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MUSIQUE & HANDICAP

III
MUSIQUE ET MUSICOLOGIE
accessibilité, normes et adaptation
INTRODUCTION

La musique, nous l’avons vu, est une activité qui renforce la conception
situationnelle du handicap promue par la loi de 2005 en France, et participe à
modifier le regard de l’altérité dans les représentations sociales (primauté du
« sujet-créateur » sur le « sujet-handicapé »).

En tant qu’activité artistique pouvant être à la fois verbale et non verbale, la


musique est un support d’expression libre et universel, appartenant à tous (en tant
qu’activité) et qui, en théorie, évoque l’accessibilité.

Elle s’inscrit aujourd’hui à travers une multiplicité de fonctions, par exemple : en


tant qu’expression cathartique, support militant de revendications identitaires et
culturelles, ou comme geste médical et thérapeutique.
INTRODUCTION
Dans une autre mesure, les normes sociales, avant d’être progressivement remises
en cause, ont forgé l’histoire du handicap et ont alimenté des systèmes qui, par des
représentations mais aussi dans des choix politiques, favorisent l’exclusion et la
stigmatisation du handicap.

Comme beaucoup d’activités culturelles, la musique n’a pas échappé à ces normes.
Et si la volonté de dénormalisation est souvent un moteur de pensée esthétique en
art, l’objet de ce cours est de placer le handicap en tant que perspective centrale
dans la conscientisation et le renversement de ces normes.

Car, nous allons le constater : nos pratiques d’écoute, de jeu, de composition,


d’apprentissage, de (re)production ou encore de diffusion mettent, à travers des
conceptions normalisatrices, à l’écart les personnes en situation de handicap,
rompant ainsi avec l’idée d’inclusion et d’accessibilité universelle.
La musique est-elle

accessible ?
Si les années 1970, en France, ont marqué un tournant majeur dans la conception
et les politiques de traitement sociales du handicap, l’accessibilité à la musique
pour les personnes en situation de handicap reste alors très restreinte (M.
VIALLEFOND, 2009 [Musicologue]).

Le rapport « handicap-musique » est jusqu’alors souvent cantonné dans une relation


fonctionnelle où la musique est promue en tant que technique médicale dans le
but de guérir l’altérité (perspective réadaptatrice).

En tant qu’activité culturelle : « la musique est considérée comme une activité trop
difficile, voire impossible à aborder par ces personnes, car reposant sur trop de
compétences techniques qui leurs sont inaccessibles » (ibid.).
À travers l’apprentissage, par exemple : l’éducation musicale dispensée par les
conservatoires ne garantie pas un traitement équitable.

Les méthodes utilisées représentent autant d’obstacles pour les enfants en situation
de handicap (ex : formation musicale théorique obligatoire avant la pratique
instrumentale).

Il existe, dans ce contexte, une exception pour les enfants présentant une altération
de la fonction visuelle (création d’institutions spécialisées et du « Certificat
d’Aptitude à l’Enseignement Musical des Aveugles et des Déficients
Visuels (CAEMADV) »).
La « Déclaration des droits des personnes handicapées » proclamée par l’ONU en
1975 représente un embryon dans l’élaboration d’une politique culturelle du
handicap : « La personne handicapée a le droit […] de participer à toutes activités
sociales, créatives ou récréatives ».

Toutefois, deux aspects favoriseront l’accès des personnes en situation de handicap


à la musique durant cette décennie :

• l’évolution, la diversification et l’ouverture des pratiques d’enseignement


musical (ex : l’éveil musical),
• ainsi que les initiatives de diffusion de ces pratiques dans les structures
associatives, les instituts spécialisés et, plus tard, les institutions culturelles
publiques.
Malheureusement, ces actions restent isolées et sont difficiles à définir et à cadrer.
Aucun réseau de professionnel n’existe alors et les besoins de ressources extérieures
se font de plus en plus grandissant.

Dans ce sillage, les années 1980 verront se renforcer une démarche de


professionnalisation centrée autour du rapport musique-handicap, basée sur :
• la multiplication et le financement de projets « musique et handicap » (Fonds
d’Intervention Culturelle), la création d’un groupe de recherche « Musique et
handicapés » (1981), ainsi que d’une commission « Musique et perspectives de
soins » (1982),
• la création d’écoles et de centre de formation en « musicothérapie ».

Cependant, la politique culturelle oriente la pratique de la musique vers le secteur


de la santé et le milieu hospitalier (soin plutôt que pédagogie ou éducation).
Il faudra attendre les années 1990 pour qu’une véritable dynamique de projets
musicaux en faveur de l’accessibilité des personnes en situation de handicap
émerge.
Cette décennie met en avant la visibilité des réalisations artistiques auprès du
grand public : il y a une volonté de démontrer l’accessibilité universelle de la
musique.
Néanmoins, aucune loi n’oblige encore les structures et les institutions à garantir
l’accessibilité à tous, générant ainsi des situations inégales sur l’ensemble du
territoire.
Cette lacune sera comblée dans les années 2000, à travers la Commission nationale
Culture et Handicap (2000), la « Charte d’accueil des personnes handicapés dans les
établissements culturels » (2001), puis la loi de 2005.
La loi de 2005 va inscrire le principe d’accessibilité dans un cadre législatif. Les
conséquences immédiates de cette loi sont multiples :

• pour l’Éducation nationale, les enfants en situation de handicap sont


systématiquement inscrits dans un projet pédagogique scolaire, incluant
l’éducation artistique et musicale,
• pour le secteur culturel, les lieux de prise en charge du public (conservatoires) ont
l’obligation de garantir l’accessibilité de leurs locaux (cadre bâti et accueil),
• la mise en place de dispositifs ressources pour la culture et les loisirs au sein des
Maison Départementales des Personnes Handicapées (MDPH).
En revanche, il n’existe pas de chapitre dédié à la culture dans cette loi mais un
cadre général de l’accessibilité.
De nos jours, le Ministère de la Culture définit l’accessibilité comme étant « la
réduction de la discordance entre, d'une part, les possibilités, les compétences et
les capacités d'une personne et d'autre part les ressources de son environnement
lui permettant de façon autonome de participer à la vie de la cité ».
L’accessibilité se dévoile donc sous plusieurs dimensions :
• l’accès aux lieux, c’est-à-dire via une architecture et un accueil adaptés (obligation légale
dans l’espace public),
• l’accès aux produits de l’industrie culturelle, aux œuvres et à leur connaissance
(scénographie, médiation, dispositifs techniques, etc.),
• l’accès au patrimoine et à sa connaissance (offre culturelle, médiation, etc.),
• l’accès à l’information, aux outils de la pensée, au discours critique, à l’échange culturel et
à la parole citoyenne (ex : support adapté, langue, etc.),
• l’accès aux pratiques artistiques en tant qu’acteur (apprentissage, médiation, techniques).
En ce qui concerne la technique au sein des structures d’accueil musicales,
différents dispositifs peuvent être employés de nos jours pour favoriser
l’accessibilité :

LE PICTOGRAMME

Un pictogramme est un support de signalisation qui renseigne et


permet de s’orienter et de prendre toute décision de cheminement.
Il concerne toutes les personnes qui ont des difficultés à se repérer
dans l’espace et dans le temps, et est particulièrement adapté pour
les personnes ayant des difficultés dans la compréhension et
l’expression orale et écrit (handicap intellectuel, difficultés liées à
l’apprentissage, personnes étrangères, etc.).
En ce qui concerne la technique au sein des structures d’accueil musicales,
différents dispositifs peuvent être employés de nos jours pour favoriser
l’accessibilité :

LE SURTITRAGE

Le surtitrage est réalisé avec un écran qui peut être


placé au-dessus de la scène, ou mis à disposition de
manière individuelle. Sur cet écran apparaissent tous
les dialogues et les textes, favorisant ainsi la
compréhension d’un spectacle. Ce dispositif est destiné
aux personnes sourdes et malentendantes, ou aux
personnes étrangères.
En ce qui concerne la technique au sein des structures d’accueil musicales,
différents dispositifs peuvent être employés de nos jours pour favoriser
l’accessibilité :

L’AUDIODESCRIPTION

L’audiodescription consiste à décrire les décors, les


costumes, les lumières, les mouvements d’un
spectacle. Ces commentaires sont diffusés dans un
casque à infrarouge sans fil qui a été remis au
spectateur. Ce dispositif est destiné aux personnes
présentant une altération de la fonction visuelle
(aveugle ou malvoyant).
Il existe également d’autres dispositifs conçus pour favoriser l’accessibilité en
général :
• le téléagrandisseur et la loupe électronique
• la maquette tactile
• les systèmes de mises en relief
• l’audioguide
• le visioguide
• le système RISP (transcription de la parole vers l’écrit en temps réel)
• la boucle magnétique
• l’interprétariat
• la visio-interprétation
• les systèmes d’aide au déplacement
• l’informatique adapté
• etc.
Malgré cela, bien des difficultés persistent de nos jours, et la discrimination dans
l’accès à la culture est un phénomène fréquemment souligné. L’accès des personnes
en situation de handicap dans les lieux culturels destinés à tous restent encore
problématique et bien rare est leur participation en tant que créateur.

Ainsi, l’enjeu phare de l’accessibilité est de « faire en sorte que chacun puisse être
mis en présence de l’art en train de se faire et de l’art en tant que patrimoine des
créations humaines » (S. SOPHYS-VÉRET, 2015).

En d’autres termes, l’accessibilité est un moyen permettant la mise en relation


intersubjective entre une œuvre d’art et un individu et entre les individus eux-
mêmes au contact de cette œuvre (expérience partagée).
Toutefois, le développement d’une accessibilité dédiée aux publics en situation de
handicap induit souvent une mise en place de dispositifs spécifiques pouvant
conduire à une mise en marge de ces personnes.

De ce fait, cette spécification de l’accessibilité est une perspective qui éloigne l’idée
d’une conception universelle. Il est alors nécessaire de décerner l’égalité de
l’équité.
Une accessibilité égalitaire induit un accès global, identique à tous, et cela
indépendamment des besoins de la personne, postulant ainsi une homogénéité
des situations.
A contrario, une accessibilité équitable s’appuiera sur une prise en compte des
capacités de chaque individu afin de garantir, par compensation, le caractère
éthique de cet accès.
De ce fait, selon le modèle d’accessibilité universelle, l’égalité n’est pas un principe
indépendant mais doit être pensée comme le résultat de l’équité, principe
complémentaire avec lequel il est en interaction permanente.
Le principe de l’accessibilité universelle pourrait ainsi se résumer en cette phrase :
« avant de penser spécifique, il s’agit de penser commun et de passer le commun
au crible du spécifique […] » (ibid.).
Égalité sans équité = discriminant (obstacle)
Adaptation = équité sans égalité (stigmatisant)
Accessibilité universelle = équité + égalité (cf. barrière transparente, pas d’obstacles)
Ainsi, l’accessibilité universelle postule que l’accès généralisé et universel aux
œuvres relève d’un droit et non d’une tolérance.

Il convient donc de penser les médiums culturels et artistiques en ce sens : en tant


que médiums communs destinés à tous, prenant en compte les capacités de tous,
(« universal/inclusive design ») et non dédiés de manière spécifique aux personnes
en situation de handicap (médium spécialisé).

Car admettre un traitement spécifique de la personne en vue de permettre à cette


dernière un accès à l’expérience de l’œuvre, c’est établir un rapport dans lequel
l’œuvre est une norme à laquelle on tente d’adapter, par des moyens techniques,
les capacités de la personne, sans transformer l’œuvre en elle-même (participer
sans transformer = modèle d’intégration).
L’accessibilité universelle, ou « universal design », ou encore « inclusive design »,
est définie par l’ONU en 2006 comme étant « la conception de produits,
d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous,
dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation, ni conception
spéciale » (ONU, 2006).
Dans ce sillage, certains chercheurs ont par exemple proposé une « Conception
Centrée Utilisateur » (CCU), basée sur la norme ISO (9241-210:2019) « conception
centrée sur l’opérateur humain pour les systèmes interactifs », pour la conception
d’instruments de musique ou d’aides techniques au jeu instrumental (G. THOMMAN
et al., 2018).
La CCU a l’avantage d’inclure les personnes en situation de handicap en tant
qu’acteurs à part entière de la conception de produits.
Ainsi, au regard de la musique, dans toutes ces dimensions, cette conception
universaliste apporte des interrogations multiples sur le plan éthique :

• L’œuvre musicale doit-elle être rendue accessible à tous, via une pluralité de
moyens techniques adaptés aux situations des personnes ?

En d’autres termes, devons-nous permettre la diffusion d’une œuvre, préexistante


et égalitaire, en cherchant à l’adapter équitablement aux besoins de chacun ?

OU
• Devons-nous penser l’accessibilité à tous dès la conception de l’œuvre (processus
de création inclusif) ?
Au regard de la musique, dans toutes ces dimensions, cette conception
Si une œuvre musicale universellement accessible est le fruit d’une
universaliste apporte des interrogations multiplies sur le plan éthique : création
originale, comment rendre accessible le patrimoine selon cette perspective?
• L’œuvre musicale doit-elle être rendue accessible à tous, via une pluralité de
moyens techniques adaptés aux situations des personnes ?

EnEst-ce
d’autres
seulement
termes,possible
devons-nous
? Doit-on
permettre
par exemple
la diffusion
attendre
d’une
d’unœuvre,
compositeur/d’un
préexistante
etluthier/etc.
égalitaire,qu’ils
en cherchant
prennentàen
l’adapter
compteéquitablement
l’intégralité desaux
besoins
besoins
desde
récepteurs
chacun ? dans
toute leur diversité ?
OU
• Devons-nous penser l’accessibilité à tous dès la conception de l’œuvre (processus
de création inclusif) ou/et de nos médiums musicaux ?
Au-delà de la représentation d’une œuvre, par exemple de le cadre d’un concert,
cette idée de norme en musique est omniprésente dès lors que l’on se penche sur
les différents outils et médiums techniques qui composent l’expérience musicale.

EXEMPLE :
Du pointdedela vue
Au delà du jeu, cette
représentation conception
d’une destine
œuvre, par l’instrument
exemple auxd’un
de le cadre utilisateurs
concert,
disposant d’une
cette idée de forceenmotrice
norme musiquesuffisante (norme) pour
est omniprésente pouvoir
dès lors mettre
que l’on en action
se penche sur
des touches du
les différents clavier,
outils ce qui n’est
et médiums pas unequi
techniques capacité universelle
composent (ex :musicale.
l’expérience handicap
moteur, polyhandicap, etc.).

EXEMPLE :

1
Du point de vue organologique, la conception moderne du clavier est basée sur la
gamme tempérée occidentale (norme), qui sélectionne un ensemble de
fréquences sonores précises (échelle) afin de les organiser par intervalles.

2
De plus, l’ambitus du clavier circonscrit l’étendue de cette gamme tempérée en un
nombre d’octaves précis (ex : 88 touches = 7 octaves et 3 demi-tons). Cette étendue
repose sur le champ (spectre fréquentiel) de l’audition humaine (norme).

3
Dans ces deux derniers exemples, comme en musique en général, l’audition
représente la norme d’accès privilégiée de l’expérience musicale, cela implique
donc la condition auditive de la personne qui, dans le cas de la surdité, peuvent
être totalement altérées. Il y a ici rupture de l’accessibilité.
On parle aujourd’hui de « musiques adaptées » pour décrire des situations
musicales au sein desquelles a été appliqué un processus consistant à rendre
accessible aux personnes en situation de handicap les moyens techniques
nécessaires à leur réalisation (musique en tant que tâche/activité).
Ce terme, « adapté », peut désigner à la fois :
• un état, c’est-à-dire une situation appropriée à la réalisation ou à la
compréhension d’une tâche,
• et un processus, c’est-à-dire une action permettant de rendre appropriée une
situation (envers soi-même ou envers un autre).
D’un point de vue cognitif, notre expérience du monde est fondée sur ce processus
d’adaptation, dans lequel, via nos interactions, nous sommes en permanence
(modèles dynamiques).
Parmi ces moyens techniques, la démocratisation de l’informatique musicale et des
lutheries numériques ont permis à de nombreuses tentatives d’instruments de
musique « adaptés » de voir le jour.

EXEMPLE : La BAO-PAO
La BAO-PAO

« Baguette Assistée par Ordinateur, Puce À


l’Oreille ».

Développée par Jean Schumtz en 1988.


Destinée à des personnes en situation de
polyhandicap.
Se présente, dans sa configuration complète,
sous la forme de 4 arcs de cercle (jeu collectif)
orientables, sur lesquels se situent aux
extrémités de chaque arc un émetteur laser et
un photorécepteur.
La BAO-PAO

« Baguette Assistée par Ordinateur, Puce À


l’Oreille ».
Le jeu se fait à l’aide d’une baguette.
Lorsque la baguette coupe le faisceau laser dans
un sens, un signal MIDI est envoyé vers un
ordinateur et est traité par un séquenceur
audionumérique sur lequel une partition MIDI
est préprogrammée à l’avance (contrôleur).
La note MIDI est ainsi jouée et maintenu,
jusqu’à ce que l’utilisateur coupe à nouveau le
faisceau dans le sens opposé.
La BAO-PAO
https://youtu.be/ZC1xi-OTNSc?t=18

« Baguette Assistée par Ordinateur, Puce À


l’Oreille ».
La vélocité (nuance) est un paramètre
également pris en compte et dépend de la
vitesse avec laquelle l’utilisateur coupe le
faisceau laser.
Ce contrôleur numérique permet ainsi d’agir, via
des instruments virtuels, sur la vitesse de
défilement (rythmes) de la partition et les
nuances de (des) l’instrument associé.
Autre exemples
(instruments adaptés)

Le SoundBeam :
https://www.soundbeam.co.uk

L’Orgue sensoriel :

https://www.orguesensoriel.com
Eye play the piano
https://youtu.be/VHXx7XTPULE?t=48

Développé à travers une collaboration entre


l’Université de Tsukuba et l’entreprise Fove, Eye play
the piano est un projet permettant à un utilisateur
présentant un polyhandicap ou un handicap moteur
de jouer d’un piano acoustique avec ses yeux, grâce à
un casque de réalité virtuelle.
Eye play the piano
https://youtu.be/VHXx7XTPULE?t=48

Un système de eye-tracking (oculométrie) analyse et


détermine la position et les mouvements précis du
regard de l’utilisateur dans un espace virtuel.
La réalité virtuelle permet donc à l’utilisateur de
visualiser une interface logicielle dans laquelle ce-
dernier peut sélectionner visuellement la note,
l’accord, le mode ou encore la gamme à jouer.
Le signal produit vient asservir des servomoteurs qui
actionnent mécaniquement le clavier du piano (à
l’instar d’un dysklavier).
Eye play the piano
https://youtu.be/VHXx7XTPULE?t=48

Ce dispositif permet ainsi de transformer le piano,


instrument à l’origine haptique, en un instrument
non haptique, rendu accessible aux personnes
n’ayant pas les capacités de pouvoir actionner
mécaniquement les touches.
L’oculométrie peut également permettre de contrôler directement des outils de
création musicale numériques, tels que des séquences audionumériques, grâce aux
mouvements oculaires.

C’est, par exemple, via cette technique que le


producteur de musique électronique
populaire Pone (Guilhem GALLART), atteint de
la maladie de Charcot, a composé et produit
récemment un album : Kate & Me (2019).

https://www.youtube.com/watch?
v=985L-FzeVZA
QUEL EST LE RISQUE ?
Le jeu instrumental nécessite une participation physique de la part du musicien,
pouvant conduire à une situation handicapante pour certains individus.
Les principes de l’accessibilité universelle appliqués à la conception d’instruments
ou d’aides techniques musicales peuvent aboutir à des solutions inclusives, mais
cette approche nécessite une connaissance à la fois global et spécifique (ciblée) du
handicap pour pouvoir répondre équitablement aux besoins et exigences de
chacun.
Dans une autre mesure, proposer des solutions spécifiques à chaque situation de
handicap vise à favoriser la spécialisation de ces instruments, les éloignant de ce
fait de l’accès universel.
Au-delà de nos outils de production sonore, on peut déceler la présence de normes
à travers l’étendue de nos médiums techniques. De ce fait, la médiologie est une
discipline intéressante pour se rendre compte de leurs impacts .

Initiée par Régis DEBRAY, la médiologie est une discipline d’observation portant sur
l’étude systématique des interactions entre la technique et la culture via les
moyens de transport de l’information à travers l’espace et le temps.

Dans une perspective historique, elle s’intéresse également aux « sphères de


circulation des traces et des individus techniquement déterminées par les modes
de transport dans l’espace et dans le temps prévalant à un moment donné de
l’histoire » (R. DEBRAY et L. MERZEAU, 2005). Ces sphères sont appelées
« médiasphères » et décrivent des environnements technoculturels.
Le transport de l’information, par exemple une œuvre artistique ou musicale,
requiert des techniques et des institutions qui opèrent ces techniques.

Cette médiation s’articule autour de deux corps de médium : un corps technique


appelé « matière organisée » (MO), et un corps organisationnelle ou politique
appelé « organisation matérialisée » (OM), à savoir des institutions qui produisent,
utilisent, propagent et légitiment les supports et les outils techniques.

La médiologie distingue ainsi 6 catégories de médiums différents, réparties entre


ces deux corps.
Ex: Œuvre de MÉDIASPHÈRES
Mozart Audio- Hypersphère
Mnémosphère Logosphère Graphosphère
vidéosphère numérique

Support physique Partition


d’inscription, de stockage papier

MO Procédé général de
symbolisation (signe) Note

Dispositif de diffusion, Concert, Homogène en terme


régime de circulation imprimerie de médiasphère, ce
qui n’est pas
Code linguistique Système tonal systématiquement le
hégémonique (harmonie) cas.

OM Éditeur, institut,
Cadre d’organisation
etc.

Matrice de formation Conservatoire


Ex: Œuvre de MÉDIASPHÈRES
Mozart Audio- Hypersphère
Mnémosphère Logosphère Graphosphère

}
vidéosphère numérique

Support physique Partition


d’inscription, de stockage papier

MO Procédé général de
symbolisation (signe) Note

Dispositif de diffusion, Concert,


imprimerie En revanche, une
régime de circulation œuvre est transmise
que SI l’ensemble de
Code linguistique Système tonal
ces médiums sont
hégémonique (harmonie)
mis en articulation.

OM Éditeur, institut,
Cadre d’organisation
etc.

Matrice de formation Conservatoire


MÉDIASPHÈRES
Audio- Hypersphère
Mnémosphère Logosphère Graphosphère

}
vidéosphère numérique

Support physique
d’inscription, de stockage

MO Procédé général de
symbolisation (signe)

Dispositif de diffusion, Ainsi, un environnement technoculturel


régime de circulation parfaitement inclusif, universellement
Code linguistique accessible, viserait à repenser intégralement
hégémonique
l’ensemble de ces médiums.
OM Cadre d’organisation

Matrice de formation
MÉDIASPHÈRES
Audio- Hypersphère
Mnémosphère Logosphère Graphosphère
vidéosphère numérique

Support physique Partition


d’inscription, de stockage papier

MO Procédé général de
symbolisation (signe) Exemple : Note = système braille

Dispositif de diffusion, Concert,


régime de circulation imprimerie

Code linguistique Système tonal


hégémonique (harmonie)

OM Éditeur, institut,
Cadre d’organisation
etc.

Matrice de formation Conservatoire


Ainsi, les interrogations générées par le rapport handicap-musique concernent
donc non seulement les dimensions sociales dans lesquelles la musique s’inscrit,
mais permettent aussi de porter un regard critique sur l’ensemble des dimensions
formelles et techniques qui constituent l’expérience musicale.

Si la question de l’accessibilité et de l’inclusion du handicap est, à l’heure actuelle,


au centre de nombreux débats politiques et intellectuels, le handicap, par sa
diversité, ses altérités ou ses différences, peut également être perçu comme une
porte d’accès vers des horizons créatifs, techniques ou esthétiques encore inédits.
En d’autres termes, si l’enjeu de l’accessibilité universelle est de permettre à tous
de pouvoir faire l’expérience d’une œuvre d’art, le handicap peut aussi rendre
accessible à tous des possibilités de création, des formes d’expression, des
médiums techniques ou encore des outils de production encore inexistants.
On peut alors considérer le handicap comme l’élément moteur principal d’un
potentiel changement paradigmatique en musique :

Car si la musique peut être rendue accessible au handicap, le handicap, en


enrichissant l’expression artistique de nouvelles possibilités, peut également
permettre, à l’inverse, de rendre accessible à tous des horizons musicaux encore
inaccessibles, car inconsidérés.

Cf. Rapport musique-surdité, histoire et pratiques musicales S/sourdes.

Avant cela, intéressons-nous à la fonctionnalisation médicale de la musique (cf.


années 80) à travers la musicothérapie.
MUSIQUE & HANDICAP

? Alban BRICENO
Chargé de cours
Doctorant (5ème année)
EN CAS DE QUESTIONS Musicologie (Faculté des Humanités)
CEAC — SCALab
📧 alban.briceno@univ-lille.fr ou Moodle

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