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Revue française de sociologie

Raymond H., Haumont N., Raymond M.-G., Haumont A., L'habitat


pavillonnaire.
Haumont N., Les pavillonnaires. Etude psycho-sociologique d'un
mode d'habitat.
Raymond M.-G., La politique pavillonnaire.
André Davidovitch

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Davidovitch André. Raymond H., Haumont N., Raymond M.-G., Haumont A., L'habitat pavillonnaire; Haumont N., Les
pavillonnaires. Etude psycho-sociologique d'un mode d'habitat; Raymond M.-G., La politique pavillonnaire.. In: Revue
française de sociologie, 1968, 9-2. pp. 269-274;

https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1968_num_9_2_1393

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Bibliographie

Des préoccupations de R. Ledrut, nous retiendrons qu'il a écarté le flot


des données écologiques, nullement essentielles à un pareil sujet. Il s'est
attaché à des problèmes dont il estime à juste titre qu'ils sont du ressort de
la sociologie urbaine; le premier de ces problèmes, c'est le processus qui va
de la connaissance de l'espace urbain à l'aménagement. A cet égard, R. Ledrut
montre bien les limites actuelles de la planification urbaine, qui n'a pas
embrayé sur un contrôle social issu de la ville elle-même, mais qui dépend
d'une constellation d'agents dont la liaison avec l'espace urbain proprement dit
est médiocre. Montrant l'écart entre « ville » et « collectivité urbaine ■», il
souligne bien que l'une des raisons profondes de cet écart est l'évolution sociale
des villes et notamment la décadence de certaines institutions; ces institutions
dépérissent, comme dépérit la participation sociale et politique, sans que de
nouvelles formes viennent relayer les anciennes. C'est l'un des mérites de ce
livre de montrer constamment combien les problèmes urbains et leur
évaluation sociologique sont liés à la crise des villes (assertion qui eût peut-être
enchanté G. Gurvitch).
On s'explique ainsi le choix que l'auteur a fait de placer seulement dans
la seconde partie les chapitres relatifs à la différenciation de l'espace social,
à sa composition : c'est que pour lui — nous partageons son avis — la
reconnaissance de la crise urbaine implique un approfondissement du caractère
spécifique « urbain » de la vie sociale. La planification urbaine n'est pas
actuellement la solution de la crise; elle en est l'indice. Pour en trouver la
solution, il faut réévaluer les dimensions de la vie sociale, et notamment le
quartier (état passé et futur) et le centre (comme espace et symbole).
L'objectif final de l'aménagement urbain ne doit pas être la collection de
« gadgets » ou d'équipements, emplâtres traditionnels du traitement « local ».
Soulignant très heureusement que l'on ne saurait séparer l'homme dans sa
totalité de la ville elle-même considérée comme sujet social, R. Ledrut montre
bien que l'urbanisme ne saurait être autre chose qu'une opération du sujet
collectif sur lui-même. П a bien raison de penser que l'avenir des villes
ne dépend pas de la salle d'opération pluri- disciplinaire, mais de la prise de
conscience d'une collectivité dans une pratique sociale véritable.

Henri Raymond.

Raymond, Henri, Haumont, Nicole, Raymond, Marie-Geneviève, Haumont, Antoine.


L'habitat pavillonnaire. Préface de Henri Lefebvre. Paris, Centre de Recherche
d'Urbanisme et Institut de Sociologie urbaine, 1966. 148 pages.
Haumont, Nicole. Les pavillonnaires. Etude psycho-sociologique d'un mode
d'habitat. Paris, Centre de Recherche d'Urbanisme et Institut de Sociologie urbaine,
1966. 246 pages.
Raymond, Marie-Geneviève. La politique pavillonnaire. Paris, Centre de Recherche
d'Urbanisme et Institut de Sociologie urbaine, 1966. 360 pages. 22 F les trois
volumes.

Ces trois volumes traitent du problème de la fonction sociale du logement


en milieu urbain et du développement des idées et contenus idéologiques qui
s'y rattachent, depuis le début du xixe siècle.
Auteur de la préface de L'habitat pavillonnaire, Henri Lefebvre, directeur
et inspirateur de l'ensemble des travaux ici présentés, plaide, en esquissant

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les résultats dont il suggère l'ampleur, pour la méthodologie générale de


l'œuvre, tout en insistant sur l'originalité et la spécificité de chacune de ses
parties. П a des critiques fondamentales à adresser aux spécialistes de la
sociologie, de l'architecture et de l'urbanisme. Certes, il ne leur dénie point
tout mérite. Us ont raison, en particulier, de vouloir connaître les besoins des
hommes avant de les loger et d'en déduire qu'une telle étude renvoie « ... des
individus et des petits groupes à des instances de plus en plus larges : la
société, la culture » (p. 3) . Mais, d'autre part, ils ont tort de vouloir définir
« au sein de cette globalité » un certain nombre de fonctions, de formes ou
systèmes partiels, au premier rang desquels l'habitat, le logement. En faisant
ce va-et-vient des besoins qu'on explore aux fonctions que l'on définit on
tourne dans un cercle et l'on aboutit à ce que « une certaine sociologie qui se
dit très scientifique formule avec complaisance des trivialités sur les besoins,
sur la vie de famille dans le logement, sur la vie de quartier, etc.» (p. 4).
Afin d'échapper à cette critique, les démarches inspirées par H. Lefebvre
procèdent de trois séries de considérations qui donnent naissance à des
hypothèses à la fois explicatives et opérationnelles. On le sait : la perfection de
la réussite opérationnelle n'est pas nécessairement à la mesure de celle des
hypothèses; de même les imperfections qui peuvent apparaître, par-ci, par-là,
dans le travail accompli sur le terrain ne sont pas fatalement imputables à la
faiblesse des hypothèses et des conceptions d'ensemble. H n'est que plus
rassurant de pouvoir constater qu'ici le lien demeure toujours apparent entre les
intentions théoriques, la méthodologie adoptée d'une part, et les résultats
exposés, de l'autre. Il en est ainsi aussi bien en ce qui concerne la recherche
sur les «Pavillonnaires» (Nicole Haumont), que l'on peut considérer à cet
égard comme une véritable enquête témoin, qu'en ce qui concerne la recherche
historico-sociologique menée par M.-G. Raymond sur les conditions de la genèse
d'une idéologie pavillonnaire et de la diffusion de ce mode d'habitat.
La méthodologie exposée par Lefebvre procède de trois séries de
considérations :
Premier point : l'habiter est un fait anthropologique, une fonction inhérente
à toute société. H est un des attributs inépuisables qui, en tant qu'espèce,
caractérisent l'être humain. L'habiter est une des dimensions humaines de
l'homme. Toutefois, par-delà la constance de certains traits («la clôture d'un
espace par exemple ») l'habiter connaît les changements liés à ces totalités
que constituent la culture, la civilisation, la société à l'échelle globale... « Avec
ces changements se transforment les relations telles que la proximité et la
distance (sociales au sein des groupes), l'intimité et l'éloignement, le voisinage
et la séparation, relations qui entrent dans la pratique sociale, c'est-à-dire
dans l'habiter et qui sont indiquées ou signifiées par les objets d'usage.» (p. 7).
Deuxième point, ou deuxième hypothèse : la façon d'habiter ou les modalités
de l'habiter s'expriment dans le langage. La vie quotidienne exige une
perpétuelle traduction en langage courant de ces systèmes de signes que sont les
objets qui servent à l'habiter, aux vêtements, à la nourriture. « Celui qui ne
sait pas traduire est un ignorant, ou un aberrant, ou un étranger. » (p. 8) .
Mais les rapports sociaux ne passent pas entièrement dans les mots. Dans
le langage, fait social par excellence, qui reflète la vie sociale, les rapports
sociaux essentiels restent « inconscients » ou « supraconscients » comme la
totalité elle-même de la société, de la culture et de la civilisation : ils attendent
la connaissance qui peut seule les formuler en élaborant des concepts (p. 9).
Troisième point, ou troisième démarche : l'habiter s'exprime «
objectivement» dans un ensemble d'œuvres, de produits, de choses qui constituent un
système partiel : la maison, la ville ou l'agglomération. Chaque objet fait

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Bibliographie

partie de l'ensemble, il en porte la marque. « II a signification et sens dans


l'ensemble sensible qui nous offre un texte social. En même temps l'habiter
s'exprime dans un ensemble de mots, de locutions.» (p. 10).
Pour l'habiter, comme pour le vêtir ou le se nourrir ou le jouer, ilya donc
un double système : sensible et verbal; objectai et sémantique. En principe,
ils doivent se correspondre. En fait, il est difficile que la correspondance soit
exacte.
П en résulte une conséquence méthodologique : la technique la plus répandue
chez les sociologues, le questionnaire, ne convient pas à une recherche qui porte
sur la correspondance des systèmes en vue de mettre au jour les significations.
En effet, les questions posées sont formulées à l'intérieur d'un système de
significations (celui du sociologue, celui d'un autre personnage invisible) de sorte
que l'interviewé s'y conforme pour répondre par le seul fait d'y répondre. Dans
le meilleur des cas, cette technique permet d'aboutir à une conceptualisation
partielle. « II arrive qu'on s'autorise — souligne Lefebvre — de questionnaires
et de dépouillements rigoureux en apparence pour joindre de pseudo-concepts
à de pseudo-faits. » (p. 11) .
Seul l'entretien non directif peut, par conséquent, atteindre l'habiter.
Cependant : « L'entretien, nécessaire, ne suffit pas... — note Lefebvre — . La description
minutieuse est importante : celle des maisons, des biens meubles et immeubles,
des vêtements, des visages et des comportements... Les mots liés à l'habiter
constituent un groupe sémantique... Il y a double message, celui des mots, celui
des objets. Le système des objets permet de cerner et d'analyser le système
de significations verbales et inversement. » (pp. 12-13) .
La tâche de l'étude de l'expérience pavillonnaire dans son vécu contemporain
revient à Nicole Haumont; elle a utilisé pour l'analyse des entretiens non
directifs une méthode originale mise au point par Henri Raymond.
L'exposé sur les PavHlonnaires débute par quelques constatations
préliminaires.
Depuis 1945, on construit en France deux fois plus de logements collectifs
qu'individuels. On a pu noter le phénomène appelé « le mal des grands
ensembles ». Les Français, dans leur majorité, sont partisans de la maison individuelle,
même s'ils logent dans des maisons collectives et s'ils en sont satisfaits. D'où
le problème : à quelles motivations obéit la préférence pour la maison
individuelle ? En effet, si elle résulte du choix d'un mode de vie, partagé par la
majorité des Français, on peut se demander si l'habitat collectif les satisfera jamais.
Pour essayer de trancher, il était nécessaire de savoir : a) s'iï existe un
système symbolique du pavillon, tel que le mode d'habiter pavillonnaire et les
comportements qui lui sont associés ont des significations reliant l'habitat à un
mode de vie idéal, présentent des caractères suffisamment complets pour être
décrits comme une idéologie; b) si, le cas échéant, l'absence d'un tel système
constitue une gêne pour l'habitant du logement collectif.
L'échantillon constitué aux fins de l'étude est représentatif des différents
types de Paviïlonnaires. Il comporte également une population de contrôle
constituée par des habitants d'immeubles collectifs vivant en H.L.M. ou dans des
immeubles en copropriété.
La méthode, on Га vu, a été l'interview non directive; on a réuni trois cents
entretiens dont l'analyse devait permettre de déterminer les « rapports
concrets » entre les éléments du pavillon et les significations que leur donnent les
habitants. Le « discours » des pavillonnaires a été découpé en éléments
signifiants dont la signification est indiquée.
Quoique le matériel rapporté ne se prête pas à une analyse statistique, divers
tableaux, reproduits en annexe, font apparaître le nombre des personnes et leur
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pourcentage dans chaque catégorie d'interviewés, ou dans leur ensemble, qui


ont mentionné tel ou tel autre signifiant; voire le pourcentage du temps consacré
à certains signifiants dans la durée totale de l'interview.
Finalement, le classement des signifiants a permis de distinguer trois niveaux
dans le phénomène pavillonnaire : celui de l'appropriation de l'espace où les
tendances sont peu socialisées; celui de la socialisation; celui de l'idéologie.
L'auteur ne prétend par faire la théorie de ces trois niveaux. П atteste seulement
les avoir décelés.
Le pavillon signifie d'abord une certaine possibilité d'appropriation de l'espace.
La clôture en est le premier signe visible. La clôture délimite l'espace du paviï-
lon; le sépare de l'espace environnant. Sa fonction n'est pas tellement de garantir
l'intégrité de la propriété privée, nous assure Mme Haumont, mais de marquer
l'espace du pavillon (pp. 23, 159, 184, 194). La clôture préserve l'intimité. Elle
présente des variétés multiples. Elle sépare, marque, cadre « tout en laissant
la possibilité de voir et de nouer des relations, si on le désire ». La plus grande
souplesse de l'espace pavillonnaire a déjà été soulignée par H. Lefebvre
(préface, p. 15). Sont indiqués comme avantages du pavillon la possibilité de
disposer d'un coin pour soi (p. 30), d'un vrai chez soi (p. 33), d'espaces de
rangement et de réserve (caves, sous-sols, etc.), de lieux de bricolage (p. 46), d'un
jardin, bref d'espaces de renvoi à l'intérieur, d'espaces de séparation avec
l'extérieur. Mme Haumont analyse finement les significations et les fonctions
attribuées au jardin. Fonction morale : il protège notamment les enfants de la rue
(p. 72) ; fonction hygiénique et économique (p. 74) : il offre des produits naturels
et à bon compte; fonction statutaire (p. 75) : permet de préciser les rôles
féminins et masculins. On retrouve ici de nombreuses concordances avec les
constatations faites par M.-G. Raymond (pp. 166 et suivantes) quant aux nombreuses
vertus reconnues au jardin qui protège la famille, aide à l'organisation des
loisirs, éloigne l'homme du cabaret, etc.
П n'est pas possible de passer en revue tous les thèmes évoqués dans ce
travail. Nous en retiendrons encore seulement deux : le bruit et le voisin. Souvent
le bruit renvoie au voisin et réciproquement. Le bruit est un véritable
cauchemar pour certains habitants de H.L.M. И limite ou rend impossible l'intimité
conjugale; limite les relations de voisinage. «La mauvaise insonorisation
développe une grande agressivité à l'égard des voisins, voleurs d'intimité et de
chez soi. Le bruit est le plus souvent imputé au voisin, être malfaisant qui,
en réalité, ne commet que la faute de vivre et d'exister.» (p. 125).
On arrive alors au tableau suivant : bruits normaux - voisins bien élevés;
bruits anormaux - voisins grossiers.
Le voisin est le thème le plus souvent mentionné (81 % des interviewés) ,
quel que soit le mode de logement. Nicole Haumont y consacre une analyse très
fouillée qui éclaire l'éthique des relations de voisinage et les tactiques imposées
par les rapports entre voisins (pp. 134-135). H y a une diplomatie du voisinage
qui consiste en une prudence généralisée et se manifeste par des efforts faits en
vue de ne pas dépasser la bonne limite.
On devine les graves conflits et tensions — dont les conséquences s'inscrivent
dans les statistiques de police — auxquels peuvent conduire les agencements
matériels qui mettent obstacle à ce qu'une telle diplomatie puisse s'instaurer.

Les analyses et études rétrospectives de M.-G. Raymond mettent en évidence


en quoi les thèmes révélés par l'exploration psycho-sociologique de l'âme

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Bibliographie

pavillonnaire sont aussi les produits de l'histoire du développement économique


et social.
Le fait primordial est ici le développement d'une idéologie et d'une politique
pavillonnaires en tant que conséquence directe ou médiate du processus
d'urbanisation et d'industrialisation qui s'accomplit dans le cours du xix* siècle.
Concentration d'ouvriers en grand nombre dans les villes, mauvaises conditions
d'habitat, ségrégation verticale et horizontale du prolétariat et des classes aisées;
insalubrité de l'habitat ouvrier dénoncée par les hygiénistes; dégradation de la
condition morale et familiale de la classe ouvrière, déplorée par les moralistes,
dangerosité sociale des classes laborieuses, travaillées par des courants
socialistes et révolutionnaires — conduisirent à ce que l'on cherchât à réaliser la
réforme sociale par celle de l'habitat.
«L'analyse des observateurs sociaux — note M.-G. Raymond — localise
les points chauds de l'immoralité ouvrière; ce sont les espaces communs de
l'habitation collective et ce sont les lieux où l'ouvrier passe son temps libre.
Comme l'habitation est insalubre, il s'agit de la rue, du café. » (pp. 125-126) .
Le remède, dans la ligne de la pensée de Le Play, et des chrétiens de progrès
de toute nuance qui tour à tour se séparent sur des points de doctrine, puis
se rejoignent sur des objectifs sociaux : c'est le pavillon, c'est-à-dire la maison
individuelle ou unifamiliale, avec son jardin.
Si dans la conception de Le Play le jardin joue tout autant un rôle économique
que social et moral, les réformateurs à la fin du xix" siècle (Jules Siegfried,
Cheysson, l'équipe du Musée social) s'attachent beaucoup aux fonctions
culturelles et morales du jardin, indépendamment même de son utilité économique.
Le jardin est perçu comme cadre d'activités de loisirs, donc distinct de celui
qui est offert par la vie professionnelle. M.-G. Raymond cite Georges Picot, Henri
Baudrillat et Jules Siegfried qui, en termes à peu près identiques, célèbrent les
vertus du jardin en tant que lieu de récréation et de loisir (p. 162). Pour que
la maison et le jardin jouent pleinement leur rôle de préservation sociale et de
perfectionnement moral, il est nécessaire que l'ouvrier puisse accéder à la
propriété et la transmettre à ses héritiers. On retrouve dans cette exigence les
fondements d'un certain nombre de mesures législatives : accession à la
propriété par la location- vente; dérogation au Code civil en matière de dévolution
après décès. Des lois de 1894 et 1906 contiennent des dispositions pour que les
biens acquis demeurent dans la famille (p. 156).
On manquerait, non pas aux exigences de l'exhaustivité que nous ne saurions
respecter, mais à une sorte de devoir d'équilibre dans ces rappels fragmentaires
de la substance d'un très riche ouvrage, si l'on ne notait pas les nombreux
passages consacrés à la contestation suscitée, chez les socialistes
révolutionnaires notamment, par toutes ces mesures à leurs yeux pas plus aptes à résoudre
le problème ouvrier que celui du logement (pp. 64 et suivantes, critiques
d'Engels).
En définitive, l'enquête macro-sociologique de M.-G. Raymond, avec ses
analyses du contenu de documents législatifs, syndicaux, politiques, moraux et
philosophiques, aboutit à des conclusions très proches de celles qu'apporte, sur
de nombreux points capitaux, l'analyse psycho-sociologique de Nicole Haumont.
On en déduira que la mentalité pavillonnaire doit beaucoup à l'idéologie voire à la
mythologie paviïlonnaires, elles-mêmes assez largement tributaires de l'idée,
lentement mûrie dans la pensée de certains réformateurs et publicistes du
xix" siècle, que pour déprolétariser les classes laborieuses, pour rendre
inoffensives les classes dangereuses il faut leur donner le goût de la liberté et du
travail en les faisant accéder à la propriété et, pour commencer, à celle de
l'habitat. Les racines d'une telle idée remontent à 1789. Les hasards de l'histoire,

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ou plutôt ses nécessités, ont fait que dans le développement et la propagation


de l'idéologie pavillonnaire — comme le montre si bien M.-G. Raymond —, des
républicains et des contre-révolutionnaires aient pu se rencontrer, souvent par
esprit de charité et de bienfaisance^

Signalons, pour terminer, les nombreuses statistiques relatives au


développement et à l'extension progressive de l'habitat individuel réunies dans cet
ouvrage, ainsi que la riche bibliographie qui les complète.

André DAvrDOvrrcH.

Wallis, Aleksander. Socjologia wielkiego miasta [Sociologie de la grande ville],


Warszawa, Pánstwowe Wydawnictwo Naukowe, 1967, 184 p. (Omega).
Le livre du professeur Wallis constitue une présentation de la sociologie
urbaine, particulièrement dans ses aspects psychosociologiques. L'auteur nous
prévient dès l'abord de la difficulté qu'il y a à donner une définition
satisfaisante de la ville. C'est pourquoi la suite de l'exposé, renonçant aux
systématisations, se présente comme une série d'esquisses « accrochant » tel ou tel
trait du phénomène urbain. Le style alerte de l'auteur, le mélange savant de
notations familières et inattendues, le recours constant aux détails de la vie
quotidienne (hauteur des édifices, rôle des enseignes, des dénominations...)
rendent l'ouvrage agréable à lire et accessible à un large public, tout en faisant
toucher du doigt la gravité des problèmes techniques, économiques et sociaux
qu'a fait naître la croissance des grandes métropoles. Après avoir présenté
un bref tableau des conceptions de la ville idéale au cours des âges, l'auteur
s'arrête à la notion de stratification par le prestige, qui est pour lui un facteur
important de la formation de la physionomie des villes. Il consacre deux
chapitres à la complexité des relations interhumaines dans l'ensemble urbain,
au rôle des lieux publics, en particulier des cafés. Deux autres sont consacrés
aux noms propres et aux symboles. Après avoir noté la dépersonnalisation
moderne de la rue, surtout dans les cités nouvelles, il expose le problème des
zones écologiques. Cet examen lui permet de développer, dans les trois derniers
chapitres, d'un contenu plus général, l'idée que les grandes métropoles ont
atteint un point critique, au-delà duquel il leur faudra se redécomposer en
éléments plus restreints « fédérés » entre eux. Le développement urbain, de
l'avis de l'auteur, comportera toujours une part de spontanéité, et une
accélération de son rythme, qui rendent impossible une planification totale. Il est
alors souhaitable de subdiviser les grandes agglomérations urbaines en unités
plus limitées, dont la gestion serait plus accessible à la participation des citoyens.

Maurice Decaillot.

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