h a, omndsouffle n"5 Des objectifs à la performance

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Des objectifs a la performance ...

Karine Repérant (Languedoc-Roussillon)

Depuis quelques années on par'e de plus en plus de techniques

d'entraînement mental. Le rôle du psychologue du sport est de
pouvoir associer différents outils : il doit répondre de manière
appropriée à la demande du sportif en travaillant sur les
problématiques individuelles. Les connaissances sur les
processus cognitifs nous ont permis, à partir d'une méthode
utilisée dans les pays anglo-saxons en psychologie du travail,
de mettre en place une technique précise : le goal-setting. Elle
permet d'une part un suivi psychologique et d'autre part. aux
sportifs de se dissocier des objectifs communément acceptés
par re club, les entraîneurs, le champ sportif.
Tout au long de cet article, nous définirons le goal-setting et
nous montrerons avec le cas de Michael (sportif de haut
niveau) que cette technique permet de travailler sur la
motivation, les objectifs et les stratégies d'atteintes.

Le goal setting
Le goal-setting est une technique cognitive de fixation
d'objectifs. Elle permet, sur un mode interactif .entre le
psychologue et le sportif, de verbaliser, d'analyser et
d'interpréter les objectifs. Pourquoi interactif? Car le rôle du
psycr.ologue du sport, dans ce cas, est de favoriser une
dynamique qui permettra aux individus de s'investir, de
s'engager dans une réflexion à laquelle ils ne sont pas habitués.
Dans ce type d'intervention, le praticien s'emploie à établir une
relation de collaboration entre l'irdividu et lui.
Pourquoi le goal-setting? La technique du goal-setting n'est
pas une solution magique qui va donner aux sportifs volonté,
performances et résultats. Elle doit être pratiquée par un
psychologue formé à cet effet afin qu'il puisse juger de la
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pertinence de ce dispositif. En effet cette technique présente
certaines limites, elle n'est adaptée que pour certaines
problématiques en lien avec la motivation, le stress, la reprise
de l'activité sportive... et ne pennet un travail psychologique
que sur des processus conscients et préconscients.
Les fondements pratiques du goal-setting reposent sur deux
faits :
- l'existence de différents types de motivations qui· poussent
chaque individu à pratiquer une activité physique ;
- les objectifs poursuivis par chaque individu sont multiples.
De plus, un certain.nombre d'études a été effectué sur les effets
de la formulation d'objectifs en tant que technique de
motivation ; les résultats montrent que la fixation d'objectifs a
une influence sur la réalisation de la tâche et sur la
performance".
Cette méthode tient sa particularité du fait que, lors des
entretiens, le psychologue du sport va d'une part tenter
d'analyser les différents types de processus qui guident
l'athlète dans sa pratique sportive (ses motivations) et d'autre.
part proposer au sportif une réflexion sur ses objectifs
personnels (à long terme et à court terme) ainsi que sur la
représentation qu'il a de ses performances. Ce travail va
amener à réduire la différence entre le niveau d'aspiration, qui
représente le résultat qu'un individu espère faire (ses espoirs),
et le niveau d'expectation, qui reflète ce que l'individu se sent
capable d'obtenir comme résultat (ses attentes). En d'autres
termes, ce travail permet d'élaborer la différence qui existe
entre le fantasme (principe de plaisir/espoir) et la réalité
concrète que la compétition renvoie (lès attentes). Le travail de
goal-setting favorise la distanciation face aux objectifs des
parents, des clubs, des entraîneurs. Il permet de se positionner
. BURTON, D., « The impact of goal specificity and task complexity on
basketball skill development», The Sport Psychologist, 3, 1989, p. 34-37.
BURTON, D., « Winning isn't everything : Examining the impact of
performance goals on collegiate swimmers cognitions and performance »,
The Snort Psychologist, 3, 1989, p. 105-,132.
second_souffle n?5
Des objectifs la performance
dans le continuum motivationnel (travailler sur sa motivation)
et de prendre conscience de ses désirs. On peut donc penser
que cette technique va favoriser une réduction du stress
postcompétitif et compétitif ainsi qu'une augmentation de la
confiance en soi chez certains sportifs dont la problématique se
centre sur la prise de distance face aux objectifs extérieurs on
l'acceptation de leur propre désir.
Le dispositif
Ce dispositif comporte plusieurs étapes. Dans un premier
temps le psychologue du sport procède à un ou plusieurs
entretiens afin d'évaluer la problématique du sportif et
d'adopter un dispositif approprié. Pour comprendre le
fonctionnement de cette technique prenons comme exemple le
cas de Michael.
Michael est un judoka de 15 ans, qui vient consulter un
psychologue du sport pour la première fois. Il est en pôle espoir
judo depuis 3 mois et il combat dans la catégorie des moins de
70 kg. Durant les premiers entretiens, il fait part de son histoire
sportive et personnelle. Il raconte qu'il a pratiqué différents
sports mais·que le judo est sa passion et surtout «c'est le sport
où [il] obtient les meilleurs résultats». Après avoir exprimé
quelques faits sur sa vie de famille, ses résultats scolaires et ses
résultats en judo, Michael parle de sa vie au pôle espoir.
M: «Je ne sais plus où j'en suis. Je ne comprends
pas comment je pourrais réussir au pôle. Je suis
déçu de mes résultats sportifs et scolaires... je ne
suis plus motivépourfaire des efforts. »
D'un point de vue psychologique, l'entrée dans une structure
comme un pôle espoir peut bouleverser le développement
psychologique de l'adolescent. Il perd ses repères, les
changements provoquent des modifications dans ses croyances,
son caractère, sa motivation. . . L'athlète peut alors se sentir
déstabilisé et parfois même abandonné. Il est à la recherche
d'un nouveau statut qui lui permettrait d'ohtenir + + .1.-- 1_.
 second souffle n 5
ce nouveau groupe. A cet âge et dans cet environnement les
athlètes sont confrontés à un double passage :
- ils passent de l'état d'adolescent à celui d'adulte (avec tous
les changements que ceia comporte),
- ils passent aussi du plaisir (le «jeu» entre amis dans leur club)
à la performance (le «sport» avec des compétiteurs d'un niveau
plus élevé que le leur).
M: «Je ne suis plus motivé pour faire des
efforts.»
A ceci vient s'ajouter le fait qu'ils quittent leur entraîneur. Pour
comprendre ce passage on peut s'appuyer sur un champ
théorique différent. Les concepts issus de la psychanalyse nous
laissent penser que, pour certains athlètes, cet entraîneur avait
une place de père symbolique. Ces mêmes athlètes se trouvent,
maintenant, face à des «profs»'de judo dont ils ne connaissent
rien. Toutes ces modifications peuvent entraîner des conflits
psychiques et s'exprimer sur le terrain sportif. L'athlète est pris
dans un engrenage : il doit (ou croit devoir) gagner car il a été
sélectionné. Il se trouve confronté à des contraintes psychiques
de restructuration, la place de l'idéal du moi et le rapport entre
l'idéal du moi' et le moi idéal changent. Ce double passage se
traduit par un changement corporel, mais aussi, dans le milieu
sportif, par une rupture de la progression et une baisse de
motivation. Durant· cette période, les attentes des sportifs sont
modifiées, leur niveau d'expectation (voirp.2) change.
L'athlète peut se questionner : quels sont ses objectifs, à qui
appartient le but qu'il poursuit ou tente d'atteindre et par
conséquent dans quelle mesure il veut encore suivre les mêmes
stratégies.
·
6
• Terme recueilli lors d'entretiens athlète-psychologue (2001)
1 Instance psychique qui choisit parmi les valeurs morales et éthiques celles
qui constituent un idéal auquel le sujet aspire.
. Le moi idéal est une formation psychique appartenant au registre de
· /
, si.wu
l'imaginaire.
l l--
Jas seco nd soufflen
"5.
Des objectifs à la performance
KR: «Pourquoi fais-tu du judo en pôle espoir,
quelles sont tes motivations ? »
M: «Je ne sais pas, iüfaut simplement s'entrainer
et aller aux compétitions ! »
KR « Pourquoi " ilfut " 2
M: « Parce queje sui obligé... maintenant queje
suis là je dois faire des efforts, il y a des
compétitions bientôt. »
Selon Deci et Ryan", il existe différents types de motivations
dans le sport qui peuvent être distinguées par le degré
d'autodétermination qui sous-tend le comportement sportif,
D'après cette théorie, plus la motivation de l'athlète est
autodéterminée, plus celui-ci choisit volontairement de
pratiquer une activité. Les auteurs présentent la notion de
continuum motivationnel, qui va de l'amotivation" A 1
motivation intrinsèque', en passant ar les diverses nuances de
la motivation extrinsèque".,
La motivation qui pousse Michael dans son activité est une
motivation extrinsèque, qu'il exprime par les termes « il faut
que ». Le travail effectué avec le goal-setting va lui permettre
de verbaliser et de comprendre ses objectifs à long et à court
termes, d'identifier ses limites et d'élaborer des stratégies £
d'atteinte. Ce cheminement devrait faire évoluer la motivation
extrinsèque en motivation intrinsèque. 4
:1,
'
". Le modèk motivationnel de Dcci et Ryan (1971, 1975, 1985, 1991 .[i
. li
". L'amotivation peut se définir comme l'absence relative de motivation,
qu'elle soit intrinsèque ou extrinsèque
''. Un individu est motivé intrinsèquement lorsqu'une tâche ou une activité ;,J
est accomplie pour le plaisir et la satisfaction retirés de sa pratique ou de sa
réalisation.
. Un indivilu motivé extrinsèquement ne fait pas l'activité pour elle. !
même, mais plutôtpour la récompense, ou encore pour éviter quelquechose "1
de déplaisant (lapunition) une fois l'activité ternince.
 bs
second souffle n 5
Les entretiens d'objectifs
Le travail sur les attributions
Lors des premières séances de goal-setting, le psychologue et
l'athlète travaillent sur les attributions (le locus interne ou
externe) faites par l'athlète, c'est-à-dire ce à qui ou à quoi le
sportif attribue ses succès et ses échecs. Les attributions jouent
un rôle primordial dans la motivation. En effet elles fixent ou
non le niveau d'expectation et d'aspiration de l'athlète. Elles
lui permettent, entre autres, d'anticiper les résultats potentiels
des prochaines compétitions.
KR: «A qui attribues-tu tes réussites en
compétitions ? »
M: « Quand je gagne, c'est grâce au soutien de
mes amis. »
KR :« Et quand tu perds ?»
M: «C'est mafaute, j 'aurais da faire mieux...
Les attributions de Michael ne lui permettent pas de se fixer un
niveau d'expectation (ses attentes) de succès pour le prochain
match, par contre, son niveau d'aspiration (ses espoirs) restant
élevé, il se tourne vers son « incompétence » pour expliquer ses
échecs ; il se sent alors coupable et éprouve un sentiment de
honte lors de ces échecs. Ceci entraîne une perte de confiance
et de motivation. Soulignons qu'il existe une corrélation entre
les facteurs auxquels on attribue les causes des succès ou des
échecs et les réactions affectives. Il est donc essentiel de
travailler sur les émotions. L'intérêt est d'offrir au sportif la
possibilité de verbaliser son ressenti, ses sentiments ou ses
émotions. De plus, cela permet au sujet de réfléchir sur la
perception et l'interprétation qu'il fait des événements.
Les objectifs long terme aux objectifs de performance
Globalement, le travail sur la fixation d'objectifs est :
- une recherche des objectifs à long terme: ce sont des
objectifs qui n'ont pas d'effet sur des épreuves immédiates, ils
„ondsouffle
n"5. Des objectifs à la performance
sont très éloignés dans le temps et par conséquent ne dirigent
pas le comportement ;
- une recherche des objectifs à court terme : ils dirigent et
affectent le comportement, ils dirigent l'attention du· sportif
vers les éléments importants pour I 'individu. Cette catégorie
englobe de nombreux sous-objectifs comme les objectifs de
résultat, les objectifs de performance;
- une recherche des objectifs de compétition et d'entraînement;
un travail sur les stratégies d'atteinte de ces objectifs.
Il est indispensable de rechercher et de différencier les objectifs
rêvés et les objectifs plus réalistes. Développer les objectifs
rêvés offre la possibilité aux sportifs de sortir de leur statut.
Pendant un temps, dans un espace donné, ils peuvent entrevoir
des objectifs non réalisables dans l'immédiat. Mais ces
objectifs. leur font plaisir, ils sont issus de leurs rêves et de leur
espoir.
Le rôle du psychologue du sport est aussi de mettre l'accent sur
les objectifs de performance. Les athlètes qui se fixent des
objectifs en termes de performance ressentent moins d'anxiété
et une plus grande confiance en eux parce que l'atteinte de
leurs buts n'est pas liée au comportement de leurs adversaires,
mais seulement à leur propre prestation. Les objectifs liés à la
performance (ou au processus) portent sur l'atteinte de critères
comparables à leurs propres performances antérieures. Ils sont
donc relativement flexibles.
KR : « Quels sont tes objectifs à court terme, tes
objectifs pour la fin de l'année scolaire ? »
M : « .... être champion de France, être sélectionné
pour entrer en pôle France, passer en
première S. »
Michael formule des objectifs en termes de résultats, c'est-à-
dire des buts, fixés par l'athlète, portant sur l'issue de la
compétition (gagner une course, remporter une médaille).
L'atteinte de ces objectifs dépend non senlement dos +-+·.---
 second souffie n 5
Huslia
t
%
de Michael et des aptitudes de son adversaire, mais aussi des
plans de formation et des programmes compétitifs. Les
objectifs de résultats sont peu susceptibles d'être changés, sauf
pour être·mis à niveau, ou si Michael consulte l'entraîneur pour
l'élaboration de ses objectifs. Ils lui servent de norme
d'évaluation de ses compétences (une comparaison avec
l'adversaire). Un échec dans la réalisation de ces buts aboutit
d'habitude à une période prolongée de démotivation.
KR: «... Penses-tu atteindre tous ces objectifs ? »
M:« Non. »
KR : «Pourquoi, quelles sont tes limites dans
l'atteinte de ces objectifs ? »
M : «Mon niveau en judo, pour le pôle France
c'est les entraîneurs qui sélectionnent, et pour la
première S, je n'ai pas assez de temps pour
travailler. »
On remarque que Michael évoque des limites qui lui sont
indépendantes, mais qu'il a intégrées. Beaucoup d'individus
sont passionnés, mais à cause des limites qu'ils croient leurs,
ils modifient leurs objectifs. Même s'il n'existe pas de limites
dans le choix de nos perceptions, à l'exception de celles que
nous nous imposons, les sportifs ont des limites physiques,
émotionnelles ... La représentation que Michael a de ces limites
va l'amener à abandonner ces objectifs (car ils sont perçus
comme irréalisables) et à changer son comportement
(diminution de concentration et d'assiduité, de motivation, de
performance... ). Ce qui, dans certains cas, peut provoquer
l'arrêt de l'activité sportive.
Par conséquent, pour chaque type d'objectif développé, le
psychologue doit prendre soin de travailler sur les limites
perçues par le sujet pour atteindre ces objectifs'.
Il est nécessaire ensuite de travailler sur les stratégies d'atteinte
des objectifs proposés. Cette étude est capitale dans le sens où
9'
. Quelles limites je me connais aujourd'hui pour aller vers mon objectif?
- l33
h second soufflen"5
«
Des objectifs à la performance
chaque comportement est motivé par l'atteinte d'un but. Le ·,
travail sur les stratégies d'atteinte" permet de comprendre
l'origine des comportements répétitifs (les limites perçues), de
faciliter la remise en question et d'imaginer des scénarii
différents. Les stratégies sont des plans d'actions qui
accompagnent les objectifs, elles sont relativement flexibles.
Elles permettent d'utiliser nos ressources, notre potentiel de la
manière la plus appropriée.
KR : «Comment penses-tu atteindre ces objectifs
ou t'en rapprocher leplus près possible ? »
M: «Pour être champion de France il faut faire
des podiums aux compétitions, pour être
sélectionné, il faut faire bonne impression auprès
des entraineurs et pour la première, il faut avoir
des bonnes notes. »
Comme beaucoup de sportifs Michael évoque des stratégies en
termes d'objectifs de résultats. Les objectifs des milieux
sportifs et des compétitions poussent les sportifs dans un
système de pensée unique : les résultats.
·:=!
Le travail est alors de reprendre les objectifs afin que Michael
i:
puisse pr'éndre conscience de ses objectifs personnels et des
facteurs motivationnels qui sous-tendent son investissement
'f
I1
sportif et scolaire. ±,
t,
Les stratégies d'atteintes qui suivent ce travail sont en rapport il
i/
direct avec les limites de Michael. L'utilisation de cette IlI
technique a permis à Michael de s'interroger sur ses l:
motivations, sur son investissement. Il est aujourd'hui capable
de faire la différence entre : ses performances et ses résultats,
ses objectfs personnels, sportifs et ses objectifs en tant que
compétiteur. Cela lui permettra, à long terme, une meilleure
gestion du stress, l'évolution de sa motivation, de meilleures
performances et, qui sait, peut-être de meilleurs résultats I
"". Que faut-il mettre en place pour aller vers mon objectif ?
la
 second souffle n 5

Conclusion
Ce qu'il faut retenir c'est que cette technique n'est pas une
recette que Pon applique aux sportifs, elle nécessite une
analyse et des compétences spécifiques. Il faut garder en tête
que cette pratique à des effets négatifs dans. certains cas. Elle
amène le psychologue et l'athlète dans un suivi à moyen terme
(sur l'année sportive et scolaire). L'intervention des entraîneurs
(avec l'accord du sportif) est souvent nécessaire pour établir les
stratégies d'atteintes sportives (relevant de ses compétences et
non de celle du psychologue).

De manière générale, les difficultés dans la mise en œuvre du

programme de formulation des objectifs sont dépendantes du
cadre temporel, mais aussi de la capacité des sujets à formuler
des objectifs. Le sportif et le psychologue s'engagent pour un
certain. temps, qui peut parfois être interrompu par les
contraintes temporelles. En effet, le développement de cette
technique et l'adaptation à chaque individu demandent
plusieurs séances, ce qui peut rendre difficile le suivi régulier.
De plus, le psychologue doit tenir compte de difficultés comme
l'absence d'objectifs précis, la formulation d'un trop grand
de
nombre d'objectifs et l'absence réajustement des objectifs.