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Psychopathologie du sport

Article  in  EMC - Psychiatrie · January 2004


DOI: 10.1016/S0246-1072(02)00093-7

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Marc Auriacombe
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 37-887-A-10
37-887-A-10

Psychopathologie du sport
PM Lincheneau
P Franques
M Auriacombe
Résumé. – Le sport est habituellement considéré comme synonyme de santé. Pourtant, comme toute activité
J Tignol
humaine, il véhicule avec lui ses excès qui mettent certains sportifs en danger de problèmes somatiques ou
psychiques, éventuellement graves.
La blessure physique est le plus courant des avatars de la pratique sportive. Les risques du dopage sont de
mieux en mieux connus du grand public, et font considérer le sport avec des sentiments mêlés de suspicion, de
doute, de mystère et d’admiration, qui signent l’ambivalence du public vis-à-vis de certaines pratiques
sportives et des recherches scientifiques inhérentes à la compétition de haut niveau.
La psychopathologie est un autre aspect, moins connu, des conséquences de certains modes d’investissement
du sport. Ces quinze dernières années, la recherche en ce domaine a été dominée par un effort d’observation
plus scientifique, grâce à une systématisation des études expérimentales et le recours à l’épidémiologie.
Cet article tente de faire le point sur les recherches actuelles concernant la psychopathologie du sportif. Il
traite principalement de la relation entre les états psychologiques et la performance, des effets du sport sur la
santé psychique, des psychopathologies générées par la pratique de certains sports et de celles rencontrées
dans tous les sports.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : sport, psychopathologie, performance, dopage, blessures sportives.

Introduction Le lien entre les pratiques sportives, les postes, les niveaux de
compétition, paraissent évidents. Il est plus difficile d’évaluer
Durant la dernière décennie, il faut noter la place de plus en plus l’influence réciproque du sport et de la personnalité.
grande prise dans la recherche par la notion de « coping », concept Le sport forge-t-il des personnalités ou des caractères ? Certaines
élaboré par Lazarus et Launier en 1978, que l’on peut définir comme personnalités se trouvent-elles spontanément en adéquation avec tel
« l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à ou tel sport, tel ou tel poste ? La capacité d’excellence des sportifs
maîtriser, réduire, ou tolérer, les exigences internes ou externes qui de haut niveau est-elle en lien avec des personnalités spécifiques ?
menacent ou dépassent les ressources d’un individu » [58]. L’attention De nombreux questionnaires ont été créés pour tenter de
s’est aussi focalisée sur la question du dopage et, pour ce qui standardiser les observations. La recherche, cependant, est
concerne la psychopathologie, de ses effets sur le sportif dopé. confrontée à des problèmes méthodologiques de taille. Quels critères
Nous proposons dans cet article de faire le point sur les recherches sélectionner ? Comment définir les traits de personnalité ? Quels
actuelles concernant la psychopathologie du sportif. Nous nous sportifs comparer ou quels groupes ?
centrerons principalement sur les questions posées par la relation Alderman [3], Bakker [7], Weimberg [103] développent un grand nombre
entre les états psychologiques et la performance, les effets du sport de réserves méthodologiques. Un courant important cependant,
sur la santé psychique, les psychopathologies générées par la notamment en France, représenté par Thill (mais aussi par
pratique de certains sports, et celles rencontrées dans tous les sports. Fernandez, Thomas, Missoum, Famose, etc) a beaucoup apporté et
continue de le faire, dans la recherche sur la personnalité des
sportifs, en fonction des disciplines pratiquées, des postes et
Personnalité du sportif spécialités dans chaque discipline, et de l’influence réciproque des
sports et de la personnalité. Il s’agit là de la personnalité normale.
Il est courant d’affirmer qu’il existe un lien entre la personnalité du En dépit de son intérêt et des nombreux liens qui existent avec la
sportif et son choix de pratique sportive, ou que sa réussite dans question de la psychopathologie dans le sport, nous ne
une discipline est facilitée par les caractéristiques de sa personnalité. développerons pas ce thème, qui constitue un domaine de recherche
à lui tout seul.
Une seule observation présente un intérêt général et constant. Elle
provient de la comparaison d’athlètes à succès avec ceux qui
Pascale Franques : Psychiatre. échouent. Les athlètes à succès répondent au profil appelé « iceberg
Marc Auriacombe : Psychiatre. profile », caractéristique d’une santé mentale positive. Il ne s’agit pas
Pierre Marie Lincheneau : Psychologue, ancien sportif de haut niveau.
Service universitaire de psychiatrie (professeur J Tignol). d’une personnalité particulièrement « froide », mais d’un modèle
Jean Tignol : Psychiatre. défini par Morgan [72], dans lequel les athlètes sont en dessous de la
Laboratoire de psychiatrie, groupe de recherches addictions, service universitaire de psychiatrie. Université
V. Segualen, Bordeaux 2. Centre hospitalier Charles Perrens, 121, rue de la Béchade, 33076 Bordeaux
norme pour la névrose, la dépression, la fatigue, la confusion et la
cedex. colère, et au-dessus de la norme pour ce qui concerne la vigueur.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lincheneau PM, Franques P, Auriacombe M et Tignol J. Psychopathologie du sport. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Psychiatrie, 37-887-A-10, 2002, 14 p.
37-887-A-10 Psychopathologie du sport Psychiatrie

Tous les traits négatifs sont en dessous de la moyenne, tandis que sa gestion. Les auteurs s’accordent aussi sur une influence forte des
l’unique trait positif est nettement au-dessus, ce qui donne une facteurs environnementaux sur l’anxiété, notamment l’enjeu de la
figure qui évoque l’iceberg. Les athlètes possédant ce profil se compétition, la place des parents et de l’entraîneur, le sentiment
révèlent plus forts que les autres pour ce qui est de rester concentrés, d’être prêt, qui débouchent sur un ensemble de stratégies mentales
de s’adapter à des circonstances inhabituelles, de demeurer pour améliorer la performance : coping, techniques cognitives,
confiants, de faire face efficacement à la tension et de mettre au point pensées positives, utilisation de l’imagerie mentale, sophrologie, self-
des plans détaillés de préparation mentale. talk, etc.

Lien général anxiété-performance


Sport et anxiété Classiquement, on considère que l’anxiété, et en particulier l’anxiété
cognitive, a un lien négatif avec la performance. Le témoignage des
sportifs à cet égard est éloquent, et les expressions pour en rendre
RELATION ENTRE ANXIÉTÉ ET PERFORMANCE compte nombreuses (jouer « petit bras », ne pas réussir à « lâcher
Le sport, et en particulier le sport de compétition, est synonyme de ses coups »). Ainsi, Burton a mis en évidence une relation linéaire
situations d’évaluation et de concurrence, de jugements, de buts à négative entre l’état d’anxiété cognitive et la performance, de telle
atteindre, de défis, de rivalités, d’espoirs, d’enjeux associés (argent, sorte que plus l’anxiété cognitive augmente, plus la performance
estime de soi, investissements de l’entourage, reconnaissance), etc. diminue. Le niveau d’état d’anxiété cognitive resterait relativement
Toutes ces situations entraînent des « états d’âmes » et des « états stable au cours d’une situation compétitive, et ne changerait en
d’être » complexes, inhérents à la compétition. Ces vécus cours d’épreuve que si les expectations de succès du sportif se
psychologiques et somatiques, confrontés à la personnalité de modifiaient. Cependant, d’autres témoignages de sportifs et de
chaque sportif et à l’investissement qu’il fait de la compétition, chercheurs présentent l’anxiété comme stimulante plutôt que
engendrent des réactions qui vont prendre place dans la motivation débilitante. Takemura [97] par exemple, propose à 93 étudiants une
et l’investissement pour la compétition. Des états et sentiments situation expérimentale. Il conclut que seuls les sujets ayant une
anticipatoires ou actuels, comme l’anxiété et le stress, peuvent en anxiété-trait plus élevée (évaluée à partir du state-trait anxiety
résulter. inventory) ont été capables de courir plus vite lorsqu’ils ont été
La pratique montre que les sportifs de compétition évoquent confrontés à un stress plus important. Il en déduit que le stress
spontanément la place que prend le stress, ou l’anxiété, dans la psychologique peut améliorer les performances physiques.
performance, et la capacité de s’y confronter. Les psychologues du Il n’y a en fait pas de loi générale sur le caractère facilitateur ou
sport ont intégré depuis longtemps, dans la préparation du sportif à inhibiteur de l’anxiété. Elle semble avoir une influence positive ou
la compétition, la gestion du stress. Chacun convient spontanément négative sur la performance, en fonction des tâches à accomplir, du
qu’il y a un lien entre performance et stress ou anxiété. En revanche, contexte, du type de sport pratiqué, de l’entourage, de la
il n’y a pas de consensus pour définir la nature du lien et ses personnalité et des capacités d’adaptation ou de faire face du sujet,
modalités. Certains sportifs considèrent que le stress les paralyse, de l’âge en fonction de la discipline exercée, etc.
alors que d’autres se sentent stimulés.
Quelles relations entretiennent donc l’anxiété et la performance ? Anxiété et type de tâche à accomplir
Après quelques définitions, nous présentons l’état des recherches et Parfitt [79] propose des conclusions proches de celles de Takemura. Il
les différentes théories. démontre cependant que les effets positifs ou négatifs de l’anxiété
dépendent du type d’exercice mis en jeu. L’anxiété somatique peut
¶ Définitions prédire positivement les performances qui mettent en jeu de la part
du sportif des exigences anaérobiques (hauteur des sauts des
Le problème est d’abord terminologique. Selon les auteurs et leur basketteurs), tandis que la confiance en soi (et non pas l’anxiété
domaine de référence, on parle d’anxiété, de stress, d’activation, cognitive) est le principal prédicteur des scores de performance
d’intensité, d’éveil, de nervosité, d’effort, pendant ou avant la dépendant de la mémoire de travail (réussite dans les passes et
compétition. Ces termes ont des acceptions différentes, qui, assistance). Cela tend à montrer que l’anxiété n’a pas le même effet
globalement, se différencient entre des états physiologiques et des pour le même sportif en fonction des tâches à accomplir, y compris
états psychologiques. Chaque terme comporte une nuance. Landers, dans la même compétition et dans une unité de temps.
Silva, Spielberger parlent d’intensité. Pour eux, ce mot recouvre tout
Harton [43] arrive à des résultats très proches. Il montre que les
à la fois les notions d’éveil, d’anxiété, de nervosité. Zaichkowsky [110],
sportifs ont des ressentis différents, en ce qui concerne l’intensité et
lui, donne une triple acception : une activation physiologique, une
la direction de l’anxiété et son caractère stimulant ou inhibant, en
réponse comportementale, une réponse cognitive et émotionnelle.
fonction de la discipline pratiquée. Il compare le rugby, considéré
Larue [56] estime cette conception beaucoup trop généraliste pour
comme un sport explosif, au tir à la carabine qui fait appel à la
pouvoir rendre compte et évaluer la spécificité des mécanismes de
motricité fine. Il observe que les rugbymen estiment l’anxiété
l’anxiété.
somatique facilitatrice, tandis que les tireurs la jugent débilitante. Il
Nous utiliserons, tout au long de ce travail, les termes employés par ne relève pas la même différence pour l’anxiété cognitive. Il n’y a
les auteurs eux-mêmes. pas de différence significative d’intensité d’anxiété entre les deux
La plupart des études décrivent l’anxiété en termes de personnalité groupes. Les rugbymen, par ailleurs, manifestent une confiance en
(anxiété-trait) ou d’état passager (anxiété-état), ou selon ses soi supérieure à celle des tireurs.
modalités d’expression (somatique et cognitive par exemple).
Anxiété et âge
¶ Études Les résultats concernant l’anxiété en fonction du jeune âge sont très
controversés. Ils rendent compte de la difficulté à fixer des critères,
Influences généralement admises et mettent en évidence la combinaison de différents facteurs.
De très nombreuses études s’intéressent aux stratégies de coping, à Wilson [106] évalue auprès de jeunes athlètes âgés de 9 à 12 ans
l’influence du milieu, des conditions d’entraînement, de la confiance l’anxiété-état, l’anxiété optimale et l’anxiété de précompétition. Pour
en soi, du sentiment d’être prêt pour une compétition, ou de 26 % des enfants, les performances sont les meilleures quand le
l’impact du niveau de la compétition. Toutes vont dans le même niveau d’anxiété est élevé.
sens, celui de la différenciation des groupes des sportifs à pratique De son côté, Pantedilis [78] remarque qu’il n’y a pas, chez le jeune
intense ou de bon niveau, d’avec les sportifs à la pratique plus tennisman de 11 ans, de différence de niveau d’anxiété entre la
anecdotique, quant à l’identification de l’anxiété, ses motivations et situation de compétition et celle d’entraînement. Martens [67], quant

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à lui, observe que le niveau de trait d’anxiété est plus élevé chez les Hall, Hardy [40] et Gould [37] estiment que les sportifs de haut niveau
jeunes sportifs, en particulier les préadolescents, que chez les plus ont aussi bien des buts d’implication dans la tâche que des buts
âgés. Gould ajoute une nuance. Il émet l’hypothèse que, dans la d’implication dans l’ego. Autrement dit, leurs motivations peuvent
mesure où ils ne se sentent pas menacés dans leur estime de soi par être fondées aussi bien sur la réalisation d’une tâche, que sur une
la compétition, les plus jeunes sportifs manifestent moins d’anxiété quête de satisfaction narcissique. Lors des compétitions à enjeux très
que leurs aînés. Dès que l’on observe de jeunes sportifs peu importants, les sportifs de haut niveau privilégieraient les buts
expérimentés engagés dans des compétitions de haut niveau, et donc d’implication dans la tâche. L’évolution dans les objectifs peut être
très conscients de l’enjeu, ils manifestent une anxiété compétitive perçue comme une stratégie adaptative pour faire face à la situation
plus élevée que les sportifs plus âgés et plus expérimentés. anxiogène.
Debois [24] confirme cette idée. Elle souligne la différence d’impact
Anxiété et capacité à faire face environnemental entre les compétitions à domicile et à l’extérieur,
L’effet facilitateur ou inhibiteur de l’anxiété dépend surtout, selon où les ressentis qu’ont les sportifs vis-à-vis de l’évaluation par autrui
Eubank [32], des moyens que peuvent utiliser les sujets pour y faire n’ont pas le même effet. La place des parents apparaît déterminante
face. À partir d’une échelle de coping (cope scale), il compare les dans le stress des gymnastes, qui sont plus centrées sur les
réactions, sentiments et attitudes de 22 jeunes sportifs avant et évaluations de leurs parents ou de l’entraîneur que sur les résultats.
pendant deux situations d’entraînement et de compétition. Il observe De la même manière, Bray [14], à partir d’une étude menée auprès de
que, selon les stratégies de coping dont dispose chacun, l’anxiété est 34 jeunes skieurs (13,7 ans de moyenne d’âge), montre que leur
facilitante ou inhibitrice. Autrement dit, il ne s’agit pas simplement anxiété somatique n’est pas forcément liée à la compétition elle-
d’évaluer l’intensité de l’anxiété, ni le type d’anxiété, mais davantage même, mais qu’elle est liée au regard des parents, à celui des autres
d’évaluer les capacités de coping (capacités à faire face ou, dans un concurrents, ou des skieurs en général. Dans un autre article,
autre référentiel, capacités d’adaptation) des sujets pour comprendre Debois [24] montre que les gymnastes de haut niveau perçoivent chez
l’effet de l’anxiété. leurs parents et entraîneurs un plus grand degré de satisfaction et
des réactions affectives moins négatives en cas d’échec.
Anxiété et sport collectif ou individuel Les travaux de Ommundsen [77] ont des résultats un peu différents.
Kirkby [50] démontre que la pratique d’un sport collectif ou d’un Il mène une étude sur 136 jeunes athlètes. Il ne trouve aucune
sport individuel a un effet sur l’anxiété. Il fait passer une échelle association entre réussite dans ses buts personnels et indices
d’anxiété (competitive state anxiety inventory-2 de Martens) à d’anxiété. En revanche, il met en évidence qu’à la fois un but haut
235 athlètes chinois, peu avant une compétition importante (course, placé et une haute perception de sa propre compétence sportive
concours, match de basket). Les sportifs concourant en individuel diminuent l’anxiété pendant la compétition. Ces sujets éprouvent
(indépendamment du sexe) ont des scores significativement plus aussi moins d’anxiété somatique que ceux qui doutent de leurs
hauts que ceux qui font des sports d’équipe à la sous-échelle propres aptitudes.
d’anxiété somatique, et significativement plus bas à la sous-échelle
¶ Facteurs théoriques
de confiance en soi.
De nombreux chercheurs utilisent la théorie du coping pour
Anxiété et discipline « jugée » dialectiser et modéliser la motivation et l’anxiété. Plusieurs facteurs
Seggard, et Martin [68] confirment ces observations. Martin ajoute que sont proposés. À peu de choses près, on retrouve les mécanismes
l’anxiété précompétitive est supérieure, chez des sportifs pratiquant récurrents de la psychologie. Facteurs situationnistes (conscients et
une discipline « jugée » par rapport à ceux pratiquant une discipline actifs), personnels (innés), interactionnistes (environnementaux). Ces
« mesurée ». Pour expliquer ce phénomène, Bakker [7] remarque que travaux ont pour intérêt d’évaluer et de prédire la capacité des sujets
dans certains sports, comme le patinage artistique, le plongeon ou à se confronter à la compétition et à s’y préparer. Cela aboutit à la
la gymnastique, l’apprentissage du mouvement est fondamental création de nombreux tests d’évaluation, et à la mise en place de
pour réussir, alors que dans d’autres sports (course, cyclisme), stratégies de préparation mentale et de motivation.
l’apprentissage moteur ne joue pas un rôle déterminant une fois le
Facteurs dispositionnels et facteurs situationnels
savoir-faire de base acquis. Pour de nombreux sports, la technique
peut toujours être améliorée, mais beaucoup d’autres éléments que Parmi les facteurs dispositionnels, le trait d’anxiété compétitive,
le savoir-faire moteur sont impliqués (tactiques, coopérations des défini comme une prédisposition à percevoir certains stimuli
joueurs, anticipation de l’adversaire, etc). environnementaux comme menaçants ou non, apparaît pour
Martens [67] un prédicteur des états d’anxiété. Plus un sportif
Anxiété, confiance en soi et niveau de sport présente un trait d’anxiété compétitive élevé, plus il est susceptible
La confiance en soi diminue-t-elle l’anxiété et améliore-t-elle la de développer en situation de compétition une anxiété cognitive et
performance ? Les résultats apparaissent à Gould très somatique importante. Les filles sont plus sensibles à l’anxiété
contradictoires, en relation avec des problèmes méthodologiques. compétitive que les garçons. Ntoumanis prédit que les sportifs
centrés sur la tâche sont peu susceptibles de développer une anxiété
Pour de nombreux auteurs cependant, parmi lesquels Smith et précompétitive, puisqu’ils évaluent leur performance par rapport à
Martens, le niveau d’expertise et de confiance en soi des sportifs eux-mêmes. Il pense que les résultats de ceux qui sont centrés sur
diminue leur anxiété cognitive et somatique. Ainsi, selon l’ego dépendent en partie de la prestation de l’adversaire, qui est
Chapman [22], les compétiteurs qui gagnent font état, avant la une inconnue non maîtrisée supplémentaire, et donc facteur
compétition (competitive state anxiety inventory-2 une heure avant la d’anxiété précompétitive.
compétition) d’une plus grande confiance en eux que ceux qui vont
perdre. Il existe d’autres facteurs dispositionnels, comme l’orientation vers
des buts d’accomplissement. Laurent [57] appréhende les motivations
Debois [24] propose une série de tests à des gymnastes filles de des individus selon deux orientations : la performance ou la maîtrise
différents niveaux. Elle observe que les gymnastes de haut niveau (l’investissement dans la tâche ou l’investissement sur l’ego). Elle
se différencient des pratiquantes de niveau fédéral à plusieurs titres. distingue trois buts qui engendrent des modèles cognitivoaffectifs et
Elles manifestent un niveau trait d’anxiété compétitive plus faible, comportementaux particuliers : le sportif peut poursuivre le but de
ce qui confirme les études de Smith et Martens [67], et pendant la démontrer sa compétence, celui d’éviter le risque de montrer son
compétition, elles présentent un niveau d’anxiété cognitive inférieur incompétence, ou enfin il peut rechercher la maîtrise de la tâche.
à celui des gymnastes fédérales, et se focalisent moins sur les
S’associant aux travaux de Elliot [29, 30], Laurent montre :
émotions liées à leurs performances. L’auteur observe que des
gymnastes de haut niveau fixent leurs objectifs vers des buts – que l’évitement de la performance conduit à l’augmentation de
autoréférés plus élevés que des gymnastes de moindre niveau. l’anxiété cognitive et à la diminution de la motivation intrinsèque ;

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– que l’approche de la performance n’est pas liée à l’anxiété niveau ». Il estime que le niveau d’activation idéal est une réponse
cognitive mais augmente la motivation intrinsèque ; individuelle différente pour chacun. Il n’y a pas un niveau
– et enfin, que la maîtrise diminue l’anxiété cognitive et augmente d’activation idéal pour tous les athlètes. Certains athlètes par
la motivation intrinsèque. exemple peuvent réussir au mieux quand ils ont un niveau très bas
d’activation (totalement relaxés), alors que d’autres ne peuvent
Une même compétition n’est donc pas investie par tous les sportifs
réussir que s’ils sont à un haut niveau d’activation (complètement
de façon comparable, non seulement en fonction des critères
excités). Raglin [83] estime que cette théorie permet d’expliquer de la
situationnels, mais en fonction de la personnalité des sportifs, du
meilleure façon la relation complexe entre anxiété et performance.
type d’enjeux personnels qu’ils mettent dans la compétition, et des
Jokela [49], à partir d’une méta-analyse de 19 études de 1978 à 1997
stratégies qu’ils utilisent en conséquence.
(6 387 participants) montre que le modèle de zone individuelle de
Facteurs environnementaux fonctionnement optimal (IZOF) est un assez bon support empirique
du comportement vis-à-vis de l’anxiété.
Williams [105] pose la question de l’influence du contexte de la
pratique du sport sur l’anxiété des sportifs. Il observe que selon le Théorie multidimensionnelle de l’anxiété
moment de la saison, l’implication, la motivation, le sentiment de
maîtrise et de performance, la situation d’entraînement ou de La théorie multidimensionnelle de l’anxiété développée par
compétition, l’anxiété varie. Elle se réaménage au fur et à mesure de Martens [67] est fondée sur la différenciation entre anxiété cognitive
la saison et du rapport du sujet à tous ces facteurs. L’orientation et somatique, ainsi que sur le principe d’une variation indépendante
vers un but évolue au cours de la saison. de chacune d’elles. Celles-ci n’auraient pas non plus la même
Duda [27] estime que le climat motivationnel, qui se rapporte aux influence sur la performance. La performance décroît quand
critères de succès projetés sur le sportif par son entourage (parents, l’anxiété cognitive s’élève. L’anxiété somatique serait en revanche
entraîneur), serait un meilleur prédicteur des états affectifs liée à la performance par une relation en U inversé. Elle facilite la
précompétitifs que l’orientation motivationnelle. Ames [4] utilise la performance quand elle est modérée, et à l’inverse la perturbe
notion de climat de performance (qui est centré sur la comparaison lorsqu’elle est intense. Un niveau d’activation légèrement supérieur
et la compétition entre adversaires) et de climat de maîtrise (qui à la moyenne est préférable à un niveau normal ou inférieur à la
valorise l’effort et les progrès individuels). L’anxiété compétitive moyenne. Un haut niveau d’activation est essentiel pour les activités
paraît renforcée par la pression sociale ressentie par le sportif (c’est- globales sollicitant rapidité, endurance et force. Un haut niveau
à-dire le décalage entre les attentes excessives des parents et d’activation est néfaste pour les habiletés complexes nécessitant des
entraîneurs, et celles, plus modestes, des sportifs). Selon Weiss, elle mouvements musculaires fins, de la coordination, de la
aurait pour conséquences d’exacerber des pensées précompétitives concentration, de l’équilibre. L’état d’anxiété somatique serait un
liées à la crainte d’échouer, et de décevoir l’entourage. Pour bon prédicteur de la performance, aussi bien dans les activités très
Ntoumanis, le climat de performance, s’il renforce l’orientation sur complexes que dans les activités peu complexes, mais sans influence
l’ego, influence indirectement l’anxiété précompétitive, surtout chez dans les activités à complexité modérée. Les effets des deux types
les sportifs en déficit de confiance en soi. d’anxiété seraient également différents en fonction du temps.
Il est important d’évaluer ces critères pour pouvoir mesurer les effets L’anxiété cognitive augmente précocement à l’approche d’une
du stress ou de l’anxiété sur la compétition. Les travaux de Vealley, compétition et demeure à un niveau élevé, alors que l’anxiété
Newton, Duda [27], Ntoumanis et Hall donnent des résultats peu somatique n’apparaît qu’à l’arrivée sur les lieux de la compétition.
probants et contradictoires. Cela met en évidence la multiplicité des L’anxiété somatique tend à décroître dès le début de la compétition,
critères, leurs intrications complexes, et surtout leur caractère alors que l’anxiété cognitive reste stable.
évolutif, d’une compétition à l’autre en fonction de facteurs Il existe enfin un troisième facteur indépendant de l’anxiété
environnementaux, mais aussi du fait de l’évolution du sportif lui- somatique et cognitive : la confiance en soi. Celle-ci semble liée de
même en fonction de ses résultats. façon positive à la performance, en particulier parce qu’elle apparaît
La confiance en soi (qui est estimée décisive par tous les auteurs, comme l’opposé de l’anxiété cognitive.
aussi bien pour la réussite dans la compétition que pour l’apparition
et la résolution de l’anxiété) peut évoluer au cours d’une saison en Théorie des catastrophes
fonction de nombreux facteurs (les résultats, l’entourage, etc). Elle La théorie des catastrophes est élaborée par Hardy en réaction à la
peut aussi varier, ainsi que l’anxiété et les enjeux motivationnels, au théorie multidimensionnelle. Il applique la théorie mathématique
cours d’une compétition. des catastrophes à la relation anxiété-performance. L’auteur prend
en compte les effets d’interactions entre l’anxiété cognitive et
¶ Théories du lien entre anxiété et performance l’activation physiologique (et non l’anxiété somatique) sur la
performance, plutôt que de décrire leurs effets séparés. Le modèle
Théorie du U inversé des catastrophes prévoit que lorsque le niveau d’anxiété cognitive
La théorie du U inversé, très critiquée, est peu à peu abandonnée. est bas, les effets de l’activation sur la performance sont souvent
C’est une théorie ancienne, proposée par Yerkes et Dodson, qui peu importants. Avec l’élévation de l’anxiété cognitive, la courbe se
suggère une relation curvilinéaire entre l’intensité de l’anxiété et la creuse de plus en plus (forme de U inversé). À un haut niveau
performance. Elle énonce qu’il existe un niveau optimal d’activation d’anxiété cognitive, on obtient une relation de type « catastrophe ».
permettant d’exécuter une performance maximale. En corollaire, la On assiste alors à une dégradation brutale de la performance et, si
performance est inférieure pour un niveau d’activation supérieur ou le sujet veut retrouver un niveau acceptable de performance, il devra
inférieur au niveau optimal. Elle prédit d’autre part que le niveau ramener son niveau d’activation à une valeur très basse. Le modèle
optimal d’activation est inférieur pour une tâche complexe, prédit aussi que l’augmentation de l’anxiété cognitive peut avoir un
comparativement à une tâche simple. Enfin, elle prétend qu’il existe effet bénéfique sur la performance à de bas niveaux d’activation
un niveau idéal d’activation pour chaque individu dans toute physiologique, mais des effets négatifs à de hauts niveaux.
activité. Ici aussi, la confiance en soi est considérée comme permettant aux
athlètes anxieux de façon cognitive de supporter de plus hauts
Zone optimale de fonctionnement
niveaux d’activation physiologique. L’anxiété et la confiance en soi
La zone optimale de fonctionnement, présentée par Hanin, est une apparaissent comme des concepts indépendants. La confiance en soi
extension de la théorie du U inversé qui incorpore les différences est une des qualités les plus importantes qu’un athlète d’élite puisse
individuelles. Hanin [39] définit l’intensité optimale comme le niveau posséder. Les implications de ce modèle sont en contradiction avec
d’activation « qui permet à un athlète de réussir à son meilleur la théorie multidimensionnelle.

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Théorie du renversement Taylor [103] établit un tableau des apports du sport sur le bien-être
psychologique. Selon lui, entre autres effets, le sport diminue
La théorie du renversement, proposée par Apter, interprète
l’anxiété, la dépression, la tension, la colère, les phobies, et améliore
différemment les états d’anxiété. Ici, l’anxiété cognitive n’est pas
forcément néfaste à la performance. C’est l’intensité de l’anxiété qui l’assurance, la confiance, la stabilité émotive, le fonctionnement
est considérée, et non l’interprétation des symptômes. Les athlètes intellectuel, la mémoire, la perception, le contrôle de soi, etc.
peuvent interpréter le même état physiologique soit comme de Les travaux de Etnier [31] démontrent un effet faible, mais consistant,
l’anxiété, soit comme une excitation, selon l’état de l’activité physique sur la cognition. Ceux d’Abele [1] et Yeung [109]
« métamotivationnel » dans lequel ils sont. Le Scanff [59] différencie montrent que l’exercice a un effet positif sur l’humeur. North [76]
les états « télicques » où les athlètes ont des buts d’orientation forts estime que l’activité sportive contribue à soulager la dépression chez
et interprètent de hauts niveaux d’activation comme de l’anxiété, et des sujets cliniquement déprimés, tandis qu’Isen [46] pense que
les états « paratéliques » où les athlètes sont absorbés dans leur l’amélioration de l’humeur due au sport influence le fonctionnement
action présente, et considèrent le même état physiologique comme cognitif.
de l’excitation. Ils peuvent aussi passer rapidement d’un état à
Weimberg [103] rend compte de tout un ensemble d’études qui
l’autre, et donc changer leur interprétation de l’activation
mesurent la réduction de l’anxiété (Bahrke), la durée de l’effet de
physiologique.
réduction de l’anxiété (Raglin), l’intensité de l’exercice requise pour
La confiance en soi semble jouer un rôle dans l’interprétation que obtenir la meilleure réduction de l’anxiété [72] (Moses). Ainsi,
font les athlètes de leur anxiété, et par la suite dans leur l’exercice physique aérobie (en particulier course à pied, natation et
performance. danse aérobique) semble avoir un effet sur l’anxiété-état entre 2
Notons que la plupart de ces modèles privilégient in fine la heures et 24 heures après l’exercice, qui peut perdurer jusqu’à 15
confiance en soi comme un élément essentiel de la performance. semaines après la fin de l’expérience (Long). Il paraît plus important
pour une pratique à 70 % de la fréquence cardiaque maximale,
Modèle énergéticocognitif tandis que des séances d’intensité faible ou modérée ne contribuent
Pour Larue [55], le modèle énergéticocognitif du stress et de la pas à réduire l’anxiété. De tels résultats indiquent que l’activité
performance proposé par Sanders reste le plus intéressant pour physique pratiquée quotidiennement, non seulement peut réduire
expliquer la modification de la performance avec le stress. Ici, ce l’anxiété, mais peut prévenir le déclenchement de l’anxiété
sont les modalités du traitement de l’information qui sont décisives. chronique.
L’auteur identifie trois facteurs énergétiques distincts : l’éveil Reed [85] compare deux groupes, l’un « sédentaire », qui s’adonne à
(arousal), l’activation, et l’effort. Ces trois facteurs fournissent les une activité de lecture, pendant qu’un autre groupe, dit actif,
énergies nécessaires aux différentes étapes du traitement de procède à une activité de home-trainer, puis à une activité de lecture
l’information. Larue s’appuie sur une étude modélisant des allongée. Les affects des deux groupes sont comparés à intervalles
situations de stress. Il conclut sur l’intérêt du modèle de Sanders. réguliers et rapprochés, durant l’activité, puis de façon plus espacée.
Pour lui, le stress modifie le traitement de l’information, dans la Les résultats montrent une amélioration des affects durant l’activité
mesure où les changements d’état sont compatibles ou non avec les physique, et jusqu’à 5 minutes après elle. Celle-ci est peu durable
mécanismes de traitement de l’information, dont la nature et la après l’exercice, et, au final, il n’existe pas ou peu de différence entre
forme demeurent inchangées. La compréhension des relations stress-
les deux groupes durant le temps de lecture. L’auteur conclut à un
performance nécessite la prise en compte d’un nombre important de
effet positif de l’exercice physique sur l’humeur durant l’exercice et
facteurs : la situation, son interprétation, la motivation, les systèmes
peu après. Il observe cependant que les résultats doivent être
impliqués, les exigences de la tâche, le caractère aversif de la
nuancés en fonction des affects avant l’expérimentation.
situation (et la possibilité de le contrôler), l’évaluation des capacités
à rencontrer les demandes (on retrouve ici la thèse de la conception Bartholomew [11] tente d’évaluer les effets de l’intensité de l’exercice
interactionniste de Lazarus [58], qui considère que la sensation de sur l’anxiété pour chaque sexe. Il observe que les hommes comme
stress dépend de la comparaison qu’effectue le sujet entre la les femmes notent une différence de leur état d’anxiété avec la
demande de l’environnement telle qu’il la perçoit, et la perception pratique sportive. Lorsque l’exercice est très intense, l’anxiété
qu’il a de ses propres capacités à y répondre). augmente, alors qu’au contraire, elle diminue avec des exercices de
faible intensité.
EFFETS DU SPORT SUR L’ANXIÉTÉ ET LA DÉPRESSION Broocks [16] compare un groupe de sujets contrôle non sportifs avec
des marathoniens. Il observe chez ces derniers une régulation à la
¶ Problématique baisse (down-regulation) des récepteurs 5-HT2C induite par
l’exercice, analogue à l’effet des antidépresseurs, qui peut jouer un
Le sport a-t-il un effet sur l’anxiété et sur la dépression ? Les rôle important pour médiatiser les effets anxiolytiques et
personnes souffrant de troubles dépressifs ou anxieux peuvent-elles antidépresseurs de l’exercice.
bénéficier d’une amélioration de leur état grâce au sport ? Les
Muraki [73] examine les bénéfices psychologiques du sport en
sportifs sont-ils plutôt moins déprimés que la population générale ?
fonction du mode et de l’intensité de pratique chez des sujets
La difficulté est, évidemment, de définir ce que l’on évalue. Ainsi,
comme le note Weimberg [103], parmi de nombreux autres chercheurs, paraplégiques et tétraplégiques. Parmi les quatre groupes constitués
quand on pose la question de l’anxiété, s’agit-il de l’anxiété cognitive en fonction de la fréquence de l’activité sportive, il apparaît que
ou de l’anxiété somatique ? D’anxiété-état ou d’anxiété-trait ? celui ayant l’activité physique la plus intense manifeste une anxiété-
L’amélioration éventuelle sera-t-elle durable ou momentanée ? Sera- trait faible (state anxiety inventory) et les scores les plus bas à l’échelle
t-elle observée pendant l’exercice ou à son issue ? Toutes les formes de dépression (self rating depression scale), et les scores de vigueur
et intensités d’exercices ont-elles le même effet ? Ces effets sont-ils les meilleurs (profiles of mood states). Il n’y a pas de différence entre
fonction de l’environnement, du statut sportif du sujet, de l’anxiété les sports pratiqués, ni entre tétra- et paraplégiques. Le sport
de départ, de l’enjeu, du type d’exercice, de la santé psychique de pratiqué de façon intense semble, pour l’auteur, améliorer l’état
départ du sujet ? psychologique des pratiquants.

¶ Études expérimentales ¶ Hypothèses explicatives


Les recherches de ces dix dernières années mettent en évidence des Il existe plusieurs théories pour tenter d’expliquer le rôle de
résultats contrastés, bien qu’allant tous dans le même sens : l’effet l’exercice sur la santé mentale. Elles se répartissent selon deux
positif du sport sur la dépression et l’anxiété. approches, l’une physiologique l’autre cognitive.

5
37-887-A-10 Psychopathologie du sport Psychiatrie

Hypothèses physiologiques Il paraît opportun de reprendre les conclusions du National Institute


of Mental Health à propos des possibilités et des limites de l’activité
• Théorie thermogénique physique comme traitement du stress et de la dépression :
Cette théorie (Dienstbier ; Koltyn [51] ; Morgan) suppose que la baisse – la condition physique est liée positivement à la santé mentale et
de la tension musculaire et de l’anxiété est en relation avec au bien-être ;
l’élévation de la température de base, pendant et après l’exercice.
– l’activité physique est associée à la réduction des émotions
relatives au stress, telles que l’anxiété-état ;
• Théorie endorphine
– l’anxiété et la dépression sont des symptômes courants de
La théorie endorphine « exercise hight » (Lobstein [63] ; Daniels [23] ; l’incapacité de réagir adéquatement au stress mental ; l’activité
McCubbin) postule que l’activité physique déclenche la sécrétion physique est liée à une réduction de niveau modéré de la dépression
d’endorphines qui provoquent une euphorie naturelle. Bien que et de l’anxiété ;
controversée, cette hypothèse, déjà évoquée dans d’autres domaines
de la psychologie du sport (notamment chez les coureurs de fond), – l’activité physique à long terme s’accompagne généralement d’une
est celle qui est la plus souvent choisie. Les études actuelles ne réduction des traits de types névrose et anxiété ;
permettent pas de la confirmer avec certitude, même si – la dépression profonde exige habituellement un traitement
l’augmentation de la sécrétion d’endorphines est corrélée à une professionnel qui peut comporter l’utilisation de médicaments,
amélioration de l’humeur après exercice. l’électrothérapie ou la psychothérapie. L’activité physique sert de
complément ;
• Théorie de la neurotransmission monoaminergique
– une activité physique adéquate s’accompagne d’une réduction de
Elle suggère que la régulation des systèmes de la norépinéphrine et divers indices de stress, tels que la tension neuromusculaire, la
de la sérotonine engendrée par la pratique sportive est responsable fréquence cardiaque au repos et certaines hormones de stress ;
de l’atténuation de la dépression (Johnsgaard [47] ; Dey [26] ;
– au plan clinique, l’opinion actuelle est que l’activité physique
Wurtman [107]).
produit des effets émotifs bénéfiques, quels que soient l’âge et le
genre ;
Hypothèses cognitives
– les gens en bonne santé physique qui ont besoin d’un médicament
• Théorie de l’estime de soi psychotrope peuvent, sous surveillance médicale étroite, s’adonner
en toute sécurité à l’activité physique.
La théorie de l’estime de soi (Sonstroem, McAuley,
Dzewaltowski [28] ; Fisher) soutient et démontre expérimentalement
que l’exercice à long terme ou l’exercice intensif améliorent l’estime
et l’image de soi.
Psychopathologies spécifiques
à certains sports
• Théorie de la distraction
Certains sports génèrent des souffrances psychopathologiques
L’hypothèse de la distraction (Morgan, Roth [89], Desharnais [25])
spécifiques. Nous en proposons deux exemples : l’alpinisme et la
fondée sur des études plus anciennes (Bahrke, Wilson) où l’on
plongée sous-marine.
compare des groupes ayant une activité physique à des groupes à
qui l’on propose d’autres modes de distraction (relaxation, etc),
estime que c’est la pose dans les préoccupations ou la réelle ALPINISME
distraction dans la routine, le stress, et les ennuis quotidiens, qui
Brugger [18] s’intéresse aux nombreux témoignages et observations
améliorent l’humeur, plutôt que l’activité sportive en elle-même.
d’expériences perceptuelles anormales au cours d’ascensions en
haute montagne. Il interviewe de façon structurée huit alpinistes de
CONCLUSIONS classe mondiale qui ont tous atteint des altitudes de 8 500 m sans
oxygène. Il assortit ces rencontres de tout un ensemble de tests
Il est vraisemblable que théories physiologiques et cognitives soient physiologiques. Sept sujets sur huit ont signalé des sensations
liées. Tenter d’isoler chaque mécanisme, physiologique ou cognitif, somesthésiques (distorsion du schéma corporel) ainsi que des
n’a de sens que pour la recherche. Sime [93] insiste ainsi sur la pseudohallucinations visuelles, puis auditives. Les illusions
nécessité de rechercher l’explication de l’effet du sport sur la santé apparaissent à partir de 6 000 m. L’ascension en solo et le danger
mentale, dans l’interaction entre les théories cognitives et mortel semblent les déclencheurs de ces perceptions anormales. Ces
physiologiques. troubles ne sont accompagnés d’aucune détérioration
La compréhension détaillée des mécanismes liant le sport, l’anxiété neuropsychologique. Outre l’hypoxie, la privation de contacts
et la dépression est en chantier. L’évaluation des effets du sport, de humains et un stress aigu semblent jouer un rôle dans la genèse de
leur intensité et de leur durée en fonction de l’intensité de l’exercice ces expériences.
et de sa durée est confrontée à des problèmes méthodologiques. La conséquence du manque d’oxygène, autrement appelé « ivresse
Pour Audiffren [5], s’il apparaît que l’exercice physique améliore des cimes », est définie par la survenue de phénomènes
l’humeur et l’efficacité de la prise de décision, la validité de ces hallucinatoires au-delà de 6 000 m. Elle peut se traduire par une
observations est controversée. Cela paraît imputable à une grande sorte d’ivresse, parfois des paralysies, une cécité, une altération du
variabilité de la stimulation physiologique, de la tâche cognitive raisonnement ou d’autres troubles neurologiques [86].
utilisée, du moment de passation de la tâche par rapport à la période L’expérience « Everest II » menée par Sutton [ 9 6 ] à partir
d’exercice, de l’état physiologique et des caractéristiques d’expérimentations en caisson, offre des observations plus
individuelles des sujets. Autrement dit, les mécanismes scientifiques sur les effets de l’altitude. L’anorexie d’altitude apparaît
neurophysiologiques, végétatifs, et endocriniens varient en fonction chez les alpinistes grimpant au-delà de 6 000 m. Elle paraît n’être en
de l’intensité et de la durée de l’exercice. fait qu’un mécanisme d’adaptation, permettant une économie
Disons avec Weimberg [103] que, bien qu’aucune relation causale énergétique en évitant l’effort de la digestion. De la même façon,
explicite n’ait été établie, l’activité physique régulière est associée à Sutton montre que l’altitude perturbe les capacités cognitives et
une réduction de l’anxiété et de la dépression. L’activité doit être de intellectuelles. Des erreurs de jugements semblent ainsi souvent à
durée et d’intensité suffisantes pour procurer des effets l’origine d’accidents en altitude, chez des alpinistes très
psychologiques positifs. expérimentés. Dans la même expérience, il observe des difficultés

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Psychiatrie Psychopathologie du sport 37-887-A-10

pour reconnaître des formes simples, ou pour mener des ne soit pas suffisante pour entraîner une perte de connaissance. La
raisonnements grammaticaux, au-delà de 7 600 m. Richalet estime notion de stress en plongée serait directement en cause.
que de tels phénomènes n’apparaissent qu’en très haute altitude, le Il existe, dans l’île d’Hegera au Japon, des femmes plongeuses qui
cerveau compensant finalement le manque d’oxygène beaucoup souffrent d’un mal appelé « Chiyamai ». Tochimoto [101] diagnostique
mieux que les muscles. L’altération du jugement est particulièrement neuf cas de Chiyamai sur les 44 plongeuses rencontrées.
sensible chez les sujets isolés. En groupe, la résolution des problèmes Cliniquement, le Chiyamai, que l’on peut considérer comme le
reste possible. résultat de plongées particulièrement lourdes, éprouvantes et
Richalet [87] rend compte de l’expérience de Sutton, qui évalue si ces anxiogènes, semble l’équivalent d’attaques de panique telles qu’elles
périodes d’hypoxie laissent des traces dans le cerveau. Il propose sont définies dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental
des tests de raisonnement simples et de processus mnésiques à des Disorders (DSM) IV. L’âge moyen d’apparition de la maladie est de
alpinistes d’élite, qui sont supposés avoir passé de nombreuses 30 ans, et sa durée moyenne de 26 ans. Plusieurs cas sont si sévères
heures en haute altitude. Les résultats, qui sont contestés par que les patientes sont incapables de poursuivre leur activité de
d’autres équipes, lui paraissent remarquablement faibles. Le temps plongeuse.
passé en haute altitude ne serait pas sans conséquence sur la
performance cognitive.
Huit sujets volontaires alpinistes confirmés ont participé, en Troubles présents dans tous les sports
chambre hypobare, à une expérience d’ascension simulée, du niveau
de la mer au mont Éverest, avec confinement de longue durée Les troubles psychologiques ou psychopathologiques que
(31 jours) associé à une hypoxie chronique. Les résultats montrent rencontrent les sportifs sont le plus souvent dus à leur manière de
une relation entre certains traits de personnalité et altérations vivre le sport. Il existe un ensemble de symptômes communs à tous
thymiques, anxiété et fatigue. Pour Nicolas [75], il existe un type de les sports, générés par le fait sportif lui-même et la compétition.
personnalité peu apte à s’adapter et à faire face, qui pourrait définir
des individus conventionnels et peu imaginatifs, sensibles aux
SYNDROME DU SPORTIF DE POINTE
événements extérieurs, présentant un faible niveau d’introversion,
et des difficultés à gérer et à exprimer les tensions et les émotions. Rivolier [88] décrit le « syndrome du sportif de pointe ». Il s’agit de
manifestations liées au stress.
D’un point de vue plus psychiatrique, un autre symptôme existe :
« la pensée monothématique ». On appelle ainsi l’obsession ou Il définit différents modes d’extériorisation du stress selon quatre
l’obnubilation du sujet par une seule idée ou un seul objectif, qui variables :
parasite sa capacité de raisonner et son jugement. L’alpiniste peut – la première est une variable thymique, où le stress s’exprime au
alors ne percevoir ni le danger, ni la douleur, et peut être conduit à travers d’un changement d’humeur tel que l’excitation, l’exaltation
des comportements aberrants. L’ouvrage de Krakakuer [52] illustre de ou la dépression ;
façon dramatique cet état psychologique, lorsqu’il relate l’expédition
organisée pour un groupe de riches touristes sur « le toit du – dans la deuxième variable, dite sociale, la lecture du stress se fait à
monde ». Ceux-ci avaient été au préalable dûment avertis des partir du comportement et de la relation du sportif aux autres.
dangers, et avaient même prêté serment de faire demi-tour à une Celui-ci peut manifester un comportement agressif ou au contraire
heure précise pour pouvoir rentrer dans de bonnes conditions, et ce, passif, voire une attitude de repli ;
quelle que serait la distance, même la plus minime, qui leur resterait – la troisième variable est somatique, le stress peut se manifester sous
à parcourir pour atteindre le but fixé. Le jour venu, tous ont forme de troubles fonctionnels mais peut aussi se marquer par des
transgressé leur serment, et huit sur 24 sont décédés. accidents ;
Le mal aigu des montagnes (MAM) est une affection connue, dont – Rivolier définit enfin la variable occupationnelle, qui repère le stress
les symptômes apparaissent au-delà de 3 000 m. Il se caractérise par au travers des changements dans le rythme et la capacité à mener
de fortes céphalées (96 % des cas), des insomnies (70 %), une ses activités, et qui se caractérise souvent par une baisse de
anorexie (38 %), et des nausées (35 %). Tous les sujets peuvent en performance dans leur réalisation.
souffrir. Il apparaîtrait cependant que les sujets affectés d’une Rivolier propose ensuite une description diachronique du stress.
anxiété-trait marquée, et ceux ayant une moins bonne image d’eux- Ainsi, il observe, plusieurs mois avant la compétition, ce qu’il
mêmes [90] seraient plus vulnérables au MAM. considère comme une période d’incubation du stress, où de petits
signes peuvent déjà apparaître. Il est nécessaire d’y être attentif,
PLONGÉE comme repères de tensions. Les semaines qui précèdent l’échéance
peuvent être marquées par un ensemble de manifestations
Les environnements extrêmes sont généralement considérés comme somatiques (entorses, tendinites, lombalgies, claquages, troubles
engendrant des situations de stress. La notion de stress est digestifs, troubles urinaires, vertiges), ainsi que par des
particulièrement mise en avant chez les chercheurs s’intéressant à la manifestations comportementales individuelles ou de groupe à base
plongée sous-marine. Ainsi, la plongée profonde impose aux d’opposition. Notons que c’est aussi dans ces moments que des
plongeurs de longues périodes de confinement dans des chambres dynamiques de groupe particulièrement fécondes (ou parfois
hyperbares. De telles situations provoquent chez les plongeurs des remarquablement catastrophiques) sont très opérantes.
réponses d’anxiété intense. Classiquement, la personnalité est Immédiatement avant la compétition, le sportif de pointe peut être
considérée comme le facteur principal expliquant l’augmentation saisi d’un trac émotionnel intense, parfois invalidant. Pendant
des scores d’anxiété de certains plongeurs en pareille situation. l’épreuve, Rivolier souligne des états émotionnels variés où le stress
Abraini [2] souligne que cette anxiété est transitoire. Il confirme que se manifeste par des idées d’abandon, d’opposition (en fonction
les facteurs de personnalité tels qu’un faible self-control ou une aussi du caractère unique ou répété de la compétition). L’après-
instabilité émotionnelle, qui reflètent une incapacité à contrôler et à compétition enfin se caractérise toujours par un syndrome de
exprimer les tensions d’une façon appropriée, jouent un rôle crucial fatigue, d’asthénie ou de tension, avec parfois des éléments agressifs,
dans l’apparition de l’anxiété de plongée. ou même dépressifs.
Barthelemy [10] observe une importante bradycardie chez les sportifs
entraînés en apnée. La question se pose d’une possible perte de
connaissance dans des conditions de bradycardie extrême. Il semble, PEUR DU SUCCÈS
quelle que soit la sommation de mécanismes (entraînement, apnée, Elle est rappelée ici pour mémoire, car peu de travaux actuels
variation de la pression hydrostatique, variation de la température reprennent comme telle une notion communément admise et
de l’eau sur les récepteurs faciaux au froid), que la seule bradycardie largement développée dans les années 1960-1970. Rosenblum

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37-887-A-10 Psychopathologie du sport Psychiatrie

évoque la peur du succès comme l’incapacité de mener à bien le de concurrence, y compris dans la préparation, tous deux entraînent
projet sportif, par crainte de le réussir. Hardy estime, à partir d’une un attachement excessif, voire une dépendance, au produit ou au
étude menée auprès d’un groupe de lutteurs d’élite, que la peur du comportement.
succès naît préférentiellement chez des athlètes initialement
« tendus, frustrés, anxieux, soumis et peu confiants ». En fait, cette « BURN OUT »
notion est plus communément traitée dans une approche
Un autre forme de saturation est le burn out. Ici, les sportifs sont
individuelle et psychopathologique, ou par le biais de l’effet de
confrontés à une saturation essentiellement psychologique. Ainsi,
l’anxiété sur la performance. Rainey observe, à partir de 682 questionnaires proposés à des
arbitres de rugby à quinze, que la pression du temps et les conflits
SURENTRAÎNEMENT
interpersonnels prédisent le burn out, que l’âge et le burn out
prédisent l’intention de l’arbitre de mettre un terme à sa carrière [84].
Lehman , à partir d’une revue de 51 articles, définit de façon
[61]
Les conflits interpersonnels et la pression du temps sont des facteurs
exhaustive le surentraînement, qu’il différencie de l’overreaching, habituels de stress ressentis par les officiels du sport.
surentraînement de courte durée, considéré comme une composante
normale de l’entraînement sportif.
ANOREXIE
Le surentraînement s’apparente au burn out. Il se caractérise par une L’anorexie est une pathologie fréquemment décrite, en particulier
incapacité persistante à accomplir des performances malgré un chez les sportives. Son étiologie est complexe, et semble aussi bien
entraînement constant, voire même une augmentation de la charge environnementale que psychologique. Est-ce que la population
de travail. Il se manifeste aussi par des vécus persistants de très sportive se différencie de la population générale du point de vue
grande fatigue, une humeur modifiée, une fréquence d’infections des troubles du comportement alimentaire ? Y a-t-il une spécificité
accrue, des troubles de l’appétit, et une suppression de la fonction de ces troubles chez les sportifs ?
reproductrice. Stanish souligne la prédisposition des athlètes
Une étude menée par Augestad [6] auprès de 591 étudiantes, athlètes
surentraînés à des fractures de stress et des problèmes musculaires,
et non athlètes de 19 ans de moyenne d’âge, évalue la relation entre
ainsi qu’un risque augmenté d’inflammations chroniques comme les
facteurs de personnalité, troubles de l’alimentation, type d’activité
tendinites. physique, niveau de compétition, et temps hebdomadaire consacré
La plupart des auteurs proposent une analyse physiologique de au sport. Dans ce groupe, la prévalence de l’anorexie mentale est de
l’état de surentraînement, en négligeant les enjeux 1,5 %, celle de la boulimie est de 2 %, celle de l’anorexie mentale
psychopathologiques qui semblent y conduire. Ainsi, Lehman [60] fait associée à la boulimie est de 0,3 %, et enfin celle de désordres
une analyse hormonale du surentraînement à partir d’un alimentaires non spécifiés est de 12,9 %. La prévalence des désordres
déséquilibre neuroendocrinien, puisque la plupart des études met alimentaires est plus forte chez les non-athlètes, actives
en évidence une diminution de la réponse surrénalienne à physiquement, membres de clubs de fitness. En revanche, on
l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH). Il conclut en insistant sur n’observe pas de corrélation entre désordres alimentaires et le
l’altération de l’axe corticotrope et du système sympathique, pour niveau de pratique sportive en compétition, ni avec le temps
expliquer la persistance de la baisse de performance des athlètes consacré à l’activité physique. Augestad décrit des traits de
surentraînés. personnalité spécifiques aux étudiantes souffrant de troubles de
Kuiper [53] et Lehman [60] attribuent le surentraînement à une l’alimentation : anxiété, hostilité, détachement, perfectionnisme,
récupération métabolique insuffisante résultant d’un déclin du difficultés de socialisation. Ces observations rejoignent celles de
niveau d’adénosine triphosphate (ATP). Le surentraînement Johnson [48] , Nattiv [74] ou Sundgot-Borgen [95] . Ces traits sont
systématique est attribué à une faillite de l’hypothalamus à faire face caractéristiques des sujets risquant de développer un désordre
à la quantité totale de stress. alimentaire, indépendamment du statut de sportive. L’étude conclut
par ailleurs à une explication biologicogénétique de l’anorexie
Serrurier [91] et Snider [94] proposent une double composante, mentale et de la boulimie, en accord avec la théorie de Eysenck.
métabolique (diminution du glycogène musculaire qui réduit la
Les conclusions des études de Herpertz-Dahlmann [45], Barnett [9],
disponibilité des substrats glucidiques utilisables pour l’exercice) et Warren [102] sont inverses. Elles montrent que les athlètes femmes ont
neuroendocrinienne (baisse de la concentration de testostérone plus de risque de développer des troubles du comportement
plasmatique chez le mâle, et perturbation du cycle menstruel chez alimentaire que la population générale. MacLeod [65] rapporte que
la femme). Cependant, comme le note Serrurier, le problème du les estimations de ce risque varient de 15 à 65 % des sujets selon les
mécanisme reliant le surentraînement et l’inhibition de la synthèse auteurs (Garner, Warren [102] ; Barnett [9] ; Nattiv [74]). Le régime, ou
des hormones stéroïdiennes reste posé. d’autres régulations du poids, apparaissent comme des facteurs de
Foster [34] introduit une dimension plus comportementale en risque. Le régime peut provoquer une altération de l’activité des
proposant l’idée que, si le surentraînement est lié à la charge de neurotransmetteurs, et induire le cercle vicieux d’un désordre
travail, il est aussi en rapport avec la monotonie de celle-ci. Il montre chronique de l’alimentation.
que c’est à cause d’elle que blessures et maladies se déclarent. Il fait Les athlètes les plus « à risque » sont celles impliquées dans les
l’hypothèse qu’à charge de travail égale, de simples méthodes de sports où la notation est subjective et influencée par l’esthétique, où
gestion ou de direction de l’entraînement permettraient à l’athlète une ligne élancée est considérée comme idéale pour la meilleure
de réaliser ses buts, tout en diminuant les effets indésirables de performance. Les gymnastes, les danseuses, les patineuses
l’entraînement. artistiques et les coureuses de longues distances en sont les
Il reste à répondre à la question essentielle à propos du exemples. Gutgesell [38] rapporte, par exemple, une enquête auprès
surentraînement : quelle motivation peut pousser un sportif vers un de femmes participant à une course sur route de longue distance,
tel extrême ? La réponse n’est certainement pas univoque. Les enjeux dont il compare les réponses à celles de femmes non sportives. Dix
de personnalité, d’estime de soi, de recherche de sensations, de pour cent des femmes sportives interrogées (n = 398), et 4,1 % de la
dépassement ou autres, sont à explorer. Nul doute qu’au décours de population contrôle, rendent compte de troubles alimentaires. Cela
cette réflexion, des pistes de compréhension d’un autre grand arrive aussi chez les nageuses de haut niveau, parmi lesquelles
phénomène qu’est le dopage s’ouvriront. En effet, il nous semble 15,4 % manifestent une ou plusieurs caractéristiques de troubles du
que dopage et surentraînement ne sont pas sans proximité. Tous comportement alimentaire (Garner, Drummer). Les danseuses
deux sont liés à un dépassement des limites du sportif, tous deux semblent constituer le groupe le plus « à risque » (Garner,
ont des répercussions péjoratives sur la santé, tous deux sont utilisés Brooks-Gunn).
en vue de la réalisation d’un but, tous deux sont les effets d’une Brewer [15] observe, à partir des travaux de Black, Petrie [81], Rosen,
logique du sport faite de mystère (posséder ce que l’autre ignore), et Sundgot-Borgen [95] et Taub [98], la récurrence, chez des jeunes femmes

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sportives, de comportements tels que le contrôle du poids, l’exercice prendre le contrôle de la vie du sportif, en concurrence et en conflit
excessif, la diète sévère, la boulimie et les vomissements. Bale [8] avec ses autres choix de vie, au point que les responsabilités
rapporte qu’on observe la boulimie chez 20 à 25 % des gymnastes. familiales et sociales sont reléguées au second plan (Sach).
Notons que le contrôle du poids et de la valeur calorique de la Les individus qui dépendent de l’activité physique et qui en sont
nourriture est devenu un comportement courant dans le sport de temporairement privés deviennent souvent déprimés, anxieux,
haut niveau. Il peut donc apparaître comme une conduite totalement tendus, agités, irritables, atteints de fatigue générale et d’insomnies.
adaptée, tout comme il peut être encouragé par les parents ou les S’ajoute l’apparition de tics nerveux, de tensions, de douleurs
entraîneurs (Guthrie, Sundgot-Borgen [95] ; Wilson). musculaires et de perte d’appétit. Ces symptômes de sevrage sont
Si Leon [62] estime que la prévalence des troubles alimentaires chez soulagés par la reprise de l’activité.
les athlètes a considérablement augmenté durant les 25 dernières Yates [108] examine les similitudes apparentes entre des patients
années, Brownell [17] montre que les chiffres de très nombreuses atteints d’anorexie et un sous-groupe de sportifs de sexe masculin
recherches ne sont pas fiables. Ils peuvent varier des normes désignés « coureurs-dépendants », qui courent le marathon ou des
classiques de la population (0,5 à 3 % de troubles anorexiques et courses de fond. Il constate que les coureurs-dépendants présentent
boulimiques chez les grandes adolescentes ou jeunes adultes des similitudes avec les femmes anorexiques pour ce qui est du
américaines, selon l’American Psychiatric Association en 1994, contexte familial d’origine, de l’appartenance à une catégorie
rapporté par Brewer [15]), jusqu’à 43 % dans certains échantillons, tels socioéconomique, et des traits de personnalité tels que l’inhibition
qu’un groupe d’adolescentes pratiquant le patinage artistique décrit de la colère, des exigences anormalement élevées envers soi-même,
par Rucinski. Ces différences importantes sont dues à la variété des la résistance à la souffrance, le refus d’admettre la possibilité de
groupes de sportifs observés, tant du point de vue de leur taille, que faiblesses graves, et des tendances dépressives. Yates, après s’être
du sport pratiqué, de l’âge et du niveau considéré. D’autre part, les livré à un passionnant travail de comparaison, où la
critères d’évaluation et le type ou l’intensité des désordres psychopathologie du quotidien masque des psychopathologies
alimentaires ne sont pas standardisés. marquées de l’identité, formule l’hypothèse que les deux
L’apparente diversité des résultats et analyses est vraisemblablement phénomènes pourraient être le signe d’une tentative inachevée et
due en grande partie au fait que la plupart des athlètes ne dangereuse de construction d’une identité.
remplissent pas les critères diagnostiques de trouble du
comportement alimentaire tels qu’ils sont définis dans le DSM IV [48,
74]
. Cela ne signifie pas que les sportifs n’ont pas des comportements DOPAGE
alimentaires préoccupants, mais que beaucoup ont des troubles Les données de ce paragraphe sont extraites de l’article de
infracliniques. Beim [12] estime que le terme qui serait le plus P. Franques et al [35]. Nous renvoyons à cet article pour une étude
approprié pour qualifier ce syndrome est celui d’« anorexia détaillée du problème et pour les références bibliographiques.
athletica » ou anorexie de l’athlète. Si chacun de ces comportements
ne suffit pas à lui seul pour signaler une maladie avérée, ce sont des ¶ Définitions
facteurs de risque, particulièrement la diète et l’exercice excessif, qui
peuvent entraîner par la suite le développement de troubles La définition du dopage ne va pas de soi. Cela est peut-être dû au
cliniques. caractère récent de sa mise en question. Le dopage existe en effet
depuis l’Antiquité. Au XIXe siècle, la consommation de produits aux
Ces troubles existent aussi, de façon moins importante, chez les
fins de performance est courante, voire encouragée, dans la
hommes. Thiel trouve 11 % de troubles infracliniques dans une
population générale. Elle est transposée chez les sportifs à la fin du
population de rameurs et de lutteurs. Les sportifs participant à des
siècle ; l’arsenic, la morphine, l’association de strychnine et de
disciplines avec catégories de poids peuvent utiliser des diurétiques
camphre, l’alcool, le phosphore, le calcium, les préparations
ou des laxatifs pour se qualifier ou se maintenir dans une classe de
protéinées, sont préconisés. La consommation de produits est
poids donnée (jockeys, haltérophiles, judokas, boxeurs, etc).
considérée comme l’un des facteurs normaux de la réussite sportive.
L’introduction des stimulants de synthèse, l’augmentation des
ANOREXIE RENVERSÉE quantités absorbées et du rythme de prise, vont conduire à une
Pope décrit, chez des sportifs, l’ « anorexie renversée ». Il s’agit,
[82] nocivité de plus en plus importante, dont on commence à s’inquiéter
dans son étude, de bodybuilders qui se trouvent trop légers, et qui dans les années 1930. Au début des années 1960, la nécessité de
ont recours à une aide ergogénique pour prendre de la masse sans lutter contre les dommages induits par le dopage aboutit à
accumuler de graisse. Ces sportifs peuvent absorber aussi bien des l’établissement de définitions. Il n’existe à ce jour aucune définition
poudres protéinées, que des anabolisants ou des hormones de consensuelle du dopage, mais la majorité des définitions existantes
croissance. ont au moins deux points communs : elles s’appliquent aux sportifs
(à l’entraînement ou à l’occasion d’une compétition), et elles sont
DÉPENDANCE POSITIVE ET NÉGATIVE concrétisées par une liste de produits et de méthodes prohibées.
Mais la définition du sportif ou de l’athlète n’est pas évidente, et les
Weimberg [103] et Gould parlent de dépendance positive et négative
listes de produits varient avec les fédérations, pour ne citer que deux
envers l’activité physique. Ils font référence à de nombreux travaux
faiblesses des définitions du dopage.
anciens, qui concernent plus particulièrement la course à pied, en
utilisant des termes tels que la compulsion (Abell), la dépendance La première loi antidopage de 1965 en France, posait le dopage
(Glasser), l’obsession (Waters) et l’accoutumance (Sach). La comme une tricherie qu’il fallait condamner en tant que procédé
dépendance envers l’activité physique est une accoutumance déloyal d’amélioration de la performance, bafouant l’égalité
psychologique ou physiologique qui entraîne des symptômes de supposée des chances des sportifs. Les sportifs dopés étaient alors
privation, après 24 à 36 heures sans activité physique. Ces passibles de peines correctionnelles. Ce n’est que récemment que
symptômes n’apparaissent que si l’individu ne peut plus pratiquer des décrets et lois ont abouti à la dépénalisation du dopage au profit
son activité à cause d’une blessure ou par obligation, et non s’il l’a de la protection de la santé. De tricheurs, les sportifs dopés sont
décidé. Glasser, qui a popularisé le concept, insiste sur l’aspect devenus des victimes et des patients, qui ne doivent plus être punis,
positif de ce type de dépendance. Elle augmente la force mais suivis, informés, soignés, éventuellement suspendus. Ce statut
psychologique et physiologique de l’individu, ainsi que son bien- se rapproche de celui des toxicomanes.
être et son fonctionnement général. Il s’appuie dans sa
démonstration uniquement sur des données cliniques, sans référence ¶ Épidémiologie
à des recherches statistiques. Il existe de nombreuses études épidémiologiques, nord-américaines
En revanche, la dépendance négative à l’activité physique se et européennes, sur la consommation de substances à usage dopant
caractérise par une subordination à l’activité physique. Elle peut ou hédonique chez les adolescents, sportifs ou non, et chez les

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37-887-A-10 Psychopathologie du sport Psychiatrie

sportifs. Elles sont affectées de nombreux problèmes se dope pas. La prise de substances dopantes est toutefois
méthodologiques. Néanmoins, elles montrent que la consommation préoccupante en tant que risque pour la santé chez la minorité qui
de substances visant à améliorer la performance est une réalité la pratique, d’autant plus qu’elle serait en augmentation. La prise
préoccupante chez les adolescents, car elle est associée à des prises de substances dopantes et l’addiction menacent surtout un sous-
de risque pour la santé (échange et partage de seringues), et paraît groupe de sportifs, avec des sports à risque et des traits de
en augmentation, du moins aux États-Unis. Les taux ne sont pas personnalité du type « recherche de sensation ».
négligeables, et si les sportifs, notamment ceux évoluant en
compétition, sont les plus concernés (20 % d’entre eux utiliseraient BLESSURE
des substances dopantes), l’usage de substances telles que les
La blessure fait partie des événements essentiels dans l’histoire d’un
stéroïdes anabolisants n’est pas l’exclusivité des sportifs. Ils sont
sportif. Elle fait irruption dans une vie programmée. Elle déstabilise
aussi utilisés dans un but esthétique, afin d’améliorer l’apparence
le sportif, le fait douter, et le conduit à une réorganisation, parfois
physique. Dans une étude canadienne (Melia), sur 16 119 élèves de
complète, de sa vie. La blessure peut le contraindre à l’arrêt définitif
11 à 17 ans, 2,8 % ont utilisé des stéroïdes anabolisants, la moitié
du sport.
d’entre eux pour améliorer leurs performances sportives, l’autre
moitié pour améliorer leur apparence physique. La consommation La blessure s’inscrit, en fonction des auteurs, dans un contexte de
de produits dopants chez les sportifs adultes n’est pas généralisée, personnalité, environnemental, psychologique ou psychopatho-
mais concerne une forte minorité des compétiteurs, et une logique.
proportion non négligeable des sportifs de loisir. Par ailleurs, il n’est
¶ Personnalité et blessure
pas prouvé que les sportifs soient plus enclins que les non-sportifs à
consommer des substances pour le plaisir. Du point de vue de la personnalité, Marcelli [66] estime que les
adolescents victimes de blessures à répétition se différencient de la
¶ Dopage et psychopathologie population normale, et présentent des traits psychopathologiques
témoins d’une souffrance notable. Il compare un groupe témoin et
Psychologie du dopage un groupe d’adolescents de 12 à 18 ans ayant présenté des accidents
Elle est similaire à celle du surentraînement, et fait appel aux à répétition (deux accidents importants à moins de 18 mois
considérations qui courent tout au long de ce travail sur la d’intervalle), en utilisant un ensemble d’échelles. Dans ce groupe
psychopathologie du sport, que nous pourrions résumer d’une part composé à 83 % de garçons, 83 % présentent une anxiété sévère ou
dans le lien entre la performance et le statut social, d’autre part dans majeure, et 25 % manifestent des tableaux d’épisodes dépressifs
le fonctionnement psychique personnel du sportif. Nous n’y majeurs. Il enregistre aussi une dépressivité (58 %) et une recherche
reviendrons donc pas. de sensations élevées (25 %). Ces travaux vont dans le même sens
que ceux de Ford [33], qui évalue la relation entre le stress quotidien
Dopage et addiction et les blessures chez 121 sportifs pratiquant au niveau international
ou national. Dans cette étude, les sportifs doués d’optimisme, de
La question de leur relation est posée dans l’opinion. Elle se pose robustesse ou d’estime de soi peuvent faire face plus efficacement
aussi au spécialiste des addictions. Rappelons que la définition de la au stress induit par des changements de vie. Ils ont une vulnérabilité
dépendance d’une substance se réfère essentiellement à la perte du aux blessures moins importante et des taux de guérison accrus.
contrôle de la prise de la substance, et à la persistance de cette prise,
en dépit de la conscience qu’a le sujet de ses inconvénients. Les Environnement et blessure
questions qui se posent sont : les sportifs, en raison de la prise de De leur côté, Coddington, Cryan, May [70] soulignent l’importance
substances dopantes, sont-ils plus exposés que les non-sportifs à une de l’impact environnemental sur les blessures. Selon ces auteurs, les
pathologie addictive ? Les sportifs sont-ils plus consommateurs de adolescents et les sportifs adultes qui vivent dans un climat
substances donnant lieu à dépendance que les non-sportifs ? d’instabilité familiale sont plus enclins à être blessés que les autres.
Lorsque la substance dopante possède des propriétés addictives, sa Ils montrent que les sportifs blessés vivent significativement plus de
prise expose à un risque de dépendance, non automatique toutefois. bouleversements extrasportifs dans leur vie que les non-blessés.
Ainsi, seul un sujet sur quatre qui consomment une fois de l’héroïne May observe que plus le score d’événements de vie est élevé pour
en deviendra dépendant. De nombreux produits utilisés à des fins un athlète, plus celui-ci peut être enclin à la blessure ou à la maladie
de dopage sont répertoriés de longue date comme faisant partie des pendant la saison. Son étude montre aussi l’influence des
substances pouvant donner lieu à abus et dépendance ; c’est le cas événements de vie sur la performance : quand les sujets ont un score
des amphétamines, des opiacés, des benzodiazépines, de la cocaïne ; élevé au SRRS (Social Readjustment Rating Scale), ils font de moins
il faut y ajouter les stéroïdes anabolisants. bonnes performances que les athlètes dont la vie est plus calme.
Pour ce qui est de la dépendance des substances, l’épidémiologie Cependant, pour May, la thèse environnementale seule n’est pas
montre plutôt que les sportifs en général ne sont pas plus à risque satisfaisante. Il estime que d’autres facteurs psychologiques sont en
que les non-sportifs. Un sous-groupe de sportifs paraît toutefois plus jeu. C’est ainsi qu’il montre que les échelles d’événements de vie, de
vulnérable à l’utilisation de multiples substances. C’est ce qui ressort dépression et de bien-être global sont significativement liées avec la
d’une étude (Elliot, Goldberg) de consommateurs de stéroïdes santé, la blessure et la performance. Smith rejoint cette thèse,
anabolisants chez des élèves de high school pratiquant le football lorsqu’il constate que des sportifs qui ont à la fois un faible support
américain. Les sujets les plus enclins à prendre des stéroïdes social et de faibles capacités à faire face (c’est-à-dire les capacités à
anabolisants consomment plus d’alcool et de marijuana, font preuve se concentrer, rester positif, et à contrôler le niveau d’activation) ont
de plus d’impulsivité, d’hostilité et de volonté de gagner à n’importe un risque de blessure plus élevé.
quel prix, ont une image plus haute d’eux-même et une
Une autre étude de May [70], menée auprès de l’équipe nationale
insatisfaction plus importante quant à leur poids, comparés à ceux
américaine de ski, montre de façon quasi clinique l’étroite relation
qui consomment le moins. Prise de risque, usage associé de
qui existe entre la durée de tout un ensemble de troubles somatiques
substances addictives, traits de personnalité proches de la recherche
(problèmes oto-rhino-laryngologiques, maux de tête, problèmes
de sensation (impulsivité, conduites à risque), sont des indices qui
musculaires, de pieds ou de jambes, changement de poids,
nous orientent un peu plus vers la vulnérabilité aux comportements
utilisation de substances pharmacologiques non prescrites), et un
addictifs, dans cette population d’usagers de substances dopantes.
score élevé à l’échelle de changement de vie. May conclut que les
événements de vie, la dépression, les émotions incontrôlées,
¶ Conclusion
l’augmentation des tensions, et une baisse de satisfaction dans la
Au total, la relation entre sport, dopage, et addiction, semble plutôt vie, peuvent avoir des effets sur les blessures, les maladies et le
faible. La grande majorité des adolescents et des jeunes sportifs ne potentiel de performance des athlètes.

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Psychiatrie Psychopathologie du sport 37-887-A-10

Prédisposition à la blessure la même catégorie que les personnes ayant vécu un désastre naturel :
May propose un modèle de prédisposition aux blessures basé sur ils scorent même plus haut à la sous-échelle « évitement/déni ». Ils
celui de Yerkes et Dodson. Il estime que, lorsqu’un athlète a un faible se classent à cette dernière dans le groupe des patients souffrant de
niveau d’activation, de concentration, d’acuité perceptive, et d’éveil, problèmes orthopédiques, et qui attendent une admission à l’hôpital
et lorsque sa motivation est basse, il va commettre des erreurs qui pour chirurgie. Les femmes ont des scores à cette sous-échelle
vont augmenter le risque de blessure. De la même manière, si le significativement supérieurs à ceux des hommes.
niveau d’activation est trop élevé, le niveau de performance diminue Il est nécessaire de tenir compte de la dimension psychologique pour
à nouveau, la fréquence des erreurs augmente, et celle des blessures faciliter le soin. C’est aussi important pour l’éducation du sportif de
doit suivre de façon accélérée. May reprend le modèle de la zone haut niveau. En effet, la gravité des conséquences psychologiques
optimale de performance de Hanin, qui décrit un niveau d’activation de la blessure est bien souvent révélatrice d’un investissement
moyen où la performance est meilleure : en marge de cette zone, les exclusif du sport. Il paraît donc opportun de permettre aux sportifs
blessures sont plus fréquentes. en formation d’exister au travers d’autres investissements. On
Dès 1978, Sanderson répertorie empiriquement sept facteurs de retrouve là les thèses des psychologues cliniciens du sport, celles
blessures : une activité contraphobique, la masculinité, le des pionniers américains Ogilvie et Tutko, ou celles, anciennes aussi,
masochisme, la blessure arme, la blessure évasion, la blessure de Johnson ou Suinn.
psychosomatique et la blessure mensonge ; autant de facteurs fondés
sur une expérience clinique qui désignent la blessure comme non Point de vue psychopathologique
fortuite, mais comme résultant d’un mécanisme psychologique.
C’est une lecture psychanalytique, où la blessure vient résoudre un Au-delà d’une approche épidémiologique de la psychopathologie
problème lié à la pratique du sport, et rend possible son arrêt sans du sportif, il existe un grand courant psychopathologique développé
perdre la face (nous développons cet aspect dans le paragraphe par les cliniciens du sport, principalement psychologues et
consacré à l’approche psychopathologique). Dans le même esprit, psychiatres. Une école française d’inspiration psychanalytique,
May [69] reprend un ensemble de recherches qui montrent que le représentée en particulier par Carrier, Moragues, Birouste, Bilard,
risque d’être blessé est bien supérieur en compétition qu’à Morhain, Labridy, etc apporte un éclairage clinique aux coulisses de
l’entraînement, alors que le sportif passe beaucoup plus de temps à la performance sportive où, par exemple, la contre-performance peut
l’entraînement. Cela souligne le caractère contextuel et être, dans certaines conditions, considérée comme un symptôme [54,
psychologique de la blessure, qui ne peut se résumer à la seule 71]
tout comme la blessure [13], l’activité sportive comme une conduite
exposition au risque et au seul contexte physique (fatigue) ou résultant de conflits intrapsychiques inconscients, qui remettent en
géographique (conditions de compétition, mauvais terrain). cause une conception machiniste du corps, et qui même l’interrogent
au travers de la clinique du sportif.
Théorie de l’attention
Des travaux de Carrier [19] et Bilard [13] ressortit l’extrême complexité
Ce sont les théories de l’attention qui semblent le mieux expliquer de l’intrication entre la pratique sportive et le développement de
le lien entre les facteurs présidant à la blessure et sa survenue. l’adolescent, son rapport à son propre corps, son rapport au corpus
Schématiquement, elles se divisent entre une approche purement social et familial, aux parents et entraîneurs, aux médias, etc. Ils
physiologique, et une approche cognitive. soulignent que la période à haut risque de l’adolescence n’est pas
Du point de vue physiologique, Nideffer montre que, lorsque la consolidée par le contexte du sport de haut niveau. En effet, celui-ci
pression et l’anxiété augmentent, la flexibilité physique et ne se caractérise pas par l’équilibre qui, au sens large, définit la
psychologique diminue. La variation physiologique (augmentation notion de santé. Il prend plutôt une dimension « hors norme »,
de la fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, pression sanguine, transgression obligatoire de tout ce qui est jusque-là admis et
etc) entraîne une réduction du contrôle de l’athlète sur sa reconnu, et dont le record est le paradigme. L’activité sportive de
coordination musculaire fine. Une augmentation de la pression haut niveau n’apparaît pas pathologique en elle-même, pas plus
psychologique entraîne une rigidité dans le processus perceptif qu’elle ne garantit une santé psychique satisfaisante. Elle est hors
(Williams [104] montre, à partir d’expérimentations en laboratoire, que norme et, pour cela, fait courir au sportif, spécialement à l’adolescent
les sujets ayant un haut niveau de stress ont une réduction notable sportif de haut niveau, des risques qu’il faut considérer dans leur
de la vision périphérique). Les blessures peuvent alors devenir plus complexité.
fréquentes. Les étayages, les relations, les limites, les représentations, et les
Du point de vue cognitif, Bramwell et Lysens [64] estiment que les symptômes sont à envisager et à décrypter dans un contexte très
événements de vie mobilisent l’attention du sportif, et gênent sa spécifique et biaisé, car dépassant largement le contexte individuel.
concentration en compétition. Pour s’en protéger, il se concentre sur Le sportif doit se débattre avec les parents, les entraîneurs, les autres
ses mouvements automatiques, ce qui crée une interférence avec les sportifs, son individuation, sa différenciation sexuelle, les
automatismes et entraîne l’accident. C’est l’hypothèse du processus transformations de son corps dans des critères peut-être non voulus,
conscient (conscious processing) de Masters (1992). Plusieurs études et ses propres choix au-delà de ceux de son entourage. Autant
ont montré l’intérêt de cette théorie [41]. d’enjeux qui, s’ils restent dans la problématique classique de
l’adolescence, interviennent dans la réalité, et de façon massive.
Impact psychologique de la blessure Carrier [20] parle de la création d’une structure intermédiaire, celle
Heil [44], Pargam [80] et May [69], insistent sur la nécessité de tenir « d’un état limite expérimental ». Ces enjeux sont à prendre en
compte de l’impact psychologique de la blessure sur le sportif. Ils compte et à gérer de façon clinique, dans un cadre de prévention et
soulignent que c’est trop souvent le soin physique qui seul est de soins. Le clinicien devient un des seuls interlocuteurs possibles, à
recherché, alors que la blessure engage tout le sujet, ses émotions, condition qu’il soit suffisamment averti du contexte, mais qu’il sache
l’image de son corps, l’investissement de toute sa vie, son avenir, sa aussi rester extérieur à celui-ci.
notoriété et sa richesse. L’organisation même de la compétition suggère que, plus on se
Ainsi, Shuer [92] observe que de nombreux athlètes de haut niveau rapproche du très haut niveau, plus le nombre de perdants ayant
continuent de s’entraîner en souffrant ou en étant blessés, à cause beaucoup investi croît (ce qui est à rapprocher de la logique de
des contraintes de la compétition d’élite. Il propose une Impact Event l’élitisme, du secret et du dopage), plus les enjeux individuels sont
Scale à 280 étudiants, parmi lesquels 117 rassemblent tous les critères mis à l’épreuve et ce, d’autant plus que le sujet sera jeune ou
de blessure chronique. Il met en évidence l’impact psychologique fragilisé par un environnement familial ou psychosocial lui-même
extrême de la blessure pour le sportif, ce qui justifie la poursuite de fragile, ou ambivalent dans ses attentes.
l’entraînement, au risque de l’aggravation de la blessure. À la sous- Le sportif de haut niveau a sans cesse à faire avec la limite et le
échelle « intrusion », les athlètes blessés chroniques se classent dans hors-norme. Dès qu’il sort du contexte sportif, il court le risque de

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l’anormalité. Tous les actes de sa vie sont organisés, réglés, observés, toute l’aura d’estime, d’admiration et de statut social inhérente, qui
quantifiés. Sa nourriture est décortiquée ; il apprend à la percevoir se retrouvent confrontés à l’anonymat d’un centre d’entraînement
non en termes de goût mais en termes énergétiques, lipidiques ou national, dans lequel leurs repères, leur statut, leur place dans la
glucidiques. Jusqu’à ses pensées, sa motivation, qui sont travaillées, société sont bouleversés. Cela nécessite des réaménagements
manipulées. Tout son être et l’organisation de sa vie tendent vers un considérables, et une nouvelle réflexion sur leur projet de vie.
seul but. Cela nécessite la prise en compte de son propre corps Carrier fait remarquer qu’une vive déception peut aussi être
comme un objet programmable, mesurable, extérieur à lui-même. À exprimée devant la découverte de la réalité d’une société sportive
cela, il faut ajouter le caractère hors norme et unique de cette non idéale, chez des jeunes sportifs à la recherche de la perfection.
situation. L’athlète de haut niveau se trouve paradoxalement isolé, Elle désigne une autre forme de désillusion, qui peut être due à la
sans paramètre identitaire individuel ou collectif, sans référence nécessité de modifier une orientation sportive. Citons pêle-mêle
préalable, et doit constituer ses propres repères. Carrier [21] remarque l’adolescent de bon niveau qui, du fait de son évolution corporelle
que la blessure, l’échec ou l’arrêt de la pratique sportive peuvent pubertaire, se voit orienté vers une autre discipline que celle où il
mettre en exergue la désadaptation, jusque-là masquée, du sportif. excellait, le déracinement d’athlètes ayant quitté leur pays d’origine
Le milieu du sport de haut niveau, comme l’ont observé il y a pour s’entraîner, ou encore les athlètes qui se voient amenés à porter
quelques années déjà chez des basketteurs professionnels Ogilvie et d’autres couleurs que celles de leur pays. Chaque fois, les sportifs se
Lowry, peut lui-même tolérer les plus graves pathologies trouvent confrontés à une perte de sens du geste sportif, à la remise
psychiatriques, sans les désigner ni les soigner. en cause des repères, des relations, des statuts (sportif, social,
Carrier souligne combien la spécialisation et l’accompagnement relationnel), des valeurs (réfléchies ou non), et à des ruptures
technique/scientifique (faisant souvent appel à des technologies de douloureuses. Dans chacune de ces situations, les questions de la
pointe) sont des facteurs de fragilité, qui peuvent encourager perte, du deuil de la raison de vivre au nom même de cette raison
l’investissement d’un corps-objet mécanisé, rationalisé, asexué, et sont sous-jacentes. Cela peut être à l’origine de réactions complexes
faciliter, tout en leur donnant une apparente adaptation, des mêlant culpabilité, déni, etc. Le sportif se trouve confronté à de
comportements, signes de désorganisation psychopathologique, qui nouvelles contraintes psychiques, auxquelles il doit s’adapter. Elles
mettent souvent en jeu les problématiques de la toute-puissance ou se posent le plus souvent à un moment sensible de l’évolution du
de la maîtrise (par exemple, l’anorexie). Le clinicien doit être sujet, l’adolescence. Elles peuvent intervenir de façon négative sur
particulièrement attentif à cet aspect. L’auteur propose un l’efficacité du geste sportif, engendrer des mouvements dépressifs,
questionnaire appréciant le début d’une désadaptation à la pratique de véritables désorganisations psychologiques, l’abandon du sport.
sportive intensive. L’autre manifestation de la symptomatologie dépressive, toujours
L’approche psychopathologique recouvre les mêmes symptômes de selon Carrier, s’exprime par des passages à l’acte qui mettent en
souffrance psychique ou psychiatrique que ceux observés dans un échec le projet sportif.
champ nosographique ou épidémiologique, et les éclaire d’un jour Au-delà d’une certaine dynamique violente ou agressive attendue
différent. du sportif de haut niveau (y compris contre son propre corps pour
Carrier parle par exemple de la problématique de deuil rencontrée à le transformer en vue de la performance), qui doit être contenue
plusieurs moments de la carrière du sportif, tant en cas de blessure dans des limites extrêmes, la violence peut se retourner contre
qu’en cas d’arrêt de carrière, où tout ce qui avait été investi jusque-là l’athlète lui-même ou contre ses adversaires. À l’inverse, le sportif
devient dérisoire, dépourvu de sens, de façon incompréhensible peut parfois abandonner toute violence, et se laisser malmener ou
pour l’entourage non averti. Cet arrêt est d’autant plus manquer d’allant : cela évoque alors un tableau plus classique
dommageable qu’il coïncide avec l’arrêt brutal de la reconnaissance d’inhibition dépressive.
d’une valeur économique ou médiatique. La difficulté engendrée est Carrier compare le passage à l’acte autoagressif à la tentative de
d’autant plus profonde que la discipline exercée exige une maturité suicide observée chez l’adolescent tout-venant, dans un milieu où la
précoce, et que la pratique sportive a induit un investissement mort est particulièrement niée. Ainsi, certains accidents sportifs et
univoque. On observe alors une sorte de polarisation de la totalité leurs répétitions, tout comme de nombreuses prises de risques
des énergies excluant toute autre dynamique (adolescence, excessifs, peuvent être des signes de détresse. Elle remarque que
formation professionnelle…). Ogilvie, en 1966, soulignait déjà certaines autoagressions ou sacrifices de son propre corps, pour
l’importance de préparer, dès la formation du sportif, un éviter de faire mal aux autres, engendrent une immobilisation qui
investissement plural, afin de le protéger d’une totale perte dissimule ou permet d’éviter une dépression sous-jacente.
d’investissements et d’une trop grande souffrance lors de l’arrêt du Pour Carrier, les troubles du comportement alimentaire entrent aussi
sport par blessure ou par retraite, et afin aussi de lui permettre de dans cette catégorie de passage à l’acte, particulièrement la boulimie.
garder un regard suffisamment distancié sur sa propre pratique. La surenchère d’actes sportifs, toujours selon Carrier, peut être le
Le sport possède cette particularité de matérialiser un idéal vers reflet d’une sorte de fuite en avant. Celle-ci évoque des états
lequel toutes les énergies peuvent converger, et qui, prenant la place hypomaniaques, qui peuvent alterner avec des mouvements
de tout autre investissement, peut apparaître comme une possible dépressifs. L’instabilité de l’équilibre psychique du sportif se
résolution de toutes les sources anxiogènes. Malheureusement, ce manifeste alors sous la forme d’une hyperactivité, d’une excitation
but est souvent atteint. Dans ce cas, il fait courir au sportif le risque motrice désordonnée et stérile. Ce type d’état a de nombreuses
d’être confronté au vide existentiel que masquait son investissement. causes possibles (y compris purement psychiatriques), mais Carrier
Un magazine de triathlon avait appelé cela avec humour « after remarque qu’il apparaît particulièrement lorsque l’entraîneur ou
ironman depression syndrom (AIDS) ». l’équipe d’encadrement prennent une certaine distance
Carrier rassemble, sous les notions de « désillusion » et de « passage (géographique, symbolique, ou réelle) avec l’athlète.
à l’acte », les différents symptômes des sportifs de haut niveau qui Une autre sorte, enfin, de passage à l’acte, est l’inhibition à entrer
révèlent des mouvements dépressifs et s’expriment par le langage « sur la scène » au moment des compétitions. Si elle peut apparaître
du corps. parfois comme un signe plutôt positif d’opposition, elle renvoie
Selon elle, le cas le plus fréquent de désillusion correspond à une souvent à une conduite d’échec classique.
incapacité à assumer le projet sportif. Les prétextes en sont Il existe, pour Carrier, au-delà de la désillusion et du passage à
nombreux : immobilisation après accident, différends entre l’acte, d’autres modes d’expression de mouvements dépressifs. Par
entraîneur et athlète, contre-performance ou non-sélection… Cette exemple, elle évoque le tableau du personnage « normopathe
situation d’exigence d’un « toujours plus » induit une baisse du hypernormal ». Les références aux travaux de la psychanalyste Joyce
temps de récupération, et une augmentation du phénomène Mac Dougall sont directes. Ici, le sujet se révèle hyperadapté,
d’anticipation anxieuse préjudiciable au sportif. Un autre exemple psychorigide, en danger dans toutes les tentatives d’adaptation à un
est le changement de statut d’athlètes de bon niveau régional, avec autre système. Le normopathe fonctionne de manière ritualisée. Le

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sujet tente une maîtrise consciente et stéréotypée des rapports s’appuie sur l’habitude d’absorption codée, ritualisée et
sociaux, qui s’inscrit dans une sorte de minéralisation de l’autre et institutionnalisée par la pratique sportive intensive, de nourriture et
de l’extérieur. Se pose alors la question du passage de la nécessaire de boisson. Ce comportement s’observe particulièrement lors
assistance technicoscientifique qui entoure, étaye et génère le sportif d’interruption forcée du sport, ou lors de l’arrêt définitif ; comme si
de haut niveau, à une dépendance pathologique aux objets sportifs, l’excitation orale venait remplacer l’excitation motrice. Les sportifs
qui envahit le sujet, et se montre inadaptée dans tous les espaces semblent se rattraper de toutes les privations passées, mais ce
non sportifs. comportement est peut-être aussi à relier à une problématique
Cette dépendance peut aussi susciter une demande permanente dépressive. D’autres objets de dépendance peuvent prendre place
concernant tout le corps, où la sensation est privilégiée, et le corps ici : l’alcool, le tabac, la drogue.
réifié. Les signes évoquent dans ce cas l’hypocondrie. Les plaintes
manifestées sur le corps sont classiquement repérées comme
manifestations d’angoisse. Pour Carrier, ce type de dépendance peut
être à l’origine de phobies, et particulièrement de dysmor- Conclusion
phophobies. Celles-ci peuvent apparaître au carrefour de la
transformation du corps de l’adolescent, des exigences parentales, La logique du sport de haute compétition, la concurrence, la quête du
sportives, de celles des entraîneurs, du regard des autres sur son hors-norme, de la nouveauté, de ce que les autres n’ont pas, la maîtrise
corps et de son propre regard, et de l’éventuel deuil à opérer de la de technologies nouvelles, l’habitude de côtoyer le singulier, de
croyance en la maîtrise de celui-ci par le travail, et finalement de raisonner dans le novateur, et d’être confronté à la maîtrise du
l’inefficacité de tous les efforts réalisés. biologique, la déconnection d’avec les repères sociaux habituels et
Peu éloignées de ces enjeux, les dépendances à un corps regardé, l’absence de normes collectives nettes, le recours à l’aide extérieure et au
particulièrement fréquentes chez les athlètes féminines, sont aussi à savoir non maîtrisé, entraînent parfois le sportif vers deux quêtes très
évoquer. Les disciplines les plus concernées sont les sports dits proches dans leur dynamique, et qui font vraisemblablement partie de la
« appréciés », où les résultats sont donnés par un jury (patinage, logique sportive : le recours à des gourous d’une part, le dopage d’autre
natation synchronisée, gymnastique). L’évitement du deuil de part.
certaines idées de toute-puissance et de maîtrise de son corps peut Les praticiens de la psychologie du sport ont vu leurs interventions se
engendrer une rigidification des comportements alimentaires, et développer, sous la double influence de la demande d’optimisation de la
mener à l’anorexie mentale ou à la boulimie. Ici, la faiblesse des performance, liée à la professionnalisation (avec ses enjeux financiers)
capacités à passer du « néocorps sportif » au corps propre sexué et à la scientificité de la préparation, avec l’entraînement intensif (avec
adulte, semble fortement mise en jeu. ses enjeux politiques, aussi bien d’un côté que de l’autre de l’ex-rideau
Carrier [21] évoque un autre aspect de la psychopathologie du de fer). Ils se sont orientés dans deux directions : la première concerne la
sportif : la dérive vers des conduites addictives. Par exemple, préparation psychologique et la gestion du stress ; la seconde la
certains athlètes multiplient les entraînements « libres » et psychopathologie, c’est-à-dire la résolution de la souffrance psychique,
généralement solitaires, et surtout « hyperprogrammés ». Le corps, la compréhension par le sportif des enjeux de l’investissement de son
l’excitation motrice, la sensation corporelle sont surinvestis. Le sport sport et de la compétition, la blessure, le retour à la compétition ou la fin
devient le seul vecteur de la sensation, l’exercice est investi avec de carrière.
avidité. Une véritable addiction au mouvement peut s’organiser. Les psychologues du sport doivent maintenant tenir compte des
L’effet immédiat de l’acte addictif est une entrave à l’expérience orientations actuelles du sport et de ses évolutions. À côté d’une
irrépressible du manque. Il évite l’élaboration du désir, des réflexion sur la répression et la responsabilisation des sportifs (que la
fantasmes et des affects. Il peut en cela rassurer le sportif, qui a déresponsabilisation pénale lors de la consommation de substances
perdu l’habitude d’affronter ses conflits. Le risque est interdites continue à exclure de la réalité), sur un renforcement d’une
l’enclenchement d’un syndrome de surentraînement ; celui-ci est éthique sportive, ils prennent leur place dans l’accompagnement du
fréquemment associé à l’anorexie mentale chez les femmes. sportif blessé, mais aussi et surtout, aujourd’hui, dans la réflexion sur
Tout comme le maintien d’une excitation musculaire, qui vient d’être les bases d’une formation et d’une éducation, en vue de la prévention
décrit, Carrier souligne le maintien d’un excitation orale. Celle-ci des effets pathologiques engendrés par certaines pratiques sportives.

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