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Hybrides T5 Brute Laurann Dohner
Hybrides T5 Brute Laurann Dohner
Titre
Dédicace
Chapitre premier
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Biographie
Du même auteur
Mentions légales
Laurann Dohner
Brute
Hybrides – 5
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Grut
Milady
Comme toujours, je tiens à remercier M. Laurann pour son amour et son soutien.
Je remercie sincèrement Kele Moon pour son rôle inestimable de critique, mais
aussi pour l’amour inconditionnel qu’elle porte à la série. Un grand merci à ma
mère, Donna, qui m’a toujours encouragée à lire. Un livre est un véritable trésor,
une fenêtre ouverte sur de nouveaux horizons, une invitation à l’aventure et au
développement de l’imagination.
CHAPITRE PREMIER
Brute suivit Becca des yeux et poussa un soupir. Il savait ce que signifiait
l’expression « se bourrer la gueule ». Elle avait l’intention de se soûler et il
espérait que ce n’était pas dans ses habitudes. Il détestait l’odeur de l’alcool et,
d’après ce qu’il avait vu dans les films, il n’avait aucune envie de fréquenter ce
genre de personne.
Les choses ne se déroulaient pas comme prévu. Pas du tout. On lui avait
promis une maison isolée ou personne ne le dérangerait, mais il se retrouvait à
cohabiter avec une humaine. Pire encore, il la trouvait attirante. Il n’oublierait
pas de sitôt le souvenir de la jeune femme penchée sur le lit. Son corps était
souple et plantureux, très différent de celui des femelles de son espèce. Mais elle
semblait aussi très fragile et se mettrait probablement à hurler s’il laissait libre
cours à son désir.
Il sentait encore dans sa paume le contact de sa petite main, qu’il avait serrée
lorsqu’ils avaient été présentés. La simple idée de la toucher lui donnait un début
d’érection. Et coucher avec elle… il préférait ne même pas y penser. Il risquerait
de l’écraser sous sa masse, ou de lui casser quelque chose par inadvertance.
Avec un petit grognement, il fit le tour de la cuisine pour se familiariser avec
les lieux, puis se fit cuire quelques steaks.
Pendant qu’il mangeait, il ne cessa de penser à Becca Oberto. Elle était une
complication dont il se serait volontiers passé. Il pouvait encore demander à son
père s’il pouvait s’installer chez lui. Cela simplifierait les choses, mais ce serait
également une preuve de lâcheté. Il regarda les photos collées au réfrigérateur :
Becca avec différents humains. Sur tous les clichés, elle souriait et paraissait
heureuse. Dans ce cas, pourquoi s’était-elle donc mise à boire ? Selon le peu
qu’il connaissait des humains, cela voulait dire qu’elle avait de graves
problèmes. Peut-être était-ce à cause de la mort de son compagnon.
Il termina son repas et fit la vaisselle. Lorsqu’il coupa l’eau, il entendit de la
musique. Il était trop tôt pour aller se coucher et il n’y avait pas de télévision
dans sa chambre. Il allait devoir en demander une, car les chaînes câblées lui
manquaient déjà, au point qu’il regrettait de s’être porté volontaire pour cette
mission.
Mais il fallait bien qu’un Hybride accepte de travailler avec le détachement
spécial humain. Une femelle aurait été idéale, mais il ne voulait pas les exposer
aux mâles humains. Vu ce qu’il savait d’eux, il craignait qu’elle se fasse
harceler. Hors des frontières de l’OPH, le monde était sous domination
masculine, à ce qu’il avait cru comprendre, et il fallait protéger les femelles à
tout prix. Il préférait donc se sacrifier et prendre lui-même les risques.
Mais, alors qu’il posait le pied sur la première marche de l’escalier pour
retourner dans sa chambre, l’inquiétude qu’il éprouvait pour Becca prit le
dessus. Elle était plutôt menue et le souvenir d’un film qu’il avait vu le poussa à
faire demi-tour. Elle risquait de boire jusqu’à en être malade et il voulait vérifier
qu’elle se portait bien.
Il suivit la musique et s’arrêta sous l’arcade menant au salon. Becca était
assise au bar, accoudée devant une bouteille et un verre minuscule. Comme si
elle devinait sa présence, elle tourna la tête. Il vit à son sourire et à ses yeux
brillants qu’elle avait trop bu. Maladroitement, elle lui fit signe d’approcher.
— Salut, beau gosse. Tu veux un verre ?
Elle avait la voix pâteuse, et la manière dont elle venait de l’apostropher le
mettait mal à l’aise.
— Je m’appelle Brute. Je ne connais aucun Hybride capable de se choisir un
tel nom.
— Je sais comment tu t’appelles, répliqua-t-elle avec un petit gloussement. Tu
es mignon et tu le sais, hein ?
Elle le trouvait attirant. Cela le laissait sans voix.
— Tu veux un verre ? répéta-t-elle en tapotant le siège voisin du sien. Ça ne
brûle même plus le gosier.
Il fit un pas dans la pièce.
— Je ne bois pas d’alcool, mais merci quand même. Tu en as bu combien ?
— J’en sais rien. (Elle bougea un peu sur son siège et manqua de tomber). Pas
assez, en tout cas. Je suis encore consciente.
— La consommation d’alcool rend ivre, émousse les réflexes et fausse la
logique.
Elle éclata de rire.
— Tu es trop mignon.
Il haussa les sourcils. Personne ne lui avait encore dit cela. On l’avait traité de
bête féroce ou de salopard, entre autres termes fleuris, mais jamais on ne lui
avait fait un tel compliment. Il commençait à se faire du souci pour l’équilibre
mental de la jeune femme.
— Tu ferais peut-être mieux d’aller te coucher. Il paraît que les choses
paraissent toujours plus roses le matin.
— Il est trop tôt. Viens par là, l’invita-t-elle en tapotant de nouveau le
tabouret. Je vais pas te mordre.
— Tu n’as pas peur que ce soit moi qui te morde ?
Il ne put résister à l’envie d’entrouvrir les lèvres pour lui montrer ses canines,
mais, curieusement, elle ne semblait pas en avoir peur, contrairement à tous les
autres humains qu’il avait rencontrés.
— Non. Allez, approche. Tu es un peu flou, déclara-t-elle en fronçant les
sourcils avant de glousser comme une adolescente. Je ne bois pas souvent mais,
quand je me décide, je n’y vais pas avec le dos de la cuillère.
Encore une expression qu’il ne connaissait pas. Il s’approcha prudemment
d’elle. C’était une mauvaise idée, il en était persuadé. Il aurait mieux fait de
monter dans sa chambre, mais son inquiétude avait pris le dessus. Elle avait
besoin de quelqu’un pour la protéger. Son compagnon n’était plus là pour le faire
et son père ne vivait pas avec elle. C’était donc à lui de veiller à ce que rien de
fâcheux ne lui arrive tant qu’elle était dans cet état.
Il s’assit, bien trop près d’elle à son goût, et se mit à prier qu’elle ne vomisse
pas, comme c’était parfois le cas dans les films.
— Je ne comprends pas pourquoi tu infliges cela à ton corps.
— Les calories, tu veux dire ? demanda-t-elle en se regardant. C’est vrai que
j’aurais quelques kilos à perdre. Je reste assise toute la journée au boulot mais,
après tout, je n’ai personne à séduire.
— Les calories ?
— Oui, parce que je suis un peu trop ronde.
Il l’étudia attentivement.
— Tu es très petite. Tu ne dois pas être bien lourde.
— Je pèse soixante-douze kilos, dit-elle en éclatant de rire avant de plaquer la
main sur sa bouche. Mais je mens toujours sur mon poids. Je dis que je pèse dix
kilos de moins.
— Pourquoi ?
— Pour quelle raison je mens ? (Elle se pencha vers lui et lui posa la main sur
le torse.) Toutes les femmes font ça. On ment sur notre poids, sur notre âge et sur
notre expérience sexuelle.
Il n’y comprenait rien et la chaleur de la paume de Becca sur sa poitrine ne
l’aidait pas à réfléchir, bien au contraire.
— Pourquoi ? répéta-t-il.
— Tu veux savoir un truc sur les humains ? Ce sont des menteurs. Les
hommes comme les femmes. Si tu vois nos lèvres s’ouvrir, attends-toi à entendre
n’importe quoi. C’est dans la nature humaine. Personnellement, je déteste avouer
que je n’ai couché qu’avec deux hommes, parce qu’on trouverait ça pitoyable. Et
je mens sur mon âge parce que j’approche des trente ans. C’est un cap terrible
pour une femme. Et, pour le poids, les vêtements amples aident à camoufler les
bourrelets.
— Les quoi ?
— Tu sais, les rondeurs disgracieuses.
Il la regarda de la tête aux pieds, s’arrêta à ses seins, fronça les sourcils et
releva la tête.
— Je ne vois rien de disgracieux.
Elle lui prit la main et l’attira jusqu’à sa taille.
— Appuie.
Il obéit. L’élasticité de son corps et la souplesse de sa peau à travers ses
vêtements le laissèrent sans voix.
— Tu sens ? Des poignées d’amour.
Il ôta la main.
— C’est très agréable.
— À toucher, peut-être, mais pas à voir. Qu’est-ce que tu es gentil, soupira-t-
elle en lui tapotant le torse. J’espère que les membres de l’équipe de mon père ne
déteindront pas sur toi. Les hommes peuvent être de vrais abrutis, mais, toi, tu es
différent.
— Je suis franc.
Elle plissa les yeux, se lécha les lèvres et descendit un peu la main pour en
recouvrir son cœur.
— Ne change pas.
— Je n’aime pas la dissimulation.
— Moi non plus. (Avec une grande inspiration, elle recula, retira sa main et fit
face au bar.) Mais c’est souvent nécessaire.
— Je ne comprends pas. Tu as des secrets à protéger ?
Elle leva son verre, en but une gorgée, puis le reposa avec une grimace.
— Je ne sens plus la brûlure, mais le goût est merdique.
Il inspira. L’odeur vile de l’alcool était bien là, mais il ne sentait rien qui
pouvait rappeler les excréments.
— Ne bois pas ça.
— Ça aide, répondit-elle, le regard fixe. Par moments, j’ai envie d’oublier des
choses. Quand je suis triste, ça me permet de les effacer.
— Tu as besoin de soins ? demanda-t-il, plus inquiet que jamais.
Il se pencha vers elle et la renifla plus attentivement. Elle sentait la fraise, les
céréales et la lessive, mais il ne repéra aucune odeur de maladie.
Elle tourna la tête vers lui et lui sourit.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Tu n’as pas l’odeur chimique des humains qui prennent des médicaments.
Elle ressort toujours par les pores. Tu es malade ?
— Non, c’est juste que j’ai un goût de merde en ce qui concerne les hommes
et que mon père me rend dingue. Je pense que mon grand-père m’a laissé le
pavillon parce qu’il se doutait que, sans ça, je couperais les ponts avec mon père.
On ne s’entend pas.
— C’est dur d’avoir des parents ?
Elle lâcha son verre et se tourna vers lui.
— Tu n’en as pas idée ! Il est insupportable.
Elle posa la main sur sa cuisse, juste au-dessus du genou, et il baissa les yeux
pour regarder ses petits doigts recroquevillés sur son pantalon.
— Il peut être si con par moments, à vouloir tout contrôler et tout juger.
Quand j’étais plus jeune, il fallait toujours que je sois parfaite, sinon j’avais droit
à un sermon. Lui, il ne l’est pourtant pas du tout, mais j’étais censée l’être.
— Est-ce que les humains sont tous aussi tactiles ? demanda Brute en relevant
la tête.
Elle baissa les yeux, éclata de rire et lui serra la cuisse.
— Désolé, s’excusa-t-elle en le lâchant. Tu as vraiment des yeux magnifiques,
je te l’ai déjà dit ? Je les trouve superbes. Tu vois en couleur ?
— Oui, ma vision est parfaite.
— Mon père pense que tu as des gènes de lion ou de panthère. Tu as une
queue ?
Cette question le laissa bouche bée.
— Ça ne changerait rien, d’ailleurs, continua-t-elle comme si de rien n’était.
Je te trouverais toujours aussi sexy.
— Ma peau est naturellement plus chaude que la tienne, mais je n’ai pas de
queue.
Elle recommença à glousser, amusée par cette réponse. Brute aimait le son de
son rire et les petites rides que cela faisait apparaître sur ses joues. Elle se lécha
de nouveau les lèvres.
— Ce que tu peux être marrant ! Tu danses ?
— Oui.
— J’en étais sûre, répondit-elle en regardant ouvertement son torse avant de
soupirer. Mais tu es hors limites. Évidemment. J’ai vraiment pas de veine, je te
l’ai déjà dit ?
— Tu as envie de danser ? (Les paroles de la jeune femme lui semblaient
incohérentes, probablement à cause de l’alcool qu’elle avait ingurgité.) Il se
trouve que j’aime beaucoup ça.
— J’ai pas de billets sur moi.
Elle éclata de rire et faillit glisser de son tabouret. Brute la rattrapa
délicatement par la taille pour l’aider à conserver l’équilibre.
— Danse avec moi.
Il se leva et l’incita à faire de même. Elle vacilla un instant. Il remarqua alors
qu’elle était pieds nus et que ses chaussures étaient par terre, à côté du tabouret.
— Le rythme lent t’endormira. Je ferai en sorte que tu ne tombes pas.
— Tu veux que je m’endorme ? demanda-t-elle en se collant à lui, minuscule
et molle dans ses bras. C’est logique, après tout. La plupart des hommes auraient
envie de violer une femme dans cet état.
— Tu es soûle et tu ne sais plus ce que tu dis. Jamais je ne ferais une chose
pareille.
— Dommage, marmonna-t-elle en posant la main sur son torse tout en serrant
les doigts sur son biceps. Montre-moi ce que tu sais faire, beau gosse.
Sans prêter attention au rythme soutenu du morceau de rock, il l’agrippa
fermement pour éviter qu’elle tombe en cas d’évanouissement et se balança
doucement.
— Tu sens super bon, murmura-t-elle en lui caressant la peau du bout des
doigts. Et tu es vraiment costaud.
— Merci. Je ne représente aucun danger pour toi.
Elle se serra contre lui et il vit qu’elle avait fermé les yeux.
— Je n’ai pas peur de toi.
Le léger contact des ongles de Becca sur sa peau faisait naître en lui une
érection incontrôlable. Cette cohabitation était décidément une mauvaise idée,
surtout avec une femme qui buvait et qui admettait manquer de franchise.
— Tu as une copine, Brute ?
— Non.
— Il y en a qui ne savent pas ce qu’elles manquent. Tu es trop chou de danser
avec moi.
— Encore un terme dont je n’avais jamais été affublé, dit-il en souriant. Tu es
amusante quand tu bois, Becca.
— Merci. (Elle lui lâcha les bras et posa les mains sur ses épaules.) Est-ce que
tu t’es senti insulté quand je t’ai demandé si tu avais une queue ou si tu voyais en
couleur ? C’est sorti tout seul, désolée. Ce sont des questions taboues ?
— Pas du tout. Tu éprouves de la curiosité pour moi, comme j’en éprouve
pour les humains.
Becca leva la tête et ouvrit les yeux. Voyant qu’elle ne bougeait plus, Brute
s’immobilisa lui aussi et soutint son regard.
— Tu as de l’ADN de lion ou de panthère ?
— Je n’en sais rien. On n’a pas retrouvé mon dossier.
— Je peux toucher tes cheveux ? Ils sont si beaux et si longs que j’en meurs
d’envie depuis tout à l’heure. Quel dommage que tu ne les lâches pas.
Cette requête le surprit.
— Si je ne les attache pas, ils me gênent. Vas-y si tu en as envie. Ils poussent
très vite, je vais bientôt devoir les recouper.
Elle se pencha vers lui et il fit passer sa queue-de-cheval par-dessus son
épaule. Becca lui caressa les cheveux et sourit.
— Je t’en prie, ne fais pas ça. Ils sont aussi soyeux qu’ils en ont l’air, ce serait
un crime.
Il avait envie de lui demander lui aussi s’il pouvait toucher sa peau douce,
mais il se retint, car il savait que ce serait incorrect.
— Je vais me coucher, dit-elle en lâchant sa queue-de-cheval et en laissant
glisser les mains sur son torse. Ouais, je crois que ça vaudrait mieux.
— Je vais t’escorter jusqu’à ta chambre. Tu ne tiens pas très bien debout.
— OK, merci.
Elle recula d’un pas et il la lâcha. Elle vacilla un instant, puis pivota sur elle-
même et se dirigea vers l’arcade. Brute la suivit comme son ombre.
Contrairement à ce qu’il craignait, elle franchit l’escalier sans encombre. Une
fois à la porte de sa chambre, elle tourna la tête et le regarda droit dans les yeux.
— Bonne nuit, Brute. Fais de beaux rêves.
Il hocha la tête, se retenant de lui dire que, lorsqu’il rêvait, il faisait toujours
des cauchemars qui lui rappelaient sa captivité. Il lui arrivait de se réveiller en
sursaut, trempé de sueur, persuadé qu’il était toujours prisonnier.
Elle ferma la porte mais il resta plusieurs secondes immobiles, l’oreille
tendue, pour vérifier qu’elle ne s’évanouissait pas. Il entendit le glissement des
vêtements de la jeune femme et il ferma les yeux pour essayer de penser à autre
chose. Il éprouvait une envie irrépressible de la voir nue. Lorsque le sommier
craqua sous son poids, il ne bougea toujours pas et attendit encore quelques
minutes le temps que sa respiration lui indique qu’elle s’était endormie.
Il poussa un grand soupir, ouvrit les yeux et redescendit pour couper la
musique et vérifier que toutes les portes étaient bien fermées. Il ne se sentait pas
chez lui dans cette maison, loin des siens, seul au milieu des humains.
CHAPITRE 3
Becca espérait encore que les flics arriveraient à temps lorsque Randy la
poussa dans un van noir garé dans l’allée de ses voisines. Il était orné du sigle
blanc d’une entreprise de sécurité. C’était astucieux : la police les laisserait
passer, les croyant en intervention. Tout son optimisme s’évapora.
À l’intérieur, Randy la força à entrer dans une grande cage. Elle s’affala sur
Brute, qui était toujours inconscient. Dans un fracas glaçant, la porte se referma
derrière elle.
Sept personnes étaient en train de s’installer à l’avant de la camionnette. Le
conducteur était le seul à ne pas avoir le visage masqué. Becca ne voyait que
l’arrière de son crâne, mais elle était presque sûre qu’il s’agissait du salopard qui
avait tué Tina. Il se retourna vers ses passagers.
— En route, les gars. C’était du gâteau, non ? dit-il en faisant démarrer le
moteur.
Les hommes éclatèrent de rire et l’un d’entre eux fit coulisser un panneau de
manière qu’ils puissent laisser la lumière sans être vus de l’extérieur.
— À part pour le pauvre Smitty.
— Il était con, de toute façon.
— On aurait peut-être dû emporter son corps.
— Non, ça brouillera les pistes. Il était déjà recherché pour plusieurs
cambriolages.
Comme leurs bouches étaient couvertes par des masques, Becca ne parvenait
pas à savoir qui parlait. Elle bougea pour se soulager du poids de Brute. La cage,
spacieuse, était conçue pour un animal de grande taille, mais restait toutefois
trop exiguë pour deux adultes. Elle s’assit et s’appuya contre le torse de son
compagnon, puis regarda son visage et posa deux doigts sur son cou pour
chercher son pouls.
— T’as vu ça ? C’est beau, l’amour. Elle le touche.
— J’aimerais bien que ce soit moi qu’elle touche, ricana l’un des autres.
— Moi aussi !
Becca les ignora et écarta les cheveux du visage de Brute. Il avait une entaille
sur le front, au-dessus du sourcil, mais elle semblait superficielle et ne saignait
pas. Elle passa les doigts dans ses tresses à la recherche de bosses invisibles. Elle
ne remarqua aucun traumatisme apparent sous sa crinière soyeuse.
— Tu crois qu’elle va conclure avec lui ?
— Avec lui ou avec l’un des autres.
— Je crois que je vais me porter volontaire pour la surveiller dès qu’on
rentrera. Si cette salope accepte de les baiser, je veux pas manquer ça.
Pendant cette conversation ponctuée de rires gras, Becca serrait les dents. Elle
leva la tête et, comme ils avaient enlevé leurs lunettes de protection, les regarda
droit dans les yeux.
— Vous venez de commettre la plus grosse erreur de votre vie. Mon père va
vous traquer et vous tuer les uns après les autres. Je vous conseille de bien
profiter de vos dernières heures.
— Et c’est qui, ton papa, ma jolie ?
— Il vit dans la grande maison à côté de la mienne et il déteste les
mercenaires, répondit-elle dans l’espoir de les faire réagir, car elle avait besoin
d’un maximum d’indices pour savoir dans quel pétrin elle se trouvait.
— Désolé de jouer les rabat-joie mais, là où on t’emmène, personne ne te
retrouvera. Ton papa a dû se cacher sous son lit quand il a entendu les coups de
feu.
Tous éclatèrent de nouveau de rire.
Becca ne savait pas ce qu’ils voulaient et se demandait pourquoi ils l’avaient
épargnée. La mort de Tina lui prouvait qu’ils n’éprouvaient aucun remords à tuer
des innocents. En tout cas, elle avait au moins appris une chose qui la soulageait
énormément : son père était toujours en vie et il passerait chez elle dans quelques
heures pour emmener Brute.
Tim Oberto remuerait ciel et terre pour retrouver sa fille unique. Cela
prendrait peut-être du temps, mais il y parviendrait. C’était sa spécialité, après
tout.
Becca baissa les yeux pour regarder Brute. Endormi, il semblait différent,
vulnérable et bien moins intimidant. Elle savait que son père et son équipe
viendraient les délivrer. Becca n’avait qu’à faire en sorte que Brute et elle restent
en vie.
Est-ce que ça va prendre des heures ? des jours ? des semaines ? Non sans
mal, elle contint ses larmes pour ne pas donner à ces salopards la satisfaction de
la voir pleurer. Tiendrait-elle assez longtemps ? Et si jamais papa ne nous
retrouve pas ?
Elle repoussa cette pensée. Son père connaissait son métier. Il y avait un
cadavre dans son salon et, même si ses kidnappeurs pensaient que cela induirait
la police en erreur, elle savait que ce serait un indice précieux pour son père. Il
chercherait à tout savoir sur le mort, traquerait tous ces salopards jusqu’au
dernier et ne reculerait devant rien pour tout leur faire avouer.
— Quelqu’un a appelé l’autre salope pour lui dire qu’on arrive avec le mâle et
sa copine ? On aura peut-être droit à un bonus.
— Oui, moi, répondit Randy, dont elle reconnaissait la voix. Elle est ravie
d’avoir un cobaye qu’elle ne sera pas obligée de droguer. Selon elle, les produits
gâchent toutes les expériences. Elle pense que c’est la clé du succès. Jamais je ne
l’avais entendue aussi excitée.
— Elle devrait peut-être entrer dans la cage d’un des mâles. Elle est tellement
effrayante que le gars serait trop terrifié pour refuser.
— Tu parles, elle est si asséchée qu’elle doit même plus être capable de
mouiller ! Remarque, t’as pas tort : si elle m’ordonnait de baisser mon froc,
j’aurais trop peur pour dire non et je serais raide de terreur.
Tous éclatèrent de rire
— T’imagines cette salope de docteur Elsa qui se penche devant toi ? ajouta
l’un d’entre eux en frappant le mur du poing.
— Ou qui se penche devant 358 ? Qu’est-ce qui vous effraierait le plus ? Le
voir la prendre, ou bien son visage à elle ?
— La voir complètement à poil, plutôt. Heureusement que j’ai rien mangé ce
soir, tiens.
— Et l’entendre dire des cochonneries ? Pire encore, tu imagines si elle pond
un chiard ? Même si le père est beau comme un dieu, si le bébé ressemble à sa
mère, il sera hideux comme tout !
Toutes ces plaisanteries emplissaient Becca d’effroi. Le docteur Elsa n’était
visiblement pas très appréciée des hommes qu’elle dirigeait, mais leurs blagues
salaces lui donnaient toutefois des informations précieuses. Elle gardait les yeux
baissés dans l’espoir qu’ils continuent de parler. Le numéro 358 était une
personne. Les Hybrides prisonniers de Mercile Industries étaient désignés non
par des noms, mais par des numéros. Le 358 devait être celui de Brute, ce qui
voulait dire que ces salopards étaient venus spécifiquement pour lui.
S’ils connaissent son matricule de cobaye, alors… ça veut dire qu’ils
travaillent pour Mercile Industries. Les informations de cette nature étaient
classifiées. Même son père n’avait pu y avoir accès. Il lui avait dit que les
employés de Mercile avaient mis le feu aux archives médicales et détruit les
ordinateurs avant l’assaut des troupes envoyées à la rescousse des Hybrides.
Pourquoi est-ce que Mercile le veut vivant ? Il aurait été plus logique qu’ils le
tuent. L’OPH multipliait les procès contre l’entreprise dans l’espoir de la ruiner.
Chaque sauvetage d’Hybride entraînait de nouvelles procédures et de nouvelles
arrestations. Les dirigeants de l’OPH étaient malins. Ils faisaient tout pour que
Mercile ne soit plus jamais en mesure de reprendre ses expériences.
— Hé ! s’exclama l’un des hommes.
Ce cri tira Becca de ses pensées et elle leva la tête. L’homme s’approcha de la
cage, braquant sur elle des yeux bleus rapprochés.
— Écarte-toi. Faut qu’on lui injecte une nouvelle dose. Toi, par contre, le
docteur Elsa te veut en pleine forme quand on arrivera. Et, de toute façon, tu
ferais tout de suite une overdose mortelle.
L’homme pointa son pistolet et Becca s’écarta aussi loin que possible de
Brute, puis retira immédiatement la fléchette plantée dans sa peau, dans l’espoir
que le tranquillisant ne fasse pas tout son effet.
Brute reçut plusieurs autres doses pendant le trajet. Becca ôta les fléchettes
aussi vite que possible sans se faire remarquer. Elle avait de plus en plus peur
que Brute meure d’overdose. Elle essaya de le leur dire, mais en vain. Le pouls
de l’Hybride restait stable et elle posait régulièrement l’oreille sur son cœur, qui
battait toujours comme une horloge. Elle se serrait contre son corps chaud à
mesure que les kilomètres défilaient.
Soudain, le van s’arrêta. Elle se redressa, effrayée et endolorie par son
immobilité de plusieurs heures. Elle avait l’impression qu’on lui enfonçait des
aiguilles dans les fesses et dans les hanches.
Les hommes sortirent, la laissant seule avec Brute. Aussitôt, elle lui prit le
visage entre les mains.
— Brute, tu m’entends ? Réveille-toi ! murmura-t-elle.
Mais il ne bougea pas et Becca sursauta au bruit de la porte. Elle lâcha Brute
et se tourna vers les cinq hommes, qui s’approchaient de la cage. L’un d’entre
eux la déverrouilla, l’ouvrit et pointa son pistolet anesthésiant en direction de la
poitrine de la jeune femme.
— Dehors, ordonna-t-il.
Ses articulations étaient si raides qu’elle dut faire un effort pour bouger. Elle
descendit de la camionnette et sentit une surface de béton dur et froid sous ses
pieds nus. Elle se trouvait dans un immense hangar, dont le plafond très haut
était strié de poutres métalliques. Quelques fenêtres, sous le toit, illuminaient le
vaste espace. L’un des hommes la saisit par le bras et la força à avancer.
Elle tourna la tête et vit les quatre autres kidnappeurs soulever Brute. Ses
longs cheveux balayaient le sol tandis qu’ils traversaient la pièce en direction
d’un escalier. Le spectacle de ce colosse complètement impuissant lui faisait
froid dans le dos. Quel enfer les attendait ?
L’homme la tira violemment par le bras pour la forcer à les suivre. Elle
obtempéra, car elle ne voulait pas perdre Brute de vue. Les larges marches
métalliques plongeaient dans une quasi-obscurité. Becca leva la tête vers les
hautes fenêtres. Il faisait jour, ce qui voulait dire qu’ils avaient roulé pendant au
moins trois heures et demie.
Ils s’engouffrèrent dans les entrailles de l’entrepôt. Quelques rares ampoules
illuminaient les marches et l’air était un peu plus frais à chaque palier. Becca
sentait la panique la gagner. Le seul point positif était que Brute était toujours
devant elle.
Ils descendirent trois étages puis les hommes poussèrent deux grandes portes
métalliques et Becca se figea, tétanisée par le spectacle qui s’offrait à elle. La
pièce était vaste, illuminée par de longs tubes halogènes pendus au plafond.
Deux grandes cages trônaient en plein milieu, à quelques mètres l’une de l’autre.
Elles étaient immenses et auraient été plus à leur place dans un zoo que dans le
sous-sol d’un entrepôt.
— Avance, ordonna l’homme en la tirant sans ménagement.
Elle passa la porte et aperçut d’autres cages alignées contre les murs. À sa
grande horreur, elle vit que quelques-unes étaient occupées. Un prisonnier était
allongé sur sa couchette, et un autre faisait les cent pas dans l’espace réduit. Il
tourna la tête vers elle et Becca se rendit compte qu’il s’agissait d’un Hybride.
Ils en ont d’autres, pensa-t-elle, glacée. Les cages le long du mur étaient
séparées par des parois en béton et elles étaient plus spacieuses que celles
placées au centre de la pièce. Son kidnappeur la poussa dans l’une d’elles et l’y
enferma.
Les cinq hommes sortirent par une porte située à l’autre bout de la pièce tout
en retirant leurs masques. Dans le silence pesant qui suivit leur départ, Becca
étudia sa nouvelle demeure.
Sa cellule comportait une couchette sur laquelle reposait une pile de
couvertures, ainsi que des toilettes dans un coin. Elle regarda le sol métallique,
puis les barres qui faisaient office de plafond. Les larmes lui montèrent aux
yeux. Réfléchis. Reste calme, se conseilla-t-elle en inspectant les alentours.
Des caméras accrochées au plafond étaient fixées sur sa cage. Il s’agissait de
modèles de grande taille, conçus pour la sécurité extérieure. Un mur en béton lui
bloquait la vue. Il ne mesurait pas plus de trois mètres de haut, mais elle était
curieuse de voir ce qui se trouvait derrière.
Elle prit les épais barreaux entre les mains et les observa attentivement.
L’absence de rouille indiquait qu’ils n’avaient jamais dû se retrouver exposés
aux éléments extérieurs. Elle passa ensuite à la porte, qui était très bien conçue.
Une plaque métallique l’empêchait de passer la main pour atteindre la serrure,
qui était complètement bloquée du côté intérieur. Elle en tira une conclusion qui
faisait froid dans le dos : ces cages n’étaient pas conçues pour des animaux.
Becca se rapprocha le plus possible de la cage de Brute. Son ami était allongé
et respirait avec régularité, mais la quantité de produit anesthésiant qu’on lui
avait injectée l’inquiétait. Il devait frôler l’overdose.
— Brute ? l’appela-t-elle en s’éclaircissant la gorge. Réveille-toi ! Tu
m’entends ?
Un grognement la fit sursauter. L’Hybride qui faisait les cent pas se tenait dans
le coin de sa cage. Il agrippait les barreaux, le regard noir. Ses longs cheveux,
noirs et emmêlés, pendaient jusqu’à sa taille, mais elle ne parvenait pas à
discerner la couleur de ses yeux. Elle n’en devinait que la forme, qui, ajoutée à
ses lèvres charnues et à ses larges pommettes, démontrait l’altération de son
ADN.
— Je m’appelle Becca, lança-t-elle dans l’espoir qu’il lui réponde. Tu es là
depuis quand ?
Il poussa un nouveau grognement menaçant. Bon, il n’est pas du genre
causant. Ou amical. Mais elle n’allait pas renoncer pour autant. Plus elle
récolterait d’informations et plus elle aurait de chances de sortir de ce
cauchemar.
— Tu sais parler ? Becca, dit-elle en se touchant la poitrine avant de pointer le
doigt vers lui. Comment t’appelles-tu ?
Il grogna de nouveau, lui tourna le dos et reprit sa ronde. D’accord, il n’y a
rien à en tirer. Il ne portait qu’un pantalon blanc aux coutures grossières. Il avait
un torse massif et des bras très musclés. Becca remarqua aussi qu’il avait les
doigts crispés comme des griffes et qu’il semblait très agité.
— Brute ! insista-t-elle en haussant le ton. Réveille-toi, bon sang !
Il bougea un bras. Rassurée, elle se colla encore plus aux barreaux.
— Brute, ouvre les yeux ! Tu m’inquiètes. On t’a injecté de fortes doses
d’anesthésiant, il faut que tu résistes. Tu m’entends ? C’est Becca. Tu te
souviens de moi ? Tu vis chez moi. Brute !
Vaseux, il roula sur le côté et tomba sur le sol en métal. Le choc sembla lui
donner un coup de fouet. Il grogna, se redressa sur les bras et ouvrit les yeux.
Les traits déformés par la colère, les muscles noués, il étudia les barreaux de sa
cage.
— Brute ? reprit Becca d’une voix plus douce. Tu vas bien ?
Il tourna la tête vers elle et la rage céda la place à la confusion.
— Non.
— On s’est fait attaquer. Tu te rappelles ?
Il se leva lentement, frotta les marques de piqûres sur sa cuisse et regarda
autour de lui. Ses yeux s’arrêtèrent sur les cages contenant les deux autres
prisonniers. Aussitôt, il se précipita contre les barreaux et grogna à l’attention du
mâle qui faisait les cent pas.
Ce dernier l’ignora royalement.
— Fait chier, grommela Brute.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Il tourna la tête vers elle.
— On est dans la merde.
— Sans blague ! Ils nous observent, ajouta-t-elle en tournant la tête vers les
caméras.
Brute suivit son regard puis se rapprocha d’elle et l’observa de la tête aux
pieds.
— Tu n’as rien ? Ils t’ont droguée toi aussi ?
— Non. Je pense qu’ils bossent pour Mercile, murmura-t-elle. D’après ce
qu’ils disaient, ils sont sous les ordres d’une femme médecin et ils connaissent
ton matricule. C’est une information classifiée, non ?
— Mon matricule ?
— 358.
— Ce n’est pas le mien.
— C’est peut-être lui, alors.
Brute regarda l’autre Hybride, puis reporta son attention sur Becca.
— Il y a une forte odeur pharmaceutique dans la pièce. Je pense qu’on lui a
donné quelque chose. Je connais cette odeur, et, si elle vient de lui, il a la
cervelle en bouillie. Il t’a parlé ?
— Non. Il a grogné, mais il n’a prononcé aucun mot. Je lui ai demandé depuis
combien de temps il était là, mais il s’est remis à faire les cent pas. Il n’a pas
arrêté depuis qu’on est arrivés.
— Je suis resté endormi longtemps ?
— Je dirais dans les quatre heures, peut-être plus. Avant qu’ils nous fassent
descendre ici, j’ai vu qu’il faisait jour. Ça veut dire qu’on a roulé pendant au
moins trois heures et demie. Ils nous ont fait monter dans une camionnette aux
couleurs d’une société de sécurité privée, mais je suis sûre que c’est une
couverture. Le logo était aimanté sur la carrosserie, pas peint.
— On est mal barrés.
— Ah bon, tu crois ? répliqua-t-elle. Ce que je ne comprends pas, c’est
pourquoi ils nous ont épargnés. Mercile devrait te vouloir mort, non ? L’OPH
leur fait procès sur procès et mon père m’a dit que les Hybrides traquent tous les
anciens employés de Mercile pour les prendre en photo et faciliter leur
identification.
Brute renifla de nouveau.
— J’espère que ta mémoire te joue des tours.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Il hésita.
— Je sens l’odeur du produit qu’ils utilisaient pour les expériences
d’insémination.
— Comment ça ? demanda-t-elle, anxieuse.
— Ils ont mis au point un aphrodisiaque très puissant qu’ils nous donnaient
quand on refusait de monter les femelles, à l’époque où ils cherchaient à
comprendre pourquoi on ne parvenait pas à les fertiliser. La pièce en est
imprégnée et ce n’est pas bon signe.
Sans blague.
— Je ne vois aucune femelle. Il y a juste celui-là, et un autre type qui dort sur
sa couchette.
— Je sens un autre Hybride, au moins douze humains et deux femelles
humaines, dont toi.
Tout cela était en effet très inquiétant. Becca savait que les mercenaires
travaillaient pour une femme, ce qui voulait dire qu’elle était la seule
prisonnière. Elle pâlit en pensant à tout ce que cela impliquait.
— Tu ne crois quand même pas qu’ils m’ont enlevée pour que je… enfin, tu
vois. (Elle se cacha la bouche avec les mains et continua dans un murmure
presque inaudible.) Ils pensent que je suis ta copine.
Brute se détourna en poussant un grognement agressif, se dirigea vers la porte
de sa cage, l’étudia un instant et lui décocha un coup de pied. Becca grimaça en
entendant le bruit de l’impact. Brute se massa les orteils et grogna de plus belle,
puis revint vers elle.
— Je ferai de mon mieux pour te protéger, lui promit-il. Tu me fais
confiance ?
— Oui, répondit-elle sincèrement, même si elle le connaissait depuis peu.
Mon père finira par nous retrouver. Rien ne l’arrêtera.
Elle ne voulait pas lui parler du cadavre ou de ce que son père serait prêt à
faire pour remonter ce fil ténu jusqu’à eux, car elle avait peur d’être entendue
par les caméras.
— Attention à ce que tu dis, conseilla-t-il en hochant la tête.
— Je sais.
Brute la regarda attentivement et respira à pleins poumons.
— Ce n’est pas ce produit-là qu’ils m’ont donné. C’est une bonne nouvelle.
Soudain, la double porte par laquelle leurs ravisseurs étaient sortis s’ouvrit.
Quatre hommes entrèrent en poussant devant eux une civière, dont le bruit des
roues résonnait dans la vaste pièce. Un homme y était couché, restreint par des
sangles. Il avait les yeux fermés, mais sa carrure et sa musculature indiquaient
qu’il s’agissait d’un Hybride. D’autres détails apparaissaient à mesure qu’il
approchait, en premier lieu ses pommettes et ses lèvres charnues. Brute renifla
vigoureusement avant que la civière disparaisse derrière la paroi en béton. Le
bruit des roues cessa presque aussitôt, puis ils entendirent une porte de cage
claquer, suivi d’un cliquètement de chaînes, pour sécuriser la fermeture de la
porte de la même manière que sur celle de Brute. Les quatre hommes reparurent
sans la civière et l’un d’entre eux regarda Brute dans les yeux.
— T’es le suivant, connard.
Elle connaissait cette voix. C’était Randy, celui qu’elle avait blessé chez elle,
le chef des mercenaires. Lorsqu’il se tourna de son côté, elle vit qu’on lui avait
posé un gros bandage en dessous de l’oreille.
— Et ensuite, salope, ce sera à toi. Je prendrai beaucoup de plaisir à te voir
souffrir.
— Qu’est-ce qu’on fait ici ? demanda Brute à voix basse.
Randy sourit et posa les mains sur ses hanches.
— Le docteur voulait de la viande fraîche mais, ta copine, c’est un bonus.
(Randy fit un pas vers eux, en prenant toutefois soin de rester à distance
respectable de la cage de Brute.) Tu sais ce qui va vous arriver. On n’a pas réussi
à garder une seule femelle quand on s’est enfuis, donc il n’y a qu’elle. (Son
sourire s’élargit et il désigna l’autre Hybride de la main.) J’espère qu’elle aime
les minous autant que toi. Il passera le premier, et ensuite ce sera ton tour.
Brute poussa un rugissement et se précipita sur les barreaux.
— Il va la tuer !
— Ce sera la cerise sur le gâteau, alors, rétorqua Randy en touchant son
bandage. Cette salope a tenté de m’exploser la cervelle. J’ai hâte de l’entendre
hurler.
Sur ces mots, il tourna les talons et sortit, suivi de ses trois sbires.
Becca tremblait comme une feuille, terrifiée par ce qu’elle venait d’entendre.
Brute, gêné, gardait les yeux fixés sur la porte qui venait de se refermer sur les
quatre hommes. Elle recula des barreaux et s’assit lourdement sur sa couchette.
Ses jambes ne la soutenaient plus.
Elle regarda de l’autre côté de la pièce, en direction de l’Hybride inconnu. Il la
terrifiait. Il ne savait pas parler et semblait hostile. Si on la forçait à entrer dans
sa cage pour une expérience d’accouplement, elle n’en ressortirait pas vivante.
— Becca ?
La jeune femme tourna la tête. Brute fixait les yeux sur elle, le regard sombre.
— Je sais. Ils vous donnent des aphrodisiaques, je suis la seule femme et ce
type a perdu la boule, n’est-ce pas ?
— Écoute-moi, dit-il en agrippant les barreaux. S’ils te forcent à entrer dans
sa cage, laisse-toi faire. Il sera naturellement agressif, mais si tu résistes il…
— Il me tuera ? compléta-t-elle, voyant qu’il hésitait.
— Oui, répondit-il franchement.
Becca contint les larmes qui lui montaient aux yeux.
— Il est drogué et ça le fait souffrir. Son corps est en feu et son désir
d’accouplement le rend fou mais, une fois l’effet passé, il sera désolé. Je le sais,
ajouta-t-il avec tristesse.
— On t’en a déjà administré, c’est ça ?
— Je n’ai pas eu le choix. J’ai servi de cobaye pour ces tests. Seuls deux des
cinq laboratoires découverts utilisaient ce produit, expliqua-t-il en s’asseyant sur
ses talons. Je ne me souviens de rien mais, après avoir recouvré mes esprits, je
savais que j’avais couché avec une femelle. Je n’ai jamais senti l’odeur du sang
sur mon corps et j’espère ne pas leur avoir fait mal. Aucune d’entre elles ne m’a
fait de reproche après notre libération, mais elles voulaient peut-être simplement
m’éviter les remords.
Elle frissonna en repensant à ce qu’il lui avait dit à propos de ses préférences
sexuelles. Elle n’avait pas la résistance physique d’une Hybride. Elle n’était
qu’une humaine lambda, dans une condition physique douteuse, et, même si elle
se laissait faire, elle craignait de ne pas survivre à un accouplement avec un
Hybride drogué.
— Becca ?
Elle avait baissé les yeux sans s’en apercevoir et releva la tête pour le
regarder.
— Je tiendrai le coup. Je suis courageuse. Et on va nous retrouver, assena-t-
elle d’une voix raffermie par la colère. Il y aura des morts. (Elle dirigea son
regard vers la double porte.) Beaucoup de morts.
— Le mâle n’aura aucune intention de te faire mal.
Elle reporta les yeux sur lui en évitant soigneusement de regarder l’homme
qui faisait toujours les cent pas dans sa cellule.
— C’est une victime comme nous. Ne t’en fais pas, ce n’est pas après lui que
j’en veux.
— Ils nous retrouveront, grogna Brute. Crois-moi.
Elle appréciait son optimisme. Son père était un professionnel averti et leurs
ravisseurs avaient commis le tort de laisser un cadavre derrière eux. Elle avait
confiance en lui et en son équipe. Tous l’appréciaient et ils seraient prêts à tout
faire pour voler à sa rescousse.
— Je me réserve le type au bandage. Je veux le tuer de mes propres mains.
Brute haussa les sourcils.
— Dès que les secours seront là, clarifia-t-elle, tu l’immobiliseras pour que je
lui flanque une petite raclée, d’accord ? Une fois que je l’aurai suffisamment
entendu crier, je l’achèverai d’une balle dans la tête pour me venger de tout ce
qu’il va me faire subir.
— Tu es une violente, répondit Brute avec un petit sourire. J’aime ça.
— Ce sont les circonstances qui m’y poussent. Soit je complote ma
vengeance, soit je me roule en boule dans un coin pour pleurer. Je préfère la
première option.
— Becca ?
Elle le regarda dans les yeux.
— Ils vont nous retrouver, répéta-t-il avec sincérité. Crois-moi.
Elle hocha la tête en espérant que les secours arrivent avant le début des
expériences.
CHAPITRE 5
— S’ils sortent ensemble, pourquoi elle prend pas la pilule ? demanda Dean,
désorienté.
— Parce qu’ils sont stériles, abruti, répondit le docteur Elsa en secouant la tête
avant de se tourner vers Becca. Tu vois le genre d’assistants dont je dois me
contenter ? Redresse-la, Dean.
L’homme de main obéit sans la moindre douceur. Une fois debout, Becca
frissonna, s’écarta de Dean et observa le docteur retourner à son bureau pour
observer l’écran.
— Tu sais pourquoi il t’a choisie ? Est-ce qu’il t’a expliqué ce qui l’attirait
tant chez toi ?
— Non, répondit Becca en se frottant les bras pour se réchauffer.
Elsa se tourna vers elle.
— Tu tiens à lui ? l’interrogea-t-elle avec un sourire froid.
— Oui.
Ce n’était pas un mensonge. Elle ne voulait pas qu’il arrive quoi que ce soit à
Brute.
— Tant mieux. Suis-moi.
Elle sortit de la pièce et Becca lui emboîta le pas, suivie des deux gardes. Ils
s’engagèrent dans le couloir, dans la direction opposée à celle des doubles
portes, et s’arrêtèrent devant une porte close.
— Il est prêt, Ray ? demanda le docteur.
— Oui. Ils l’ont assommé pour le transporter, mais il commence à peine à
reprendre connaissance, répondit-il en tapotant son oreille. Il n’y a rien à
craindre. Mike dit que tout va bien.
Ni cette conversation ni le sourire maléfique du docteur ne disaient rien qui
vaille à Becca. La porte s’ouvrit et Randy apparut, visiblement surpris de les
trouver là. Deux autres hommes se placèrent à côté de lui.
— Poussez-vous. Je vais montrer à notre invitée ce que nous faisons ici.
Les trois hommes s’écartèrent pour laisser passer leur patronne. Becca hésita
un instant, mais l’un des gardes la poussa dans le dos. Elle tourna la tête et vit
qu’il s’agissait de Ray.
Une fois dans la pièce, elle se figea, ouvrit la bouche et poussa un petit cri
d’horreur. L’Hybride qui faisait les cent pas dans sa cage se trouvait devant elle,
entièrement nu, enchaîné à un mur, les jambes écartées. Il poussa un grognement
sauvage en les voyant approcher.
Ses entraves étaient fixées aux lampes du plafond. Ses chevilles étaient
attachées à d’énormes blocs de béton ornés de goujons métalliques. Son corps
presque dénué de poils était très musculeux et son sexe en érection. Becca se
hâta de relever les yeux jusqu’à son visage, à la fois choquée et apitoyée par son
sort. Elsa se plaça devant elle et sourit froidement.
— C’est primitif, mais efficace. Nous avons essayé d’installer le matériel dans
leurs cages. Il aurait été plus facile de les attacher aux barreaux, mais il n’y a pas
de prise électrique assez proche. Il nous aurait fallu des dizaines de mètres de
rallonge. Les machines sont trop sensibles aux courts-circuits et c’est un risque
que je ne peux pas me permettre de prendre.
— Pourquoi est-ce que vous leur faites ça ? murmura Becca.
— Accuse plutôt les gens qui ont interféré avec mes recherches et ceux de son
espèce, répondit Elsa en désignant le prisonnier du doigt. Quand ils ont été
découverts, je n’ai pas eu le choix. Nous n’avons pu en garder que trois, et
encore, uniquement parce que nous avons été avertis à temps. Ton petit copain a
de l’ADN félin dans les gènes. Je n’avais pas pu en garder. J’ai dû me contenter
des chiens.
— Docteur, l’interrompit Randy en s’approchant d’elle, pourquoi lui
expliquez-vous tout ça ?
— La ferme ! répliqua-t-elle avec un regard noir avant de reporter son
attention sur Becca. J’ai besoin de ton aide.
— Pas question.
— Tu ne sais même pas ce que je vais te demander.
— Ça m’est égal. La réponse est non. (Becca fit un pas en arrière, percuta Ray
et s’écarta aussitôt de lui.) Je ne vous aiderai pas.
— Je suis recherchée par la police et par le FBI. J’ai tout perdu, reprit son
interlocutrice d’une voix pleine de colère. Ils ont pris ma maison, ma voiture,
vidé mes comptes en banque et même arrêté mon mari parce qu’ils pensaient
qu’il était au courant. Ce n’est pas une grosse perte pour moi, mais je n’ai pas
apprécié de voir mes parents se faire interroger. Il est hors de question que je
passe le reste de mes jours en prison pour avoir voulu améliorer le monde.
— C’est comme ça que vous qualifiez votre travail ? s’énerva Becca. Vous
avez torturé des Hybrides. Vous les avez privés de liberté pendant toute leur vie.
Comment osez-vous…
— Épargne-moi tes leçons de morale, rétorqua Elsa. Nos recherches étaient
utiles, c’est le plus important. Ces cobayes ne sont pas vraiment des humains. Ils
n’ont pas été créés pour vivre en dehors des laboratoires. Ils ne valent pas mieux
que les souris ou les rats que les chercheurs utilisent pour leurs expériences.
— Vous êtes malade, lui assena Becca, hors d’elle. Et pathétique.
— Peut-être, mais ça ne change rien au fait que tu vas m’aider.
— Jamais ! Vous ne vous en tirerez pas comme ça.
— Et qui m’arrêtera ? Cet entrepôt est abandonné depuis trois ans et rien ne
peut faire remonter la police jusqu’ici. Le cousin de Randy travaillait ici jusqu’à
la fermeture. J’ai rencontré des acheteurs européens qui affirment être en mesure
de trouver le moyen d’inséminer des femmes avec leur sperme. (Elle désigna de
nouveau du doigt l’Hybride entravé.) Leurs chercheurs se croient très malins et
pensent réussir là où nous échouons depuis des années.
— Ils n’arriveront jamais à rien avec ces bestiaux, ricana Dean.
Le docteur Elsa le récompensa par un sourire.
— Ils ont compris que le sperme meurt dès qu’il a quitté les sujets canins.
C’est un effet secondaire dû à la mutation de leurs gènes. Il n’est viable que très
peu de temps après l’éjaculation. Sais-tu ce que c’est ? demanda-t-elle à Becca
en lui désignant un coin de la pièce.
La jeune femme tourna la tête et aperçut une étrange machine de grande taille
à laquelle étaient attachés des réservoirs.
— C’est un congélateur cryogénique. Ça te dit quelque chose ?
Becca resta sans réaction et le docteur Elsa soupira.
— Je vois que tu ne travailles pas dans le milieu médical. Je vais t’expliquer
de façon simple. Les Européens pensent que, si on leur fournit assez
d’échantillons, ils trouveront pourquoi le sperme meurt si vite. Ils l’insémineront
ensuite à des humaines pour qu’elles donnent naissance à des semi-Hybrides,
qu’ils vendront à prix d’or. Il paraît qu’il existe un marché noir pour alimenter la
demande de millionnaires.
— Ils ont envie de s’offrir des animaux de compagnie exotiques, plaisanta
Ray. Mais ils ne savent pas encore combien ces saloperies sont teigneuses à l’âge
adulte.
— Bref, reprit fermement le docteur Elsa, on obtient les échantillons, on les
congèle aussitôt pour éviter que le sperme meure et on le livre dans ces
réservoirs. Ils nous ont proposé de nous aider à les sortir du pays, mais je n’ai
pas confiance en eux. Ils pourraient les voler ou même nous tuer et je ne peux
pas courir ce risque. Dans trois mois, entre l’argent des échantillons de sperme et
ce qu’ils m’ont proposé pour l’achat de nos sujets, on devrait avoir de quoi partir
tous se réfugier dans un pays qui n’a pas d’accord d’extradition avec les États-
Unis.
— Vous êtes un monstre ! hurla Becca en se retenant à grand-peine de lui
sauter dessus pour lui démolir le visage. Vous êtes censée avoir prêté le serment
d’Hippocrate, non ? Comment pouvez-vous commettre de telles horreurs ?
Cette question sembla amuser le docteur.
— En effet, j’ai juré de ne pas faire souffrir mais, après tout, je ne vois pas ce
que nous faisons d’immoral. Il faut donner du plaisir aux mâles pour qu’ils
produisent du sperme et nos commanditaires le testent et ne nous règlent que s’il
est encore actif.
Becca ravala la bile amère qui lui montait dans la gorge. Tous ces gens étaient
vraiment de grands malades.
— Vous vendez leur sperme ? demanda-t-elle, comme si elle venait seulement
de comprendre.
— Oui, mais les Européens souhaitent acheter les sujets eux-mêmes. Nous
sommes en train de négocier le prix et ils veulent un set complet. Je n’en ai pas
encore à ma disposition, mais ça ne saurait tarder.
— Un set complet ?
— Au moins un élément de chaque espèce.
— Vous en avez quatre, dont… mon copain, répliqua Becca, qui ne voulait
pas leur dire son nom au cas où ils ne le connaîtraient pas.
Randy s’approcha d’elle.
— Il existe trois types différents : canin, félin et simiesque. Jusqu’à ce qu’on
attrape ton petit chaton, on n’avait que des clébards. Ils ne quittent presque
jamais leurs zoos et, pour localiser le tien, ça nous a coûté une petite fortune. On
a dû soudoyer l’un des gardes pour qu’il nous dise quand l’un d’entre eux
sortirait et payer quelqu’un pour suivre sa voiture jusque chez toi. Il ne nous
reste plus qu’à capturer un singe et on pourra les vendre encore plus cher.
C’est comme ça qu’ils ont trouvé Brute.
— Quel garde ?
Elle voulait le nom du traître qui travaillait pour les Hybrides, pour que cela
ne se reproduise plus.
— Qu’est-ce qu’on en a à foutre de son nom ? répliqua Randy avant de se
tourner vers le docteur. Et pourquoi vous lui racontez tout ça ? Dites-lui ce que
vous attendez d’elle. Si elle refuse, on l’y forcera.
Le docteur lui répondit avec agacement.
— Marco est prêt à tripler son prix si on arrive à lui fournir des échantillons
purs, sans produit. L’un des crétins qui travaille pour lui pense que tout le
problème vient de là. Je lui ai dit que ce n’était pas ça, mais il ne veut rien
entendre. Tant pis pour lui, son ignorance et son obstination sont à notre
avantage.
— La vache ! s’exclama Randy, à qui cette nouvelle rendait le sourire. Ça fait
un sacré paquet de fric. (Il observa attentivement Becca.) Ah ! je comprends
mieux. Vous voulez qu’elle l’excite et qu’elle le branle pour qu’il éjacule sans
qu’on ait à lui injecter de produit.
— Exactement, répondit le docteur en se tournant vers Becca. C’est ce que tu
vas faire !
— Pas question !
— Attrapez-la, ordonna Elsa en s’éloignant.
Ray la saisit brutalement par les épaules, mais Becca ne résista pas. Elle savait
que c’était inutile avec cinq hommes dans la pièce. Elle regarda avec angoisse le
docteur s’approcher du coin de la pièce, ou d’étranges appareils étaient entassés
sur des tables et des chariots.
L’un des hommes, qui l’avait suivie, prit une boîte et se dirigea vers le
prisonnier. Becca ferma les yeux, car elle avait trop peur de voir ce qu’ils
comptaient lui faire.
Au bout de quelques minutes, un vrombissement se fit entendre. Elle
entrouvrit les paupières, dévorée par la curiosité, mais le regretta aussitôt. Ils
avaient coiffé l’Hybride d’un casque étrange, orné d’une visière qui lui cachait le
visage à partir des lèvres. Le casque était équipé d’une sangle serrée sous son
menton. Mais, le pire, c’était ce que le docteur était en train de faire.
Elle installait une machine ressemblant à un tuyau d’aspirateur devant le
prisonnier. Son assistant la brancha à la prise la plus proche et, aussitôt, un
étrange accessoire en sortit, qu’elle fixa sur le sexe turgescent de l’Hybride.
Il poussa un hurlement de protestation et banda les muscles pour tenter de se
dégager, mais sans résultat.
— Oh mon Dieu, sanglota Becca, arrêtez !
Ray, qui la tenait fermement, baissa la tête et elle sentit son souffle chaud sur
son oreille.
— C’est très agréable. Je l’ai testé personnellement. C’est un sex-toy très
perfectionné qui simule une chatte et une bouche à la fois. Dès qu’il aura craché
la purée, son sperme sera recueilli dans un réservoir spécial. Ensuite, on le verse
dans un cylindre et on se dépêche de le plonger dans le congélateur. Pas mal,
hein ?
Elle tourna la tête vers lui et, incapable de se retenir, saisit son entrejambe
entre ses doigts et serra de toutes ses forces. À sa grande horreur, elle sentit qu’il
était en érection, mais cela ne l’empêcha pas d’enfoncer ses ongles dans le tissu.
Il poussa un cri de douleur et elle parvint à se dégager de sa prise.
Elle tenta d’atteindre la pauvre victime pour la libérer, mais Randy l’attrapa
par les cheveux et la tira violemment en arrière. Becca se retourna et balança son
poing vers lui, comme son père le lui avait appris. Elle le toucha en plein visage
et il tituba en arrière sans la lâcher avant de lui assener une violente claque.
Becca sentit ses jambes se dérober sous elle et tomba à genoux, étourdie. Elle
entendit vaguement le docteur Elsa ordonner à tout le monde d’arrêter.
Quelqu’un l’attrapa par les épaules et elle rouvrit les yeux. Tout semblait tourner
autour d’elle.
— Ne lui faites aucun mal ! hurla Elsa d’une voix perçante. On a besoin
d’elle, bon sang ! J’ai dit de l’immobiliser, pas de la frapper.
— Elle m’a écrasé les couilles ! se plaignit Ray. Cette salope…
— Tais-toi ! Va mettre de la glace sur ta cervelle, ou, mieux encore, plonge-la
tête dans une cuve cryogénique. Vu que tu ne t’en sers jamais, ça ne changera
pas grand-chose ! Randy, frappe-la encore une fois et je te jure que je t’abattrai
de ma propre main. Elle ne parviendra jamais à l’exciter si elle dégouline de
sang. C’est moi qui tiens les cordons de la bourse, ne l’oubliez pas, à moins que
vous pensiez pouvoir échapper à l’arrestation sans moi.
Un troisième homme remit Becca sur ses pieds et lui tira les mains derrière le
dos en l’immobilisant par les poignets. Elle vacilla, encore assommée par le
coup qu’elle avait reçu. Sa joue gauche la brûlait et elle avait les larmes aux
yeux.
— Ça ne lui fait pas mal, expliqua sèchement le docteur. Tu vois ce masque ?
C’est un système vidéo ultramoderne qui lui passe des films X pour le mettre
dans l’ambiance. Pour l’instant, il est en train de regarder une femme qui
caresse. Il est furieux parce qu’il sait qu’on essaie de lui prendre un échantillon,
rien de plus.
— C’est du viol, répondit Becca d’une voix rauque. Vous êtes tous à vomir.
L’autre femme s’approcha d’elle à grands pas et colla son visage au sien.
— Je vais t’expliquer ce qu’on fera à ton petit copain si tu ne collabores pas.
Je vais le droguer, l’attacher comme 919 et lui mettre le casque sur la tête.
J’aurai mes échantillons, d’une manière ou d’une autre. (Elle se tourna vers ses
hommes). Emmenez-la à l’Hybride félin et laissez-la réfléchir à tout ça le temps
qu’on termine avec 919. Je te conseille d’obéir si tu ne veux pas qu’il subisse le
même sort que celui-ci.
Le docteur Elsa retourna vers l’Hybride, se pencha et enclencha un bouton de
la machine. Le pauvre mâle poussa un nouveau rugissement enragé. La machine
se mit en marche et il s’agita de son mieux pour se libérer, mais les sangles
étaient trop bien fixées. L’horreur de ce qu’il était en train de subir était
indicible.
— Vous pourrirez tous en enfer ! cracha Becca en tentant de résister au garde
qui la traînait de force jusqu’à la porte. C’est vous, les animaux !
CHAPITRE 6
Becca suivait Randy sans réagir. Il avait toutefois placé ses deux sbires de
chaque côté d’elle au cas où elle aurait tenté de résister. Mais elle marchait
docilement, soulagée de retrouver Brute. Dès qu’ils entrèrent dans la pièce, ce
dernier se leva et la regarda fixement.
— Tu vas bien ? demanda-t-il, visiblement très énervé.
— Oui.
Ce n’était pas vrai du point de vue émotionnel, mais elle savait qu’il voulait
savoir si elle avait été malmenée physiquement.
Brute recula et s’adressa à Randy.
— Mettez-la avec moi. Je me retournerai et je ne bougerai pas.
— Tu rêves, mon chaton. Tu n’y as pas encore droit. Le docteur nous a dit de
la mettre avec 880. C’est lui qui la montera le premier. Et tu seras aux premières
loges, petit veinard.
Brute poussa un rugissement et se précipita sur les barreaux de sa cellule en
grognant comme un félin.
— Il ment ! cria Becca pour se faire entendre. Il se moque de toi. La femme a
dit qu’ils devaient me mettre avec toi.
Brute se calma aussitôt et recula, pantelant. Randy éclata de rire et assena une
frappe sonore sur les fesses de Becca.
— Tu m’as gâché tout mon plaisir, salope. (Il s’arrêta devant la cage de
Brute.) T’as intérêt à m’obéir au doigt et à l’œil, mon chaton. Sinon, c’est moi
qui monterai ta petite chérie en te forçant à regarder.
Brute fronça les sourcils, les yeux fixés sur Becca. Randy la regarda lui aussi
de la tête aux pieds.
— T’as très envie de lui, hein, chienne ? Tu aimes que le petit chaton te
prenne par-derrière ?
Becca ne répondit pas à cette provocation, car elle savait que cela ne servirait
à rien. Les hommes sortirent leurs pistolets anesthésiants et s’approchèrent de
l’arrière de la cage de Brute. Ce dernier se retourna pour suivre leurs
mouvements. Il saisit les barreaux entre ses mains et tourna le dos à la porte de
sa cellule.
— Je ne ferai rien. Inutile de m’anesthésier. Je ne bougerai pas.
Les trois hommes se regardèrent, indécis.
— S’il ment, vous tirez, finit par décider Randy. S’il tente quoi que ce soit,
c’est sa copine qui en paiera le prix.
Randy détacha les chaînes et ouvrit la porte. Becca, tendue, s’attendait à ce
que Brute bondisse, mais il n’en fit rien. Randy entrouvrit la porte, poussa la
jeune femme à l’intérieur, puis referma violemment derrière elle.
— C’est bon, déclara-t-il en reculant de quelques pas avant de lui sourire.
Amusez-vous bien.
Becca se retint de lui adresser un doigt d’honneur.
— Tu pourriras en enfer.
Randy lui répondit avec un clin d’œil.
— Si je crève, je vous emmènerai avec moi. N’oublie pas qui tire les ficelles
ici, d’accord ? C’est tout ce qui compte.
Une main s’abattit sur son épaule et elle sursauta. Elle tourna aussitôt la tête et
vit qu’il s’agissait de Brute, qui l’attira contre lui et l’éloigna des barreaux.
— Dans quelques heures, ta copine te fera ce que tu attends d’elle, dit Randy
en baissant la voix pour ne pas être entendu par la caméra. Tu te rappelles que tu
as été conditionné pour te méfier des humains ? C’en est une, ne l’oublie pas. (Il
se tourna vers Becca). Et toi, refuse d’obéir, juste pour me faire plaisir. J’ai très
envie de te voir souffrir. (Il passa le doigt sur sa joue bandée pour bien lui
montrer qu’il n’avait pas oublié que c’était à elle qu’il devait cette blessure, puis
tourna les talons.) Allons-y. C’est l’heure du petit déj.
Ils sortirent de la pièce, mais Becca ne s’en aperçut même pas. Elle dévorait
des yeux le beau visage de Brute, empreint de colère et d’inquiétude.
— Ne l’écoute pas. Il essaie simplement de semer le doute entre nous, dit-elle,
de peur qu’il croie les insinuations de Randy.
Elle pivota dans ses bras et posa les mains sur ses épaules, appuyant pour le
forcer à se baisser, puis tourna un peu la tête et avança les lèvres jusqu’à son
oreille.
— Tu crois qu’ils nous entendent ? murmura-t-elle.
Il frotta le nez contre sa joue.
— Pas si on parle bas.
— La bonne femme qui dirige le labo est complètement folle. Elle veut des
échantillons de sperme, qu’elle congèle pour les vendre à des ordures en Europe.
Ils ont attaché l’Hybride qui faisait les cent pas à une machine de torture qui…
(Incapable de continuer, elle frissonna et se serra contre son corps musclé.)
C’était horrible, mais je n’ai rien pu faire pour lui.
Brute se crispa et un grognement sourd résonna dans sa gorge. Becca recula la
tête pour le regarder dans les yeux, mais il refusa le contact oculaire et la reprit
contre lui.
— Qu’est-ce que tu as appris d’autre ?
— Elle est recherchée par la police, elle est coincée ici et elle a un besoin
désespéré d’argent. On lui a offert une fortune pour… euh… je ne sais même pas
comment le dire.
— Vas-y, n’aie pas peur. Il faut que je sache, insista-t-il en lui caressant le dos.
— Ils veulent ton sperme. Ils n’ont pas d’autre Hybride félin et on lui a offert
le triple de la somme habituelle si elle leur envoie ton sperme sans avoir recours
à un produit. Et ils veulent que je participe, conclut-elle en rougissant.
Ils tournèrent tous deux la tête et leurs visages se retrouvèrent à quelques
centimètres l’un de l’autre. Il ne semblait pas choqué, mais ses yeux brillaient
toujours de colère.
— Ils veulent que je leur donne du sperme sans avoir recours à leur drogue ?
— Oui, murmura-t-elle. Et, moi, je suis censée t’exciter.
Il ferma les yeux et rejeta la tête en arrière avec un soupir. La situation était
délicate, mais elle devait tout lui expliquer.
— Des chercheurs veulent trouver le moyen de prolonger la durée de vie du
sperme hybride, qui est très courte, pour ensuite l’inséminer dans des mères
porteuses humaines. Les bébés seraient ensuite vendus à des millionnaires
dérangés. J’imagine qu’un bébé hybride, même mixte, exciterait toutes les
convoitises, expliqua-t-elle, honteuse de devoir prononcer de telles paroles.
Il faut dire que vous sortez de l’ordinaire et que certaines personnes sont
complètement malades. Et, une fois qu’elle n’aura plus besoin de toi et des
autres, elle vous vendra. Un garde de Homeland travaille pour eux, c’est à cause
de lui qu’ils ont pu te suivre et t’enlever chez moi. Ils ont encore besoin de
kidnapper un Hybride primate pour avoir toute la gamme ADN, comme ils
disent, et pour la vendre à ses clients.
— Des collectionneurs d’espèces rares.
— Oui, ou de monstres en tout genre.
— Pourquoi as-tu crié tout à l’heure ? demanda-t-il en la reniflant et en
ouvrant les yeux. Ils t’ont fait mal ? (Il lui prit doucement le visage entre les
mains en évitant de lui toucher la joue.) Ils t’ont frappé.
— L’un d’entre eux m’a fait mal à la cuisse. Ils pensent qu’ils peuvent se
servir de moi pour te contrôler, parce que tu as rugi de colère la première fois
qu’ils m’ont touchée. Et j’en ai attaqué un autre pour essayer de libérer
l’Hybride. C’est pour ça que j’ai pris un coup.
Brute la prit dans ses bras, la souleva, et, à sa grande surprise, la porta jusqu’à
sa couchette, puis s’assit et l’installa sur ses genoux. D’une main, il releva sa
chemise de nuit pour dénuder ses cuisses.
Becca ne protesta pas, car elle savait qu’il voulait simplement voir l’étendue
de ses bleus. Il remit rapidement le vêtement en place et la regarda dans les
yeux. Le silence se prolongea pendant plusieurs secondes, puis il soupira et fixa
le regard sur ses lèvres.
— Il faut qu’on parle.
Eh merde !
— Je sais. Ils pensent qu’on couche déjà ensemble et je ne les ai pas
contredits. Ça me paraissait plus sage sur le coup, mais maintenant ils veulent
que je t’aide à… euh… leur donner du sperme. Tu aurais dû voir ce qu’ils ont
fait à ce pauvre type, se hâta-t-elle de continuer avant de perdre tout courage. Je
suis prête à tout faire plutôt que de te voir souffrir comme ça.
— Qu’est-ce qu’ils lui ont fait ?
Elle baissa la tête, incapable de le regarder dans les yeux tandis qu’elle
décrivait en marmonnant les machines et leur fonctionnement. Elle sentit son
bras se crisper autour de sa taille, mais il la laissa parler jusqu’au bout sans
l’interrompre.
— Regarde-moi, lui ordonna-t-il.
Elle obéit.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu sais ce qu’il faudra qu’on fasse si les secours ne nous retrouvent pas
avant qu’ils entament l’expérience. Je n’ai pas envie de subir ça, expliqua-t-il, la
mâchoire crispée. Et ce serait trop te demander, n’est-ce pas ?
Becca rougit et étudia à son tour la bouche de Brute. Elle était sensuelle,
charnue et tentante.
— Dans d’autres circonstances, j’aurais probablement été ravie de… euh…
Bref. Ce n’est pas franchement romantique, hein ?
— Becca.
— Je sais, reprit-elle en replongeant le regard dans ses yeux bleus. Ce n’était
pas très drôle.
— Je ne te forcerai pas à accepter. Tu n’as qu’à dire non et je me laisserai
faire, pour ne pas te mettre en danger si je leur résiste.
Elle hésita un instant, mais ne tarda pas à arriver à une décision.
— Tu m’attires depuis qu’on s’est rencontrés, et faire ce qu’ils veulent ne me
demanderait pas un gros effort. C’est juste que les circonstances sont vraiment
très désagréables. Je ne suis pas exhibitionniste, ce qui ne va pas arranger les
choses.
— Tu n’es pas quoi ?
Becca sourit, heureuse de cette interruption qui détendait un peu l’atmosphère.
— Un exhibitionniste est une personne qui aime faire des choses à caractère
sexuel devant d’autres gens. Ils trouvent ça plus excitant. (Elle tourna la tête vers
la caméra et toute sa bravoure s’évapora.) J’imagine qu’il y a aussi des caméras
dans le labo. J’étais tellement horrifiée par ce qui s’y déroulait que j’ai oublié de
regarder. Pourvu qu’ils ne gardent pas d’enregistrement… Si la vidéo finit sur un
site porno, mon père en ferait une attaque.
Il lui saisit le menton entre les doigts et fit pivoter son visage jusqu’à ce
qu’elle le regarde.
— Je te revaudrai ça. On va s’en sortir.
Il semblait très sincère et Becca était rassurée de savoir qu’ils affronteraient
ensemble ce que l’avenir leur réservait.
— Tu peux me faire confiance. Je déteste ces ordures.
Brute faisait de son mieux pour consoler la jeune femme, mais il bouillait de
colère. Malgré son courage de façade, il voyait bien que Becca tremblait de peur.
Il repensait à tout ce qu’il lui avait raconté, notamment aux raisons pour
lesquelles il refusait de coucher avec une humaine. Il avait voulu être franc, mais
cela ne ferait qu’empirer les choses.
— S’il doit y avoir des contacts physiques entre nous, je ne te ferai pas mal,
jura-t-il. J’ai confiance en toi.
Elle se détendit un peu sur ses genoux et cela l’encouragea à continuer.
— Nous formons une équipe et ce sont nos ennemis.
Becca lui sourit, ce qui le rassura. Le garde avait essayé de semer la zizanie
entre eux en lui rappelant qu’il devait se méfier des humains, mais Brute refusait
de tomber dans le panneau. Tim Oberto était tenu en haute estime par Justice, le
leader des Hybrides.
Brute ne savait pas qui les avait trahis, mais il était persuadé que Becca
n’avait rien à voir là-dedans. Ses yeux étaient très expressifs et il devinait qu’elle
devait très mal mentir. À cause des liens que son père entretenait avec les
Hybrides, elle était, tout comme lui, une victime de ce cauchemar, et Tim
n’aurait pas volontairement mis sa fille unique en danger.
Les marques qui ornaient le corps de la jeune femme et la gêne qu’elle avait
éprouvée en lui expliquant tout cela lui donnaient envie de tuer quelqu’un. Il
n’était d’ailleurs pas surpris par ses révélations. Les gens de Mercile
considéraient les Hybrides comme des objets, des produits qu’ils pouvaient
acheter ou vendre à leur guise, et il regrettait qu’elle doive subir bien pire dans
peu de temps. Elle avait fait preuve de courage et d’humanité en tentant de
sauver le prisonnier, mais elle aurait pu récolter bien plus qu’un coup sur la joue.
Il hésitait à lui avouer la véritable raison pour laquelle il ne voulait pas se
retrouver attaché à la machine d’extraction de sperme. Il était prêt à tout endurer
pour lui épargner de participer à l’opération, mais il craignait que leurs
ravisseurs la tuent si elle ne leur était d’aucune utilité. Un plan commençait à
prendre forme dans sa tête. Ce qu’il fallait à Becca, c’était de l’espoir et la
certitude qu’il ne lui ferait aucun mal.
— J’ai un mouchard sur moi, ils nous retrouveront, expliqua-t-il en
s’abstenant de dire qu’ils les soupçonnaient de bloquer le signal, ce qui
empêcherait les secours de les localiser.
Elle releva vivement la tête et le regarda, les lèvres entrouvertes, sans parvenir
à dire un mot. Brute lui prit la main et la guida jusqu’à la poche de son pantalon,
pour qu’elle sente la pièce à travers le tissu.
— On en a toujours une sur nous quand on quitte Homeland ou la Réserve, en
cas d’enlèvement, murmura-t-il. Ils nous retrouveront, Becca. Accroche-toi.
Les larmes aux yeux, elle passa le bras autour de son cou et se pelotonna
contre lui.
— Tu ne peux pas savoir combien ça me fait plaisir d’entendre ça, répondit-
elle. Je commençais vraiment à paniquer. Si seulement tu me l’avais dit plus
tôt… Ils arriveront peut-être à temps.
Il serra son corps docile contre lui, inspira son odeur et se dit qu’un contact
sexuel n’aurait rien de désagréable. Il en était presque à espérer que les secours
n’arrivent pas. Elle avait proposé de le toucher et cette simple idée le mettait en
érection. Heureusement, son sexe était coincé entre ses cuisses et elle ne sentirait
pas son excitation.
Mais, très vite, il eut honte de lui. Le désir qu’il éprouvait pour elle était plus
fort que l’angoisse de leur situation, qui lui donnait une excuse pour la tenir dans
ses bras. Si l’équipe d’intervention n’arrivait pas rapidement, il n’aurait d’autre
choix que d’aller encore plus loin avec elle.
Lorsqu’il l’avait raccompagnée jusqu’à sa chambre la nuit précédente, il
n’avait pas réussi à s’endormir. Après l’avoir tenue dans ses bras, et surtout
après l’avoir entendue lui avouer qu’elle le trouvait attirant, il en était venu à se
demander ce qui se serait passé si elle lui avait fait les mêmes confidences à
jeun.
Mais, au fond de lui, il savait que ce serait une mauvaise idée. Il avait accepté
cette mission pour aider les Hybrides, pas pour dresser Tim Oberto contre lui. De
toute évidence, ce dernier ne voulait pas que sa fille fraie avec un Hybride. Il le
savait d’autant mieux qu’il avait surpris la conversation qu’ils avaient eue dans
sa chambre, malgré la porte fermée. Tim pensait qu’il représentait un danger
pour Becca, qu’il l’agresserait si elle flirtait avec lui et qu’il finirait par lui faire
mal.
— Tout va bien se passer, dit-il sans vraiment y croire.
Les problèmes potentiels étaient légion, mais il garda ses doutes pour lui. Il
inspecta le plafond à la recherche d’explosifs, puis renifla. Il ne sentait aucune
odeur caractéristique, mais cela ne voulait rien dire. Si les secours prenaient le
bâtiment d’assaut, leurs ravisseurs tenteraient peut-être de tout faire sauter.
— Je suis sûre que mon père nous retrouvera, murmura Becca en le serrant un
peu plus fort.
Brute sentit tous ses instincts protecteurs s’éveiller. Becca avait besoin qu’il
soit fort et elle n’avait pas l’habitude d’être à la merci d’autres personnes. Il
ferait de son mieux, mais il ne pouvait pas se voiler la face. Les gardes pouvaient
l’endormir grâce à leurs pistolets anesthésiants, puis emmener Becca pour lui
faire subir les pires outrages. Pour qu’elle n’ait rien à craindre, il devait faire en
sorte qu’elle leur devienne indispensable. Ils avaient besoin d’elle pour qu’elle
l’aide à leur donner du sperme, et il leur en donnerait autant que nécessaire pour
qu’il n’arrive rien à la jeune femme.
Son pénis durcit encore un peu plus et il étouffa un grognement. Tu deviens
aussi pervers qu’eux. Si Becca se rendait compte de son excitation, ou si elle
pouvait lire dans ses pensées, elle serait horrifiée. Il avait lu les rapports sur les
humains qui avaient enlevé la compagne de Vaillant pour la forcer à copuler
avec un autre Hybride. Obligeraient-ils Becca à faire de même avec lui ?
L’idée qu’il la monterait peut-être l’excita encore plus. L’image de son
derrière, penché devant lui à côté du lit de sa chambre, lui apparut soudain et il
dut faire un gros effort pour museler ses désirs. Le stress faisait ressortir son côté
animal.
— Tu vas bien ? Tu as encore mal aux endroits des piqûres ?
C’était à l’entrejambe qu’il avait mal, pas aux cuisses, mais il fit « non » de la
tête.
— Ça va. Je me remets vite.
— Tant mieux.
Elle tapota son torse nu et il ferma les yeux. De toute évidence, il n’aurait
aucun mal à produire du sperme si elle l’y aidait. Il se rappela alors qu’il avait
envie qu’elle se sente à l’aise avec lui. Et pour cela il décida d’utiliser une
méthode dont il n’était pas très fier.
— Becca ?
— Oui ?
— Regarde-moi. (Il recula un peu pour mieux la voir. Elle était belle malgré
ses cheveux qui tombaient en bataille sur ses épaules.) Ils te demanderont
probablement de me toucher.
Elle rougit et écarquilla les yeux.
— Je m’en doute.
— Je veux que tu sois à l’aise avec moi. La situation risque d’être stressante.
Je ne sais pas s’ils nous traiteront comme ils le faisaient dans les anciens labos.
Quand ils voulaient qu’on copule, ils nous enfermaient seuls dans une pièce
équipée d’une caméra.
— Super.
Brute haussa un sourcil.
— C’est du sarcasme, expliqua-t-elle. La réaction des gens qui essaient de
cacher leur peur.
Il sourit.
— Je vois. Je ne te ferai aucun mal s’ils ne m’attachent pas, mais j’ignore s’ils
le feront ou pas.
— Ils ont attaché 919.
— Je sais. Tu m’as décrit tout ce qu’ils lui ont fait.
— Oui, je sais. (Elle se lécha les lèvres.) J’ai confiance en toi. Sincèrement. Je
sais que je n’ai rien à craindre avec toi, donc inutile de le répéter chaque fois.
— Tant mieux. Je préfère être franc avec toi pour atténuer l’horreur de ce que
risque de se passer.
Becca cligna des yeux et attendit qu’il continue.
— J’ai entendu dire qu’un jour on a ordonné à une technicienne de prendre du
sperme à un mâle. Elle l’a… euh… manipulé avec les mains pour parvenir à ses
fins. C’est peut-être ce qu’ils te demanderont de faire.
Becca rougit encore plus.
— J’en étais arrivée à la même conclusion, à moins qu’ils préfèrent te mettre
sur la machine avec les lunettes et qu’ils me demandent de faire je ne sais quoi
pour t’exciter.
L’érection de Brute se manifesta plus violemment que jamais et il dut faire un
effort de volonté pour rester immobile.
— Ils pensent qu’on couche déjà ensemble, mais j’ai peur que tu sois en
danger s’ils apprennent la vérité.
— D’accord. Tu penses que c’est si important que ça ?
— C’est possible. Ils comptent se servir de toi pour me contrôler, comme tu
me l’as déjà dit. Tant qu’ils continuent de croire que tu es ma femelle et que je
leur obéis, ils ne te feront rien. Je veux juste que tu sois aussi à l’aise que
possible avec mon corps. Je ne vois qu’un seul moyen d’y arriver, mais j’ai peur
qu’il ne te plaise pas trop.
— Comment ça ?
Brute prit une grande inspiration.
— Le mieux, ce serait que tu m’embrasses et que tu t’habitues à mon corps
pendant qu’on est seuls, avant qu’ils nous emmènent je ne sais où.
Becca prit quelques secondes pour digérer cette suggestion et avala sa salive.
L’embrasser ? Eh merde ! Les yeux écarquillés, elle regarda sa bouche. Cette
suggestion semblait raisonnable et elle se demandait comment ce serait.
— Je ne suis pas très entreprenante, avoua-t-elle. Embrasse-moi, toi. Je ne
saurais même pas par où commencer.
Cette réponse le surprit.
— Tu n’as pas d’expérience en matière de relations sexuelles ?
Becca aurait souhaité pouvoir disparaître dans un petit trou de souris.
— Euh… si, j’ai couché avec quelques types, mais je n’ai jamais fait le
premier pas.
— Je comprends, mais c’est surprenant. Vos mâles semblent si dociles que je
pensais que c’étaient les femelles qui prenaient les choses en main.
— C’est juste un baiser, hein ?
— Oui, répondit-il en inspirant à fond. Ferme les yeux et concentre-toi sur
moi. Imagine que nous sommes seuls dans ta chambre ou dans la mienne. Tu es
nerveuse, il faut que tu te détendes.
Il la prit par la taille et l’attira plus fermement contre lui, puis baissa la tête et
frotta la joue contre la sienne.
Becca savait que son hésitation était flagrante, mais Brute lui prit le visage
entre les mains.
— Ne pense à rien d’autre qu’à moi, ordonna-t-il. Il n’y a plus que nous. Tu te
rappelles hier, quand on s’est rencontrés ?
Becca hocha la tête, soulagée de ce changement de sujet. Brute lui sourit.
— Tu aimes mes yeux. Tu n’as jamais rencontré quelqu’un comme moi,
continua-t-il en lui caressant les joues. Et, toi, tu es étrangement attirante malgré
ta drôle de frimousse.
— J’ai une drôle de frimousse ?
— Ton petit nez pointu. Ta petite bouche. Tes minuscules oreilles. (À mesure
qu’il décrivait ces détails, il passait le pouce dessus tout en se penchant
lentement vers elle.) Embrasse-moi.
Elle se détendit, se concentra uniquement sur lui et admit qu’il avait en effet
des yeux époustouflants, d’un bleu limpide et d’une forme inattendue. Elle
voyait des tourbillons jaunes se mêler au bleu. Sa trépidation s’effaça et elle
ferma les yeux à mesure qu’il approchait.
Elle sentit ses lèvres frôler les siennes avec une douceur et une chaleur
inattendues. Comment un homme aussi effrayant pouvait-il se montrer aussi
tendre ? Il inséra sa langue dans sa bouche et Becca lui agrippa les épaules pour
ne pas tomber.
Mais, rapidement, la tendresse fit place à une passion débridée. Elle ferma de
nouveau les yeux et laissa tomber la tête en arrière pour s’ouvrir encore plus à
lui et oublier tout ce qui n’était pas Brute.
Ce baiser avait la puissance d’une électrocution. Jamais personne ne lui avait
fait un tel effet. Brute était passionné et se donnait à cent pour cent. Elle passa
les mains sur son large torse et lui caressa le ventre. Soudain, un ronronnement
se mit à vibrer entre eux. Becca sursauta, surprise, et Brute lui sourit.
— Je fais des bruits. Désolé. Essaie de ne pas y prêter attention. C’est
involontaire.
Il lui reprit le visage entre les mains et la dévora des yeux. Une fois de plus,
elle se retrouva hypnotisée par la beauté de ses pupilles. Elle savait qu’il allait
l’embrasser de nouveau. Mieux encore, elle l’attendait. Il exerçait un effet
incroyable sur elle. Il faisait apparaître des papillons dans son estomac et sa
bouche parvenait à lui faire oublier qu’elle se trouvait dans une cage, à la merci
de monstres pervers.
Il n’y avait que Brute, la chaleur de ses lèvres, la douceur de sa peau sous ses
doigts. Il la prit par les hanches, la fit pivoter pour la placer en face de lui et
changea de position en dessous d’elle. Becca écarta les cuisses et sentit aussitôt
une bosse rigide dont l’identité ne prêtait pas à confusion et qui lui indiquait
qu’il était tout aussi excité qu’elle.
Becca gémit et lui griffa les abdominaux pour l’attirer encore plus contre elle.
Mais, comme sa position l’en empêchait, elle posa un pied par terre et se rassit à
califourchon sur ses cuisses.
Il lui saisit aussitôt les fesses pour la plaquer contre lui et elle sentit son sexe
frotter sur son clitoris à travers leurs couches de vêtements. Becca sentait ses
seins palpiter douloureusement. Elle n’avait qu’une seule envie : ôter sa chemise
de nuit et frotter ses tétons contre sa peau.
Pendant ce temps, Brute lui pétrissait les fesses, enfonçant les doigts dans sa
chair moelleuse. Il la souleva pour ajuster l’angle de son pénis et le placer entre
les plis de son vagin. Becca pressa les ongles contre sa peau, excitée par la
chaleur qui pénétrait le mince voile de sa chemise de nuit. C’était une fine
barrière, mais elle détestait la sentir entre eux.
Elle l’encouragea à continuer en balançant les hanches. Avec un nouveau
gémissement, elle passa les mains dans ses cheveux pour accentuer leur baiser.
Brute la plaqua encore plus fermement contre lui et commença à bouger au
même rythme qu’elle. Son sexe était désormais tendu à se rompre, ce qui ne
faisait qu’amplifier le plaisir de Becca, qui était proche de l’orgasme. Son
clitoris était enflé jusqu’à en être douloureux. Elle voulait qu’il bouge plus vite,
qu’il la pousse jusqu’aux portes de l’extase.
Soudain, Brute détourna la tête, pantelant, et plaqua son visage contre sa
gorge.
— Il faut qu’on arrête, grogna-t-il.
Petit à petit, Becca comprit ce qu’elle venait de faire. Sans leurs vêtements, il
l’aurait pénétrée. Elle le savait aussi bien que lui. Ils s’étaient excités comme
deux adolescents en chaleur, dans le pire endroit et au pire moment possible.
Elle tourna la tête contre sa joue, ôta les mains de ses cheveux et lui enlaça le
cou en faisant de son mieux pour réguler sa respiration haletante. Elle avait très
envie de lui demander de continuer, mais la présence des caméras au plafond
doucha ses ardeurs. Elle resta accrochée à lui, le corps dévoré par les flammes.
Brute inspira fort et lui lécha la gorge de sa langue chaude et humide.
— Tu sens bon et tu as bon goût. Je meurs d’envie de te déshabiller pour
t’explorer avec les mains, le nez et la langue. Je te lécherais partout jusqu’à ce
que tu gémisses mon nom.
— Tu n’arranges rien, dit-elle d’une voix tremblante. Moi aussi, je te veux.
— Tu veux qu’on se calme ou que je te lèche ?
— Lèche-moi.
Il poussa un grognement gourmand, qui aurait effrayé la jeune femme en
d’autres circonstances. Brute glissa une main entre eux et posa les doigts sur sa
culotte.
— Accroche-toi à moi et recule un peu, lui ordonna-t-il.
Elle obéit et gigota pendant quelques secondes pour donner un peu de place à
sa main. Elle l’imagina soudain en train d’écarter sa culotte, de baisser son
propre pantalon et de la prendre sauvagement. Elle n’avait pas oublié ce qu’il lui
avait dit sur la taille de son sexe, mais, pour l’instant, cela n’avait aucune
importance. Elle avait entendu dire que d’autres humaines étaient déjà en couple
avec des Hybrides. Cela voulait dire que les rapports sexuels étaient possibles.
Mais, dans son état d’excitation actuel, elle n’y aurait même pas réfléchi.
De ses doigts agiles, Brute écarta le tissu et poussa un nouveau grognement en
sentant à quel point elle était humide, ce qui, en temps normal, aurait empli
Becca de honte. Mais, lorsqu’il localisa son clitoris du bout du doigt, plus rien
d’autre ne compta. Elle appuya le visage contre son torse musclé, inspira son
odeur masculine et poussa un petit gémissement de plaisir étouffé.
— Tout doux. Je te tiens, dit-il en serrant le bras autour de sa taille pour la
maintenir en place tandis qu’il la titillait du bout du doigt. Laisse-toi aller.
Si elle l’avait pu, elle aurait éclaté de rire. Il n’y avait plus que lui et rien
d’autre et, vu comme il l’immobilisait, elle ne pouvait rien faire à part attendre
impatiemment l’orgasme.
Il entama un mouvement circulaire, puis fit pivoter sa main pour lui caresser
l’ouverture du vagin avec le pouce. Becca, qui se rappelait vaguement qu’elle ne
devait pas faire de bruit, mais sans se rappeler pourquoi, colla encore plus le
visage contre sa poitrine, puis le mordit en sentant son doigt épais la pénétrer.
Brute grogna et enfonça le doigt encore plus loin tout en continuant à lui caresser
le clitoris. Il colla la tête contre celle de la jeune femme, qui entendit un doux
ronronnement résonner dans son oreille.
L’orgasme arriva vite, la submergeant en vagues violentes. Soudain, la main
qui lui maintenait le dos disparut pour se rematérialiser derrière sa tête. Brute la
plaqua fermement contre son torse, au risque de la faire suffoquer, pour étouffer
le cri qu’elle poussa. Mais Becca se moquait de recevoir ou pas de l’oxygène.
Elle était trop submergée par l’extase.
Brute retira son pouce et relâcha la pression qu’il exerçait sur la tête de la
jeune femme. Cette dernière, vidée de ses forces, vacilla un peu sur ses genoux,
mais il la reprit par la taille et elle leva le menton pour le regarder, émerveillée.
Brute lécha son pouce pour la goûter. Ce geste étonna Becca, mais l’excita
également. Sans la lâcher des yeux, il poussa un grognement. Le désir et la
passion sauvage qu’il éprouvait transformaient ses yeux. Il semblait vouloir la
manger toute crue, dans le meilleur sens possible.
Il retira lentement son pouce de ses lèvres et lui montra les dents. Soudain, il
leva les mains bien haut, comme si on le menaçait d’une arme.
— Éloigne-toi de moi, grogna-t-il.
Terrorisée par le ton de sa voix, Becca se releva précipitamment et recula en
titubant jusqu’à ce que son dos heurte les barreaux. Elle éprouvait un sentiment
de rejet bien plus douloureux que les coups qu’elle avait reçus un peu plus tôt.
Brute se redressa d’un bond, manquant de renverser la couchette dans sa hâte,
puis se réfugia dans le coin le plus éloigné de la cage pour laisser le plus
d’espace possible entre eux. Il lui tourna alors le dos, agrippa les barreaux et
rejeta la tête en arrière pour pousser un rugissement de colère.
CHAPITRE 7
Becca fut réveillée en sursaut par un bruit de pas résonnant dans la pièce. Elle
s’était endormie dans le coin de la cage, recroquevillée sur elle-même, en
regardant Brute qui essayait de se calmer en lui tournant le dos, mais elle avait
rapidement cédé à l’épuisement. Elle vit alors qu’elle se trouvait sur la
couchette, emmitouflée dans une couverture.
Brute était à côté d’elle et regardait en direction du bruit. Becca tourna la tête
et vit qu’il s’agissait de Randy et de ses acolytes. Terrifiée, elle comprit que son
heure était venue. En effet, 919 était de retour dans sa cage. Il était allongé sur sa
couchette, endormi ou drogué, car il ne bougeait pas.
— Becca ? murmura Brute. Il faut qu’on survive, souviens-toi. Fais ce qu’ils
te demandent.
Elle leva les yeux vers lui, mais il garda le regard fixé sur les quatre hommes,
qui s’arrêtèrent devant la porte de leur cage. Ils sortirent ensuite leurs Taser et
vérifièrent leur bon fonctionnement.
— C’est l’heure, dit Randy en lançant un regard noir à Brute. Au premier
mouvement suspect, on vous allume, toi et ta copine. On a modifié nos armes en
débridant la tension. Tu sais ce que ça signifie ? Elle n’y survivra pas. Si tu
résistes, c’est elle qui en paiera le prix.
— Ça ne me plaît pas, protesta Dean. On n’a qu’à l’endormir tout de suite,
comme les autres, et l’attacher avant qu’il se réveille. C’est trop dangereux
d’ouvrir la porte et de le laisser en liberté.
— C’est le docteur Elsa qui donne les ordres, répliqua Randy, même s’il ne
semblait pas plus emballé que son collègue. La force ne doit être utilisée qu’en
dernier recours. Elle pense que ça risque de le mettre de mauvais poil.
— Fait chier, maugréa Ray. Si la doc est persuadée qu’il se tiendra tranquille,
elle a qu’à venir le chercher elle-même ! Moi, je pense qu’il va essayer de nous
tuer. Il est pas assez malin pour comprendre.
Randy fit un pas vers la cage et haussa les sourcils.
— Vous vous êtes disputés ? On dirait qu’elle t’a mordu.
— Non, répondit Brute en attrapant Becca par la hanche pour la placer
derrière lui. J’obéirai. Ne lui faites pas de mal. Je sais que vous êtes prêts à la
tuer si je mens. (Il tourna la tête vers Ray.) Et je ne suis pas idiot.
— C’est n’importe quoi, intervint le quatrième homme. Dès qu’on ouvrira la
porte, il nous sautera à la gorge. J’ai déjà perdu trois types dans ce genre de
situation. Ils sont super rapides, et vous avez vu ses ongles ? Ils sont plus durs
que les nôtres, ils peuvent nous percer la peau.
— Je sais, répondit Randy. Mais on a nos ordres. Si tu fais quoi que ce soit qui
nous paraît menaçant, ta copine y passe.
— Je ne ferai rien, répéta Brute. Je la porterai moi-même. Si j’ai les bras
occupés, je ne peux pas me battre. Ça vous rassurerait ?
Les hommes échangèrent des regards surpris et Randy hocha la tête.
— OK, ça marche. Porte-la avec les deux bras, assez haut pour qu’elle se
fracture le crâne sur le béton si tu la lâches.
Brute se tourna vers Becca, qui le regardait avec inquiétude. Elle l’avait
fâchée, même si elle ne savait pas comment, et il proposait pourtant de faire
preuve de docilité pour assurer sa sécurité. Il plia les genoux et écarta les bras.
— Passe les bras autour de mon cou.
— Je suis désolée, s’excusa-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.
— De quoi ? Rien de tout ça n’est ta faute. Fais ce qu’ils disent et ils n’auront
aucune raison de te faire mal. Je ne résisterai pas. Ta sécurité passe avant tout.
— Qu’est-ce que tu lui racontes ? demanda Randy, énervé. Allez, assez perdu
de temps.
Brute tourna la tête vers lui.
— Elle a peur, grogna-t-il avant de reporter son attention sur Becca.
Accroche-toi. Ce n’est pas à toi que j’en voulais, mais à moi-même. On en
discutera plus tard.
Becca s’agrippa à son cou tandis qu’il lui passait un bras autour de la taille et
l’autre sous les genoux pour la soulever, en prenant bien soin de ne pas
retrousser sa chemise de nuit pour préserver sa pudeur. Il se tourna ensuite vers
les quatre hommes et les observa, les yeux plissés.
— J’avancerai lentement. Je peux y aller ?
Randy adressa un signe de tête à Randy, qui dénoua nerveusement les chaînes
et ouvrit la porte de la cage. Becca était heureuse de voir à quel point Brute
terrorisait ces ordures. Il était grand, puissant et intimidant. Si elle n’était pas là,
il n’aurait probablement aucun mal à les dominer.
— Sors, ordonna Randy. Tout doucement, mon chaton. (Il leva son arme et la
pointa sur Becca.) C’est elle qui morflera en premier.
— Je ne mettrai pas sa vie en danger.
Brute sortit lentement de la cage, sans la moindre précipitation. Becca,
surprise et inquiète, constata qu’on les menait dans une pièce différente de celle
où elle avait assisté à l’expérience sur 919. Celle-ci était équipée d’une couchette
métallique, d’une table et d’une caméra fixée dans un coin. La porte se referma
derrière eux et les quatre hommes gardèrent leurs armes pointées sur Brute et
elle.
— Pose-la et avance vers la couchette, ordonna Randy.
Brute hésita.
— Inutile de m’enchaîner. Je vous ai dit que je ne résisterais pas.
— Fais ce que je te dis et arrête de discuter. Déshabille-toi, allonge-toi sur le
dos et laisse-toi faire, compris ?
Brute reposa Becca et se dirigea vers la longue couchette métallique, orné
d’une grille faisant office de tête de lit et d’une barre à l’autre bout. Voyant la
grimace qui déformait ses traits, Becca détourna les yeux pour lui épargner son
propre regard. Ray se précipita vers elle et pointa son arme sur son visage tandis
que Randy surveillait les moindres mouvements de Brute. Leurs deux collègues
posèrent leurs Taser près de la porte et sortirent de son champ de vision pour
suivre l’Hybride.
Elle entendit le glissement du tissu de son pantalon, puis les grincements de la
couchette pliant sous son poids, suivis d’un cliquètement de chaînes. Randy
baissa son arme et s’approcha d’elle.
— Voilà ce que tu vas faire. Tu m’écoutes ?
— Oui, répondit-elle, le regard noir.
Il se retourna, se dirigea vers la table, sur laquelle étaient posés divers
accessoires, et y prit un tube et un gobelet de prélèvement.
— Du lubrifiant et un petit récipient avec un couvercle. Tu as besoin d’un
dessin ? demanda-t-il avec un sourire malfaisant. Dès qu’il aura craché la purée,
tu cours jusqu’à la porte. Ray l’ouvrira et tu lui donneras l’échantillon. Dean sera
derrière lui, avec l’ordre de t’abattre si tu tentes quoi que ce soit. (Il leva les yeux
vers la caméra avant de lui adresser un regard d’avertissement.) Je surveillerai
tout ce que tu feras. N’essaie pas de le détacher et ne t’avise pas de traîner une
fois que tu auras le sperme. Le docteur veut huit échantillons pour cette fois.
— Huit ? répéta-t-elle en écarquillant les yeux.
— Oui. Ça te pose un problème ?
— À moi, non, mais à lui, par contre…, répondit-elle en rougissant. Enfin, je
veux dire, ça fait beaucoup.
— Pas pour eux, dit Randy en se tournant vers Brute. Tu te retiens avec elle,
on dirait ? C’est un mauvais coup, ou quoi ?
— C’est une humaine, répliqua Brute. Pas une Hybride.
Randy éclata de rire.
— C’est-y pas mignon, les gars ? (Il s’approcha encore de Becca.) Ton copain
a beau être un petit minou, il baise comme un chien en chaleur. L’odeur d’une
femme volontaire ou les caresses suffisent à le garder en érection pendant des
heures. Laisse-lui vingt secondes pour se remettre, et tu pourras recommencer à
le branler ou à le sucer. (Il lui tendit le gobelet et le tube.) Mais ne le laisse pas
jouir dans ta bouche. La salive rend le sperme inutilisable. Et ne crache pas dans
le gobelet.
Becca, le visage fermé, prit ce qu’il lui donnait, espérant plus que jamais que
son père lui prêterait son arme lorsqu’il arriverait. Elle ne rêvait que d’une
nouvelle chance de tirer sur Randy. Et, cette fois-ci, elle ne le manquerait pas.
— Rien d’autre ?
Il l’étudia de la tête aux pieds.
— Si. Une fois que tu auras fini avec lui, tu pourrais venir me donner un petit
coup de main. (Il éclata de rire et se dirigea vers la porte.) Dépêche-toi si tu veux
qu’on te donne à manger et si tu veux lui éviter la machine. Tu as deux heures.
Les quatre hommes sortirent et Becca resta immobile, le dos à la couchette.
Brute était enchaîné, nu. Elle regarda les objets qu’elle tenait dans les mains,
puis la table, où elle vit d’autres gobelets, et ferma les yeux. Cela allait être dur.
— Becca ? l’appela Brute d’une voix douce. Tout va bien. Je suis immobilisé
et je ne pourrai pas te faire de mal.
— Ce n’est pas vraiment ce qui m’inquiète, répondit-il, les yeux toujours
fermés.
— Ne t’en fais pas. C’est moi qui me sens coupable.
Cette réponse la surprit tant qu’elle faillit se retourner.
— Pourquoi ? Ce n’est pas toi qui nous as enlevés.
Il hésita.
— Ce sera beaucoup plus agréable pour moi que pour toi. Je te revaudrai ça,
je te le promets.
Becca inspira à fond.
— Pourquoi tu étais fâché tout à l’heure ? (En effet, elle ne comprenait pas la
violence de sa réaction après ce qu’ils avaient fait.) C’est ma faute ? Je t’ai fait
mal ? Je ne voulais pas te mordre.
— Je te désirais, mais je ne me contrôlais plus assez pour prendre ce risque,
répondit-il avec franchise.
Elle se retourna vers lui, sachant qu’il allait bien lui falloir ouvrir les yeux tôt
ou tard.
— J’ai l’impression que je vais te violer.
— Becca, regarde-moi.
Elle obéit et le spectacle qu’elle découvrit se grava à jamais dans sa mémoire.
Brute était allongé sur la couchette, entièrement nu, le pénis dressé, épais et
rigide. Ses yeux s’y attardèrent un long moment avant qu’elle les ramène à son
visage. Brute la regardait avec calme.
— Dans cette position, je ne peux rien te faire. Et je veux que tu me touches,
même si je n’en suis pas fier. Tu crois que ça fait de moi un pervers ?
Elle fit un pas vers lui sans même s’en apercevoir.
— Non.
— Je suis excité, mais pas toi. Je sais que c’est traumatisant pour toi, mais j’ai
vraiment très envie de sentir tes mains sur moi.
Il détourna les yeux, les fixa sur le plafond et crispa les lèvres. Becca se
sentait déjà moins mal à l’aise. Il l’avait poussée jusqu’à l’orgasme. Cela avait
été incroyable et elle voulait lui rendre la pareille. La présence de la caméra la
contrariait, mais elle se rendit compte qu’elle pouvait presque tout cacher en
s’asseyant sur le rebord de la couchette, à côté de sa hanche.
Elle carra les épaules.
— On forme une équipe. Et on va s’en sortir ensemble.
Surpris, il la regarda s’asseoir à côté de lui. Comme elle n’avait pas beaucoup
de place, elle ouvrit le récipient, le coinça entre ses cuisses, puis étala une
noisette de lubrifiant sur ses doigts. Mais, malgré sa résolution apparente, elle ne
pouvait se résoudre à le regarder dans les yeux.
— Tu es prêt ?
— Oui, répondit-il en tendant les muscles de son ventre. Je suis désolé, Becca.
Elle leva enfin les yeux.
— Il n’y a pas de quoi. Préviens-moi juste avant de… enfin, tu vois.
Il hocha la tête.
— Tu préfères quoi ? demanda-t-elle, nerveuse, en se souvenant de ne pas
élever la voix pour leur assurer un semblant d’intimité.
C’était peut-être le moment le plus gênant de toute sa vie sexuelle. Ils ne
s’embrassaient pas et ils n’étaient l’un comme l’autre que trop conscients de leur
environnement. La pièce était froide, stérile, son partenaire était attaché à un lit
et un pervers les observait depuis la pièce voisine.
— Vite ? Lentement ? Je devrais le savoir, si on est en couple.
Elle tendit la main vers son sexe, mais hésita et s’arrêta à quelques
centimètres.
— Comme tu veux, répondit-il d’une voix rauque.
— Tu es sûre que je peux faire ça ? Enfin je veux dire… tu comprends.
— Oui. N’oublie pas que j’émets des bruits. Ils ressemblent parfois à des
grognements de colère, mais c’est normal. Tu ne me feras pas mal et j’ai hâte
que tu me touches.
Becca regarda son pénis. Il était épais, parfaitement ciselé, presque beau,
même. Elle faillit sourire en pensant qu’elle n’aurait jamais cru donner ce
qualificatif à un sexe masculin. Elle le caressa du bout des doigts, explorant la
peau fine qui enveloppait son érection rigide comme de la pierre. Un
ronronnement sonore résonna dans toute la pièce et Becca releva la tête vers le
visage de Brute.
Il avait fermé les yeux, peut-être pour ne pas la mettre mal à l’aise, et il se
mordit la lèvre inférieure. Il était sexy en diable et le voir ainsi enchaîné à sa
couchette éveillait chez la jeune femme des pulsions inavouables. Si seulement
ils se trouvaient chez elle, seuls et sans chaînes…
Il ajusta sa position en sentant Becca prendre son gland entre les doigts de son
autre main. Elle commença à le caresser doucement, de haut en bas. Brute
respirait de plus en plus vite. Fascinée, elle regarda ses muscles onduler à
mesure qu’il bougeait les hanches à son rythme. Une fine pellicule de sueur
apparut sur son torse et ses ronronnements se firent de plus en plus profonds.
Jamais elle n’avait rien connu d’aussi érotique.
— J’y suis presque, grogna-t-il.
Elle lâcha une main et saisit le gobelet. Comment donc était-elle censée faire ?
Brute crispa les pieds contre la barre de son lit et souleva les hanches. Dans le
même temps, elle abaissa son pénis jusqu’à ce qu’il touche presque son ventre,
en direction du gobelet, qui recueillit les premières giclées de sperme.
Il poussa un grognement puissant, tremblant sous l’impact de son orgasme.
Presque hypnotisée par ce spectacle, elle dut se rappeler à l’ordre pour ne pas
lâcher le gobelet. Ses gémissements lui faisaient durcir les tétons. Le corps de
Brute frissonnait à chaque caresse tandis qu’elle l’essorait jusqu’à la dernière
goutte. Enfin, elle le lâcha et il se détendit, haletant.
Becca posa le couvercle sur le gobelet, se leva tant bien que mal et, les jambes
vacillantes, se dirigea vers la porte. Cette dernière s’ouvrit et Ray lui tendit une
main gantée. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, puis se ravisa. Sans un
mot, il prit le verre et referma la porte derrière lui. Aussitôt, Becca retourna
auprès de Brute, non sans avoir pris un nouveau récipient au passage.
Les yeux fermés, Brute était en train de reprendre son souffle. Becca s’essuya
les mains sur la couverture, puis lui caressa le torse.
— Tu vas bien ?
Il lui sourit et ouvrit les yeux, qui étaient encore plus incroyables qu’à
l’habitude. Le jaune se mêlait au bleu pour leur donner une teinte dorée à couper
le souffle.
— J’adore la douceur de tes mains.
— Tant mieux, répondit-elle sans chercher à retenir ses larmes.
Aussitôt, il se figea, inquiet.
— Je suis désolé, Becca.
— De quoi ?
— De t’avoir entraînée là-dedans. Si tu es là, c’est uniquement parce que je
me suis installé chez toi. Je n’aurais jamais dû quitter Homeland. On n’en serait
pas là si j’étais resté à ma place.
Becca se pencha au-dessus de lui. Ses longs cheveux vinrent caresser les bras
et le torse de l’Hybride et elle s’approcha jusqu’à ce que leurs lèvres soient
presque en contact.
— Tout ce qui compte, c’est que tu ailles bien. Il faut qu’on le fasse encore
sept fois.
— Tu pleures. Tu n’es pas bien.
— C’est le stress, Brute, le rassura-t-elle en lui caressant la poitrine. Je n’ai
rien. Je suis même plus inquiète pour toi que pour moi. C’est toi qui es enchaîné
sur ce lit et qui vas devoir recommencer sept fois. J’ai le rôle le plus facile,
quand on y pense.
Brute hocha la tête.
— Dès qu’on aura terminé, ils nous ramèneront dans la cage et ils nous
donneront à manger. Finissons-en.
— Déjà ? s’exclama-t-elle, surprise. Tu es sûr ?
Il lui adressa un regard plein de détermination.
— Je suis un Hybride. Je suis prêt.
Le silence de Brute était inquiétant. Becca termina ses flocons d’avoine. Ils
étaient trop cuits et presque immangeables, au point qu’elle en enviait les steaks
saignants qu’on avait donnés à l’Hybride. Elle était assise sur la couchette et lui
en tailleur à l’autre bout de la cage, l’assiette en équilibre sur les genoux. Il
refusait obstinément de la regarder depuis qu’on les avait ramenés dans leur
cellule.
— Tes steaks sont comment ? hasarda-t-elle.
— Froids. (Il avala une nouvelle bouchée dégoulinante de sang et mâcha.) Ils
sont bien cuits mais ils sortent du frigo.
— Je suis désolée. Tu veux des flocons d’avoine ? proposa-t-elle en regardant
sa propre assiette, encore à moitié pleine d’une espèce de pâte informe qui,
malgré sa faim, ne lui faisait pas du tout envie.
Brute fit « non » de la tête.
— Mange. Tu dois garder tes forces.
Il ne lui proposa pas un morceau de steak et Becca poussa un soupir dépité.
Elle aurait mille fois préféré de la viande crue à cette infâme bouillie.
— Tu es fatigué ? La couchette est assez grande pour deux.
Cette proposition lui valut un regard courroucé.
— Je dormirai par terre. Allonge-toi si tu veux dormir.
Elle baissa les yeux, à la fois triste et fâchée.
— Ça va. Je pensais que tu étais fatigué, c’est tout. Prends le lit si tu veux,
moi je m’assiérai par terre. C’est toi qui as besoin de repos.
Il venait de donner huit échantillons de sperme et, même s’il était plus
endurant qu’un humain, il devait forcément avoir sommeil après un tel effort.
— J’ai l’habitude de vivre à la dure. Garde le lit.
Becca ferma les yeux et fit de son mieux pour contenir ses larmes. Peut-être
lui en voulait-il après ce qu’il venait d’endurer ? Elle savait qu’elle n’aurait pas
apprécié qu’on la force à enchaîner huit orgasmes dans ces circonstances. D’un
autre côté, si Brute était à la manœuvre, ce ne serait pas si terrible que ça… mais
elle dut se rappeler qu’ils n’étaient pas ensemble.
— Dors, Becca, conseilla-t-il. Ton plat se conservera.
Cela ne faisait aucun doute et, de toute façon, le goût ne risquait pas
d’empirer. Elle s’allongea, posa son assiette par terre et tourna le dos à Brute
avant de se mettre en position fœtale et de lutter contre ses larmes.
Mais que faisait l’équipe de son père ? Puisqu’ils étaient en mesure de
localiser Brute, qu’est-ce qui leur prenait si longtemps ? Elle savait qu’ils
avaient roulé pendant plusieurs heures, mais les Hybrides avaient été avertis dès
l’instant où ils avaient été attaqués. Une équipe aurait déjà dû être sur place
avant que leurs ravisseurs quittent la propriété, mais personne n’était arrivé.
L’émetteur est peut-être défectueux ? Elle refusait de l’envisager. L’espoir
qu’ils ne tarderaient pas à être secourus était la seule chose qui l’empêchait de
craquer. Sinon, le docteur Elsa finirait par amasser la somme nécessaire pour fuir
le pays. Elle vendrait ses Hybrides à ses acheteurs européens dès que ses
hommes auraient kidnappé un primate et c’en serait terminé pour elle. Soit ils la
tueraient, soit ils l’abandonneraient à son sort dans la cage, où elle finirait par
mourir soit de faim, soit de folie et de désespoir. Mais, d’une manière ou d’une
autre, ce serait insupportable. Elle aurait de l’eau, fournie par le tuyau qu’ils
avaient tiré jusqu’à la cage pour lui permettre de se laver les mains et le visage,
mais, s’ils décidaient de l’abandonner, ils pourraient très bien l’en priver.
Les larmes se mirent à couler malgré elle et elle étouffa un sanglot. Elle avait
peur et elle s’en voulait d’éprouver ce sentiment. La froideur de Brute ne faisait
qu’empirer les choses. Comme coéquipier, il ne valait rien.
— Becca ? dit-il en lui posant la main sur la hanche.
— Ça va.
— Non, ça ne va pas. Regarde-moi.
— Non, refusa-t-elle en reniflant. J’ai un coup de fatigue, c’est tout. Va
manger.
Il poussa un petit grognement et la força à s’allonger sur le dos. Elle ouvrit les
yeux, cligna plusieurs fois des paupières pour écarter ses larmes et vit qu’il était
penché sur elle, à quelques centimètres de son visage.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu as mal quelque part ? Tu as encore faim ? Tu
devrais finir ton assiette.
— J’ai peur, avoua-t-elle dans un murmure. Mon père aurait déjà dû nous
retrouver. Je pense qu’il ne viendra plus.
Il ne parut pas surpris et Becca se dit qu’il avait déjà dû envisager cette
possibilité. Cela ne fit que renforcer son opinion et elle se remit à pleurer.
— Je vais mourir ici, mais toi… (Elle lui caressa le visage.) Tu essaierais de
t’évader s’ils ne se servaient pas de moi pour te forcer à obéir, n’est-ce pas ?
— Je ne ferai rien qui te mettrait en danger, l’assura-t-il, un éclair de colère
dans les yeux.
Becca passa la main sur sa joue.
— Soyons réalistes. Je suis fille de militaire. Je sais qu’il faut parfois sacrifier
une vie pour en sauver d’autres. Si tu les prends par surprise, tu as une vraie
chance de t’enfuir. La prochaine fois qu’ils viendront nous chercher, fais
semblant de te tenir tranquille et tue-les tous. Ensuite, tu pourras libérer les
autres prisonniers. Ils hésiteront à vous abattre, vu qu’ils ont besoin de l’argent
que vous pouvez leur rapporter. Moi, je ne suis qu’un pion sans intérêt.
— Arrête, grogna-t-il.
— C’est logique et je sais que mon père serait d’accord. Si tu arrives à
t’enfuir, répète-lui ce que je viens de dire. On est fichus l’un comme l’autre et tu
le sais aussi bien que moi. Tu veux vraiment te retrouver en Europe dans un
endroit qui sera peut-être pire que celui-ci ? Ils se serviront de vous pour donner
naissance à des bébés qu’ils vendront au marché noir. Ils comptent enlever un
primate avec l’aide de l’un des employés de Homeland. Il faut que tu les en
empêches. Moi, je suis condamnée de toute façon, Brute. Ils ne me vendront pas
avec toi. Quand j’aurai terminé de faire ce qu’ils attendent de moi, je n’aurai
plus aucune valeur à leurs yeux. Ils nous sépareront et ils me tueront. Point
barre.
Brute lui saisit le bras avec force.
— Tu es très spéciale et je refuse de te sacrifier pour ma liberté ou celle de ces
autres mâles.
— Ils sont de ton espèce, Brute. Ce sont tes frères. Tu dois les sauver. Tu es le
seul qui soit en mesure de le faire.
— Je m’en fiche, répliqua-t-il vivement en collant son visage au sien. Je ne te
laisserai pas mourir.
Aveuglée par de nouvelles larmes, la jeune femme lui passa les doigts dans les
cheveux.
— Tu es quelqu’un de formidable, mais réfléchis un peu.
Il la lâcha abruptement et recula.
— Cette conversation est terminée.
Il se leva d’un bond et se précipita à l’autre bout de la cage pour agripper les
barreaux. Becca se redressa, en colère elle aussi. Elle leva les yeux vers la
caméra, se rappela qu’elle ne devait pas élever la voix et se dirigea vers lui pour
lui tapoter l’épaule.
— Brute ?
Il tourna la tête, le regard noir.
— Va dormir. Tu es fatiguée et tu ne sais plus ce que tu dis, déclara-t-il avant
de lui tourner de nouveau le dos.
— Tu sais que j’ai raison, murmura-t-elle. C’est dur à admettre, mais c’est
vrai. Regarde-moi, bon sang !
Il lâcha les barreaux et se retourna lentement. Sa colère aurait dû effrayer
Becca, mais elle était sûre d’avoir raison. S’il prenait leurs ravisseurs par
surprise, il avait une vraie chance de s’évader. Elle se colla contre lui pour tenter
de le convaincre.
— Voilà mon plan. La prochaine fois qu’ils viendront nous chercher, dis-leur
que tu me porteras pour sortir. Dès que tu seras hors de la cage, jette-moi sur
eux, attaque-les et enfuis-toi. On est au moins trois étages plus bas que le rez-de-
chaussée. Passe par la porte à gauche de la pièce et prends l’escalier qui mène
jusqu’à un entrepôt. Si les portes extérieures sont fermées, tu pourras sortir par
les fenêtres sous le plafond. A priori, elles n’ont pas de barreaux. Tu peux sauter,
j’imagine ? Casse une vitre, sors de l’entrepôt et cours jusqu’à ce que tu trouves
de l’aide.
Brute se pencha vers elle.
— C’est ça, ton plan ?
— Oui.
Il fronça les sourcils.
— Et qu’est-ce qu’il t’arrivera une fois que je t’aurai lancée sur eux ?
— Ils m’abattront. Si tu me lances assez fort, j’arriverai peut-être à en
assommer un, et je te jure que je ferai tout pour lui crever les yeux avant de
mourir. Ça me démange depuis notre arrivée.
Brute poussa un grognement sonore puis, sans lui laisser le temps de réagir, il
la saisit par les hanches, la souleva et lui plaqua le dos contre les barreaux,
l’immobilisant grâce au poids de son corps.
— Non, déclara-t-il en montrant les dents.
Becca lui attrapa les épaules, tentant d’ignorer le contact froid du métal dans
son dos ainsi que le fait que ses pieds ne touchaient plus le sol.
— Si. C’est un bon plan et je te jure que l’un d’entre nous survivra. Même si
tu me proposes de couvrir mon évasion en les attaquant, je ne pourrai pas sauter
par les fenêtres, elles sont trop hautes pour moi. Je n’ai pas ta force physique et
je cours comme une tortue. Je serais déjà à bout de souffle au-dessus de
l’escalier. (C’était dur à admettre, mais elle savait que c’était la vérité.) Je ne suis
pas franchement en forme olympique, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué.
— Tu es parfaite, répliqua-t-il. Maintenant, ferme-la.
Pourquoi est-ce qu’il refuse de m’écouter ? se demanda Becca, agacée. Elle
n’avait pas envie de mourir, mais, en se sacrifiant, elle lui offrait une véritable
chance de s’évader. Pourquoi ne comprenait-il pas qu’ils n’avaient plus aucun
espoir d’être secourus ? Leur captivité risquait de durer des mois, puis il serait
envoyé à l’autre bout du monde, là où personne ne le retrouverait, et c’en serait
fini pour elle de toute façon.
— Arrête de jouer les têtes de mule. Je ne suis pas parfaite et je n’ai aucune
envie qu’on me laisse mourir de faim ou qu’on m’abatte comme un chien
enragé. Je préférerais me sacrifier pour une bonne cause, alors ouvre les yeux et
sois un homme. (C’était l’un des arguments favoris de son père lorsqu’il voulait
titiller l’orgueil de ses subordonnés. Elle espérait qu’il aurait le même effet sur
Brute.) Prends tes responsabilités et cesse de vouloir être aussi gentil.
Brute rejeta la tête en arrière et rugit. Terrorisée, Becca se dit qu’elle était
allée trop loin. Mais, à sa grande surprise, il l’embrassa à pleine bouche, sans la
moindre retenue.
Elle comprit alors qu’il n’allait pas la tuer, mais, en un sens, ce retournement
de situation était encore pire. Il allait éveiller son désir sans qu’elle puisse
résister à ses lèvres magiques. Elle lui rendit son baiser et passa les bras autour
de son cou, remarquant à peine qu’il avait fait glisser ses mains jusqu’à ses
cuisses pour les écarter. Elle les enroula tout naturellement autour des hanches
de Brute.
Ils bougèrent, mais Becca ne s’en rendit même pas compte, hypnotisée par le
duel de leurs langues. La passion de Brute était riche de promesses et son corps
réagissait à plein. Ses seins s’écrasèrent contre son torse massif à travers la
mince barrière que constituait le tissu de sa chemise de nuit. Tout en marchant, il
frottait son pénis rigide contre son clitoris.
Soudain, Brute se laissa tomber à genoux. Becca, surprise, eut un mouvement
de recul. Ils étaient à côté de la couchette, hors d’haleine. Brute lui saisit les
cheveux et la força à le regarder avant de reprendre possession de sa bouche
avec une énergie décuplée.
Il l’allongea sur la couchette et se pencha au-dessus d’elle, le sexe appuyé
contre son vagin, et Becca gémit de plaisir. Elle avait envie de lui. Elle voulait
oublier où ils étaient et elle serra les cuisses autour de ses hanches pour l’inciter
à continuer.
Sans prévenir, il rompit leur baiser et se releva en se passant les mains sur le
visage avec un grognement mécontent. Becca, qui l’immobilisait toujours avec
les jambes, le regardait, interloquée. Pourquoi s’était-il retiré alors qu’elle
souhaitait tant qu’il continue ?
— Je suis désolé, dit-il.
Becca se redressa et posa les mains sur son torse, ce qui le fit frissonner.
— Brute, regarde-moi.
Il secoua la tête et se détourna d’elle.
— J’aurais pu te faire mal. Désolé, répéta-t-il.
Son sexe en érection se pressait toujours contre elle. Il la désirait, cela ne
faisait aucun doute, mais avait peur d’être trop violent. Becca se lécha les lèvres.
Elles étaient un peu enflées à cause de la ferveur de ses baisers, mais cela ne lui
déplaisait pas. Son clitoris était hypersensible, tout comme ses tétons, durs
comme du marbre sous le tissu. Elle regarda la bosse qui déformait son pantalon
et se frotta de nouveau contre lui.
— Brute, s’il te plaît ?
Il abaissa lentement les mains. Il était rouge de confusion et ses yeux
débordaient de regret, au grand désespoir de Becca.
— Tu es désolé pour quoi ? Parce que tu m’as embrassée jusqu’à me faire
oublier tout le reste ? Parce que tu me désires ? J’éprouve la même chose pour
toi. La seule chose que je regrette, c’est que tu te sois arrêté.
— Pardon ? demanda-t-il, surpris.
Becca monta les mains jusqu’à ses épaules et l’attira contre elle.
— La vie est si courte. (Tu ne crois pas si bien dire, ajouta-t-elle en elle-même
en pensant à ce que l’avenir leur réservait.) On est ensemble. Profitons de ces
moments au maximum. Embrasse-moi.
Il hésita.
— J’ai peur de te faire mal. Je te désire trop.
— Mais non. Un peu de confiance, quoi ! l’encouragea-t-elle en souriant. Je
suis plus résistante que tu le penses et je n’ai pas peur de toi. Quand tu
m’embrasses, j’oublie tout. Tu es incroyable.
— Toi aussi. J’en oublierais presque que tu n’es qu’une humaine, plaisanta-t-il
à son tour.
Elle lui massa les épaules. Ses bras étaient très musclés et son torse d’une
largeur impressionnante. Il pouvait la briser en deux sans le moindre effort, mais
elle n’avait pas peur de lui. Leurs regards se croisèrent et il baissa la tête. Becca
ferma les yeux en anticipation de son baiser, qui s’avéra aussi intense que le
précédent.
Elle se crispa en sentant la main de Brute monter le long de sa cuisse. Il la
força à lui lâcher les hanches et remonta sa chemise de nuit. Sans cesser de
l’embrasser, Il repoussa sa culotte sur le côté et elle sentit que ses doigts étaient
recouverts de cals.
Il commença à lui caresser le clitoris en dessinant de petits cercles autour.
Becca l’embrassa plus passionnément que jamais et enfonça les ongles dans sa
peau. Il se retira lentement de sa bouche, mais garda les lèvres contre les siennes.
— Écarte le plus possible les cuisses. J’ai les hanches larges.
Il passa le bras derrière ses fesses pour l’attirer tout au bord du lit et la bloquer
contre lui pour l’empêcher de tomber. Becca obéit, désireuse de lui faciliter la
tâche au maximum.
— Ils ne peuvent pas voir ce qu’on fait, murmura-t-il.
Elle comprit qu’il voulait parler de cette horrible caméra fixée au plafond. Il
était à genoux devant elle et la camouflait grâce à sa large carrure. Elle tourna la
tête vers les autres cages. Les deux autres mâles étaient allongés sur leurs
couchettes, probablement endormis. Jamais ils n’auraient droit à plus d’intimité.
Elle croisa son regard et hocha la tête.
— Dis-moi si tu veux que j’arrête.
— Pas question.
Brute grogna, ferma les yeux et l’embrassa avec fougue. Becca s’accrocha à
lui comme à une bouée. Les doigts de l’Hybride la tourmentaient et la poussaient
aux portes de l’extase. Comme s’il devinait ce qu’elle ressentait, Brute allégea la
pression de ses doigts et en fit glisser un jusqu’à son vagin avant d’y pénétrer
lentement et d’entamer des allées et venues de plus en plus vigoureuses.
Becca bougeait les hanches à son rythme, inclinant le bassin de son mieux
pour lui faciliter l’accès. Lorsqu’il se retira, elle émit un grognement de
protestation, mais il revint aussitôt à la charge avec deux doigts. Elle poussa un
cri de plaisir et le serra encore plus fort.
Brute frôla son clitoris avec la main et se mit à masser un point de son vagin
jusqu’à ce qu’elle gémisse. Voyant sa réaction, il recommença un peu plus fort.
Becca sentit l’orgasme lui tendre de nouveau les bras et se mit à haleter de
manière de plus en plus incontrôlable. Avec un grognement, Brute retira une
nouvelle fois les doigts. Aussitôt, Becca rouvrit les yeux.
— Ne t’arrête pas ! supplia-t-elle. Je t’en supplie, ne t’arrête pas !
Le visage dur, les yeux fous, il recula.
— Lâche-moi.
Comment pouvait-il tout interrompre après être allé si loin ? Trop choquée
pour protester, elle obéit, mais Brute ne bougea pas. À sa grande surprise, il
attrapa l’oreiller, le jeta par terre entre ses jambes écartées, la souleva et la
retourna à la force de ses bras. Becca atterrit avec les genoux sur l’oreiller. Il
enroula le dos de sa chemise de nuit entre ses doigts et la força à allonger le torse
sur la couchette.
Tout cela se passa si vite qu’il lui fallut une seconde pour comprendre qu’il
l’avait immobilisée à quatre pattes devant lui. Il lui écarta brusquement les
cuisses, puis déchira sa culotte et l’arracha avant de lâcher sa chemise de nuit et
de se pencher au-dessus d’elle.
— Dis-moi « non » si tu veux que j’arrête, murmura-t-il en lui envoyant son
souffle chaud sur la nuque.
Becca se tut. Brute lui avait dit qu’il aimait prendre les femmes par-derrière.
Elle aurait dû se souvenir de cet avertissement, mais elle l’avait oublié. C’était
peut-être la seule position qui lui plaisait.
Il lui lécha la nuque, y déposa un baiser et lui caressa les cuisses, éveillant de
nouveaux frissons en elle.
— Je ferai doucement, quoi que ça me coûte, haleta-t-il. Tu es si étroite que
j’ai vraiment peur de te faire mal.
Maintenant qu’elle avait surmonté sa surprise, elle était prête à terminer ce
qu’ils avaient commencé. Elle saisit le drap entre les doigts et tourna la tête pour
le regarder.
— Je te veux, Brute.
— Tu es super mouillée. Je te promets que tu vas adorer. (Il approcha les
lèvres de son oreille.) Ferme les yeux, ma belle. Il n’y a rien que nous. Laisse-toi
aller.
Il plaça les jambes de chaque côté des siennes, glissa les mains sous sa
chemise de nuit et s’arrêta au niveau de ses seins. Becca se souleva un peu pour
qu’il ait plus de place et il les prit dans ses paumes tout en lui pinçant les tétons
entre deux doigts.
Becca gémit et ferma les yeux, puis sentit son souffle chaud tomber sur sa
nuque, là où il l’avait mordillée et léchée. Dévorée par la passion, elle crispa les
doigts sur le drap, la seule chose à laquelle elle pouvait s’accrocher.
— Détends-toi, ma belle. Je vais entrer doucement et te faire jouir à fond.
Cette promesse murmurée décupla son désir. Elle poussa les fesses contre le
pantalon de Brute, dans lequel son érection était toujours prisonnière. Il lui lâcha
un sein, descendit la main le long de son dos jusqu’à la courbure de ses fesses,
puis recula les hanches et baissa son pantalon. La tête épaisse et douce de son
sexe vint caresser l’entrée de son vagin, frotta un instant contre son clitoris, puis
revint appuyer avec insistance à l’endroit fatidique.
Becca gémit en se sentant ainsi écartelée. Brute, quant à lui, poussa un
grognement effrayant qui, dans ces circonstances, ne fit qu’amplifier le plaisir
qu’elle ressentait déjà. C’était un bruit animal qui lui rappelait qu’il n’était pas
tout à fait humain, mais elle l’encouragea en remuant les fesses.
— Si tu savais comme c’est agréable de te toucher, ma belle, murmura-t-il de
sa voix rauque. Ce que tu peux être sexy…
Sur ces mots, il lui mordilla la base du cou.
— Brute, gémit-elle.
— Je suis là.
Tout en lui embrassant le lobe de l’oreille, il s’enfonça un peu plus en elle en
faisant bien attention de ne pas aller trop vite. Ses hanches se balançaient contre
ses fesses en un mouvement lent et régulier qui leur donnait du plaisir à tous les
deux.
— C’est comment ?
— Incroyable.
— Vite ou lentement ? Dis-moi ce que tu préfères.
— Vite, répondit-elle aussitôt.
Il repositionna les deux mains sur ses seins et lui titilla les tétons jusqu’à la
rendre folle. Le corps de Becca était pris de soubresauts et elle gémissait tout en
bougeant les hanches au même rythme que lui. Brute, ronronnant comme un gros
chat, accéléra la cadence et atteignit bientôt un point qui fit pousser un cri
d’extase à sa partenaire.
Becca lâcha le drap, fit glisser ses mains jusqu’aux rebords de la couchette,
s’y agrippa de toutes ses forces et propulsa les fesses en arrière pour lui faire
comprendre qu’elle ne voulait plus qu’il se retienne. Elle voulait qu’il se lâche à
fond.
Brute la mordit à l’épaule à travers le tissu, relativement fort, mais pas assez
pour la faire saigner. Tous deux se figèrent, puis il entrouvrit la mâchoire et la
lâcha avant de reprendre ses coups de reins en augmentant progressivement leur
vitesse.
D’une main, il l’écarta un peu de la couchette contre laquelle il la plaquait,
puis commença à lui caresser le clitoris au rythme de ses hanches.
Becca poussa un gémissement sonore, colla la joue au torse de Brute et sentit
son corps se crisper tandis que l’Hybride jouait de son point sensible avec une
virtuosité diabolique. Jamais elle n’avait rien connu de tel.
— C’est si bon, murmura-t-il. Je peux entrer encore plus loin ?
Elle hocha la tête et Brute s’enfonça davantage en elle, lentement tout
d’abord, pour ne pas lui faire mal. Voyant qu’elle ne protestait pas, il reprit son
rythme soutenu et recommença à lui caresser le clitoris. Becca avait l’impression
d’avoir les nerfs et la chair à vif, mais elle ne voulait pas que Brute s’arrête en si
bon chemin.
Soudain, le monde entier disparut dans une explosion d’extase pure. Brute
lâcha son clitoris mais continua de bouger, de plus en plus fort tandis que ses
muscles vaginaux entraient en convulsion, faisant durer son plaisir jusqu’à ce
qu’elle n’en puisse plus.
— Tu me tues, gémit-elle.
Quelle belle façon de mourir.
— Non, grogna-t-il. Je vais te faire jouir encore.
Il continua à la pilonner sans relâche, éveillant en elle une sensation inconnue,
à la fois douloureuse et irrésistible. Brute reprit son subtil tricotage digital et
Becca se mit à s’agiter dans tous les sens, poussée au-delà des limites du plaisir.
Elle se crispa de nouveau autour de son sexe, les muscles tendus à fond, et
étouffa ses cris dans le drap en jouissant une deuxième fois.
— Oui, grogna Brute.
Son corps tremblait violemment et elle le sentait en elle, brûlant, épais et dur
comme de la pierre. Il rejeta la tête en arrière et s’enfonça une derrière fois au
maximum en poussant un rugissement. Il éjacula avec une telle force que Becca
pouvait sentir chaque giclée de sperme l’emplir, chaque convulsion de plaisir
tandis qu’il collait les hanches à ses fesses. Enfin, il s’écroula sur elle de tout son
poids.
Ce fut Brute qui retrouva ses esprits le premier. Il se souleva pour permettre à
la jeune femme de reprendre son souffle. Il en profita pour lui inonder le cou de
baisers humides.
Becca, les yeux fermés, dégoulinante de sueur, cherchait à se remettre des plus
beaux orgasmes qu’elle avait jamais connus. Leurs corps étaient si parfaitement
imbriqués qu’elle n’aurait pu dire où elle commençait et où Brute se terminait.
Elle se sentait soudée à lui et ses oreilles résonnaient toujours du rugissement
qu’il avait poussé en jouissant. Quant à son corps, il pesait de manière très
rassurante sur elle.
— Becca ?
— Hmm ?
— Je t’ai fait mal ?
Elle sourit et secoua la tête.
— Même pas un peu ?
Elle hésita, puis hocha la tête. En effet, elle ne pouvait nier une certaine
sensibilité à leur point de jonction.
— D’accord, répondit Brute en lui embrassant l’épaule.
Il commença à retirer son pénis, toujours aussi rigide, et Becca tressaillit.
Brute jura dans sa barbe.
— J’aurais dû être plus doux.
— Ce n’est pas ça. J’ai eu deux orgasmes à la suite et tu es d’une taille
impressionnante. Tu ne te vantais pas !
Il se souleva entièrement et recula de quelques centimètres. Becca tourna la
tête et vit qu’il remettait son pantalon. Leurs yeux se croisèrent et il tira aussitôt
sur sa chemise de nuit, remontée jusqu’à la taille, pour que le tissu cache ses
fesses, puis se baissa pour ramasser sa culotte en lambeaux, qu’il lui tendit en
rougissant.
— Désolé. Je l’ai déchirée.
— C’est pas grave.
Elle aurait préféré pouvoir la remettre, mais savait qu’elle n’avait pas perdu au
change. Sa chemise de nuit tombait jusqu’aux genoux et sa pudeur serait donc
sauve.
Brute se servit du tissu déchiré pour la nettoyer, puis le poussa sous un coin de
la couchette. Becca se redressa et s’étira, étourdie par ce qu’elle venait de vivre
et par le manque de nourriture. Brute lui caressa la joue et la regarda dans les
yeux, une expression de grande tendresse sur le visage.
— Je…
La voix de Randy l’interrompit, les faisant sursauter tous les deux.
— Tu lui plais, mon chaton. C’est logique, après tout. Si quelqu’un s’y
connaît en chatte, c’est bien toi.
Horrifiée, Becca tourna la tête et vit qu’il se tenait à côté de la cage, un sourire
narquois sur les lèvres, les bras croisés. Deux autres hommes étaient en retrait et
la regardaient avec une expression qui disait bien qu’ils n’avaient pas manqué
une miette de ce spectacle.
Brute se leva, leur adressa un grognement et saisit Becca par le bras sans
ménagement pour la cacher derrière lui.
— Je vois pourquoi tu l’aimes tant, continua Randy. Elle doit être super
étroite, non ? Je t’avais bien dit qu’il s’était retenu jusque-là, Becca. Même après
huit éjaculations de suite, il avait encore assez d’énergie pour te sauter.
— Ne prononce pas son nom, le menaça Brute. Ne lui parle pas.
— Possessif, hein ? Entre nous, je réagirais de la même manière avec un aussi
joli petit lot. Le docteur est ravi de tes échantillons. Repose-toi bien, parce que,
dans sept heures, elle t’en demandera d’autres.
Becca les entendit s’éloigner. Brute se retourna et elle s’appuya contre lui. Il
la prit dans ses bras et posa le menton sur sa tête.
— Désolé. Je ne les ai pas entendus arriver.
— On était… euh… distraits, répondit-elle, pleine de honte à l’idée que ces
ordures les aient vus. Je ne les ai pas entendus non plus.
— Mais moi j’aurais dû, insista-t-il d’une voix pleine de rage. Je suis vraiment
désolé.
Elle se serra encore plus contre elle.
— Ce n’est pas ta faute.
Oh que si ! pensa Brute. Avec ses sens hyper affûtés, il aurait dû être conscient
de chaque son et de chaque odeur. Il inspira et repéra aussitôt la puanteur de
leurs ravisseurs et le parfum de leur excitation. Il crispa les bras autour de la
jeune femme. Ces humains désiraient sa Becca. Il les suivit du regard en
fronçant les yeux. Même si elle ne s’en rendait pas compte, il savait à quel point
il venait de les mettre tous deux en danger.
Les vrais animaux étaient ces humains. Ils ne feraient aucun mal à Becca tant
qu’elle leur servirait à le contrôler, mais, dès qu’ils n’auraient plus besoin d’elle,
plus rien ne les retiendrait de la violer. Il retint un grognement d’outrage.
Il devait s’échapper avec elle et il était toujours furieux qu’elle ait pu suggérer
de se sacrifier pour lui permettre de se sauver. Elle pensait que les Hybrides
étaient sa priorité, mais elle se trompait. Il frotta le nez contre ses cheveux,
inspira sa douce odeur et la serra fort.
Une fois les trois hommes sortis de la pièce, il tourna la tête vers les cages des
deux Hybrides endormis. Son odorat lui permettait de sentir la présence du
troisième. Il était inquiet pour eux. L’odeur oppressante des drogues expliquait
pourquoi ils étaient si dociles et il savait que, s’il y avait un choix à faire, la
question ne se poserait même pas.
Becca passait avant tout. Il n’hésiterait pas à mettre sa propre vie et celle des
autres Hybrides en danger pour elle et à tuer tous les humains qui la
menaceraient. Il la souleva doucement et vit à quel point elle était pâle. Ses yeux
bleus étaient voilés de larmes et il s’en voulait énormément. Il avait promis de
cacher sa nudité aux yeux de leurs ravisseurs, mais il n’y était pas parvenu. Il
l’avait prise de manière égoïste sans penser aux conséquences.
Jamais elle ne le lui pardonnerait, même si elle avait eu la générosité de
partager les torts. Il connaissait la vérité. Même s’ils sortaient vivants de ce
cauchemar, leur relation serait salie par la laideur de leur captivité. Il l’allongea
sur la couchette et se serra contre elle.
— Dors, conseilla-t-il. Je suis là et je te protégerai.
Autant que je le pourrai. Une honte intense le dévorait. Elle méritait mieux
que lui. Il s’était montré lamentable.
CHAPITRE 9
Un bruit éveilla Brute en sursaut. Aussitôt, il serra Becca contre lui. La jeune
femme dormait à poings fermés, la main sur son bras. Il regarda un instant son
visage, puis renifla l’air ambiant à la recherche de la puanteur caractéristique de
leurs ennemis. Il n’y avait personne dans les parages. Ils ne craignaient rien pour
l’instant.
Becca était magnifique. Jamais il n’aurait cru être un jour aussi attiré par une
humaine. Elle était très différente des Hybrides. Son nez n’était pas aplati, mais
formait une jolie petite bosse au milieu de son visage délicat. Elle semblait si
menue et si fragile entre ses bras. Il avait l’impression que, s’il ne faisait pas
attention, il risquait de la briser en mille morceaux.
Elle remua contre sa cuisse et le corps de Brute réagit aussitôt. Ils étaient tous
deux habillés, mais leur proximité suffisait à le mettre en érection. Il avait envie
de la monter de nouveau. Avec elle, le sexe était différent et merveilleux. Son
corps était si moelleux, si étroit… si mouillé, si torride, si fragile. Il contint un
grognement.
Le souvenir de ses gémissements pendant leurs ébats ne fit qu’amplifier son
désir. Il mourait d’envie de la pénétrer une nouvelle fois, mais elle avait
probablement encore mal. Il aurait dû se montrer plus doux, mais, comme elle ne
s’était pas plainte, il n’avait pu se retenir de s’enfoncer en elle jusqu’à la garde.
Il sentait encore la brûlure de ses ongles sur ses épaules et regarda la morsure
qu’elle avait imprimée sur son torse. Il aurait voulu en garder à tout jamais la
cicatrice. Elle avait des dents plates et émoussées, mais elle avait réussi à les
plonger dans sa chair et à causer une douleur minime, mais inoubliable. C’était
la première fois qu’une femelle le marquait ainsi et il en était heureux.
Il comprenait désormais pourquoi Justice et plusieurs autres mâles
appréciaient tant les compagnes humaines. Elles étaient moins résistantes que les
Hybrides, mais leur douceur et leurs réactions si féminines étaient irrésistibles. Il
se régala de nouveau de son visage, incapable de se retenir. C’était un spectacle
dont il ne se lasserait jamais.
Il caressa ses cheveux châtains, doux comme de la soie, dont quelques mèches
s’enroulèrent autour de ses doigts. Ils ne lui arrivaient qu’aux épaules et étaient
trop courts à son goût. Il aurait voulu les voir plus longs, au moins jusqu’à ses
fesses. Il rêvait de les voir étalés sur son torse lorsqu’elle dormirait sur lui.
Tendrement, il lui frôla la joue du bout des doigts.
Il n’avait aucune raison de rêver à une humaine, et encore moins à la longueur
de ses cheveux. Becca et lui n’avaient aucun avenir en commun, parce qu’ils
étaient en enfer, prisonniers des monstres qui le tourmentaient depuis sa
naissance et qui étaient parvenus à atteindre la seule belle chose de sa vie, la
femme parfaite qu’il tenait serrée contre lui.
Il n’avait plus aucun espoir d’être secouru. Il ne l’avouerait jamais à Becca,
mais il s’était écoulé trop de temps depuis leur capture. Et, même si le miracle de
sa première libération se reproduisait, elle lui échapperait à jamais. Les
souvenirs qu’ils étaient en train de se forger seraient souillés par l’horreur de leur
captivité. Jamais elle ne pourrait le regarder sans repenser à ce cauchemar.
Un nouveau bruit furtif attira son attention. Il tourna la tête et vit que le
prisonnier de la cage voisine s’était levé et le regardait en silence. Brute s’écarta
lentement de Becca, la borda et s’approcha le plus possible de l’Hybride.
— Tu vas bien ? Je m’appelle Brute.
Le mâle inclina la tête, visiblement confus. Brute comprit aussitôt ce qui
l’étonnait.
— Quand j’ai été libéré, c’est le nom que je me suis choisi. (Il s’était fait le
serment de ne plus jamais prononcer son ancien matricule et craignait que le
mâle s’en serve pour s’adresser à lui.) Tu peux parler ? Tu es 919, c’est bien ça ?
— Oui, répondit le mâle d’une voix rauque.
Il regarda Becca et poussa un grognement, une expression de colère sur le
visage. Brute se plaça devant elle pour la lui cacher et agrippa les barreaux.
— Elle n’est pas ton ennemie.
— Ils le sont tous.
— Non, pas tous. Certains humains cherchent à nous aider. Ils nous ont libérés
de notre laboratoire, moi et beaucoup d’autres, expliqua-t-il à voix basse, suivant
l’exemple des deux hommes qui n’avaient pas voulu être entendus par le
docteur. Tu sais depuis combien de temps tu es là ?
— Un bon bout de temps, répondit 919 en haussant les épaules.
Brute comprenait. Il était facile de perdre la notion du temps quand on était
enfermés loin de la lumière du jour. Il regarda l’autre cage, où dormait l’Hybride
qui ne s’était pas éveillé depuis leur arrivée.
— Qui est-ce ?
— 358. Il n’est pas en bonne santé. Il respire encore, mais il s’affaiblit. Ils se
sont servis de lui pendant plusieurs jours d’affilée, en multipliant les injections.
Dans sa folie, il s’est blessé en se jetant contre les murs. Physiquement, il se
remettra, mais, une fois que l’effet des drogues se sera évaporé, j’ai peur qu’il ne
soit plus jamais le même.
— Et l’autre dont je sens l’odeur ?
— 880, répondit 919 avec rage. Je ne le connaissais pas et il y avait une
femelle avec lui.
— Une humaine ? demanda Brute, alarmé.
— Non, répondit le mâle en montrant ses grandes dents et en grognant,
révélant ainsi son ADN canin. Ils l’ont tuée devant lui pour le punir. Ils étaient
déjà là quand on est arrivés. Je n’ai jamais parlé à la femme, ils étaient toujours
enfermés par là, expliqua-t-il en désignant le mur en béton qui leur cachait
l’arrière de la pièce. Je les entendais parler à voix basse. Je crois qu’elle était
malade et il prenait soin d’elle. Lorsque les humains l’ont tuée, il est devenu fou.
Brute, peiné par cette histoire, se demanda s’il s’agissait de quelques-uns des
Hybrides qui avaient disparu du labo du Colorado. Parmi eux, il y avait une
femme. Il ne savait pas exactement combien ils étaient, mais il avait lu les
rapports.
— Il ne parle pas ?
— Pas à moi, mais ils l’ont tuée juste après notre arrivée, grogna 919. Il a
passé des jours à hurler à la mort et à tout démolir dans sa cage. L’odeur du sang
envahissait tout. Ils ont été forcés de l’anesthésier et de soigner ses blessures les
plus graves, et ils continuent de lui donner des calmants. Je crois qu’il a essayé
de se suicider avec les barreaux. Il a perdu la tête. Ce sont des choses qui
arrivent.
Brute le savait mieux que quiconque.
— Il y en avait d’autres ?
— Non, à part vous deux.
— Tu as déjà entendu parler du Colorado ?
— Non.
Soudain, deux hommes entrèrent dans la pièce. 919 grogna, s’éloigna des
barreaux et commença à faire les cent pas. Brute, quant à lui, se rapprocha de
Becca sans les quitter des yeux.
Ils marchèrent en direction de la cage de 919, qui recula le plus possible en
grognant encore plus fort. Les humains éclatèrent de rire et tirèrent leurs armes.
— Qu’est-ce que t’as ? ricana l’un d’entre eux. Ça te plaît pas de te faire sucer
par la machine ? Si on s’occupait autant de ma bite que de la tienne, je me
plaindrais pas !
Son collègue pointa son Taser sur 919.
— Ce sont rien que des animaux, qu’est-ce que tu veux. Il est trop con pour
apprécier les bonnes choses. Dire qu’on n’a même pas le droit de sortir courir la
gueuse… J’aimerais bien tester la machine, ça me changerait de ma main !
Ils tirèrent et 919 s’écroula. Brute grogna et voulut se précipiter sur les
barreaux, mais une main douce lui saisit le bras. Par réflexe, il faillit frapper
Becca, mais il parvint à arrêter sa paume à quelques centimètres de son visage.
La jeune femme le regarda, les yeux écarquillés de terreur, et il poussa un
juron. Il ne s’était pas rendu compte qu’elle s’était réveillée. Il baissa la main et
regarda, impuissant, l’un des hommes tirer une autre fléchette dans le corps de
l’Hybride, qui était déjà presque inconscient. Après quelques convulsions, il
perdit connaissance. Les deux hommes ouvrirent la porte, l’attrapèrent sous les
bras et le tirèrent hors de la cage. Brute ne se détendit qu’une fois la double porte
refermée. Il se retourna alors pour s’excuser auprès de Becca.
— Je suis désolé. Je ne m’y attendais pas.
— Ce n’est rien, répondit-elle en sentant son cœur se calmer petit à petit.
J’aurais dû me méfier. Mon père est militaire et il m’a appris à ne jamais prendre
par surprise une personne entraînée au corps à corps. Le pauvre, compatit-elle en
frissonnant.
— Tu as froid.
Elle sourit, touchée qu’il s’inquiète tant pour elle.
— J’étais très bien jusqu’à ce que tu te lèves. Tu es un vrai radiateur.
— Recouche-toi, lui conseilla-t-il.
Mais, sans l’écouter, elle marcha jusqu’aux barreaux et regarda la porte par
laquelle les hommes avaient emmené leur voisin.
— Il faut vraiment qu’on s’évade, murmura-t-elle. Si mon plan ne te plaît pas,
il faut qu’on en trouve un autre. On doit tous se sauver.
— C’est trop dangereux, Becca.
Elle se retourna vers lui et croisa les bras sur la poitrine.
— C’est rester ici qui est dangereux. Il faut arrêter ces monstres.
Brute se rapprocha d’elle.
— Je suis d’accord avec toi, mais ils te tueront, et ces barreaux sont solides,
dit-il en l’entourant de ses bras pour se serrer contre elle. Je refuse que tu mettes
ta vie en danger.
Becca fronça les sourcils, mais ne dit rien. Il était déterminé à la protéger,
mais elle savait qu’il se faisait des illusions. Des illusions très agréables, cela
dit, ajouta-t-elle en elle-même tout en se noyant dans ses beaux yeux. Elle se
mordit les lèvres, toujours sous le choc de ce qu’ils avaient fait quelques heures
plus tôt, avant qu’elle plonge dans un sommeil réparateur au réveil duquel elle se
disait que sa captivité avait, après tout, de très bons côtés. Cependant, savoir
qu’elle avait tenu la vedette dans une scène porno en direct n’avait rien de très
emballant.
Elle se rappela qu’elle ne devait plus céder à ses pulsions, si fortes soient-
elles. Leur plus grande priorité était leur évasion, puis… Puis quoi ? Reverrait-
elle jamais Brute ? Resterait-il chez elle ou retournerait-il à Homeland ?
L’hypothèse d’une séparation définitive lui était insoutenable. Elle abaissa les
bras et se colla contre lui, posant sa joue contre sa peau brûlante. Elle entendait
son cœur battre dans sa poitrine.
— Je suis gelée, mentit-elle en l’enlaçant.
Brute la serra dans ses bras musclés.
— Je vais te réchauffer.
Becca aurait voulu rester ainsi jusqu’à la fin des temps. La vérité était
indéniable : elle était en train de tomber amoureuse de lui.
CHAPITRE 10
Becca s’était endormie dans les bras de Brute. Ce dernier était fatigué, mais il
ne voulait pas dormir. Les hommes avaient ramené 919 dans sa cellule et
l’Hybride tournait en rond comme un enragé. Vu l’odeur qui émanait de lui, ils
avaient forcé la dose.
Mais d’autres soucis tenaient Brute éveillé. Et s’il l’avait mise enceinte ? Il
n’osait pas lui demander si elle prenait un moyen de contraception, car la fertilité
des Hybrides était un sujet top secret. Cela dit, il n’avait pas vraiment peur. Le
sperme hybride avait une durée de vie beaucoup plus courte que celui des
humains. Il baissa les yeux jusqu’au ventre de la jeune femme, sur lequel il
posait la main.
Elle lui en voudrait à mort. Mais, le pire, c’était qu’elle était en chaleur depuis
quelques heures. Il se dégageait d’elle une odeur caractéristique apparue après
leur rapport sexuel. Il se jura de ne plus la toucher. C’était un risque qu’il ne
pouvait pas prendre.
Une humaine proche de la trentaine prenait forcément la pilule. C’était ce
qu’il avait cru comprendre de ses nombreuses lectures. Les jeunes humaines
étaient prévoyantes et prenaient soin d’elles, avait-il appris. Mais, même s’il
rêvait de la prendre une nouvelle fois et d’enfoncer son sexe dans son corps
chaud et accueillant, il résisterait.
Cette simple pensée lui donnait une érection. Il serra les dents et se força à
respirer par la bouche pour ne pas sentir son odeur tentatrice. Les Hybrides
étaient toujours très affectés par une femelle en chaleur, mais il avait entendu
dire qu’en être conscient résolvait la moitié du problème et s’accrochait de son
mieux à cette croyance.
919 poussa un étrange gémissement et Brute se tourna vers lui. Le prisonnier
était en train d’essayer de creuser le sol de sa cellule avec les mains. De toute
évidence, il avait perdu la tête. Brute voulut lui parler, mais il savait que cela
n’aurait aucun effet. La souffrance de son congénère lui arrachait le cœur.
919 hurla à la mort et Becca s’éveilla en sursaut. Brute la serra contre lui et la
regarda dans les yeux.
— Ils l’ont ramené. Il fait une overdose.
Becca leva la tête et se pencha pour regarder l’autre cage. Lorsqu’elle reporta
les yeux sur Brute, il vit qu’elle pleurait.
— Il va s’écorcher les mains.
— Je sais, mais, tant qu’il sera sous l’emprise du produit, il ne m’écoutera pas.
— Ce sont vraiment des ordures.
Brute ne pouvait qu’acquiescer.
— Dors.
— Je ne peux pas.
Becca posa la main sur son torse et se retourna sur l’étroite couchette en se
frottant contre lui par inadvertance. Aussitôt, son corps réagit, notamment au
niveau de son entrejambe. Il serra les dents en la voyant se pelotonner contre lui
et glisser sa cuisse entre ses jambes pour s’installer plus confortablement.
— Je donnerais tout pour pouvoir m’évader, soupira-t-elle.
— Moi aussi.
— Si tu étais dehors, tu commencerais par quoi ?
Brute hésita. Son premier choix aurait été de l’emmener chez lui et de lui faire
l’amour jusqu’à ce qu’ils soient trop épuisés pour se lever, mais il ne pouvait le
lui avouer.
— Je me préparerais un bon repas.
— Moi, je prendrais un bain, répondit-elle en souriant.
Brute l’imagina aussitôt nue dans sa baignoire et son désir se fit si puissant
qu’il la lâcha aussitôt et se leva. Becca, surprise, le regarda s’éloigner.
— Un bain, ce serait aussi très bien, balbutia-t-il en faisant tout pour ne pas la
regarder.
Becca s’installa plus confortablement, faisant craquer la couchette, et Brute
inspira son parfum. Son sexe palpitait face à cette odeur de femelle en chaleur et
il s’agrippa aux barreaux pour ne pas se jeter sur elle. Malheureusement pour lui,
elle se leva et vint se placer à son côté pour regarder 919.
— Il va rester longtemps dans cet état ? La dernière fois, il a dormi pendant
des heures.
— Ils ont forcé la dose. J’imagine que son corps commence à résister au
produit.
— Ils auraient pu le tuer.
Brute ne répondit rien, mais savait que ce qu’elle disait était vrai. Becca lui
caressa le biceps du bout des doigts, mais il sursauta et grogna malgré lui. Becca
eut un mouvement de recul.
— Ne me touche pas pour l’instant. Je suis trop agité.
L’air peiné de la jeune femme lui déchira aussitôt le cœur. Il ouvrit la bouche
pour lui expliquer les raisons de son attitude, mais ne savait pas comment lui
dire qu’il avait beaucoup de mal à se retenir de la plaquer contre la couchette
pour la monter de nouveau. Elle est en chaleur et les hommes risquent de revenir
pour regarder, se rappela-t-il. Becca le déconcentrait trop pour qu’il garde les
sens en alerte.
— Becca, je…
Mais un bruit presque inaudible l’interrompit et il se retourna, tous les sens en
éveil. C’était un petit couinement qui venait de l’autre côté des portes et qu’il
n’avait encore jamais entendu. Il leva les yeux vers les bouches d’aération
situées le long des murs. Voyant les toiles d’araignées voleter, il se dit que c’était
la ventilation, puis inspira à fond et se figea.
— On a de la compagnie, murmura-t-il.
Becca se crispa, pensant qu’il s’agissait de leurs ravisseurs qui venaient les
chercher pour d’autres échantillons de sperme. Elle se demanda pourquoi il avait
réagi aussi violemment lorsqu’elle l’avait touché. Elle avait toujours du mal à le
déchiffrer et elle espérait que son humeur n’empirerait pas lorsqu’il serait
immobilisé sur le lit. Elle aurait du mal à l’exciter s’il ne voulait pas qu’elle le
touche.
Commençait-il à la détester parce qu’elle était humaine ? Cette éventualité
emplissait la jeune femme de chagrin. Mais, en un sens, c’était compréhensible :
les gardes et le docteur Elsa n’étaient pas ce que l’humanité avait de plus beau à
offrir. Et s’il lui en voulait il hésiterait peut-être à suivre le plan d’évasion qu’elle
lui avait suggéré. Peut-être survivrait-elle. Les gardes lui tireraient dessus à coup
sûr, mais ses blessures ne seraient pas forcément fatales.
Brute la regarda en souriant, ce qui ne manqua pas de la surprendre, et inspira
de nouveau.
— Je crois que ton copain revient avec l’intention de te refaire une proposition
salace.
Il fallut quelques secondes à Becca pour saisir cette allusion mais, lorsqu’elle
comprit enfin, elle vacilla sur ses jambes. Brute venait de capter l’odeur de Trey
Roberts, qu’il avait déjà sentie chez elle. Elle se mit à pleurer de soulagement.
L’équipe de son père était là.
Sans attendre, Brute la souleva et se précipita vers la couchette. Il en cassa un
pied puis la contourna, et il s’allongea dessous en la plaquant contre le béton
froid.
— Ne bouge pas, lui ordonna-t-il. Il risque d’y avoir des coups de feu.
Il se servait de la couchette et de son corps pour la protéger des balles.
— Je n’arrive pas à croire qu’ils nous aient trouvés, souffla-t-elle, le cœur
battant.
— C’est pourtant vrai, lui murmura-t-il à l’oreille. Je perçois leur odeur par
les bouches de ventilation. Ils devraient arriver par l’autre bout de la pièce. Reste
couchée. Outre ton ami, il y a aussi d’autres humains et plusieurs Hybrides. Ils
sont nombreux.
Il se redressa un peu et regarda les portes. Elle aurait souhaité voir elle aussi,
mais son corps massif l’immobilisait.
— Tu vois quelque chose ?
— Pas encore, mais l’odeur est plus forte.
Les secondes s’écoulèrent, interminables. Soudain, elle entendit un gros
craquement métallique. Les portes venaient d’exploser.
— Ils sont derrière les portes sur votre gauche, cria Brute pour les guider. Il y
a une femme et plusieurs mâles. Ils ont des armes à feu, des Taser et des pistolets
à fléchettes.
Il se redressa si vite que Becca ne put le suivre. Elle s’assit et vit plusieurs
hommes se répartir dans la pièce. L’Hybride qui semblait diriger l’opération lui
sourit et se précipita dans la direction indiquée par Brute. Jamais elle n’avait été
aussi heureuse de voir Trey, qui se détacha du groupe et courut vers la cage,
rayonnant.
— Ouvre la porte, lui ordonna Brute.
Trey étudia les chaînes et le verrou.
— Recule.
Brute obéit et Trey tira deux balles qui firent exploser la chaîne. Brute ouvrit
aussitôt la porte et se lança à la suite des autres Hybrides.
— Ils ont les choses en main ! cria Trey à son intention tout en entrant dans la
cage.
Becca se leva et se dirigea vers lui. Trey rangea son arme et la serra contre lui
en lui embrassant le crâne.
— Ton paternel va te sonner les cloches, plaisanta-t-il. Il est mort
d’inquiétude. Tu vas bien, ma belle ?
Il recula d’un pas pour l’examiner et passa un doigt sur sa joue. Becca, qui
avait oublié le coup qu’elle avait reçu, tressaillit, et un éclair de colère passa
dans les yeux de Trey.
— J’en déduis que j’ai un bleu ? demanda-t-elle.
— Quel est le fils de pute qui t’a fait ça ? l’interrogea Trey avant de tourner
subitement la tête.
Brute se trouvait en dehors de la cage et les regardait. Becca saisit Trey par le
revers de sa chemise pour qu’il reporte son attention sur elle.
— Un garde. Brute ne m’aurait jamais fait le moindre mal.
Trey la reprit dans ses bras, la souleva du sol et la serra jusqu’à l’étouffer.
— Tu n’as rien ? Dis-moi la vérité.
— Repose-moi ! exigea-t-elle en remuant, consciente que sa chemise de nuit
était en train de remonter dangereusement et qu’elle n’avait plus de culotte. Je
vais bien, à part le fait que tu essaies de me briser les côtes.
Il la reposa en riant.
— Tu ne peux pas savoir comme je suis heureux de te revoir en vie. On était
tous très inquiets.
— Fiche-lui la paix, grogna une voix grave et virile. Plusieurs Hybrides sont
blessés. Ce n’est pas le moment de flirter.
La colère avec laquelle il disait cela laissa Becca sans voix. Trey la lâcha et se
retourna.
— C’est toi, Brute ?
— Oui, répondit l’Hybride en gonflant le torse pour inspirer à pleins poumons
avant de tendre la main. Je veux une arme.
Trey se dirigea vers lui et leva la tête pour le regarder dans les yeux, car il
mesurait dix bons centimètres de moins que lui.
— Ne le prends pas mal, mais c’est impossible. Tu te sens comment ? Tu as
reçu des injections ?
— Non.
Des coups de feu retentirent et Trey se précipita sur Becca pour la plaquer au
sol. Le souffle coupé par le choc, Becca sentit son poids s’écraser sur elle, mais
au même instant elle entendit Brute rugir. Il souleva Trey, le repoussa au loin et
s’agenouilla à côté d’elle en montrant les dents, prêt à attaquer son ami. Sans
prêter attention à la grosse bosse qui commençait à se former à l’arrière de son
crâne, Becca se releva rapidement pour se placer entre eux.
— Mais t’es malade ou quoi ? cria-t-elle, furieuse.
Brute soutint un instant son regard, poussa un grognement sourd et se releva.
— Ne la touche pas, dit-il à Trey.
Ce dernier semblait interloqué. Becca ne savait pas vraiment pourquoi Brute
l’avait attaqué. Les coups de feu s’étaient calmés. Une autre équipe entra dans la
pièce et se divisa en deux groupes. Le premier s’engouffra dans le couloir
menant au laboratoire tandis que le deuxième s’approchait d’eux.
Brute parla à voix basse aux Hybrides. Becca sortit de la cage et Trey lui
emboîta le pas, comme s’il refusait de la quitter d’une semelle. Elle regarda 919,
recroquevillé dans un coin de sa cage, visiblement effrayé par ces inconnus. La
compassion envahit le cœur de la jeune femme. La drogue lui faisait perdre la
tête et il devait penser que tous ces gens venaient s’en reprendre à lui.
Elle se dirigea vers le fond de la salle, là où se trouvait l’autre Hybride, dont
personne ne semblait soupçonner la présence. Elle fit le tour de la paroi de
séparation et tomba sur un spectacle qui lui fit monter les larmes aux yeux.
Le prisonnier était attaché à un lit médical, perfusé et relié à plusieurs
machines, les cheveux sales et emmêlés. Becca saisit les barreaux de sa cage,
mais l’homme ne réagit pas. Un électrocardiographe montrait que les battements
de son cœur étaient réguliers.
— Bon Dieu ! murmura Trey, qui venait d’arriver.
— Ouvre la porte.
Il hésita.
— Non. J’appelle l’équipe médicale.
— Ouvre la porte, insista-t-elle. Il ne bouge pas et son cœur bat très
lentement. Il est dans le coma.
— Mais si on le réveille il risque d’être dangereux. Je suis désolé, mais je
n’ouvrirai pas la porte tant que je ne serai pas sûr qu’il ne présente aucun danger.
Becca se tourna vers lui.
— Appelle de l’aide.
Trey hocha la tête et sortit sa radio, mais se rendit rapidement compte que le
signal ne passait pas.
— Viens. Je vais envoyer quelqu’un à la surface pour les prévenir qu’on a
besoin d’infirmiers.
Becca, qui ne voulait pas laisser le prisonnier seul, proposa de rester. Trey
protesta, mais elle lui rétorqua que personne ne pouvait plus lui faire de mal et
que l’Hybride était enfermé et attaché. Trey s’éloigna et elle reporta son
attention sur le pauvre mâle.
Quand elle voyait dans quel état il se retrouvait, Becca avait presque honte de
faire partie de la race humaine. Son cœur battait, mais elle n’était pas sûre qu’il
survive. Il était grand et bien bâti, mais aussi très pâle et très maigre.
Très vite, Trey revint avec des infirmiers et ouvrit la porte. Les hommes
l’examinèrent rapidement et conclurent que la condition de l’Hybride était
critique et nécessitait un transport d’urgence en hélicoptère. Déprimée par cette
nouvelle, Becca eut envie de retrouver Brute. Elle commençait à s’éloigner
lorsque Trey lui attrapa la main.
— On a neutralisé tout le monde, le bâtiment est sécurisé. Ils vont emmener
les Hybrides à Homeland. Tu veux qu’on t’examine ?
— Ça ira.
— Ton père attend dehors. Tu devrais vraiment aller le voir. Il ne tient pas en
place.
— J’ai juste un mot à dire à Brute, et ensuite j’y vais.
— Ne traîne pas. Ton père est presque bon pour la camisole de force.
Becca retourna de l’autre côté de la pièce et vit que deux Hybrides étaient en
train d’ouvrir la cage de 919. Ce dernier était toujours recroquevillé dans son
coin et grognait en direction de ses sauveteurs. Les membres humains du groupe
restaient prudemment en retrait. Becca vint se placer à côté de Brute.
— Tu crois qu’il se remettra ? demanda-t-elle en évitant de le toucher pour ne
pas le faire sursauter.
— Je l’espère. C’est son état mental qui m’inquiète, répondit-il en se tournant
vers elle. Becca, je…
Un rugissement l’interrompit. Becca tourna la tête et vit 919 repousser l’un
des Hybrides au loin avant d’assener un violent coup de poing à son collègue. Il
se précipita hors de sa cage, le visage déformé par la rage et les yeux rivés sur
elle.
— Non ! cria Brute en se plaçant sur son chemin.
Becca tenta de se sauver, mais il était trop tard. 919, rendu fou par la drogue,
frappa Brute au visage. Ce dernier tituba et 919 en profita pour se jeter sur elle.
Becca voulut crier, mais il la saisit à la gorge pour l’étrangler tout en lui faisant
une violente clé de bras de l’autre main.
Brute leur sauta dessus avec un rugissement enragé. Ils s’écroulèrent par terre
et 919 poussa un cri de douleur, puis lâcha Becca. Elle tenta de s’éloigner mais
elle avait les jambes coincées dans la mêlée.
Trey, blanc comme un linge, lui saisit le bras et tira de toutes ses forces pour la
dégager avant de la traîner sur le sol sur trois bons mètres tandis qu’elle regardait
Brute se battre avec 919. La lutte était violente et tous deux poussaient des cris
terrifiants.
— Éloignez Becca ! hurla Brute. Il ne sait plus ce qu’il fait !
Trey poussa un juron, la souleva et partit en courant. Becca se retourna de son
mieux dans ses bras et vit que le combat continuait sans que personne ne vienne
en aide à Brute. Elle voulut crier pour supplier qu’on les sépare, mais Trey était
déjà en train de gravir les marches.
— Repose-moi.
Sans l’écouter, il continua de courir, pantelant, et ne ralentit qu’une fois au-
dessus, au grand soulagement de Becca, qui trouvait ce moyen de transport fort
peu confortable.
— Rebecca !
Cette voix était reconnaissable entre mille. Elle scruta du regard l’entrepôt
rempli d’infirmiers, de soldats humains et d’Hybrides. Trey s’arrêta et la posa
par terre.
Son père se précipita sur elle et manqua de la renverser avant de la serrer dans
ses bras.
— Mon bébé, sanglota-t-il. Dieu merci, tu es en vie. Tu n’as rien ?
— Ça va aller, répondit-elle sans essayer de retenir ses larmes.
— Un médecin, vite ! hurla-t-il si fort que Becca fit la grimace.
— Je vais bien.
— Lâchez-la pour que je puisse l’examiner, dit un homme en s’approchant.
Son père obéit et elle vit qu’il s’agissait de Bucky, l’un des membres de son
équipe, qu’elle connaissait bien et qu’elle était heureuse de retrouver. Bucky lui
saisit le menton et inspecta son visage.
— On va l’emmener.
— Je n’ai rien, dit-elle en reculant d’un pas.
Il la regarda de la tête aux pieds, attentif aux moindres détails.
— Vous êtes sûre ?
Elle regarda son père et sourit.
— Je vais bien, je t’assure, papa. Quelques égratignures, mais je m’en
remettrai.
Son épaule et sa tête la lançaient atrocement, mais elle ne voulait pas l’affoler
pour si peu.
— Merde ! s’exclama Bucky en lui touchant l’arrière du crâne. Vous saignez.
Becca se figea.
— Aïe ! cria-t-elle en sentant sa main passer sur un point sensible.
Un Hybride s’approcha de son père.
— Nos hélicos vont arriver. On va emmener votre fille à Homeland. Nos
médecins sont déjà en alerte.
Oberto fit « non » de la tête.
— Je préfère l’emmener à l’hôpital, Cuivre.
Son interlocuteur fronça les sourcils et jeta un œil à Becca.
— Cela mettrait les autorités humaines au courant. Nous préférons que cette
affaire reste entre nous.
— Je n’en ai rien à foutre ! explosa son père.
— Ils réclameront qu’on leur livre tous ceux qu’on a arrêtés aujourd’hui,
insista Cuivre. Vous voulez vraiment qu’ils passent par un procès dans vos
tribunaux ? Votre justice est toujours très clémente dans ce genre de cas. Votre
fille sera appelée à témoigner et nous devrons expliquer pourquoi nous avons
jugé bon d’investir l’entrepôt sans les consulter.
L’idée que les monstres responsables de ce cauchemar puissent s’en sortir
avec une peine légère après avoir multiplié les appels mettait Becca hors de ses
gonds. Elle se tourna vers le grand Hybride jusqu’à ce qu’il croise son regard.
— Vos lois sont plus sévères ?
— Ils travaillaient autrefois pour Mercile et ils ont torturé des Hybrides. Ils le
paieront.
Cette réponse la satisfaisait.
— Je vous accompagne.
— Non, intervint Tim en lui prenant le bras. Je te conduis à l’hôpital.
Becca posa les doigts sur sa main.
— Je ne veux pas qu’ils échappent à la justice. Dès que je serai à Homeland,
je me ferai examiner. Laisse-les gérer cette affaire, papa. D’accord ?
Un hélicoptère atterrit dans une rue toute proche. Becca tira sur les doigts de
son père pour le forcer à la lâcher.
— Tout ira bien.
Oberto ouvrit la bouche, mais Cuivre leva la main.
— Je l’escorterai et veillerai moi-même à sa sécurité. Vous n’aurez rien à
craindre, mademoiselle Oberto.
— Je viens avec vous, déclara Tim.
Cuivre prit la main de Becca.
— Vous ne préférez pas assurer le transfert des prisonniers à Homeland ?
Votre fille sera déjà sur place quand vous arriverez.
Becca pouvait lire l’indécision sur le visage de son père.
— Bonne idée, papa. Comme ça, tu veilleras à ce qu’ils soient bien tous
enfermés.
— Je serai là-bas dans quatre heures.
— Je t’attendrai.
Cuivre la guida hors de l’entrepôt. Il faisait beau dehors et Becca était éblouie
par la lumière du jour après sa captivité souterraine. Ils arrivèrent à l’hélicoptère,
dont les pales tournantes firent voler ses cheveux.
— Tout ira bien ! cria Cuivre pour se faire entendre.
Il l’aida à boucler sa ceinture, puis s’installa à côté d’elle. Deux hommes
firent monter l’Hybride blessé qu’elle avait vu attaché aux machines. Il était
toujours inconscient. L’un des infirmiers lui était inconnu. Il n’avait été engagé
que récemment dans l’équipe de son père et elle ne connaissait pas encore son
nom. Elle chercha Brute du regard, mais il n’était pas dans les parages et
l’appareil décolla sans lui.
Où est-il ? Elle espérait qu’il allait bien. S’il avait été blessé, il serait parti
pour Homeland avec eux. Le vacarme de la turbine l’empêchait de poser la
question à Cuivre. Elle allait devoir attendre qu’ils arrivent.
Cuivre déplia une couverture et la lui tendit. Becca le remercia d’un sourire,
s’enroula dedans et se détendit. Ils étaient sauvés. Elle enfouit le visage dans la
couverture et fondit en larmes. Le cauchemar était terminé.
CHAPITRE 11
Becca trouva le trajet bien long, mais l’hélicoptère atterrit enfin. Jamais elle
n’avait visité Homeland, mais son père lui avait dit que c’était un endroit
agréable. Les portes s’ouvrirent et on fit d’abord sortir le blessé. Deux femmes,
grandes et imposantes, attendaient à proximité.
Elles mesuraient au moins un mètre quatre-vingts et leurs pommettes
saillantes montraient qu’il s’agissait d’Hybrides. La première avait des yeux de
chat semblables à ceux de Brute et une chevelure remarquable, faite d’un
mélange de six couleurs. Elles portaient l’une comme l’autre un uniforme noir
aux armes de l’OPH et lui sourirent timidement.
— Tout va bien, la rassura Cuivre. (Il se leva en prenant soin de garder la tête
baissée pour ne pas se cogner au plafond et l’aida à déboucler sa ceinture.)
Je vous présente Rouille et Soleil.
Il sortit de l’hélico et la souleva pour l’aider à descendre. Les deux femmes
souriaient toujours. La rousse avait les yeux d’une teinte jaune, jolis, mais
déroutants.
— Je m’appelle Rouille, dit-elle. Soleil n’est pas très bavarde. Bienvenue à
Homeland. Vous y serez en sécurité, promis.
La femme aux cheveux multicolores hocha la tête sans un mot et les deux
Hybrides l’emmenèrent jusqu’à une Jeep. Becca, toujours emmitouflée dans sa
couverture, s’installa à la place avant à côté de Rouille. Cuivre resta avec le
blessé, que l’on était en train d’installer dans une ambulance. La Jeep démarra et
Becca fit de son mieux pour ne pas fixer les yeux sur tous les Hybrides qu’elles
croisaient.
— On vous emmène au centre médical. Nous avons d’excellents médecins,
l’informa Rouille.
— Je m’appelle Becca. Je suis la fille de Tim Oberto.
— Oui, je sais. Tigre nous a expliqué la situation et nous a dit que vous
arriviez.
Soleil, depuis la banquette arrière, ouvrit enfin la bouche.
— Nous savons ce que c’est que de se retrouver à la merci de monstres. Nous
l’avons vécu. Sachez que vous n’êtes pas seule.
Becca se retourna et lui adressa un grand sourire.
— Merci. Ça n’a pas été si terrible. Brute était avec moi.
Rouille se gara bientôt devant le centre médical, un bâtiment de plain-pied aux
immenses vitres teintées. Les trois femmes arrivèrent à la réception, composée
d’une salle d’attente et d’un bureau, séparés par un comptoir. Des couloirs
menaient à différentes pièces. Un homme en blouse blanche les attendait à la
porte.
— Je suis Paul, l’infirmier. Trisha vous attend. C’est l’un des médecins qui
travaille ici. Le docteur Treadmont va prendre en charge le blessé, annonça-t-il
avant d’hésiter un instant. Vos gardes du corps ne vous quitteront pas,
mademoiselle Oberto. C’est la procédure standard : à aucun moment je n’ai le
droit de rester seul avec vous. Je suis un mâle redoutable, que voulez-vous,
conclut-il en souriant.
Rouille ricana.
— Tu prends tes fantasmes pour des réalités. Je sais bien que tu ne lui ferais
aucun mal, mais nous avons reçu l’ordre de l’accompagner partout où elle va
pour la soutenir.
— Euh… vous pouvez m’appeler Becca, au fait, hasarda la jeune femme.
Une petite blonde d’environ trente ans, elle aussi en blouse, arriva dans le hall
et sourit à Becca.
— Bonjour, mademoiselle Oberto. Je m’appelle Trisha et je vais vous
examiner. Par ici, s’il vous plaît.
— Appelez-moi Becca, répéta-t-elle.
— Très bien. Suivez-moi, Becca.
Trisha la mena dans une pièce qui ressemblait à n’importe quel bureau de
médecin. Elle referma la porte et l’invita à s’asseoir sur la table d’examen.
Rouille et Soleil attendaient dans le couloir.
— Où avez-vous mal ? demanda Trisha, qui ne souriait plus.
— Inutile de m’examiner, répondit Becca. J’ai quelques bleus et une
égratignure à l’arrière du crâne.
Trisha enfila des gants, lui inclina la tête et localisa le point en question.
— Ce n’est pas trop grave. Vous avez des étourdissements ? Vous voyez
double ? Montrez-moi votre joue. J’ai parlé à Brute pendant que vous arriviez. Il
m’a dit que vous aviez fait quelques chutes et que vous aviez reçu un coup au
visage.
— Il va bien ?
— Oui. Il est resté là-bas pour répondre à quelques questions, mais il sera de
retour dès ce soir. Regardez bien, dit-elle en levant la main. Combien de doigts ?
— Deux. Je n’ai ni commotion cérébrale, ni étourdissements, ni troubles de la
vision. Entre nous, je n’ai accepté de venir ici que pour échapper à mon père. Il
tenait absolument à m’emmener à l’hôpital, mais les Hybrides lui ont dit qu’ils
préféraient régler la situation entre eux, sans faire intervenir la police. Je vous
remercie de votre sollicitude, mais je ne me sens pas plus mal qu’après une
grosse séance de sport. Je vais très bien, je vous assure.
— On m’a dit qu’on vous a injecté un produit. Vous savez de quoi il s’agit ?
Le docteur l’a dit, peut-être ? Brute a remarqué une trace de piqûre sur votre
bras.
— Elle m’a pris des échantillons de sang et de la salive, répondit Becca,
surprise. J’ai aussi reçu une piqûre, en effet, mais on ne m’a pas dit ce qu’il y
avait dans la seringue.
— Je déteste ce genre d’apprentis sorciers, maugréa Trisha.
Elle lui examina les bras, souleva sa chemise de nuit pour regarder ses
genoux, puis la plante de ses pieds. Elle se redressa et regarda Becca dans les
yeux.
— Vous voulez parler à quelqu’un après ce que vous avez vécu ? On peut faire
venir un psy.
— Très honnêtement, j’ai juste envie d’une douche, d’un bon repas et de
retrouver mon lit. C’est ce qui me ferait le plus plaisir.
Trisha ôta ses gants et hocha la tête.
— Je comprends. Je vais vous prescrire des cachets pour prévenir tout risque
d’infection. Je ne sais pas si les seringues étaient stérilisées ou pas, mais je
préfère ne pas courir de risque. Vous avez des allergies ? Vous êtes sous
traitement actuellement ?
— Non, ni allergie ni traitement. Je ne me drogue pas et je ne bois que très
rarement.
— Très bien. Euh…, hésita Trisha, Brute m’a parlé, comme je vous l’ai dit.
Tout ce que vous me direz restera entre nous. Vous êtes sûre que vous n’êtes pas
blessée ? Il m’a dit que vous aviez fait l’amour et il a peur de s’être montré trop
brutal. Vous ne voulez pas que l’on procède à un examen du bassin, juste par
précaution ? Les mâles hybrides n’ont aucune maladie vénérienne et je peux
vous assurer que Brute est parfaitement sain.
Becca rougit.
— Ça va. Il ne m’a pas fait mal et j’aimerais que cette histoire ne s’ébruite
pas. Dites-lui que je suis saine moi aussi. Je fais des check-up réguliers et ça ne
fait aucun doute.
Elle s’abstint de préciser que sa vie sexuelle était inexistante et qu’elle ne
courait aucun risque d’attraper la moindre maladie sexuellement transmissible.
Trisha fronça les sourcils.
— Seuls Brute, vous et moi sommes au courant, a priori.
— C’est surtout mon père qui m’inquiète. Vous le connaissez ?
— Tim ? Oui.
— Il en ferait une attaque.
— Je vois, commenta Trisha en se détendant.
— Il est hyperprotecteur et, s’il apprenait ce qui s’est passé entre Brute et moi
dans cette cage, il péterait un câble. Brute vient à peine d’intégrer son équipe, et
mon père refuse catégoriquement qu’il y ait quoi que ce soit entre ses hommes et
moi. (Elle soupira.) Il… le prendrait très mal. Il me traite comme une petite fille
et, vu qu’ils sont censés travailler ensemble, il rendrait la vie impossible à Brute.
Trisha sourit.
— Je comprends. Il a l’air très raide, en effet.
— Ce n’est rien de le dire, répondit Becca en se relevant. Quand il est en
colère, il se transforme en véritable tyran.
Rouille ouvrit alors la porte.
— Je vous ai entendues sans le vouloir. Tu veux que je l’emmène prendre une
douche et que Soleil lui trouve des vêtements propres ? J’ai déjà commandé un
repas à la cafétéria. Il arrivera dans un quart d’heure. (Elle regarda Becca droit
dans les yeux.) J’étais la seule dans le couloir à pouvoir entendre ce que vous
avez dit et je vous jure que je ne le répéterai à personne. J’ai déjà rencontré votre
père et, si j’étais à votre place, je n’aurais pas très envie qu’il sache moi non
plus. Il passe déjà toutes ses réunions à hurler sur ses hommes.
Trisha éclata de rire.
— Bienvenue dans ma vie ! Leur ouïe est quatre fois plus fine que la nôtre, et
c’est encore pire avec les mâles. Si vous voulez avoir une conversation privée à
Homeland, je vous conseille de murmurer ou d’ouvrir les robinets à fond !
— Désolée, doc, s’excusa Rouille en souriant. Je ne fais pas exprès.
— Oui, je sais. Emmène-la prendre une douche au bout du couloir. Je dois
examiner les mâles qui vont arriver. (Elle se tourna vers Trisha et lui frôla le
bras.) Je suis heureuse que vous n’ayez rien de grave. Si vous ne vous sentez pas
bien, n’oubliez pas que l’offre de voir un psy tient toujours. Appelez Homeland
et demandez à me parler. Votre père ne sera pas mis au courant. Nous travaillons
avec d’excellents thérapeutes. Paul vous apportera vos cachets, avalez-les avec
un verre d’eau.
— Merci, répondit sincèrement Becca. Mais je vais bien, je vous assure.
Elle aurait tant voulu parler à Brute, mais elle savait qu’il n’était pas là. Il
faisait encore jour et elle n’avait aucune idée de l’heure, mais elle se doutait qu’il
n’arriverait pas avant longtemps. Elle allait donc prendre une douche et un bon
repas, puis faire la sieste en attendant qu’il vienne la retrouver.
Becca était de retour chez elle, mais le sentiment de sécurité qu’elle avait
éprouvé en retrouvant son logis s’était évaporé. Son père, assis au bout du lit, la
dévorait des yeux. Depuis que les Hybrides l’avaient ramenée à la maison, il ne
la quittait pas d’une semelle.
— Tu as faim ?
— Ils m’ont donné à manger.
— Si on avait forcé l’un de ces Hybrides à te toucher, tu me le dirais, n’est-ce
pas ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
— Je te jure qu’aucun d’entre eux ne m’a fait aucun mal, papa. Combien de
fois est-ce que je devrai te le répéter ?
— J’ai insisté, mais Tigre et Trey n’ont rien voulu me dire. Mais qu’est-ce qui
s’est passé dans ce labo, bon Dieu !?
— Il y avait un médecin de Mercile et une bande d’hommes de main. Ils
comptaient vendre des Hybrides à un client européen pour récolter de quoi fuir
le pays. Ils savaient qu’ils étaient recherchés. Le client voulait avoir la gamme
complète d’Hybrides. Ils n’en avaient qu’une espèce et c’est pour ça qu’ils ont
enlevé Brute et qu’ils comptaient en kidnapper un autre.
— Oui, il y en a trois types : félin, canin et primate. J’ai lu le rapport et on
essaie de trouver la taupe.
— Tant mieux. Je peux te poser une question ?
Tim se raidit, mais hocha la tête.
— Après ce que tu as subi, tu as droit à des réponses. Que veux-tu savoir ?
— Qu’est-ce qui va leur arriver ?
— Les Hybrides ont été confiés à un médecin. L’OPH a engagé plusieurs
spécialistes qui feront tout leur possible. Si besoin, ils feront même appel à des
confrères extérieurs. Maintenant qu’ils sont enfin parmi les leurs, les prisonniers
recevront toute l’attention dont ils ont besoin.
— Je suis heureuse de l’apprendre, mais je voulais parler de ceux qui nous ont
enlevés. Est-ce qu’ils vont payer pour ce qu’ils ont fait ?
Tim lui massa le pied par-dessus la couverture.
— La loi hybride est brutale. Tu as bien fait de monter dans cet hélicoptère. Je
n’avais pas toute ma tête à ce moment-là, sinon j’aurais exigé qu’on t’emmène à
Homeland sur-le-champ. Ces salopards ne reverront jamais la lumière du soleil.
— L’OPH peut les condamner à perpétuité ?
Tim hésita.
— Réponds-moi, je t’en prie, insista-t-elle, les larmes aux yeux. Je dormirai
mieux si je le sais. Ils ont tué Tina et Mel. Ils sont entrés chez moi et…
— Il existe une prison spéciale, ma puce. Elle est inconnue du grand public et
elle est réservée à tous ceux qui ont fait du tort aux Hybrides. Justice North est
malin et il a su négocier des accords très avantageux.
— Je ne comprends pas.
— Mercile Industries était en partie financé par le gouvernement. Tu imagines
la réaction de la population si elle venait à apprendre à quoi servaient une partie
de ses impôts ? Toutes les personnes concernées veulent que cela reste secret.
Les Hybrides pourraient intenter un procès aux États-Unis, et ils gagneraient à
coup sûr, comme ils l’ont fait contre Mercile, qui a dû leur verser une énorme
compensation financière pour leurs années de captivité. Le gouvernement a
préféré négocier. Cela lui revient moins cher et évite un scandale public. Les
Hybrides ont reçu Homeland et assez d’argent pour gagner leur autonomie. Le
gouvernement a aussi monté le groupe d’intervention que je dirige pour traquer
les derniers employés de Mercile encore en cavale et pour libérer les derniers
Hybrides. Nous avons déjà découvert cinq laboratoires et il y en a peut-être
d’autres. Et nous savons à coup sûr que certains Hybrides ont été donnés à des
investisseurs.
— Comment ça ?
Oberto baissa les yeux.
— Des femmes, ma puce. Mercile s’adonnait au trafic humain. Ils vendaient
des esclaves sexuelles que nous essayons de retrouver.
Trisha se mit à pleurer.
— Oh, mon Dieu !
— Je sais. C’est la principale raison d’être de mon commando. On traque les
ordures qui les ont achetées et on essaie de les récupérer vivantes.
— Vous en avez déjà trouvé ?
— Quelques-unes. Généralement, ça se finit mal, je ne te le cache pas. Justice
a exigé un détachement spécial disposant de toutes les ressources nécessaires, et
c’est moi qu’on a nommé à sa tête. Contrairement aux agences officielles, on
peut contourner la loi, ce qui nous permet entre autres d’avoir notre propre
prison. On y enferme ceux qu’on attrape, et je peux t’assurer qu’ils n’en sortent
jamais. Chez nous, la libération conditionnelle pour bonne conduite, ça n’existe
pas.
— C’est à Homeland ou à la Réserve ?
— Ni l’un ni l’autre. Il s’agit d’un autre endroit que je ne peux pas te révéler.
La prison est dirigée par certaines des personnes qui s’occupaient de Homeland
avant que les Hybrides en prennent le contrôle. Et ce n’est pas un camp de
vacances, crois-moi. Les prisonniers ne sont pas maltraités, mais je peux te dire
qu’ils n’ont droit ni aux chaînes du câble ni aux visites.
— Ce sont les Hybrides qui enferment ceux qui les gardaient prisonniers ?
C’est un juste retour des choses.
— Non. Justice ne voulait pas mettre les siens dans une situation aussi
inconfortable. Nous gérons la prison.
— Ton équipe ?
— Des humains.
— Les Hybrides sont humains eux aussi, du moins en partie.
— C’est vrai, mais ce sont eux qui nous appellent les « humains ». Je
commence à prendre le pli, sourit-il. Je vais passer la nuit sur le canapé du salon,
à moins que tu préfères que je dorme par terre au pied de ton lit. Ça ne me
dérange pas.
Becca fut touchée par cette proposition. En temps normal, il la rendait chèvre
mais, après ce qui lui était arrivé, elle n’avait aucune envie d’être seule.
— Tu es trop vieux pour dormir par terre, plaisanta-t-elle. Tu n’arriverais
jamais à te relever. Le canapé est très confortable, tu verras. Merci, papa.
Il lui lâcha le pied et se leva.
— Je suis en bas si tu as besoin de moi. Tu veux que je laisse la lumière
allumée ?
Becca était tentée, mais elle fit « non » de la tête. Il lui témoignait une
gentillesse touchante, mais elle n’avait pas envie qu’il se serve plus tard de ce
moment de faiblesse contre elle. Il était très doué pour ce genre de choses et en
profiterait aussitôt pour la convaincre de revenir vivre chez lui.
— Quand Brute reviendra-t-il ? demanda-t-elle, car elle avait très envie de le
revoir.
— Jamais.
— Quoi ? s’exclama-t-elle, surprise, puis peinée. Quand j’étais à Homeland,
j’avais cru comprendre qu’il ferait sa déposition, puis qu’il reviendrait vivre ici.
Tim lui répondit avec une voix que la colère rendait plus grave.
— Tigre, qui remplace Justice pendant ses congés, a conclu que l’insertion
d’un Hybride dans notre équipe était vouée à l’échec. Ils nous ont bien aidés à te
récupérer mais, hors de Homeland ou de la Réserve, ils sont trop en danger au
quotidien et ils font prendre trop de risques à ceux qui les fréquentent.
— Ce n’était pas sa faute.
— Je sais, mais je suis tout de même soulagé qu’il ne revienne pas. Demain
matin, on organise une réunion pour étudier divers scénarios d’intégration
d’Hybrides. J’espère trouver le moyen de le faire en minimisant les risques.
— J’aimerais parler à Brute, insista-t-elle, au risque de mettre son père en
colère.
Ce dernier s’arrêta à la porte.
— Cela n’arrivera pas. On m’a dit qu’il ne voulait plus aucun contact avec les
humains. Je sais qu’il s’est passé quelque chose entre vous, même si tu refuses
de m’en dire plus. En tout cas, il en a fini avec les humains.
Sur ces mots, il éteignit la lumière et ferma la porte.
Becca laissa libre cours à ses larmes. Brute ne voulait plus voir d’humains ?
Et donc ne plus jamais la voir, elle ? Elle se remémora sa réaction lorsqu’elle lui
avait touché le bras et la manière dont il avait hurlé à Trey de l’évacuer. Peut-être
avait-il menti. Peut-être lui en voulait-il vraiment.
Cela faisait mal. Elle était tombée amoureuse de lui, mais elle aurait dû se
rappeler qu’il ne voulait pas s’engager dans une relation avec elle. Elle enfouit la
tête dans son oreiller et le tordit entre ses doigts. Brute lui manquait et elle avait
du mal à croire que tout soit déjà terminé entre eux sans qu’elle ait eu l’occasion
de lui dire au revoir.
CHAPITRE 12
Becca faisait les cent pas en se morfondant, rongée par la solitude. Elle finit
par se laisser tomber sur le divan et se roula en boule. Elle allait bientôt devoir
recontacter son père et donc inventer un nouveau mensonge. Il pensait qu’elle
visitait l’Europe, mais s’il découvrait qu’elle n’avait jamais quitté la Californie il
ne s’en remettrait pas.
Ils communiquaient par ordinateur. C’était bien plus facile de cette manière.
Sans cela, elle aurait dû trouver le moyen de masquer la provenance de ses
appels. Elle connaissait plusieurs personnes en France et en Allemagne, qui
savaient que son père était un tyran et qui avaient accepté de lui envoyer des
cartes postales pour qu’il ne se doute de rien. Selon ses amis, elle avait besoin de
faire un break.
Ce qui était vrai, d’ailleurs. Après son retour, son père l’avait rendue chèvre et
elle avait ressenti le besoin de s’éloigner de lui pour échapper à ses tentatives
incessantes pour qu’elle revienne s’installer chez lui. Après son enlèvement, elle
avait connu une période de dépression. Elle s’était mise en congés en espérant
qu’il l’appellerait, à sa grande honte.
En pensant à Brute, elle se redressa et crispa les mains sur ses cuisses. Au
début, l’absence de contact l’avait peinée, mais au fil des semaines la tristesse
s’était muée en colère. Comment osait-il ne pas prendre de ses nouvelles ? Cela
aurait été la moindre des choses de sa part de lui demander si elle s’était bien
remise de cette épreuve. Le fait qu’ils aient couché ensemble ne faisait
qu’aggraver son cas. Bonjour l’esprit d’équipe !
L’un des hommes de son père était venu chercher les affaires de Brute le
lendemain de son retour. Sa maison avait été en travaux pendant deux semaines
et, après le départ des ouvriers, elle avait verrouillé la porte de la chambre d’ami
pour tenter de l’oublier. Mais cela n’avait pas fonctionné. Chaque fois qu’elle
passait dans le couloir pour se rendre à sa chambre, elle ne pouvait s’empêcher
de tourner la tête.
Quatre semaines plus tard, elle avait découvert une chose qui avait bouleversé
sa vie. Après avoir inventé en hâte un prétexte pour son père, elle était venue
s’installer dans ce chalet du nord de la Californie, d’où elle avait passé plusieurs
appels pour mettre son plan au point. Elle pensait n’avoir laissé aucune faille. Si
jamais son père avait eu des soupçons, il n’aurait pas pu le lui cacher.
L’éventualité d’une erreur la rendait très nerveuse, tout comme le souvenir de
l’appel qu’elle avait passé trois semaines plus tôt, en se rendant au chalet. J’ai
acheté un téléphone jetable, j’ai payé en cash, j’ai abrégé l’appel au maximum
et je l’ai passé loin d’ici. J’ai même pensé à me débarrasser de la batterie pour
que personne ne puisse localiser l’appel, se dit-elle en inspirant à fond pour
se calmer. J’ai fait ce qu’il fallait et personne ne peut savoir que c’est moi.
L’opératrice de l’OPH avait décroché après deux sonneries et Becca avait
demandé à parler à Trisha. Elle avait donné un faux nom et même pris l’accent
du Texas, qu’elle imitait à merveille, car elle y avait vécu pendant cinq ans dans
son enfance. Elle était certaine d’y être arrivée et, avec le recul, ne pensait pas
s’être trahie.
L’opératrice avait transféré l’appel. À chaque sonnerie supplémentaire, elle
sentait sa peur grandir. Ce coup de téléphone était très risqué, mais Becca avait
absolument besoin de réponses.
— Trisha à l’appareil, annonça gaiement une voix féminine au bout de la
quatrième sonnerie.
— Bonjour, répondit Becca avec difficulté. Je n’ai pas beaucoup de temps,
parce que j’ai peur que vous localisiez l’appel, mais je dois vous parler.
— Euh… d’accord, dit Trisha, interloquée.
— Est-ce que c’est vrai que certains Hybrides sont allergiques au chocolat et
que ça peut les rendre très malades ?
Le silence se prolongea un peu trop au goût de Becca, car elle savait qu’elle
ne disposait que d’un temps limité. Mais, même s’ils parvenaient à la localiser,
elle aurait déguerpi bien avant qu’ils arrivent.
— Adressez vos questions au bureau des relations publiques de l’OPH,
répondit enfin Trisha. Je vous souhaite une bonne journée.
— Attendez ! intervint Becca avant qu’elle raccroche. C’est vraiment urgent.
Trisha hésita de nouveau, mais resta en ligne.
— Vous avez un besoin urgent de savoir s’ils sont allergiques au chocolat ?
C’est une blague, ou quoi ?
— Je suis enceinte, balbutia Becca. (Elle serra les dents, regrettant d’avoir dû
faire cet aveu pour obtenir les informations dont elle avait besoin. Elle inspira à
fond pour se calmer et se rappela qu’elle devait garder l’accent texan.) J’ai
couché avec un Hybride et je suis tombée enceinte. Si je pose la question, c’est
parce que j’ai peur de faire du mal au bébé si je mange du chocolat. J’ai besoin
de savoir si c’est une possibilité.
— Ce n’est pas drôle.
— Je ne plaisante pas, insista Becca. C’est vrai et j’ai peur de consulter un
médecin, vu l’identité du père. Vous pensez que ça se verrait tout de suite à
l’échographie ? Est-ce que je peux aller voir un docteur, ou bien il vaut mieux
que j’évite.
— Vous n’avez rien de mieux à faire que des canulars téléphoniques ? soupira
Trisha. Je raccroche.
Becca paniquait. Elle savait que le docteur ne la croyait pas, mais elle devait
réussir à la convaincre.
— Leur sperme est plus chaud que celui d’un homme. Ils sont aussi très bien
montés, enfin, au moins celui avec qui j’ai couché, et il ronronnait pendant qu’on
faisait l’amour. Il m’a mordillée avec ses dents pointues et il aime faire ça de
manière bestiale. Et il était circoncis. Ce n’est pas une blague.
— Qui êtes-vous ? demanda Trisha avec plus de douceur. C’est sérieux ?
— Oui.
— Dans ce cas, vous devez venir à Homeland. Dites que je vous attends et les
gardes vous conduiront jusqu’à moi et je vous examinerai personnellement. Je
n’y crois pas une seconde, vu que les Hybrides sont stériles, mais comme ça
toutes vos craintes s’évanouiront.
— Je suis enceinte d’un Hybride et il est hors de question que je vienne vous
voir. J’ai simplement besoin de réponses, insista Becca avec une touche de
désespoir qui la navrait. Est-ce que ça fera du mal au bébé si je mange du
chocolat ? J’en ai très envie, mais je me retiens. Je prends des vitamines
disponibles sans ordonnance, mais j’aimerais beaucoup consulter un médecin.
S’il m’examine, est-ce qu’il se rendra compte que quelque chose cloche ?
Donnez-moi ces deux réponses et je vous laisse tranquille.
Comme Trisha se taisait, Becca en conclut qu’elle avait appelé pour rien. Il
n’existait aucun bébé hybride, tout le monde savait que c’était impossible et le
docteur ne la croyait pas. Mais, comme elle était seule et sans assistance, elle
avait décidé de tenter sa chance. L’idée que le bébé était peut-être mal portant la
terrifiait.
— Ce n’est pas possible, affirma enfin Trisha.
— La preuve que si. Je suis bien enceinte et j’ai trop peur pour aller voir un
médecin. Je ne voulais pas prendre le risque qu’il me fasse passer un test de
grossesse et qu’il détecte des anomalies dans le résultat. Répondez-moi, je vous
en prie. Je vais bientôt devoir raccrocher parce que je ne veux pas que vous me
localisiez. Je sais que vous pouvez le faire.
— Pourquoi ne venez-vous pas à Homeland ? Je vous promets de vous
examiner moi-même. Si c’est un souci d’argent, je vous rassure, ce sera gratuit.
— Je ne peux pas.
— C’est une blague, hein ?
Becca retint ses larmes.
— Je préférerais que ce soit le cas, mais malheureusement non. J’ai peur,
avoua-t-elle. Je sais que les Hybrides ont beaucoup d’ennemis et que je suis la
première femme à porter un bébé mixte. Je ne veux pas que mon enfant fasse la
une de la presse ou qu’il soit la cible de ces abrutis. J’ai loué un chalet isolé.
Vous êtes la seule à être au courant. Je n’ai confiance en personne.
— Vous devez voir un médecin. Venez à Homeland. Vous n’aurez rien à
craindre. Personne ne vous y fera aucun mal. Ou laissez-moi venir vous voir, si
vous préférez. Dites-moi où vous êtes. Je le garderai pour moi.
— Pas question, répliqua Becca après une courte hésitation. Je ne veux pas
que ma famille le sache. C’est dur à expliquer, mais c’est comme ça. Le père est
un Hybride. Qu’est-ce que je dois éviter de boire ou de manger ? Est-ce que je
dois consommer plus de viande ? Je sais qu’ils en mangent beaucoup.
— Donnez-moi une dernière preuve pour que je sois sûre que c’est bien vrai.
Becca se mordit la lèvre inférieure.
— Je prends beaucoup de poids et mon ventre grossit déjà, alors que c’est
bien trop tôt. J’ai eu la nausée du matin au bout de deux ou trois semaines. Je
pensais que j’avais attrapé un petit virus, mais j’ai commencé à prendre du poids
et mes seins sont devenus hypersensibles. C’est exactement ce dont se
plaignaient mes amies pendant leur grossesse.
— Dites-moi où vous vous trouvez. Si ce que vous racontez est vrai, vous
avez besoin d’un suivi médical immédiat. Vous en êtes à combien de semaines ?
— Je préfère ne pas vous le dire. Ça pourrait vous aider à identifier le père. Je
ne veux pas prendre ce risque.
Trisha étouffa un juron.
— Vous n’avez pas idée du danger auquel vous vous exposez en restant seule.
Vous êtes vraiment installée dans un chalet isolé ? C’est une grosse erreur. Vous
avez besoin de vivre près d’un centre médical. Dites-moi à quel stade est votre
grossesse.
— Il faut que j’y aille. Je dois manger plus de viande ou éviter certains
aliments ? Est-ce que je peux aller voir un médecin sans risquer de faire les gros
titres ? C’est tout ce que je veux savoir. Je ne veux surtout pas faire de mal au
bébé.
Trisha soupira, puis répondit.
— Oui, mangez de la viande rouge. Et c’est vrai que certains Hybrides ne
tolèrent pas le chocolat, mais je ne sais pas si cela affecterait le fœtus. À votre
place, je m’abstiendrais. Si c’est bien un bébé hybride, les résultats révéleraient
beaucoup d’anomalies. Le médecin demanderait des examens complémentaires
et finirait vite par comprendre. Venez à Homeland. Vous…
— C’est inenvisageable, je vous dis. Je suis désolée, mais je ne peux pas. Je
n’irai pas vous voir.
— Est-ce que vous pouvez au moins m’appeler tous les jours ? Vous avez un
stylo ? Je vais vous donner mon numéro de portable. Nous discuterons et vous
vous rendrez compte que vous pouvez me faire confiance.
Becca hésita.
— Vous n’essaierez pas de localiser mon appel ?
— Juré.
Becca savait que c’était une mauvaise idée, mais elle tira néanmoins un stylo
de son sac.
— J’écoute, dit-elle avant de noter le numéro. Je vous appellerai d’ici
quelques jours. Ce n’est pas une blague. Je suis vraiment enceinte d’un Hybride.
— Je vous en conjure, insista Trisha. Laissez-moi venir vous voir, ou rendez-
vous à Homeland. Demandez aux gardes de me prévenir. Personne ne sera au
courant de rien. S’il vous plaît, faites…
Becca raccrocha et ôta la batterie. Trois kilomètres plus loin, elle jeta le
téléphone dans une poubelle et repartit vers son chalet.
Aussitôt, Trisha saisit le combiné de son téléphone fixe. Elle était en train de
parler à Justice lorsque la jeune femme l’avait appelée et elle avait mis le haut-
parleur pour qu’il entende leur conversation.
— Tu as reconnu sa voix ? Tu connais la plupart des humains qui sont en
rapport avec nous.
— Hélas, non, soupira Justice. Mais une chose est sûre : elle n’est pas texane,
elle perdait son accent de temps en temps. Peut-être qu’elle ment.
— Non, les détails sont trop précis. Elle a dit qu’elle vient de sentir le bébé
bouger pour la première fois. Elle doit en être entre huit et dix semaines. C’est là
que les mouvements apparaissent. Dieu merci ! c’est une bonne nouvelle. J’avais
très peur qu’on n’ait pas le temps de la localiser avant la naissance. Elle en est à
la moitié de sa grossesse, Justice. J’ai accouché à vingt semaines. Elle ne sait pas
que les bébés hybrides se développent plus vite. Il faut absolument qu’on la
trouve. Mon mari est canin, mais les grossesses félines sont peut-être plus
rapides. Je pars du principe qu’il s’agit d’un félin, parce qu’elle n’a pas dit que
son pénis gonflait pendant les rapports sexuels, comme c’est le cas avec les
canins. Et le sperme chaud, c’est une caractéristique féline. Mais on ne connaîtra
la durée de sa grossesse qu’une fois qu’elle sera arrivée à terme.
— Je vais… Une seconde. Tigre vient d’arriver.
— On a pu cerner le signal, annonça le nouveau venu. On sait à peu près d’où
elle appelait. J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle.
— Je t’écoute, répondit Justice en enclenchant le haut-parleur. Tu nous
entends, Trisha ?
— Oui. C’est quoi, la mauvaise nouvelle ?
— Tout semble indiquer qu’elle dit la vérité. Elle se trouve près de la Réserve.
Si elle vit là-bas, ça expliquerait pourquoi elle a pu entrer en contact avec l’un
des nôtres.
— C’est plutôt encourageant, non ?
— Pas si tu pars du point de vue que l’un d’entre nous a mis une humaine
enceinte et que nous n’étions pas au courant. C’est grave, il faut absolument
qu’on la mette à l’abri. La bonne nouvelle, enchaîna Tigre, c’est que c’est une
région très reculée. On va envoyer des équipes à sa recherche. Les chalets sont
plutôt rares, si elle n’a pas menti à ce sujet. Il ne nous faudra pas plus de trois
jours pour tous les fouiller. On la trouvera vite.
Justice semblait soulagé.
— Super.
— Elle a déjà un gros ventre, Trisha ? demanda Tigre en s’approchant du
téléphone.
— Oui, et elle dit qu’elle sent déjà le bébé bouger, ce qui la met entre huit et
dix semaines. Elle aura le ventre rebondi et vous devriez repérer une vague
odeur d’Hybride sur elle si vous la reniflez de très près. Plus la grossesse
avancera et plus cette odeur s’amplifiera.
— Justice, si tu permets, j’aimerais diriger cette opération. Je peux prendre
l’hélicoptère ? demanda Tigre. J’aimerais une équipe triée sur le volet, avec
uniquement des Hybrides qui ont l’habitude des humains. On intégrera aussi des
membres du détachement spécial. Ils entreront en contact avec elle les premiers
pour ne pas éveiller ses soupçons.
— D’accord, répondit Justice.
— Je vous accompagne, intervint Trisha. J’appelle Slade et je lui dis qu’on
part tous. Je vais faire les bagages et préparer Forêt. Je veux être présente quand
vous la trouverez, Tigre. Elle sera morte de peur. Justice, tu as entendu ce qu’elle
a dit à propos de sa famille ? Tu crois qu’ils font partie des manifestants qui
campent devant nos grilles ? C’est peut-être comme ça qu’elle a fait la
connaissance du père. Il est peut-être gardien à la Réserve. Oui, ça tient debout.
Elle accompagnait sa famille et elle a rencontré des Hybrides.
— Pas bête, confirma Justice. Bon, au travail. Trouve-moi cette femme, Tigre.
— Oui, chef. Ce qui m’inquiète, c’est que quelqu’un d’autre la trouve avant
nous, ou que sa famille, si elle est composée de fanatiques, découvre son secret.
Ça ne se terminerait pas bien.
— Je sais, répondit Justice avec colère. Trouve-les, son bébé et elle, et
ramène-les en sécurité. Merci de nous avoir permis de tracer tes appels, Trisha.
— Je n’ai pas vraiment eu le choix, maugréa la jeune femme. Ça me gêne
d’avoir dû lui mentir. Je lui avais donné ma parole.
— Ce n’est pas toi qui l’as localisée, c’est nous, répliqua Justice. Au fait, j’ai
demandé à mes mâles s’ils avaient couché avec une humaine et ils ne l’ont pas
très bien pris. Ils se sont mis en colère en disant que je me mêlais de leur vie
privée. Notre priorité, c’est de mettre cette humaine en sécurité parmi nous. Je
n’ose pas imaginer ce qui se passerait si elle était forcée d’accoucher à l’hôpital.
Notre secret serait dévoilé, tous les médias s’en empareraient et nos opposants
feraient tout pour s’en prendre à l’enfant. Pire encore, elle pourrait accoucher
seule et mourir de complications.
— Je sais, répondit Trisha en crispant les doigts sur le combiné. J’en fais des
cauchemars. C’est pour ça que j’ai essayé de la faire parler le plus longtemps
possible, pour vous donner une chance de la localiser. Mais si vous ne la trouvez
pas il faudra que tu me permettes de lui dire la vérité, Justice. Elle connaît une
grossesse accélérée et, si elle est seule quand le travail commencera, elle va
s’affoler et penser qu’elle est en train de perdre le bébé, expliqua-t-elle, la voix
gorgée d’émotion. Évitez-lui ça. C’était ma plus grande peur quand j’attendais
Forêt. Je ne peux pas lui faire ça. Si on lui en parle, ça la convaincra peut-être de
venir d’elle-même.
— On ne peut pas prendre ce risque. Tant qu’on ne sera pas sûrs à cent pour
cent qu’il ne s’agit pas d’une journaliste en quête d’un scoop et que son bébé est
bien un Hybride, nous ne lui dirons rien du tout. C’est un ordre. Je suis désolé,
mais trop de choses sont en jeu. Ça nous mettrait tous en danger, à commencer
par ton fils.
— Je sais, sanglota-t-elle. Mais je ne peux pas m’empêcher de me mettre à sa
place. Elle a sincèrement l’air d’avoir peur de quelque chose. Je ne sais pas qui
est sa famille, mais elle doit compter de belles ordures pour qu’elle en ait si peur.
— Moi, j’en veux au mâle qui a couché avec elle, grogna Justice. Il aurait dû
prendre des précautions ou tout au moins prendre de ses nouvelles. De toute
évidence, elle ne se sentait pas assez proche de lui pour lui demander sa
protection. Quand on saura de qui il s’agit, on aura une petite explication entre
hommes, lui et moi. Il nous a fichus dans un sacré pétrin.
— Ne le démolis pas entièrement, je veux passer après toi, renchérit Tigre. Je
n’arrête pas de répéter à nos agents de mettre des préservatifs s’ils couchent avec
des humaines, mais, vu ce qu’on sait, ça ressemble fort à l’un des hommes de
Cuivre, donc ce sera à lui que reviendra le plaisir de lui mettre les points sur les
i.
— Voilà, flanquez-lui une raclée, déclara Trisha, dégoûtée. Ça lui apprendra.
Je suis heureuse que Slade soit à la maison en ce moment et pas à la Réserve.
Je déteste devoir le rafistoler.
Cette réponse suscita l’hilarité de Justice.
— C’est un truc de mâles, qu’est-ce que tu veux.
CHAPITRE 13
Flamme observa longuement le chalet, qui paraissait vide, puis fit signe à
l’équipe humaine d’avancer. Ils encerclèrent la bâtisse, trois d’entre eux restant à
couvert des arbres. L’un des humains, Bobby, frappa à la porte. Tous étaient
vêtus normalement pour ne pas éveiller les soupçons. Si elle ouvrait la porte,
Bobby lui dirait que sa voiture était tombée en panne et lui demanderait s’il
pouvait utiliser son téléphone pour appeler une dépanneuse.
Personne ne répondit. Bobby regarda par la fenêtre et fit signe à ses collègues
d’avancer. Il se mit à genoux et crocheta l’ouverture en quelques secondes, puis
se tourna vers Flamme, qui venait de le rejoindre.
— Le chalet est habité, ça se voit.
Flamme pénétra dans le salon et huma.
— C’est une femme qui vit seule. Je ne capte que son odeur.
Soudain, son cœur s’accéléra : il venait d’apercevoir un berceau dans l’une
des deux chambres. Tout le matériel pour bébé semblait neuf. La deuxième
chambre était celle de la femme. Il ôta la couverture et appuya le nez contre le
drap. Ils étaient au bon endroit, cela ne faisait aucun doute. Il sentait l’odeur de
sa grossesse, dans laquelle la part d’Hybride était évidente.
Il sortit son portable et se tourna vers les humains.
— C’est bien ici. Ses affaires sont toujours là, donc elle devrait revenir
bientôt. Mettez le plan en œuvre.
— Arrêtez les recherches, ordonna Bobby dans sa radio. On l’a trouvée.
Rentrez à la base et restez cachés.
Aussitôt, Flamme contacta la Réserve.
— On a trouvé le chalet, mais elle n’est pas là. Je pense qu’elle ne devrait pas
tarder à revenir. J’ai senti ce que l’on prévoyait. Je me cache et j’attends son
retour. Mettez l’hélico en alerte et faites-le décoller dès que je la tiendrai.
Il raccrocha et regarda ses hommes.
— Je pense qu’il vaudrait mieux que je m’en occupe seul. Retournez à la base.
Bobby, le chef du détachement spécial, hésita.
— Tu es sûr ? Je peux rester en soutien.
— Non. La situation ne présente aucun danger. C’est un service qu’on rend à
Trisha. Sa cousine s’est enfuie de chez elle parce que son mari la frappait et elle
s’inquiétait pour elle. Elle ne résistera pas. Je veux juste lui faire passer un
message.
— Ah bon ? s’exclama Bobby, furieux. Et c’est pour ça qu’on a fait tout ce
cirque ?
Il tourna les talons, furieux. Flamme ne le retint pas, mais ce mensonge le
mettait mal à l’aise, car il appréciait ses collègues humains. Cependant, il ne leur
avait rien dit et il n’avait aucune intention de le faire. Moins ils en sauraient et
mieux cela vaudrait, mais il avait eu besoin d’eux pour frapper à la porte. S’ils
s’étaient trompés de maison, le ou la propriétaire des lieux se serait alarmé de se
retrouver face à un Hybride et en aurait aussitôt parlé aux voisins, voire à la
police. La presse n’aurait pas tardé à en entendre parler, tout comme la femelle,
qui en aurait profité pour fuir à toutes jambes.
Flamme les regarda s’éloigner. Les membres de l’OPH étaient terrifiés à l’idée
que le monde apprenne qu’ils pouvaient avoir des enfants avec des humaines,
car ils savaient que cela causerait des problèmes inextricables. Ils avaient
confiance en leurs collègues humains mais les journaux à scandale offraient de
telles fortunes pour des scoops de ce genre qu’il était parfois impossible de
résister. Il était donc essentiel que cette information reste confinée aux Hybrides
et à leurs compagnes. Tous ceux qui connaissaient ce secret étaient
personnellement impliqués dans sa protection. Flamme referma la porte, la
verrouilla, puis s’adossa au mur et attendit. La patience était l’une de ses grandes
qualités.
Malgré ses genoux qui tremblaient, Becca parvint à rester debout. Son secret
était éventé, tout du moins pour les personnes présentes. Elle avait envie de
pleurer et n’arrivait pas à parler, l’estomac retourné par la peur et la nervosité.
Slade l’observait, le regard dur.
— Elle n’a pas vraiment l’air d’être en Europe.
— En effet, acquiesça Trisha. Vous auriez dû nous le dire dès le début, Becca.
Comment avez-vous fait pour les cartes postales ?
— Une partie de mon ancienne belle-famille habite là-bas et je leur ai
demandé ce petit service, répondit Becca en se retenant à grand-peine de
sangloter. Laissez-moi partir, je vous en prie. J’ai assez d’argent pour disparaître.
Mon père… (Elle hésita et adressa un regard suppliant à Trisha.) Il ne doit pas
l’apprendre. Il deviendrait fou de colère et vous savez tous à qui il s’en prendrait.
Il l’accuserait d’avoir couché avec moi sans se soucier du fait que j’étais
consentante. Il n’arrive jamais à être raisonnable quand il s’agit de moi. Laissez-
moi repartir avant que ça tourne au cauchemar.
— Impossible, Rebecca. Pour votre sécurité et celle du bébé, vous devrez
vous installer ici. Flamme vous a expliqué la tournure que va prendre votre
grossesse ? Les bébés hybrides arrivent à terme à vingt semaines. Vous en êtes à
combien ? Huit ?
— Neuf.
— Donc vous approchez de la moitié. C’est pour cela que votre ventre
s’arrondit déjà et que vous le sentez bouger. Slade m’a donné un fils. L’ADN
modifié des Hybrides est si fort qu’il domine tout le reste. Le bébé sera
forcément masculin et il aura les traits physiques de son père. Vous ne pourrez
pas le cacher indéfiniment aux yeux du monde. Et votre père finira par apprendre
la vérité, à moins que vous comptiez lui dire que vous vous installez
définitivement en Europe.
— J’ai même envisagé de simuler un accident de voiture pour lui faire croire
que j’étais morte.
Trisha fronça les sourcils, mais Becca haussa les épaules.
— Je n’avais rien prévu de tout cela. J’essaie de vivre au jour le jour pour
éviter le stress, expliqua-t-elle en se frottant le ventre. Dès que je commence à y
penser, je me crispe. Ce n’est pas très bon pour le bébé.
— Nous devons en informer le père de l’enfant, Rebecca.
— Non, répondit fermement la jeune femme. C’est mon bébé.
— Nous n’avons pas le choix. Votre père l’apprendra un jour ou l’autre, vous
vous en doutez, et, dès qu’il saura, il s’en prendra à lui. Il faut au moins l’avertir
de ce qui l’attend. Vous voulez qu’on le fasse venir ici pour que vous le lui
appreniez vous-même ?
Becca secoua vigoureusement la tête.
— Nous n’avons rien à nous dire. Je ne peux pas vous empêcher de le mettre
au courant, mais de mon côté je ne lui demande qu’une seule chose : qu’il reste
loin de moi.
— Vous lui en voulez ? s’étonna Trisha en pâlissant. Lui aussi est une victime.
— Je le sais, mais ce n’est pas pour cela que je ne veux pas le voir. Dites-lui
que je ne veux plus de contact avec lui. J’ai été contrainte à venir ici, mais au
moins ne me forcez pas à le voir. Je vous en prie. (À sa grande honte, elle
pleurait, victime de ses hormones et de sa peur de l’avenir.) Vous ne trouvez pas
que j’ai assez de pression comme ça ?
Trisha hésita, incertaine.
— Commençons par vous examiner, vous et le bébé. Ensuite, nous aviserons.
Entrez et déshabillez-vous. J’arrive tout de suite.
Becca hocha la tête et entra dans la salle d’examen, puis ferma la porte
derrière elle, s’y adossa et ferma les yeux. Ils allaient tout dire à Brute et à son
père. Tout ce qu’elle avait eu tant de mal à mettre en œuvre pour se protéger était
en train de s’écrouler sous ses yeux. Mais c’est pas vrai ! Merde. Merde. Merde !
Elle posa la main sur son ventre et sentit le bébé bouger. C’était bien la seule
chose qui pouvait la consoler.
Becca se débattait sur la table. Elle se mordit la lèvre inférieure, faisant de son
mieux pour ne pas oublier que Trisha et ses amis se trouvaient à quelques mètres
d’eux. Jamais elle ne se serait attendue à cela, mais elle ressentait un besoin
impérieux de jouir. Elle était proche de l’extase, mais, soudain, il enfonça un
doigt dans son vagin. Becca rejeta la tête en arrière et se plaqua la bouche contre
l’épaule. Son doigt allait et venait en elle et sa langue continuait à lui ravager le
clitoris. Dans une explosion de plaisir, elle poussa un cri étouffé par le tissu de
son chemisier.
Brute se retira lentement. Becca était encore secouée par des spasmes de
plaisir. Frissonnante, elle se rendit à peine compte qu’il remuait les épaules pour
lui libérer les chevilles de son pantalon. Il la saisit ensuite sous les genoux et elle
ouvrit les yeux.
Brute se leva et elle le regarda, fascinée par la passion qui transparaissait dans
ses yeux bleus. Il posa ses chevilles sur ses épaules, puis baissa les mains. En
entendant le bruit de sa braguette, Becca comprit ce qui allait suivre. Elle ne
protesta pas. Brute lui avait manqué et elle n’avait cessé de rêver à de nouvelles
étreintes, mais la situation était loin d’être idéale. Ils se trouvaient dans une salle
d’examen. La porte était certes verrouillée et personne n’avait tenté d’entrer, du
moins pas à sa connaissance, mais ce mince panneau de bois était un bien faible
rempart pour leur intimité.
Brute se pencha et lui attrapa une cuisse. Son ventre rond lui cachait le pénis
de l’Hybride, mais elle le sentit glisser contre ses plis, hésiter un instant, puis
commencer à la pénétrer.
— Tu es à moi, Becca, grogna-t-il. Tu es ma compagne et je te revendique
comme telle.
— Quoi ?
Becca fit glisser un pied de l’épaule de Brute, l’appuya contre son torse et le
repoussa.
— Tu es ma compagne, répéta-t-il. Mon enfant. Ma femelle. À moi.
Une sensation glaçante envahit les veines de Becca et elle revint aussitôt à la
réalité. Elle donna un coup de hanche et remua les fesses pour le faire sortir de
son vagin. Le sexe de Brute, humidifié, glissa sur son clitoris.
— Non.
Brute la regarda, incrédule.
— Non, répéta-t-elle fermement.
— Comment ça, non ? Tu me désires, tu ne peux pas le nier. Je ne te ferai pas
mal.
Elle le poussa une nouvelle fois avec le pied, le faisant enfin reculer de
quelques centimètres.
— Non ! je ne suis pas ta compagne. Me revendiquer ? Et puis quoi encore ?
Les traits déformés par la fureur, Brute rejeta la tête en arrière et poussa un
rugissement. Becca, terrifiée, hurla elle aussi. Il la lâcha et recula d’un bond. Elle
faillit tomber de la table, mais se rattrapa à temps et parvint à protéger son
ventre. Le pantalon toujours accroché par une cheville, elle se plaça derrière la
table, manquant de peu de se prendre les pieds dans le tissu.
— Tu es ma compagne, répéta Brute. Tu es à moi.
Becca se baissa pour tenter de dénouer les jambes de son pantalon, mais la
panique la rendait maladroite.
— Ouvrez la porte ! cria Trisha. Qu’est-ce qui se passe ?
— Pousse-toi, ordonna une voix masculine.
Dans un craquement assourdissant, la porte s’ouvrit à toute volée. Becca n’eut
que le temps de se baisser pour cacher ses jambes nues derrière la table et faire
redescendre son chemisier sur son ventre exposé.
Slade pénétra dans la pièce, emporté par son élan. Un coup d’œil lui suffit
pour évaluer la situation. Trisha voulut s’approcher de Becca, mais Slade
l’attrapa par la taille et la jeta dans les bras de Tigre.
— Ramène-la dans le couloir, ordonna-t-il à ce dernier.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Trisha en se débattant.
Elle tourna la tête vers Brute et resta bouche bée. Becca suivit son regard et vit
l’objet de sa surprise : le sexe de Brute, dressé et dur comme de la pierre.
— Rhabille-toi, mon pote, conseilla Tigre. Tu nous en montres un peu trop à
mon goût.
Sur ces mots, il se retourna, Trisha toujours dans les bras.
— Repose-moi, Tigre, protesta cette dernière. Qu’est-ce qu’il y a, Becca ?
— C’est évident, non ? ricana Slade. Rhabille-toi, Brute. Il n’y a que moi qui
aie le droit de fournir ce genre de spectacle à ma compagne.
— Sortez, répliqua Brute en rangeant son sexe turgescent dans son pantalon,
mais sans refermer sa braguette. C’est entre Becca et moi.
Parle, s’encouragea la jeune femme.
— Je refuse d’être ta compagne, même si tu es le père de mon bébé. Ce n’est
pas une raison pour prendre ces grands airs. Et qu’est-ce que tu entends par
« revendiquer » ? N’y songe même pas.
— Eh merde ! maugréa Tigre en se retournant et en lâchant Trisha. Toi aussi,
mon pote ? J’étais persuadé que tu ne te laisserais jamais ferrer.
Becca rougit, gênée. Comment pouvaient-ils savoir ce que Brute venait de lui
faire ? Probablement grâce à leur odorat acéré, ce qui empirait encore les choses.
Elle renifla, mais, privée de leur talent olfactif, ne sentit rien qui sortait de
l’ordinaire.
— C’est mon bébé, et, de ce fait, tu es à moi toi aussi, grogna Brute en lui
montrant les dents.
— Va te faire foutre, répliqua-t-elle, oubliant son embarras. On ne va ni
coucher ensemble, ni se marier, et je t’interdis de me revendiquer.
— C’est un peu la même chose, avança Tigre.
Becca le fusilla du regard.
— Merci, assena-t-elle avant de reporter son attention sur Brute.
— C’est ce qu’on va voir, dit Brute.
Il fit un pas vers elle, mais Slade l’attrapa par le bras. Brute s’arrêta et regarda
la main posée sur son biceps.
— Lâche-moi. Ne t’en mêle pas.
— Calme-toi, ordonna Slade d’une voix grave. Elle est humaine, elle est
enceinte et tu lui montres les dents. Respire lentement par la bouche et reprends-
toi.
— Ne résiste pas, enchaîna Tigre tout en poussant doucement Trisha vers le
mur. La pièce est trop petite et les femelles recevraient des coups.
Brute se dégagea de la prise de Slade et tenta de s’éloigner, mais son ami lui
reprit le bras.
— Calme-toi !
— Sortez et laissez-nous seuls.
— Pas question, intervint Becca. Vous m’aviez promis que je serais en
sécurité. Prouvez-le. Éloignez-le de moi.
— C’est mon enfant.
— Je ne dis pas le contraire, mais ça ne te donne pas le droit d’affirmer qu’on
est ensemble. C’est faux.
— C’est vrai.
Becca ouvrit la bouche pour répondre, mais, prise d’un étourdissement, elle
tituba et se rattrapa comme elle le pouvait à la table. Elle entendit un grognement
derrière elle et sentit deux bras musclés l’entourer.
— Je te tiens. Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Brute, alarmé.
— Retournez-vous tous les deux, ordonna Trisha. Brute, pose-la sur la table.
Elle est enceinte et elle a vécu une journée très stressante. Elle n’a vraiment pas
besoin que sa nudité soit exposée aux yeux de tous.
— Ça va aller, soupira Becca en remuant pour se libérer des bras de Brute.
C’est juste que je n’ai rien mangé depuis hier soir. Lâche-moi.
— Une minute, maugréa Trisha avant de prendre quelque chose dans une
armoire. Tenez. On a toujours des pantalons de rechange en cas d’urgence. Vous
n’imaginez pas le nombre de types qui viennent me voir à cause de blessures aux
jambes pendant l’entraînement. Je vais vous aider.
— Ça ira, merci. (Becca tourna la tête et adressa un regard noir à Brute.)
Lâche-moi. Je peux m’habiller toute seule.
Elle vit dans ses yeux qu’il s’apprêtait à répondre, mais Trisha, sans lui en
laisser le temps, s’agenouilla devant elle.
— Levez la jambe.
Trisha lui enfila le pantalon pendant que Brute la soutenait. Elle était heureuse
qu’il le fasse, mais elle aurait préféré mourir plutôt que de le lui avouer. Elle se
sentait faible et savait que Trisha avait raison. La journée avait été effectivement
épuisante.
— Tigre, emmène-la à l’hôtel pendant que je lui commande un repas. Elle a
besoin de nourriture et de repos. (Trisha se tourna ensuite vers Slade.) Personne
ne doit savoir qu’elle est ici. Fais passer le mot à tous les Hybrides. Elle serait
peut-être mieux dans l’un des chalets, mais je veux la garder à proximité. Donc
c’est forcément l’hôtel. Aucun humain ne le fréquente et les Hybrides ne
mentionneront pas sa présence.
— Ça marche, doc.
Elle sourit.
— Merci, mon sucre d’orge.
— Allumeuse, grogna-t-il tendrement avant de quitter la pièce.
Tigre se tourna vers les deux femmes.
— J’ai une voiture dehors. Allons-y.
Brute voulut la soulever dans ses bras, mais elle s’éloigna de lui en titubant et
lui assena une tape sur la main.
— Non, merci. Tu m’as déjà assez touchée comme ça.
— Je vais te porter.
— Non. Je vais mieux. J’ai juste besoin de manger un morceau, c’est tout.
— Vous vous chamaillerez plus tard, intervint Tigre. Elle est pâle et elle est
enceinte. Elle a besoin qu’on s’occupe d’elle et plus tu discutes, plus tu lui fais
du mal.
Becca tourna le dos à Brute et s’adressa à Trisha.
— Merci pour l’échographie.
— Il n’y a pas de quoi. Mangez et reposez-vous bien. Je passerai vous voir
tout à l’heure. Si vous ne vous sentez pas bien ou si vous avez besoin de quelque
chose, appelez-moi. Contactez l’accueil et ils transféreront l’appel sur mon
portable.
— C’est gentil, merci.
Becca suivit Tigre jusqu’à la voiture. Rose était installée au volant.
— Je vous en prie, dit Tigre en ouvrant la portière.
Il lui prit le bras pour l’aider, mais un grognement fit sursauter la jeune
femme. Brute regardait Tigre comme s’il avait envie de lui arracher la tête. Elle
s’installa et Tigre la lâcha. Brute s’approcha alors de la voiture et la regarda en
haussant un sourcil.
— Laisse-moi un peu de place, Becca.
Elle essaya de fermer la portière, mais Brute lui bloquait l’accès à la poignée.
— On parlera plus tard, quand on sera calmés, dit-elle. Pousse-toi. J’ai faim et
j’ai envie d’aller me coucher.
Le regard de Brute s’adoucit.
— Je ne voulais pas te faire peur, Becca. Je suis désolée.
Soudain, il lui prit la main, la serra dans ses doigts chauds, tomba à genoux et
enfouit le visage contre sa cuisse.
Becca n’en revenait pas. Pourquoi ce grand mâle viril agissait-il de manière si
étrange ? Il ne bougeait plus et lui serrait la main, juste assez fort pour qu’elle ne
puisse pas la retirer. Elle se mordit la lèvre inférieure, comprenant qu’il devait
connaître les mêmes tourments émotionnels qu’elle. Avec hésitation, elle leva
l’autre main et lui caressa doucement les cheveux pour le consoler.
— Brute ?
— Ne me rejette pas, implora-t-il d’une voix étouffée.
Elle releva la tête et vit Tigre qui les regardait, bouche bée. Au bout de
quelques secondes, il vit qu’elle l’observait et haussa les épaules.
— Au moins, il est devenu docile. Ne sois pas cruelle avec lui.
Elle ne savait pas ce qui se passait dans le crâne de Brute, mais elle se
rappelait son propre choc lorsqu’elle avait appris qu’elle était enceinte. La
surprise avait cédé la place à la peur et à l’inquiétude, puis à l’impatience. Sa vie
allait être bouleversée à jamais. Il lui avait fallu des jours pour passer par toutes
ces émotions, mais Brute, lui, n’était au courant que depuis une heure. Elle lui
caressa les cheveux pour le réconforter.
— La journée a été rude pour toi comme pour moi, admit-elle.
— Oui, répondit-il en hochant la tête contre sa cuisse.
Becca en avait les larmes aux yeux. Maudites hormones !
— Tu vas bien ?
Il ne bougea pas.
— Ne me rejette pas. J’ai besoin d’être près de toi.
Becca interrogea Tigre du regard. L’Hybride haussa une nouvelle fois les
épaules, tout aussi interloqué qu’elle.
— Je ne comprends pas.
Enfin, Brute releva la tête. Toute la détresse du monde se lisait dans ses yeux.
— J’ai besoin de toi comme j’ai besoin de respirer. Je ne peux pas l’expliquer.
C’est une chose que je ressens, c’est tout. Si tu me repousses, je deviendrai fou.
Je ne veux plus te faire peur.
Que se passait-il donc ? Becca sentit de nouveau la peur l’envahir. Pourquoi
voulait-il rester auprès d’elle ? Que se passait-il dans sa tête ? Ils se regardèrent
longuement, puis Becca se détourna.
— D’accord. Tu peux m’accompagner à l’hôtel.
Il se releva aussitôt pour s’installer à côté d’elle et Becca en profita pour
dégager sa main. Tigre referma la portière derrière lui, s’installa devant et fit
signe à Rose de démarrer. Personne ne prononça un mot sur le court trajet
menant à l’hôtel.
CHAPITRE 16
Brute se leva, s’étira et se tourna vers son collègue, assis au bureau voisin du
sien.
— On ferme boutique pour aujourd’hui ?
— OK, grogna Bestial. J’ai horreur de parler aux téléphones avec les humains,
mais répondre aux e-mails c’est encore pire. Pourquoi est-ce qu’on a accepté de
devenir conseillers ?
Brute sourit.
— Pour impressionner les femelles et pour avoir droit à une maison privative
plutôt que de loger dans les dortoirs ? Qu’est-ce que tu veux, c’est le prix à payer
quand on a des responsabilités.
— Ah oui ! j’oubliais. Si je fais ça, c’est juste pour les filles, répondit Bestial
avec un sourire. Et toi, au fait, tu tiens le coup ?
Bestial savait tout de sa situation et s’inquiétait pour lui, C’était pénible, mais
les conseillers étaient toujours au courant de tout.
— Elle ne veut pas me voir. Quand je l’ai revue, j’ai réagi violemment et j’ai
tout gâché. Elle n’a pas demandé à me parler et on m’a ordonné de garder mes
distances. Tu le sais.
— Et cette histoire avec Tigre, tu vas la gérer comment ?
— Quelle histoire ? demanda Brute en fronçant les sourcils.
Bestial écarquilla les yeux.
— T’es pas au courant ?
— De quoi ? Il passe du temps avec elle ?
— Eh merde ! soupira Bestial. Je comprends mieux pourquoi on ne t’a pas
informé de la décision de Trisha, mais c’est elle le médecin, après tout. Assieds-
toi, ça vaudra mieux.
Brute obéit.
— Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi on ne m’a pas prévenu ?
— Trisha n’aime pas voir Becca seule. Elle a demandé quelqu’un vive à son
côté vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Flamme ayant admis qu’elle l’attirait,
il a été mis hors jeu d’office et c’est Tigre qui a été choisi, parce qu’il s’entend
bien avec les humains.
— Quoi ? s’exclama Brute en se relevant d’un bond.
— Rassieds-toi si tu veux entendre la suite.
Brute se laissa retomber si violemment que son fauteuil craqua sous le choc. Il
en saisit les bras avec les doigts et serra très fort.
— Flamme s’intéresse à ma femelle ?
Il allait lui flanquer une raclée. Le faire souffrir. Le…
— C’est Tigre qui va s’installer auprès d’elle. Il l’emmènera se promener et
s’assurera qu’elle mange correctement et qu’elle dort assez. Slade a dit que
Trisha avait beaucoup de courbatures pendant sa grossesse et Tigre devra masser
Becca partout où elle a mal.
En pensant qu’un autre mâle allait poser les mains sur Becca, Brute poussa un
grognement de rage. Il arracherait les bras de Tigre, et ensuite…
— Il n’était pas ravi, mais il a fini par accepter pour le bien de bébé, et aussi
parce qu’il savait que la femelle n’aurait pas peur de lui, parce qu’ils se voient
déjà souvent.
À ces mots, Brute vit rouge, la couleur du sang de Tigre.
— Quoi ? Elle lui permet de venir la voir ? Comment ça, souvent ?
— De temps en temps, quoi, répondit prudemment Bestial. Elle est seule et
tout le monde s’inquiète pour elle. On aurait probablement dû te prévenir, mais
peut-être qu’on ne voulait pas t’alarmer. Je pensais qu’on aurait dû te le dire
depuis le début, mais voilà, c’est fait.
Brute fronça les sourcils.
— Donc tu admets qu’ils comptaient me le cacher ? Pourtant, tu viens de me
le dire en faisant semblant de croire que j’étais déjà au courant. À quoi tu joues,
putain !?
— Bonne question, répondit Bestial en souriant. Je n’étais pas d’accord avec
le résultat du vote et personnellement, si un autre mâle s’installait chez ma
femelle, j’aimerais qu’on me le dise avant. Elle est attirante, seule et vulnérable.
Tigre est plus à l’aise que la plupart d’entre nous avec les humains et ce ne serait
pas la première fois qu’un mâle qui avait juré être immunisé contre leur charme
se retrouve en couple avec une humaine. Il va la toucher, tu imagines ? Un mâle
qui tripote la femelle que tu as inséminée.
Brute se leva d’un bond.
— Pas question.
— C’est bien ce que je me disais. Je suis ton ami et je n’ai pas envie que tu te
fasses supplanter par un autre mâle, même si c’est quelqu’un de bien.
— Je vaux mieux que lui et elle est à moi, décréta Brute en serrant les poings.
Appelle Tigre et dis-lui que, s’il l’a touchée, il a intérêt à s’enfuir. Vite et loin.
Il se dirigea vers la porte, accompagné par le rire de Bestial.
— Va la voir. Montre-lui à qui elle appartient. Heureusement pour moi, jamais
je ne craquerai pour une humaine. En tout cas, la décision de Trisha est ridicule.
C’est toi qu’on aurait dû nommer pour veiller sur elle.
— Ta gueule ! grogna Brute en ouvrant la porte.
— Et pour le sexe, t’as besoin de conseils ? Ça fait tellement longtemps que
t’as peut-être oublié comment faire jouir une femelle ?
Brute poussa un rugissement de rage et se précipita dehors. L’hôtel n’était pas
loin et il n’avait pas une minute à perdre. Si Tigre était déjà installé, il le
balancerait par la fenêtre avec ses affaires. Ils étaient amis, mais il préférait le
tuer plutôt que de le laisser mettre la main sur ce qui était à lui.
Becca, assise sur le canapé, attendait Tigre avec nervosité. Elle ne savait pas à
quelle heure il était censé arriver et elle avait un mauvais souvenir de la dernière
fois où un Hybride était venu s’installer chez elle. Elle avait été enlevée quelques
heures après.
Elle pensa à l’arrangement qui avait été décidé. Qu’est-ce que cela donnerait ?
Cohabiter avec un quasi-inconnu risquait d’être gênant. Son bébé donna un coup
de pied et elle se frotta le ventre en se disant qu’elle se sentirait peut-être mieux
avec un compagnon. Elle avait peur en permanence de s’évanouir ou d’avoir
besoin d’aide. Dans ce genre de situation, Tigre pourrait l’aider.
On frappa à la porte et elle sursauta, puis se leva, pleine d’inquiétude. Elle
tenta de se convaincre que cela irait, même s’ils ne s’entendaient pas très bien,
mais n’en avait pas moins envie d’aller se cacher dans sa chambre sans ouvrir la
porte. Tigre avait accepté cette mission et elle savait qu’il ne devait pas en être
plus ravi qu’elle. À contrecœur, elle avança jusqu’à la porte et le fit entrer.
Mais, à sa grande surprise, c’était Brute qui se tenait là, furieux, hors
d’haleine et le visage luisant de sueur. Il inspira à plein nez avant d’avancer vers
elle et de la soulever. Il referma la porte derrière lui, puis marcha jusqu’au
canapé et l’y déposa doucement.
— Sors d’ici, parvint à dire Becca. Tu…
— La ferme ! Tu veux bien que Tigre s’installe ici, mais pas moi ? demanda-t-
il avec un grognement féroce. Tu as besoin d’un mâle pour veiller sur toi ? Me
voilà !
Elle le fusilla du regard.
— Je n’ai rien réclamé, on me l’a imposé. Fiche le camp, Brute.
Il passa un bras autour de sa taille et la saisit par les cheveux, puis pivota les
hanches et se glissa de force entre ses cuisses. Il la tira jusqu’au bord du canapé,
se mit à genoux et cala les hanches entre ses jambes, les yeux rivés sur ses
lèvres.
— Ouvre la bouche, grogna-t-il.
— Va te faire foutre.
— Écoute-moi bien. Je suis prêt à tout, tu entends ? Si un mâle vient vivre
avec toi, je le tuerai. Tu portes mon fils. Si tu as besoin d’un mâle, tu t’adresses à
moi. Ouvre la bouche.
— Non. Tu es fou de rage. Pourquoi tu veux que j’ouvre la bouche,
d’ailleurs ? J’ai quand même pas besoin qu’on me donne la becquée !
— Oui, je suis furieux. C’est à moi qu’on aurait dû demander ça, pas à Tigre.
Ce n’est pas lui le père. Ce n’est pas lui qui t’a fécondée. C’est moi. Tu ne me
supportes pas ces jours-ci et je te comprends, mais il ne s’agit pas de notre
couple, là. Il s’agit de notre enfant. Tu as besoin de quelqu’un pour veiller sur toi
et c’est moi qui vais le faire. Ouvre la bouche.
— Tu es vraiment une enflure. Et c’est quoi, cette obsession avec ma bouche ?
Elle tenta de le repousser, mais il était bien trop fort pour elle.
— Ouvre la bouche, répéta-t-il, et ses yeux de chat se mirent à luire
dangereusement.
— Pourquoi ?
— Tu veux que je te lâche ?
— Oui.
— Alors fais ce que je te dis.
Becca, crispée, ferma les yeux, se demandant ce qu’il avait en tête. Elle obéit
avec l’étrange impression de se trouver chez le dentiste. Pour l’instant,
l’expérience était d’ailleurs à peu près aussi agréable. S’il lui faisait mal, elle le
mordrait sans hésiter.
Brute se rapprocha d’elle et plaqua le torse contre ses seins. Elle sentit son
souffle sur son visage, puis il posa les lèvres sur les siennes, lui lécha le contour
de la bouche et enfourna sa langue entre ses dents.
Elle aurait dû s’y attendre. Elle voulut se débattre, mais la prise qu’il avait sur
ses cheveux la maintenait immobile. Sa langue dansait avec la sienne et, à son
grand dam, Becca sentit son corps s’éveiller au souvenir de leurs baisers dans la
cage.
Elle se détendit, laissant la passion prendre le dessus, puis le saisit par le
revers de sa chemise et lui rendit son baiser. Brute ronronna, lui lâcha les
cheveux et lui caressa le dos. Elle passa les bras autour de son cou et Brute la
souleva, s’assit sur les talons et l’installa sur ses genoux. Elle se plaça à
califourchon et, malgré l’épaisseur des vêtements, sentit son sexe rigide venir se
frotter contre son clitoris lorsqu’il remua les hanches. Elle gémit, excitée, et
redoubla d’ardeur.
Elle appuya les hanches contre Brute, qui lui massait les fesses de ses doigts
puissants tout en la faisant bouger contre lui de manière très érotique. Elle passa
les ongles sur sa chemise, désireuse de le sentir de nouveau en elle et de coller sa
peau nue contre la sienne.
Ses grognements et ses ronronnements mettaient son corps en éruption.
Jamais elle n’avait été en proie à une telle excitation tandis qu’elle essayait de lui
arracher sa chemise pour le déshabiller. Brute semblait sur la même longueur
d’onde. Il rompit leur baiser et ils se regardèrent, haletants.
— Personne ne te touche à part moi, grogna-t-il. Personne.
Becca le regarda dans les yeux et chercha une réponse, mais en vain. Il la
lâcha, se cambra en arrière et fit glisser sa chemise par-dessus sa tête, lui offrant
le spectacle de son torse surpuissant. Elle aurait pu l’admirer pendant des heures,
mais il reprit sans attendre possession de sa bouche.
Becca gémit, terrassée par ce baiser torride, mais elle était prête à répondre à
une telle passion. Elle rêvait depuis si longtemps de se retrouver dans ses bras
que ses hormones étaient incontrôlables. Elle enroula les bras autour de son cou
et enfonça les griffes dans son dos pour l’encourager. Elle plaqua ensuite ses
seins contre son large torse et il recula un peu pour ne pas lui écraser le ventre à
cause du bébé. Ce fut à peine si elle s’en aperçut, mais elle eut le temps de
penser que, contrairement à elle, il n’avait pas encore totalement perdu la tête.
Brute la souleva comme un fétu de paille et elle s’agrippa fermement à lui
tandis qu’il se relevait. Elle ne savait pas où il allait et elle s’en fichait. Plus rien
ne comptait, à part sa bouche et ses baisers. Il la prit par le dessous des cuisses
pour lui permettre d’enrouler les jambes autour de ses hanches, puis lui arracha
sa bouche, à son grand désarroi. Becca ouvrit les paupières, plongeant le regard
dans ses yeux magnifiques.
— Accroche-toi, ordonna-t-il en ronronnant.
Elle obéit et il se pencha en avant. Becca sentit ses muscles se tendre l’espace
d’une seconde, puis il la posa sur une surface moelleuse. Elle comprit alors qu’il
l’avait portée jusqu’à sa chambre.
— Lâche-moi.
Elle hésita, mais obéit et le regretta aussitôt. Brute recula, ôta ses chaussures,
puis porta les mains à sa ceinture. Le bruit de sa braguette résonna dans la pièce
et Becca comprit qu’il allait la baiser. Le cœur tambourinant d’excitation, elle se
mordit la lèvre inférieure.
Elle pouvait refuser mais n’en avait pas le cœur. Brute était l’homme le plus
sexy qu’elle ait jamais croisé. Les souvenirs de leurs ébats revenaient la hanter
toutes les nuits et il tenait le premier rôle dans tous ses fantasmes. Elle en était
même venue à se caresser en imaginant que c’était lui qui la touchait, et non pas
ses propres doigts.
Son corps déformé par la grossesse la mettait un peu mal à l’aise, mais elle
repoussa aussitôt cette pensée. Si elle était dans cet état, c’était sa faute et, si elle
supportait la vue de ses vergetures dans le miroir, il faudrait bien qu’il les
accepte lui aussi. Elle mourait d’envie qu’il la touche et qu’il la serre contre lui.
Et Brute semblait complètement partant lui aussi.
— Je ferai attention, promit-il en baissant son pantalon, sous lequel il était nu.
Je ne te ferai pas mal.
— Ne recommence pas avec ça, l’avertit-elle. Arrête de parler et aide-moi
avant que je retrouve toute ma tête et que je me rende compte de l’erreur
monumentale qu’on est en train de commettre.
Un éclair de colère passa dans les yeux de Brute, mais Becca s’en fichait.
C’était la vérité, que cela lui plaise ou non. Elle tenta de se redresser pour ôter
son tee-shirt, mais elle n’y parvint pas. Brute, adepte des solutions radicales,
arracha le tissu.
Bon, j’aimais pas ce tee-shirt de toute façon, se consola-t-elle tout en
s’appuyant sur le matelas avec les pieds pour se soulever. Brute passa la main
dans la ceinture de son pantalon molletonné et tira dessus pour le faire
descendre, emportant sa petite culotte au passage tandis qu’elle ôtait elle-même
son soutien-gorge.
Voyant qu’il la regardait, elle rougit, consciente d’être moins sexy
qu’autrefois. Était-il dégoûté par les marques rouges sur son ventre ? Elles
étaient ténues, mais bien visibles. Elle était maintenant à la moitié de sa
grossesse et son ventre arrondi l’empêchait de voir si elle s’était correctement
épilé le maillot. Elle y porta les doigts pour vérifier et Brute ronronna de plus
belle.
— Tu es belle, gonflée par ma semence.
Cette remarque lui fit dresser les sourcils. Elle ouvrit la bouche, puis la
referma. Qu’attendait-il pour la toucher ?
— Brute, tu vas me regarder encore longtemps ?
Il se mit à genoux, la saisit aux mollets, la tira jusqu’au bord du lit et lui écarta
les cuisses. Becca enroula les jambes autour de ses hanches et tenta de l’attirer
contre elle. Son désir d’être pénétrée était si fort qu’elle n’y tenait plus.
Mais, à sa grande frustration, Brute posa une main sur l’arrondi de son ventre.
Ce n’est pas le moment de partir en exploration ! Mais presque aussitôt il tendit
le pouce pour le passer sur son clitoris.
— Oui, gémit-elle.
Il commença à la masser et elle sentit son autre main approcher de son vagin,
jouer avec la fente humidifiée, puis la pénétrer d’un doigt épais, lentement
d’abord, puis de plus en plus fort. Becca remua les hanches pour l’inciter à aller
encore plus loin et lui enserra les hanches.
— Brute, haleta-t-elle.
— Dis que tu es à moi.
Il la regarda et Becca se mordit la lèvre inférieure. Elle mourait d’envie qu’il
la fasse jouir, mais il était hors de question qu’elle se rende aussi facilement. Elle
le lâcha et tenta de repousser sa main. Elle pouvait se donner du plaisir toute
seule s’il voulait jouer à ce petit jeu.
Avec un grognement, il retira son doigt et lui saisit le poignet pour l’approcher
de son propre entrejambe. Il regarda ensuite vers le bas et ajusta la position de
ses hanches tandis que, de son pouce, il continuait à lui titiller le clitoris, la
poussant toujours plus près de l’orgasme. Son gland massif frôla l’entrée du
vagin de Becca, puis il s’enfonça en elle en la regardant dans les yeux.
— Tu es à moi, grogna-t-il, les yeux de plus en plus sombres. À moi, Becca.
Ne l’oublie jamais.
Il la pénétra jusqu’à la garde puis adopta un rythme soutenu en continuant à la
caresser avec le pouce. Becca rejeta la tête en arrière et il lui lâcha le poignet
pour lui agripper les fesses tout en accélérant la cadence. Sentant qu’elle était sur
le point de glisser du lit, elle s’accrocha au matelas. Brute en profita pour ajuster
ses hanches et trouver un angle d’attaque idéal qui poussa Becca à crier son
nom.
— À moi, répéta-t-il d’une voix sauvage. Dis-le.
Becca secoua la tête. Elle ne lui appartenait pas. Elle ne lui donnerait pas cette
satisfaction.
Il grogna et arrêta les mouvements de ses hanches et de son pouce, la laissant
en suspens, quelque part entre l’enfer et le paradis. Son clitoris, son vagin, tout
son corps criaient grâce, au bord de l’extase.
— Brute, supplia-t-elle d’une voix pantelante. N’arrête pas.
— Tu es à moi, grogna-t-il. À moi, Becca. Je veux que tu saches qui te baise
et qui te fait jouir.
Sur ces mots, il repartit de plus belle.
Becca ferma les yeux en sentant Brute s’enfoncer encore plus profond en elle.
Cela ne lui faisait pas mal. Au contraire, il n’existait rien de plus doux au monde.
Il était si rigide et si énorme qu’elle avait l’impression qu’elle n’en pouvait plus,
mais il se retira avant de recommencer encore plus fort qu’auparavant. Becca
s’agrippa aux draps, prise de convulsions de plaisir, cambrant les hanches pour
se coller encore plus à lui.
— Tu es si belle, murmura-t-il en accélérant encore.
Becca gémit, le corps crispé à l’approche de l’orgasme, puis cria en sentant le
plaisir la submerger. Son extase était si forte qu’elle ne put s’empêcher de
prononcer son nom.
Brute poussa un rugissement assourdissant et s’enfonça une dernière fois en
elle, plus fort que jamais, pour la remplir de son sperme chaud en remuant et se
vider jusqu’à la dernière goutte. Becca, hors d’haleine, se détendit
complètement.
Brute, toujours enfoui en elle, glissa les mains sous son dos et l’aida à se
redresser. Becca ouvrit les yeux en sentant qu’il la forçait à s’asseoir sur le bord
du lit.
— Embrasse-moi, ordonna-t-il.
Becca se passa la langue sur la lèvre supérieure. Brute, excité par ce spectacle,
grogna et écrasa sa bouche sur la sienne. Elle s’ouvrit à lui, accueillant ce tendre
baiser, serrée dans ses bras, collée à son corps musclé.
Enfin, il releva la tête et ils se regardèrent longuement dans les yeux. Ce fut
Brute qui rompit le silence.
— Je suis ton mâle, assena-t-il. Personne d’autre que moi ne s’occupera de toi.
Je massacrerai tous ceux qui essaieront. Tu ne veux peut-être pas que je te
revendique comme compagne, mais, ça, c’est une chose que tu ne peux pas me
refuser, Becca. Je serai là pour toi en permanence. Et je serai le seul à te pénétrer.
Le seul à te toucher. Le seul à t’embrasser.
— Brute, répondit-elle doucement, tu sais qu’on…
— Pas maintenant. Après ce qu’on vient de partager, ce n’est pas le moment
de se disputer.
Elle referma la bouche. En effet, elle ressentait une telle satisfaction que
l’heure était mal choisie pour aborder un sujet aussi périlleux.
Il se retira lentement, à regret, et l’aida à se relever. Sans résister, elle le laissa
défaire le lit, l’aider à s’allonger et la border. Puis il s’assit au bord du matelas et
la regarda, une main sur son ventre rond.
— Dors, ordonna-t-il. Repose-toi. Les femelles enceintes ont besoin de
beaucoup dormir. J’ai un truc à faire, mais je reviendrai dans quelques heures.
Elle avait envie de savoir de quoi il s’agissait, et surtout pourquoi il s’estimait
en droit de lui donner des ordres, mais, sans lui laisser le temps de parler, il se
pencha et déposa un baiser sur son front.
— Laisse-moi m’occuper de toi, ma belle. J’en ai besoin. Quand je reviendrai,
je t’apporterai à manger. En arrivant, j’ai senti que tu venais de prendre un repas.
Ferme les yeux et dors.
Becca obéit. Elle sentit qu’il se levait, puis elle l’entendit se rhabiller. Elle
entrouvrit les paupières et le vit refermer sa braguette, puis sortir de la chambre.
Quelques secondes plus tard, elle entendit la porte se fermer et essuya les larmes
qui lui montaient aux yeux.
Mais à quoi je joue ?
C’était une question à laquelle elle n’avait aucune réponse.
Brute fit un pas dans le couloir, se retrouva nez à nez avec trois agents
hybrides visiblement nerveux, puis ferma la porte derrière lui avant d’évaluer la
situation. Bestial se trouvait devant lui, le dos contre la porte, le visage fermé, et
empêchait les trois agents d’entrer. Brute le regarda, étonné, et Bestial lui
adressa un clin d’œil.
— Ils ont voulu se précipiter à la rescousse de l’humaine en entendant vos
ébats. Heureusement pour toi que j’étais là pour protéger votre intimité. Alors, tu
l’as revendiquée ?
Brute soupira.
— Elle accepte les rapports physiques, mais elle ne veut pas encore être ma
compagne.
Bestial secoua la tête.
— Ces humaines… Enfin, c’est un premier pas. Tu n’as plus qu’à la
convaincre. Tu ne t’en sortais pas trop mal, à ce que j’ai entendu.
— Je me passerai de tes conseils, merci, rétorqua Brute en lui souriant.
— Je n’en doute pas.
— Je vais chercher des affaires chez moi. Je m’installe ici. Elle sortira bientôt
de son état de choc et elle sera furax, mais elle est mignonne quand elle est en
colère.
— Et toi tu es une vraie tête de mule. Je suis sûr que tu vas gagner.
— Je l’espère. Au pire, dès que mon fils sera en âge de parler, je lui
demanderai de la convaincre à ma place.
Bestial éclata de rire et renvoya les gardes.
— Vous voyez ? tout va bien. Disparaissez, ordonna-t-il avant de se tourner
vers Brute. Je suis sûr que vous aurez plein d’autres fils.
— Si seulement, soupira Brute.
CHAPITRE 18
Becca s’éveilla seule, étonnée d’avoir dormi. Elle regarda autour d’elle, mais
Brute n’était pas là. Elle repoussa les couvertures et entra dans la salle de bains.
Lorsqu’elle se vit dans le miroir, elle secoua la tête d’un air navré.
— Un baiser et tu te précipites au lit avec lui, dit-elle en s’observant de la tête
aux pieds dans la glace avant de s’arrêter sur son ventre. Ce n’est pas ce que
maman a fait de plus glorieux, hein ? Enfin, pour ma défense, il faut dire que ton
papa est super sexy et qu’il embrasse très bien.
Elle entra ensuite dans la douche et se savonna de la tête aux pieds pour
effacer les traces physiques de leurs ébats. Mais les souvenirs, eux, étaient
indélébiles.
— Tu parles, soupira-t-elle. C’est les hormones, ça ne fait aucun doute. (Elle
leva les yeux au ciel et commença à se rincer.) On est mal embarqués, mon chou.
Et il faut encore que j’envoie un message à ton grand-père et que je trouve un
nouveau mensonge pour lui expliquer pourquoi j’ai tant tardé à le contacter.
Soudain, la porte de la douche s’ouvrit à toute volée. Becca sursauta et
trébucha. Avec un cri d’angoisse, elle chercha désespérément un moyen
d’enrayer sa chute, mais deux bras musclés la rattrapèrent avant qu’elle s’écroule
sur le carrelage.
— Désolé, dit Brute en la redressant. Tu n’as rien ? J’avais oublié que tes sens
ne sont pas très développés. Je pensais que tu m’avais entendu approcher, je ne
voulais pas te faire peur. Tu vas bien ? Et le bébé ?
Il la sortit de la douche et la serra contre lui. Becca, toujours sous le choc,
gardait le silence, mais elle était soulagée qu’il l’ait rattrapée à temps. Elle crispa
les doigts sur ses biceps et il la reposa lentement.
— Tu aurais pu frapper, non ? On n’entre pas comme ça dans une salle de
bains, parvint-elle enfin à dire.
Après s’être assuré qu’elle tenait debout toute seule, il la lâcha et l’enveloppa
dans une serviette pour commencer à la sécher.
— J’ai entendu ta voix et j’ai cru que tu étais avec quelqu’un, expliqua-t-il, les
yeux pleins de colère. Tu parlais à qui ?
— Au bébé.
Brute se figea et un sourire niais se dessina sur ses lèvres.
— Il t’entend ? Et moi aussi ? Je ne savais pas. (Il se pencha et approcha le
visage du ventre de Becca.) Salut, p’tit bout. Je suis ton papa. J’ai hâte de te tenir
dans mes bras.
Encore ces maudites hormones, fulmina Becca, incapable de retenir ses
larmes, car elle trouvait cette scène très touchante.
— Selon ce que j’ai lu, il paraît que les bébés, même s’ils ne comprennent pas
les mots, entendent les voix et peuvent même les reconnaître. Je lui parle tout le
temps, trop, probablement, mais, à ma décharge, j’ai été seule pendant
longtemps.
Brute se redressa et soutint son regard.
— Tu ne seras plus jamais seule. Je me suis installé ici.
— Pardon ? s’exclama-t-elle.
— Je t’ai dit que je m’occuperais de toi et je suis allé chercher mes affaires.
Désormais, je vis ici avec toi et j’ai délégué mes obligations de conseiller. Je vais
pouvoir me consacrer à toi à plein-temps. (Il sourit, rappelant à Becca combien
elle le trouvait irrésistible.) Je suis tout à toi.
Becca ne savait que penser. Elle aurait tant voulu que ce soit vrai. Lorsqu’elle
plongeait le regard dans ses yeux sexy, elle avait envie de ne jamais le lâcher,
mais elle savait que s’il était là c’était uniquement parce qu’elle était enceinte.
On pouvait compter sur lui, c’était indéniable, mais ce n’était pas de cette
manière qu’elle le voulait.
— Tu ne peux pas emménager ici.
— C’est déjà fait. Inutile de discuter, décréta-t-il en posant les yeux sur son
ventre. Notre fils nous entendrait.
— Ne retourne pas mes arguments contre moi ! explosa-t-elle.
— Ouvre la bouche.
Elle lui prit le menton entre les mains.
— Non. Pas question que je te laisse m’embrasser et que j’oublie que je t’en
veux.
— Pourquoi pas ? Ça a marché la dernière fois. Quand on fait l’amour, on ne
se dispute pas.
— Ah, tu l’admets enfin ! Tu as couché avec moi uniquement pour arriver à
tes fins.
Brute haussa les épaules.
— De quoi tu te plains ? Ça nous a plu à tous les deux, non ? répondit-il en
posant les mains sur ses hanches. Tu m’as manqué, Becca. On a l’occasion de se
réconcilier et on doit apprendre à se connaître avant la naissance de notre bébé.
Je te veux. Le fait qu’on ne se dispute pas quand on fait l’amour est juste un petit
bonus. Mon désir est bien réel, crois-moi.
Elle lâcha son menton et le repoussa.
— Alors essaie de me convaincre par tes paroles et pas par tes baisers.
— Je veux faire les deux. Viens au lit.
— Certainement pas. (Elle n’avait pas envie de se retrouver une nouvelle fois
avec le cœur brisé, car elle savait qu’il finirait par se lasser d’elle et par estimer
que la vie de couple lui demandait trop de sacrifices.) Tu verras ton fils autant
que tu le voudras, Brute. Tu feras partie de sa vie même si on n’est pas
ensemble.
Il fronça ses beaux yeux bleus rayés de jaune puis, sans prévenir, la souleva
comme un bébé et l’emmena jusqu’à la chambre où il la posa sur le lit avant
d’ôter sa serviette d’un geste sec.
Becca se couvrit les seins avec les mains et recroquevilla les jambes.
— Rends-moi ça !
Mais, sans l’écouter, Brute commença à se déshabiller.
— Je vais te faire l’amour.
— Oh que non ! Le sexe n’est pas la réponse à tout.
— On en parlera après, dit-il en continuant son effeuillage. Je te veux.
Becca s’enroula dans la couverture et s’assit.
— Arrête !
Brute sourit, termina d’ôter ses chaussures et ouvrit sa braguette. Hypnotisée,
elle le regarda se tortiller pour se débarrasser de son pantalon. Elle aurait juré
que ce n’était que par pure provocation qu’il le faisait aussi lentement. Son
pénis, rigide et impressionnant, se dressa, pointé vers elle, puis il se baissa pour
se dégager les chevilles. Lorsqu’il se releva, Becca ne put s’empêcher d’admirer
la perfection de son corps. Comme pour enfoncer le clou, il remua la tête pour
faire voleter sa longue crinière noire, qui retomba sur ses larges épaules
bronzées.
Becca en avait le souffle coupé. Nu, les cheveux lâchés, les lèvres
entrouvertes faisant apparaître ses canines, il avait une allure très sauvage. Il
poussa un grognement, se pencha en avant, posa les mains sur le lit et la regarda
de ses yeux de félin.
— Tu es à moi, Becca. Tu as beau dire le contraire, ton corps ne ment pas, lui.
La jeune femme recula lentement jusqu’au mur mais Brute pesait sur la
couverture et l’empêchait de la tirer avec elle. Il approcha à quatre pattes, le sexe
battant sur son ventre plat, puis s’arrêta au milieu du lit.
— N’aie pas peur de moi, ma belle.
Il posa la main sur sa cheville, repoussa les draps et la tira doucement vers lui
jusqu’à ce qu’elle se retrouve à plat sur le dos, puis rampa au-dessus d’elle pour
placer son visage à la verticale du sien. Son sexe lui frôlait les cuisses, qu’elle
maintenait serrées.
— Ouvre-toi. Je veux aussi apprendre la vérité à ta bouche.
Becca avait le cœur qui battait la chamade. Elle avait envie de lui mais sa
fierté lui refusait de céder de nouveau aussi facilement. Son cerveau était
paralysé face à l’assaut d’un tel concentré de testostérone, mais elle le força à se
remettre en marche. Il aimait retourner ses mots contre elle ? Lui rendre la
monnaie de sa pièce serait de bonne guerre.
Brute était toujours à quatre pattes pour ne pas peser sur son ventre et il avait
les jambes écartées, ce qui laissait une petite marge de manœuvre à la jeune
femme. Elle le regarda dans les yeux et posa les mains sur ses hanches.
— Tu crois que tu peux me vaincre avec tes baisers ?
Il ne répondit pas, mais ses yeux amusés disaient clairement qu’il en était
convaincu.
— Redresse-toi.
— Je nous trouve très bien comme ça.
— Redresse-toi et j’ouvrirai la bouche, promis.
Il hésita, puis obéit. Becca s’assit à son tour et le surprit en saisissant son
membre à pleine main et en le serrant pour l’empêcher de se dégager.
— Ne t’inquiète pas, le rassura-t-elle en voyant son air inquiet. Je ne te ferai
aucun mal. N’aie pas peur de moi, beau brun. Tu pensais pouvoir me séduire ?
Eh bien, nous sommes deux à pouvoir jouer à ce petit jeu. Prends-en de la
graine, mon bébé.
Elle se lécha les lèvres puis, sans le quitter des yeux, baissa la tête jusqu’à ce
que sa bouche entre en contact avec son gland. Elle en lécha le bout pour en
goûter la texture et faillit éclater de rire en voyant Brute écarquiller les yeux de
surprise.
Elle prit son membre dans sa bouche et commença à le sucer lentement en
bougeant la tête pour changer les angles. Elle l’enfournait, remontait jusqu’à ses
lèvres, le titillait avec la langue. Brute tremblait et poussait des petits bruits
bestiaux qui mettaient Becca en joie. Il avait cru pouvoir la contrôler, mais
c’était elle qui avait désormais le dessus.
Elle leva les yeux et le vit rejeter la tête en arrière et crisper les mains sur ses
cuisses, probablement pour se retenir de l’attraper. Elle enfonça son sexe le plus
loin possible dans sa bouche et accéléra la cadence.
— Becca, gémit-il.
Elle ne prêta pas attention à cette interruption et continua de plus en plus vite.
Sa main glissa sur ses abdominaux en béton, en explorant chaque contour, puis
monta jusqu’à son téton, qu’elle serra entre le pouce et l’index.
Brute poussa un rugissement et lui repoussa violemment la tête en arrière pour
ôter son sexe de sa bouche. Son sperme lui inonda la gorge et la poitrine et il se
repositionna pour frotter son membre entre ses seins.
La puissance de son éjaculation le faisait trembler et Becca se figea, éberluée.
Il ne lui avait pas fait mal, mais, si ses bras lâchaient, il lui tomberait sur le
ventre et l’écraserait sous son poids. Il frissonna une dernière fois puis rouvrit les
yeux.
— Fais attention. J’ai failli tout te cracher dans la bouche.
— C’était le but, parvint-elle à articuler.
— Je t’aurais étouffée. Les Hybrides ont une éjaculation abondante. Tu ne l’as
pas senti quand on faisait l’amour ? J’aurais pu te faire mal.
Becca déglutit sans savoir que répondre et Brute se leva d’un bond pour se
diriger vers la salle de bains. Elle le regarda s’éloigner en se rinçant l’œil à la
vue de son beau petit cul et s’assit avec difficulté. Son cœur battait toujours la
chamade en pensant qu’il aurait pu l’écraser contre le matelas.
Brute fit couler un peu d’eau puis revint dans la chambre, une serviette
mouillée à la main. Becca tendit la main pour la prendre, mais, à sa grande
surprise, il se rassit et la prit par les épaules pour la forcer à se rallonger.
— Je ne voulais pas te faire peur, dit-il en lui frottant la gorge et la poitrine
avec la serviette. Ni te faire mal. J’adore ce que tu m’as fait, mais il faut que tu
me lâches à la fin, quand je te préviens.
Becca ne savait que dire. C’était une chose qui lui arrivait fréquemment avec
Brute.
— Ouvre la bouche.
— Je n’ai presque rien avalé. Inutile de m’essuyer.
Il l’embrassa avec fougue et jeta la serviette au loin, s’installa sur elle sans
l’écraser, puis rompit le baiser pour la dévorer des yeux.
— J’adore te voir sans tes vêtements. Tu es si pâle, si belle, si moelleuse…
Becca grimaça.
— Comment ça, « moelleuse » ? C’est une manière enrobée de dire que j’ai
des poignées d’amour ?
— Non, grogna-t-il. Je t’aime comme tu es.
— Je sais que tu aimes les Hybrides. Elles sont grandes et musclées, tout
l’inverse de moi. Moi, je suis… moelleuse, comme tu le dis si bien. Et pâle.
Qu’est-ce que tu fais avec moi, Brute ? Inutile de répondre, d’ailleurs, je le sais
déjà.
— Je veux être avec toi, répondit-il sérieusement.
— Bien sûr que non. Je suis enceinte à cause de toi et tu assumes tes
responsabilités, c’est tout. Mais, tu sais, tu peux être père sans qu’on soit en
couple. Tu…
Il l’embrassa pour la faire taire. Il était si doué pour les baisers qu’elle rendit
aussitôt les armes. Il se dressa sur un bras en faisant bien attention de ne pas
l’écraser et prit l’un de ses seins dans sa main. Becca gémit en sentant ses doigts
râpeux jouer avec son téton dressé, puis passa les bras autour de son cou. Enfin,
Brute se dégagea, aussi hors d’haleine qu’elle.
— J’ai besoin de toi, ronronna-t-il.
Becca hocha la tête. Elle ressentait la même chose, à son grand dam. Elle était
accro à Brute. Chaque baiser lui faisait l’effet d’une électrocution irrésistible.
Brute se releva et s’immobilisa, debout à l’extrémité du lit, avant de la tirer par
les chevilles.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je ne veux pas écraser notre bébé. Je peux te prendre sur mes genoux en te
posant en équilibre sur le rebord du lit, comme la dernière fois. Ça avait marché.
Je ne te le fais pas dire, renchérit-elle en elle-même.
— J’adore ton corps. Il m’excite.
Elle baissa les yeux et vit son sexe de nouveau pointé vers elle, déjà prêt à
l’emploi.
— Je vois ça.
— Tu as le droit de toucher, tu sais.
Son ventre se serra et elle sentit une douce chaleur se répandre entre ses
cuisses. Brute se mit à genoux, se régalant de la voir ainsi, offerte de nouveau à
lui.
— Écarte les cuisses. J’ai envie de te voir, de prendre mon temps et de te
goûter encore et encore.
— Ça… euh… me gêne un peu de savoir que tu me regardes comme ça. Je
suis enceinte, Brute. La dernière fois, tu m’as prise par surprise, mais j’ai des
vergetures.
— Et alors ?
— Je n’ai jamais été très à l’aise à l’idée de dévoiler mon intimité. Dans le feu
de l’action, je ne dis pas, mais pas comme ça.
Brute se mordit la lèvre inférieure.
— Tu as laissé d’autres mâles te voir nue, mais tu me refuses ce plaisir ?
grogna-t-il, le regard sombre.
— Je… Écoute, c’est un truc qui me met mal à l’aise, d’accord ? Ça
n’intéressait pas beaucoup mon mari et je suis plutôt pudique. Les autres fois, tu
ne m’as pas vraiment demandé ma permission et, le temps que je reprenne mes
esprits, c’était déjà terminé. On ne peut pas faire l’amour, tout simplement ?
J’adore sentir tes doigts jouer avec mon clito pendant que tu me pénètres.
Brute la regarda en fronçant les sourcils.
— Tu étais mariée, mais tu ne t’es jamais habituée à ce que ton mari te voie
nue et te lèche ?
— Il aimait faire ça dans le noir. Là, je suis à mon maximum, Brute. Je suis
nue à côté de toi en plein jour.
— Je ne veux pas me contenter de te regarder. Je veux découvrir et goûter
chaque partie de ton corps.
Becca rougit.
— Ça non plus, il ne le faisait pas.
— Eh ben moi, si, grogna-t-il en lui écartant les genoux. Laisse-toi faire.
— Brute…
— Tout de suite. Ferme les yeux si ça te gêne. Je veux que tu écartes les
cuisses. Je veux en mémoriser chaque centimètre carré. Je veux te lécher partout.
Fais-le pour moi, Becca. Ne discute pas.
Bon Dieu… Becca se mordit la lèvre inférieure et baissa la tête, puis écarta les
jambes. Ses joues irradiaient de chaleur et elle se doutait qu’elle était rouge
comme une tomate. Brute lui caressa l’intérieur des cuisses et elle frissonna. Il
fit glisser ses pouces jusqu’aux portes de sa toison et Becca dut contenir son
envie de cambrer les hanches et se força à réguler sa respiration.
— Tu apprendras à aimer ça, Becca, l’assura-t-il d’une voix rauque. Tu
t’ouvriras pour moi chaque fois que je te le demanderai, parce que tu sauras le
plaisir que je te donnerai. Je te ferai mouiller rien qu’en te regardant, en
anticipation de ce que je te ferai ressentir.
Le corps de Becca réagissait à ces paroles. Brute lui écarta encore un peu plus
les cuisses et les souleva pour exposer son sexe. Elle sentit son souffle venir lui
chatouiller le clitoris. Il était aux portes de son intimité.
— Tu es belle ici aussi, murmura-t-il. Reste comme ça, Becca. Ne sursaute
pas.
Pourquoi je sursauterais ? se demanda-t-elle. Mais une seconde plus tard la
réponse lui apparut lorsqu’il passa la langue sur son vagin. Elle résista mais,
lorsqu’elle la sentit entrer en elle, puis ressortir, Becca se crispa. Brute poussa un
petit grognement, fit remonter la pointe de sa langue et frotta les dents contre son
clitoris avant de refermer les lèvres dessus et d’aspirer.
Le ventre noué, les tétons dressés, Becca s’agrippa aux draps pour se retenir à
quelque chose tandis qu’il l’assaillait sans pitié à coups de langue. Le plaisir
devenait si intense qu’elle voulut refermer les jambes, incapable d’en supporter
davantage, mais Brute la plaqua contre le lit et poussa un grognement qui vibra
contre son entrejambe.
— Mon Dieu ! gémit-elle. C’est trop, Brute. Arrête, ça me fait presque mal. Je
ne peux plus !
Becca avait l’impression que son corps était sur le point d’exploser. Elle
poussa un cri, rejeta la tête en arrière et sentit un plaisir si puissant qu’elle en
perdit tout sens des réalités. Les vagues d’extase s’enchaînaient sans pitié et
Brute finit enfin par la lâcher.
Becca haletait, les muscles du vagin encore pris de convulsions. Brute la
souleva et se plaça au-dessus d’elle. Elle ouvrit les yeux et vit que son regard
avait une expression presque effrayante. Jamais aucun homme ne l’avait
regardée avec une telle passion.
— Tu es à moi, Becca. Dis-le.
Elle ouvrit la bouche pour prononcer ces mots, puis se rendit compte de ce
qu’elle s’apprêtait à faire. Elle referma alors les lèvres et respira par le nez. Brute
ferma les yeux, comme s’il cherchait à contrôler sa colère. Une fois calmé, il les
rouvrit et la saisit par les hanches pour la tirer entièrement hors du lit. Il s’assit
par terre et l’installa sur ses genoux, son sexe turgescent coincé entre eux.
— Accroche-toi à mon cou.
Elle obéit et Brute la souleva par les fesses et la fit descendre lentement
jusqu’à ce qu’elle sente son gland massif contre l’entrée de son vagin. Elle était
si trempée de son orgasme qu’il glissa un peu et dû réajuster sa position avant de
la faire descendre un peu plus. Becca plaqua la bouche contre son torse et gémit,
torturée par cette lenteur insoutenable, jusqu’à ce qu’il soit enfoncé au plus
profond d’elle.
Les muscles de son vagin, toujours sous le coup de son orgasme, se crispaient
autour de son pénis. C’était presque une sensation de douleur. Son sexe était si
massif qu’elle n’était pas sûre de pouvoir supporter un accouplement avant
plusieurs minutes. Elle enfonça les ongles dans sa peau.
— Doucement, murmura-t-elle. Laisse-moi quelques secondes pour me
remettre.
— Quel dommage que tu sois si fragile, grogna-t-il. J’ai envie de te prendre
vite et fort. J’ai envie de m’enfoncer en toi jusqu’à la garde et de te baiser
jusqu’à ce qu’on ne puisse plus bouger. Mais je sais que ça te ferait trop mal.
Becca connut une seconde de peur. Il était trop grand et trop fort pour faire
tout cela. Sa grossesse compliquait encore les choses. Elle remua les hanches
pour se dégager, mais Brute poussa un grognement, raffermit sa prise sur ses
fesses et commença à bouger à son tour, tout en douceur. Aussitôt, le plaisir prit
le pas sur la peur. C’était agréable, merveilleux même, et Becca se détendit petit
à petit. Il accéléra la cadence et elle gémit. Brute, de son côté, se retenait de son
mieux.
Il avait beaucoup de mal à ne pas perdre le contrôle. Becca était si étroite que
cela lui faisait presque mal. Les muscles de son vagin se crispaient autour de son
pénis et il écoutait attentivement ses gémissements pour chercher ce qui lui
plaisait le plus. Il avait déjà envie de jouir, mais se retint. Avec un long
ronronnement qui résonnait dans sa cage thoracique, il balança les hanches sous
sa femelle. Elle poussa un petit cri et il recommença, satisfait.
C’était le point qu’elle préférait. Il répéta ce mouvement, encore et encore, les
torturant l’un comme l’autre, enfonçant le visage dans l’épaule de sa bien-aimée.
Du calme, se conseilla-t-il. En douceur.
Il n’allait pas résister longtemps. Il savait qu’elle était trop excitée, trop étroite
pour qu’il retienne son éjaculation. Il tenta désespérément de penser à autre
chose, mais les gémissements de Becca, les sensations qu’elle lui offrait et
l’odeur de son excitation étaient irrésistibles.
Brute lui lâcha les fesses et glissa les doigts entre eux pour lui caresser le
clitoris au rythme soutenu de ses coups de reins. Becca hurla son nom, emportée
par un nouvel orgasme, et Brute rejeta la tête en arrière et poussa un hurlement
en sentant les muscles de la jeune femme le faire jouir si fort que sa vue se
brouilla. Il la prit dans ses bras, hors d’haleine tandis que son sperme continuait
de jaillir en elle.
Enfin, il rouvrit les yeux et se régala du beau visage alangui contre son torse.
Jamais il n’avait rien vu d’aussi sexy.
— Je t’ai fait mal.
Becca lui répondit par un signe négatif de la tête.
— Tant mieux. Tu me pousses à bout, Becca.
La jeune femme se mordit la lèvre inférieure, les yeux trempés de larmes,
puis, à la grande surprise de Brute, se dégagea de son étreinte et se releva pour se
diriger en titubant vers la salle de bains.
— Becca, où vas-tu ? demanda-t-il en la suivant, prêt à la rattraper si elle
tombait.
Il n’y comprenait rien. Pourquoi pleurait-elle, et pourquoi s’était-elle levée ?
— Je veux te tenir dans mes bras, insista-t-il.
— J’ai besoin de prendre une douche.
— Je viens avec toi.
— Non, murmura-t-elle sans le regarder. J’ai besoin d’être seule.
— Becca, grogna-t-il, alarmé.
Qu’avait-il donc fait ? Elle avait aimé ce qu’ils venaient de faire. Il avait fait
attention.
Becca entra dans la salle de bains et lui ferma la porte au nez avant de la
verrouiller. Brute n’en revenait pas. Elle s’enfermait pour ne pas le voir !
— Becca ! reprit-il avec colère. Ouvre cette porte !
Sans lui répondre, elle enclencha l’eau de la douche. Pourquoi refusait-elle de
répondre ? Pourquoi voulait-elle effacer son odeur et sa semence de son corps ?
Brute respirait fort, blessé par ce rejet qui lui transperçait l’âme. Elle s’était
précipitée dans la salle de bains pour éliminer toute trace de ce qu’ils venaient de
partager.
Il serra le cadre de la porte entre ses doigts. Il avait envie de rugir, de défoncer
cette satanée porte, mais il avait trop peur d’effrayer la jeune femme. Elle
risquerait de glisser de nouveau sous la douche et, cette fois-ci, il ne serait plus
là pour la rattraper.
La dernière fois qu’il avait perdu son calme, elle l’avait repoussé et il ne
voulait surtout pas la terrifier. Il tenta de calmer sa respiration, mais la douleur
persistait. Il voulait qu’elle lui appartienne, que ses sentiments soient au
diapason de ceux qu’il éprouvait pour elle, qu’elle l’accepte. Mais, au lieu de
cela, elle ne semblait pouvoir tolérer son odeur sur elle.
Il baissa la tête et les larmes lui montèrent aux yeux. Il avait tout gâché, il ne
savait pas comment réparer les dégâts qu’il avait causés, et, pire encore, il sentait
son cœur se fendre chaque fois que Becca le repoussait.
Il commença à faire les cent pas dans la chambre, mais ses yeux ne cessaient
de revenir sur la porte. Il mourait d’envie de la défoncer et de la rejoindre sous
l’eau chaude. Il s’arrêta et poussa un grognement, motivé par l’effort surhumain
qu’il faisait pour se retenir de se précipiter vers sa femelle. Mais qu’est-ce qui
s’est passé, bon Dieu !?
Il ferma les yeux et se remémora les larmes de Becca après leur rapport. Une
pensée horrible lui traversa alors l’esprit et il se précipita sur le téléphone. Lui
avait-il fait mal ? Avait-il manqué de douceur ? Elle affirmait que ce n’était pas
le cas, mais peut-être mentait-elle. Fait chier !
Son appel ne prit que quelques secondes. Il enfila son jean et recommença à
tourner en rond jusqu’à ce qu’un bruit ténu capte son attention. Alors, perdant la
tête, il se précipita sur la porte de la salle de bains et la défonça d’un coup
d’épaule. Le bruit étouffé des pleurs de sa femelle lui était insupportable.
Becca, assise sous le jet d’eau chaude, faisait de son mieux pour ne pas
pleurer. C’était l’explication de Brute qui avait tout déclenché. Il lui avait dit
qu’il aimait le sexe sans entraves et qu’il devait se retenir avec elle. Cela lui
avait fait comprendre qu’elle devait mettre un terme à tout cela.
C’était douloureux. Elle était tombée amoureuse de lui trop vite. Elle avait
tout fait pour raisonner son cœur, mais celui-ci avait fait la sourde oreille. Brute
avait été franc depuis le début en lui disant qu’il ne voulait à aucun prix d’une
humaine. Il préférait les Hybrides, plus solides, plus à même de résister à la
sauvagerie de ses étreintes.
Elle posa les mains sur son ventre. Le bébé était la seule raison pour laquelle
Brute s’intéressait à elle, mais elle avait déjà commis une fois cette erreur. Elle
avait épousé un homme qu’elle aimait, mais qui la désirait pour les mauvaises
raisons. Elle avait cru que tout s’arrangerait et que son mari finirait par l’aimer
comme elle l’aimait, mais elle avait eu tort.
Becca avait les épaules secouées par les sanglots qu’elle tentait de contenir.
Son mariage avait failli la tuer à petit feu, mais elle n’avait jamais cessé
d’espérer que Bradley finirait par l’aimer si elle redoublait d’efforts. Elle était
alors jeune et naïve, contrairement à aujourd’hui.
Elle aimait Brute, mais lui ne voulait que le bébé. Elle savait qu’il ferait plus
d’efforts que Bradley pour que leur relation fonctionne, mais elle refusait
néanmoins de trop espérer. Elle était déjà passée par là et savait que la douleur
ne ferait qu’empirer avec le temps. Une vie sans Brute… Devoir affronter le jour
où il serait dans le lit d’une autre… Elle se mit à sangloter.
Elle repensa à tout ce qu’elle avait fait pour sauver son mariage. Quoi qu’elle
fasse, elle avait toujours l’impression de décevoir Bradley. Le jour de leur
premier anniversaire de mariage, elle s’était donné beaucoup de mal pour raviver
la flamme de leur triste vie sexuelle. Elle avait préparé un bon dîner et installé
des bougies dans toute la pièce, puis était allée l’attendre à la porte en talons,
porte-jarretelles et bas de soie noirs.
Bradley ne lui avait accordé qu’un regard avant de lui déclarer qu’elle
ressemblait à une pute. Ivre de colère, il avait préféré passer la nuit sur le canapé.
Elle avait alors compris que leur union était vouée à l’échec. Ce jour-là, elle était
tombée très bas et plus jamais elle n’accepterait de redevenir cette femme. Plus
jamais !
Jusqu’à la mort de Bradley, elle n’avait cessé de le décevoir, comme
emprisonnée dans un cercle vicieux. Et désormais il y avait Brute. Elle n’était
pas ce qu’il recherchait, une fois de plus. Ils n’avaient rien en commun, venaient
de deux mondes différents et n’étaient liés que par une seule chose : le bébé qui
grandissait dans son ventre. Elle ne survivrait pas à une nouvelle déception
amoureuse, à une relation condamnée depuis le départ.
Ses larmes commencèrent à couler, puis elle se mit à sangloter de manière
incontrôlable. Elle plaqua un bras contre sa bouche pour étouffer les sons de sa
douleur.
Soudain, elle sursauta en entendant la porte se briser. Une seconde plus tard,
Brute apparut dans la douche et il tomba à genoux devant elle avant de la
soulever et de la serrer contre lui.
— Je suis désolé, ma belle, dit-il d’une voix rauque. Je ne voulais pas te faire
mal. Je ne sens aucune odeur de sang, mais dis-moi où tu as mal.
Il fallut plusieurs secondes à Becca pour se remettre. Elle se retrouvait sur ses
genoux, à côté de la douche, et Brute la berçait comme un bébé en se frottant le
nez dans ses cheveux. Elle comprit alors qu’il pensait qu’elle était blessée.
— J-je n’ai rien. Repose-moi.
Elle renifla, parvint à dégager un bras et se frotta les yeux tout en regrettant de
ne pas avoir de mouchoir à portée de main. Elle leva ensuite la tête et vit
combien il était inquiet à l’idée qu’il ait pu lui faire mal.
— Brute, je vais bien, je t’assure. Je suis en train de te tremper. Lâche-moi.
— Non. (Il parvint à se relever sans la lâcher, preuve de sa force colossale, et
la porta hors de la salle de bains.) Je suis désolé, Becca. J’ai vraiment essayé de
me retenir.
Il pensait lui avoir fait mal pendant leurs ébats et s’en voulait terriblement.
— Ne t’inquiète pas comme ça, je vais bien.
— Becca, insista-t-il. Tu pleures. Je t’ai fait mal, je le sais.
Il la posa en douceur sur le lit, la borda avec la couverture et s’assit à côté
d’elle. Il la fit ensuite gentiment basculer sur le flanc et se coucha contre elle en
l’entourant de ses bras, comme s’il voulait la protéger de tout son corps.
C’était un geste si adorable qu’elle ne l’en aimait que davantage et elle
renonça à tenter de garder le contrôle. Pourquoi ne pouvait-il pas l’aimer ? Cela
aurait été si parfait ! Becca enfouit sa tête dans le drap, terrassée par une
nouvelle crise de larmes.
— Je suis là, ma belle, ne crains rien, la rassura-t-il. Tout va bien se passer.
CHAPITRE 19
Justice North et Tim Oberto étaient installés chacun d’un côté du bureau du
chef de l’OPH. Les deux hommes s’observaient. Tim semblait inquiet et Justice
se demandait comment lui annoncer la nouvelle, car il ne savait pas de quelle
façon l’humain réagirait. Jessie, sa compagne, entra dans la pièce, et Justice
tourna la tête vers elle, surpris.
— C’est mon ancien patron, dit-elle avec un clin d’œil. Je le connais mieux
que toi et je pense qu’il vaudrait mieux que je m’en occupe moi-même.
Justice hésita. Cette suggestion le soulageait, mais, d’un autre côté, il
s’inquiétait de la réaction d’Oberto. La détermination de sa compagne le rassura
et il hocha la tête pour marquer son assentiment. Il savait que, s’il refusait, elle
l’accuserait de ne pas lui faire confiance, ce qui était totalement faux. Il lui aurait
confié sa vie.
Jessie se lécha les lèvres, puis fixa le regard sur la bouche de Justice, comme
pour lui faire comprendre qu’elle lui exprimerait sa reconnaissance plus tard.
Justice se détendit. Sa compagne était à la hauteur de la situation. Elle n’avait
peur de rien.
— Salut, Tim, comment vas-tu ? salua-t-elle Oberto en s’asseyant sur le
rebord du canapé.
— Salut, Jessie, répondit celui-ci en souriant. Qu’est-ce que tu fais là ? Je sais
que tu travailles pour l’OPH et que tu sors avec Justice, mais j’ignorais que tu
devais participer à cette réunion.
— J’avais envie d’être là. Justice et moi venons de nous marier.
Tim, bouche bée, les regarda l’un après l’autre, puis sourit.
— Alors ça… félicitations.
— Merci, répondit Jessie avec un grand sourire. Jamais je n’ai été aussi
heureuse.
— Tout comme moi, renchérit Justice. Jessie me complète. Quand je l’ai
revendiquée comme compagne, c’était pour la vie, Tim. Le mariage n’était que
la suite logique. Je respecte vos traditions humaines.
— Tant mieux, répondit Tim. Je suis heureux pour vous. C’est pour cela que
vous avez demandé à me voir, Justice ? Vous disiez que ça concernait une
humaine et un Hybride. Vous voulez qu’on renforce la sécurité ? Quand la presse
aura vent de ce nouveau couple, vous serez submergés par une vague de
journalistes et de manifestants. Mais ne vous en faites pas, on s’en charge.
— Non, ce n’est pas ça. Jusqu’ici, nous avons pu garder cette information
secrète. En fait, il s’agit d’une question qui vous concerne personnellement.
— Moi ?
Justice hocha la tête et Jessie vint s’asseoir à côté de son ancien chef. Elle
consulta son mari du regard, puis se tourna vers Tim.
— Je te demande de garder ton calme et ton professionnalisme et de
m’écouter jusqu’au bout. Tu me le promets, Tim ?
— D’accord, répondit Oberto, perplexe.
Jessie prit une grande inspiration avant de se lancer.
— C’est en rapport avec l’enlèvement de Brute et de Rebecca.
— Ma fille est de nouveau menacée ? demanda-t-il avec colère.
— Tu dois rester calme, tu te rappelles ? le recadra Jessie. C’est au
professionnel que je veux parler, pas au père outragé, alors mets tes émotions de
côté le temps que je t’explique. Oui, c’est à propos de Rebecca, mais elle va très
bien et elle ne risque rien. Aucune menace ne plane sur elle. C’est bon, je peux
continuer ?
Tim hocha la tête, même s’il n’avait pas retrouvé tout son calme.
— Elle s’est retrouvée dans une situation très stressante et elle ne t’a pas tout
dit. Elle avait peur que tu exploses.
Tim agrippa les bras de son fauteuil.
— Bon sang ! Jessie, elle a été violée, c’est ça ? Elle m’a menti et c’est pour
ça qu’elle est partie en Europe ! Je le savais ! Et je crois aussi savoir qui l’a fait.
Il avait des marques de griffures et de morsures. Ce salopard a violé mon bébé,
hein ?
— Elle n’a pas été violée, le rassura Jessie. Laisse-moi terminer.
Tim serra les dents et hocha la tête.
— Le médecin qui dirigeait le labo clandestin faisait le commerce
d’échantillons de sperme d’Hybrides. On a préféré ne pas te mettre au courant de
tous les détails pour t’éviter d’envisager le pire. Nous sommes en train
d’identifier les clients. Ils avaient trois mâles canins mais il leur fallait un félin et
ils comptaient aussi enlever un primate. Leur contact en Europe voulait acheter
un set complet. Visiblement, il existe un marché noir dans certains pays, mais, ce
qu’ils veulent plus que tout, ce sont des bébés hybrides. Ils essaient de mettre sur
pied un système de reproduction avec des mères porteuses humaines.
— Ils l’ont enfermée avec ces mâles, n’est-ce pas ? demanda Tim, les larmes
aux yeux. Vous venez de l’apprendre ? Un seul ou plusieurs ?
Jessie secoua la tête.
— En fait, ils voulaient du sperme de Brute qui ne soit pas… euh…
Elle supplia Justice du regard.
— Les cobayes étaient attachés de force à des machines qui les faisait
éjaculer, soupira Justice. Mais ils ont forcé Becca à prendre des échantillons
directement sur Brute parce qu’ils la prenaient pour sa petite amie et qu’ils
pensaient qu’elle l’exciterait sans qu’ils aient besoin de le stimuler par des
drogues. Bref, elle a dû le masturber.
— Nom de Dieu ! explosa Tim en bondissant de son siège. Je savais bien que
c’était elle qui l’avait griffé et mordu. Elle voulait parler à cette ordure, peut-être
même le réconforter, mais j’ai tout fait pour l’en empêcher. Je les ai séparés.
— Rassieds-toi, ordonna Jessie en fronçant les sourcils. Comment ça, tu les as
séparés ? De quoi tu parles ?
Tim obéit, pâle et furieux.
— Elle voulait lui parler et on m’a dit qu’il voulait lui aussi la revoir. Je ne
sais pas s’il voulait lui présenter ses excuses et d’ailleurs je m’en fous. Il a fait
du mal à ma fille et il était hors de question que je lui permette de continuer. Le
psy de notre équipe m’a dit qu’elle était traumatisée. (Il adressa un regard noir à
Justice.) Je savais que vous empêcheriez ce pourri de reprendre contact avec
Rebecca si le psy vous le suggérait, et j’ai dit à ma fille qu’il ne lui parlerait pas.
Pas question qu’il s’approche d’elle. Il a des remords ? Tant pis pour lui. Elle
n’est pas bien et, si elle est partie, c’est pour oublier tous ces mauvais souvenirs.
Je savais bien qu’il s’était passé quelque chose. Je sentais qu’elle mentait et que
Brute avait joué un rôle là-dedans.
— Est-ce qu’elle avait vraiment le choix de te mentir, Tim ? Ce n’est pas aussi
grave que tu l’imagines. J’ai parlé à Rebecca et elle a touché Brute de son plein
gré. Les circonstances étaient horribles mais, s’il avait dû être attaché à une
machine, ç’aurait été encore pire. Elle l’a vu de ses propres yeux avec un autre
mâle et ça l’a horrifiée. Elle appréciait Brute, ils étaient dans la même cage et ils
se sont beaucoup rapprochés. Vraiment beaucoup, Tim, insista-t-elle. Ils sont
tombés amoureux l’un de l’autre. Tu comprends ce que je veux te dire ? Ils ont
commencé à avoir des sentiments profonds l’un pour l’autre.
Tim semblait toujours aussi furieux.
— Donc, ce que tu essaies de me dire, c’est qu’il a baisé ma fille, mais en
faisant en sorte qu’elle aime ça ? Elle l’a mordu et griffé. Ça veut bien dire qu’il
lui a fait mal, non ?
Justice poussa un grognement énervé.
— Non. Jessie est en train de vous expliquer que c’est tout le contraire. Il n’a
jamais forcé votre fille à le toucher. Au contraire, il lui a même demandé de ne
pas le faire. Il acceptait de recevoir un produit et de subir la torture de la
machine pour lui épargner ça, mais c’est elle qui a insisté.
Jessie soupira.
— Il ne lui a fait aucun mal, Tim. Ils sont tombés amoureux l’un de l’autre,
mais elle avait peur que tu tues Brute si tu apprenais qu’il y avait quelque chose
entre eux. Elle pensait même que tu serais prêt à démissionner pour assouvir ta
vengeance. Brute, de son côté, se disait que, si elle le revoyait, ça ne ferait que
rouvrir les plaies de sa captivité. Je n’arrive pas à croire que tu aies demandé au
psy de mentir. On en reparlera, mais tu peux être sûr qu’on va le virer pour en
engager un nouveau que tu ne pourras pas intimider. Ils ont voulu se protéger
mutuellement. Ils s’aiment. J’ai bien peur que tu aies mal interprété les morsures
et les griffures qu’elle lui a infligées durant leurs rapports. Il ne lui a fait aucun
mal.
Tim garda le silence pendant une bonne minute.
— C’est pour ça qu’elle est partie en Europe ? demanda-t-il à Jessie. Elle est
tombée amoureuse de ce type et elle a peur de me l’avouer ?
— Elle n’est pas en Europe. Ça aussi, c’était un mensonge. Elle vit à la
Réserve.
— Mais pourquoi ? s’exclama Tim, abasourdi.
— Elle est enceinte. Brute et elle vont avoir un bébé, répondit Jessie en
soutenant son regard. Nul ne sait que nos deux espèces peuvent procréer, donc tu
ne peux dire à personne que tu vas être grand-père. Ça exposerait Becca et son
bébé à l’hostilité de tous ceux qui détestent les Hybrides. Mais le problème ne
concerne pas qu’elle. Si les suprémacistes apprenaient que les Hybrides peuvent
féconder des humaines, ils deviendraient fous. Enfin, encore plus qu’ils le sont
déjà. Les enlèvements se multiplieraient, Tim, tu comprends ? Tu vas être grand-
père et on voulait te mettre au courant. Rebecca et Brute s’aiment et ils vivent
ensemble.
Tim n’en revenait pas.
— Elle aurait pu me le dire.
— Elle avait peur pour la vie de Brute. Tu lui as interdit de le revoir et, sans
vouloir te vexer, j’ai travaillé pour toi et je sais de quoi tu es capable. Quand tu
as pris une décision, on ne peut plus te faire changer d’avis.
— Elle avait peur que cela vous pousse à détester les Hybrides en général,
ajouta Justice.
Plusieurs émotions s’enchaînèrent sur le visage de Tim avant qu’il se tourne
vers Jessie.
— Tu es mariée à l’un d’entre eux. Il la traitera bien ?
Jessie sourit à pleines dents.
— Justice ferait n’importe quoi pour moi, Tim. N’importe quoi. Il est même si
protecteur que c’en est agaçant. Ils sont très différents des humains. Jamais Brute
ne frappera ta fille ou ne la trompera. Il sera prêt à mourir pour assurer son
bonheur. Nous avons deux autres couples mixtes qui attendent un enfant. Les
mâles ne quittent pas leur compagne d’une semelle. Ils les couvent en
permanence. Un fils est déjà né et son père est un vrai papa poule. Jusqu’ici, les
Hybrides n’avaient jamais rien eu à eux et ils n’avaient pas le droit d’aimer,
mais, maintenant qu’ils le peuvent, ils s’en donnent à cœur joie. Je peux te dire
sans exagérer que si j’avais une fille je voudrais qu’elle tombe amoureuse d’un
Hybride. Comme ça, je serais sûre qu’elle serait heureuse. Brute va tout sacrifier
pour Becca et leur bébé. Ils seront tout pour lui.
— Je veux les voir.
Jessie le regarda attentivement.
— Tu en veux à Brute ? Est-ce que tu vas t’en prendre à lui, Tim ? Si tu le
faisais, Rebecca t’en voudrait à mort. Elle a accepté de devenir sa compagne, ce
qui, pour les Hybrides, va encore plus loin que le mariage. C’est une manière de
se jurer fidélité jusqu’à la mort de l’un d’entre eux. C’est l’engagement le plus
sérieux qu’ils peuvent prendre.
— Je veux juste les voir, répéta calmement Tim. Je veux m’assurer qu’elle est
heureuse et qu’il tient vraiment à elle.
Justice décrocha son téléphone.
— Je fais préparer l’hélicoptère. Nous partirons ensemble.
— J’ai une chose à vous demander, demanda Tim en regardant North. Ma fille
a été mariée à une ordure. Ce type était un très bon acteur, mais je ne me suis
jamais laissé avoir. J’ai une idée et j’aimerais votre permission pour la mettre en
application. Si vous acceptez, ça me permettra d’être totalement rassuré.
— De quoi s’agit-il ? l’interrogea Justice avec hésitation.
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