Vous êtes sur la page 1sur 20

sous la direction de

Marcia Moraes
Virgínia Kastrup

Exercices de voir et non voir


Art et rechercheAVEC
des personnes handicapées visuelles

Traduction
Maria Candida de Castelbajac
et
Ghislaine Balland

Corpus Tactilis
Editions Les Doigts Qui Rêvent...
...Six Points Pour Brailler Plus Fort...
Exercícios de ver e não ver: arte e pesquisa com pessoas com deficiênca visual
Rio de Janeiro, 2010
NAU Editora
ISBN: 978-85-85936-84-6

© 2015 par Les Doigts Qui Rêvent


ISBN: 978-2-36593-054-3
ISSN: 1962-6584

Charte graphique : Stéphanie Rodier, Ph. Claudet


Relecture et corrections :
Françoise Paghent, Ph. Claudet
Mise en page : Ph. Claudet (Isso explica tudo!)

© 2015 Editions Les Doigts Qui Rêvent


11bis rue de Novalles, BP 93, F-21240 Talant-Dijon, France
Ldqr@wanadoo.fr - www.Ldqr.org - www.tactus.org
Sommaire

Préface // 13
Elcie Masini

Introduction // 17
Marcia Moraes & Virgínia Kastrup

SECTION 1
Construire une méthode et un problème de recherche // 30

ChercherAVEC : politique ontologique et handicap visuel // 31


Marcia Moraes

Actualiser des virtualités : construire l’articulation entre art et handicap visuel


// 56
Virgínia Kastrup

SECTION 2
Mouvement du corps et de la Clinique // 78

Atelier de Mouvement et d’expression avec des personnes handicapées


visuelles : un apprentissage collectif // 79
Laura Pozzana

Composition du non voir : en racontant des histoires //100


Camila Araujo Alves, Carolina Cardoso Manso, Josselem Conti de Souza Oliveira,
Julia Guimaraes Neves, Luz Eliodoraz, Luciana de Oliveira Pires Franco, Thadeu
Gonçalves, Vandré Vitorino, Marcia Moraes

Toucher, fabriquer, explorer, appliquer, commenter un dispositif clinique // 118


Alexandra C. Tsallis, ernardo Antonio, A. P. de Souza, Elisa Junger, Jessica David,
Leonardo Reis Moreira, Renata Machado, Rodrigo Pires Madeira, Virginia Menezes,
Willy H. Rulff
La canne comme instrument ludique dans l’orientation et la mobilité de la
personne handicapée visuelle // 137
Vera Regina Pereira Ferraz et Lucia Maria Filgueiras

SECTION 3
Accessibilité dans les musées // 152

L’accès à L’Art et à la Culture pour des personnes handicapées visuelles :


Droit et désir // 153
Viviane Panelli Sarraf

Accès tactile : une introduction à la question de l’accessibilité esthétique du


public handicapé visuel dans les musées // 173
Filipe Herkenhoff Carijo, Juliana de Moura Quaresma Magalhaes, Maria Clara de
Almeida

SECTION 4
Littérature et Cécité // 195

Du mythique au magique, de l’allégorie au réalisme : la littérature et ses


métaphores sur la cécité // 197
Joana Belarmino

À quoi bon la littérature // 209


Maria Helena Falcao Vasconcellos

Littérature, devenir-conscient et quelques considérations au sujet du conte Au


pays des aveugles, de H. G. Wells // 219
Maria do Carmo Cabral

SECTION 5
Politique et Citoyenneté // 233

Déficience et politique : vies soumises, récits insurgés // 235


Bruno Sena Martins
Ville accessible : égalité de droits et particularités de la personne handicapée
visuelle // 259
Jessica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

À propos des auteurs // 275


Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle1
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

Le handicap visuel n’est pas uniquement un problème de


nature biologique, car il est également marqué par des facteurs
sociaux, historiques et culturels, qui doivent être pris en compte pour
le comprendre en profondeur. Lorsque nous examinons la cécité2
de façon transversale, nous sommes confrontés à la nécessité de la
comprendre depuis le contexte où elle s’inscrit, c’est-à-dire, celui
d’un milieu fortement empreint par le paradigme oculocentrique
(Belarmino, 2004), organisé par conséquent autour de la vision. Ce
paradigme est présent dans diverses situations vécues quotidiennement
1.Publié à l’origine dans une version modifiée dans le journal Mnemosine Vol.5,
n°1 ; p.80-94, 2009. Ecrit basé sur une étude présentée lors des 1ère et 2ème étapes de la
Journée Julio Massarani d’Initiation Scientifique, Artistique et Culturelle de l’Université
Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).
2.À partir du milieu des années 70, au lieu de « déficients » ou « aveugles », le terme
de « personne déficiente-visuelle » (non-voyant en français) a été utilisé, soulignant
l’idée qu’une personne ne se définit pas par sa déficience. Mais récemment, ces mêmes
termes, « déficients » et « aveugles », ont été réappropriés politiquement par des groupes
activistes, cherchant à mettre l’accent sur eux en tant que groupe social avec des besoins
et revendications spécifiques. À cet égard, la discussion sur la terminologie appropriée
est vaste : aveugles, déficients visuels, handicapés visuels, personnes handicapées, non-
voyants. Dans cet article, nous emploierons un vocabulaire diversifié, comme le fait la
majorité des personnes handicapées visuelles que nous avons côtoyées.

254
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

par les personnes handicapées visuelles, parmi lesquelles ressortent


celles ayant un rapport avec le milieu urbain.
La vie des aveugles dans le milieu urbain a été marquée par
les limitations et par l’exclusion, alors que, simultanément se fait
jour la demande d’une participation plus effective et autonome dans
tous les aspects de la vie sociale. La difficulté grandissante à laquelle
doivent faire face les non-voyants dans leurs déplacements quotidiens
prend des proportions alarmantes lorsque nous observons le milieu
urbain de la ville de Rio de Janeiro. Il n’est pas rare que cet espace
environnant devienne inaccessible à tous, aveugles ou voyants, du fait
des innombrables obstacles dans les moyens de transports et sur les voies
publiques. Nous sommes fréquemment face à des milieux restrictifs ou
des espaces environnants inaccessibles et des structures qui excluent.
En nous basant sur divers rapports d’accidents dans trois
situations quotidiennes particulières, nous avons réalisé une étude
pour comprendre comment les personnes aveugles parviennent à les
gérer. Ce sont : prendre un autobus, traverser la rue, et éviter les cabines
téléphoniques [NdT : « orelhão » dans le texte : littéralement, « grande oreille »,
surnom donné aux cabines téléphoniques de Rio du fait de leur forme ressemblant à
un large pavillon d’oreille, difficile à éviter par un non-voyant]. Nous avons essayé
de comprendre les difficultés créées par ces situations en étudiant les
caractéristiques de locomotion des handicapés visuels et en menant une
réflexion sur les moyens de réduire les difficultés rencontrées, favorisant
le déplacement des non-voyants et leur accès à la ville.

Normes et politiques d’accessibilité

Selon le Décret 3.298, du 20/12/1999, une personne porteuse


de déficience est celle présentant, de façon permanente, une perte
ou anomalie d’une structure ou d’une fonction psychologique,
physiologique ou anatomique, qui engendre une inaptitude à mener
des activités considérées comme normales. Au Brésil, une personne est
considérée comme porteuse de déficience visuelle lorsqu’elle présente
une acuité visuelle égale ou inférieure à 20/200 à son meilleur œil,
après correction, ou si son champ visuel est inférieur à 20° (tableau de
Snellen3), ou encore s’il y a incidence simultanée des deux facteurs.

255
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

L’Association Brésilienne de Normes Techniques (ABNT),


par la NBR 9050: 1994, définit l’accessibilité comme les « possibilités
et conditions pour percevoir et appréhender les édifices, espaces
environnants, meubles, équipements urbains et éléments urbains ».
Ainsi, l’accès, l’entrée et l’utilisation de toute installation de bâtiment
public ou privé doit être accessible à tous. Bien que l’emploi des normes
techniques soit sur une base volontaire, elles ont force de loi lorsqu’elles
sont explicitement mentionnées dans le corps législatif. C’est le cas des
normes d’accessibilité, par exemple, qui sont devenues partie intégrante
de la législation fédérale et des états.
En 1985, a été créée la première norme technique de l’ABT sur
le sujet. Elle s’intitule « Adequação das Edificações, Equipamentos e
Mobiliario Urbano à pessoa portadora de deficiência » (Adaptation des
Bâtiments, Equipements et Mobilier Urbain en faveur de personnes
handicapées ») - NBR 9050, stipulant les standards suivants :
1.Signalisation lumineuse et sonore dans les entrées de stationnement
avec circulation de véhicules et de piétons (article 9.1.8) ;
2.Existence de dispositifs pouvant être opérés par les malvoyants dans
les traversées piétonnes avec feu de signalisation (article 9.1.9) ;
3.Communication sonore dans les ascenseurs, indiquant l’étage
d’arrêt de l’ascenseur – ce standard s’applique aux bâtiments publics
et habitations collectives dans lesquelles le nombre d’arrêts de
l’ascenseur est supérieure à deux (article 10.3.3.3) ;
4.Communication tactile dans les téléphones publics permettant les
appels interurbains/ internationaux (article 10.4.2).
La Loi 10.098/00 stipule l’élimination de barrières et obstacles
sur les voies et espaces publics, bâtiments, moyens de transports ou de
communication qui limitent l’accès, la liberté de circuler en sécurité
des personnes non-voyantes (art.1 et art.2, II). Voici quelques-unes des
mesures préconisées :
1.Obligation pour les véhicules de transport collectif, de respecter les
normes d’accessibilité établies par les normes techniques spécifiques
(art.16) ;

3. Le tableau de Snellen, aussi connu comme les acuités Snellen ou échelle d’optométrie
de Snellen, est un diagramme utilisé pour évaluer l’acuité visuelle. Il est composé d’un
ensemble de lettres de différents ordres de grandeur disposées de façon aléatoire.

256
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

2.Les feux de circulation pour piétons installés sur les voies publiques
doivent être équipés d’un mécanisme émettant des signaux sonores
doux, intermittents et peu stridents, ou d’un mécanisme alternatif,
servant de guide ou d’orientation pour aider la traversée de personnes
malvoyantes, si le volume de trafic et la dangerosité de la voie le
nécessitent (art.9).
Toutefois, nous observons que quelques-unes des difficultés
rencontrées par les malvoyants dans leur quotidien ne sont pas
prises en compte par la loi, comme, par exemple, les trous dans les
trottoirs. De plus, combien même certains aspects sont pris en compte,
tel que la signalisation sonore des feux de circulation, d’autres tout
aussi importants ne le sont pas. Ceci est évident, par exemple, en ce
qui concerne la durée de temps trop courte réservée à la traversée et
l’absence de bande tactile sur le sol des passages piétons, permettant
une traversée rectiligne.
Ce texte est le résultat d’une recherche effectuée auprès de
malvoyants à proximité de l’Institut Benjamin Constant –école et centre
de réhabilitation pour personnes handicapées visuelles– et du Campus
de Praia Vermelha de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro. Nous avons
utilisé une méthode que nous avons appelée « entretiens-promenade » :
accompagnés des interviewés, nous nous promenions dans la ville. Les
entretiens-promenades ont été réalisés avec trois personnes aveugles
du service de réhabilitation de l’Institut Benjamin Constant, dont un
aveugle congénital et deux personnes devenues aveugles.
Ce dispositif a été créé pour étudier les aspects cognitifs
impliqués dans trois situations quotidiennes choisies pour les fins de
cette recherche, c’est-à-dire, traverser une rue, prendre un autobus
et éviter un orelhão, comme nous l’avons déjà expliqué. Nous avons
demandé aux trois participants non-voyants de nous guider dans la
rue, indiquant à chaque fois les difficultés rencontrées, ainsi que les
stratégies développées pour se déplacer dans la ville. De cette façon,
nous appuyant sur leurs récits, dans un élan de coopération mutuelle,
nous avons cherché à construire un savoir, transformateur tant pour les
chercheurs que pour les sujets de la recherche.
Ainsi, il ne s’agit pas d’une recherche faite pour ou sur les
aveugles, mais AVEC eux, conformément à ce que préconisent
actuellement divers auteurs (Varela. s.d : Varela, Thompson et Rosch,

257
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

2003 ; Latour 2001, 1999, Mol 1999, 2002 ; Mol & Law, 2000, 2003).
Ces formulations théorico-méthodologiques s’appuient sur un mode
de recherche qui a été développé et que nous partageons, appelé
PesquisarCOM4 (RechercherAVEC) (Moraes, 2008 ; Alvarez et Passos,
2009 et Pozzana et Kastrup, 2009). Il relie la production de connaissances
et l’intervention sur le terrain, soutenant que les stratégies d’action
deviennent plus pertinentes lorsqu’elles sont élaborées conjointement.
D’ordinaire, quand nous parlons de handicap, nous soulignons
les différences entre personnes handicapées et valides, faisant ressortir
surtout ce qui est absent chez les premières pour qu’elles soient
considérées comme « normales ». Dans le cas du handicap visuel, cette
façon erronée de comprendre, analyse le déficit sensoriel comme
incapacitant physiquement et intellectuellement pour l’individu.
L’aveugle n’est pas seulement perçu comme quelqu’un qui ne voit
pas, mais, parfois, comme quelqu’un ne pouvant pas être autonome,
intéressant et productif.
Du point de vue biologique, le déficit sensoriel à lui seul,
n’implique pas des problèmes de développement cognitif (Hatwell,
2003). Néanmoins, comme l’affirme Martins (2005), « le non-accueil
des handicapés dans la société est surtout dû aux obstacles physiques,
sociaux et culturels qui les empêchent de participer à la vie sociale »
(p.4).
Toutefois, proposer une participation plus active dans les
diverses sphères de la vie en société ne signifie pas qu’ils seront comme
les voyants. Nous devons prendre en compte que la cécité engendre
des particularités, et nous soulignons ici celles qui les gênent dans
leurs déplacements. D’un autre côté, il est possible de se déplacer dans
les espaces publics avec suffisamment d’autonomie si des conditions
spécifiques sont remplies, c’est-à-dire que les difficultés peuvent être
réduites si on met en place certaines adaptations permettant des
déplacements urbains mieux sécurisés.
La personne aveugle peut apprendre à se déplacer de façon
autonome en prenant des cours de locomotion (comme ceux dispensés
à l’Institut Benjamin Constant) et en développant des stratégies

4. À ce sujet, cf. le chapitre PesquisarCOM (RechercherAVEC) : politique ontologique


et handicap visuel, par Marcia Moraes, inséré dans ce recueil.

258
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

inventives. Toutefois, au vu des conditions de l’espace urbain de


nombreuses villes, le non-voyant doit souvent dépendre de l’aide des
voyants, comme nous l’a dit une des personnes interviewées : « Parfois
j’attends quinze minutes pour traverser la rue. S’il existait davantage de
feux sonores, je n’aurais pas besoin d’attendre autant ».

Localisation et déplacement spatial : aspects cognitifs, difficultés


et stratégies

Selon Yvette Hatwell (2003), les études cognitives montrent


que la cécité n’implique pas de handicap sur le plan intellectuel. La
plus grande difficulté du handicapé visuel concerne sa perception de
l’espace et la mobilité spatiale. Cette difficulté provient de l’absence de
données perceptives en provenance de l’espace environnant. Hatwell
(2003) et Lenay et al. (2001) soutiennent que la différence cognitive
entre aveugles et voyants porte sur leur manière différente de se
déplacer et leur perception de l’espace, ce qui a des conséquences sur
leurs déplacements dans la ville.
Selon Hatwell (2003), la locomotion autonome est définie
comme étant : l’assurance dans la marche, l’efficacité à atteindre une
destination, l’agrément et le confort du déplacement, l’harmonie des
mouvements et l’indépendance physique du piéton.
La localisation et le déplacement spatial sont nécessaires pour
mener à bien beaucoup d’actions au quotidien, comme de prendre un
autobus, traverser une rue ou éviter un « orelhão » sur un trottoir. Pour
les handicapés visuels, ces activités peuvent présenter de nombreuses
difficultés.
La vision est très importante pour l’organisation posturale,
le contrôle de l’équilibre bipède et la locomotion dans la mesure où
elle apporte, continuellement, une mise-à-jour des références spatiales
extérieures au corps, de façon à compléter les informations provenant
de la proprioception. En plus, c’est grâce à elle, que nous pouvons
élaborer un trajet depuis des informations distantes et des obstacles
que nous aurons à éviter. En ce qui concerne les propriétés spatiales de
l’espace environnant, aucune modalité perceptive n’est aussi complète
quantitativement et qualitativement. Selon Reiser et al. (1990), le

259
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

voyant reçoit en permanence des informations visuelles, et c’est grâce


à la relation entre les mouvements exécutés et les changements de
distance et de direction progressifs entre les objets et soi-même que la
locomotion dans l’espace environnant est possible.
Bien que le terme de pré-vision (Hatwell, 2003) puisse créer des
malentendus, il ne décrit pas seulement la vision, car il ne s’agit pas
d’un stade précédant la vision ou la capacité de prévoir ce qui n’a pas
encore eu lieu. Il s’agit donc de la possibilité de percevoir, à distance,
les obstacles du trajet à parcourir. La locomotion des aveugles a, entre
autres particularités, l’absence de pré-vision. Ainsi, les handicapés
visuels ont des difficultés à percevoir les obstacles du parcours avant de
les heurter avec leur propre corps. L’absence de pré-vision rend difficile
l’anticipation et le contour des obstacles. Cela engendre de l’insécurité
lors de la marche, le besoin de faire appel à des tracées mnémoniques
(par exemple, les noms de rues et des cartes cognitives) et oblige à prêter
attention aux informations provenant d’autres modalités sensorielles,
comme l’ouïe et le toucher, pour se rendre compte des obstacles du
trajet. C’est-à-dire, en entendant le bruit de pas, on sait que quelqu’un
approche ; en tâtonnant et en utilisant la canne, on détecte la présence
d’obstacles ou de personnes qui se trouvent sur le chemin. Bien que
d’autres modalités sensorielles apportent un certain degré de pré-vision,
il est limité et peu précis.
La proprioception, que nous appelons aussi « le ressenti de son
propre corps » (Sacks, 1997), rend possible la construction d’une image
corporelle qui change à chaque mouvement et est indispensable à
l’équilibre et à l’exécution de l’action. Sans la perception visuelle de son
propre corps et des conséquences sur son déplacement dans l’espace
environnant, les aveugles se servent d’informations proprioceptives
pour garder leur équilibre. Toutefois, ces informations semblent moins
précises que celles apportées par la vision. Cela peut engendrer un plus
grand risque de déséquilibre et de chute, même à l’arrêt, pour un non-
voyant par rapport à un voyant. Cette instabilité s’aggrave encore lors
des déplacements, surtout dans les espaces urbains, en fonction de leurs
structures.
Le toucher est le mode perceptif qui se rapproche le plus
de la vue, et son importance fonctionnelle dans la vie pratique des
aveugles a été fortement mise en évidence. De manière générale, c’est

260
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

principalement du toucher que dépendent les aveugles pour accéder à


des informations spatiales et physiques dans leur environnement. Avec
la perception tactile, les non-voyants élaborent les références nécessaires
à leur déplacement. Le toucher est un sens proximal rendant possible
l’accès aux informations dans l’espace environnant (forme, taille,
orientation, distance, localisation, etc.) qui seraient perçues par la vue.
Parce qu’elle dépend du contact direct, la perception tactile oblige
le non-voyant à chercher intentionnellement des repères avec des
mouvements exploratoires, exigeant beaucoup de concentration. De
plus, à cause du champ perceptif limité, le toucher ne fournit pas de
différentiation adéquate entre figure et fond, c’est-à-dire qu’il n’apporte
pas de référentiel stable capable de configurer un système de référence
exocentrique. Donc, le toucher mène souvent à un traitement spatial
egocentrique, c’est-à-dire, basé sur son propre corps ou sur des codes de
mouvements exploratoires.
La faible pré-vision apportée par les systèmes alternatifs à la
vue est une des plus grandes difficultés à laquelle doit faire face la
personne aveugle, comme nous l’avons déjà constaté. La canne est l’un
des plus anciens dispositifs techniques d’aide aux déplacements, car,
s’appuyant sur la perception tactile, elle donne à l’aveugle une sorte de
pré-vision, rendant possible l’obtention d’informations anticipées sur
les obstacles présents sur son trajet. Toutefois, la portée de la canne
est très restreinte, de sorte que la pré-vision apportée est limitée et ne
garantit pas des déplacements en toute sécurité. La canne est utilisée en
mouvement de balayage permettant de vérifier la présence d’obstacles,
terrains en pente, types de sol, etc. Un de nos interviewés a montré son
l’importance en parlant des trous dans les trottoirs, si répandus dans
les villes et que nous avons rencontrés à maintes reprises pendant les
trajets parcourus. « Lorsque la canne me prévient qu’il y a un trou, je la
positionne devant moi et j’avance lentement. Autrement, je risquerais
fort de tomber ».
Toutefois, la canne ne permet pas de détecter des obstacles
aériens et des objets comme une poubelle ou un orelhão, ce que nous
avons clairement constaté lors de nos entretiens-promenades : « Si je
veux une poubelle pour y jeter quelque chose, j’y vais avec la canne ;
si je ne trouve pas, je demande à quelqu’un. Mais souvent il m’arrive
de rentrer dedans ». La locomotion avec la canne est facilitée par

261
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

l’utilisation d’une ligne de guidage, qui, en ville, peut être un muret


ou un bord de trottoir. Cette ligne de guidage fonctionne comme un
repère continu grâce auquel le non-voyant se guide, gardant toujours la
même distance entre lui et ce repère. L’utilisation et l’importance d’une
ligne de guidage a été mise en évidence lors des interviews-promenades.
Une des interviewées en faisant ses adieux nous a demandé « Emmenez-
moi près du mur pour que je puisse longer la ligne de guidage. Si je
suis le muret je ne me perds pas ». Un autre a remarqué que la ligne de
guidage lui permettait aussi un déplacement plus rectiligne.
L’ouïe, comme la vue, est un sens distal. Toutefois, il est souvent
plus difficile de repérer une source sonore et elle est, généralement
moins précise que la localisation visuelle, surtout parce que la position
d’un objet peut varier dans trois dimensions dans l’espace (verticale,
horizontale et sagittale). Tout comme le toucher, l’ouïe dépend d’une
appréhension successive de stimulations environnementales. Ce
caractère confère à ce sens une spécialisation temporelle qui, investie
d’attention, acquiert toute son importance dans la localisation et les
déplacements. Il est possible de trouver une source sonore en se servant
de l’ouïe et en se basant sur l’ordre temporel où sont entendus les bruits.
À cette fin, les aveugles tournent souvent une oreille dans la direction
d’un bruit, pour que l’autre en soit la plus éloignée possible. Ainsi, le
bruit arrive d’abord à l’oreille la plus proche de la source sonore et
ensuite à l’autre, maximisant l’écart de temps d’arrivée entre chaque
oreille (Hatwell, 2003).
L’ouïe de l’homme a une capacité de discrimination limitée. Elle
ne distingue pas facilement les sons de même amplitude et d’intensité
acoustique ayant lieu simultanément. Pour cette raison, la modalité
auditive est moins à l’abri d’interférences par des stimulations inutiles
(Rosa et Ochaita, 1993). Une des interviewées dit « Le vent complique
beaucoup notre perception, parce qu’il interfère avec notre écoute.
Nous n’entendons pas les bruits correctement ». Pour le handicapé
visuel, qui a besoin de son ouïe pour s’orienter dans l’espace, il devient
difficile de faire la distinction entre un son pertinent et un son qui ne
l’est pas au milieu du vacarme caractéristique des centres urbains. C’est
ce qui arrive lorsque le signal sonore d’une porte de garage qui s’ouvre
est masqué par un bruit de circulation intense, par exemple.

262
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

Peu de références spatiales sont perceptibles à l’odorat. De


plus, cette perception a une portée limitée, la localisation des objets et
l’estimation des distances par l’odorat deviennent peu précises. C’est
une modalité perceptive à laquelle nous faisons peu souvent appel
et qui semble peu utilisée pour la perception spatiale (Rosa, A. et
Ochaita, 1993). Lors des entretiens-promenades, aucun des participants
n’a mentionné ce sens. Actuellement, peu d’études s’adressent au
développement et à l’utilisation de l’odorat en l’absence de vision5.
Normalement, les aveugles disent utiliser les odeurs de leur entourage
pour la reconnaissance d’objets, personnes et lieux (Hatwell, 2003).

Parfois, plus souvent qu’on ne le pense, nous utilisons l’odorat pour


distinguer et pour connaître certains éléments dans l’espace environnant. Ainsi,
nous trouvons et reconnaissons un lieu, une boulangerie, par exemple, grâce à
l’odeur de pain qu’elle exhale. De cette façon, lorsque nous associons un parfum
à un élément environnemental, nous en gardons un souvenir durable (Rosa et
Ochaita, 1993, p. 2008).

La vision apporte des références externes fixes par lesquelles


nous pouvons en permanence corriger notre posture. La cécité
affecte la posture, car elle rend difficile le positionnement du corps
en relation aux objets environnant (puisque, en absence de vision,
ce positionnement dépend surtout de la proprioception). La posture
caractéristique des aveugles, à son tour, diminue les apports sanguins
nécessaires aux différentes parties du corps, ce qui a apparemment
des conséquences sur l’acuité de la proprioception, avec un impact sur
l’équilibre. L’insécurité, directement liée à l’absence de pré-vision et
au risque permanent de heurter un obstacle, donne lieu à une marche
lente, caractérisée par des pas courts. Selon Hatwell (2003), plus nous
marchons lentement, plus nous avons « tendance à tourner » et à changer
de direction, c’est-à-dire que nous avons une trajectoire curvilinéaire. À
cause de cette marche lente, les aveugles ont plus tendance à quitter
leur trajectoire, car ils ont plus « tendance à tourner », ce qui complique
leurs déplacements.

5. Cf. Murphy et Cain, 1985 ; Smith, Doty et Bulingame, 1993 ; Rosenbluth, Grossman
et Kaitz, 2000.

263
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

Afin de comprendre cette « tendance à tourner », il est nécessaire


de prendre en compte à la fois des indices externes et des indices
corporels proprioceptifs. Une asymétrie accentuée de la posture, par
exemple, aura comme conséquence d’incurver la trajectoire vers le côté
opposé à celui vers lequel nous sommes inclinés. Un bruit inutile peut
affecter la trajectoire, nous attirant dans la direction de la provenance
du son. Cette « tendance à tourner » existe chez tout le monde, mais
chez le non-voyant, elle devient un facteur de risque, car il n’a pas un
flux visuel continu permettant de corriger l’itinéraire en permanence.
Ainsi par exemple, il peut se trouver désorienté, en traversant une rue,
marchant à la fois tout droit et légèrement vers la droite, au lieu de
seulement tout droit.

Une ville qui exclut

La dynamique de la ville, en plus d’être organisée sur un


paradigme oculocentrique, est caractérisée par des changements
continuels et des éléments temporaires constituant les obstacles les plus
divers. Le mobilier urbain est, en grande partie, disposé à travers la ville
de manière chaotique, et nous en avons plusieurs exemples : cabines
téléphoniques et poubelles sans signalisation, travaux non-sécurisés ou
sans cordon de sécurité, véhicules garés irrégulièrement sur les trottoirs,
égouts et canalisations ouvertes, absence de signaux sonores, auvents
bas et débordant sur le trottoir ainsi que d’autres obstacles aériens,
pavés irréguliers, bruits excessifs, absence de bandes de sécurité pour la
traversée des piétons et trottoirs irréguliers, etc.
Avec un espace urbain mal planifié et mal organisé, des accidents
arrivent fréquemment aux non-voyants qui s’aventurent dans les rues de
Rio de Janeiro. Nos interviewés ont rapporté quelques accidents qui
leur sont arrivés lorsqu’ils se déplaçaient seuls dans la ville. L’un d’entre
eux et tombé dans une bouche d’égout et s’est cassé toutes les dents. Un
autre a eu un accident à la gare, en tombant entre la plateforme et le
wagon du train. De plus, tous parlaient des nombreux trottoirs défoncés
de la ville, soulignant combien les pavés irréguliers rendaient difficiles
leurs déplacements, les ralentissaient et étaient sources de dangers.
Tous se plaignaient des automobiles garées sur les trottoirs. Lors d’un

264
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

des entretiens-promenades, un des participants a dû passer entre un


mur et une voiture garée irrégulièrement sur le trottoir, qui était déjà
bien étroit, en faisant très attention et avec l’aide d’un voyant. S’il n’y
avait pas eu de voyant à proximité, il aurait fallu prendre le risque de
contourner l’obstacle en passant en plein milieu de la rue ou attendre
que quelqu’un se propose de lui venir en aide.

Trois situations difficiles : contourner un orelhão, traverser une


rue, prendre un autobus

Lors des entretiens-promenades, nous avons observé les


difficultés inhérentes à ces trois situations. Contourner un orelhão a été
cité par les trois interviewés. Cela provient de ce que seule la base de
l’orelhão –plus étroite que sa partie supérieure– peut être détectée par
le mouvement de balayage de la canne. Un des interviewés nous a décrit
une situation où il a heurté un orelhão : « Une fois, j’ai non seulement
heurté un orelhão, mais je suis carrément entré dedans ! Attention, je
ne voulais même pas téléphoner. Il faudrait qu’il y ait quelque chose
autour pour nous alerter ». D’autres interviewés ont décrit des situations
semblables. On ne trouve ce genre de repère pour l’orelhão qui seulement
devant l’Institut Benjamin Constant, alors que, un peu plus loin, dans la
même rue, ainsi qu’en face, il n’y a plus de signalisation.
Traverser la rue a été cité comme présentant une des plus
grandes difficultés pour le déplacement des non-voyants. Une des
interviewés nous a dit qu’elle n’estime pas sûr de traverser la rue seule,
même devant l’Institut Benjamin Constant, où existe une signalisation
sonore. Une autre a dit que les instructeurs de locomotion ne conseillent
pas aux non-voyants de traverser seuls une rue lorsqu’il n’y a pas de
signal sonore. Elle a ajouté qu’elle connaissait quelqu’un en phase de
réadaptation, qui s’est fait renversé parce qu’il était pressé et n’a pas
voulu attendre l’aide d’un voyant.
En plus, nous devons souligner que même lorsqu’il existe
un signal sonore, il ne prend pas en compte le temps nécessaire à la
traversée typiquement plus lente pour un non-voyant. Les feux, en
règle générale, mettent longtemps pour passer au vert piéton alors que
le temps de traversée est trop court. Pour cette raison, le non-voyant

265
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

est souvent obligé de marcher plus vite, prenant le risque de faire une
chute, ou bien il doit attendre qu’un voyant vienne l’aider.
Pour prendre un autobus nous dépendons aussi de la vision.
Sans la vue, nous n’avons pas le moyen de savoir quel autobus arrive.
Les interviewés ont expliqué comment ils font face à ce problème.
Lorsqu’ils veulent prendre un autobus donné, ils demandent de l’aide
à quelqu’un qui se trouve à l’arrêt. Si personne ne s’y trouve, grâce à
l’ouïe, ils entendent approcher l’autobus, lui font signe et demandent
au conducteur si c’est bien l’autobus qu’ils attendent. Pour descendre,
ils demandent au contrôleur ou au conducteur de les prévenir quand ils
arrivent à l’arrêt souhaité. À l’arrêt d’autobus devant l’Institut Benjamin
Constant, il y a un marquage au sol en relief sur le trottoir pour signaler
l’emplacement aux handicapés visuels. Toutefois, ce genre de marquage
n’existe pas dans la plupart des autres arrêts d’autobus de la ville,
rendant leur repérage très difficile.

Attention aux particularités cognitives pour assurer l’égalité des


droits

Comme nous l’avons souligné tout au long de ce texte, la princi-


pale difficulté des non-voyants concerne leur mobilité spatiale. Toutefois,
bien que la tâche de se déplacer librement dans l’espace environnant
soit difficile à cause des particularités cognitives généralement associées
à la cécité, des déplacements plus sûrs et autonomes sont possibles si
certaines conditions sont respectées –certaines sont déjà prévues par
la loi. À partir des observations et des entretiens-promenades réalisés,
nous avons constaté que le mobilier urbain disponible autour de
l’Institut Benjamin Constant, lieu où l’on s’attendrait trouver le plus
d’adaptations aux besoins des handicapés visuels, est très précaire. Nous
avons constaté que, même autour de ce lieu, la majorité des aveugles est
accompagnée par des voyants lors des déplacements.
Afin de garantir un accès aux voies publiques, à la fois plus
étendu et de qualité, il est nécessaire que soient dûment appliquées
les lois d’accessibilité. Pour autant, cela ne suffirait pas. Le handicapé
visuel doit pouvoir participer activement au processus d’élaboration de
ces lois. Après tout, nul autre qu’un non-voyant ne connaît mieux les

266
Jéssica David, Ximene Martins Antunes, Veronica Torres Gurcel

principales difficultés engendrées par la cécité à ses déplacements. De


plus, des études cognitives devraient orienter la formulation de normes
de signalisation du mobilier urbain, travaux et moyens de transport.
Par exemple, la marche des non-voyants, caractérisée par l’absence de
pré-vision (en partie compensée par l’utilisation de la canne), par une
tendance à tourner et par une plus grande lenteur, devrait être prise en
compte en concevant des feux de circulation accessibles. Ces derniers
devraient être munis d’un signal sonore, d’une bande podotactile sur le
sol (afin d’aider le non-voyant à garder une trajectoire droite) et d’un
temps plus long pour traverser de la rue.
Pour conclure, il est important de souligner que, en cherchant des
solutions à une ville accessible, égalité et particularités cognitives ne sont
pas opposées. Il ne s’agit pas de défendre un point de vue gommant les
différences ou parlant d’expériences de vie diamétralement opposées ;
il s’agit de constater que l’égalité des chances est un combat passant
par la reconnaissance des différences entre non-voyants et voyants, car
ce n’est qu’à travers cette reconnaissance, que nous pourrons créer les
conditions répondant aux besoins des personnes aveugles.

Références

-Alvarez, J. et Passos, E. (2009). «Cartografar é habitar um território


existencial». In: Pistas do Método da Cartografia: pesquisa-intervenção e
produção de subjetividade. Porto Alegre: Editora Sulina.
-Associação Brasileira de Normas Técnicas. Acessibilidade de Pessoas
Portadoras de Deficiências a Edificações, Espaço, Mobiliário e Equipamento
Urbanos. NBR 9050. Rio de Janeiro: ABNT, 1994.
-Belarmino, J. Aspectos comunicativos da percepção tátil: a escrita em relevo
como mecanismo semiótico da cultura. Thèse de Doctorat. Programa de
Pós-Graduação em Comunicação e Semiótica. Pontifícia Universidade
Católica de São Paulo: 2004.
-Hatwell, Y. Psychologie cognitive de la cécité precoce. Paris: Dunod, 2003.
-Kastrup, V. A invenção na ponta dos dedos: a reversão da atenção em
pessoas com deficiência visual. Psicologia em Revista : 2007.
-Latour (2001). A Esperança de Pandora. Bauru: EDUSC.
-Latour (1999) How to talk about the body? http://www.bruno-latour.fr/

267
Ville accessible : égalité de droits et particularités
de la personne handicapée visuelle

-Lenay C., Gapenne, O., Stewart, J., The Constitution of Spatiality in Relation
to the Lived Body : a Study based on Prosthetic Perception, Symposium at the
3rd International Conference on Cognitive Science, Beijing, China:
2001.
-Martins, B. D. G. S., Políticas sociais na deficiência: Exclusões
perpetuadas. 2005 http://www.ces.uc.pt/publicacoes/oficina/228/228.
pdf (consulté en décembre 2008)
-Mol, A. (2002) The body multiple: ontology in medical practice. USA: Duke
University Press.
-___________ (1999) Ontological Politics. A word and some questions. In:
LAW, J. E
-Mol, A. & Law, J. (2003) Embodied action, enacted bodies. The example of
hypoglicaemya : http://bod.sagepub.com/
-Mol, A. & Law, J. 2000) Situating Technoscience: an Inquiry into Spatialities :
http://www.comp.lancs.ac.uk/sociology/papers/Law-Mol-Situating-
Technoscience.pdf
-Moraes, M. O. (2008). A contribuição da antropologia simétrica à
pesquisa intervenção em psicologia social: uma oficina de expressão
corporal com jovens deficientes visuais. Psicologia e Sociedade, v. esp, pp.
41-49.
-Pozzana, L. e Kastrup, V. (2009). Cartografar é acompanhar um
processo. In: Pistas do Método da Cartografia: pesquisa-intervenção e produção
de subjetividade. Porto Alegre: Editora Sulina.
-Rieser, J., Ashmead, C., Taylor, C., Youngquist, G. Visual perception and
the guidance of locomotion without vision to previously seen targets,
Perception, 19, 1990: 675-689.
-Rosa, A. & Ochaíta, E. Psicologia de la ceguera. Madrid: Alianza Editorial,
1993.
-Sacks, Oliver. O homem que confundiu sua mulher com um chapéu.
São Paulo: Companhia das Letras, 1997.
-Varela, F. (s/d) Conhecer. Lisboa: Instituto Piaget.
Varela, F., Thompson, E. & Rosch, E. (2003) A mente incorporada. Porto
Alegre: Artmed.

vnv
268

Vous aimerez peut-être aussi