôle de l’officier n’a
pas réellement changé et restera le même malgré toute les transformations que notre profession
connaît depuis toujours. En effet, la mission première de l’officier reste la responsabilité du quart et
le rôle du capitaine reste la responsabilité pleine et entière du navire afin de conduire ce dernier à
bon port. Cette responsabilité se décline en trois points :

- La responsabilité d’assurer la sécurité de son équipage, du navire et de sa cargaison.


- La responsabilité opérationnelle (maintenance, administration, …)
- Défendre les intérêts de l’armateur et des propriétaires des cargaisons.

Si la mission demeure inaltérée, le cadre et l’environnement quant à eux évoluent avec leur
temps. « Les deux critères qui ont, sont et feront évoluer la profession sont la digitalisation
(révolution numérique) et l’internationalisation». Cette dernière concerne les équipages et les
réseaux logistiques. En outre, l’officier du 21ème siècle devra faire face à deux problématiques liées à
notre mode de vie et à l’ultraconnectivité de notre économie globalisée. En premier lieu, la capacité
de gérer sur le plan humain des systèmes de plus en plus automatisés sans perdre les compétences
de bases inhérentes au métier de marin au long cours. Il s’agit ici du bagage technique indépendant
de ces systèmes concernant les sujets vitaux tel que la navigation, la météo, la sécurité ainsi que les
schémas décisionnels classiques. Deuxièmement, les réseaux sociaux et leur omniprésence
constituent une menace tout aussi sérieuse que la réduction des effectifs4. En effet ils s’attaquent au
bien-être mental de l’équipage en provoquant une aliénation avec d’autres environnements que
celui du navire, empêchant ainsi la mobilisation totale des esprits sur les objectifs communs de
responsabilité cités précédemment. Le jeune officier devra être capable d’assumer sa responsabilité
tout en faisant confiance à ses chefs et à son équipage. Il devra faire preuve d’une volonté constante
d’apprentissage afin de s’inscrire dans une mentalité d’amélioration continue.

3
Voir annexe 1 pour retrouver la transcription complète de l’interview.
4
Voir René Tyl, Les prémices de l’autonomisation, 2019.
4

Maintenant que le cadre est fixé, il apparait important de recenser les principaux soft skills
qui nous intéressent plus précisément pour ce mémoire.

1.1.1 La capacité à travailler en équipe


« Il faut se doter des moyens appropriés pour faire d’un groupe, une équipe orientée vers la
réalisation d’un but commun et pour maintenir vivante l’équipe ainsi constituée» (Cauvin, 1997).
Dans notre métier, la « réalisation du but commun » n’est autre que d’assurer la sécurité de
l’équipage, du navire et de la cargaison pendant le trajet du point A au point B. La Haute Autorité de
santé5 (2014) révèle que le « dysfonctionnement du travail en équipe est identifié comme la
première cause d’un événement porteur de risque. Que ce soit un défaut d’organisation, de
vérification, de coordination ou de communication au sein de l’équipe, la littérature scientifique
montre que la qualité du travail en équipe impacte la sécurité ». La capacité à travailler en équipe
est donc un atout majeur pour un officier. En effet, elle lui permet « d’agir en coopération avec les
autres pour accomplir des tâches communes »6 (ICEA, 2012).L’objectif est de créer une émulation
commune afin de résoudre une tâche à plusieurs. Dans notre contexte, à savoir celui de la vie à bord,
il est primordial que l’officier respecte et définisse le rôle de chacun dans sa propre spécificité pour
faire converger ces différents acteurs vers un seul objectif commun à tous : le bon fonctionnement
de la capacité opérationnelle du navire. Cette compétence suppose une ouverture d’esprit, un
respect de la pluralité des opinions et une capacité de responsabilisation de chacun. Cette capacité
permettra à l’officier de tirer la quintessence de son groupe tout en préservant les individualités.
Cette relation professionnelle basée sur le respect et la confiance mutuelle s’inscrit pleinement dans
les soft skills évoqués par le directeur de l’Ecole Supérieure de Navigation d’Anvers. Cette relation de
confiance témoigne du respect du chef envers ses subordonnés et renforce le sentiment
d’appartenance à un groupe. David Émile Durkheim7 nous rappelle que « les valeurs morales sont des
valeurs sociales » (1893). Chaque groupe possédant ses propres codes moraux, le sentiment
d’appartenance à une équipe renforcera les liens entre ses membres et avec son chef (ou plus
exactement avec celui qui aura permis de créer ce contexte). De plus la capacité à travailler en
équipe suppose pour nous autre de diriger le travail d’équipe (compte tenu du rôle d’officier).

L’officier de quart, en tant qu’opérateur et décideur au sein d’un système complexe, doit aussi
comprendre qu’il lui faut absolument éviter la surcharge. « Les équipiers devraient rester attentifs à

5
Autorité publique indépendante française à caractère scientifique, créée par la loi du 13 août 2004 relative à
l’Assurance maladie.
6
Définition tirée du référentiel Nos compétences fortes, Institut de coopération pour l’éducation des adultes
(ICEA).
7
Père de la sociologie moderne, (1858-1917).
5

un allongement des délais de prises de décision, à des manifestations d’indécision, à reconnaitre les
symptômes d’un stress excessif chez le leader »8 (Jean-Pierre Clostermann, 2017).

A ce titre, le chef d’équipe devra prendre la mesure du groupe qui lui est confié et bâtir un
respect tacite entre les membres de cette équipe afin d’en garantir la bonne synergie en vue de
l’objectif supérieur à tous qui est, nous le rappellerons jamais assez, la bonne conduite du navire et le
maintien de sa capacité opérationnelle.

Pour résumer, les attentes du leader concernant l’équipier selon le contexte sont les
suivantes :

Tableau 1- Attentes du chef


Source : travail propre

Surveillance d’une opération selon les Soutien et prise d’initiative


procédures établies en amont
S’assurer que le navire fasse bonne route selon Corriger une erreur
le plan prévu
Communiquer s’il a des doutes Proposer son aide pour éviter la surcharge du
chef de quart
Insister si ces derniers ne sont pas pris en Proposer une solution
compte en première instance
Identifier une faille potentielle dans la En cas de défaillance du chef : prendre sa place
procédure/ le plan établi et assurer son rôle
En cas d’absence du chef ou d’urgence absolue :
prendre toutes les mesures pour maintenir la
sécurité du navire et de l’équipage

8
Citation tirée du livre du même auteur : « La conduite du navire marchand, facteurs humains dans une activité
ème
à risques », Marine Editions, 3 édition, 2017.
6

1.1.2 La communication
« Dans la communication, le plus compliqué n'est ni le message, ni la technique, mais le
récepteur » nous rappelle Dominique Wolton (2016)9. Solange Cormier10 définit la communication en
entreprise comme étant une « boucle interactive ». Voici la définition qu’elle en tire dans un article :
« Le modèle traditionnel de communication « émetteur-récepteur » réduit la communication à la
seule transmission d’information. Plusieurs professionnels, adhérant à ce modèle, ont tendance à
limiter leur compréhension du rôle des communications à la seule émission des connaissances
techniques qu’ils possèdent. Ce modèle est nettement insuffisant pour rendre compte de la
complexité de la communication et surtout de son caractère interactif.

En revanche, le modèle systémique offre des possibilités de compréhension de l’interaction


humaine beaucoup plus riches et fécondes » (Cormier, 1999). Pour insister sur le caractère
interactionnel de la communication, elle donne notamment l’exemple suivant : « Par exemple, je ne
peux être crédible que si l’on reconnaît ma compétence. La signification n’est pas inscrite dans le
message lui-même; elle est créée conjointement par les personnes en interaction. Elle ne dépend pas
seulement de ce que nous disons, mais aussi de la manière dont nous interagissons. Dès lors, la
communication interpersonnelle ne se réduit pas aux messages verbaux et à la transmission
d’information; elle englobe tous les comportements qui ont valeur de message pour autrui »
(Cormier, 1999).

De fait il s’agit pour l’officier de maitriser non seulement les outils mis à sa disposition mais
également de cultiver un sens aigu de la communication. Pour cela il y a quatre vecteurs
indispensables à appliquer dans toute discussion d’ordre professionnel afin d’optimiser le message
transmis et/ou perçu.

L’écoute
Il s’agit ici ni plus ni moins que de la compréhension mutuelle des interlocuteurs. Il semble
nécessaire dans un souci de respect que cette qualité soit respectée par les protagonistes de toute
discussion. La notion de respect, engendré par cet atout, viendra s’ajouter à celui nécessaire à la
réalisation de l’esprit d’équipe, évoqué précédemment. De plus l’écoute est avant tout une posture.
Il s’agit de prendre la mesure de notre interlocuteur : « L’écoute active repose sur la capacité de
saisir le contexte de l’autre : ses sentiments, ses valeurs, ses préoccupations et ses attentes dans
l’interaction » (Cormier, 1999). Dans ses travaux, Solange Cormier définit précisément le concept

9
Directeur de recherche au CNRS en sciences de la communication, il est spécialiste des médias, de l'espace
public, de la communication politique, et des rapports entre sciences, techniques et société.
10
Psychologue, auteur, conférencière, professeur retraitée du Département de communication sociale et
publique de l’Université du Québec à Montréal.
7

d’écoute comme étant la somme de l’attention (verbale et non-verbale), de l’adaptation (du contenu
au contexte) et de l’acceptation (des normes et valeurs de l’autre individu).

La clarification
Pour garantir l’efficacité d’une bonne communication, il faut bien entendu s’assurer de bien
comprendre et d’être bien compris. En effet l’officier doit impérativement dissocier l’essentiel du
détail sous peine de noyer son vis-à-vis d’un flot d’informations inutiles au prime abord. L’esprit de
synthèse dont doit faire preuve l’officier, l’amènera à simplifier son message sans en perdre pour
autant le sens.

L’influence
Pour valider une bonne communication, il faut être capable de convaincre ses interlocuteurs des
bienfaits de son point de vue ou de sa décision. Ce dernier point viendra parachever la discussion. La
reconnaissance des capacités, des compétences et de la légitimité d’un chef passera par la force de
conviction qu’il met dans sa communication pour convaincre ses subordonnés du sens profond de
telle ou telle décision. Dans un univers de vase-clos tel que celui de la vie à bord, il faut donc réussir à
fédérer par son message le groupe.

Si les slogans ont un effet terriblement efficace dans notre société, c’est parce qu’ils constituent
un message simple, répété et décliné. De plus, il convient de préciser ici que nous nous sommes
attardés sur la communication vis-à-vis des subordonnés mais que ces codes s’appliquent également
dans le sens inverse. La communication est donc un soft skill indispensable dont doit pouvoir faire
preuve un officier. Nous ferons d’ailleurs remarquer que cette compétence transversale abonde dans
le sens de la capacité à travailler en équipe.

La communication d’urgence
La vitesse de notre navire nous permet d’avoir du temps avant de réagir. Néanmoins
l’anticipation reste clé pour maîtriser l’inertie de notre système. La pression qui en découle engendre
un stress important, et surtout contagieux ! L’officier doit veiller dans ces situations à garder son
calme en maîtrisant sa parole, tant sur le plan du débit que de l’intensité. Rien n’est plus dévastateur
pour une équipe que de voir son chef paniquer et être indécis rien qu’au son de sa voix. Au contraire,
sa voix doit être perçue comme étant la preuve que la situation est sous contrôle. Sa communication
d’urgence doit s’appuyer sur des marqueurs11 propres à un référentiel commun à tous : les SMCP12.

11
Par exemple le marqueur « URGENT » au début d’une communication générale attire l’attention de tous à
bord.
12
Standard Maritime Communication Phrases.
8

1.1.3 L’esprit critique


Il s’agit de l’une des compétences les plus difficiles à définir car elle est sujette à controverse.
Nous ne parlerons pas d’esprit de critique ici. Dans le contexte de ce mémoire de recherche sur le
leadership, nous entendons par sens critique : le bon sens ; et plus précisément le « bon sens marin »
(good seemanship en anglais).Robert H. Ennis, philosophe américain, nous livre une définition précise
sur le sujet : « une pensée raisonnable et réfléchie orientée vers une décision quant à ce qu’il faut
croire ou faire » (1989). Il s’agit d’aborder l’esprit critique comme étant « la posture intellectuelle,
l’état d’esprit que le penseur critique doit toujours adopter lorsqu’il est confronté à une nouvelle
source d’information » (Denis Caroti, 2010)13.

Le directeur de l’Ecole Supérieure de Navigation d’Anvers nous livre une réponse plus adaptée
au contexte impliquant un officier de la marine marchande. D’après lui, les connaissances techniques
et académiques apprises par l’individu durant sa formation ont un but commun : celui de former un
esprit à l’analyse de situation et à la prise de décision conséquente. Ainsi pour illustrer ce propos, les
matières scientifiques (mathématiques, physique,…) forment un tout qui confère au futur officier
une manière de réfléchir, une pensée structurée. Cette dernière provoquera une capacité de
réaction face à une situation donnée basée sur un schéma décisionnel. Pour aller plus avant dans ce
sens, nous pensons que l’ensemble des procédures vues, apprises et réalisées en école (ou dans le
métier plus tard) est régi par des schémas décisionnels rationnels qui, dans un premier temps,
rassureront et guideront le jeune officier au début de sa carrière. Si ce dernier, en y ajoutant
l’expérience et de la maturité, parvient à comprendre la logique qui génère ce genre de schémas, il
deviendra alors son propre générateur de raisonnement logique. Ainsi il augmentera sensiblement sa
capacité à adapter les schémas connus à n’importe quelle situation. Cette vision rationnelle
renforcera la qualité du décideur à analyser une situation dans son ensemble. C’est pourquoi l’esprit
critique constitue in fine un complément indispensable à l’esprit analytique. Ce dernier étant le
complément naturel de l’esprit de synthèse propre à la communication d’un officier (voir Les
compétences de communication).

En résumé, l’élève-officier doit avoir intégrer la boucle décisionnelle suivante : analyse-vision


critique-synthèse ; l’expérience, la pratique et la connaissance raccourcissant au fur et à mesure
cette boucle.

13
Extrait de l’article « Pensée critique ? Esprit critique ? Un peu de théorie », www.cortecs.org.
9

1.1.4 Le charisme du chef


Cette compétence constitue un ensemble plus vaste des qualités humaines dont un officier
doit faire preuve pour devenir un leader. « Commander, c’est faire de son objectif un idéal pour ses
subordonnés » (Ferdinand Foch, 1926)14. La vie à bord est caractérisée par une hiérarchie plus visible
que dans toute autre entreprise civile. A ce titre, les officiers constituent l’armature garante du bon
fonctionnement de la vie à bord de par leurs responsabilités. Le capitaine, ainsi que son émanation
continue dans le temps à savoir le chef de quart, est « l’interprète du bien commun sans pour autant
être l’interprète de l’expression générale » (Schiavon, 2018). Le chef n’exécute pas la somme des
intentions ou des désidératas de ceux dont il a charge d’âmes. Il doit néanmoins faire preuve de
suffisamment de clairvoyance et connaître son groupe afin de pouvoir faire appel à l’expérience et à
l’avis de chacun quand les situations et les circonstances le permettent. « L’art de commander n’est
pas celui de penser et de décider aux lieus et place de tous ses subordonnés […]. Il faut laisser aux
sous-chefs toutes les décisions de leur ressort » (Ferdinand Foch, 1926).

Dans le cas où l’officier est responsable de son équipe, nous avons établi une liste de qualités
fondamentales dont il devra user pour devenir un chef. En effet l’officier n’est que la somme des
compétences techniques quand le chef en est le tout. Les choix établis pour cette liste non-
exhaustive ont été motivés par les traits communs présentés par les plus grands leaders ou penseurs
de notre civilisation occidentale tels que Napoléon Bonaparte, Winston Churchill, Théodore
Roosevelt, Denis Diderot, Jules César, Douglas MacArthur ou encore Carl Von Clausewitz (Schiavon,
2018)15.

Le courage
Cette vertu constitue le socle de toute action d’un chef. Le courage s’incarne dans les prises
de décision, les choix effectués et les responsabilités prises. Il permet d’affronter les doutes et les
peurs engendrées par les situations à haut risques présentes dans notre métier de marin au long
cours. Il rend au chef sa capacité décisionnelle face au danger et permet une maitrise de soi.
L’éducation de cette qualité fondamentale renforcera également la confiance en soi et la volonté du
chef.

14
Maréchal de France et membre de l’académie française (1851-1929). Citation tirée de ses écrits personnels
baptisés « les cahiers » et rédigés en 1926.
15
Liste tiré du livre de Max Schiavon : « Le livre qui va faire de vous un chef »,2018.
10

L’énergie persévérante
Ray Kroc16 résume parfaitement l’idée de cette qualité : « Rien au monde ne peut remplacer la
constance. Pas le talent ; rien n’est plus courant que des hommes de grand talent qui ne réussissent
pas. Pas le génie ; le génie méconnu est presque un lieu commun. Pas la culture ; le monde est plein
de laissés-pour-compte cultivés. Seules la persévérance, la détermination sont toutes puissantes »
(Kroc, 1978).

L’optimisme.
On parle ici de l’optimisme dispositionnel évoqué par Scheier MF & Carver CS (1985)17. Il s’agit de
la capacité du chef à ne jamais céder à la panique. Il doit absolument en toute circonstance faire
preuve d’un moral d’acier afin de montrer l’exemple à ses hommes. Les bénéfices d’une telle attitude
seront la maitrise d’une capacité décisionnelle rationnelle, très utile en période de crise. « Nous ne
reculons pas-nous avançons dans une autre direction » (George Patton)18.

La prudence
« La prudence est une vertu intellectuelle : c'est la disposition qui permet de délibérer sur ce
qu'il convient de faire, en fonction de ce qui est jugé bon ou mauvais » (Compte-Sponville, 2001). Le
propre d’un chef est de décider. A cette fin, il doit orienter son action par ses décisions. Ces dernières
doivent pouvoir être le fruit d’une réflexion argumentée et construite. On peut associer à cette vertu
le concept de diligence raisonnable (due diligence). En effet il s’agit pour le décideur de mesurer les
risques associés à telle ou telle décision afin de bien peser le pour et le contre. Dans le contexte
maritime, la diligence raisonnable fait surtout référence au fait que l’officier doit concilier la sécurité
de son équipage, du navire et de sa cargaison avec la mission première qui est de naviguer d’un point
A à un point B.

16
Raymond Albert Kroc, célèbre entrepreneur américain qui fit le succès de McDonald.
17
Voir “Optimism, coping, and health: assessment and implications of generalized outcome expectancies”.
18
George Patton (1885-1945), général américain. Citation attribuée.
11

1.2 Le Leadership

Une idée maîtresse s’est imposée au fur et à mesure des recherches effectuées pour le mémoire.
Le leadership est l’agrégat des compétences et qualités humaines évoquées et détaillées
précédemment, à savoir :

● La capacité à travailler en équipe


● Les compétences de communication
● L’esprit critique
● Le caractère propre du chef

En effet nous définissons ici le leadership comme étant la somme de qualités et de compétences
qui vont impacter, via un meneur, la vie d’un groupe (défini tel que l’équipage pour ce mémoire). De
plus il apparaît que la qualité suprême, celle qui viendrait parachever cet agrégat semble être la
résilience. Nous parlons ici de la résilience comme étant un phénomène psychologique qui consiste à
supporter la pression et les différentes situations de crises inhérente à notre métier. Cette qualité
humaine vient « cimenter » l’ensemble précédemment cité. N’oublions jamais que la mission
première reste de conduire un navire d’un point A à un point B tout en assurant sa sécurité, celle de
son équipage ainsi que la sauvegarde de sa cargaison. A ce titre, la résilience engendrera chez
l’officier une capacité d’adaptation qui lui permettra d’user des qualités humaines et des
compétences évoquées dans la première partie pour répondre à toute sorte de situation.
Maintenant que cette précision a été apportée, nous allons approfondir la notion de leadership à
laquelle nous faisons référence.
12

1.2.1 Origines du leadership


En nous appuyant sur les travaux d’Éric-Jean Garcia19, nous pouvons dire que le leadership
s’exprime à travers quatre grandes typologies. Pour recenser ces dernières, l’auteur s’est appuyé sur
deux critères précis : l’impact sur le groupe et l’origine de la légitimité du leader.

● Leadership entrepreneurial : imaginer et concevoir des projets tout en prenant les risques.
● Leadership de dirigeance : capacité à avoir une vision stratégique à long terme.
● Leadership managérial : le comportement du chef (lié à la confiance et au respect).
● Leadership d’expertise : le degré de savoir-faire d’un individu dans tel ou tel domaine.

Les deux premières typologies renvoient à une légitimité Intuitu personnae. On parle de
leadership charismatique car il est lié à un fort degré d’investissement dans tel ou tel projet et/ou à
une forte personnalité (le dirigeant acceptant de prendre des risques ici, comme par exemple un
entrepreneur décidant d’investir ses propres fonds dans un projet X sera soumis à la pression de la
réussite de ce projet). Les deux dernières typologies font référence à une légitimité plus collective,
basée sur la reconnaissance du groupe. On évoquera donc un leadership relationnel car il sera lié à la
relation de confiance et de respect mutuel entre un leader et son équipe (par exemple, le plus doué
des individus dans un groupe donné sera reconnu par ses pairs et donc son avis, sur telle ou telle
question, sera considéré comme plus pertinent et donc plus écouté qu’un autre). Dans le cadre de ce
mémoire, nous allons adapter ces typologies à notre environnement car la spécificité de notre métier
doit toujours guider notre réflexion.

Ainsi l’officier n’est pas, dans la très grande majorité des cas, l’individu qui prendra les risques
financiers liés à une transaction financière entre deux acteurs X et Y. En revanche son degré
d’implication dans le processus peut provoquer la réussite ou la perte de l’acteur X ou Y. En des
termes plus clairs, l’officier est en charge du moyen de transport par lequel transite le produit
acheté par Y et vendu par X. Comme évoqué dans la première partie, l’officier et plus précisément le
capitaine doit préserver les intérêts de son armateur (X ici). A ce titre il devient partie prenante de
l’investissement de son armateur et donc des risques que ce dernier accepte de prendre. La pression
de l’armateur se reporte sur le capitaine. Une partie de son leadership charismatique (typologies
entrepreneurial et de dirigeance) tire sa légitimité de cette origine.

D’autre part, l’équipage constitue la zone d’influence directe de l’officier. La relation de respect
et de confiance établie entre eux au moyen des capacités et des qualités humaines évoquées dans la

19
(Garcia, 2013).
13

première partie vont poser les bases du leadership relationnel (typologies managériale et
d’expertise) des officiers en charge du navire.

Voici le résumé de cette réflexion :

Figure 1 - Résumé des typologies du leadership


Source : travail propre.

La notion de leadership étant définie, nous allons maintenant nous pencher sur les
différentes théories concernant le leadership. Il convient désormais de détailler maintenant
comment le leadership s’exprime en tant qu’outil indispensable à toute personne dirigeante. Dans le
cadre des recherches effectuées pour ce mémoire, nous avons remarqué dès le départ que deux
théories majeures semblent s’opposer, à savoir la théorie des traits et la théorie du leadership
situationnel.
14

1.2.2 La théorie des traits


Dans le cadre de ce mémoire il semble important de rappeler un fait crucial, à savoir que l’officier
de marine marchande est soumis à une exigence particulière en termes de conditions de vie pour
mener à bien sa mission. Ainsi le charisme, le caractère et la personnalité de ce dernier prendra toute
son importance une fois à bord. C’est une vie particulière qui demande une véritable force de
caractère pour se réaliser. Le tempérament de l’officier influera également son leadership. Nous
allons donc aborder cette théorie afin de rappeler que cette vie d’officier embarqué ne correspond
pas forcément à la pluralité des personnalités présentes dans notre société et que certaines
prédispositions naturelles (partie innée des dispositions) et/ou provenant de l’expérience
personnelle de chacun (partie éduquée des traits) sont indispensables.

Issue des penseurs antiques grecs comme Platon ou Plutarque20, la théorie des traits repose sur
une question simple et fondamentale : quelles sont les qualités qui distinguent un individu en tant
que leader par rapport à la masse ? Thomas Carlyle21 recense les différentes caractéristiques des
hommes de pouvoir afin d’en dégager un schéma type. De son côté Francis Galton22 dans son traité
Hereditary Genius (1869) conclut que le leadership se transmet dans les familles d’hommes de
pouvoir et est donc par
conséquent inné. Cependant, ces
deux penseurs furent largement
critiqués pour leurs positions
élitistes et eugénistes. Nous
allons plutôt nous concentrer sur
des auteurs plus modernes et plus
nuancés dans leurs travaux. Ainsi,
l’américain Gordon Allport23 émit

l’hypothèse qu’au-delà de traits Figure 2 - Allport trait chart


Source : http://study.com/academy/lesson/gordon-allport-biography-
innés, les expériences au cours de theory.html?seekTo=%7B%7Bquiz.questionContent(questionIndex).marker%7D%7D
l’enfance et l’environnement
dans lequel évolue l’individu
désormais ainsi que les interactions résultantes, influençaient largement ses traits. Dans ses travaux,
il accorde une place très importante aux motivations conscientes et liées au contexte actuel sans

20
Dans « Vies parallèles des hommes illustres », (100-120 après J-C).
21
Ecrivain et historien britannique, 1795-1881.
22
Anthropologue, écrivain et proto-généticien britannique, 1822-1911.
23
Psychologue américain, 1897-1967.
15

pour autant nier le passé d’un individu et ses « variables inconscientes historiques24 » (nos pensées,
2018). Il classe donc les traits de caractères sur trois niveaux : cardinaux, centraux et secondaires.

En nous appuyant sur les travaux d’Irina Novikova25, nous pouvons décrire ces trois niveaux
comme suit :

Niveau 1 : les traits cardinaux


Ce sont les traits qui dominent le comportement d’un individu, tel que le narcissisme. Ces
derniers définissent ainsi le sens profond que donne une personne à sa vie tant sur ses motivations
profondes que sur ses émotions, ses attitudes et même son comportement. Ces traits devenant si
caractéristiques chez certaines personnes que l’on a pu définir ces dernières uniquement, ou du
moins principalement, par leurs traits cardinaux. Ainsi le marquis de Sade en raison de son sadisme
par exemple. Pour Allport, ces traits sont rares et ont tendance à évoluer avec le temps.

Niveau 2 : les traits centraux


Ici il s’agit de traits « pas aussi saillant que les traits cardinaux, mais significatif et trouvés
dans une certaine mesure chez chaque personne » (Novikova, 2013). En fait on parle ici de traits qui
selon l’article « La théorie des traits de la personnalité d’Allport »26 seraient « les principales
caractéristiques utilisées pour décrire une personne. […]Ils incluent la majorité des traits communs
comme intelligent, timide, honnête et ils conditionneraient la majorité de nos comportements » (nos
pensées, 2018).

Niveau 3 : les traits secondaires


Ces derniers sont considérés comme « des traits individuels moins visibles et moins stable,
observés dans des situations spécifiques » (Novikova, 2013)27. Ils n’apparaissent que dans certaines
situations et ne sont en quelque sorte qu’une émanation de traits centraux et/ou cardinaux en
fonction de telle ou telle situation.

En résumé, la théorie des traits selon Allport suppose qu’une personne possède, de manière
innée, un certain nombre de traits qui peuvent évoluer au fil des expériences vécues (éducation,
expériences, etc…). Cela nous permet d’aborder la deuxième théorie concernant le leadership, la
théorie du leadership situationnel.

24
Comprendre ici les expériences de la petite enfance.
25
Spécialiste de l’identité, université de Lettonie.
26
Tiré du blog suivant : www.nospensees.fr
27
Citation d’origine: “Secondary dispositions – less visible, less stable individual traits, seen in specific
situations”.
16

1.2.3 La théorie du leadership situationnel


Les défis inhérents à notre métier de marin au long cours et plus particulièrement dans le rôle
d’officier de la marine marchande sont nombreux et variés. Ils sont traités par un ensemble de règles
et de procédures qui visent à maintenir la sécurité et le maintien en condition opérationnelle de
l’équipage, du navire ainsi que de la cargaison. A ce titre la théorie du leadership situationnel nous
intéresse plus particulièrement car elle traite l’individu quant à son comportement par rapport à une
situation précise dans un certain contexte particulier. Pour résumer cette théorie on ne peut
s’empêcher de citer Martin Luther King à ce propos : « Ce n’est pas nous qui faisons l’histoire mais
c’est l’histoire qui nous fait » (King, 1963).

On recense quatre modèles de leadership situationnel.

Le modèle de la contingence de Fiedler


En 1967, Fred Fiedler publie un ouvrage « théorie du leadership efficace » dans lequel il explique
que l’efficacité du leadership d’un dirigeant, dépend de sa capacité à s’adapter au contexte et aux
circonstances de la situation. Pour cela il distingue trois variables clés, à savoir :

● Les relations entre le chef et ses subordonnés (degré de confiance, de respect mutuel et de
capacité à exécuter les ordres).
● La structure des tâches. C’est le degré d’initiative ou la marge de manœuvre laissé au
subordonné. Beaucoup de procédures rendent les consignes plus claires (structure élevée)
quand trop peu les rendent plus ambiguës (structure faible).
● Le pouvoir de la position de leader (capacité à récompenser/punir).

Le modèle de l’objectif-trajectoire
D’après l’article de Stéphane Jacquet (2013)28, relatif aux travaux de Robert House29, le chef est ici
considéré comme la figure de proue du management. A ce titre il peut adopter quatre modes de
leadership en fonction de la situation.

● Leadership directif (procédures précises à suivre par les subordonnés).


● Leadership de soutien (relation de proximité).
● Leadership participatif (partage de l’information et prise en compte de l’avis de chacun).
● Leadership orienté vers l’objectif (encourage la performance de l’équipage).

28
Expert en vae (valorisation des acquis d’expérience), université de Paris-sud et université de
Rouen.
29
Robert House est le professeur Joseph Frank Bernstein d'études organisationnelles à la Wharton School de
l'Université de Pennsylvanie depuis 2013. Il est titulaire d'un doctorat de l'Ohio State University et un MBA de
l'Université de Detroit. Il est en grande partie responsable du développement de la théorie de la trajectoire-
objectif du leadership.
17

Le modèle de décision de Vroom-Yetton


L’idée maîtresse de ce modèle est de « créer un lien entre le comportement du leader et sa
participation au processus décisionnels. Les formes de participation sont variables : certaines
décisions doivent être prises en concertation avec l’équipe alors que d’autres relèvent d’une prise de
décisions unilatérale par le manager » (Grand, 2019). On compte ainsi 5 styles de prise de décisions :

● Style 1 : le chef prend la décision tout seul.


● Style 2 : le chef demande de l’information à son équipe afin de prendre seul la décision.
● Style 3 : le chef partage le problème avec les subordonnés concernés, sollicite leurs avis
individuellement et prend la décision seul.
● Style 4 : le chef partage le problème avec tous ses subordonnés, sollicite leurs avis
collectivement et prend la décision seul.
● Style 5 : le chef partage le problème avec tous ses subordonnés, sollicite leurs avis
collectivement et prend la décision en concertation avec eux.

Figure 3- Modèle de la décision de Vroom-Yettone


Source : Le manager et la motivation. Et si c’était le style de management qui faisait la différence ?
Isabelle Grant, 2019

On peut donc lire les résultats de ce modèle de la manière suivante :


AI= style 1 ; AII= style 2 ; CI= style 3 ; CII= style 4 ; GI= style 5.
18

Cette méthode a permis donc de relier des styles de leadership à des situations.

Le modèle de Hersey-Blanchard
« Ce modèle est simple à expliquer car il postule que le leader va chercher à accroître
progressivement la maturité de ses subordonnés afin de développer leur autonomie dans le travail.
L'autonomie sera liée à la compétence et à la motivation du salarié. C'est donc une théorie de la
contingence basée sur les subordonnés » (Jacquet, 2013). Ainsi on peut distinguer quatre modes de
management opérationnel.

Figure 4 - Modèle d’ Hersey-Blanchard


Source : « le Leadership », Stéphane Jacquet, 2013
19

1.2.4 Commentaires et analyse


Ces deux théories présentent évidemment leurs intérêts et leurs défauts. Cependant la théorie
des traits parait dépassée dans la mesure où la plupart de ses contributeurs ne prennent pas en
compte, hormis Allport, que les hommes puissent évoluer selon les positions sociales qu’ils sont
amenés à prendre selon les circonstances. En revanche la théorie du leadership situationnel reprend
largement l’idée que la situation « fabrique » l’homme. Cela semble davantage correspondre à ce
que nous cherchons. Notre officier n’est pas forcément un chef né mais les circonstances de son
métier, qu’il a choisi, le mettent dans une position de leader. Il semble important de préciser que le
rôle de l’officier s’inscrit principalement à travers cette vision du leadership.

Toutefois la réalité d’un commandement par l’adhésion suppose une base de qualités humaines.
En effet, son entrainement lui confère alors une expérience et une éducation qui développera chez
lui une capacité à réagir face à telle ou telle situation. Pour que cet officier se révèle un bon chef
pendant une situation de crise, il faut le préparer longuement à cela et développer ses qualités
humaines pendant sa formation ou renforcer celles qu’il présentait avant. Le métier de marin
suppose des hommes dont les dispositions naturelles et/ou éduquées doivent être en conformité
avec les qualités décrites dans le (1.1 Les Soft skills) afin de garantir un socle de charisme et de
leadership nécessaire à l’exercice de son commandement. Le passage en école constitue donc l’étape
clé pour éduquer ou développer de telles qualités afin de former le meilleur officier possible tant sur
le plan humain que technique.

Ainsi, nous avons donc traité dans les grandes lignes les deux théories du Leadership. Au-delà de
la réflexion, nous devons maintenant ajuster ceci à notre environnement maritime.
20

2 PARTIE 2- L’INDIVIDU ET LA (SA) REALITE ?


Considérant que l’appréhension de la réalité du métier constitue un frein important à
l’expression du leadership d’un jeune officier, nous voulons donc désormais nous focaliser sur
quelques notions concrètes afin de mieux cerner l’environnement de travail d’un navire. De plus,
pour que la notion de leadership prenne tout son sens, il faut l’inscrire dans la réalité de son acteur
et les limites de sa condition humaine. « La véritable école du commandement est la culture
générale. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote » (Charles de Gaulle,
1934). S’inspirant de cette maxime, nous allons prendre le temps de détailler l’univers des facteurs et
comportements humains pour que le jeune officier comprenne ses forces et ses faiblesses afin de
développer sa sérénité et son niveau d’exigence. Pour cela nous allons nous appuyer très largement
sur le livre de Jean-Pierre Clostermann, publié en 2017, intitulé : « La conduite du navire marchand,
facteurs humains dans une activité à risques ».

Le secteur maritime met l’accent depuis plusieurs années sur l’erreur humaine. « Les
statistiques sur les évènements de mer effectuées par les assureurs et les bureaux de la sécurité des
transports maritimes de divers pays ont montrés que dans 75% des évènements en mer, l’erreur
humaine est un facteur contributif majeur » (Jean-Pierre Clostermann, 2017). Dans cette partie nous
allons détailler la notion de facteur humain afin de comprendre comment le leadership d’un officier
peut offrir une garantie supplémentaire en termes de sécurité dans une industrie où le risque est très
présent.

Définissons rapidement quelques notions clés afin de structurer notre recherche.

 Risque : D’après la norme ISO 3100030, le risque est « l’effet de l’incertitude sur les objectifs »
(2009). Le risque résulte donc de l’association de quatre facteurs : le danger, la fréquence, la
gravité et son acceptabilité.
 Système à risques : le navire marchand rentre dans cette catégorie dont les principales
caractéristiques sont les suivantes :
- L’opérateur. Ce dernier est « en position de mettre en péril, à lui seul et à brève
échéance, l’intégrité de tout le système » (Jean-Pierre Clostermann, 2017).
- Les conséquences.
- Le facteur temps.

30
"Norme ISO", 31000:2009 Management du risque - Principes et lignes directrices novembre 2009.
21

2.1 Un constat simple : une industrie à risques

En nous basant sur les définitions et les chiffres du Bureau de la sécurité des transports du
Canada (BST) sur la décennie 2009-2019, voici un rapide aperçu de la réalité quant aux risques réels
rencontrés dans ce secteur d’activité si particulier qu’est celui de la mer.

2.1.1 Définition d’évènements maritimes31 :


Il s’agit ici de faire un distinguo entre ces deux notions. En effet, la principale différence réside
dans la gravité de l’évènement. Le terme « Accident » possède une connotation négative et induit
une certaine gravité alors que le mot « incident » relate des faits plus mineurs mais dont les
conséquences peuvent causer un accident.

 Accident maritime : un accident résultant directement de l’utilisation d’un navire autre qu’une
embarcation de plaisance au cours duquel :
- Accident à bord d’un navire : une personne subit une blessure grave ou perd la vie
- Accident de navigation : le navire coule, chavire, est impliqué dans une collision, subit
une explosion ou un incendie, s’échoue ou subit des défaillances compromettant son
état de navigabilité.
 Incident maritime :
- Une personne par-dessus bord
- le navire talonne le fond de façon imprévue, sans qu’il y ait échouement
- le navire s’emmêle dans une conduite ou un câble d’utilité publique, ou dans un pipeline
sous-marin
- le navire est en danger de collision
- un navire subit une panne totale
- la cargaison d’un navire ou une partie de celle-ci se met à riper ou passe par-dessus bord
- un membre d’équipage dont les fonctions sont directement liées à la sécurité
d’utilisation du navire subit une incapacité physique qui le rend inapte à exercer ses
fonctions et compromet la sécurité des personnes, des biens ou de l’environnement
- le navire est ancré, échoué ou à l’échouage afin d’éviter un accident
- une quantité de marchandises dangereuses ou un rayonnement qui dépasse la quantité
ou l’intensité indiquée à la partie 8 du Règlement sur le transport des marchandises
dangereuses se répandent à bord du navire ou s’en échappent, et ce, accidentellement.

31
Définitions tirés directement du rapport du BST (Bureau de la sécurité des transports du
Canada) : « Sommaire statistique des événements de transport maritime en 2019 ».
22

2.1.2 Nombres d’accidents et de victimes :


Entre 2009 et 2019, la moyenne des accidents maritimes signalés au BST était de 298.

Figure 5 - Accidents de navigation et accidents à bord de navires, 2009 à 2019


Source : Bureau de la sécurité des transports du Canada

Entre 2009 et 2019, la moyenne des victimes décédées est de 15,2 et de 50 quant aux accidents
graves.
Ces chiffres
doivent être
pondérés par
le fait que
l’industrie de
la pêche est
largement
représentée
avec 12
décès sur 17
en 2019.

Figure 6 - Décès et blessés graves dans le secteur maritime, 2009 à 2019


Source : Bureau de la sécurité des transports du Canada
23

2.1.3 Accidents de navigation:


Voici un tableau représentant les accidents de navigation par type d’accidents en 2019 en
comparaison avec la moyenne de ces accidents sur la période 2009-2018.

Figure 7 - Accidents de navigation par type d’accident, moyenne de 2009 à 2018, et 2019
Source : Bureau de la sécurité des transports du Canada

On observe que les collisions et les échouements constituent à eux seuls près de 60% des
accidents en 2019. Nous tenons à rappeler que la première responsabilité de l’officier de quart est
de maintenir une veille constante et accrue par « tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux
circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la
situation et du risque d’abordage »32. Ainsi nous pouvons donc conclure à ce stade que ces deux
types d’accidents sont liés à la responsabilité du chef de quart.

32
Règle 5 du Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer (RIPAM).
24

2.2 Le facteur humain

Jean-Pierre Clostermann nous livre également une analyse plus poussée de la situation. En
s’appuyant sur le rapport SM950133, 200 accidents sur 273 sont liés directement ou indirectement à
l’erreur humaine.

Facteur contributif majeur, évènements de


mer
200

150

Humain
100
Technique Navire
Autres
50

Figure 8- Part de l'erreur humaine sur les accidents recensés par le BST en 2019
Source : Bureau de la sécurité des transports du Canada

Dans la catégorie « Autres », on peut relater : environnement, installations portuaires, aides


à la navigation,…

Nous pouvons donc désormais assumer le fait que notre secteur d’activité est bien
dangereux et que la part de l’erreur humaine y joue un rôle prépondérant malgré l’accroissement
des moyens technologiques mis à disposition de l’officier chef de quart.

33
Bureau de la sécurité des transports du Canada.
25

2.2.1 Evolution du facteur humain


L’axiome : « bons navires + bons officiers = sécurité », peut donc être remis en question. Le
récent accident de l’EVERGREEN dans le canal de Suez en est la preuve. « Les progrès techniques ne
semblent plus faire progresser significativement la sécurité. Aurait-on atteint les limites ? Les boites
noires enregistrant les faits et dires et de l’équipage dans les minutes précédant le crash révèlent une
nouvelle piste à explorer : l’erreur humaine » (Jean-Pierre Clostermann, 2017).

Le facteur humain étant une composante essentielle au bon fonctionnement du navire, l’intérêt
des acteurs du monde maritime n’est pas récent. Des mesures ont été adoptées depuis longtemps
pour améliorer la composante humaine du navire, telles que

- La sélection médicale ;
- L’ergonomie : on parle ici d’ergonomie cognitive donc le traitement des informations par
le cerveau ;
- L’automatisation : si le problème est l’humain, réduisons sa sphère d’influence et son
nombre ;
- Un référentiel de formation unique : International Convention on Standards of Training,
Certification and Watchkeeping for seafarers (STCW) ;
- La simulation de la conduite du navire ;
- Un code de gestion de la sécurité : en 1993 création de l’International Safety
Management Code (ISM), c’est la «procéduralisation » du métier de marin.
26

2.2.2 Appréciation de l’erreur humaine


En s’attardant sur les mesures évoquées précédemment, nous ne relevons que trois mesures
(visite médicale, ergonomie et simulation) dans lesquelles le facteur humain est pris en compte. En
d’autres mots, le monde maritime considère que l’homme doit « s’adapter aux procédures, aux
automates, à un comportement standard parfois sans rapport avec sa culture » (Jean-Pierre
Clostermann, 2017).

L’idée est qu’il est sûrement plus facile pour un ingénieur de rédiger un manuel technique
empreint d’une multitude de mises en garde sur les dangers d’utilisation plutôt que d’adapter le
système à l’homme, se dégageant ainsi de toute responsabilité en transférant le problème sur
l’utilisateur, ce dernier devant s’adapter à la technique. Jean Pariès34, lors d’une intervention, a
parfaitement résumé cela : « L’erreur n’est pas le fait de l’incompétence du pilote, mais des
situations dans lesquelles on l’a piégé » 35.

Ainsi le monde maritime s’est résolu à revoir ses copies. En 2010, les accords de Manille
statueront sur le fait qu’il est obligatoire de former les marins et encore plus les officiers aux facteurs
humains. Le cours de MRM36 à l’école Supérieure de Navigation d’Anvers en est la résultante. Il
s’inspire d’ailleurs de la mise en place des formations CRM37 présentes dans l’aéronautique et
« destiné(e)s à mieux travailler en synergie avec les équipiers humains et technologiques » (Jean-
Pierre Clostermann, 2017).

34
Ingénieur, co-fondateur et président de la société de conseil Dédale dont l’activité est centrée sur la prise en
compte des Facteurs Humains et Organisationnels pour améliorer la sécurité, dans des domaines tels que
l’aviation, l’industrie, la production d’électricité nucléaire, le transport ferroviaire, le monde hospitalier.
35
Lors du séminaire «Le point après 10 ans de mise en œuvre des FH (facteurs humains) dans l’aviation civile
française », Direction Générale de l’Aviation Civile, 21 mars 2008.
36
Maritime Resource Management
37
Cockpit ou Crew Resource Management
27

2.2.3 L’intérêt d’une formation


La compétence technique du marin n’est pas remise en cause ici38. Les facteurs humains ne
peuvent donc constituer qu’une part de la réponse à la question de l’erreur humaine. En effet
l’erreur humaine est consubstantielle à notre humanité. Les défauts de communication, le manque
de synergie dans une équipe, la mauvaise analyse d’une situation ou encore le manque de
hiérarchisation des priorités sont hélas propres aux comportements des uns et des autres face à
telle ou telle situation. La réponse actuelle est incarnée par les quatre piliers suivants : sélection,
formation, entrainement et mise à jour des connaissances et des savoir-faire. Cependant il viendra
un temps où de nouvelles mesures devront être implémentées comme par exemple la prise en
compte du facteur psychologique d’un individu lors des sélections médicales. La Fédération Française
des pilotes Maritimes avait par ailleurs mené une réflexion sur le sujet en partenariat avec le
commandant Bruno Doat39 : « Ma responsabilité à la sélection Pilote m’a conduit à analyser de façon
approfondie les différents critères de personnalité permettant l’élaboration d’un pronostic de
réussite au poste de commandant de bord au sein de ma société. Bien sûr, cette analyse est en
permanence remise en chantier afin de répondre aux nombreuses questions légitimes que
l’entreprise et notre profession se posent quant à la pertinence de tel ou tel critère recherché
pendant l’évaluation, mais également, quant à la validation de cette dernière au regard des
performances atteintes par les stagiaires en formation ou de comportements inattendus observés
chez certains professionnels » (2004)40.

Le marin, et donc à fortiori l’officier de marine marchande, ne peut se contenter d’une


connaissance théorique du système à risques qu’est le navire et son environnement. Le profil
psychologique d’un individu doit amener à déterminer s’il est capable de supporter la pression dans
une situation à risque aux commandes d’engins de plus en plus complexe. « L’épreuve du feu41 » sera
bien sûr la seule véritable école dans laquelle l’officier confrontera son idée du leadership et ses
compétences humaines. Sans verser dans l’idée que la compétence humaine d’un officier doit être
supérieure à sa compétence technique, il s’agit tout simplement de rappeler que si la technique peut
s’apprendre sur les bancs d’école ou par l’expérience ; il apparaît, en revanche, plus complexe
d’enseigner une attitude à adopter face au danger.

38
« Dans les 75% de défaillance humaine, le manque de compétence humaine est rarement remis en cause »
(Jean-Pierre Clostermann, 2017).
39
Ancien commandant de bord et cadre d’Air France.
40 ème
Voir son intervention lors du 20 forum « Intégration Homme-Systèmes » le 22 juin 2004 à la DGAC
(Direction Générale de l’Aviation Civile).
41
Comprendre ici la réalité du terrain, à savoir la vie à bord pour un officier.
28

2.3 L’Homme et la limite de ses capacités naturelles

L’officier sera vu ici comme l’opérateur au centre du système qu’est le navire. De par sa
nature humaine, cet opérateur se retrouve donc limité par ses capacités mentales et sensorielles.
Ainsi nous allons détailler ces différentes limites afin d’offrir une meilleure appréhension de la réalité
cognitive à laquelle un individu doit prétendre pour faire face aux exigences du métier d’officier de
quart.

2.3.1 Les limites mentales

La mémoire
La mémoire se compose de plusieurs parties : « les mémoires ».

 Mémoire sensorielle : c’est celle qui stocke pendant quelques millisecondes l’information
sensorielle imposée par une multitude de stimuli que compte notre environnement
immédiat (sons, images, odeurs). La plupart du temps, nous n’avons pas conscience de ces
sollicitations externes mais l’exposition répétée à un stimulus peut entrainer une inscription
inconsciente de ce dernier dans notre mémoire à long terme (par exemple la mémoire
olfactive évoquée par Marcel Proust).

 Mémoire de travail (MDT) : c’est une mémoire à court terme. Equivalente à la mémoire
RAM de notre cerveau. Elle se divise en deux parties: capacité de traitement et capacité de
stockage. Elle est considérée peu stable car les nouvelles informations effaceront les
anciennes. «Ceci a des implications pour le navigant : gérer les interruptions est
indispensable à la bonne utilisation de cette mémoire, qui est le lieu du traitement de
l’information. Le chef de quart doit savoir qu’il a le droit de ne pas être interrompu quand il
effectue une tâche qui nécessite la mémorisation » (Jean-Pierre Clostermann, 2017). C’est
d’ailleurs pour cela que la standardisation des messages et des phrases dans les
télécommunications maritimes a été conçue. De cette manière, l’individu s’attendra à
recevoir un message qui aura toujours le même format. Cela aura donc pour effet de réduire
le nombre d’erreurs d’oubli ou d’interprétations car le format a été pensé pour contenir les
cinq à sept éléments que la mémoire de travail peut stocker et traiter.

 Mémoire à long terme : il s’agit ici de l’espace de stockage de toutes les connaissances
récentes ou anciennes de l’individu. « L’information stockée ne reste pas intacte. Elle subit
des déformations au fur et à mesure que d’autres informations analogues viennent s’empiler
29

par-dessus. La mémoire ne restitue donc pas l’information telle qu’elle a été stockée, mais
une synthèse déformante » (Jean-Pierre Clostermann, 2017).

 Mémoire opérationnelle : ou mémoire à moyen terme. « La mémoire opérationnelle repose


sur une stratégie qui consiste à créer et à entretenir une mémoire temporaire où sont pré-
activées les connaissances en mémoire à long terme dont l’opérateur va avoir besoin pour
réaliser sa tâche » (René Amalberti, 1996). Un exemple d’outil à disposition du chef de quart
pour sa mémoire opérationnelle est le passage plan qui va donner une vue d’ensemble des
informations nécessaires à la navigation à un moment donné.

Figure 9-Résumé des différentes mémoires


Source : Jean-Pierre Clostermann, 2017
30

La représentation mentale
Il existe deux versants de la représentation mentale : une version très réaliste et une version
très opérative. L’objectif est de se situer entre ces deux extrêmes afin de rendre cette représentation
mentale opérationnelle et donc exploitable. En effet si la représentation se veut trop réaliste, le
cerveau va saturer parce qu’il voudra « photographier » tous les détails ; tandis qu’à l’inverse, si elle
est trop opérative, elle va schématiser un rendu qui sera loin de la réalité car soumis à la subjectivité
de l’individu qui jugera alors ce qui est utile ou non. Le bon compromis est donc cet alliage entre ces
deux représentations mentales. Afin de réaliser cela, Jean-Pierre Clostermann nous indique les 3
qualités indispensables à concilier :

 La pertinence : toutes les informations doivent être liées au projet d’action


 La conformité : concordance avec la réalité des éléments nécessaire à la réalisation de l’action en
cours.
 La stabilité optimale : « la représentation mentale d’une situation évolue de façon dynamique,
par la réactualisation de l’image que j’ai de la réalité, par le rafraîchissement des données
perçues par mes sens. Pour que je puisse agir, il me faut une représentation mentale stable. Si
elle est réactualisée en permanence, l’image que j’ai du réel devient trop fluctuante, exactement
comme un radar en présentation non stabilisée, donc incompréhensible. […]A l’inverse, le
maintien d’une représentation mentale trop stable, c’est-à-dire figée en dépit de stimuli
contradictoires peut amener la perte de contrôle du système» (Jean-Pierre Clostermann, 2017).

Pour résumer il faut que l’officier se dote des trois qualités mentionnées ci-dessus pour que sa
représentation mentale devienne raisonnablement opérationnelle.

Le projet d’action
Le projet d’action est fondamental. En effet, il suppose un transfert des éléments
indispensables à la réalisation d’un projet de la mémoire dite à long terme vers la mémoire
opérationnelle (ou mémoire à moyen terme) et va les ordonner en une suite logique. En clair il
répond aux questions primordiales suivantes : quoi, quand, comment, qui et pourquoi ? Dans son
livre42, Jean-Pierre Clostermann y consacre un chapitre intéressant. Pour lui, le projet d’action facilite
la compréhension : « A l’intérieur du projet d’action, les situations sont prévues, leur compréhension
est optimale. Un projet d’action complet doit prévoir les incidents associés : si j’ai une avarie de
machine, je peux quitter le chenal sur la droite et mouiller à tel endroit » (2017). De plus, le projet
d’action, permet par éléments de comparaison la surveillance : « chacun procède par comparaison
entre les actions constatées et celles prévues dans le projet d’action. C’est l’étalon de comparaison,

42
« La conduite du navire marchand »
31

celui qui permet de mesurer les écarts. Sans projet d’action, sans route tracée sur la carte, il n’est pas
de surveillance possible, car il n’y a pas d’étalon auquel comparer la situation vécue » (Jean-Pierre
Clostermann, 2017). La planification d’un voyage plan constitue ainsi le projet d’action anticipé par
excellence. Il est néanmoins intéressant de souligner que le projet d’action, étant par essence très
stable, présente le défaut de ne pas permettre à l’individu l’exploitant de le remettre en question si
des éléments viennent le contredire. Ce manque d’adaptabilité de cet outil sera néanmoins
compensé par l’expérience et le vécu en mer de l’officier. L’OMI43 renforce cette vision tout en
confortant l’idée qu’il faille s’adapter selon les circonstances via l’article 5 de la recommandation
A96044.

Situation Awareness
La compréhension de la situation est déterminante pour un décisionnaire. Si ce dernier
constate une trop grande divergence entre le résultat attendu (projet d’action) et le résultat observé,
il mettra en œuvre toutes ses ressources pour analyser le problème qui engendre cet écart. Voici
deux définitions intéressantes :

 « La conscience de la situation est une représentation globale et cohérente de la situation,


continuellement réactualisée par des évaluations périodiques de la situation » (Sarter and
Woods, 1991).
 « La conscience de la situation est la perception d’éléments dans un volume spatial et temporel,
la compréhension de leur signification et la projection de leur évolution dans le futur proche »
(Endsley, 1988).45

La performance
Afin de remplir sa fonction opérationnelle propre de manière optimale, l’officier de quart
doit posséder une performance supérieure à ce qui serait requis afin de garder « une réserve de
flottabilité » pour répondre aux imprévus de toutes sortes. Cette performance individuelle dépend
de plusieurs facteurs :

 La charge de travail : l’opérateur est performant lorsqu’il est sollicité par une charge
optimale ou élevée. A ces niveaux-là, les erreurs sont récupérées et donc le sujet a
l’impression de maitriser la situation. En dessous de ces niveaux, il est en sous-charge et est
donc peu stimulé. Cela a pour effet de baisser son niveau de concentration. Au-dessus de ces

43
Organisation Maritime International
44
Citation originelle: « It should be clearly understood that any passage plan is a basic indication of preferred
intention and both the pilot and the master should be prepared to depart from it when circumstances so
dictate”.
45
Ingénieur et ancienne scientifique en chef de l'US Air Force
32

niveaux, il est en surcharge ; ici les « capacités attentionnelles de l’opérateur sont


surchargées par un nombre de stimuli trop important. En surcharge l’opérateur perd le
contrôle car il n’arrive plus à gérer tous les paramètres de la situation » (Clostermann, 2017).

 La fatigue : facteur d’influence majeur sur la performance. Elle entraine un abaissement de la


courbe de performance. Les zones relatives aux charges évoluent également : on peut noter
l’augmentation des zones de charges situées aux extrémités du graphique. Du côté de la
sous-charge de travail, cela signifie que l’opérateur a besoin de plus de stimuli (ou de plus
forte intensité) pour garder une capacité de concentration minimum. On parle alors
d’hypovigilance. De l’autre côté de la courbe, il ne faudra pas beaucoup d’éléments imprévus
pour « noyer » le sujet car sa capacité à mobiliser ses ressources mentales a été mise à mal
par la fatigue.
De plus on notera que la réserve de performance diminue également, contribuant dans un
cercle vicieux à réduire le confort et la sensation de maîtrise de l’opérateur.

Figure 10- Influence de la fatigue sur la performance


Source : Jean-Pierre Clostermann, 2017

 La motivation : il faut bien comprendre qu’en aucun cas la motivation annihile la fatigue. Elle
ne fait que décaler les effets de cette dernière. La motivation n’améliore pas à l’infini les
effets de la performance. Elle ne peut que ponctuellement augmenter le niveau de vigilance
sur des aspects particuliers de l‘action en cours. La pyramide de Maslow décrit les niveaux de
motivations des individus en les hiérarchisant selon cinq niveaux.
33

« Cette pyramide nous aide à comprendre, par exemple, qu’il est illusoire d’espérer obtenir
l’adhésion aux valeurs les plus hautes de la profession - niveau 4 - de la part d’un équipage qui ne
sent pas faire partie d’une compagnie – niveau 3 – ou de faire adhérer aux principes commerciaux de
la compagnie –niveau 3- un équipage qui ne sent pas en sécurité dur son navire » (Jean-Pierre
Clostermann, 2017).

Figure 11- Pyramide de Maslow


Source : http://alain.battandier.free.fr/spip.php?article6
34

2.3.2 Les limites physiologiques de la performance individuelle


Au-delà des limites mentales de l’individu, l’opérateur doit également composer avec ses sens
propres. Ses capacités de perception des stimuli sont impactées par les capteurs sensoriels de son
propre corps, eux-mêmes pouvant être influencés par des facteurs externes tel que la fatigue, le
stress ou encore l’hygiène de vie.

La vue
On distingue ici deux types de vues :

- La vision centrale, sous influence du projet d’action et donc focalisée sur un objectif
prioritaire, très discriminante.
- La vision périphérique nous renseigne sur l’environnement et perd en intensité et en
précision lorsque l’on s’éloigne de la vision centrale, beaucoup moins discriminante.

 Sensibilités aux couleurs : ce que l’on peut voir ne représente qu’une infime part des ondes
présentes autour de nous. En effet le spectre de lumière visible à l’œil nu est compris dans des
longueurs d’ondes entre 400 et 700 nanomètres46. L’œil humain, quant à lui est composé de
deux photorécepteurs : les cônes et les bâtonnets.
« Le système des
cônes est un
système à haute
résolution mais sa
sensibilité est
limitée. […] ceux-ci
sont éclairés par
des éclairs de
lumière
monochromatique
dont il fait varier la

Figure 12- l'œil humain longueur d'onde


Source : https://www.blueconemonochromacy.org/fr/how-the-eye-functions/
entre 400 nm
(violet) et 700 nm (rouge). Il remarque que certains cônes ont une réaction électrique
maximale différente. Ces résultats semblent indiquer l'existence de trois sortes de cônes
ayant une absorption maximale, une dans le bleu-violet, à 420 nanomètres, la deuxième

46
1 nanomètre (nm)= 1×10⁻⁹mètre (m).
35

dans le vert, à 530 nm, et la troisième à 565 nm, dans le jaune-rouge. Ces résultats seront
confirmés par l'extraction de trois sortes de pigments des cônes de rétines humaines.
[Concernant les bâtonnets] sont des cellules du même type - mais de forme différente - des
cônes. Elles ne sont sensibles qu'à la quantité de lumière et sont utilisées pour la vision
nocturne. » (Claire König, 2019)47.

 Le point aveugle : ou tache de Mariotte provient du fait qu’à l’endroit où se situe le nerf optique
dans la rétine, il y a une absence de photorécepteurs. Cette papille optique se situerait à environ
« vingt degrés de l’axe du regard vers l’oreille » (Jean-Pierre Clostermann, 2017). Cela a donc des
conséquences pour la vision du marin. De jour, elles restent minimes car l’autre œil complète à
95% ce que l’autre n’a pas aperçu. En revanche de nuit, une lueur fugace telle qu’un feu à éclats
peut ne pas être vu s’il se retrouve dans l’angle de cette tache aveugle. Aussi on peut
recommander aux hommes de quart de balayer lentement l’horizon du regard afin de couvrir
tous les secteurs.

 L’intervalle photochromatique : « L’intervalle photochromatique est l’intervalle d’intensité


lumineuse entre le seuil de perception d’une lumière et le seuil de perception de sa couleur. On
voit que cet intervalle est très grand dans le bleu, important dans le vert, et nul dans le rouge. En
effet, les bâtonnets n’étant pas sensibles au rouge, ce sont les cônes qui perçoivent la lumière
rouge en premier. […]Les bâtonnets n’étant pas sensibles au rouge, la lumière rouge n’affecte
pas l’acuité visuelle nocturne » (Jean-Pierre Clostermann, 2017). C’est d’ailleurs pourquoi les
voyants d’alarmes sont en rouge ; de cette manière, ils sont détectables en permanence, de jour
comme de nuit. Conséquence pour notre opérateur : la lumière rouge en passerelle pendant la
nuit permet à ce dernier de voir suffisamment clair grâce aux cônes sans pour autant utiliser les
bâtonnets, permettant à ces derniers de rester en capacité de détecter des signaux lumineux de
basses intensités.

 Adaptation à l’obscurité : il est important de rappeler que le « potentiel de vision nocturne » est
faible au début du quart. Il faudra compter environ une demi-heure avant d’atteindre son
maximum, sous réserve de ne pas être ébloui par des sources lumineuses autre que rouge. Jean-
Pierre Clostermann nous dit que « c’est le temps nécessaire pour dé-saturer les bâtonnets ». Un
autre aspect important est de dissocier la fonction de veilleur de celle du chef de quart. Le
premier doit impérativement limiter son interaction avec des sources lumineuses telles que les

47
Enseignante en Sciences naturelles.
36

écrans de la passerelle afin de préserver son potentiel tandis que le second doit être conscient
que sa vision est perturbée par ses écrans.

 Performance visuelle et représentation mentale : il est clair qu’il y a un lien entre représentation
mentale et performance visuelle ; en effet cette dernière peut expliquer les écarts d’appréciation
entre plus jeunes et plus âgés face à tel ou tel situation. « La dynamique du réflexe photo
moteur se modifie avec l’âge. Le myosis, capacité de la pupille à se contracter, diminue d’environ
10% entre l’âge de 20 ans et celui de 60 ans (Verriest, 1971). Le diamètre de repos est plus petit.
Les vitesses de contraction plus faibles. La latence de contraction et de dilatation plus longue »
(Isabelle Ramuz VanDamme48, 2015).

L’ouïe
Complément indispensable de la vue, elle constitue un capteur omnidirectionnel car elle
permet d’alerter l’opérateur dont l’attention est fixée ailleurs.

 Appareil auditif : trois parties : l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne.

- Figure 13- L'appareil auditif


Source : https://audi-c.fr/le-fonctionnement-de-loreille/
-

- L’oreille externe : cette partie est composée du pavillon et du conduit auditif, c’est par là
que les ondes sonores pénètrent jusqu’au tympan.

48
Ergonome du travail, diplômée d’Optique, d’Orthoptie, d’Optométrie, habilitée IPRP.
37

- L’oreille moyenne : comprend le tympan, la trompe d’eustache et les osselets. Le tympan


capte la pression des ondes sonores et les transmet vers les osselets-ou chaine
ossiculaire ; la trompe d’eustache a pour mission d’équilibrer les pressions entre
l’extérieur et l’arrière de la cavité nasale. Enfin la chaine ossiculaire possède trois
osselets (marteau, enclume et étrier) qui amplifie les sons tout en protégeant
naturellement l’oreille interne.
- L’oreille interne : est composée de deux organes importants : la cochlée et l’appareil
vestibulaire. Ce dernier est l’organe d’équilibre mais ne participe pas à l’audition. La
cochlée « a la forme d’un colimaçon qui joue le rôle d’un guide d’onde et contient
environ 15000 cils- les cellules ciliées- qui ont chacun une fréquence de résonnance
propre. Chaque cellule est reliée à une fibre nerveuse. L’ensemble de ces fibres constitue
le nerf auditif et achemine les signaux [électriques] vers le cerveau » (Clostermann,
2017).
 Plage audible et limites : les ondes perçues par l’oreille humaine sont comprises entre 20 Hz
et 20 KHz. Cependant on remarquera que le niveau optimal de sensibilité de l’oreille
humaine est
compris entre 1 et
2 KHz. La limite
supérieure de
perception
constitue un seuil
de douleur intense
au niveau du
tympan qui se
retrouve alors
saturé par une
pression trop forte

Figure 14- Diagramme de Wegel des ondes


acoustiques. Tout
comme la protection de la vue est un enjeu important, celle de l’ouïe l’est tout autant et doit
vraiment être prise au sérieux par les différents opérateurs présents à bord afin de garantir la
sécurité de chacun par tous. Les limites d’exposition sont les suivantes :
- 8h à plus de 90 dB
- 2h à plus de 100 dB
38

- 0,5h à plus de 110 dB


- Exposition brève de quelques secondes à plus de 120 dB.

Si on se réfère à la loi française concernant le code du travail, l’article R4431-249: « Les


valeurs limites d'exposition et les valeurs d'exposition déclenchant une action de prévention sont
fixées dans le tableau suivant »:

50
Tableau 2- Valeurs limites d'exposition au bruit
Source : Code du travail français

VALEURS D'EXPOSITION NIVEAU D'EXPOSITION

Niveau d'exposition quotidienne au bruit


1° Valeurs limites d'exposition de 87 dB (A) ou niveau de pression
acoustique de crête de 140 dB (C)

2° Valeurs d'exposition supérieures déclenchant Niveau d'exposition quotidienne au bruit


l'action de prévention prévue à l'article R. 4434-3, de 85 dB (A) ou niveau de pression
au 2° de l'article R. 4434-7, et à l'article R. 4435-1 acoustique de crête de 137 dB (C)

3° Valeurs d'exposition inférieures déclenchant Niveau d'exposition quotidienne au bruit


l'action de prévention prévue au 1° de l'article R. de 80 dB (A) ou niveau de pression
4434-7 et aux articles R. 4435-2 et R. 4436-1 acoustique de crête de 135 dB (C)

Cet organe doit donc absolument être protégé au moyen de bouchons ou de casques anti-
bruit dans les atmosphères bruyantes comme la machine par exemple. La surdité du marin est un
enjeu de sécurité car une bonne partie des signaux de dangers sont des alarmes sonores. Si l’officier
ne peut les entendre alors il met en danger son navire. Par ailleurs la synergie d’une équipe se fonde
aussi sur la confiance mutuelle et la certitude que chacun est capable d’évoluer et de comprendre ce
qui se passe à bord. Si on passe son temps à se demander ce que l’autre a compris, il est à parier
qu’une dégradation des relations surviendra tôt ou tard.

49 er
Code du travail ; quatrième partie, livre IV, titre III, chapitre 1 , section 2.
50
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000018530386
39

La vigilance et l’attention
La vigilance est un facteur influent de la performance concernant la veille. On peut presque
parler d’un des nombreux instincts de survie. Nous allons plutôt ici nous concentrer sur la définition
physiologique de la notion de vigilance. « La vigilance est un état de préparation nécessaire pour
détecter et répondre au plus petit changement apparaissant dans l’environnement à des intervalles
de temps aléatoire» (Macworth, 1950).

Tableau 3- Continuum des états de vigilances


51
Source : Philippe Cabon

Continuum comportemental Etat de vigilance Efficacité opérationnelle


Emotion vive, peur, rage, Eveil extrême, attention Médiocre, perte de contrôle
anxiété dispersée, confusion mentale
Alerte attentive Attention sélective susceptibles Bonne (réactions efficaces,
de variations, concentration, sélective et rapides)
anticipation
Hypovigilance Attention flottante non Bonnes pour les réactions de
concentrée routine et la pensée créatrice
Somnolence Eveil imparfait Médiocre
Sommeil léger Conscience notablement Nulle
diminuée
Sommeil profond Disparition totale de la nulle
vigilance

Le rapport INRETS (Institut National de recherche sur les transports et leur sécurité) n°28052
publié en 2009 stipule que « l’attention investie dans une tâche conditionne également grandement
la performance. Mais son étude est rendue difficile par la multitude des processus que ce concept
recouvre, qui vont de la sélection de l’information à la résolution de conflit, en passant par la
mobilisation de ressources attentionnelles, la focalisation attentionnelle ou la prise de décision.
Williams James en a donné une définition devenue classique: «l’attention est la sélection sous forme
claire et précise d’une information ou d’un événement extérieurs de la pensée et son maintien dans
la conscience » ».

51
Maître de Conférences en Ergonomie et chercheur au Laboratoire de Psychologie et d’Ergonomie Appliquées
à l’université Paris Descartes. Spécialiste des FH (facteurs humains).
52
https://www.ifsttar.fr/fileadmin/user_upload/editions/inrets/Recherches/Rapport_INRETS_R280.pdf
40

Fatigue
« La fatigue est un sujet ‘’tabou ‘’ dans certains milieux professionnels. La fatigue est un
signal d’alarme envoyée par l’organisme. Il faut pouvoir parler de la fatigue. La résistance à la fatigue
n’est pas un critère de professionnalisme, mais au contraire un comportement qui met en jeu la
sécurité. Résister à la fatigue, c’est orienter toutes ses ressources vers cette lutte au détriment de la
tâche de pilotage » (Jean-Yves Gruau, 2001).

On peut distinguer deux types de fatigues : Fatigue mentale et Fatigue physique. Voici les causes
principales :

 Fatigue mentale :
o Manque de sommeil paradoxal
o Forte sollicitation mentale
o Niveau de stress élevé
 Fatigue physique :
o Manque de sommeil profond
o Excès d’activité physique
o Hygiène de vue défectueuse
o Bruit et chaleur de la machine

Dette de sommeil
Le sommeil fait partie des besoins physiologiques fondamentaux évoqués au niveau 1 de la
pyramide de Maslow (voir Figure 11- Pyramide de Maslow). Un individu a au moins besoin de 6h de
sommeil par jour.

« Pour les
professions à
horaires décalés
nécessitant une
bonne maitrise de
l’attention, une
bonne gestion de
sommeil s’avère
donc indispensable.
Figure 15-Cycle d'une nuit de sommeil
Source : https://www.doctissimo.fr/html/psychologie/bien_dormir/ps_6205_sommeil_cycles.htm […] le sommeil n’est
41

véritablement efficace que s’il est pris à l’intérieur des fenêtres biologiques normales inscrites dans
le rythme circadien de l’individu. Ce rythme présente deux pics de somnolence : l’un en fin de nuit,
vers 4h du matin, l’autre, moins marqué, en début d’après-midi » (J-P Clostermann, 2017).
Drew Dawson dans son livre : « guide de la gestion de la fatigue »(1998) ; nous explique
qu’après 12 à 17 heures de travail, le comportement devient similaire à celui d’une personne ayant
un taux d’alcoolémie de 0,5 grammes/litre de sang. Cependant dans notre métier au quotidien il est
parfois difficile de se garantir un temps de sommeil régulier et suffisant. En effet les circonstances
peuvent nous amener à devoir rester éveiller plus longtemps que prévu, entrainant donc une fatigue
qui sera compensée dans un premier temps par une vigilance accrue et une motivation supérieure.
Cependant cela engendre une dette de sommeil qui va irrémédiablement provoquer une baisse des
performances de l’individu et renforce son état d’hypovigilance. Le MAIB (Marine Accident
Investigation Branch) va dans ce sens : « La fatigue des officiers de quart et le manque d’homme
affectés à la veille sont depuis longtemps une question cruciale de sécurité, particulièrement au
cabotage »53.

Le Stress
Le stress est « l'ensemble des moyens
physiologiques et psychologiques mis en œuvre par une
personne pour s'adapter à un événement donné » (Hans
Selye, 1962). On distingue deux types bien distincts de
stress : « le stress de situation ou opérationnel, appelé le
plus souvent stress et le stress chronique ou stress de
fond ».

 Théorie de Selye54: (ou syndrome général


d’adaptation). Ce modèle répertorie en trois phases
la réponse d’un individu face à une interférence
extérieure :
o Réaction d’alarme : le corps réagit à une
situation inconnue pour lui. On observe
alors une surproduction d’adrénaline qui

entraine une accélération du rythme Figure 16- Modèle transactionnel de stress et


d'adaptation de Richard Lazarus

53
Citation originelle dans le Rapport n°7/2009. https://www.gov.uk/maib-reports/grounding-of-general-cargo-
vessel-antari-near-larne-northern-ireland
54
Hans Selye (1907-1982) est un pionnier des études sur le stress. Il a été fondateur et directeur de l'Institut de
médecine et chirurgie expérimentale de l’université de Montréal.
42

cardiaque, du rythme respiratoire, augmentation de la sudation ou encore dilatation des


pupilles.
o Phase de résistance : « phase au cours de laquelle une autre hormone, le cortisol, permet
de transformer rapidement les graisses en sucre et ainsi prolonger l’effort » (J-P
Clostermann, 2017).
o Phase d’épuisement : le corps est trop fatigué pour s’adapter au stimulus provoqué par
la situation de stress.

 Aspect cognitif du stress : le stress ne peut pas être seulement un instinct ou un réflexe car
l’Homme n’est pas un mammifère primaire. Sa capacité de raisonnement lui confère une vision
plus approfondie. En effet le stress est également pour lui une manière d’appréhender les
situations auxquelles il doit faire face. Nous pouvons voir que le stress est donc intimement lié à
l’idée de représentation mentale évoquée plus haut (0). Richard Lazarus55 résume cette idée :
« Ce qui est important pour l’opérateur, ce n’est pas tant ce qui lui arrive que ce qu’il pense qui
lui arrive » (1984). Pour schématiser simplement, le stress chronique est celui lié à notre
situation personnelle tandis que le stress opérationnel est lié à notre présent, à la situation dans
laquelle on se trouve présentement.

 Stress opérationnel : « Le stress opérationnel est déclenché par la prise de conscience que mes
ressources, telle que je les perçois, pourraient ne pas suffire à maitriser la complexité de la
situation, telle que je la perçois. Cette prise de conscience m’oblige à revoir à la hausse ma
performance, a prix d’une charge de travail plus importante » (J-P Clostermann, 2017). L’individu
va donc chercher à combler l’écart entre ce qui lui est demandé et ce qu’il peut faire en
augmentant sa charge de travail et sa vigilance ; son stress sera alors considéré comme positif car
productif. Cependant si le sentiment d’écart persiste dans le temps, le stress demeurera et
deviendra négatif car il découlera d’une sensation de non-maitrise de la situation et ce sentiment
viendra submerger l’opérateur.

55
Eminent psychologue Américain.
43

 Le stress chronique : chaque personne connait dans sa vie des périodes de tension plus ou moins
élevées correspondant à des situations personnelles positives ou négatives. Ce stress accumulé
agit comme un stress de fond qui diminue la charge de travail que l’opérateur peut consacrer à
certaines tâches. Cela entraine donc une diminution du niveau de stress qu’il peut encaisser en
temps normal.

Figure 17 –Effet du stress sur la performance


Source : Jean-Pierre Clostermann, 2017

Hygiène de vie

 La gestion de l’alimentation
o La glycémie : il faut que l’opérateur prenne conscience que le taux de glucose (donc
de sucres) présent dans le sang est important car il impacte la performance en cas de
manque (l’hypoglycémie). On considère qu’un repas équilibré constitué de sucres
lents permet de tenir 6 à 8 heures. Au-delà, le taux de glucose descend et ne peut
être contré qu’avec des sucres rapides.
o L’hydratation : « L’eau contenue dans le corps détermine le volume de plasma
sanguin qui va véhiculer l’oxygène vers les muscles et le cerveau » (J-P Clostermann,
2017). On considère qu’une perte de 2% de la masse hydrique (sachant que l’eau
44

représente 60% de la masse totale de l’homme) entraine une chute de 20% de la


performance. Chris McNab56 estime que par de très fortes chaleurs on peut perdre
jusqu’à 4 litres d’eau par heure en transpirant. Il est donc important de boire
beaucoup d’eau préventivement afin d’éviter la déshydratation.

 L’alcool
On considère que le corps humain génère des perturbations à partir d’un taux
d’alcoolémie supérieur à 0,5 g/l57. Les effets sont multiples et vont du rétrécissement du
champ visuel à la diminution de l’évaluation du risque en passant par l’altération de la
réactivité et de l’état de vigilance.

 Les médicaments
« Tous les médicaments dit psychotropes ont une influence néfaste sur la
performance en raison, de leurs effets secondaires : baisse de la vigilance, allongement du
temps de réaction, perturbation de la mémoire immédiate, somnolence, trouble visuels et
perturbations cardio-vasculaires » (J-P Clostermann, 2017). Il s’agit pour l’opérateur de se
méfier et d’en référer le cas échéant à sa hiérarchie.

 Les drogues
L’OMI (organisation maritime internationale) via la convention STCW (Standards of
Training, Certification and Watchkeeping for seafarers) précise que : « L'abus des drogues et
de l'alcool affecte directement l'aptitude et la capacité des gens de mer à s'acquitter des
tâches relatives à la tenue du quart ou à effectuer des tâches déterminées liées à la sécurité,
la prévention de la pollution et la sûreté. Les gens de mer qui se révèlent être sous l'influence
des drogues ou de l'alcool ne devraient pas être autorisés à effectuer des tâches relatives à la
tenue du quart ou des tâches déterminées liées à la sécurité, à la prévention de la pollution
et à la sûreté, tant qu'ils n'ont pas retrouvé le plein d'usage de leurs facultés pour l'exécution
de ces tâches »58 (OMI, 2010).

56
Spécialiste des techniques de survie.
57
Gramme/ Litre de sang
58
Chapitre 8, section B-VIII/1, recommandation 6.
45

2.4 « Psychologie du risque »59

Il est intéressant de se pencher sur la notion de risque. En effet l’opérateur, de par sa vision du
monde et ses capacités d’analyse propres à lui, développe une perception du risque que lui seul
maîtrise. Sa notion de risque peut s’en trouver altérée et le conduire dans une impasse : la
surconfiance.

2.4.1 Définition du risque

L’INERIS60 (institut national de l’environnement industriel et des risques) définit le


risque comme étant un « concept technique […] s’appuyant ainsi sur deux composantes
principales: le danger et son potentiel d’effet sur les cibles ou enjeux exposés ». Il faut bien
comprendre que le risque n’est pas une réalité physique mais bien une perception propre à
chacun.

𝑅𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 = 𝑔𝑟𝑎𝑣𝑖𝑡é × 𝑓𝑟é𝑞𝑢𝑒𝑛𝑐𝑒

On va d’ailleurs essayer de contrer ces effets potentiels en les prévoyant via un risk assessment61 :

Gravité Probabilité
Faible (1) Moyenne (2) Haute (3)
Significative (3) 3 6 9

Modérée (2) 2 4 6

Négligeable (1) 1 2 3

ZONE DANGEREUSE/ RISQUE ELEVEE

Tableau 4- Matrice d’évaluation du risque


Source : travail propre

59
Ce titre est inspiré de l’ouvrage de D. R. Kouabenan (2006) Biblio ?
60
Etablissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministère chargé de
l'environnement.
61
Evaluation du risque.
46

Dans le domaine de la conduite des systèmes à risques, on distingue 3 types de risques :

- Le risque objectif ou risque statistique. Il repose sur l’évaluation continue dans le temps
des accidents survenus permettant ainsi de mesurer le taux de réussite ou d’échec d’un
processus.
- Le risque subjectif. C’est notre évaluation personnelle en tant qu’acteur dans le système.
Jean-Pierre Clostermann précise d’ailleurs que « cette évaluation est entachée de
plusieurs biais62, qui peuvent avoir une origine cognitive ou une origine émotionnelle ».
- La sensation du risque encouru qui peut largement différer selon la place où l’on se
trouve durant une situation donnée. Par exemple le capitaine qui doit prendre la
décision d’affronter une tempête et l’armateur qui le lui demande.

62
Comprendre ici erreur d’appréciation a 2composantes : cognitive (limite de traitement de l’information par
notre cerveau) et psychologique (mécanisme de défense propre au corps et à l’esprit de l’opérateur).
47

2.4.2 Habitude, surconfiance et expertise


L’officier de quart en tant qu’opérateur d’un système à risques tel que le navire marchand est
soumis de manière constante au risque : que ce soit en passerelle ou sur le pont (espace publique) ou
encore dans sa cabine (espace privé). Cela a pour effet d’entrainer inconsciemment une sous-
évaluation des risques encourus au quotidien. On parle alors d’habitude car cela correspond à
l’acquisition passive d’un réflexe : « la perception d’une situation donnée migre du registre conscient
vers le registre inconscient » (Jean-Pierre Clostermann, 2017). Un exemple pour illustrer cet état de
fait pourrait être le suivant : la première fois où les élèves ont commencé à monter aux mâts sur le
voilier DAR MLODZIEZY, ils étaient focalisés sur le fait qu’ils n’étaient pas assurés le temps de leur
montée entre 2 plateformes. Après 2 semaines d’entrainement, les premiers comportements à
risque se sont développés car monter devenait une habitude quotidienne. Pourtant rien n’avait
changé : ils n’étaient toujours pas assurés. Cette information capitale avait été transférée du registre
conscient vers celui de l’inconscient.

Bill Hardwood63 , lors de ses interviews réalisées pour le film de Gilles Cayatte sur l’accident de
la navette spatiale Columbia en janvier 2003, enregistra cette phrase capitale sur la compréhension
de la notion de risque chez tout individu : « Après des années de succès, il y a une tendance, même
chez les ingénieurs les plus chevronnés, à devenir surconfiants … ». Plus le dernier accident remonte
dans le temps, plus le sentiment d’invulnérabilité grandit au sein des équipages. C’est pourquoi il y a
une réelle nécessité à s’entrainer régulièrement pour garder en tête l’idée qu’en cas de baisse de la
vigilance et des performances, l’accident nous surprendra au pire moment64.

La surconfiance est engendrée suite à notre expérience d’une situation vécue. Notre capacité à
trier les informations étant limitée, notre esprit classifie les perceptions de critiques, d’importantes
et de moins importantes ou d’insignifiantes. Ainsi le fait de ne pas être assurer lors de sa montée
devient moins dangereux aux yeux de l’élève déclassifiant ainsi l’information jugée au fil du temps
moins dangereuse. « Sans cette évolution, l’opérateur ne pourrait conduire le système, constamment
préoccupé par des signaux inquiétants. Nos filtres attentionnels nous obligent à nous concentrer sur
ce qui est significatif afin d’avoir une représentation mentale pertinente et nous font éliminer les
signaux perçus comme insignifiants » (Jean-Pierre Clostermann, 2017).

63
Journaliste CBS News.
64
Loi de Murphy : développée par l'ingénieur aérospatial américain Edward Murphy est un adage qui
affirme : ‘’Anything that can go wrong will go wrong’’. On pourrait traduire par : « tout ce qui est susceptible
d'aller mal ira mal ».
48

2.4.3 Contexte et décision


L’opérateur se trouve en permanence dans un processus où il doit interpréter une masse de
signaux. Afin de l’aider dans sa représentation mentale, basée sur des éléments du réel classifiés en
fonction des objectifs et des attentes de l’officier, le contexte occupe une place prépondérante. Un
exemple assez concret serait le suivant. Mon navire quitte le port de Yokohama et j’aperçois un feu
rouge scintillant venant sur mon bâbord. Les différentes interprétations qui s’offrent à moi sont
rapidement évaluées et la bonne sera jugée correcte en fonction du contexte :

- Le feu clignote donc il ne s’agit pas d’un navire


- Je suis en sortie de port
- Je suis en zone IALA B65

Il s’agit d’une bouée latérale que je dois laisser sur mon bâbord afin de respecter le chenal principal.
On notera que par ailleurs l’expérience joue un rôle prépondérant dans l’analyse ainsi que le
processus de sélection de l’interprétation la plus plausible et surtout la plus liée au contexte.

Lorsque l’opérateur se retrouve dans la configuration où le signal est inconnu, le manque


d’expérience se fera alors ressentir. Jean-Pierre Clostermann recense alors trois situations :

- Signal trop faible, « n’émergeant que faiblement du bruit ambiant, et, catalogué comme
non significatif, il est oublié.
- Le signal ne peut être ignoré car trop important. Dans ce cas « l’opérateur élabore une
explication rationnelle afin d’agir, qui peut s’avérer totalement fausse. On peut là trouver
les biais de confirmation ou de déni » (Arie W. Kruglanski et Icek Ajzen, 1983).
- Dernière posture : « en l’absence d’autre information donnant du sens à l’étrange signal,
l’opérateur, tout en l’ayant perçu, ne le prend pas en compte pour comprendre la
situation, et le laisse de côté, anomalie échouée pour quelques temps dans la mémoire
opérationnelle, dans l’attente d’une confirmation éventuelle ».

Nous voyons bien qu’il est difficile pour un officier d’analyser correctement un signal inconnu car ce
dernier vient contrarier sa (sur)confiance. Le chef de quart a besoin de preuves tangibles que ce
signal inconnu l’avertit d’un potentiel danger. Un choix cornélien s’offre alors à lui : attendre la
confirmation que ledit signal annonce bien un danger et perdre du temps ou donner l’alerte et
ralentir le temps afin de mieux analyser ce signal et perdre de l’argent (ainsi que probablement sa
crédibilité).

65
International Association of Marine Aids to Navigation and Lighthouse Authorities, 1957
49

Si on fait un arbre de décision, cela donne la figure suivante :

Figure 18- arbre décisionnel


Source : travail propre

Appliqué à notre exemple, l’arbre classifie les conséquences du comportement de l’opérateur face à
un signal inconnu.

Tableau 5 – Conséquence du comportement face au signal inconnu


Source : travail propre

Gestion du signal Confirmation Conséquences positives Conséquences négatives


Pris en compte Danger Sauve des vies + le navire Aucune
Pas danger Attitude proactive Perte d’exploitation +
crédibilité entachée
Ignoré Danger AUCUNE !!!!! Une catastrophe
Pas danger AUCUNE !!!!! Perd une occasion de
s’entrainer + tester les
procédures

Le principe de précaution en général peut entrainer des problèmes plus graves que le danger
en lui-même bien sûr. Son usage doit être considéré en concertation avec les acteurs concernés dans
le cadre d’une politique de sécurité propre à un organisme spécifique et ne peut en aucun cas
devenir une politique globale pour tous. Cependant dans le cadre d’un système à risques aussi
particulier que le navire de la marine marchande, les problèmes engendrés par le principe de
précaution resteront mineurs au regard des conséquences potentielles liées à une mauvaise analyse
50

d’un signal jugé inconnu. Le RIPAM66 d’ailleurs nous exhorte à cette prudence : « Si cela est
nécessaire pour éviter un abordage ou pour laisser plus de temps pour apprécier la situation, un
navire doit réduire sa vitesse ou casser son erre en arrêtant son appareil propulsif ou en battant en
arrière au moyen de cet appareil »67.

De plus donner la priorité à la sécurité du navire permet de le maintenir en état d’effectuer


sa mission, ce qui revient finalement à donner la priorité à l’aspect commercial : « Qu’est-ce qui
engendrerait les pertes les plus grandes : quelques minutes de retard à l’appareillage ou un ferry
chaviré, 190 victimes et une image de marque irrémédiablement ternie – Herald of Enterprise ? » (J-P
Clostermann, 2017).

66
Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer. Version anglaise : COLREG (Collision
Regulations).
67
RIPAM règle 8e.
51

2.4.4 Homéostasie du risque


« Processus de régulation par lequel l'organisme maintient les différentes constantes du milieu
intérieur (ensemble des liquides de l'organisme) entre les limites des valeurs normales »68.

Figure 19 - Modèle homéostatique de la prise de risque selon Gerald J. S. Wilde (1994)


Source: https://journals.openedition.org/questionsvives/docannexe/image/1297/img-1-
small580.png.

« Le risque cible est le concept clef de cette théorie. La sécurité n’est au fond qu’un sentiment.
Le risque fait bien partie de notre quotidien. Il est présent dans la moindre de nos actions. Des
accidents surviennent alors même que toutes les précautions établies avaient été prises. Dès lors,
qu’est-ce que prendre « assez » de risques ? Jusqu’où aller trop loin ? Chacun d’entre nous y répond
en acceptant un niveau de risque cible. Il s’agit largement d’habitudes pas vraiment conscientes mais
qui n’engagent pas moins notre responsabilité » (Gerald Wilde, 1994).

Il s’agit pour l’opérateur de comparer en permanence le risque pris avec le bénéfice dégagé et
d’équilibrer en permanence son attitude selon les situations afin d’obtenir le meilleur rapport
risque/bénéfice. Le risque évolue sur une échelle de 0 à 10 - 0 étant d’être amarré au port, 10 la
perte du navire. L’officier doit réaliser son quart et assurer la conduite du navire avec un niveau de
risque optimum appelé « niveau de risque cible69 » (Gerald Wilde, 1994) en s’adaptant aux situations
et aux circonstances. Ce niveau cible peut néanmoins être différend en fonction des individus car il

68
Définition tirée du dictionnaire Larousse.
69
Traduction de l’anglais: ‘’target level of risk’’.
52

repose sur la perception propre du danger de chacun. C’est à ce titre qu’il est important de
déterminer un « niveau de risque cible » standard qui prendra en compte la triangulation suivante :

OPERATEUR

ENVIRONNEMENT ACTIVITE

Figure 20 - Paramètres du risque cible


Source : travail propre
53

3 PARTIE 3 – SUJETS CONNEXES ET ENSEIGNEMENT


Après avoir décrit en profondeur les réalités de notre métier ainsi que le leadership, il s’agit
de réfléchir sur la manière dont on pourrait aborder la thématique. En effet l’idée principale de ce
mémoire est de savoir comment enseigner cela à travers une matière propre dans le cadre du
programme scolaire déjà établi pour la formation des officiers de la marine marchande. A ce titre
nous avons interviewé Mme Camille Debandt, psychologue et professeure de psychologie à l’Ecole
Supérieure de navigation. Les éléments de réponses qui suivent proviennent de cette interview70.

Pour Madame Debandt, le leadership est une qualité importante car «quand on évolue de par les
échelons sur un navire, cette qualité se révèle plus importante au fur et à mesure »71.

3.1 Connectivité et société

Nous souhaitions faire un petit chapitre sur ce sujet afin de sensibiliser le lecteur sur le fait que
la révolution numérique qui touche notre monde maritime à son lot de questions. Une des plus
importantes semble être celle-ci : quelle place pour le facteur humain dans l’interface numérique?

3.1.1 Gestion des écrans


Nous ne pouvons que constater que notre mode de vie a beaucoup évolué depuis une
vingtaine d’années sur le plan des relations humaines. Les moyens technologiques, mis au service de
la communication, ont favorisé l’émergence d’un monde ultra-connecté où l’individu est sollicité en
permanence, modifiant ainsi profondément son mode de vie. Les exigences de notre métier n’ayant
pas changé pendant le même temps ; il semblait légitime de se poser la question suivante :

Si la mission demeure, est-ce que les hommes, eux, ont changé ?

Pour la psychologue Camille Debandt, les générations ont bien évolué (sans pour autant que l’on
puisse dire qu’une génération est supérieure par rapport à l’autre ou pas). L’omniprésence des
réseaux sociaux a considérablement changé le taux de concentration des individus sur une tâche bien
spécifique. A l’heure où la connectivité semble une donnée importante pour les marins (notamment
les matelots qui effectuent de longues missions à bord) ; il semble important de rappeler que les
exigences du métier et particulièrement le quart en passerelle exigent un investissement total de la
part des équipages et des officiers. La question de la résilience se pose également. La formation des

70
Voir la retranscription de l’interview dans l’Annexe 2- Interview de Mme Camille Debandt.
71
Citation tirée de l’Annexe 2- Interview de Mme Camille Debandt.
54

marins et donc plus particulièrement celle des officiers doit répondre à cette question : les nouvelles
générations tolèrent-elles l’éloignement familial et la vie à bord sur une longue période (2 à 4 mois) ?

Pour revenir à la question des écrans, il faut distinguer deux facettes : la famille et le métier.

Famille
On fait référence ici à l’utilisation des smartphones, de l’Internet et des réseaux sociaux. Si
cela permet de garder un lien avec les proches restés à terre, cela engendre une dépendance72 qui
peut nuire à la capacité d’investissement dans le travail quotidien des personnels embarqués. Cette
question, touchant au bien-être de l’individu, est délicate à traiter et mériterait une mention spéciale
via une sensibilisation en école. Les officiers doivent pouvoir trouver le juste milieu dans leur propre
appréhension et utilisation de ces moyens pour transmettre à leur tour une attitude équilibrée à
l’équipage dont ils ont la responsabilité. L’objectif étant de développer une culture de sécurité et de
professionnalisme à bord afin de remplir la mission sereinement.

Métier
Il s’agit plus ici d’une autre problématique liée au surnombre d’informations présentes sur les
écrans d’une passerelle (ECDIS73, radars, répétiteurs, instruments de navigation, de météo, de
manœuvres, etc…)74. Le risque étant de surcharger l’officier d’informations au risque de lui faire
perdre l’essentiel. Toutefois l’accumulation de données permet un sentiment de sécurité qui rassure
le jeune officier. Le rôle des plus anciens devient alors d’éduquer : « les commandants doivent
changer leur façon de faire pour éviter que cette génération tombe dans le mauvais revers de la
médaille et là je fais référence surtout aux questions de la technologie et des écrans qui sont des
outils à double tranchant »75.

72
Comprendre ici une dépendance au stress de ne pas voir sa famille.
73
Electronic Chart Display Information System
74
Concept de nouvelles passerelles et de sistership numérique.
75
Citation tirée de l’Annexe 2- Interview de Mme Camille Debandt.
55

3.1.2 Technologie et Passerelle


En 1972, Elwin Ewards76 créé le modèle Shell.

Figure 21 - L'opérateur au centre du système : Le modèle SHELL, d'après Edwards (1972) et Hawkins (1987)
Source: The human factor at the heart of maritime safety - Scientific Figure on Research Gate. Available from:
https://www.researchgate.net
Il l’articule de quatre composantes :

- S comme software désigne toutes les données disponibles pour l’opérateur


(documentation, logiciels, procédures,…).
- H comme hardware référence tous les instruments et commandes mises à disposition
pour le pilotage du système.
- E comme environnement. En d’autres termes le contexte de la situation, la trame de
l’histoire dans laquelle s’inscrit l’action.
- L comme liveware pour la composante centrale du système : l’opérateur lui-même.

Plus tard Franck Hawkins77 y ajoutera la cinquième composante :

- L comme liveware. Un deuxième L pour désigner les autres opérateurs agissant dans le
système.

76
Chercheur à l’université de Birmingham
77
Commandant de bord chez KLM.
56

L’opérateur au cœur de ce dispositif interagit donc en permanence avec ces quatre autres
composantes78. La conséquence est qu’il se trouve donc confronté à des problèmes d’interface
comme par exemple des problèmes d’ergonomie avec la partie hardware ou encore des problèmes
de culture ou de langue avec la composante liveware.

L’état dans lequel se trouve l’opérateur en termes de fatigue, de stress ou encore de dispositions
naturelles (caractère propre) vient ajouter des difficultés supplémentaires.

Ce qui nous intéresse ici, c’est le « H ». Jean-Pierre Clostermann précise même : « H comme
Hardware » (2017). Le système devient plus performant en s’enrichissant de ces nouvelles
technologies contribuant ainsi à améliorer le chef de quart dans sa perception de son
environnement. Cependant cela entraine de nouveaux inconvénients tels que l’incompréhension, la
perte de savoir-faire, la surconfiance et le stress.

L’officier doit alors s’assurer qu’il connaît et maîtrise tous ces systèmes. En effet le mode de
présentations des données devient un élément essentiel pour la sécurité du navire. Prenons le cas du
radar à bord d’un navire se trouvant dans une zone de trafic sans visibilité (brouillard par exemple). Il
est important de préciser à son équipier si on est en réel ou en relatif, afin que ce dernier n’ait aucun
doute sur l’opération en cours et ne vienne s’ajouter un stress inutile au sein d’une passerelle
probablement déjà sous tension du fait de la complexité de la situation. Imaginons le pire : il pourrait
être tenté de modifier lui-même l’affichage et oublier d’en référer à l’officier de quart …

En plus du mode présentation, l’officier doit s’assurer de la provenance des informations


affichées sur ses appareils. Ces infos sont récupérées via différents capteurs (GPS, Gyrocompas,…)
qu’il convient de vérifier régulièrement en les recoupant et maintenir par la même occasion ses
connaissances propres.

Il y a donc une nécessité de s’entrainer régulièrement afin de ne pas se retrouver pris au


dépourvu une fois la situation dangereuse survenue. Christine Chauvin79 écrit que « l’expérience, les
contrôles et les confrontations effectués sont à l’origine d’un rapport de confiance active. Ils sont la
base d’une mise à l’épreuve rationnelle de la fiabilité ou des performances de l’instrument » (1995).

78
Le volume d’information à traiter en situation dynamique est donc énorme. Cela génère un stress important.
79
Professeur en ergonomie cognitive.
57

Une nouvelle étape a d’ailleurs été franchise récemment. La société SeaOwl a reçu des
autorités françaises « un permis de navigation maritime pour son système de commande à distance
d’un navire »80 suite à leur démonstration d’une navigation autonome de leur navire : le VN Rebel.

80
Citation de l’article : « Le VN Rebel, 80m de long, premier navire SANS pilote à obtenir un permis de
navigation en France » rédigé par ActuNautique magazine le 28/09/2020
58

3.2 Formation

Nous arrivons bientôt à la fin de ce mémoire et nous espérons avoir démontré la nécessité de
se former au leadership et la nécessité de garantir un enseignement de qualité en termes de facteurs
humains. Comme développé plus haut, l’individu et son environnement sont les piliers sur lesquels
doit s’appuyer la vision pour le futur de l’officier de marine marchande.

3.2.1 Former l’officier de demain


Les amendements de Manille, à la convention STCW de 2010, ont renforcé la place des soft
skills dans les formations. Cependant il y a plusieurs pistes à explorer sur le sujet.

Une utilité ?
Les différentes industries ont affronté les réalités de leurs activités à risques. L’aviation civile
fût pionnière dans ce débat.

Figure 22 - Statistiques dans l'aviation civile


Source: ‘’Statistical Summary of Commercial Jet Aircraft Accidents, Worldwide Operations | 1959 – 2019”
59

Cette figure se décompose en deux parties. En premier il s’agit d’un graphique sur les statistiques
d’accidents aériens de 1959 à nos jours. La seconde image est un focus sur la situation à partir des
années 2000.

La première chute (de 1959 à 1975) est liée aux efforts fournis sur les éléments suivants :

- Amélioration des matériaux et des composantes structurelles


- La radionavigation
- « le passage de la maintenance curative à la maintenance prédictive » (Jean-Pierre
Clostermann, 2017).
On parle donc de raisons liées à la partie technique de l’industrie aéronautique.
Le graphique suivant, issu d’un « zoom » du premier graphique, permet de distinguer une seconde
chute (1998 à 2019). Cette dernière a été le fruit d’une longue réflexion qui accoucha de l’idée
maîtresse suivante : l’erreur humaine est la dernière cause principale d’accident.

La deuxième partie de la figure nous montre que les résultats acquis dans ce domaine sont probants
car le ratio d’accidents par décollages continue de diminuer année après année.

Cela démontre l’utilité de la formation aux facteurs humains et au leadership dans une
activité de conduites de systèmes à risques tel que l’avion.

Une priorité ?
Il s’agit d’évaluer le degré de priorité d’une telle discipline au regard de son impact et compte
tenu d’un programme déjà bien chargé. La problématique est donc la suivante pour nos décideurs
(problème typiquement lié aux facteurs humains d’ailleurs…) : le nombre d’heures de cours étant
limité et les matières bien nombreuses, quel bénéfice d’une matière au détriment d’une autre ?
Laquelle aura le plus gros impact sur la sécurité maritime ?

Cette question est importante dans la mesure où elle résume bien le défi des FH dans le
secteur maritime. Nous tenons par ailleurs à préciser que la transversalisation de cette matière
plutôt que le cours dédié peut être considéré comme un élément de réponse (voir 3.2.2 Formation
actuelle).

Si on s’en réfère au transport aérien, la chute significative du ratio d’accidents après avoir
investi le champ des facteurs humains est sans appel. Après 20 ans de statistiques, l’indice passe de
0,9 à 0,1 par million de départs de vols (Figure 22 - Statistiques dans l'aviation civile).
60

Le retard du monde maritime concernant l’étude des soft skills a pour conséquences que
nous manquons de statistiques fiables concernant l’influence de l’enseignement de ces derniers sur
l’accidentologie maritime. On peut donc espérer-compte tenu du fait que ces deux industries
partagent comme principe de base : la conduite d’un système à risques-une baisse significative des
accidents maritimes.

Pour compléter ce point, nous pourrions nous appuyer sur l’article81 écrit par Christine
Chauvin en collaboration avec Jean-Pierre Clostermann sur l’impact des programmes de formation
sur la capacité décisionnelle des élèves-officiers dans le domaine de l’anticollision. L’abstract de leur
étude mentionne que cette analyse « s'appuie sur des études antérieures qui ont montré que les
experts sont capables de gérer des situations complexes de manière acceptable. Cependant, des
observations d'étudiants sur des simulateurs ont révélé que beaucoup d'entre eux sont incapable de
gérer de telles situations ou même de rappeler leurs principales caractéristiques. Il faut donc
identifier de nouveaux outils de formation qui donneront aux stagiaires la capacité d'évaluer une
situation rapidement et avec précision, et d’effectuer des actions satisfaisantes. Celles-ci viendraient
s'ajouter aux réglementations formelles » (Chauvin, Clostermann et Hoc, 2009). Leur constat étant
qu’il faille repenser des outils de formation, il nous a semblé important de les citer. Nous reviendrons
plus loin sur les autres conclusions de cette expérience (voir 3.2.3. Réalisation Concrète).

La formation des enseignants


Le sujet du leadership est une notion transversale. A ce titre elle imprègne toutes les
disciplines nautiques enseignées. Une vision trop cloisonnée de cette matière n’aura pas l’effet
recherché. Cela risque de nuire à l’idée principale de ce mémoire qui est que le leadership est la
somme de connaissances théoriques et pratiques abordées sous l’angle des soft skills. Il est donc
important que tous les enseignants82 soient formés aux facteurs humains et gardent à l’esprit qu’ils
forment des décideurs en sus de former des techniciens. Par exemple en simulateur, au-delà de
l’apprentissage de la conduite du navire, il est nécessaire de mettre l’accent sur les facteurs humains
du leader. Ces derniers sont définis comme étant tout ce qui touche aux personnes « dans leurs
situations naturelles de travail, dans leurs relations avec les machines, les procédures et leur
environnement, ainsi que les relations avec les autres personnes » (Jean-Pierre Clostermann). Voir

81
Pour le journal Safety Sciences. Il sert de support international pour la recherche en science et technologie
de la sécurité humaine et industrielle.
82
C’est déjà un peu le cas étant donné que la grande majorité des enseignants des matières nautiques sont
issus du monde maritime et/ou ont été naviguant.
61

Figure 21 - L'opérateur au centre du système : Le modèle SHELL, d'après Edwards (1972) et Hawkins
(1987).

La formation des étudiants


Sur ce sujet, nous allons reprendre les recommandations de Jean-Pierre Clostermann83 qui
vont en ce sens :

- les études de cas : « ce sont des histoires qui nous sont racontées, qui lient des causes et
des effets. […] Elles sont les points d’ancrages des principes théoriques, sans lesquels la
théorie reste déconnectée du réel. Elles permettront, par la reconnaissance des indices
de la situation racontée, d’appliquer correctement le principe illustré.
- les principes théoriques : indispensables pour remonter du cas étudié vers le principe
général. Connaitre son RIPAM, par exemple, permettra de mieux analyser telle ou telle
étude de cas sur une collision.
- les exercices d’applications : les « decision making games »84 (Pliske, McCloskey & Klein,
2001).
- les mises en situations : sur simulateurs par exemple ou lors des exercices de sécurité
(survie en mer, exercice feu, …). Cela permettra à l’élève de mettre en pratique les
principes généraux. En plus du débriefing technique, il faudrait pouvoir ajouter, le cas
échéant, un débriefing sur l’attitude en cas d’échec de l’exercice.

Nous reviendrons plus loin (voir 3.2.3 Réalisation Concrète) sur la réalisation concrète au sein de
l’enseignement maritime tel qu’il existe actuellement à l’école de Navigation d’Anvers.

Pour aller plus loin


Au niveau opérationnel, le chef de quart a donc une position de leader. Or cette position ne
peut s’acquérir ni être enseignée sans développer la confiance en soi de l’élève en ses capacités. Le
futur chef de quart doit avoir suffisamment confiance en lui pour accepter pleinement la
responsabilité qui lui incombe à terme (la bonne marche du navire). On touche du doigt ici à la
motivation de l’individu et donc en amont à sa faculté à réagir face au danger.

La plupart des élèves disent ne pas oser interroger le professeur de peur de paraître ridicule et
par peur de la critique… Il faut repenser la manière d’interagir avec les élèves car l’affirmation de soi
doit devenir une qualité professionnelle au même titre que la connaissance technique. Changer le

83
Tirées du chapitre 17-Former aux facteurs humains dans l’enseignement maritime de son livre : « La conduite
du navire marchand »2017, Marines Editions.
84
Voir « Impact of training programs on decision-making and situation awareness of trainee watch officer »
(Christine Chauvin, 2009).
62

rapport élève - professeur ne passera pas par une horizontalité des rapports (la notion de hiérarchie
est importante dans notre métier) mais bien par la motivation profonde qu’a l’enseignant à
transmettre son savoir et son expérience.
63

3.2.2 Formation actuelle


Nous allons faire un récapitulatif des cours présents à l’Ecole Supérieure de Navigation
d’Anvers concernant les soft skills dans le Bachelor et le Master de Sciences Nautiques.

Tableau 6 - Cours relatifs aux soft skills dans le curriculum


Source : Guide de l’étudiant 2019-2020 de l’Ecole Supérieure de Navigation d’Anvers.

Cours théoriques (UdE)85 Cours Pratiques

1ère année Psychologie : l’aspect humain à bord (3)

2ème année Médecine maritime-partie 1 (5) Médecine maritime-partie 1

3ème année ● MRM86 (2)


● Exploitation du navire-partie 1 (3)
● Médecine Maritime-partie 2 (4)
● Cours à option : Communication (3)
générale et interculturelle Médecine-partie 2 + stage hôpital
Total UdE (12)

Master ● Exploitation du navire-partie 2 (4)


● Ressources humaines : (3)
- Communication
- MRM-Cases Studies
● Cours à option : (9)
- Gestion stratégique
- Médecine Maritime Avancée
- Information and technology

Total UdE (16)


Médecine Maritime Avancée

Nous avons décidé d’inclure les cours de médecine maritime comme faisant partie des
facteurs humains en raison de certaines notions transversales concernant la psychologie et surtout
les règles à tenir en cas de patient déséquilibré et instable (partie liée à la gestion de crise
finalement). En outre le stage en hôpital constitue une mise en situation incontournable concernant
l’apprentissage des soft skills, renforçant par ailleurs l’idée que la mise en pratique des compétences

85
UdE = Unités d’Etudes que représente la matière sur un total de 60 UdE/année
86
Maritime Resource Management
64

de commandement doit être étudiée87. De plus nous avons ajouté à nos calculs tous les cours à
option proposés par l’école.

60

50
Nombres d’unités d’études

Enseignement global
40
Enseignement relatif aux
softskills
30

20

10

0
1ère année 2ème année 3ème année Master

88
Figure 23 - Part des soft skills dans l'enseignement de la HZS
Source : Guide de l’étudiant 2019-2020 de la HZS

En nombre d’unités d’études, une année scolaire (soit l’ensemble des matières) est
équivalente à 60 unités d’études ; on crée donc ainsi un rapport entre unités consacrées à la matière
et l’ensemble des unités.
La proportion des soft skills augmente chaque année dans le curriculum de la formation. Cela semble
cohérent, étant donné qu’il faut évoluer dans l’école pour avoir une meilleure idée des exigences de
son futur métier. Ainsi, en 1ère année, le taux de crédits consacrés aux soft skills est de 3/60 soit 5 %.
Il évolue pour atteindre celui de 16/60 soit 27 % en Master.
On peut donc dire en conclure qu’à partir de la 3ème année, la part de l’enseignement des soft skills
atteint 20% de l’enseignement global pour atteindre 27% en dernière année de formation.

D’après Madame Debandt, il apparaît difficile de rajouter des matières obligatoires à un


curriculum déjà bien chargé en termes horaires. Ainsi, la part horaire de la formation relative aux soft
skills s’élève à 132 heures en Master sur un total de 428 heures (Zeevaartschool, Guide de l'étudiant

87
Notamment sur le rôle des stages et des exercices pratiques dans la formation de l’officier.
88
Hogere Zeevaartschool, équivalent en flamand du nom français de l’Ecole Supérieur de navigation d’Anvers.
65

Master en Sciences Nautiques, 2019-2020) ; soit 31% du nombre d’heure total. Afin d’augmenter la
part des soft skills dans l’enseignement maritime, «Il faut transversaliser les cours afin qu’ils se
recoupent plus. Cela créera une atmosphère de training continue dans le temps passé en école ».
Toutefois « on pourrait réfléchir à des cours à options pour combler certaines lacunes en termes de
soft skills et plus particulièrement de leadership » (Annexe 2- Interview de Mme Camille Debandt).

Ainsi comme nous venons de le démontrer, la formation maritime propose déjà un certain
nombre de cours traitant des soft skills liés au leadership. Cependant le caractère optionnel de ces
cours pourrait constituer un frein à la progression des élèves dans ce domaine. La question des
stages et de la transversalisation des cours semble plus que jamais intéressante.
66

3.2.3 Réalisation Concrète


L’intérêt des facteurs humains en tant que socle d’un leadership efficace se renouvelle sans
cesse tout au long de ce mémoire. Nous allons donc dans cette partie détailler plus avant ce qu’il
faudrait ajouter ou modifier pour renforcer ce qui existe déjà en la matière (voir 3.2.2 Formation
actuelle).

La transversalisation des cours, évoquée par Mme Debandt et recommandée par Jean-Pierre
Clostermann, semble un bon élément de réponse à notre problématique de départ89. Nous allons
donc nous intéresser ici à quelques réalisations concrètes de cette transversalisation. Les possibilités
de cette solution sont nombreuses dans bien des domaines : médecine, psychologie ou encore
communication interculturelle pour ne citer qu’eux. C’est pourquoi nous en avons choisi trois qui
correspondent davantage à ce mémoire car ils présentent l’avantage d’inscrire l’élève dans un
environnement proche de la réalité de son métier et permettrait de considérer davantage de
matières tel que les simulateurs comme faisant partie intégrante de la formation au leadership par le
biais des facteurs humains.

Simulateurs et Decisions making games90


Le simulateur radar ou encore le simulateur manœuvre permettent à l’élève de se retrouver
dans une situation proche de la réalité. L’objectif est de mettre l’étudiant dans une certaine situation
qui l’obligera à mobiliser l’ensemble de ses connaissances théoriques ainsi que de développer son
good seemanship (bon sens marin). Ce dernier élément est une facette de son futur leadership car il
participera de son analyse critique d’une situation. Le simulateur sous la forme de contrôle continu
présente également l’avantage de créer un certain stress chez l’étudiant. L’existence de cette tension
est nécessaire pour permettre à l’élève d’apprendre à appréhender le stress lié aux manœuvres en
passerelle. Si en l’état actuel le simulateur manœuvre intègre parfaitement les cours de MRM91, il
faudrait regarder du côté du simulateur radar. En effet la partie liée aux facteurs humains doit faire
l’objet d’un débriefing propre. Un exercice particulier de la gestion des alarmes serait intéressant.
Par exemple on pourrait imaginer que pendant un exercice, les professeurs chargés du simulateur
créent une situation d’urgence (panne moteur, blackout, MOB92, attaque de pirates,…) afin d’évaluer
leurs étudiants sur leur capacité à faire preuve de sang-froid et leurs réactions sur le moment. Il ne
s’agit pas pour autant de pénaliser les étudiants mais de leur faire prendre conscience de l’intérêt
des facteurs humains et d’un bon leadership. Pour finir ce point, il est important de rappeler que le

89
Enseigner le leadership.
90
On pourrait traduire par : Jeux de décisions.
91
Maritime Resource Management.
92
Man over board.
67

simulateur doit être vu comme une chance d’améliorer ses compétences humaines et techniques par
l’étudiant en favorisant une synergie entre professeurs et élèves.

Les jeux de décisions peuvent également proposer une alternative simple et ludique tout en
favorisant l’apprentissage du processus de décision93. En effet la décision en situation dynamique est
au cœur de notre métier et représente pour le chef une part importante de son leadership. La
nécessité est de montrer aux élèves qu’il existe différentes façons d’élaborer une décision. Cela
permettrait de changer les mentalités et les idées reçues sur le sujet. Il est impératif que les élèves
comprennent qu’une prise de décision est « entaché de biais et menacé par certaines attitudes de
l’opérateur » (J-P Clostermann, 2017).

L’expérience de Christine Chauvin (évoquée en 3.2.1 Former l’officier de demain) a permis à ses
auteurs de dégager la conclusion suivante : « Les résultats ont montré que les exercices de prise de
décision avaient tendance à améliorer la capacité des stagiaires à analyser une situation complexe »
(Chauvin, Clostermann et Hoc, 2009).

Stages à bord
Les suites de l’expérience ont abouti à une conclusion encore plus intéressante car elle
temporise l’emploi à outrance du simulateur comme solution miracle. Les exercices de de prise de
décisions «n'ont pas eu d'impact clair sur la manœuvre effectuée. Au contraire, il y avait une
différence évidente entre les stagiaires qui ont vécu des situations d'évitement complexes au cours
de leur période de formation en cours d'emploi et ceux qui n'en ont pas vécu. A l'heure où les
armateurs cherchent à réduire la durée de la formation « sur le tas », ces les résultats soulignent son
importance vitale. » (Chauvin, Clostermann et Hoc, 2009).

Face au manque de main d’œuvre et à la difficulté de trouver des officiers, les compagnies
maritimes aimeraient raccourcir la formation en favorisant davantage une période intensive sur
simulateurs. Cela se ferait au détriment de la longue période d’embarquement prévue pour valider le
brevet de lieutenant au long cours (12 mois). Cependant les embarquements d’élèves permettent de
se familiariser avec le quotidien d'un navire, ce qui est bien différent que toute autre formation.

« La reproduction et la répétition de ces situations sur simulateur seraient probablement rebutantes


et peut-être inefficaces. Une alternative pourrait être de rationaliser la formation à bord en mettant
en place une procédure de retour d'expérience sur les pratiques des stagiaires » (Chauvin,
Clostermann et Hoc, 2009).

93
Sujet qui mériterait un mémoire dédié.
68

Ces conclusions nous confortent dans l’idée que les stages à bord sont vraiment un axe
important de la formation (voir 3.3 Expérience personnelle : le DAR MLODZIEZY). A ce niveau, la
synergie entre les compagnies et l’école est donc un sujet majeur.

Littérature
Notre dernière recommandation concernant l’apprentissage des facteurs humains et
l’éducation d’un leadership chez nos étudiants réside dans la sensibilisation personnelle de
l’étudiant. Pour former un décideur, il est bon de le mettre face à ses responsabilités en lui
apprenant une forme d’autonomisation dans la construction de son leadership. Pour ce faire, la
lecture assidue d’un ouvrage tel que « La Conduite du navire marchand » (Jean-Pierre Clostermann,
2017) suivie par un travail personnel de fiche de lectures permettrait à l’étudiant d’élargir ses
horizons et d’affiner sa pensée sur la question du leadership en y adjoignant du contenu. Par ailleurs,
nous tenons à souligner le fait que la lecture de cet ouvrage pour l’écriture de ce mémoire s’est
révélé une source inépuisable de réflexions et constituerait une base solide pour tous les acteurs de
la formation maritime (professeurs + étudiants) dans leur perception du leadership.

Il est donc important de mettre à disposition toute une littérature consacrée aux facteurs
humains en tant que vecteurs d’un leadership efficace ainsi qu’aux sujets liés tel que la fatigue à
bord, le stress et sa gestion ou encore la psychologie. Cette mise à disposition doit s’accompagner de
présentations succinctes afin d’inciter les élèves à partir de la 2ème année à se plonger dans ces sujets.
La mise en place de travaux personnels tel que la fiche de lecture ou encore l’exposé de tel ou tel
ouvrage favorisera l’émergence de l’idée selon laquelle un bon leadership s’acquiert par le biais
d’expériences variées (cours, lectures, réflexions, stages, mises en situations,…) et en conséquence,
se réalise par un caractère propre éduqué et développé au fil du temps passé en école.
69

3.2.4 Le projet TEAMS


Nous tenions à mentionner ce projet car il représente une chance pour l’Ecole Supérieure de
Navigation d’Anvers en particulier, et pour le monde de la formation maritime en général, de
repenser la manière dont sont enseignés les facteurs humains à travers un prisme plus large que
celui du métier de marin.

Le projet TEAMS94 aborde l'accélération de l'innovation dans le secteur maritime en


encourageant le design thinking95 et l'entrepreneuriat en incorporant les compétences pertinentes
du 21e siècle dans les programmes existants. Il pose l’idée d’une collaboration structurée et
permanente entre l'industrie maritime et l'éducation sur l'innovation.

Une analyse des lacunes des compétences du 21e siècle96 dans l'offre éducative maritime est
réalisée, mettant en évidence la corrélation entre les objectifs d'apprentissage existants et les
compétences entrepreneuriales et de conception dans l'offre éducative. En outre, un plan est lancé,
dont les bases sont les principes d'enseignement de l'entrepreneuriat. Ce programme offrira et
favorisera cette pensée conceptuelle. Une dizaine de conférenciers seront formés pour devenir
Coach TEAMS, élargissant leur expertise pour pouvoir former durablement une soixantaine
d’étudiants. Ce plan est mis en place dans les collèges concernés. Pour finir, le projet développe cette
collaboration via une plateforme ayant pour but de s’impliquer durablement dans l'industrie
maritime et l'enseignement maritime.

Les objectifs de cette plateforme sont les suivants :

- Présenter le programme ;
- Couvrir les concours annuels d'innovation,
- Donner accès à une boîte à outils TEAMS avec du matériel de cours et d'évaluation pour
l'adaptation concrète par les établissements d'enseignement maritime de l'UE
- Influencer les organisations multilatérales pour qu'elles adoptent des changements dans
les accords internationaux concernant le développement des compétences du 21e siècle.

L'Université des sciences appliquées de Jyväskylä (Finlande) adaptera cette approche aux
programmes des établissements d'enseignement maritimes de STC (Pays-Bas), HZS (Belgique) et
NMCI (Irlande). La Trade Association Netherlands Maritime Technology et l'incubateur de start-up
maritime PortXL établiront le lien entre les propositions (innovantes) des étudiants et les entreprises

94
Ce mémoire s’inscrit dans ce projet comme une source de réflexion.
95
On pourrait traduire cela par la pensée conceptuelle
96
Notamment les soft skills liés à cette thématique.
70

maritimes. Ensemble, ils ont pour but d’incarner une équipe solide introduisant un véritable
entrepreneuriat dans l'enseignement maritime.
71

3.2.5 Les autres formations


Tout en restant dans le domaine maritime, les Pays-Bas ont une approche très différente de
la nôtre. La pratique est plus mise en avant que l’académique », nous rappelle Mme Debandt durant
l’interview. Si les écoles de marine marchande néerlandaises sont en avance au sujet de la pratique
comme type d’enseignement de ces compétences humaines qui forment le Leadership, il est
intéressant de noter le fait suivant : « je connais beaucoup de Belges qui travaillent aux Pays-Bas
dans le secteur maritime et qui ont d’excellents retours de la part des Néerlandais sur leur formation
académique et leur capacité d’esprit critique. Cette dernière étant plus présente via une vision plus
académique de la formation » (propos tirés de l’Annexe 2- Interview de Mme Camille Debandt).

Au-delà des écoles spécialisées dans le management, il est important de comparer avec des
secteurs ayant leurs propres spécificités. Il est évident que si l’on se base uniquement sur des
formations de soft skills présentes dans des écoles de commerce ou de management, on risque
d’occulter le caractère propre de notre métier. Le commandement des hommes à bord implique une
réalité bien différente de celle présente à terre car les officiers et l’équipage vivent en vase clos dans
leur univers professionnel de manière constante. L’officier de marine marchande (et surtout le
capitaine) ne gère pas uniquement des équipes mais vit au quotidien avec elles. De plus les
conditions d’exercice du métier (dangerosité de l’environnement en l’occurrence) créent un contexte
où la moindre négligence entraine des conséquences graves pouvant mener jusqu’à la mort. Ainsi le
rôle de l’officier ne se cantonne pas à celui d’un cadre supérieur d’une entreprise lambda mais
épouse bien un rôle social, prédominant pour maintenir l’équilibre de cet univers.

A ce titre l’Armée constitue une piste intéressante concernant la formation des chefs puisque
leurs outils de formation sont dédiés en partie à la formation des soft skills relatifs au
commandement. Pour la psychologue Camille Debandt cela ne fait aucun doute : « Les écoles de
formation de l’armée présentent un intérêt car les particularités de leur métier ressemble au notre
de par la dialectique : mission, commandement, etc…Le directeur a des connections avec le milieu
militaire en ce sens »97.

97
Voir l’Annexe 2- Interview de Mme Camille Debandt.
72

Ainsi, pour développer cette idée, Alain Vendé98 nous a fait parvenir un schéma provenant
d’un cours de leadership, enseigné dans une école militaire française.

Figure 24-Typologie du leadership militaire


Source : Ministère des Armées (France), 2020.

On retrouve ainsi des principes parfaitement applicables pour un officier de marine


marchande :

- Les qualités du chef : les compétences en terme de soft skill évoquées dans la PARTIE 1 –
LE LEADERSHIP ressemblent beaucoup à ce qui est ici mentionnés (Humanité, esprit de
décision, confiance, information, participation) tout en y ajoutant l’exigence. Cette
dernière atteste bien du fait que le savoir-être prôné par la notion de leadership ne peut
en aucun cas se substituer au savoir-faire technique.
- L’autorité : l’officier en tant que responsable à bord est une figure d’autorité. Certes
cette dernière ne s’exprime pas de la même manière que dans l’armée, néanmoins elle
existe et s’exerce pour la bonne gestion du navire et de son personnel.
- Commander : il s’agit de l’action même de l’officier et plus précisément du commandant
qui justement comme son nom l’indique commande à son navire et à son équipage.

98
Lieutenant-Colonel de l’Armée Française. Une de ses principales missions fût la formation des sous-officiers
de l’école de Cavalerie. A ce titre, il s’est longtemps intéressé aux questions du commandement.
73

- COMMANDER PAR DELA DU GALON : c’est précisément le but à atteindre pour tout
responsable : commander par l’adhésion et donc basculer de la notion de chef qui
commande à la notion de leader qui entraine.

La dimension supplémentaire dans cette vision du leadership est l’établissement d’un contrat
entre le chef (le capitaine) et son supérieur (l’armateur) pour établir une chaîne décisionnelle,
établissant ainsi les limites de la fonction.
74

3.3 Expérience personnelle : le DAR MLODZIEZY

Le DAR MLODZIEZY est un trois-mâts carré de 109 m hors tout, 2500 tonnes d’acier, pouvant
naviguer à 16 nœuds sous voile. Il fait partie de la catégorie des vieux gréements et accueille depuis
plus de 10 ans l’école de navigation
d’Anvers pour le stage d’amarinage
des premières années pont et
machine. Sa structure et ses
aménagements répondent
parfaitement à sa mission
principale de navire-école. A partir
de la dernière année de Bachelor en
Sciences Nautiques, les élèves
peuvent y embarquer en qualités
d’instructeurs adjoints. Cette
expérience unique, offerte par la
Zeevaartschool et ses compagnies
maritimes sponsors, permet aux
cadets, à l’aube de leur carrière, de
diriger une équipe de 8 à 12
personnes en mer.

Ayant eu la chance d’en faire


partie cette année, je tenais à faire
part de mon expérience personnelle
sur les opportunités que cela m’a
données en terme de leadership.

Figure 25 - Le DAR MLODZIEZY à l'arrivée à Anvers en 2016


Source : Archives personnelles de Florian Le Formal
75

3.3.1 Un défi humain


Diriger une équipe de marins dont la moyenne d’âge est très proche de la vôtre et qui sont
vos condisciples à l’école n’est pas une chose aisée… La notion de « commander au-delà du galon »
(évoquée dans Annexe 2-Interview de Mme Camille Debandt) prend tout son sens car il faut bâtir
rapidement une légitimité aux yeux des élèves dont on a la charge. En effet ces derniers sont des
élèves-officiers aussi ; ce qui signifie que notre ranking en soi est le même. Cette légitimité n’est donc
pas tant nécessaire pour « montrer qui est le chef » mais pour s’assurer qu’une certaine harmonie
règne au sein de l’équipe et que chacun y découvre le rôle qui l’aura à tenir dans les années futures.
En tant que chef d’équipe, on a rapidement l’opportunité de découvrir les mécanismes sociologiques
qui se mettent en place au sein du groupe. Rapidement on voit celui qui se fera le relais du chef, celui
qui cherchera à se mettre en avant, celui qui écoutera ou encore celui qui agira (et j’en passe…). Le
facteur humain prend toute sa place dans la mesure où, pour la plupart de de ces jeunes élèves, il
s’agit tout simplement de la première fois qu’ils partent en mer.
76

3.3.2 Réaliser ses compétences


Il s’agit donc pour le coach de prendre en main son groupe. Pour cela, une certaine
connaissance des rapports humains ainsi qu’une rapide analyse des personnalités de son équipe lui
permettront d’en tirer le meilleur. Les quatre soft skills décrits en 1.1 viennent vraiment jouer un rôle
primordial :

- La capacité à travailler en équipe permet de créer une harmonie dont le respect et le


sentiment d’être à la bonne place sont la base. J’en veux pour preuve que lors des travaux
en mâture, il était important de laisser chacun pouvoir y participer sous peine que l’un ou
l’autre se sentent exclu et donc forcément dévalorisé par rapport au reste du groupe. Une
clé de cette harmonie a donc été de ne pas choisir toujours ceux sur lequel on avait le plus
de certitudes en termes de connaissances, mais bien de permettre à chacun de prouver
qu’il était en mesure de réaliser la tâche assignée au groupe.

- La communication est la pièce maitresse qui permet au chef de diriger son équipe. Que
ce soit dans la maîtrise de l’anglais, la capacité d’écoute ou encore dans le travail ; la
communication est un vecteur de leadership efficace. La parole du chef a une valeur :
c’est lui qui sait, c’est lui qui connaît et quand il s’exprime, c’est à dessein. Cultiver un art
de la communication à bord permet d’éviter bien des écueils et des problèmes. Le secret
réside dans la franchise au bon moment. Ce dernier est difficile à déterminer mais
l’exemple suivant me permettra de l’expliquer. Au bout de deux semaines, un de mes
équipiers ne produisait plus les efforts suffisant pour réussir son stage. Il fallait donc lui en
parler afin de comprendre cette baisse significative des performances. Cependant le
rythme du moment étant très soutenu sur le plan horaire et la fatigue s’installant, la
probabilité que mon message soit mal perçu était donc importante. Plutôt que de lui en
faire part sur le moment, j’ai attendu que l’équipe bénéficie d’un jour de repos pour en
discuter avec lui. Le résultat fût immédiat : tout rentra dans l’ordre.

- L’esprit critique du chef, qui s’articule à travers le triptyque analyse-vision critique-


synthèse, permet à ce dernier de faire preuve de distanciation quand le besoin s’en fait
sentir et va lui permettre de développer la sécurité dans l’exécution des tâches. Lors des
travaux sur le pont et notamment lors des changements de cap, les équipes devaient
manœuvrer l’imposante mâture du voilier. Ce travail est très physique et nécessite une
grande coordination. En tant que coach, il était parfois nécessaire d’accepter de se mettre
en retrait pour vérifier que la sécurité était respectée, que chacun se trouvait à la bonne
77

place et enfin que les consignes étaient respectées. Cela modifie le sentiment premier
qu’en participant directement à l’action on montre l’exemple, affirmant par là notre
leadership. J’ai donc appris que cet esprit critique permet de choisir les moments où l’on
doit prendre les devants pour montrer la voie et ceux où l’on doit prendre de la hauteur
pour assurer la sécurité de chacun par exemple.

- Enfin le charisme du chef est vraiment le ciment qui vient souder une équipe. Un chef
n’est pas un bon chef parce qu’il est le plus fort, le plus grand ou le plus capé. Il est le
chef parce qu’il se met au service de son effectif. Une équipe qui aura le sentiment que
son chef fait tout pour elle et qu’il s’y intéresse complètement voudra témoigner de ce
respect en le respectant à son tour. J’ai pu constater que celui qui se dédit à sa mission
de coach sans réserve (en essayant d’accorder à chacun une place dans le groupe ou en
prenant le temps de répondre à toutes les questions sans manifester le moindre
agacement par exemple) tirera la quintessence d’une équipe dont les membres ne se
connaissaient pas avant d’embarquer.

Tout en leur enseignant un savoir-faire basique ainsi que les rudiments de la vie à bord, il
s’agit de faire prendre conscience à ces personnes que le navire est un endroit particulier et que la
capacité d’adaptation est par exemple fondamentale au même titre qu’une certaine rusticité.
78

3.3.3 Une chance


Ce stage, en tant que coach, permet à l’étudiant de dernière année de se confronter à une
partie de la réalité de son futur métier. Il comprendra que pour l’épanouissement de sa carrière et de
soi-même, l’art de commander viendra sublimer le fait d’être techniquement très au point. Car oui le
commandement, combiné avec un savoir-faire technique, est l’essence de notre métier.

L’idée de se retrouver chef de quart à l’issue de notre formation - voir quelques mois après –
est un stress important chez les élèves. Il serait alors intéressant de se demander pourquoi le stage
en tant que coach ne serait pas une option (au sein du cursus universitaire) à proposer aux élèves de
Master afin de les aider à
appréhender leur avenir au sein de la
marine marchande.

En outre, la présence des


instructeurs (officiers confirmés et
ancien capitaines pour la plupart)
permet d’échanger, d’ajuster voir
même d’aider celui accepte de se
trouver en situation de
commandement. Cette option
permettrait aux élèves d’apprendre à
se connaître sur le plan du leadership
tout en bénéficiant d’un cadre
sécurisé et d’un environnement très
propice à l’apprentissage.

La plupart des coaches au


terme de l’embarquement en
apprennent beaucoup sur la manière
de diriger ou du moins sur les
situations qui en découlent.

Figure 26 - le Dar Mlodziezy


Source : Archives personnelles de Florian Le Formal
79

CONCLUSION

La problématique de ce mémoire était de savoir s’il était envisageable de faire l’économie de


l’apprentissage du leadership dans l’enseignement maritime. La réponse est sans appel désormais. Il
semblerait, au regard des éléments traités tout au long de ce mémoire, que la notion de leadership
est fondamentale dans l’appréhension de notre métier et qu’un manque de considération en la
matière, mettrait en danger les acteurs du transport maritime. La garantie de posséder un outil de
formation, certes exigeant et coûteux mais fiable, compétent et reconnu répond à la demande de
nos armateurs. Le contexte maritime, en particulier celui de la marine marchande, a prouvé que les
compétences humaines sont fondamentales à bord. L’officier de marine marchande, comme
opérateur d’un système à risques de plus en plus complexe, doit pouvoir faire preuve d’un leadership
efficace. Sa capacité de commandement n’en sera que renforcée. Ce savoir-être ne peut pas
seulement être l’objet d’une connaissance théorique apprise, il doit trouver sa source dans une
éducation toute entière et se forger au fil des expériences en mer. Gary Klein99 disait en ce
sens : « Les expériences se cristallisent en expertise » (1998).

C’est pourquoi la formation des opérateurs de premières lignes (les chefs de quart) aux
facteurs humains comme base d’un leadership efficace est fondamentale. L’enseignement est donc
un enjeu important car permettant l’affirmation de soi d’un décideur, il renforcera la capacité de
réaction et d’anticipation de ce dernier en cas de crises, minimisant ainsi l’impact de l’erreur
humaine dans les accidents.

La mondialisation étant le moteur de l’économie mondiale, les enjeux n’ont eu de cesse


d’évoluer de manière croissante, engendrant une pression supplémentaire pour tous les acteurs du
secteur maritime. A ce titre, il est important de minimiser les risques liés aux opérations
commerciales conduites par ce secteur industriel.

En outre, ce mémoire ne constituant qu’une base de réflexion, il apparait intéressant de se


pencher plus longuement sur d’autres aspects du leadership en tant que facteur humain. Trois piliers
seraient alors important à développer : la gestion de l’erreur humaine, la capacité décisionnelle du
chef ainsi que « les pratiques de fiabilisation de l’activité » (J-P Clostermann, 2017). En d’autres
termes, si les enjeux ont évolués et que les défis deviennent plus grands, l’enseignement maritime
doit garder son cap : former l’officier de demain à la manière des anciens.

99
Psychologue et chercheur célèbre pour être un pionnier dans le domaine de la prise de décision.
80

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85

Annexe 1-Interview du Dr. Rowan Van Schaeren


1. Quel est aujourd’hui en 2020, le rôle d’un officier de la Marine Marchande à bord ?

Le rôle n’a pas changé depuis le passé et restera-le même. L’officier (ainsi que le capitaine au
niveau supérieur) a trois responsabilités. A savoir ; la responsabilité opérationnelle (le quart), la
sécurité du navire et du personnel (équipage + cargo) et la défense des intérêts de l’armateur ainsi
que du propriétaire de la cargaison.

2. Quel est aujourd’hui en 2020, l’environnement professionnel dans lequel est appelé à
évoluer le futur officier ?

Deux critères qui ont, sont et vont faire évoluer la profession : l’internationalisation sur le plan
des équipages et des réseaux logistiques ainsi que la digitalisation de l’environnement professionnel.

3. Quels sont les exigences dont il devra faire preuve pour mener à bien sa mission ?

Sur le plan humain il devra gérer des systèmes de plus en plus automatisés sans perdre pour
autant ses compétences de base apprise en école. Un des plus grands dangers serait de réduire le
personnel et de nuire ainsi au bien-être mental des équipages. De plus les réseaux sociaux font des
dangers mentaux car ils provoquent une aliénation qui peut déconnecter l’équipage de la réalité du
moment présent.

4. Comment l’école prépare ses élèves à leurs futurs exigences ou du moins jusqu’à quel
degré ?

Trois facettes : la communication interculturelle, la connaissance approfondie des systèmes


(contribuant au développement de l’esprit analytique) et une explication continue des enjeux et des
risques qu’ils pourront rencontrer durant leur future carrière.

5. Quels sont les qualités que l’on demande à bord pour un jeune officier en début de
carrière ?

Etre capable d’assumer sa responsabilité, faire confiance à ses chefs et à son équipage et enfin
de s’inscrire dans une mentalité d’amélioration continue en apprenant toujours plus les différentes
composantes de son métier.

6. Peut-on transmettre ces-dîtes qualités autrement que par l’expérience et le temps passé en
mer ?

Autrement non mais en complément oui. Il faut développer un entrainement théorique et


pratique. La vision de notre école est de se servir de l’enseignement académique pour former des
esprits capable de comprendre et de réagir.
86

7. Quelles sont les situations, dîtes de crises, que peut rencontrer un officier de la Marine
Marchande au cours de sa carrière ?

Vaste question, il serait impossible de toutes les énumérées. Mais je crois que les deux éléments,
que j’évoque dans ma réponse à votre deuxième question 2, vont engendrer main dans la main des
situations que l’officier devra gérer au mieux. La fréquence des situations de crise étant difficile à
quantifier, on ne peut qu’insister sur l’importance du nombre de personnels à bord.

8. Le leadership apparait-il, pour vous, comme étant le soft skill numéro un dont un officier
doit user afin de répondre au mieux aux défis que présente son environnement de travail ?

Le leadership est une combinaison de compétences qu’il faut avoir pour être un bon officier. Il faut
connaitre ses faiblesses et limites. Ainsi plus vite on comprend plus vite on réagit. C’est aussi une
question de maturité et d’expérience. Tout le monde tombe et il ne faut pas avoir peur de faiblir.
L’essentiel est de se relever pour s’améliorer.
87

Annexe 2-Interview de Mme Camille Debandt


1. Pensez-vous que le leadership est une compétence indispensable à tout officier pour
« commander au-delà du galon » selon la formule consacrée ?
Il faut faire la distinction entre un jeune officier et un capitaine car il ne faut pas
considérer qu’un 3ème officier doit déjà avoir toute les capacités de leadership car c’est
quelque chose que l’on apprend au fur et à mesure. Chaque officier sort de l’école avec un
galon mais le vrai pouvoir de leadership dans le sens de ce mémoire n’est pas une attente
que l’on peut avoir je pense pour tout officier. Cependant je pense que c’est une capacité qui
est très importante. Quand on évolue de par les échelons sur un navire, cette qualité se
révèle plus importante au fur et à mesure, même si je ne suis pas convaincu que tout le
monde la possède de manière égale en fin de carrière.

2. Quelles sont les exigences auxquelles sera confronté l’officier de demain en termes de
qualités humaines pures ?
Je trouve difficile de faire la distinction entre l’officier d’hier et l’officier de demain
dans ce sens où il y a des choses qui restent et qui seront là de tout temps. Ces exigences
restent inhérentes au métier de marin. Les qualités humaines recensées en première partie
de ton mémoire étaient déjà des capacités nécessaires et le seront encore plus demain. Je
dirais que ces compétences citées constituent un socle indispensable pour exercer un
commandement.

3. Pensez-vous que les nouvelles générations ont un mode de vie (hygiène de vie, mentalité,
attitude globale ici) qui favorise ou pas, l’apprentissage et la mise en pratique de ces
qualités humaines par rapport à leurs anciens ? Pourquoi ?
Je pense qu’il faut adapter la façon dont certaines choses sont enseignées pour cette
génération par rapport à ses anciens. Chaque génération possède ses qualités et ses
difficultés et cette génération n’est pas moins bonne qu’une autre. Mais si le monde change,
l’éducation doit changer et c’est peut-être là où il y a certainement des améliorations à faire
pour faire sortir le meilleur de cette génération. Comment ?je n’ai pas la réponse
malheureusement…mais à bord les commandants doivent changer leur façon de faire pour
éviter que cette génération tombe dans le mauvais revers de la médaille et là je fais
référence surtout aux questions de la technologie et des écrans qui sont des outils à double
tranchant. Malgré le fait que des études ont prouvé que la connectivité avec la terre (accès
internet) était la question qui revenait le plus concernant le bien-être des marins, le
tranchant est que plus on augmente cette connectivité plus on augmente les risques qui vont
avec. On doit sensibiliser dans l’éducation à avoir une bonne hygiène en termes de
88

communication technologique même si c’est un sujet tout nouveau. Je ne pense pas que
cette génération n’a pas les capacités humaines d’endurance et de discipline comme avant
mais qu’elle a besoin d’un plus de motivation, de trouver l’autonomie, responsabilisation,
etc.
4. Quels sont les cours que propose l’école Supérieure de Navigation d’Anvers à ses élèves-
officiers concernant les soft skills ?
Voir le curriculum que propose l’école. Concernant mon cours de psycho en 1ère
année, je ne vais pas trop loin car les étudiants sont novices et n’ont parfois jamais navigué
et ne savent pas encore se mettre dans la peau d’un officier de marine marchande. C’est
plutôt une introduction au soft skill notamment quand je parle de résolutions de conflit mais
cela ne va pas très loin. En exploitation du navire, j’ai discuté avec le professeur qui pense
qu’il y a des soft skills à développer en faisant comprendre aux élèves tous les enjeux autour
d’un navire. J’ai des discussions également avec le docteur Verbisst chargé des cours de
médecine pour recouper certains points pour développer l’interaction entre ces deux cours.

5. Quels sont les cours concernant plus particulièrement le leadership ?


Les cours de MRM (Maritime Resource Management) du capitaine Rudy Dequick.

6. Quels seraient les modifications que l’on pourrait y apporter pour approfondir ces notions?
Il faut transversaliser les cours afin qu’ils se recoupent plus. Cela créera une
atmosphère de training continue dans le temps passé en école. Il serait intéressant de savoir
quel sont les thèmes en terme de psychologie, que les étudiants voudraient aborder. Il
serait également intéressant d’impliquer ou du moins de consulter les élèves. Il serait difficile
de rajouter des cours dans le curriculum qui est déjà bien rempli mais on pourrait réfléchir à
des cours à options pour combler certaines lacunes en termes de soft skills et plus
particulièrement de leadership.

7. Connaissez-vous des écoles de marine marchande qui proposent un programme plus


complet en la matière ?
Malheureusement le Covid 19 a stoppé le partenariat que nous avions avec d’autres
écoles sur la question sur la question du Leadership dans le cadre d’un programme
européen. Mais cependant je sais que les Pays-Bas ont une approche très différente de la
nôtre. La pratique est plus mise en avant que l’académique. Mais je connais beaucoup de
belges qui travaillent aux Pays-Bas dans le secteur maritime et qui ont d’excellents retours
de la part des néerlandais sur leur formation académique et leur capacité d’esprit critique.
Cette dernière étant plus présente via une vision plus académique de la formation.
89

8. Connaissez-vous des instituts de formation sur d’autres secteurs qui proposent un


programme plus complet en la matière ?
Les écoles de management. Les écoles de formation de l’armée présentent un intérêt car les
particularités de leur métier ressemble au notre de par la dialectique : mission, commandement,
etc…Le directeur a des connections avec le milieu militaire en ce sens.

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