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© Dunod, 2021

11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff


ISBN 978-2-10-082557-8
Comme un témoignage de sa reconnaissance,
l’auteur dédie son ouvrage à Claude Flament,
son maître à penser qui fut son directeur de thèse
et qui est à l’origine de nombreux apports théoriques et méthodologiques
développés au sein de l’école Aixoise des représentations sociales.
Table des matières
Préface (Dario Páez)

CHAPITRE 1 – Origines historiques et naissance du concept de représentation sociale


1. Origines historiques
2. Naissance de la théorie des représentations sociales

CHAPITRE 2 – Ce qu’est une représentation sociale, à quoi elle sert, comment elle naît
1. Éléments et contours de définition
2. Quand il est question de pensée naturelle, de pensée sociale
3. Les dimensions, caractéristiques et fonctions d’une représentation sociale
4. Les conditions d’apparition d’une représentation sociale

CHAPITRE 3 – Différents modèles théoriques


1. Le modèle sociogénétique
2. La théorie du noyau central des représentations sociales : les recherches complémentaires de Jean-
Claude Abric et Claude Flament
3. Le modèle sociodynamique
4. Le modèle dialogique
5. Réflexion et éléments de discussion

CHAPITRE 4 – Objets et groupes, quelques illustrations


1. Les nouvelles technologies
2. L’argent
3. Le bien-être chez soi
4. Les droits de l’homme
5. Le Sida
6. Le chômage
7. L’enfant de rue
8. Valeurs, guerre et paix
9. Le travail
10. Le passé
11. Paix, guerre et conflits
12. La personne âgée
13. Le vieillissement
14. Le changement climatique

CHAPITRE 5 – La question des pratiques, comportements, et leur place dans l’évolution


de la représentation sociale
1. La question des pratiques, comportements
2. Les pratiques en amont, en aval des représentations, une causalité circulaire ?
CHAPITRE 6 – Le concept de Themata
1. L’origine du concept de themata dans le champ de la philosophie des sciences : les travaux de
Gérard Holton
2. Les themata et la théorie des représentations sociales

CHAPITRE 7 – La question des normes


1. La question des normes chez Durkheim
2. Normes, anthropologie et sociologie
3. Des travaux pionniers en psychologie sociale
4. Normes et représentations sociales : les travaux aixois
5. La théorie de la conditionnalité
Conclusion : Sur la psychologie du sens commun
Bibliographie
Index des notions
Préface
C’est un plaisir pour moi de préfacer le livre de Sandrine Gaymard sur les
représentations sociales. Il décrit en détail un ensemble d’études,
d’approches théoriques et de méthodologies de recherche sur les
représentations sociales. Le livre rend compte du dynamisme d’un domaine
d’étude qui s’est développé au cours des soixante dernières années,
élaborant différents cadres théoriques, tels que l’approche structurale et
l’approche sociogénétique, et générant des théories à court terme comme la
zone silencieuse – qui se réfère aux phénomènes de projection sociale et
d’ignorance pluraliste de manière innovante. Le livre témoigne également du
développement de techniques analytiques telles que l’analyse factorielle des
correspondances, les techniques cognitives de double négation, de
substitution, la libre association des mots et leur analyse par différentes
techniques de regroupement. Une autre méthodologie qui a permis de
développer, à mon avis, la recherche sur les représentations sociales est
l’analyse lexicale automatisée – qui permet d’induire des ensembles de mots
structurés et de voir comment ceux-ci sont associés à des variables
« passives » – en réalité des variables d’ancrage social et psychologique.
Cette absence peut en partie s’expliquer parce que l’auteur consacre son
livre au grand méthodologue Claude Flament et développe ses idées et
méthodes en priorité. En fait les derniers chapitres se concentrent sur la
présentation claire d’études liées à ses idées telles que l’effet Guttman.
En tant que personne formée dans une université francophone, mais très
orientée vers le courant anglo-saxon comme l’université de Louvain, je me
suis toujours intéressé à l’approche des représentations sociales – qui
apparaissait comme une alternative méta-théorique socioculturelle à la
cognition sociale de l’époque. En fait, c’est le chercheur louvaniste Jean
Pierre Di Giacomo, malheureusement disparu prématurément, qui a été le
premier, à mon avis, à appliquer la libre association des mots dans une étude
sur un mouvement de protestation étudiant. La combinaison des échelles
d’attitude à l’égard du comité de grève et de la probabilité de succès de la
manifestation, avec l’association des mots au comité et aux étudiants (entre
autres stimuli) analysée par une échelle multidimensionnelle, a montré que la
proposition du comité d’alliance étudiants-travailleurs était étrangère aux
représentations étudiantes – ce qui expliquait en partie l’échec du
mouvement. Cette recherche a démontré l’intérêt des représentations pour la
compréhension des dynamiques sociales (Di Giacomo, 19801).
On peut dire la même chose de phénomènes tels que le fait que la majorité
des individus se déclare sans préjugés (devant les Gitans par exemple) tout
en percevant la majorité de la population comme ayant des préjugés. Lorsque
les gens se mettent à la place de la personne moyenne, des réponses
dominantes « politiquement incorrectes » émergent. La majorité perçoit
comme dominante une attitude et une norme qui ne le sont pas en réalité –
d’où la notion d’ignorance pluraliste. Autre ami cher, malheureusement
disparu, Jean-Claude Deschamps2, avec C. Guimelli et d’autres auteurs, a
développé l’hypothèse de la zone muette ou silencieuse. Celle-ci permet de
réinterpréter de manière intelligente les phénomènes d’ignorance pluraliste
et de projection sociale et d’ouvrir des pistes de recherche.
Ce livre permet aussi de se rendre compte de la richesse et de la diversité
des auteurs qui travaillent dans le champ des représentations sociales. Si
l’on prend l’exemple de l’ancrage, pour des auteurs comme Wagner et ses
collaborateurs (19993), c’est la première phase de réponse à un objet
nouveau qui remet en question la vision du monde du groupe. Une fois que
cet objet (une nouvelle technologie, une maladie comme la Covid-19…) a
été assimilé dans le cadre culturel, le « nouveau » a été transformé en
quelque chose de familier, un processus de simplification, de concrétisation
et de création d’un noyau d’images et d’idées de base se poursuit – c’est-à-
dire l’objectivation. Wagner et collaborateurs soutiennent leur modèle en
« phases » dans une étude systématique. Ces concepts sont évidemment liés
aux themata d’assimilation [ancrage] et d’accommodation [objectivation] de
Piaget4. Le premier type se produit lorsque nous modifions ou changeons de
nouvelles informations pour les intégrer dans nos schémas préalables. On
conserve les nouvelles informations ou expériences, qui s’ajoutent à ce qui
existait déjà dans notre esprit. L’accommodation, c’est lorsque nous
restructurons ou modifions ce que nous savions déjà afin que les nouvelles
informations puissent mieux s’intégrer. Sandrine analysera la problématique
des themata de manière approfondie dans le chapitre 6.
Cependant, comme on peut le voir dans le livre, d’autres auteurs ne
partagent pas cette idée d’« histoire naturelle » de la création et du
développement des représentations sociales. Par exemple, l’affirmation
« l’objectivation déplace la science dans le domaine de l’être, l’ancrage la
circonscrit dans le domaine du faire » suggère des processus en parallèle
avec des fonctions complémentaires. Finalement, dans l’approche de Doise
et de ses collaborateurs, l’ancrage se réfère à la façon dont un ensemble de
croyances structurées à partir d’un fondement social, idéologique ou
psychologique – comme les représentations sociales de la Covid-19 en tant
que maladie « chinoise » résultant de la consommation de pangolins5, ou de
la Covid-19 en tant qu’arme biologique des grandes puissances – sont
ancrées dans l’anxiété face à la maladie, dans les croyances autoritaires de
droite (mesurées par l’échelle « Right-Wing Authoritarianism » ; Altmeyer,
19816), et la domination sociale (mesurée par l’échelle Social Dominance
Orientation de Sidanius et Pratto, 19997) – pour une révision des
représentations sociales des maladies infectieuses et son ancrage dans ces
idées, voir Eicher et Bangenter (20158) et, pour le cas de la Covid-19, voir
Páez et Pérez (20209).
L’une de mes définitions préférées des représentations sociales est la
suivante : « programmes de perception, constructions au statut de théorie
naïve, servant de guide à l’action et de grille de lecture de la réalité »
(Jodelet, 201510, p. 38). Cela signifie que ce sont des façons de voir un
aspect du monde qui se traduisent par le jugement et l’action. Une illustration
peut être donnée au travers de la prédominance d’une culture académique
d’aseptisation, d’imposition du « politiquement correct », qui cherche à
éviter les conflits et est incapable d’assimiler des figures historiques
complexes ou contradictoires – ce que Haidt et Lukianoff (201911)
appellent : la culture du « sauver ses fesses par-dessus tout ».
L’Association européenne de psychologie sociale a retiré à un prix le nom
d’Henri Tajfel consécutivement aux accusations diffamatoires12 d’un comité.
Plus récemment, le nom de Moscovici a apparemment été supprimé d’un prix
similaire. Ce désir de prendre ses distances (avec un relent de préjugés
envers les réfugiés orientaux13 qui seraient frustes ou incivils, ce qui est
inconcevable à mes yeux14) montre comment cette culture s’infiltre, se traduit
par le jugement et l’action et comment, dans le style de l’historiographie
stalinienne, elle « nettoie » l’histoire. Avec ce critère, Marx (qui a mis sa
bonne enceinte) ou Freud (qui sortait apparemment avec la sœur de sa
femme) seraient des candidats à ce genre d’éloignement. Le même comité
allait tenir son congrès à Cracovie en Pologne, une zone déclarée libre de
LGBT15 par le gouvernement régional – non par la municipalité elle-même.
Mais évidemment, cela ne remettait pas en question l’identité sociale de
forme saillante, donc c’était négligeable. Très belle (et ironique) illustration
de la dynamique des représentations sociales.
Je remercie Sandrine de m’avoir donné l’occasion de lire ce magnifique
livre et de le faire précéder de quelques petits commentaires. Je suis sûr
qu’il apporte une contribution importante et qu’il aidera au développement
de cette ligne d’études.
Dario Páez
Chapitre 1
Origines historiques
et naissance du concept
de représentation sociale

Sommaire
1. Origines historiques
2. Naissance de la théorie des représentations sociales

1. Origines historiques
1.1 Sociologie et anthropologie
La théorie des représentations sociales repose sur une tradition européenne
et les origines historiques de ce concept permettent de comprendre à la fois
sa richesse et la complexité de son approche. Selon Moscovici
(1961/19761), c’est la position mixte au croisement de concepts
sociologiques et psychologiques qui explique la difficulté à saisir le concept
de représentation sociale. Moscovici prend appui sur diverses sources pour
expliquer ce concept. La plus grande influence fut sans conteste celle de
Durkheim.
On retrouve les racines de ce concept dans la distinction faite par Durkheim
(1858-1917) entre représentations individuelles et représentations
collectives, texte publié en 1898 dans la « Revue de métaphysique et de
morale ». Pour Durkheim, l’étude des religions et des mythes propres à une
communauté et partagés par les membres de cette communauté concerne les
représentations collectives, qui appartiennent au champ d’étude des
sociologues. Elles s’opposent aux représentations individuelles, qui ont pour
essence la conscience de chacun et dont l’étude, selon Durkheim, relève du
champ de compétences des psychologues. Cette opposition entre
représentations collectives et représentations individuelles se fait à l’aide
d’un même critère, « à savoir la stabilité de la transmission et de la
reproduction des unes, la variabilité, dirait-on, le caractère éphémère des
autres » (Moscovici, 19892, p. 65).
Le fait sociologique est essentiel pour Durkheim, qui avait pour dessein
d’ériger la sociologie au statut de science autonome. Dans ce texte de 1898,
il discute des analogies entre les lois sociologiques et les lois
psychologiques. Dans ses premiers écrits, il définit l’individualité comme ce
qui distingue l’individu des autres, « ce qui n’est pas commun avec les
membres du groupe ». Des recherches ont établi que la première utilisation
du terme « représentation » se trouvait dans un ouvrage datant de 1887. Son
utilisation n’est devenue fréquente qu’après 1893, quand Durkheim a établi
que les phénomènes sociaux étaient constitués de représentations et que les
représentations devaient être vues comme des faits sociaux (Nemedi, 19953).
D’ailleurs il est intéressant de relever que Durkheim, dans le premier
chapitre, fait référence au terme « représentations sociales » :
La vie collective, comme la vie mentale de l’individu, est faite de représentations ; il
est donc présumable que représentations individuelles et représentations sociales 4
sont, en quelque manière, comparables. Nous allons, en effet, essayer de montrer
que les unes et les autres soutiennent la même relation avec leur substrat respectif.
Mais ce rapprochement, loin de justifier la conception qui réduit la sociologie à n’être
qu’un corollaire de la psychologie individuelle, mettra, au contraire, en relief
l’indépendance relative de ces deux mondes et de ces deux sciences. (Durkheim,
1898, p. 5-6)
Dans l’œuvre de Durkheim, le concept de « conscience collective », dont
les faits moraux sont un constituant fondamental, traduit l’idée d’un ensemble
de croyances et de sentiments communs à la majorité des membres d’une
société.
Durkheim a présenté sa théorie de la conscience collective dans son livre
de 18935 De la division du travail social. À noter qu’il fait aussi référence
au concept de conscience commune.
L’ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres
d’une même société forme un système déterminé qui a sa vie propre ; on peut
l’appeler la conscience collective ou commune. Sans doute, elle n’a pas pour
substrat un organe unique ; elle est, par définition, diffuse dans toute l’étendue de la
société ; mais elle n’en a pas moins des caractères spécifiques qui en font une réalité
distincte. En effet, elle est indépendante des conditions particulières où les individus
se trouvent placés ; ils passent, et elle reste. Elle est la même au Nord et au Midi,
dans les grandes villes et dans les petites, dans les différentes professions. De
même, elle ne change pas à chaque génération, mais elle relie au contraire les unes
aux autres les générations successives. Elle est donc tout autre chose que les
consciences particulières, quoiqu’elle ne soit réalisée que chez les individus.
(Durkheim, 1893/19986, p. 46)
Selon Nemedi (1995), le développement du terme « représentation
collective » a permis à Durkheim de donner une image mieux organisée qu’il
ne pouvait le faire avec le concept unidimensionnel de « conscience
collective ». Il a ainsi évité le dualisme entre les faits matériels et la
conscience pour établir une relation causale entre les deux (Nemedi, 1995).
Les faits, qui sont considérés comme des choses matérielles dans d’autres
théories, sont faits de représentations selon Durkheim. L’explication de la
théorie des représentations collectives était liée aux efforts répétés de
Durkheim de donner à la sociologie sa vraie place. Durkheim a supposé que
les représentations collectives étaient indépendantes de la totalité des esprits
individuels de la même façon que l’esprit est indépendant du cerveau. Si la
psychologie est considérée comme indépendante de la physiologie, la
sociologie doit être indépendante de la psychologie (Nemedi, 1995).
Durkheim allait développer une sociologie holiste en considérant les
représentations collectives comme un tout structuré et homogène (Ledent,
20117).
L’indépendance, l’extériorité relative des faits sociaux par rapport aux individus, est
même plus immédiatement apparente que celle des faits mentaux par rapport aux
cellules cérébrales ; car les premiers ou, du moins, les plus importants d’entre eux
portent, d’une manière visible, la marque de leur origine. En effet, si l’on peut
contester peut-être que tous les phénomènes sociaux, sans exception, s’imposent à
l’individu du dehors, le doute ne paraît pas possible pour ce qui concerne les
croyances et les pratiques religieuses, les règles de la morale, les innombrables
préceptes du droit, c’est-à-dire pour les manifestations les plus caractéristiques de la
vie collective. (Durkheim, 1898, p. 22)8
Bien qu’ayant tout d’abord critiqué le concept de conscience collective,
Mauss et Fauconnet ont repris celui de représentation collective, qu’ils ont
plus spécifiquement relié à l’opinion.
Tout se passe dans la sphère de l’opinion publique ; mais celle-ci est proprement ce
que nous appelons le système des représentations collectives. Les faits sociaux sont
donc des causes parce qu’ils sont des représentations ou agissent sur des
représentations. Le fond intime de la vie sociale est un ensemble de représentations.
(Mauss et Fauconnet, 1901, cités par Abric, 19769, p. 133)
Moscovici prend également appui sur les travaux anthropologiques de
Lévy-Bruhl qui s’intéresse au système de croyances des sociétés primitives.
Lévy-Bruhl (1857-1939), un des fondateurs de l’anthropologie française,
fondateur avec Marcel Mauss et Paul Rivet de l’Institut d’ethnologie,
appartenait à une génération de Français intellectuels dans la première
décennie du XXe siècle, dont Emile Durkheim et Henri Bergson faisaient
partie. Il a cherché à appliquer des principes philosophiques aux nouvelles
sciences de l’esprit humain et de la société. Deux types de travaux ont fait la
réputation de Lévy-Bruhl : Les fonctions mentales dans les sociétés
inférieures (1910/1951) et La mentalité primitive (1922/1976).
Lévy-Bruhl a voulu signifier que l’on ne pouvait pas expliquer les
phénomènes sociaux en s’appuyant sur les lois de la pensée individuelle
(195110). Il a défendu l’importance de mettre de côté ses propres croyances
ou sentiments pour se rapprocher de celles de ces sociétés. La vie mentale
des primitifs ne doit pas être étudiée comme une forme rudimentaire de celle
des civilisés.
Dans ses travaux, Lévy-Bruhl différencie l’esprit du civilisé et celui du
primitif, qui serait dominé par le pouvoir des forces occultes et par le mythe.
Il pense que les idées de groupe ou « représentations collectives » parmi les
peuples primitifs diffèrent de celles de la civilisation moderne en étant
essentiellement mystiques. Pour Lévy-Bruhl, la pensée primitive est formée
par des représentations collectives :
Cette disposition d’esprit n’est pas propre aux seules tribus australiennes. Elle se
retrouve dans les sociétés inférieures les plus éloignées les unes des autres, et avec
une grande uniformité. Ce qui varie dans les représentations collectives, ce sont les
forces occultes à qui l’on attribue la maladie ou la mort… (Lévy-Bruhl, p. 4811)
Chaque société a une mentalité qui lui est propre. Lévy-Bruhl va distinguer
la mentalité prélogique des sociétés primitives et la mentalité logico-
scientifique des peuples civilisés. Les mentalités prélogiques peuvent
s’apparenter au sens commun. Elles ne doivent pas être associées à un défaut
d’intelligence, elles répondent à une loi qui n’est pas fondée sur la logique,
comme l’explique Moscovici :
Elles sont prélogiques simplement parce que la liaison qui les unit s’écarte de la loi
majeure de la logique : ne pas se contredire. Mais cela ne signifie pas que le lien
entre ces représentations se fasse au hasard des associations. Elles obéissent à
une loi que Lévy-Bruhl nomme la loi de participation mystique. (Moscovici, 199412,
p. 215-216)
Selon Thomas13, les apports de Lévy-Bruhl constituent « une véritable
révolution copernicienne » dans le sens où Lévy-Bruhl propose de découvrir
la mentalité des primitifs « par l’analyse de leurs représentations collectives
et des liaisons entre ces représentations » (Thomas, 1976, p. 15). Les
croyances et les raisonnements des primitifs ont une signification quand on
considère ces idées non pas comme des faits isolés mais comme des parties
d’un ensemble (Evans-Pritchard, 1945, cité par Moscovici, 1994). On trouve
également dans les travaux de Lévy-Bruhl l’importance de la nature
émotionnelle des représentations collectives ; il évoque des représentations
qui ne seraient pas pensées mais « senties et vécues ».
À préciser que l’étendue des références de Moscovici concerne également
les travaux de Piaget, qui explore un autre type de pensée primitive, celle qui
concerne la compréhension et la représentation du monde par l’enfant
(Moscovici, 198814).

1.2 La structuration des cognitions


Du point de vue historique, d’autres apports sont perceptibles dans la
psychologie nord-américaine qui a œuvré dans la mise en évidence de la
structuration des cognitions. Certains de ses représentants sont issus de la
psychologie gestaltiste. Les psychologues ont souligné la manière très active
dont les gens traitaient l’information et organisaient les éléments de
perception en un tout cohérent ; un des principes clés étant que le tout est
différent de la somme de ses parties.
Nous allons présenter certaines de ces recherches en suivant la chronologie
des travaux.
Certains de ces chercheurs étaient originaires d’Europe avant de s’installer
aux États-Unis. C’est le cas de Fritz Heider (1896-1988), qui a joué un rôle
déterminant dans la compréhension de l’organisation cognitive et
perceptuelle. D’origine autrichienne, il est venu aux États-Unis en 1930.
À trop considérer les choses, on en oublie ce qui nous les fait percevoir. (Heider,
Chose et Médium, 192615)
Dès 1926, les recherches de Heider16 sur la perception l’ont amené à
utiliser le terme de « noyau » (voir l’extrait ci-dessous). Il semble
nécessaire, à ce stade, de présenter des éléments du débat de l’époque,
rapportés par Alloa, qui a introduit et traduit la version de 2017.
Von Helmholtz (1821-1894), physicien et mathématicien à l’origine de la
théorie causale-représentationnelle, considérait qu’il n’y avait pas de
perception des choses mais des sensations ; quand on considère qu’il y a des
objets à l’origine de ce que l’on croit percevoir, c’est la résultante d’un acte
inférentiel : « à partir de nos sensations, nous attribuons sa cause à un objet
externe… nous ne percevons pas directement un objet sensible, mais notre
perception s’appuie sur le truchement indirect de la sensation » (Alloa,
p. 14). Cette théorie a été critiquée en particulier par Meinong (1853-1920),
philosophe et fondateur du premier laboratoire autrichien de psychologie,
créateur de la théorie de l’objet élaborée à partir de 1904. Celle-ci,
construite à partir de la théorie de l’intentionnalité de Brentano (1838-1917),
considère la primauté des objets réels dans le processus de perception.
N’est-ce pas une confusion des genres que de vouloir identifier dans l’objet perçu la
cause de la perception ? Car après tout, on pourrait remonter indéfiniment la chaîne
causale : nous ne percevons le clocher que parce qu’il est illuminé par le soleil, et ne
serait-ce pas plus cohérent alors de soutenir que c’est le soleil qui est à l’origine de
notre perception ? (Alloa, 2017, p. 14)
Comme l’explique Alloa (ibid.), deux réponses théoriques peuvent être
apportées. Tout d’abord celle du sensualisme selon laquelle il y a dans le
monde des « données des sens » (sense-data) et non des choses. La seconde
réponse concerne le conceptualisme : « Les choses n’existent qu’en vertu
d’actes mentaux ou de schèmes conceptuels que l’on projette sur le monde…
On voit bien les limites de cette approche : pourquoi affirmer encore que
nous percevons le clocher, alors que de fait, nous ne faisons que le
penser… » (Alloa, p. 15).
Selon Heider, la perception nous permet d’accéder aux choses elles-mêmes
et pas uniquement à leurs représentations internes. Dans les perceptions
distales, les causes et les objets ne sont pas similaires. Finalement les
travaux menés par Heider, dernier doctorant de Meinong, permettront de
restaurer le médium perceptif.
Alloa précise que la version américaine (Thing and Medium) parue en
1959 « situe d’emblée la problématique du médium dans le contexte de la
common-sense-psychology » (p. 22).
Le monde a-t-il une structure déterminante pour la connaissance ? C’était là la
question dont nous étions partis. Pour y répondre nous avons analysé en premier lieu
la perception à distance et nous avons constaté qu’il y a d’une part la transmission et
de l’autre, ce qui est transmis. Il y a des noyaux17, des unités dont le caractère
statique ou dynamique est déterminé du dedans : ce sont les foyers de l’action, ses
points nodaux. (Heider, 2017, p. 92-93)
En 1944 et 1946, Heider a publié deux études très importantes qui ont
étendu les principes de la Gestalt dans les domaines de la perception de la
personne, l’organisation des attitudes et les relations interpersonnelles ; il
s’agit des publications suivantes : « Social Perception and Phenomenal
causality18 » et « Attitudes and cognitive organization19 ».
Selon Jones (198520) ce second article dans lequel Heider développe sa
théorie de l’équilibre a eu un impact immédiat. Le postulat de base est fondé
sur le principe homéostatique. Afin que l’individu soit en mesure de
développer une vue cohérente de son environnement social, il existe selon
Heider un processus de base permettant l’attribution d’une valence positive
(bon-agréable) ou négative (mauvais-désagréable).

Les deux types de relations selon Heider


Heider va distinguer deux types de relations, les relations affectives (Like) et les relations
d’union (Unit). Soit deux individus, le sujet (P), une autre personne (O) et un objet physique,
une idée ou un événement (X). Heider s’intéresse à la manière dont les relations sont
organisées dans l’esprit de l’individu (P). Dans le paradigme de Heider : « Dans le cas de
trois entités, un état équilibré existe si les trois relations sont positives à tous égards, ou si
deux sont négatives et une positive » (1946, p. 110, notre traduction). Toutes les autres
combinaisons sont déséquilibrées.

Un état non équilibré, supposé instable, produit des tensions


psychologiques au sein d’un individu. Cette tension « ne s’atténue que
lorsque le changement de situation se produit de manière à créer un état
d’équilibre » (Heider, 195821, p. 180, notre traduction). Les états équilibrés,
étant des états stables, résistent au changement.
Les travaux de Heider en 1946 vont être suivis d’autres théories apparues
dans les années 1950-1960 dans le domaine de « la consistance cognitive ».
Comme Heider, Solomon Asch (1907-1996) est né en Europe (Varsovie),
mais il est parti à New York quand il avait 30 ans. Psychologue social
d’orientation gestaltiste, il applique initialement ses concepts sur la
perception visuelle avec Witkin (1916-1979) puis sur la formation
d’impressions. Ses travaux s’inscrivent dans le champ de la perception
interpersonnelle. Il va mettre l’accent sur le fait que nous percevons une
personne dans sa totalité.
En 1946, pour décrire le processus de formation d’impression, Asch
mentionne tout d’abord que chaque trait produit son impression particulière.
Et à la somme des traits, un autre facteur vient en complément, celui de
l’impression générale. On ne voit pas une personne constituée par des traits
indépendants « mais on essaie d’aller à la racine de la personnalité »
(p. 259, notre traduction). Dans ses travaux, Asch mentionne l’existence de
caractéristiques centrales et périphériques en expliquant la détermination de
certaines cognitions quand nous nous forgeons une impression sur autrui.
L’observation suggère que toutes les qualités n’ont pas le même poids pour établir la
façon de voir une personne. Certaines sont perçues comme étant à la base, d’autres
secondaires. (Asch, 194622, p. 262, notre traduction)
Asch présente dans cet article une série de dix expériences et nous ferons référence ici aux
expériences I, III, IV et VI. Dans la première expérience, il présente à plusieurs groupes de
sujets des listes de traits en leur disant qu’ils caractérisent une personne. Les groupes A et B
avaient une liste quasiment identique, la seule différence résidait dans la substitution au
centre de la liste de l’adjectif « froid » à la place de l’adjectif « chaleureux » (tableau 1.1).
Tableau 1.1 – Expérience I (Asch, 1946)
Groupe A Intelligent Adroit Travailleur Chaleureux Déterminé Pratique Prudent
Groupe B Intelligent Adroit Travailleur Froid Déterminé Pratique Prudent
Les sujets devaient donner leurs impressions sur cette hypothétique personne (sous forme de
« saynète ») et choisir d’autres termes susceptibles de lui convenir. Asch a constaté que la
perception était très différente, ce qui l’a amené à considérer les termes « chaleureux » et
« froid » comme extrêmement importants, « centraux » pour juger une personne. Les traits
n’ont donc pas tous le même poids, certaines caractéristiques sont centrales et d’autres
périphériques.
Les impressions de la liste A étaient beaucoup plus positives que celles de la liste B comme on
peut le voir dans les descriptions ci-dessous. Cette tendance est confirmée dans les
associations de traits.
Tableau 1.2 – Description des séries A et B dans l’expérience I
Séries A (« chaleureux »)
« Une personne qui croit dans la justesse de certaines choses, qui veut que les autres considèrent son
point de vue, qui serait sincère dans une discussion et qui voudrait voir son point de vue l’emporter.
Un scientifique effectuant des expériences et persévérant après de nombreux revers. Il est motivé
par le désir d’accomplir quelque chose qui serait bénéfique » (notre traduction, p. 263).
Séries B (« froid »)
« Une personne pleine d’ambition et de talent qui ne permettrait à rien ni personne d’entraver la
réalisation de son objectif. Elle veut faire à sa façon, elle est déterminée à ne pas céder quoi qu’il
arrive.
Une personne plutôt snob qui sent que son succès et son intelligence la distinguent de l’individu
ordinaire. Calculateur et antipathique » (notre traduction, p. 263).

La troisième expérience est sur le même format avec le remplacement de la


paire « chaleureux-froid » par la paire « poli-direct » et les résultats
confirment largement les hypothèses de Asch. La paire de caractéristiques
« chaleureux-froid » est centrale et influence beaucoup plus l’impression
finale que la paire « poli-direct » qui, elle, apparaît périphérique
(tableau 1.3).
Tableau 1.3 – Pourcentages des traits choisis sur la « check-list »
dans les expériences d’Asch (traduit et adapté, p. 263)
Expérience I Expérience III
Chaleureux Froid Poli Direct
N = 90 N = 76 N = 20 N = 26
1. Généreux 91 8 56 58
2. Sage 65 25 30 50
3. Heureux 90 34 75 65
4. De bonne composition 94 17 87 56
5. Sens de l’humour 77 13 71 48
6. Sociable 91 38 83 68
7. Populaire 84 28 94 56
8. Fiable 94 99 95 100
9. Influent 88 99 94 96
10. Humain 86 31 59 77
11. Beau 77 69 93 79
12. Persistant 100 97 100 100
13. Sérieux 100 99 100 100
14. Contrôlé 77 89 82 77
15. Altruiste 69 18 29 46
16. Imaginatif 51 19 33 31
17. Fort 98 95 100 100
18. Honnête 98 94 87 100

Certains traits sont considérés comme organisateurs dans la mesure où ils


induisent d’autres traits auxquels on les rattache positivement ou
négativement. Selon Asch il existe des traits stimuli et des traits insérés. Les
premiers déterminent une impression globale.
Les inférences de traits supplémentaires sont très différentes dans les deux cas puisque 91 %
des sujets considèrent la personne chaleureuse comme étant également généreuse alors que
8 % seulement perçoivent l’individu froid comme généreux. Pour prendre un autre exemple,
69 % des sujets considèrent la personne chaleureuse comme étant également altruiste alors
que 18 % perçoivent l’individu froid comme altruiste. Encore une fois, la perception de
l’ensemble est importante et le tout est différent de la somme des parties.
La quatrième expérience s’est attachée à montrer la transformation d’une qualité centrale en
une qualité périphérique. Asch s’est demandé si certaines qualités étaient constamment
centrales ou si cela dépendait d’autres caractéristiques. Pour ce faire il a sélectionné le trait
« chaleureux » pour étudier son effet dans deux séries (tableau 1.4).
Tableau 1.4 – Asch (1946) (expérience IV)
Groupe A Obéissant Faible Superficiel Chaleureux Peu ambitieux Vaniteux
Groupe B Vaniteux Astucieux Peu scrupuleux Chaleureux Superficiel Envieux

Comme pour l’expérience 1, les sujets devaient donner leurs impressions sur cette
hypothétique personne et les commentaires des sujets sont particulièrement éclairants. Dans
le contexte A, le trait chaleureux est vu « comme totalement dépendant, dominé par d’autres
beaucoup plus décisifs » alors que dans le contexte B « la chaleur de la personne est
ressentie comme un manque de sincérité » (p. 267, notre traduction ; tableau 1.5).
Tableau 1.5 – Description des séries A et B dans l’expérience IV

Séries A
« Je pense que la chaleur de cette personne est une chaleur qui émane d’un adepte à l’encontre
d’un leader.
Le terme “chaleureux” est davantage synonyme de l’affection d’un chien fidèle que d’une vive
amitié. Il est passif et sans force.
Sa soumission peut amener les gens à penser qu’il est gentil et chaleureux » (notre traduction).
Séries B
« J’ai supposé que la personne avait l’air chaleureuse plutôt qu’elle ne l’était réellement.
Elle était chaleureuse seulement dans la perspective d’amener les autres de son côté. Sa chaleur
n’est pas sincère » (notre traduction, p. 267).

Enfin dans l’expérience VI, il s’agissait de montrer que les impressions des gens étaient
affectées par l’ordre dans lequel ils recevaient les informations. Chaque série comprend les
mêmes traits mais dans un ordre différent. Ainsi, la série proposée au groupe A débute avec
des traits positifs et se termine avec des traits qui ne le sont pas et la série proposée au
groupe B est sur le mode inverse (tableau 1.6).
Tableau 1.6 – Expérience VI (Asch, 1946)
Groupe A Intelligent Travailleur Impulsif Critique Entêté Envieux
Groupe B Envieux Entêté Critique Impulsif Travailleur Intelligent

On constate que la série proposée au groupe A recueille une impression plus positive. Les
traits initiaux forment la base pour une impression initiale, et les informations ultérieures sont
faites pour s’adapter à cette première impression (tableau 1.7).
Tableau 1.7 – Description des séries A et B dans l’expérience VI

Séries A
« Une personne qui sait ce qu’elle veut et qui le recherche. Elle est impatiente envers les gens
moins doués et ambitieuse avec ceux qui se dressent sur son chemin.
C’est une personne énergique, qui a ses propres convictions et qui a généralement raison sur les
choses. Elle est égocentrique et veut l’emporter sur les autres.
Cette personne est intelligente et heureusement met son intelligence en œuvre. Le fait qu’elle soit
têtue et impulsive peut être dû au fait qu’elle sait ce qu’elle dit et ce qu’elle veut dire et ne cédera
donc pas facilement aux idées de quelqu’un avec qui elle n’est pas d’accord » (notre traduction,
p. 271).
Séries B
« Les bonnes qualités de cette personne, intelligence et travailleuse, sont certainement limitées par
la jalousie et l’entêtement. La personne est émotive. Elle échoue parce qu’elle est faible et permet à
ses mauvais aspects de couvrir les bons.
Cet individu est probablement inadapté parce qu’il est envieux et impulsif » (notre traduction,
p. 271).

D’autres travaux ont été déterminants dans la compréhension de la


structuration des cognitions. Les travaux sur la congruence d’Osgood et
Tannenbaum (195523) avaient apporté une première démonstration de la
consistance cognitive qui se réfère à plusieurs théories.
On peut dire de ces théories qu’elles s’intéressent à la connaissance que les
individus ont de leurs savoirs ou croyances appelées « cognitions »
concernant eux-mêmes ou les autres. Ces théories impliquent aussi une
organisation particulière, appelée « consistance ». Si cette dernière est
ébranlée, s’ensuivront des modifications pour retrouver un état
harmonieux que les psychologues sociaux appellent rétablissement de la
congruence ou réduction de la dissonance (Beauvois et Deschamps, 199024).
La théorie de Festinger sur la dissonance cognitive (1957) est devenue une
théorie majeure dans le champ de la psychologie sociale. La dissonance
cognitive est un état de tension ou d’inconfort qui se produit chaque fois que
l’on possède deux cognitions incompatibles l’une avec l’autre (Festinger,
195725).26
L’implication psychologique (Beauvois et Joule, 19813 , p. 50)
Les relations entre cognitions sont étudiées au travers de « l’implication psychologique »,
illustrée par un lien qui va relier deux cognitions [A→B].
Ainsi, la cognition « je me sens en parfaite harmonie avec Suzette » devrait être suivie de la
cognition « c’est Suzette que j’emmène au cinéma » (plutôt que Roselyne) ; de même la
cognition « je déteste la purée de pois » devrait être suivie de la cognition « Je ne mange
pas de purée de pois » (plutôt que de la cognition « je mange de la purée de pois »).

L’implication psychologique va mettre au jour trois types de relations entre


deux cognitions : des relations de neutralité (il n’y a pas d’implication entre
la première et la seconde) ; des relations de consonance dans lesquelles A
implique B et des relations de dissonance où la seconde cognition est
opposée à ce que l’on devrait avoir (par exemple je n’aime pas les salsifis et
je mange des salsifis).
Selon la théorie de la dissonance, l’estime de soi est menacée par
l’incohérence. Il est inconfortable de garder des convictions logiquement ou
« psychologiquement » incohérentes, c’est-à-dire dissonantes. Les gens sont
donc motivés pour engager un travail psychologique de réduction de la
dissonance. Il y a différents moyens de résoudre la dissonance, en
augmentant les cognitions consonantes, en diminuant les cognitions
dissonantes, mais un des moyens les plus répandus concerne le changement
des attitudes.
Après la théorie de la dissonance cognitive, d’autres théories sont
apparues avec le même postulat d’un univers cognitif harmonieux : celles
concernant l’équilibre (Heider, 195827 ; Abelson et Rosenberg, 1958) ou par
exemple la théorie de McGuire (1960) sur la consistance syllogistique.
Ainsi, comme nous venons de le voir, les premiers travaux de Durkheim sur
les représentations collectives (1898), puis ceux de Heider, Asch et
Festinger notamment, ont préparé la future conception des représentations
sociales définies comme des systèmes ayant une logique et un langage
particuliers (Moscovici, 1961/1976).

2. Naissance de la théorie des


représentations sociales
« La psychanalyse, son image et son public » est la première analyse
théorique du concept de représentations sociales. Moscovici a soutenu sa
thèse à la Sorbonne avant de publier son ouvrage en 1961, qui est donc
l’année de référence de la naissance de cette théorie28.
De nombreux aspects dans cet ouvrage de 500 pages méritent d’être
abordés mais nous reviendrons principalement dans ce chapitre sur les deux
mécanismes mis au jour par l’auteur : l’objectivation et l’ancrage, et nous
aborderons plus spécifiquement l’étude de la presse. Pour Doise (1990),
c’est dans cette seconde partie que se trouve « le meilleur exemple d’étude
portant sur l’insertion des représentations dans l’organisation des rapports
symboliques entre acteurs sociaux » (p. 11629), sachant que nous serons
amenés dans d’autres chapitres à revenir sur ce travail de recherche
fondateur de Serge Moscovici.
Partant de la notion de représentation collective de Durkheim, Moscovici
utilise pour la première fois comme concept principal celui de
« représentations sociales », qu’il considère plus approprié à la diversité
des nouvelles sociétés. En effet le concept de représentation sociale se
distingue du concept de représentation collective en soulignant la nature
changeante et dynamique de la représentation et en intégrant la gamme des
connaissances différenciées partagées par des sous-groupes au sein des
sociétés occidentales contemporaines (Augustinos, 199230).
Comme Durkheim, Moscovici défend que la première tâche de la psychologie sociale
est d’étudier les origines, la structure et la dynamique intérieure des représentations
sociales et leur impact sur la société ; c’est-à-dire d’étudier la nature de la « société
pensante » (Moscovici, 1984). Tout comme la société peut être considérée comme
un système économique et politique, elle devrait également être considérée comme
un « système de pensée » (Moscovici, 1988). (Augoustinos, 1992, p. 13, notre
traduction)
Je peux me tromper, mais nous sommes probablement les premiers à l’avoir repris
et actualisé en tant que phénomène contemporain. Aux représentations collectives,
parce qu’inculquées par une autorité (communauté, institution religieuse, etc.) et
presque invariables, nous avons substitué les représentations sociales : telles
qu’elles ont été créées et communiquées par le peuple, les auteurs de théories sur le
Sida, les trous noirs, le marxisme, etc., côte à côte avec celles des scientifiques, des
médecins, des politiciens ou des hommes d’Église, et adaptées aux circonstances.
Nous avons également été les premiers à les chercher à l’intérieur des
comportements et des réalités humaines, comme une tendance vivante ancrée dans
ce qui semble sans vie et même physique. (Moscovici, 1988, p. 220, notre traduction)
La théorie développée par Moscovici a comme mission de réintroduire un
« focus social » dans l’étude de la psychologie sociale, de rétablir en
quelque sorte la primauté des concepts collectifs, de considérer une
psychologie sociale plus sociale. Selon cette théorie, l’expérience
psychologique est déterminée par l’appartenance de l’individu à une
collectivité. Cette théorie s’appuie sur la conception selon laquelle
l’individu est avant tout un être social et s’inscrit dans un rapport
« dialectique » avec la société.
La théorie des représentations sociales, cependant, ne juxtapose pas l’individu et la
société, mais elle voit plutôt le premier dans une relation dialectique avec la société, à
la fois comme un produit de la société (ses conventions, normes et valeurs) et un
participant actif qui peut opérer des changements dans la société. (Augoustinos,
1992, p. 12, notre traduction)
Pour Moscovici : « L’objet central et exclusif de la psychologie sociale
devrait être l’étude de tout ce qui fait partie de l’idéologie et de la
communication du point de vue de leur structure, de leur genèse et de leur
fonction » (Moscovici, 197231, p. 55, notre traduction). Les représentations
sociales sont socialement élaborées et communiquées, elles sont des théories
du sens commun sur le monde social. Le concept de représentations sociales
de Moscovici est différent de celui de « représentations collectives » de
Durkheim – car il met l’accent sur la nature dynamique et changeante des
représentations : « il y a un besoin continu de reconstituer le “sens commun”
ou la forme de compréhension qui crée le substrat des images et des
significations, sans lequel aucune collectivité ne peut fonctionner »
(Moscovici, 198432, p. 19, notre traduction) – « et il intègre des
connaissances différenciées partagées par des sous-groupes au sein de la
société occidentale contemporaine » (Moscovici, 198833, p. 219, notre
traduction).
En résumé : si, au sens classique, les représentations collectives sont un dispositif
explicatif, et renvoient à une classe générale d’idées et de croyances (science,
mythe, religion, etc.), pour nous, ce sont des phénomènes qui sont liés à un mode
particulier de compréhension et de communication – un mode qui crée à la fois la
réalité et le sens commun. C’est pour souligner une telle distinction que j’utilise le
terme « social » au lieu de « collectif ». (Moscovici, 1984, p. 19, notre traduction)
Visionnaire, Moscovici considérait à l’époque qu’il était plus pertinent de
parler de représentations sociales en raison de la pluralité des
représentations présentes dans les sphères publiques contemporaines.
Cela semble une aberration, dans n’importe quel cas, de considérer les
représentations comme homogènes et partagées telles que par une société entière.
Ce que nous voulions souligner en abandonnant le mot « collective » était cette
pluralité de représentations et leur diversité dans un groupe. (Moscovici, 1988, p. 219,
notre traduction)
Moscovici propose ainsi un modèle articulant les mécanismes
psychologiques et sociaux de la pensée sociale. Il veut étudier comment un
savoir « de sens commun » se développe à partir d’une théorie scientifique.
Du point de vue épistémologique, la théorie des représentations sociales
marque l’abandon de la distinction entre le sujet et l’objet : « Tout d’abord,
nous considérons qu’il n’y a pas de coupure donnée entre l’univers extérieur
et l’univers de l’individu (ou du groupe), que le sujet et l’objet ne sont pas
foncièrement hétérogènes dans leur champ commun » (Moscovici,
1961/1976, p. 46). On ne peut dissocier la construction de la connaissance
du monde qui nous entoure, l’activité du sujet et le contexte social dans
lequel elle s’insère.
Si Moscovici est parti de la distinction entre sciences profane et sacrée, il
a choisi ensuite de parler de distinction entre univers consensuel et réifié
(Moscovici, 1984). Dans l’univers consensuel, la société dispose « d’une
voix humaine » alors que dans l’univers réifié, elle est transformée en un
système sans identité.
Dans l’univers consensuel, la société est une création visible et continue, imprégnée
de sens et de finalité, possédant une voix humaine, en accord avec l’existence
humaine et agissant et réagissant à la fois comme un être humain. En d’autres
termes, l’homme est, ici, la mesure de toutes choses. Dans l’univers réifié, la société
est transformée en une entité solide, fondamentale, invariable, indifférente à
l’individualité et dépourvue d’identité. (Moscovici, 1984, p. 20, notre traduction)
Moscovici explique la nécessité de parler à la fois de la science et des
représentations sociales car ces deux univers sont différents et
complémentaires. Revenant sur les propos de Bachelard qui avait observé
que le monde dans lequel on vivait et le monde de la pensée renvoyaient à
deux mondes différents, il décrit des changements.
Contrairement à ce que l’on croyait au siècle dernier, loin d’être l’antidote aux
représentations et aux idéologies, les sciences génèrent aujourd’hui de telles
représentations. Nos mondes réifiés se multiplient avec la prolifération des sciences.
À mesure que les théories, les informations et les événements se multiplient, ils
doivent être dupliqués et reproduits à un niveau plus immédiat et plus accessible en
acquérant une forme et une énergie qui leur sont propres. En d’autres termes, ils sont
transférés dans un univers consensuel, circonscrits et re-présentés. La science était
autrefois basée sur le bon sens et rendait le bon sens moins commun ; mais
maintenant le bon sens est la science rendue commune. (Moscovici, 1984, p. 29,
notre traduction)
Moscovici soutient trois hypothèses expliquant les motivations à créer les
représentations sociales. Tout d’abord l’hypothèse de désirabilité, qui
explique le besoin de créer des images, de faire des phrases dévoilant ou
cachant les intentions et constituant « des distorsions subjectives de la réalité
objective » (1984, p. 23, notre traduction). Ensuite l’hypothèse du
déséquilibre avec le besoin d’atténuer les tensions.
L’hypothèse de déséquilibre, c’est-à-dire que toutes les idéologies, toutes les
conceptions du monde, sont des moyens de résoudre les tensions psychiques ou
émotionnelles dues à un échec ou à un manque d’intégration sociale. Ce sont donc
des compensations imaginaires qui visent à rétablir une certaine stabilité intérieure.
(Moscovici, 1984, p. 23, notre traduction)
Enfin il y a l’hypothèse du contrôle selon laquelle les groupes élaborent des
représentations assurant le filtrage des informations de l’environnement et
donc le contrôle du comportement individuel.
Elles fonctionnent donc comme une sorte de manipulation de la pensée et de la
structure de la réalité, semblable aux méthodes de contrôle « comportemental » et de
propagande qui exercent une coercition compulsive sur tous ceux à qui elles
s’adressent. (Moscovici, 1984, p. 24, notre traduction)
Pour valider sa théorie, Moscovici a réalisé une importante enquête à partir
de plusieurs échantillons de populations (tableau 1.8) sur un total de
2 265 personnes, pour évaluer les connaissances que ces différents groupes
sociaux avaient de la psychanalyse. Dans une seconde partie il a fait une
analyse de la presse concernant la psychanalyse entre janvier 1952 et
juillet 1956 ; 1 640 articles issus de 230 journaux et revues ont été recueillis.
Dans son ouvrage de 500 pages, une première grande partie porte sur la
représentation sociale de la psychanalyse et une seconde a trait à la
psychanalyse dans la presse française.
Tableau 1.8 – Groupes de populations étudiés par Moscovici
Groupe Caractéristiques
Échantillon représentatif
Population représentative
de la population parisienne
Population « classes moyennes » Échantillon constitué d’industriels, d’artisans, de fonctionnaires,
divisée en deux groupes : d’employés,
de femmes sans profession.
Sous-groupe A : niveaux
d’instruction
et socio-économique plus élevés
Sous-groupe B : niveaux
d’instruction
et socio-économique plus bas
Échantillon constitué de médecins, professeurs, avocats,
Population libérale
techniciens et ecclésiastiques.
Échantillon constitué d’ouvriers spécialisés, qualifiés,
Population ouvrière
contremaîtres.
Échantillon formé par des étudiants
Population étudiante
de l’université de Paris.
Population des élèves des écoles Échantillon formé par des élèves âgés de 18 à 22 ans se préparant
techniques à différents métiers.
Deux groupes de sujets habitant
Échantillon formé par des habitants de Lyon et de Grenoble.
la province

Dans cette recherche, Moscovici s’attache à montrer « comment une


nouvelle théorie scientifique ou politique est diffusée dans une culture
donnée, comment elle est transformée dans ce processus et comment elle
change à son tour la vision que les gens ont d’eux-mêmes et du monde dans
lequel ils vivent » (Farr, 198434, p. 381).
L’aspect dynamique des représentations sociales est rendu saillant ; par
exemple, pour s’approprier cette nouvelle connaissance qu’est la
psychanalyse, les individus construisent une représentation de celle-ci à
partir de ses notions de base (conscient, inconscient, refoulement) mais en
occultant la libido. Ainsi, la représentation n’est qu’en partie construite à
partir de données objectives mais c’est une connaissance irréfutable car elle
est partagée.
Moscovici va proposer une théorie qui rende compte de la genèse des
représentations sociales, d’où son nom de théorie sociogénétique.
Il accorde une importance particulière au besoin des individus de donner
du sens à un objet car ce qui n’est pas familier constitue une menace, et le
rôle des représentations est de servir de guide dans cette recherche de sens.
Dans son étude princeps, Moscovici va dégager deux processus majeurs
intervenant dans la constitution d’une représentation sociale : l’objectivation
et l’ancrage.
2.1 Objectivation et ancrage
Dans la présentation de ces deux mécanismes qui rendent familier ce qui ne
l’est pas, nous avons suivi l’ordre de chapitrage de l’ouvrage princeps de
Moscovici (mais dans sa publication de 198435, il commence par décrire le
processus d’ancrage).
En étudiant la façon dont la psychanalyse pénètre la société, Moscovici
(1961/1976) a dégagé deux processus majeurs qui rendent compte de la
façon dont le social transforme une connaissance en représentation et de la
façon dont cette représentation transforme le social. Ces deux processus
illustrent le caractère dynamique d’une représentation sociale. Ils montrent
comment le social s’empare d’un objet et le transforme. Il s’agit de
processus intégrateurs car ils articulent les interactions liant le social et le
psychologique. Pour Moscovici, l’objectivation va déplacer la science dans
le domaine de l’être. L’objectivation est un processus qui permet de rendre
concret ce qui ne l’est pas ; ce processus va donc transformer un concept en
une image, un noyau figuratif : « Objectiver, c’est découvrir la qualité
iconique d’une idée ou d’un être imprécis pour reproduire un concept en une
image » (Moscovici, 1984, p. 38, notre traduction).
L’objectivation conduit, on le sait, à rendre réel un schéma conceptuel, à doubler une
image d’une contrepartie matérielle, résultat qui a d’abord un ressort cognitif : le stock
d’indices et de signifiants qu’une personne reçoit, émet et brasse dans le cycle des
infra-communications peut devenir surabondant. Pour réduire l’écart entre la masse
de mots qui circulent et les objets qui les accompagnent, et comme on ne saurait
parler de « rien », les « signes linguistiques » sont accrochés à des « structures
matérielles » (on tente d’accoupler le mot à la chose). (Moscovici, 1961/1976, p. 107-
108)
Concernant un objet comme la psychanalyse il va y avoir plusieurs étapes
(Jodelet, 198436). Tout d’abord il va y avoir une sélection et une
décontextualisation des éléments de la théorie ; dans ce dernier cas, cela
signifie qu’il y a une dissociation du discours initial. Les informations
sélectionnées et décontextualisées sont alors organisées d’une manière
spécifique pour constituer le noyau figuratif, structure clé dans la genèse
d’une représentation sociale.
On peut voir dans cette sélection des informations que le concept de libido
ne fait pas partie de cette structure clé. Il « est plutôt reconnu que donné
spontanément », traduisant la « résistance à la liaison psychanalyse-
sexualité » (Moscovici, 1961/1976, p. 238).
Ainsi, par exemple, quand les étudiants proposent des mots analytiques, le mot libido
se place au quatrième rang, mais quand ils le reconnaissent sur une liste, sa
fréquence de reconnaissance le situe au deuxième rang, immédiatement après celle
du mot « complexe ». La différence des rangs dans lesquels apparaît le mot quand il
est proposé ou reconnu exprime l’opposition à ce qui est le symbole de la sexualité
dans la théorie psychanalytique. (Moscovici, 1961/1976, p. 238-239)
Dans son enquête Moscovici a demandé aux personnes interrogées quels
mots psychanalytiques elles connaissaient (tableau 1.9).
Tableau 1.9 – Fréquence des termes psychanalytiques
(extrait de Moscovici, 1961/1976, p. 116)
Populations 1 er rang 2 e rang 3 e rang 4 e rang
Étudiants Complexe Refoulement Inconscient ou subconscient Libido
Classes moyennes Complexe Refoulement Subconscient ou inconscient Libido
Professions libérales Complexe Refoulement Inconscient ou subconscient Libido
Écoles techniques Complexe Inconscient Libido Refoulement

Ensuite Moscovici introduit la notion de modèle figuratif qui va permettre


en quelque sorte de simplifier la signification de l’objet :
Cette reconstitution rend saisissables des formes abstraites et générales qui sont
propres à une réflexion scientifique achevée. Si je qualifie de figuratif le modèle décrit,
c’est qu’il n’est pas seulement une manière d’ordonner les informations, mais le
résultat d’une coordination qui concrétise chacun des termes de la représentation.
(Moscovici, 1961/1976, p. 122-123)
Moscovici va définir plusieurs fonctions à ce modèle figuratif. Il s’agit
d’établir un point commun entre la théorie scientifique et la représentation
sociale. Ce modèle permet aussi de traduire immédiatement le réel en
passant d’une expression abstraite de la théorie à quelque chose de plus
concret. Le modèle va associer des éléments renforçant la cohérence et
exclure ce qui est contradictoire (par exemple la libido). Le modèle figuratif,
expression du réel, devient ainsi naturel. L’étape de la naturalisation « a lieu
quand les éléments du schéma figuratif sont presque physiquement perçus ou
perceptibles par le sujet » (Roussiau et Bonardi, 200137, p. 20). Elle confère
selon les termes de Moscovici une réalité pleine à ce qui était une
abstraction.
L’objectivation et l’ancrage
Si l’objectivation déplace la science dans le domaine de l’être, l’ancrage la circonscrit
dans le domaine du faire. Le processus d’ancrage permet de comprendre comment
s’insère une science, il va donc transformer celle-ci en un savoir utile. L’ancrage
désigne les modalités d’insertion dans le social et les fonctions qui en découlent.

L’ancrage, comme son nom l’indique, permet de raccorder la représentation, de


l’enraciner à quelque chose qui nous est familier. Ce processus va donc faciliter
l’intégration de nouveaux éléments de connaissance dans des catégories
connues permettant une réduction de la complexité sociale. C’est ainsi par exemple,
que la psychanalyse peut être assimilée à la confession. Par le biais de l’ancrage, on va
attribuer à la psychanalyse « des domaines d’intervention, des usages, une efficacité »
et ceci sera alimenté par le contenu du schéma figuratif faisant de l’ancrage une
extension de l’objectivation (Palmonari et Doise, 1986, p. 2338).

En d’autres termes, par le processus d’ancrage, la société change l’objet social en un


instrument dont elle peut disposer, et cet objet est placé sur une échelle de
préférence dans les rapports sociaux existants. On pourrait dire encore que l’ancrage
transforme la science en cadre de référence et en réseau de significations, mais ce
serait aller trop vite. (Moscovici, 1961/1976, p. 170-171)
Ainsi, le processus d’ancrage permet de classer et de nommer les choses
étranges et menaçantes. « C’est un peu comme si l’on ancrait un bateau perdu
à une des bouées de notre espace social » (Moscovici, 1984, p. 29, notre
traduction). La pensée est nécessairement ancrée, ce qui exclut l’idée de
« biais de perception ».
Les biais souvent décrits n’expriment pas, comme ils le disent, un déficit ou une
limitation sociale ou cognitive de la part de l’individu mais une différence de
perspective normale entre des individus ou des groupes hétérogènes au sein d’une
société. (Moscovici, 1984, p. 37, notre traduction)
De plus, les systèmes de classification et de dénomination ne sont pas que
des moyens de classement ou d’étiquetage puisqu’ils ont pour objectif
principal d’aider à l’interprétation des caractéristiques et à la
compréhension des motivations à agir (Moscovici, 1984).
Doise (199039), rappelant les études clés dans le champ des jugements
sociaux, montre que les processus d’assimilation/accentuation de contrastes
et de catégorisation répondent aux descriptions du processus d’ancrage faites
par Moscovici.
En classant, une comparaison est faite avec un modèle ou prototype, c’est-
à-dire qu’il y a généralisation de certains traits du prototype au stimulus non
familier (Augoustinos, 1992).

Trois types de représentation selon leur genèse


Pour Moscovici (1988)40, une représentation peut devenir sociale de trois manières
selon les relations entre les membres du groupe. Les représentations peuvent être
partagées par tous les membres d’un groupe très structuré ; ces représentations sont
dites hégémoniques et sont très coercitives : « Elles reflètent l’homogénéité et la
stabilité que les sociologues français avaient à l’esprit quand ils parlaient de
représentations collectives » (notre traduction, p. 221). Les représentations collectives
sont plus caractéristiques des sociétés traditionnelles (Evans-Pritchard, cité par
Moscovici).

D’autres représentations proviennent de la diffusion des connaissances


appartenant à des sous-groupes qui sont plus ou moins proches. Ce sont des
représentations émancipées « avec un certain degré d’autonomie en rapport
aux segments en interaction de la société » (notre traduction, op. cit.) ;
résultant de l’échange et du partage d’un ensemble de symboles et
d’interprétations, elles ont une fonction complémentaire. Moscovici donne
l’exemple des représentations de la maladie mentale (faisant référence aux
travaux de Herzlich et Jodelet) qui réunissent différents savoirs (médecins,
profession paramédicale, profane…). Enfin il y a les représentations
polémiques engendrées au cours de conflits ou de controverses sociales et la
société dans son ensemble ne les partage pas.
Elles sont déterminées par les relations antagonistes entre ses membres et se
veulent mutuellement exclusives. Ces représentations polémiques doivent être vues
dans le contexte d’une opposition ou d’une lutte entre groupes et sont souvent
exprimées dans les termes d’un dialogue avec un interlocuteur imaginaire.
(Moscovici, 1988, p. 221-222, notre traduction)
Dans ce dernier cas, Moscovici donne l’exemple de la représentation
sociale du marxisme en France et ses différentes versions formées par la
polémique sociale entre différents groupes.

2.2 L’étude de la presse


Pour étudier la diffusion de la psychanalyse dans la presse, Moscovici
précise que l’analyse des processus de communication nécessite la prise en
compte de plusieurs types de rapports, « entre l’organisation du contenu et la
conduite, entre le cadre de référence et l’objet de la communication, ou entre
l’émetteur et le récepteur » (1961/1976, p. 316).
Moscovici s’est intéressé aux journaux à grande diffusion, à la presse
militante proche du parti communiste et à la presse issue de l’Église
catholique et il allait montrer que ces trois secteurs n’avaient pas les mêmes
rapports de communication. Ces rapports qui les différencient sont : la
diffusion, la propagation et la propagande.

La diffusion
Dans ce type de communication l’émetteur cherche à établir une relation d’égalité avec
son public. Ainsi lorsque ce type de presse (par exemple France-Soir ou Elle) parle de
la psychanalyse, elle ne cherche pas à orienter les lecteurs ; elle joue le rôle d’un
organe de transmission et ce rôle de communication est plus important que le contenu.

L’objectif est de produire des opinions sur la psychanalyse. Il y a une


indifférenciation entre source et cible de la communication. Il va y avoir des
thèmes faiblement ordonnés entre eux, la psychanalyse y est abordée de
différentes manières et elle est associée à d’autres thèmes à la mode (Doise,
198641). La finalité est de transmettre un contenu à un très grand nombre de
personnes (Rouquette, 1973).
Cette composante essentielle implique la nécessité, pour l’émetteur, de s’adapter
constamment à son public, de lui offrir une image, un niveau, un ensemble d’attitudes
où il puisse se reconnaître aisément. (Rouquette, 1973a42, p. 239)
Comme le précise Moscovici, bien qu’il y ait un nombre élevé d’articles
qui citent la psychanalyse, on aura du mal à trouver une cohérence
d’ensemble. Ainsi, la diffusion peut exister sans que l’on puisse identifier un
modèle d’organisation des messages.
Une conséquence remarquable en découle : l’agencement des unités d’analyse
(thèmes et liaisons), dans les schémas de messages spécifiques à la diffusion,
entraîne une ouverture de l’ensemble dont les contours sont faiblement délimités…
Il est possible de comprendre, par contraste, les traits décrits si l’on considère que le
modèle social, dans le système de communication qui nous préoccupe, s’édifie
comme une résultante de mouvements hétérogènes – autour de certains principes,
la modération par exemple – et non pas comme un point de départ, régulateur des
contenus transmis de l’émetteur au récepteur, ainsi qu’il en est dans la propagation
ou dans la propagande. À la limite, la diffusion des informations concernant un objet
socialement pertinent peut avoir lieu sans que l’on puisse déceler un schéma
d’organisation des messages, sans qu’un modèle social soit présent. (Moscovici,
1961/1976, p. 335-336)

La propagation
Il s’agit d’un rapport instauré par les membres d’un groupe ayant une conception du
monde bien organisée.

Moscovici définit la propagation comme une transmission de messages structurés avec


un cadre de référence clairement exprimé et il relève que cette modalité de
transmission des messages domine dans la plupart des revues et quotidiens
catholiques. Il a dépouillé plusieurs journaux rentrant dans cette catégorie qui parlaient
de la psychanalyse (tableau 1.10) et montré qu’il y avait majoritairement une attitude
favorable à l’égard de cet objet.

Tableau 1.10 – Répartition en pourcentage des articles portant sur la psychanalyse dans la presse
catholique (extrait de Moscovici, 1961/1976, p. 372)
Aube France catholique Anneau d’or Études
et La Croix et Pensée catholique et Témoignage chrétien et Vie spirituelle
27 % 31 % 28 % 14 %
La propagation de l’émetteur au récepteur se déroule dans un contexte
possédant des normes cognitives et sociales communes. Dans ce cas, ce sont
les attitudes qui sont visées.
Dans ce sens, on peut dire que la communication est hiérarchisée ou autoritaire. Les
buts de la propagation sont d’une part d’atteindre une conception et une attitude
communes, et d’autre part d’orienter les catholiques par rapport à cette conception et
à cette attitude. L’appartenance au groupe et la cristallisation affective de ses valeurs
constituent les leviers d’une pression vers l’uniformité des opinions de ses membres.
(Moscovici, 1961/1976, p. 394)
Selon Moscovici les fonctions de la propagation sont liées à l’organisation
et à la transformation d’une théorie en un ensemble conciliable avec les
fondements de l’unité du groupe et également le contrôle des conduites.
Moscovici trouve également que c’est dans la presse catholique qu’il y a le
plus grand nombre d’articles identifiant l’éducation comme champ d’action
de la psychanalyse (tableau 1.11).
Tableau 1.11 – Appartenance politique et idéologique des journaux
(extrait de Moscovici, 1961/1976, p. 382)
Domaines Presse Presse de gauche Presse de centre Presse Presse Presse
d’action communiste et centre gauche et centre droite non de catholique
politique droite
Éducation 16 % 25 % 20 % 20 % 11 % 48 %
Autres
84 % 75 % 80 % 80 % 89 % 52 %
domaines
La première fonction de la propagation – forme de communication prédominante
dans ces journaux et ces revues – serait donc d’organiser et de transformer une
théorie en un ensemble compatible avec les principes qui fondent l’unité du groupe.
La seconde fonction est non pas de provoquer une conduite, mais de la préparer ou
de la contrôler, de lui donner une signification qu’elle n’avait pas auparavant.
(Moscovici, 1961/1976, p. 399-400)
L’analyse de la propagande proposée par Moscovici s’appuie sur certaines
critiques à l’égard des recherches dans ce domaine, et le souhait de présenter
une étude objective de ce phénomène.
La propagande apparaît dans notre étude comme une forme nécessaire de
communication et d’action dans une situation sociale définie. Faisant un effort de
détachement par rapport à nos propres valeurs, condition affective d’une objectivité
difficilement atteinte, nous essayerons d’en esquisser les caractéristiques qui
méritent d’être approfondies par des moyens scientifiques. (Moscovici, 1961/1976,
p. 404)
Dans la presse communiste datant de la guerre froide, la psychanalyse était
présentée comme une pseudoscience ou science bourgeoise, importée en France
des États-Unis et destinée à propager une idéologie mystificatrice. (Palmonari et
Doise, 1986, p. 19)

La propagande
La propagande a comme particularité de s’inscrire dans des rapports sociaux nettement
antagonistes. Cette forme de communication est tranchée dans l’opposition entre un
vrai et un faux savoir.

Le matériel relevé par Moscovici permet d’affirmer que le parti


communiste français a fait de la propagande à l’encontre de la
psychanalyse43.
Pour arriver à cette conclusion il a fait une analyse systématique dans les
publications communistes (L’Humanité, L’Humanité-Dimanche, Les
Cahiers du communisme, Démocratie nouvelle, Ce Soir, La nouvelle
Critique, Les Lettres françaises) et dans les publications progressistes
(Europe, Action, Tribune des Nations, L’Écran français, Libération) ayant
établi leur « harmonie » sur le plan politique. 192 articles ont été dépouillés
qui ont conduit à distinguer dans cette presse quatre groupes (tableau 1.12).
Tableau 1.12 – Les 4 groupes identifiés par Moscovici (1961/1976)
Groupes Presses
Groupe « central » L’Humanité ; Les Cahiers du communisme ; La Nouvelle Critique
Groupe « politique » L’Humanité-Dimanche ; Démocratie Nouvelle ; Ce Soir
Groupe « culturel » e.g. Lettres Françaises
Groupe « progressiste » e.g. Libération ; La Pensée

À partir de ce classement, Moscovici a pu identifier certaines orientations


dans les titres mettant en évidence des disparités (tableau 1.13). Dans le
groupe central, le groupe politique et le groupe culturel, Moscovici identifie
une attitude nettement défavorable (100 % pour les deux premiers et 88 %
pour le troisième) alors que les avis sont plus mitigés pour le groupe
progressiste (53 % favorables, 27 % réservés ou ironiques et 20 %
défavorables).
Tableau 1.13 – Fréquence des titres selon les groupes
(extrait de Moscovici, 1961/1976, p. 410)
Groupe Groupe Groupe Groupe
central politique culturel progressiste
Titres contenant le thème
40 % 24 % 31 % 11 %
« Amérique »
Titres noirs 20 % 19 % 36 % 11 %
Titres comiques – 4% 12 % 31 %
Jeunesse, enfants, femmes – 24 % 21 % 32 %
Santé mentale 20 % 19 % – 10 %
Sans titre 20 % 10 % – 5%

Moscovici décrit historiquement ce rapport à la psychanalyse avant et


après 1949. Il signale que cette opposition est relativement ancienne mais
que la psychanalyse n’a pas été, avant 1949, l’objet d’une propagande
systématique.
Il relève par exemple en 1947, dans le journal L’Humanité, dix articles qui
se réfèrent à la psychanalyse dont cinq concernant des films. Deux années
plus tard sont identifiés sept articles dont trois, pour la première fois, ont un
fond polémiste. Il relève également que le ton, qui était jusqu’alors
défavorable, devient « virulent » en janvier 1949, obligeant les
psychanalystes qui appartenaient au parti à clarifier les rapports entre le
marxisme et la doctrine freudienne.
Après 1949, le silence se fait autour de cette discipline. En mars 1951, une première
attaque se dessine à l’occasion d’un compte rendu sur La Raison, « une intéressante
revue concernant les maladies mentales ». Le retard de la France dans le domaine
psychopathologique est déploré, mais en rejetant la psychanalyse dans des termes
dorénavant habituels : « Mystifie les vrais problèmes », « engouement pour la
psychanalyse aux États-Unis », tandis que les travaux de l’école de Pavlov sur les
réflexes conditionnels sont considérés comme une source de renouvellement de la
psychologie. (Moscovici, 1961/1976, p. 434-435)
Des avis divergents sont également relevés pour ce qui a trait à l’autorité,
ou les références à une autorité (tableau 1.14).
Tableau 1.14 – La question de l’autorité selon les groupes
(extrait de Moscovici, 1961/1976, p. 411)
Groupe politique Groupe Groupe
et central culturel progressiste
Autorité émanant de l’organe central
27 % 0% 0%
(Nouvelle Critique, Humanité)
Autorité nominale (Marx, Freud, Staline,
27 % 53 % 70 %
M. Thorez)
Autorité idéologique des principes 44 % 47 % 30 %
Sans référence 2% – –

Dans son ouvrage princeps, Moscovici consacre un chapitre


supplémentaire à l’analyse psychosociologique de la propagande. Celle-ci a
une double fonction : régulatrice et organisatrice. La première vise à affirmer
l’identité du groupe par l’opposition.
La régulation opérée par la propagande a pour but l’élimination de l’objet conflictuel, et
se trouve déterminée par le fait que l’opposition extérieure et la contradiction
intérieure sont dans une stricte dépendance l’une par rapport à l’autre.
L’extériorisation de la contradiction en tant que contradiction amène le groupe à se
poser en fonction de cette opposition…
Par ailleurs, il est d’observation courante, pour employer un langage plus simple, que
dans la propagande on s’évertue souvent à dire « blanc » parce que l’« autre » a dit
« noir ». (Moscovici, 1961/1976, p. 438-439)
La fonction organisatrice va conduire à la formation d’une représentation
qui va permettre au groupe de renforcer son unité et d’agir sur le réel.
La fonction organisatrice de la propagande implique une élaboration adéquate du
contenu des communications, la transformation du champ social – de sa
représentation – dans une situation définie…
La formation d’une représentation est une des démarches fondamentales de la
propagande. Effectivement, si un groupe veut ou doit agir en tant que tel, en tant que
sujet, sur le réel, il est souhaitable qu’il se le représente comme son réel propre. Afin
que l’univers idéologique du parti communiste garde son unité, il était nécessaire de
refaire une représentation de la psychanalyse qui justifie et renforce cette unité.
(Moscovici, 1961/1976, p. 439-440)
Moscovici va également mettre l’accent sur le lien entre la représentation,
ses modalités d’action et le langage notamment par l’analyse du rôle de la
répétition en démontrant l’importance de considérer le registre cognitif et le
registre affectif. En s’appuyant sur différents niveaux d’analyse il va ainsi
proposer une conceptualisation non sans en reconnaître les limites.
La théorie proposée est-elle susceptible d’être appliquée à toute propagande ? Oui,
parce que le cas étudié est, malgré son unicité, assez typique. De plus, les
phénomènes liés habituellement à la propagande : stéréotypes, préjugés, conduites
uniformisées, conflit, tel qu’ils ressortent de nombreuses recherches, peuvent, une
fois réinterprétés, être mieux compris et converger, en étayant nos hypothèses. Non,
parce qu’il faudrait encore d’autres recherches – effectuées dans la même
perspective – portant sur des campagnes de propagande plus vastes, ainsi que des
expérimentations plus précises à propos de la formation des stéréotypes, des
phénomènes de répétition, des rapports entre les mots-signaux et les réactions
affectives. (Moscovici, 1961/1976, p. 475)
Considérés donc sous l’angle de la structure des messages, de l’élaboration des
modèles sociaux, des liens entre émetteur et récepteur, du comportement visé, les
trois systèmes de communication conservent une grande individualité. Or c’est
justement cette particularité qui nous autorise à rapprocher terme à terme la diffusion,
la propagation et la propagande, de l’opinion, de l’attitude et du stéréotype. (Moscovici,
1961/1976, p. 497)

Résumé
Pour résumer, le mode de diffusion est en lien avec les opinions et ne présente pas de
structuration spécifique, le mode de propagation est en lien avec les attitudes et il
constitue un mode structuré alors que le mode de propagande est en lien avec les
stéréotypes et on peut dire qu’il est organisé en système dichotomique.

Postérieurement aux travaux de Moscovici, un quatrième système a été


proposé : l’effusion. Celui-ci serait en lien avec la transformation de la
presse traditionnelle et le développement des réseaux sociaux. Des travaux
approfondis sur la spécificité de ce quatrième système doivent être
considérés puisque l’on retrouve aisément sur les réseaux sociaux un système
comme la propagande, par exemple.
Chapitre 2
Ce qu’est une représentation
sociale, à quoi elle sert,
comment elle naît

Sommaire
1. Éléments et contours de définition
2. Quand il est question de pensée naturelle, de pensée sociale
3. Les dimensions, caractéristiques et fonctions d’une
représentation sociale
4. Les conditions d’apparition d’une représentation sociale

1. Éléments et contours de définition


Il n’est pas aisé de définir une représentation sociale compte tenu de sa
complexité, de sa richesse et des mécanismes qu’elle englobe, qui
conduisent inévitablement à l’omission d’un composant ou d’un mécanisme.
D’ailleurs Moscovici était réticent à définir ce qu’est une représentation
sociale (Farr, 19921).
Sa description n’est donc pas facile et risque de se réduire à un catalogue non
raisonné de notions indécises : des savoirs et des schèmes, des images, des
connaissances, des scénarios, des opinions, des attitudes, des attentes, des
normes, sans oublier des raisonnements et des œuvres. (Rouquette, 19942, p. 168)
Les représentations sociales, la culture, le langage, la connaissance et tout autre
phénomène dynamique existent seulement en relation à quelque chose d’autre
comme figure et fond et on ne peut jamais les saisir dans leur intégralité. Ainsi, les
tentatives visant à fournir une définition exhaustive de ces phénomènes sont fondées
sur une idée fausse de leur nature. (Marková3, 2000, p. 430, notre traduction)
Pour présenter ce qu’est une représentation sociale, le choix a été fait de
sélectionner quelques propos que nous pensons moins familiers dans la
littérature sur les représentations sociales (tableau 2.1). Ne visant pas
l’exhaustivité, ils serviront de point de départ sachant que les paragraphes
suivants ont pour objectif de les compléter.
Nous avons aussi opté pour des auteurs de différents courants car le
chapitre 3 vise au contraire à mettre en lumière chaque modèle théorique.
Tableau 2.1 – Extraits par ordre chronologique
Auteur(s)
Extraits
année
« Les représentations sociales sont des entités presque tangibles. Elles circulent, se
croisent et se cristallisent sans cesse à travers une parole, un geste, une rencontre, dans
notre univers quotidien. La plupart des rapports sociaux noués, des objets produits ou
Moscovici,
consommés, des communications échangées en sont imprégnés. Nous le savons, elles
1961/1976
correspondent d’une part à la substance symbolique qui entre dans l’élaboration et d’autre
part à la pratique qui produit ladite substance, tout comme la science ou les mythes
correspondent à une pratique scientifique et mythique » (p. 39).
« Nous appellerons représentation tout ensemble de cognèmes se rapportant à un objet, ou
à une classe d’objets donnés. Il ne peut donc y avoir de représentation en soi ; il n’y a de
Codol,
représentation, pour un individu, qu’en référence à un objet. Dans cette optique, la
19724
représentation est donc un sous-ensemble de l’univers cognitif qui privilégie les cognèmes
mis en œuvre lorsqu’on s’intéresse à un objet particulier » (p. 48).
« Par représentations sociales on entend un ensemble de concepts, déclarations et
explications provenant de la vie quotidienne au cours des communications
Moscovici,
interindividuelles. Elles sont l’équivalent, dans notre société, des systèmes de mythes et de
19815
croyance dans les sociétés traditionnelles ; on pourrait même dire qu’elles sont la version
contemporaine du sens commun » (p. 181, notre traduction).
« comment les gens “théorisent” ou “parlent” des expériences auxquelles ils participent et
Milgram,
comment ces théories leur permettent de construire la réalité et, en fin de compte, de
19846
déterminer leur comportement » (p. 290, notre traduction).
« En cette perspective elles font plutôt penser à des formes dynamiques, au caractère
Palmonari
mobile et circulant, qui se transforment avec une relative facilité. On peut dire qu’elles
et Doise,
relient la vie abstraite de notre savoir et de nos croyances à notre vie concrète d’individus
19867
sociaux » (p. 16).
Di « Les représentations sociales d’un groupe donné sont le produit complexe des
Giacomo informations qui lui sont accessibles concernant l’objet de ses représentations et de ses
19868 attitudes vis-à-vis de cet objet, c’est-à-dire en fin de compte de ses valeurs » (p. 120).
Auteur(s)
Extraits
année
« Mais la notion de représentation dépasse le strict cadre cognitiviste en ce sens qu’elle
Abric, n’est pas seulement un filtre interprétatif, elle n’est pas la simple application d’une grille…
19879 mais une activité beaucoup plus complexe de restructuration complète de la réalité, où les
dimensions psychologiques, sociales et idéologiques jouent à plein » (p. 60).
Grize, « On ne doit pas lire les représentations par rapport à une norme, en l’espèce celle du
Vergès savoir économique, mais comme des productions sociales exprimant une forme de
et Silem, connaissance ayant, tout à la fois et paradoxalement une fonction de connaissance et de
198710 méconnaissance pour celui qui les exprime » (p. 24-25).
« Quoi qu’il en soit, dans la suite, nous ne nous intéresserons qu’aux représentations
Flament, autonomes. Parce que ce sont sur elles qu’actuellement nous avons le plus de choses à
198911 dire. Peut-être aussi parce qu’il semble que l’objet d’une représentation autonome est un
objet social important » (p. 206).
« L’observation des représentations sociales est, en effet, chose aisée en de multiples
Jodelet, occasions. Elles circulent dans les discours, sont portées par les mots, véhiculées dans les
198912 messages et images médiatiques, cristallisées dans les conduites et les agencements
matériels ou spatiaux » (p. 32).
« les représentations sont des ensembles sociocognitifs, organisés de manière spécifique,
Abric, et régis par des règles de fonctionnement qui leur sont propres. La compréhension des
199413 mécanismes d’intervention des représentations dans les pratiques sociales suppose donc
que soit connue l’organisation interne de la représentation » (p. 8).
« Pour autant et dans le prolongement des travaux de Abric (1987) et Flament (1987),
nous considérons que notre relation au monde extérieur ainsi qu’à nous-mêmes est
Mardellat,
nécessairement médiatisée par nos représentations sociales, que celles-ci traitent, filtrent
199414
les informations qui nous parviennent et qu’elles nous fournissent des points de repère plus
ou moins valides pour nous comporter et/ou justifier nos comportements » (p. 148).
Wagner « En résumé, une représentation sociale est l’ensemble des idées et des sentiments
et al., s’exprimant dans le comportement verbal et manifeste des acteurs qui constitue un objet
199915 pour un groupe social » (notre traduction p. 96).
« La théorie des représentations sociales permet ainsi de penser différemment les
Jodelet, dilemmes relatifs à la culture, particulièrement celui entre connaissance et croyance,
200216 quand, au nom de la raison, on élimine les expériences qu’une société accumule et intègre
à son mode de vie » (p. 117).

Ces propos font référence aux éléments incontournables sans lesquels on ne


pourrait pas parler de représentations sociales : l’objet, le partage des
éléments de la représentation et l’appartenance des individus à un groupe. Ils
mettent d’autre part l’accent sur la fonction du savoir, son rôle dans la
communication et l’élaboration des comportements. Il est mentionné
également que cet ensemble est structuré. Mais, comme le précise Flament
(1994a17), quand on parle d’un ensemble organisé de cognitions ou de leurs
propriétés, on peut se référer à d’autres théories que celle des
représentations sociales comme la théorie des scripts (Schank et Abelson,
197718). Pour Flament, la théorie des représentations sociales est
caractérisée par le système d’ensemble. Abric indique qu’il serait réducteur
de limiter la notion de représentation au cadre de la cognition (1987). Il
parle d’un système sociocognitif mentionnant que le fait d’être également
« sociales » constitue l’originalité des représentations sociales par rapport
aux autres mécanismes cognitifs. En complément il décrit la représentation
comme un système contextualisé au niveau discursif et social (1994a).
Par le contexte discursif tout d’abord, c’est-à-dire par la nature des conditions de
production du discours, à partir duquel va être formulée ou découverte une
représentation…
Par le contexte social ensuite, c’est-à-dire d’une part le contexte idéologique et
d’autre part la place occupée dans le système social par l’individu ou le groupe
concerné. (Abric, 1994a19, p. 15)
Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi (199220) rappellent que les notions de
système et de méta-système qui constituent l’armature de la théorie des RS
ont largement devancé « la vogue de la pensée systémique ». Selon ces
auteurs, l’étude des représentations sociales est constituée par « l’analyse
des régulations effectuées par le méta-système social dans le système
cognitif… pour autant que leurs liens avec des positions spécifiques dans un
ensemble de rapports sociaux soient explicités » (p. 13).
Plus récemment, Flament et Rouquette (200321) ont proposé trois définitions
des représentations sociales : descriptive, conceptuelle et opérationnelle,
que nous reprendrons sommairement. Il faut préciser que selon ces auteurs,
ces définitions ne sont pas exclusives et correspondent à un moment de la
recherche.

La représentation sociale (Flament et Rouquette, 2003, p. 13)


a) D’une manière générale, non technique, une représentation sociale est une façon de
voir un aspect du monde, qui se traduit dans le jugement et l’action…

b) On peut dire aussi qu’une représentation sociale est un ensemble de connaissances,


d’attitudes et de croyances concernant un « objet » donné…

c) Une représentation sociale, enfin, peut être caractérisée comme un ensemble


d’éléments cognitifs liés par des relations, ces éléments et ces relations se trouvant
attestés au sein d’un groupe déterminé.

On retrouve dans ces trois définitions les principaux éléments


caractéristiques des représentations sociales. Celles-ci s’inscrivent dans le
champ de la pensée sociale, dont la particularité est de reposer sur des
mécanismes spécifiques.

2. Quand il est question de pensée


naturelle, de pensée sociale
Cette forme de connaissance particulière peut être qualifiée de
connaissance de sens commun, ou de pensée naturelle « par opposition » à la
pensée scientifique. Elle est issue du savoir naïf, se propage dans les réseaux
de communication et évolue en fonction des questionnements d’un groupe
humain.
Si nous comparons la pensée naturelle, sociale, à la pensée scientifique, individuelle,
et que nous la jugeons être pseudo-logique parce qu’elle n’est pas conforme à une
logique qui n’est pas la sienne, cela prouve seulement que nous prenons la science,
le syllogisme pour des modèles idéaux d’organisation intellectuelle. Ce qui
évidemment n’est pas justifié et revient à transformer une lacune de notre
connaissance des processus cognitifs en une lacune de la réalité. Les astronomes
n’ont pas considéré comme un défaut de la planète Mercure la déviation de son orbite
par rapport aux lois de Newton. (Moscovici, 1961/1976, p. 247)
C’est ainsi que Moscovici va définir « le style de la pensée naturelle » en
opposition à la pensée formelle. Si cette dernière porte sur « l’appréhension
des catégories », la pensée naturelle est orientée sur « la communication des
idées » (Moscovici, 1961/1976).
En résumé :

La pensée naturelle
– la pensée naturelle est axée sur la communication, directionnelle et « controversielle » ;
– la pensée naturelle implique, comme toute pensée, un système de relations opératoires
et un méta-système de relations de contrôle, de validation et de maintien de la cohérence.
Cependant, dans ce cas, les dernières relations sont normatives. (Moscovici, 1961/1976,
p. 255)
Afin de démontrer l’ineptie qu’il y a à opposer la pensée scientifique et la pensée non
scientifique, Moscovici présente les composants de la pensée naturelle. Son caractère le
plus visible est le formalisme spontané, qui se traduit par l’utilisation de stéréotypes
linguistiques et intellectuels. Ainsi, Moscovici a relevé dans les discours un type d’énoncé
fondé sur la répétition jouant à la fois un rôle d’économie mais aussi structurant le
jugement.
La pensée naturelle se caractérise aussi par son dualisme causal. Alors que la pensée
scientifique ne tient compte que du rapport cause/effet, la pensée naturelle comporte
également une causalité « phénoménale » qui va orienter le jugement. Moscovici considère
que ces deux formes de causalité s’appuient sur le même mécanisme.
Un autre attribut de cette pensée est le primat de la conclusion, puisque celle-ci est
connue et exprimée, comme le constate Moscovici, dès le début.

Effectivement, au lieu que l’enchaînement logique coïncide avec l’orientation du


jugement et la détermine, c’est cette orientation qui détermine l’enchaînement logique.
La conclusion, donnée dès le début, définit la zone de sélection des autres parties du
raisonnement, les détache. (Moscovici, 1961/1976, p. 261)
Chacun des énoncés tend à exprimer et à préciser partiellement une idée. Du fait que
la conclusion est connue, il se dégage une impression de répétition où les inférences
particulières ne sont que des variantes d’un même leitmotiv. Dans ce cas, la suite
des jugements se propose autant de traduire que de démontrer ce qui était déjà posé.
(Moscovici, 1961/1976, p. 262)
Pour Moscovici, les aspects de régularité de la pensée naturelle sont basés
sur deux principes d’organisation intellectuelle qui sont l’analogie et la
compensation.

L’analogie et la compensation
L’analogie regroupe les notions dans une même classe sans que celles-ci ne soient
confondues, il s’agit d’un procédé de généralisation qui est spécifique et qui permet une
économie d’information. Si le principe d’analogie est axé sur l’objet, le principe de
compensation participe à identifier des classes d’appartenance et contribue donc à
l’organisation des relations entre jugements.

« Les exigences de la communication justifient cette économie. D’une part la pression à


formuler une opinion, d’autre part, la variation de la capacité à la recevoir, suggèrent
dans les deux cas le recours à une quantité réduite de connaissances. (Moscovici,
1961/1976, p. 265)

Le principe de compensation a trait aux opérations que l’on fait sur les êtres logiques ou
réels, en maximisant leurs similitudes ou leurs différences, afin de les introduire à
l’intérieur d’une classe ou de les répartir, par division ou multiplication des dimensions
pertinentes, parmi les classes existantes » (Moscovici, 1961/1976, p. 271).
Il faut donc abandonner les oppositions de type logique/illogique,
social/non social, rationnel/affectif qui reposent sur une erreur de
raisonnement et des préjugés persévérants. Selon Moscovici (1961/1976),
toute logique ou pensée est sociale mais de différentes façons et avec des
objectifs différents.
Il est intéressant également de relever que dans les écrits de Durkheim
(1898), les limites du principe d’analogie ont été évoquées dans la
comparaison entre biologie et sociologie.
Si l’analogie n’est pas une méthode de démonstration proprement dite, c’est pourtant
un procédé d’illustration et de vérification secondaire qui peut avoir son utilité. Il n’est
jamais sans intérêt de rechercher si une loi, établie pour un ordre de faits, ne se
retrouve pas ailleurs, mutadis mutandis… Le tort des sociologues biologistes n’est
donc pas d’en avoir usé, mais d’en avoir mal usé. Ils ont voulu, non pas contrôler les
lois de la sociologie par celles de la biologie, mais induire les premières des
secondes. (Durkheim, 1898, p. 5)
Les représentations sociales sont donc une forme de connaissance du sens
commun, des sciences « populaires » qui se propagent dans la société. Bien
que le sens commun soit souvent désavoué face à l’autorité des experts, il
n’est pas un savoir « secondaire » ni une pensée « biaisée » (Rouquette,
200922, p. 5).
On retrouve le concept de « pensée sociale » dans les écrits de Rouquette
en 197323 qui introduit l’expression d’« architecture de la pensée sociale »,
démontrant que les représentations sociales dépendent de systèmes
idéologiques plus globaux.
Cette architecture va ordonner le tout sachant que les opinions sont plus
instables et diverses que les attitudes, elles-mêmes plus modifiables que les
représentations. Cette hiérarchie de formes de type « poupée russe » permet
de comprendre qu’un niveau va rendre compte d’un autre et ainsi de suite.
Selon Rouquette (199624), si la représentation sociale a un objet, l’idéologie
quant à elle porte sur une classe d’objets et chapeaute l’élaboration d’une
famille de représentations sociales.
Ce sont les attitudes qui permettent de rendre compte des opinions ; ce sont les
représentations fondatrices d’une culture ou d’une sous-culture qui rendent compte
des attitudes ; et ce sont des composants idéologiques, encore plus généraux,
encore mieux partagés, qui permettent de « fabriquer » les représentations sociales
(croyances générales, valeurs, modèles épistémiques). (Rouquette, 2009, p. 7)
Moscovici, interrogé en 199825 sur la distinction entre représentation et
idéologie, précise que « tout ce qu’on trouve de concret dans une société, ce
qui est inscrit dans une culture, dans une communication sociale, relève de la
représentation » (p. 12).
Rouquette (2009) rappelle que la pensée sociale est présente dans tous les
phénomènes où la cognition est partagée, comme la mémoire publique, les
rumeurs et la mobilisation des foules. Mais il précise que cette pensée
commune n’est pas issue de simples échanges. Si les communications
permettent la construction d’une pensée commune, c’est parce qu’elles sont
gérées par les positions identitaires, les appartenances ou les valeurs.
Rouquette (2009) identifie trois principales propriétés de la pensée
sociale : la pluriqualification des relations, la restriction de l’espace du
raisonnement et la validation tautologique.
La particularité de la pensée sociale est de pouvoir faire référence à de
multiples interprétations, les énoncés ne sont pas « univoques », ce qui
permet une adaptation selon le partenaire ou la situation. Ensuite il s’agit
d’une pensée qui pratique des chaînes de raisonnement courtes, limitées dans
le temps car c’est « une pensée de la gestion quotidienne ». Pour finir, la
validation tautologique est le propre de la pensée sociale.
Grize (198926), s’intéressant spécifiquement aux manifestations discursives
de toutes les connaissances, prend appui sur le concept de « logique
naturelle ». Il défend l’intérêt de maintenir cette expression en avançant deux
raisons. Tout d’abord il s’agit d’une logique évoluant au sein « des langues
naturelles », ensuite il s’agit d’une logique qui ne concerne pas que les
formes de pensée mais aussi les contenus. Il conclut en disant que cette
logique naturelle « peut être un instrument capable de mettre en évidence un
certain nombre des aspects qui constituent les représentations sociales »
(p. 167).
Mais revenons aux deux mondes de pensée distincts : science et sens
commun, considérés comme « standard » et « non standard ». Moscovici et
Hewstone (198427) décrivent le passage de l’un à l’autre.
Tout se passe comme si, pour vivre ensemble, pour communiquer entre eux de façon
adéquate, pour résoudre leurs problèmes habituels, les gens ne pouvaient tout
simplement pas jouer le jeu de la science. Ils en retiennent le contenu, mais en
modifiant la forme et les règles. Ils doivent le changer en jeu du sens commun, avec
tout ce que cela présuppose de pensée et langage propres. Le besoin de
comprendre ce paradoxe pousse à s’interroger : « Pourquoi les gens pensent-ils de
cette façon dans leur vie quotidienne ? » Et l’on s’efforce d’expliquer la différence
entre l’idéal d’une pensée conforme à la science, à la raison, et la réalité de la pensée
dans le monde social. Cette explication passe par la théorie des représentations
sociales. Elle a d’emblée été conçue pour étudier comment le jeu de la science
devient en partie le jeu du sens commun. (Moscovici et Hewstone, 1984, p. 539-540)
Ces auteurs présentent les processus transformatifs en distinguant les
processus externes des processus internes. Les premiers décrivent les
changements lorsque les théories de la science deviennent des
représentations du sens commun, les seconds concernant les transformations
relevées à l’intérieur des représentations elles-mêmes.

Personnification, figuration et ontisation (Moscovici et Hewstone)


Les processus externes reposent sur trois aspects. Le premier est la personnification
des connaissances, considérée par les auteurs comme « le plus frappant ». Chaque
théorie va être associée à une personne qui en devient le symbole (par exemple le
conditionnement est associé à Pavlov) et par la suite elle sera associée à un groupe
social (par exemple le conditionnement à la Russie soviétique) ; la personnification
associe donc l’idée ou la théorie à une personne ou à un groupe.

Le second aspect est la figuration, qui illustre le passage de concepts ou de notions


scientifiques à des « quasi-métaphores » dans la sphère du sens commun ; les
informations deviennent ainsi iconiques.

Le troisième aspect est l’ontisation des relations logiques, qui permet de faire
correspondre des choses aux idées ou aux mots. Les auteurs précisent que cette
transformation a avant tout une importance cognitive. Moscovici et Hewstone expliquent
le choix de ce terme à la place d’un mot plus familier comme « chosifier » :

« De cette façon, nos aventures les plus hardies dans le domaine de la pensée
abstraite sont portées au-delà des limites de la compréhension linéaire, logique, dans le
domaine de la pensée figurative…

En vérité, dans les cas que nous avons pu examiner, il s’agit simplement de prolonger
une image, de lui conférer une épaisseur de réalité, de lui faire une place dans
l’ontologie du sens commun – rien de plus. On ne se prononce pas sur sa matérialité
effective, on y voit un intermédiaire commode vers quelque chose d’insaisissable. »
(Moscovici et Hewstone, 1984 p. 555)

Concernant le processus interne il s’agit de la transformation quasi-


automatique de la description en explication (p. 557). Moscovici et
Hewstone expliquent que si dans la science la composante descriptive
prédomine, dans la connaissance du sens commun, c’est la composante
explicative.
Finalement ces processus internes et externes vont permettre la
transformation d’une pensée informative en une pensée représentative
(tableau 2.2).
Tableau 2.2 – La pensée informative et la pensée représentative
(extrait de Moscovici et Hewstone 1984, p. 558)
Pensée informative Pensée représentative
Concepts et signes Images et symboles
Validité empirique Validité conceptuelle
Dominée par le « comment » Dominée par le « pourquoi »
Types d’inférence fixes Choix des types d’inférence
Limitation de la succession Flexibilité de la succession
des actes mentaux des actes mentaux
Certaines formes syntaxiques disponibles Toutes formes syntaxiques disponibles

Moscovici (1961/1976), faisant référence au « passage » de la science au


niveau des représentations sociales, précise qu’il est discontinu puisque l’on
passe d’un univers à un autre : « On déplore cette rupture car on y voit une
démission, un affaiblissement de l’emprise de la logique ou de la raison »
(p. 26).

3. Les dimensions, caractéristiques et


fonctions d’une représentation sociale
Présentant la représentation sociale à un niveau qu’il nomme
« superficiel », Moscovici parle d’un ensemble de propositions, de réactions
et d’évaluations. Il décrit ces univers d’opinions comme ayant une
organisation très différente en fonction des groupes et des cultures tout en
faisant l’hypothèse que chaque univers repose sur trois dimensions :
l’information, le champ de représentation ou l’image et l’attitude.

L’information
L’information concerne l’organisation des connaissances détenues par le groupe à
propos de l’objet. Moscovici constate par exemple que dans le groupe des ouvriers, on
ne peut pas parler de l’existence de cette dimension car il n’y a pas d’informations
cohérentes à propos de l’objet. En revanche il observe chez les étudiants ou les
classes moyennes un savoir qui permet d’identifier de manière plus précise les niveaux
de connaissances.

Cette dimension est étudiée avec des questions spécifiques (tableau 2.3)
permettant d’identifier que ceux ayant donné les réponses « a » ont une
meilleure connaissance de l’objet que ceux ayant donné les réponses « b ».

Le champ de représentation ou l’image


La seconde dimension concerne le champ de représentation ou l’image. Pour
Moscovici il y a un champ de représentation, une image, là où se trouve « une unité
hiérarchisée des éléments ». Cela concerne un aspect précis de l’objet, mais
l’ensemble représenté n’est pas obligatoirement ordonné et structuré car ce champ est
large.

L’ampleur de ce champ, les points sur lesquels il est axé varient, englobant aussi bien
des jugements sur la psychanalyse que des assertions sur la psychanalyse ou la
typologie des personnes censées recourir à cette théorie particulière. (Moscovici,
1961/1976, p. 68)

Tableau 2.3 – Exemples de questions en lien avec la dimension « information » dans l’étude de
Moscovici (1961/1976)
Questions Modalités de réponses
1. 1 à 2 ans et plus de 2 ans
Quelle est selon vous la durée
2. Jusqu’à quelques mois,
d’un traitement psychanalytique ?
ou sans opinion
Pourriez-vous situer dans le temps l’apparition 1. date vraie
de la psychanalyse ? 2. date fausse, ou sans réponse

Dans le tableau 2.4 figurent des exemples de questions permettant


d’appréhender cette dimension.
Tableau 2.4 – Exemples de questions en lien avec la dimension
« champ de représentation ou image » dans l’étude de Moscovici (1961/1976)
Modalités de
Questions
réponses
1. Complète et
positive
L’image du psychanalyste est ? 2. Banale et
négative
3. Sans image
L’attitude d’un psychanalyste par rapport à celui qui se fait analyser peut-elle se 1. médecin, ami
comparer à celle d’un : 2. observateur,
parent

Tout comme l’information, le champ de représentation est variable en


fonction des groupes. Moscovici constate que pour le même sous-groupe des
classes moyennes, le champ de représentation de la psychanalyse contient
l’image de l’analyste ou celle de l’analysé ou encore la pratique analytique.

L’attitude
Enfin la dernière dimension est l’attitude qui est l’orientation positive ou négative à
l’égard de l’objet.

Le fait important nous paraît être que l’attitude se manifeste avec une dimension plus
« primitive » que les deux autres, en ce sens qu’elle peut exister dans le cas d’une
information réduite et d’un champ de représentation peu organisé. (Herzlich, 197228,
p. 311)

L’analyse des questions relatives à cette dimension montre par exemple que
les personnes favorables à la psychanalyse « estiment que la psychanalyse
est applicable en général… se feraient analyser elles-mêmes le cas
échéant ». Les personnes qui y sont défavorables répondent par exemple que
« la psychanalyse est applicable seulement dans des cas bien circonscrits…
que ce sont les gens riches qui sont psychanalysés » (Moscovici, 1961/1976,
p. 69).
Ces trois dimensions apportent des informations sur le contenu et le sens de
l’objet de représentation sociale mais selon Moscovici il est plus important
de se pencher sur l’étude comparative des représentations sociales. Il va
ainsi mettre en parallèle les réponses à des questions communes et montrer
que certains sous-groupes partagent les réponses (tableau 2.5).
Tableau 2.5 – Sous-groupes et réponses partagées
dans l’étude de Moscovici (1961/1976)
Questions Sous-groupes Réponses partagées
Si l’importance de la psychanalyse vous semble Échantillon Valeurs positives :
s’accroître, auquel professions e.g. besoins sociaux
des facteurs suivants attribuez-vous ce fait ? libérales : Valeurs négatives :
« Les e.g. influence américaine
communistes-
gauche »
« Le centre-
droite »
Échantillon
professions
libérales : Association relativement
De laquelle des pratiques suivantes la psychanalyse « Les positive : e.g. conversation
vous semble-t-elle se rapprocher le plus ? communistes- Association négative :
gauche » e.g. narco-analyse
« Le centre-
droite »

Ainsi comparant chaque dimension et l’ensemble des groupes, Moscovici a


constaté que la « tridimensionnalité » était présente dans quatre populations :
étudiants, professions libérales, classes moyennes (sous-groupe A29) et
élèves des écoles techniques.
En revanche les ouvriers et le sous-groupe B des classes moyennes n’ont
qu’une seule dimension structurée, l’attitude. Ainsi, Moscovici fait le constat
que l’objet suscite partout des attitudes déterminées mais que la cohérence
des représentations sociales n’est pas totale, plaçant l’attitude en amont du
processus.
Cependant, il ressort que l’attitude est la plus fréquente des trois dimensions et, peut-
être, génétiquement première. Par conséquent, il est raisonnable de conclure que l’on
s’informe et que l’on représente quelque chose uniquement après avoir pris position
et en fonction de la position prise. (Moscovici, 1961/1976, p. 72)
Délimitant « L’espace d’étude des représentations sociales », Jodelet
(198930) présente un espace d’étude multidimensionnel avec un « schéma de
base » autour des notions de « sujet », d’« objet », de « forme de savoir » et
de « pratique ».
En effet la représentation sociale est toujours une représentation d’un sujet
et d’un objet (quelqu’un et quelque chose) sachant qu’elle entretient avec ce
dernier un rapport de « symbolisation ». Et la représentation est une forme de
savoir qualifiée de pratique.
En 198431, Jodelet présentait cinq caractéristiques fondamentales de la
représentation auxquelles, selon elle, une sixième s’imposait.

La représentation (Jodelet, 1984 p. 365)


La représentation a cinq caractéristiques fondamentales :
– elle est toujours représentation d’un objet ;
– elle a un caractère imageant et la propriété de rendre interchangeable le sensible et
l’idée, le percept et le concept ;
– elle a un caractère symbolique et signifiant ;
– elle a un caractère constructif ;
– elle a un caractère autonome et créatif.
Une autre caractéristique s’impose, et d’importance : même quand nous nous situons à
un niveau social zéro, pour analyser l’acte du sujet qui se représente ou représente un
objet, il apparaît que la représentation comporte toujours quelque chose de social…

On le voit, ces caractères préfigurent les différentes fonctions des


représentations sociales car si ces connaissances du sens commun sont aussi
importantes au quotidien c’est parce qu’elles remplissent des fonctions
diversifiées.
Même si les définitions antérieures ont permis en partie de répondre à cette
question, il nous semble important d’y revenir plus en détail.
Tout d’abord, elles sont indispensables dans les relations humaines, parce que si
nous n’en avions pas, nous ne pourrions pas communiquer et comprendre
l’autre. Elles permettent également les actions en commun. Par exemple, pour qu’un
mouvement social puisse agir et s’affirmer, la façon dont il se voit et dont il anticipe sa
présence dans la société et dans les médias est essentielle. (Moscovici, 199832,
p. 12)
Pour Abric (1994a33), les représentations sociales répondent à quatre
fonctions. Tout d’abord elles ont des fonctions cognitives, ou fonctions de
savoir. Les individus cherchent à comprendre la réalité qui les entoure et
cette fonction de savoir évolue au sein des échanges et communications.
Cette fonction a parfaitement été démontrée dans les travaux de Moscovici
(1961/1976).
Les représentations sociales ont également des fonctions identitaires,
protégeant en quelque sorte la spécificité des groupes et « Cette fonction
identitaire des représentations leur donne une place primordiale dans les
processus de comparaison sociale. » (Abric, 1994a, p. 16). Mugny et
Carugati (198534) ont travaillé sur les représentations sociales de
l’intelligence auprès de groupes en Suisse et en Italie. Leur analyse sur les
représentations sociales des enseignants, groupe ayant des insertions
multiples (enseignant, parent), démontre le rôle des représentations de
l’intelligence dans la régulation du conflit identitaire.
En résumé les représentations sociales, et de l’intelligence en particulier, se
structurent et évoluent selon les « aléas » des expériences quotidiennes, en une
double fonction sociocognitive supposant autant de fonctionnements sociocognitifs
particuliers : d’une part la construction d’un univers social mentalement intelligible et
cohérent, et d’autre part l’élaboration d’une identité sociale et personnelle gratifiante,
c’est-à-dire compatible avec des systèmes de normes et de valeurs socialement et
historiquement déterminés. (Mugny et Carugati, 1985, p. 183)
La troisième fonction des représentations sociales est directement en lien
avec les pratiques, il s’agit d’une fonction d’orientation ou de « guidage »
des comportements. Ce processus d’orientation s’explique par trois facteurs
selon Abric.
Il a lui-même démontré dans ses travaux, sur lesquels nous reviendrons,
comment la représentation impactait la « finalité de la situation » (Abric,
197135), ensuite la représentation crée « un système d’anticipations et
d’attentes » agissant directement sur la réalité, enfin la représentation est
« prescriptive » de comportements (Flament, 199436) et nous verrons en quoi
cette approche préfigure les futurs travaux sur les aspects normatifs des
représentations sociales.
Enfin les représentations sociales ont des fonctions justificatrices des
comportements et des prises de position. On a vu précédemment le rôle
qu’elles avaient en amont de l’action mais elles permettent aussi de justifier
les comportements a posteriori.
Ces fonctions des représentations sociales qui jouent un rôle en amont et en
aval expliquent les différentes recherches menées sur la question des
pratiques que nous développerons dans le chapitre 5.
Elles constituent le principal moyen d’établir et d’étendre les connaissances
partagées, les pratiques communes et les affiliations qui lient les membres de la
société (Duveen, 2001, 2008) et agissent ainsi pour soutenir les systèmes d’identité,
de communauté, d’inclusion et d’exclusion.
(Sammut et Howarth, 201437, notre traduction)

4. Les conditions d’apparition d’une


représentation sociale
Les constatations faites par Moscovici ont permis de circonscrire quelles
étaient les conditions d’apparition d’une représentation sociale. Nous avons
présenté dans le chapitre 1, paragraphe 1.2, les deux processus essentiels
dans la genèse d’une représentation sociale : l’objectivation et l’ancrage.
Au départ quelque chose va servir de déclencheur à l’apparition de la
représentation et va ensuite se propager dans les réseaux de communication.
Des représentations sociales identiques vont servir de relais et permettre
l’accessibilité ou la familiarisation de la connaissance.
Pour Moscovici, la « nomination » parce qu’elle permet de regrouper « en
classes d’individus », est importante dans la formation d’une représentation
(Moscovici, 1998). C’est quand l’objet aura suffisamment d’importance pour
le groupe, autrement dit quand il constituera un enjeu pour celui-ci
alimentant les échanges, qu’il pourra devenir un objet de représentations
sociales. Par ailleurs Moscovici ne pense pas que les représentations soient
amenées à disparaître ; elles vont être réutilisées par d’autres ou pourront
devenir accessoires.
Je ne crois pas que les représentations disparaissent, car elles sont reprises par
d’autres. De centrales, elles peuvent devenir marginales, puis redevenir
éventuellement centrales. Par exemple, il y a actuellement en France une
représentation des problèmes sociaux liés à l’ethnicisation, ce qui constitue un
phénomène relativement récent. Il y a vingt ans, personne ne parlait de ce qui est
maintenant central dans le débat public. (Moscovici, 1998, p. 13)
Selon Moscovici, trois conditions sont nécessaires à l’émergence d’une
représentation : la dispersion, la focalisation et la pression à l’inférence.

La dispersion de l’information (Moscovici)


À propos d’un objet de connaissance, on constate que les individus et les groupes ont
des informations morcelées, des données qui sont insuffisantes et trop nombreuses ;
c’est ce que Moscovici a appelé la dispersion de l’information. Moscovici fait référence
à un décalage constitutif quand il parle de l’écart entre l’information présente et celle qu’il
aurait fallu pour appréhender la totalité des éléments.

Cette difficulté à identifier les informations utiles, Moscovici l’explique


par différents facteurs qui vont renforcer l’incertitude (e.g. manque de temps,
barrières éducatives…), par « le caractère indirect des savoirs » et
l’impossibilité de contrôler la source (pourquoi privilégier tel avis plutôt
que tel autre). Moscovici relève également à ce niveau que la distinction
entre l’homme cultivé et celui qui ne l’est pas perd de son intérêt.
En effet, face à certains problèmes, tout individu est non cultivé. L’éducation scolaire,
universitaire, crée une plus grande capacité de compréhension des connaissances
circulant dans la société. Toutefois, très souvent, les différences s’estompent et, quel
que soit le niveau d’éducation atteint, les individus sont armés de façon identique pour
communiquer ou émettre une opinion. (Moscovici, 1961/1976, p. 249-250)
Notons que cette difficulté d’accès à la totalité de l’information va jouer un
rôle essentiel dans la transmission du savoir puisque la communication avec
autrui a pour but de développer les connaissances de l’objet.
La seconde condition est la focalisation. Les individus et les groupes ne
vont pas se situer de la même manière par rapport à l’objet. Cette condition
fait référence aux rapports spécifiques que le groupe entretient vis-à-vis de
l’objet. Ainsi certains aspects vont constituer un intérêt pour le groupe au
détriment d’autres aspects. Rouquette (197338) écrit : « Cet objet est alors
électivement appréhendé selon celle de ces faces qui trouve une résonance
au niveau des intérêts et des traditions, des rôles et des statuts » (Rouquette,
1973, p. 322). Comme la dispersion de l’information, cette condition rend
incompatible la possibilité d’avoir une vision globale de l’objet.
Spontanément, un individu ou un groupe accorde une attention spécifique à quelques
zones bien particulières de l’environnement et garde une distance vis-à-vis d’autres
zones du même environnement. La distance, le degré d’implication par rapport à
l’objet social varient nécessairement. (Moscovici, 1961/1976, p. 250)
Il faut en dernier lieu considérer la pression à l’inférence dans l’échange
intellectuel qui traduit la nécessité pour l’individu ou pour le groupe de
réagir, de prendre position, et cela à n’importe quel moment. Ainsi, il faut
répondre aux contraintes du dialogue dans les échanges sociaux, stabiliser
des opinions qui sont très incertaines.
Des anticipations hâtives, une adhésion stricte à un consensus, à un code, répondent
à l’obligation qui est faite aux membres du groupe social de stabiliser leurs univers,
de rétablir une signification qui était menacée ou contestée. (Moscovici, 1961/1976,
p. 251)
Pour Moscovici, le nombre de réponses toutes faites ou d’idées reçues
constitue un « capital d’anticipations ». De plus, connaître les attitudes des
différents interlocuteurs va conduire à privilégier les réponses les plus
attendues. Ainsi, la dispersion de l’information, la focalisation du sujet
individuel ou collectif, et la pression à l’inférence sont les composants de la
réalité sociale attachée à la production d’une représentation sociale.
Moliner (199639) revient sur ces conditions d’émergence, qu’il considère
nécessaires mais incomplètes pour expliquer la naissance d’une
représentation sociale. Il va ainsi proposer cinq critères permettant « de
statuer sur la nature sociale ou non d’un objet, c’est-à-dire sa possibilité de
servir de base à une représentation » (Roussiau et Bonardi40, p. 21). Ces cinq
critères sont : l’objet, le groupe, les enjeux, la dynamique sociale et
l’orthodoxie.
Moliner (199341) rappelle le caractère polymorphe des objets, qui peuvent
prendre différentes formes. Si l’on prend l’exemple d’un objet comme
l’argent, les individus lui donnent des significations multiples comme la
liberté, le pouvoir ou encore la sécurité (e.g. Snelders et al., 199242 ;
Wernimont et Fitzpatrick, 197243).
Les autres critères, à l’exception de l’orthodoxie, sont en relation avec
l’intra et l’intergroupe. Moliner précise que les enjeux sont liés à l’identité
du groupe et au maintien de la cohésion sociale. Le concept d’orthodoxie est
utilisé pour définir ce qui est incompatible avec le processus
représentationnel. Ainsi, la présence d’un système de contrôle ou de
régulation de type « conseil de l’ordre » va avoir pour effet d’empêcher
« l’apparition du processus représentationnel en favorisant l’émergence de
l’élaboration idéologique ou scientifique » (Moliner, 1996, p. 46).
D’autres auteurs ont cherché à illustrer la genèse des représentations
sociales. C’est le cas de Wagner et al. (199944), qui décrivent un
fonctionnement type au travers d’un schéma circulaire illustrant les étapes de
la sociogenèse des RS.
Un groupe social qui vit dans un monde d’objets sociaux se retrouve à un
moment donné confronté à un événement non familier, qui menace l’identité
du groupe. Cela va susciter la recherche d’une adaptation matérielle et
symbolique collective.
Alors que l’adaptation matérielle est clairement une tâche pour les ingénieurs, les
scientifiques et autres professionnels, « l’adaptation symbolique » est au cœur de la
théorie des représentations sociales. En fait, la théorie des représentations sociales
vise à décrire et à expliquer exactement ce processus. (Wagner et al., 1999, p. 97,
notre traduction)
Pour s’adapter, la première réaction du groupe va être d’en parler, de
désigner l’objet à partir des symboles, ce qui constituera la phase d’ancrage
et contribuera à rendre le phénomène familier. Cette genèse est alimentée par
toutes les formes de communication sociale : conversation, médias et autres.
Les multiples « discours » vont conduire à une représentation « objectivée »
sous la forme d’une image, méthaphore ou symbole, et à l’élaboration d’une
nouvelle RS. Celle-ci va promouvoir l’identité sociale du groupe tout en
intégrant le monde des objets sociaux.
Au départ, l’adaptation symbolique implique une classe de réponses appelée
« ancrage ». Pour que le groupe parvienne à une compréhension de base du
phénomène inconnu, il est essentiel de le nommer et de lui attribuer des
caractéristiques qui permettent de communiquer et de parler du phénomène. Compte
tenu de sa méconnaissance, le groupe manque d’une représentation spécifique.
Comme pour le processus de catégorisation, les représentations existantes jugées
applicables sont donc mises en évidence et utilisées pour la désignation et la
compréhension. Par exemple, lorsque le Sida a fait son apparition dans l’opinion
publique il y a plus ou moins deux décennies, il était compris en termes de maladies
vénériennes comme la syphilis et comme une punition de Dieu par les personnes
plus religieuses. Ce n’est que plus tard que s’est développée une représentation
spécifique appelée Sida qui a permis de distinguer cette maladie des maladies
vénériennes dans le discours quotidien (Markova et Wilkie, 1987). (Wagner et al.,
1999, p. 97-98, notre traduction)
Chapitre 3
Différents modèles théoriques

Sommaire
1. Le modèle1 sociogénétique
2. La théorie du noyau central des représentations sociales : les
recherches complémentaires de Jean-Claude Abric et Claude
Flament
3. Le modèle sociodynamique
4. Le modèle dialogique
5. Réflexion et éléments de discussion

Allansdottir, Jovchelovitch et Stathopoulou (19932) font référence à la


flexibilité du concept de représentations sociales en mentionnant son
ouverture et les appropriations variées de cette théorie. Cette flexibilité a
d’ailleurs été à l’origine de certaines critiques, comme nous le verrons à la
fin de ce chapitre. Allansdottir et ses collaborateurs rappellent
historiquement que l’entrée de ce concept dans le monde anglo-saxon s’est
faite dans une période de crise de la psychologie sociale (Gergen, 19733).
Les années 1970 ont vu dans l’émergence de la cognition sociale « un
corollaire du paradigme dominant en psychologie générale » (Allansdottir
et al., p. 4, notre traduction). Plutôt que d’atténuer la crise, ce champ « a
aiguisé la question de savoir où trouver le social en psychologie sociale ou
qui ou quoi était social en psychologie sociale » (ibid., notre traduction).
Son émergence a contribué au développement de la psychologie sociale
européenne.
Le concept de représentation sociale a été caractérisé par l’ambition intellectuelle de
ses adhérents. Ils ont annoncé une révolution intellectuelle pour orienter la
psychologie sociale vers les traditions des sciences sociales européennes. (Billig,
19914, p. 57, notre traduction)
Comme l’écrit Moscovici à propos du courant des RS : « Nous devons
admettre qu’il a été conçu en dehors de la sphère d’influence de la
psychologie sociale américaine, qui a dominé la pensée et le style
scientifique de la plupart de nos collègues » (19885, p. 212).
La présentation des modèles suivants vient compléter les précédents
paragraphes sachant qu’à l’exception du premier chapitre, les chapitres 2
et 3 se sont appuyés sur des références à différents modèles sans les
préciser. Ici l’objectif est de faire ressortir les orientations spécifiques de
chaque modèle tout en montrant que des « carrefours » existent, selon
l’expression de Doise (19866).

1. Le modèle sociogénétique
Il semble opportun ici de présenter ce modèle en amont des autres, même
de façon succincte.
Le modèle sociogénétique ou anthropologique, fondé sur une approche
multidisciplinaire comme nous l’avons vu dans le premier chapitre,
caractérise le paradigme initié par Moscovici à l’École des Hautes Études
en Sciences Sociales (EHESS). Revenant sur l’histoire de ce modèle,
Kalampalikis et Apostolidis (à paraître7) signalent que les travaux de Denise
Jodelet dans les années 1980 ont apporté à ce modèle des bases claires sans
que le nom « modèle sociogénétique » apparaisse. L’approche
sociogénétique s’intéresse aux phénomènes dans leur milieu naturel et tente
d’appréhender l’objet représentationnel dans sa temporalité. Cette
temporalité est en lien avec l’histoire passée mais également l’histoire en
cours qui permet de conférer à l’étude des représentations sociales une
valeur prédictive (Jodelet, 20158).
Jodelet (2015) précise que le fait de relier la genèse et les fonctions de la
représentation sociale à l’expérience quotidienne s’explique par sa lignée
avec la phénoménologie.
La pensée est alors en relation « avec toutes les dimensions du social qui y
interviennent d’une part et avec l’incidence qu’elle peut avoir sur les
productions symboliques qui animent la vie et le changement social, d’autre
part » (Jodelet, 2015, p. 7). Ces produits mentaux que Jodelet (ibid.) appelle
« phénomènes représentatifs » relèvent à la fois d’une existence individuelle
et collective.
Les processus sociogénétiques renvoient à la manière dont les
représentations circulent au niveau de la société, comment elles se
développent, se modifient et interfèrent entre elles (Flick, Foster et Caillaud,
20159).
Selon les spécialistes de cette approche, elle se distingue d’autres
approches de recherche sur les représentations sociales par la spécificité de
l’objet et par l’approche méthodologique, plurielle et polymorphe (De
Oliveira Teixeira, 202010 ; Kalampalikis et Apostolidis, à paraître).
Du point de vue de la méthode, l’approche qualitative est importante et
pour accéder aux représentations, les chercheurs s’engagent par exemple
dans une analyse documentaire ou des interviews mais il y a une ouverture
sur d’autres méthodes. Cette approche va souvent de pair avec « une
tentative de considérer les processus plus micro-génétiques au sein des
représentations sociales, c’est-à-dire la manière dont les représentations sont
évoquées et discutées au niveau interactionnel, entre les individus d’un
groupe social » (Flick, Foster et Caillaud, p. 65, notre traduction).
La première étude de Moscovici (1961/1976) comportait également une
approche quantitative avec « un cahier-questionnaire », alors que l’étude de
Herzlich (196911) sur les représentations de la santé et de la maladie était
purement qualitative, fondée sur des entretiens libres.
L’orientation même de l’étude obligeait à accorder au sujet une certaine liberté, dans
la mesure où sa vision propre constitue l’objet même de l’observation : cela interdisait
tout recours à des méthodes d’observation trop fermées et suggérait de choisir
l’entretien libre individuel comme seule technique adéquate de collecte de données.
Le matériel ainsi recueilli n’est pas celui d’une enquête classique, centrée sur le
recensement exhaustif des opinions ou des comportements. (Herzlich, 1969/200512,
p. 25)
Cet exposé, trop long pour une préface, est un détour nécessaire pour situer le travail
de Mme Herzlich, sa signification et son originalité. Assurément, chacun de ses
lecteurs pourra le constater, questionnaires, échelles et tests statistiques manquent.
Elle s’en explique et à la limite, s’en excuse. Mais on est en droit de se demander si,
en l’état actuel des choses, il pouvait en être autrement. Ce qu’elle s’est proposé de
faire, et ce en quoi elle a parfaitement réussi, c’est de dégager minutieusement les
notions, le système de catégories, le langage qui séparent dans notre société santé
et maladie. (Moscovici, 200513, p. 11)
2. La théorie du noyau central des
représentations sociales : les recherches
complémentaires de Jean-Claude Abric et
Claude Flament
2.1 Débuts des recherches à Aix-en-Provence
En 197614, Abric a inauguré un nouveau courant de recherche qui serait
connu sous le nom de « théorie du noyau central », ou École aixoise des
représentations sociales, en avançant l’hypothèse du noyau central, qui allait
se concrétiser un peu plus tard (Abric, 198715). Mais cette idée de centralité
et de noyau n’est pas nouvelle. Comme nous l’avons vu dans le premier
chapitre, Heider et Asch ont fait référence à ces notions et Moscovici, dans
la description du processus d’objectivation, s’appuie sur le concept de noyau
figuratif. Mais la théorie du noyau central, en reprenant cette idée, va
dépasser son rôle génétique.
Abric présente le noyau central d’une représentation comme « tout élément
– ou ensemble d’éléments – qui donne à cette représentation sa signification
et sa cohérence. Autrement dit le noyau central d’une représentation est le
fondement même de la structure et de la nature de la représentation » (Abric,
1987, p. 68).
Nous pensons pour notre part que le noyau central est l’élément essentiel de toute
représentation constituée et qu’il peut, d’une certaine manière, dépasser le simple
cadre de l’objet de la représentation pour trouver directement son origine dans des
valeurs qui le dépassent, et qui ne nécessitent ni aspects figuratifs, ni
schématisation, ni même concrétisation. (Abric, 1994a16, p. 21)
Avant sa thèse d’État, Abric avait publié des travaux expérimentaux
montrant la détermination des pratiques par les représentations sociales que
nous examinerons dans le chapitre 5. Mais l’approche du modèle structural
n’est pas qu’expérimentale et plusieurs études de terrain réalisées dans ce
champ en témoignent.
La première étude de terrain qui ait permis de valider l’existence du noyau
central est la représentation sociale de l’artisan et de l’artisanat (Abric,
1984a17), étude financée par le ministère de l’Artisanat et du Commerce
français.
Mais à cet objectif empirique, lié à la demande concrète d’un client spécifique, nous
ajouterons un objectif théorique : celui de profiter de cette étude pour tester ou vérifier,
autant que faire se peut, l’hypothèse théorique que nous avons formulée concernant
l’organisation des représentations sociales et formulée sous l’appellation de théorie
du noyau central. (Abric, 1984a, p. 861)
Abric explique très concrètement l’intérêt d’étudier les représentations
sociales sur le terrain. L’approche structurale montre ainsi sa pertinence dans
le domaine appliqué qui sera essentiel pour mettre en évidence les processus
de transformation des représentations sociales.
Cette mise en évidence des représentations sociales nous apparaît comme
essentielle dans la perspective d’élaboration d’actions visant à promouvoir l’artisan et
le produit artisanal en France. En effet, c’est en fonction de ces représentations que
la population instaure une relation positive ou négative avec l’artisan, développe un
comportement d’achat ou de rejet du produit artisanal, s’intéresse ou non aux
problèmes de la situation sociale et économique de l’artisan, soutient ou non ses
revendications, etc. (Abric, 1984a, p. 861)
Dans cette étude conduite auprès d’une population de non-artisans (tableau 3.1), Abric a
posé deux hypothèses principales :
– H1 : la représentation de l’artisanat est déterminée par le revenu du ménage ;
– H2 : la représentation de l’artisanat est influencée par le lieu de vie de la population. La
méthode s’est appuyée sur des entretiens semi-directifs (N = 40) et sur un questionnaire de
caractérisation dont les informations recueillies (N = 80) ont servi à une analyse de
similitude (Flament, 1962 18, 1981 19).
Tableau 3.1 – Plan général d’enquête (extrait de Abric, 1984a, p. 862)
Localisation
Urbains Ruraux
20 20
Faibles
10 10
Revenus
20 20
Élevés
10 10
Les origines de l’analyse de similitude remontent aux années soixante qui ont vu
fleurir les interfaces entre sciences humaines et mathématiques. Dans cette
effervescence, Claude Flament avait le souci d’associer psychologie sociale et
formalisation. Il explorait la théorie des graphes pour expliquer les biais de
communication. Puis, associant sa pratique des analyses statistiques et les
possibilités ouvertes par les mathématiques du discret, il invente l’analyse de
similitude.
Alors que la méthode se développait, le trio des années soixante-dix20 visait une
formalisation mathématique de plus en plus sophistiquée. Ils découvraient l’arbre
maximum, les cliques et le filtrant des cliques. Ils exploraient la possibilité d’utiliser la
théorie des hypergraphes. (Bouriche21, 2003, p. 221)
Les résultats montrent que pour l’ensemble de la population, il existe bien une représentation
de l’artisan, collectivement partagée. Il y a quatre éléments centraux : il est consciencieux, il
est créatif, c’est un travail manuel, le produit est cher. Il semble exister deux types
d’artisanat : l’artisan artiste et l’artisan travailleur.
La représentation dans les différents groupes montre que les ruraux à revenus élevés ont une
représentation sociale plus floue et négative s’organisant autour des délais de livraison. La
représentation des trois autres groupes s’organise autour d’un noyau central bipolaire avec
d’un côté un pôle artisan-créateur-artiste et de l’autre un pôle artisan-producteur-travailleur.
Dans cette étude les graphes de similitude montrent des éléments centraux avec des structures
étoilées mais Flament apportera cette précision méthodologique selon laquelle, des éléments
centraux peuvent être excentrés (Flament, 1996a22).
Une recherche expérimentale a été conduite en parallèle auprès d’étudiants
en utilisant une tâche d’associations libres avec l’inducteur « artisan » et des
tris hiérarchiques successifs (Abric, 1994b23).
Les résultats convergent avec l’étude de terrain quant à la structure de la représentation
constituant « une vérification extrêmement forte de ces résultats » (Abric, 1994a, p. 32).
Cette recherche avait également pour objectif de confirmer le caractère stable et
organisateur du noyau central. Le protocole expérimental est le suivant. Il est demandé à des
étudiants (N = 92) de restituer une liste de mots associés à l’artisan tout de suite après
l’audition (mémoire immédiate) puis une heure après (mémoire différée). Pour la moitié des
étudiants, il y a dans la liste les éléments centraux et pour l’autre moitié, les éléments
périphériques. De plus dans chaque condition, on dit aux étudiants qu’ils vont entendre une
liste de mots sans préciser à quoi ils se réfèrent (condition représentation sociale non
invoquée) ou une liste de mots en lien avec l’artisan (condition représentation sociale
évoquée ; figure 3.1).
Figure 3.1 – Plan expérimental (extrait de Abric, 1989 24, p. 199)

Deux principales hypothèses sont posées. Tout d’abord la mémorisation des


éléments centraux sera meilleure, surtout en mémoire différée, de par leur
caractère organisateur (H1).
Ensuite quand les éléments centraux ne figurent pas dans la liste « les sujets
auront tendance à les réintroduire dans leur mémoire lorsqu’ils restituent une
liste associée à la représentation (condition représentation sociale
invoquée) » (p. 199 (H2)). Ceci attestant qu’ils sont nécessaires pour
réattribuer un sens à la représentation mémorisée. Ces deux hypothèses vont
être confirmées (tableaux 3.2 et 3.3).
Tableau 3.2 – Proportion de mots mémorisés (H1 ; extrait de Abric, 1989, p. 199)
Représentation Représentation
Invoquée Non invoquée Invoquée Non invoquée
Éléments centraux .73 .78 .77 .76
Éléments périphériques .61 .65 .55 .53
Mémoire immédiate Mémoire différée
Tableau 3.3 – Proportion d’éléments absents réutilisés
(H2 ; extrait de Abric, 1989, p. 200)
Représentation Représentation
Invoquée Non invoquée Invoquée Non invoquée
Éléments centraux .14 .09 .20 .13
Éléments périphériques .06 .09 .09 .12
Mémoire immédiate Mémoire différée

En 1987, Abric précise que toute représentation comprend trois éléments


essentiels : « un noyau central et un ensemble d’informations, d’attitudes et
de croyances organisées autour de ce noyau central, et un système de
catégorisation » (p. 68).
Tout d’abord concernant la nature du noyau, elle résulte des trois points
suivants.

La nature du noyau de la représentation


– des caractéristiques individuelles du sujet et en particulier de la nature de son
implication avec l’objet de la représentation et de ses attentes,

– des caractéristiques plus proprement sociales de l’objet, c’est-à-dire sa relation avec


les normes et valeurs du système social dans lequel il baigne,

– de la finalité de la situation dans laquelle s’inscrivent le sujet et l’objet, et des objectifs


explicites ou implicites du sujet qui élabore la représentation. (Abric, 1987, p. 69)
Abric (1987) identifie dans le noyau central deux dimensions principales :
l’une est fonctionnelle et s’appuie sur des éléments en lien avec l’action et
l’autre est normative et concerne les jugements, opinions ou stéréotypes. À
l’époque, Abric reconnaît que le repérage des éléments centraux n’est pas
sans difficulté et qu’en l’état actuel, on se situe « aux ébauches d’une
approche formelle des représentations » (p. 70).
Il n’en reste pas moins qu’en l’état actuel de la méthodologie de l’étude des
représentations, le repérage du noyau central d’une représentation rencontre des
difficultés considérables. On peut cependant penser en termes opératoires que dans
l’ensemble organisé d’éléments que constitue une représentation, le, ou les éléments
centraux seront ceux dont la suppression entraînerait une totale désarticulation de la
structure…
Les travaux de Flament (198125) nous semblent pouvoir fournir à terme un instrument
de repérage de ces noyaux centraux… (Abric, 1987, p. 69-70)
Abric (1987) avance deux explications à la difficulté d’accéder aux
représentations sociales. La première est liée au manque d’outils spécifiques
que requiert l’étude expérimentale des représentations, qui conduit à
l’utilisation de questionnaires et entretiens non exempts d’inconvénients.
1. Ils produisent des discours, donc des représentations médiatisées par le langage.
2. Ils déterminent des résultats non indépendants du type de questionnement élaboré
par le chercheur lui-même. (Abric, 1987, p. 59)
La seconde explication, d’ordre théorique, porte sur la tendance à
considérer l’approche des RS comme strictement cognitiviste. En effet il ne
faut pas omettre les dimensions d’ordre psychologique, social et
idéologique.
En effet, l’approche cognitive suppose bien, comme celle des représentations,
l’existence d’un sujet actif, dont les motivations, les attitudes déterminent à la fois le
type d’appréhension du monde et les réactions qu’il met en œuvre…
Mais la notion de représentation dépasse le strict cadre cognitiviste en ce sens qu’elle
n’est pas seulement un filtre interprétatif, elle n’est pas la simple application d’une
grille, comme le fait justement remarquer Herzlich (1972), mais une activité beaucoup
plus complexe de restructuration complète de la réalité, où les dimensions
psychologiques, sociales, et idéologiques jouent à plein. (Abric, 1987, p. 60)
Concernant les autres éléments de la représentation, Abric (1987) fait
référence à un certain nombre de principes identifiés au travers de
l’expérimentation et notamment en recourant aux travaux de Codol sur les
groupes restreints (197226). La représentation étant un ensemble organisé, il y
a à l’intérieur de cet ensemble des sous-ensembles organisés. Codol a ainsi
montré que dans les situations de travail en groupe, ce qu’il a appelé « la
représentation globale de la situation » allait être impactée par les
représentations d’autres éléments dans la situation : soi, autrui, le groupe et
la tâche.
Mais [la représentation] dépend aussi de l’univers cognitif global de l’individu ainsi que
des autres représentations. En effet, par le jeu de la catégorisation, qui fait qu’une
même catégorie peut exprimer un ensemble de caractéristiques appartenant à des
objets partiellement différents, les représentations ne sont pas des sous-ensembles
disjoints à l’intérieur de l’univers cognitif, lorsqu’on se représente quelque chose c’est
toujours en référence à autre chose…
Avant la prise en considération d’un objet particulier, l’individu est donc d’abord
confronté à une représentation globale de la situation. (Codol, 1972, p. 49)
Pour Abric (1987), si l’on cherche à appréhender la représentation globale
de la situation, « se pose le problème de l’articulation et de la pondération
des différentes sous-dimensions » (p. 70).
Nous avons vu, dans les propos de Codol ci-dessus, le rôle de la
catégorisation. Elle est pour Abric « l’outil essentiel de la dynamique de
constitution, de maintien ou d’évolution de cette représentation » (1987,
p. 71). Il va ainsi décrire la fonction de ce système qui permet de réduire
l’environnement par l’assemblage en grandes catégories et qui a comme
conséquence une « systématisation » de l’environnement facilitant la
communication. La catégorisation permet aussi d’orienter le comportement et
d’assurer le maintien de la cohérence interne de la représentation. Celle-ci
est d’ailleurs protégée et, comme l’explique dès le départ Abric (1987), tout
va être fait pour éviter que la signification centrale ne soit touchée.
C’est pourquoi, toute transformation de la représentation portera prioritairement sur la
transformation des éléments périphériques, sans que le noyau central soit remis en
cause… L’évitement de cette remise en cause, comme le principe d’économie qui
régit la plupart des phénomènes cognitifs, interdisent donc une transformation du
noyau central tant que les éléments nouveaux peuvent être intégrés au prix d’une
transformation mineure des éléments périphériques… Dans tous les cas l’évolution
d’une représentation s’opérera avec comme objectif central le maintien d’une certaine
cohérence interne qui garantit l’identité et la continuité du sujet lui-même. La
transformation réelle et effective d’une représentation ne s’opérera donc que lorsque
ce seront les éléments du noyau central eux-mêmes qui seront mis en cause et ne
pourront se maintenir. (Abric, 1987, p. 74-75)
Cette hypothèse sera confirmée dans les travaux expérimentaux de Moliner
(198827). Il va repartir des travaux de Flament (e.g. 198228) sur l’amitié et
l’égalité (ou absence de hiérarchie) dans l’image du groupe ; deux éléments
qui peuvent apparaître comme liés.
L’amitié et l’égalité sont liées dans l’image du groupe, telle que nos étudiants la
présentent lorsqu’au début d’un cours, on leur demande une définition de la notion de
groupe : un groupe est un ensemble d’individus ayant des relations affectives
positives (les relations négatives ne sont jamais mentionnées) ; ils ont des activités,
des buts, des idées, des attitudes… en commun ; ils ne sont pas différenciés, sauf
peut-être dans l’organisation d’une activité efficace, et alors, l’égalité est recouvrée
par le biais de l’équité ; ils ne sont pas hiérarchisés (sauf dans les réponses des
élèves d’une école militaire !). (Flament, 1982, p. 162)
Moliner (1988) démontre que la mise en cause (MEC) des deux éléments
n’a pas les mêmes conséquences sur la RS (Flament et Moliner, 198929 ;
tableau 3.4). Ainsi, ces travaux ont permis d’identifier que deux éléments de
la représentation affectés du même degré de centralité quantitative, pouvaient
se différencier au niveau qualitatif : l’un appartenant au noyau central, l’autre
non.
La théorie du noyau central permet de prévoir que la mise en cause d’un élément du
noyau entraîne le rejet de la représentation « groupe idéal » comme grille de
décryptage de la situation (un groupe égalitaire ne peut être hiérarchisé). Au contraire,
la mise en cause d’un élément hors du noyau ne nécessite pas le rejet de la grille de
décryptage : on peut considérer que ce groupe sera toujours un « groupe idéal »,
même s’il est un peu bizarre. (Flament et Moliner, 1989, p. 140)
Tableau 3.4 – Pourcentage de sujets considérant le groupe
comme étant un « groupe idéal » (extrait de Flament et Moliner, 1989, p. 141)
LORSQU’A ÉTÉ MISE EN CAUSE
L’absence de hiérarchie La convergence d’opinions
21,5 73,3
N = 28 N = 30

La périphérie n’a pas au départ, la notoriété du noyau central et ce sont les


travaux de Flament qui vont lui donner ses lettres de noblesse. Au sein de
l’École aixoise, Flament a joué un rôle majeur dans le développement de
cette théorie, comme l’a rappelé Abric lors de sa communication à la
première conférence internationale sur les représentations sociales à Ravello
en 1992 (publiée en 1993).
Dans cette brève communication, je m’efforcerai de résumer les réflexions
théoriques sur la structure et la dynamique des représentations sociales qui ont été
atteintes dans notre laboratoire d’Aix-en-Provence, C. Flament ayant une large part
dans les idées avancées dans la présente communication. (Abric, 1993, p. 75, notre
traduction)
2.2 Représentation autonome et schèmes
périphériques (Flament, 1987)
Dans une publication de 198730, Flament a mis en évidence la notion de
représentations autonomes, qu’il allait reprendre dans un chapitre de
198931.

La notion de représentations autonomes (Flament, 1987, p. 144)


Nous avons observé deux cas opposés.
Premier cas
Le lieu de cohérence du champ représentatif de l’objet x est dans la représentation d’objets
y, z,… plus ou moins liés à x. Exemple (Abric, 1981) : des hommes d’affaires, habitués à
voyager par le train, disent que la correspondance entre deux trains est très pénible / est
assez agréable. Elle est pénible lorsqu’elle fait passer d’un train de prestige à un train
médiocre ; elle est agréable dans le cas inverse. Donc, la représentation de la
correspondance entre deux trains n’est pas autonome : elle renvoie à la représentation des
trains (objet y) en liaison avec l’image de soi (objet z) qu’ont les hommes d’affaires (seul un
train de prestige est digne d’eux).
Deuxième cas
Le lieu de cohérence de la représentation de l’objet x est au niveau même de cet objet.
Exemple (Jodelet, 1985) : on observe des paysans qui hébergent des malades mentaux
qui ne sont pas de la famille ; dans certains foyers, le malade est intégré à la famille ; dans
les autres, au contraire, il est ségrégué.
L’opposition des pratiques est si nette que, dans un premier temps de sa recherche,
l’auteur a fait l’hypothèse de l’existence de deux représentations. Mais l’approfondissement
du travail a montré l’unicité de la représentation à travers toute la population étudiée ; la
cohérence est assurée par une théorie psychiatrique naïve, qui voit l’organisme, en ce qui
concerne la maladie mentale, polarisé entre le cerveau et les nerfs : les malades du
cerveau sont inoffensifs et peuvent être intégrés ; les malades des nerfs sont dangereux et
doivent être ségrégués. Donc, la cohérence du corpus relatif à la maladie mentale est une
théorie naïve de la maladie mentale. Dans un tel cas, nous parlerons de représentation
autonome.

Ainsi, une représentation autonome possède tous les éléments requis pour
comprendre le réel, elle est organisée autour d’un noyau et d’une périphérie
dont les caractéristiques et les fonctions sont complémentaires. La
connaissance de l’objet de représentation nécessite de mettre au jour cette
structure, c’est-à-dire les éléments qui forment le noyau, ceux qui constituent
la périphérie mais aussi leurs relations. Cependant si les représentations
sociales autonomes ont « un principe organisateur interne et unique », il faut
considérer cet aspect comme étant spécifique.
Ce rôle organisateur est parfois confondu avec d’autres aspects importants dans la
théorie des représentations sociales, notamment certains relevant de la génétique
moscovicienne. Ainsi, Doise (1985) emploie de façon quasi synonymique les
expressions de principe organisateur et de principe générateur. (Flament 1994a,
p. 45)
En se référant à la théorie des scripts (Schank et Abelson, 197732) et à celle
de la prototypicalité (Cordier, 198133), Flament, en 1987, présente les
éléments périphériques comme des schèmes.
Cependant la notion de schèmes liés aux représentations se retrouve dans
des travaux antérieurs à cette date. Les travaux qu’il propose autour des biais
et schèmes d’équilibre s’inscrivent dans son intérêt pour la formalisation des
structures cognitives (Flament, 198234).
Pour revenir aux schèmes périphériques, il s’agit de schèmes opératoires
qui identifient ce qui est « normal » tout en prenant en compte des
contradictions possibles. Dans la théorie du noyau central, ces schèmes sont
plus ou moins proches du centre et activés par les diverses situations en
donnant lieu à « un fonctionnement quasi instantané de la représentation
comme grille de décryptage d’une situation » (Flament, 1989, p. 209).
L’individu va ainsi disposer de nombreuses règles qui vont lui permettre de
comprendre chacun des aspects de la situation, de les anticiper et d’adapter
des conduites et des discours appropriés. Les schèmes périphériques
permettent à la représentation de fonctionner de manière économique
puisqu’ils indiquent ce qu’il est normal de faire dans telle ou telle situation
et, le cas échéant, « amortissent » les transformations susceptibles de toucher
le principe organisateur.
En effet, les événements en désaccord avec la représentation vont s’inscrire
au niveau des schèmes périphériques (Flament, 1989). Flament attribue aux
schèmes périphériques trois fonctions essentielles : ils sont tout d’abord
prescripteurs des comportements en indiquant ce qu’il est normal de faire ou
de dire dans une situation donnée ; ensuite ils permettent une
personnalisation des représentations et des conduites et enfin ils protègent le
noyau central : « Un système périphérique fonctionne comme le pare-chocs
d’une voiture : il protège en cas de nécessité les parties essentielles de la
voiture, mais il peut être cabossé » (Flament, 1987, p. 146). Cette notion de
schèmes est importante dans le processus de transformation d’une
représentation sociale comme nous le verrons dans le chapitre 5.
À la lumière de ses travaux sur la conditionnalité (voir chapitre 7), Flament
va revenir en 1994a35 sur la question de l’autonomie, ou plutôt va enrichir
les connaissances à propos d’une représentation sociale non autonome. Il la
considère comme « multiple » : « Notamment en ce qui concerne les divers
systèmes conditionnels associés respectivement à ces divers principes
organisateurs » (p. 44).
Flament suppose l’existence de conflits pouvant être résolus par
l’autonomisation de la représentation sociale et il donne l’exemple du travail
le dimanche.
Dans notre culture, le dimanche est traditionnellement le Jour du Seigneur, occupé
par diverses activités culturelles (messe, vêpres, etc.) ; de façon plus récente, le
dimanche est partie du week-end occupé par des loisirs profanes, notamment
familiaux.
En ce qui concerne le travail du dimanche, les exceptions qui l’autorisent ne sont pas
de même nature selon le pôle religieux ou le pôle loisirs…
Mais ce qui apparaît comme un début d’autonomisation de la représentation sociale
du dimanche est que le dimanche est le jour du loisir (au singulier), c’est-à-dire le jour
où l’on est libre de faire ce que l’on veut (ce qui laisse place aux pratiques religieuses,
aussi bien qu’au travail du dimanche), mais sur la base d’un système conditionnel
nouveau, unique et autonome. (Flament, 1994a, p. 45)

2.3 Définitions des caractéristiques du noyau central


et de la périphérie
Plusieurs années se sont écoulées et la recherche fondamentale et appliquée
permet une lecture affinée des caractéristiques du noyau central et de la
périphérie qui peuvent, de prime abord, sembler contradictoires.
D’un côté les représentations sociales sont rigides et flexibles, de l’autre
elles sont consensuelles mais aussi marquées par de fortes différences
interindividuelles (tableau 3.5).
Dans une publication de Abric en 1994c36, nous observons deux
changements dans le tableau des caractéristiques par rapport à celui de
199337. Tout d’abord dans la formulation de la première caractéristique du
système périphérique : le choix des termes a été quelque peu modifié
puisqu’on lisait en 1993 : « permet l’intégration des expériences
individuelles et des histoires passées » ; puis dans l’ajout explicite d’une
ligne : « résiste au changement (NC) / évolutif (périphérie) » qui
n’apparaissait pas dans la publication de 1993 bien que cela soit mentionné
dans le texte.
Tableau 3.5 – Caractéristiques du système central et du système périphérique
de la représentation (extrait de Abric, 1994c, p. 81)
Système central Système périphérique
Lié à la mémoire collective et à l’histoire du Permet l’intégration des expériences et histoires
groupe individuelles
Consensuel
Supporte l’hétérogénéité du groupe
Définit l’homogénéité du groupe
Stable
Souple
Cohérent
Supporte les contradictions
Rigide
Résiste au changement Évolutif
Peu sensible au contexte immédiat Sensible au contexte immédiat
Fonctions : – Permet l’adaptation à la réalité concrète
– Génère la signification de la représentation – Permet la différenciation du contenu
– Détermine son organisation – Protège le noyau central

L’organisation interne des représentations sociales montre finalement la


complémentarité des deux entités, avec un noyau central qui abrite les
éléments partagés par le groupe et une périphérie beaucoup plus malléable,
diversifiée et qui intègre l’expérience individuelle.
Les fonctions du noyau central ou « noyau structurant » permettent de
comprendre que c’est en référence à lui que les autres éléments du champ
représentationnel seront interprétés. C’est à travers le noyau que la
signification des autres éléments de la représentation va se créer ou se
transformer, et il constitue « l’élément unificateur et stabilisateur de la
représentation : toute modification du noyau central entraîne une
transformation complète de la représentation. Pour que deux représentations
sociales soient différentes, elles doivent être organisées autour de deux
noyaux centraux différents » (Abric, 200338, p. 375).
La périphérie, quant à elle, parce qu’elle est liée au contexte immédiat, va
permettre l’adaptation et protéger le sens de la représentation : « C’est le
système périphérique qui va en quelque sorte protéger le noyau central en
absorbant les variations du contexte susceptibles de transformer et de
remettre en cause le système central » (Bourgeat-Carter, 199339, p. 22).
Dans une publication de 200140, Abric précise que le noyau central
comprend un petit nombre d’éléments et énumère trois fonctions
essentielles :
– la signification de la représentation (fonction génératrice) ;
– son organisation interne (fonction organisatrice) ;
– sa stabilité (fonction stabilisatrice).
Flament et Rouquette (200341) précisent que les éléments d’une RS ne sont
pas énumérables et qu’ils ne sont pas tous « structuralement équivalents ». Ils
avancent que le noyau central comprend moins de six éléments et le plus
souvent deux. Les éléments du noyau central peuvent être « prioritaires » ou
« adjoints42 ».
… les premiers ayant un caractère totalement inconditionnel tandis que les seconds
reçoivent leur nom du fait qu’ils prennent leur valeur par adjonction aux premiers.
Reprenons l’exemple du groupe idéal. Celui-ci a pour caractéristiques centrales
l’amitié et l’égalité entre ses membres. Mais on constate empiriquement que s’il est
décrit comme amical sans être égalitaire, le groupe envisagé se trouve moins éloigné
du modèle représentationnel « idéal » que s’il est égalitaire sans se révéler amical.
L’amitié constitue ainsi un élément central prioritaire et l’égalité un élément central qui
se trouve « adjoint » au précédent et qui prend son sens ou sa fonction par rapport à
celui-ci (Rateau, 1995). (Flament et Rouquette, 2003, p. 24-25)
Certains éléments périphériques peuvent aussi devenir plus saillants en
fonction des circonstances et conduire à douter de leur statut. Dans ce cas on
fait référence à des éléments périphériques « suractivés », à la différence des
autres éléments périphériques « normaux » (tableau 3.6).
Tableau 3.6 – Les quatre statuts structuraux des éléments
d’une RS : Cp, Ca, Ps, Pn (extrait de Flament et Rouquette, 2003, p. 25)
Élément
Central Périphérique
Prioritaire Adjoint Suractivé Normal

Finalement cette périphérie est apparue, avec les recherches, plus


importante qu’elle n’y paraissait au départ, ses éléments ayant un rôle
essentiel dans le fonctionnement et la dynamique des représentations : « c’est
dans la périphérie que se vit une représentation sociale au quotidien… Et le
fonctionnement du noyau ne se comprend qu’en dialectique continuelle avec
la périphérie » (Flament, 1994c, p. 85).
Le terme de périphérie a souvent causé une idée fausse de cette entité
puisqu’il renvoie implicitement à une connotation de deuxième catégorie
(Gaymard, 201143). À ce propos, Flament (1994c) n’hésite pas à parler de
« dédain ». Dans les écrits on rencontre régulièrement cette idée que le
noyau central est « l’élément fondamental » de la représentation (e.g. Abric,
1994a44) ou encore celle du caractère « de moindre importance » des
éléments périphériques (Moliner, 198845). Ceci explique aussi les rares
recherches axées davantage sur la périphérie (Gaymard, 199946 ; Katérélos,
199347).
Par exemple, Katérélos (1993), en étudiant la représentation sociale de la
relation éducative chez les instituteurs, avait fait l’hypothèse d’un système
apparemment autonome et dénommé sous-structuration périphérique (SSP).
Le discours des instituteurs apparaît fortement conditionnel : « La relation
éducative normale est celle de la pédagogie libérale… mais dans certaines
conditions (en ZEP), il faut revenir à la pédagogie traditionnelle :
autoritaire ». L’auteur propose une hiérarchie des deux systèmes : le système
« pédagogie nouvelle », qui a comme éléments centraux « transmission du
savoir » et « respect réciproque », contient un sous-système, le système
« pédagogie traditionnelle », organisé autour des éléments « normes
réciproques », « communication à sens unique » et « imposition
d’automatismes ». L’auteur va alors proposer la notion de « sous-
structuration périphérique » afin d’expliquer ce système avec une première
organisation autour du noyau central et une seconde « liée au noyau central,
mais, dans certains cas, fonctionnant de façon quasi-autonome ».

2.4 Les relations entre les objets de représentation :


emboîtement, réciprocité et antonymie
Les travaux conduits dans le champ de l’approche structurale ont fait
ressortir différents types de relations entre les représentations sociales, qui
forment l’environnement social et symbolique pour les individus (Pianelli,
Abric et Saad, 201048).
Une étude sur la représentation de la banque (Abric et Vergès, 199449) et
une autre sur l’argent (Vergès, 199250 ; voir chapitre 4) ont permis de mettre
au jour des relations d’emboîtement et des relations de réciprocité.
Concernant les relations d’emboîtement, elles peuvent être illustrées par les
rapports qu’entretiennent trois objets : l’argent, la banque et le prêt
(tableau 3.7).
Tableau 3.7 – Relations d’emboîtement
Objet « argent » Objet « banque » Objet « prêt »
(N = 767) (N = 504) (N = 501)
banque
travail argent
NC argent
bien-être prêt
intérêt
banque
Périphérie (exemple d’items) intérêts
prêt

Ces trois objets ont des rapports d’emboîtement, caractéristiques de la


dépendance d’un objet par rapport à un autre. Leur relation est fondée sur
une hiérarchie et « on peut retrouver d’une certaine façon l’idée de non-
autonomie de ce type de représentation » (Abric, 200151, p. 100).

Les niveaux d’objets (Abric, 2001, p. 99)


L’objet de niveau « inférieur » comprend l’objet « supérieur » dans son noyau central.
Chaque noyau central des représentations emboîtées reprend l’objet « supérieur »
(exemples : le noyau central de banque intègre argent, le noyau central de prêt intègre
banque et argent)…

La relation d’emboîtement (Pianelli, Abric et Saad, 2010, p. 244)


La relation d’emboîtement permettrait ainsi de favoriser l’autonomisation de nouvelles
représentations à partir de représentations déjà existantes dans l’environnement social.
Cette hypothèse est en cohérence avec la fonction de savoir et d’interprétation de la
réalité des représentations sociales (Abric, 1994). Puisque les représentations
permettent aux individus d’acquérir et d’intégrer de nouvelles connaissances, elles
devraient contribuer à l’élaboration des représentations sociales de nouveaux objets.

Revenons plus en détail sur l’étude d’Abric et de Vergès (1994)


commanditée par la Banque populaire et le Crédit mutuel.
À la suite d’une tâche d’associations libres avec l’inducteur « banque », les
auteurs ont tout d’abord identifié deux éléments centraux : le terme
« argent », cité par 79 % de la population, et les termes en rapport avec le
prêt (prêt, crédit, emprunt), évoqués par 74 % de la population. Le système
périphérique comprenait des thèmes comme les modes de paiement, la
gestion des comptes, le placement, l’épargne, les intérêts et les agios.
Ensuite les auteurs ont utilisé le test de « mise en cause » à partir d’une liste
de phrases de type : « Une personne qui se sert de votre argent pour financer
l’investissement des entreprises… » ou « une personne qui garde votre
argent à l’abri… » (tableau 3.8).
Tableau 3.8 – Contrôle de la centralité (extrait de Abric et Vergès, 1994, p. 9)
Ce n’est pas
Question 2 C’est un banquier Il est possible que
un banquier

Accorde un prêt 79 20 1
Garde à l’abri 71 20 9

Finance l’investissement
61 29 10
des entreprises
Procure moyens de paiement 57 30 13
Propose de gérer votre argent 59 33 8
Conseille l’usage de l’argent 59 31 10

Place en bourse 45 35 20
Fait travailler l’argent
48 22 30
à son profit
Permet de dépenser
42 24 34
sans argent

Les résultats de la MEC ont confirmé la précédente analyse : le banquier


est celui qui prête et qui permet de mettre son argent à l’abri (respectivement
79 % et 71 %). L’analyse du contenu et de la structure de la représentation de
la banque proposée par les auteurs met en évidence la question de la
dépendance d’un objet par rapport à un autre.

La relation de dépendance des objets


• Un élément de type normatif, constitué par la représentation d’un autre objet : l’argent.
De ce point de vue la représentation de la banque n’est pas autonome : elle dépend
d’une représentation plus large, celle de l’argent. C’est la représentation de l’argent qui
va donner la signification de la représentation de la banque.

• Un élément de type expérientiel (ou fonctionnel) : le prêt

Périphérique dans la représentation de l’argent (cf. étude Vergès, 1992), l’élément


« prêt » devient central (donc spécifique) dans la « sous »-représentation « banque ».

Le normatif n’apparaît donc pas directement lié à la banque mais à l’argent. C’est dans
le fonctionnel, l’expérientiel que se constitue la spécificité « banque », et plus
précisément : c’est la situation de prêt qui est l’événement fondateur de l’image de la
banque. Donc celle aussi sur laquelle il faudrait agir pour modifier l’autre composante du
noyau central : le rapport à l’argent (Abric et Vergès, 1994, p. 5).

La relation de réciprocité explique que les objets entretiennent une relation


d’influence réciproque tout en étant indépendants. Une des conséquences
directes, si l’on prend par exemple les deux objets « travail » et « argent »,
est la présence de chaque objet dans le noyau central de l’autre objet.
Cependant chaque objet a son propre noyau avec des éléments spécifiques
confirmant qu’il s’agit bien de deux représentations sociales.
Bourgeat-Carter (199352), dans ses travaux dont nous parlerons un peu plus
loin, met également en évidence des relations de réciprocité entre ses objets.
Milland (200153), Deschamps et Guimelli (200454), dans leurs études
respectives (travail/chômage ; sécurité/insécurité), dégagent une relation
d’antonymie qui met en évidence dans les champs représentationnels des
objets, des thèmes communs.
Dans ces deux derniers cas, les représentations, qu’elles aient une relation
de réciprocité ou d’antonymie, gardent une autonomie.

2.5 Claude Flament et les mathématiques


On peut dire de Claude Flament qu’il n’était pas qu’un psychologue social,
il était également un spécialiste de la psychologie mathématique. Cela
explique ses nombreux apports méthodologiques : analyse de similitude,
théorie des graphes, effet Guttman, algèbre de Boole…
Certains se plaignent de l’irruption des mathématiques dans les sciences humaines ;
comment peut-on réduire l’Homme à quelques chiffres ? En effet, cela n’est guère
faisable. Mais il ne faut pas oublier deux choses : d’abord, lorsque nous
« mathématisons » un problème, nous n’avons d’autre ambition que de donner un
modèle approximatif de la réalité étudiée ; ensuite, ce modèle peut fort bien ne pas
être numérique.

Si dans un domaine quelconque, nous raisonnons logiquement, il est plus ou moins


facile, plus ou moins utile, mais toujours possible de donner une forme mathématique
à notre raisonnement.

Il est rare que dans les sciences humaines la « mathématisation » ainsi conçue,
conduise rapidement à un modèle numérique (trop de modèles numériques ont été
imposés illégitimement dans nos disciplines). Le nombre – ou, plus exactement, les
structures numériques sont des structures mathématiques très riches ; elles
possèdent un grand nombre de propriétés très particulières. Donner d’une réalité un
modèle numérique revient à supposer que cette réalité soit approximativement
isomorphe à une structure numérique et possède des propriétés équivalentes aux
propriétés de cette structure – ce qui est rarement vrai.

Il faut donc recourir à des structures non numériques, en particulier à des structures
mathématiques assez pauvres, dont les quelques propriétés seront facilement
détectées dans la réalité étudiée.

La théorie des graphes est l’un des moyens de manipuler certaines de ces structures
pauvres ; c’est, comme nous le verrons, la théorie des relations quelconques.

Ce petit livre se propose d’esquisser le traitement par les graphes de deux problèmes
de psycho-sociologie des petits groupes.

Il a été rédigé à la demande du Professeur J. Coleman pour être publié aux États-
Unis dans une collection de mathématiques sociales ; sans doute la rédaction en
aurait été quelque peu différente s’il avait été initialement destiné à un public français.
(Flament, 196855, p. 7)

3. Le modèle sociodynamique
L’approche sociodynamique des représentations sociales a été développée
par l’École de Genève (Doise et Palmonari, 198656). Cette approche dite
« des principes organisateurs » s’intéresse aux points de dissimilarité de la
représentation. Doise, Clemence et Lorenzi-Cioldi (1992a57) titrent
d’ailleurs l’introduction de leur ouvrage Représentations sociales et
analyses de données de la manière suivante : « Représentations sociales
sans consensus », précisant l’intérêt de mettre au jour les « principes
organisateurs des différences entre réponses individuelles » (p. 11). Pour
Doise (199258), la description des RS comme réalités objectives doit être
associée à la prise en compte de « leur ancrage dans des dynamiques
relationnelles » (p. 189). Doise, Clémence et Lorenzi Cioldi (ibid.) vont
montrer le rôle des méthodes factorielles dans l’étude de l’ancrage,
défendant une conception différentialiste des RS.
Cette approche revendique haut et fort la position du concept de
représentation sociale à l’intersection du psychologique et du sociologique.
Son ancrage sociologique se trouve dans le choix de l’expression « principes
générateurs de prises de position » proposée par Bourdieu en 1977. Mais
pas uniquement car cette approche se réclame d’autres concepts clés de
l’œuvre de Bourdieu comme les notions de champ, d’habitus et de
disposition.
Les représentations sociales sont des principes générateurs de prises de position
liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux et
organisant les processus symboliques intervenant dans ces rapports. (Doise, 198659,
p. 85)
Doise démontre la compatibilité de ces concepts avec la conception de
Moscovici : « En quelque sorte le concept de représentation sociale tel que
Moscovici l’utilise en psychologie sociale peut être considéré comme
l’équivalent du concept d’habitus utilisé par Bourdieu en sociologie »
(Doise, 199060, p. 114). La notion de champ renvoie à « un ensemble
d’objets sociaux ayant entre eux des relations de hiérarchie et d’opposition »
(Doise, 1986, p. 85-86).
À l’intérieur de ces champs, la hiérarchie des valeurs est un enjeu de luttes ; les
oppositions qui caractérisent un champ sont homologues à celles qui existent entre
les classes ou fractions de classes d’une société. D’où une notion importante : celle
d’homologie structurale qui signifie que les relations à l’intérieur d’un champ
spécifique sont de même nature que les relations entre les classes du champ des
rapports de production. (Doise, 1986, p. 86)
C’est pourquoi, selon Doise, les principes organisateurs sont des principes
de hiérarchisation et d’opposition qui apparaissent dans la théorie des
champs de Bourdieu mais qui renvoient aussi aux principes isolés par
Moscovici (1961/1976) dans les dynamiques de propagande, de propagation
et de diffusion (dichotomie, adaptation, assimilation, syncrasie).
Ensuite les notions d’habitus et de disposition traduisent les liens entre
dynamiques individuelles et sociologiques. Pour illustrer ses propos, Doise
reprend plusieurs citations de Bourdieu et convient qu’il est possible pour
des auteurs n’appartenant pas aux mêmes disciplines de « se trouver au
même carrefour sans s’en apercevoir » (1986, p. 82).
Doise précise aussi son désaccord sur la conception de Bourdieu et
Passeron selon laquelle le concept de représentation sociale proviendrait
« des naïvetés des philosophies sociales du consensus » (Bourdieu et
Passeron, 1970, cités par Doise, 1986, p. 89).
Il rappelle que Moscovici ne voit pas le consensus comme « une
caractéristique essentielle du fonctionnement ou du produit des
représentations sociales » (p. 90). Il peut y avoir une multitude de prises de
position générées à partir de principes organisateurs communs.
Il est entendu que sens commun n’égale nullement consensus, tout comme
l’adhésion à une idéologie commune n’entraîne pas nécessairement une uniformité
au niveau des opinions… (Doise, 1986, p. 90)
L’approche des principes organisateurs porte donc un intérêt particulier à
l’ancrage. Doise (1992) va ainsi présenter trois types d’ancrages dans les
études de représentations sociales : l’ancrage psychologique, l’ancrage
psychosociologique et l’ancrage sociologique.
Pour illustrer le premier type, il présente une étude portant sur les RS des causes de la
délinquance chez des étudiants de psychologie (Doise et Papastamou, 1987 61). Il s’agissait
d’étudier les croyances générales sur la délinquance (les causes), sur les traitements à
l’usage des délinquants (prison et soins psychiatriques), et leur impact dans l’explication de
cas concrets.
« Pour saisir les croyances générales sur les causes de la délinquance, nous avons adopté
un questionnaire qui s’était déjà révélé utile pour étudier ces croyances dans une autre
population d’étudiants… Le questionnaire sur les explications des cas concrets comprenait
quatre pages. Sur chaque page figurait une brève description d’un cas, comme : « Un
fonctionnaire-stagiaire a été surpris par la police en train de couvrir les murs d’un bâtiment
public avec des slogans antimilitaristes. » Après avoir lu cette présentation, les interrogés
devaient dire pourquoi l’auteur de l’acte en question s’est comporté de la sorte… La forme
d’ancrage qui nous intéresse ici est l’imbrication entre les opinions exprimées sur les cas
concrets (deuxième questionnaire) et les opinions générales exprimées dans le premier
questionnaire » (Doise, 1992, p. 190).
Les analyses factorielles effectuées sur le premier questionnaire ont permis d’identifier les
principes organisateurs qui participent à « la structuration des croyances générales sur
l’origine de la délinquance » et d’autres impliqués dans « les opinions sur les traitements
qu’il faut réserver aux délinquants : ils portent sur l’intervention thérapeutique ou sur le rôle
de la prison » (p. 191).
Afin d’analyser leur rôle dans l’explication de cas particuliers, les auteurs ont procédé à une
analyse de régression et ils observent des liens prédictifs significatifs entre le facteur
biologique et l’explication de cas concrets.
« Tout se passe comme si l’adhésion relative aux explications générales “héréditaristes” ou
“biologisantes” prédisposait à l’adoption de toutes sortes d’autres explications pour des cas
concrets. Pour ce qui est de la délinquance, nos sujets ont en général des opinions très
nettes : ils refusent des explications simplistes et réductionnistes… C’est bien ce qu’on peut
appeler une étude psychologique de l’ancrage des RS » (Doise, 1992, p. 191).
Pour l’ancrage psychosociologique, Doise mentionne un type d’ancrage
reliant les RS à la façon dont les individus se positionnent symboliquement
dans les rapports sociaux. Il présente un exemple de ce type dans l’analyse
des conséquences d’être parent d’un ou de plusieurs enfants et cite
notamment les travaux de Mugny et Carugati (198562), qui interrogent pères
et mères sur les RS de l’intelligence. Doise explique que les parents se
définissent en référence « à d’autres éléments importants dans leur champ
social, leurs enfants, leurs engagements familiaux et professionnels »
(p. 192).
Ils montrent que les parents ont davantage recours à des facteurs dits
dispositionnels, notamment de nature génétique et biologique, pour expliquer
l’intelligence et d’autres caractéristiques de leurs enfants quand ils en ont plusieurs,
tandis que des facteurs environnementaux sont jugés plus explicatifs dans le même
domaine par les parents d’enfants uniques. (Doise, 1992, p. 192)
Concernant l’ancrage sociologique, Doise fait référence aux études et
méthodes permettant d’examiner les liens entre appartenances et
représentations sociales. Il s’appuie sur une enquête menée auprès d’élèves
d’écoles secondaires (Doise, 198563). L’analyse de segmentation a été
utilisée pour réexaminer les résultats de cette enquête dans laquelle on
demandait aux élèves s’ils parlaient de sujets concrets (motos, argent,
sorties… plus abordés par « les pratiques ») ou de sujets abstraits
(politique, morale, art… plus abordés par « les classiques »). Les scores
factoriels ont servi de variable indépendante et les appartenances socio-
économiques, scolaires et nationales ont constitué les variables
indépendantes.
La segmentation la plus importante différencie les élèves de la Générale (scores
moyens : – 0,21) et ceux des autres sections (scores moyens : + 0,22), différence
significative à un seuil de 0,001… Les élèves d’une origine sociale « moyenne » ou
« supérieure » qui se retrouvent dans une section qui leur est sociologiquement
moins appropriée se rapprochent donc des élèves des sections plus prestigieuses
pour ce qui est de leurs réponses à une épreuve qui évoque l’univers familial. (Doise,
1992, p. 193)
L’École de Genève a proposé des développements théoriques et
méthodologiques concernant le lien entre les principes organisateurs de
l’engagement dans les droits de l’homme et leur ancrage dans les priorités de
valeurs des répondants.
Suivant le modèle de l’analyse quantitative des RS (Doise et al., 199364),
Spini et Doise (199865) ont avancé que trois aspects des RS devaient être
étudiés : « l’organisation du champ de la représentation, les principes
organisateurs des différences interindividuelles et leur ancrage dans des
systèmes connexes de signification symbolique » (p. 604, notre traduction).

4. Le modèle dialogique
Dialogue et dialogisme sont des notions associées au philosophe russe
Mikhaïl Bakhtine, sachant que l’on retrouve ces notions dans différents
domaines (droit, psychologie, sociologie, linguistique, sciences de la
littérature… ; Tylkowski, 201166). Bakhtine, analysant les spécificités de
l’œuvre de Dostoïevski, en conclut que le trait distinctif de ses productions
est leur caractère dialogique (Tylkowski, ibid.).
Autrement dit, le « dialogisme » bakhtinien peut être interprété comme une notion qui
renvoie à la manière dont un individu (l’auteur d’un roman, un personnage, etc.)
élabore, formule, exprime (y compris dans la parole intérieure) sa position
personnelle vis-à-vis de lui-même, d’« autrui » et du monde. Cette manière consiste à
faire appel aux points de vue et aux conceptions du monde d’« autrui », à les opposer,
à les confronter à sa position personnelle. Le rôle d’« autrui » y est donc capital : il est
omniprésent pour l’individu, qui se trouve en rapport particulier avec lui. (Tylkowski,
2011)
Selon Bakhtine, le dialogisme est une épistémologie des sciences humaines,
« qui est concernée par l’étude des pensées symboliques exprimées dans le
langage » (Marková, 200067, p. 424, notre traduction). Afin de présenter les
différences entre les épistémologies dialogiques et non dialogiques,
Marková revient sur la distinction faite à l’époque par Bakhtine et son
entourage entre les sciences naturelles et les sciences humaines, les
premières étant focalisées sur l’explication, les secondes sur la
compréhension.
Bakhtine soutient que les sciences naturelles s’intéressent à l’étude des objets réifiés
et sans voix et qu’elles visent à obtenir une connaissance précise de ces objets. Elles
sont monologiques dans le sens où elles visent à identifier les objets : elles
examinent les choses dans les termes de ce qu’elles sont, telles qu’elles existent
pour l’esprit humain unique. Elles tentent de les définir et les analysent dans leur
intégralité et leur complétude. Bakhtine soutient qu’en sciences naturelles, précision
ou exactitude signifie que les connaisseurs se détachent de l’objet de leur
contemplation et tentent de préserver leur neutralité dans l’exploration scientifique.
En revanche, le but des sciences humaines et sociales n’est pas la précision de la
connaissance « objective » dans le sens de développer et d’établir un miroir interne
du monde externe. Au lieu de cela, les sciences humaines et les sciences sociales
comprennent, transmettent et interprètent les discours des autres (Bakhtin, 1981). En
sciences humaines, la connaissance dialogique ou la compréhension est
fondamentalement réflexive. (Marková, 2000, p. 424-425, notre traduction)
Il en résulte que la connaissance dialogique est orientée vers l’étude des
idées et leurs significations. Il ne peut pas y avoir d’étude significative de
l’esprit ou du langage des êtres humains en dehors du texte « qui est
multiforme et multi-voix et toujours situé dans la culture » (p. 426, notre
traduction).
La théorie des RS appartient « aux traditions des idées qui reposent sur une
épistémologie dialogique » (notre traduction, p. 422). L’auteur explique que
ces affinités entre la théorie des représentations sociales et les théories
socioculturelles de l’esprit, le co-constructivisme et les théories dialogiques
de la communication par ailleurs, ne sont pas immédiatement perceptibles.
Deux raisons sont évoquées par Marková : de nombreux chercheurs dans le
domaine des représentations sociales souscrivent à « une épistémologie
fondamentaliste » dans l’utilisation de certains concepts. Pour Marková, au
lieu de donner aux termes des « significations dynamiques et socialement co-
construites » on leur donne un caractère individualiste et statique. La
seconde raison est que la théorie est « à développer » et qu’il est nécessaire
de présenter l’état de l’art d’une façon cohérente.
En utilisant des concepts comme les attitudes, les valeurs, la cognition, etc., ils les
remplissent de fondamentalisme, plutôt qu’avec des significations dialectiques ou
dialogiques. (Marková, 2000, p. 423, notre traduction)
Marková va plus loin disant que ces malentendus impactent la recherche sur
les représentations sociales à la fois au niveau des concepts et de la
méthode : « il n’y a pas beaucoup de progression constatée dans la théorie ou
la recherche empirique » (p. 423, notre traduction).
Ainsi, l’approche dialogique et dialectique met l’accent sur « la nature
située et holistique des phénomènes relationnels, sur leur dynamique,
hétérogénéité, leur tension et conflit » (p. 430, notre traduction).
En revanche, ce qui fait de la théorie des représentations sociales une théorie de la
connaissance sociale, c’est la conceptualisation :
• de la dynamique de la pensée, du langage et des pratiques sociales à travers des
phénomènes socioculturels et individuels au moyen de tension, conflit et polarisation
des oppositions ;
• de l’ensemble de concepts inter-reliés et définis dialogiquement générant des
hypothèses. (Marková, p. 442, notre traduction)

5. Réflexion et éléments de discussion


Ces différents modèles reposent tous sur le socle des représentations
sociales bâti par Serge Moscovici. L’inscription de cette théorie dans
l’histoire explique les désaccords. Mais si Doise retrouve les propos de
Bourdieu comme Marková ceux de Bakhine, cela atteste d’abord de
l’ancrage initial de cette théorie dans un champ pluridisciplinaire. La notion
de noyau central est assez proche de celle de principes organisateurs :
« Toutes deux définissent, en effet, l’existence d’un cadre de référence
commun – d’origine sociale – qui génère des prises de position ou des
constructions cognitives plus individuelles » (Abric, 200168, p. 84).
Moscovici et Vignaux (1994) font d’ailleurs référence à « une analogie
profonde » entre ces deux modèles alors que certains auteurs défendent une
opposition majeure.
À côté de nombreux points de convergence, l’opposition majeure entre ces deux
approches peut se schématiser ainsi : l’École de Genève insiste sur les « prises de
position individuelles » et leurs « principes organisateurs » (qui sont généralement
sociaux), tandis que l’École d’Aix, à partir de la « théorie du noyau central » de la
représentation, insiste sur les « consensus ». Les protagonistes déclarent qu’il y a
peut-être plus complémentarité qu’opposition mais, il faut le reconnaître, certains
textes semblent aller à l’inverse : Doise et al. (1992) intitulent leur introduction
« Représentation sans consensus », alors que Flament (1994a et b) recherche le
consensus dans toute représentation. (Flament, 1999a69, p. 201)
Dans son étude princeps, Moscovici avait mis l’accent sur la diversité
méthodologique que l’on retrouve au travers des différents modèles.
Si la méthode expérimentale est utile pour comprendre comment les gens doivent
penser, les processus mentaux et sociaux supérieurs doivent être abordés par
différentes méthodes, notamment l’analyse linguistique et l’observation de la façon
dont les gens pensent. (Moscovici, 198870, p. 211, notre traduction)
On identifie une approche ethnographique plus marquée en lien avec la
théorie sociogénétique, une méthodologie qualitative et quantitative au sein
de l’approche structurale et une approche quantitative avec un focus sur les
méthodes factorielles au sein de l’approche sociodynamique.
Il existe donc aujourd’hui un ensemble de méthodes et d’outils qui garantissent la
scientificité des études de représentation sociale et permettent une approche
multiméthodologique des représentations indispensables à la fiabilité des résultats
obtenus. (Abric, 2003, p. 8)
Si la recherche sur les RS est variée tant par le contenu que par les
méthodes, cette ouverture conceptuelle a également été vue comme une
faiblesse et plusieurs auteurs ont critiqué la conception de Moscovici.
Parker (198771) se demande si la théorie des RS est plus sociale que les
théories psychosociales dominantes. Selon Parker, la tradition durkheimienne
à laquelle se réfère Moscovici ne résout pas le problème de la dualité des
éléments positivistes et individualistes. Parker affirme que Moscovici
individualise le concept de RS en avançant que les représentations ne sont
pas uniquement symboliques mais qu’elles sont aussi cognitives. Loin de
rompre avec les approches traditionnelles de la psychologie sociale, Parker
affirme que la théorie peut être facilement absorbée par le courant dominant.
On retrouve les mêmes critiques chez Harré (198472), qui affirme que le
focus cognitiviste a pour effet d’individualiser le concept et de le
déposséder de son caractère social et collectif.
Potter et Litton (198573) relèvent, quant à eux, les problèmes et ambiguïtés
suivants dans la théorie des RS en s’appuyant sur trois études : 1. La relation
entre les groupes et les RS ; 2. Les problèmes de consensus et le niveau
auquel les représentations sont partagées ; 3. Le fonctionnement des
représentations dans des contextes spécifiques ; 4. Le rôle du langage dans la
RS (p. 81, notre traduction).
Suivant Potter et Litton, la définition des groupes reste problématique car la
constitution d’un groupe est déterminée par la représentation des membres
« du groupe ».
Le principal danger ici est que des incohérences dommageables soient introduites
dans les résultats par l’incapacité du chercheur à identifier les catégories sociales
psychologiquement saillantes indépendamment des représentations des catégories
sociales des participants. (Potter et Litton, 1985, p. 83, notre traduction)
Ensuite Potter et Litton discutent de l’ambiguïté autour de la notion de
« consensus » car on ne sait pas quel est le degré nécessaire de consensus,
lequel serait, selon eux, surestimé. La notion large de consensus ne permet
pas de distinguer des différences importantes entre les niveaux
(théorie/pratique…).
Ailleurs (Litton et Potter, à paraître), nous avons montré que l’imprécision de la
conception théorique de base de Moscovici permet une latitude considérable à la fois
au niveau duquel les représentations doivent être consensuelles et dans quelle
mesure les différentes personnes sont d’accord. (Potter et Litton, 1985, p. 85, notre
traduction)
La question du contexte et plus particulièrement des variations
contextuelles est, selon Potter et Litton, occultée. Dans les études
mentionnées, les RS apparaissent comme des entités statiques et unitaires.
Enfin, Les auteurs trouvent que l’on ne donne pas assez d’importance à la
constitution des représentations sociales dans le langage et proposent de
considérer les RS comme « des répertoires linguistiques » dont ils voient
l’avantage à la lumière des difficultés identifiées en lien avec le concept de
RS comme le problème du consensus.
Cette notion permet une distinction claire entre la composition du répertoire particulier
et les buts variés pour lesquels il est utilisé, et aussi entre « théorie et pratique » et
« utilisation et mention » comme décrit ci-dessus. Avec ces distinctions il devrait être
possible d’éviter l’imprécision qui sous-tend les premières recherches, et, en
particulier, la notion globale peu aidante de consensus implicite dans l’œuvre de
Moscovici. (Potter et Litton, 1985, p. 89, notre traduction)
Dans un article intitulé « Social representations and the world of science »,
Wells (198774) identifie dans les travaux de Moscovici (198475), une théorie
et méta-théorie sur laquelle portent plus spécifiquement ses critiques.
Dans la théorie à laquelle je me réfère comme T1, Moscovici décrit une classe de
phénomènes, appelée représentations sociales. Les représentations sociales sont
des façons culturellement conditionnées de comprendre le monde quotidien ou « le
sens commun » et déterminent la nature de la réalité sociale. Elles sont générées par
deux processus connus sous le nom d’ancrage et d’objectivation. Dans la méta-
théorie à laquelle je me réfère comme T2, Moscovici affirme que la science et la
compréhension du sens commun constituent différents types de réalité et que
l’application de méthodes scientifiques au phénomène du sens commun est une
tentative erronée. La tâche appropriée pour le psychologue social est d’examiner les
représentations sociales qui constituent le sens commun en utilisant des méthodes
appropriées, principalement fondées sur l’observation. (Wells, 1987, p. 433, notre
traduction)
Selon Wells, il est important de distinguer les assertions théorique et méta-
théorique car on peut être d’accord avec l’une et pas avec l’autre. Il affirme
aussi que ne pas les distinguer peut conduire à des confusions en prenant
l’exemple des critiques de Potter et Litton (1985) situées sur le plan T1 alors
que la préoccupation de Moscovici se situe au niveau T2.
Wells détaille les neuf propositions sur lesquelles s’appuient les principaux
aspects de la méta-théorie.
P176 Le monde de la perception et de l’expérience est un monde de représentations.
Nous ne percevons pas directement le monde extérieur.
P2 Les représentations sont, dans une large part, conventionnelles, c’est-à-dire
qu’elles ont une forme définie et sont situées en tant que membres de catégories
dans un système de classification socialement déterminé.
P3 Les représentations sont prescriptives, c’est-à-dire qu’elles nous forcent à
percevoir les entités qu’elles représentent dans leur forme conventionnelle.
P4, P1, P2 et P3 pris ensemble montrent que la réalité est principalement un
système de construits socialement déterminé qui peut différer à travers les groupes
et les cultures et au fil du temps dans les deux.
P5 Il y a une distinction culturelle fondamentale entre « univers consensuels », et
« univers réifiés » en tant que systèmes d’entités indépendantes dépourvues de sens
humain. Les univers « consensuel » et « réifié » sont des types de réalité distincts.
P6 Les sciences sont le moyen par lequel on construit et comprend les « univers
réifiés ».
P7 Les représentations sociales sont le moyen par lequel on construit et comprend
les « univers consensuels ».
P8 Les psychologues sociaux ont essayé d’utiliser les méthodes de la science pour
comprendre le phénomène de sens commun, c’est-à-dire pour comprendre les
représentations sociales. C’est une tentative erronée.
P9 Les représentations sociales sont la matière propre de la psychologie sociale,
mais elles doivent être étudiées selon leurs propres termes, en utilisant
principalement des techniques d’observation. (Wells, 1987, p. 434, notre traduction)
Le reproche est fait à Moscovici de faire une distinction essentielle entre
mondes physiques et mondes sociaux dans lesquels la nature de la réalité est
différente. Bien que Wells reconnaisse que la réalité soit impactée par les
aspects sociaux et culturels, il considère qu’elle est aussi façonnée par les
exigences du monde physique et préfère donc faire référence à deux aspects
différents d’une même réalité. Pour Wells, les arguments de Moscovici
permettent difficilement d’évaluer et de situer n’importe quelle théorie.
Sa théorie s’appuie sur la conviction qu’une distinction fondamentale doit être faite
entre les mondes physique et sociaux… La difficulté des présuppositions et des
arguments de Moscovici est qu’ils conduisent à une théorie qui n’échappe pas au
relativisme et qui est donc faible en pouvoir critique par rapport aux théories
concurrentes. L’argument de cette section établit que P4 ne découle pas en fait de
P1-P3 et que la notion de réalité doit dépendre fondamentalement de son lien avec
notre connaissance du monde extérieur. (Wells, 1987, p. 436, notre traduction)
Wells conclut son article en écrivant que la théorie des RS de Moscovici
est une riche analyse du développement et du maintien des structures
sociales. En 1987 (date de publication de son article), il encourage une
connexion plus marquée avec la discipline des sciences cognitives : « Les
sciences cognitives ont besoin d’une solide théorie de la psychologie
sociale ; la psychologie sociale a besoin d’une solide théorie de la cognition
individuelle » (notre traduction, p. 445).
Jahoda publie en 198877 un article intitulé : « Notes critiques et réflexions
sur les représentations sociales » (notre traduction), pour, dit-il, remédier au
manque de critiques à l’encontre du concept de représentations sociales.
Moscovici a inauguré « l’ère des représentations sociales », largement saluée
comme une alternative européenne à ce qui est de plus en plus considéré comme
les lacunes de la psychologie sociale américaine. L’adoption rapide et enthousiaste
par de nombreux psychologues de l’approche théorique de Moscovici n’a pas encore
suscité beaucoup d’appréciations critiques des idées qu’il a avancées. Le présent
document cherche à combler cette lacune en examinant la structure conceptuelle et
certaines des hypothèses qui la sous-tendent. (Jahoda, 1988, p. 195, notre
traduction)
Jahoda discute dans cet article de différents points qui constituent selon lui
des incohérences internes remettant en question le statut « logique » des
représentations sociales. Ainsi, par exemple, discute-t-il du choix de
l’expression « société pensante ».
La notion d’esprit de groupe était importante à une époque antérieure de la
psychologie sociale (cf. Allport, 1968), mais elle a été abandonnée par la suite.
Moscovici a renoncé à utiliser ce terme, mais il se réfère à la « société pensante »
d’une manière qui semble être conceptuellement équivalente. (Jahoda, 1988, p. 197,
notre traduction)
Jahoda revient également sur le fait que Moscovici ne souhaite pas donner
une définition formelle des représentations sociales et propose de revenir sur
les relations avec d’autres concepts comme l’idéologie ou la culture.
Il ne s’agit pas ici de commenter la proposition théorique ambitieuse qui a été
avancée, mais simplement d’examiner la terminologie pour voir l’éclairage qu’elle
pourrait apporter aux concepts. Dans nombre de ses écrits, il y a une tendance à
assimiler le « sens commun » et les « représentations sociales », mais ce qui
précède signifie que « dans ce cas, le sens commun pourrait être élevé au rang
d’une idéologie majeure » (ibid.). Tout cela implique à tout le moins un
chevauchement important de la signification des trois termes « représentations
sociales », « sens commun » et « idéologie » ; et une distinction entre eux et la
« science ». (Jahoda, 1988, p. 199, notre traduction)
À la fin de son article, Jahoda aborde les questions méthodologiques et le
plaidoyer de Moscovici en faveur de l’observation et de l’importance des
échanges conversationnels ; Jahoda les trouve légitimes mais difficilement
réalisables.
En ce qui concerne les questions méthodologiques, le plaidoyer de M. Moscovici en
faveur d’études plus observationnelles et son insistance sur l’importance des
échanges sociaux conversationnels semblent bien fondés. Cependant, si cela signifie
qu’en observant les conversations, nous pouvons, pour ainsi dire, assister à la
genèse de la représentation sociale, alors c’est discutable. Il n’existe actuellement
aucune façon concevable d’échantillonner les conversations de manière
suffisamment approfondie dans l’espace et le temps pour fournir une telle image…
(Jahoda, 1988, p. 207, notre traduction)
Dans ses notes pour une description des représentations sociales,
Moscovici (1988) revient principalement sur les critiques de Jahoda. Il
explique que le statut innovateur de ce concept et ses relations avec plusieurs
sciences suffisent à légitimer son existence.
Notre domaine scientifique devrait s’attacher à revendiquer le phénomène plutôt que
d’exprimer de plus en plus de réserves à son égard. Mais le fait que Gustav Jahoda y
consacre aujourd’hui un commentaire aussi virulent démontre que la théorie de ce
phénomène touche à des points si fondamentaux pour la psychologie sociale qu’elle
acquiert ainsi un caractère presque subversif. (Moscovici, 1988, p. 212, notre
traduction)
Moscovici voit plusieurs raisons à ces malentendus. Tout d’abord il
explique qu’il a considéré la psychologie sociale comme une science sociale
au même titre que l’anthropologie, la sociologie, etc. Et dans ces domaines,
l’objectif n’est pas « d’imiter la perfection de la physique » (p. 213). Ainsi,
sur ces principes, il s’est opposé au fait de décrire plus précisément le
phénomène de représentations sociales.
Je voulais exprimer mon opposition à une exigence que les psychologues sociaux
pensent pouvoir satisfaire en utilisant les mots justes et dont l’effet général est une
certaine stérilité. Selon les mots d’un méthodologue américain, « L’exigence
d’exactitude du sens et de définition précise des termes peut avoir un effet pernicieux,
comme je pense qu’elle l’a souvent eu dans les sciences du comportement »
(Kaplan, 1964, p. 70). (Moscovici, 1988, p. 213, notre traduction)
Pour Moscovici, il est évident que le malentendu vient de la distance entre
la psychologie sociale « classique » et la psychologie sociale actuelle.
Il est évident que le malentendu est né du fossé entre la vision classique de la
psychologie sociale – dont la contribution était considérée comme plus importante
pour les sciences sociales que comme un complément à la psychologie – traitant
d’un phénomène très important et cherchant à résoudre un problème
épistémologique ayant acquis des dimensions sociales, et la vision de la psychologie
sociale prévalant aujourd’hui. Par conséquent, la théorie des représentations sociales
manque d’un créneau approprié, en particulier dans une discipline où les
phénomènes de ce type sont traités nominalement (Landman et Manis, 1983), mais
pas véritablement comme des phénomènes sociaux. (Moscovici, 1988, p. 217, notre
traduction)
Moscovici explique l’intérêt que suscite la théorie des RS tout en répondant
aux « critiques » de Jahoda. Mais il considère en fin de compte que ce sont,
à la base, les mêmes sujets de préoccupation qui animent Jahoda et lui-
même.
Elle a commencé à susciter de l’intérêt, stimulant la recherche dans un certain
nombre d’endroits, à l’exception notoire des États-Unis. Qu’est-ce qui explique cet
intérêt ? La théorie légitime sans aucun doute le souci des aspects sociaux et enrichit
la phénoménologie de notre discipline, devenue extrêmement maigre. Elle est mieux
adaptée au traitement de situations spécifiques que d’autres théories conçues pour
des montages plus abstraits et globalement artificiels. En raison de cette extension, il
est probable que l’on commence à remarquer de nombreux points de convergence
entre cette théorie et divers courants tels que l’ethno-méthodologie, l’interactionnisme
symbolique, etc. Puisque Jahoda insiste pour que j’explique cette convergence et que
je justifie l’utilisation de tel ou tel concept, je voudrais faire une déclaration générale,
tant sur le ton que sur le fond de ses critiques. (Moscovici, 1988, p. 225)
Mais oublions ces polémiques et arrivons enfin au point qui pourrait être le début d’un
dialogue. Car Gustav Jahoda, en dépit de ses exagérations, se préoccupe des
mêmes questions que nous et se rend compte des difficultés qui font obstacle à leur
solution. (Moscovici, 1988, p. 228, notre traduction)
Bien que la théorie et la recherche sur les représentations sociales aient été
qualifiées de distinctement européennes (Jaspars, 198678), les travaux de ces
dernières décennies ont démontré l’utilité de ce concept. Il existe
actuellement une quantité suffisante de théorie et de données pour suggérer
que la théorie des représentations sociales peut contribuer à la
compréhension de la connaissance sociale partagée, ce que nous allons voir
dans le prochain chapitre avec quelques exemples d’études.
Chapitre 4
Objets et groupes,
quelques illustrations

Sommaire
1. Les nouvelles technologies
2. L’argent
3. Le bien-être chez soi
4. Les droits de l’homme
5. Le Sida
6. Le chômage
7. L’enfant de rue
8. Valeurs, guerre et paix
9. Le travail
10. Le passé
11. Paix, guerre et conflits
12. La personne âgée
13. Le vieillissement
14. Le changement climatique

La question de l’objet mérite à ce stade quelques compléments. Si la


représentation sociale est toujours celle d’un objet, tout objet n’est pas
nécessairement un objet de représentation sociale. Et en 1992, Farr évoquait
l’importance d’en préciser les termes1.
Flament et Rouquette (20032) font référence à deux conditions minimales
sans lesquelles on ne pourra pas parler d’un objet de RS. La première est la
saillance sociocognitive, qui englobe deux aspects. En premier lieu, l’objet
doit correspondre à « une classe générale », les auteurs donnent l’exemple
du concept d’hygiène qui est un objet de représentation sociale contrairement
au « dentifrice ». Le contenu de la représentation sera déterminé par le
rapport que le groupe étudié entretient avec l’objet. Par exemple, Salès-
Wuillemin, Morlot, Masse et Kohler (20093) ont étudié la représentation
sociale de l’hygiène chez les personnels hospitaliers afin notamment de
comprendre les freins dans l’application des protocoles d’hygiène. La
question du rapport à l’objet est essentielle car si une population de dentistes
était interrogée sur le même objet, on peut faire l’hypothèse que le brossage
des dents serait un élément de la représentation sociale de l’hygiène.
Le second aspect de la saillance sociocognitive porte sur la récurrence de
la thématique dans les communications. Reprenons l’exemple de l’hygiène
précédemment cité, il s’agit d’une thématique faisant partie du quotidien des
professionnels de santé, elle est donc au cœur des échanges et de la
problématique de santé puisque les maladies nosocomiales constituent un
défi mondial pour l’Organisation mondiale de la santé.
La seconde condition minimale porte sur l’existence de pratiques au sein de
la population visée. Nous ne développerons pas ce point ici puisqu’il fait
l’objet d’un chapitre spécifique dans cet ouvrage (chapitre 5).
Pour illustrer la diversité des objets, nous avons sélectionné quatorze
études de représentations sociales entre les années 1987 et 2018 proposant
l’analyse d’objet(s) de RS dans une démarche comparative (tableau 4.1).
Cette démarche de comparaison était essentielle dans le travail princeps de
Moscovici, comme nous avons pu le voir.
Nous présenterons quelques éléments de contextes et de méthodes pour
rendre ces études plus « vivantes » aux yeux des lecteurs. Même si cette
présentation est forcément incomplète, sa visée est avant tout illustrative et
ne peut en aucun cas prétendre à l’exhaustivité. Nous espérons que ces
éléments motiveront les lecteurs à consulter les travaux d’origine.
Tableau 4.1 – Exemples d’objets étudiés comparant des groupes4
Objet d’étude Comparaison groupes 5
Les nouvelles technologies
Salariés français et suisses
(Grize, Vergès et Silem, 1987)
Objet d’étude Comparaison groupes 5
Marseillais hommes et femmes
L’argent (Vergès, 1992) Nîmois femmes
Étudiants
Le bien-être chez soi (Bourgeat-
Maxi/mini consommateurs (énergie)
Carter, 1993)
Les droits de l’homme
Groupes de jeunes dans quatre pays différents : France, Suisse,
(Clémence, Doise, De Rosa et
Italie, Costa Rica
Gonzalez, 1995)
Groupes d’hommes homosexuels de deux pays : Angleterre et
Le Sida (Joffe, 1995)
Afrique du Sud
Chômeurs et non chômeurs jeunes
Le chômage (Flament, 1994b)
Chômeurs et non chômeurs plus âgés
Éducateurs
L’enfant de rue (Campos, 1998) Moniteurs
Étudiants
Valeurs, paix/guerre
Adolescents israéliens, palestiniens et européens
(Orr, Sagi et Bar-On, 2000)
Élèves de bacs généraux
Le travail (Roussiau et Le Blanc,
Élèves de bacs technologiques
2001)
Élèves de bacs professionnels
Le passé
Étudiants hommes et femmes
(Deschamps, Páez et
Adultes hommes et femmes
Pennebaker, 2001)
Paix, guerre et conflits Adolescents activistes
(Sarrica et Contarello, 2004). Adolescents non activistes
Soignants (infirmières/aides-soignantes)
La personne âgée (Gaymard,
Étudiants université laïque
2006)
Étudiants université catholique
Le vieillissement Jeunes Italiens hommes/femmes vs âgés
(Wachelke et Contarello, 2010) Jeunes Italiens hommes/femmes vs jeunes brésiliens
Le changement climatique (Kay, Agriculteurs camerounais en zone équatoriale vs zone soudano-
2018) sahélienne sur deux périodes.

1. Les nouvelles technologies


La recherche de Grize, Vergès et Silem (19876) prend appui sur deux
courants : la logique naturelle et les représentations économiques. Les
auteurs se demandent : « Quelles représentations les travailleurs ont-ils des
nouvelles techniques et des conséquences de leur introduction sur le travail
et, à plus long terme, sur l’économie ? » (p. 17). Ils ont interrogé des salariés
dans trois entreprises se différenciant selon deux critères. Tout d’abord le
champ socioculturel : deux entreprises sont en France (entreprise bancaire
dans l’Ain et entreprise de fabrication mécanique en Savoie) et une en Suisse
(entreprise horlogère dans le canton de Berne). Le second critère concerne le
secteur : deux font partie du secteur secondaire avec une qui est plus
représentée par des ouvriers spécialisés et l’autre par des ouvriers
qualifiés ; la troisième fait partie du secteur tertiaire.
Les auteurs ont conçu un questionnaire avec trois types de questions. Deux
questions ouvertes de type : « Les nouvelles techniques récemment
introduites dans votre entreprise ont-elles changé le travail ? Pouvez-vous
m’en parler ? » (exemple question 1) ; deux questions « évocation » avec les
mots « travail » et « nouvelles techniques » (questions 3 et 4). Puis deux
questions fermées sur des items lexicaux pour analyser les systèmes
d’associations et les réseaux de significations (questions 5 et 6).
Vingt personnes en Suisse et trente-six en France ont fait l’objet d’une
enquête. Les chercheurs ont utilisé quatre méthodes pour appréhender leur
corpus : un système catégoriel ; un encodage documentaire ; une analyse
morphosyntaxique et une analyse argumentative. Ils ont ensuite étudié les
représentations à différents niveaux d’interprétation. Ils ont par exemple
étudié les représentations dans la presse syndicale. Ils sont partis de
documents provenant des cinq confédérations des syndicats représentatifs
des salariés et du centre national du patronat français (C.N.P.F.) et ont
recherché le thème des nouvelles technologies et « des mots ou expressions
descriptifs de la réalité économique et sociale » (p. 100). Deux exemples
sont donnés ci-dessous.
Le discours du C.N.P.F. se caractérise par une argumentation très simplificatrice qui
ne met en évidence que les conséquences positives des nouvelles technologies
(p. 103)…
Le discours de la CGT se caractérise par une opposition très nette entre un
ensemble de thèmes décrivant les conséquences potentielles des nouvelles
technologies et des thèmes portant sur les conséquences réelles et actuelles (Grize,
Vergès et Silem, 1987, p. 109).
Dans cette recherche, Grize, Vergès et Silem ont établi que les
représentations des nouvelles technologies étaient moins précises que celles
du travail, et que le discours des salariés était très ancré dans le contexte.
Il importe encore de souligner que l’on a affaire à des représentations fortement
contextualisées, ce qui signifie que celui qui s’exprime le fait à partir de son
entreprise, de son travail. Encore faut-il observer qu’il s’agit bien davantage d’un vécu
groupal que d’un vécu individuel. (Grize, Vergès et Silem, 1987, p. 203)

2. L’argent
La recherche de Vergès (19927) porte sur la représentation sociale de
l’argent. Il analyse trois échantillons : un échantillon représentatif de la
région marseillaise (N = 367 hommes et femmes), un échantillon
représentatif de la région de Nîmes (N = 400 femmes) et un échantillon
d’étudiants (N = 48). Cette étude se fonde sur une association libre à partir
de l’inducteur « argent ». L’auteur a conçu un programme pour produire deux
types d’analyses : une analyse prototypique et ce qu’il nomme « une
catégorisation sous contrainte ».
Dans l’analyse prototypique des échantillons marseillais et nîmois, Vergès
montre que le travail et la qualité de vie constituent les éléments centraux.
À coup sûr Travail et Qualité de vie (Bien-être, Bonheur, Confort) sont des éléments
du noyau central car situés dans la case où il y a une congruence positive entre les
deux critères (« très fréquent » et « bien placé »). Mais on doit être plus incertain pour
les autres éléments apparus tels que Achats ou Pouvoir, qui se trouvent dans des
cases où les deux critères ne sont pas congruents. (Vergès 1992, p. 205)
En revanche le recueil des étudiants est très différent avec l’utilisation de
termes qui n’ont pas le même sens, attestant qu’ils ne voient pas les choses
de la même manière. Par exemple le terme « bonheur » renvoie à « l’argent
ne fait pas le bonheur ». De même la bourse rattachée aux milieux financiers
dans l’enquête de Nîmes renvoie chez les étudiants à l’attribution d’argent
qu’ils perçoivent pour faire leurs études (tableau 4.2).
Tableau 4.2 – Tableau étudiants (N = 48 ; extrait de Vergès, 1992, p. 208)
Fréquences Rang moyen
Sup ou égal à 7 Inférieur à 3,5 Égal ou supérieur à 3,5
16 Pouvoir 18 Bourse
10 Bonheur
7 Richesse
9 Monnaie
Inf à 7 6 Fric 6 Achat
5 Travail 6 Luxe
6 Échange
5 Banque
4 Liberté

Pour compléter l’analyse prototypique et ne pas perdre les autres mots ne


figurant pas dans l’analyse, Vergès a proposé un regroupement en catégories
à partir du principe du « rattachement aux mots les plus fréquents… on
respecte alors le principe du champ sémantique organisé autour d’une notion
prototypique » (p. 206).
Nous obtenons par exemple dans l’enquête de Nîmes la catégorie salaire en
associant au mot « salaire » (19 citations) les mots « paie » (3), « revenu » (1),
« rémunération » (1), « retraite » (2), « gagner de l’argent » (1). Dans la quasi-totalité
des catégories ainsi construites le ou les termes origines font plus des trois quarts
des occurrences. (Vergès, 1992, p. 206)
Ainsi, Vergès va utiliser 9 catégories : 1. l’argent gagné ; 2. l’argent mode
de vie ; 3. l’argent et ses choses ; 4. le budget familial ; 5. les acteurs
économiques ; 6. l’argent substance ; 7. l’argent qualifié ; 8. l’argent sous le
coup de la morale ; 9. la politique, ces 9 catégories intégrant elles-mêmes
des sous-catégories. Par exemple la catégorie 1 comprend le travail (1.1.) et
le salaire (1.2). La catégorie 2 comprend le bien-être, le bonheur, le confort
(2.1.) la vie, le vivre (il en faut pour vivre ; 2.2.) et le besoin : du manque à
l’abondance (difficulté, facilité, sécurité ; 2.3 ; p. 209).
L’analyse de l’organisation de la représentation de l’argent va faire
ressortir trois sortes de regroupements.

L’organisation de la représentation de l’argent (Vergès, 1992, p. 208-209)


Le premier regroupement indique une certaine autonomisation de l’économie par
l’association autour de la catégorie des acteurs économiques, du travail-salaire et du
budget familial…
Le deuxième s’organise autour d’une vision morale de l’économie en associant au mode
de vie les catégories des jugements de valeur (qualifié) ou de la morale, voire du
politique…
Enfin la perception plus sociale, qui articule le mode de vie au budget familial et surtout
à la catégorie des choses obtenues par l’argent, est aussi très présente…
3. Le bien-être chez soi
La recherche de Bourgeat-Carter (19938) est une recherche doctorale de
terrain en lien avec l’habitat et la maîtrise de l’énergie. L’auteur s’est
intéressé à plusieurs objets de représentation ; le bien-être chez soi (BECS)
et le confort thermique, décliné en confort thermique d’hiver (CTH) et
confort thermique d’été (CTE). Il fait l’hypothèse d’une représentation
matricielle : les représentations sociales du confort thermique d’hiver et du
confort thermique d’été proviendraient d’une « matrice » : la représentation
sociale du bien-être chez soi. Il suppose également l’existence d’un lien
entre les objets de RS et les pratiques de chauffage. Les sites enquêtés se
trouvaient en région parisienne et dans le Nord-Ouest, 74 questionnaires ont
été recueillis (tableau 4.3).
Tableau 4.3 – Composition de l’échantillon
(adapté de Bourgeat-Carter, 1993, p. 68)
Type d’habitat
Individuel Collectif
Nanterre : logements 42 Drancy : logements 140
Gaz
Questionnaires exploitables 19 Questionnaires exploitables 19
Énergie
Honfleur : logements 54 St Malo : logements 80
Électrique
Questionnaires exploitables 19 Questionnaires exploitables 17

Des listes d’items pour chaque objet ont été constituées (CTH = 50 items ;
CTE = 30 items ; BECS = 40 items) à partir desquels les répondants
devaient sélectionner les items les plus représentatifs de l’objet. L’auteur
constate que sur 40 items du BECS, 8 appartiennent au CTH, 3 au CTE et 4
aux deux (tableau 4.4).
Tableau 4.4 – Items du BECS suivant leur référence
(extrait de Bourgeat-Carter, p. 83)
N° N° Référence N° Référence au confort
Référence au CTH
Item Item au CTE Item thermique
17 Un chauffage d’entretien 36 Avoir un jardin 22 Le confort thermique
18 facile 38 De la verdure 29 Une bonne isolation
19 Un chauffage fiable 30 Dans une villa 39 Une isolation thermique
20 Des radiateurs à eau 40 Une température normale par
21 Des radiateurs rapport
23 électriques à la température extérieure
31 Être au chaud
34 Une cheminée
Des doubles vitrages
Un chauffage agréable

Bourgeat-Carter a comparé la RS entre deux sous-populations définies par


rapport à leur consommation de chauffage (« maxi » et « mini »).
On peut penser en effet qu’à chacun des groupes MAXI/MINI correspondra une
« facette9 » de la représentation du CTH ou/et du BECS qui pourrait entraîner des
pratiques de gestion thermique différenciées entraînant un bilan de consommation de
chauffage contrasté. (Bourgeat-Carter, 1993, p. 149)
Considérant les 10 premiers items pour chacun des groupes : BECS
MAXI/MINI, CTH MAXI/MINI selon leur fréquence d’apparition, Bourgeat-
Carter montre concernant le BECS que l’item « être au calme » est en
première position quel que soit le groupe et que les items en deuxième,
troisième et quatrième places sont spécifiques à chaque sous-groupe
(tableau 4.5).
Tableau 4.5 – Items caractérisant les deux sous-groupes
de consommateurs de chauffage (extrait de Bourgeat-Carter, p. 152)
C. MAX C. MIN
Place Item Fréq. Item Fréq.
2 1. De la lumière .67 8. L’envie de rentrer chez soi .52
3 5. Un appartement en bon état .48 7. Avoir assez d’argent .48
4 36. Avoir un jardin .48 1. De la lumière .43

La place de l’item « avoir assez d’argent » laisse à penser que les revenus
sont moins importants chez les C. MIN mais l’auteur, croisant cette
information avec le revenu des ménages, trouve l’inverse, c’est-à-dire que
les revenus sont supérieurs chez les C. MIN : « Il s’agirait donc bien d’un
type de relation à l’argent (d’une représentation de l’argent ?) et non d’une
réalité de moyens financiers qui serait sous-jacente à la gestion globale de
leur environnement domestique et qui transparaît dans leur représentation du
BECS » (p. 153).

4. Les droits de l’homme


Clémence, Doise, De Rosa et Gonzalez (1995 10) ont étudié la perception des violations des
droits de l’homme (DH) chez des jeunes appartenant à des contextes nationaux différents,
posant ainsi la question de l’universalité des DH qui, pour les auteurs « se pose également à
l’intérieur des différentes aires culturelles, voire à l’intérieur de différents pays » (p. 183).
Un questionnaire réalisé à partir d’une vingtaine d’atteintes aux libertés individuelles a été
soumis à des jeunes âgés de 13 à 20 ans dans quatre pays : la France, la Suisse, l’Italie, le
Costa Rica. Les échantillons analysés étaient respectivement de 255, 250, 234 et 250 jeunes.
Afin d’étudier la représentation sociale des droits de l’homme, les auteurs ont étudié les
jugements des atteintes aux DH avec des situations directement liées à la déclaration de
1948. Les jeunes répondaient sur une échelle en 4 points (de oui à sûrement pas). Six
situations sur les 21 proposées figurent en exemple dans le tableau 4.6.
Tableau 4.6 – Pourcentages de sujets de chaque pays considérant
différentes situations comme une atteinte aux droits de l’homme
(situations extraites de Clémence et al., 1995, p. 192)
Costa
Situations France Suisse Italie Moyenne
Rica
Quelqu’un est envoyé en prison sans qu’un avocat ait pu
72,1 88,4 92,7 92,0 86,1
le défendre
Un enfant est battu par ses parents 69,8 84,8 86,3 87,6 82,0
Des hommes et des femmes meurent de faim 67,2 90,0 94,4 84,8 81,3
Un prisonnier se bat en prison. Il est condamné sans
69,8 80,0 88,9 79,2 79,3
qu’un avocat ait pu le défendre
On fait travailler des enfants dans une usine 65,1 87,6 90,2 75,6 79,3
Des Blancs empêchent un Noir de louer un appartement
66,7 88,8 69,6 90,0 78,9
dans un immeuble

Les auteurs se sont également intéressés à l’acceptation de situations en lien


avec des actions gouvernementales (e.g. mettre des gens en prison sans les
juger ; supprimer une émission de télévision parce qu’elle critique
violemment le gouvernement), avec des actions individuelles (e.g. avoir une
maladie contagieuse et ne pas le dire ; tricher pour ne pas faire son service
militaire) ; ils ont évalué comment étaient acceptées des obligations diverses
(e.g. obliger de se faire vacciner contre des maladies ; obliger d’aller à
l’école jusqu’à 16 ans) et le degré de fatalisme des répondants (e.g. on a
beau faire, il y aura toujours des riches et des pauvres ; on a beau faire, il y
aura toujours des pays qui ne respecteront pas les droits de l’homme).
Enfin les auteurs se sont intéressés au contrôle des entreprises (e.g. est-il
normal, quand une entreprise recrute un salarié, qu’elle cherche à savoir s’il
milite dans un syndicat ?) et du gouvernement (e.g. si quelqu’un veut devenir
citoyen, est-il normal que le gouvernement cherche à savoir s’il a fait de la
prison ?). Les auteurs montrent que les jeunes des quatre pays partagent une
représentation des droits de l’homme.
Dans une seconde partie de leur recherche, les auteurs examinent les
principes organisateurs des variations interindividuelles (voir chapitre 3
pour le modèle sociodynamique) à l’aide d’une analyse factorielle en
composante principale.
Le degré d’opposition au contrôle institutionnel contribue à l’orientation des deux
premiers facteurs et peut donc être considéré comme un élément qui articule les
principes sous-jacents à ces facteurs. Plus les sujets s’opposent au contrôle social,
plus ils ont une vision étendue du champ des DH et plus ils acceptent les actions
personnelles allant à l’encontre des normes sociales ou des conventions morales.
(Clémence et al., 1995, p. 199-200)
Dans cette étude, les auteurs analysent l’ancrage des principes
organisateurs à l’aide de la régression. Pour citer quelques résultats, ils
montrent que le contexte national est le facteur le plus explicatif et que les
Français rapportent moins d’atteintes que les autres groupes ; que deux
caractéristiques sociales expliquent une part significative de la variance :
l’appartenance sexuelle et la pratique religieuse. Les auteurs relèvent
également l’impact d’une appartenance politique.
La cohérence des résultats des différentes analyses permet d’affirmer que les
variations des réponses pour délimiter le domaine des DH dépendent certes des
contextes nationaux, dont nos sujets ne sont que partiellement représentatifs, mais
également de caractéristiques sociales ou de prises de position qui traversent ces
contextes nationaux. (Clémence et al., 1995, p. 203)

5. Le Sida
Joffe (199511), partant des représentations dominantes sur la diffusion du
Sida en lien avec les groupes à risques, s’intéresse aux conséquences
psychosociales de ces représentations sur les membres de l’un des groupes à
risques : les homosexuels.
Elle va conduire des entretiens approfondis avec un échantillon
d’homosexuels britanniques (N = 10) et sud-africains (N = 10). Dans les
deux échantillons, 60 % étaient blancs et un tiers étaient séropositifs ou
avaient le Sida. La comparaison des cultures est importante ; Joffe explique
que les homosexuels britanniques sont vus comme très puissants et que les
homosexuels sud-africains constituent un groupe « ancré dans une culture
conservatrice et moralisatrice » avec une identité comportant « la nature
fragmentaire et non unifiée du parent qui a vécu l’apartheid » (p. 3, notre
traduction).
Les hommes ont notamment été invités à parler de l’origine du Sida,
comment il se propage et quels groupes peuvent être les plus touchés dans
leur pays.
Concernant la propagation du Sida, les réponses montrent que l’identité
homosexuelle et le Sida sont liés ; les répondants pensent que quel que soit
leur comportement, contracter le Sida est inévitable pour eux.
En fait, j’ai lu dans un magazine, un magazine du dimanche, quand [le Sida] est arrivé
ici pour la première fois. C’est quand j’ai eu ma première relation homosexuelle, juste
après ça, donc je pensais vraiment que j’avais le Sida… je pensais je vais faire un
test de dépistage du Sida. Et je l’ai fait. J’étais juste jeune. J’avais quinze ans…
Quand ils m’ont montré les résultats et dit : « Regarde, c’est négatif », je n’y croyais
toujours pas car je me sentais mal avec le stress. Je croyais psychologiquement que
j’avais la maladie…
Intervieweur. — Et avez-vous eu une expérience sexuelle non protégée à ce moment-
là… ?
Répondant. — Non, je n’ai pas du tout eu de rapports sexuels non protégés
(homosexuel britannique).
J’ai eu peur parce que le Sida a été mentionné comme une maladie pour les
homosexuels, alors j’ai pensé que peut-être il pourrait s’attaquer à moi (homosexuel
sud-africain, in Joffe, 1995, p. 6, notre traduction).
Comme l’explique Joffe, le répondant britannique s’attend à avoir le Sida
par rapport à son identité et non pas par rapport à ses pratiques. En
conséquence de ce lien entre leur identité et le Sida, les homosexuels
commencent à se voir de manière fortement négative.
Quand ils m’ont dit que j’étais infecté par le VIH, ce fut un soulagement car je pense
qu’au fond de chaque esprit des homosexuels, ils pensent tous qu’ils sont positifs.
Vous ne savez pas. Nous n’avons pas été des anges. Nous avons couché avec
beaucoup de gens et vous pensez toujours que vous pourriez être infecté. Quand on
m’a dit que j’étais séropositif… pour la première fois de ma vie, je me suis senti
coupable d’être homosexuel, je n’ai jamais eu ce problème de culpabilité parce que je
suis homosexuel, mais à cette époque je sentais une culpabilité immense. Et vous
savez pourquoi ? Parce que la société me montrait du doigt (homosexuel sud-africain
séropositif). (Joffe, 1995, p. 7, notre traduction)
Constatant dans l’étude que la responsabilité et l’origine du Sida étaient
souvent externalisées, Joffe cite les travaux de Farmer (1992) selon lesquels
les groupes qui ont été blâmés pour le Sida dans leur culture pourraient être
influencés par les théories de la conspiration. Elle constate que si la moitié
des Britanniques adhèrent à ces théories, ce n’est le cas que d’un seul Sud-
Africain.
Je pense qu’il [le Sida] pourrait être une guerre chimique… J’ai lu de petits extraits
dans des publications où la CIA a été liée, et soyons réalistes ici. Vous savez, il se
pourrait bien, vous savez, si vous voulez éradiquer une espèce du monde ou une
minorité, ou une catégorie du monde, qu’il s’agisse d’insectes ou de quoi que ce soit
d’autre, vous vous intéressez à leur système de reproduction, n’est-ce pas, quelque
chose où il y aurait un contact, ou un contact intime… ce serait certainement la
communauté homosexuelle. (Homosexuel britannique séropositif, p. 8, notre
traduction)

6. Le chômage
Flament (199412) propose une étude sur les représentations sociales du
chômage selon quatre groupes : des jeunes chômeurs (CJ) et non chômeurs
(NCJ) de moins de 26 ans, des chômeurs et non chômeurs âgés de plus de
40 ans (CA et NCA ; tableau 4.7).
Des entretiens exploratoires ont permis la construction d’un questionnaire
de caractérisation dans lequel chaque item devait être évalué de 1 (peu
caractéristique du chômage) à 5 (très caractéristique).
Tableau 4.7 – Rangs des items au questionnaire de caractérisation
(adapté de Flament, 1994b, p. 111)
Items CJ NCA NCJ CA
Inquiétude pour l’avenir 1 1 1 3,5
Problèmes financiers 2 2,5 2,5 3,5
Absence de diplômes 3 9 8,5 15
Couverture sociale 4 11 14 12
Privation matérielle 5,5 5 6,5 6,5
Situation catastrophique 5,5 2,5 11 9
Manque de compréhension 7 12 12 13
Agences de formation 8 13 10 10
Conséquences sur le moral 9 4 2,5 2
Engendre la frustration 11 7,5 6,5 8
Remise en question de soi 11 10 4 6,5
Engendre l’optimisme 11 14,5 15 14
Marginalisation 13 7,5 8,5 5
Rapports familiaux 14 14,5 13 11
Perte de confiance en soi 15 6 5 1
Afin de rechercher les éléments du noyau central, Flament utilise la Mise en
Cause ou MEC (Moliner, 198813). Cette technique consiste comme son nom
l’indique à remettre en cause des caractéristiques saillantes d’un objet visé
(ici le chômage ou le chômeur). Si l’objet n’est pas reconnu, c’est qu’il
s’agit d’une caractéristique centrale car nécessaire pour définir l’objet.

La mise en cause d’un item X (Flament, 1994b, p. 113)


La mise en cause d’un item X se fait par une petite histoire du genre : M. Tessière est un
chômeur de longue durée (5 ans) ; il habite dans les Bouches-du-Rhône ; « il nous dit être
non X » ; cette déclaration de M. Tessière est, selon vous :
➀ tout à fait caractéristique du chômage
➁ caractéristique
➂ peu caractéristique
➃ pas du tout caractéristique.

Huit items du questionnaire de caractérisation ont été mis en cause et des


regroupements ont été faits pour certains items, par exemple les items
intitulés « problèmes » regroupent les deux premiers items du tableau 4.8.
Tableau 4.8 – Pourcentage de réponses MEC (extrait de Flament, 1994b, p. 113)
Oui Non Non
Items
➀ ➁ ➂ ➃ ➂+➃
Items « problèmes »
7,5 8 17,5 74,2 91,7
Les 4 populations
Items « drame »
5,3 10,0 32,7 52,0 84,7
Les non-chômeurs
Les chômeurs 33,3 12,0 10,0 44,7 54,7
Items « catastrophe »
26,7 13,3 25,0 35,0 60,0
Les 4 populations

Selon ces résultats, on identifie les items avec une distribution en J comme
caractéristiques des éléments centraux (e.g. « problèmes » 7,5/8 /
17,5/74,2). Ainsi, le noyau central de la représentation des non-chômeurs est
constitué des items « problèmes » et « drame », et celle des chômeurs, des
items « problèmes ». En conclusion et selon l’approche structurale, il ne
s’agit pas de la même représentation.
7. L’enfant de rue
La recherche de Campos (199814) avait pour objectif d’étudier différents
objets de RS (le rôle d’éducateur de rue chez les éducateurs, le rôle de
moniteur chez les moniteurs, l’enfant de rue chez les éducateurs, les
moniteurs et les étudiants, et l’enfant pauvre chez les éducateurs). Nous
reviendrons ici en particulier sur la comparaison de la RS de l’enfant de rue
auprès de 3 groupes (tableau 4.8).
Dès le départ notre intérêt majeur portait sur la possibilité d’analyser une situation
sociale donnée, celle qui met en rapport éducateurs et enfants de rue, à partir de la
psychologie sociale, notamment sur la base de la théorie du noyau central. Ce que
l’on appelle « éducation sociale de rue » est le modèle d’assistance aux enfants de
rue le plus répandu au Brésil, un modèle d’intervention dans une situation d’exclusion
sociale bien particulière vu que les sujets touchés sont des enfants et des
adolescents. (Campos, 1998, p. 6)
Parmi les hypothèses posées, Campos a supposé que dans la RS de l’enfant
de rue chez les éducateurs, il y aurait les éléments centraux « misère » et
« exclusion » et que les éléments en rapport avec la dimension
« délinquance » occuperaient la périphérie. En revanche chez les moniteurs,
Campos a supposé que la délinquance était au centre de la représentation.
Le questionnaire de recherche a été construit à partir de trois types de
questions : un test d’associations libres avec choix des mots principaux, une
méthode élaborée par Vergès (198915) : « la constitution de famille de
mots », et un test de centralité.
L’étude porte sur 163 éducateurs de rue qui ont au moins 2 ans de travail
avec les enfants de rue, 68 moniteurs ayant au moins 2 ans de travail dans un
internat et 136 étudiants.
L’intérêt d’enquêter auprès d’un troisième groupe de sujets porte sur la différence
entre les pratiques réciproques de chaque groupe et leurs influences sur les
représentations élaborées. De ce fait, l’objectif d’inclure le groupe d’étudiants du
cursus universitaire de service social, pour le diplôme d’assistant social, consiste en
ce que ce groupe fait de l’objet « enfant de rue » un sujet de conversation quotidienne,
sans pour autant développer aucune pratique sociale directe auprès de cette
population. (Campos, 1998, p. 212)
Tableau 4.9 – Résumé des analyses des évocations de la représentation sociale d’enfant de rue, chez
les trois populations (extrait de Campos, 1998, p. 220)
Éducateurs Moniteurs Étudiants
Éducateurs Moniteurs Étudiants
Abandon Abandon Abandon
Exclusion – Exclusion
Misère Misère Misère
Hypothèses de centralité
Famille – –
Drogue – Drogue
– – Violence
Violence – –
Faim – –
Première Carence affective – –
périphérie – Drogue –
– Famille Famille
– Délinquant Délinquant

Les résultats des tests de centralité vont indiquer des différences


qualitatives par rapport aux noyaux et notamment concernant la famille
(tableau 4.10). Ceci atteste de la spécificité des pratiques des éducateurs
pour lesquels cet élément est fondateur de la RS.
Ce sont surtout les résultats concernant l’élément « rupture des liens
familiaux », ou « famille » simplement, qui montrent la spécificité de la pratique
des éducateurs, dans laquelle les sujets repèrent un trait, qui va devenir le trait
fondateur de la représentation sociale d’enfant de rue en comparaison des autres
représentations du même objet, qui se caractérisent par des éléments plus
génériques, tels que la misère et l’exclusion sociale…
Encore, il faut noter que la représentation de l’enfant de rue chez les
éducateurs est non seulement spécifique, mais aussi qu’elle est bien plus
structurée que chez les deux autres populations. (Campos, 1998, p. 219-220)
Tableau 4.10 – Résumé des taux de confirmation de centralité dans les trois populations (extrait de
Campos, 1998, p. 222)
Éducateurs Moniteurs Étudiants
Exclusion 80 % 25 % 80 %
Famille 70 % 19 % 40 %
Misère 34 % 18 % 56 %
Abandon 09 % 32 % –
Carence affective 58 % – 61 %
Drogue 18 % 30 % 42 %
Violence 30 % – 55 %
Vol 26 % 38 % 26 %
Délinquant – 37 % 62 %
Même si l’élément « misère » a une fréquence importante dans toutes les
analyses, il ne résiste pas au test de centralité, ce que Campos interprète en
termes de stéréotype (un enfant de rue appartient de façon évidente à une
famille misérable). Concernant l’élément « délinquant » qui est absent chez
les éducateurs, l’auteur propose une interprétation à la lecture des graphes de
similitude.
En effet, l’analyse des deux graphes de constitution de familles de mots semble
indiquer que, si pour les éducateurs, l’élément « délinquance » est lié à la « misère »,
pour les moniteurs ces deux notions se trouvent éloignées l’une de l’autre. Une
variation du thème de la délinquance apparaît chez les étudiants, bien qu’on le trouve
dans une position périphérique, sous la formule « marginal ». (Campos, 1998, p. 223)
Nous reviendrons sur les apports de cette recherche dans le chapitre
suivant qui porte sur les pratiques.

8. Valeurs, guerre et paix


Partant des données d’un vaste projet de recherche qui comprenait des
échantillons représentatifs de jeunes de 16 ans issus de différents pays, Orr,
Sagi et Bar-On (200016) ont étudié comment le conflit israélo-palestinien se
construisait dans l’esprit des jeunes Israéliens et Palestiniens. Les auteurs
ont fait l’hypothèse que les jeunes partageaient un champ de représentation
collectif qui leur permettait de faire face à la situation de violence mais aussi
constituait un frein pour trouver une voie pour en sortir. Ils ont pu comparer
les données de 1 138 adolescents israéliens, 1 099 Palestiniens et plus de
27 000 Européens issus de 24 pays.
Une autre caractéristique importante des conflits ethno-nationaux est leur signification
collective. Les actions violentes ne visent pas les personnes en tant qu’individus,
mais plutôt leur groupe ethnique ou leur nation. Par conséquent, lorsque l’effet d’un
conflit ethnique ou national violent est le thème principal d’une recherche, l’étude doit
se concentrer sur les phénomènes et les processus collectifs dans l’esprit des
individus impliqués. Ce qui suit décrit notre effort pour saisir la signification sociale
collective du conflit israélo-palestinien à long terme. (Orr, Sagi et Bar-On, 2000, p. 2-
3, notre traduction)
Les auteurs ont suivi le modèle d’analyse proposé par Spini et Doise17
(champ de représentation, principes organisateurs et ancrage) et posé quatre
hypothèses spécifiques : 1. Les champs de représentation des deux groupes
israélien et palestinien seront composés de valeurs ethno-nationales et
personnelles. 2. Ces groupes seront plus opposés à payer des coûts
importants pour la paix. 3. Ils se représenteront la guerre comme justifiée
pour obtenir l’indépendance nationale. 4. Malgré le conflit violent, ils auront
une perspective historique optimiste.
Pour étudier le champ représentationnel collectif des valeurs personnelle et
ethno-nationale, les adolescents devaient évaluer l’importance (de 1 à 5)
qu’ils attribuaient à différents items. Ces items se situaient sur une dimension
individuelle vs collective et particulière vs universelle d’auto-
transcendance.
Les résultats montrent par exemple que si la famille tient la place la plus
importante pour les trois groupes, la foi religieuse est plus importante pour
les groupes israélien et palestinien. Par ailleurs les adolescents palestiniens
accordent moins d’importance aux items personnels (e.g. hobbies, amis…)
que les Israéliens et les Européens, les scores de ces derniers étant inférieurs
à ceux des Israéliens. Les Israéliens accordent plus d’importance que les
Européens aux valeurs libérales (e.g. liberté d’opinion, démocratie).
Comme les auteurs l’ont supposé, la « paix à tout prix » a été évaluée plus
importante par les Européens que par les Palestiniens et les Israéliens, ces
derniers apparaissant encore moins disposés que les Palestiniens à payer le
prix de la paix (hypothèse 2 ; tableau 4.11).
Tableau 4.11 – Quelle est l’importance de ces choses pour vous ? (moyenne et écart-type ; adapté et
traduit de Orr, Sagi et Bar-On, 2000, p. 8)
Post-hoc
Israéliens Palestiniens Européens
sig.
Famille 4,76 (0,61) 4,42 (1,05) 4,69 (0,65) Tous
Palest. vs
Amis 4,52 (0,75) 4,29 (0,89) 4,50 (0,68)
autres
Israël. vs
Hobbies 4,26 (0,75) 4,08 (0,95) 4,10 (0,82)
autres
Mon pays 4,19 (0,91) 4,29 (0,94) 3,81 (0,99) Tous
Europ. vs
Mon groupe ethnique/national 3,91 (1,13) 3,93 (1,03) 3,44 (1,14)
autres
Israël. vs
La richesse pour moi 3,88 (0,96) 3,49 (1,15) 3,56 (1,05)
autres
Ma foi religieuse 3,43 (1,28) 4,30 (0,98) 3,09 (1,36) Tous
La coopération européenne 3,14 (1,12) 2,49 (1,25) 3,16 (1,12) Palest. vs
autres
Israël. vs
La démocratie 4,04 (1,08) 3,47 (1,31) 3,43 (1,22)
autres
La liberté d’opinion 4,35 (0,88) 4,10 (1,01) 4,28 (0,94) Tous
La paix à tout prix 2,87 (1,43) 3,28 (1,47) 4,29 (0,98) Tous
La solidarité avec les pauvres : propre
3,51 (1,04) 4,23 (0,89) 3,96 (0,97) Tous
pays
La solidarité avec les pauvres : le tiers-
3,06 (1,16) 3,66 (1,14) 3,75 (1,09) Tous
monde
Le bien-être
3,69 (1.06) 3,85 (1.06) 4,01 (0.93) Tous
et la sécurité sociale
Israël. vs
La protection de l’environnement 4,17 (0.92) 4,40 (0.89) 4,40 (0.89)
autres

Les auteurs trouvent que la plus grande différence entre les Européens et les
deux autres groupes se situe dans le principe d’organisation des items révélé
par l’analyse de la structure de similitude (SSA).
Comme mentionné précédemment, les deux dimensions déduites pour notre liste
spécifique de valeurs étaient l’individu vs le collectif et le particulier vs l’auto-
transcendance. Soutenant la première hypothèse concernant l’enchevêtrement du
personnel et du collectif, les espaces israélien et palestinien sont apparus assez
similaires : dans les deux cas, les valeurs individuelles et collectives ont été
regroupées en une seule facette (facteur), avec la famille et le pays en son centre.
Dans chacun des espaces SSA, les éléments auto-transcendants se situaient en
dehors de la facette individuelle/collective (ethno-nationale) combinée. C’est-à-dire
que dans les deux groupes, les éléments individuels ont été fusionnés avec les
éléments collectifs, avec le pays au centre (voir également le tableau 2). Nous
n’avons trouvé ce type de structure dans le SSA d’aucun autre pays européen. (Orr,
Sagi et Bar-On, 2000, p. 9, notre traduction)
« Quelle est votre vision des nations et des États nationaux » ? Deux items
parmi les six sont apparus pertinents. Sur le premier, les Israéliens sont
apparus significativement plus en accord et les Palestiniens significativement
moins.
Les autres résultats montrent que par rapport aux Européens, les deux
groupes de lycéens du Moyen-Orient considèrent davantage la guerre comme
légitime (hypothèse 3) et sont disposés à accepter le droit des nations à
entrer en guerre pour créer leur propre État (tableau 4.12).
Tableau 4.12 – Idées concernant les nations (moyennes et écarts type ; extrait et traduit de Orr, Sagi et
Bar-On, 2000, p. 12)
Israéliens Palestiniens Européens F Différences
significatives
Les nations comme cause
3,52 (0,91) 3,30 (1,05) 3,40 (0,88) 15,1 Toutes
principale des guerres
Droit d’aller à la guerre pour
3,09 (1,05) 3,18 (1,14) 2,64 (1,10) 197,8 Toutes
créer son propre État

Pour la dernière hypothèse concernant la perspective optimiste agissant


comme une défense collective, les auteurs ont mesuré l’orientation historique
au travers d’une question : « Les gens voient l’histoire comme une ligne dans
le temps ; parmi les lignes suivantes, laquelle décrit le mieux l’évolution
historique ? » (notre traduction, p. 13). Si les Israéliens font davantage
référence à une amélioration, les Palestiniens voient davantage la situation
s’aggraver (tableau 4.13). Ils ont également évalué l’optimisme historique
par deux questions : « Comment pensez-vous que la vie était dans votre pays
il y a 40 ans ? » et « Comment pensez-vous que la vie sera dans votre pays
dans 40 ans ? » (notre traduction, p. 13). Si les Israéliens ont évalué leur
passé comme moins pacifique que les Européens, ils évaluent également
l’avenir plus positivement (plus pacifique, plus riche et plus démocratique ;
tableau 4.13).
Tableau 4.13 – Les lignes de l’évolution historique
(pourcentage de répondants, extrait et traduit de Orr, Sagi et Bar-On, 2000, p. 13)
Israéliens Palestiniens Européens
S’améliorer 24,8 156 20,3
S’aggraver 2,8 23,2 8,5
Ne pas changer réellement 8,3 11,0 8,3
Se répéter 40,8 33,9 29,9
D’un extrême à l’autre 23,3 16,3 33,0
Total 100,0 100,0 100,0
Tableau 4.14 – Votre pays il y a 40 ans et dans 40 ans
(adapté et traduit de Orr, Sagi et Bar-On, 2000, p. 14)
Israéliens Palestiniens Européens
Il y a Dans Il y a Dans Il y a Dans
40 ans 40 ans 40 ans 40 ans 40 ans 40 ans
2,19 3,08 2,83 2,58 2,90 2,95
Pacifique
(1,01) (1,13) (1,25) (1,18) (1,10) (1,11)
Exploité 3,06 2,20 3,74 3,39 2,8 2,61
(1,20) (1,05) (1,19) (1,18) 7(1,25) (1,08)
2,08 3,39 2,66 3,21 2,49 3,04
Riche
(1,99) (0,88) (1,18) (1,07) (1,03) (1,02)
2,90 4,14 2,55 3,12 2,73 3,49
Démocratique
(1,19) (0,92) (1,21) (1,16) (1,19) (1,03)
Conflits 3,17 2,88 2,96 3,33 2,88 3,07
ethniques (1,18) (1,10) (1,18) (1,16) (1,11) (1,09)

9. Le travail
Roussiau et Leblanc (200118) se sont intéressés aux représentations sociales
du travail auprès d’élèves de différentes filières : bacs généraux,
technologiques et professionnels. L’objectif est d’étudier les relations entre
les types d’orientation des lycéens et leurs représentations sociales du
travail.
Mais plus que le reflet fidèle des différentes formations scolaires et professionnelles,
nous formulons l’hypothèse que le contenu de ces représentations sera le fruit d’une
activité d’appropriation cognitive que ces différents lycéens réalisent durant cette
année charnière de la transition, à propos d’un objet-but comme le travail qui
« finalise » leurs études actuelles. (Roussiau et Le Blanc, 2001, p. 34)
Partant des travaux de Vergès (1992), les auteurs ont utilisé une
méthodologie en deux étapes. Tout d’abord une association libre autour du
mot « travail », puis une analyse catégorielle « qui permet de regrouper dans
des champs sémantiques des ensembles d’opinions proches les unes des
autres » (Roussiau et Le Blanc, p. 42).
Cette méthodologie a été conduite auprès d’une quarantaine d’élèves dans
chaque filière.
Les zones centrales des trois groupes présentent des différences. Pour les
lycéens qui préparent un bac général, le travail apparaît comme une réalité
abstraite alors que pour les lycéens qui préparent un bac technologique et un
bac professionnel, c’est une dimension plus pragmatique du travail qui
ressort. Par ailleurs les lycéens de bac technologique font davantage
référence au chômage.
Les attributs du travail ont une connotation plus négative chez les lycéens de bac
technologique qui semblent se sentir plus menacés par le chômage, alors que ces
attributs ont une couleur plus positive chez les lycéens de bac professionnel qui
associent les termes emploi et indépendance à leur représentation. (Roussiau et Le
Blanc, 2001, p. 41)
L’analyse catégorielle vient confirmer « l’existence d’espaces sémantiques
précédemment identifiés » (p. 42). Les auteurs identifient, au sein de chaque
groupe, six catégories (tableau 4.15). Le poids en pourcentage des catégories
par population montre que pour les lycéens du bac général, la catégorie la
plus importante est stress-vie (24,15 %), constituée par des items comme
surmenage et fatigue. En revanche, la catégorie argent-salaire, qui renvoie à
des aspects plus concrets, est accessoire (poids de 7,80 %).
Concernant les lycéens du bac technologique, la catégorie vie active-
chômage a le poids le plus important (24,50 %), suivie de la catégorie
salaire-argent (18,65 %).
Quant à la dernière population (lycéens du bac professionnel), les
catégories ayant le plus de poids sont : argent-indépendance (23,40 %) et vie
active-emploi-chômage (17,75 %). Comme le soulignent les auteurs, c’est la
dimension d’insertion et d’expérience professionnelle qui prime.
Tableau 4.15 – Les six catégories par groupe de lycéens et le poids
en pourcentage des catégories (adapté de Roussiau et Le Blanc, 2001, p. 42)
Élèves du bac général Poids en %
Catégorie 1 : Stress-vie 24,15
Catégorie 2 : Effort-réflexion-rigueur 15,60
Catégorie 3 : Métier-vie active-chômage 15,60
Catégorie 4 : Devoir-école-études 14,10
Catégorie 5 : Devoir-nécessité 7,80
Catégorie 6 : Argent-salaire 7,80
Rebuts 14,85
Total 100 %
Élèves du bac technologique
24,50
Catégorie 1 : Vie active-chômage
18,65
Catégorie 2 : Salaire-argent
14,40
Catégorie 3 : Études
12,85
Catégorie 4 : Sérieux
10,90
Catégorie 5 : Temps-responsabilité-fatigue
8,00
Catégorie 6 : Patrons
10,50
Rebuts
Total 100 %
Élèves du bac professionnel 23,40
Catégorie 1 : Argent-indépendance 17,75
Catégorie 2 : Vie active-emploi-chômage 14,90
Catégorie 3 : Temps-responsabilité-fatigue 8,00
Catégorie 4 : Entreprise 11,70
Catégorie 5 : Santé-vie 10,00
Catégorie 6 : Connaissances-expérience professionnelle 14,10
Rebuts
Total 100 %

10. Le passé
L’étude de Deschamps, Páez et Pennebaker (200119) sur la représentation
sociale du passé s’intéresse à la vision de l’histoire en fonction de la
génération, du sexe et de l’ancrage culturel (nationaux et migrants étrangers).
Afin d’étudier la mémoire collective des événements sociopolitiques et
culturels, les auteurs ont interrogé 143 personnes vivant en Suisse romande
et leur ont demandé de donner les trois événements les plus importants durant
les 10, 100 et 1 000 dernières années (ordre 1) ou l’inverse (1 000, 100 et
10 ; ordre 2, tableau 4.16).
Tableau 4.16 – Population (extrait de Deschamps et al., p. 59)
Ordre 10/100/1 000 Ordre 1 000/100/10
CH Non-CH CH Non-CH
Homme 22 2 7 3 34
Étudiants
Femme 17 3 25 1 46
Homme 13 2 12 3 30
Adultes
Femme 16 4 9 6 33
66 11 53 13 143

Partant d’un corpus de 1 248 événements après un regroupement sémantique


et la suppression des répétitions chez une même personne, Deschamps et al.
ont procédé à une analyse factorielle de correspondances (AFC). Ils ont
choisi de conserver les événements cités au moins 4 fois.
Il y a des événements qui sont évoqués indépendamment de l’âge ou du
sexe. Les auteurs identifient deux grands domaines : les références historico-
politiques (e.g. la chute du mur de Berlin, les guerres mondiales…) et ce qui
touche au développement technique et sanitaire (e.g. l’invention de
l’imprimerie, le Sida…). Concernant maintenant les différences, Deschamps
et al. observent un premier facteur opposant nettement les étudiants aux
adultes. De manière significative, ces derniers font davantage référence au
féminisme ou encore aux progrès techniques et les étudiants, à la guerre du
Golfe ou aux guerres mondiales.
Paradoxalement, ils [les plus âgés] mentionnent moins que les jeunes les
événements dramatiques dont ils sont chronologiquement proches et dont ils ont eu à
subir les effets (Seconde Guerre mondiale), mais ils semblent plus affectés par les
problèmes écologiques (8/10). En gros, la tonalité de leurs réponses est, sinon
franchement positive, du moins fortement marquée par cette idée de « progrès ».
(Deschamps, Páez et Pennebaker, 2001, p. 64)
Le second facteur oppose les hommes et les femmes. Ces dernières dans
leurs réponses font davantage référence par exemple à la guerre en ex-
Yougoslavie, à la fin de l’esclavage ou à la montée du féminisme : « Tout
laisse penser que ces réponses sont l’indice d’une aspiration à la libération
de l’individu et des opprimés associée à la volonté de dénoncer et de
s’opposer à l’exploitation des faibles par les puissants » (Deschamps et al.,
p. 68).
De leur côté, les hommes apparaissent plus sensibilisés par exemple par la
crise économique ou par l’émergence de l’Europe. En croisant les deux
facteurs les auteurs constatent que ce sont les hommes adultes qui parlent
davantage des préoccupations écologiques, les femmes adultes, du féminisme
et des guerres et les femmes étudiantes de la guerre en ex-Yougoslavie et du
conflit israélo-palestinien. Ils observent également des effets significatifs sur
l’ordre et le pays de naissance. Dans le premier cas les progrès de la science
sont davantage mentionnés dans l’ordre 2. Dans le second cas, les Suisses
abordent moins que les non-Suisses les guerres et la décolonisation.
Cette étude illustre et montre en partie comment l’image de l’histoire, même si elle
est partiellement commune en tant qu’effet de la socialisation dans notre culture,
dépend aussi d’autres facteurs. Les appartenances à une catégorie de genre ou
nationale, ainsi que les expériences typiques des années de formation de l’identité de
chaque génération modulent fortement des contenus qui renvoient à des conceptions
disjointes de l’histoire. (Deschamps, Páez et Pennebaker, 2001, p. 72)

11. Paix, guerre et conflits


Sarrica et Contarello (200420) ont étudié les représentations sociales de la
paix, de la guerre et du conflit auprès d’activistes pour la paix et de non-
activistes. À la suite d’autres travaux, ils ont fait l’hypothèse qu’il existait
une représentation sociale pour chaque objet : la guerre et la paix chez les
activistes pour la paix alors que pour les non-activistes, il n’y aurait qu’une
représentation sociale de la guerre.
Par ailleurs ils ont fait l’hypothèse d’une différenciation du contenu des RS
en fonction des groupes, des catégories sociales et de l’expérience. Pour le
groupe des activistes pour la paix, les auteurs ont sélectionné quatre
associations italiennes avec des ancrages idéologiques et historiques
différents. Le questionnaire a été distribué à un membre de chaque
association, qui était en charge de le diffuser après des autres membres. Pour
le groupe contrôle, ils ont retenu un groupe similaire en termes de
caractéristiques sociodémographiques mais les individus n’appartenaient à
aucune association ; ce groupe a été approché dans les endroits publics.
Un questionnaire constitué de plusieurs parties a été élaboré. Pour les RS,
les auteurs ont utilisé une tâche d’associations libres à partir de plusieurs
inducteurs : guerre, paix et conflit, avec une alternance de l’ordre pour les
deux premiers. Pour le groupe des activistes, une autre tâche associative a
été proposée.
Comme dans les recherches de Di Giacomo (1980), nous avons utilisé les
associations de mots pour étudier la représentation que les militants de la paix se font
d’eux-mêmes. À cette fin, trois autres termes ont été ajoutés comme stimuli : le
pacifiste, mon association, moi-même. Seuls les militants ont été invités à remplir
une échelle d’identification avec leur propre association (Brown et al., 1986 ; dans la
traduction italienne de Capozza, 1995), comme indice de la perception de
l’appartenance. (Sarrica et Contarello, 2004, p. 555, notre traduction)
Pour l’analyse, les auteurs ont opéré des regroupements sémantiques et ont
procédé à une analyse factorielle des correspondances.
Concernant les trois inducteurs, paix, guerre et conflit, dans les deux
groupes (activistes et non-activistes), deux facteurs sont ressortis
principalement à partir des contributions de la paix et du conflit. Une analyse
approfondie montre qu’en dépit de structures similaires, différentes
significations les sous-tendent.
Sur la base de ces résultats, l’item qui semble distinguer le plus clairement les
groupes est le « conflit ». Utilisé en dehors du contexte des groupes d’activistes de la
paix, ce mot a un ensemble de connotations négatives et évoque une situation
d’inconciliabilité entre des personnes ou des États. Ce point est fondamental étant
donné que de nombreuses initiatives en matière d’éducation à la paix s’appuient sur
des techniques non violentes de résolution. (Sarrica et Contarello, 2004, p. 556-557,
notre traduction)
En revanche, « guerre » et « paix » ont une structure similaire dans les deux
groupes. Si la guerre repose sur des objets concrets et des images, la paix
s’inscrit à un niveau plus abstrait et comprend des valeurs. Les similitudes et
différences dans les structures ont amené Sarrica et Contarello à
entreprendre une analyse plus approfondie en intégrant les variables
suivantes : groupe, sexe, religion (croyant ou non croyant), âge, expérience
dans les zones de guerre et ordre des stimuli (paix-guerre ou guerre-paix).
À partir de l’inducteur « guerre », les auteurs observent plusieurs
différences. Par exemple les femmes et les adultes font plus référence aux
émotions. Si les non-activistes font référence à l’impuissance des victimes et
à la leur face à la guerre, les membres des associations pacifistes parlent de
destruction matérielle.
Ces résultats suggèrent donc qu’il existe une intersection entre au moins deux
représentations distinctes, au sein desquelles se trouve l’ensemble des aspects
matériels et plus violents auxquels tous font référence. Les deux représentations
peuvent cependant être distinguées sur la base de la réaction face à la guerre : une
réaction émotive et l’impuissance, d’une part, et une réaction plus concrète et l’idée
de quelque chose qui peut être affronté, d’autre part. (Sarrica et Contarello, 2004,
p. 556-557, notre traduction)
Avec cette même procédure, l’inducteur « paix » montre également des
différences. Les hommes font davantage référence à des aspects symboliques
et aux relations intergroupes alors que les femmes évoquent des relations de
proximité (par exemple cohabitation). Les jeunes se différencient des adultes
qui font référence à des valeurs comme la liberté.
Les personnes ayant une expérience de la guerre voient la paix comme
« une chose dynamique » contrairement à ceux qui n’ont pas d’expérience de
la guerre. Si les militants ont également cette vision dynamique de la paix,
les non-activistes la voient « en termes d’équilibre ». Les auteurs relèvent
également des différences concernant l’identification aux associations et un
effet d’ordre un peu plus important quand la paix est le premier stimulus.
Les résultats à l’inducteur « conflit » confirment les différences : « Les
[militants] ont tendance à donner une description “ambivalente” du conflit,
alors que le groupe contrôle ne mentionne que les aspects négatifs. En outre,
il est important de noter les différences entre les activistes ayant un niveau
élevé ou faible d’identification avec leur propre groupe, sur les facteurs 1, 2,
5 et 6. Ceux qui s’identifient le plus à leur groupe souscrivent pleinement à
la représentation du conflit des militants de la paix. En effet, il est “normal”,
“ambivalent”, “fatiguant”, et est essentiellement représenté comme une
confrontation dialectique utile (“discussion” et “querelle”). D’un autre côté,
les militants qui s’identifient dans une moindre mesure à leur propre
association, tout en n’assimilant pas directement le conflit à la guerre,
l’investissent de connotations plus négatives et d’“hostilité”. En gros, ils le
considèrent comme un “problème” » (Sarrica et Contarello, 2004, p. 562,
notre traduction).
Enfin les analyses à partir des tâches d’associations spécifiques (« le
pacifiste », « mon association », « moi-même ») pour étudier la
représentation de l’identité des activistes font ressortir une structure qui
oppose sur le premier axe, mon association à moi-même et sur le second, les
deux termes au pacifiste. Selon Sarrica et Contarello, le premier facteur
décrit le type d’engagement des activistes avec la vie associative et
l’expérience individuelle. Le deuxième facteur semble opposer deux niveaux
de la réalité : d’un côté l’utopie et les caractéristiques positives du pacifiste
comme le courage, de l’autre une réalité empreinte de doutes.

12. La personne âgée


Partant d’un constat de terrain dans les écoles de formation d’infirmières et d’aides-
soignantes, sur la présence de préjugés et de stéréotypes à l’encontre des personnes âgées,
Gaymard (2006 21) a cherché à approfondir ces aspects auprès de professionnels mais
également d’étudiants.
L’objectif était de comparer la représentation des infirmières et aides-soignantes en fonction
de leur insertion professionnelle (maison de retraite, hôpital, clinique et association de
maintien à domicile) avec celle des étudiants d’universités laïques et catholiques. Les
contextes professionnels impliquent des pratiques avec des personnes âgées qui sont plus ou
moins dépendantes (e.g. long séjour hospitalier vs maintien à domicile).
De leur côté les étudiants avaient des pratiques familiales avec leurs grands-parents mais
n’avaient aucune expérience avec la personne âgée dépendante.
Le questionnaire était composé d’une tâche d’association libre à partir de l’inducteur
« personne âgée » et d’un différenciateur sémantique. Il a été complété par 134
professionnels (62 infirmières et 72 aides-soignantes) et par 76 étudiants.
L’analyse auprès des groupes montre que le noyau central est différent et que l’univers
représentationnel des étudiants est moins complexe.
Un test de khi2 montre des différences significatives concernant des éléments centraux ou
périphériques (tableau 4.17).
Tableau 4.17 – Différences significatives (adapté et traduit de Gaymard, 2006, p 80)
Associations libres Fréquences personnel soignant Fréquences étudiants P
Dépendance 62 23 < .02
Vieillesse 19 40 < .0001
Sagesse 16 27 < .0001
Retraite 6 27 < .0001
Solitude 42 13 < .02
Grands-parents 7 23 < .0001
Maladie 12 25 < .0001
Mort 12 14 < .04

Pour approfondir la comparaison des publics personnels soignants et


étudiants, une analyse en composantes principales a été effectuée à partir des
moyennes. Elle révèle l’importance de certains items dans la différenciation
des quatre populations au travers d’un effet « Guttman » (voir chapitre 7,
4.3).
Dans cette étude, on observe que malgré les pratiques professionnelles
avec des personnes âgées dépendantes, la composition du noyau central ne
permet pas de conclure à une représentation sociale négative. En revanche
cette expérience professionnelle impacterait plus négativement les
stéréotypes à l’encontre de la personne âgée (Gaymard, 2006).

13. Le vieillissement
La thématique choisie par Wachelke et Contarello (201022) est proche
puisqu’elle concerne le vieillissement, néanmoins, ce n’est pas le même
objet.
Les auteurs ont conduit deux études. La première auprès de 80 Italiens dans une perspective
comparative hommes/femmes et jeunes/âgés, la seconde comparant 40 jeunes Italiens avec
40 jeunes Brésiliens.
Dans la première étude, 40 étudiants hommes et femmes de l’université de Padua ont été
recrutés (moyenne d’âge = 22,2 ans). Le groupe plus âgé des 40 hommes et femmes (moyenne
d’âge = 64 ans) était constitué par l’environnement proche des étudiants (grands-parents,
connaissances…). Un questionnaire a été utilisé avec une tâche associative à partir de
laquelle les répondants devaient se prononcer sur une série d’opérateurs logiques selon la
méthodologie des Schèmes Cognitifs de Base (SCB). Les auteurs ont également utilisé une
mise en cause (MEC).
« Puis ils ont indiqué, pour chaque réponse, si une série de 28 opérateurs logiques reliant le
vieillissement à la réponse avaient été activés ou non. Ces connecteurs étaient regroupés
selon le type de relation qu’ils expriment, formant trois méta-schèmes : “description”
(9 connecteurs), “praxis” (12) et “attribution/évaluation” (7) (Rateau, 1995). » (Wachelke et
Contarello, 2010, p. 371, notre traduction)
Les résultats font émerger une structure différente pour les participants jeunes et plus âgés.
Par exemple les items « mort » et « exclusion sociale » sont centraux pour ces derniers alors
qu’ils sont périphériques pour les jeunes.
La spécificité des objets est clairement démontrée avec un public
d’étudiants quand on compare la constitution du noyau central dans l’étude
de Wachelke et Contarello et dans celle de Gaymard (2006).
Les analyses sur la répartition des réponses d’activation par groupe d’âge, genre et méta-
schème montrent un effet pertinent qui concerne l’âge. « Il démontre que les participants
matures ont activé proportionnellement plus de SCB de 48,5 % que les jeunes : 39,3 % (z
= 7,81) » (Wachelke et Contarello, p. 374, notre traduction).
Dans la seconde étude, il y avait deux variables explicatives : le contexte culturel national
(Italie – Padoue et Brésil – Florianopolis) et le genre.
L’échantillon de jeunes Italiens utilisé pour la première étude a été repris dans les analyses et
complété par un groupe de 40 jeunes Brésiliens hommes et femmes (moyenne d’âge
= 21,2 ans) ; la même méthodologie a été employée.
Comme pour la première étude, des différences dans la structure de la représentation sociale
sont observées. Par exemple la famille est un élément central pour le groupe des jeunes
Italiens alors qu’elle est périphérique pour le groupe des jeunes Brésiliens. À l’inverse pour
ces derniers l’exclusion sociale ou la sagesse sont des éléments centraux mais périphériques
pour le premier groupe.
La répartition des réponses d’activation par contexte culturel, genre et
méta-schème figure dans le tableau 4.18 ci-dessous.
Tableau 4.18 – Extrait et traduit de Wachelke et Contarello, p. 376
Contexte culturel
Italiens Brésiliens
Description Praxis Attribution Description Praxis Attribution
G non oui non oui non oui non oui non oui non oui
H 345 195 472 248 216 204 384 156 527 193 240 180
F 324 216 451 269 231 189 363 177 516 204 249 171
G = genre ; H = homme ; F = femme.
Les principaux résultats d’analyse indiquent que les Italiens activent plus
de connecteurs (39,3 %) que les Brésiliens (32,2 %), permettant de valider
l’hypothèse selon laquelle le vieillissement « est un sujet qui est associé à un
réseau de relations plus complexe pour les participants issus du contexte
italien (z = 6,10 ; p < .001) » (Wachelke et Contarello, ibid.).
Les auteurs retrouvent pour chaque méta-schème le même schéma, avec une
interaction significative du contexte culturel et de l’activation. Pour les
auteurs, la proportion plus élevée de personnes âgées dans la population
italienne peut expliquer ces résultats.

14. Le changement climatique


Les travaux de Kay (201823) portent sur un objet particulièrement
contemporain puisqu’il s’agit du changement climatique (CC). S’il existe à
ce jour de nombreuses recherches sur cet objet, il y a en revanche très peu de
travaux portant sur les pays d’Afrique subsaharienne. Pourtant ceux-ci sont
considérés comme les plus vulnérables car fortement impactés par les effets
du CC et notamment au niveau de l’agriculture (Kay et Gaymard, 201924).
L’originalité de ces travaux repose ainsi sur le contexte culturel et un
recueil des données sur place en face-à-face avec les agriculteurs avec
l’aide d’un interprète. La population est donc directement concernée par
l’objet dans ses pratiques quotidiennes. Cette recherche s’appuie sur trois
études. Nous parlerons des deux premières, qui portent sur une comparaison
de la RS du CC auprès d’agriculteurs camerounais vivant dans deux zones
distinctes. Deux recueils (étude 1 et étude 2) ont eu lieu à 4 ans d’intervalle
auprès de différents agriculteurs appartenant aux deux zones. Le choix a été
fait de deux contextes géo-climatiques différents : le contexte équatorial (ou
zone forestière) et le contexte soudano-sahélien, ce dernier étant plus
vulnérable.
[La zone forestière] Le climat y est chaud et humide ; c’est une zone caractérisée par
un climat subéquatorial de type « guinéen », avec une température moyenne annuelle
relativement constante, de l’ordre de 2 à 27 degrés Celsius avec une pluviométrie
moyenne qui varie entre 1 500 et 2 000 mm sur 10 mois… La zone forestière
présente une grande homogénéité et comprend les forêts dégradées du Centre et les
forêts denses humides du Sud et de l’Est…
La zone soudano-sahélienne est caractérisée par une pluviométrie de type
monomodale qui varie du nord au sud entre 500 mm et 800 à 1 000 mm. Les
précipitations annuelles sont concentrées pour l’essentiel sur quatre mois (de juillet à
octobre), les températures moyennes sont voisines de 28 °C, avec des écarts
thermiques très importants (7,7 °C de moyenne annuelle), les maxima étant de
l’ordre de 40 à 45 °C. (Kay, 2018, p. 176-178)
La population est constituée d’agriculteurs rencontrés soit sur la localité de
Kongola pour la zone soudano-sahélienne soit dans celle de Nsimalen pour
la zone forestière.
Pour le recueil de la première étude qui a eu lieu en février et mars 2014,
30 agriculteurs de chaque zone ont répondu à un test d’associations libres
avec l’inducteur « changement climatique ». Les résultats montrent que la RS
est différente (tableau 4.19).
Tableau 4.19 – Noyaux centraux des deux groupes d’agriculteurs
(Kay, 2018, p. 189 ; recueil 2014)
Forestiers Soudano-Sahéliens
Chaleur
Sécheresse Désert/désertification
Changement climatique Saison Inondations
Pluies Chaleur
Soleil
Ainsi, pour la zone soudano-sahélienne, étant donné que la région est une zone où
l’avancée du désert est une problématique réelle, on retrouve cet élément
(désert/désertification) comme élément saillant dans la représentation ; il en est de
même chez les agriculteurs de la zone forestière, qui se caractérise par une
abondance des précipitations, et la baisse de celles-ci se répercute dans le milieu
agricole. C’est pourquoi, pour les agriculteurs de cette zone, la sécheresse (donc le
manque de pluies) est un élément déterminant du changement climatique. (Kay, ibid.)
Le recueil de la seconde étude a eu lieu entre janvier et février 2018 avec
un accès à la population plus difficile, notamment dans la zone soudano-
sahélienne, en particulier dans l’extrême Nord, à la suite des déplacements
de populations consécutifs aux attaques du mouvement islamique « Boko
Haram ». Dans cette région, la population est en grande partie formée par
des agriculteurs, qui ont été dans l’obligation d’abandonner leurs champs.
« D’après le gouvernement camerounais, 70 % des agriculteurs ont
abandonné leurs exploitations et de nombreux n’ont pas pu réaliser des
activités agricoles essentielles, car obligés de fuir les assauts » (Kay, 2018,
p 192-193). Les agriculteurs ont été approchés dans les mêmes localités,
45 agriculteurs pour la zone soudano-sahélienne et 50 pour la zone
forestière. En plus du test d’associations libres, un questionnaire de
caractérisation réalisé à partir de l’analyse de la première étude a été
complété. Les résultats au test d’associations libres montrent le changement
des RS pour les deux groupes (tableau 4.20).
Tableau 4.20 – Noyaux centraux des deux groupes d’agriculteurs
(Kay, 2018, p. 212 ; recueil 2018)
Zone forestière Zone soudano-sahélienne
Changement saisons
Maladies
Changement climatique Manque de pluies
Manque de pluies
Sécheresse

Sur une période de 4 ans, on assiste ainsi à une transformation de la RS


s’apparentant au type de transformation que l’on appelle « progressive »
(Kay, 2018).
On observe en effet que dans la zone forestière, l’élément maladie, qui faisait partie
de la première périphérie, est venu fusionner avec les autres éléments du noyau
central pour former le nouveau noyau. En revanche, dans la zone soudano-
sahélienne, les éléments périphériques (sécheresse, déforestation, pluies rares,
baisse des récoltes) ont fusionné en un seul élément, le manque de pluies, pour
devenir le seul élément constitutif du nouveau noyau central. (Kay, 2018, p. 275)
À propos du questionnaire de caractérisation, il est formé de 20 items qui
concernent les aléas climatiques, la faune et la flore, les récoltes, les
conséquences du CC mais aussi des items en lien avec la pollution, les gaz à
effet de serre (GES) ou les accords avec les Nations unies (NU). Des
différences significatives ont été observées entre les deux groupes
d’agriculteurs (tableau 4.21).
La représentation graphique de chaque item démontre une forte homogénéité
intra-groupe.
Le questionnaire de caractérisation montre l’absence de sous-groupes dans nos
deux populations. En effet, nous avons vu que les deux distributions, que ce soit en
zone forestière ou en zone soudano-sahélienne, ne comportaient pas de courbe en
« U ». Ce qui peut laisser penser que le changement climatique ne donne pas lieu à
des jugements très contrastés chez les agriculteurs. (Kay, 2018, p. 263)
Tableau 4.21 – Questionnaire de caractérisation : comparaison
des deux groupes d’agriculteurs (extrait de Kay, 2018, p. 213)
U de Mann-Whitney P-value
Températures élevées 1 014 500 .351
Inondations 1 046 500 .551
Pauvreté 1 204 000 .548
Mort des animaux 838 000 .029
Gouvernement 534 500 < .0001
Environnement 1 068 500 .666
Adaptation 945 500 .166
Manque de pluies 1 546 000 .001
Accords des Nations unies 578 500 < .0001
Chaleur 1 399 500 .034
Maladies 1 380 000 .053
Changement de saisons 1 466 000 .006
Perte/baisse récoltes 1 633 000 < .0001
Famine 1 606 000 .000
GES 767 500 .006
Avancée du désert 728 000 .002
Sécheresse 1 219 500 .462
Pollution 1 008 000 .371
Destruction faune/flore 933 000 .144
COP 902 500 .076
En gras figurent les différences significatives.
L’auteur a également étudié le changement climatique dans trois quotidiens
nationaux camerounais : Cameroun Tribune, L’Œil du Sahel et la Voix du
Paysan, pour proposer une structure du discours de la presse au travers
d’analyses lexicométriques.
On peut donc dire que la complexité du changement climatique se traduit dans la
presse camerounaise qui a un discours à la fois local et global du phénomène.
Au-delà des rapports de dépendance entre les pays dits développés et les pays dits
en développement, on peut déceler en filigrane des idées d’aide, de dépendance, de
pauvreté, véhiculées par le discours de la presse camerounaise sur le changement
climatique. (Kay, 2018, p. 257)
Ces différents exemples de recherches sur les RS et sur 30 ans ont illustré
différents apports théoriques et méthodologiques. Ils attestent de la richesse
et de l’étendue de ce champ d’étude.
Chapitre 5
La question des pratiques,
comportements, et leur place
dans l’évolution
de la représentation sociale

Sommaire
1. La question des pratiques, comportement
2. Les pratiques en amont, en aval des représentations, une
causalité circulaire ?

1. La question des pratiques,


comportements
Les pratiques sont nécessairement liées aux représentations sociales, qui
ont été définies par Moscovici comme des guides pour l’action ou des
« actions représentationnelles » (1989). Et, comme nous l’avons vu
précédemment, les fonctions des représentations sociales sont directement
liées aux pratiques.
Dans son ouvrage princeps, Moscovici privilégie dans ce sens l’emploi du
terme « comportement ». Nous avons répertorié les citations dans leurs
contextes associant représentation et pratique/comportement. Pour le terme
« pratique(s) » ou « pratiquer », nous avons relevé une phrase qui faisait
référence à la notion de pratiques en lien avec le comportement1 :
Au lieu de figer l’ombre portée sur les sociétés d’une expérience ou d’une
connaissance venues d’ailleurs, s’en former une représentation c’est les animer de
deux manières. D’abord en les rattachant à un système de valeurs, de notions et de
pratiques2 qui donne aux individus les moyens de s’orienter dans l’environnement
social et matériel et de le maîtriser. (Moscovici, p. 27)
Si l’on prend maintenant les citations englobant les termes
« comportement(s) », « conduites » ou « actions » dans le sens qui nous
intéresse, nous avons identifié une quinzaine de références (tableau 5.1).
Indépendamment du lien avec le concept de représentations sur lequel notre
recherche s’est focalisée, le terme « comportement » est beaucoup plus
présent.
Tableau 5.1 – Citations dans leur contexte qui font référence
au lien représentations/comportements dans l’étude de Moscovici (1961-1976)
« Elles ont permis de mieux saisir sa généralité et de mieux comprendre son rôle dans la
p. 16
communication et dans la genèse des comportements sociaux. »
« C’est pourquoi une représentation parle autant qu’elle montre, communique autant
qu’elle exprime. Au bout du compte elle produit et détermine des comportements,
puisqu’elle définit à la fois la nature des stimuli qui nous entourent et nous provoquent, et
la signification des réponses à leur donner…
p. 26 La représentation sociale est une modalité de connaissance particulière ayant pour
fonction l’élaboration des comportements et la communication entre individus…
J’insiste sur la spécificité de celles-ci parce que je ne voudrais pas les voir réduites,
comme par le passé, à de simples simulacres ou déchets intellectuels sans rapport avec le
comportement humain créateur. »
Titre
sommaire « Miniatures de comportements, copies de la réalité et formes de connaissance ».
et p. 39
« L’objet est inscrit dans un contexte actif, mouvant, puisqu’il est partiellement conçu par
la personne ou la collectivité en tant que prolongement de leur comportement et n’existe
p. 46
pour eux qu’en tant que fonction des moyens et des méthodes permettant de le
connaître. »
« Partant, si une représentation sociale est une “préparation à l’action”, elle ne l’est pas
seulement dans la mesure où elle guide le comportement, mais surtout dans la mesure
p. 47
où elle remodèle et reconstitue les éléments de l’environnement où le comportement doit
avoir lieu. »
« Par contre les représentations sociales sont des ensembles dynamiques, leur statut est
celui d’une production de comportements et de rapports à l’environnement, d’une
p. 48
action qui modifie les uns et les autres et non pas d’une reproduction de ces
comportements ou de ces rapports, d’une réaction à un stimulus extérieur donné. »
p. 75 « Celle-ci lui est propre, dans la mesure où la représentation contribue exclusivement aux
p. 75-76 processus de formation des conduites et d’orientation des communications sociales…
Subséquemment, elles appellent des conduites et des communications adéquates…
Par contre le passage d’une théorie scientifique à sa représentation sociale répond
justement au besoin de susciter des comportements ou des visions socialement adaptés
à l’état des connaissances du réel. »
« La conjonction de deux mouvements, celui de la généralisation collective de l’usage et
celui de l’expression immédiate des phénomènes concrets permet à la représentation de
p. 124
devenir un cadre cognitif stable et d’orienter les perceptions ou les jugements sur le
comportement ou les rapports interindividuels. »
« La représentation sociale s’élabore à cette fin comme un instrument social polyvalent,
beaucoup plus général que sa destination strictement scientifique ne le laissait prévoir. Elle
p. 289
devient ainsi un système d’interprétation partiellement automatique et, par là même, partie
intégrante du comportement réel et symbolique. »
Titre
sommaire « La représentation instrument d’action »
et p. 453
« En utilisant des techniques adéquates, la structuration des opinions et sa mise en rapport
p. 503 avec la conduite pourraient faciliter un examen des rôles respectifs des champs de
représentation et des attitudes dans la genèse des comportements. »

L’ouvrage Pratiques sociales et représentations (Abric, 1994), qui aurait


pu s’intituler Représentations Sociales et pratiques3, atteste ce lien
indéfectible entre représentations et pratiques puisqu’une représentation ne
peut s’élaborer sans pratiques communes en relation avec l’objet.
Abric revient sur les polémiques autour de la question des relations entre
pratiques et représentations sociales. Que l’on adopte le point de vue de
l’influence des représentations sur les pratiques ou l’inverse, la relation
entre ces deux entités est indiscutable et toute contradiction entre les
représentations sociales et les pratiques conduit obligatoirement à une
transformation.
Dans cet ensemble de recherches très diversifié qui s’offre à nous
aujourd’hui, l’étude des pratiques sociales s’inscrit dans le versant
« dynamique » des représentations sociales. Au sein de celui-ci les travaux
de Flament ont largement contribué à la compréhension des mécanismes
impliqués, ouvrant des perspectives très heuristiques (1987, 1989, 1994a,
1994b).

1.1 Les sens du mot pratique


Flament et Rouquette (20034) définissent un objet de représentation sociale
par la saillance sociocognitive et par « l’existence de pratiques afférentes à
celui-ci dans la population visée » (p. 32). Ils vont ainsi définir quatre types
de pratiques qui ne s’excluent pas mutuellement, en avouant l’impossibilité
« de différencier le poids relatif de ces quatre acceptions dans les processus
de genèse et de transformation des RS » (p. 33).
Tout d’abord la pratique dans le sens de passage et l’acte, qui va opposer
deux populations : l’une ayant fait telle ou telle chose et l’autre non. Le
passage à l’acte va opposer par exemple les détenteurs du permis de
conduire à ceux qui ne l’ont pas. La pratique comme récurrence, qui peut
être illustrée par un continuum entre les novices et les experts, différencie
par exemple les jeunes conducteurs des conducteurs expérimentés. La
pratique définie comme façon de faire permet de différencier deux
approches avec un niveau égal de formation ; par exemple deux façons de
conduire chez des individus ayant suivi la même formation. Enfin la pratique
comme calcul intègre la prise en compte des intentions et des objectifs
formulés par l’individu. « [elle] renvoie à l’élaboration et à l’évaluation de
stratégies au sens strict du terme : des plans d’action organisés selon un
déroulement séquentiel asservi à une finalité et intégrant la prise en compte
de contraintes » (Flament et Rouquette, 2003, p. 36). Les auteurs proposent
de décliner ces 4 types de pratique sur l’exemple de l’enseignement
(tableau 5.2).
Tableau 5.2 – Les quatre aspects de la notion de pratique
(adapté de Flament et Rouquette, 2003, p. 36)
Sens 1 : la pratique comme passage à
Avoir vs n’avoir jamais enseigné
l’acte
Sens 2 : la pratique comme récurrence Avoir enseigné plus vs moins longtemps
Sens 3 : la pratique comme façon de
Enseigner d’une manière vs une autre
faire
Avoir vs ne pas avoir une réflexion, un « calcul »
Sens 4 : la pratique comme calcul
pédagogique.

Ces quatre aspects ne sont pas exclusifs et on peut trouver dans la même
étude deux sens qui peuvent être confondus. Par exemple être un conducteur
novice ou expérimenté (sens 2) est aussi lié à une façon de conduire risquée
ou pas (sens 3).
2. Les pratiques en amont, en aval des
représentations, une causalité circulaire ?
La question qui a alimenté plusieurs études était la suivante : les pratiques
sont-elles en amont, en aval des représentations sociales ou bien pratiques et
représentations sont-elles interdépendantes ? Ces questionnements remontent
au début des recherches comme le mentionne Abric (1987).
Le premier problème qui nous a intéressé, et celui qui nous semblait le plus urgent à
traiter à l’époque de notre première recherche sur le thème (cf. Abric, 1967), était
celui de la relation entre représentation et comportement. Il nous a semblé en effet
qu’avant d’aborder plus en profondeur l’étude des constituants de la représentation et
de leur organisation, Il était nécessaire de vérifier notre postulat de départ : les
comportements d’un individu en situation d’interaction sont déterminés non par les
conditions objectives, mais par la représentation de cette situation. (Abric, 1987,
p. 13)
La conception selon laquelle les pratiques seules détermineraient les
représentations sociales a fait l’objet de critiques, même s’il n’est pas
possible de contester la place des pratiques dans l’évolution et la
transformation des représentations sociales (Flament, 1989), point qui sera
abordé un peu plus loin.
Les critiques émises sur cette conception catégorique (Abric, 1994b5) sont
fondées sur l’omission de trois facteurs. En premier lieu les facteurs
culturels que l’on ne peut exclure. Ensuite, les facteurs connectés au système
de normes et de valeurs. Comme le mentionne Abric : « Il ne suffit pas que
l’individu soit engagé dans une pratique pour qu’il la reconnaisse comme
sienne et se l’approprie. Encore faut-il qu’elle lui apparaisse comme
acceptable par rapport au système de valeurs qui est le sien » (p. 220). Enfin
les facteurs en rapport avec l’activité du sujet, les processus qui vont
participer à la construction démontrant le rôle des représentations sociales et
leur impact sur la réalité.

2.1 Impact des représentations sociales sur les


pratiques
Plusieurs travaux expérimentaux ont établi comment les représentations
sociales déterminaient les pratiques et le rôle qu’elles jouaient en situation
d’interaction. Nous pouvons citer (par ordre chronologique et de façon non
exhaustive) les travaux d’Abric, Faucheux, Moscovici et Plon (19676), de
Faucheux et Moscovici (19687), de Codol (19708, 19729) ou d’Abric
(1984b10), montrant que la représentation du partenaire de jeu va influer sur
le comportement. Le contexte des jeux expérimentaux apporte ainsi le
premier socle à ces analyses.
Évoquant les critiques faites sur l’approche expérimentale en psychologie
sociale, Abric précise que l’approche expérimentale des représentations
sociales s’est développée pour répondre au « souci d’articulation entre le
psychologique et le social » (Abric, 1989, p. 188) et il va plus loin en
évoquant l’impact de l’introduction du concept de représentations sociales
sur le regard et l’approche de la méthodologie expérimentale.
L’introduction de la notion de représentation en psychologie sociale implique un
regard et une approche nouvelle de la méthodologie expérimentale : elle amène la
centration sur les facteurs cognitifs et symboliques. (Abric, 1989, p. 188)
Abric pose ainsi comme objectif premier aux travaux expérimentaux de
vérifier l’hypothèse générale suivante : « Les comportements des sujets ne
sont pas déterminés par les caractéristiques objectives de la situation
mais par la représentation de cette situation » (p. 189) ; il proposera
ensuite d’étudier les facteurs déterminants dans l’organisation des RS.
Comme l’écrit Doise (1972, p. 253) : « Si le terme de représentation
apparaît dans ces travaux, c’est qu’il s’agit d’effectuer une distinction entre
les éléments objectifs d’une situation et la signification que ces mêmes
éléments revêtent pour les sujets qui participent à l’expérience. »
Nous verrons dans ce chapitre ce qui relève du premier point et nous
aborderons ce qui relève du second point dans un chapitre ultérieur.
Dans la description des recherches expérimentales qui traitent des relations
entre les représentations et les comportements, il existe différents types de
recherches. Selon Abric (198911), ces recherches sont de trois types : celles
portant sur l’effet des représentations sur les comportements individuels,
celles qui s’intéressent aux situations de résolution de problèmes et de
créativité et celles qui s’intéressent aux comportements intergroupes. Nous
présenterons quelques-unes de ces recherches ci-dessous.
Un certain nombre de recherches sont fondées sur le paradigme du jeu
expérimental, ou dilemme des prisonniers. Cette situation dispose les
individus dans un jeu à motivation mixte avec une possibilité de coopération
(possibilité pour les deux joueurs d’obtenir le gain maximum) et une
possibilité d’exploitation de l’autre partenaire.
Abric et Kahan (197212) ont ainsi étudié la représentation du partenaire afin
de montrer que celle-ci orientait le comportement du sujet. Pour cette
démonstration ils ont manipulé la représentation du partenaire (le partenaire
comme un Autre étudiant ou une machine) et son comportement effectif
(adaptatif ou rigide). Les résultats observés (tableau 5.3) confirment les
hypothèses.
Tableau 5.3 – Proportion des choix coopératifs (extrait de Abric, 1989, p. 192)
Comportement
Adaptatif Rigide
Autre .58 .51 .54
Représentation du partenaire
Machine .41 .30 .35
.49 .44

Nous voyons dans le tableau que le niveau de coopération est plus


important quand la représentation du partenaire est « Autre », donc la
représentation d’un partenaire humain favorise la coopération (hypothèse 1).
Nous voyons également que la représentation du partenaire est plus
importante que son comportement (hypothèse 2) ; qu’il soit adaptatif ou
rigide, le niveau de coopération est plus important quand la représentation du
partenaire est celle d’un partenaire réel et non d’une machine. Les auteurs
constatent également que ces représentations perdurent en dépit de la réalité
du comportement.
Par exemple, la dimension « rigide », centrale dans la représentation de la machine,
se maintient, même lorsque les sujets perçoivent que la machine émet des réponses
adaptatives… (Abric, 1989, p. 192)
Une expérience de Faucheux et Moscovici (196813) avait notamment pour
objectif d’examiner l’effet de l’identité du partenaire sur l’intensité du
comportement d’exploitation.
Dans le protocole adopté par Faucheux et Moscovici, les auteurs ont
cherché à isoler la variable identité du partenaire en définissant « une sorte
de degré zéro de l’interaction, tel que n’y interviennent pas des facteurs
relevant de la comparaison sociale, de relations de pouvoir et de contrôle »
(Plon, 1972, p. 254).
L’expérience concerne des interactions constituées par un sujet (il s’agit
d’étudiants en médecine) et un partenaire appelé dans les conditions
expérimentales, soit « le hasard », soit « la nature ». Le choix noir ou B
(tableaux 5.4 et 5.5) privant le partenaire de toute ressource, il est considéré
comme exprimant un comportement d’exploitation (variable dépendante). On
informe la moitié des sujets que leur partenaire sera un partenaire
impersonnel, « la nature », et pour l’autre moitié, ce partenaire sera appelé
« le hasard ». Les auteurs font l’hypothèse qu’un comportement
d’exploitation sera plus marqué dans la condition « nature » que « hasard ».
Les résultats à deux expériences confirment les hypothèses, avec des
moyennes de choix noir ou B plus élevées dans la condition « nature » ; la
manière de jouer est donc différence en fonction de l’identité du partenaire.
Les auteurs en ont conclu que l’activation de la représentation d’un
adversaire déterminait évidemment le comportement de jeu des participants.
Les auteurs considèrent que la plupart du temps, l’idée de hasard, en l’occurrence
renforcée par la présence d’un jeu de cartes, évoque l’idée d’adversité, celle de
fatalité alors que le terme de nature renvoie à un univers plus sécurisant, plus
contrôlable. Ils en infèrent qu’un comportement d’exploitation (choix noir ou B) aura
plus de chance de se développer dans la condition « nature » que dans la condition
« hasard », où l’inhibition du sujet face au « partenaire » sera plus grande. (Plon,
1972, p. 255)
Tableaux 5.4 et 5.5 – Les matrices de l’expérience Faucheux-Moscovici
(1968 ; extrait de Plon, 197214, p. 254)
Abric (197115) a effectué une recherche afin de montrer que le
comportement d’un groupe était déterminé par la représentation de la tâche.
Partant de tâches de résolution de problème et de tâches de créativité, Abric
a induit deux représentations différentes selon le groupe, aboutissant à quatre
situations expérimentales (tableau 5.6).
Tableau 5.6 – Les situations expérimentales (extrait et adapté de Abric, 1989)
Tâche Représentation
Résolution de problème Résolution de problème
Résolution de problème Créativité
Créativité Résolution de problème
Créativité Créativité

Les résultats montrent que c’est la représentation que le groupe a de la


tâche et non sa nature qui détermine la structure des communications. Dans sa
thèse de 3e cycle, Codol (197216) s’est intéressé aux représentations et
comportements dans les groupes restreints. Ses recherches illustrent
également le fait qu’une tâche représentée comme résolution de problème en
groupe va déterminer des conduites coopératives.
Abric (1986, cité par Abric, 1989) a également travaillé sur la
représentation du destinataire. Dans son expérimentation il a induit cette
représentation en annonçant aux sujets qu’ils participaient à une recherche
pour leur propre enseignant de l’université (représentation d’un destinataire
à statut élevé) et dans un autre cas que la recherche était faite pour des
étudiants comme eux (représentation d’un destinataire ayant le même statut).
Abric a formulé l’hypothèse que ce qui serait déterminant dans la
performance c’est la représentation de la situation et non pas la nature du
problème. Dans le cas du destinataire enseignant, la représentation de la
situation, liée à « des normes de production », devrait conduire à une
performance globale plus importante.
À l’opposé, la représentation d’un destinataire étudiant devrait conduire à
plus de créativité, l’aspect qualitatif de la production l’emportant sur
l’aspect quantitatif. Ces hypothèses ont été confirmées (tableau 5.7).
Tableau 5.7 – Production selon le destinataire (extrait de Abric, 1989, p. 195)
Destinataire professeur Destinataire étudiant
Figures proposées 27,1 21,6
Performance brute 12,4 12,3
Originalité de la production .45 .57
Ces résultats montrent que les sujets n’abordent pas une situation de manière neutre
et univoque. Les éléments du contexte (ici le destinataire) véhiculent une
représentation de la situation, une signification. (Abric, 1989, p. 195)
Doise (197317) s’est intéressé aux représentations sociales en lien avec
l’endogroupe ou l’exogroupe. Ces représentations serviraient à justifier les
conduites que les membres d’un groupe ont à l’égard des membres d’un autre
groupe et elles serviraient à anticiper les interactions entre groupes tout en
conservant l’identité de chacun.
Les représentations sociales jouent un rôle particulier dans l’interaction des groupes,
domaine qu’elles structurent de façon précise, en obéissant à certaines « lois » de
nature cognitive. D’autre part, si le contenu de la représentation est déterminé par la
nature des relations entre groupes à un moment donné, ce contenu change lorsque
la représentation intervient dans le déroulement de ces relations, en anticipant leur
évolution et en justifiant leur nature. (Doise, 1973, p. 206)
Ainsi, au travers d’expérimentations, Doise a mis en évidence la
représentation anticipatrice. Dans une recherche de 196918 portant sur les
stratégies de jeu et impliquant des groupes de nationalités différentes,
plusieurs expérimentations ont été conduites pour vérifier deux hypothèses
principales. Nous relaterons ici brièvement les résultats se rapportant à la
première hypothèse selon laquelle, en situation d’interaction conflictuelle,
une discrimination sera observée à trois niveaux : comportemental, projectif
et au niveau de l’attente des comportements. La population était constituée de
jeunes filles et garçons, la moitié étant de nationalité allemande et l’autre
française.
Il y avait plusieurs conditions expérimentales : en situation de groupes différents, un couple
de jeunes Allemands se trouvait face à un couple de jeunes Français ; en situation de
groupes mixtes, il s’agissait de couples franco-allemands ; en situation de groupes
homogènes, il s’agissait de couples de même nationalité, qui jouaient ensemble.
Chaque sujet devait décrire, sur une échelle de motivation, l’autre groupe, son partenaire et
lui-même. Dans un questionnaire, les sujets devaient décrire à partir de 8 échelles bipolaires
(opiniâtre-flexible ; pas bienveillant-bienveillant ; injuste-juste ; hostile-amical ; compétitif-
coopératif ; égoïste-généreux ; mesquin-large ; âpre au gain-désintéressé), le comportement
probable (avant) ou réel (après) de l’autre couple, du partenaire et d’eux-mêmes.
Doise montre qu’avant l’interaction, les sujets attribuent des motivations plus compétitives au
groupe adverse qu’à leur partenaire ou qu’à eux-mêmes (tableau 5.8).
Tableau 5.8 – Moyennes des résultats à l’échelle de motivation
(extrait de Doise, 1969, p. 18)
GROUPES
Différents Mixtes Homogènes
Avant Après Avant Après Avant Après
Allemands 6,79 3,29 5,58 3,71 2,31 – 2,98
Projection sur l’autre groupe
Français 4,54 – 0,87 6,96 4,75 4,54 0,71
Allemands 8,00 6,33 9,25 8,87 6,85 6,08
Projection sur le partenaire
Français 9,33 8,92 8,96 7,96 8,08 5,15
Allemands 8,79 7,46 7,75 7,46 6,75 6,08
Projection sur soi-même
Français 7,37 8,79 8,33 8,83 7,25 4,58

Même avant l’expérience, l’autre groupe est déjà perçu comme moins favorable que
le partenaire et soi-même (t : 5,73 et 5,56 ; sign. à 0,001). L’interaction significative
entre avant-après et objet de la projection montre que la « détérioration » de la
projection au cours de l’expérience est plus importante quand elle porte sur le
partenaire ou sur soi-même. (Doise, 1969, p. 19)
Doise trouve également une discrimination au niveau des attentes en
défaveur de l’autre couple (tableau 5.9) qui permet de conclure qu’une
situation de conflit « suffit à susciter de la discrimination en fonction de
l’appartenance à des groupes dont l’existence est cependant très limitée dans
le temps » (p. 20).
Tableau 5.9 – Moyennes des fréquences de choix coopératifs attendus de la part du partenaire et de
l’autre couple (extrait de Doise, 1969, p. 20)
GROUPES
Différents Mixtes Homogènes
Autre Autre Autre
Partenaire Partenaire Partenaire
couple couple couple
Garçons 11,07 9,36 11,79 10,21 11,14 8,71
Allemands
Filles 16,00 10,10 13,90 11,80 12,80 9,00
Garçons 12,14 10,21 9,14 8,71 10,79 9,14
Français
Filles 10,20 11,90 11,70 10,60 13,15 11,85

Ainsi, sans oublier l’expérience de Sherif (196919) dans la vérification


expérimentale portant sur les liens entre représentations et relations
intergroupes, les travaux de Doise apportent dans ce domaine, des résultats
particulièrement concluants (Abric, 1994b20).
Il [Doise] montre en particulier comment la détermination des comportements
intergroupes par les représentations sociales est de même nature que ceux qui
résultent des processus de catégorisation sociale. Le résultat le plus intéressant pour
le problème qui nous préoccupe est celui qui montre qu’avant même l’interaction (jeu
compétitif), chaque groupe attribue à l’autre des motivations plus compétitives que les
siennes. L’élaboration de cette représentation de l’autre groupe permet d’abord au
groupe de se donner une identité, elle lui permet ensuite d’adopter un comportement
compétitif qui est justifié par la représentation elle-même, et cela indépendamment du
comportement réel de l’autre groupe. (Abric, 1994b, p. 223)
L’impact des représentations sur les pratiques a également pu être illustré
en contexte social réel. Par exemple, Morin (198921) s’est intéressé à la
situation de salariés exposés à des bruits industriels sur deux sites. Son étude
s’appuie sur une approche complète et multi-méthodes avec :
– une mesure des niveaux sonores, de la luminosité et de la température
ambiante ;
– l’observation sur les postes de travail et les situations résidentielles ;
– des questionnaires et des entretiens semi-directifs.
Il montre, dans ce travail de terrain, le décalage entre les évaluations
objectives et subjectives (gêne perçue).
À ce premier niveau sommaire confrontant « l’objectif » et le « subjectif », l’évaluation
« objective » (appuyée sur des relevés et mesures) n’est pas accompagnée d’une
évaluation subjective corrélative (expression de gêne). Au contraire on a une
modération des plaintes beaucoup plus grande aux niveaux de bruit les plus élevés
qu’aux niveaux de bruit classés officiellement en zone I : « non dangereux sinon
gênants ». (Morin, 1989, p. 36-37)
Morin identifie « un ensemble de principes organisateurs qui contribuent à
l’élaboration du système de représentations dans lequel le bruit est placé »
(p. 37). Il répertorie trois types d’engagements situationnels expliquant
pourquoi le bruit était plus ou moins accepté.
Si le travail a une résonance positive, ce qui est associé aux nuisances
sonores va être minimisé. Quand la famille occupe une position centrale,
« les nuisances sont acceptées comme un mal nécessaire pour le bien
familial ». Enfin la mise en danger de l’image de soi va accentuer la
difficulté des nuisances sonores.
Autrement dit, on peut proposer que dans l’évolution d’une situation nuisante,
l’important n’est pas le champ strictement perceptif (le bruit est perçu et reconnu)
mais le raisonnement normatif et socialisé qui, selon ses lieux d’ancrage et ses
référents, conduit l’acteur à accepter ou non les inconvénients physiques du cadre où
il doit agir. Ceci définit par hypothèse le lien qui attache les représentations et les
conduites d’adaptation. (Morin, 1989, p. 38)
Pour clarifier la relation représentations-pratiques, Abric (1994b) avance
certaines hypothèses, et notamment que la nature de cette relation est
influencée par la nature de la situation.
Il met l’accent en particulier sur deux de ses caractéristiques : le degré
d’autonomie de l’acteur et l’existence d’éléments fortement liés aux affects
ou à la mémoire collective.
Ceci peut être illustré par les travaux de terrain de Campos (199822), dont
nous avons parlé au chapitre précédent. En effet les éducateurs de rue au
Brésil ont une grande autonomie dans la réalisation de leurs pratiques.
Comme le précise Campos, il n’existe pas de diplôme délivré par le système
d’éducation officiel.
D’abord, les éducateurs disposent, nous l’avons déjà dit, d’une large autonomie dans
le choix et la mise en œuvre de leurs pratiques, car les institutions ne leur posent pas
de contraintes particulières ou massives…
En tout cas, une fois dans les rues, l’environnement ne leur interdit pas de contacter
les enfants et d’effectuer les activités qui leur sont propres. (Campos, 1998, p. 229)
De plus comme il s’agit d’enfants et d’adolescents, la charge affective est
forte et « l’identité même du groupe d’éducateurs de rue est définie en
référence à l’existence des enfants, donc en référence à la mémoire
collective » (Campos, 1998, p. 230).
Campos a cherché à vérifier l’hypothèse selon laquelle les pratiques
perçues étaient déterminées par les rapports entre les deux représentations
sociales (celle du rôle de l’éducateur et celle de l’enfant de rue).
Pour vérifier cette hypothèse principale, il faut examiner les pratiques perçues par les
éducateurs et leur place mesurée dans la hiérarchie d’importance de ces mêmes
pratiques. Ainsi, il est nécessaire d’analyser l’interaction entre représentation du rôle
et pratiques, autant que l’interaction entre ces dernières et représentation de l’enfant
de rue…
De toute façon, d’après notre hypothèse nous pouvons nous attendre à ce que les
pratiques les plus saillantes (ayant de fortes fréquences d’évocation) soient
davantage liées à certains éléments centraux qui appartiennent aux deux
représentations… (Campos, 1998, p. 232-233)
Campos va ainsi examiner les rapports entre les éléments centraux de la
représentation du rôle et celle de l’enfant de rue ; les pratiques perçues en
les classant en trois types (interactionnelles ; sociétales ; médiationnelles) ;
la mise en relation des pratiques perçues avec chaque élément central de la
représentation sociale de l’enfant de rue (misère, exclusion et famille) ; la
mise en relation des pratiques perçues avec chaque élément central de la
représentation sociale du rôle d’éducateur de rue (conseiller, agent de
transformation sociale, engagement et défense des droits). À la lecture de cet
ensemble d’analyses de similitude, Campos confirmera deux hypothèses sur
trois.
D’autre part, nous trouvons confirmation de notre hypothèse principale selon
laquelle le système représentationnel est cohérent et détermine (au sens
d’orienter, justifier et organiser) le champ des pratiques perçues23. Nos
résultats montrent qu’il y a interaction entre les éléments des deux noyaux, et aussi
qu’il y a interaction entre ces mêmes noyaux et les pratiques perçues. Dans notre
contexte, c’est la représentation de l’enfant qui est le principe organisateur
tant de l’interaction entre les deux représentations (cf. 7.2.) que de
l’interaction globale entre pratiques perçues et représentations. Alors, notre
deuxième hypothèse, qui porte sur la détermination des pratiques perçues par la
représentation de l’enfant, est confirmée. Cependant, la troisième hypothèse,
consistant à dire que « famille » et « exclusion » seraient davantage liées aux
pratiques perçues plus fréquentes, est partiellement confirmée puisque le
« pôle 1 » est investi massivement par les pratiques plus fréquentes, mais
toujours en arrière-plan. (Campos, 1998, p. 270)

2.2 La place des pratiques dans l’évolution et la


transformation des représentations sociales
Quand on regarde la littérature sur les représentations sociales, il apparaît
que le terme « pratiques sociales » est associé à la dynamique des
représentations sociales, elle-même associée aux questions de transformation
des représentations sociales.
Flament (198924) rappelle que les recherches « ont montré le rôle
prépondérant des pratiques sociales dans le déclenchement de
transformations profondes des représentations (au niveau de leur noyau
central) » (p. 211). Dans une autre publication, Flament (1994a) intitule un
paragraphe « Les pratiques sociales, facteur de transformation des
représentations sociales » (Flament, 1994a25, p. 49). On peut citer également
un ouvrage dirigé par Moliner (200126) ayant comme titre « La dynamique
des représentations sociales », complété par le sous-titre « Pourquoi et
comment les représentations se transforment-elles ? ».
L’environnement évoluant continuellement, on va assister à l’émergence de
pratiques nouvelles pour le groupe et, sous certaines conditions, les
représentations vont être touchées et vont devoir se transformer pour
s’adapter. Cependant, pour qu’une représentation sociale se transforme
réellement, le noyau central doit être modifié. En effet, pour rappel, une des
propriétés principales de la périphérie est d’absorber les contradictions ;
c’est donc à ce palier que les désaccords vont s’inscrire au préalable.
Flament (1989) identifie deux cas de désaccord, qu’il qualifie
d’« extrêmes » en avançant l’idée de pratiques en contradiction ou pas
avec la représentation. Quand les pratiques sont en contradiction explicite
avec la représentation, on voit apparaître ce que Flament a découvert et
appelé « des schèmes étranges ». Ceux-ci sont la conséquence de l’impact
des éléments étrangers sur des schèmes normaux. Il a identifié quatre
composantes spécifiques aux schèmes étranges : « 1) le rappel du normal ;
2) la désignation de l’élément étranger ; 3) l’affirmation d’une contradiction
entre ces deux termes ; 4) la proposition d’une rationalisation permettant de
supporter (pour un temps) la contradiction » (p. 212 ; tableau 5.10).
Tableau 5.10 – Schème étrange sur le sexe des métiers
(extrait de Flament, 1989, p. 213)
Schème étrange sur le sexe des
Composantes
métiers
C’est un métier
d’homme………………
que les Rappel du normal
femmes…………………………… Désignation de l’élément étranger
peuvent faire aussi Énoncé d’une contradiction (par rapport à l’implicite de
bien………………… l’infériorité féminine)
que les garçons Proposition d’une rationalisation permettant de supporter la
puisqu’elles sont contradiction
plus……………………
minutieuses qu’eux

Dans le second cas, les pratiques ne sont pas en contradiction. Elles étaient
peu développées mais sont rendues très fréquentes par les circonstances ; il y
a alors une modification du « niveau d’activation des schèmes
périphériques, et la transformation est progressive, sans rupture avec le
passé » (Flament, 198927, p. 211).
Flament va proposer une notion essentielle, celle de réversibilité de la
situation (tableau 5.11). À préciser que Katerelos fait référence en 199028 à
la réversibilité en s’appuyant sur des travaux de Flament non encore publiés
et présentés dans le cadre d’un séminaire en 1989. Ainsi des circonstances
perçues comme réversibles ou irréversibles n’auront pas les mêmes
conséquences. L’hypothèse qu’il défend est que la réversibilité perçue c’est-
à-dire la perception que l’on peut revenir à la situation antérieure, va ralentir
le processus de transformation.
Tableau 5.11 – Tableau combinatoire (extrait de Flament, 1994a29, p. 51)
Circonstances perçues
comme
réversibles irréversibles
Bonnes raisons définies par la représentation sociale A B
Une bonne raison
C D
Définies hors représentation unique
sociale Une multiplicité
E F
de bonnes raisons
Dans certains cas, les modifications de circonstances sont perçues comme
réversibles, c’est-à-dire que, à tort ou à raison, on croit à un retour rapide au statu
quo ante…
L’hypothèse est que la réversibilité perçue ralentira le processus de transformation de
la représentation sociale, et notamment interdira tout changement au niveau du noyau
central… (Flament, 1994a, p. 52)
Les « bonnes raisons », comme le suggère leur nom, permettent de rétablir
l’équilibre cognitif. « Lorsque nous parlons de bonnes raisons, dans notre
modèle, nous considérons que le moyen de rétablir l’équilibre est, sinon
clairement conscient et explicite, du moins explicitable par le sujet lui-
même » (Flament, 1994a, p. 53).
Nous proposons de schématiser, sous forme de tableau, les différentes
cases du modèle proposé par Flament (1994a ; tableau 5.12).
Tableau 5.12 – Schématisation du modèle de Flament
Circonstances perçues comme
Réversibles Irréversibles
Bonnes raisons définies par A B
la représentation sociale
Exemple : le travail La représentation
des femmes durant la guerre de la chasse et de la nature
de 1914-1918 (Guimelli, 1988)
C
Quelques Exemple : les étudiants D
bonnes raisons africains ou malgaches vivant Le schème étrange
en couple

Définies hors F
représentation Les relations sociales
sociale à Madagascar
Une multiplicité
(Andriamifidisoa-Danichert
de bonnes E
1982)
raisons
Culture du mil et culture du
riz au Cameroun
(Domo, 1984)

Pour expliciter davantage ce tableau, les situations réversibles n’entraînent


pas de « vrais » changements de la représentation sociale. Les désaccords
s’inscrivent au niveau périphérique et le noyau central n’est pas touché.
Flament (1994a30) donne l’exemple des femmes ayant dû investir l’industrie
lourde pendant la Première Guerre mondiale. C’est cette situation
exceptionnelle qui a rendu légitime leur travail de façon temporaire (case
A). Flament donne ensuite l’exemple des étudiants africains ou malgaches en
situation d’études supérieures en France. Ils adoptent des pratiques
« opposées » à leur culture quand ils vivent en couple sans être mariés. Mais
il s’agit d’une situation temporaire qui, là encore, n’impacte pas le noyau
central (case C). Dans sa démonstration, Flament explique la situation de la
case E : « le caractère réversible des circonstances est, à lui seul, une bonne
raison qui s’impose à tous ; donc un cas qui semblerait être en E est sans
doute, en réalité, en C » (p. 56).
Les circonstances perçues comme irréversibles conduisent, elles, à de
vraies transformations dans le sens où le noyau central finira par être
impacté ou le sera directement. Ces transformations ont été étudiées dans des
travaux doctoraux.

Transformation progressive ou sans rupture


Quand la situation est perçue comme étant irréversible, et que les pratiques nouvelles
ne sont pas contradictoires, on évoque une transformation sans rupture de la
représentation ou transformation progressive (case B).
« On parle de transformation progressive ou de transformation sans rupture lorsque les
pratiques nouvelles ne viennent pas à l’encontre de tous les attributs du noyau, mais
seulement de certains d’entre eux » (Flament et Rouquette, 200331, p. 41).

Ce type de transformation a été démontré dans les travaux de Guimelli


(198832, 198933) sur la représentation de la chasse et de la nature chez des
chasseurs languedociens. La myxomatose a conduit certains chasseurs à
adopter de nouvelles pratiques de chasse, plus écologiques. L’auteur a
comparé la représentation sociale de chasseurs adoptant plus ou moins ces
nouvelles pratiques. Par le biais de l’analyse de similitude, Guimelli montre
comment certains éléments de la représentation vont passer d’un bloc à un
autre : « gérer un territoire » ; « financer la protection de la nature » ;
« aménager le territoire pour qu’il soit plus accueillant pour le gibier » ;
« respecter les animaux » ; « lutter contre les dégradations de la nature ».
Ainsi, ces items sont intégrés dans le bloc « positif » lorsque le groupe participe (à
des degrés divers) aux pratiques nouvelles… Comme la précédente, cette
observation suggère que la représentation se transforme sous l’effet des pratiques
nouvelles. (Guimelli, 1989, p. 131)
Il faut à ce stade clarifier pourquoi les pratiques nouvelles ne sont pas
contradictoires ; en fait on retrouve dans la littérature cynégétique d’antan
des thèmes correspondant aux pratiques écologiques.
Or, ces pratiques écologiques (sinon écologistes) correspondent à des thèmes
attestés dans la littérature cynégétique d’il y a 50 ans. Certes, à l’époque, ces thèmes
n’étaient sans doute pas la préoccupation première des chasseurs de base, mais le
champ représentationnel n’en contenait pas moins ces thèmes écologiques, qui ne
s’opposaient en rien au thème central de la représentation de la chasse, à savoir la
maîtrise des techniques de chasse. (Flament, 198734, p. 149)
Les pratiques nouvelles vont activer les schèmes écologiques identifiés par
l’auteur comme « dormants », c’est-à-dire qu’ils existaient dans la
représentation auparavant mais qu’ils n’étaient pas sollicités. Ils vont
progressivement intégrer le noyau central pour former ensuite un nouveau
noyau.

Les trois modalités des schèmes


« Nous pensons que les pratiques nouvelles sont venues activer les schèmes
écologiques, en ont augmenté l’importance et, de ce fait, ont contribué à modifier la
structure de la représentation. Plus précisément, nous pensons que ces schèmes
peuvent être décrits selon trois modalités différentes :

– ils peuvent être dormants, c’est-à-dire présents et disponibles dans le champ


représentationnel, mais mis en sommeil par l’absence de pratiques,

– ils peuvent être actifs : c’est-à-dire rendus dynamiques au niveau de la représentation


par la mise en œuvre des pratiques nouvelles,

– ils peuvent être éveillés : c’est-à-dire activés, mais à un degré moindre, chez les
sujets qui ne mettent pas en œuvre les pratiques nouvelles, mais qui sont tout à fait
d’accord pour qu’elles le soient, et qui ne le font pas, dans la plupart des cas faute de
temps » (Guimelli, 1989, p. 136).

Dans sa publication de 1994a, faisant référence à la case D, Flament


écrivait : « Mais nous n’avons aucune étude d’un processus complet
illustrant cette case » (p. 56). Un an après, Mamontoff (199535) soutenait sa
thèse sur la représentation de l’identité chez les Gitans, illustrant un cas de
transformation résistante. Dans ses premiers écrits, Flament mentionne un
désaccord entre pratiques et représentation sociale qui conduit à l’apparition
dans la périphérie de « schèmes étranges » ou « canevas étranges » (Flament,
198736, 198937). En 1989, Flament parle de « contradiction explicite » entre
les pratiques nouvelles et la représentation mais c’est un processus lent qui
s’explique par le fait que les pratiques nouvelles « paraissent » compatibles,
ce qui va permettre de préserver provisoirement le noyau (Flament et
Rouquette, 2003). Ces canevas étranges servent à justifier ou à rationaliser
pour ne pas remettre en cause le noyau central mais lorsque ces
rationalisations se développent, la transformation du noyau est inévitable.
Toutefois, cette stabilisation est provisoire et se défait dès lors que le changement de
situation s’avère irréversible et que les exceptions, de plus en plus récurrentes,
tendent à devenir la règle. La représentation change alors, après une phase de
transition plus ou moins longue, mais qui s’inscrit de toute façon dans le temps
historique (une ou plusieurs générations). (Flament et Rouquette, 2003, p. 41)
La sédentarisation des Gitans est un événement qui est venu
progressivement perturber l’équilibre de certains groupes et qui a déclenché
l’apparition de pratiques nouvelles.
Une lecture attentive des textes historiques portant sur les Gitans, les Manouches, les
Sintis, les Caldéras et bien d’autres montre comment les différents pays d’accueil les
ont obligés (et les obligent encore) par des politiques plus ou moins répressives à
passer de l’état de nomades à celui de sédentaires. L’histoire nous montre que
l’environnement physique, social et économique des Gitans a subi une modification
très importante. Les Gitans, dont la vie était essentiellement axée sur le voyage, ont
dû y renoncer progressivement au profit d’une vie sédentaire. (Mamontoff, 199638,
p. 66)
La sédentarisation est un phénomène très impliquant car elle amène les
Gitans à adopter des pratiques qui s’éloignent de la tradition ; les sédentaires
pensent qu’il est impossible de revenir aux anciennes pratiques. Mamontoff a
comparé la représentation chez des femmes gitanes nomades et sédentaires et
constate, au travers de l’analyse discursive, la présence de schèmes étranges
pour les deux populations (tableau 5.13).
Tableau 5.13 – Schème emprunté à Flament (extrait de Mamontoff, 1996, p. 71)
Schème étrange sur la solidarité Composantes
Normalement, le Gitan est solidaire Rappel du normal
Désignation de l’exception
Mais, maintenant il arrive qu’il ne le soit pas
ou de l’élément étranger
On a toujours été solidaires, Énoncé de la contradiction entre la nature du Gitan, qui
c’est dans la nature du Gitan, mais se veut solidaire, et le fait qu’il ne soit pas ou plus
maintenant le Gitan ne l’est pas toujours. solidaire des autres.
La sédentarisation oblige à une vie dans les
Proposition d’une rationalisation
logements individuels et amène le contact
qui s’appuie sur la sédentarisation.
avec les Blancs.

À l’aide de l’analyse de similitude, Mamontoff a pu comparer le graphe de


la représentation des voyageurs avec celui de la représentation des
sédentaires. Dans ce dernier, elle constate un certain nombre de pratiques
nouvelles qui sont opposées à la tradition ; par exemple : « un gitan peut se
soigner avec la médecine des Blancs », « un gitan peut s’instruire à
l’école ». La place de certains items dans les deux graphes rend compte
d’aspects associés à des schèmes étranges.
L’étude de la dynamique des arbres corrobore ces résultats : les schèmes étranges
apparaissent mal intégrés dans le champ représentationnel. On conclut à une
transformation résistante de la représentation sociale de l’identité. Comme le dit
Flament (1989) et comme le suggère cette recherche, ce type de transformations
implique que les contradictions soient supportées à partir de certains mécanismes de
défense classiques tels que la référence aux normes ou la rationalisation. La
transformation n’affecte ainsi que le système conditionnel : les schèmes étranges
préservent momentanément le noyau central…
Compte tenu du nombre conséquent de schèmes transformés ainsi que de schèmes
étranges, on peut émettre l’hypothèse, pour les Gitans sédentaires, que la
transformation du noyau central est déjà engagée, et que lorsque cette transformation
sera achevée, elle se fera en rupture avec le passé, avec l’identité même des
groupes sédentaires. (Mamontoff, 1996, p. 77)
Selon Flament, des circonstances perçues comme irréversibles et une
multiplicité de bonnes raisons vont avoir comme conséquence un éclatement
du noyau central (case F, tableau 5.12) ; il s’agit d’un mode de
transformation plus rare, appelé « brutal ».
Enfin, la transformation brutale, sans doute beaucoup plus rare, advient lorsque la
pression de la situation nouvelle ne laisse pas place à une négociation des groupes
avec leur environnement et leurs partenaires. Le nouveau remplace brusquement
l’ancien parce qu’il n’y a pas de marge de choix. (Flament et Rouquette, 2003, p. 42)
Dans sa recherche, Domo (198439) analyse l’impact de l’innovation
technique dans le monde traditionnel, qui repose sur une agriculture
ancestrale et dont la pratique est symbolisée par la culture du mil.
Devant une telle situation, nous pensons qu’une compréhension de la société actuelle
ne peut se faire que par l’étude des attitudes et des opinions de la population, dont
toute l’existence a été marquée par la culture du mil. L’introduction d’une nouvelle
manière de faire dont le but n’est pas perçu comme visant à la satisfaction des
besoins immédiats ne peut pas être un événement « innocent ». Sa maîtrise puis son
acceptation sont des étapes qui ne s’établissent pas du jour au lendemain. Un long
processus d’appropriation des caractéristiques nouvelles est indispensable. (Domo,
1984, p. 3)
Ainsi, Domo relève de multiples contradictions dans le discours des
paysans camerounais. Par exemple dans un questionnaire, ils définissent le
riz à la fois comme « richesse » et « mort ». La présentation de planches
illustrant le travail des paysans déclenche l’apparition de schèmes étranges
consécutifs à la transformation des schèmes normaux et leur nombre entraîne
une multitude de rationalisations.
Nous pensons (mais, faute d’étude longitudinale, nous n’avons pas observé le
mécanisme supposé) que ces rationalisations multiples accumulées finissent par
créer une incohérence intra et interindividuelle insupportable, et dont on ne peut sortir
que, soit par un retour (bien improbable) aux pratiques anciennes, soit par une
restructuration du champ de représentation.
Cette restructuration (qui semble être assez rapide une fois qu’elle est amorcée)
n’est pas forcément le fait de toute la population en même temps ; on retrouve
souvent les nouvelles structures mieux établies chez les jeunes, ceux qui ont fait des
études…
Ce mécanisme suggère que le noyau central se fracture, et que ses éléments se
dispersent, chacun évoluant selon une logique propre, et se retrouvant, avec un sens
modifié, intégré plus ou moins centralement dans une nouvelle représentation.
(Flament, 1987, p. 147)
C’est ce qui est observé dans la recherche d’Andriamifidisoa Danichert
portant sur la représentation des relations sociales à Madagascar (198240).
Dans un travail préalable, l’auteur avait identifié la structure du noyau
central.
À ce stade de notre travail, il nous semble utile de rappeler le mémoire de notre
D.E.A. (1978). L’objectif était de repérer les éléments du noyau central de la
représentation des relations sociales. Sachant que la partie centrale solide de la
culture malgache est constituée par le domaine de la vie sociale, qu’à l’intérieur de ce
domaine social, cinq notions dominent car elles déterminent toute la vie sociale…
(Andriamifidiosa Danichert, 1982, p. 18)
L’analyse de similitude va confirmer la position centrale de cinq notions
clés : « comité », « bonnes relations », « pères et mères », « culpabilité » et
« châtiment ». Pour Flament (198941), c’est la résultante d’une
transformation.
Selon les ethnologues, les rapports sociaux dans une communauté villageoise
tournent autour de cinq notions (qu’il est difficile de présenter rapidement en
français) : la communauté, les anciens, les « bonnes relations » (sens de ce qui se
fait et ne se fait pas), la culpabilité et le châtiment…
On peut penser qu’à ce système correspondait le noyau central de la représentation
traditionnelle des rapports sociaux. Mais l’enquête, à la fin des années 1970, donne
une autre image (il semble que la transformation s’est produite entre 1960, au plus
tôt, et 1975 environ) : par exemple, les anciens (qui en malgache se disent « père-et-
mère ») deviennent les géniteurs et participent à la représentation naissante de la
famille nucléaire ; le terme désignant la communauté désigne maintenant une sorte
de conseil municipal élu, et participe à la (ou aux) représentation(s) du pouvoir
central, qui est en cours de transformation (révolution socialiste) : la culpabilité et le
châtiment sont récupérés par les religions chrétiennes. (Flament, 1989, p. 215)
L’évolution du pays a transformé les éléments en lien avec des pratiques
ancestrales. Ainsi, la communauté, qui à l’origine définissait une forme
d’organisation sociale de proximité, a subi une transformation avec une
remise en cause de sa signification.
Dans cette étude on observe chez les jeunes ce que Flament a appelé des
schèmes néo-normaux, qui rappellent ce qui était normal avant tout en
avançant des idées et des pratiques plus récentes mais normales.
« Autrefois, quand un ancien nous disait de faire quelque chose qui ne nous plaisait
pas, c’était pénible (il fallait obéir, ou être coupable) ; maintenant, on peut essayer de
faire contrepoids en s’adressant au comité (nouvelle traduction française du terme
désignant la communauté) ».
C’est bien un changement de structure ; on est passé d’une unique autorité légitime à
deux autorités également légitimes, quoique sur des bases différentes, l’une
traditionnelle, l’autre nouvelle. (Flament, 1989, p. 215)
Cette recherche sur la représentation des relations sociales à Madagascar
montre une transformation de la représentation avec fracture du noyau central
et dispersion de ses éléments (Flament, 1987). Andriamifidisoa Danichert
décrit, dans la discussion, l’évolution de chaque élément du noyau central.
[Comité.] C’est le premier élément du noyau central dont la transformation nous a
paru claire. L’autre élément central, Ray aman-dreny (père-et-mère), a aussi subi une
transformation. Les résultats montrent une dépossession progressive de leur rôle
social, leur autorité ne s’exerce plus qu’au sein de la petite cellule familiale. Nous
assistons à l’éclatement de l’autorité traditionnelle et au déclin de la famille élargie…
[Bonnes relations.] Même si elles semblent avoir conservé leur signification
traditionnelle… cet élément s’est lui aussi transformé car il se joue désormais dans
un contexte différent. En ayant subi, en grande partie, les contrecoups des deux
éléments qui l’environnent, il a été obligé de se réajuster et de se donner une nouvelle
signification…
Les deux derniers éléments centraux, « culpabilité » et « châtiment », ont eux aussi
évolué. Ils ont subi un glissement de sens.
(Andriamifidisoa Danichert, 1982, p. 257-259)
L’auteur va décrire une évolution de chaque élément du noyau central
indépendamment des autres. Le premier touché, le « comité », aura en
quelque sorte un rôle de révélateur de la transformation des autres éléments.
Pour que la représentation se transforme, il a fallu un événement de taille,
suffisamment fort comme la « socialisation »…
Or, tant qu’un élément central est seul à bouger, ce fut le cas de « comité », rien ne
se produit ; la représentation intègre l’information, se restabilise et se maintient. Mais
lorsque tous les éléments centraux bougent en bloc et sont ébranlés,
individuellement, chacun de leur côté, on assiste à ce moment-là seulement à
l’éclatement du noyau central…
Cependant, nous avançons l’idée qu’il faut absolument que tous les éléments du
noyau central soient ébranlés pour ébranler l’ensemble de la représentation sociale.
(Andriamifidisoa Danichert, 1982, p. 259-261)
Nous avons présenté des travaux montrant l’impact des représentations
sociales sur les pratiques et des travaux attestant l’importance des pratiques
(nouvelles) sur la transformation des représentations sociales. Dans ce
dernier cas, Flament (1994a) propose un schéma descriptif permettant de
récapituler les diverses dynamiques (tableau 5.14).
Tableau 5.14 – Extrait de Flament (1994a, p. 49)
Mais on peut penser que les pratiques et les représentations s’auto-
déterminent car la complexité des situations étudiées rend parfois difficile
l’établissement de rapports de causalité linéaire entre les deux pôles.
Pour Codol (197242), « Les liens qui unissent représentations et
comportements sont alors bien clairs : il s’agit d’un processus de causalité
circulaire où représentations et comportements dans une situation donnée se
déterminent réciproquement » (p. 62). Pour Abric (1994b43), la communauté
scientifique dans sa majorité s’accorde sur le fait que « les représentations et
les pratiques s’engendrent mutuellement » (p. 230). De même, les travaux de
Doise « débouchent sur une conception où les relations représentations-
comportements sont bilatérales » (Abric, 1994b, p. 223).
De nombreuses études analysent les représentations sociales d’un ou de
plusieurs groupes sans chercher à situer les pratiques en amont ou en aval
des représentations sociales.
Chapitre 6
Le concept de Themata1

Sommaire
1. L’origine du concept de themata dans le champ de la
philosophie des sciences : les travaux de Gérard Holton
2. Les themata et la théorie des représentations sociales

Dans le cadre du développement de la théorie sociogénétique, Moscovici a


mis en valeur en 19922 le concept de themata.
À ce stade il est nécessaire de présenter les origines de ce concept que l’on
trouve dans le champ de la philosophie des sciences.

1. L’origine du concept de themata dans le


champ de la philosophie des sciences : les
travaux de Gérard Holton
À l’origine, on trouve le concept de themata (thema au singulier) dans le
champ de la philosophie des sciences où il a été proposé par Holton (19733,
19814, 19825).
Gérard Holton, professeur de physique et d’histoire des sciences, a
présenté ce concept en 1962 à Ascona (Suisse) où il avait été invité à donner
une conférence dans le cadre du Cercle d’Eranos ; le contenu de cette
conférence a été publié en 19636.
Une grande partie du travail de Holton a porté sur la vie et l’œuvre
d’Albert Einstein, dans lesquelles il a trouvé matière pour développer ses
travaux sur les themata. En effet Holton explique qu’à la mort d’Einstein en
1955, il a été sollicité pour traiter l’énorme quantité de lettres et manuscrits
laissés à l’institut de Princeton et aider à sa reconversion. Ce travail de
plusieurs années a permis à Holton d’étudier en profondeur « cet esprit
extraordinaire », et c’est à ce moment qu’il a pris conscience du rôle
important des themata dans les travaux d’Einstein7.
Après la conférence d’Ascona, Holton a développé ses travaux sur les
themata dans plusieurs ouvrages. Nous pouvons citer de façon non
exhaustive Thematic Origins of Scientific Thought : Kepler to Einstein
(1973, 19818, 19829), Einstein, History, and Others Passions (1996), The
Scientific Imagination (197810/1981), ou encore Science and Anti-Science
(199311).
Nous ferons référence ici à certaines de ces publications qui exposent la
démarche de l’auteur.
Dans l’ouvrage intitulé L’invention scientifique (1982), on trouve les
traductions françaises de certains chapitres publiés dans Thematic Origins
of Scientific Thought : Kepler to Einstein. Dans l’introduction, Holton
présente les pourtours de sa pensée.
Au cours des dernières années est apparue une nouvelle façon d’approcher l’histoire
des sciences, qui s’attache à rechercher des idées prometteuses dans des
domaines allant de la philosophie et de la sociologie des sciences à la psychologie et
à l’esthétique…
Ce livre a pour intention particulière de montrer, en faisant appel à des études
spécifiques sur les idées de certains physiciens, combien sont à modifier les vues
traditionnelles sur la manière dont l’esprit scientifique travaille. À cet effet, il m’a fallu
introduire de nouveaux concepts. L’un de ceux-ci, précisément, est le contenu
« thématique » de la science, une dimension qu’on peut concevoir comme
orthogonale à celle des contenus empirique et analytique. Comme on le montrera, les
themata jouent un rôle primordial dans l’origine, l’acceptation ou le rejet de certaines
vues scientifiques individuelles. (Holton, 1982, p. 11-12)
Abordant la compréhension du travail scientifique dans son état naissant,
Holton (1982) explique qu’un grand nombre de scientifiques, d’historiens et
de philosophes des sciences ne s’intéressent pas à l’état naissant, au contexte
de découverte, mais au contexte de justification. Holton fait référence à deux
types de propositions, celles concernant les états de fait empiriques et celles
concernant la logique et les mathématiques en mentionnant les axes x et y du
plan contingent.
Ces deux types de propositions qui font sens peuvent être appelés phénoménique et
analytique, et, par analogie, on peut se les représenter assez bien comme
correspondant à un ensemble d’axes x et y orthogonaux qui sous-tendent les
dimensions du plan du discours scientifique usuel. On peut donner à ce plan x-y le
nom de plan contingent…
Pour toutes ces raisons, je définis le plan contingent comme étant celui dans lequel
un concept scientifique, ou une proposition scientifique, relèvent à la fois de
l’empirisme et de l’analytique. L’analyse contingente est l’étude de la signification des
concepts et des propositions selon les dimensions x et y. (Holton, 1982, p. 18-19)
À ces axes, Holton propose l’ajout d’un troisième, qu’il appelle l’axe z,
perpendiculaire aux deux autres. Il s’agit de la dimension des themata « de
ces préconceptions fondamentales, stables et largement répandues, qu’on ne
peut réduire directement à l’observation ou au calcul analytique, ni les en
dériver » (Holton, 1982, p. 22). Holton mentionne que si le plan
bidimensionnel (x-y) peut être suffisant pour un certain nombre des discours
de la science, en revanche une analyse plus complète, historique,
philosophique ou psychologique s’inscrit dans l’espace tridimensionnel (x-y-
z). Cependant Holton précise que l’analyse thématique n’est pas une
idéologie ou la défense de l’irrationalité, et il avance que l’origine des
themata trouvera probablement sa meilleure expression dans les études
traitant de la nature de la perception. En l’état actuel il considère que
l’attitude « la plus avantageuse » est celle des ethnologues ou
anthropologues.
Holton précise que pour chaque théorie scientifique construite sur un thema
donné, il est possible d’identifier une autre théorie qui va utiliser ce qu’il
appelle l’anti-thema, donc le thème opposé ; il peut même exister des
triades antithétiques. Holton établit que c’est la tension entre des polarités
opposées thema-anti-thema qui fait évoluer les théories scientifiques.
C’est la diffusion et le partage, à travers nations et disciplines, de ces thèmes
fondamentaux qui produisent cette sorte d’imagination scientifique propre à tous les
scientifiques et qui les lie entre eux ; c’est elle encore qui rend possible l’approche
interdisciplinaire si caractéristique dans nombre de développements nouveaux.
(Holton, 1982, p. 27)
Holton différencie trois emplois différents du concept de thema : un
concept thématique (1), une position thématique (2) et une proposition
thématique ou hypothèse thématique (3).
Pour Holton, les concepts purement thématiques sont rares par rapport aux
composantes thématiques des concepts et il cite ceux de force ou d’inertie
qui ont par ailleurs de fortes composantes x et y. Un concept thématique est
similaire à « un élément de ligne de l’espace qui possède une projection non
négligeable sur la dimension z. » (Holton, 1982, p. 27). Ce que Holton
définit comme une position thématique est un thema méthodologique qui sert
de guide dans le développement d’un travail scientifique. Pour Holton le
troisième emploi se situe entre les deux autres.
La proposition thématique contient un ou plusieurs concepts thématiques, et peut être
le produit d’un thema méthodologique. Ainsi, le premier principe de relativité est une
proposition thématique, et exprime également le thema méthodologique de la
recherche des constances.
(Holton, 1982, p. 28)

1.1 Science et anti-science


Dans son ouvrage Science and Anti-Science (1993) figure un chapitre
intitulé « The Anti-science phenomenon » dans lequel il commence par
définir les oppositions à la science par une variété de formes avant
d’expliquer en quoi le phénomène anti-science nous concerne.
À la fin du cinquième siècle, « le rationalisme croissant des intellectuels était
accompagné de symptômes de régression dans les croyances populaires », alors
que l’écart s’élargissait « en quelque chose approchant d’un divorce complet ».
(Holton, 1993, p. 149, notre traduction)
Holton présente les facettes multiples du phénomène anti-science. Nous
rapporterons ici, de façon résumée, les vingt-huit points exposés par l’auteur
qui apparaissent riches d’enseignements.
1. Les études en anthropologie, psychologie, sociologie, histoire des
sciences et d’autres champs nous montrent que les opinions et les actions
sont guidées par « une constellation généralement robuste, semblable à une
carte, des croyances sous-jacentes de l’individu sur le fonctionnement du
monde dans son ensemble » (notre traduction, p. 157).
2. Ensuite cette constellation n’est pas nécessairement cohérente ou non
contradictoire sur le plan interne, « au contraire, il est fort probable qu’il
y ait des contradictions internes, voire des excès grotesques » (notre
traduction, p. 157).
3. L’ensemble individuel des croyances de base n’est pas nécessairement
stable dans le temps et les individus peuvent passer d’un système de
croyances à un autre très différent.
4. Cette constellation de croyances est appelée « vue du monde », ou « image
du monde » ou Weltbild. Ce concept a un chevauchement considérable
avec l’importante notion de R.K. Merton de « cercle émotionnel consistant
de sentiments et de croyances » (notre traduction, p. 158).
5. Les images du monde de deux individus peuvent être compatibles, en
conflit ou orthogonales à chacun.
6. À n’importe quel moment, dans une culture donnée, des groupes d’images
peuvent se chevaucher, mais on peut parfois identifier « une image du
monde dominante qui peut caractériser une époque » (notre traduction
p. 158).
7. Il y a beaucoup de variantes personnelles et chaque monde a de multiples
composantes, en conséquence, « aucune variante ne peut être considérée
comme un cas « pur » » (notre traduction p. 158).
8. Chacune des images du monde individuelles est fonctionnelle sur le plan
interne « bien que du point de vue d’une autre image du monde elle puisse
être vue comme inappropriée » (notre traduction p. 158).
9. Aucune image du monde n’est vraiment anti-scientifique « dans la mesure
où elle a toujours un composant central contenant une proto-théorie
fonctionnelle de l’univers physique et biologique » (notre traduction,
p. 159).
10. Une fonction de base de l’image du monde est « qu’elle agit comme une
force collective pour la formation et le travail d’une communauté » (notre
traduction p. 159).
11. L’image du monde est un système qui nous permet de comprendre
comment le monde fonctionne dans son ensemble « et qui agit comme une
force cohésive pour la formation de la communauté. Elle peut (et le fait
souvent) exclure les parties privées, personnelles et imaginatives de
l’expérience de l’individu… » (notre traduction p. 159).
12. Le monde d’un individu ou d’une communauté se définit par rapport à
leurs opposants ou opposés.
13. « L’image du monde scientifique, qu’elle soit “adéquate” ou “moderne”
ou non, fait partie intégrante de l’image générale du monde d’un individu »
(notre traduction p. 160).
14. Il y a habituellement un lien entre les composantes générales et
scientifiques/technologiques d’une image du monde.
15. « Cependant, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une telle cohérence dans
tous les cas » (notre traduction, p. 160).
16. « Pour la population dans son ensemble, favoriser l’astrologie, le
mysticisme, la guérison par la foi, etc., sont des attitudes qui ne forment
que les phénomènes de surface ou les sous-produits d’une vision du
monde. Ils sont nourris par l’ensemble des croyances les plus
fondamentales dans un Weltbild particulier. Mais les attitudes « pro-
scientifiques » le sont aussi » (notre traduction, p. 160).
17. Si une image du monde n’intègre pas dans ses composants l’image
standard du monde scientifique occidental, elle peut être perçue « comme
une image de contre-monde… » (notre traduction p. 160).
18. Mais c’est une situation symétrique car chaque partie peut être perçue
comme une image de contre-monde de l’autre.
19. Il peut être plus approprié d’utiliser le terme science alternative plutôt
qu’anti-science « sauf que le mot alternatif donne l’impression que de
telles conceptions sont au même niveau ontologique ou pragmatique que la
science « réelle ». Par conséquent on peut préférer le terme parascience »
(notre traduction p. 160).
20. Au cœur de toute image du monde se trouve « un ensemble de concepts
thématiques et de présupposés » (notre traduction p. 160).
Dans le cas spécifique des images du monde scientifiques, des exemples de ces
hypothèses ou propositions thématiques ont à différents moments été des schémas
explicatifs fondés sur la « hiérarchie » thématique ou son opposé anti-thématique…
Par contraste, dans une image du monde fondée sur la religion, les « themata de la
relation », selon Gerhart et Russel, sont « pour commencer évidemment… ce qu’on
a appelé les doctrines traditionnelles : Dieu, grâce, pêché » (Holton, 1993, p. 161,
notre traduction)
21. Ce qui distingue une image du monde de son opposé, une image
alternative du monde, « est l’incorporation d’un nombre significatif
d’anti-themata dans le second à la place des themata dans le premier »
(notre traduction, p. 161).
22. « Un Weltbild et son contre-Weltbild peuvent être mutuellement
incompatibles, mais ils ne sont pas logiquement incommensurables »
(notre traduction, p. 161).
23. De la même manière que la conception du monde peut changer chez un
individu, « l’allégeance d’un groupe à un ensemble particulier de themata
dans une image du monde peut dépendre du temps » (notre traduction,
p. 161).
24. Pour les individus comme pour la communauté, les changements
d’allégeance peuvent être vus comme « en corrélation avec les
changements des conditions externes (par exemple politiques,
économiques) qui mettent à l’épreuve ou défient la fonctionnalité de
l’image générale existante du monde » (notre traduction, p. 161-162).
25. De plus ces changements peuvent « mettre à nu ou exacerber des
contradictions ou des conflits internes préexistants » (exemples ci-
dessous).
Par exemple, la montée de mouvements anti-scientifiques embrassant le holisme
dans l’Allemagne d’après la Première Guerre mondiale ; l’enthousiasme populaire à
court terme pour la « victoire » nucléaire et pour la science en 1945 par opposition à
la réévaluation à long terme de celles-ci dans l’ère post-Hiroshima ; la réapparition de
rivalités ethniques, religieuses et régionales latentes dans le sillage du
démantèlement de l’idéologie étatique en Europe de l’Est. (Holton, 1993, notre
traduction, p. 162)
26. Une prise de conscience accrue des contradictions internes d’une image
du monde « peut être l’occasion d’une intervention éducative des plus
efficaces » (notre traduction, p. 162).
27. L’image du monde prédominante à un moment donné est difficile à
comprendre à moins que quelqu’un ait étudié « les particularismes ou
exceptionnalismes spécifiques historiques de cette société ou
communauté » (notre traduction, p. 162).
28. « Finalement, dans une image du monde générale de l’individu ou de la
communauté, les composantes scientifique et politique ont tendance à
rechercher un accommodement mutuel et un renforcement. Cela peut
résulter en une grande cohérence quand chacun des composants est bien
structuré ; mais il peut également en résulter une plus grande labilité pour
l’ensemble si ces parties sont elles-mêmes en désarroi et augmenter ainsi
le potentiel de changements soudains et catastrophiques de la vision
globale du monde » (Holton, 1993, notre traduction, p. 163).
Holton (1981) a identifié deux images distinctes caractéristiques d’Einstein
et qui se retrouvent dans son œuvre avec des publications dans des domaines
très variés comme la physique mais aussi dans le champ politique et
philosophique, comme l’atteste l’essai Comment je vois le monde (Mein
Weltbild12).
La première fait apparaître la figure familière du physicien qui a su donner son assise
à la physique contemporaine, en tous les domaines, ou peu s’en faut…
L’autre image d’Einstein est celle de l’homme qui, posément, sans mésestimer en
rien les difficultés qu’il aurait à affronter, entendait mener à bien une entreprise plus
ambitieuse encore – cherchant à se constituer une vision du monde de portée encore
plus générale, d’une puissance telle qu’elle comprenne non seulement la science
physique, mais encore tous les autres domaines de la connaissance et de l’action,
les phénomènes vitaux en tant que tels. (Holton, 198113, p. 185-187)
Ainsi, la vision scientifique du monde et une vision plus générale de celui-
ci intégrant des questions sociales, morales ou religieuses sont associées
dans les travaux d’Einstein, même si « on ne saurait prétendre établir de
correspondance rigoureuse entre de telles composantes » (Holton, 1981,
p. 187). Holton établit le parallèle entre l’investissement d’Einstein dans la
défense des valeurs humanistes et sa vision scientifique.
C’est ainsi que sa défense inlassable de la démocratie et du caractère sacré de
l’individu, dans un monde largement gagné au totalitarisme et aux forces de
collectivisme, semble bien être d’un seul tenant avec sa conviction que, dans la
nature, on ne trouve nulle part l’arbitraire des lignes de démarcation, des classes, ou
des absolus ; et son entreprise, visant à extraire les divers secteurs de la physique de
leurs particularismes, cadre bien avec sa dénonciation du tribalisme ou du
nationalisme. (Holton, 1981, p. 188)
Les travaux de Holton sur les themata permettent ainsi de jeter un pont
entre les sciences naturelles et les sciences humaines, comme l’explique très
bien Marková (201514).
En conclusion, l’argument en faveur de la séparation des sciences naturelles et des
sciences humaines renvoie au fait que l’étude de l’homme est incompatible avec celle
des mécanismes et des objets dans les sciences physiques. En revanche, l’appel de
Holton pour l’intégration des sciences naturelles et humaines fait référence à la
perspective que les deux entreprises découlent de la culture. Elles sont toutes deux
soutenues par l’intelligence de l’homme dans et par les diversités de pensée et
d’imagination. Les themata, qui sont des éléments du développement des théories
scientifiques, sont également des caractéristiques de la pensée non scientifique. Par
conséquent, la pensée thématique intègre, plutôt que sépare, les sciences naturelles
et les sciences humaines. (Marková, 2015, p. 49, notre traduction)

2. Les themata et la théorie des


représentations sociales
C’est donc dans une perspective de développement de la théorie
sociogénétique que Moscovici reprend en 199215 le concept de themata.
Moscovici et Vignaux (199416) reviennent sur les travaux fondés sur
l’hypothèse du noyau central proposés par les chercheurs d’Aix-en-
Provence, et sur ceux qui relèvent du principe organisateur, défendus par les
chercheurs de Genève. Ils constatent que l’aspect discursif est peu prégnant
ou traité de façon accessoire alors que la théorie des représentations
sociales a mis l’accent dès le début sur le lien entre cognition et
communication. Pour Moscovici et Vignaux, le concept de themata permet
de concrétiser le lien entre cognition et communication.
Au cours des dix dernières années, nous avons vu s’élaborer une analyse des
structures cognitives nous permettant d’approfondir la théorie des représentations
sociales. Si on résume les travaux qui y ont contribué, nous voyons se dégager deux
hypothèses qui ont stimulé des recherches fécondes qui justifient une prise en
considération de manière plus attentive qu’on ne l’a fait jusqu’ici…
À bien des égards, il existe une analogie profonde entre ces deux hypothèses, qui
touchent l’une au problème de changement des représentations sociales, et l’autre à
celui de leur générativité, dans la mesure où changement et générativité intéressent
un même phénomène fondamental. À savoir celui de la formation et de l’évolution des
représentations sociales au cours d’une histoire…
Pour des raisons diverses qui tiennent en grande partie aux orientations dominantes
en psychologie sociale, nous avons eu tendance à mettre en veilleuse une des
références essentielles de la théorie des représentations sociales. Nous voulons
parler de leur référence à la communication, au langage, bref à l’aspect discursif des
savoirs élaborés en commun. (Moscovici et Vignaux, p. 32)
Pour ces auteurs, le concept de themata permet de répondre aux exigences
d’analyse structurale et « d’enrichir les possibilités d’analyse grâce aux
ouvertures que ce concept permet à la fois vers l’histoire des connaissances,
l’anthropologie et la sémantique » (p. 32).
En vérité, si la cognition humaine suppose apprentissage et mémoire, on ne peut
comprendre l’extraordinaire adaptabilité de notre espèce (attestée par la
phylogenèse) si l’on n’admet que l’exercice et le développement de cette cognition se
fondent sur des processus permanents d’adaptabilité effectivement, sous forme
d’élaborations de connaissances et s’organisent en termes de processus orientés
vers des thèmes communs, prenant origine de ce qui se donnera à chaque fois,
comme connaissances admises voire comme idées premières. Ce sont ces idées
premières qui vont instruire et motiver des régimes sociaux de discours, lesquels
feront qu’à chaque fois, nous devrons adopter des idées communes ou du moins
composer avec elles. (Moscovici et Vignaux, 1994, p. 35)
Moscovici et Vignaux vont proposer une « architecturation » des themata
pour illustrer leur développement (figure 6.2).
Il y a des themata conceptuels ou « idées sources » (e.g. « le Soleil est au
centre de l’Univers comme Dieu et la lumière ») agissant sur l’évolution de
nos représentations du monde. Ils passent par la forme de « notions » ou
lieux de sens qui ne peuvent être rendus concrets qu’au travers de discours.
Ceci nécessite l’association de themata méthodologiques (des lois
applicables) aux themata-notions. Les themata méthodologiques permettent
de stabiliser des classes d’argumentations. L’ancrage et l’objectivation vont
constituer une double articulation symbolique. La mise en relation entre
objets ou propriétés d’objets va se faire sous forme de règles.
Cela signifie, pour revenir à la question des représentations sociales, que celles-ci
vont toujours s’engendrer à partir d’éléments-noyaux « pseudo-conceptuels » :
archétypes du raisonnement ordinaire ou « pré-jugés » établis sur la longue durée,
c’est-à-dire tributaires d’histoires rhétoriques et de croyances sociales, et ayant donc
statut d’images génériques. En vérité il s’agit bien de topoi, c’est-à-dire de « lieux »
du sens commun…
Cela prend la forme généralement de « notions » ancrant des systèmes
d’oppositions (Moscovici et Vignaux, 1994, p. 64-66)
Figure 6.1 – Extrait de Moscovici et Vignaux (1994, p. 65)

Dans le découpage proposé par Flament et Rouquette (200317) sur


« l’architecture globale de la pensée sociale », les themata apparaissent au
niveau idéologique, avec les croyances, les valeurs et les normes
(tableau 6.1).
Les themata correspondent en quelque sorte à des formats épistémiques préétablis,
des pré-conceptions d’origine immémoriale qui donnent à la connaissance pratique
des cadres de possibilité et la trame de son organisation. (Flament et Rousquette,
2003, p. 19)
Tableau 6.1 – Architecture globale de la pensée sociale
(extrait de Flament et Rouquette, 2003, p. 21)
Niveau idéologique
– (croyances, valeurs, normes, +
themata)

Variabilité intra Représentations sociales Niveau


et interindividuelle Attitudes d’intégration

+ Opinions –

Flament et Rouquette (2003) présentent ainsi l’architecture de la pensée


sociale en fonction du niveau d’intégration et de l’échelle de variabilité. Les
niveaux d’intégration s’appuient sur les 4 principaux concepts : opinions,
attitudes, représentations sociales et idéologies. Ce qui se trouve au niveau
supérieur ne subit pas les changements du niveau inférieur. Ceci explique le
sens du niveau d’intégration.
Ainsi, les modifications d’opinion n’ont pas de répercussion mécanique sur les
attitudes correspondantes, encore moins sur les représentations sociales et à plus
forte raison sur les composants idéologiques. Et de même, les attitudes peuvent être
changées sans que les RS se trouvent transformées. (Flament et Rouquette, 2003,
p. 20)
L’échelle de variabilité est inverse au niveau d’intégration, puisque la
variabilité est plus importante au niveau des opinions.
En même temps qu’on va du pôle d’instabilité (ou de flexibilité intra-individuelle) vers
le pôle de stabilité, on va de la plus forte à la plus faible variabilité interindividuelle au
sein d’une culture donnée : si les composants idéologiques sont tendanciellement
communs à tous, il n’en va pas de même des représentations, socialement
différenciées et socialement différenciatrices à un moment donné, on l’a dit : mais au
sein d’une population particulière, les représentations sont par définition partagées
(du moins leur noyau…) tout en admettant une relative variété ou plasticité des
attitudes correspondantes ; et chacune de ces dernières peut à son tour s’exprimer
selon un nombre indéterminé de modalités d’opinions. (Flament et Rouquette, 2003,
p. 20-21)
Marková (201518) souligne le nombre illimité des oppositions dyadiques ou
idées sources des themata dans le sens commun contrairement au domaine
des sciences physiques. « Comme elles sous-tendent la pensée du sens
commun, elles sont comme des potentialités attendant d’entrer dans la parole
et la communication quand des circonstances appropriées se présentent »
(p. 4.9-4.10, notre traduction).
Par exemple, une société particulière développe implicitement, au fil des générations,
des normes de conduite morale et immorale. Lorsque cette société intériorise ces
normes de conduite morale et immorale, les oppositions dyadiques moral/immoral se
stabilisent, sont considérées comme allant de soi et régulent les activités des
individus et des groupes. Puisque de telles normes de conduite sont implicitement
établies, il n’est pas nécessaire qu’elles soient explicitement évoquées dans les
discours publics, à moins qu’elles ne soient violées. En d’autres termes, elles sont
des proto-themata. Cependant, si, en raison de changements sociaux, les normes de
moralité et d’immoralité sont modifiées, ou si une conduite particulière est considérée
comme ambiguë, les frontières entre la moralité et l’immoralité s’estompent. En
conséquence, la moralité et l’immoralité deviennent un sujet de débats et
d’arguments controversés. Ainsi un proto-thema, dans ce cas une opposition
dyadique moralité versus immoralité se transforme en un thema : elle est introduite
dans la langue, est thématisée et commence à générer des représentations sociales.
(Marková, 2015, p. 4.10, notre traduction)
Contrairement au domaine des sciences naturelles, une analyse thématique
dans le champ des représentations sociales a lieu dans le discours public. Au
travers des débats publics, le contenu des themata constitue une réponse aux
problèmes d’actualité.
Les themata dans les représentations sociales sont créées et innovées dans et par le
langage et la communication : les humains expriment les themata dans des récits,
des explications, des hypothèses, des arguments et des justifications. Le processus
social de thématisation se déroule à la fois collectivement et individuellement. Sa
composante collective est ancrée dans la culture, les événements sociaux et
l’histoire, et la composante individuelle est unique à chaque personne. (Marková,
2015, p. 4.10)
À la fin de l’article, Marková se demande si toutes les représentations
sociales sont étayées par des themata. Dans un sens la réponse est positive
car les oppositions dyadiques font partie du sens commun. Les
représentations sociales établies sur « des interdépendances entre soi et les
autres » sont constituées de conflits et de négociations. D’un autre côté, pour
Marková, certaines orientations dans le champ des représentations sociales
sont éloignées du concept de themata.
De nos jours, il existe de nombreuses approches de l’étude des représentations
sociales et celles-ci s’appuient sur des perspectives diverses. Par exemple,
certaines études empiriques explorent les attitudes et opinions, ou mènent des
études comparatives dans de nombreux pays différents, et se réfèrent aux
représentations sociales. À mon avis, ces études sont loin du concept de themata
car, comme souligné dans cet article, les themata sont fondés sur des relations
uniques entre le sujet et l’objet ou le Soi et les autres et les sondages d’opinion et
d’attitudes ne sont pas étayés par ces hypothèses. (Marková, 2015, p. 4.24, notre
traduction)
Marková revient sur l’approche structurale aixoise qui se réfère aux
themata puisque le noyau central est défini comme ancré dans la mémoire
collective du groupe. Reprenant notamment le cas de l’étude sur la banque
d’Abric et Vergès (1994), elle considère que ces études n’expliquent pas
comment les éléments centraux et périphériques vont s’appliquer aux
conditions historiques, politiques et sociologiques.
Ainsi, malgré la grande approbation de Serge Moscovici pour ces études, si les
études structurales veulent prétendre qu’elles reposent sur des themata, elles doivent
répondre à un certain nombre de défis, par exemple :
• Elles doivent expliquer si le noyau central statique et les themata se réfèrent aux
mêmes éléments.
• De quelle manière le noyau central statique reflète la nature dynamique et les
transformations des themata.
• Quel rôle joue le noyau central dans la thématisation dans et par la communication.
(Marková, 2015, p. 4.25, notre traduction)
Chapitre 7
La question des normes1

Sommaire
1. La question des normes chez Durkheim
2. Normes, anthropologie et sociologie
3. Des travaux pionniers en psychologie sociale
4. Normes et représentations sociales : les travaux aixois
5. La théorie de la conditionnalité

Avant de présenter les travaux sur les aspects normatifs des RS en lien avec
l’approche structurale, et comme nous l’avons fait précédemment, le concept
de « normes » sera abordé de façon non exhaustive, en sociologie, en
anthropologie, puis nous reviendrons sur des travaux pionniers en
psychologie sociale.

1. La question des normes chez Durkheim


Si la référence à Durkheim est incontournable quand on évoque
historiquement la naissance du concept de représentation sociale dans les
travaux de Moscovici (1961/1976), elle l’est également lorsque l’on parle
des normes ou des valeurs. Pour aborder plus spécifiquement la question des
normes, nous aurions pu mettre en parallèle les travaux en sociologie et en
philosophie, comme l’a fait Keucheyan (20092).
Dans leurs domaines respectifs que sont la philosophie et la sociologie, Ludwig
Wittgenstein et Émile Durkheim sont connus pour avoir mis en rapport deux types de
normes habituellement considérées comme distinctes : les normes sociales et les
normes cognitives. Ces deux penseurs partagent en effet l’idée que les règles qui
régissent l’activité de l’esprit – par exemple les lois de la logique – sont
fondamentalement liées à celles qui sous-tendent l’activité. (Keucheyan, 2009, p. 82)
Si Durkheim n’a pas utilisé l’expression « normes cognitives », il emploie
le terme de « normes de pensée » dans son ouvrage Les formes élémentaires
de la vie religieuse.
Aussi la société ne peut-elle abandonner les catégories au libre arbitre des
particuliers sans s’abandonner elle-même. Pour pouvoir vivre, elle n’a pas seulement
besoin d’un suffisant conformisme moral ; il y a un minimum de conformisme logique
dont elle ne peut davantage se passer. Pour cette raison, elle pèse de toute son
autorité sur ses membres afin de prévenir les dissidences. Un esprit déroge-t-il
ostensiblement à ces normes de toute pensée ? Elle ne le considère plus comme un
esprit humain dans le plein sens du mot, et elle le traite en conséquence. (Durkheim,
1912/19603, p. 24)
Historiquement, dans le champ de la sociologie, les travaux de Durkheim se
sont penchés sur la validité effective des normes, c’est-à-dire : « quels sont
les facteurs dont il faut tenir compte pour expliquer que, dans une société
donnée, les acteurs sociaux assujettissent leur conduite à des ordres
normatifs » (Piras4, 2004, p. 139).
Dès 1898, Durkheim défendait l’idée que les systèmes de représentations
étaient en rapport avec les normes et les valeurs des groupes sociaux. Dans
sa définition d’un fait social, Durkheim (1894/19875) évoque des « types de
conduite ou de pensée… extérieurs à l’individu, mais doués d’une puissance
impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s’imposent à lui » (p. 4). La
contrainte sociale dont parle Durkheim correspond à l’action influencée par
des normes ou des règles collectives.
Selon Rocher (19686), la contrainte sociale renvoie à ce que la sociologie
contemporaine nomme l’orientation normative de l’action sociale. Mais il
est plus facile de comprendre la contrainte exercée par les normes quand on
établit le lien qu’elles ont avec les valeurs (Rocher, op. cit.). Le pouvoir de
contrainte ne dépend pas uniquement des sanctions mais de l’adhésion aux
valeurs. Durkheim va ainsi mettre l’accent sur la réalité des valeurs sociales
et l’importance pour les membres individuels d’un groupe que ces valeurs
soient reconnues.
Durkheim part de la distinction entre règles techniques (une règle est
définie comme un principe imposant de suivre un type de conduite) et règles
morales dont les violations entraînent des conséquences différentes. Si l’on
ne respecte pas une règle technique (comme un principe de production), il y
aura simplement un échec de l’action. En revanche si l’on ne respecte pas
une règle morale, il y aura une action de désapprobation de la société
permettant d’affirmer que « tout fait moral consiste dans une règle de
conduite sanctionnée ».
Pour Durkheim, les règles qui « prohibent » sont inscrites dans toutes les
consciences, l’obligation n’est pas un fait purement extérieur : « elle est le
sentiment qu’on ne peut enfreindre une norme parce qu’elle est “valable
objectivement”, “transcendante” par rapport au sujet de l’action » (Piras,
2004, p. 142).
L’apport de Durkheim à la question des normes nécessite une articulation
avec les fondements du lien social. C’est sous l’effet De la division du
travail social (Durkheim, 1893/1998) que l’organisation sociale passe d’une
solidarité mécanique ou « solidarité par similitude » à une solidarité
organique. À l’origine de ce travail, la question posée par Durkheim est
celle des rapports entre la personnalité individuelle et la solidarité sociale.
Comment se fait-il que, tout en devenant plus autonome, l’individu dépende
plus étroitement de la société ? Selon Durkheim, cette apparente antinomie
peut être résolue par la transformation de la solidarité sociale. Les sociétés
primitives ou archaïques sont constituées de membres très soudés, et la
contrainte que chacun subit de l’extérieur est puissante. Tout manquement aux
règles collectives est sévèrement réprimé comme étant une atteinte au
groupe, à la conscience collective du groupe.
Ces sociétés reposent sur le principe de similitude, de ressemblance, les
individus partagent les mêmes sentiments, ils obéissaient aux mêmes valeurs,
aux mêmes croyances. C’est cette similitude qui crée la solidarité sociale
entre les individus et qui s’exprime au travers d’une conscience collective
forte. À l’opposé, les sociétés modernes sont fondées, selon Durkheim, sur le
principe de différenciation par suite de la division du travail social ; il s’agit
alors d’une solidarité organique. Les individus dans ces sociétés sont
différenciés et autonomes, et la solidarité est fondée sur la complémentarité
des rôles et des fonctions. C’est cette complémentarité qui crée la solidarité
sociale entre les individus.
Dans ce type de société, la conscience individuelle est, de fait, plus
étendue. C’est cette préoccupation : « comment assurer la cohésion des
sociétés à conscience collective affaiblie ? » qui amène Durkheim à formuler
sa théorie sur le « socialisme », la nécessaire socialisation des individus.
Durkheim a imaginé un indicateur objectif du passage de la solidarité
mécanique à la solidarité organique. Selon lui, le droit est ce qui permet de
distinguer les deux types de sociétés. La solidarité mécanique est renforcée
par un droit de nature répressive, la forte conscience collective dans ce type
de société s’élevant contre tout ce qui est susceptible de nuire à l’unité du
groupe primaire. Ainsi, dans ces communautés, tout écart est sanctionné. La
solidarité organique caractérisant les sociétés évoluées impliquerait un droit
de nature restitutive, c’est-à-dire guidé par des sanctions raisonnées,
cherchant à remettre en état ce qui a été dérangé. Le restitutif tend à
rééquilibrer les situations en reconnaissant des droits.
On retrouve dans Le Suicide (Durkheim, 1897/19917) la préoccupation
centrale de Durkheim, concernant l’intégration de l’individu dans la société.
Ainsi, il montre au travers du concept d’anomie que le suicide est fonction
de la « désintégration des liens sociaux ». L’anomie est une absence de
règles qui peut également provenir de règles inadaptées à un nouvel état de
société. D’autre part, la collaboration entre les membres de la société
évoluée n’est pas suffisante et il faut un consensus sur les valeurs, mais les
membres peuvent choisir entre plusieurs normes et valeurs. On retrouve le
thème de la division du travail social selon lequel l’affaiblissement des
pressions collectives expliquerait certains phénomènes pathologiques des
sociétés modernes. Si l’on trouve dans les travaux de Durkheim les premiers
repères d’une théorie normative, d’autres travaux s’avèrent déterminants
dans la compréhension des modèles et des variations culturels.

2. Normes, anthropologie et sociologie


Les règles et normes qui gouvernent nos actions sont définies par les
anthropologues comme des modèles culturels (patterns of culture), c’est-à-
dire qui font partie de la culture. En 1871, Tylor avait publié Primitive
Culture, où il donnait la définition suivante de la culture : « Ensemble
complexe qui inclut les connaissances, les croyances, l’art, la loi, la morale,
la coutume, et toutes les autres capacités et habitudes, acquises par l’homme
en tant que membre d’une société » (cité par Meunier, 20108, p. 2).
Kluckhohn et Kelly (1945, cités par Kluckhohn, 19519) proposent la
définition suivante :
Une culture est un système de projets de vies, explicites et implicites, conditionnés
par un processus historique, et qui, à un moment donné, a tendance à être partagé
par tous les membres, ou du moins par une partie des membres d’un groupe donné
(p. 134).
On retrouve dans le concept de culture des constantes comme la notion de
valeur ou de modèles de comportements qui diffèrent selon les cultures, les
règles et normes ne s’imposant pas toutes avec le même degré de contrainte.
Certaines normes exigent une conformité plus stricte que d’autres, à
l’encontre desquelles la société tolère quelques déviations. D’autres
modèles enfin suggèrent des conduites préférentielles, mais il existe dans ces
trois cas un jeu de nuances. Si des modèles ne suggèrent pas une conformité
stricte, c’est parce que la société offre le choix entre plusieurs modèles ;
cette diversité de modèles résulte de la diversité des individus et, pour
reprendre les travaux de Durkheim, on peut penser que le passage de la
solidarité mécanique à la solidarité organique a favorisé cette diversité de
modèles. Kluckhohn (1951) fait la distinction entre les régulations du
comportement qui sont des modes de conduites et les règles de conduite qui
sont des modalités normatives. Ces deux formes d’apprentissage culturel
nommées « technique » et « normative » ont, selon Kluckhohn (196610), leur
utilité sociale.
À partir des concepts d’« intérêt » et d’« orientation » développés par
Linton (193611), Kluckhohn évoque un « tarif d’intérêt » pour les différentes
régulations constituées par exemple par les comportements désapprouvés et
interdits. Ainsi, si chaque culture était bien connue, ce tarif d’intérêt nous
permettrait d’établir une échelle de préférence. Certaines régulations sont
très recherchées et représentent en quelque sorte un noyau autour duquel les
autres gravitent (central patterns).
Concernant les règles de conduite, Kluckhohn les classe en cinq échelons :
obligatoires, désirables, typiques, alternatives ou limitatives. Ainsi, bien que
la majorité soit vraisemblablement la valeur la plus représentative, la
plupart des cultures offrent « des répartitions bi ou multimodales ».
L’approche de Kluckhohn (1951) préconise ainsi la nécessité de prendre en
compte plusieurs niveaux de conduites et de règles.
Triandis (198912) définit les patterns culturels au travers de trois
dimensions : 1. « La complexité culturelle », dont l’accroissement se traduit
par le fait que les individus ont de plus en plus d’endogroupes potentiels
envers lesquels ils peuvent ou ne peuvent pas être
loyaux. 2. « L’individualisme-collectivisme », qui traduit des orientations
plus ou moins personnelles. Les individualistes donnent priorité aux buts
personnels, les collectivistes ne font pas de distinction entre buts personnels
et collectifs ou, s’ils le font, c’est pour subordonner les premiers aux
seconds. 3. Les cultures serrées versus ouvertes (tight versus loose
cultures). Les premières sont des cultures homogènes où les normes sont
claires, les déviations sont rarement tolérées, la marge de tolérance est
minime et des sanctions sévères sont administrées en cas de déviance. Il y a
différents types de sanctions et elles ne sont pas toutes négatives mais elles
servent quelle que soit leur forme au contrôle social. Les cultures
hétérogènes et les cultures situées entre deux modèles culturels majeurs sont
plus flexibles à l’égard des déviations.
Dans une culture hétérogène comme celle des États-Unis, il est plus difficile pour les
personnes d’être d’accord avec des normes spécifiques, et souvent plus difficile
d’imposer des sanctions sévères. (Triandis, 1989, p. 511, notre traduction)
Cette idée de variabilité des modèles, nous la trouvons également chez
Linton (196913) puisqu’aucun groupe n’a construit de modèles idéaux
correspondant à toutes les situations : « on constate la présence d’un modèle
culturel réel avec une moyenne de variations identifiables » (p. 98). À
propos des modèles idéaux, il précise que les proportions pouvant atteindre
ces modèles sont très variables selon les sociétés. Certains groupes étant
plus conscients que d’autres de l’existence de la culture, ils ont plus
tendance à généraliser en matière de comportement. Mais aucun groupe n’a
édifié des modèles idéaux correspondant à toutes les situations. Il y a donc,
selon l’expression de Linton, une « pénurie » de modèles idéaux.
Cette pénurie de modèles idéaux est d’autant plus frappante que la comparaison des
récits révèle la présence d’un modèle culturel réel, avec une moyenne de variations
identifiables. (Linton, 1969, p. 98)
Les « patterns variables » développées par Parsons (196014)
correspondent à cinq choix dichotomiques qui permettent de dégager les
valeurs orientant les individus dans l’interaction sociale. Pour Parsons,
l’individu rencontre sans cesse un certain nombre de dilemmes qui peuvent
être réduits au nombre de cinq et face auxquels l’acteur peut choisir entre
deux orientations opposées.
D’un côté les dichotomies renvoient aux patterns dominants dans une société
traditionnelle et de l’autre elles reflètent les patterns dominants de la société moderne.
Ces cinq dilemmes peuvent être énumérés comme suit : 1. L’acteur laisse exprimer
ses sentiments (affectivité) ou les contrôle (neutralité affective) ; 2. L’acteur peut
évaluer les situations d’après des critères généraux (universalisme) ou d’après des
critères qui concernent l’acteur en particulier (particularisme) ; 3. L’acteur agit avec
les autres en fonction de ce qu’ils sont (l’être) ou de ce qu’ils font (l’agir) ; 4. L’acteur
considère les autres en fonction de leur totalité (globalisme) ou il ne les considère que
sous un aspect (spécificité) ; 5. L’acteur choisit d’agir en fonction de buts personnels
(égocentrisme) ou en fonction de buts qu’il partage avec les autres (communauté).
(Notre traduction)
La variation des modèles normatifs peut être articulée selon nous avec le concept de
« hiérarchie de valeurs » mis en évidence par Kluckhohn et Strodtbeck (1961 15). Ils se sont
intéressés à l’ordre hiérarchique suivant lequel une collectivité estime les idéaux auxquels
elle adhère. Considérant cinq problématiques de l’existence humaine (définition de la nature
humaine ; relation de l’homme avec la nature ; catégorie privilégiée du temps ; modalités de
l’activité humaine ; modalités des relations interpersonnelles), les auteurs ont construit un
questionnaire élaboré et l’ont fait passer à cinq collectivités situées dans le Sud-Ouest des
États-Unis. Les analyses révèlent qu’il existe une hiérarchie de valeurs avec des valeurs
dominantes et des valeurs variantes ou substituts. Les principaux résultats peuvent être
résumés par les points suivants : 1. Les choix privilégiés varient dans chaque collectivité.
2. Les valeurs variantes autorisent différentes adaptations individuelles. 3. Le système des
valeurs n’est pas constitué que de valeurs dominantes mais d’une imbrication entre valeurs
dominantes et valeurs variantes (cité par Rocher, 1968 16). La méthode de l’orientation des
valeurs (The Value Orientations Method, VOM) fournit une façon de comprendre les
différences culturelles principales liées à ces cinq préoccupations humaines de base et à
leurs orientations (Brink, 1984 17).

3. Des travaux pionniers en psychologie


sociale
Tout d’abord il faut rappeler que l’étude des normes sociales est liée aux
travaux sur l’influence sociale.
Au début des années 1930, un nombre croissant de psychologues s’est
intéressé aux variations culturelles dans les attitudes et le comportement, et
ceci grâce aux travaux des anthropologues. La problématique de la formation
et du fonctionnement des normes sociales considérée comme un problème
crucial dans la vie culturelle a été étudiée par Muzafer Sherif, qui a publié
en 1936 The Psychology of Social Norms.
Sherif est parti de l’évidence selon laquelle il existait des variations
culturelles dans les processus psychologiques de base comme la perception,
le jugement ou la mémoire. En même temps ces travaux s’appuient sur l’idée
fondamentale qu’« une psychologie sociale valide est une psychologie
individuelle valide et qu’une psychologie individuelle valide est une
psychologie sociale valide » (Sherif, 1936/196618, VIII, notre traduction).
Dans la préface de 1966, Sherif souligne l’intérêt, pour la psychologie
sociale contemporaine, de développer la collaboration interdisciplinaire
entre psychologie, sociologie et anthropologie culturelle pour combler
l’écart entre la recherche en laboratoire et la réalité du terrain
anthropologique ou sociologique.
Jusqu’à ce que la psychologie de la perception sociale soit étudiée, il n’y
avait aucune façon de tenir compte des variations de réponses dans les
situations sociales ou individuelles (Sherif, 1936/1966, XV). Afin de montrer
qu’un groupe ne se réduisait pas à la somme de ses individualités, Sherif
s’est intéressé dans sa thèse de doctorat à la formation des normes et aux
interactions sociales susceptibles d’influencer les personnes individuelles
(Leyens, 197919). La formation des normes décrite au travers de l’effet
autocinétique fait partie des expériences les plus fameuses, ayant donné lieu
à toute une série de recherches.
Sherif (1936/1966) a voulu étudier si un individu se trouvant dans une situation ambiguë,
sans disposer d’un cadre externe de référence, allait construire une norme de référence
individuelle. Il s’est de plus demandé comment se comporteraient plusieurs individus placés
dans la même situation non structurée. Chacun allait-il maintenir sa position individuelle ou
au contraire établir « un cadre de référence commun » ?
Il a examiné ces questions en reproduisant l’effet autocinétique bien connu des astronomes. Il
s’agit d’une illusion d’optique que l’on obtient en plaçant dans l’obscurité une petite source
lumineuse qui donne l’impression de bouger dans différentes directions. Sherif utilise le terme
de fluidity pour définir l’ambiguïté du stimulus, sachant que ce terme peut introduire l’idée
d’un caractère changeant. Cet effet va mettre en évidence en situation ambiguë comment
s’élabore une norme en condition individuelle et collective.
Utilisant la notion centrale de « cadre de référence » empruntée à la Gestalt, Sherif montre
qu’en situation individuelle, lorsque les individus perçoivent le mouvement d’un point
lumineux sans cadre de référence externe, il se produit une normalisation subjective
individuelle (norme personnelle) autour de laquelle les jugements fluctuent ; cette norme est
stable mais varie entre les individus. En situation de groupe, on constate que les individus
abandonnent leurs positions antérieures pour construire un cadre de référence commun. En
revanche ils conservent la norme et l’écart de variation élaborée par le groupe
antérieurement s’ils se retrouvent ensuite en situation individuelle.
Ainsi, ces normes ont été intériorisées en fonctionnant comme une règle
partagée et comme une règle individuelle (Newcomb, Turner et Converse,
197020). Cette expérience renommée montre qu’en étant confrontées à un
stimulus non structuré et ambigu, les personnes développent malgré tout un
cadre de référence interne stable. Cependant dès qu’ils se retrouvent face
aux différents jugements des autres, les sujets abandonnent leur cadre de
référence et s’ajustent à celui des autres. Les travaux de Sherif illustrent une
influence incidente et sont importants parce qu’ils montrent comment au
moins pour un stimulus ambigu, les normes peuvent être adoptées
implicitement, comment elles se développent au travers d’influences
réciproques et comment elles finissent par être intériorisées.
La problématique des normes sociales développée par Sherif (1936/1966),
nous l’avons dit, est liée à la notion de cadre de référence, qui renvoie elle-
même à un modèle d’analyse. Cette notion est fondamentale dans l’étude du
comportement social. Dans l’analyse psychologique, « on devrait parler d’un
cadre de référence d’un comportement à un moment donné » (Sherif,
1936/1966, XIV, notre traduction). Ce cadre de référence inclut l’ensemble
des facteurs inter-reliés externes (objets, personnes…) et internes (attitudes,
émotions…) à l’individu (figure 7.1). Une situation sociale n’est pas
constituée d’items distincts et sans rapport entre eux.
L’œuvre de Sherif a, en effet, ceci d’exemplaire qu’elle illustre comment une
psychologie de la perception, centrée autour d’une notion forte, peut mener à une
psychologie de l’action et à une psychologie de l’affectivité, rétablissant l’unité là où
les nécessités de l’analyse rigoureuse avaient introduit une division parcellaire, non
théoriquement justifiée. (De Montmollin, 196921, p. 340)
Selon Sherif la notion de cadre de référence est impliquée dans les
principaux domaines de la psychologie : dans les phénomènes sensoriels,
psychophysiques, dans la perception, l’affectivité, la mémoire, etc. Ce
concept est utilisé pour désigner certains des facteurs fondamentaux
impliqués dans le champ d’une stimulation interne et externe qui constitue un
ensemble fonctionnel. Si nous partons de cette conception du cadre de
référence c’est parce qu’elle constitue le socle des recherches ultérieures et
parce qu’elle permet d’étayer les réflexions théoriques et méthodologiques
sur l’étude des normes.
Figure 7.1 – Représentation schématique du cadre de référence d’un comportement observé à
un moment donné.
OB : Observed behavior (comportement observé, verbal (v) ou non verbal (nv).
EF : External factors (facteurs externes).
IF : Internal factors (facteurs internes).
PS : Psychological (perceptual) structuring (structuration psychologique).
Extrait et traduit de Sherif (1936/1966).
Différentes raisons ont été apportées à ce phénomène de normalisation.
Hood et Sherif (196222) ont défendu que la formation de la norme renvoyait à
une évaluation rationnelle de la situation afin d’être le plus précis possible.
Dans des conditions incertaines, les participants ne savent pas comment
répondre et supposent que le groupe doit avoir raison (Sherif, 1936/1966).
Montmollin a introduit en 196523 la notion de « marges de vraisemblance »,
signifiant qu’au-delà d’un certain écart, les individus ne tenaient pas compte
des réponses les plus extrêmes dans leur évaluation.
Allport (192424) a travaillé sur la modération des jugements en présence
d’autrui. Il montre dans une tâche de jugement de poids que les réponses des
sujets en présence d’autrui se modifient, les poids les plus lourds étant sous-
estimés et les plus légers, surestimés. Selon Allport, « il y a une tendance
humaine fondamentale à tempérer ses opinions et sa conduite par déférence
pour les opinions et les conduites des autres » (1924, p. 278, notre
traduction). En 1962, il propose d’analyser ce phénomène comme une
obligation de concessions réciproques, les individus voulant éviter les
jugements extrêmes en situation de coprésence. Moscovici et Ricateau
(197225) ont proposé d’interpréter le processus de normalisation comme un
mécanisme d’évitement du conflit. Les évaluations hétérogènes conduisent à
une situation de conflit que les sujets vont essayer de résoudre par une
convergence des estimations et des concessions réciproques.
Mais le pouvoir des normes sociales s’illustre également au travers de leur
stabilité et de leur capacité à être transmises au travers des générations.
À la suite des travaux de Sherif (1936/1966), des recherches ont montré
que le cadre de référence construit en présence des autres était résistant
puisqu’il se maintenait en dépit de l’absence de la source de l’influence, du
changement de lieu et de la reconstitution des groupes (Hood et Sherif,
1962 ; Rohrer, Baron, Hoffman et Swander, 195426). Les membres les plus
anciens peuvent sortir progressivement du groupe et être remplacés par de
nouveaux membres (participants naïfs). On constate que l’ancienne norme
continue d’avoir un impact sur les estimations jusqu’à ce que les membres du
groupe aient été changés plusieurs fois. C’est ce qu’ont montré Jacobs et
Campbell (196127), qui ont étudié la formation des normes et leur
transmission au travers des générations des membres de groupes. Inspirés
par les travaux de Sherif mais aussi par ceux de Gerard, Kluckhohn et
Rapoport (195628), Jacobs et Campbell ont essayé de démontrer la
transmission des caractéristiques « culturelles » au-delà du remplacement
des individus.
En situation de jugement solitaire « autocinétique », les jugements de mouvements moyens
tournaient autour de 3,8 pouces. Des compères devant établir des « normes culturelles »
arbitraires de 15,5 pouces. La transmission de cette norme a été étudiée au début puis les
anciens membres du groupe ont été écartés alors que de nouveaux membres étaient inclus.
Des restes significatifs de la culture ont persisté durant quatre ou cinq générations au-delà
du dernier compère. La norme allait persister même quand tous les membres originaires du
groupe seraient partis et que le groupe n’était constitué que de nouveaux membres. Jacobs et
Campbell (1961) ont également mis en évidence qu’un groupe commençant par un compère et
deux sujets naïfs était plus faible et ne transmettait pas d’élément culturel au-delà d’une
génération. Graduellement, dans chacun des douze groupes expérimentaux, la norme
arbitraire a décliné et les jugements de groupe se sont éloignés de la norme naturelle trouvée
dans les groupes contrôle.
Mais il y a une limite aux normes arbitraires car plus elles sont fabriquées
et plus elles tendent à décliner à travers les générations (MacNeil et Sherif,
197629). Les expérimentations de Sherif et leurs prolongements se sont
déroulés dans un contexte de laboratoire mais les normes sociales ont le
pouvoir d’influencer notre comportement dans des situations réelles, comme
l’ont montré par exemple les travaux de Lewin (1947, 1948), de Crandall
(1988) et de Cialdini, Reno et Kalgreen (1990), que nous présenterons ci-
dessous.
Selon Lewin (194730, 194831), le comportement du groupe est un ensemble
d’interactions symboliques et de forces qui affectent la structure du groupe
mais aussi les comportements individuels. Cette structure est un champ
social dynamique, c’est-à-dire un système de forces en équilibre, constitué
de sous-groupes, de canaux de communication, de barrières. Les relations
découvertes en laboratoire seront ensuite étudiées dans des groupes réels.
Pour l’école de la dynamique de groupe, les changements doivent être
envisagés au niveau du groupe puisque l’individu est obligé de se conformer
aux pressions de celui-ci. Ainsi, le point focal du changement doit partir du
groupe pour envisager le changement des normes du groupe, des rôles et des
valeurs (Cummings et Worley, 200532). Selon cette école, ce qui est
important dans l’analyse des normes du groupe, c’est la différence entre les
normes implicites et les normes explicites. Les normes explicites sont
écrites, formelles alors que les normes implicites sont informelles et les
individus ne sont pas toujours conscients de celle-ci. Comme l’ont montré
les travaux de Sherif, ces dernières ont été identifiées comme déterminantes
dans l’orientation des actions des membres du groupe.
Lewin (1947, 1948) a abordé la notion de norme en évoquant « un équilibre
quasi stationnaire », à l’origine de la résistance au changement, qu’il définit
comme un état d’équilibre entre des forces égales manifestant des
fluctuations autour d’un niveau moyen. Il pose ainsi les normes de groupe
comme des obstacles au changement qui permettent d’éviter l’exclusion.
L’équilibre maintient le sujet à l’intérieur des normes de groupe.
… plus grande est la valeur sociale d’une norme de groupe, plus grande est la
résistance d’un individu membre du groupe à s’écarter de ce niveau. De nombreux
cas « d’habitudes sociales » semblent renvoyer à des normes de groupe avec une
valeur sociale et la résistance au changement peut fréquemment être expliquée par le
théorème. (Lewin, 195933, p. 274)
Le changement nécessite selon Lewin, deux phases : tout d’abord
décristalliser les normes de groupe à partir de discussions de groupes qui,
selon Moscovici et Doise (199234), ont le pouvoir de « dégeler » les
habitudes, puis recristalliser sur un nouveau point d’équilibre à partir de
décisions collectives. Le groupe permet ainsi à chacun des membres de
« franchir ensemble la barrière des normes devant laquelle, seuls, ils
reculent » (Moscovici et Doise, 1992, p. 65). Ces conceptions ont été
illustrées dans une fameuse expérience de 1943 sur la modification des
habitudes alimentaires auprès de groupes de ménagères.
Partant des recherches de Festinger, Schachter et Back (195035) sur les
pressions sociales dans les groupes informels, Crandall (198836) a étudié le
pouvoir des normes sociales et de leur transmission au travers du
comportement boulimique. Il a évalué ce processus dans des associations
d’étudiantes en diffusant un questionnaire portant sur les liens sociaux, les
facteurs personnels et le fait de se gaver de nourriture (binge eating). Dans
un cas, les membres d’une association ont complété le questionnaire
uniquement trois semaines avant l’été (étude 1), dans un autre cas, deux
autres clubs féminins ont rempli le questionnaire à l’automne et au printemps
(étude 2) ; ceci afin de mesurer l’influence sociale en fonction de la période
passée avec le groupe. Les résultats montrent l’existence de normes de
groupe à propos d’un comportement boulimique approprié. Dans un club,
plus on mangeait plus on était populaire, dans un autre la popularité était
associée au fait de manger la bonne quantité. Ceux qui « se gavaient » trop
ou pas assez étaient moins populaires que ceux qui « se gavaient » dans la
moyenne. Crandall a montré l’existence de corrélations indiquant
directement l’influence sociale et a interprété ces résultats comme reflétant
une « contagion sociale ».
Cialdini, Reno et Kallgren (1990 37) ont démontré, dans une série d’expériences, les effets de
la norme descriptive sur le comportement. Ils ont manipulé la norme qui consiste à jeter des
détritus en contrôlant leur quantité dans des endroits variés (garage, jardin d’enfants, etc.).
L’endroit était soit propre (anti-littering norm), soit sale (pro-littering norm). Ils ont observé que
les gens avaient plus tendance à jeter des détritus sur le sol dans un environnement sale que
propre. La présence de détritus sur le sol semble envoyer le message selon lequel c’est
normatif de salir à cet endroit, alors qu’un endroit propre envoie le message inverse. Cette
tendance était particulièrement forte quand les chercheurs orientaient l’attention des
participants vers la norme descriptive. Par exemple quand un complice laissait tomber des
papiers par terre dans un environnement déjà sale, cela attirait l’attention sur la saleté de
l’environnement et les gens étaient plus susceptibles de salir par eux-mêmes. Quand le
complice laissait tomber des détritus dans un environnement propre, cela faisait ressortir le
manque de saleté et les gens jetaient moins qu’ils ne l’avaient fait quand ils étaient dans un
environnement propre sans complice qui salissait.
Ces recherches montrent que nous sommes souvent guidés par des normes
sans nous en rendre compte.
Un autre champ a largement contribué à clarifier l’impact des normes, c’est
celui de la conformité ou de l’influence majoritaire initié par Asch (1951).
Le problème de la conformité et de la déviation soulève un ensemble de
questions pouvant servir de base dans l’évaluation des tendances des
rapports humains (Sherif, 196138).
Si, dans l’expérience de Sherif, la normalisation peut s’expliquer par
l’impact de l’ambiguïté du stimulus, les expériences sur la conformité ont
montré que les processus d’influence existaient même lorsque le stimulus
était clair et quels étaient les facteurs qui amenaient un sujet à « négocier »
avec un groupe.
Dans son expérience, Asch (195139) est parti de la position inverse de
Sherif. Son hypothèse était que lorsque le stimulus était clair, l’individu
restait indépendant aux pressions du groupe. Il pense que les individus sont
toujours capables de garder leur libre arbitre. Chacun peut choisir ses
sources d’influence, juger, soupeser et finalement accepter ou rejeter
l’influence.
Dans ses expériences (1951, 1956 40), il montre deux cartons aux participants : sur un carton
il y a trois lignes de longueurs différentes avec un numéro. Le second carton contient juste
une ligne (ligne standard) qui est identique à une des trois lignes. La tâche consiste à
indiquer publiquement, parmi trois lignes de longueur différente, celle qui est égale à la ligne
étalon. Il n’y a visuellement dans cette expérience aucune ambiguïté car la longueur des
lignes est nettement perceptible. Un sujet naïf est placé dans un groupe de sept à neuf
personnes (tous des hommes) qui sont des compères de l’expérimentateur. En situation
contrôle les sujets répondent en privé, et en condition expérimentale, ils répondent en avant-
dernière position, après les autres sujets. Les compères ont comme consigne de donner pour
deux tiers des réponses unanimes fausses.
Asch a trouvé un changement de 33 % des réponses des sujets naïfs vers les
réponses erronées de la majorité alors qu’en condition contrôle, seuls
2 sujets sur 37 se trompent. Le groupe exerce donc une pression sur le sujet
isolé, qui à son tour se conforme à la position du groupe.
Les expériences de Asch étaient coûteuses parce que chaque participant
naïf devait être testé en utilisant un groupe de compères. Dans le paradigme
de Crutchfield (195541), il n’y a pas de compères et la majorité numérique
est impliquée au travers des feedbacks sur les réponses des autres
personnes. Chaque participant est assis dans une cabine isolée sans aucun
contact verbal ou visuel et il répond à la tâche au travers d’interrupteurs. On
fait croire au sujet que ce sont les réponses des autres participants qui sont
affichées sur la console alors qu’elles sont programmées par
l’expérimentateur pour « scénariser » les accords ou les désaccords des
participants. L’abandon du contexte de groupe et la comparaison entre les
divers paradigmes montrent des différences notables, les évaluations de la
conformité étant élevées en situation de face-à-face (Levy, 196042).
On a établi que le processus de complaisance (Kelman, 195843) était celui
qui se mettait en place dans l’influence de type Asch. Il s’agit dans ce cas
d’un simple changement comportemental transitoire et non pas d’un réel
changement du code socioperceptif du sujet conformiste.
Deutsch et Gérard (1955 44) ont repris le protocole expérimental de Asch pour rendre compte
de la dimension « évaluation en privé ». Ils ont ainsi montré que lorsque le sujet naïf prenait
connaissance des réponses de la majorité par un cadran lumineux et qu’il donnait ses
réponses en privé, la majorité n’exerçait aucune pression sur les évaluations privées du
sujet. La dimension publique est donc un facteur fondamental dans le processus d’influence
majoritaire.
Les différentes explications apportées au phénomène de conformité
(Cialdini et Trost, 199845 ; Deutsch et Gerard, 1955 ; Festinger, 195046)
permettent d’envisager l’importance des normes du point de vue majoritaire
(consensus) mais aussi du point de vue minoritaire.
Lors d’interviews post-expérimentales conduites par Asch (195247), les
participants ont expliqué qu’ils avaient suivi la majorité pour deux
raisons principales. Certains ont pensé que la majorité avait tort mais se sont
rangés à son avis simplement pour maintenir leur appartenance au groupe et
pour éviter d’être mis au ban de la société. D’autres ont pensé que la
majorité devait avoir raison car ils étaient les seuls à voir la tâche
différemment. Selon cette optique, les plus nombreux doivent avoir raison.
L’explication la plus populaire de la conformité se fonde sur la perspective
de la dépendance du comportement des petits groupes, qui a été décrite dans
les travaux de Festinger (1950). Les membres des groupes sont
cognitivement et socialement dépendants les uns des autres car l’opinion
d’uniformité les aide à valider la réalité sociale et à mobiliser le groupe
vers les buts à atteindre.
Selon Festinger (1950), la formation de la norme est le résultat des
pressions vers l’uniformité qui remplissent deux fonctions dans
l’appartenance groupale : tester la réalité sociale et mobiliser le groupe.
Quand on suit les normes, on est assuré que notre comportement est
approprié, correct et socialement désirable, ce qui constitue une validité
subjective (Turner, 199148). Ainsi, on se conforme aux normes du groupe car
elles deviennent une partie des croyances individuelles et du système de
valeur. La comparaison sociale est effective en particulier dans le cas de
situations nouvelles, ambiguës (Sherif, 1936) et lorsque les gens sont
incertains ; ils sont alors plus à même d’être guidés par les croyances et les
comportements des autres identiques. Cela apparaît comme nécessaire pour
que le groupe atteigne ses buts, ce que Festinger (195449) appelle group
locomotion.
Il y a également l’explication de Deutsch et Gerard (1955) selon laquelle
les gens sont d’accord avec les autres pour des raisons normatives ou
informationnelles. Cette conformité est liée au désir d’être semblable
(influence normative ou « centrée sur le groupe ») et au désir d’avoir raison
(influence informationnelle ou « centrée sur la tâche »). Le but principal de
l’influence normative est de construire et de maintenir des relations positives
avec les autres, elle est fondée sur une conduite de la dépendance avec un
aspect plutôt affectif.
L’influence informationnelle présume un besoin de réduire l’incertitude et
implique d’accepter l’information obtenue des autres comme une évidence,
elle est liée à une conduite d’indépendance. Son principal but est de faire
des jugements valides et précis.
L’influence informationnelle varierait en fonction de la capacité de vérifier
le stimulus, elle pourrait alors être plus ou moins élevée. Willis et Levine
(1976, cités par Levine et Pavelchak, 198450) ont proposé trois principales
catégories : « vérifiables maintenant », « vérifiables en principe » et
« invérifiables en principe ».
En résumé, cette analyse laisse entendre que l’influence informationnelle varie en
fonction de la possibilité de vérifier le stimulus. La conformité sera faible dans les cas
où la vérification est immédiatement possible ou dans ceux où elle est impossible en
principe. En revanche, la conformité sera forte lorsqu’une vérification est possible en
principe, tant que le sujet sent que d’autres membres du groupe sont plus
compétents que lui. (Levine et Pavelchak, 1984, p. 41)
Avec le protocole de Asch, Deutsch et Gerard (1955) ont montré que la
conformité augmentait quand on disait aux participants qu’ils faisaient partie
d’un groupe et que la meilleure performance des groupes serait
récompensée. D’un autre côté la conformité décroît quand les réponses des
participants sont anonymes (Crutchfield paradigme). En termes d’influence
informationnelle, les facteurs qui accroissent la crédibilité de la majorité en
tant que source reconnue (comme le statut et l’expertise) conduisent à plus de
conformité (Kiesler et Kiesler, 196951).
Pour Cialdini et Trost (1998), quatre principales motivations sous-tendent
la conformité : l’action effective, la construction et le maintien des relations,
gérer le concept de soi et comprendre. Cette approche met l’accent sur les
buts de la cible d’influence plutôt que sur l’agent influençant. Ainsi, par
exemple, un participant dans les études sur l’effet autocinétique de Sherif
pourrait avoir modifié son estimation sur le mouvement du point lumineux
dans la direction de la norme de groupe afin de faciliter son fonctionnement,
pour obtenir l’approbation de ses membres, pour éviter une conception de
soi comme quelqu’un de différent ou de déviant, et pour croire que ce qu’il
voit maintenant est plus proche de la réalité.
Mais ces explications sur la conformité reposent avant tout sur l’idée de
dépendance et d’influence unidirectionnelle. Moscovici va proposer une
autre conception en s’appuyant sur la négociation et le conflit et en
introduisant un autre point de vue de la déviance.
… on doit maintenant les regarder (les déviants) aussi en tant qu’émetteurs
d’influence et créateurs de normes en puissance. (Moscovici, 197952, p. 80)
Les analyses précédentes supposaient que les individus se conformaient
parce qu’ils dépendaient du groupe. Ceci a été récusé par Moscovici (1979 ;
Moscovici et Faucheux 197253). Selon lui, la conformité peut être vue comme
une négociation.
Moscovici soutient qu’il est plus juste de concevoir la conformité comme une forme
de négociation entre l’individu et le groupe, qui s’engage à propos d’un conflit sur la
façon de définir la réalité. Il poursuit en suggérant que la conformité (c’est-à-dire le
mouvement de l’individu vers le groupe) n’est pas l’issue inévitable du processus de
négociation. Au lieu de cela, la conformité n’est qu’une issue du conflit possible parmi
d’autres et elle s’exerce dans une série de conditions assez limitée. (Levine et
Pavelchak, 1984, p. 42-43)
De plus (ci-dessus) la conformité n’est pas la seule issue du processus de
négociation. Avec son approche génétique ou interactionniste, Moscovici
(1979) attire l’attention sur le fait que toute déviation de norme n’est pas
dysfonctionnelle. Il différencie trois types de normes. La norme
d’objectivité, qui répond au besoin de tester les opinions et les jugements et
donne la priorité à la fonction de validation du consensus, elle entraîne une
pression à la conformité. À l’opposé se trouve la norme de préférence, qui
permet d’intégrer les variations et les choix individuels et qui implique
l’absence de pression. Entre les deux se trouve la norme d’originalité, qui
« crée une pression centrifuge, chaque membre du groupe étant amené à
prendre une position unique et à éviter d’imiter les réponses des autres »
(p. 169). Le groupe doit être « nomique », c’est-à-dire avec une position
fortement intériorisée, et il faut que l’individu soit « anomique », c’est-à-dire
sans position fortement intériorisée. Pour Moscovici, la conformité permet
de résoudre le conflit en évitant la déviance et reflète la soumission publique
plutôt que l’acceptation privée.

Le modèle fonctionnaliste
Dans l’influence sociale, la conformité a pour objet d’éviter la déviance des membres
par rapport à la norme dominante. Ceux qui adoptent la norme sont dits « fonctionnels
et adaptatifs » et ceux qui ne la suivent pas sont appelés « dysfonctionnels et non
adaptatifs ». C’est ce modèle qui ne prend en compte que les tendances à éviter l’écart
par rapport à la norme sociale pour conduire les individus au consensus que Moscovici
(1979) a appelé « modèle fonctionnaliste » et à partir duquel il a élaboré sa critique.

Les recherches sur la conformité se sont centrées sur la capacité de la


majorité à influencer l’individu et ont négligé la possibilité que l’individu
(ou la minorité) puisse influencer la majorité. Par définition, la minorité
manque de pouvoir, de statut et de taille numérique et n’a pas les moyens
d’appliquer l’influence normative ou informationnelle. Moscovici conteste
l’exclusivité du conformisme et montre que le modèle fonctionnaliste est
insuffisant pour expliquer tous les phénomènes de l’influence sociale. Le
processus de conformité est fondamental puisqu’il assure la continuité de
l’existence du groupe, mais l’influence sociale n’a pas pour seule fonction de
réduire les différences.
De même, l’influence sociale n’a pas pour unique fonction de réduire les différences
entre les individus, de leur imposer une vision uniforme de la réalité et d’éliminer les
déviants. Elle s’exerce aussi pour modifier le milieu ou l’organisation et permet à un
groupe de poursuivre ses buts ou de se transformer en faisant appel aux ressources
de tous ses membres, déviants compris. (Doms et Moscovici, 198454, p. 54)
Le modèle de la conformité a comme caractéristique de présenter une
asymétrie entre les pôles source et cible d’influence et le changement
observé se produit à partir d’un de ces deux pôles. De plus on considère que
la majorité est active alors que la minorité est passive. Dans ce cadre,
l’influence s’exerce de façon unilatérale. Mais Moscovici a montré que le
modèle fonctionnaliste était insuffisant pour expliquer tous les phénomènes
de l’influence sociale.
En effet si l’influence sociale est uniquement reliée à la conformité de la
majorité, il est difficile de voir comment les groupes changent, comment les
nouvelles idées peuvent s’inscrire. Partant de ces constats, Moscovici et ses
collaborateurs ont essayé d’éclaircir le phénomène d’impact minoritaire,
c’est-à-dire comment l’individu sans pouvoir ou sans compétence
particulière peut exercer de l’influence.
Aussi, sans perdre de vue ces limitations, proposons-nous de concevoir le
processus d’innovation en tant que processus d’influence sociale, ayant
généralement pour source une minorité ou un individu qui s’efforce soit d’introduire ou
de créer des idées nouvelles, de nouveaux modes de pensée ou de comportement,
soit de modifier des idées reçues, des attitudes traditionnelles, d’anciens modes de
pensée ou de comportement. (Doms et Moscovici, 1984, p. 55)
Il existerait deux types de sous-groupes minoritaires, les minorités
nomiques et les minorités anomiques. La minorité anomique (passive)
s’oppose à la norme dominante sans proposer d’alternative tandis que la
minorité nomique (active) propose une nouvelle norme (une contre-norme)
s’opposant à la norme dominante. Ce dernier type de minorité différencie les
« orthodoxes » qui se déplacent dans la direction de la norme majoritaire
(pro-normatif) en l’extrémisant et les hétérodoxes qui proposent des normes
différentes (contre-normatif).
Le conflit est alors créé par la minorité et il va avoir un effet perturbateur
remettant en question le point de vue de la majorité dominante et engendrant
de l’incertitude. Puisque les gens veulent éviter les conflits, ils peuvent
rejeter la position de la minorité. Mais dans la plupart des cas, les individus
vont essayer d’amenuiser la divergence par des concessions réciproques.
En vérité, chacun des participants s’engagera dans un processus de négociation
tacite au cours duquel il essaiera de rétablir le consensus social sans faire de trop
grandes concessions. En d’autres mots, chacun des participants essaiera de faire
triompher son propre point de vue, tout en envisageant la portée d’éventuelles
concessions de sa part. (Doms et Moscovici, 1984, p. 60)
Pour influencer la majorité, la minorité doit adopter un « style » particulier
de comportement fondé sur la consistance. Dans une expérience classique,
Moscovici, Lage et Naffrechoux (196955) ont démontré ces idées en projetant
à des groupes de six étudiantes une série de diapositives dont la couleur était
bleue sans ambiguïté. La tâche consistait à juger la couleur mais aussi
l’intensité lumineuse d’une série de diapositives après s’être assuré que les
personnes avaient une vision normale.
Dans une condition, un groupe comportait deux compères (en minorité numérique donc) qui
avaient comme instruction de dire « vert ». On constate dans ce cas que les participants naïfs
disent également « vert » à 8,45 %, ce qui est significativement différent du groupe contrôle
où il n’y avait pas de compères (0,25 %). L’importance de la minorité consistante fut vérifiée
dans une troisième expérience où les compères étaient inconsistants. Le pourcentage est alors
tombé à 1,25 %. Ainsi, la minorité, pour influencer doit avoir un style de comportement
consistant. Les travaux de Nemeth, Swedlund et Kanki (1974 56) ont montré que l’influence de
la minorité n’était pas nécessairement liée au fait de répéter le même jugement déviant. Un
style plus flexible peut aussi être efficace si l’on détecte un « schéma » spécifique dans les
réponses de la minorité.
Mugny (197557, 198258) a proposé de distinguer « le style comportemental »
et « le style de négociation ». Parce que la minorité manque de pouvoir, la
minorité doit négocier son influence avec la majorité.
Mugny (1975) a identifié deux styles de négociation : un style rigide où la minorité refuse les
compromis et un style flexible où la minorité est préparée à adapter la position de la majorité
et accepte certains compromis. Au travers de plusieurs études, Mugny a montré que la
minorité qui utilisait un style flexible était plus à même d’influencer la majorité.
Selon cette conception, l’interprétation de Asch peut être renversée puisque
l’on peut considérer que les compères constituent une minorité qui propose
une nouvelle norme opposée à la norme existante. Si les compères
influencent le sujet naïf, ils le font en tant que minorité active et non comme
majorité.
En termes de normes donc, l’influence exercée par ces compères, même supérieurs
en nombre, témoignerait non d’un effet majoritaire, mais des potentialités d’influence
minoritaire. (Doise, 198259, p. 99)
Dans ce cas, le sujet naïf n’a pas pour autant renoncé aux normes sociales
de la société dans laquelle il vit, il a renoncé à une norme précise dans une
situation donnée avec complaisance pour s’extraire d’une dissonance
cognitive.
Mais la spécificité de l’influence minoritaire est également liée à son
caractère latent, c’est-à-dire qu’elle opère de façon cachée et s’inscrit plus
en profondeur que l’influence majoritaire.
Deux approches peuvent être identifiées dans la description de l’impact
majoritaire-minoritaire : l’approche sur « le conflit » et l’approche de la
catégorisation sociale.
Pour Moscovici (197660, 198061), toutes les formes d’influence résultent de
conflits. Néanmoins les processus diffèrent selon que la source est
majoritaire ou minoritaire. Il propose ainsi de distinguer deux types de
processus : la comparaison et la validation, qui ont quelques similarités avec
la distinction proposée par Deutsch et Gerard (1955) entre l’influence
informationnelle et l’influence normative. Selon Moscovici, la majorité
déclenche un processus de comparaison sociale. Les cibles minoritaires,
parce qu’elles veulent gagner l’acceptation par la majorité, montrent de la
complaisance (influence publique) et non de la « conversion ». Le terme
« conversion » provient de la théorie du même nom qui repose sur le conflit
socio-cognitif. Cette théorie a été proposée par Moscovici (1980) pour
définir une influente latente et inconsciente. À l’opposé, les minorités
consistantes induisent un processus de validation dans lequel les membres de
la majorité se focalisent sur le contenu de la position de la minorité ou du
message. En reconsidérant l’objet du message, la validation constitue un
effort cognitif important expliquant le comportement de conversion qui se
caractérise par un changement privé des attitudes.
Dans une expérience, Moscovici et Lage (1976 62), ont comparé le conformisme à
l’innovation avec le paradigme « bleu/vert ». À partir de trois conditions (contrôle,
majoritaire et minoritaire) ils ont montré que l’influence était la plus forte en condition
majoritaire (40,16 % de réponses « vert » contre 10,07 en condition minoritaire). Après
l’expérience on présente une série de pastilles passant du bleu au vert et il faut désigner
celle par laquelle on passe du bleu au vert. Ils constatent que le vert est détecté plus
rapidement par les sujets qui ont été soumis à une influence minoritaire, ce qui atteste de son
caractère latent d’impact sur le jugement.
Dans une autre expérience sur l’effet consécutif, Moscovici et Personnaz (1980 63), à partir
du même paradigme bleu/vert, ont défendu le fait que lorsque la minorité consistante disait
que la diapositive était verte, elle exerçait une influence à un niveau indirect. Dans ce cas le
niveau indirect est l’après-image chromatique complémentaire sur la diapositive. L’après-
image est ce que l’on voit sur un écran blanc après avoir vu une diapositive colorée.
L’après-image du bleu est jaune-orange et celle du vert est rouge-violet. Bien sûr, les
expérimentateurs n’ont pas dit aux participants que différentes couleurs étaient liées à
différentes « après-images » et on a supposé que les participants ne le savaient pas. On voit
dans cette expérience que l’influence minoritaire exerce surtout de l’influence au niveau
latent (effet de conversion) et l’influence majoritaire, au niveau manifeste.
En général, les minorités exercent une influence privée aussi grande et même plus
grande que leur influence publique. On constate même un effet d’influence privée en
l’absence d’effets d’influence publique (Moscovici et Personnaz, 1980 ; Doms et Van
Avermaet, 1980). Ceci signifie en clair qu’une minorité peut changer les perceptions
ou les jugements des individus sans que ce changement se manifeste dans le
groupe. Et même sans que ceux-ci en aient conscience. (Doms et Moscovici, 1984,
p. 89)
Nous venons de voir avec les travaux de Moscovici et de ses
collaborateurs comment la prise en compte du point de vue minoritaire
amenait à reconsidérer le fait que la majorité jouissait « du prestige de la
vérité et de la norme, et exprimait le système social dans son ensemble »
(Moscovici, 197964, p. 22).
Le phénomène de polarisation va montrer que la norme peut être différente
de la moyenne, en dégageant une norme extrémisée. La polarisation du
groupe illustre donc le fait de prendre des décisions plus extrêmes que la
moyenne des positions initiales des membres du groupe et dans la direction
qui était déjà, à l’origine, privilégiée par le groupe. Partant des expériences
de Stoner (1961, cité par Doise et Moscovici, 198465), Moscovici et
Zavalloni (196966) ont dégagé ce phénomène de polarisation. Dans ce cas, il
s’agit d’adopter la position comprenant le point de vue des individus les plus
déviants, ce qui va à l’encontre de l’approche classique selon laquelle les
groupes exercent une pression à l’uniformité. Les auteurs avancent une
hypothèse opposée : « la polarisation et l’extrémité d’évaluation sont les
propriétés fondamentales des processus attitudinaux et de jugement dans une
situation d’interaction sociale » (Moscovici et Zavalloni, 1969, p. 134, notre
traduction).
Ils vont conduire trois expériences en s’appuyant sur des échelles
d’opinions (expériences 1 et 2), et une échelle de jugement (expérience 3).
Ils demandent à des lycéens, tout d’abord individuellement, leurs attitudes à l’égard du
général de Gaulle et à l’égard des Américains, deux sujets d’intérêt à l’époque. Ensuite, ils
donnent comme consigne de discuter en groupe de chaque item et de trouver un consensus,
puis ils font une autre évaluation en privé. Après la discussion, ils observent que les attitudes
de groupe sont plus extrêmes dans le sens initialement observé. Ainsi, les attitudes à l’égard
du général de Gaulle deviennent encore plus positives qu’elles ne l’étaient et celles à l’égard
des Américains, encore plus négatives.
« Ces résultats suggèrent que les sujets ont approuvé en privé l’avis et le jugement obtenu
par la discussion de groupe, même si cela nécessitait un changement de leur propre position.
Le consensus de groupe semble induire non seulement un changement d’attitude dans lequel
les sujets sont susceptibles d’adopter une position plus extrême, mais aussi un changement de
jugement dans lequel un objet stimulus apparaît comme étant plus extrême. L’« effet de
polarisation » résultant de la discussion de groupe semble avoir des implications générales.
Non seulement la position du sujet change, mais il y a également un changement de la
signification attribuée aux objets stimulus » (Moscovici et Zavalloni, 1969, p. 130, notre
traduction).
Une autre approche plus collective attribue aux foules un caractère
« normatif » en réintégrant l’individu dans l’analyse, il s’agit de la théorie de
la norme émergente.

La théorie de la norme émergente


La théorie de la norme émergente est une tentative pour combiner l’interactionnisme
symbolique avec la recherche sur la formation des normes de groupe (Asch, 1952 ;
Sherif, 1936) afin de rendre compte de la cohérence sociale de l’action collective. Selon
cette approche, l’action de la foule est normale et non irrationnelle ou pathologique.
L’action collective est une réponse à un événement précipité et de nouvelles normes de
comportements vont émerger.

Pour comprendre le comportement collectif, il faut donc s’intéresser à


l’explication du processus de formation des normes. Selon Turner et Killian
(198767), contrairement aux idées reçues, les foules ne sont pas homogènes
mais plutôt caractérisées par une expression différentielle « avec certaines
personnes exprimant ce qu’elles ressentent alors que d’autres non » (p. 26,
notre traduction). Dans ce processus, les individus n’ont pas tous la même
importance, les « dominants » (keynotes) aident à résoudre l’ambivalence de
la majorité en proposant l’action définie de façon énergique.
Ainsi la théorie de la norme émergente opère-t-elle une cassure avec la
conception traditionnelle des foules (Sighele, 1891/190168 ; Le Bon,
1895/197169).
Selon la conception de Le Bon, l’influence et l’anonymat de l’appartenance
à une foule conduisent à un comportement irrationnel et chargé
émotionnellement. La théorie de la norme émergente réintègre l’individu
dans l’analyse en faisant ressortir le lien entre le sujet et les actions dans la
foule. La « socialité » décrite se rapporte presque exclusivement aux
interactions microsociales parmi les membres de la foule.
Il existe tout un pan de travaux qui ne seront pas développés ici, qui
articulent le fonctionnement des normes de groupes avec l’identité sociale
(e.g. Abrams et al., 199070 ; Hogg et Reid, 200671 ; Turner et al., 198772,
198973).
Comme nous venons de le voir (et de façon non exhaustive), de nombreuses
études ont étudié l’impact des normes sur le fonctionnement sociocognitif des
individus et des groupes et sur leurs comportements. Historiquement, dans le
champ de la psychologie sociale, les travaux princeps sur les normes et la
plupart de ceux qui ont suivi s’inscrivent dans le domaine de l’influence
sociale avec une conception de la norme qui n’est pas univoque. Que l’on
songe au phénomène de normalisation qui a été expliqué par la recherche
d’une « moyenne » afin d’éviter les avis extrêmes (Allport, 192474), au
phénomène de norme majoritaire ou minoritaire ou au phénomène de
polarisation qui présente une norme extrémisée.
Dans le champ qui nous intéresse directement, qui est celui des
représentations sociales et plus particulièrement de l’approche structurale,
les recherches centrées sur les normes du point de vue théorique et
méthodologique remontent à une vingtaine d’années puisque c’est en 1999b75
que Flament a défini la représentation sociale comme un système normatif.

4. Normes et représentations sociales : les


travaux aixois
Dès 1976, Abric a suggéré qu’il y avait des éléments normatifs dans la
représentation. Mais il a fallu attendre quelques décennies pour que ces
aspects parviennent au centre des recherches et suscitent le développement
des méthodologies spécifiques.
On trouve dans les travaux de Codol (1972), portant sur les représentations
et les comportements dans les groupes restreints, le lien entre centralité et
caractère normatif. Étudiant la représentation de la situation (il s’agissait
d’une situation de travail en groupe) il a analysé les relations entre les quatre
éléments essentiels : soi, autrui, le groupe et la tâche et l’importance relative
de chacun de ces éléments dans la représentation. Il remarque que l’ordre
obtenu (tâche-groupe-autrui ; la représentation de soi-même est prédominante
et l’auteur la met de côté pour s’interroger plus particulièrement sur l’ordre
obtenu sur les autres représentations tâche-groupe-autrui) correspond à
« l’importance fonctionnelle » de chaque objet.
La centralité d’une représentation est fonction du caractère normatif de l’objet
représenté par rapport à l’ensemble de la situation réelle. (Codol, 1972, p. 180)
Nous présenterons tout d’abord le questionnement des normes à partir du
noyau central qui était considéré jusque dans les années 1998 (Rouquette et
Rateau, 199876) comme le lieu privilégié d’expression des aspects normatifs,
puis le questionnement des normes à partir de la périphérie.

4.1 Questionnements à partir du noyau central


Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3, Abric est à l’origine de l’idée
selon laquelle le noyau central est lui-même une structure. En 198777, il
distingue deux dimensions dans le noyau, la dimension fonctionnelle
concernée par l’action et la dimension normative concernée par le jugement.
Les éléments faisant partie de ces dimensions sont activés différemment
selon la spécificité du contexte, la nature et l’insertion sociale du groupe.
Il nous semble pour notre part que la nature du noyau central dépend à la fois :
– des caractéristiques individuelles du sujet et en particulier de la nature de son
implication avec l’objet de la représentation et de ses attentes,
– des caractéristiques plus proprement sociales de l’objet, c’est-à-dire sa relation
avec les normes et valeurs du système social dans lequel il baigne.
– de la finalité de la situation dans laquelle s’inscrivent le sujet et l’objet et des
objectifs explicites ou implicites du sujet qui élabore la représentation.
On peut distinguer deux dimensions fondamentales de ce noyau central, qui seront
d’ailleurs les dimensions de la représentation :
Une dimension fonctionnelle : qui, si elle est prépondérante, privilégie dans la
représentation les éléments directement perçus comme pertinents pour l’efficacité
dans l’action.
Une dimension normative : susceptible de privilégier des jugements, stéréotypes,
opinions admis par le sujet ou le groupe dans lequel il s’insère. (Abric, 1987, p. 69)
Une recherche expérimentale d’Abric et Tafani (199578) montre que le
noyau central est composé de trois types d’éléments : normatifs, fonctionnels
et mixtes. Les éléments « mixtes » possèdent la double dimension
« normative-fonctionnelle » et interviennent à la fois dans les pratiques et
dans les jugements. Ainsi différents éléments centraux sont privilégiés selon
la nature de l’objet social, le rapport au groupe et la finalité de la situation.
Les situations à forte finalité opératoire privilégient les aspects fonctionnels
et les situations à fortes charges idéologiques ou socioaffectives privilégient
des éléments fortement normatifs. Les deux contraintes (nature et finalité)
jouent un rôle fondamental dans l’activation des dimensions normative et
fonctionnelle.
Par exemple les travaux de Lynch (196979) sur l’image de la cité montrent
que la représentation de la ville est organisée autour de quelques éléments
centraux, essentiels pour le repérage et le déplacement urbain. Concernant la
dimension normative, on peut faire référence par exemple :
– à l’étude de Chombart de Lauwe et al. (196380) sur la représentation de
la femme, organisée autour d’un noyau statique constitué par des
stéréotypes à forte valeur affective ;
– à l’étude de Vergés (1992) sur la représentation de l’argent (voir
chapitre 4), organisée pour certains groupes autour d’une vision morale
de l’économie, associée à des jugements sur l’éthique et les valeurs
morales.
Guimelli (199881) a conduit deux études expérimentales portant sur deux
objets de représentation : le groupe idéal et la personne déviante. Il montre
que les éléments centraux n’ont pas tous le même poids dans la
représentation sociale, ils sont organisés hiérarchiquement. Certains
éléments doivent être considérés comme normatifs. Ces éléments jouent un
rôle fondamental dans le fonctionnement interne de la représentation et
apparaissent plus déterminants dans la reconnaissance de l’objet. D’autres
éléments sont activés différemment. Ils sont plus proches des pratiques
individuelles et sont liés à la dimension fonctionnelle du noyau central.
Selon Abric (200382), les éléments centraux sont inconditionnels, c’est-à-
dire qu’ils indiquent comment est l’objet. Moliner (1992a83, 1992b84) montre
expérimentalement que les éléments centraux sont moins inconditionnels que
normatifs, c’est-à-dire qu’ils n’expriment pas nécessairement ce qu’est
l’objet mais ce qu’il doit être. Rateau (199585) montre que le noyau central
des représentations sociales est également hiérarchisé et constitutif de deux
types d’éléments centraux qui se différencient dans les conséquences de leur
mise en cause. La mise en cause des éléments centraux « prioritaires »
entraîne une non-reconnaissance absolue de l’objet et la mise en cause des
éléments centraux « adjoints » entraîne une non-reconnaissance relative de
l’objet. Selon Rateau, les premiers expriment la certitude et sont
inconditionnels, les seconds expriment le normal, le désirable et renvoient
plus à une composante normative86.
Partant de ces travaux, Lheureux, Rateau et Guimelli (200887) vérifient
expérimentalement les caractéristiques des éléments centraux « prioritaires »
et « adjoints ». Ils postulent que le système central d’une représentation
sociale « semble s’organiser autour d’éléments inconditionnels ayant pour
fonction de réduire les incertitudes concernant l’objet en réponse à des
enjeux épistémiques (en définissant ce qu’il est aux yeux des individus) et
d’éléments normatifs ayant pour rôle de définir les aspects désirables de
l’objet (ce qu’il doit être) en réponse à des enjeux socio-relationnels »
(p. 45-46).
Dans une seconde expérience et à partir d’une technique de mise en cause
(Moliner, 198988), il a été démontré que les éléments de nature normative du
système périphérique étaient plus importants que les éléments de nature
conditionnelle. Lheureux, Rateau et Guimelli considèrent que la
hiérarchisation observée dans le système central (Rateau, 1995) s’applique à
l’ensemble de la représentation. Ces travaux expérimentaux sur la nature des
éléments centraux et périphériques en référence aux aspects normatifs partent
d’un questionnement sur la structure du noyau central. Le modèle bi-
dimensionnel de Moliner (199689) propose une articulation entre les
représentations sociales et les attitudes autour de quatre champs dont celui
des normes, situé dans la zone du noyau central.
Le modèle bi-dimensionnel de Moliner
Moliner, en s’appuyant sur le constat que l’activité qui résulte du processus
représentationnel est à la fois descriptive et évaluative, propose le modèle
bidimensionnel des représentations (tableau 7.1). Il considère que la théorie
du noyau central est unidimensionnelle et ne rend pas suffisamment compte
du rôle des représentations dans les activités d’évaluation et de jugement.
Mais, de même que, selon nous, la dimension de centralité est une dimension
commune à toutes les représentations sociales, la dimension évaluative apparaît
comme une régularité dans les études de représentation. Notre hypothèse est qu’il
s’agit là de la deuxième dimension descriptive de la structure des représentations
sociales. Plus précisément, nous croyons qu’il est possible d’ordonner les diverses
cognitions d’une représentation en fonction du rôle descriptif ou évaluatif qu’elles
jouent pour les individus. (Moliner, 1996, p. 82-83)
Tableau 7.1 – Le modèle bidimensionnel des représentations sociales
(extrait de Moliner, 1996, p. 97)
Pôle descriptif Pôle évaluatif
Noyau DÉFINITIONS NORMES
Périphérie DESCRIPTIONS ATTENTES

Moliner montre par exemple, dans une expérience sur la représentation du


groupe, que lorsque l’énoncé contient une cognition centrale (absence de
chef), les sujets choisissent davantage les énoncés normatifs (« il est bon »,
« il est normal »). En revanche lorsqu’il s’agit de cognition périphérique
(« mêmes opinions »), les énoncés probabilistes ont été les plus choisis.
Ainsi : « Le champ des définitions et celui des normes regroupent les
cognitions centrales. Le champ des descriptions et celui des attentes
regroupent les cognitions périphériques » (Moliner, 1996b, p. 97). Le champ
des définitions rassemble les cognitions ayant un rôle d’éléments de
définition de l’objet. Le champ des normes regroupe les cognitions ayant une
valeur positive ou négative pour les individus.
Mais à l’instar de Flament (200190), nous pensons qu’évaluation attitudinale
et normative ne doivent pas être mélangées : « Confusion aussi chez
Moliner… dont le “modèle bi-dimensionnel” des représentations exhibe un
axe “évaluatif” référant au “constat de la conformité aux normes” : il semble
s’agir plutôt d’un jugement constatif que d’un jugement normatif ; et qui de
plus est opérationnalisé par un questionnaire d’attitudes » (Flament, 2001,
p. 257).
Les travaux de Flament, qui sont à l’origine de l’intérêt porté à la
périphérie, et ses prolongements, ont mis au jour l’importance, si ce n’est la
prévalence de la périphérie dans la gestion des aspects normatifs. En effet,
les conduites sociales montrent que les normes sont avant tout constituées de
variations conditionnelles. La périphérie conditionnelle, proche des
pratiques et « lieu de vie » de la représentation, apporte à celle-ci son
caractère dynamique (déjà observé par le rôle qu’elle joue dans la
transformation de la représentation) et normatif. De même que pour
Moscovici (1979), l’innovation est liée au changement, la conditionnalité
atteste de l’aspect dynamique des normes dans la représentation. Nous
présenterons ces aspects normatifs issus du questionnement à partir des
recherches sur la périphérie.

4.2 Questionnements à partir de la périphérie


Le questionnement autour des normes est révélateur d’une évolution
certaine dans la terminologie utilisée et notamment au travers du concept de
« schème ». Si l’on reprend cette évolution, en 1976, Abric faisait référence
aux « éléments », puis le concept de « schème » est apparu dans les travaux
de Flament (198791, 198992). Quelques années après, Flament (1994a93), dans
une note en bas de page, a parlé de « prescripteurs », qu’il a remplacés
ensuite par « normes » (Flament, 199794).

Prescrire, prescription
Le ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française (1998) indique différents
sens aux mots « prescrire » et « prescription ».

On trouve par exemple le caractère d’ordonnance « ordonner expressément »


(prescrire, 1544) ; « ce qui est ordonné » (prescription, 1588) ; « ordre ou
recommandation émanant d’un médecin » (prescription, 1823). Mais aussi « réclamer,
exiger, comporter comme condition » (prescrire, 1730).

Face aux éléments non négociables du noyau central (Moscovici, 199395),


les éléments périphériques proches des pratiques individuelles renvoient à la
variabilité et au nécessaire besoin de s’adapter aux « circonstances ». Ceux-
ci sont définis par Flament (198996) comme des schèmes indiquant ce qu’il
est normal de faire ou de dire dans une situation.
Les schèmes périphériques assurent le fonctionnement quasi instantané de la
représentation comme grille de décryptage d’une situation : ils indiquent, de façon
parfois très spécifique, ce qui est normal (et, par contraste, ce qui ne l’est pas), et
donc, ce qu’il faut faire comprendre, mémoriser… Ces schèmes normaux permettent
à la représentation de fonctionner économiquement, sans qu’il soit besoin, à chaque
instant, d’analyser la situation par rapport au principe organisateur qu’est le noyau
central. (Flament, 1989, p. 209)
En 1994, Flament (1994a) fait référence à une innovation « quantitative »
quand il avance que les prescriptions sont « massivement conditionnelles ».
L’idée nouvelle, me semble-t-il, est que les prescriptions tendent à apparaître, au
niveau discursif, comme inconditionnelles, alors qu’au niveau cognitif, elles sont, pour
la plupart, conditionnelles. (Flament, 1994a, p. 38)
Flament évoque un biais discursif selon lequel les sujets font référence aux
cas généraux et non pas aux cas particuliers et il évoque les conséquences
des cognitions conditionnelles dans le rapport entre représentations et
pratiques. Selon le paradigme habituel, on conclut à un désaccord entre
cognition et conduite observée. Mais selon le paradigme proposé par
Flament, il y a adéquation entre cognition et conduite observée (le désaccord
se situe entre cognition et discours ; tableau 7.2).
Tableau 7.2 – Rapports entre cognitions conditionnelles et conduites
(extrait de Flament, 1994a, p. 40)
Discours spontané Cognition Conduites observées
en général : α
α α et β
en particulier : β
Reprenons la recherche de G. de Montmollin : la quasi-totalité des sujets disent qu’il
faut aider une personne tombant dans la rue. Certains étudiants se déguisent en
vieillard, tombent dans la rue, et sont aidés – ce qui correspond au cas général.
D’autres étudiants se déguisent en ivrognes, tombent dans la rue, et sont fort peu
aidés – ce qui contredit le cas général, mais pas le système conditionnel décrit
statistiquement plus haut. (Flament, 1994a, p. 40)
La théorie des prescriptions conditionnelles de Flament articule la notion
de prescription et celle de condition (« dans telle condition il faut faire ceci
ou cela… ») et permet de rendre compte des écarts par rapport aux normes.
Quand on observe les conduites sociales, on s’aperçoit que même si les
normes présentent des aspects absolus (il faut ou il ne faut pas faire ceci ou
cela), il y a de nombreuses variations conditionnelles.
Ces variations conditionnelles mises au jour, on s’aperçoit qu’elles
constituent pour le sujet des justifications et ne sont donc pas considérées
comme des transgressions (Flament parle de transgressions légitimes). Ainsi,
un individu peut tout à fait adopter une conduite « particulière » à partir du
moment où le système conditionnel le justifie.
Bien des prescriptions sociales sont conditionnelles : en général, on doit faire ceci,
mais dans certains cas (plus ou moins clairement identifiés), on doit faire autre
chose. Il s’ensuit que certains comportements, rares, mais acceptables par le
système conditionnel, seront jugés légitimes. Cette flexibilité nous semble propre
aux schèmes périphériques, par opposition aux schèmes du noyau central qui
seraient inconditionnels (non négociables, comme dit Moscovici). (Flament, 1994c 97,
p. 91)
Dans un article intitulé « Liberté d’opinion et limite normative dans une
représentation sociale : le développement de l’intelligence », l’objectif de
Flament (1999a98) était de montrer qu’il n’y avait pas d’incompatibilité et
que l’on pouvait articuler la variété des prises de position individuelles avec
une opinion consensuelle.
On peut en l’occurrence envisager d’une part une liberté dans les prises de position
individuelles (ce qui n’exclut pas une certaine organisation sociale de ces prises de
position), et d’autre part une norme qui ne saurait être transgressée. L’observation
banale de la vie quotidienne suggère cependant l’existence, entre ces deux termes,
d’une zone floue où de « petites » transgressions peuvent se produire et être
tolérables. (Flament, 1999a, p. 202)
Selon Flament, en psychologie, il y a peu d’écrits qui font référence à
l’intégration des écarts par rapport à une norme et il cite les propos de
Allport et de Bruner. Il envisage ainsi l’existence de trois types de
composants constituant une représentation sociale.
– un certain nombre d’opinions variées, plus ou moins fortement organisées ;
– un petit nombre d’éléments normatifs, dont la reconnaissance est consensuelle ;
– et, ici ou là, des transgressions mineures, tolérables parce qu’interprétables dans le
système lui-même, le processus d’interprétation devant encore être exploré.
(Flament, 1999a, p. 202)
Il faut préciser que si l’on trouve la notion de conditionnalité dans les écrits
de Flament à partir de 1994, c’est en réalité une idée qui a été lancée dès
1989 comme celle de réversibilité (Katerelos, 199099).
Il faut aussi rappeler que Flament intègre dans son modèle l’existence de
prescriptions absolues, c’est-à-dire non conditionnelles (voir chapitre 5).
Les travaux de Gaymard (1999100, 2003101) portent spécifiquement sur les
aspects conditionnels des représentations sociales, et mettre au centre des
recherches les aspects périphériques n’était pas commun102.
La représentation sociale des études comme lieu de négociation permet de
comprendre dans une situation biculturelle comment on s’écarte du modal
par la négociation. Ces situations négociées et conditionnelles sont
inévitables dans un contexte biculturel où les deux cultures n’ont pas les
mêmes niveaux d’exigence.
En effet, dans la pratique, une fille d’origine maghrébine qui se positionne
de manière « absolue » sur des aspects culturels de l’islam risque de se
retrouver en situation d’exclusion par rapport à la culture française.
Ces travaux ont révélé que le lien entre représentation sociale et normes se situait davantage
dans la zone périphérique, qui s’avère plus appropriée pour justifier les écarts aux principes
absolus ; ceux-là mêmes qui permettent la gestion au quotidien d’une appartenance
biculturelle. Dans cette recherche, Gaymard a montré qu’il y avait des principes absolus
consensuels et des applications conditionnelles individualisées. Les étudiantes qui respectent
et partagent avec les parents les principes absolus de la religion et du mariage peuvent
négocier. De petites négociations sont possibles comme la mise en suspens du mariage durant
les études ou « la politique de l’autruche » des parents, qui acceptent de ne pas voir au-delà
de la partie « visible » présentée par les filles. Les non-étudiantes qui ont franchi les limites
normatives (grossesse hors mariage, fréquentation de garçons français de souche) et qui ne
respectent pas ces principes ont échoué dans la négociation.
Ainsi, la possibilité de transgression de certaines limites normatives
s’explique par la non-remise en question de l’essentiel, qui est « en sûreté ».
La différence entre les étudiantes et les non-étudiantes porte sur le respect
des principes « non négociables ». Le respect de ces principes génère des
comportements en accord avec ceux-ci. Les étudiantes sont très discrètes et
adoptent des « stratégies à bas-bruit » (Taboada-Leonetti, 1982103). En
faisant ceci, elles respectent la problématique de la visibilité/invisibilité
primordiale dans ce contexte culturel. Elles ne vont pas fumer devant leurs
parents ou s’afficher avec un garçon, à la différence des non-étudiantes qui
ont provoqué ces situations de rupture en exposant publiquement les
transgressions normatives.
Pour comprendre les dynamiques identitaires, Gaymard (1999, 2003a) a
étudié la normativité dans la culture arabo-musulmane et comment les
interdictions devenaient licites grâce aux rites qui les accompagnaient
(Benkheira, 1997104).
Dans cette recherche sur les aspects conditionnels et normatifs des RS, une
approche pluri-méthodologique a été développée associant un matériel
standardisé (questionnaire, technique des choix alternatifs, questionnaire de
caractérisation) et un matériel inductif (associations libres, petites histoires,
triades de Kelly). Certaines analyses comme l’analyse booléenne, ou
matériaux, comme le test des choix alternatif, présentés dans le prochain
chapitre s’inscrivent dans les aspects théorico-méthodologiques des normes.

4.3 Aspects théorico-méthodologiques des normes


Méthodologie en plan Q et techniques de
substitution
On trouve la référence à la méthodologie en plan Q et à la manipulation du
contexte dans plusieurs articles de Flament. Dans ces travaux, on retrouve
toujours l’originalité d’une méthodologie pour rendre compte de la réalité
sociale. En 1995105, après avoir exposé le modèle psychophysique de
Parducci, Flament explique que les études de représentations sociales sont
« plus proches de la psychophysique que de la psychologie différentielle »
(p. 73).
En 1999, Flament a publié un article intitulé « La représentation sociale
comme système normatif » (Flament, 1999b106) qui constitue selon nous une
nouvelle évolution d’un point théorique et méthodologique. D’un point de
vue théorique, la considération de la RS comme un système normatif signifie
que tout est normatif, fonctionnel et descriptif dans la représentation ; il n’y a
pas d’opposition entre les dimensions puisqu’un même schème peut
apparaître simultanément sous ces trois aspects (Flament, 1997107). En 2012,
Flament parlait des RS comme « des matrices de normes108 ».
Cette considération n’est pas totalement nouvelle chez Flament puisqu’en
1994a109 ses propos vont dans ce sens quand il décrit la représentation
comme un ensemble de schèmes prescripteurs ou qu’il mentionne la logique
des normes (Flament, 1996b). Cependant le choix du titre confirme la
saillance des aspects normatifs dans le champ d’étude des RS. Ce qu’il
confirme dans une publication de 2001110.
Moscovici dit qu’une représentation sociale est un guide pour l’action. Mais on dit la
même chose d’une norme ! Je pense volontiers qu’il y a partout des représentations
sociales et, de même, partout du normatif social…
Si je dis volontiers (Flament, 1994/1997) qu’une représentation est composée de
schèmes qui sont à la fois « descriptifs » et « prescriptifs », c’est-à-dire, à la fois
constatifs et normatifs, ce n’est pas pour confondre ces deux notions, mais pour
indiquer que les deux aspects sont toujours co-présents, et se manifestent de façon
variable selon les circonstances. (Flament, 2001, p. 257)
Dans cet article où Flament définit la RS comme un système normatif
(1999b), nous trouvons l’origine de ce qui sera appelé : « la substitution ».
Flament fait l’hypothèse que les questionnaires utilisés pour décrire une
représentation sociale sont « le reflet de discours normatifs attribués à
diverses instances de référence » (1999b, p. 29). Les individus sont
influencés par différents modèles de référence, c’est-à-dire que lorsqu’ils
répondent à un questionnaire, ils ont à l’esprit des groupes significatifs
(groupes de référence ou modèles de référence). Flament met ainsi en
évidence l’importance du contexte psychosocial.
Selon Flament, la méthode la plus opérationnelle pour tester qu’une opinion
« standard » reflète l’influence normative d’une instance de référence est de
demander au sujet de compléter le questionnaire comme on le ferait en étant
bien vu ou mal vu par l’instance de référence.
Pour le démontrer, Flament a étudié la représentation des études supérieures chez les
étudiants à partir d’un questionnaire élaboré par Moliner (1995 111). Il a proposé aux sujets
de répondre à ce questionnaire en leur nom propre (consigne standard ou normale) puis
dans une autre condition, teste plusieurs modèles normatifs en demandant aux sujets de
répondre au même questionnaire comme le ferait quelqu’un d’autre de bien précisé (« Il
s’agit du même questionnaire, mais maintenant vous devez vous efforcer de le remplir comme
le ferait un étudiant bien vu par les enseignants » Flament, 1999b, p. 38).
Une partie des répondants complétait le questionnaire avec la consigne
standard puis avec les consignes « bien vu » (BV) et « mal vu » (MV) par les
enseignants. Il était proposé à d’autres répondants, toujours après la consigne
standard, de compléter avec le modèle des parents (BV et MV) ou celui des
autres étudiants (BV et MV). Pour amoindrir l’effet d’ordre, une partie des
répondants suivait l’ordre BV/MV et l’autre MV/BV.
La comparaison des profils montre l’influence des modèles « bien vu » par
les enseignants et « bien vu » par les parents sur les réponses des sujets au
questionnaire standard. En répondant à ce dernier, les étudiants se réfèrent
ainsi à ce qui est bien vu par les enseignants ou par les parents, en revanche
le modèle des pairs (bien vu/mal vu par les étudiants) n’apparaît pas
pertinent. La représentation des sujets est ainsi fortement influencée par ces
modèles de référence normatifs.
Guimelli et Deschamps (2000112) reprendront la méthode pour parler pour
la première fois de « substitution ». Ils étudient les représentations sociales
des Gitans à partir des réponses associatives qui sont évaluées positivement
ou négativement par les sujets.
En condition de substitution on amène les sujets à répondre « comme le feraient les Français
en général ». On peut considérer que le sujet répondant fait partie des Français en général
mais les associations produites sont différentes de la condition standard. Guimelli et
Deschamps (2000) parlent de « zones muettes » lorsqu’ils constatent que les réponses en
condition standard (condition normale) sont évaluées comme globalement positives alors que
les réponses produites en condition de substitution sont beaucoup plus négatives. Ainsi, la
consigne de substitution favoriserait l’émergence de mots à connotation négative. Les
auteurs émettent l’hypothèse d’un effet de désirabilité sociale qui amènerait les sujets à ne
pas évoquer, en condition standard, les aspects négatifs dans leur représentation sociale des
Gitans (c’est le cas, par exemple, du mot « vols »).
À préciser que le terme « zone muette » avait été utilisé par Flament en
1996b113 pour se référer à la difficulté d’accéder à certains contenus
verbaux.
Dans une étude sur la représentation sociale de l’insécurité, Deschamps et
Guimelli (2004114) ont montré en condition de substitution que la
représentation devenait stigmatisante, axée sur les causes et les groupes
sociaux (chômage, banlieue, étrangers, jeunes…) : « Ces réponses
constitueraient alors, selon nous, la zone muette des représentations sociales
qui serait composée de cognitions ou de croyances, disponibles pour le sujet,
mais difficiles à exprimer dans certaines situations sociales » (p. 129).
Que l’on parle des Gitans ou de l’insécurité, la particularité de ces objets
de représentation sociale est qu’ils peuvent être qualifiés de « sensibles »,
c’est-à-dire qu’ils ne laissent pas indifférents les répondants, qu’ils les
« affectent » car des valeurs et des normes sont en jeu. « Cette zone muette
est constituée par les éléments de la représentation qui ont un caractère
contre-normatif » (Abric, 2003115, p. 61). Les techniques de substitution
permettraient ainsi de lever cette pression normative en « désimpliquant » le
répondant (Abric, 2003 ; Guimelli et Deschamps, 2000). L’idée de « zones
muettes » des représentations sociales a été supplantée par celle de « zone
masquée », en référence à la méthodologie de l’effet Guttman développée
par Flament.
Finalement la grande diversité d’usages de la substitution associée à
différentes méthodes d’analyse (Flament, 1999b ; Deschamps et Guimelli,
2004 ; Gaymard, 2009116) conduit à un questionnement sur le processus
impliqué.
Flament et Milland (2010117) ont éprouvé expérimentalement l’hypothèse de
Chokier et Moliner (2006118) et celle de Guimelli et Deschamps (2000).
Leurs résultats tendent à montrer que la consigne de substitution n’induit pas
un processus de comparaison sociale (Chokier et Moliner, 2006) mais plutôt
un processus de diminution des pressions normatives (Guimelli et
Deschamps, 2000). Enfin dans le cas d’une étude des effets de masquage
(effet Guttman), les auteurs font référence à la prise en compte de deux
paramètres : la distance à l’objet et la distance au groupe de référence.
Dans la première étude sur les modèles de référence, Flament (1999b) est
partie de la « méthodologie en plan Q » et a proposé des analyses de
régression multiple. C’est cette démarche qui a été reprise dans les deux
études suivantes, l’une dans le domaine du biculturalisme et l’autre dans le
domaine routier.
Gaymard (2003b119) a voulu tester auprès d’un groupe d’étudiantes
d’origine maghrébine l’influence du modèle parental sur leurs réponses en
utilisant des consignes de substitution. Les consignes bien vu/mal vu par les
parents permettaient de tester l’influence du modèle parental sur les réponses
des sujets lors de la passation standard. Gaymard a utilisé le même type de
consigne que celle utilisée par Flament (1999b ; « Répondez comme le ferait
une étudiante maghrébine bien vue/mal vue… »).
Par ailleurs l’objectif était d’étudier la représentation du modèle occidental
auprès des jeunes filles d’origine maghrébine. L’auteur a posé l’hypothèse
que les résultats obtenus au test des choix alternatifs en condition standard
reflétaient le discours normatif attribué aux parents. Les réponses des
étudiantes en situation de négociation réussie correspondraient plutôt au
modèle « bien vu » alors que les réponses des filles en rupture
correspondraient plutôt au modèle « mal vu » ou « occidental ». En étudiant
les problématiques identitaires, Gaymard (1999) faisait déjà référence à
cette notion de « bien vue » chez les étudiantes.
Il est important, pour elles, d’être « bien vues » par leurs familles et la communauté
maghrébine mais aussi d’être bien considérées dans la culture française (désir
d’intégration). (Gaymard, 1999, p. 161)
Il faut préciser que l’outil des choix alternatifs est un outil standardisé issu
des travaux de Malewska-Peyre et de Zaleska, qui ont montré la validité de
ce test pour différencier les Français des Maghrébins (Gaymard, 2003a ;
Malewska-Peyre, 1982120 ; Malewska-Peyre et Zaleska, 1980121). Certaines
propositions de l’outil d’origine ont été modifiées. Le principe est simple
puisqu’il comprend des propositions stéréotypées de type normatif parmi
lesquelles il faut choisir entre une réponse caractéristique de la société
traditionnelle (choix A) ou une réponse caractéristique de la société
occidentale (choix B). Cet outil intègre déjà ce qui sera considéré comme de
la substitution puisque les sujets doivent répondre pour leur père et leur mère
(tableau 7.3).
Tableau 7.3 – Exemple proposition 1 du test des choix alternatifs
(extrait de Gaymard, 1999, p. 119)
Sujet Père Mère
1 A – La femme est faite pour rester à la maison, l’homme doit travailler pour
gagner la vie de sa famille.
1 B – L’homme et la femme doivent partager les mêmes tâches à la maison et
avoir les mêmes droits au travail et aux distractions.

La méthodologie en plan Q dispose les thèmes en tête des lignes et les


sujets en tête des colonnes (Reuchlin, 1976122, 1991123) ; cette approche est
descriptive. De plus figurent en tête des colonnes les profils moyens (Lebart,
Morineau et Piron, 1997124 ; Rouanet et Le Roux, 1993125) et non individuels.
Il s’agit d’une transposition par rapport au type de tableau habituellement
utilisé (Reuchlin, 1976). Une analyse de régression multiple a été faite à
partir des profils moyens en prenant comme variables prédites les réponses
au questionnaire standard (étudiantes, filles en rupture) et comme variables
prédictrices les réponses aux questionnaires de substitution (modèle bien vu,
mal vu, occidental).
En utilisant les 3 cibles ensemble (soi, père et mère), on constate que le
profil « bien vu » a un poids double chez les étudiantes par rapport à mal vu
alors que c’est l’inverse chez les filles en rupture ; le poids du modèle
occidental est quasiment nul (tableau 7.4).
Tableau 7.4 – Résumé de régression des 3 cibles ensemble :
soi, père et mère (extrait de Gaymard, 2003b, p. 53)
Étudiantes Filles en rupture
Bien vue 0,75 0,37
Coeff. bêta Mal vue 0,35 0,65
Modèle occidental 0,01 0,05
% Variance expliquée 88 % 77 %

Quand on isole les réponses « soi » de celles attribuées aux parents, on


s’aperçoit que le modèle « bien vu » conserve un poids très important,
surtout chez les étudiantes (tableau 7.5).
Tableau 7.5 – Résumé régression étudiantes et parents
(extrait de Gaymard, 2003b, p. 53)
Soi Père et mère
Bien vue 0,94 0,73
Coeff. bêta Mal vue 0,17 0,26
Modèle occidental 0,12 – 0,04
% Variance expliquée 68 % 96 %

Les profils moyens apparaissent influencés par les modèles normatifs : les
profils standards et « bien vue » corrèlent positivement, et chacun
négativement avec « mal vue » (tableau 7.6).
Tableau 7.6 – Corrélations (Pearson) entre les différents profils moyens
des réponses « soi » (extrait de Gaymard, 2003b, p. 54)
Standard Substitution
Étud Rupture Bvue Mvue Occid
Étudiante 1,00 0,93126 0,81 – 0,76 0,37
Rupture 0,93 1,00 0,70 – 0,65 0,57
Bvue 0,81 0,70 1,00 – 0,96 0,32
Mvue – 0,76 – 0,64 – 0,96 1,00 – 0,26
Occid. 0,37 0,57 0,32 – 0,26 1,00

Gaymard a également proposé d’évaluer la normativité des thèmes du


questionnaire des choix alternatifs, certains comme le mariage ou la virginité
apparaissant beaucoup plus « normatifs » que d’autres comme le partage des
tâches à la maison. Un indice de normativité a été proposé, fondé sur la
différence entre les fréquences « mal vue » et « bien vue » (figure 7.2).
On s’aperçoit que les thèmes les plus normatifs sont ceux pour lesquels
l’écart entre bien vue et mal vue est le plus important. Les thèmes pour
lesquels l’écart est le plus réduit sont, d’après cet indice, les moins
normatifs. Les filles distinguant peu entre « bien vue » et « mal vue », on peut
considérer qu’il n’y a pas d’enjeu dans la prise de position face à ces
thématiques, c’est-à-dire que les réponses occidentales ne remettent pas en
question l’ancrage au groupe d’origine. Ce sont d’ailleurs à ces thèmes
(égalité de l’homme et de la femme à la maison, égalité d’accès aux études
pour les filles et les garçons) que les étudiantes ont attribué le plus de choix
occidentaux aux parents.
Figure 7.2 – Fréquence de choix occidentaux. Réponses des étudiantes
en condition standard et de substitution127 (extrait de Gaymard, 2003b, p. 55)

Cette étude montre ainsi que les réponses en condition standard des
étudiantes d’origine maghrébine sont influencées par le modèle parental
« bien vu » confirmant leur situation de négociation et d’entente avec la
famille. Dans l’étude suivante, il s’est agi d’étudier le modèle de
référence des amis (pairs) auprès d’un groupe de jeunes automobilistes.
Dans cette seconde étude, Gaymard (2009128) a donc étudié l’influence du
modèle des « pairs » sur les réponses des jeunes conducteurs avec
l’utilisation d’une consigne proche du paradigme de l’autoprésentation
(« Répondez à ce questionnaire pour être bien vu vs mal vu par vos amis »).
Il s’agissait d’un choix « intuitif » par rapport à la thématique et au groupe
étudié. Le questionnaire des choix alternatifs utilisé dans la première étude
abordait des thématiques sensibles comme le mariage et la virginité et
concernait des jeunes filles d’origine maghrébine dont nous avons largement
étudié la problématique conflictuelle des valeurs. Il paraissait ainsi délicat
de leur demander de répondre « pour se faire bien voir ou mal voir ».
La problématique des jeunes conducteurs ne s’inscrit pas au même niveau
car ils revendiquent explicitement leur appartenance au groupe des jeunes et
parce que des travaux déjà anciens ont montré que les transgressions
routières étaient plutôt banalisées et que les conducteurs n’éprouvaient pas
de difficulté à rapporter les infractions commises.
Partant du scénario « limite de vitesse » (Gaymard, 2007129), les réponses
« standard » ont été comparées aux réponses obtenues en condition de
substitution : « Répondez à ce questionnaire pour être bien vu versus mal vu
par vos amis ». Les résultats montrent que le modèle « bien vu par les amis »
a un poids important. Il constitue un bon prédicteur des réponses obtenues en
condition standard (tableau 7.7) ; les profils moyens « standard » et « bien
vu » corrèlent positivement (tableau 7.8).
Tableau 7.7 – Coefficients de régression (extrait et traduit de Gaymard, 2009, p. 174)
Modèle B E β t p
Régression 1 (const) – .335 .556 – .602 .554
BV 1.221 .184 .941 6.635 .000
MV .237 .326 .103 .726 .477
Régression 2 (const) .061 .106 .875 .578 .570
BV 1.136 .140 8.098 .000
* Variable dépendante : standard.
Tableau 7.8 – Corrélations de Pearson avec les profils moyens
(extrait et traduit de Gaymard, 2009, p. 174)
Standard Bien vu Mal vu
Standard 1 .875 (*) – .496 (*)
Bien vu .875 (*) 1 – .636 (*)
Mal vu – .496 (*) – .636 (*) 1
Note : *p < .001 (unilatéral). N = 22.
Ainsi les jeunes trouvent légitime de ne pas respecter la limite de vitesse et
cette légitimité est bien vue par leur groupe de pairs. Ceci confirme que la
problématique de la conduite (automobile, 2-roues, etc.) chez les jeunes doit
tenir compte de l’importance du groupe de pairs dans la représentation car
celui-ci constitue un modèle de référence (e.g. Gaymard et Bessin, 2017130)
contrairement au domaine des études supérieures (Flament, 1999b).
L’étude des modèles de référence permet de clarifier le statut des
« prescriptions ». Elles ne se laissent pas appréhender de manière
« exclusive », parce que la représentation intègre la perspective
individualiste et la perspective collectiviste.
La question de l’influence dans les représentations sociales est présente dans les
travaux sur les modèles normatifs dans lesquels des instructions spécifiques sont
utilisées (Flament, 1999). Ils révèlent l’aptitude des individus à se mettre à la place
des autres en produisant d’autres représentations que les leurs (Campbell, Muncer,
Guy et Banim, 1996 ; Gaymard, 2003b), mais aussi l’influence des groupes de
référence sur les réponses individuelles (Flament, 1999 ; Gaymard, 2009). Ainsi,
« Nous ne nous limitons pas à nous représenter le monde dans notre propre esprit
mais nous sommes influencés aussi par la manière dont nous pensons que les
autres groupes importants pour nous se le représentent » (Gaymard, 2011, p. 135).
(Gaymard, 2014131, p. 232-233, notre traduction)
La représentation sociale comme système normatif (Flament, 1999b) va au-
delà de la dichotomie noyau central/périphérie parce que les variations sont
intégrées dans le système qui les explique. Ainsi, le postulat développé par
Flament (1999b) selon lequel dans la représentation sociale tout est
normatif pourrait renvoyer à un autre postulat : dans la représentation
sociale tout est pratique. C’est d’ailleurs le sens de ses propos lorsqu’il
dit : « une représentation ne peut se concevoir sans référence aux pratiques
qui lui sont liées » (Flament, 2001, p. 44) ; et un peu plus loin, après avoir
défini la pratique comme « l’application des règles et des principes » (en
faisant référence au dictionnaire) en reconnaissant que cette définition
pourrait presque convenir pour la notion de norme sociale.
Une représentation par facettes132 : l’effet Guttman
L’effet Guttman est connu depuis longtemps en analyse factorielle des
correspondances et a été identifié plus tardivement dans l’analyse factorielle
en composante principale (ACP ; Flament, 1995133 ; Flament et Milland,
2003134, 2005135). Pour rechercher un éventuel effet Guttman, on part d’une
table qui présente les moyennes de chaque groupe pour chaque item. Il s’agit
de la méthodologie en plan Q dont nous avons parlé ci-dessus. À partir de
cette table on exécute une analyse en composantes principales et, dans le cas
où existe un effet Guttman, on observe un ordre sur les conditions ; certains
items iront en augmentant selon cet ordre et d’autres en diminuant. Nous
sommes alors en présence d’une structure unidimensionnelle.
L’analyse multidimensionnelle d’une telle structure donne ce que l’on appelle l’effet
Guttman, ou Horseshoe phenomenon ; Arabie et Hubert (1992, p. 172) mentionnent
que les analyses (MDS) paramétriques sont intrinsèquement incapables de sortir
cette structure unidimensionnelle. (Flament, 1995, p. 73)
Dans son article de 1995, Flament voulait voir ce que donnait l’application
du modèle psychophysique de Parducci à une représentation sociale.
D’où l’analogie entre cette réalité sociale linéaire (apparemment) simple, et la réalité
physique telle que l’appréhende la psychophysique ; une expérimentation va un peu
plus loin que l’analogie, puisque le modèle psychophysique de Parducci s’ajuste très
convenablement à nos données expérimentales. (Flament, 1995, p. 75)
D’autres travaux montrent que l’effet Guttman permet de comparer
différents « profils moyens » en fonction des consignes normales et de
substitution. Flament, Guimelli et Abric (2006136) ont montré que cet effet
rendait compte du masquage/démasquage de zones normativement sensibles
dans la représentation. Dans une étude sur la représentation de l’islam, les
auteurs ont croisé la variable enquêtrice (Maghrébin versus non-Maghrébin)
et la variable consigne (normale versus substitution) et montré le
démasquage des aspects négatifs en condition de substitution. Milland et
Flament (2010137) se sont intéressés à la représentation sociale du chômeur et
à son organisation en facettes. Ils ont extrait la facette du chômeur-victime
lorsque les participants répondaient en leur nom propre (consigne standard)
et celle du chômeur-profiteur lorsque les participants répondaient comme le
feraient les Français en général (consigne de substitution).
Ces différents travaux conduisent à une approche de la représentation
sociale qui n’est pas monolithique mais multifacettes. Les profils moyens
peuvent être matérialisés directement par des groupes de répondants, c’est-à-
dire sans utiliser la substitution, comme nous le montrerons ci-dessous dans
la représentation de la personne âgée.
Dans l’étude sur la représentation sociale de la personne âgée évoquée
dans le chapitre 4 de cet ouvrage (Gaymard, 2006138), un effet Guttman a été
mis en évidence. La personne âgée constitue un « objet sensible », comme en
témoignent certaines réticences de la part des professionnels à répondre au
questionnaire.
De plus il y a d’importantes recherches américaines concernant les
stéréotypes à l’égard des personnes âgées (concept d’âgisme) qui induisent
cette problématique. Effectivement cette recherche était consécutive au
constat qu’il existait un certain nombre de préjugés et de stéréotypes à
l’égard des personnes âgées dans les promotions d’élèves infirmiers et
aides-soignants. Afin de répondre à ces questions, deux approches
théoriques ont été combinées : celle des représentations sociales, dont il a
été question au chapitre 4, et celle des stéréotypes.
Pour l’étude des stéréotypes, le différenciateur sémantique utilisé par Paicheler, Beaufils et
Ravaud (1987 139) a été adapté. Les sujets devaient penser à la personne âgée en général et
mettre une croix entre 16 antonymes (tableau 7.9).
Tableau 7.9 – Exemple d’items du différenciateur sémantique
(extrait et traduit de Gaymard, 2006, p. 91)
1 2 3 4 5 6 7 8 9
Réservée Ouverte
Lente d’esprit Vive d’esprit
Émotionnelle Calme
Docile Autoritaire
Sérieuse Insouciante
Inconstante Persévérante
Timide Audacieuse
Insensible Sensible
Confiante Méfiante
Même si l’utilisation du différenciateur sémantique a provoqué des réticences, il a été
constaté que les caractéristiques attribuées étaient plutôt consensuelles. C’est l’effet Guttman
qui a mis en évidence certains aspects n’apparaissant pas avec les méthodes traditionnelles
parce que justement nous étions en présence d’un objet « sensible » générateur d’une
certaine ambiguïté.
Nous voyons sur la figure 7.3 l’enchaînement des profils de bas en haut : aides-soignantes,
infirmières, étudiants université catholique, étudiants université laïque, qui révèle une
structure unidimensionnelle. L’ordre sur les conditions de passation atteste de l’effet
Guttman : certains items vont en augmentant selon cet ordre et d’autres en diminuant
(figure 7.3).
Figure 7.3 – Effet Guttman : alignement des 4 profils en arc de cercle
(extrait et traduit de Gaymard, 2006, p. 82)

Figure 7.4 – Trajectoires diagonales des items A et B à travers l’enchaînement des 4 profils
(extrait de Gaymard, 2006, p. 83)
L’effet Guttman fait ressortir les effets de masquage/démasquage et les
différences de représentation pour chaque groupe. Ces effets s’observent sur
certains items qui vont être plutôt positifs pour les étudiants de l’université
laïque en particulier, et négatifs pour le personnel soignant. Ces résultats ont
montré que sur certains items, les étudiants avaient une représentation plus
« charitable » et moins discriminante que le personnel paramédical. Par
ailleurs quelques différences ont été observées entre les aides-soignantes et
les infirmières.
Les aides-soignantes perçoivent la personne âgée comme étant moins conforme
mais comme étant plus imaginative. On pense que cette représentation moins
« normative » de la personne âgée est liée à leurs pratiques. (Gaymard, 2006, p. 85,
notre traduction)
L’effet Guttman révèle ainsi des aspects « masqués » même sans consigne
de substitution, mais avec un objet d’étude « sensible » et plusieurs modèles
(infirmières, aides-soignantes, étudiants université laïque, étudiants
université catholique). D’un point de vue méthodologique, cet effet apparaît
très intéressant dans l’étude des normes et des représentations, et ce d’autant
plus qu’il permet de présenter une analyse globale des différents profils.
Dans le domaine de l’éducation, Gaymard et Andrés (2009140) ont conduit
une étude fondée sur l’articulation entre le domaine des représentations
sociales et celui des modèles normatifs et le domaine des compétences
sociales.
Les auteurs ont fait passer un questionnaire d’habiletés sociales (Andrés,
Gaymard et Martín, 2005141) à des lycéens espagnols. Ils devaient répondre
en condition standard puis avec des consignes « pro et contre normatives ».
Les modèles de référence étaient ceux des parents et du professeur-tuteur.
L’instrument de cette recherche est issu d’une adaptation réalisée par
Menesini (2001142) à partir des travaux originaux de Caprara et de Gerbino
(2001143) et de Pastorelli, Vecchio et Boda (2001144). Ce questionnaire
d’évaluation des habiletés sociales est composé de 29 items (alpha = 0,82)
comprenant une échelle de réponse de type Likert en 5 points (jamais,
rarement, quelquefois, souvent, toujours ; tableau 7.10).
Il aborde les thématiques suivantes : solution de problèmes (e.g. item 1 du
tableau), empathie (e.g. « Je peux comprendre comment se sentent les autres
bien qu’ils ne le démontrent pas clairement »), habiletés de communication
(e.g. item 3 du tableau), efficacité émotive et gestion du stress (e.g. « Je suis
content quand je réussis ce que je fais »), pro-socialité (e.g. item 5 du
tableau) et relations avec les camarades (e.g. « J’essaie d’être accepté par la
majorité de mes camarades et qu’ils aient une bonne opinion de moi »).
Tableau 7.10 – Exemples d’items du questionnaire d’habiletés sociales
(extrait de Gaymard, 2011145, p. 147)
ITEMS Jamais Rarement Quelquefois Souvent Toujours
1. Quand surgit un problème, il me
vient différents types de solutions
positives
3. J’attends mon tour pour parler dans
les discussions en classe
5. Je comprends qui a besoin d’aide,
bien qu’il ne le demande pas
ouvertement

Ces travaux sont définis comme s’inscrivant dans une psychologie sociale
de l’éducation (Gaymard et Andrés, 2009). L’approche théorique est double :
tout d’abord celle des représentations sociales et des modèles normatifs
(Flament, 1999b ; Flament, Guimelli et Abric, 2006 ; Gaymard, 2003b ;
Gaymard, 2006) ; ensuite les travaux dans le champ des compétences
sociales et des comportements pro-sociaux.
Parmi les nombreuses définitions de la compétence sociale, l’efficacité
dans l’interaction fait partie des aspects centraux (Rubin et Rose-Krasnor,
1992146 ; White, 1959147). Rubin, Bukowski et Parker (1998148) définissent la
compétence sociale au travers d’habiletés sociocognitives comme la
compréhension des pensées, émotions et intentions d’autrui ou encore
l’expression des émotions positives et l’inhibition des émotions négatives.
Ils situent leur origine dans le développement et la résolution de tâches
cognitives qui incluent un ensemble de conduites générant les habiletés
sociales. Le développement et l’emploi de conduites pro-sociales
représentent l’un des principaux aspects de la compétence sociale. Ces
compétences sont essentielles à l’établissement de relations sociales saines
et positives. Plusieurs études ont montré que les enfants ayant des difficultés
à vivre en société présentaient plus de comportements inadaptés
(e.g. agression, dépression, etc.) et qu’ils étaient davantage rejetés par leurs
pairs (Crick, 1996149 ; Rys et Bear, 1997150). L’intervention pour
l’amélioration de la vie en commun dans les écoles nécessite une approche
systémique compte tenu de l’implication des différents collectifs : parents,
élèves, professeur (Andrés, Gaymard et Martín Ortega, 2005151, 2008152).
Les études dans ce domaine fondées sur le concept de représentations
sociales étant rares, Gaymard et Andrés (2009) ont proposé d’étudier la vie
en commun au travers de la représentation des élèves. Quelles
représentations, quelles croyances ont-ils des attentes des adultes
(professeur-tuteur et parents) quant au comportement à adopter à l’école ?
De plus des questions se sont posées sur la désirabilité sociale car la
méthode de substitution n’avait pas été utilisée auprès de publics mineurs.
L’étude a été menée dans un lycée sensible à Madrid avec trois groupes de
lycéens qui devaient compléter le questionnaire d’habiletés sociales trois
fois (consigne standard, pro et contre normative). Avec les consignes « pro »
et « contre normatives », les élèves remplissaient le questionnaire « comme
le ferait un élève bien vu/mal vu » par ses parents ou par le tuteur. Cette
dernière consigne a été testée de façon anonyme (2e groupe) et non anonyme
(3e groupe ; les lycéens ont mis leurs noms sur le questionnaire) afin de voir
s’il y avait un effet de désirabilité sociale sur les réponses (tableau 7.11).
Tableau 7.11 – Récapitulatif des conditions standard et de substitution pour
la passation du questionnaire d’habiletés sociales (extrait de Gaymard, 2011, p. 149)
1 er groupe N = 42 2 e groupe N = 44 3 e groupe N = 74
« Modèle parents » « Modèle tuteur » « Modèle tuteur » non anonyme
Condition standard Condition standard
Condition standard ParSt
TutSt N-TutSt
Condition « bien Condition « bien vu
Condition « bien vu par le tuteur » N-TutBv
vu par les parents » ParBv par le tuteur » TutBv
Condition « mal vu Condition « mal vu
Condition « mal vu par le tuteur » N-TutMv
par les parents » ParMv par le tuteur » TutMv

L’effet Guttman permet de présenter une analyse globale des résultats avec
la comparaison des 9 profils moyens. Pour rappel, dans le cas d’un effet
Guttman, l’analyse factorielle en composantes principales révèle un ordre
sur les conditions (standard, bien vu, mal vu, etc.) avec certains items qui
vont en augmentant et d’autres en diminuant selon cet ordre ; il s’agit de la
composante diagonale. On peut également observer certains items restant
stables au travers des différents profils, il s’agit de la composante de taille
(Flament et Milland, 2003). Dans le cas où la moyenne de colonne diffère
trop d’une colonne à l’autre, il est conseillé de remplacer dans chaque
colonne, les valeurs par leurs rangs. Le rang 1 correspond aux moyennes les
plus basses, c’est-à-dire aux réponses les moins habiles socialement
(réponses « plutôt jamais »).
Les résultats observés illustrent la complexité des modèles dans ce domaine. Ceci aussi bien
concernant la forme selon laquelle pensent les élèves que celle selon laquelle ils croient que
les modèles de référence (parents et tuteur) pensent. On observe un intéressant effet Guttman
sur l’enchaînement des profils : « bien vu par les parents » (ParBv), « bien vu par le tuteur
en condition non anonyme » (N-TutBv), « bien vu par le tuteur » (TutBv), « condition
standard parents » (ParSt), « condition standard tuteur non anonyme » (N-TutSt), « condition
standard tuteur » (TutSt), « mal vu par les parents » (ParMv), « mal vu par le tuteur »
(TutMv) et « mal vu par le tuteur en condition non anonyme » (N-TutMv, figure 7.5).

Figure 7.5 – Effet Guttman : alignement des 9 profils en arc de cercle


(extrait de Gaymard et Andrés, 2009, p. 55)
Globalement les réponses les plus « habiles » sont obtenues avec la consigne « bien vu par
les parents » puis « bien vu par le tuteur ». En revanche nous n’observons que peu de
différence entre les consignes anonyme et non-anonyme en condition « tuteur ». Les élèves
répondent dans un climat de confiance et savent que leurs réponses n’auront pas de
conséquences négatives. Plus qu’une figure coercitive, le professeur-tuteur est considéré par
les jeunes comme une figure qui les guide et les oriente dans leur développement scolaire et
professionnel.
Les diagonales de la composante sont représentées par deux groupes d’items qui vont soit en
diminuant sur l’enchaînement des profils (items A), soit en augmentant (items B ; figure 7.6).
En particulier, pour être bien vus par les parents et par le professeur-tuteur, les élèves
répondent « toujours » (derniers rangs) à des items qui renvoient à des attitudes et
comportements de soumission à l’autorité : j’attends mon tour pour parler (item 3) ; je tiens
compagnie aux plus faibles (item 15), j’écoute et j’essaie de comprendre les autres (item 23).
Ces items vont en diminuant car pour être mal vus, ils répondent : « jamais » (premiers
rangs). À l’opposé, les élèves pensent que pour être bien vus par les parents et par le tuteur il
est préférable de répondre « jamais » (premiers rangs) à des items en relation avec
l’affirmation de soi : exprimer clairement ses opinions (item 13) et être capable de faire face
aux autres (item 22). Ces items vont en augmentant car pour être mal vus, ils répondent :
« toujours ».

Figure 7.6 – Trajectoires diagonales des items A et B à travers


l’enchaînement des 9 profils (extrait de Gaymard et Andrés, 2009, p. 55)
L’effet Guttman montre ainsi une représentation de la compétence sociale véhiculée par des
attentes de conduites que promeut la société traditionnelle, dans la relation avec les figures
d’autorité (personnelle et institutionnelle). Mais avec les pairs, cette représentation reste
éloignée d’un développement individuel et social positif. Dans le champ de la compétence
sociale, les experts considèrent que l’affrontement positif des conflits dans la vie quotidienne
contribue au bon développement personnel et social.
Ces résultats montrent que les élèves, au contraire, considèrent ces conduites comme étant
peu valorisées par les modèles de référence. Par ailleurs nous avons isolé deux items faisant
partie de la composante de taille car ils restaient stables tout au long des profils. Par exemple
l’item 10, en lien avec la pro-socialité : « Je trouve du temps pour aider un camarade à faire
ses devoirs » est toujours dans les premiers rangs (plutôt jamais). L’interprétation proposée
renvoie au caractère ambivalent de ces items. Si les réponses observées sont peu habiles
socialement, les élèves peuvent percevoir dans le discours des adultes une certaine
valorisation de la prise en charge par soi-même (« On doit être capable de faire les choses
par soi-même »). Nous voyons dans cet exemple toute la complexité des représentations entre
les attentes des adultes et les messages qui sont véhiculés. À ce stade, on peut s’interroger
sur ce que l’on devrait faire pour modifier ces représentations et les pratiques associées, et
quel rôle doivent jouer les figures de référence.
Une dernière illustration de l’effet Guttman porte sur une recherche non
publiée (Gaymard, 2011). D’autres travaux ayant montré les problématiques
d’interaction conducteurs/piétons (e.g. Gaymard, Andrés et Nzobounsana,
2011153 ; Gaymard, Agbotsoka et Nzobounsana, 2009154 ; Gaymard, Boucher,
Nzobounsana, Greffier et Fournela, 2013155 ; Gaymard, Tiplica, Koh et
Wong, 2016156), l’auteur a utilisé des consignes d’associations libres autour
de l’objet « piéton » et « automobiliste » en condition normale et de
substitution.
Nous voyons dans le graphique ci-dessous (figure 7.7) un effet de
masquage/démasquage en condition normale et de substitution « répondez
comme le feraient les Français en général » avec une population de
conducteurs jeunes (J) et expérimentés (Ex). L’effet Guttman fait ressortir
deux groupes d’items dont l’un est fréquemment cité en condition normale
avec la consigne piétons (P) et décroît en consigne de substitution ; l’autre a
le profil inverse puisqu’il augmente en condition de substitution (SUB). Nous
constatons en condition de substitution que ce sont les états émotionnels et
les critiques à l’égard des piétons qui ressortent.
Figure 7.7 – Trajectoires diagonales des catégories en condition normale
(piéton : P ; piéton et automobiliste : P + A) et en condition de substitution (piéton et
automobiliste ; extrait de Gaymard, 2011 157, p. 159)

Ainsi, l’effet Guttman qui rend compte d’une structure linéaire permet de
travailler à partir de profils collectifs (les différents groupes et/ou les
différentes consignes) pour mettre au jour « un fait social » (selon
l’expression de Flament, 1995).
Nous verrons qu’ici, comme dans d’autres cas déjà étudiés, nos analyses mettent en
avant une hiérarchie linéaire sur les items (à peu près identique à celle résultant de
leurs moyennes). Comme si la réalité sociale s’imposait aux sujets, un peu à la façon
dont la réalité physique s’impose dans une expérience de psychophysique… Et donc,
à défaut de pouvoir utiliser les méthodes de la psychologie différentielle… (Flament,
1995158, p. 68)

L’algèbre de Boole
Les travaux de Flament autour de l’hypothèse d’une théorie booléenne de la
représentation font partie de ses plus anciens travaux (avec l’analyse de
similitude).
Ainsi, ayant esquissé une formalisation des structures cognitives par les algèbres de
Boole (Flament, 1972), nous avons appliqué l’analyse booléenne des données
(Flament, 1976a, 1977) dans l’étude de certaines représentations sociales : ce qui en
résulte est une structure d’implication entre éléments constitutifs de la représentation,
généralement d’interprétation facile (Flament, 1967, 1976a, chapitre 11 ; Flament,
1981159, p. 376).
Il y a toujours plusieurs manières d’être « dans la norme », car la représentation
propose divers modèles de référence pertinents…
C’est ce que j’ai essayé de montrer pour la représentation des études supérieures
chez des étudiants tout-venant160…
Du point de vue méthodologique, cela se traite à l’aide de modèles dits
« compensatoires » (Coombs, 1964) : si une personne est « défaillante » sur un point
– ce qui pourrait passer pour une transgression d’un aspect du système normatif –
elle se « rattrape » sur un autre point qui est socialement considéré comme pouvant
compenser le manque. Ce mécanisme explique comment on peut être dans la
norme de diverses façons, comment on peut être conforme sans être trop
conformiste… (Flament, 2001, p. 259).
Partant du principe selon lequel un élément central a comme propriété
d’être plus caractéristique de l’objet qu’un élément périphérique, Flament a
proposé d’introduire le questionnaire de caractérisation dans les études de
représentation (Abric, 2003161).
Cependant les statistiques classiques sont souvent peu adaptées à ce type de
questionnaire (Flament, 1996b162 ; Gaymard, 2002163). L’analyse booléenne
du questionnaire (Flament, 1976164) se définit comme une analyse logique
révélant des structures compensatoires et s’appuyant sur « une règle des
majorités alternatives non exclusives » (Flament, 1996b, p. 120) ; c’est dans
cet article de 1996 que Flament fait référence à la notion de « système
normatif », avant qu’elle n’apparaisse dans le titre de sa publication de
1999b.
Si tel est le cas, on s’explique alors l’impuissance des techniques statistiques
classiques, notamment des techniques corrélationnelles, puisque, nous l’avons vu
(tableau 3), le jeu des majorités alternatives tend à ramener la plupart des
corrélations vers zéro…
Mais le problème est alors de trouver une interprétation psychologique de cette règle.
On peut penser que, majorité et norme allant souvent ensemble, il s’agirait de
pousser l’analyse du concept de représentation sociale dans le sens d’un système
normatif… (Flament, 1996b, p. 120).
Dans cet article, Flament (1996b) étudie la représentation sociale du sport auprès de
5 populations ayant des pratiques différentes (non-sportifs, hand-ball et rugby [sportifs de
haut niveau], tennismen amateurs, squash [catégorie proche de l’amateurisme]) à partir d’un
questionnaire de caractérisation constitué de 15 items (tableau 7.12). La consigne donnée
aux sujets était de choisir les 5 expressions les plus proches de leur conception personnelle
du sport (notées + et codées 3), puis les 5 expressions les plus éloignées (notées – et
codées 1), enfin les 5 restantes étaient notées 0 et codées 2.
Tableau 7.12 – Extrait de Flament (1996b, p. 111-112)
CONC C’est de la concentration
LOIS C’est un loisir
DEFO C’est un défoulement
AIR C’est être en plein air
BESO C’est un besoin
EFFO C’est faire des efforts musculaires importants
ADRE C’est de l’adresse
COMP C’est de la compétition
FORM Ça permet d’avoir la forme
MENT Ça passe par le mental
RENC Ça permet de rencontrer des gens
MAIT C’est apprendre à se maîtriser
PLAI C’est un plaisir
DEPA C’est arriver à se dépasser
JEU C’est un jeu
S’appuyant sur une analyse en composantes principales (ACP), Flament identifie les items les
plus caractéristiques du sport selon les sportifs de haut niveau (COMP, CONC, JEU, DEPA et
MENT) et selon les profanes (DEFO, FORM, LOIS, AIR, RENC) avant d’étudier la couverture
booléenne (CB) de la population.
Flament démontre que l’existence d’une CB va de pair avec des corrélations proches de zéro.
Le tableau 7.13 affiche les réponses des non-sportifs aux items LOIS et COMP. On constate
de fortes majorités sur LOIS (3) et COMP (1). Il n’y a que 4 sujets (encadré en gras) qui sont
extérieurs à l’une et à l’autre de ces majorités.
Tableau 7.13 – Extrait de Flament (1996b, p. 116)
Si on repositionne ces 4 sujets, on aboutit à la répartition théorique
(tableau 7.14).
Tableau 7.14 – Extrait de Flament (1996b, p. 116)

Flament a analysé les CB pour les sportifs de haut niveau et les profanes, et
l’analyse des populations extrêmes montre que l’item « COMP » intervient
dans les deux CB mais pour l’une comme l’expression la plus proche de la
conception du sport et pour l’autre comme l’expression la plus éloignée ;
ceci l’amène à présenter 4 classes de sujets : S, M, N, « autres », et à
constater que cette dernière classe est vide (tableau 7.15).

– Rugby : (COMP = 3) et/ou (MENT = 3) et/ou (DEPA = 3),


– Non-sportifs : (LOIS = 3) et/ou (DEFO = 3) et/ou (COMP = 1)…
• S : les Sportifs purs, qui vérifient la CB de Rugby et pas celle des non-sportifs.
• M : les Mixtes, qui vérifient les deux CB
• N : les non-sportifs purs, qui vérifient la CB des non-sportifs, et pas celle de Rugby.
• Autres : les sujets qui ne vérifient aucune des deux CB.
(Flament, 1996b, p. 116-117.)

Tableau 7.15 – Couverture booléenne (CB) des diverses populations,


comparaisons aux valeurs théoriques sous l’hypothèse d’équi-fréquence
de toutes les réponses possibles (extrait de Flament, 1996b, p. 117)
Théoriques Rugb Hand Squa Amat Nosp
CBS 21,0 75,0 65,0 25,4 15,5 0,0
CBM 49,9 25,0 31,7 45,8 46,6 37,0
CBN 23,6 0,0 3,3 28,8 37,9 63,0
Autres 5,5 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0

Khi – 2 92,05 72,77 3,81 8,27 25,30


P < .001 < .001 >.10 < .05 < .001

Dans ses travaux, Flament s’intéresse également aux notions


d’« archétype » et de « typicité » des sujets.
Comme la consigne du questionnaire était de donner cinq fois la réponse +, cinq fois
la réponse 0 et cinq fois la réponse –, on peut imaginer un sujet répondant 3 aux
items sportifs, et 1 aux items non sportifs.
Ce serait l’archétype du sportif ; par inversion, on a l’archétype du non-sportif (nous
donnons une définition opérationnelle d’archétype, et non pas notionnelle) ; il faudrait
faire un rapprochement avec la notion de prototype en théorie de la typicité – c’est
tentant, mais prématuré ! (Flament, 1996b, p. 118)
Dans son article de 1999b165 sur la représentation des études supérieures
chez les étudiants de psychologie, Flament vérifie également la centralité des
éléments par l’analyse booléenne du questionnaire. Comme nous l’avons vu
plus haut (partie « Méthodologie en plan Q et techniques de substitution »),
Flament repart du questionnaire de Moliner (1995166 ; tableau 7.16).
Tableau 7.16 – Extrait de Flament (1999b, p. 33)
DF = Les études sont difficiles
CU = Les études permettent d’acquérir une certaine culture
PL = Les études procurent un certain plaisir
PR = Les études sont un moyen d’accéder à une profession
EN = Les études procurent un enrichissement intellectuel
AM = Les études sont un moyen de se faire des amis
AV = Les études préparent l’avenir
RE = Les études permettent de développer ses capacités de réflexion
TR = Les études demandent du travail
DP = Les études permettent d’obtenir des diplômes
VA = Les études sont valorisantes
PS = Les études permettent d’accéder à une certaine position sociale
VT = Les études demandent de la volonté
QA = Les études permettent d’acquérir une qualification
CO = Les études permettent d’acquérir des connaissances

Dans sa méthodologie, il fait passer deux questionnaires, un premier de caractérisation dans


lequel les répondants devaient mettre le signe + devant les 5 items les plus caractéristiques
des études, puis le signe – devant les 5 items les moins caractéristiques des études.
Le second questionnaire était un questionnaire de « mise en cause » (MEC ; Moliner, 1995).
« “Peut-on dire que quelqu’un fait des Études si… ce qu’il fait ne demande pas de travail ?”
Les réponses étaient en OUI/NON.
Le principe de ce questionnaire (cf. Flament 1994b167) est qu’un trait peut être saillant, très
caractéristique, sans être nécessaire ; si ce trait est nécessaire, sa négation (“Ce qu’il fait ne
demande pas de travail”) appelle une réfutation, c’est-à-dire la réponse NON (“Non, on ne
peut pas dire que cette personne fait des Études”). On pense ainsi détecter les éléments du
noyau central de la représentation. Idéalement, ce seraient les items entraînant la réfutation
à 100 %. En pratique, avec cette forme-ci de la MEC, on se contente de réfutation à au
moins 75 %. » (Flament, 1999b, p. 34.)
Flament retrouve les résultats de Moliner avec deux aspects : les items les plus saillants sont
EN, CO, RE, CU (tableau 7.17) pour l’aspect « intellectuel » puis DP, PR, AV, QA pour
l’aspect « pratique ». En revanche d’autres items ressortent davantage, il s’agit de TR et VT
(également pour l’aspect « pratique »). Flament trouve dans ses analyses des CB à trois
réponses.

(CU et/ou EN et/ou CO) = 100 %


(TR et/ou VT et/ou DP) = 100 %
(TR et/ou VT et/ou QA) = 100 %
Ces 3 CB sont vraies en même temps, et on peut les réunir par l’opération et ; mais les 2
dernières CB ont des termes communs, qu’on peut mettre en facteur. Alors, il vient :
((CU et/ou EN et/ou CO) et (TR et/ou VT et/ou (DP et QA))) = 100%
On remarque qu’on retrouve les deux domaines identifiés dans le noyau central : tout sujet
donne au moins un élément INTELLECTUEL et au moins un élément PRATIQUE.
(Flament, 1999b, p. 36).

Travaillant sur la problématique du biculturalisme, Gaymard (1999,


2002168, 2003a169) a utilisé l’algèbre de Boole et les modèles
compensatoires pour montrer qu’il y avait différentes manières d’être dans la
norme.
Tout d’abord il y a cette considération qu’une culture ne constitue pas un
modèle unique mais intègre des « variations culturelles ». Le cas des jeunes
filles franco-maghrébines qui appartiennent à deux systèmes culturels va
permettre d’illustrer cette appartenance à plusieurs modèles. Il existe des
structures compensatoires qui, comme leur nom l’indique, permettent de
« compenser » les écarts à la majorité. L’utilisation de l’algèbre de Boole
permet de les opérationnaliser.
Si deux réponses X et Y sont plus ou moins importantes, certains sujets
vont choisir seulement X, d’autres seulement Y, quelques-uns X et Y mais
aucun ne rejettera les deux réponses à la fois. On écrira ainsi :
(X ET/OU Y) = 100 %
Cette formule reconnue par 100 % des sujets est une CB et indique que tous
les sujets choisissent au moins une réponse majoritaire.
Selon Codol (1972170), l’algèbre de Boole permet de définir toutes les
combinaisons possibles entre cognèmes dans une structure cognitive.
L’analyse des données sous forme de modèles compensatoires avec cette idée
qu’il faut atteindre un certain niveau est relativement proche du sens que l’on donne à
la négociation qui est la recherche d’un compromis, d’un équilibre entre deux parties.
(Gaymard, 1999171, p. 152)
La difficulté de cette approche réside dans l’obligation de rechercher les
structures logiques qui se repèrent par des regroupements de « 0 » à partir
des tableaux croisés d’items. L’analyse a été menée à partir d’un
questionnaire de caractérisation à 20 items (tableau 7.17). Parmi ces items,
les filles franco-maghrébines devaient choisir les 4 qui les caractérisaient le
mieux et leur affecter « + 2 » puis les 4 qui les caractérisaient le moins et
leur affecter « – 2 ». Parmi les autres items, les sujets choisissaient les 4 qui
les caractérisaient encore assez bien (+ 1) puis les 4 qui les caractérisaient
assez mal (– 1). Les 4 mots restants étaient notés « 0 ».
Tableau 7.17 – Liste des items du questionnaire de caractérisation
(Gaymard, 2003a, p. 76)
Révoltée Confiance en moi
Étudiante Résignée
Salariée Incomprise
Maghrébine de 2e génération Intelligente
Sympathique Battante
Jolie Seule
Immigrée Appréciée par les autres
Française Libre
Française de mentalité Fière de moi
Courageuse Travailleuse

L’exemple des items Française/Maghrébine chez les étudiantes


(tableaux 7.18 et 7.19), illustre le principe de l’analyse logique.
Tableau 7.18 – Algèbre de Boole, tableau croisé Française/Maghrébine
chez les étudiantes (extrait de Gaymard, 2002, p. 172)
Maghrébine
–2 –1 0 +1 +2 Total
Française
–2 2 2 0 2 4 10
–1 3 3 5 2 4 17
0 0 2 5 1 4 12
+1 0 0 0 0 2 2
+2 0 0 0 1 1 2
Total 5 7 10 6 15 43

Tableau 7.19 – Algèbre de Boole, tableau à 4 cases obtenu


à partir du regroupement des modalités positives et négatives
(extrait de Gaymard, 2002, p. 172)

Le regroupement de zéros (partie grisée) indique qu’aucune étudiante ne


s’est déclarée française et non maghrébine, ce que l’on peut résumer par la
formule suivante : « Française et non Maghrébine = 0 %. » Les étudiantes se
sont majoritairement déclarées « non françaises » (39/43), les quatre sujets
minoritaires qui se déclarent « françaises » et donc s’écartent de la majorité
compensent en déclarant qu’elles sont maghrébines.
En prenant le complémentaire booléen de l’expression précédente, on
obtient l’expression suivante :
Non-Française et/ou [Maghrébine] = 100 %.
Ces étudiantes ne sont pas des « Françaises intégrées 172 » puisqu’elles affirment leur
différence et le petit nombre de filles qui se déclarent françaises éprouvent le besoin
de s’affirmer maghrébines.
Pour ces filles intégrées qui font des études, se déclarer « françaises », c’est déroger
à leur norme puisqu’elles s’éloignent de la Maghrébine « idéale ». Mais elles ne disent
pas « je ne suis pas française », c’est ce qui les caractérise le moins. (Gaymard,
1999, p. 155)
Les sujets minoritaires sur un aspect se rattrapent en compensant sur un
autre aspect non marginalisé. À côté de la majorité, l’analyse booléenne met
en évidence des sous-groupes minoritaires qui présentent des modèles
compensatoires vérifiés à 100 %. L’ensemble forme un système normatif
avec plusieurs manières d’être dans la norme (Flament, 1999b). Ces
différentes façons d’être dans la norme expliquent qu’on puisse s’écarter
d’une position modale sans être contre-normatif.
Le comportement attendu ou idéal dans les limites d’une norme donnée est
représenté par une étendue de comportements, considérée comme : « une
étendue de comportement tolérable », « une latitude d’acceptation » ou « une
latitude de comportement acceptable » (Sherif, 1961173). Allport en 1934174,
en étudiant la distribution de la conformité du comportement humain :
« l’hypothèse de la courbe en J », a mis l’accent sur l’importance d’étudier
la distribution entière comprenant les degrés de conformité partielle et la
non-conformité.
Pour mettre en évidence les structures compensatoires des minorités,
Gaymard (2002) a regroupé les items en catégories (figure 7.8).
Figure 7.8 – Analyse booléenne étudiantes. Structure compensatoire
de la minorité qui s’est déclarée : « française » (extrait de Gaymard, 2002, p. 174)
La minorité des étudiantes qui se déclare « française » est confrontée à un conflit
normatif et éprouve un besoin important de compenser cet écart à la majorité par tout
ce qui se trouve entre accolades : « Je suis française mais {non immigrée et
maghrébine et étudiante et non résignée et courageuse et battante et sympathique et
appréciée par les autres et non seule.} » (Gaymard, 2002, p. 173.)
L’illustration des résultats avec le groupe des étudiantes d’origine
maghrébine est particulièrement intéressante car elles sont en situation de
négociation avec leurs parents, ce qui se traduit par deux fois plus de
structures compensatoires que les non-étudiantes ou filles en rupture (une
centaine chez les étudiantes et une cinquantaine chez les non-étudiantes ;
Gaymard, 2003a). Par ailleurs les structures compensatoires de ces
dernières mettent au jour des problématiques identitaires et d’image de soi.
Comme les étudiantes, les non-étudiantes se sont majoritairement déclarées
« non-Françaises » (figure 7.9) et « non-résignées » (figure 7.10).
Figure 7.9 – Analyse booléenne non-étudiantes, structure compensatoire
de la minorité qui s’est déclarée « française » (extrait de Gaymard, 2002, p. 177)
… nous voyons que les non-étudiantes cherchent moins à compenser quand elles se
déclarent « françaises ». Elles n’utilisent pas d’autres items de présentation de soi
(P.S.) comme les étudiantes pour qui se déclarer « française » impliquait
l’appartenance « non immigrée et maghrébine et étudiante ». Ceci pourrait être
interprété comme une difficulté, chez les non-étudiantes, à se situer entre deux
cultures.
De plus, à la différence des étudiantes, nous constatons dans leurs structures
compensatoires une dévalorisation de soi (A.D.). (Gaymard, 2002, p. 177)

Figure 7.10 – Analyse booléenne non-étudiantes.


Structure compensatoire de la minorité qui s’est déclarée : « résignée ».
(Extrait de Gaymard, 2002, p. 178)
Sur le plan identitaire, l’auteur constate que les filles en rupture ont plus de
difficulté à se définir. Les structures compensatoires font apparaître des
contradictions illustrant bien leur problématique.
Chez les non-étudiantes (analyses 4, 5 et 6), les écarts à la majorité impliquent
qu’elles se déclarent, comme les étudiantes, « non immigrées » et/ou « non
françaises » (les deux groupes sont ici consensuels), mais à la différence de ces
dernières, elles revendiquent une mentalité française. L’approche identitaire est ici
plus contradictoire (il faut trouver la nuance entre « non-Française » et « française de
mentalité ») et l’appartenance « française de mentalité » traduit la tendance à
l’assimilation. Les non-étudiantes, même si elles se déclarent majoritairement « non-
Françaises », veulent être « bien vues » dans la culture occidentale. (Gaymard, 1999,
p. 162)
Le système normatif des étudiantes apparaît plus structuré et plus équilibré
que celui des non-étudiantes. Elles utilisent des stratégies de compensation
liées à la valorisation de leur culture d’origine, à la valorisation de soi, mais
aussi au souci d’apparaître bien intégrées dans la culture occidentale. Les
non-étudiantes, plus déstructurées, apparaissent moins soucieuses de
compenser les écarts vis-à-vis de la majorité. À la différence des étudiantes,
elles ne défendent pas l’appartenance aux valeurs de leur culture d’origine.
Elles revendiquent l’appartenance « mentalité française » et ont une estime
de soi négative. En référence aux travaux de Malewska-Peyre et al.
(1982175), leurs réponses s’apparentent aux réponses des Maghrébins
« mineurs de justice », également plus proches des valeurs occidentales
qu’une population de référence de même origine (des jeunes qui n’ont pas eu
de problème avec la justice).
Pour ces filles à moitié françaises et à moitié maghrébines, il y a donc
différentes façons d’être dans la norme. Cependant on peut se demander s’il
n’y a pas contradiction entre l’approche de Bruner (1991176), qui parle
d’écarts par rapport à la norme, et les modèles compensatoires qui évoquent
différentes façons d’être dans la norme. Mais ces deux principes
n’apparaissent pas antinomiques puisqu’en adoptant une manière d’être dans
la norme, on prend de la distance par rapport à un autre positionnement. Cela
renvoie aussi à l’existence de différents modèles de référence
pertinents dans la représentation. L’individu appartient à plusieurs groupes
sociaux (par exemple français et maghrébin) et l’on peut observer la
prévalence de l’un (ou de plusieurs) de ces groupes en fonction du contexte
et de la situation.
L’analyse booléenne nous permet d’opérationnaliser le concept de modèles
normatifs. Aborder ce problème de normes implique que l’on repère le comportement
majoritaire mais aussi que l’on observe comment un petit nombre de sujets s’en
écarte. L’ensemble forme un système normatif avec plusieurs manières d’être bien
dans la norme ; ceci est d’autant plus probable que nous fonctionnons sur un mode
biculturel…
C’est la présence de ces structures compensatoires qui nous amène à penser que
nous sommes en présence d’aspects normatifs. La nécessité d’être « bien vue »
d’un côté ou de l’autre illustre la démarche de négociation dans laquelle se trouvent
les étudiantes dont le système normatif apparaît plus structuré que celui des non-
étudiantes. (Gaymard, 1999, p. 164-165)
À l’heure actuelle, les recherches sur les RS et l’algèbre de Boole sont
rares. Les travaux récemment soutenus de Nzaramba (2020177) confirment
l’intérêt de cette approche pour mettre en évidence les modèles normatifs et
les « stratégies » compensatoires dans le champ des risques.
Dans cette partie, nous venons de voir la méthodologie développée pour
étudier les aspects normatifs. Concevoir les normes comme un système
unique et « absolu » ne correspond pas à la réalité sociale. Les travaux de
Gaymard à partir des aspects périphériques des RS ont conduit au
développement de la théorie de la conditionnalité, considérée comme étant
plus adaptée pour étudier les aspects normatifs des RS.
5. La théorie de la conditionnalité
La théorie de la conditionnalité (Gaymard, 2014178, 2016179) s’est
développée à partir des recherches fondamentales et appliquées sur les
aspects périphériques des RS. Le nom de théorie de la conditionnalité est
apparu pour la première fois dans la thèse de doctorat de Gaymard (1999).
S’appuyant sur les recherches de Flament (1994a, 1994c) présentées dans
cet ouvrage, sur la nature et le fonctionnement des éléments périphériques,
Gaymard a montré comment cette approche pouvait rendre compte de ce
qu’elle a appelé : « les latitudes normatives ». La problématique du
biculturalisme a montré, d’une part, que les aspects normatifs se situaient
préférentiellement dans la périphérie et, d’autre part, l’intérêt de la
négociation des valeurs culturelles pour une adaptation positive et les
stratégies identitaires mises en œuvre. Gaymard fait alors référence à « des
principes absolus et des applications conditionnelles ».
Dans ses travaux sur la conditionnalité, Flament évoque, comme on l’a vu,
des transgressions « mineures », ou rares, qui ont le statut d’exception, et il
mentionne des prescripteurs conditionnels et absolus (1994a180) ; la
problématique de la conditionnalité dans ce modèle reste donc dépendante
du noyau central : « Mais nous sommes persuadés que la valeur heuristique
de notre approche structuraliste repose sur les contraintes logiques que nous
impose notre point de départ : le noyau central » (Flament, 1994c181, p. 86).
La considération du noyau central comme étant l’élément le plus important
explique que jusqu’en 1998, les normes avaient été affectées dans le noyau
central mais les aspects normatifs n’étaient pas encore au centre des
recherches. Si l’on veut faire un parallèle avec le champ de l’influence
sociale, on a longtemps privilégié le processus de conformité et l’influence
majoritaire avant de mettre en évidence l’importance des phénomènes
minoritaires. Les travaux de Moscovici (1979) ont attiré l’attention sur le fait
que toute déviation de norme n’était pas dysfonctionnelle.
Dans le champ de la théorie du noyau central, si l’on veut considérer les
normes, le cœur du problème réside dans l’impossibilité d’envisager la
notion de changement partant de la caractéristique « absolue » du noyau
central (Gaymard, 2014). Kelley et Shapiro (1954, cités par Moscovici,
1979182) avaient d’ailleurs considéré que la conformité pouvait être un
obstacle « à l’adaptation d’un groupe à une réalité changeante ». Sammut et
Bauer (2011183) ont suggéré « de schématiser “le cycle du sens commun”
dans lequel plusieurs modalités d’influence interagissent dans le sens
normalisation-accommodation-assimilation » (Gaymard, 2014, p. 233, notre
traduction).
Les travaux de ces dernières années, en particulier dans le domaine routier,
sont à l’origine d’une évolution conceptuelle.
La théorie de la conditionnalité considère que le noyau central n’est pas
adapté pour rendre compte des aspects normatifs, et s’en affranchit. En
d’autres termes la théorie de la conditionnalité propose un cadre qui apparaît
plus pertinent quand il s’agit de travailler sur les aspects normatifs.
Si les éléments du noyau central sont définis comme étant consensuels, absolus ou
non négociables, les éléments périphériques sont considérés comme étant
diversifiés, liés aux pratiques individuelles et conditionnelles. C’est cette dernière
caractéristique qui donne lieu à la théorie de la conditionnalité, qui réfute le caractère
absolu et unifié des normes et en conséquence leur localisation dans le noyau
central. (Gaymard, 2014, p. 230, notre traduction)
C’est l’omniprésence de la conditionnalité et son fonctionnement au niveau
individuel et collectif qui ont conduit à ce constat. Si ces travaux sont menés
principalement dans le contexte routier, ils ne le sont pas exclusivement
(e.g. Gaymard, Goujon et Lefebvre, 2020184 ; Gaymard, Taunay et Amato,
2019185). La théorie de la conditionnalité montre que les transgressions
légitimes sont loin d’avoir le statut d’exception et que la conditionnalité
n’est pas limitée aux pratiques individuelles puisqu’elle est aussi partagée.
Par ailleurs, partant de la conditionnalité, on peut découvrir ce qui est moins
négociable. Nous allons revenir sur ces différentes recherches.
Dans une étude menée auprès de conducteurs, Flament (1994c186) a mis en
évidence les transgressions légitimes du Code de la route. Interrogeant
trente-six Marseillais, il fait ressortir les nuances dans leurs réponses. Le
refus de la transgression (i.e. « Je prends un sens interdit », réponse :
« Jamais ») est rare ainsi que la conditionnalité ouverte (réponse : ça
dépend), en revanche les conditions pré-identifiées (réponse « si » : « Je
prends un sens interdit si c’est la nuit ») sont importantes. À partir de ces
travaux et du concept de « script187 », Gaymard (2007188) a élaboré le
Questionnaire des Scripts Conditionnels (QSC189) afin de remédier au fait
que les prescriptions avaient tendance à apparaître inconditionnelles au
niveau discursif (Flament, 1994a190).
L’objectif est d’étudier la perception des normes de conduite en les
articulant aux pratiques individuelles et groupales. Il s’agit d’identifier les
scénarii (feu rouge, etc.) les plus conditionnels dans le discours des usagers
au travers de circonstances multiples (situations) comme l’infrastructure
(« c’est une route dégagée »), les autres conducteurs (« un véhicule vous
colle derrière ») ou le moment de la journée. Ce questionnaire permet ainsi
de mettre en évidence la logique sociale propre aux usagers et liée à leurs
pratiques, s’opposant (plus ou moins) aux règles du Code de la route.
Comme nous l’avons vu, l’approche de la conditionnalité considère que les
écarts aux normes font partie du système. Ils ne sont donc pas considérés
comme « anormaux ». Dans ses écrits, Bruner (1991) évoque « la
légitimité » des écarts dans le modèle.
La psychologie populaire est par nature portée à établir des normes. Elle s’intéresse
à ce qui est attendu et/ou à ce qui est habituel dans l’homme. Elle lui confère
légitimité ou autorité. Mais elle excelle également à donner à l’exceptionnel et à
l’inhabituel une forme compréhensible… une culture est viable si elle est capable de
résoudre des conflits, d’expliquer des différences et de négocier des significations
communes…
Ainsi, tandis qu’une culture doit contenir un ensemble de normes, elle doit également
prévoir des procédures interprétatives qui permettent de rendre compte des écarts
par rapport aux normes, en faisant référence à des modèles bien définis de
croyances. (Bruner, 1991191, p. 60-61)
La théorie de la conditionnalité appliquée au domaine de la sécurité
routière s’intéresse au sens commun et au rapport à la conduite du conducteur
lambda. Elle tranche avec d’autres approches qui caractérisent le conducteur
ne respectant pas le Code de la route comme « un délinquant ».
Les variations conditionnelles peuvent être associées à la pluralité des modèles
culturels gouvernant nos actions…
L’objectif des travaux présentés dans cet article n’est pas d’identifier des populations
infractionnistes, ni des types de conducteurs potentiellement dangereux, mais
d’étudier la représentation de la conduite dans une approche normative. Nous faisons
l’hypothèse que la représentation est régie par une logique conditionnelle. (Gaymard,
2007, p. 341)
Le questionnaire des scripts conditionnels (Gaymard, 2007) propose 127 situations de
conduite et comprend 8 scénarii conditionnels. Les 7 premiers sont spécifiques (feu rouge,
feu orange, limite de vitesse, ceinture de sécurité, stop, sens interdit et ligne blanche
continue), le dernier est général et lié au respect du Code de la route. Chaque scénario
comprend entre 12 et 22 situations qui doivent être évaluées sur une échelle ordinale de type
Likert comportant 6 échelons à partir du respect absolu (absolument jamais) jusqu’à la
transgression absolue (absolument tout le temps) en passant par 4 échelons intermédiaires.
Les résultats avec un groupe de jeunes conducteurs montrent que la représentation de la
conduite est fortement conditionnelle et que l’on peut appréhender une caractéristique non
négociable dans la représentation en partant des pratiques individuelles. La comparaison
des scénarii révèle des distributions de réponses significativement différentes (tableau 7.20).
Tableau 7.20 – Tableau de contingence des réponses données par les sujets
en matière de respect des scénarii (extrait de Gaymard, 2007, p. 343)
Respect du scénario (*)
Scénario
1 2 3 4 5 6
Feu rouge 364 56 34 49 9 4
Feu orange 184 56 54 141 50 31
Limite de vitesse 235 108 139 251 132 81
Stop 441 38 39 67 13 4
Sens interdit 557 28 14 29 11 6
Ligne blanche continue 629 62 43 65 34 27
x2 = 924,30 p = 0,0001
Ceinture à l’avant du véhicule 516 0 0 0 0 0
* 1 respect absolu ; 6 transgression absolue.
On constate que c’est le scénario de la limite de vitesse qui est le plus
conditionnel, suivi du feu orange, du feu rouge, du stop, de la ligne blanche
continue et du sens interdit. À l’opposé, les sujets ne trouvent aucune
circonstance pour justifier le non-port de la ceinture de sécurité (à l’avant),
ce qui atteste de l’intégration d’une règle formelle dans la représentation
(Gaymard, 2007). Une analyse par quartile a été réalisée. Celle-ci consiste à
classer les individus et à répartir la population en 4 parts égales (Gaymard,
2007).
L’analyse du 3e quartile (q 0,75) permet de dégager les situations qui
s’éloignent le plus de la position vertueuse. Par exemple dans le cas du feu
orange, le non-respect est d’abord justifié par le fait d’arriver vite puis par
la distraction du conducteur (tableau 7.21).
Dans tous les scénarii, ce sont les deux mêmes situations qui sont déclarées
comme étant les moins transgressées (et donc les moins transgressables) : le
fait d’avoir des enfants en bas âge dans la voiture et le fait d’avoir bu,
comme on peut le voir dans le scénario du feu orange.
Ainsi, dans la représentation vertueuse, nous retrouvons des constantes autour des
enfants et de l’alcool. Le fait d’avoir des enfants en bas âge dans la voiture apparaît
comme un facteur important de responsabilisation. Et, pour les jeunes conducteurs,
être sous l’emprise de l’alcool ne saurait justifier la transgression des scénarii.
(Gaymard, 2007, p. 345)
À préciser que les jeunes conducteurs ne sont pas encore « parents » et que
l’alcool au volant constitue un vrai fléau, mais l’étude de la conditionnalité
routière montre que les justifications aux « écarts » ne s’appuient pas sur des
interdits légaux (drogue ou alcool). On peut donc dire que les transgressions
sont légitimes dans la représentation car les répondants évoquent de
« bonnes raisons » mais en restant dans ce qui est considéré comme
« acceptable » (Gaymard, 2009192). Il n’y a pas de légitimité à justifier des
transgressions en rapport avec des interdits « formels » (e.g. il est légitime
de ne pas respecter la limite de vitesse si on a bu).
Notre questionnaire n’a pas été conçu pour relever les infractions et il n’a pas été
perçu comme tel par les sujets. Ceux-ci justifient les transgressions par des
circonstances qu’ils trouvent légitimes, pas par des interdictions comme la conduite
en état d’ivresse, toujours assortie de la plus faible conditionnalité. Ceci explique que
l’usage du téléphone portable n’ait pas été cité lors des entretiens exploratoires parmi
les circonstances justificatrices. (Gaymard, 2007, p. 352)
Tableau 7.21 – Tableau de contingence des réponses données par les sujets
en matière de respect du scénario du feu orange dans douze situations conditionnelles et troisième
quartile (extrait de Gaymard, 2007, p. 345)
Respect (*) du scénario feu
Situation conditionnelle q 0,75
orange
1 2 3 4 5 6
Vous êtes avec des amis 21 7 8 5 2 2,53
Vous êtes distrait(e) 4 5 8 14 6 6 4,21
La visibilité est bonne 14 6 4 14 2 3 3,59
Vous avez bu 38 3 1 1 0,85
C’est tard le soir 12 4 5 15 5 2 3,75
Vous êtes seul(e) dans le véhicule 12 4 6 14 7 3,73
Vous êtes pressé(e) 5 2 3 23 6 4 3,97
Vous avez des enfants en bas âge dans le
34 6 2 1 0,95
véhicule
Le véhicule suivant vous colle 9 8 2 14 5 5 3,95
Vous arrivez vite 2 1 18 14 8 4,80
Ligne droite 15 6 8 10 3 1 3,33
Vous vous rendez au travail 18 5 6 12 2 3,27
x2 = 223,60 p = 0,0001
* 1 respect absolu ; 6 transgression absolue.

Transgression la plus forte dans ces deux situations.

Transgression la plus faible dans ces deux situations.

Ainsi, les transgressions par rapport à la loi sont légitimes dans la


représentation sociale bien que certaines règles paraissent moins
négociables que d’autres. Ces variations du niveau de conditionnalité sont
liées au fait que les conducteurs trouvent plus de circonstances à ne pas
respecter la limite de vitesse (e.g. être pressé, partir au travail, etc.) que le
sens interdit (Gaymard, 2007). On sait par ailleurs que la vitesse reste une
des principales causes d’accident.
Ces travaux mettent l’accent sur l’existence de deux systèmes normatifs : le
système de normes légales (Code de la route) et le système de normes
sociales (les pratiques réelles des usagers). Les transgressions sont
légitimes dans la représentation sociale même si elles constituent de réelles
transgressions par rapport au Code de la route, mais l’observation des
pratiques montre que la recherche de sens conduit les conducteurs à une
adaptation en fonction des circonstances.
Cette concurrence entre deux systèmes normatifs se retrouve dans les
travaux de Verkuyten, Rood-Pijpers, Elffers et Hessing (1994193). Ces auteurs
ont montré qu’il existait des règles (sous-entendu « sociales ») pour « casser
les règles formelles ». Nous retrouvons cette classification dans la
sociologie de l’organisation, qui distingue les règles explicites des règles
implicites, le point de départ se situant dans les travaux d’Elton Mayo à la
Western Electric. Dans leur compte rendu, Roethlisberger et Dickson
(1939194) distinguent l’organisation formelle de l’organisation informelle, qui
reposent toutes deux sur un système de valeurs et de croyances.
Les transgressions peuvent aussi être expliquées par des stratégies
compensatoires (Flament, 2001 ; Gaymard, 2002), qui montrent que les
sujets peuvent être contre-normatifs sur un aspect et normatifs sur un autre. Si
en 2007, la conditionnalité du feu rouge arrivait en troisième position des
scénarii les plus conditionnels, en 2019 on observe que les résultats de la
conditionnalité routière ont évolué (Gaymard et Tiplica, 2019195). Avec un
même groupe socioculturel, les auteurs constatent que s’il n’y a pas de
changement sur les deux premiers scénarii les plus conditionnels (limite de
vitesse et feu orange), les autres scénarii se répartissent différemment. Ainsi,
la ligne blanche continue prend la troisième position devant le stop, le sens
interdit puis le feu rouge. Ces résultats attestent une adaptation au système
Contrôle sanction automatisé (CSA).
Le fait que la conditionnalité du feu rouge passe de la troisième à la dernière position
(la moins conditionnelle) est intéressant quand on sait qu’entre-temps les radars feu
rouge ont été développés. (Gaymard et Tiplica, 2019, p. 193, notre traduction)
À l’inverse, on constate que la conditionnalité de la ligne blanche continue
est passée de la cinquième position (sachant que le scénario classé en 1 est
le plus conditionnel et celui classé en 6, le moins conditionnel) à la
troisième position, attestant que les transgressions légitimes se sont accrues
pour cette règle.
De plus cette étude montre pour la première fois qu’il y a une différence de
conditionnalité entre les très jeunes conducteurs (18-19 ans) et les jeunes
conducteurs (20-24 ans). Les scénarios dans lesquels les très jeunes
conducteurs sont moins conditionnels sont : la ligne blanche continue, le sens
interdit, le feu rouge et le feu orange (tableau 7.22).
Tableau 7.22 – Exemples de situations moins conditionnelles
chez les 18-19 ans (traduit de Gaymard et Tiplica, 2019)
p-value Mann-Whitney Cliff’s delta
Situation
test (signification)
Franchir la ligne blanche continue…
2,9 % 0,33 (médium)
si on est sur une route nationale
Prendre le sens interdit… si on est distrait <1% 0,48 (large)
Brûler le feu rouge… si on est distrait <1% 0,50 (large)
Passer au feu orange… si la visibilité est
1,2 % 0,40 (médium)
bonne
Cela témoigne du fait que les très jeunes conducteurs (18-19 ans) sont plus attentifs
que ceux qui ont un peu plus d’expérience (20-24 ans). Comme les très jeunes
conducteurs manquent de confiance en eux, ils prennent probablement moins de
risques tout en étant plus prudents. Parmi les scénarios comportant le plus grand
nombre de situations conditionnelles sensiblement différentes, on retrouve une fois
de plus le fait de franchir la ligne blanche continue et de prendre un sens interdit ; à
cela s’ajoute le fait de brûler le feu rouge et de passer au feu orange… (Gaymard et
Tiplica, 2019, p. 194, notre traduction).
Des travaux en cours s’intéressent à la conditionnalité des motards à
l’encontre du 80 km/h (Gaymard, Tiplica et Schvartz, en révision196). Les
motards font partie des populations vulnérables, ils ont un risque de décès
beaucoup plus important que les conducteurs de véhicules (e.g. Dacota,
2013197 ; ONISR, 2018198 ; Rolison, Hewson, Hellier et Hurst, 2013199). Dans
cette étude, les auteurs utilisent un QSC adapté au public de motards et
comparent la conditionnalité en fonction de différentes variables comme le
type de moto, la cylindrée et l’âge.
Les résultats confirment l’importance de la conditionnalité et le rapport
spécifique des motards à la vitesse. La conditionnalité des conducteurs de
grosses cylindrées rend compte d’une « vision du monde » quelque peu
différente des autres motocyclistes.
Ces résultats apportent des informations pouvant être utilisées dans la
prévention des risques chez les motards.

5.1 Conditionnalité et valeur


Ces recherches avec le questionnaire des scripts conditionnels (QSC) ont
conduit à penser que les variations normatives renvoyaient à ce que les
individus trouvaient plus ou moins « acceptable » de faire (e.g. l’exemple
des réponses avec la condition des enfants en bas âge), ce qui rejoint l’idée
de légitimité de Flament en intégrant une connotation « de valeur ».
Afin de démontrer la correspondance entre les pratiques individuelles
déclarées au QSC (Gaymard, 2007) et les croyances acceptables versus
inacceptables, Gaymard (2009200) a conduit une expérimentation comparant
différentes consignes auprès de jeunes conducteurs. La consigne standard
d’origine : « il vous arrive de brûler un feu rouge si… » avec la consigne :
« vous trouvez acceptable de brûler un feu rouge si… ». Cette formulation
davantage orientée sur le jugement a montré qu’il n’y avait pas de différence
dans les scores de conditionnalité (Hotelling’s T2 Chi-2 (6) = 2,92 ; ns ;
figure 7.11, tableau 7.23).
Aucune différence n’a été observée entre les deux conditions, ce qui confirme le
caractère légitime des transgressions dans la représentation. Si nous prenons des
exemples de justifications (Gaymard, 2007), pour le scénario du feu rouge, le degré
de conditionnalité le plus élevé est associé au fait d’être pressé et d’être avec des
amis parce qu’ils trouvent acceptables de brûler un feu rouge dans ces
circonstances. (Gaymard, 2009, p. 176, notre traduction)

Figure 7.11 – Comparaison des consignes : « Il vous arrive de…si… »


et « Vous trouvez acceptable… si… » (extrait de Gaymard, 2009, p. 171)
Tableau 7.23 – Scores moyens de conditionnalité
(extrait et traduit de Gaymard, 2009, p. 172)
Il vous arrive… Vous trouvez acceptable…
Feu rouge 0,1837 0,1978
Feu orange 0,7142 0,7056
Limite de vitesse 0,7172 0,6609
Stop 0,3315 0,2569
Sens interdit 0,2615 0,3094
Lignes blanches 0,3625 0,3594

Ainsi, le questionnaire des scripts conditionnels partant des pratiques


individuelles permet plus subtilement de recueillir les croyances des
conducteurs concernant la légitimité de leurs transgressions. Ces résultats
montrent le lien entre représentations et pratiques et l’ancrage des valeurs. Il
est plus acceptable de ne pas respecter la limite de vitesse ou le feu orange
par rapport à la transgression du sens interdit, de même qu’il est
inacceptable de mettre en danger la vie d’un enfant. Ainsi, la valeur donnée à
la transgression correspondrait à une plus ou moins grande conditionnalité.
La seconde expérimentation de cette étude (Gaymard, 2009), qui a été
décrite dans le paragraphe sur les techniques de substitution avec le scénario
le plus conditionnel, la limite de vitesse et les consignes « bien vu/mal vu
par ses amis », atteste également qu’une valeur est attribuée à la
transgression conditionnelle au travers du groupe de référence.
La théorie de la conditionnalité permet ainsi d’expliquer les variations
normatives. Des méthodes d’analyse spécifique appliquées au QSC vont
confirmer l’existence de « patterns de transgressions légitimes ».

5.2 Conditionnalité et patterns de transgressions


légitimes
Comme nous l’avons vu dans les travaux de Sherif (chapitre 7,
paragraphe 3), la problématique des normes est associée à la notion de
« cadre de référence », qui renvoie à un modèle d’analyse. Il est donc crucial
d’analyser la situation sociale à laquelle l’individu répond dans les termes
d’un pattern perceptuel (Sherif, 1936/1966201).
Des recherches méthodologiques ont mis en évidence que les variations
conditionnelles, en plus de leur omniprésence, étaient partagées et
renvoyaient à des patterns de transgressions légitimes.
Par exemple, on peut observer des « modèles de transgressions
légitimes » en comparant les profils de réponses aux différents scénarii
routiers du QSC chez les jeunes conducteurs et chez les conducteurs âgés
(moyenne d’âge autour de 70 ans). Même si ces derniers apparaissent moins
conditionnels, le positionnement des deux groupes est identique dans la
considération de ce qui est plus ou moins conditionnel.
Pour les jeunes conducteurs comme pour les personnes âgées, le port de la ceinture
de sécurité est le scénario le plus respecté et la limite de vitesse et le feu orange sont
les moins respectés. Ces résultats ont mis en évidence le fait qu’il existe des
modèles de transgressions légitimes c’est-à-dire que les conducteurs jeunes et âgés
sont en accord pour dire qu’il est légitime de ne pas respecter la limite de vitesse et le
feu orange en fonction des circonstances alors qu’ils ne trouvent pas de
circonstances justifiant de ne pas porter la ceinture de sécurité.
Il y a donc un accord concernant les règles qui doivent être respectées, mais
également concernant celles qui ne doivent pas nécessairement être respectées.
(Gaymard, 2014, p. 237, notre traduction)
Cependant si cette étude montre l’existence de croyances partagées sur des
règles qui peuvent être transgressées selon les circonstances, d’un point de
vue méthodologique, elle ne rend pas compte de l’existence de patterns
(Gaymard, 2014).
Dans la perspective d’illustrer les « patterns de transgressions légitimes »,
Nzobounsana et Gaymard (2010202) ont utilisé une partie du questionnaire
des scripts conditionnels comme base d’application des méthodes d’analyses
canoniques simple et généralisée.
L’analyse des corrélations canoniques (ACC) est une méthode statistique
proposée par Hotelling (1936203) qui permet de décrire les relations
linéaires entre deux ensembles de variables mesurées sur les mêmes
individus. La méthode de l’analyse canonique est une généralisation de la
régression linéaire (calcul d’un score optimal à la place de la moyenne). Si
l’analyse canonique présente des analogies avec l’analyse en composante
principale (ACP) en termes de représentations graphiques et avec la
régression PLS204 pour la nature des données, sa particularité réside dans
l’étude des relations entre deux groupes de variables qui sont traitées de
façon symétrique (González, 2007205). Le choix d’étudier les relations
linéaires plutôt que de chercher à expliquer un ensemble de variables à
partir de l’autre n’est pas anodin. Il repose sur l’idée d’un construit
multidimensionnel avec l’objectif d’étudier les relations plus ou moins
complexes entre deux ensembles de variables traitées de façon symétrique.
La notion de dépendance est mesurée ici par le coefficient de corrélation
maximal entre les combinaisons linéaires des variables du premier groupe et
les combinaisons linéaires des variables du deuxième groupe. Ce coefficient
est appelé coefficient de corrélation canonique. Plusieurs méthodes ont été
proposées pour généraliser l’analyse des corrélations canoniques. Ces
différentes méthodes sont regroupées sous le nom d’analyse canonique
généralisée lorsqu’elles donnent, dans le cas de deux groupes de variables,
les mêmes résultats que l’analyse canonique simple (Hotelling, 1936).
En général, on cherche des combinaisons linéaires des variables de chaque
groupe appelées variables canoniques qui optimisent des fonctions
construites à partir de leur matrice de corrélation ou de variance covariance.
Afin d’appliquer au mieux le questionnaire des scripts conditionnels
(Gaymard, 2007) à l’analyse canonique simple et généralisée, les auteurs ont
isolé les 3 scénarii suivants : feu rouge (FR), feu orange (FO) et limite de
vitesse (LV), et les 10 situations qui leur étaient communes (tableau 7.24).
Nzobounsana et Gaymard ont fait l’hypothèse que l’analyse des corrélations
canoniques permettrait de dégager le lien entre les scénarii et les situations
plus ou moins conditionnelles, résultat qui n’avait pas pu être démontré avec
les précédentes analyses.
Tableau 7.24 – Situations communes aux scénarii feu rouge,
feu orange et limite de vitesse pour l’analyse canonique
Vous êtes avec des amis
Vous êtes distrait(e)
Vous avez bu
C’est tard le soir
Vous êtes seul(e) dans le véhicule
Vous êtes pressé(e)
Vous avez des enfants en bas âge dans le véhicule
Le véhicule suivant vous colle
Vous êtes sur une ligne droite
Vous vous rendez au travail

Les résultats avec l’analyse canonique simple montrent que chaque scénario
a la même structure car on observe un regroupement des situations en trois
classes : respect, conditionnalité et transgression pouvant justifier la
méthodologie de regroupements de certains échelons que nous avons utilisée
pour étudier la conditionnalité chez les sujets jeunes et âgés. Par ailleurs
l’opposition entre le respect et la transgression rend compte d’un « effet
Guttman », c’est-à-dire que les réponses sont alignées suivant un ordre
pouvant être illustré par une parabole.
Ce questionnaire a été analysé avec d’autres méthodes (Anova, méthode
par quartiles). L’analyse canonique permet un regroupement des classes par
les liaisons linéaires et une lecture plus globale au travers de la carte
factorielle. La figure 7.12 présente l’analyse du scénario « feu rouge ».
Scénario feu rouge : pour ce scénario du feu rouge, le premier axe factoriel explique
65,62 % d’inertie tandis que le deuxième explique 21,36 % d’inertie. La carte
factorielle obtenue permet de dégager trois classes. Une première classe formée par
des situations justifiant le respect absolu des règles de conduite : « vous avez des
enfants en bas âge dans le véhicule », « vous avez bu », « vous êtes distrait »,
« vous êtes seul dans la voiture ». Une 2e classe constituée par des situations qui
renvoient au respect et au respect conditionnel des règles : « vous vous rendez au
travail », « vous êtes avec des amis », « c’est tard le soir », « le véhicule suivant vous
colle ». Et enfin, une 3e classe regroupant les situations justifiant la transgression des
règles et qui concerne la situation : « vous êtes pressé ». Dans l’étude de [Gaymard,
2007] le scénario « feu rouge » est peu conditionnel si ce n’est pour 2 situations :
« vous êtes pressé » et « vous êtes avec des amis » dont les quartiles (q 75 %) sont
respectivement de 3,52 et 3,03. (Nzobounsana et Gaymard, 2010, p. 90)

Figure 7.12 – Analyse canonique simple : scénario feu rouge


(extrait de Nzobounsana et Gaymard, 2010, p. 91)

Les résultats avec l’analyse canonique généralisée de Carroll (1968206 ;


figure 7.12) permettent de mettre en relation, pour les 3 scénarii, les
situations qui s’inscrivent conjointement dans le respect ou la transgression.
Nous observons ainsi que les deux situations « vous avez bu » et « vous avez
des enfants en bas âge dans la voiture » sont associées au respect absolu
pour les 3 scénarii. La situation « vous êtes seul dans le véhicule » justifie la
transgression du feu orange et de la limite de vitesse mais l’analyse
généralisée montre que comparativement à la modalité « vous êtes pressé »,
les modalités : « le véhicule suivant vous colle » et « vous êtes avec des
amis » justifient peu les transgressions des 3 scénarii. Ainsi, à la différence
de l’analyse par quartiles, il est possible avec cette méthode de mettre en
évidence le lien entre les situations et les scénarii en tenant compte des
interrelations.
Il s’agit de comparer les 3 scénarii en utilisant les méthodes d’analyse canonique
généralisée (la méthode Sumcor, la méthode Ssqcor et la méthode de Carroll). Les
résultats de chaque analyse vont nous permettre d’une part de mettre en évidence,
de façon globale, les liaisons entre les scénarii et, d’autre part, de mettre en évidence,
pour chaque scénario, les proximités qu’il y a, en tenant compte des interrelations
des scénarii, entre les situations et les degrés d’échelle (mise en évidence des
situations plus ou moins transgressées). (Nzobounsana et Gaymard, 2010, p. 91-92)

FR = feu rouge ; FO = feu orange ; LV = limite de vitesse.


Figure 7.13 – Analyse canonique généralisée.
Représentation des situations et des réponses dans le plan factoriel
(extrait de Nzobounsana et Gaymard, 2010, p. 96)
Cette approche permet d’illustrer par le biais des patterns de réponses, la
structuration interne des transgressions légitimes au travers de la relation
linéaire entre les différents scénarii. Nous voyons avec cette méthode qu’il
n’existe pas de modalité « contradictoire », c’est-à-dire s’inscrivant dans le
respect pour un scénario et la transgression pour un autre. Il apparaît ainsi
que les dix situations ont la même « valeur » dans les 3 scénarii.
Par ailleurs la méthode généralisée apporte une autre lecture de la
transgression. Par exemple la modalité « vous êtes avec des amis » faisait
partie des plus conditionnelles dans l’analyse par quartile du feu rouge. De
même, la modalité « vous êtes distrait » faisait partie des plus
conditionnelles dans l’analyse du feu orange (Gaymard, 2007). L’analyse
conjointe des scénarii et des situations place ces modalités dans le respect et
le respect conditionnel. Cette méthode permet donc d’apporter une autre
interprétation de la conditionnalité en tenant compte à la fois des scénarii et
des situations. Du point de vue normatif, nous voyons avec la méthode
généralisée que la structuration de la conditionnalité bouge, alors que les
modalités renvoyant au respect absolu (« Vous avez des enfants en bas âge »
et « Vous avez bu ») sont stables (Gaymard, 2014).
Dans l’étude des représentations sociales, l’utilisation de l’analyse
canonique permet de révéler méthodologiquement les patterns de réponses
renvoyant à la structuration des aspects normatifs de la représentation. En
comparaison avec d’autres méthodes d’analyse comme l’analyse par
quartiles, « l’analyse canonique permet un regroupement en classes par les
liaisons linéaires et une lecture plus globale au travers de la carte
factorielle » (Nzobounsana et Gaymard, 2010, p. 98). Ainsi, l’analyse et
l’interprétation des réponses au questionnaire des scripts conditionnels
(Gaymard, 2007) présente des différences quand la méthode permet une
analyse conjointe des scénarii (i.e. feu rouge) et des situations (i.e. vous êtes
pressé). La lecture de la transgression peut être modifiée si l’on intègre le
rapport avec les autres transgressions.
Cette méthode a également été utilisée pour analyser des mesures de
saillance visuelle issues de l’enregistrement de scènes routières et le
verbatim des conducteurs visionnant ces scènes (Gaymard, Boucher,
Nzobounsana, Greffier et Fournela, 2013207). Il s’agissait d’analyser le lien
entre deux types de données, physiques et psychosociales, à partir de
l’analyse des corrélations canoniques robustes (ACCR). Cette étude ne porte
pas directement sur la conditionnalité (même si les catégorisations
respectives s’appuient largement sur la question de la légitimité), elle ne
sera donc pas développée ici, mais les résultats vérifient « l’hypothèse
générale d’une corrélation entre les données issues du traitement visuel et les
données issues de la retranscription du discours. » (Gaymard et al., 2013,
p. 131).
Les conducteurs se montrent ainsi particulièrement sensibles au caractère légitime
ou illégitime en situation de conduite qui semble « focaliser » leur attention et leurs
affects. Aussi cette analyse permet-elle de mettre l’accent sur un construit
multidimensionnel de la conduite intégrant la vision, les représentations sociales et
les sentiments des conducteurs en fonction des contextes de conduite. (Gaymard
et al., 2013, p. 124)

5.3 Conditionnalité et prise de risque


L’étude de Gaymard (2007) chez les jeunes conducteurs a révélé peu de
différences dans la conditionnalité entre hommes et femmes puisque la seule
différence significative observée portait sur la peur de la répression.
… sur les 127 situations du questionnaire, seule une différencie significativement ces
deux populations. Il s’agit de la conditionnalité liée au respect du Code de la route si
on a peur de la répression. (Gaymard, 2007, p. 349)
Ces résultats ont d’abord suggéré à l’auteur qu’il fallait faire la distinction
entre conditionnalité et prise de risque. En effet, dans le domaine routier, les
travaux mentionnent des différences dans la prise de risque entre hommes et
femmes (e.g. Harré, Field et Kirkwood, 1996208 ; Özkan et Lajunen, 2005209 ;
Yagil, 1998210), ce que confirment les statistiques des accidents.
Finalement le fonctionnement de la conditionnalité (e.g. je ne m’arrête pas
au stop si la route est dégagée) rend plutôt compte d’une « prise de risque
calculée » (Gaymard, 2007, 2014). Des travaux récents confirment d’ailleurs
que le rapport à la route est plus conditionnel chez les conducteurs que chez
les conductrices (Gaymard et Tiplica, 2019).
Il apparaît que l’évolution du rapport à la règle constaté dans cette étude se
répercute dans les différences entre conducteurs et conductrices. Les auteurs
observent le plus grand nombre de différences dans le scénario de la ligne
blanche continue. Mais les conductrices prennent aussi moins de risques
avec le sens interdit, le stop, la limite de vitesse et le feu orange
(tableau 7.25).
Tableau 7.25 – Exemples de situations dans lesquelles
le score moyen de conditionnalité des femmes est significativement plus bas
que celui des hommes (extrait et traduit de Gaymard et Tiplica, 2019)
p-value Mann- Cliff’s delta
Situation
Whitney test (signification)
Franchir la ligne blanche continue… si on considère
1,49 % 0,39 (médium)
qu’elle ne sert à rien
Prendre le sens interdit… si on habite à côté <1% 0,41 (médium)
Ne pas s’arrêter au stop… si on ne voit pas son utilité 1,39 % 0,40 (médium)
Ne pas respecter la limite de vitesse… si on est pressé 3,82 % 0,33 (médium)
Passer le feu orange… si la visibilité est bonne 3,25 % 0,34 (médium)

Le fait que ces différences n’aient pas été observées en 2007 peut être interprété par
une évolution des pratiques liées aux transgressions du Code de la route. Il apparaît
dans cette étude que la ligne blanche continue est le scénario qui différencie le plus
les hommes des femmes (par le nombre de situations et l’effet de taille). (Gaymard et
Tiplica, 2019211, p. 193, notre traduction)
Gaymard et Tiplica (2012 212) se sont intéressés à la conditionnalité des conducteurs (hommes
et femmes) à l’encontre des piétons (Il vous arrive de ne pas laisser passer un piéton si…)
formulant l’hypothèse que les femmes seraient plus sensibles à la vulnérabilité du piéton (et
donc moins conditionnelles). Partant d’un QSC adapté au piéton fondé sur 19 situations, ils
ont vérifié différentes hypothèses prédisant que dans certaines situations, les conducteurs
seraient plus conditionnels que les conductrices (e.g. si le feu est vert pour le conducteur) et
que dans d’autres, il n’y aurait pas de différence en référence aux précédents travaux (e.g. si
le piéton est un enfant).
Dans cette étude, Gaymard et Tiplica ont lancé l’utilisation des réseaux bayésiens. Ils ont
proposé de faire un lien entre la théorie de la conditionnalité et la prise de risque en utilisant
pour la première fois le théorème de Bayes appliqué à 3 situations du CSQ adapté au piéton.
L’approche bayésienne (Stephenson, 2000213) repose sur les probabilités
conditionnelles et dérive du théorème de Bayes qui permet la révision
probabiliste. Cette règle permet de passer d’une probabilité a priori, c’est-
à-dire avant la prise en compte du nouvel élément, à une probabilité a
posteriori à la suite de la prise de connaissance de la nouvelle information.
Cette approche permet de présenter « un graphe causal » avec des nœuds.
À partir des années 1950, les psychologues ont traité des modèles mathématiques
appliqués à la théorie de la prise de décision (Edwards 1961 ; Edwards et al., 1963).
Selon le point de vue d’Edwards (1962), la prise de décision dépend des attentes
(théorème de Bayes) et des utilités (Edwards, 1971). Dans cette étude, nous
analysons la relation entre le respect des règles et la prise de risque en nous
demandant si le respect des règles pourrait être considéré comme faisant partie d’un
cadre bayésien plus général. (Gaymard et Tiplica, 2012, notre traduction)
Gaymard et Tiplica (2012) vont considérer la dépendance importante entre
3 situations du CSQ qui concernent la perception de situations dangereuses.
Ayant montré que les femmes étaient moins conditionnelles que les hommes
dans un contexte de pluie (situation 14 : il vous arrive de ne pas laisser
passer un piéton s’il pleut…) et qu’il y avait un lien avec les réponses aux
situations 16 (si un véhicule vous colle) et 19 (s’il y a 2 voies et que le
véhicule à côté ne s’arrête pas), ils l’ont modélisé à l’aide d’un réseau
bayésien (figure 7.14).
On considère que le genre des sujets a une incidence sur les réponses qu’ils
donnent à la question 14 (arrête orientée de G à AQ 14) comme souligné dans le
précédent paragraphe. On considère aussi que la réponse que les sujets donnent à
la question 14 a une incidence sur leurs réponses aux questions 16 et 19 du CSQ
(modélisé par les arêtes orientées de AQ 14 vers AQ 16 et respectivement AQ 19).
Tous les nœuds dans le RB représentés dans la fig. 1 sont des nœuds discrets : G- a
deux modalités (homme, femme) ; AQ 14, AQ 16 ont six modalités (1, 2, … 6) et
AQ 19 a cinq modalités (1, 2, … 5) ». (Gaymard et Tiplica, 2012 – notre traduction)

Figure 7.14 – Réseau bayésien pour la perception des situations dangereuses (extrait de
Gaymard et Tiplica, 2012)

Même si les situations 16 et 19 ne révèlent pas une claire dépendance avec


le sexe, en prenant en compte l’importante dépendance entre les 3 situations
et en la modélisant à travers un réseau bayésien, le sexe du conducteur peut
être déduit et les probabilités associées au conducteur ou à la conductrice
peuvent être évaluées en connaissant les réponses du conducteur aux
situations 16 et 19 du CSQ.
Ainsi, par exemple, il est facile d’observer qu’il y a une plus grande probabilité d’avoir
des conducteurs masculins que des conducteurs féminins si les deux réponses aux
situations 16 et 19 sont la modalité « 5 ». (Gaymard et Tiplica, 2012, notre traduction)
Gaymard et Tiplica (2015214) ont proposé d’aller plus loin en modélisant
l’intégralité du QSC adapté au piéton.
La structure du réseau bayésien obtenu en utilisant certains algorithmes
permet l’extraction de nouvelles connaissances sur les données, notamment
quand on s’intéresse aux différences entre conducteurs et conductrices. Les
auteurs confirment que certains scénarios sont sensibles au sexe des
répondants (figure 7.15).
Il vous arrive de ne pas laisser passer un piéton si...

Figure 7.15 – Réseau bayésien obtenu


(extrait et en partie traduit de Gaymard et Tiplica, 2015, p. 344)
Cela est cohérent avec les conclusions d’une précédente étude de Gaymard et
Tiplica (2014) où il a été démontré que les conductrices étaient moins conditionnelles
quand elles étaient avec des amis dans la voiture, quand elles allaient travailler et
quand elles arrivaient vite. Ainsi, on peut facilement déduire qu’il y a des différences
de sexe dans la perception des situations dangereuses, la vitesse, la gestion du
temps ou des facteurs d’influence du groupe. (Gaymard et Tiplica, 2015, p. 347, notre
traduction)
À partir de ce réseau, les auteurs vont proposer ce qu’ils appellent « une
cartographie dépendante du contexte215 » en catégorisant les différentes zones
du RB (e.g. situations dangereuses, vitesse, courtoisie…). Cette illustration
montre une relation causale étroite entre les réponses données à certaines
situations signifiant que les sujets répondent de la même manière quant à
leurs intentions de laisser passer ou pas les piétons quand ils sont confrontés
à ces situations.
Finalement, plusieurs situations et caractéristiques liées au sexe du conducteur
auront un impact sur la décision de laisser passer ou pas un piéton. Leurs relations
peuvent être visualisées à travers la structure du RB, c’est-à-dire la cartographie
dépendante du contexte. La perception des situations dangereuses comme « il
pleut », un environnement serein (comme un piéton courtois), l’influence du groupe, le
fait d’aller travailler et les attitudes des piétons affecteront la prise de décision.
(Gaymard et Tiplica, 2015, p. 349, notre traduction)
Pour conclure cette partie, on peut dire que la question des normes dans
l’étude des RS telle qu’elle a été présentée s’inscrit dans le champ des
risques et de la prévention de ceux-ci.
Les travaux s’appuient notamment sur le concept de RS des risques pour
montrer la spécificité de cette approche, comment le groupe se positionne
face aux risques, face aux autres groupes, comment les représentations se
construisent en fonction des enjeux, des contextes culturels, comment elles
évoluent et s’adaptent. L’emploi de méthodologies et d’analyses diverses
permet des interprétations croisées.
Pour donner quelques exemples de ces différentes études, Gaymard
(2012216) a utilisé la méthode des petites histoires (Gaymard, 2003a) et
l’analyse des correspondances multiples (ACM) pour étudier la
représentation des piétons chez des conducteurs jeunes et expérimentés.
Gaymard et Engelmann (2016217) ont comparé la représentation des
nanotechnologies chez des étudiants en lettres vs sciences, avec les
associations libres et un questionnaire de caractérisation. Gaymard, Tiplica,
Koh et Wong (2016218) ont comparé la RS du piéton en France et à Singapour
avec des associations libres et une analyse discriminante des
correspondances.
On peut dire que l’approche des RS propose un modèle de risque dynamique et
contextualisé (Gaymard, 2014 ; Gaymard et Tiplica, 2015 ; Joffe, 1999, 2003, 2005).
Dans le champ des RS, la question du risque comprend l’existence de plusieurs
systèmes de connaissances et de normes, de pratiques et d’évolution des pratiques
(Gaymard, 2014), mais également l’impact des processus identitaires (Breakwell,
2001, 2007). (Gaymard, Tiplica, Koh et Wong, 2016, p. 2, notre traduction)
Gaymard et Maurin (2017219), partant d’un questionnaire de caractérisation,
ont comparé la représentation du piéton auprès de trois groupes de
conducteurs (jeunes conducteurs d’une université laïque, jeunes conducteurs
d’une université catholique et conducteurs expérimentés), à l’aide des
statistiques de Wilks. Ils montrent ainsi l’intérêt de cette approche dans la
comparaison des groupes.
Les statistiques de Wilks constituent une méthode intéressante dans l’analyse des
questionnaires de caractérisation portant sur plusieurs populations car, du fait du
pouvoir différenciateur des items, elles permettent de réfléchir sur leur degré de
caractérisation. Ainsi, un item qui n’est pas caractéristique par rapport à d’autres
items lorsqu’on travaille avec un seul groupe peut le devenir par rapport à d’autres
groupes. Cet aspect qui permet de situer un groupe par rapport à un autre groupe est
fondamental en psychologie sociale, et dans l’étude des représentations sociales.
(Gaymard et Maurin, 2017, p. 7, notre traduction)
Gaymard et al. (2020220) se sont intéressés à la RS du vaccin chez les pro-
vaccins et les anti-vaccins avec des associations libres et des questions-
opinions. L’analyse des verbatim montre par exemple une représentation plus
collective et fondée sur la confiance dans le groupe des pro-vaccins
(figure 7.16)

Figure 7.16 – Extrait de Gaymard et al., 2020, p. 9

Gaymard, Goujon et Lefebvre (2020221) ont étudié la RS de trois


réglementations environnementales chez les agriculteurs et les transgressions
légitimes à l’aide des associations libres et d’un CSQ adapté. Etoundi, Kay
et Gaymard (2020222) ont étudié la représentation sociale du risque auprès de
différents groupes ethniques au Cameroun. L’objectif était d’explorer les
fondements psychosociaux de la stabilité de ce pays. Basée sur des
associations libres et un questionnaire de caractérisation, cette étude révèle
que cette représentation est fortement influencée par les réalités culturelle et
sociopolitique.
Conclusion :
Sur la psychologie du sens commun
Pourtant, intuitivement, nous savons que tout organisme est actif, travaille à satisfaire
de nombreux besoins dont celui d’activité, et qu’il essaye toujours d’aller au-delà du
donné. Il fait des hypothèses, recherches des significations, transforme les objets,
corrige les déséquilibres de son univers de vie et, jusqu’à un certain point, le
constitue. Le sujet sur lequel on travaille dans les expériences, enfermé dans un
laboratoire, harnaché, instruit, obligé d’appuyer sur un bouton, est supposé avoir la
tête « vide » – la fameuse « boîte noire » des béhavioristes. En vérité, ce sujet mène
une double vie ; d’un côté, il exécute ce qui lui est demandé, et d’un autre côté, il
élabore sa petite théorie intérieure sur l’expérience, sur l’expérimentateur, s’ennuie ou
s’amuse. L’expérimentateur, quant à lui, semble ignorer cette dualité ou fait comme si
elle n’existait pas. Le savant, c’est lui : il lui revient donc de définir la réalité. Mais nous
sommes tous des savants, et chaque individu, dans le cadre de vie qui lui est
assigné ou qu’il a choisi, se forge sa propre doctrine à propos de ce qui lui arrive ou
de ce qui arrive à d’autres. Les stratèges « de café », qu’on le veuille ou non, sont des
stratèges ; ils imaginent des offensives, se mettent à la place de l’adversaire,
dressent des plans de bataille, soupèsent les conséquences de leurs actions
imaginaires. Cette production intellectuelle est, dans la société, extraordinaire. Elle ne
s’arrête jamais : entre la théorie scientifique et le rêve, les formes intermédiaires
qu’elle revêt sont innombrables. Le champ des représentations sociales, des
systèmes intellectuels collectifs élaborés en vue de la communication dans la vie
quotidienne, se découpe avec netteté sur le fond de cette activité ; œuvre de sujets
sociaux désireux de conférer un sens aux événements, aux comportements et aux
échanges avec autrui. (Moscovici, 19721, p. 59-60)
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Index des notions
A
algèbre de Boole 273
analogie 57
analyse
— canonique 300, 305
— de similitude 179
— lexicométrique 155
— par quartile 292
— prototypique 123
ancrage 35
— psychologique 102
— psychosociologique 103
— sociologique 103
anomie 212
anthropologie 209
anti-thema 193
approche
— ethnographique 108
— expérimentale des représentations sociales 164
— pluri-méthodologique 249
— structurale 79
architecture de la pensée sociale 203
associations libres 81
attitude 64
axes x et y du plan contingent 193

B
bonnes raisons 177

C
cadre de référence 218
canevas étranges 181
catégorisation 86
champ
— de représentation 63
— sémantique 124
— social dynamique 222
changements 222
cognitions conditionnelles 246
communications 119
comparaison groupes 120
compensation 57
compétence sociale 267
complaisance 226
comportement 159
concept thématique 194
conditionnalité et valeur 296
conflit 91
— normatif 283
conformisme 234
conformité 213, 224
consensus 107
consigne
— de substitution 254
— standard 252
— standard, pro et contre normative 268
contexte 110
— psychosocial 251
contradiction 184
— explicite 181
contre-normatif 253
couverture booléenne (CB) 275
croyances 211
— acceptables versus inacceptables 296

D
démarche comparative 120
dépendance du comportement des petits groupes 227
différenciateur sémantique 148, 263
diffusion 40
discours de la science 193
dispersion 69
dissonance cognitive 28
dynamique 94
— de groupe 222

E
École d’Aix 107
École de Genève 104
École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) 76
effet autocinétique 217
effet Guttman 261
équilibre 177, 222
espace tridimensionnel (x-y-z) 193
étude de la presse 40
évaluations objectives et subjectives 172
évocation 121
évolution 163

F
figuration 61
focalisation 69
fonctions
— cognitives 66
— des représentations sociales 66
— d’orientation 67
— identitaires 67
— justificatrices des comportements et des prises de position 68
formation
— des normes 217
— d’impression 23

G
genèse 31
graphe de la représentation 182
groupe 109

H
histoire des sciences 192

I
idées sources 204
idéologie 31
image 63
— du monde 195
inconditionnels 241
indice de normativité 257
influence
— informationnelle 227
— majoritaire 224, 233
— minoritaire 233
— normative 227
— sociale 216
information 62
innovation 234

J
jeux expérimentaux 164

L
latitudes normatives 287
logique conditionnelle 291

M
masquage/démasquage 262
matrices 167
méta-théorie 111
méthode
— des petites histoires 311
— expérimentale 108
— factorielle 108
méthodologie
— en plan Q 250
— qualitative et quantitative 108
mise en cause (MEC) 87
modèle
— bi-dimensionnel 242
— culturel 212
— d’analyse 218
— de référence 258
— dialogique 104
— normatif 257
— sociodynamique 100

N
négociation 229
normalisation 219
norme 209
— de préférence 229
— d’objectivité 229
— d’originalité 230
— extrémisée 238
— sociale 218
noyau
— central 87
— figuratif 36

O
objectivation 35
objet 65
— de représentation 125
— sensible 262
ontisation 61
ordre sur les conditions 268

P
paradigme
— de l’autoprésentation 258
— du jeu expérimental 165
patterns
— culturels 214
— de transgressions légitimes 299
pensée
— formelle 56
— informative 61
— naturelle 56
— représentative 61
— scientifique 56
— sociale 58
perception 21
périphérie 87
personnification 61
phénomène anti-science 195
phénoménologie 76
philosophie des sciences 191
plusieurs manières d’être « dans la norme » 273
polarisation 235
position thématique 194
pratiques 159
— en contradiction ou pas avec la représentation 176
— nouvelles 175
— sociales 175
prescripteurs des comportements 90
pression
— à l’inférence 69
— normative 253
principes générateurs de prises de position 100
principes organisateurs 102
prise de risque 306
profils moyens 262
propagande 40
propagation 40
proposition thématique 194

Q
questionnaire
— de caractérisation 131
— des scripts conditionnels 291
— d’habiletés sociales 265

R
rationalisations 184
règles 212
— de conduite 213
régression 129
régulations du comportement 213
relation
— d’antonymie 98
— d’emboîtement 96
— de réciprocité 98
représentation
— anticipatrice 169
— autonome 88
— collective 15
— de la tâche 168
— du destinataire 168
réseaux bayésiens 308
réseaux de communication 56
réversibilité de la situation 176
RS des risques 311

S
saillance sociocognitive 119
schèmes
— étranges 176
— néo-normaux 185
— normaux 176
— périphériques 88
— prescripteurs 250
Schèmes Cognitifs de Base (SCB) 149
sciences profane et sacrée 32
sens commun 31
situation biculturelle 248
sociologie 209
solidarité
— mécanique 212
— organique 212
sous-structuration périphérique 95
statistiques de Wilks 312
stéréotype 136, 262
structure
— compensatoire 274
— d’implication 273
— unidimensionnelle 261
système 55
— de forces en équilibre 222
— normatif 238, 293

T
temporalité 76
test des choix alternatifs 254
themata 191
théorie
— de la conditionnalité 287
— de la norme émergente 236
— des scripts 89
— du noyau central 74
— scientifique 32
— sociogénétique 35
transformation
— brutale 183
— des représentations sociales 163, 175
— progressive 179
— résistante 181
transgressions légitimes 246
travaux expérimentaux 164

U
univers
— consensuel 32
— réifié 32

V
valeurs 209
variations conditionnelles 246

W
Weltbild 195

Z
zone masquée 253
zone muette 253
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2. Jean-Pierre et Jean-Claude partageaient tous deux une distance ironique très saine par rapport au
glamour et à la prétention académique. En même temps, ils prenaient leur travail au sérieux. Enfin, ils
partageaient le goût de vivre : boire, manger et socialiser. Trois choses essentielles qu’ils m’ont apprises
pour être psychologue social.
3. Wagner, W., Duveen, G., Farr, R., Jovchelovitch, S., Lorenzi-Cioldi, F., Marková, I. et Rose, D.
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5. Ou manidés.
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12. https://twitter.com/easpinfo/status/1159461405696901120?lang=fr
13. Rappelons que Henri Tajfel est né en Pologne et Serge Moscovici, en Roumanie.
14. Il faut dire que deux anciens présidents allemands de la AESP, Strack et Stroebe, se sont plaints de
la rapidité et de la superficialité de la décision prise par le comité.
15. Les « zones franches LGBT » sont en fait des zones où les autorités locales ont adopté des
résolutions (sans force juridique) exprimant leur objection à l’« idéologie LGBT ».
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4. Je souligne.
5. Éditions Félix Alcan, Paris
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14. Moscovici, S. (1988). Notes towards a description of social representations. European Journal of
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17. Nous soulignons.
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27. Avancée par Heider dès 1946 comme nous l’avons vu un peu plus haut.
28. Moscovici, S. (1961/1976). La psychanalyse, son image et son public (2e éd.). Paris : PUF.
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43. Nous invitons les lecteurs à lire ou à relire, dans la seconde édition de son ouvrage, le chapitre
intitulé « Quinze ans après », dans lequel il explique la demande de « mise à jour » qui lui a été faite :
« étant donné que le parti communiste a changé d’attitude vis-à-vis de la psychanalyse » (Moscovici,
1976, p. 479).
1. Farr, R.M (1992). Les représentations sociales : la théorie et ses critiques. Bulletin de Psychologie,
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29. Voir le tableau 1.8 page 34.
30. Jodelet, D. (1989). Représentations sociales : un domaine en expansion. In D. Jodelet (Ed.), Les
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University Press/éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.
76. Nous soulignons.
77. Jahoda, G. (1988). Critical notes and reflections on “social representations”, European Journal of
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2. Flament, C. et Rouquette, M.L. (2003). Anatomie des idées ordinaires. Paris : Armand Colin.
3. Salès-Wuillemin, E., Morlot, R., Masse, L. et et Kohler, C. (2009). La représentation sociale de
l’hygiène chez les professionnels de santé : intérêt du recueil par entretien et de l’analyse discursive des
opérateurs de liaison issus du modèle des Schèmes Cognitifs de Base (SCB). Les Cahiers
Internationaux de Psychologie Sociale, 2(82), 43-72.
4. Les études sont classées par ordre chronologique de publication.
5. Nous mettons ici l’accent sur cet aspect, ce qui n’exclut pas dans les études mentionnées d’autres
points de comparaison.
6. Grize, J.B., Vergès, P. et Silem, A. (1987). Les salariés face aux nouvelles technologies. Vers une
approche socio-logique des représentations sociales. Paris : CNRS.
7. Vergès, P. (1992). L’évocation de l’argent. Une méthode pour la définition du noyau central d’une
représentation. Bulletin de Psychologie, XLV, 405, 203-209.
8. Bourgeat-Carter, G. (1993). « Le bien-être chez soi. Représentation sociale complexe ou
complexe de représentations sociales ». Thèse de doctorat, université de Provence, Aix-en-Provence
(sous la direction de C. Flament).
9. À noter que le terme « facette » sera utilisé plus tard pour décrire l’effet Guttman (voir chapitre 7).
10. Clémence, A., Doise, W., De Rosa, A. et Gonzalez, L. (1995). La représentation sociale des droits
de l’homme : une recherche internationale sur l’étendue et les limites de l’universalité. Journal
International de Psychologie, 30(2), 181-212.
11. Joffe, H. (1995). Social representations of AIDS : Towards encompassing issues of power. Papers
on Social Representations, 4(1), 1-12.
12. Flament, C. (1994b). Sur les représentations sociales du chômage. Revue internationale de
psychologie sociale, 7(2), 109-115.
13. Moliner, P. (1988). « La représentation sociale comme grille de lecture. » Thèse de Doctorat,
université de Provence, Aix-en-Provence (sous la direction de C. Flament).
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soudano-sahélienne », thèse de doctorat, université d’Angers (sous la direction de S. Gaymard).
24. Kay, N. et Gaymard, S. (2019). Les agriculteurs camerounais face au changement climatique : entre
pratiques et représentations sociale. In S. Gaymard (Dir.), Psychologie sociale appliquée aux
grandes thématiques contemporaines : Sécurité routière, religion, environnement, discrimination,
travail (p. 135-143). Paris : L’Harmattan.
1. Nous avons effectué cette recherche à partir de la version numérique de l’ouvrage.
2. Nous soulignons.
3. Flament, communication personnelle.
4. Flament, C. et Rouquette, M.L. (2003). Anatomie des idées ordinaires. Paris : Armand Colin.
5. Abric, J.C. (1994b). Pratiques sociales, représentations sociales. In J.C. Abric (Ed.), Pratiques
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13. Faucheux, C. et Moscovici, S. (1968). Self esteem and exploitation behavior in a game against
chance and nature. Journal of personality and social psychology, 8(1), 83-88.
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22. Campos, P.H.F. (1998). « Pratiques, représentations et exclusion sociale : le cas des éducateurs des
enfants de rue au Brésil », thèse de doctorat, université de Provence, Aix-en-Provence (sous la
direction de J.C. Abric).
23. Le texte est mis en gras par Campos.
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27. Flament, C. (1989). Structure et dynamique des représentations sociales. In D. Jodelet (Ed.), Les
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30. Flament, C. (1994a). Structure, dynamique et transformation des représentations sociales. In
J.C. Abric (Ed.). Pratiques sociales et représentations (p. 37-57). Paris : PUF.
31. Flament, C. et Rouquette, M.L. (2003). Anatomie des idées ordinaires. Paris : Armand Colin.
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36. Flament, C. (1987). Pratiques et représentations sociales. In J.L. Beauvois, R.V. Joule et
J.M. Monteil (eds.), Perspectives cognitives et conduites sociales 1 (p. 143-150). Cousset : Delval.
37. Flament, C. (1989). Structure et dynamique des représentations sociales. In D. Jodelet (Ed.), Les
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représentations sociales (p. 204-219). Paris : PUF.
42. Codol, J.P. (1972). « Représentations et comportements dans les groupes restreints. Pour une
approche cognitive des phénomènes de groupe : contribution expérimentale. » Thèse de doctorat de
3e cycle, université de Provence, Aix-en-Provence.
43. Abric, J.C. (1994b). Pratiques sociales, représentations sociales. In J. C. Abric (Ed.), Pratiques
sociales et représentations (p. 217-238). Paris : PUF.
1. Nous adoptons l’écriture sans accent pour homogénéiser la présentation.
2. Moscovici, 1992, cité par Moscovici et Vignaux (1994).
3. Holton G. (1973). Thematic origins of scientific thought : Kepler to Einstein. Cambridge (Mass.) :
Harvard University Press.
4. Holton, G. (1981). L’imagination scientifique. Paris : Gallimard.
5. Holton, G. (1982). L’invention scientifique : themata et interprétation (traduit par Paul Scheurer).
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6. Holton, G. (1963). « Ueber die Hypothesen, welche der Naturwissenschaft zu Grunde liegen »,
Erano-Jahrbuch XXXI/1962, (Rhein-Verlag, Zurich, 1963), 351-425.
7. Je tiens à remercier G. Holton pour ses échanges et ses éclaircissements sur ces éléments.
8. Chapitres dans : Holton, G. (1981). L’imagination scientifique. Traduit par Emmanuel Allisy,
Monique Abeillera et Jean-François Roberts. Paris : Gallimard.
9. Chapitres dans : Holton, G. (1982). L’invention scientifique : themata et interprétation (traduit par
Paul Scheurer). Paris : PUF.
10. Holton, G. (1978). The Scientific Imagination : Case Studies. Cambridge, England : Cambridge
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11. Holton, G. (1993). Science and anti-science. Cambridge, MA : Harvard University Press.
12. Einstein, A. (1934/1979). Comment je vois le monde. Paris : Flammarion.
13. Holton, G. (1981). L’imagination scientifique. Paris : Gallimard.
14. Marková, I. (2015). On thematic concepts and methodological (epistemological) themata. Papers
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15. Cité par Moscovici et Vignaux (1994).
16. Moscovici, S. et Vignaux, G. (1994). Le concept de thêmata. In C. Guimelli (ed.), Structures et
transformations des représentations sociales (p. 25-72). Lausanne : Delachaux & Niestlé.
17. Flament, C. et Rouquette, M.L. (2003). Anatomie des idées ordinaires. Paris : Armand Colin.
18. Marková, I. (2015). On thematic concepts and methodological (epistemological) themata. Papers
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1. Ce chapitre est en partie extrait de mon habilitation à diriger les recherches.
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5. Durkheim, E. (1894/1987). Les règles de la méthode sociologique (23e édition). Paris : PUF.
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101. Gaymard, S. (2003a). La négociation interculturelle chez les filles franco-maghrébines. Une
étude de représentation sociale. Paris : L’Harmattan.
102. J’ai d’ailleurs en tête les échanges avec C. Flament sur ce positionnement car mes travaux ne
parlaient pas ou très peu de « noyau central ».
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125. Rouanet, H. et Le Roux, B. (1993). Analyse des données multidimensionnelles. Paris : Dunod.
126. La forte corrélation entre ces deux groupes s’explique quand on observe la droite de régression. Il
y a cinq thèmes sur la droite, ce qui donne du poids aux corrélations et masque la spécificité de chaque
population.
127. Le thème « instruction » est inversé par rapport aux autres thèmes. Pour être bien vue, il faut être
plus occidentale.
128. Gaymard, S. (2009). Norms in social representations : two studies with French young drivers. The
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132. Terme utilisé par Bourgeat-Carter en 1993 (voir chapitre 4).
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