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III
MUSIQUE ET MUSICOLOGIE
accessibilité, normes et adaptation
INTRODUCTION
La musique, nous l’avons vu, est une activité qui renforce la conception
situationnelle du handicap promue par la loi de 2005 en France, et participe à
modifier le regard de l’altérité dans les représentations sociales (primauté du
« sujet-créateur » sur le « sujet-handicapé »).
Comme beaucoup d’activités culturelles, la musique n’a pas échappé à ces normes.
Et si la volonté de dénormalisation est souvent un moteur de pensée esthétique en
art, l’objet de ce cours est de placer le handicap en tant que perspective centrale
dans la conscientisation et le renversement de ces normes.
accessible ?
Si les années 1970, en France, ont marqué un tournant majeur dans la conception
et les politiques de traitement sociales du handicap, l’accessibilité à la musique
pour les personnes en situation de handicap reste alors très restreinte (M.
VIALLEFOND, 2009 [Musicologue]).
En tant qu’activité culturelle : « la musique est considérée comme une activité trop
difficile, voire impossible à aborder par ces personnes, car reposant sur trop de
compétences techniques qui leurs sont inaccessibles » (ibid.).
À travers l’apprentissage, par exemple : l’éducation musicale dispensée par les
conservatoires ne garantie pas un traitement équitable.
Les méthodes utilisées représentent autant d’obstacles pour les enfants en situation
de handicap (ex : formation musicale théorique obligatoire avant la pratique
instrumentale).
Il existe, dans ce contexte, une exception pour les enfants présentant une altération
de la fonction visuelle (création d’institutions spécialisées et du « Certificat
d’Aptitude à l’Enseignement Musical des Aveugles et des Déficients
Visuels (CAEMADV) »).
La « Déclaration des droits des personnes handicapées » proclamée par l’ONU en
1975 représente un embryon dans l’élaboration d’une politique culturelle du
handicap : « La personne handicapée a le droit […] de participer à toutes activités
sociales, créatives ou récréatives ».
LE PICTOGRAMME
LE SURTITRAGE
L’AUDIODESCRIPTION
Ainsi, l’enjeu phare de l’accessibilité est de « faire en sorte que chacun puisse être
mis en présence de l’art en train de se faire et de l’art en tant que patrimoine des
créations humaines » (S. SOPHYS-VÉRET, 2015).
De ce fait, cette spécification de l’accessibilité est une perspective qui éloigne l’idée
d’une conception universelle. Il est alors nécessaire de décerner l’égalité de
l’équité.
Une accessibilité égalitaire induit un accès global, identique à tous, et cela
indépendamment des besoins de la personne, postulant ainsi une homogénéité
des situations.
A contrario, une accessibilité équitable s’appuiera sur une prise en compte des
capacités de chaque individu afin de garantir, par compensation, le caractère
éthique de cet accès.
De ce fait, selon le modèle d’accessibilité universelle, l’égalité n’est pas un principe
indépendant mais doit être pensée comme le résultat de l’équité, principe
complémentaire avec lequel il est en interaction permanente.
Le principe de l’accessibilité universelle pourrait ainsi se résumer en cette phrase :
« avant de penser spécifique, il s’agit de penser commun et de passer le commun
au crible du spécifique […] » (ibid.).
Égalité sans équité = discriminant (obstacle)
Adaptation = équité sans égalité (stigmatisant)
Accessibilité universelle = équité + égalité (cf. barrière transparente, pas d’obstacles)
Ainsi, l’accessibilité universelle postule que l’accès généralisé et universel aux
œuvres relève d’un droit et non d’une tolérance.
• L’œuvre musicale doit-elle être rendue accessible à tous, via une pluralité de
moyens techniques adaptés aux situations des personnes ?
OU
• Devons-nous penser l’accessibilité à tous dès la conception de l’œuvre (processus
de création inclusif) ?
Au regard de la musique, dans toutes ces dimensions, cette conception
Si une œuvre musicale universellement accessible est le fruit d’une
universaliste apporte des interrogations multiplies sur le plan éthique : création
originale, comment rendre accessible le patrimoine selon cette perspective?
• L’œuvre musicale doit-elle être rendue accessible à tous, via une pluralité de
moyens techniques adaptés aux situations des personnes ?
EnEst-ce
d’autres
seulement
termes,possible
devons-nous
? Doit-on
permettre
par exemple
la diffusion
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d’une
d’unœuvre,
compositeur/d’un
préexistante
etluthier/etc.
égalitaire,qu’ils
en cherchant
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l’adapter
compteéquitablement
l’intégralité desaux
besoins
besoins
desde
récepteurs
chacun ? dans
toute leur diversité ?
OU
• Devons-nous penser l’accessibilité à tous dès la conception de l’œuvre (processus
de création inclusif) ou/et de nos médiums musicaux ?
Au-delà de la représentation d’une œuvre, par exemple de le cadre d’un concert,
cette idée de norme en musique est omniprésente dès lors que l’on se penche sur
les différents outils et médiums techniques qui composent l’expérience musicale.
EXEMPLE :
Du pointdedela vue
Au delà du jeu, cette
représentation conception
d’une destine
œuvre, par l’instrument
exemple auxd’un
de le cadre utilisateurs
concert,
disposant d’une
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norme musiquesuffisante (norme) pour
est omniprésente pouvoir
dès lors mettre
que l’on en action
se penche sur
des touches du
les différents clavier,
outils ce qui n’est
et médiums pas unequi
techniques capacité universelle
composent (ex :musicale.
l’expérience handicap
moteur, polyhandicap, etc.).
EXEMPLE :
1
Du point de vue organologique, la conception moderne du clavier est basée sur la
gamme tempérée occidentale (norme), qui sélectionne un ensemble de
fréquences sonores précises (échelle) afin de les organiser par intervalles.
2
De plus, l’ambitus du clavier circonscrit l’étendue de cette gamme tempérée en un
nombre d’octaves précis (ex : 88 touches = 7 octaves et 3 demi-tons). Cette étendue
repose sur le champ (spectre fréquentiel) de l’audition humaine (norme).
3
Dans ces deux derniers exemples, comme en musique en général, l’audition
représente la norme d’accès privilégiée de l’expérience musicale, cela implique
donc la condition auditive de la personne qui, dans le cas de la surdité, peuvent
être totalement altérées. Il y a ici rupture de l’accessibilité.
On parle aujourd’hui de « musiques adaptées » pour décrire des situations
musicales au sein desquelles a été appliqué un processus consistant à rendre
accessible aux personnes en situation de handicap les moyens techniques
nécessaires à leur réalisation (musique en tant que tâche/activité).
Ce terme, « adapté », peut désigner à la fois :
• un état, c’est-à-dire une situation appropriée à la réalisation ou à la
compréhension d’une tâche,
• et un processus, c’est-à-dire une action permettant de rendre appropriée une
situation (envers soi-même ou envers un autre).
D’un point de vue cognitif, notre expérience du monde est fondée sur ce processus
d’adaptation, dans lequel, via nos interactions, nous sommes en permanence
(modèles dynamiques).
Parmi ces moyens techniques, la démocratisation de l’informatique musicale et des
lutheries numériques ont permis à de nombreuses tentatives d’instruments de
musique « adaptés » de voir le jour.
EXEMPLE : La BAO-PAO
La BAO-PAO
Le SoundBeam :
https://www.soundbeam.co.uk
L’Orgue sensoriel :
https://www.orguesensoriel.com
Eye play the piano
https://youtu.be/VHXx7XTPULE?t=48
https://www.youtube.com/watch?
v=985L-FzeVZA
QUEL EST LE RISQUE ?
Le jeu instrumental nécessite une participation physique de la part du musicien,
pouvant conduire à une situation handicapante pour certains individus.
Les principes de l’accessibilité universelle appliqués à la conception d’instruments
ou d’aides techniques musicales peuvent aboutir à des solutions inclusives, mais
cette approche nécessite une connaissance à la fois global et spécifique (ciblée) du
handicap pour pouvoir répondre équitablement aux besoins et exigences de
chacun.
Dans une autre mesure, proposer des solutions spécifiques à chaque situation de
handicap vise à favoriser la spécialisation de ces instruments, les éloignant de ce
fait de l’accès universel.
Au-delà de nos outils de production sonore, on peut déceler la présence de normes
à travers l’étendue de nos médiums techniques. De ce fait, la médiologie est une
discipline intéressante pour se rendre compte de leurs impacts .
Initiée par Régis DEBRAY, la médiologie est une discipline d’observation portant sur
l’étude systématique des interactions entre la technique et la culture via les
moyens de transport de l’information à travers l’espace et le temps.
MO Procédé général de
symbolisation (signe) Note
OM Éditeur, institut,
Cadre d’organisation
etc.
}
vidéosphère numérique
MO Procédé général de
symbolisation (signe) Note
OM Éditeur, institut,
Cadre d’organisation
etc.
}
vidéosphère numérique
Support physique
d’inscription, de stockage
MO Procédé général de
symbolisation (signe)
Matrice de formation
MÉDIASPHÈRES
Audio- Hypersphère
Mnémosphère Logosphère Graphosphère
vidéosphère numérique
MO Procédé général de
symbolisation (signe) Exemple : Note = système braille
OM Éditeur, institut,
Cadre d’organisation
etc.
? Alban BRICENO
Chargé de cours
Doctorant (5ème année)
EN CAS DE QUESTIONS Musicologie (Faculté des Humanités)
CEAC — SCALab
📧 alban.briceno@univ-lille.fr ou Moodle