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Lemoine Jacques. Mythes d'origine, mythes d'identification. In: L'Homme, 1987, tome 27 n°101. Du bon usage des dieux en
Chine. pp. 58-85;
doi : https://doi.org/10.3406/hom.1987.368766
https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1987_num_27_101_368766
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qui puisse justifier le déluge. Mais alors l'inceste déplacé transparaît presque à
chaque détail. Prenons par exemple les versions de l'ensemble miao-yao, de
loin le plus riche à cet égard6.
Fu Xi et Nu Gua
des Trois Souverains, avec Nu Gua et Shen Nong — est présenté comme
l'inventeur des trigrammes divinatoires, de l'écriture, des règles du mariage, de
la chasse, de la pêche, de l'élevage, de la cuisine, et de la musique. Nu Gua lui
succède. Elle n'invente, elle, que l'orgue à bouche (très répandu chez les Miao,
les Tai et les Tibéto-Birmans). Mais deux ouvrages taoïstes, le Liezi et le Huai-
nanzi, associent Nii Gua au déluge et à la création de l'humanité. Selon le
Liezi, le déluge est provoqué par Gong Gong, monstre aquatique qui, en se
précipitant tête la première contre le mont Buzhou, la colonne qui soutient le ciel,
la brise et fait pencher le ciel. « Nii Gua répara alors le Ciel azuré avec des
pierres de cinq couleurs, coupa les pattes de la Grande Tortue pour dresser
quatre piliers (aux quatre pôles), tua le Dragon Noir pour sauver le pays de Ji,
entassa les cendres de roseaux pour arrêter les eaux débordées...10 » D'autres
textes11 montrent Nii Gua, à l'aube du Monde, façonnant des hommes dans de
la terre glaise. Enfin, quelques textes12 mentionnent laconiquement que Fu Xi
et Nii Gua sont frère et sœur, ou encore mari et femme. Bien sûr tout ceci
n'est, pour reprendre le mot de Granet, qu' « une poussière de centons » dont
il faut recueillir les fragments épars dans une littérature disparate. Il n'en reste
pas moins qu'un couple incestueux après le déluge est attesté aussi dans la
littérature orale chinoise et que Ruey Yih-fu se sent alors fondé (et nous avec lui) à
considérer qu'il s'agit bien du même mythe.
Plus probants que la littérature, les bas-reliefs des tombes han ont préservé
en plusieurs endroits aussi éloignés que le Shandong, le Sichuan, le Jiangsu ou
l'Asie centrale l'image d'un couple que Chavannes, dans sa description du
temple Wuliang, au Shandong, présente ainsi : « Fou-hi avec l'équerre et Niu-
koua avec le compas se tournent le dos mais restent liés l'un à l'autre par leurs
queues de serpent entrelacées. En face de Fou-hi est un petit génie aîlé
masculin ; en face de Niu-koua, le génie est féminin. Entre Fou-hi et Niu-koua,
deux petits génies aîlés masculins enlacent leurs queues et se tiennent par la
main13. » Ailleurs, l'image est encore plus simple, les deux héros tenant entre
eux leur progéniture, d'où ce commentaire de Granet : « Fou-hi est le mari ou le
frère de Niu-koua, dont le compas est l'insigne. Ce couple primordial a inventé
le mariage ; aussi, pour dire ' bonnes mœurs ' dit-on ' compas et équerre '. »14
L'identification de ces images des Han n'est pas contestable ; d'ailleurs
plusieurs textes spécifient que Fu Xi et Nü Gua ont un visage humain mais un
corps de serpent. L'argumentation de Ruey présente un seul point faible : il est
possible que les noms de Fu Xi (Bao Xi, Bu-i, etc.) relevés chez les Miao du
Hunan ou du Guizhou n'aient été qu'un emprunt tardif consécutif à une sinisa-
tion avancée et non, comme il paraît le croire, des noms vernaculaires. Ruey
pense que ce mythe du déluge, où il voit un trait culturel spécifique des Nan
Man (Barbares du Sud), n'a été emprunté que tardivement par la tradition
lettrée des Han. Il est suivi en cela par Le Blanc qui voudrait que le cycle de Fu Xi
et Nü Gua soit une tradition spécifique du pays de Chu (au temps des
Royaumes Combattants), incorporée par les chroniqueurs dynastiques non sans
embarras ni incohérence. Cela va naturellement dans le sens des revendications
66 JACQUES LEMOINE
Yu le Grand
peuple l'adorât. Quand arrive la fin de l'année, le peuple tai se réunit, quand
arrive le moment du sacrifice, le peuple du mu'ong lui sacrifie. » Donc, comme
Yu, Yu' est devenu dieu du sol, garant du territoire (fi mu'o'ng, en tai), en
même temps qu'il est considéré comme « l'ancêtre de la famille Lo-kam »,
seigneurs héréditaires du pays. Dans la version des Annales lao de Louang-Pra-
bang, le couple de démiurges, qui sont des vieux, ont demandé avant
d'entreprendre leur ouvrage qu'au cas où ils périraient les hommes leur fassent des
offrandes. Ils deviennent donc après leur mort des dieux protecteurs du
royaume (phi su' a mu'o'ng). Mais il existe un héros principal, Khun Bulom,
appelé, lui, à devenir l'ancêtre de la lignée princière. Une version orale
recueillie par C. Archaimbault, version liée aux rites du nouvel an au cours
desquels des danseurs masqués commémorent les démiurges faisant surgir la terre
sous leurs pas (le roi des divinités célestes, Then, les avait envoyés en leur
disant : « Partout où vous piétinerez, la terre apparaîtra »), en fait les
fondateurs de l'humanité. Comme ils s'ennuient sur terre après avoir fait surgir le
monde des eaux, ils vont demander des compagnons au roi des Then qui leur
donne trois graines de courge. Chacune produit un fruit énorme. Comme ils
entendent du bruit à l'intérieur, ils retournent demander des instructions au roi
des Then qui leur remet un foret, un ciseau et une hache. « De la première
courge sortirent les Kha (ou aborigènes), de la deuxième les Lao et de la
troisième les mandarins et les blancs30. »
Après cette première bifurcation, le mythe en introduit une seconde, car il
faut bien (en contexte lao) placer les « sept fils de Khun Bulom » qui partent
fonder des royaumes et se partagent le monde. En l'occurrence, ils deviennent
tout simplement les fils des Pu Nyeu Nya Nyeu. A leur mort les deux
démiurges deviennent des devata louang, c'est-à-dire des « dieux majeurs »
protecteurs du territoire et de sa lignée héréditaire.
La tendance à une fusion syncrétique des deux versions du déluge n'est pas
un phénomène propre aux Lao. Dans la Chine des Han, la persistance de la
tradition du Fu Xi et Nü Gua devait poser un problème aux tenants de l'Empire
dynastique, propagateurs du mythe de Yu. Une légende notée par le Shi yi ji
rapporte qu'au moment où Yu creusait la passe de Longmen, il arriva à une
grotte profonde de plusieurs lieues chinoises, et très obscure. S 'éclairant avec
une torche, Yu vit un dieu au corps de serpent et à tête humaine. La
conversation s'engagea et Yu identifia Fu Xi. Celui-ci montra à Yu le tableau des huit
trigrammes disposés sur une tablette d'or, puis lui remit une règle de jade pour
arpenter le ciel et la terre. Yu s'en serait servi pour rétablir l'équilibre entre
terre et eaux.
Il est intéressant de constater que nos deux versions du déluge, qui
renvoient, en regard de l'histoire, l'une à des sociétés égalitaires, l'autre à des
sociétés hiérarchiques, étaient déjà représentées dans la Chine ancienne,
chacune dans des aires culturelles définies. Cette opposition devait correspondre à
Mythes d'origine, mythes d'identification 73
monde chinois : les Yao et les She. Chez ces dernières populations, les versions
recueillies sont également datées. Chez les Yao, les plus anciennes se réclament
de la première et de la cinquième année de la dynastie des Sui (592 et 594 de
notre ère)38. Quelques-unes sont datées de la troisème année Zhenguan (630),
sous l'empereur Taizong des Tang, mais l'écrasante majorité relèvent de la
première année Jingding (1260), sous l'empereur Lizong des Song du Sud. Chez
les She, par contre, toutes les versions connues, qui s'accompagnent parfois
d'un long rouleau de peinture illustrant l'histoire, ne remontent pas au delà de
la dynastie mandchoue des Qing. Enfin, il semble qu'une version de cette
légende ait existé parmi les Miao (Koxiong) de l'ouest du Hunan, mais elle
serait tardive, aurait pratiquement disparu aujourd'hui et en tout cas ne paraît
pas avoir joué dans la mémoire collective un rôle comparable pour identifier
l'ethnie39.
Les versions yao ont toutes un caractère remarquable : le souverain
« chinois » impliqué dans l'histoire n'est plus Gao Xin, mais le roi Ping de
l'État de Chu (528-516 av. J.-C.) et le mythe se présente sous la forme d'une
charte octroyée par ce roi aux descendants de Pan Hu. L'adversaire du roi Ping
n'est plus le chef des Quan Rong, le général Wu, mais le roi Gao (ou Zi selon
d'autres versions). Curieusement, les versions des She semblent, elles, tirer leur
source des documents chinois et non des chartes des Yao, ayant pour
protagonistes d'un côté l'empereur Gao Xin, de l'autre le roi (des) Fan.
Afin de clarifier l'argument qui va suivre, les principaux éléments de
l'histoire selon les versions chinoise, she, miao et yao sont rassemblés dans le
tableau suivant :
1. PROLOGUE
HAN Naissance Guerre Gao Xin -» Quan Rong Proclamation impériale
miraculeuse promettant une princesse en
de Pan Hu mariage à qui tuera
le général Wu, leur chef.
SHE Naissance... Guerre Gao Xin -> Fan Proclamation...
MIAO Naissance... Guerre Proclamation...
YAO Guerre roi Ping -*■ roi Gao Proclamation...
Guerre roi Ping ->■ roi Zi Proclamation...
2. ACTION COMMUNE
Pan Hu va tuer, par ruse, l'adversaire de son prince.
3. LA RÉCOMPENSE DE PAN HU
han Mariage S'installe dans la montagne Empereur attribue un domaine
avec la aux descendants du couple
princesse (6 garçons et 6 filles qui se
marient entre eux).
Mythes d'origine, mythes d'identification 75
constater à la fois dans les divers textes han, où le mythe acquiert une
existence propre, puis dans les versions yao et she, où il entend véhiculer un
message précis.
Dans les versions han, il s'agit d'abord d'établir l'origine d'un groupe
particulier, les Man Yi, à l'intérieur de l'ensemble plus vaste des « barbares
méridionaux ». La spécification des lieux dans la version de Fan Ye :
« barbares de Wuling et de Changsha », transformés plus tard en « race de
Pan Hu », indique d'emblée un souci d'identification ethnique. Mais dans cette
existence « chinoise » du mythe, ce n'est pas le message essentiel et on voit peu
à peu cette ancestralité canine glisser d'un groupe particulier pour s'étendre
d'abord à l'ensemble des barbares méridionaux puis, sous l'influence
néoconfucéenne patronnée par la dynastie mandchoue, devenir un prétexte pour
écrire tous les noms de peuples non han avec la clé du chien44. Ce qui préoccupe
la version han, c'est l'établissement pseudo-historique d'un rapport de parenté
entre la Cour qui dirige l'Empire et une population allogène à intégrer. Le
mariage d'une princesse chinoise avec un chien, tout en insistant sur une forme
extrême d'exogamie, n'en crée pas moins un lien de parenté direct entre une
lignée dynastique, symbole du pouvoir royal, et une population étrangère,
comme si on voulait suggérer une « présomption de paternité » de l'État
central à l'égard de toute une variété de peuples périphériques. L'ascendance
« canine » n'est là que pour rappeler l'animalité propre à qui se trouve hors de
l'Empire, c'est-à-dire hors du monde humanisé45. Elle est transcendée par
l'alliance avec une princesse chinoise, point capital de l'histoire. Elle l'est
même tellement que dans l'existence propre au cycle han, elle va être très vite
doublée par un épisode redondant, fabriqué à partir du nom de Pan Hu (litt. :
« Plateau et Gourde »)46. Qu'on en juge plutôt : « Gao Xin avait une vieille
épouse qui vivait à la demeure royale ; ayant mal à l'oreille, elle la cura et en
tira un objet de la grosseur d'un cocon ; elle le plaça dans une gourde (hu)
qu'elle recouvrit d'un plateau (pan) ; tout à coup l'objet se transforma en un
chien rayé au pelage de cinq couleurs ; aussi l'appela-t-on Pan Hu47. » Cette
naissance miraculeuse de Pan Hu (qui incorpore peut-être un autre mythe
miao48) signifie-t-elle autre chose qu'une volonté de le raccorder lui aussi à
l'ordre dynastique ?
Revenons un instant sur l'animalité barbare. Par une même tendance du
mythe à la redondance, elle se trouve également doublée par l'entrée en scène
des Quan Rong (« Rong Chiens ») comme adversaires de l'empereur Gao Xin.
C'est bien sûr un anachronisme dans lequel on peut chercher des indices
« historiques », soit pour y déceler, comme Yuan Ke, un lien avec le Royaume
du Chien (gou guo) noté par le Livre des monts et des mers (Shan haijing)49, ou
comme E. T. C. Werner, un mythe d'origine des Rong50, soit pour y trouver
(comme je l'ai fait ailleurs) le chaînon manquant avec les versions yao. Ces
dernières, en effet, remplacent Gao Xin par un roi Ping qui pourrait être le roi
Ping des Zhou de l'ouest, celui qui justement dut transférer sa capitale à l'est
« pour se soustraire aux incursions des Rong » en 770 avant notre ère.
Mythes d'origine, mythes d'identification 11
II va sans dire que les versions yao qui identifient ce roi Ping comme
Ping de Chu et non de Zhou ruinent cette tentative d'interprétation historique.
Mais le texte han, écrit par des historiens, sollicite ce type d'analyse. De là
à l'interprétation évhémériste il n'y a qu'un pas, vite franchi par le
marquis d'Hervey de Saint-Denys, traducteur du texte repris par Ma Duanlin,
pour qui le « chien domestique » devait être en réalité un domestique de
même ethnie que les ennemis de son maître. Mais le mythe s'en défend par
avance dans un nouvel épisode retenu par les versions she, qui montre Pan Hu
désireux d'abandonner son animalité primitive pour pouvoir épouser la
princesse. Il annonce qu'il va se transformer en homme pour peu qu'on le laisse
sous une cloche pendant sept jours et sept nuits. Au sixième jour la princesse,
craignant qu'il ne soit mort de faim, soulève la cloche et interrompt la
métamorphose. Pan Hu a déjà un corps d'homme mais il gardera une tête de
chien...
d'une longue démonstration, on peut affirmer que la dispersion des Yao peut
être considérée comme un phénomène centripète aussi bien que centrifuge et
que l'ethnie, loin de s'être laissée dominer par ses voisins, a pu s'accroître au
contraire de groupes voisins ralliés qui avaient tout intérêt à devenir eux aussi
des « yao »54. D'ailleurs, la plupart de ces groupes ont tant prisé ce nom de yao
que, contrairement à ce qui se passe habituellement (où la désignation chinoise
est ressentie comme dépréciative), ils ont voulu incorporer ce nom allogène à
l'appellation qu'ils se donnaient eux-mêmes, que ce soit : iu ngien, iu mien, ku
gong iu, torn pen iu, dzut ton yao mien, iu nuo, etc.55
Si l'identité des « Miao » de Hainan, qui sont en réalité des Yao de langue
kim mun, à l'intérieur du groupe mien, envoyés sur cette île en garnison sous la
dynastie mandchoue56 ne fait guère problème, celui qui est posé par les She est
encore sujet à controverses57. Entre les deux hypothèses : (1) ce sont des
aborigènes Nan Yue des provinces du Guangdong, du Fujian et du Zhejiang, ou
(2) ce sont des Yao égarés désignés localement, comme les she, « agriculteurs
sur brûlis » qu'ils étaient, on voit bien qu'il n'est plus nécessaire de choisir et
qu'un amalgame aurait pu se faire entre certains petits groupes résiduels et une
poignée d'immigrants porteurs du mythe yao. Les versions she, plus proches
des textes han, n'en revendiquent pas moins le privilège fiscal. C'est pourquoi,
du point de vue de la logique du mythe, ils sont fondés non seulement à se
réclamer de Pan Hu, mais aussi à considérer l'ensemble yao comme la famille
humaine dont ils relèvent dans la grande aventure de l'histoire des peuples.
Le mythe du chien Pan Hu qui servit à créer, autour d'un paradis fiscal, un
peuple de privilégiés encore très vivace aujourd'hui, est un exemple extrême et
assez rare des mythes d'identification dans cette partie du monde, et le résultat
d'un processus historique particulier. Un thème quasi universel, celui de
F ancêtre-chien, est un jour retenu, et spécialisé pour circonscrire un groupe
catégoriel. Comme il s'agit d'une création historique dans un contexte
hautement historicisé, le mythe est de même habillé d'histoire58. Et à mesure que le
groupe se consolide pour former une ethnie, le mythe sur lequel il se base
s'institutionnalise en tant que mythe d'origine de cette ethnie. Historicisé, F ancêtre-
chien est désormais Pan Hu, futur gendre impérial et roi à titre posthume, dont
le mérite et la dignité à venir sont annoncés par sa naissance miraculeuse de
l'oreille d'une concubine impériale, ou par son anatomie même de « chien-
dragon au pelage de cinq couleurs ». Cet ancêtre-chien royal est désormais un
label aristocratique apposé sur une société tribale en marge de l'État pour la
distinguer de la multitude étrangère et définir sa relation à cet État. Plus que le
nom ethnique Yao, dérivé du classement administratif m o yao « non
corvéables » qui ne recouvre pas la totalité du groupe, la présence de ce mythe
d'origine est une véritable preuve d'appartenance à ce groupe.
Inversement, le mythe du déluge n'identifie aucune société particulière mais
définit la nature de chaque société qui l'invoque. Par exemple, tenants de Fu
Xi et Nu Gua, les Yao, en dépit de leur prétendue origine aristocratique, perpé-
Mythes d'origine, mythes d'identification 81
CNRS, Paris
NOTES
1. En effet, chaque groupe ethnolinguistique a un folklore propre, mais il n'est guère de thème aussi
répandu que celui du déluge sur un ensemble aussi vaste de peuples et de sociétés. Son absence
devrait être également significative, comme par exemple au Japon, encore qu'il me soit difficile, en
l'état actuel, de l'expliquer. En Asie septentrionale, l'influence de la version biblique ou coranique
a recouvert la plupart des traditions indigènes ; il faut aller jusque chez les Samoyèdes et les Toun-
gouses transbaïkaliens pour retrouver un couple rescapé du déluge.
2. Là encore, certaines absences doivent être expliquées, en particulier par la disparition précoce de
nombreuses formations étatiques non han. Ne subsistent chez les Tai et les Lao que des formations
relativement tardives. Or, même là, le mythe n'est pas également répandu, car il a parfois été
supplanté (chez les Shan, les Lü, comme chez les Siamois) par la tradition du déluge véhiculée par le
bouddhisme théravadin qui a recouvert la tradition indigène. Je suis ici Li Zixian, « Essai sur la
légende du déluge chez les minorités du Yunnan » (Shilun Yunnan shaoshuminzu de hongshui
shenhua), in Recueil sur les littératures des minorités du Yunnan (Yunnan shaoshuminzu wenxue
lunji), I, Kunming, 1982 : 121.
3. Voir, par exemple, le mythe hmong que j'ai présenté in extenso en trois versions dans « L'Initiation
du mort chez les Hmong (L'Homme, 1972, XII (2) : 85-125 ; rééd. Bangkok, Pandora, 1983 : 73).
L'exemple
Khmu' du Laos
que je(M.
donne
Ferlus,
n'est «pasLaun
Cosmogonie
cas isolé. M.
selon
Ferlus
la tradition
a remarqué
khmou
le même
», in J.phénomène
M. C. Thomas
chez les
&
L. Bernot, eds., Langues et techniques, nature et société. I : Approche linguistique, Paris, Klinck-
sieck, 1972 : 277-282.
4. Li Lin Ts'an, « Histoire du déluge chez les Mo-So » (Mo-So zu de hongshuigushi), Bulletin
d'Ethnologie de I Academia Sínica, 1957, 3, Nankang.
5 . Ce sont les deux ethnies les plus voisines des Nahsi : les Bai ou Minjia habitent les pourtours du lac
de l'Oreille (Er Hai) et la ville de Dali.
6. Le corpus actuel comprend, outre les trois versions publiées dans L'Homme en 1972, quatre
versions relevées chez les Koxiong de l'Ouest du Hunan par Ruey Yih-fu dans « L'Histoire du déluge
chez les Miao et la tradition de Fu Xi et Nu Gua », Bulletin d'Anthropologie de l'Institut
d'Histoire et de Philologie de V Academia Sínica, dec. 1938 ; les trois premiers contes dans Yan Bao, ed. ,
Choix de contes miao (Miaozu minjian gushixuan), Shanghai, 1981 ; la partie concernant le déluge
dans Dian Bing, ed., Miaozu guge, Guiyang, 1979, etc.
7. Ruey Yih-fu, « L'Histoire du déluge... », art. cit.
8. « A-pei Ko-pen », in Yan Bao, ed., Choix de contes miao, op. cit. : 14.
9. Le sel est à la fois un objet d'échanges commerciaux entre groupes différents et un ingrédient
essentiel de la cuisine humaine.
10. Huainanzi, trad. Ch. Le Blanc, Huai nan tzu. Philosophical Synthesis in Early Han Thought,
Hong Kong University Press, 1985 : 159.
11. Par ex. le Taiping yulan, chap. 18.
12. Lu Shi houji 2 et le poète Lu Tong des Tang.
13. Chavannes, Mission archéologique dans la Chine septentrionale, I, vol. 1, Paris, Ernest Leroux,
1913 : 129.
14. Marcel Granet, La Pensée chinoise, Paris, Albin Michel, rééd. 1950 : 363.
82 JACQUES LEMOINE
15. En particulier les « rappels de l'âme ». Ces rapports étroits entre la culture de Chu et les Miao
s'étendraient à divers traits de la culture, de la langue, du mode de vie, de l'habitat, etc., si l'on en
croit les discussions du Premier colloque de la Société pour l'étude de l'histoire de Chu, tenu en
décembre 1981 dans la ville de Jingzhou au Hubei. Sur la culture de Chu, voir Wen Chongyi, Chu
wenhua yanjiu (« Études sur la culture de Chu »), Institute of Ethnology, Academia Sínica,
Taiwan, 1967 (« Monograph » 12).
16. Yuan Ke, Mythes de l'antiquité chinoise (Zhongguo gudai shenhua), Pékin, 1960 : 65-66.
17. Ces remarques de Yuan Ke sont à mettre en parallèle avec celles de Granet : «... dans tout
l'Extrême-Orient est répandu un instrument, le cheng, dont les Chinois attribuent l'invention à
Niu-koua (sœur ou femme de Fou-hi), qui inventa aussi le mariage. Le cheng, qui sert de nos jours
encore à accompagner des danses sexuelles [etc.] » (Granet, La Pensée chinoise, op. cit. : 211).
18. Je suis la lecture de Chavannes {Les Mémoires historiques de Se-Ma Ts'ien, I, Paris, Maisonneuve
1967 : 99) plutôt que celle de Granet {Danses et légendes de la Chine ancienne, I, Paris, PUF,
1959 : 245) qui le voit banni, mis à mort, « dépecé » sur le mont de la Plume.
19. Il s'agit bien du déluge et non d'une inondation. Maspero, qui démontre superbement le caractère
mythique de l'histoire de Yu, se trompe quand il pense « qu'elle n'a rien à faire [...] ni avec
l'histoire d'une part, ni avec les traditions méditerranéennes du déluge de l'autre : ce n'est pas une
légende du déluge, c'est une légende de l'origine des hommes et de la civilisation, dans laquelle on
admet qu'au commencement le monde terrestre était couvert d'eau » (Henri Maspero, « Légendes
mythologiques dans le Chou King », Journal asiatique, janv.-mars 1924, CCIV (1) : 70.)
20. M. Kaltenmark, » Mythologie classique », in A. Akoun, ed., Mythes et croyances du monde
entier, IV, Paris, Lidis, 1985 : 274-284. Les di ou « souverains suprêmes » dont il est question ici
sont les Cinq Souverains — Tai Hao (ou Fu Xi), 2852 av. J.-C. ; Yan Di (ou Shen Nong), 2737 av.
J.-C. ; Huang Di (ou You Xiong), 2697 av. J.-C. ; Shao Hao (ou Jin Tian), 2597 av. J.-C. ; Zhuan
Xu (ou Gao Yang), 2513 av. J.-C. — et les Quatre Empereurs — Di Gu (ou Gao Xin), 2435 av.
J.-C. ; Di Zhi, 2365 av. J.-C. ; Di Yao (ou Tao Tang), 2356 av. J.-C. ; Di Shun (ou You Yu), 2255
av. J.-C. — placés au début de la chronologie officielle.
21. She yiji, chap. 2, et « Tian Wen » dans les « Élégies de Chu », Chu ci.
22. Rapporté par les Annales de Wu et de Yue, rédigées sous les Han.
23. Wen Yiduo, « Études sur Fu Xi », in Mythes et poésie (Shenhua yu Shi), Pékin, 1959 : 33.
24. Ibid. : 18.
25. Maspero, « Légendes mythologiques... », art. cit. : 73.
26. Sur la question des Yue et des Pu, voir, entre autres, le Pai Yue minzushi lunji (« Essais sur
l'histoire des peuples Pai Yue »), Pékin, 1982 ; Xu Heng-bin, « Cheveux courts et tatouages
corporels » (Duanfa wenshen), Minzu yanjiu, 1982, 4 ; ainsi qu'un résumé de la question in Hua
Feng, « Discussions autour des migrations des Pai Yue, à la Troisième Conférence sur l'histoire des
Pai Yue », Minzu yanjiu, 1983,1.
27. Chavannes, Les Mémoires..., op. cit. I : 162, n. 4, et surtout, comme le remarque Granet, V :
313.
28. Ku Chieh Kang, Gu shi Man, I : 122-123.
29. Maspero, « Légendes mythologiques... », art. cit. : 65.
30. C. Archaimbault, « La Naissance du monde selon les traditions lao. Le mythe de Khun Bulom »,
in La Naissance du monde, Paris, 1959 (rééd. in Structures religieuses lao (rites et mythes),
Vientiane, Vithagna, 1973 : 115-117).
31. Pour les versions khmu' du déluge, voir H. Roux, « Quelques minorités ethniques du Nord-
Indochine », France-Asie, 1954, X : 92-93, Saigon et Ferlus, « La Cosmogonie... » art. cit.
32. F. Lebar, G. Hickey & J. Musgrave, Ethnie Groups of Mainland Southeast Asia, New Haven
HRAF, 1864 : 116.
33. Pour les Wa, voir Hulu de chuanshuo (« La Tradition de la gourde, épopée mythique des Wan »,
Kunming, 1980 ; J. G. Scott, « Indochinese », in The Mythology of All Races XII, Boston,
1918 ; Obayashi Taryo, « Anthropogonic Myths of the Wa in Northern Indo-China », Hitotsu
bashi Journal of Social Studies, 1966, 3 (1). Pour les Miao, voir les versions 2 et 3 données dans
Lemoine, L'Initiation du mort..., art. cit.
34. Shizi, chap. 2.
35. Il s'agit bien sûr des ouvrages d'histoire ayant survécu. Il est presque impossible aujourd'hui
d'identifier les premières sources de cette histoire.
Mythes d'origine, mythes d'identification 83
36. Voir Ma Duanlin, Wenxian tongkao (« Étude comprehensive de la civilisation ») dont les parties
sur les Barbares du Nord et du Sud ont été traduites et publiées par d'Hervey de Saint-Denys
sous le titre Ethnographie des peuples étrangers à la Chine, Paris, Ernest Leroux, 1876 (rééd.
Genève, 1883).
37. Le Weiliie subsiste sous forme d'extraits comme, par exemple, dans le chap. 30 du Sanguo zhi
(« Histoire des Trois Royaumes »).
38. Il en existe au moins deux publiées à ce jour : la première recueillie en 1900 par le capitaine de Love
dans la région de Cao Bang au Tonkin, publiée par T. Yamamoto, ed., « Manzoku non sankanbo-
tokuni kodensetsu to iju keiro ni tsuite », dans Toyo bunka kenkyujo kiyo 1 : 191-269, et datée de
la 5e année des Sui (594) ; la seconde recueillie à Jianghua au Hunan, publiée in Yaozu guoshan-
pangxuanbian, Changsha, 1984, et datée de la 2e année des Sui (592). Cette dernière publication ne
comprend pas moins de trente-six versions de la Charte, sélectionnées parmi les quelque cinq cents
recueillies en République populaire de Chine.
39. Il existerait aussi un Pan wang ge (« Chant du roi Pan ») chez les Miao, mais selon Long Haiqing,
(« Les Premiers auteurs du mythe de Pan Hu » (Pan Hu shenhua shizuozhe), Minjian wenxue
luntan, 1984,4) ce chant fait aussi de Pan Hu un héros civilisateur, inventeur de la charrue et de la
herse, initiateur de la plantation du taro et du chanvre, du filage et du tissage, etc. Mais on n'y
trouve rien de comparable à la tradition de Pan Hu chez les Yao ou les She, et il est possible :
(1) qu'il y ait aussi confusion, comme cela se produit fréquemment, entre Pan Hu et Pan Gu, le
démiurge, auquel correspondrait mieux toutes ces initiations ; (2) que la mention d'un culte de Pan
Hu par Lu Ziyun dans son Dongqi qianzhi confonde les Miao avec les Yao, ou qu'il faille y voir la
trace journalistique d'un effort de la part de certains Miao pour jouir aussi du privilège accordé
aux descendants de Pan Hu.
40. W. von Koppers, « Der Hund in der Mythologie der zirkumpazifischen Völker », Beitrage zur
kultur geschieht und Linguistic, 1930, 1 : 359-399.
41. Wang Xingrui, Hainandao zhi Miaoren (« Les Miao de l'île de Hainan »), Canton, 1948.
42. Ho Ting-jui, A Comparative Study of Myths and Legends of Formosan Aborigines, Taipei,
Orient, 1971.
43. « II suffit de mettre en parallèle le texte du Heou Han chou et celui de la charte des Man pour voir
que nous n'avons pas affaire chez les Man ou Yao actuels, très pénétrés d'influences chinoises, à
une tradition indépendante propre à leur race, mais à une reprise savante et à peu près littérale de
l'affabulation chinoise telle qu'elle a été consacrée dans le Heou Han chou » (Paul Pelliot,
Compte rendu de lecture in T'oung pao, 1931, 2e sér., 28 : 465.
44. La clé du chien avait toutefois été employée dès l'aube de l'histoire chinoise pour écrire le nom des
Di, peuple barbare de l'ouest, et l'on sait qu'on distinguait parmi les Rong, autres barbares
occidentaux, les Quan Rong ou « Rong Chiens ». Enfin, au sud, le nom des Lao (ou Liao) était aussi
précédé de la clé du chien. Mais ce n'est que tardivement, sous la dynastie mongole des Yuan au
xme siècle, qu'elle est accolée au mot yao, devenu nom de peuple, peut-être par contamination
avec celui des Lao, avec lesquels ils paraissent se mélanger dans le Guangdong, tandis que disparaît
peu à peu la mention mo yao « non corvéables » pour les désigner. Enfin, avec l'évolution chinoise
du mythe de Pan Hu, sous les Qing épris de classicisme, le clé du chien s'impose pour classer tous
les « barbares ».
45. Ce n'est pas le seul exemple, pour rester dans le monde chinois — les Mongols ne sont-ils pas issus
d'un loup gris et d'une biche fauve, et les Nahsi d'un chacal ? — , mais c'est celui qui,
apparemment, convenait au type de rapport qui s'était établi entre l'État central et les populations
périphériques. Comme l'avait bien vu d'Hervey de Saint Denys (Ethnographie des peuples..., op. cit.),
dans la définition « canine » du barbare on n'est pas loin du « domestique », voire
« domesticable » ; c'était d'ailleurs le cas des Lao (ou Liao), objets, depuis les Han, d'une
véritable traite des esclaves.
46. Mais le mot hu pour « gourde » pourrait être un doublet de hu/huo « protéger », avec lequel les
textes le confondent parfois ; à ce propos, voir Yuan Ke, Choix de traductions des mythes
antiques, Shanghai, 1982 : 221. Il est vrai que dans certaines versions il sera nommé « protecteur du
royaume » (huo guo) après son exploit.
47. Sou shenji, chap. 14 : 341.
48. Long Haiqing (« Les Premiers auteurs du mythe de Pan Hu », art. cit.) fait état d'une légende des
Miao Koxiong du Hunan occidental selon laquelle une vieille femme de plus de soixante ans aurait
eu une sorte de sarcome dans l'oreille, qu'elle aurait laissé croître jusqu'à ce qu'un jour en sortît
soudain Pan Hu, etc.
84 JACQUES LEMOINE
49. Voir Rémi Mathieu, Étude, sur la mythologie et l'ethnologie de la Chine ancienne. Traduction
annotée du Shan hai jing, Paris, Institut des Hautes Études chinoises, 1983, 2 vol. ; et pour une
première étude d'ensemble, Kiang Shao Yuan, Le Voyage dans la Chine ancienne, lre rééd.,
Vientiane, Vithagna, 1975.
50. E. T. C. Werner, Myths and Legends of China, London, 1922, 442.
51. E. Seidenfaden, «Un Ancêtre de tribu: le chien», Institut Indochinois pour l'Étude de
l'Homme, 1944, 6 : 366-367, Hanoi.
52. Pour un aperçu de cette histoire, voir J. Lemoine, Yao Ceremonial Paintings, Bangkok, 1982, et
Comité d'édition..., Yaozu jianshi (« Précis d'histoire des Yao »), Pékin, 1983.
53. Fan Chengda, Guihai yuheng zhi ; je me réfère à la citation de Ma Duanlin traduite par d'Hervey
de Saint-Denys, Ethnographie des peuples..., op. cit.
54. Dans le sens de « non corvéables ». Ces choses ne sont pas aussi extraordinaires qu'on pourrait le
penser. Il y a quelques années, je visitais de temps à autre un groupe de Lisu à la frontière thai-bir-
mane, qui étaient en fait des Chinois devenus Lisu. Plus récemment encore, j'ai rencontré un des
enquêteurs de terrain du Guangxi qui me raconta comment il lui avait fallu plus de vingt ans pour
faire rectifier une fausse déclaration de populations han qui s'étaient faites enregistrer comme Miao
au premier recensement de 1953. Là encore, il s'agissait de bénéficier du traitement spécial réservé
par les révolutionnaires aux minorités nationales.
55. « iu » est la prononciation dialectale de « yao ».
56. Les soi-disant Miao étaient des Yao de la région des Cent mille Monts au Guangxi, transplantés au
xvie siècle pour pacifier les Li (Wang Xingrui, Hainandao de Miaoren, Canton, 1948). Ce qui nous,
intéresse ici, c'est que, malgré la perte de leur ethnonyme pour des raisons administratives ou
politiques, ces Yao ont conservé la tradition du roi Pan comme carte d'identité ethnique.
57. J'ai assisté en mars 1985 au Premier symposium sur l'Histoire des She à Chaozhou, qui n'a pas pu
départager les théories en présence. Elles sont bien exposées dans le Shezu jianshi (« Précis
d'Histoire des She »), Fuzhou, 1980. Pour une présentation du rouleau de peinture relatant l'histoire de
Pan Hu, version she, voir Wang Shucun, « Le Rouleau d'images du roi ancêtre-chien du peuple
she » (Shezu shizu gouwang tujuan), Meishu yanjiu, 1984, 2 : 33-39. Ces peintures avaient été
mentionnées pour la première fois par le prof. Jao Tsung Yi (« The She Settlements in the Han River
Basin, Kwantung », in F. S. Drake, ed., Proceedings of the Symposium on Historical
Archaeological and Linguistic Studies on Southern China, Southeast Asia and the Hong Kong Region, Hong
Kong, 1967.
58. C'est ce qui explique une certaine variance de la chronologie d'une version à l'autre : Gao Xin ou
Ping de Chu, hésitation de 1' « historien » portant sur quelques millénaires !
Mythes d'origine, mythes d'identification 85
ABSTRACT
Jacques Lemoine, Myths of Origins, Myths of Identification. — Most societies have a so-
called myth of origins. These myths, upon closer look, turn out to be of two sorts : those of
the first one have less to do with a particular ethnic group than with the kind of social system
underlying that society ; those of the second one draw the outline of this particular ethnic
group, so to say its identity. In the Chinese world, these two sorts coexist : on one hand,
myths about the flood, on the other, foundation myths proper staging the story of a
founding ancestor (such as Jiulong, the Bamboo Prince or the dog Pan Hu). Because of its
wide diffusion and current pertinence, the myth of Pan Hu has been selected here to
illustrate the second sort.
Myth of the flood, the key to the social system, can be divided along two lines : either
they end in the formation of clans and of the rules of exogamy, or else they tend to
legitimate the foundation of dynastic lineages as well as the hierarchy of social classes. On
the contrary, the myth of Pan Hu is not directly concerned with the society which draws its
origins from it. Its intent is to found an interethnic relationship between a minority group
and the majority, between a central state and a peripheral tribe. Ultimately, it proves to be a
myth of tax evasion. (Traduit par l'auteur.)
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