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Communication et langages

La médiologie de Régis Debray


Yves Jeanneret

Résumé
Régis Debray a consacré, une série de livres aux phénomènes de médiation culturelle : rôle des intellectuels, pouvoir des
signes, dispositifs techniques de communication, sens des pratiques symboliques. L'auteur estime que l'évolution des
techniques impose cette nouvelle discipline qu'est la médiologie. Yves Jeanneret propose une
introduction à ce projet et une réflexion sur son impact et sa fécondité.

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Jeanneret Yves. La médiologie de Régis Debray. In: Communication et langages, n°104, 2ème trimestre 1995. pp. 4-19.

doi : 10.3406/colan.1995.2583

http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1995_num_104_1_2583

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Régis Debray a consacré, une série de livres aux phé- estime que l'évolution des techniques
nomènes de médiation culturelle : rôle des impose cette nouvelle discipline qu'est la
intellectuels, pouvoir des signes, disposi- médiologie. Yves Jeanneret propose une
tifs techniques de communication, sens introduction à ce projet et une réflexion sur
des pratiques symboliques. L'auteur son impact et sa fécondité.

Régis Debray a toujours refusé de dissocier la réflexion théorique


et la responsabilité sociale ; il a cherché au contraire à « joindre
les deux bouts : le dire et le faire » (mm, p. 132)1. Mais sa notoriété
n'a guère respecté cet équilibre. Elle a en somme parcouru à
rebours les trois âges du pouvoir intellectuel, tels que Debray les
a lui-même définis : âges universitaire, editorial, médiatique.
D'abord remarqué par les médias comme jeune révolutionnaire
emprisonné en Bolivie, il est devenu l'un des auteurs de
Gallimard, avant de recevoir la consécration universitaire (thèse
en Sorbonne, 1993). Si bien qu'on pourrait oublier qu'il était,
depuis le début, philosophe. Illustration paradoxale, à propos du
théoricien des médiations, de ses propres thèses : l'œuvre
philosophique a été masquée par le relief de la personnalité publique.
Régis Debray a pourtant proposé patiemment les éléments suc-
§ cessifs d'une nouvelle discipline, pour laquelle il a inventé un
^ néologisme, la médiologie. Le projet médiologique2 s'inscrit dans
& une réflexion plus globale sur les médiations culturelles3.
I
ce
^; 1 . Les références des citations sont tirées des éditions suivantes : Le Pouvoir intellectuel
^ en France (pif), Le Scribe (s), Critique de la raison politique (crp), Cours de médiologie
■J2 générale (cmg), Vie et mort de l'image, (vmi), L'État séducteur (es), Manifestes médiolo-
2 giques (mm).
£ 2. Affirmé en tant que tel dans le Cours de médiologie générale (1991), Vie et mort de
£ l'image (1 992), L'État séducteur (1 993) et les Manifestes médiologiques (1 994).
£ 3. Illustrée par exemple par Le Pouvoir intellectuel en France (1 979), Le Scribe (1 980) et
O Critique de la raison politique ( 1 98 1 ) .
La médiologie de Régis Debray 5

Régis Debray aime penser contre. Il a souligné à plusieurs


reprises la double difficulté à laquelle se heurte la création d'une
discipline comme la sienne, qui voudrait associer tout ce qui
concerne la transmission des signes : elle doit s'exposer dans
un vocabulaire qui lui est étranger, elle ne peut se déployer
qu'en franchissant les frontières du savoir institué. « C'est la
fatalité où se trouve prise la naissance de toute problématique
inédite, qu'elle ne puisse s'opérer qu'à l'intérieur de ces mêmes
disciplines établies et des catégories anciennes qui lui font
obstacle » (vmi, p. 12). Cette double polémique, contre la
terminologie et contre les disciplines, est une bonne entrée en matière
médiologique.

MÉDIAS ET MÉDIATIONS
On pourrait définir la médiologie comme un effort pour
déconstruire le mot « médias ». Un tel terme est en effet un double
piège. Il suggère une dissociation entre les outils et la pensée
(ou, comme on dit aujourd'hui, entre les contenants et les
contenus), là où il faudrait chercher systématiquement un lien ; il offre
la dangereuse commodité de désigner le support technique sans
réelle précision. Contre ces fausses évidences, Debray propose
deux programmes de rupture : relier ce qu'on sépare
abusivement (la machine et l'homme), regarder ce qu'on néglige trop
souvent (la richesse de l'objet technique).

Principe 1 : refuser le clivage entre le corps et l'esprit


de la culture, c'est-à-dire entre des dispositifs
techniques (le livre, la radio, l'écran vidéo, etc.) et des
courants intellectuels (le christianisme, la philosophie des
lumières, le marxisme). « J'appelle médiologie la
discipline qui traite des fonctions sociales supérieures dans
leurs rapports avec les structures techniques de
transmission. J'appelle méthode médiologique
l'établissement, cas par cas, de corrélations [...] entre les
activités symboliques d'un groupe humain (religion,
idéologie, littérature, art), ses formes d'organisation et
son mode de saisie, d'archivage et de circulation des
traces » (mm, p. 21).

Principe 2 : décrire vraiment l'épaisseur matérielle et


signifiante de l'ensemble complexe qu'on nomme
média : supports, dispositifs, circuits, milieux, etc.,
6 Théorie de la communication

« l'ensemble, techniquement et socialement déterminé,


des moyens de transmission et de circulation
symboliques » (cmg, p. 15).

La médiologie n'est donc pas une science des médias, c'est un


effort pour mettre en relation tout ce qui concourt effectivement à
faire culture, avec une attention, précise mais non exclusive, aux
dispositifs matériels de diffusion. Par exemple, l'étude médiolo-
gique du visuel ne sépare pas le fait qu'on ne fabrique pas une
idole comme un tableau ou une image virtuelle et les sources de
légitimité sociale de ces diverses images : religion, esthétique,
marché. Mais il ne s'agit pas non plus de confondre le visuel avec
la langue : il faut analyser la façon particulière dont l'image fait
sens, mesurer la force propre de sa séduction, observer
précisément comment le regard se modifie quand on passe de l'icône au
tableau, à la photographie puis à l'écran. Autre exemple,
l'analyse de la fonction intellectuelle dans Le Scribe ou Le Pouvoir
intellectuel en France. Le rôle de l'intelligentsia, qui suppose une
fonction sociale du sacré, ne s'exprime que dans les dispositifs
économiques et techniques de diffusion de la parole : dans un
cadre universitaire, editorial ou médiatique, sous la forme d'une
conférence publique, d'un best-seller ou d'une émission de
télévision. Dans la destinée historique du marxisme comptent à la fois
la présence secrète d'un principe religieux, l'insuffisante
vulgarisation d'une pensée économique, l'omniprésence d'un modèle
d'expression journalistique. Bref, pour parodier un instant le style
de Régis Debray, le socialisme, c'est peut-être moins, comme le
croyait Lénine, les soviets et ['electrification du pays que le culte
de la personnalité plus la rotative. Les faits contemporains
relèvent d'une même démarche : chez le membre de la haute intelli-
^ gentsia (HI) contemporaine, le discours passe-partout des droits
S de l'homme peut être mis en rapport avec la circulation inces-
^ santé entre trois bureaux, ceux du professeur-éditeur-star. Le lec-
|> teur de Régis Debray retrouvera partout cette relation stimulante
g> et osée entre l'analyse concrète des traces, des dispositifs, des
5 ressources, d'un côté, et l'identification de grands moments de
® pensée, de l'autre.

I UNE ANTIDISCIPLINE ?
| Cette première définition de la médiologie permet de comprendre
E pourquoi cette discipline est difficile à saisir et à juger, car elle
o glisse en quelque sorte entre les doigts. Ou plutôt, tout cela
La médiologie de Régis Debray 7

donne à penser que la médiologie est avant tout un système


philosophique. Car rien ici ne se tient d'une perspective disciplinaire.
Au moment de soutenir la thèse (vmi, p. 12) ou l'habilitation à
diriger les recherches (mm, p. 15), le philosophe a dû se justifier vis-
à-vis de disciplines qui peuvent lui reprocher, à juste titre, de
survoler leur objet : sciences politiques, communication,
sociologie, sémiologie, histoire de l'art, histoire des religions,
technologie, etc. Il faut admettre chez Debray un côté Pic de la Mirandole,
et le prix de son œuvre tient en partie à ce que notre époque
d'hyperspécialisation nous fait regretter les hommes de la
Renaissance. Ce sont bien les thèses d'une pensée, et elles
seules, qui font tenir ensemble des objets d'intérêt habituellement
disjoints. Plus qu'interdisciplinaire, la médiologie me semble
antidisciplinaire — même si Régis Debray appelle à une nouvelle
discipline, dont on voit assez bien qu'elle ne saurait être que la
sienne. Il y a deux raisons à cela, la très forte cohésion entre les
composantes d'une théorie, qui cesse de se tenir dès qu'on en
déplace un élément et le questionnement incessant des
catégories les plus essentielles par lesquelles les sciences de l'homme
se définissent. Entreprise sûrement guettée par la mégalomanie,
mais non moins incontestablement pleine de perspectives
stimulantes. Pensée du risque, la médiologie flirte sans cesse entre le
fécond et l'aventureux : sous couvert d'une nouvelle discipline,
c'est une grande pensée philosophique, une façon originale de
comprendre aujourd'hui le pouvoir. Il faut moins la développer
que l'interpréter et la critiquer.

Ce qui intéresse Régis Debray, comme penseur et comme


homme d'action, c'est la vie sociale des croyances : ici se trouve
à mon avis le foyer de sa réflexion.

« Une "idée" n'est pas efficace parce qu'elle est vraie,


mais parce qu'elle est tenue pour telle. L'étude des
conditions de l'efficacité doit donc se déplacer en
direction d'une étude de la croyance » (crp, p. 169).

On disait beaucoup, à l'époque des débuts du philosophe, que


les idées ne gouvernent pas le monde. Régis Debray a cherché
comment au fond elles parviennent bel et bien à le gouverner.

La formule du Scribe dessinait déjà la perspective : « La


mise au jour d'une logique opérationnelle de la pensée
8 Théorie de la communication

sociale, qui permettrait d'établir une correspondance


réglée entre les faits de pensée et les faits d'autorité, ou
plus exactement entre les faits de transmission ou de
communication et les faits de gouvernement, reste
notre seule perspective » (s, p. 12).

Plus récemment, Debray revendiquait une étude des « voies et


moyens de l'efficacité symbolique » (mm, p. 16), regrettant que
les procédures concrètes de la croyance soient moins bien
connues que celles de la connaissance scientifique. Pouvoir,
croyance, transmission : tel pourrait être un triangle central du
système de pensée de Régis Debray. Et le principal mérite du
théoricien est sans doute d'avoir associé, d'une façon aussi forte
et aussi explicite, ces trois domaines en les baptisant
clairement : politique, religion, médiation.
En y regardant de près, on verrait qu'au fil des œuvres les
catégories se déplacent et que le centre de gravité du système se
décale. Très grossièrement, il y a un itinéraire de la politique à
la religion et de la religion aux pratiques symboliques. Cela
pourrait donner à penser, à première vue, que les intérêts de
Régis Debray suivent la mode ou l'actualité. L'auteur a fourni,
çà et là (crp, p. Msq., mm, p. 11sg.), quelques éclairages
biographiques sur un glissement qui renvoie aussi au rôle
croissant des pouvoirs médiatiques. Mais tout se tient, du début à la
fin. Aux deux pôles du modèle médiologîque, il y a la religion
(en haut) et la médiation (en bas), qui se font une sorte de clin
d'œil étymologique, car la religion relie et la médiation
intercède. Si les médias, les médiations et les médiateurs sont si
importants dans les œuvres de Régis Debray, c'est parce qu'à
ses yeux ce qui se passe dans le champ du pouvoir est sus-
^ pendu entre un religieux qu'on ne peut exorciser et une techno-
5 logie dont on ne peut se passer. Le principe traverse les âges.
^ Charlemagne, c'est une caution divine et un réseau de corres-
|> pondants : d'où la place, attitrée et non accidentelle, du scribe-
|> clerc-intellectuel aux côtés du souverain. Quelle est la double
^ erreur de Marx ? C'est d'avoir cru que la religion pourrait être
* éliminée comme opium du peuple et d'avoir fait une confiance
•S naïve à la vérité pour s'imposer d'elle-même. Double mépris
■S tragique : d'une force irrépressible de la croyance et d'une
| nécessité politique de la médiation.
E On ne peut comprendre, me semble-t-il, le projet médiologique,
6 sans un double détour :
La médiologie de Régis Debray 9

1/ par l'histoire intellectuelle collective des années Debray, celle


des penseurs radicaux formés par l'École normale supérieure
vers 1 960,
2/ par le noyau de la pensée politique-religieuse de Régis
Debray.
C'est ce qui explique la manière de malentendu, sur lequel je
reviendrai, qui fait qu'un penseur de la communication, stimulé
dans son projet théorique par des enseignants de
communication, refuse l'idée de communication : car les sciences de la
communication se sont trop souvent présentées comme un
dépassement du politique, tandis que Régis Debray ne
comprend la médiologie que comme une poursuite de la politique
par d'autres moyens. Mieux : la médiologie, échappant à
l'alternative de la politique et de la communication, c'est
l'analyse des pratiques symboliques placée dans la perspective du
pouvoir.

ADMETTRE L'INCOMPLÉTUDE
Collégien des années soixante, je connaissais Régis Debray,
bien avant d'avoir appris un mot de philosophie, comme le jeune
intellectuel prisonnier de la dictature latino-américaine. Debray
appartient à une génération de normaliens qui ont vécu leur
pensée comme une obligation à l'action. Plus que d'autres peut-être,
il a fait l'expérience, aux côtés des guérilleros révolutionnaires
comme dans les coulisses du pouvoir socialiste, de ce que
signifie s'employer à faire vivre une conviction ; il a écrit des ouvrages
précis sur les jeux de pouvoir, comme La Puissance et les rêves
(1984) qui confronte en matière de politique internationale les
principes universalistes de la gauche avec la réalité des intérêts
particuliers qu'elle sert ; il sait comment les efforts d'émancipation
se muent en formes nouvelles d'asservissement. Il s'est expliqué
sur le retour forcé à une pensée reflexive que constituait, côté
ombre, la prison. Formé par Louis Althusser, Debray a poussé
jusqu'à ses limites la non-dissociation de la théorie et de la
pratique. Mais il a abordé bien différemment d'autres intellectuels de
sa génération - contre lesquels il est resté en polémique
incessante — le retour critique, a posteriori, sur le sens d'un
engagement radical et sur le caractère meurtrier des gouvernements
révolutionnaires. Régis Debray n'a jamais fait sa palinodie
publique et ne cache pas son mépris pour ceux qui ont monnayé
en succès le récit de leurs erreurs. Il a cherché à rendre compte
des sources même de la transformation des idées généreuses en
10 Théorie de la communication

pouvoir oppressif. L'expérience marxiste ne se rétracte pas chez


Debray (en autocritique fade), elle se déploie au contraire (en
réflexion sur le statut du politique).
Mais ici Régis Debray, comme d'autres étudiants d'Althusser,
se sépare de l'enseignement althusserien, avec la critique
radicale qu'il propose de la notion d'idéologie dans Critique de la
raison politique. Sans ce moment intellectuel, l'aventure médio-
logique me semble inexplicable. La pensée althusserienne
reposait sur le couple contrasté de l'idéologie et de la science :
l'idéologie est une relation imaginaire à l'existence, la science
se pose contre elle par la coupure épistémologique, la
philosophie est artisan de cette lutte. À cette opposition binaire
science/idéologie, Régis Debray substitue dès lors une triade,
celle de la religion, de la politique et de la culture, façon, me
semble-t-il, de sortir d'une alternative illusoire. Si l'on pense
qu'il y a de l'idéologie d'un côté et de la science de l'autre, on en
vient vite à croire que l'illusion s'oppose à la vérité, qu'il y a une
politique scientifique, un au-delà de la croyance. On peut aussi
se juger autorisé à s'intéresser aux seules choses de la pensée,
à développer une discipline purement intellectuelle (qu'en
l'occurrence Régis Debray, qui reste auteur contre les
universitaires, nomme marxologie, avec un agacement non feint).
Discipline aussi méprisante de la pensée « vulgaire » que
réellement impuissante à percevoir les réelles forces de l'action
sociale, les échanges et les influences. Ce qui manque alors au
marxisme, paradoxalement, c'est précisément une pensée
politique : non pas un modèle politique idéal, mais une attention à
la façon dont les pouvoirs réels opèrent. À partir de là, la
posture difficile qu'adopte Régis Debray consiste à maintenir
l'exercice d'une critique sociale sans s'illusionner sur les effets d'une
^ action. Car se jeter comme d'autres dans les bras d'une nou-
2 velle religion, défense de l'esprit, progressisme polytechnicien,
^ droits de l'homme, village cybernétique, ne fait pas sortir du
d> cercle paradoxal de l'action.
£? Cette conviction, qui consiste à placer le symbolique au centre du
5 politique, Régis Debray choisit de l'exprimer sous une forme
2 scientifique, ou pseudo-scientifique : c'est le théorème d'incom-
plétude, application à la vie sociale d'un principe logique hérité
des mathématiques contemporaines (crp, p. 255 sq.). La formu-
| lation est pédante, mais l'idée est simple. La collectivité sociale
E ne peut tenir sa cohésion que de l'extérieur ; pour se clore sur
<3 elle-même, elle doit être ouverte sur autre chose. C'est pourquoi,
La médiologie de Régis Debray 11

aussi laïc qu'il se proclame, tout pouvoir politique suppose une


sorte de métapolitique, que Régis Debray nomme « religion ».

D'où la place centrale et paradoxale à la fois de la


"plein"
religion : « la religion est un "fait social", mais pas au sens
[...] du mot : puisqu'elle incame le manque-à-
être d'un collectif d'où il tient son être. Elle désigne ce
qui, dans le social, n'est pas du social et par quoi seul
une société peut accéder à l'existence » (s, p. 81 ).

Nul pouvoir ne peut se maintenir sans revendiquer une


croyance qui dépasse et justifie son existence : communion des
saints, société sans classes, démocratie universelle, etc. Ce
principe me semble fournir sa cohérence à tout le système
médiologique de Régis Debray, expliquer à la fois l'intérêt des
questions qu'il pose et le tour particulier de ses réponses. Avant
de prendre quelques exemples d'une manière médiologique
d'analyser les signes, je voudrais souligner d'emblée trois
choses essentielles.
1/ La politique n'est fondée en religion que pour l'être, en
dernière analyse, en logique. « Dieu n'est pas un phénomène de
croyance mais un phénomène logique » (s, p. 68). Utilisation
métaphorique des sciences exactes que nous retrouverons.
2/ Ceci initie le thème social du vecteur dans lequel la religion
joue le rôle d'un lien : source d'une approche des faits
symboliques en termes de pure transmission.
3/ Ce principe de transmission explique l'importance de
l'intellectuel comme agent de liaison du pouvoir et des techniques de
médiation comme tissu conjonctif de la culture.

DU SYSTÈME À L'ÉCRITURE
On ne peut pas résumer Régis Debray, pour deux raisons
essentielles. La première est que le charme intellectuel de ses
travaux tient en grande partie à la masse considérable des
matériaux qu'il associe, nous faisant habituellement sauter des
monastères aux tubes cathodiques, de l'entrefilet à la thèse et
du réseau téléphonique aux galeries d'art, et le tout de façon
plausible. S'il n'y avait de nombreuses autres raisons de lire
Régis Debray, il faudrait le lire pour la fascinante stimulation
cognitive qu'il nous procure, à la limite de l'ivresse intellectuelle.
Analyses souvent de seconde main, mais la seconde main,
quand elle empoigne réellement son objet, vaut largement la
12 Théorie de la communication

première. Il y a un autre obstacle au résumé : c'est que le lien


entre pensée et style est trop intime pour être rompu.

Peut-on résumer, par exemple : « Comment


comprendre l'actualité sans prendre sur elle au moins douze
siècles de recul ? » (vmi, p. 381 ) ?

Je ne souhaite pas ici dispenser de lire Debray mais au contraire


inviter à sa lecture et peut-être aider à entrer plus vite dans
l'essentiel d'une œuvre proliférante. Pour cela, on peut, sur
quelques exemples limités, montrer la démarche d'une pensée
et aussi évoquer l'allure qu'elle prend dans l'écriture. En quoi les
analyses médiologiques peuvent-elles nous donner à penser ?
Le premier apport de la médiologie me semble être l'effort
permanent de synthèse. Régis Debray propose des lectures de
notre histoire. À cet égard, on peut inscrire sa philosophie dans
la filiation de Hegel, moins peut-être le Hegel dialecticien que
l'encyclopédiste qui était à la recherche d'une compréhension
globale de la civilisation et d'une manifestation de l'esprit dans
l'histoire. Il faut aussi évoquer Auguste Comte, dont les
chronologies audacieuses trouvent un écho chez Debray, lorsque ce
dernier scande les ères médiologiques et traduit en tableaux
impressionnants cette partition de l'histoire. Sous la plume de
Régis Debray, le réel devient rationnel, l'histoire exprime le
concept, l'anecdote devient totalité. Les médiasphères
successives, ces milieux quasi-écologiques de la culture, se présentent
comme autant de totalités organiques, visualisables sur des
tableaux à multiples entrées : techniques, formes de pouvoir,
valeurs de référence, types de production culturelles se
répondent. Codex et christianisme, microprocesseurs et post-
^ modernisme s'inventent ensemble.
5 Que penser de cet hégélianisme ? Beau stimulant contre la dicta-
^ ture de l'archive et la myopie de l'érudition ? Dangereux appel
6 aux généralisations hardies ? Suspecte convergence de tous les
|> ordres de réalité ? Pour être plus précis, et plus nuancé, l'histoire
^ médiologique vise à conjuguer plusieurs temporalités. Il y a l'inva-
® riant (anthropologique), le temps long (civilisationnel) et l'événe-
■â ment (historique). Prenons des exemples concrets. À la première
■§ dimension appartient la fonction intellectuelle, qui se reproduit
| elle-même, pour l'essentiel, à travers les âges ; à la deuxième se
s rattachent les grandes révolutions médiologiques, qui
cor esponds dent à l'âge de la parole (logosphère), de l'écriture (grapho-
La médiologie de Régis Debray 13

sphère) de l'écran électronique (vidéosphère) ; à la troisième


renvoient les évolutions de l'art contemporain, qui connaît divers
avatars à l'intérieur du couple marché/exhibition, typique de la
vidéosphère. Les analyses médiologiques me paraissent
contenues dans la tension entre la première temporalité,
potentiellement négatrice de l'histoire et la dernière, réellement empirique,
si bien que la richesse de l'œuvre de Debray tient à cette
alternance entre moments généralisants et analyses très concrètes.
Sans doute ce profil d'écriture renvoie-t-il à la tension entre
histoire et philosophie. Debray voudrait tempérer la
conceptualisation généralisante par la considération attentive des pratiques
réelles. À plusieurs reprises, il propose des solutions pour
concilier la permanence et l'histoire.

Voici l'une d'entre elles : « la morphologie du sacré


admet des variantes dans le contenu, l'invariant est la
forme syntaxique elle-même. Toute société suppose
une syntaxe, qui est son intouchable : ce qui la fait tenir
ensemble » (s, p. 76).

Dans ses Manifestes médiologiques, Régis Debray réexprimait


récemment ce souci de concilier la permanence de certaines
fonctions sociales et la diversité de leurs régimes de
fonctionnement. Il y a donc chez lui la même tension entre changement
historique et vérité permanente que chez Hegel et Comte, mais en
négatif : ce qui se maintient n'est pas l'ordre de l'esprit mais celui
de la domination, ce qui se profile pourrait bien n'être pas
l'accession à l'humain mais le triomphe du barbare. Cela dit,
Debray ne résout pas à mon avis la contradiction entre
généralisation et précision historique, et c'est peut-être ce qui fait, par-
delà le système médiologique, la valeur stimulante, heuristique,
poétique pourrait-on dire, de ses œuvres.

FORMULES ET PARCOURS
Car comment les choses se passent-elles concrètement, dans
récriture ?
D'un côté, il y a tout ce qui impose brutalement une vision
radicalement claire sur l'histoire.
Recours immodéré à l'anachronisme : « l'intellectuel
organique a revêtu plus d'une forme historique au cours
des âges » (s, p. 65), « Medium is message, c'est en
propre la révolution catholique » (vmi, p. 98).
14 Théorie de la communication

Séries burlesques d'équivalences historiques : « L'anti-


intellectualisme [...] c'est la plaque tournante des
chemins de fer idéologiques, où s'opèrent les conversions
à 180°, qui font bifurquer de Proudhon à Napoléon III,
de Blanqui à Boulanger, de Sorel à Pétain ou Mussolini,
de Lénine à Pol Pot, de Mao Tsé-Toung à Giscard
d'Estaing » (s, p. 194).
Énoncé de lois quasi-physiques de l'histoire : « quand
le professeur décline, l'auteur remonte » (pif, p. 79),
« l'absolu en ordonnée fait du plein en abscisse. Plus il
y a du transcendant en haut, plus il y a du cohésif en
bas » (cmg, p. 147), « IxC = constante4: telle serait la
loi de Mariotte de l'élément symbolique » (vmi, p. 64).

On pourrait multiplier les exemples de telles lois, fondées le plus


souvent, comme chez Michel Serres, sur un détournement
contestable du vocabulaire des sciences exactes.
Mais il faut aussi observer, d'un autre côté, que chaque
démonstration de ces lois s'écarte inévitablement de ce qu'elle voulait
démontrer : c'est que Debray, lecteur infatigable et écrivain
spirituel, se laisse toujours captiver par la singularité de son objet.
C'est le côté Montaigne, plus fort au bout du compte, que le côté
Auguste Comte.

Apologie de Raymond Sebond : Montaigne croit


défendre la religion et en mine profondément les
assises. Cours de médiologie générale : Debray
parodie la précision du Cours de linguistique générale et
ouvre des abîmes de perplexité sur le caractère
insaisissable du sens. Les passages les plus passionnants
de Régis Debray sont ceux où le récit et le commentaire
deviennent ondoyants et divers : il a le sens de ces
développements denses et capables de faire résonner
o> toute une histoire.
g> Ce sont les fresques : l'éveil politique et communica-
5 tionnel à l'époque carolingienne, « prologue allé-
* gorique » d'une histoire des intellectuels (s, p. 22) ; la
â promenade sociologique « sur le chemin qui aura mené
| en l'espace d'un siècle l'intelligentsia bourgeoise du
| sacerdoce au hit-parade, entre le cloître normalien des

Oso 4. Probablement : information et communication.


La médiologie de Régis Debray 15

années 1880 et les studios de variétés des années


1970 » (pif, p. 107) ; l'analyse de « l'expérimentation
chrétienne » de médiation réussie (cmg, p. 123) ; la
controverse sur l'image religieuse, agent du diable ou
vecteur pour la propagande de la foi, où l'on zigzague
« entre le désert iconoclaste et le capharnaùm
idolâtre » (vmi, p. 98).
Ce sont les commentaires audacieux : comment
l'espace des peintures du quattrocento trahit la mise en
place d'un couple centre/périphérie ; comment les
manifestes de Sorel énoncent la destinée prévisible de
Panti-intellectualisme ; comment l'astuce artistique du
ready-made 6e Duchamp préfigure la méthode politique
de spectacularisation de l'État.
Ce sont les formules paradoxales qui renversent
brutalement une perspective : « l'exercice de la pensée ne
fait qu'un avec l'exercice de l'autorité » (s, p. 45), « feue
la société du spectacle a cédé la place à la société du
contact » (Es, p. 108), « ce sont les corps qui pensent et
non les esprits » (mm, p. 85).

Tout cela est un peu faux, Régis Debray ne s'en cache pas. Mais
cela contribue aussi à nous faire regarder autrement les faits de
médiation et leur importance, ce qui me semble particulièrement
précieux à une époque où la fusion entre technique et culture et
la transformation accélérée des pratiques demandent une
audace intellectuelle.

LA PROVOCATION ET SES PARADOXES


L'œuvre de Régis Debray devrait donc être définie comme
poétique, en ce qu'elle nous invite surtout à regarder les choses
autrement, à porter attention à ce que nous négligeons, à
adopter des points de vue décalés sur ce que nous vivons. De ces
provocations lancées au ronron académique par l'aventure
médiologique, voici quelques exemples. Contre la litanie
autojustificatrice de l'intellectuel, défenseur des droits de l'esprit,
Debray rappelle que l'esclavage a permis la philosophie. Il
distille ainsi le soupçon contre les versions idéalisantes de la vie
intellectuelle, comme la Trahison des clercs 6e Julien Benda, qui
refoulent un peu vite l'origine économique de la culture. Contre
la prétention moderne à une autonomie radicale de l'art, Régis
Debray relit méthodiquement la Critique de la faculté de juger 6e
16 Théorie de la communication

Kant, thèse par thèse, à la lumière des pratiques actuelles des


propriétaires de galeries : les principes d'une esthétique pure
sonnent tout autrement face à la réalité d'une collusion entre
spéculateurs et créateurs. Dernier exemple, une curieuse mise
en perspective de la Révolution française : les Lumières ne
seraient pas un corps de doctrines, mais un changement dans le
système de fabrication et de circulation des signes, réseaux de
sociabilité, rituels, moyens de production d'opinion, «
réorganisation des charnières de l'esprit public ».

Conclusion radicale : « ce ne sont pas les idées ou la


thématique des Lumières qui ont déterminé la Révolution
française, c'est cette logistique-là (sans laquelle ces
idées n'auraient pas pris corps) » (mm, p. 31).

Dans chacun de ces exemples, on reprochera à juste titre à


Régis Debray de caricaturer. Les dangers de la provocation
sont réels. L'intellectuel n'est pas un simple agent d'influence
du pouvoir. L'esthétique ne se donne pas totalement à
comprendre dans la seule économie de la circulation des œuvres.
La philosophie des lumières ne doit pas se résorber dans les
seules pratiques sociales qui l'ont rendue possible, sous peine
d'autoriser, en fin de compte, un relativisme radical : relativisme
que Debray combat, mais en quelque sorte de l'extérieur de son
système médiologique qui, devenu pleinement formalisé, y
conduirait sans doute. En somme il y a bien un moment où il
faut choisir entre l'architecture grandiose et trop massive des
modèles et la modestie subtile des hypothèses. L'auteur du
programme médiologique connaît ces risques et s'emploie
souvent, par retouches, à corriger les effets pervers de ses
^ positions les plus outrées, tout en maintenant leur vertu stimu-
2 lante. En dépit de la médiologie rêvée, la médiologie écrite est
^ moins l'outil d'un programme de recherches qu'un exercice
|» d'équilibrisme philosophique pour tirer le meilleur parti du para-
§5 doxe et de Paporie.

? DES QUESTIONS VIVES


■S S'il en est ainsi, il ne faut pas reprocher à Régis Debray les
■| contradictions où la force de ses interprétations et la vigueur de
| ses formules le conduisent plus d'une fois, mais plutôt lui savoir
s gré de désigner aussi bien la question sur laquelle achoppe la
<§ réflexion sur les médias et les médiations : la difficulté de penser
La médiologie de Régis Debray 17

la communication elle-même. Vie et mort de l'image concrétise à


cet égard ce qui couve tout au long d'une œuvre trop souvent
présentée, à la manière des sciences dites exactes, comme la
formulation d'acquis positifs. L'auteur s'y emploie à reconnaître
les antinomies de la vidéosphère. Je conseille de commencer la
lecture de Régis Debray par ces pages (vmi, p. 353 sq.), qui
colorent rétrospectivement les textes antérieurs. On y trouve à la
fois, sur le plan de la description, les paradoxes d'une situation
marquée par de profondes contradictions et, sur le plan du
jugement, les incertitudes d'un auteur qui ne peut tout à fait garder la
neutralité que son projet scientifique exigerait de lui. Ici, plus que
jamais, la médiologie remplace, selon le vœu de Debray, de
grandioses réponses par de modestes questions.

C'est pourquoi je souhaite, pour finir, indiquer succinctement


quelques questions sur lesquelles bute le projet médiologique,
non pour les résoudre, mais pour les identifier en tant que telles.

Le statut de l'intellectuel : la contradiction est ici, en quelque


sorte, dans l'écriture même de Debray. Le thème de la religion-
transmission - et sans doute la recherche des positions
polémiques - conduit Debray, tout comme Bourdieu d'ailleurs, à
dénoncer avant tout le rôle oppressif de l'intellectuel. À lire les
analyses de Debray, on ne voit guère paraître ce qui pourrait
justifier une liberté de pensée, ou un rôle libérateur de
l'intel igentsia ; mais l'œuvre est là, pour montrer en quelque sorte, par son
existence, que le projet de penser et d'écrire n'est pas
nécessairement au service du pouvoir.

L'opposition communication-transmission : il ne va pas de soi que


les pratiques symboliques et culturelles soient seulement des faits
de transmission. Ou plutôt ce terme de transmission brouille la
question davantage qu'il ne l'éclairé. Certes, les arguments ne
sont pas minces pour suspecter la communication : le philosophe
conteste le primat donné aujourd'hui à la manifestation sur le
message, il refuse le modèle télégraphique d'un code d'informations.
Debray polémique donc avec constance contre l'idée de
communication. Mais une telle critique devrait conduire, en toute
cohérence, à l'abandon de la métaphore de la transmission appliquée
aux faits culturels : pourquoi réinjecter, dans le discours
médiologique, sous le nom de transmission, la métaphore télématique,
parler sans cesse d'interfaces, ti'inputs et 6'outputs ? « Sans
18 Théorie de la communication

canal, pas d'émission possible, ni, a fortiori, de réception »


(pif, p. 213). Une conception créative de la communication, autre
qu'une simple transmission, ne rend-elle pas mieux compte de la
complexité des pouvoirs symboliques ?

Le matérialisme : Régis Debray revendique un « matérialisme


religieux », formule qui désigne très bien l'effort pour relier idées,
pratiques, statuts, techniques. Mais le matérialisme religieux
devient parfois, pour les besoins du programme médiologique,
un matérialisme radical, voire, selon les termes de l'auteur, un
« matiérisme » (cmg, p. 197). L'histoire des hommes est-elle
vraiment ponctuée par celle de ses techniques, comme l'impose,
malgré tout, une périodisation par les médiasphères ? Deux
thèses se combattent dans l'œuvre de Régis Debray, celle qui
affirme le primat des faits techniques sur les faits de culture,
celle qui invoque une interdétermination excluant toute cause
première.

Exemple de la première position : « Une culture ou une


tradition sociale ont toujours finalement le sort des
appareils de mémoire qui la supportent » (mm, p. 45).
Position, il faut le dire, que Debray n'énonce le plus
souvent que pour la nuancer : « Priorité au code ou au
codex, il faut choisir, dira-t-on peut-être. C'est justement
ce qu'il s'agirait d'éviter en travaillant les charnières
avec soin. » (mm, p. 98).

Je pense que la médiologie, si elle doit devenir programme


collectif, gagnera à adopter sans ambiguïté la seconde position,
contre tout déterminisme technologique. Elle y perdrait certes un
^ peu de son caractère provocateur et beaucoup de son aptitude à
S représenter l'histoire en tableaux.

§> La philosophie de l'histoire : la dernière aporie est sans doute


g> la plus profonde et la plus insurmontable. Dans le discours du
5 philosophe, les exigences de la scientificité (médiologie) ren-
c contrent celles de l'éthique (politique). Que faut-il penser de
J§ l'histoire de nos pratiques symboliques — et donc quel rôle pré-
| tendons-nous jouer dans cette histoire, et notamment dans l'exi-
| géante actualité des changements techniques, symboliques,
e culturels ? D'un côté, c'est une erreur de juger une médiasphère
o avec les catégories de la médiasphère précédente : ceci doit
La médiologie de Régis Debray 19

nous détourner d'analyser le monde électronique avec les


valeurs du livre. De l'autre côté, chacun de nous est embarqué
dans cette histoire et ne peut pas se contenter de la laisser aller
là où le marché et l'innovation technique la porteront d'eux-
mêmes. Revoici d'ailleurs la question de l'intellectuel, et du mot
qu'il pourrait avoir à dire aujourd'hui. Régis Debray médiologue
n'a rien à énoncer que des apories ; Régis Debray philosophe
colore de nostalgie l'évocation d'une histoire qui, à ses yeux,
ayant de basculer dans une sorte de folie (la dictature de la
diffusion sur la production culturelle elle-même) a connu quelques
points d'équilibre : dans le champ de l'image, la représentation
artistique de la réalité, dans celui du discours, le fragile
compromis editorial.
L'écrivain s'en sort par les formules interrogatives ou négatives,
qui disent la décadence sans l'affirmer :

« Quand il ne restera plus que l'Académie française et


la télévision par satellites, qui ont partie liée, y aura-t-il
autre chose que du déshonneur ? » (pif, p. 90). «
L'infographie et le cyberespace, précisément, ne me
semblent pas mériter une extase acritique » (mm, p. 202).

Ici, nous pourrions croire avoir pris en défaut le philosophe. Mais


ce n'est pas le cas, pour deux raisons. D'abord, parce que nous
n'avons pas davantage de réponse à proposer : ni une analyse
sans ambiguïté de ce qui se passe aujourd'hui dans la
communication, ni un choix simple entre science et morale. Ensuite,
parce que ce que nous avons observé pour finir, la difficulté d'un
intellectuel à définir sa position dans la société, démontre plus
que jamais, à rencontre de son auteur même, la pertinence du
questionnement médiologique.
Yves Jeanneret

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