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Histoire Épistémologie Langage

Sur l'épistémologie de la poétique


Marc Dominicy

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Dominicy Marc. Sur l'épistémologie de la poétique. In: Histoire Épistémologie Langage, tome 13, fascicule 1, 1991.
Épistémologie de la linguistique. pp. 151-174 ;

doi : https://doi.org/10.3406/hel.1991.2328

https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_1991_num_13_1_2328

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Abstract
ABSTRACT : The aim of this paper is to provide an epistemological analysis of Jakobson' s poetics. I
claim that, although poetics deals with norms, it is no more committed to any variety of subjectivism
than Gricean pragmatics. I also claim that Jakobsonian poetics was originally reductionist, in that the
basic dichotomy between metaphor and metonymy was assumed to account for the two artistic uses of
verbal structures, namely literary prose and poetry. This reduction is shown to be illusory, since it relies
on a confused notion of "parallelism". However, Jakobson' s failure sheds some light on the (historical
and conceptual) relationships between formalism and functionalism, and in particular on the
controversial notion of "dominant".

Résumé
RESUME : Dans cet article, j'analyse la poétique jakobsonienne d'un point de vue épistémologique. Je
soutiens que, tout en traitant de normes, la poétique n'est pas plus condamnée à l'un ou l'autre
subjectivisme que ne l'est la pragmatique gricéenne. D'autre part, je tente de montrer que la théorie de
Jakobson est, dans sa forme originelle, authentiquement réductionniste, en ce sens que la dichotomie
de base entre métaphore et métonymie doit rendre compte des deux variétés essentielles de l'art
verbal, à savoir la prose littéraire et la poésie. Il apparaît que cette réduction est illusoire, car elle se
fonde sur un concept erroné ou ambigu du "parallélisme". Cependant, l'échec de Jakobson jette
quelque lumière sur les rapports (historiques et conceptuels) qui relient le formalisme et le
fonctionnalisme, ainsi que sur la notion controversée de "dominante".
Histoire Épistémologie Langage 13/1 (1991)

SUR L'EPISTEMOLOGIE DE LA POETIQUE

Marc DOMINICY

ABSTRACT : The aim of this paper is to provide an epistemological


analysis of Jakobson' s poetics. I claim that, although poetics deals with
norms, it is no more committed to any variety of subjectivism than Gricean
pragmatics. I also claim that Jakobsonian poetics was originally
reductionist, in that the basic dichotomy between metaphor and metonymy
was assumed to account for the two artistic uses of verbal structures,
namely literary prose and poetry. This reduction is shown to be illusory,
since it relies on a confused notion of "parallelism". However, Jakobson' s
failure sheds some light on the (historical and conceptual) relationships
between formalism and functionalism, and in particular on the controversial
notion of "dominant".

RESUME : Dans cet article, j'analyse la poétique jakobsonienne d'un point


de vue épistémologique. Je soutiens que, tout en traitant de normes, la
poétique n'est pas plus condamnée à l'un ou l'autre subjectivisme que ne
l'est la pragmatique gricéenne. D'autre part, je tente de montrer que la
théorie de Jakobson est, dans sa forme originelle, authentiquement
réductionniste, en ce sens que la dichotomie de base entre métaphore et
métonymie doit rendre compte des deux variétés essentielles de l'art verbal,
à savoir la prose littéraire et la poésie. Il apparaît que cette réduction est
illusoire, car elle se fonde sur un concept erroné ou ambigu du
"parallélisme". Cependant, l'échec de Jakobson jette quelque lumière sur
les rapports (historiques et conceptuels) qui relient le formalisme et le
fonctionnalisme, ainsi que sur la notion controversée de "dominante".
152 Marc Dominicy

Au plus fort des polémiques déclenchées par sa Lettre aux


directeurs de la Résistance, Jean Paulhan se prit à affirmer, non sans
quelque provocation : "Je suis un simple grammairien". L'auteur des
Fleurs de Tarbes ne pouvait ignorer qu'il endossait ainsi l'image que
l'opinion commune se forge volontiers du grammairien, faussement
modeste et vétilleux, toujours enclin à accabler ses congénères de
préceptes et d'interdits.
La caricature que je viens d'esquisser s'appliquerait aisément
aux rapports qu'entretiennent aujourd'hui "linguistes" et
"littéraires". Le linguiste -ou celui qui s'intitule tel- se veut porteur
d'une "méthode" objective et générale dont l'énoncé abstrait paraît
satisfaire aux exigences de la scientificité la plus saine. Face à cette
"leçon" qui le laisse souvent sans réaction, le littéraire pourrait
ressentir quelque honte à pratiquer, presque innocemment, des
disciplines aussi "molles" que l'analyse thématique ou l'étude des
influences. Fort heureusement pour lui, il existe un butoir contre
lequel bien des proclamations théoriques et bien des ambitions
globales viennent se disloquer : le texte. On ne compte plus les cas
où une approche qui se disait "linguistique", "formelle", voire
"sémiotique", a conduit son auteur à des contresens patents, que les
techniques traditionnelles de l'histoire littéraire auraient permis
d'éviter.
Mais à s'arrêter ici, nous courrions le risque de ne pas
apercevoir des problèmes beaucoup plus profonds, et qui sont, je
crois, de nature authentiquement épistémologique. Il faut en effet se
demander si les malentendus et les mésaventures que j'ai
sommairement décrits ne constituent pas les manifestations
superficielles et inarticulées d'une difficulté fondamentale tenant à la
justification même d'une description linguistique de l'oeuvre
littéraire. Car il ne suffit pas de constater qu'un poème, un roman,
une pièce de théâtre, sont faits de "mots" pour se voir autorisé, de ce
seul fait, à accumuler, à propos de tels objets, tous les fragments de
savoir qu'ils illustrent. Il y aurait là une dérive vers un
encyclopédisme du détail qui, sans jamais connaître de terme, ne
déboucherait sur aucune théorisation -un peu comme la sophistique
d'Hippias reconstruite par Platon.
Dans cet article, je vais essayer d'appliquer une réflexion
épistémologique à l'une des tentatives les plus exemplaires qui aient
Poétique et épistémologie 153

été faites pour fonder en principe l'étude linguistique de la poésie :


je veux parler de la "poétique" jakobsonienne, telle qu'elle est
théorisée dans le (trop) célèbre article de 1960 et telle qu'elle est
mise en pratique dans les "microscopies" de Jakobson et de ses
disciples. En choisissant ce thème particulier, j'obéis à plusieurs
impératifs. Celui, tout d'abord, de traiter un thème que je connais
bien. Ensuite, la volonté de mettre à nu les limites de tout
"impérialisme linguistique" sur le terrain qui lui est, a priori, le plus
favorable -puisque nombre de grammaires contiennent, depuis
longtemps, des abrégés de métrique, et que les poètes sont, de tous
les créateurs, les plus enclins à proclamer qu'ils ne manient que des
"mots". Enfin, le fait même qu'une entreprise de ce genre n'a de
sens que si elle est menée par un linguiste de grand format, qui
s'appuie sur des présupposés formulés ou formulables quant à la
nature et au fonctionnement du langage1.
Je diviserai mon exposé en trois parties, qui ne correspondent
en rien aux articulations internes de l'article de Jakobson, mais bien
plutôt à une série de débats, récurrents en épistémologie, concernant
le statut normatif ou non normatif d'une discipline, la réduction
d'une branche du savoir à une théorie plus générale, et enfin la
nature fonctionnelle ou non fonctionnelle d'une explication.

1. L'objet normatif de la poétique

L'objet de la poétique, c'est, avant tout, de répondre à la question :


Qu'est-ce qui fait d'un message verbal une oeuvre d'art ? Comme
cet objet concerne la différence spécifique qui sépare l'art du langage
des autres arts et des autres sortes de conduites verbales, la poétique
a droit à la première place parmi les études littéraires (p. 210).

Je me fonderai essentiellement sur l'article-programme "Linguistique et


poétique", traduit par Nicolas Ruwet dans le premier volume des Essais de
linguistique générale (1963 ; les références à ce livre se présenteront comme un
simple renvoi au numéro de page). Je ferai également un usage abondant des
Questions de poétique (1973). On trouvera en bibliographie un tableau plus
complet (mais non exhaustif) des publications pertinentes de Jakobson. De
manière générale, je m'efforcerai de confiner dans les notes toutes les données de
détail qui ne pourraient qu'obscurcir ou compliquer le développement de mon
exposé. Sur l'oeuvre de Jakobson en général, on lira, entre autres, Holcnstein
(1974) et Waugh (1976).
154 Marc Dominicy

A travers son usage inattendu d'un vocabulaire scolastique et ses


brusques glissements lexicaux, ce passage illustre d'emblée
l'obscurité qui entoure certaines des thèses de Jakobson. On se
demandera, en premier lieu, comment une même "différence
spécifique" peut séparer l'art du langage à la fois des autres arts et
des autres "conduites verbales". Je supposerai provisoirement que ce
qui caractérise cet art est une paire de propriétés {P{, P2} telles que
la taxonomie suivante soit établie :

conduites non verbales et non artistiques : — Pj , — P2


conduites non verbales et artistiques : - P^ + P2
conduites verbales et non artistiques : + Pj, — P2
conduites verbales et artistiques : + Pj, + P2

Grâce à cette glose, qui paraît presque un pastiche du binarisme


jakobsonien, on peut espérer rendre compte des similitudes souvent
signalées, dans "Linguistique et poétique" (p. 210) ou ailleurs, entre
les procédés poétiques et ceux des autres arts. Malheureusement, on
voit mal ce qui vaut, selon Jakobson, pour "l'art verbal" pris dans
son ensemble ou pour la seule poésie. Ici aussi, je vais recourir à
une interprétation provisoire : je ferai l'hypothèse, en effet, que la
catégorie générique définie par la cooccurrence des propriétés Pj et
P2 se laisse à son tour scinder (binairement...) en deux sous-classes,
la "prose artistique" et la poésie.
En adoptant ces stratégies de lecture, je ne cherche pas à
multiplier les acrobaties conceptuelles, mais à isoler le problème qui
me semble mériter une interrogation prioritaire. Admettons donc
qu'il soit possible de cerner ce qui fait d'un message verbal une
oeuvre d'art : comment réconcilier cette thèse décidément
objectiviste avec le contenu normatif que beaucoup associent, de
manière quasi définitoire, à la notion d'oeuvre d'art ? Sur ce point,
Jakobson offre deux réponses qu'il s'avère essentiel d'analyser au
plus près :

On entend parfois dire -écrit Jakobson (p. 211)- que la poétique, par
opposition à la linguistique, a pour tâche de juger de la valeur des
oeuvres littéraires.
Poétique et épistémologie 155

Or,

la dénomination de "critique littéraire", appliquée à un savant


étudiant la littérature est aussi erronée que le serait celle de "critique
grammatical (ou lexical)", appliquée à un linguiste. Les recherches
syntaxiques et morphologiques ne peuvent être supplantées par une
grammaire normative, et, de même, aucun manifeste, débitant les
goûts et opinions propres à un critique sur la littérature créatrice, ne
peut se substituer à une analyse scientifique objective de l'art du
langage (p. 211-212).

A ce stade, il n'est pas difficile de repérer l'opposition topique entre


description et prescription, qui constitue, aux yeux de nombreux
auteurs, l'un des piliers de la linguistique moderne2. On notera
cependant que Jakobson, moins naïf ici que bien de ses collègues, ne
déniait pas toute légitimité à la planification linguistique, trop
conscient qu'il était, par exemple, des luttes que les tchèques avaient
dû mener pour retrouver une véritable langue de culture nationale.
On pourrait même aller plus loin, et soutenir qu'il n'éprouvait
aucune réserve à participer à cette espèce de "planification poétique"
que prétendaient édifier les groupes d'avant-garde3. Mais on ne
saurait lui reprocher, au moins dans le principe, d'avoir confondu
ses options esthétiques avec sa réflexion de poéticien4. La variété des
textes et des traditions sur lesquels il a travaillé constitue, à cet
égard, un témoignage difficilement récusable. Autre chose est de

2. Tout le développement qui suit doit beaucoup à la lecture d'un article récent de
Sylvain Auroux (1991).
3. Pour se donner une idée de l'intérêt que Jakobson portait à la culture tchèque, à
son histoire, et à sa survie, on lira ses études sur Erben et Hanka (dans Jakobson
1987), ainsi que les articles de Linhartovâ (1977) et Svejkovsky (1977). Les liens
entre Jakobson et l'avant-garde russe sont évoqués dans la plupart des ouvrages
de référence. Sur le Cercle de Prague en tant que groupe d'avant-garde, voir
Toman (1984).
4. On a souvent reproché à Jakobson ses affinités indéniables avec une esthétique de
l'analogie (Poe, Baudelaire) qui biaiserait implicitement sa conception du
poétique en général (cf. par exemple Genette 1976 : 312-314, Mounin 1975 et
1981). Une réflexion plus attentive montre qu'il s'agit là de malentendus (cf.
Ruwet 1980 et 1989). Dans toute cette discussion, il conviendrait de garder
présente à l'esprit la distinction entre "l'énoncé d'une proposition assertant
l'existence d'une norme" et "renonciation ou formulation d'une norme" (Auroux
1991).
156 Marc Dominicy

savoir, bien entendu, si ses conceptions s'appliquent dans tous les


cas avec un égal bonheur ; j'y reviendrai.
Cependant, il serait illusoire de concéder, sans autre
discussion, que la dichotomie entre description et prescription suffise
à assurer l'objectivité de la poétique. Quoiqu'ils s'abstiennent de
participer à toute planification, le linguiste comme le poéticien
décrivent des objets à la fois normatifs et historiques, avec l'espoir
d'en extraire des invariants. Avant même de se demander si ces
invariants échappent, ou non, à la norme et à l'histoire, il convient
de s'assurer de ce que les normes historiquement attestées ne
contaminent pas les descriptions qui en sont fournies. Aux pages
218-222 de "Linguistique et poétique", Jakobson s'efforce de
déterminer ce qui distingue la "vraie poésie" (les messages
"véritablement poétiques") des vers mnémoniques, des "modernes
bouts-rimés publicitaires", des slogans genre / like Ike, etc. Sa
réponse, on le sait, consiste à faire appel à la notion de "dominante",
que je discuterai plus loin. Moins que le statut théorique de la
réponse, c'est son contenu qui m'intéresse ici. Un esprit moderne
objectera volontiers à Jakobson qu'il trouve une beauté "réelle",
"intéressante", voire "sublime", dans l'un ou l'autre bout-rimé, et
que des messages de ce genre abondent, de toute manière, chez
d'authentiques poètes. On peut d'ailleurs utiliser Jakobson contre
lui-même : lui rappeler que pour Maïakovski -qu'il approuve- "dès
qu'on [est] dans le domaine de la poésie, n'importe quel adjectif
[devient] par le fait même une épithète poétique, même "grand" dans
"la Grande Ourse" ou encore "grand" ou "petit" dans des noms de
rues de Moscou" (p. 247) ; lui rappeler encore que, selon lui, "en
poésie [,] tout élément linguistique [se] trouve converti en figure du
langage poétique" (p. 248). En bref, il est tentant de penser que les
descriptions divergentes fournies, par exemple, à propos du dernier
Spleen et de / like Ike, ne font que consacrer une norme historique
qui s'insinue ensuite subrepticement dans le noyau même de la
théorie. Alors que la dichotomie entre description et prescription
prétendait garantir d'emblée l'objectivité de la poétique, les voies
empruntées ici par le recours à la "dominante" ne paraissent pas
immunisées contre les préventions esthétiques.
Je suis persuadé, pour ma part, de ce que l'apode ainsi mise
en place n'a rien d'inéluctable. Mais pour y échapper, il faut sans
Poétique et épistémologie 157

doute abandonner un autre pan de la doctrine jakobsonienne, que je


commenterai au paragraphe 3. Comme j'aurai l'occasion de le redire
alors, la faiblesse de toute l'entreprise tient, entre autres choses, à
un usage trop restrictif de la notion d'intention. La raison principale
qui me fait pencher pour ce diagnostic réside dans les similitudes
fort éclairantes qui relient le programme poétique à celui de la
pragmatique gricéenne. Dans l'un et l'autre cas, en effet, il existe,
au sein d'objets de nature irréductiblement normative (les normes
poétiques ou celles de la communication), un ou plusieurs invariants
normatifs mais a-historiques qui conditionnent, a priori, l'existence
même de ces objets5. Dans les deux cas, les normes (variables ou
invariantes) sont supposées partagées par le destinateur et le
destinataire, qui s'engagent dans une tâche commune visant à
s'accorder sur un ensemble d'intentions que le destinateur manifeste
et que le destinataire reconnaît, puis réalise. Enfin, la poétique
comme la pragmatique gricéenne doivent supposer qu'il existe des
situations où la violation publique des normes est utilisée aussi bien
par le destinateur que par le destinataire afin de manifester ou
reconnaître/réaliser des intentions normatives. Face à un coq-à-1'âne,
je ne réagirai pas de la même manière selon que j'ai affaire à un
malade mental ou à un interlocuteur que je juge communicativement
compétent ; en vertu d'une logique similaire, j'attribuerai une
signification très différente à un bout-rimé d'après l'intention,
poétique ou non-poétique, que le destinataire m'a manifestée ou, en
tout cas, que j'ai cru reconnaître. Je n'entends pas soutenir par là
qu'est poésie tout ce que le destinateur d'un message quelconque
déclare comme telle (pour continuer le parallèle, tout ce qu'un
destinateur déclare pourvu de signification n'en a pas
nécessairement) ; j'entends simplement défendre l'hypothèse qu'il
existe une intention poétique manifestable, reconnaissable et
réalisable que Jakobson a malencontreusement identifiée à la forme
du message.

5. Cette interprétation de la pragmatique gricéenne a été proposée, notamment, par


Herman Parret (1989) ; elle se voit confirmée, à mon avis, par les derniers textes
de Grice (1989 : 371). C'est l'un des points où je me sépare nettement d'Auroux
(1991).
158 Marc Dominicy

2. Le réductionnisme de la poétique

Immédiatement après avoir défini l'objet normatif de la


poétique, Jakobson affirme sans ambages le caractère réductionniste
de son programme : "La poétique a affaire à des problèmes de
structure linguistique, exactement comme l'analyse de la peinture
s'occupe des structures picturales. Comme la linguistique est la
science globale des structures linguistiques, la poétique peut être
considérée comme faisant partie intégrante de la linguistique"
(p. 210). Si l'on ajoute à cela le ton presque oraculaire de la dernière
phrase de l'article (p. 248), on conçoit sans peine que "Linguistique
et poétique" ait suscité, tant chez les littéraires que les linguistes,
quelque effarement (cf. Ruwet 1989).
Il me semble inutile, cependant, de s'arrêter à ces observations
superficielles, voire de critiquer l'analogie très discutable entre la
peinture, la poésie et le langage (si une analyse de la peinture manie
des structures "picturales", celles-ci ne sont probablement pas
réductibles à un autre niveau...). Je voudrais, au contraire, prendre
les assertions de Jakobson au sérieux et restituer, avec ses intuitions
profondes, mais aussi avec ses sophismes ou ses erreurs, l'itinéraire
conceptuel qui l'a conduit, en bout de course, au réductionnisme.
Je partirai, pour ce faire, des thèses présentées au début du
paragraphe 1. Acceptons qu'il existe deux propriétés Pj, P2, que

possèdent
artistique"
"message" les
et
(jemessages
"conduite",
néglige poétiques
pour
cf. l'instant
paragraphe
et les le
messages
3).
télescopage
Acceptons,
rédigésdes
en
determes
"prose
plus,

qu'il existe une propriété P3 spécifique aux messages poétiques et


qui les différencie des messages artistiques en prose. Il n'est pas
difficile de trouver, dans le texte de Jakobson, les passages qui
décrivent P3, même s'il s'y manifeste une alternance troublante entre
un métalangage fonctionnai iste et un métalangage formaliste (cf.
encore le paragraphe 3). Les messages poétiques remplissent une
"fonction poétique" qui est "dominante" ; "la fonction poétique
projette le principe d'équivalence de l'axe de la sélection sur l'axe
de la combinaison" (voir les p. 218-222 ; les italiques sont de
Jakobson). Arrivés à ce stade, nous nous trouvons confrontés à des
termes qui, sans conteste, appartiennent au métalangage d'une
Poétique et épistémologie 159

théorie linguistique : l'axe de la sélection est celui des unités reliées


par un rapport paradigmatique ; l'axe de la combinaison est celui des
unités reliées par un rapport syntagmatique (concaténation ou
concurrence, cf. p. 48). Mais dès l'abord apparaît une confusion
dont les effets vont se répandre dans tout l'édifice, créant l'illusion
d'une réduction totale du poétique au linguistique.
Pour bien clarifier ce point, il convient de retourner à
Saussure (cf. Dominicy 1988). Sans entrer dans le détail d'une
exégèse toujours délicate, je voudrais soutenir ici que le Cours de
linguistique générale a légué au structuralisme deux thèses
mutuellement contradictoires sur les relations entre l'axe de la
sélection et l'axe de la combinaison. D'une part, il existe une
priorité empirique et principielle des rapports syntagmatiques vis-à-
vis des rapports paradigmatiques : en effet, pour affirmer que beau
et debout appartiennent au même paradigme sur l'axe de la sélection,
il faut prendre en considération une chaîne telle que Pierre est beau,
où l'un des mots commute effectivement avec l'autre, et non pas le
beau jardin, puisque *le debout jardin est mal formé. Cette priorité
éclaire, à mon sens, bien des aspects souvent mal compris de la
doctrine saussurienne, comme la linéarité du signifiant ou la
constitution syntagmatique de la phrase. Mais d'autre part, Saussure
regroupait, sous l'appellation générique de "rapports associatifs",
des relations paradigmatiques indubitablement dépendantes du
syntagme, et des relations (lexicales, par exemple) qui en sont tout à
fait indépendantes. La tradition structuraliste qui a suivi n'a pas
éliminé cette contradiction, loin s'en faut ; on pourrait même dire
qu'elle l'a intégrée au coeur de ses programmes théoriques.
Reprenons, à la lumière de cet excursus, les exemples de
"projection" fournis par Jakobson. Dans / like Ike, le verbe like et le
nom propre Ike n'appartiennent pas au même paradigme, puisqu'ils
ne commutent pas (sur l'axe de la sélection). Par contre, les trois
formes verbales de Veni, vidi, vici, qui peuvent évidemment
commuter (sur l'axe de la sélection), appartiennent de ce fait au
même
"projections"
paradigme.
(de "parallélismes")
Autrement dit, sont
deuxsusceptibles
classes bien
d'apparaître
distinctes sur
de

l'axe de la combinaison. Il y a d'abord les cas, genre / like Ike, où le


parallélisme se fonde uniquement sur des relations d'équivalence
établies a priori, c'est-à-dire avant même la constitution de tout
160 Marc Dominicy

syntagme (c'est ce qui permet, entre autres choses, de rédiger des


dictionnaires de rimes). Il y a ensuite des chaînes comme Veni, vidi,
vici où ces équivalences relient des unités qui commutent par ailleurs
sur l'axe de la sélection6.
S'il avait proposé de réduire la poéticité (dominante ou non)
d'un message à l'existence de parallélismes pré-syntagmatiques,
Jakobson aurait eu quelque peine à ébaucher son programme
réductionniste. Car c'est une chose de reconnaître qu'un parallélisme
quelconque repose sur une équivalence entre des unités linguistiques,
et c'en est une autre d'admettre que de telles équivalences font partie
de l'objet "langue". En fait, Jakobson n'a jamais envisagé pareille
option et il a d'emblée privilégié les parallélismes qui
s'accompagnent non seulement d'une équivalence paradigmatique mais aussi
d'un rapport sémantique de synonymie ou d'antonymie (la p. 220 est
particulièrement claire à ce sujet). Ce choix, dont nous avons vu les
précédents structural ismes et saussuriens, explique bien des
particularités de la poétique jabosonienne, et d'abord l'idée curieuse
selon laquelle "dans le métalangage, la séquence est utilisée pour
construire une équation, tandis qu'en poésie c'est l'équation qui sert
à construire la séquence" (p. 220-221). Jakobson songe, en réalité, à
des énoncés métal inguistiques comme La jument est la femelle du
cheval, où les expressions "synonymes" jument et femelle du cheval

peuvent
"projection"
commuter
de l'axe
; ildeluilaparaît
sélection
alorssur
qu'ils
l'axeexhibent,
de la combinaison7.
eux aussi, une

Mais la conséquence la plus notable, pour ce qui nous


concerne aujourd'hui, tient dans les généralisations que Jakobson a

6. La confusion des deux types de parallélismes apparaît encore dans les Dialogues
avec Krystyna Pomorska (1980 : 129-132). Il est frappant que cette difficulté soit
restée inaperçue de la plupart des commentateurs (voir les références citées dans
Dominicy 1988, ainsi que Reisz de Rivarola 1977 : 9-11, Waugh 1976 et Winner
1975) ; à cet égard, l'excellent article de Posner (1981 : 130) est une heureuse
exception. Pour ce point comme pour bien d'autres, il faut distinguer deux
périodes dans l'oeuvre de Nicolas Ruwet (comparer Ruwet 1972 : 151-175, où
l'influence latérale de Levin (1962) joue un rôle décisif, avec tous les travaux
issus de Ruwet 1975).
7. Voir encore le passage cité par Waugh (1976 : 35). Comme nous le verrons plus
loin, cette analogie avec la "fonction métalinguistique" est doublement
malheureuse ; d'une part, elle voile le fait que l'emploi métalinguistique du
langage ne mobilise, en soi, aucune fonction autre que "référentielle" ; d'autre
part, elle semble justifier l'idée que la poésie est "suiréférentielle".
Poétique et épistémologie 161

cru pouvoir édifier à partir de la dichotomie des deux axes. Si la


propriété P3 n'est autre que l'existence, au sein du message, de
parallélismes fondés sur l'appartenance à une même classe
paradigmatique et sémantique, la poéticité devra se caractériser par
le primat naturel d'une écriture métaphorique gouvernée par le
principe de similarité. Au contraire, la prose artistique "se meut
essentiellement dans les rapports de contiguïté. De sorte que la
métaphore pour la poésie et la métonymie pour la prose constituent
la ligne de moindre résistance" (p. 66-67). Il semble possible, dans
une telle optique, d'aboutir à une taxinomie globale des "conduites"
sémiotiques. A l'intérieur de chaque domaine (verbal [+PJ ou non
verbal [-PJ), les conduites artistiques se signalent par la propriété P2
qui
"métonymique"
consiste à développer des systèmes normatifs de type plutôt
(-P3) ou plutôt "métaphorique" (+P3) : ainsi Griffith
serait "métonymique" et Chaplin "métaphorique" (p. 63). Ces
systèmes engendreraient des objets (films, tableaux, romans,
poèmes,...) qui, par contraste avec les productions "neutres" (s'il en
est), posséderaient un statut "marqué" (à dominante esthétique),
assez comparable, finalement, à celui des messages dus à des
aphasiques souffrant du trouble de la similarité ou du trouble de la
contiguïté8. Cependant, Jakobson a toujours tenté d'apporter
quelques nuances à cette accumulation scolastique de branchements
binaires. Il n'hésite pas à écrire, par exemple, qu'en poésie, "où la
similarité est projetée sur la contiguïté, toute métonymie est
légèrement métaphorique, toute métaphore a une teinte
métonymique" (p. 238). De même, sa très belle étude sur "la prose
du poète Pasternak" (1973 : 127-144) montre comment un emploi
souple du couple métaphore-métonymie jette une lumière nouvelle
sur certains procédés stylistiques9. Dans toutes ces circonstances,

8. Ruwet (1989 : 26) a relevé l'intérêt de Jakobson pour "le fou ou le primitif (cf.
le titre très symptomatique donné à Jakobson 1986).
9. La dichotomie entre le pôle métaphorique du vers (de la poésie) et le pôle
métonymique de la prose a toujours été une pierre d'achoppement pour Jakobson,
qui en arrive à affirmer, par exemple, que "la prose littéraire occupe une
situation intermédiaire entre la poésie en tant que telle et la langue de la
communication ordinaire, pratique" (1980 : 106). Voir aussi ce passage de
Krystyna Pomorska : "when metonymy becomes the dominating figure in poetry,
the basic structure of which is metaphoric in essence, its palpability as a device is
162 Marc Dominicy

Jakobson utilise, de manière plus ou moins explicite, la notion


formaliste de "dominante" (cf. paragraphe 3).
La reconstruction à laquelle je viens de me livrer demanderait,
bien sûr, à être replacée dans un cadre épistémologique et historique
plus vaste. Je me contenterai d'esquisser ici quelques pistes de
recherche. On sait que Jakobson a été conduit à la phonologie par
l'étude du vers et que, de manière générale, ses préoccupations de
poéticien ont souvent guidé sa démarche de linguiste. A cet égard, il
est permis de croire que la vulgate saussurienne l'a aidé à affiner et
à stabiliser une conception du parallélisme déjà présente dans un
travail formaliste comme l'essai sur "la nouvelle poésie russe" :

Supposons qu'on nous présente une image réelle, la tête, et que sa


métaphore soit le tonneau. Le parallélisme négatif sera : "Ce n'est
pas un tonneau mais une tête". Le parallélisme rendu logique (la
comparaison) : "cette tête est comme un tonneau". Parallélisme
inversé : "ce n'est pas une tête mais un tonneau". Et enfin, la
projection du parallélisme inversé dans le temps (la métamorphose) :
"la tête est devenue un tonneau" ("cette tête n'est plus une têÇe mais
un tonneau") (1973 : 16-17).

Allant plus loin, j'incline à penser que l'occultation de certaines


thèses, pourtant difficilement contournables, du/ Cours de
linguistique générale, a été motivée, chez notre auteur, par des
impératifs plus poétiques que linguistiques. Cette interprétation
expliquerait, par exemple, l'enthousiasme troublant que Jakobson
ressentait pour le Saussure des anagrammes, qu'il opposait
volontiers au théoricien de la linéarité du signifiant °. A un tout

autre
"microscopies"
niveau, prennent
bien des également
aspects discutables,
un sens. Je me
ou suis
imprévus,
demandé,des
il

reinforced by the contrast between the basis and the superstructure" (1977 : 371).
De manière plus critique, Delas et Filliolet (1973 : 151-154) témoignent du
même embarras.
10. Le thème de la non-linéarité du signifiant revient constamment dans les critiques
que Jakobson adresse à Saussure (voir, par exemple, 1980 : 44-46), en même
temps qu'une admiration fort confuse pour les recherches sur les anagrammes
(1973 : 190-201, Jakobson et Waugh 1980 : 268-270). On trouve dans Jakobson
(1976 : 107-113) une réfutation de la thèse de la linéarité du signifiant qui
semble fondée sur une interprétation assez libre de la dichotome saussurienne
entre synchronie et diachronie.
Poétique et épistémologie 163

y a quelque temps11, pourquoi Jakobson se révélait si souvent


insoucieux de la métrique. Sans abandonner du tout au tout les
explications que j'ai cru pouvoir proposer, je parierais maintenant
qu'il a voulu privilégier, de façon plus ou moins consciente, ceux
des parallélismes qui ne l'obligeaient pas à distinguer, dans un texte,
entre l'organisation proprement poétique et la mise en oeuvre
globale des processus de sélection et de combinaison. En d'autres
termes, au lieu de concevoir le vers selon le modèle d'une "grille"
surimposée à la séquence discursive, Jakobson a préféré (souvent)
reléguer la métrique au rang des outils qui assurent la perception de
la "dominante". On peut voir là les traces d'une "rhétorisation" mal
venue, qui l'a parfois empêché de déceler des conflits évidents entre
les parallélismes superficiels d'un poème et son mode de
structuration strictement linguistique12.

3. Le problème du fonctionnalisme

poétique"
Toutselecteur
serait un
attendu,
tant soit
je crois,
peu familier
à ce que
avecje "Linguistique
discute dès les
et

premières lignes la notion, apparemment centrale, de "fonction


poétique". Les paragraphes qui précèdent ont montré, cependant,
que l'objet et le programme de la poétique jakobsonienne se laissent
reconstruire et critiquer dans un langage non fonctionnai iste si

11. Voir mon introduction à Dominicy (1989c). Cette interrogation est d'autant plus
urgente que Jakobson a apporté des contributions majeures à l'étude du vers
(voir Jakobson 1979, ainsi que les pages 223-227 de "Linguistique et
poétique").
12. Sur le concept de "rhétorisation", voir Dominicy (1988). A vrai dire, il arrive à
Jakobson de dire des choses très intéressantes sur les phénomènes de "tension"
-ces
Tétrangéification"
"attentes frustrées"
chèreque
auxMounin
Formalistes
(1975 :russes.
65) identifie
Voir, trop
par exemple,
rapidementlesà
remarques sur les vers 7 et 8 des Chats (1973 : 401-419) ou sur les conflits
entre accent métrique et accent linguistique (p. 227-229). Mais Jakobson
demeure, dans l'ensemble, fasciné par une symétrie de type géométrique qui
satisfait à la fois ses présupposés phénoménologico-gestaltistes et son attirance
trouble pour la motivation (cf. Ruwet 1989 [sur le dernier Spleen, 1973 :
420-435], Dominicy 1989a [sur Martin Codax, 1973 : 293-298], Dominicy
1990b [sur Dante, 1973 : 299-318]). Dans les travaux de Ruwet, il y a une nette
différence, de nouveau, entre les observations ponctuelles des premières
analyses (1972 : 170-174, 177, 201, etc.) et la théorisation de 1975.
164 Marc Dominicy

celui-ci nous autorise à parler d'intentions. De plus, l'expérience a


prouvé que, quand on entreprend l'analyse d'un texte ou d'un corpus
déterminé, il est possible de réduire la "fonction poétique" à son
corrélat formel (le parallélisme) sans autres embarras (cf. Ruwet
1975, 1980, 1981, 1989, Dominicy 1982a).
Ce qu'il importe de comprendre en revanche, ce sont les
raisons pour lesquelles un concept fonctionnel cède aussi aisément la
place à une caractérisation de type formel13. Je vais donc m' attacher,
dans les lignes qui suivent, à resituer la théorie poétique de Jakobson
à l'intérieur du cadre fonctionnai iste praguois où elle puise ses
principales références14. Plus précisément, je traiterai des quatre
fonctions (référentielle, émotive, conative, phatique) qui ne font pas
immédiatement difficulté15, et je tirerai de cet examen une série
d'enseignements qui me permettront, je crois, d'éclaircir la nature
exacte de la fonction poétique.
Soit, par exemple, les énoncés (1) à (6) :

(1) Hourrah !
(2) Sors !
(3) Allô ?
(4) Je suis très content.
(5) Je te demande de sortir.

13. Ce glissement du fonctionnel au formel a été abondamment commenté : par


Genette (1976 : 310) qui voit là "une substitution, voire une éviction" de la
fonction poétique au profit d'une "sorte de rule of thumb" ; par Mounin (1975,
1981) qui, en bon disciple de Martinet, accuse Jakobson de ne pas s'interroger
sur les fonctions linguistiques des formes ; par Delas et Filliolet (1973 : 46), qui
écrivent à plus juste titre que "les deux assertions" (fonctionnaliste et formaliste)
de Jakobson "sont indissociables" .
14. Sur Jakobson et le Cercle de Prague en général, voir par exemple Armstrong et
Van Schooneveld (1977), Fontaine (1974), Stangé-Zhirovova et Rubes (1984).
Sur l'ambiguïté du concept de "fonction" chez les Praguois, voir Fontaine
(1974 : 59-60) et Swiggers (1984). Ce dernier auteur distingue opportunément
la "fonction comme principe de constitution/composition" et la "fonction comme
procédure effective". Il soutient que le modèle des six fonctions a été
développé, sur base du triangle de Bûhler, afin de maîtriser l'emploi contextuel
(la mise en oeuvre pragmatique) du langage, c'est-à-dire la "fonction comme
procédure effective". Il ressort cependant de son exposé que ce modèle "ne
favorise aucune hypothèse spécifique pour l'analyse fonctionnelle [...] d'un
discours concret".
15. Il ne semble pas justifié de voir dans la "fonction métalinguistique" autre chose
qu'une variante -certes très particulière- de la "fonction référentielle".
Poétique et épistémologie 165

(6) Tu es toujours en ligne ?

Bien que (4), (5) et (6) puissent, en situation, équivaloir


respectivement à (1), (2) ou (3), leur forme linguistique, avec ses
pronoms et la morphologie verbale correspondante, tolère de
multiples variations ; témoins les énoncés (41) à (61) :

(4') (i) Tu es très content,


(ii) II est très content,
(iii) Pierre est très content.

(51) (i) Je lui demande de sortir,


(ii) Tu me demandes de sortir,
(iii) Tu lui demandes de sortir,
(iv) Pierre demande à Jacques de sortir.

(61) (i) Je suis toujours en ligne ?


(ii) II est toujours en ligne ?
(iii) Pierre est toujours en ligne ?

Or, il s'agit là de manipulations qui peuvent n'affecter en rien le


contenu proprement informatif de ces énoncés ("Pierre est très
content", "Pierre demande à Jacques de sortir", "Le destinateur veut
savoir si Pierre est toujours en ligne"), ni même l'identité des
protagonistes en question (qui resteront Pierre ou Jacques dans tous
les cas). En d'autres termes, un certain message se trouve véhiculé,
dont l'existence ne dépend pas du rôle joué, dans l'état de choses
décrit, par le destinateur ou par le destinataire. Cette propriété
caractérise les énoncés à fonction référentielle, et les oppose à (1),
(2) et (3) : car, sauf polyphonie (cf. Ducrot 1984), (1) ne saurait
exprimer d'autre contentement que celui du destinateur, (2) ne peut
servir à dicter d'autre comportement que celui du destinataire, et (3)
ne sera jamais utilisé pour établir, d'une tierce personne qui ne se
confond ni avec le destinateur ni avec le destinataire, qu'elle est
toujours en ligne. On dira que (1) remplit une fonction émotive,
parce qu'il vise à fournir des indications directes sur l'état physique
ou moral du destinateur ; que (2) remplit une fonction conative, en
ce qu'il vise à modifier directement l'état physique ou moral du
destinataire ; que (3), enfin, vise à (ré)instaurer directement le
contact entre destinateur et destinataire, remplissant ainsi une
166 Marc Dominicy

fonction phatique. Dans les situations où (4), (5) et (6) ont un effet
équivalent, ils remplissent une fonction respectivement émotive,
conative ou phatique, mais celle-ci est indirecte.
A l'appui de cette glose de la théorie des fonctions,
j'invoquerai plusieurs passages de "Linguistique et poétique". Tout
d'abord, Jakobson écrit que "la fonction conative trouve son
expression grammaticale la plus pure [...] dans l'impératif -et non
dans l'ordre (p. 216) : un énoncé comme (5), s'il peut constituer
parfois un ordre, ne deviendra par contre jamais un impératif. Cette
exclusion des "actes de langage indirects" est conforme aux thèses
classiques du fonctionnalisme praguois (ou du fonctionnalisme
français à la Martinet) et elle aboutit logiquement à conclure que les
intentions effectives du destinateur, ou la reconstruction de ces
intentions par le destinataire, ne déterminent en rien la ou les
fonction(s) d'un message16. Allant plus loin, on expliquera par là
certains détails surprenants. Toujours à la page 216, Jakobson
associe le vocatif à la fonction conative, et ajoute que "contrairement
aux phrases à l'impératif, les phrases déclaratives peuvent être
converties en phrases interrogatives", ce qui semble militer en
faveur d'un regroupement des unes et des autres sous la fonction
référentielle. Or, le vocatif s'avère particulièrement, sinon surtout,
apte à apparaître dans des messages remplissant une fonction
phatique, tandis que les phrases interrogatives visent, de manière
directe, à déclencher un comportement linguistique. Mais le vocatif
est, formellement, au nom ce que l'impératif est au verbe17, et les
phrases interrogatives, lorsqu'elles possèdent un correspondant
déclaratif, tolèrent comme celui-ci des manipulations, dénuées de
toute portée référentielle, sur le système pronominal et sur la
morphologie verbale corrélative.
En résumé, si la théorie stipule bien que "la structure verbale
d'un message dépend avant tout de la fonction prédominante"
(p. 214), rien n'empêche de retourner cette thèse, et de maintenir en
conséquence que les fonctions se reconnaissent chacune à un critère
formel précis. Il n'est pas étonnant, dès lors, que la fonction

16. Sur ce point très important, on lira Van Ovcrbeke (1980).


17. Sur les liens que Jakobson établissait entre l'impératif et le vocatif, voir encore
Holenstein (1974 : 57, 132).
Poétique et épistémologie 167

poétique se soit prêtée à une réinterprétation formelle du même


ordre. On comprend aussi, dans la foulée, pourquoi Jakobson use
d'un
"conduite"
métalangage
semblent
flottant,
alterner
où des
librement.
termes comme
En réalité,
"message"
l'objet
ou

"message", qui relève du domaine des formes, porte en sa structure


les marques d'une "intentionnalité", d'une "téléologie", que l'on ne
saurait confondre avec les effets visés ou dérivés par les locuteurs :

Un flibustier [c'est-à-dire un parlementaire désireux de conserver la


parole le plus longtemps possible] peut bien réciter Hiawatha parce
que ce texte est long, la poéticalité (poeticalness) n'en reste pas
moins le but premier du texte lui-même (p. 222).

Cette manoeuvre, typiquement structuraliste, qui rabat les


"conduites" sémiotiques sur les objets qu'elles suscitent ou
emploient, ne manque sans doute pas de répondants
"philosophiques" plus ou moins immédiats18. Mais elle se heurte,
dans le cas présent, à un obstacle de taille. Pour Jakobson, "il serait
difficile de trouver des messages qui rempliraient seulement une
seule fonction" (p. 214) ; ce qui n'empêche, nous l'avons vu, que
chaque message doit exhiber des traits formels indissociablement liés
à sa fonction "dominante". On pourrait être tenté de réduire le
couple dominant/non dominant au contraste déjà commenté entre
fonctions directes et fonctions indirectes. Mais cela supposerait
qu'aucun message ne possède plus d'une fonction directe. Or, tout
semble indiquer que si la fonction référentielle domine la fonction
conative dans (7) -ce qui reste à prouver-, cette dernière n'obéit à
aucune des conditions définitoires des fonctions indirectes (par
exemple, la dérivabilité à partir du contenu référentiel) :

(7) Je te demande de sortir, imbécile !

Il s'avérerait d'ailleurs impossible de traiter une fonction poétique


dominante ou non dominante comme une fonction respectivement
directe ou indirecte, puisque cela aboutirait inéluctablement à ce

18. Je songe ici à la phénoménologie (cf. Holenstein 1974 et Patocka 1976),


quoique l'influence de Husserl ne me paraisse déterminante que pour la théorie
de la marque (cf. Smith et Mulligan 1982 : 61-65).
168 Marc Dominicy

qu'une poéticité non dominante émerge, dans certains cas, à


l'intérieur de messages dépourvus du moindre parallélisme (de même
que la fonction conative n'exige pas la présence d'une manifestation
formelle spécifique pour émerger indirectement). Il faut donc
admettre que la relation de dominance s'instaure entre des fonctions
directes, ce qui soulève, du coup, le problème de sa calculabilité.
A lire Jakobson et les travaux des autres formalistes russes ou
praguois, on s'aperçoit très vite que la "dominante" est conçue sur la
base d'une opposition plus ou moins explicite entre une
intentionnalité référentielle et une intentionnalité "reflexive". Non
que les messages à fonction poétique dominante parlent d'eux-
mêmes19, ou qu'ils soient dénués de toute signification denotative,
mais en ce sens qu'ils forcent une perception de leur forme qui est
susceptible d'agir en profondeur sur nos mécanismes de

19. On a souvent prêté à Jakobson l'idée que les textes poétiques sont
"suiréférentiels", sans trop séparer, d'ailleurs, cette réflexivité (que l'on trouve
dans des énoncés comme La présente phrase compte six mots) de l'exercice
métalinguistique du langage. Selon Guiraud, "dans les arts, le réfèrent c'est le
l'objet"
message (1977
qui cesse
: 11).d'être
Pelletier
l'instrument
soutient de
qu'aux
la communication
yeux de Jakobson,
pour en
le langage
devenir
poétique "aurait pour trait définitoire d'être soustrait à la désignation, de
s'inscrire hors de la référentialité qui fonde dans la conscience commune, l'être
et la raison d'être du langage" ; il serait "sa propre référence" (1977 : 5).
Citons encore Murât : "le message, qui est explicitement le seul objet de la
"visée", en est donc aussi, implicitement, le seul sujet possible" (1985 : 351).
Toutes ces lectures se basent sur une formulation malheureuse de "Linguistique
et poétique" : "La visée (Einstellung) du message en tant que tel, l'accent mis
sur le message pour son propre compte, est ce qui caractérise la fonction
poétique" (p. 218). D'après Holenstein (1974 : 105), qui se montre plus attentif
sur ce point, le Jakobson de 1960 "s'écarte manifestement [...] de sa propre
thèse de Moscou et de Prague [...], selon laquelle la référence aux choses qui
existe dans le langage est absente en poésie". Cependant, les textes de la période
russe, où Jakobson est directement influencé par l'art abstrait (1980 : 12-14),
restent plus nuancés que ne l'affirment Holenstein ou Murât (1985 : 351). Si,
traitant du futurisme, il écrit bien que "la fonction communicative, propre à la
fois au langage quotidien et au langage émotionnel, est réduite ici au minimum"
(1973 : 14), il précise aussi que "l'absence possible de tout objet désigné est une
propriété importante du néologisme poétique" et que "dans une certaine mesure
aucun mot poétique n'a d'objet" (1973 : 21 ; je souligne). En ce qui concerne sa
production praguoise, il suffit de lire deux textes essentiels -"Qu'est-ce que la
poésie ?" et "La dominante" (repris l'un et l'autre dans Jakobson 1973)- pour
découvrir des contre-exemples immédiats à l'interprétation de Holenstein (voir
1973 : 124, 147-148 ; cf. aussi Winner 1975).
Poétique et épistémologie 169

compréhension. En gros, les textes poétiques ont la capacité de


mieux nous faire apercevoir le monde, parce que leurs propriétés
formelles bloquent notre reconnaissance automatique des referents.
La poésie est alors une sorte de non-code, un langage novateur qui
dissipe le brouillard des descriptions usées et des paroles toutes
faites, mais qui se sédimente sans cesse en un académisme que
d'autres oeuvres auront à violenter20. Cette conception, qui justifie
l' avant-garde au nom du "réalisme", n'innove guère par rapport à la
rhétorique traditionnelle, à laquelle elle emprunte une vision d'abord
ornementale de la poésie. Aussi a-t-on souvent essayé d'adopter des
thèses plus radicales, qui sont apparemment le produit d'un curieux
mélange où les intuitions des poètes et des critiques s'allient aux
influences conjuguées de Saussure et de Wittgenstein. Je ne
m'attarderai pas ici sur ces idées, que j'ai déjà eu l'occasion
d'examiner (cf. Dominicy 1989b, 1990a). Disons, pour faire bref,
que la forme poétique, au lieu de révéler le monde, est vue alors
comme indissociable du contenu, cette motivation provenant du
simple fait que le poème possède "son" univers, "son" monde, et
que la réalité visée se trouve "mimée" ou "reproduite" par
l'intangible surface du texte.
Jakobson ne s'est jamais aligné clairement sur ce type de
théorie. Mais bien des aspects de son oeuvre, et notamment son
intérêt pour tous les exemples de motivation du signe ou du
message21, montrent qu'il n'en était pas très éloigné. A un niveau

20. On retrouve là le thème principal d'un texte de 1921 ("Du réalisme en art",
1973 : 31-39), qui est aujourd'hui un classique du formalisme russe (cf.
Todorov 1965). Mounin (1975, 1981), reproche à Jakobson de n'avoir jamais
renoncé à cette thèse -en bref de n'être jamais devenu fonctionnaliste... Mais on
rencontre des affirmations fort semblables chez Mukarovsky (1976).
21. Dans sa critique de Saussure, Jakobson insistait volontiers sur les limites de
l'arbitraire et sur les aspects iconiques ou synesthésiques du langage (voir
Fontaine 1974, Holenstein 1974, Waugh 1976). L'argumentation la plus
substantielle qu'il ait fournie à cet égard se trouve dans Jakobson et Waugh
(1980). Lorsqu'il traite de structures "subliminales" (1973 : 280-292), il n'est
pas toujours aisé de savoir si le parallélisme est motivé a priori, parce qu'il
réalise une syntagma tique phonique préexistante, ou s'il reçoit une motivation a
posteriori, en raison d'une tendance générale à pourvoir de sens les
manifestations non immédiatement significatives de la fonction poétique.
D'autre part, l'idée que le message poétique est totalement motivé (que rien n'y
relève du hasard) aboutit, au moins dans les faits, à privilégier les formes
170 Marc Dominicy

plus anecdotique, la manière dont il jette trop souvent un pont hâtif


entre la structure générale d'un texte et d'autres objets, comme la
mythologie personnelle de l'auteur (1973 : 401-419), ou
l'organisation d'un tableau (1973 : 356-400), découle peut-être de
tels présupposés. Quoi qu'il en soit, je ne vois d'autre issue à ce
débat que de restaurer une fois pour toutes la dimension pragmatique
des conduites verbales, en se plaçant dans un cadre où l'agent
rationnel manipule des indices formels pour manifester ou
reconstruire des intentions. Autrement dit, je soutiendrais
volontiers : (i) que l'intention poétique, sur la nature et sur les
contenus de laquelle je me suis prononcé ailleurs22, est précisément
ce qui caractérise un message poétique ; (ii) que le fait de poser
l'existence de cette intention ne nous condamne pas plus au
subjectivisme que de postuler, par exemple, l'existence d'une
intention communicative ; (iii) que le statut universel, ou en tous cas
massivement récurrent, des modes de manifestation et de
reconnaissance propres à cette intention doit être comparé aux modes
de manifestation ou de reconnaissance des autres intentions, avant
qu'une prise de position quelconque sur la "scientificité" de la
poétique puisse se prendre ou même s'envisager.

4. En guise de conclusion

Arrivés au terme de cet article, nous comprenons mieux


pourquoi Jakobson ne pouvait véritablement expliquer la "qualité
poétique" des textes qu'il analysait. Cet échec, sur lequel on a
beaucoup glosé23, tient moins à des naïvetés formalistes ou à des a

courtes, où des séries


"géom&risation" (cf. Delas
de parallélismes
et Filliolet 1973,
à distance
Ruwet 1980
créentet souvent
1989). un effet de
22. Voir Dominicy (1988, 1989b, 1990a, 1990c). En écrivant cet article, je me suis
rendu compte que les affirmations assez confuses de Jakobson (p. 238-239)
concernant l'ambiguïté "intrinsèque, inaliénable" de toute poésie -et qui lui
valent les foudres de Mounin (1975 : 66)- annonçaient peut-être ma théorie de
l'évocation. En effet, pour Jakobson, "virtuellement tout message poétique est
une sorte de citation et présente tous les problèmes spéciaux et compliqués que
le "discours à l'intérieur du discours" offre au linguiste" (p. 238).
23. Culler (1975) et Werth (1976) ont soutenu, non sans arguments, que tout texte
pouvait faire l'objet d'une analyse poétique à la Jakobson : en termes
épistémologiques, la théorie serait infalsifiable. Il faudrait évidemment
Poétique et épistémologie 171

prions littéraires qu'au soubassement théorique de l'entreprise.


Chercher à extraire la poéticité d'un objet réputé téléologique tout en
l'isolant des processus de manifestation ou de reconnaissance des
intentions correspondantes, cela constitue, encore aujourd'hui, le
programme implicite de bien des stylisticiens héritiers du
structuralisme (générativistes ou para-générativistes inclus).
Maintenant que la philosophie du langage, la pragmatique et les
disciplines cognitives ont dépassé ce stade dans l'étude du langage
quotidien, rien ne s'oppose à ce que la poétique trouve ou retrouve
la place que Jakobson avait voulu lui ménager.

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Dominicy (1989c), 137-161.

réconcilier ce verdict avec la thèse selon laquelle Jakobson "capitulerait" devant


certains poètes, qu'il s'agisse de Malherbe (Genette 1976 ; voir la critique de
Ruwet 1980) ou de Rimbaud (Mounin 1975 ; cf. Dominicy 1982b).
172 Marc Dominicy

Dominicy, M. (1989b). "De la pluralité sémantique du langage. Rhétorique


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Reçu Mars 1991 Université Libre de Bruxelles


Linguistique générale CP 175
Avenue Roosevelt, 50
B. 1050 Bruxelles

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