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Emploi, famille, logement :

quels outils pour mesurer les conséquences des mobilités


résidentielles ?

« La multilocalité résidentielle : quelle méthodologie des approches statistiques »

SAGE et GIS « Mondes Germaniques »

Strasbourg, 22/02/2013

Thomas Sigaud

Doctorant en sociologie (4e année)

IRISSO, Université Paris Dauphine

thomas.sigaud@dauphine.fr

Tantôt notion, concept ou métaphore, la o ilit est aujou d hui au œu d a itieu


projets de recherche en sciences sociales. Après des travaux fondateurs remontant aux
années 1990 (Augé 1992 ; Castels 1996 ; Kaplan 1996 ; Bauman 2000), elle a été mise au
fo de e t d une nouvelle ambition paradigmatique (Urry 2000). Le « nouveau paradigme
des mobilités » (Sheller et Urry 2006) a maintenant sa revue spécialisée, Mobilities, son
a uel Ade , ses e t ep ises fle i es C ess ell , . Il s appuie su des
o jets d u e g a de l gitimité sociale et scientifique. Cette légitimité est fondée par

1
e e ple su la elle de a de ui s e p i e autou des uestio s li es à la gestio
o o i ue, politi ue et so iale des d pla e e ts, ou su l i po ta e des p o l es
encore soulevés par le développement de « nouvelles » formes de mobilité comme les
mobilités numériques. Le paradigme des mobilités tire sa force de sa prétention à saisir
l a ti ité sociale dans son ensemble : ap s tout, est-il pas vrai que « all the world is on the
move » (Sheller et Urry 2006, p. 207) ? U e a o da te litt atu e s est do d elopp e au
fil des a es da s le sillage de e ou eau pa adig e, o stitua t e u o peut appele les
mobility studies1. Ces travaux portent sur des formes aussi variées de mobilité que les
d pla e e ts auto o iles, le aga o dage, les o ages d affai e, la navigation sur internet,
la marche, le tourisme, la danse, la i ulatio d i di idus uip s de « smartphones », la
mobilité imaginaire… Mais da s l i e tai e i puisa le des fo mes de mobilité u tudie t
les mobility studies, il y a toujours une absente : la mobilité résidentielle.

En effet, on ne trouve aucune trace de la mobilité résidentielle aussi bien dans les travaux
fondateurs que dans les récentes contributions synthétiques et programmatiques (Adey
2010 ; Cresswell 2010, 2011 ; Sheller 2011)2. Cette absence est révélatrice de la façon dont
les sociologies des mobilités se sont construites. Car les contributions aux mobility studies
partagent toutes la même conception de la mobilité, perçue comme un moyen de dépasser
les cadres contraignants hérités du monde industriel. Les individus mobiles peuvent accéder
à de nouvelles ressources, réinventer leurs identités, composer leurs trajectoires et leurs
modes de vie en puisant da s u o de d oppo tu it s et de od les ui a d aut es
limites que celles de la mobilité elle-même. Ainsi, les mobility studies mobilisent deux figures
o ati es. D a o d elle de la fluidité, p op i t d u o de d so ais fo d su des
mobilités individuelles réversibles et libératrices. Ensuite celle du nomadisme, mode de vie
insensible aux frontières et aux dispositifs localisés de contrôle (Makimoto et Manners
1997 ; Knafou, Touraine et Pierret 1998 ; D A d ea . O , les o ilit s side tielles ne
el e t d au u e de es deu figu es o ati es. D a o d pa e u elles e so t ue
difficilement et coûteusement réversibles (Schneider et Limmer, 2008) et donc peu fluides.

1
A l’instar de Cresswell (Cresswell 2010, p. 555), on peut choisir de mettre l’accent sur l’unité d’ensemble du
regard que ces auteurs portent sur le monde social tout en gardant à l’esprit que les « mobility studies »
regroupent des travaux à de nombreux égards hétérogènes et que tous les auteurs qui y contribuent ne
s’identifient pas à la même ambition paradigmatique.
2
Il n’y a à notre connaissance qu’une exception : l’article de Metcafle dans la revue Mobilities (Metcalfe 2006),
au demeurant fort stimulant.

2
E suite, et les deu so t li s, pa e ue l i di idu e o ilit side tielle est moins un
o ade u u s de tai e e ou e e t e t e deu i stallatio s. O peut d ailleu s ote
que les auteurs qui évoquent la mobilité résidentielle (Kaufmann 2011, p. 27-28) sont aussi
ceux qui entretiennent un rapport plus distant avec la double figure de la fluidité et du
nomadisme (Montulet et Kaufmann 2004 ; Kaufmann et Montulet 2008, p. 52- . Il e
este pas oi s ue les o ilit s side tielles so t pa d fi itio des o ilit s, et u elles
doivent être étudiées comme telles.

Si la mobilité résidentielle ne peut pas être négligée, est pa e u elle a la particularité de


mettre en jeu trois dimensions des trajectoires des individus : professionnelle, résidentielle
et familiale. En effet, la lo alisatio est pas une variable comme une autre ; elle est
porteuse de sens et toujours spécifique (Bonvalet et Dureau 2000). Les choix résidentiels des
individus les inscrivent dans des territoires, lesquels définissent des ensembles de ressources
et de contraintes spécifiques à partir desquelles les individus composent leur mode de vie.
La mobilité résidentielle remet en cause ces arrangements localisés et oblige les individus à
les recomposer. Ainsi, elle les rapproche ou les éloigne de leur cercle familial (Bonvalet et
Lelièvre 2005, 2012 ; Imbert 2005) et de leur réseau de relations amicales (Bidart, Degenne
et Grossetti 2011). En termes professionnels, elle les i s e da s u ou eau assi d e ploi
et de nouveaux « milieux professionnels » localisés (Bidou-Zachasarien et Poltorak 2008 ;
Collet 2008). La mobilité géographique joue aussi un rôle dans le déroulement des carrières,
ta t da s le se teu p i ue da s la fo tio pu li ue, e pa ti ulie pa e u elle a
souvent de pair avec les mobilités fonctionnelles3. Enfin, sur le plan résidentiel, elle fait
circuler les individus entre des territoires qui offrent un parc de logement, un type de bâti et
des aménités qui lui sont propres, des lieux investis et produits à la fois par les mobiles et
par ceux qui restent (Authier 2001, Collet 2012). En ce sens, la mobilité résidentielle est une
« expérience sociale totale » (Kaufmann, 2005, p.123), d auta t plus e gagea te u elle est
irréversible.

Cette o u i atio s i s it da s le ad e d u t a ail de th se o e e septe e


à l IRISSO (Université Paris Dauphine) sous la direction de Thierry Kirat et de François
3
Le secteur bancaire est particulièrement connu pour attendre une forte mobilité géographique des salariés
voulant devenir cadre ou progresser dans la hiérarchie (Bertaux-Wiame 2005).

3
Cusin. Intitulée « Entreprise, marché, territoire : les mobilités résidentielles des salariés liées
à l e ploi », cette thèse a pour objectif de saisir comment les individus composent et
e o pose t leu s odes de ie à l o asio d u e o ilit side tielle li e à l e ploi, et
d tudie la faço do t ils articulent les trois dimensions résidentielle, professionnelle et
familiale de leurs trajectoires. O a d a o d he h à dresser un tableau de la mobilité
side tielle e F a e et à e d e o pte de l olutio de ses pu li s et de ses effets su
les trajectoires individuelles en France. Cette communication propose d a o de les
problèmes méthodologiques que soulève ce questionnement : quelles sources sont-elles
disponibles, que permettent-elles et quelles sont leurs limites ? Les différentes sources
se o t alu es à l au e de uat e uestio s :

- Donnent-elles des informations sur les trois dimensions des trajectoires


individuelles ?
- Quelle est leu helle te po elle d ide tifi atio des o ilit s ?
- Quelle est leu helle te ito iale d ide tifi atio des o ilit s ?
- Permettent-elles de suivre des évolutions dans le temps ?

On se concentrera ici sur la question des conséquences de la mobilité résidentielle, sur les
changements observables en aval de la mobilité : promotion ou démotion sociale,
ha ge e t de statut side tiel, d oha itatio ou ise e ouple… Mais pa e u elle
suppose de comparer les situations des individus en amont et en aval de la mobilité, cette
réflexion peut permettre de poser la question des conditions sociales de mise en mobilité
des individus.

1. Des sources pour étudier les mobilités résidentielles

La mesure de la mobilité résidentielle en tant que telle pose comme première question celle
de la source à utiliser (Bonvalet et Brun 2002) ; ette uestio se pose d auta t plus ua d
o he he à saisi l a ti ulatio de la o ilit side tielle et des aut es di e sio s des
trajectoires des individus. O p se te a d a o d les ualit s et les li ites du ‘e e se e t
de la populatio puis de l e u te Loge e t, a a t de p se te les ualit s ui fo t u o
a choisi de t a aille su l e u te E ploi.

4
Les qualités du Recensement de la population parle t d elles-mêmes : avec une exploitation
au tiers, le Re e se e t pe et e pa ti ulie d adopte des d coupages territoriaux très
fins là où les autres enquêtes sont vites limitées par leur échantillon et par les règles de
confidentialité. L IN“EE et à disposition du public une base de données nommée
« Migcom », o te a t les a ia les ui pe ette t d ide tifie les i di idus a a t un lieu de
résidence différent en 2003 et en 20084. Au-delà des difficultés techniques u elle peut
occasionner (on parle ici d u e ase de plus de illio s de lig es , l utilisatio de cette
extraction du Recensement rencontre plusieurs limites. Tout d a o d, elle suppose de
prendre de réelles précautions méthodologiques pour mesurer les mobilités résidentielles.
En effet, la p iode d o se atio des o ilit s side tielles est de cinq ans : on dispose du
ode de la o u e de side e à l e u te et i a sa a tle u te. Ces i fo atio s
permettent bien d identifier les mobiles mais pas les mobilités, notamment les éventuelles
mobilités multiples au cours de la période. Il est délicat de produire des taux annuels de
mobilité résidentielle5 et donc impossible de suivre les évolutions conjoncturelles de la
mobilité. Qui plus est, ette p iode d o se atio des o ilit s de cinq ans fait que les
a a t isti ues de l i di idu o t pu ha ge e t e le o e t où a eu lieu la mobilité et la
date de l e u te. Plus la p iode d o se atio des o ilit s est lo gue, et plus et at
peut se creuser. De plus, les Recensements précédents couvrant des périodes de neuf ans,
les comparaisons dans le temps sont délicates. Enfin et surtout, la base « Migcom » ne
o p e d pas d i fo atio s su les o ilit s so io-professionnelles ou les changements de
situation familiale. Ces informatio s so t dispo i les da s d aut es extractions du
Recensement, ais l IN“EE e fou it pas de l d appa ie e t i d ide tifia t i di iduel
permettant de fusionner les diff e tes ases. Il est do pas possi le, e l tat des
données rendues disponibles à la diffusio pa l IN“EE, de oise les o ilit s side tielles
et les trajectoires professionnelles ou familiales.

Le u te Loge e t est u e aut e sou e dispo i le, ui fait p eu e de o euses


ualit s. Co e so o l i di ue, elle est sp ifiquement conçue pour traiter des
questions liées au logement, y compris les mobilités résidentielles. Son échantillon est très

4
http://www.insee.fr/fr/bases-de-donnees/default.asp?page=recensement/resultats/doc/presentation-flux-
migration.htm
5
Voir toutes les réflexions autour du modèle « migrants-migrations » (Courgeau 1973 ; Courgeau et Lelièvre
2004 ; Royer 2007, 2009 ; Donzeau et Pan-Ké Shon-2009).

5
confortable (42 loge e ts o t po du à l e u te e et elle pe et d ta li des
s ies lo gues, l e u te la plus a ienne rendue disponible aux chercheurs étant
actuellement celle de 1970. Da s l e u te , deux blocs de questions sont
particulièrement intéressants en matière de mobilité : « mobilité résidentielle entre 2002 et
2006 » et « opinion et projets de mobilité ». Mais l e u te Loge e t p se te elle aussi
plusieurs li ites. D a o d, sa p iode d o se atio des o ilit s de uat e a s pose les
mêmes problèmes méthodologiques ue eu uo a o u s pou le ‘e e se e t.
Ensuite, elle ne donne aucune information sur la mobilité professionnelle des individus.
Enfin, la dernière enquête remonte à 2006 et les dernières mobilités identifiées peuvent
donc remonter à plus de dix ans.

Le u te E ploi permet de résoudre plusieurs des problèmes méthodologiques soulevés


par d aut es e u tes6. Volet français des « Labour Force Survey » orga is es à l helle
eu op e e, l e u te E ploi est u e des pi es aît esses du dispositif statisti ue
national. Elle fou it des i fo atio s d taill es su la situatio da s l e ploi de plusieurs
centaines de milliers d i di idus de a s et plus. La première enquête Emploi date de
. Elle de ait pe ett e de esu e l olutio de la populatio a ti e et du hô age
entre deux recensements. Dans sa synthétique « histoi e de l e quête emploi », Goux
rappelle que même résiduel, le chômage était déjà une préoccupation politique (Goux
. Jus u à e ue les age es pu li ues de l e ploi soie t ises e pla e et soie t e
esu e de p odui e des statisti ues de o e ualit , l e uête Emploi a été la seule source
pe etta t de sui e l olutio o jo tu elle de l e ploi et du hô age de a i e
satisfaisa te. “i la esu e de l e ploi, du hô age et de l olutio de la populatio a ti e a
toujou s t l o je tif p i ipal de l e uête Emploi, celle- i s est di e sifi e au fil du te ps
et a p og essi e e t i lus de ou elles uestio s pe etta t d e fai e u usage
7
p op e e t so iologi ue. La p iodi it de l e u te E ploi, a uelle jus u e puis
réalisée en continu avec diffusion des données par trimestres à partir de 2003, en fait un
outil pa ti uli e e t effi a e pou tudie les o ilit s. D a o d pa e u elle pe et de

6
O pou ait e o e o ue d aut es e u tes, o e l e u te “‘CV de ui o pte u odule
« dernier déménagement », l É ha tillo D og aphi ue Pe a e t Wol e et al. , le Pannel Européen
des Ménages (Gobillon 2001) ou encore les enquêtes DADS qui peuvent être détournées de leur objet initial.
7
“o o je tif ta t de pe ett e de esu e les olutio s o jo tu elles de la populatio a ti e, l e u te
Emploi a été semestrielle entre 1975 et 1981, mais cette semestrialisation étant coûteuse et peu exploitée,
l e u te E ploi est redevenue annuelle en 1981 (voir Affichard, 1987).

6
suivre les évolutions conjoncturelles de la mobilité résidentielle, ce que ni le Recensement,
i l E quête Logement ne permettent. Ensuite parce que les enquêtes annuelles sont
rapidement rendues disponibles, permettant de travailler sur des données récentes qui
permettent de rendre compte des évolutions des comportements en matière de mobilité 8.
On a ainsi pu accéder par le réseau Quetelet à la livraison 2011 de l e u te E ploi e
janvier 2013. Depuis 1964, et de manière systématique à partir de 1968, les individus sont
i te og s su leu situatio u a a a t l e u te. Pa la suite, o appelle a l e semble de
ces questions le « bloc n-1 ». Le « bloc n-1 » permet de mesurer deux dimensions des
mobilités des individus : la dimension professionnelle et la dimension résidentielle.

Le u te E ploi est u e des eilleu es sou es, a e l e u te Fo atio et Qualification


P ofessio elle, pou t a aille su les o ilit s p ofessio elles et da s l e ploi 9. Le
« bloc n-1 » s est e a ua le e t toff au fil des t a sfo atio s du uestio naire de
le u te E ploi, ui s est p og essi e e t ou e t à des uestionnements de plus en plus
sociologiques. “u le pla side tiel, l e u te E ploi pe et d ide tifie les o ilit s
a a t eu lieu au ou s de l a e oul e. Tout i di idu d larant un logement différent en
n- de elui u il o upe e est considéré comme mobile. Mesurer les mobilités
side tielles su u a e pe et pas d ide tifie les o ilit s side tielles ultiples au
ou s d u e a e, i les i di idus a a t uitt leu side e et ta t etou au ou s
de la même année, mais cette période d o se atio des o ilit s su u a est ie plus
satisfaisa te ue elle du ‘e e se e t ou de l e u te Loge e t. Au fil des
e i hisse e ts du uestio ai e de l e u te E ploi, plusieu s auteu s o t hoisi de
l utilise pour étudier les mobilités résidentielles (Courgeau et Meron 1995 ; Debrand et
Tafin 2005, . Ap s l a oi o pa e au ‘e e se e t et à l e u te Loge e t,
Donzeau et Pan-Ké-“ho o t o lu à la sup io it de l e u te E ploi pou esu e les
mobilités résidentielles (Donzeau et Pan-Ké-Shon 2009).

8
Contrairement à de nombreux travaux de so iologie, de d og aphie ou d o o ie sur le sujet qui
exploitent des données anciennes : celles de Nivalainen (2004) sont antérieures à 1996, celles de Van
Ommeren et al. (2002) datent de 1992-1993, Tenn (2009 e d passe pas …
9
Voir récemment Amossé 2002, 2003 ; Amossé et Ben Halima 2010 ; Lemoine et Wasmer 2010 ; Lalé 2010,
2012. Cela dit, et usage ne va pas sans difficultés méthodologiques, par exemple en ce qui concerne la mesure
des mobilités internes (Affichard 1987) ou des mobilités socioprofessionnelles (Lalé 2012).

7
2. Des résultats tirés de l’enquête Emploi10

Effectivement, l e u te E ploi do eu e esu e o uste de la o ilit side tielle e


France en longue période :

Graphique 1. Proportion de mobiles en France métropolitaine

Note : les dates retenues comme repères correspondent aux changements de méthodologie de
l’e u te E ploi.
Champ : individus de 15 ans et plus résidant en F a e t opolitai e à l’e u te.
Lecture : en 1991, 6% des individus de 15 ans et plus ont déclaré avoir déménagé hors de leur
d pa te e t au ou s de l’a e oul e.

La mesure des mobilités résidentielles e lo gue p iode pa l e u te E ploi permet de


dégager de grands résultats :
 La part de mobiles a diminué de la fin des années 1960 au début des années 1980,
puis e o t jus u à la fi des a es et semble suivre à nouveau une légère
tendance à la baisse depuis,

10
Les résultats présentés ci-dessous so t ti s d u t a ail e ou s et e so t pas d fi itifs.

8
 la part de mobiles est très sensible à la conjoncture ; on peut en particulier noter une
baisse brutale autour de 1975 et en 2009, alors que le taux de mobilité résidentielle
intercommunale connaît un pic en 2000.

Il est aussi possible de spécifier la sensibilité de la mobilité résidentielle en suivant les


variations du profil des mobiles :

Tableau 1. Sur- et sous-représentation de certaines caractéristiques parmi les mobiles

2003 2008 2011

PCS :

Cadres + 62% + 47% + 19%

Professions intermédiaires + 22% + 9% + 7%

Employés - 4% - 17% + 1%

Ouvriers - 49% - 18 % - 24%

DIPLÔME :

Master, grandes écoles + 155% + 105% + 78%

Bac + 67% + 91% + 73%

Sans diplôme - 61% - 66% - 57%


Champ : salariés du privé de 15 et plus résidant en France métropolitaine, ayant connu une mobilité
side tielle i te d pa te e tale au ou s de l’a ep da t l’e u te
Lecture : en 2003, la part de cadres parmi les salariés du privé ayant connu une mobilité résidentielle
i te d pa te e tale tait 2% plus lev e ue da s l’e se le des sala i s du p iv .

On peut par exemple voir que depuis 2008, la sur-représentation des cadres parmi les
mobiles a fortement diminué, comme celle des individus les plus diplômés. La crise
économique de 2008 a contribué à faire converger le profil des mobiles.
Le u te E ploi pe et aussi de sui e l olutio de l effet de la mobilité résidentielle sur
différentes formes de mobilité socio-professionnelle des individus :

9
Tableau 2. Effet de la obilité réside tielle i terdéparte e tale sur la probabilité de…

2003 2008 2011

Trouver un employ +42% +60% +49%

Monter de PCS +167% +137% +184%

Perdre un emploi +308% +321% +219%

Descendre de PCS +35% +85% +210%

Champ : individus de 15 et plus résidant en France métropolitaine, ayant connu une mobilité
résidentielle interdépartementale au ou s de l’a e précéda t l’e u te, hors indépendants.
Note : « montent » de PCS employés ou ouvriers qui deviennent cadres ou professions intermédiaires
et les professions intermédiaires qui deviennent cadres. « Descendent » de PCS les cadres qui
deviennent professions intermédiaires, employés ou ouvriers, et les professions intermédiaires qui
deviennent ouvriers ou employés.
Lecture : en 2003, les chômeurs ayant connu une mobilité résidentielle interdépartementale avaient
42% de chances de plus que les autres de trouver un emploi.

O oit ie i i l a i ale e des effets de la o ilit side tielle su l e ploi et la o ilit


socio-professionnelle : elle accroît les chances de trouver un emploi et de « monter » de PCS
mais aussi celles de perdre un emploi ou de « descendre » de PCS. On peut noter que la
mobilité a un effet plus important sur le risque de perdre un emploi ou de descendre de PCS.
Cepe da t, il s agit là d u e esu e des o s ue es de la o ilit p ofessio elle
marquée par de forts effets de structure uo peut d passe pa le e ou s à la
modélisation.

Le u te E ploi pe et e effet de od lise les effets de la o ilit su la t aje toi e


socio-professionnelle des individus. On a ici esu l effet de la o ilit su la p o a ilit

10
d u e pa t de t ou e u e ploi, et d aut e pa t de pe d e so e ploi. Pou e fai e, o a
testé deux modèles de régression logistique ayant chacun pour paramètres les mêmes
variables : sexe, âge, diplôme, PCS et mobilité résidentielle en trois modalités (pas de
mobilité, changement de commune mais pas de département, changement de
département). Chacun de ces modèles a été répété pour chaque année de 1968 à 2011,
e da t possi le de isualise l olutio de l effet de la o ilit side tielle su le fait de
trouver ou de perdre un emploi. Tous les odds ratios présentés ont été calculés à partir de
coefficients hautement significatifs (p<0,0001). Les résultats sont les suivants :

Graphique 2. Effet toutes choses égales par ailleurs de la mobilité résidentielle sur la
probabilité d’avoir trouvé un emploi (odds ratios)

Champ : ensemble des individus de 15 ans et plus résidant en France métropolitaine, au chômage un
a ava t l’e u te, do t l’âge, le se e, le diplô e et la PCS sont renseignés.

Note : sont présentés ici les odds ratios associés au fait d’avoi t o ile. U odds ratio inférieur à 1
sig ifie ue toutes hoses gales pa ailleu s le fait d’ t e o ile di i ue la p o a ilit d’avoi t ouv
un emploi, et réciproquement.

Lecture : entre 2000 et 2001, un chômeur ayant déménagé dans une commune du même
département avait % de ha es de plus u’u hô eu ’a a t pas changé de commune d’avoi
trouvé un emploi (odds ratio=1,05), à sexe, âge, diplôme et PCS égaux.

Entre 2000 et 2001, un chômeur ayant déménagé hors de son département avait 96% de chances de
plus u’u hô eu ’a a t pas changé de commune d’avoi t ouv u e ploi (odds ratio=1,96), à
sexe, âge, diplôme et PCS égaux.

11
On voit que la mobilité résidentielle a un effet positif sur la probabilité de trouver un emploi.
L a a tage do pa la o ilit a t t s fai le au ou s des a es et et s est
renforcé depuis. On note aussi que et effet est pas t s diff e t selo le type de mobilité
(intra- ou inter-départementale). Au contraire, le type de mobilité a une toute autre
importance quand on modélise la probabilité individuelle de perdre son emploi :

Graphique 3. Effet toutes choses égales par ailleurs de la mobilité résidentielle sur la
probabilité de perdre son emploi (odds ratios)

Champ : ensemble des individus de 15 ans et plus résidant en France métropolitaine, en emploi un an
ava t l’e u te, do t l’âge, le se e, le diplô e et la PCS so t e seig s.

Lecture : Entre 2010 et 2011, un actif occupé ayant déménagé dans une commune du même
département avait 13% de chances de moins u’u actif occupé ’a a t pas changé de commune
d’avoi perdu son emploi (odds ratio=0,87), à sexe, âge, diplôme et PCS égaux.

Entre 2010 et 2011, un actif occupé ayant déménagé hors de son département avait 2,7 fois plus de
chances u’u actif occupé ’a a t pas changé de commune d’avoi perdu son emploi (odds
ratio=2,69), à sexe, âge, diplôme et PCS égaux.

12
La od lisatio de l effet de la mobilité sur la probabilité de perdre son emploi montre à
uel poi t les i di idus so t p alis s pa le fait de ha ge de assi d e ploi ou de ilieu
professionnel local. Ce résultat peut aussi indiquer que les individus qui déménagent hors de
leu d pa te e t peu e t a oi esoi de plusieu s ois oi e de plus d u a pou
retrouver un emploi. O ote epe da t ue l effet de la o ilit side tielle su la
probabilité de perdre son emploi suit une nette tendance à la basse depuis les années 1970,
ais u elle aug e te lo s des a es de o jo tu e o o i ue diffi ile o ee .

Pa e u elle pe et de od lise les o s ue es so io-professionnelles de la mobilité, et


pa e u elle pe et de « tenir » les modèles sur plusieurs décennies, l e u te E ploi
ouvre de riches perspectives de recherche. On peut étendre ces analyses à la mesure de
l effet de la o ilit su la o ilit so io-professionnelle, comme le fait de changer de PCS.
Cette d a he peut aussi s appli ue à l tude des facteurs qui influencent la probabilité
d a oi t o ile ou o au ou s d u e a e. Surtout, il est possible de comparer le rôle
ue joue la o ilit side tielle a e l effet des aut es a ia les e pli ati es ete ues, et
d tudie l olutio da s le temps du rapport entre les différentes variables.

3. Les limites de l’enquête Emploi

Malgré ses nombreuses qualités, l enquête Emploi présente de nombreux défauts et difficultés de
traitement. Du fait même u elle pe et de e o te plusieu s d e ies dans le temps,
le u te E ploi s est p og essi e e t o stitu e au fil du te ps et des p og s des
méthodes de collecte et de traitement des données. Mise au point du sondage aréolaire,
informatisation du traitement puis de la saisie, semestrialisation, passation en co ti u…
Re o te l e u te E ploi est aussi u t a ail d a h ologue su la faço do t o t t et
so t p oduits les hiff es. T aite l e u te E ploi e lo gue p iode suppose de ett e e
cohérence des nomenclatures modernes et des nomenclatures abandonnées parfois depuis
longtemps, ou encore de retrouver des définitions de termes peut-être évidents en leur
te ps ais d so ais o s u s. Depuis ,le u te e ploi a t is e uat e fois, e

13
1975, 1982, 1989 et 200311. E ,le u te est devenue trimestrielle et administrée en
continu, ce qui représente le changement le plus important de son histoire. Les enquêtes
E ploi peu e t t e t s h t og es, pa fois e au sei du e e s ie. Pa
exemple, les changements de périodicité peuvent avoir un impact sur les résultats obtenus.
Ce fut le as e ua d l e u te a t alis e e ja ie et o e a s, et e t e
et lo s ue l e u te fut e due se est ielle.

U aut e p o l e de l e u te E ploi est la relative faiblesse de son échantillon. Il s agit


certes d u e des plus g osses e u tes de l IN“EE, ais l ha tillo est pouss à ses li ites
lo s u o t a aille su les o ilit s et su les o iles. “a ha t ue la pa t d i di idus a a t
d ag ho s de leu d pa te e t s établit autour de 3% chaque année, et sachant que le
« bloc n-1 » est ad i ist depuis 2003 u au i di idus e p e i e i te ogatio , qui
représentent u si i e de l ha tillo , le o e d i di idus e ploita les fond comme
neige au soleil12. En 2003, par exemple, seuls 4 000 individus interrogés avaient changé de
département. Si ce nombre reste confortable, il ne permet cependant pas de multiplier les
croisements et les variables de filtre. Les résultats tirés de ce sous-échantillon font souvent
preu e de fo tes a iatio s d u e a e su l aut e, e da t essai e d a oi e ou s à des
moyennes sur plusieurs années.

E fi , l e u te E ploi fou it peu d i fo atio s su les a a t isti ues du loge e t et la


composition du ménage. Plus précisément, le « bloc n-1 » e t aite pas es uestio s. Il est
do pas possi le d ide tifie des ha ge e ts de situatio da s es do ai es, et
l utilisatio de l e u te E ploi pou sui e des oho tes d u e a e su l aut e e est
fragilisé. L e u te E ploi, omme toute enquête ayant le logement pour unité
d o se atio , e pe et pas de de e d e o pte de la ultilo alit side tielle 13 et
l olutio des o figu atio s fa iliales et o jugales des i di idus.

Aussi s duisa te ue soit l e u te E ploi, elle e o t e ses li ites lo s u il s agit


d tudie u o jet sp ifi ue et aussi loig des o je tifs de ette e u te. O peut alo s
se de a de s il e aud ait pas ieu utilise des e u tes ad hoc.

11
Les années de recensement ont été t aditio elle e t l o asio de ise l e u te E ploi. Pour une
p se tatio d taill e des olutio s de l e u te E ploi, oi http://www.cmh.ens.fr/greco/enquetes/serieee.php
12
Il est d ailleu s thodologi ue e t plus p ude t de li ite la esu e des o ilit s au loge e ts e t a t
da s l ha tillo ha ue a e, soit u tie s des loge e ts a a t .
13
Sur ce point, voir Toulemon (2011).

14
4. Ouvrir de nouvelles perspectives ? Une enquête ad hoc

On présentera ici une enquête dirigée en 2009 par F. Cusin et C. Juillard à la Chaire Ville et
I o ilie de l U i e sit Pa is Dauphi e. Po ta t su la de a de de loge e t des lasses
o e e, ette e u te s est e t e aut es appu e su u e e u te pa questionnaire à
laquelle ont répondu 4001 individus actifs résidant en Frane métropolitaine. L atte tio
portée à la question du logement a permis de révéler que celui-ci est un facteur
d late e t pou les lasses o e es Cusi et Juilla d , et u il joue u ôle
discriminant dans la sécurisation des parcours et des trajectoires individuels (Cusin 2012).

Les enquêtés ont été interrogés sur leur dernier déménagement ; un jeu de questions avait
pour objectif de saisir les enjeux résidentiels, professionnels et familiaux soulevés à
l o asio de et e e t, e i te ogea t les i di idus su leu situatio a a t et ap s
ce dernier déménagement. Plusieurs problèmes méthodologiques sont apparus au fil de la
création du questionnaire et, surtout, au fil de son traitement. Ainsi, la passation du
uestio ai e pa i te et a pos des p o l es de o st u tio de l ha tillo ,
notamment pour les individus les plus âgés parmi lesquels les cadres se sont trouvés être
nettement surreprésentés. Par ailleurs, la longueur du questionnaire (140 questions hors
filtres) a pu e e à u e e tai e f agilisatio des po ses des e u t s au fil de l e u te,
visible notamment dans le traitement des réponses ouvertes. Enfin, certaines questions
semblent avoir été mal comprises par les enquêtés. Par exemple, à la question « votre
dernier déménagement a-t-il été motivé par un changement dans votre vie familiale », 200
enquêtés ont répondu « oui » et ont précisé leur réponse en évoquant u e pe te d e ploi
ou une embauche. D aut es questions ont posé problème du fait du décalage entre un
uestio e e t o çu o e fe alo s ue les situatio s elles o espo de t pas
toujours. Ce fut le car par exemple quand des enquêtés indiquent u ils e so t pas
propriétaires de leur résidence principale et l e pli ue t par le fait u ils so t p op i tai es
de leur résidence principale... En rentrant dans le détail des réponses de ces enquêtés, on a
pu e a ue u il s agissait d i di idus poss da t u e side e u ils o sid ent comme
p i ipale ais da s la uelle ils ha ite t pas et u ils o t is e lo atio pou uel ues

15
a es e atte da t de s i stalle . Cette incompréhension est déjà un résultat : elle
appelle, s il e tait e o e esoi , ue le statut side tiel des i di idus est ja ais aussi
clair pour eux que ce que le sociologue pourrait être tenté de croire, et que la notion de
« résidence principale » est i u i o ue, i ide te.

Ces se es ises à pa t, l e u te a pe is d o te i des i fo atio s détaillées sur


l a ti ulatio des t aje toi es side tielle, p ofessio elle et familiale des individus. Ainsi,
les propriétaires sont très largement sous-représentés parmi les individus dont le dernier
d age e t est li à u e pe te d e ploi % o te % pa i l e se le des
enquêtés). Plus particulièrement, p s de % d i di idus a a t d ag suite à u e pe te
d e ploi so t des i di idus ui taie t p op i tai es de leu side e p i ipale ais ui e
le sont plus. On peut en conclure que des ruptures dans la trajectoire professionnelle
entraînent des ruptures dans la trajectoire résidentielle, et e pa ti ulie u t e p op i tai e
de sa résidence principale ne « protège » pas e as d a ide t p ofessio el. Les ages
les plus modestes et les accédants à la propriété restent vulnérables. On retrouve ce constat
à propos des ruptures conjugales. 49% des individus déclarant que leur dernier
d age e t est li à u di o e ou u e s pa atio so t d a ie s p op i tai es ui e le
sont plus. La oiti d e t e eu d la e être hébergé par un membre de sa famille ou par
des amis, soulignant le rôle de ressource que joue le réseau familial et amical.

L a ti ulatio des t aje toi es side tielles, p ofessio elles et fa iliales appa aît ie
quand les individus se p o o e t su les otifs à l œu e da s leu de ie d age e t.
% d e t e eu asso ie t leu de ie d age e t à u ha ge e t da s leu ie
fa iliale, % l asso ie t au fait u ils taie t pas satisfaits de leu loge e t p dent,
20% à un changement de leur situation financière14, et moins de 2% à un changement dans
leur vie professionnelle. Mais il s agit là de uat e uestio s disti tes, et o de uat e
odalit s d u e e uestio . Ce tai s i di idus o t ide tifi plusieurs motifs différents à
leu de ie d age e t alo s ue, au o t ai e, u tie s des e u t s e e o aît
aucun. Ce résultat est probablement sig e de l i o pl tude du jeu de uestio s posées et
de l e iste e de oti atio s late tes ui o t pas té identifiées, mais on peut aussi

14
Le uel ha ge e t est pas essai e e t négatif : le fait d a oi « fait un héritage » a été souvent
spontanément évoqué.

16
l i te p te o e u e i itatio à do e plus d i po ta e à l auto o ie de la
trajectoire résidentielle.

E fi , l e u te ad hoc permet de mesurer certains phénomènes difficiles à saisir, comme la


décohabitation conjugale. Sur 2493 individus en couple, 57 ont répondu « non » à la
question « habitez-vous avec votre conjoint ». Parmi eux, ont peut repérer deux tendances :
la forte sur-représentation des 15- a s, et elle d i di idus do t le p de t loge e t
était un logement HLM. On peut penser que ces individus cherchent à profiter de la rente
locative que représentent ces logements dans un contexte de tension sur le marché
résidentiel en général et sur le parc social en particulier, et préfèrent avoir recours à la
multilocalité résidentielle ou à la décohabitation conjugale plutôt que de « perdre » ce
logement.

Conclusion et perspectives

Délaissée par le « nouveau paradigme des mobilités », la mobilité résidentielle soulève


pourtant des enjeux majeurs, notamment pa e u elle e gage t ois di e sio s des
trajectoires individuelles : la dimension résidentielle, professionnelle et familiale. De
o euses sou es so t dispo i les pou tudie l a ti ulatio de es t ois di e sio s, et
pa i elles l e u te E ploi se montre être très séduisante. Elle permet de suivre les
évolutions de la mobilité résidentielle et de ses effets année par année et de faire remonter
des od les sta les jus u à la fi des a es .

Mais l utilisatio de l e u te E ploi a u p i , à savoir les nombreuses difficultés


thodologi ues u elle soul e. L e u te E ploi rappelle aussi u il e iste pas
de u te d e e gu e do a t des i fo atio s e ploita les su les t ois di e sio s
engagées par la mobilité résidentielle. Le recours à des enquêtes ad hoc ouvre de nouvelles
perspectives et pe et d app he de des phénomènes difficiles à saisir comme la

17
multilocalité résidentielle. Leur élaboration et leur traitement ouvre des solides perspectives
de recherche.

On peut par exemple envisage d a oi e ou s à des ale d ie s t ospe tifs portant sur les
trois dimensions ou de s i spi e de l e u te « Biographie et entourage ». Ce dispositif
de u te est s duisa t ais lou d pou les e u t s et e d p o a le e t essai e u e
passation du questionnaire en face à face. Pour alléger le dispositif, il est possible de choisir
un ou deux événements fixes pour chaque individu (comme le dernier déménagement mais
aussi le départ du domicile parental, ou encore u e ise e ouple…) et de passer un jeu de
questions sur la situation des individus avant et après ces événements.

C est là ue se pose u e des uestio s les plus i po ta tes e ati e de esu e de la


mobilité résidentielle, de ses conséquences mais aussi des conditions sociales dans
lesquelles les mobilités se déclenchent : la question des temps. En effet, les dimensions
résidentielle, professionnelle et familiale suivent des temporalités très différentes. Une
utatio peut t e a o e si ois ou deu se ai es à l a a e ; un individu peut
d age au p i te ps et se fai e ejoi d e pa sa fa ille et ses e fa ts à la fi de l t ;
on peut « prendre le temps » de chercher un logement après une embauche ou une
mutation et avoir recours à des arrangements résidentiels temporaires ; un déménagement
se « prépare » à l a a e, et les i di idus o t esoi du te ps pou « s i stalle ». Les temps
se oise t, s a ti ule t, se t les ope t pa fois. Le « provisoire » peut durer, le « stable »
peut tarder à se mettre en place, le « définitif » peut pe d e so se s e uel ues ois… La
o ilit side tielle est pas i sta ta e, elle e sau ait se li ite au d pla e e t des
i di idus, de leu fa ille et de leu s ie s. C est u p o essus ui se d oule da s le te ps,
qui se vit en amont et en aval du déménagement à proprement parler. La mesure des
conséquences des mobilités résidentielles gagnerait beaucoup à être inscrite dans les
temps et à de e i la esu e de l e haî e e t des fo es d a a ge e t au uelles o t
recours les individus mobiles. Des enquêtes adoptant cette perspective pourraient apporter
un éclairage nouveau sur des phénomènes comme la multilocalité résidentielle ou le « living
apart together » et d appo te des l e ts pou ou i la fle io su le statut de ces
arrangements side tiels do t il est toujou s aussi diffi ile de di e s ils so t l e p essio de
situations personnelles fortement contraintes, ou de nouveaux modes de vie qui émergent.

18
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