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LE PSYCHOLOGUE
et
LE
' RGONOMIE

B. GILLET
Maître de conférences en Psychologie du travail
au Conservatoire National des Arts et Métiers
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Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés,


réservés pour tous pays.
La loi du Il mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article
41, d'une part, que les "copies ou reproductions strictement réservées à l'usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective", et d'autre part, que
les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, "toute
représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de
l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite" (alinéa 1er de
l 'article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue -
rait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

EDITIONS
6 bis, rue A. CHENIER
92130 - ISSY-LES-MOULINEAUX
FRANCE
2ème trimestre 1987
Dépôt légal : 259.0587
ISSN : 0981.7727
ISBN : 2.86491 - 008 -X
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SOMMAIRE
PREFACES 11
INTRODUCTION 17
CHAPITRE 1: LAPSYCHOLOGIE ERGONOMIQUE: DEQUOI S'AGIT- IL? 19
1. Place de la psychologie ergonomique dans la psychologie du travail 19
II. L'ergonomie 19
III. La psychologie ergonomique 22
IV. Histoire de la psychologie ergonomique 24
V. Illustrations de l'évolution historique 28
VI. Conclusion 30
CHAPITRE Il : THEORIE ET PRATIQUE DE LAPSYCHOLOGIE ERGONOMIQUE
OU "QUI FAIT QUOI?" 31
1. Objectif: la compatibilité entre l'homme et la machine 31
II. Domaines de la psychologie ergonomique 32
III. Théoriciens et praticiens 33
IV. Travail d'un groupe attaché à une entreprise nationalisée 34
V. Obstacles à l'insertion de l'ergonomie dans l'entreprise 35
VI. Autres sources d'informations 36
VII. Exemple d'ergonomie de transfert: l'aménagement de bureaux 36
VIII. Les multiples aspects d'une intervention ergonomique:
l'étude de la fonction de contrôleur de la navigation aérienne 37
CHAPITRE III : METHODES ETTECHNIQUES D'ETUDE EN PSYCHOLOGIE
ERGONOMIQUE 41
1. La notion de travail 41
II. Tâche et activité 43
III. Première approche du problème, essai de délimitation du système 45
IV. Etude de l'activité 46
V. Etude de la tâcheA 62
VI. Analyse de l'activité, analyse des tâches, diagnostic 66
VII. Un exemple d'intervention 68
CHAPITRE IV : LE TRAVAILLEUR FACE AUXDONNEES DE LASITUATION DETRAVAIL72
1. De quoi s'agit-it? 73
II. Les informations dans la situation de travail 79
III. Analyse psychologique des informations et données 82
IV. Analyse sémiologique 83
V. Etude des intermédiaires graphiques 86
VI. Etude des systèmes interactifs 88
VII. Etude de la signalisation 91
CHAPITRE V: LES CONDUITES PERCEPTIVES 95
1. Situations de travail et activités perceptives 95
II. Quelques rappels sur la perception 97
III. Les niveaux d'activités perceptives 99
IV. Vigilance et attention: définitions et mises en perspective 104
V. Etude psychologique de l'attention 106
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VI. Les conduites perceptives face à l'incertitude temporelle:


étude psychologique 109
VII. Les conduites perceptives d'exploration spatiale 113
VIII. Etudes sur la conduite automobile 123
CHAPITRE VI : LES CONDUITES D'APPRENTISSAGE ET DE MEMORISATION 127
1. Rappels sur l'apprentissage 127
il. La définition des objectifs d'apprentissage par l'analyse
du travail 133
III. La planification des actions d'apprentissage 136
IV. Autres facteurs d'apprentissage 138
V. La formation des contrôleurs de la navigation aérienne 141
VI. Rappels sur la mémoire 144
VII. Mémoire opérationnelle et structure de travail 148
VIII. Aides à la formation, mémoire et structure de travail 151
CHAPITRE VII : LE TRAVAILLEUR ET LES SITUATIONS DE PROBLEME
(Les activités mentales) 155
1. Quelques situations problèmes 155
II. Quelques formulations de la représentation mentale 162
III. La planification des actions 168
IV. L'analyse systémique du "Human Problem Solving" 174
V. L'analyse des activités cognitives dans leur microgénèse 177
VI. Les activités mentales dans les processus de production
fortement automatisés 180
VII. Les activités mentales dans les tâches de production et
de transformation des produits 182
VIII. Les activités mentales dans les tâches de service 183
CHAPITRE VIII : CHARGE DETRAVAIL 187
1. De quoi s'agit-it? 187
II. Analyse de la situation de travail 189
III. Les facteurs déterminant la charge de travail 192
IV. Les indices de mesure de la charge de travail 195
V. Des grilles d'analyse 201
VI. Problèmes d'application 204
VII. Vie au travail et vie hors travail 2
CHAPITRE IX : SECURITE ET ACCIDENTOLOGIE DANS L'ENTREPRISE 209
1. Le bilan sécurité: approche statistique des accidents 210
II. La recherche des causes des accidents: approche clinique par la
méthode INRS 220
III. Approches aprioristes 225
IV. La prévention des accidents 228
V. Aspects juridiques 236
CONCLUSION 247
LISTE DES TABLEAUX 248
LISTE DES FIGURES 249
GLOSSAIRE 250
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 255
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CONTENTS
PREFACES 11
INTRODUCTION 17
CHAPTER I : ERGONOMICPSYCHOLOGY : WHATIS IT ? 19
I. Place of ergonomic psychology in work psychology 19
II. Ergonomics 19
III. Ergonomic psychology 22
IV. History of ergonomic psychology 24
V. Illustrations of its historical evolution 28
VI. Conclusion 30
CHAPTER II : THEORYANDPRATICE OF ERGONOMIC PSYCHOLOGY
OR 'WHO DOES WHAT'? 31
I. Purpose: compatibility between man and machine 31
II. Field of ergonomic psychology 32
III. Theorists and practitioners 33
IV. Work of a group in a nationalized company 34
V. Obstacles to the insertion of ergonomics in a company 35
VI. Other sources of information 36
VII. Example of transference ergonomics: fitting out offices 36
VIII. Multiple aspects of ergonomic intervention:
study of the work of an air traffic controller 37
CHAPTER III : STUDYMETHODSANDTECHNICS IN ERGONOMICPSYCHOLOGY 41
I. Notion of work 41
II. Task and activity 43
III. First approach to the problem: what is the system? 45
IV. Study of activity 46
V. Study of the task 62
VI. Analysis of activity, analysis of task, diagnosis 66
VII. Example of intervention 68
CHAPTER IV : THE WORKER FACED WITHWORKSITUATION DATA 72
I. What is it? 73
II. Information in the work situation 79
III. Psychological analysis of information and data 82
IV. Semeiological analysis 83
V. Study of graphic intermediates 86
VI. Study of interactive systems 88
VII. Study of signalling 91
CHAPTER V: THE WORKERANDPERCEPTIVE ACTIVITIES 95
I. Worksituations and perceptual activities 95
n. Afew reminders about perception 97
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III. Levels of perceptual activities 99


IV. Vigilance and attention: definitions and views 104
V. Psychological study of attention 106
VI. Perceptual behavior and time uncertainly: psychological study 109
VII. Perceptual behavior and spatial exploration 113
VIII. Studies on car driving 123
CHAPTER VI : LEARNING ANDMEMORYBEHAVIOR 127
I. Reminders about learning 127
II. Definition of learning objectives by job analysis 133
III. Planning learning actions 136
IV. Other factors in learning 138
V. Training of airtraffic controllers 141
VI. Reminders about memory 144
VII. Operative memory and work structure 148
VIII. Aids to training, memory and work structure 151
CHAPTER VII : THE WORKERANDPROBLEM SITUATIONS 155
I. Afew problem situations 155
II. Afew definitions of mental representation 162
III. Action planning 168
IV. System analysis by "Human Problem Solving" 174
V. Analysis of cognitive activities in their microgenesis 177
VI. Mental activities in automatic production processus 180
VII. Mental activities in production and product transformation tasks 182
VIII. Mental activities in service tasks 183
CHAPTER VIII : THE WORKLOAD 187
I. What is it? 187
II. Analysis of the work situation 189
III. Actors determining the work load 192
IV. Measurement of work load 195
V. Analytical tables 201
VI. Application problems 204
VIII. Life at work and outside 206
CHAPTER IX : SAFETY ANDACCIDENTS IN THE FACTORY 209
I. The safety schedule: statistical approach to accidents 210
II. Research into causes of accidents:
clinical approach by the I.N.R.S. method 220
III. Apriori approaches 225
IV. Preventions of accidents 228
V. Juridical aspects 236
/w
ASACONCLUSION 247
BIBLIOGRAPHY 255
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ABSTRACT
This volume covers a course in Ergonomic Psychology taught at the Psychology
Department of the C.N.A.M.
The two introductory chapiters summarize the history of the subject and introduce
the teams of researchers and educators involved in the field.
How is the nature of the field best defined? It investigates human behavior in
work situations, i.e. in those activities instigated to respond to the requirement of
a task, either defined by an organization, or by personal criteria.
The field is presented and discussed in relation to the major psychological
functions:
-how does an individual detect, identify and interpret information?
- how does an individual learn and memorize the varied forms of knowledge needed
to accomplish a task?
-when an individual performs mental operations, or solves problems, what is the
role of representation? how does the individual planify actions, etc.?
The final two chapiters of this work deal with a critical issue for the worker:
working conditions, which can be the instigators of physical and mental strain, and
even accidents.
The book contains numerous examples of observations in work situations (both
scolastic and professional) and daily experience, since similar behaviors are
solicited when driving a car, using a home appliance, or a video.
No work of this nature can pretend to be exhaustive. In particular, one of the
most common situations in recent years has been deliberately left aside: the
relationships between man and computer.
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PREFACE
Bernard Gillet est bien modeste en présentant son ouvrage comme un cours de 30
heures fait à des étudiants de psychologie du travail ne se destinant pas à devenir
des spécialistes de l'ergonomie. Chacun sait, en effet, que les livres d'introduction
comme celui-ci, destinés à des non- spécialistes, ne sont pas les plus faciles à
écrire, car il faut en peu de pages et dans un langage simple, accessible à tous, ne
pas tout dire sur la discipline, mais dire l'essentiel, et donc faire sans cesse le
bon choix entre les données sûres et celles qui le sont moins, doser convenablement
les concepts de base, les méthodes et les exemples d'application.
Le contenu de cet ouvrage se limite volontairement aux aspects psychologiques de
l'ergonomie. Une formation complète à l'ergonomie exigerait beaucoup plus de 30
heures, mais n'intéresse que ceux qui désirent se spécialiser en ergonomie. Si l'on
ne fait pas de confusion entre ce que recouvre réellement la totalité de l'ergonomie
et les connaissances partielles dont peut se contenter un psychologue du travail qui
ne désire pas forcément se spécialiser en ergonomie, il n'y a nul danger à limiter
l'exposé, comme le fait ici prudemment Bernard Gillet, au seul champ de la
psychologie ergonomique, et même à ne pas vouloir tout traiter de cette partie.
L'intersection entre la psychologie du travail et l'ergonomie proprement dite
s'est considérablement développée au cours des dernières années, principalement à
cause du développement des technologies nouvelles qui offrent de plus en plus à la
psychologie ergonomique des occasions d'applications et des thèmes de recherche. Il y
a peu d'années encore, la grande majorité des ergonomes travaillait à l'amélioration
des conditions de travail physiquement pénibles ou très dangereuses, et l'on
s'intéressait alors moins qu'aujourd'hui aux aspects cognitifs. Depuis la fin des
années 60, la place de la psychologie au sein de l'ergonomie ne fait qu'augmenter.
Malgré cela, la psychologie ergonomique - ou, si l'on préfère, l'ergonomie
psychologique -, reste encore mal connue à la fois de bon nombre de psychologues, y
compris de psychologues d'entreprises, et de bon nombre d'ergonomes physiologistes.
C'est pourquoi tous les efforts pédagogiques tendant à convaincre de l'intérêt de
l'ergonomie et à en faciliter la compréhension sont les bienvenus. Le public des
personnes s'intéressant à l'ergonomie s'est d'ailleurs considérablement élargi et
dépasse de très loin les seuls ergonomes professionnels.
Y-a-t-it réellement une profession d'ergonome ou ne s'agit - il pas simplement d'une
spécialisation pouvant se greffer sur d'autres formations initiales? Cette question
fait depuis longtemps l'objet de débats byzantins entre les ergonomes de toutes
origines. Bornons-nous ici à constater que, d'une part, il existe (de plus en plus)
des ergonomes professionnels au sens strict, vivant complètement de cette pratique,
et d'autres qui simplement ajoutent une compétence ergonomique plus ou moins pointue
à une pratique professionnelle ayant son propre statut (médecine du travail, par
exemple), et constatons aussi, d'autre part, qu'il existe à la fois des formations de
base à l'ergonomie, destinées à former de futurs professionnels, et des
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formations de complément. Il n'y a pas de modèle unique pour être ergonome. On dit
aussi ergonomiste.
Ayant dit tout l'intérêt qu'il convient de porter à la pédagogie de l'ergonomie,
fût-elle restreinte à la seule partie psychologique, venons-en au travail de Bernard
Gillet. Parmi les qualités de cet ouvrage, j'en soulignerai deux: simplicité et
synthèse.
La simplicité est avant tout celle de l'écriture, due sans doute à l'expérience
pédagogique de l'auteur qui n'en est plus à son premier ouvrage et qui a surtout une
longue expérience d'enseignant. Mais elle est également due au regard nouveau, naïf
môme (au bon sens du terme) que porte Bernard Gillet sur l'ergonomie, venant du fait
qu'il n'a pas derrière lui un très long passé d'ergonome professionnel.
L'ergonomie étant une discipline encore récente, sinon dans ses origines, du moins
dans son essor, il en résulte que les manuels de synthèse ont généralement été écrits
ou assemblés par des pionniers de l'ergonomie, ou du moins par des gens, chercheurs
ou enseignants, qui ont eux-mêmes participé au développement de la discipline et qui
ont de ce fait connu les étapes de son évolution. En regardant l'ergonomie de façon
plus indépendante, Bernard Gillet nous en donne une version exempte de certains
clivages internes, et ce n'est pas plus mal. Surtout, il y intègre sa propre
expérience d'analyse du travail orientée d'abord vers les aspects différentiels et
vers la formation professionnelle. Cette expérience lui permet notamment d'enrichir
son exposé par des points de vue, des auteurs ou des théories venant d'autres
origines, j'ai remarqué aussi que B. Gillet n'a pas l'obsession de la chronologie des
faits rapportés, puisqu'aussi bien ce n'est ni l'ancienneté, ni la récence d'une
donnée qui en détermine la valeur pédagogique.
Même si, ici ou là, on peut ne pas être forcément d'accord sur chaque détail, sur
l'importance de telle théorie ou même sur le choix de tel auteur cité ou écarté, -
c'est bien le privilège des auteurs que de faire de tels choix 1 -, il faut
reconnaître que l'ouvrage reste à la fois classique, "orthodoxe" dans la conception
et la présentation de l'ergonomie, mais en même temps original.
La seconde qualité évoquée, la synthèse, n'est pas moins remarquable.
L'investigation bibliographique est tout à fait considérable, tant dans les ouvrages
fondamentaux que dans les articles ou rapports d'applications. Les différents
chapitres offrent un bon équilibre dans la présentation des concepts de base, des
méthodes, des résultats scientifiques et des conseils pratiques. Comme l'un des
objectifs de ce livre est avant tout de faciliter aux étudiants l'abord d'une
littérature quelquefois déroutante, -ne serait-ce que par les incessantes incursions
pluridisciplinaires ou par l'emploi des jargons professionnels inhérents aux milieux
dans lesquels se font les applications ergonomiques-, cet objectif est parfaitement
atteint.
Reste l'essentiel: mettre l'ergonomie en pratique. De ce point de vue, une des
idées de base de ce livre est que l'amélioration des conditions de travail ne se fait
pas par l'application de recettes et que tout usage de l'ergonomie doit être fait
dans le cadre d'une méthodologie d'analyse du travail, c'est-à-dire des situations
concrètes. L'ergonomie, quelle que soit son secteur d'application, ne peut pas être
un catalogue de recettes. La solution qui a fait merveille ici pourra se révéler là
inopérante ou nocive. Avoir Insisté sur les méthodes avant et autant que sur
l'ensemble des connaissances constituant le corpus minimal de l'ergonomie, théories
comprises, n'est pas, à mes yeux, la moindre des qualités de ce cours.
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Je suis certain, par conséquent, que ce nouveau "livre de Bernard Gillet sera utile
à tous ceux qui recherchent une introduction rapide à la psychologie ergonomique,
mais qui y trouveront davantage qu'une simple initiation.
Jean - Claude Sperandio,
Professeur d'ergonomie à
l'Université de PARIS V
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PREFACE
Etudier l'homme au travail du seul point de vue cognitif n'est sans doute pas
considérer l'homme dans son entier. C'est, en effet, privilégier son néocortex, siège
des opérations supérieures, prendre en considération l'apprentissage et la
mémorisation du cerveau mammalien mais en négligeant l'affectivité et ne guère
s'occuper du cerveau ancien, "reptilien", siège des programmes automatiques gérant
les comportements vitaux des individus. Or, en cas de danger, le néocortex perd le
contrôle des structures les plus anciennes; en particulier, le cerveau reptilien
reprend les commandes. Ainsi, l'étude des problèmes de sécurité, par exemple, ne peut
se réduire à la seule partie cognitive (intelligence ou apprentissage).
L'ergonomie recouvre étymologiquement "l'étude du travail". Primitivement, elle
l'étudiait, en tant que tel, en continuité avec la simplification du travail, pour en
diminuer les nuisances ressenties par l'opérateur ou pour accroître sa productivité,
au nom de règles souvent de bon sens. Puis elle s'est attachée à en mesurer
objectivement les effets à court, moyen et long terme, en essayant de préciser des
notions comme celles de vigilance, de fatigue, etc... Ces effets étant liés au
fonctionnement ou dysfonctionnement du système nerveux en liaison avec le système
musculaire, l'étude physiologique rigoureuse a pris de plus en plus d'importance,
d'autant, que l'on s'est d'abord occupé de tâches physiques, "manuelles". On s'est
aperçu alors que des problèmes similaires se posaient dans le travail intellectuel,
qu'il n'y avait pas, finalement, de travail qui n'exige réflexion, décision, donc
prise de risque et stress. Bien au-delà de l'attention naturelle portée à une chose à
laquelle on s'intéresse, il faut se forcer à être attentif, à développer une
sur - attention (ou vigilance) face à une situation peu changeante, peu motivante en
soi, mais que l'on est payé pour surveiller de façon continue. Tout se passe comme si
notre cerveau "fatiguait" lorsqu'il a trop ou pas assez d'informations à traiter.
Ainsi, à côté de la charge physique qui croissait lorsqu'on devait travailler à un
rythme inférieur ou supérieur à notre vitesse spontanée, il existait une charge
mentale, présentant des caractéristiques voisines quant à certaines relations cause -
effet. Sans doute existait-il aussi des interactions entre les deux. Nous pourrions
ajouter qu'il existe également une charge affective qui croît si l'on doit faire ce
qui ne présente aucun intérêt, voire qui déplaît, ou si l'on doit faire quelque chose
qui vous plaît tellement qu'on se "passionne".
Ce que nous venons de décrire recouvre l'ergonomie au sens large, celle qui va
s'efforcer de réduire la charge physique, la charge mentale, voire la charge
affective dans un travail donné.
Si nous représentons schématiquement la réalité globale, nous pouvons écrire:
les situations de travail - homme - travail effectué
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L'ergonomie, nous venons de le voir, a d'abord étudié le travail effectué en soi,


puis l'effet en retour du travail effectué sur l'homme. Autrement dit, c'est la
double liaison homme++travail effectué qui a été etudiée, d'abord à l'aide de lois
empiriques, puis à partir des connaissances scientifiques de la physiologie, jusqu'à
la limite de la neurophysiologie et/ou de la psychophysiologie. Aux résultats de ces
recherches correspond une amélioration en retour des situations de travail (des
conditions de travail), c'est-à-dire que l'ergonomie classique traite en priorité le
problème selon le schéma ci-dessous en traits pleins:

L'ergonomie explore peu la liaison directe: "les situations du travail - homme",


c'est-à-dire "ce qui se passe" chronologiquement chez l'homme à partir du moment où
il sait qu'il doit faire ce travail (auto- préparation au travail) jusqu'au moment où
il l'a terminé:
- comment prend-il connaissance des situations du travail (élaboration
de sa perception à la fois affective et cognitive des situations)?
- quels souvenirs et/ou habitudes (apprentissages) antérieurement acquis
fait-il revenir à la conscience du présent; et comment?
- quels projets ou hypothèses de solution formule-t-il tout au long de
son travail (traitement de l'information)?
- pourquoi et comment prend-il la décision de faire ceci plutôt que cela
et quel niveau de risque accepte-t-!t de prendre (ce qui pose le
problème de la sécurité au sens large)?
- comment commande-t-il l'exécution de ce dont il a décidé?
- comment en contrôle- t - il l'exécution?
C'est ce vaste domaine, profondément lié à la psychologie expérimentale, qui
forme la psychologie cognitive. En réalité, elle n'a guère actuellement dépassé les
trois ou quatre premiers points, et les deux derniers (côté exécution) sont sans
doute mieux explorés par les physiologistes que par les psychologues.
Il n'échappera pas par ailleurs au lecteur que, même sans connaissances
approfondies de son propre fonctionnement psychologique et physiologique, mais en
ayant une intuition, un ressenti, une appréciation subjective, de ce qui lui pose
problème, l'homme rétro-agit souvent, et efficacement, sur ses conditions de travail
pour les améliorer... lorsque les règles du corps social le permettent.
Ainsi, à la connaissance objective de la psychologie cognitive peut s'ajouter une
connaissance subjective obtenue par enquête de ce que l'homme ressent de son vécu de
travail. Cet ensemble de connaissances objectives et subjectives, situé en amont de
l'ergonomie, mais dont la finalité est de se raccorder à celle-ci et de l'éclairer
sous l'angle psychologique, définit le champ de la psychologie ergonomique,
matérialisée par les traits pleins du schéma ci- dessous:

Les traits pointillés représentent l'ergonomie classique et l'ensemble montre la


continuité des deux approches et, en conséquence, une zone floue de partage dans la
réalité professionnelle.
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Monsieur Bernard GILLET explore avec méthode ce domaine de connaissances. Après


un rappel théorique clair et accessible aux non-initiés en tête de chaque chapitre,
il aborde les aspects psychologiques relatifs à chacun d'eux. L'ouvrage, bien
documenté, balaie toutes les situations scolaires, de travail ou du vécu quotidien
ayant fait l'objet d'études de psychologie cognitive à finalité ergonomique en les
illustrant de nombreux exemples.
Il s'agit là d'un travail de base, à la fois utile tant à l'ergonome classique,
au psychologue et au médecin du travail, au travailleur social, au service du
personnel et aux ingénieurs et cadres qu'à l'étudiant de psychologie ou d'ergonomie.
Pierre GOGUELIN
Professeur Titulaire de la
Chaire de Psychologie du Travail du
Conservatoire National des Arts et Métiers
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INTRODUCTION
Afin de situer le contenu et l'esprit de cet ouvrage, il faut dire qu'il s'agit
d'un cours de trente heures enseigné au Conservatoire National des Arts et Métiers
dans le cursus proposé par la Chaire de "Psychologie du Travail" dans le cadre de son
cycle B. Son intitulé, "Le psychologue et l'ergonomie", le situe au même niveau que
deux autres enseignements parallèles: "Le psychologue et l'emploi", "Le psychologue
et la formation". A eux trois, ces enseignements présentent les principaux domaines
d'intervention du psychologue du travail.
Il s'agit d'un cours de psychologie appliquée et non d'un livre de recettes.
Personne d'ailleurs ne prétend en proposer pour décrire, expliquer les conduites de
l'homme au travail et tenter d'en améliorer les conditions d'exécution. Chaque étude
à visée ergonomique doit être abordée de manière clinique, pourrait-on dire. Le
meilleur service que l'on puisse rendre à l'apprenti -ergonome est de lui proposer des
méthodes d'analyse, des concepts et des théories psychologiques afin qu'il choisisse
lui - même la meilleure voie d'accès au problème à résoudre.
Comme tout manuel de psychologie, ce cours est structuré par grandes fonctions
psychologiques: perception, apprentissage et mémorisation, conduites cognitives. Il
ne prétend pas à l'exhaustivité, naturellement. Certains thèmes tels que l'étude des
langages interactifs (entre l'homme et l'ordinateur surtout) demanderaient à eux
seuls autant de temps que celui réservé à l'ensemble: ils ne seront donc qu'évoqués,
sans véritable développement.
Nos étudiants étant des travailleurs qui disposent de peu de temps et doivent
apprendre efficacement, nous leur avons facilité la tâche en développant longuement
les exemples retenus et en leur présentant une bibliographie importante pour qu'ils
trouvent rapidement un article (ou un ouvrage) de synthèse et les exemples traitant
de situations voisines de celles qu'ils doivent analyser. Pour cette même raison,
nous avons retenu essentiellement des références en langue française, celles-ci
renvoyant généralement à des auteurs anglo-saxons auxquels il est toujours temps de
se reporter, si nécessaire.
Pour faciliter la lecture de l'ouvrage, les références sont codées uniquement par
un numéro qui renvoie à la bibliographie générale de la page 255.
Il s'agit de psychologie des conduites de l'homme au travail mais, pour élargir
l'illustration des concepts et phénomènes présentés, nous avons également pris des
exemples dans le domaine scolaire et dans la vie quotidienne. L'observation des
conduites d'usagers du panneau de signalisation du Forum des Halles de Paris dont une
reproduction constitue la couverture de cet ouvrage, celle de l'utilisation de
notices de mise en route d'appareils ménagers, celle de la conduite automobile sont
tout aussi illustratives que celles recueillies en situation de travail. Personne
n'ignore naturellement que les conditions de l'activité ne sont pas les mêmes pour
une ménagère apprenant à se servir de son four électrique que pour un surveillant
d'installation en continu cherchant la conduite à tenir dans un cas particulier ou
pour Monsieur Dupont promenant sa petite famille en automobile un dimanche après - midi
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que pour un routier professionnel, salarié ou petit patron: l'essentiel ici est que
le lecteur s'entraîne à regarder autour de lui pour trouver des illustrations, des
principaux résultats à intégrer pour construire une grille de lecture du réel.
Les deux premiers chapitres constituent une présentation générale du champ de la
psychologie ergonomique. Le premier retrace les grandes lignes de l'évolution
historique de l'ergonomie et de la psychologie ergonomique. Le second est un "Qui
fait quoi?" en ce domaine, aussi bien du côté des chercheurs que de celui des
praticiens (Des détails sont proposés en annexe).
Ce cours commence véritablement au chapitre III qui définit les concepts néces-
saires à l'analyse du travail, les méthodes et techniques les plus couramment
utilisées. Les situations et les conduites concernées par la perception font l'objet
des chapitres IV et V. Le chapitre VI traite des problèmes posés par l'apprentissage
et la mémorisation. Les activités cognitives sont abordées dans un chapitre
important: le VII.
Le chapitre VIII étudie les problèmes relatifs à la charge de travail et à la
charge de travail mental.
Le IX, dû à B. GANGLOFF, étudie l'approche ergonomique de la sécurité et des
accidents du travail. Celui-ci, intervenant en entreprise, a eu l'entière responsa-
bilité de son travail. Qu'il soit ici remercié.
Nous tenons aussi à exprimer nos remerciements les plus chaleureux à Monsieur
Jean-Claude SPERANDIO, Professeur de Psychologie à l'Université René Descartes
PARIS V et à Monsieur Pierre GOGUELIN, Titulaire de la Chaire de Psychologie du
Travail au Conservatoire National des Arts et Métiers qui ont bren voulu tous deux
honorer cet ouvrage d'une préface.

NB : L'astérisque après un mot renvoie au glossaire situé à la fin de l'ouvrage,


avant les références bibliographiques.
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CHAPITRE I
LAPSYCHOLOGIE ERGONOMIQUE :
DE QUOI S'AGIT-IL ?

I – PLACE DE LAPSYCHOLOGIE ERGONOMIQUE DANS LAPSYCHOLOGIE DUTRA-


VAIL
Il s'agit de Psychologie du Travail. Le terme est consacré par l'usage mais il
est impropre puisqu'il s'agit, en fait, de Psychologie de l'homme au travail. Ceci
est valable pour tous ces enseignements, mais "Psychologie du Travail" est cependant
préférable à "Psychologie du Travailleur" qui a une connotation sociologique. Plus
spécialement ici, on parlera de psychologie ergonomique dont on peut appréhender le
contenu à partir d'une analyse systémique de la situation de travail (diagramme page
suivante).
Ce diagramme montre les interactions entre les éléments de la situation de
travail: on ne peut agir sur l'un sans modifier les autres. Il montre aussi que
chaque relation peut être l'objet de plusieurs interventions. Réaliser l'adéquation
entre un ouvrier spécialisé et sa machine peut se faire:
- en sélectionnant l'ouvrier par des tests appropriés, surtout
psychomoteurs et "d'intelligence pratique":
- en développant les possibilités de l'opérateur par une méthode de
préformation ou en le formant spécifiquement au poste de travail
(113);
- en adaptant la présentation des informations utiles et les dispositifs
de commande aux capacités de l'opérateur, tout en créant des
conditions de travail favorables.
Ces interventions peuvent s'opérer sur des systèmes hommes- machines (S.H.M.)
simples (un ouvrier devant un tour) ou sur des ensembles de S.H.M. (un pool
dactylographique, par exemple). Différentes conditions (techniques, financières,
temporelles, etc.) tendent à privilégier un mode d'intervention plutôt qu'un autre
mais tous paraissent nécessaires pour réaliser une adéquation optimale. On n'oubhera
pas également qu'un poste est un système dynamique, qui a une finalité, une histoire
(190 et Chap. III de cet ouvrage). Ces interventions font appel aux différents champs
théoriques et méthodologiques de la psychologie.
II – LE
' RGONOMIE
1 - Essai de définition
Qu'apprend l'étymologie? Le mot ergonomie s'impose en 1949. Il vient du grec
argon (travail) et nomos (loi naturelle, règle) alors que la discipline elle-même est
plus ancienne. L'invention de ce néologisme est attribuée à l'Anglais K.F.H. MURRELL,
comme il l'explique lui-même dans la préface de son ouvrage Ergonomics (1965).
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FIGURE1
Analyse systémique de la situation de travail.
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Cependant, le terme avait déjà été employé par un naturaliste polonais en 1857, W.
JASTRZEBOWSKI qui avait même écrit un ouvrage intitulé: Précis d'ergonomie ou de la
science du travail basée sur des vérités tirées des sciences de la nature (308).
Plusieurs auteurs ont proposé des définitions que l'on retrouve dans tous les
ouvrages traitant de ce sujet. Celle du IVème Congrès international d'Ergonomie
(1969) est la suivante:
"L'ergonomie est l'étude scientifique de la relation entre l'homme et ses moyens,
méthodes et milieux de travail. Son objectif est d'élaborer, avec le concours des
diverses disciplines scientifiques qui la composent, un corps de connaissances qui,
dans une perspective d'application, doit aboutir à une meilleure adaptation à l'homme
des moyens technologiques de production et des milieux de travail et de vie". Cette
définition privilégie l'adaptation de la machine à l'homme, mais il est clair que
l'adaptation de l'homme à la machine, notamment par la formation, relève aussi de
l'ergonomie, comme semblent en convenir maintenant les ergonomes eux - mômes et com -
me le montreront les exemples du chapitre VI.
Toutes les définitions mettent l'accent sur l'un ou l'autre des caractères
suivants: elle est pluridisciplinaire; elle est une technologie, c'est-à-dire une
étude raisonnée des techniques, notamment industrielles, et non une science; elle est
à la fois connaissance et action; elle a pour objectif de créer des conditions de
travail confortables, sûres et permettant l'efficacité.

2 - Le contenu de l'ergonomie
Au risque de perdre sa spécificité, définie par son objectif, l'ergonomie est
souvent appréhendée par référence aux disciplines voisines ou à partir des sciences
qui concourent à son développement (223, 308). Participent à l'ergonomie:
- la physiologie qui a permis des études sur le travail et sur des critères
d'évaluation de la charge physique;
- la psychophysiotogie qui étudie les mécanismes intervenant dans la prise
d'informations, surtout;
- la psychologie qui apporte les résultats de ses travaux sur les mécanismes
perceptifs, cognitifs, sur tous les aspects de la vie affective et sociale;
- la sociologie et la psychosociologie qui rappellent opportunément que le
travail se déroule dans certaines conditions sociales, organisationnelles, de
groupe, qui en modifient le sens, la portée, donc en influencent l'exécution
et concourent à en accroître ou à en diminuer le rendement et la charge;
- la médecine du travail enfin dont les apports sont évidents mais qui ne
saurait être la seule représentante de l'ergonomie au sein de l'entreprise.
La pluridisciplinarité est nécessaire au moment des applications mais elle est
plus malaisée au niveau de la recherche à cause des spécialisations héritées des
formations universitaires et des nécessités de la recherche théorique.

3 - Principaux objectifs de l'ergonomie


Le classement des travaux auxquels se consacre l'ergonomie est variable selon les
auteurs. On peut retenir les thèmes suivants.
a - Etude des processus de l'homme au travail
"Processus" est entendu au sens général du terme: "Ensemble de phénomènes, conçu
comme actif et organisé dans le temps" (Le Robert). Ces processus peuvent être phy-
siologiques ou psychologiques.
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S'il s'agit d'un travail essentiellement physique, on étudie l'activité musculai-


re, ses formes, son rendement, son coût énergétique, son incidence sur quelques
paramètres tels que la fréquence cardiaque, la fréquence critique de fusion, etc.
S'il s'agit d'un travail mental, quoiqu'il soit souvent erroné de distinguer ces
deux aspects dans nombre de situations, on considère souvent l'homme comme un système
qui saisit l'information, la traite, la met en mémoire, apprend, produit une réponse
sous des formes diverses, etc.
Quel qu'il soit, ce travail s'effectue dans un certain contexte social, économi-
que, politique qui le détermine plus ou moins et qui en est parfois la
caractéristique essentielle, même et peut-être surtout, s'il s'agit de travaux
s'exerçant dans la solitude (certains surveillants de tableaux, certains grutiers,
etc.).

b - Etude des astreintes


Il s'agit des coûts pour l'homme d'un travail donné, dans des conditions déter-
minées, de milieu physique d'abord, de stress, de charge excessive, de rythme, d'in-
confort, d'insécurité, etc. Les indices de mesure sont extrêmement variés puisqu'ils
doivent traduire la fatigue physique et mentale, la maladie, mais aussi l'insatisfac-
tion, le vieillissement prématuré, etc.

c - Etude des aménagements techniques


A partir de données anthropométriques, psychophysiologiques, physiologiques,
psychologiques, sociales, on aménage les dimensions et les dispositions du poste de
travail, qu'il s'agisse de celui d'une dactylo, d'un dispatcher, d'un conducteur de
machine, ayant l'intégrité de leurs membres ou étant handicapés. On améliore les
conditions défectueuses de l'environnement (ambiance lumineuse, de bruit, de trépida-
tions, etc.). On intervient dans l'organisation du travail, sur sa durée, sur ses
horaires, etc. On voit ici que c'est surtout l'objectif recherché qui distingue
l'ergonomie d'une discipline voisine, comme l'organisation du travail.

d - Etude des systèmes


Il est clair qu'il y a continuité entre l'ergonomie du poste de travail et celle
du système puisque l'un ne se conçoit pas sans l'autre: aucun poste d'une entreprise
n'est indépendant des autres et c'est parfois dans un poste en amont, ou même en
aval, que se trouve l'origine des difficultés de celui qu'on étudie.
En résumé, on peut déceler des orientations très diverses dans l'ergonomie:
technique, physiologique, psychologique (cognitive et affective), sociologique mêr e.
comme en témoignent les tensions vives et parfois dramatiques à l'intérieur des grou-
pes dans des situations difficiles de grèves, de périodes troublées, sans oublier que
ces conditions se retrouvent aussi dans les situations de travail plus ordinaires.

III – LA PSYCHOLOGIE ERGONOMIQUE


1 - Essai de définition
De même que l'on parle de psychologie pédagogique, de psychologie médicale ou
pathologique, on désigne par "psychologie ergonomique" le champ de la psychologie qui
est en rapport avec l'ergonomie. Comme le montre cet ouvrage, le psychologue apporte
ses méthodes, ses concepts, ses théories pour aider à la description, à l'interpréta-
tion et à l'amélioration des conduites observées. Il peut s'agir des aspects
cognitifs de l'activité, en vue d'améliorer les dispositifs de signalisation et de
commandes, de concevoir des aides au travail adaptées. Ce peut aussi être les aspects
affectifs, psychosociologiques, pas nécessairement dissociables des précédents.
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2 - Perspective d'étude
On considère que le psychologue doit adopter la - perspective du travailleur. Il le
prend pour sujet d'étude en envisageant la situation avec les yeux mêmes de ce
travailleur. Cette position devrait être la règle pour tout psychologue du travail
mais elle s'impose davantage encore en ergonomie où il faut comprendre la manière
dont le sujet lui-môme perçoit la situation qui lui est proposée par l'ingénieur,
l'organisateur, le concepteur du dispositif. Pour le psychologue, l'activité de
l'homme est le commencement et l'aboutissement de l'investigation, de l'évaluation et
de la conception ergonomique. C'est donc l'activité du travailleur qui est au centre
des préoccupations du psychologue - ergonome.

3 - De la psychologie en ergonomie
Cet ouvrage montre les apports de la psychologie comme science à la recherche et à
l'intervention ergonomiques mais, indépendamment de cette contribution, disons
"technique", on peut se demander si toute action ergonomique, quelle qu'elle soit, ne
doit pas être menée dans une perspective psychologique, sous peine de voir réduits à
néant tous les efforts accomplis au nom même de l'ergonomie. Expliquons - nous en
suivant les étapes d'une intervention:
- la demande exprimée est-elle la vraie demande ou une "somatisation" d'autres
problèmes? '
- les usagers, ou les opérateurs, ont-ils la liberté et la possibilité de ré-
gler eux-mômes leurs problèmes avant qu'il ne soit fait appel aux compétences
d'un expert extérieur?
- pourquoi les détenteurs du pouvoir se satisfont-ils de la rationalisation de
la demande ou pourquoi ont - ils eux-mômes rationalisé la demande?
- quelles sont les informations psychologiques de l'expert en matière de
motivation, de connaissance des groupes de travail et de leur rôle dans les
performances et la satisfaction?
- comment les recommandations de l'expert sont-elles ressenties par les
usagers, ou les opérateurs? sont-elles vues comme une aide ou interprétées
comme un contrôle de leurs capacités et de leurs performances? (135).
Indépendamment des connaissances et des méthodes de la psychologie comme science,
c'est donc l'attitude, le questionnement psychologiques qui sont la base même de la
philosophie ergonomique.
Sans la prise en compte de la dimension humaine de la situation de travail, on
voit apparaître des demandes qui semblent contradictoires, insolites:
- des plaintes contre des niveaux de bruit qui ne sont que silences auprès des
décibels dispensés par une moto ou dans une discothèque;
- des plaintes contre des bureaux aveugles, qui ne provoquent aucun rejet,
ailleurs;
- des plaintes pour surcharges de travail, alors que les circuits et les
documents ont été simplifiés;
- des retours à la situation antérieure après passage de l'expert;
- etc.
Ceci conduit certains praticiens (163) à se poser la vraie bonne question:
"Traiter le symptôme ou traiter le mal?".
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IV – HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE ERGONOMIQUE


L'histoire de ce domaine de la psychologie est tributaire d'une double évolution:
- celle du développement de l'ergonomie dans le contexte de l'évolution du
machinisme industriel et de la technique, comme en témoignent, par exemple,
les changements de conception des cabines de pilotage d'avions;
- celle de la psychologie scientifique elle-même et notamment de la psychologie
expérimentale (308).

1 - Les précurseurs
La naissance de l'ergonomie n'est pas facile à dater car, depuis longtemps, on a
fait de l'ergonomie comme Monsieur JOURDAIN faisait de la prose, sans le savoir. On
pourrait môme dire qu'on a fait de l'ergonomie dès qu'on a cherché à adapter la forme
des outils aux propriétés de la matière travaillée, à l'effet attendu et aux
caractéristiques des hommes qui les maniaient (165).
Les premières mesures et observations ont été pratiquées par des ingénieurs, des
organisateurs, des physiciens, des physiologistes, des médecins qui ont analysé le
travail avec leurs propres préoccupations.
Des ingénieurs (VAUBAN au XVIIème siècle) et des organisateurs parmi les plus
illustres ont cherché à améliorer le rendement et à diminuer la fatigue. Par exemple,
JACQUARD (1752-1834) veut supprimer le travail pénible des enfants "tireurs de lacs".
Le docteur VILLERME écrit que, grâce aux nouveaux métiers à tisser, "la fabrication
est maintenant plus facile, plus prompte et moins fatigante qu'autrefois à durée
égale de travail". Frederick W. TAYLOR est considéré aussi (223) comme l'ancêtre
incontesté de l'ergonomie puisqu'il a analysé le travail en vue d'améliorer la
production, de diminuer la fatigue et les accidents, même si les moyens préconisés
sont dépassés et sont combattus par les ergonomes actuels.
De nombreux physiciens et physiologistes effectuent des mesures pour comprendre le
fonctionnement de l'homme en activité (CHAUVEAU, MAREY, J. AMAR, etc). Les ergo-
nomes reconnaissent l'importance des travaux de ce dernier: étude des différents
types de contraction musculaire, des effets de la fatigue, de l'environnement
physique, enregistrement de gestes professionnels, rééducation des blessés de la
guerre et conception de prothèses. Son ouvrage de 1914, Le moteur humain, pouvant
être considéré comme le premier livre d'ergonomie.
Les médecins, naturellement se préoccupent des effets du travail sur la santé. Le
plus connu est VILLERME dont le rapport de 1840, décrit l'état physique et moral des
travailleurs et conduit aux premières mesures législatives de protection sociale.
Les psychologues ne sont pas absents des premiers balbutiements. J.M. LAHY
(1872-1943), plus connu pour ses travaux sur la sélection professionnelle, signe deux
études de nature ergonomique (1914): "Les effets comparés sur la pression du sang, de
la fatigue produite par une marche prolongée et de la fatigue psychique résultant
d'un travail d'attention"; "Les signes objectifs de la fatigue dans les professions
qui n'exigent pas d'efforts musculaires (étude de l'influence du travail sur
l'attention, sur les diverses mémoires, sur l'acuité visuelle, etc.)". Dans un
travail de 1910 consacré aux typographes, le même auteur constate que la physiologie
apporte de moins en moins de réponses car "les méthodes de cette science ne permet-
tent de mesurer qu'imparfaitement la fatigue de l'habileté motrice, de l'attention,
de la mémoire et des troubles que la fatigue impose à la synthèse mentale".
D'autres travaux sont relatifs à la fatigue mentale, à l'ennui, au blocage mental
comme symptôme de cette fatigue dans le travail répétitif, etc.
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Toutes ces études n'ont pas toujours comme conséquence d'adapter le travail à
l'homme, même si leur nature est effectivement ergonomique. On s'intéresse plus aux
caractéristiques individuelles et à leur détection dans les études sur la motivation
ou la prévention des accidents du travail. A notre avis, les deux démarches ne
s'excluent pas: les examens psychotechniques pour certains postes de sécurité comme
les caristes, s'imposent toujours, même si ce problème fait toujours l'objet de
débats où l'idéologie tient parfois lieu de science. La nécessité de cette double
approche, psychotechnique et ergonomique, n'échappe pas à ces précurseurs. P. LEVY,
dans un article de 1936 sur "La sélection du personnel dans les entreprises de
transport- note, à côté de l'étude des capacités individuelles", la nécessité
d'améliorer les conditions de travail, diminuer la fatigue, déterminer les outils qui
(lui) permettent d'accomplir sa tâche avec le moins de dépense pour son organisme..."
WALTHER, également connu pour sa création d'un test psychomoteur toujours utilisé,
publie en 1946 La psychologie du travail, ouvrage où abondent les références
bibliographiques relatives à la fatigue, à la monotonie, aux contraintes temporelles,
à la division du travail, à l'adaptation du procédé de travail à l'ouvrier, etc.
Enfin, des organismes importants sont créés. A Londres, ce sont le National
Institute of Industrial Psychology (1910) et l'industrial Fatigue Research Board
(1918). A Paris, c'est l'Institut National d'Etude du Travail et d'Orientation
Professionnelle du C.N.A.M. qui s'installe dans ses locaux actuels en janvier 1939.
Créé en 1928, il avait pour mission de former des conseillers d'orientation,
d'élaborer des recherches et de la documentation sur ces problèmes (le premier numéro
du B.I.N.O.P. est de janvier 1929). Les nouveaux locaux permettent d'abriter divers
laboratoires créés depuis longtemps et orientés vers les jeunes sciences de l'homme
au travail. (B.I.N.O.P. de 1953 pour le XXVe anniversaire).
On voit donc que l'observation des activités professionnelles et de leurs
conditions d'exercice conduit les différents partenaires des entreprises ou de la
société globale à adopter, concurremment ou non à d'autres perspectives, un point de
vue ergonomique dans leur analyse des situations de travail. Il faudra attendre les
années cinquante pour voir apparaître un corps quasi autonome de travaux que l'on
peut maintenant qualifier d'ergonomiques.

2 - L'essor de l'ergonomie et de la psychologie ergonomique


Divers phénomènes semblent faire prendre conscience de la nécessité d'une étude du
travail pour l'adapter aux caractéristiques de l'opérateur humain:
- l'observation des conséquences néfastes de la parcellisation des tâches, dont
rendent compte les sociologues du travail (104);
- l'évolution technique qui demande des compétences humaines de plus en plus
développées sur les plans, psycho-sensoriels et cognitifs;
- les limites de la seule psychotechnique qui n'arrive plus à fournir le
personnel dont les milieux civils et militaires ont besoin, surtout dans des
conditions difficiles de travail (contraintes de temps, peur, altitude,
fatigue, isolement, éloignement du champ réel de travail, etc.).
Comme il existe peu de connaissances à appliquer, on pratique des recherches
rigoureuses. Elles semblent présenter les caractères suivants:
- elles sont plus expérimentales que liées à la psychologie du travail
antérieure;
- elles sont surtout appliquées, en ce sens qu'elles visent à améliorer les
conditions du travail;
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- comme elles sont liées à l'apparition de nouveaux matériels, elles visent


plus la conception que la correction de dysfonctionnements anciens.
Plusieurs auteurs sont résumé les premières tendances du Human Engineering,
considéré comme synonyme d'ergonomie pour les Américains, de même que Human factors
science, alors que le terme Ergonomies, d'origine anglaise, est peu employé.
Les premières contributions de la psychologie à l'ergonomie concernaient surtout
la perception, les ajustements sensori - moteurs, l'apprentissage, avec application à
l'ergonomie des dispositifs de présentation de l'information (ou displays) et à celle
des commandes (ou controls). Les travaux sur la vigilance apparaissent vers 1950. A
la même époque, les physiologistes s'intéressent aux nuisances industrielles. Vers
1950-55, J.M. FAVERGE fait connaître l'analyse du travail orientée vers l'ergonomie
et vers la formation dans le cadre du Centre d'Etudes et de Recherches Psycho-
techniques (le C.E.R.P.). Au même moment, l'enseignement programmé oriente aussi vers
l'analyse du travail, ce qui nous paraît personnellement être un de ses principaux
mérites (111, 220).
Le développement de fabrications en continu déplace l'intérêt des ergonomes du
poste de travail (l'ouvrier devant sa machine) aux salles de contrôle et de
surveillance des grands systèmes automatisés (64). On passe du poste à l'organisation
dans son ensemble et on change la nature des activités étudiées.
L'introduction de l'ordinateur dans l'industrie et dans le tertiaire ouvre un
autre champ d'étude quasi illimité, d'autant que les systèmes interactifs (prise
d'informations alliée aux commandes) sont également proposés au grand public
(minitel, par exemple).
L'human engineering classique continue d'exister, ne serait-ce que pour adapter
l'homme au poste sur terminal à écran cathodique mais l'ergonomie et la psychologie
ergonomique évoluent et se diversifient:
- importance accrue des demandes du secteur civil, comparativement au
militaire;
- en France et en Europe Occidentale, primauté de la physiologie ergonomique
sur la psychologie ergonomique;
- création de bureaux d'études où des spécialistes de différentes disciplines
coopèrent, tout au moins au niveau des applications.
Dans le domaine propre de la psychologie, l'évolution est marquée par les faits
suivants:
- priorité accordée à l'étude des processus cognitifs, de la représentation
mentale;
- recours à des modèles linguistiques et psycholinguistiques pour aider à
l'analyse des langages techniques, à celle de leur compréhension et de leur
utilisation par les opérateurs;
- appel à la psychologie sociale pour comprendre l'importance des groupes de
travail (286, et le numéro spécial de Psychologie française, Communication et
travail, tome 28, 3/4 de 1983);
- emprunts à la psychologie génétique, spécialement piagétienne, pour décrire
et comprendre les conduites d'apprentissage d'adultes, à partir des stades du
développement de l'enfant (de la genèse de l'espace chez l'enfant à la micro -
genèse d'un apprentissage de schémas électriques ou de dessins techniques,
par exemple).
Actuellement, tous les secteurs de la vie de travail et de la vie quotidienne
peuvent être concernés par une approche ergonomique: quels sont les systèmes vidéo,
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les équipements ménagers les mieux adaptés à une pôpulation tout-venant? Qu'est-ce
que la conduite automobile et comment rendre la circulation moins meurtrière?
Pourquoi les accidents en mer et comment rendre la navigation maritime plus facile et
moins dangereuse, mêmedans des zones fréquentées et des ports?
Etant donné l'importance prise par l'informatique, les rapports entre celle-ci et
la psychologie ergonomique sont évoqués dans le paragraphe suivant.
3 - Informatique et psychologie ergonomique
Plusieurs auteurs ont abordé cette liaison particulière dont l'importance ne fait
que croître (21, 152, 310). Cette liaison est à double sens:
- l'informatique, fait de société, demande à la psychologie les moyens de
comprendre les conduites de lh' omme utilisateur de systèmes et concepteur de
programmes (c'est l'application à l'informatique des connaissances de la
psychologie);
- inversement, l'informatique permet de tester des modèles de fonctionnement
d'une part, et les observations pratiquées sur les sujets apportent des
informations à la psychologie d'autre part.
Deuxgrands domaines sont actuellement explorés.
Le premier concerne la programmation informatique (comment le sujet construit-il
un programme?). Il semble manquer deux aspects intéressants: la mise au point d'aides
à la programmation, la définition de critères de lisibilité des programmes.
Le second intéresse les dialogues et langages de commande à différentes fins:
- la conception d'un modèle de l'utilisateur à des fins théoriques ou prati-
ques, pour le simuler, par un système expert (on a simulé le comportement
d'un équipage d'avion, 29), ou pour répartir les tâches entre lh' omme et
l'ordinateur (213 pour l'agenda informatique, par exemple);
- la connaissance que doit avoir l'utilisateur, ou même la représentation qu'il
doit avoir, pour utiliser un système.
4 - Unatout pour l'ergonomie: l'évolution du Droit du Travail depuis 1981
Deux mesures législatives favorisent l'introduction de l'ergonomie dans
l'entreprise:
- le droit d'expression des travailleurs qui porte sur le contenu et
l'organisation du travail;
- la possibilité offerte aux membres des Comités d'entreprise et des C.H.S.C.T.
de désigner des experts choisis par les élus avec libre accès à l'entreprise.
Les situations où l'expertise est ouverte sont spécifiées: en cas d'introduction
de nouvelles "technologies", en cas de risques graves pour la santé (rôle du
C.H.S.C.T.).
Ces droits nouveaux sont conjoints d'autres modifications:
- fusion des C.H.S. et des C.A.C.T. au sein des C.H.S.C.T. qui peuvent
contribuer au développement de l'ergonomie;
- extension des pouvoirs des Comités d'Entreprise en matière d'investissements.
Trois aspects caractérisent ces expertises:
- la définition des missions acceptées, d'autant plus importante que
l'intervention se prolongera au cours de la vie de l'entreprise;
- l'accès aux entreprises pour "expertise", nouveauté dans les habitudes
sociales;
- l'approche pluridisciplinaire avec collaboration des travailleurs (153).
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Les aspects juridiques seront largement développés à propos des accidents du travail
(chap. IX).
V– ILLUSTRATIONSDELE ' VOLUTIONHISTORIQUE
On peut illustrer ce rapide historique à partir de deux faits:
- l'évolution du contenu d'une des principales revues de psychologie du
travail, le Travail humain (266);
- l'évolution des cockpits des avions, puisqu'on sait l'importance prise par ce
matériel dans l'essor de la psychologie ergonomique au cours de la seconde
guerre mondiale (28).
1 - Evolution du contenu de la revue 'Le Travail humain-
La revue paraît pour la première fois en 1933 avec un objectif que précisent J.M.
LAHY et M. LAUGIER dans leur préface: "la détermination des conditions de milieu et
d'outillage les plus favorables à l'activité professionnelle..., la prévention des
accidents..."
Avant guerre, les articles se répartissent ainsi:
- 40% traitent de problèmes physiologiques très généraux appliqués à des
situations expérimentales;
- 12% font de mêmedans des situations réelles de travail;
- 7% développent des analyses du travail (conducteurs de poids- lourds, dac-
tylos);
- 7% traitent de problèmes de sécurité et d'accidents.
Les autres articles sont généraux.
On trouve des articles centrés à la fois sur le travail et sur le travailleur,
notamment ceux de J.M. LAHYet de S. KORNGOLD(devenue S. PACAUD-KORNGOLD)
sur les causes psychologiques des accidents du travail (1937). Les auteurs relèvent
que les causes sont: techniques; humaines et inhérentes à l'organisation de la
production; humaines et inhérentes à la conduite des ouvriers; la fatigue,
l'insuffisance de formation, etc.
Interrompue pendant la guerre, la revue reparaît ensuite avec pour rédacteur R.
BONNARDEL qui lui donne une orientation plus psychotechnique qu'illustrait son
ouvrage de 1943: L'adaptation de l'homme à son métier.
La physiologie disparaît pratiquement, au profit d'études psychotechniques où
l'analyse de la situation de travail passe au second plan puisque BONNARDEL
privilégie la "tendance expérimentale structurale" basée sur l'analyse statistique de
batteries de tests, au détriment d'une tendance plus "essayiste" qui établit un
profil du poste pour lequel on recherche le profil psychologique du candidat le mieux
adapté.
' Ontrouve cependant des articles d'orientation plus ergonomique:
- sur l'élaboration d'un clavier français pour machine à écrire (1947);
- sur l'analyse du travail de perforeuses (FAVERGE en 1949) et de téléphonistes
(PACAUDen 1949);
- un compte rendu du livre de CHAPANIS, Applied experimental Psychology, sous
la plume de BONNARDELqui introduit ainsi le terme de human engineering.
Dans les années 50 paraissent des articles sur la sécurité et les conditions de
travail, chacun s'accordant à reconnaître les avantages du changement de perspective.
Onpasse ainsi "du psychotechnicien au psychologue industriel" (JARDILLIER, 1960).
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L'évolution de la revue se concrétise par un numéro spécial de 1962: 'L'adaptation


du travail à l'homme8. Il rend compte d'une série de conférences faites sous le pa-
tronage du Commissariat général du Plan, de l'équipement et de la productivité et
consacrée à "l'adaptation du travail industriel à l'homme". La conclusion de l'ini-
tiateur de cette rencontre, P. ALBOU est la suivante: "adaptation de lh' omme à son
métier sans doute, mais aussi et de plus en plus adaptation du travail à l'homme". Le
terme "ergonomie" est évoqué pour la première fois dans le Travail humain.
L'évolution de la revue se concrétise par le remplacement de BONNARDEL par J.
LEPLAT en 1966 et l'introduction d'un comité de Rédaction. En 1970, le sous-titre
deviendra: Psychologie, Physiologie, Ergonomie (1).
2 - Evolution liée à celle de la technique: l'exemple des cockpits d'avions
Cet exemple paraît intéressant à plus d'un titre:
- il illustre les réactions de lh' omme face à l'évolution technique, faites
souvent de résistance au changement, surtout pour une population de pionniers
engagée dans une aventure humaine prestigieuse (les débuts de l'aviation):
- il montre la liaison entre évolution technique et évolution du contenu du
travail (des informations proprioceptives aux informations extéroceptives);
- il montre 'les conséquences passées et prévisibles de cette évolution
technique sur la nature des conduites des pilotes, donc sur l'objet même
étudié par le psychologue et sur ses possibilités d'intervention sur le
travail même du pilote.
Avant la première guerre mondiale, la panoplie instrumentale est sommaire: un
altimètre (simple baromètre), un variomètre (indiquant la vitesse verticale en
mètres/seconde), un anémomètre (mesurant la vitesse d'écoulement des filets d'air le
long de la carlingue, il donne la vitesse approximative), un tachymètre, ou
compte-tours qui apparaît dès 1904, la T.S.F. d'usage courant dès 1913, un démarreur
à air comprimé et un stabilisateur gyroscopique qui donne des références de
verticale. Le Blériot XI de 1912 ne comprend que 7 instruments beaucoup plus
sommaires encore.
Pendant la guerre 1914-18, l'invention des instruments se poursuit mais les
équipages sont allergiques. Quand des ingénieurs viennent demander aux pilotes des
Caudron G3 à quel endroit placer un appareil, ces derniers leur répondent:
"Mettez-les sur la queue, ils y seront très bien!". Malgré la guerre, les cockpits
restent donc très sommaires. Même les Bréguets de L'Aéropostale des années 20 restent
peu chargés, d'autant que Didier Daurat. le patron de la ligne a peur que de nouveaux
instruments ne donnent à ses pilotes- kamikazes l'idée de s'aventurer dans les nuages.
Dans ces conditions, les accidents restent fréquents: 8 échecs sur 24 tentatives de
traversée de l'Atlantique en 1927 (l'appareil de Ch. LINDBERG possède ce qu'il y a de
mieux, bien qu'il n'ait peut-être pas traversé l'océan le premier).
Vers 1930, une firme propose un petit tableau de bord prêt- à- porter mais les
pilotes préfèrent souvent voler "tête haute" et ne pas avoir à se pencher sur des
tableaux. Conscient de cette attitude, le commandant, Chef du bureau de contrôle

(1) Le Travail humain n'est qu'un exemple. La Revue de Psychologie Appliquée et la Revue de
Psychologie et de Psychométrie fournissent des résultats de travaux relatifs aux tests.
D'une manière générale, la littérature sur ce sujet est plus abondante aux U.S.A. qu'en
France.
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Véritas écrit: "II faut absolument convaincre les équipes de renoncer au pilotage
basé sur les sensations". Les pilotes, -eux, n'en continuent pas moins à ne croire
qu'au pilotage "avec les fesses" et, encore en 1938, quand le ciel n'est pas limpide,
les vols de nuit des bombardiers Bloch 200 ou Bloch 210 sont purement et simplement
annulés.
La Seconde Guerre engendre des perfectionnements considérables. Les premiers
radars météo sur les Constellations d'Air France vers 1956-57 permettent de con-
tourner les cumulonimbus. Les grands quadrimoteurs ont des cockpits impressionnants
et il faut 5 personnes pour surveiller tout: 2 pilotes, un radio, un navigateur, un
mécanicien. Le Boeing 707 innove avec une Centrale à inertie qui permet une
navigation totalement autonome et supprime le navigateur.
Maintenant, nous sommes à l'ère du "digital cockpit" (Airbus, Boeig 757 ou 767).
Des écrans couleur apparaissent. Le mécanicien est supprimé et tout est à l'avant. En
1981, les préoccupations ergonomiques concernent l'éclairage, l'accessibilité des
commandes, l'identification immédiate des instruments par balayage visuel, les
sièges, l'insonorisation, la commande vocale.
Dans le futur, le cockpit de l'an 2000 ne comportera plus qu'un pupitre de type
console et "tout l'art du pilotage consistera à guider une silhouette représentant
l'avion, à l'intérieur d'un tunnel figuré en perspective et symbolisant la
trajectoire idéale à suivre". On en viendra ainsi à une tâche d'ajustement.
Cet exemple est un raccourci saisissant d'évolution de situation de travail qui se
traduit au niveau des tâches demandées et à celui des activités effectuées par les
opérateurs. Cette double évolution commande celle des problèmes posés à l'ergonome et
des solutions qu'il peut proposer.
VI – CONCLUSION
La psychologie scientifique datant des dernières décennies du XIXème siècle, il
était difficile que les psychologues participassent, en tant que tels, aux recherches
des pionniers de l'ergonomie mais certains des thèmes abordés (monotonie, fatigue
mentale) relèvent du domaine de la psychologie.
L'évolution du travail et de ses conditions (introduction générale de l'informa-
tique, utilisation de salles de contrôle, extension des systèmes hommes-machines,
etc.) augmente l'importance des aspects cognitifs, affectifs et sociaux des condui-
tes. La psychologie en tant que science est appelée à jouer un rôle prépondérant dans
le développement des recherches et des interventions ergonomiques. Le chapitre
suivant précisera le contenu de ce domaine, notamment à partir des travaux actuels
des principales équipes de chercheurs et d'intervenants.
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Quel est l'objet d'étude? Il s'agit des conduites de hl'omme en situation de


travail, c'est-à-dire des activités qu'il met en oeuvre pour répondre aux exigences
d'unetâche, cellefixéeparlo' rganisationoucellequ'ils'est lui-mêmedéfinie.
Ledomaineestprésentéetillustrépargrandesfonctionspsychologiques:
- que fait le sujet pour détecter, identifier et interpréter les
informations?
- comment apprend-il, mémorise-t-il les diverses connaissances
nécessairesàle' xécution dutravail?
- quand il effectue des opérations mentales, résout des problèmes,
quel est le rôle de la représentation ? comment planifie-t-il son
action, etc?
Enfin, le travail s'exerce dans des conditions qui peuvent être génératrices de
charge, physique et mentale, ou même d'accidents: les deux derniers chapitres
traitentdecesproblèmesimportantspourletravaileur.
Cet ouvrage est abondamment illustré d'observations effectuées en situations de
travail, professionnel ou scolaire, voire quotidiennes puisque les mêmes activités
sont mises enjeu quandon conduit uneautomobile ou utilise unappareil ménager ou
vidéo.
Commetous ses semblables, ce livre neprétendpas couvrir le' nsemble du domaine.
Il laisse notamment de côté une situation de travail qui devient de plus en plus
fréquente, celle^es interactionsnomme-ordinateur.
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
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