Vous êtes sur la page 1sur 5

Revue des Études Grecques

Théophraste et la théorie aristotélicienne de l'intellect


Victor Goldschmidt

Citer ce document / Cite this document :

Goldschmidt Victor. Théophraste et la théorie aristotélicienne de l'intellect. In: Revue des Études Grecques, tome 69, fascicule
324-325, Janvier-juin 1956. pp. 195-198;

doi : https://doi.org/10.3406/reg.1956.3432

https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1956_num_69_324_3432

Fichier pdf généré le 17/04/2018


! Ο

THÉOPHRASTE

ET LA THÉORIE ARISTOTÉLICIE1E DE L'INTELLECT

fragments
recommandent
chapitres
tion,
obscurité,
subir
l'indice
interne.
comprend
la
témoignage,
texte,
exactement
aristotélicienne
et
traduction
néoplatonisme
bien
parfois
faire
elles
aristotélicienne.
entre
les
entreprises
clair
botin
de
L'histoire,
dise,Ainsi
La
Devant
prudente.
doctrine
vue
l'exposé
transformations
d'autres),
la
mais
que,
Thémistius,
entrer
(i)
àdeux
le
théorie
offrent
au
du
de
»,
mais
de
des
défini,
incompatibles
En
lapremier)
signification
ce
consiste
moins
sont
cette
les
qui
l'intellect
seule,
De

française
l'exégèse
n'éclaire
théorie
tâches
formulé
du
difficultés
d'Aristote
second
Les
dans
parti.
proprement
aristotélicienne
«un
En
va
etle
anima
présente
Stagirite,
reproduits
variations
alternative,
textes
une
lades
àPhilopon,
sujet
la
intérêt
livre
une
fort
face
lieu,
de
Tout
apportent
choisir
première
aristotélicienne.
pas
dans
d'après
etpensée
authentique
contribution
grands
qui
et,
(III,
sérieuses
synthèse,
différentes
cette
de
est
d'une
du
elle-même,
cependant,
suivis
au
les
Ȏgal,
de
d'abord
le
souvent,
Théophraste,
d'après
setraité
une
l'originalité
que
6point
Théophraste.
Simplicius)
théorie.
problèmes
commentateurs
médiévale
commentaire
titre
de
trouve
une
telle
est
mais,
donne
deoù
via
les
etl'intellect
exhaustivement,
De
de
légitime.
le
qui
de
la
: notes
preuve
hétérogènes.
se
situation,
l'histoire
non
plus
media,
commentateurs
Des
interpréter
Pour
pour
contenu,
l'âme
caractère
collection
leur
pouvoir
l'ouvrage,
des
heurterait
aqui
du
(Avicenne,
ontologiques
pas
àtoute
difficile
considérations
critiques,
supplémentaire
précisions
la
aet
source
:l'histoire
la
de
travail
nede
une,
l'historien,
une
c'est
connaissance
cela,
servir,
pour
Renaissance,
Théophraste.
chance
subsistent
l'Antiquité
la
elliptique
de
Iltoute
d'exposer
àencore
signification
mais
commune,
théorie
qu'a
le
en
l'aide
Averroès,
serait
anciens
fort
Hicks,
l'essentiel,
des
de
non
techniques
cinquième
sede
tentative
deplusieurs
semble-t-il,
publié
idées,
lade
qu'à
développées,
plaçant
d'une
et,
conserver
seulement
bien
d'Aristote
aristotélicienne
la
(Alexandre
d'Aristote,
deux
accompagnés
et
en
—théorie).
ressaisir
la
théorie
peut-être,
en
l'état
saint
ces
dans
médiévaux
etméthode
M.
D'où
malaisé
passant
d'interprétation
théorie
ordres
sur
significations,
au
même
(et,
une
deux
l'abbé
de
aThomas
fidèlement
ou
deux
seul
de
le
l'intellec-
àpour
De
ild'Aphro-
qui
le«histoire.
étudier
travel's
projet,
par
de
obscur
temps,
paraît
ferme
d'une
choix
point
cette
Bar-
font
dis-
un
les
le
et

(1) BARBOTIN (Edmond). La théorie aristotélicienne de Vintellect d'après


Théophraste (Collection publiée par l'Institut Supérieur de Philosophie de
l'Université de Louvâin). Louvain et Paris, ln-8", 311 p. Prix, 135 fr. b.
496 VICTOK GOLDSCHMIDT
cutent les problèmes relatifs à l'établissement du texte, à leur authenticité
et aux parallèles. L'enquête est ordonnée selon une « distribution des
problèmes » que pose la théorie d'Aristote et qui fournissent autant de chefs
pour l'étude comparée des textes, aristotéliciens et de Théophraste. Cette étude,
enfin, s'avère ici indispensable, et il ne pouvait s'agir de procéder comme
L. Robin, qui avait étudié La théorie platonicienne des idées et des nombres
uniquement d'après les données d'Aristote. Les textes de Théophraste sont si
peu nombreux et aussi, proprement, si « fragmentaires », qu' « ils n'offrent
d'intelligibilité que par référence au Corpus aristotelicum » (p. 47)· L'examen
en est donc, à chaque fois, précédé des textes d'Aristote et de l'état de la
question, tel qu'il résulte de ceux-ci. A cette manière de procéder, on
pourrait faire une objection préalable, mais qui serait plus spécieuse que diri-
mante, et l'auteur répond avec raison que « moyennant l'application d'une
méthode rigoureuse, et grâce à un jeu de réfléchissements successifs, il reste
possible d'éclairer Théophraste par Aristote et Aristote par Théophraste sans
tomber nécessairement dans le cercle vicieux » (ibid.).
Il ne serait ni facile ni utile de résumer ici un exposé qui prend «
nécessairement l'allure austère d'une longue analyse textuelle » (p. 49)· Une très
irève conclusion enregistre le résultat principal qui se dégage de cette
analyse : « Si le disciple souligne l'inachèvement de la pensée du maître, il
en confirme aussi les orientations majeures », c'est-à-dire le souci de modérer
le dualisme entre l'âme (qui ressortit au domaine de la nature) et l'intellect
(qui relève d'un ordre transcendant) par une certaine médiation, dont le rôle
serait confié à l'intellect en puissance (pp. a4i sq.). Il reste qufe Γ « union ?
entre l'âme et l'intellect demeure « mystérieuse » et, plus généralement, que
« toute obscurité n'est pas dissipée » dans la théorie d'Aristote (pp. 237, 2^0).
Telle qu'elle a été conçue, cette étude ne nous paraît exposée à aucune
critique interne. Tous les textes essentiels d'Aristote sont allégués et la
bibliographie est assez étendue ; on peut seulement regretter, à cet égard, qu'un
des livres les plus novateurs, la thèse du Père Le Blond, ne soit même pas
mentionné, en particulier au sujet de la connaissance de l'essence (pp. 77-78).
— Tous les aspects doctrinaux de la théorie d'Aristote sont passés en revue,
•et la confrontation avec les textes de Théophraste est menée selon une méthode
précise, soucieuse d'éviter l'arbitraire. Les résultats ne peuvent guère prêter à
contestation, dès que l'on admet l'autorité du témoignage de Théophraste et,
en conséquence, l'emploi de la méthode comparative qu'elle impose. C'est sur
cette admission même qu'on pourrait formuler des réserves, d'ailleurs en
partie prévues par l'auteur (chap. 1) et qui, faites d'un point de vue qui n'est
pas celui du livre, laisseraient intactes l'intention et la valeur de celui-ci.
Dans son édition d'un cours d'O. Hamelin, l'abbé Barbotin écrit : « II
est notoire, en effet, qu'une grande pensée ne va pas toujours jusqu'aux
dernières conséquences de ses propres intuitions et risque même de se leurrer sur
leur portée réelle : l'aristotélismo de fait peut trahir l'aristotélisme d'inlen-
.tion et avoir besoin du miroir de l'histoire pour découvrir son vrai visage »
(Hamelin, La théorie de l'intellect d'après Arislote et ses commentateurs, Vrin.
10,53, p. XIV). — II y a là toute une conception de l'histoire de la
philosophie, soutenable sans doute, et qui a eu d'illustres représentants, mais qu'il
est permis de ne pas partager. Au reste, l'abbé Barbotin lui-même ne l'adopte
pas intégralement (La théorie aristotélicienne, etc., p. 45), et c'est même pour
cela que le témoignage de Théophraste lui somble précieux : contemporain
d'Aristote et « talent subalterne », Théophraste peut jouir d'une « présomp-
THÉOPHRASTE ET LA TUÉOK1B ARISTOTÉLICIENNE DE i/lNTELLECT 197
tion sérieuse de fidélité doctrinale » (p. 40· II y a là une sorte
d'oscil ation : tantôt Théophraste « permet de dépasser le paradoxe des textes
aristotéliciens » (p. 21 4), tantôt il fait seulement figure de témoin ; dans le
second cas, il est invoqué comme disciple orthodoxe, mais dans le premier,
comme penseur capable de dépasser « l'aristotélisme de fait » vers « laris-
totélisme d'intention » .
Néanmoins, de ces deux fonctions, reconnues alternativement à Théophraste,
c'est nettement celle du simple témoignage qui prévaut sur celle du
dépassement. Mais peut-on la lui reconnaître, peut-on s'attendre à ce qu'un « talent
subalterne » soit en mesure, non pas seulement de confirmer sur des points de
détail, mais d'éclairer dans sa signification profonde la théorie d'un des plus
grands génies philosophiques ? — C'est un peu le problème du témoignage de
Xénophon concernant Socra,te, à cela près que nous sommes obligés, là, de
faire de nécessité vertu, alors que les textes d'Aristote sur l'intellect nous sont
conservés intégralement. Sans doute ces textes ne sont-ils pas toujours très
explicites, mais leur obscurité, supposé qu'elle fût irrémédiable, ferait encore
partie de la pensée aristotélicienne. Cette pensée même doit renfermer tous
les éléments propres à l'interprétation ; on ne saurait la concevoir comme une
sorte d'énigme ou de doctrine secrète dont la clef serait cachée quelque part,
en l'espèce dans les fragments du disciple.
Aussi bien, le résultat le .plus assuré de l'étude concerne-t-il Théophraste
même, bien plus qu'Aristote. La théorie de Théophraste n'a jamais été
étudiée en détail, surtout, sans doute, parce qu'elle ne nous est parvenue qu'à l'état
fragmentaire. Grâce à la patiente confrontation avec les textes d'Aristote,
ces fragments sont ici éclairés et leur enseignement synthétisé d'une manière
originale dont devra tenir compte toute étude sur la philosophie de
Théophraste. L'abbé Barbotin a fort bien aperçu cet aspect de son travail, écrivant
que « de toute manière... cette étude poserait le premier jalon d'une histoire
de la tradition noétique dans la scolastique grecque et dans le péripatétisme en
général » (p. 43).
A l'égard d'Aristote, on a l'impression, dans l'ensemble, que le témoignage·
de Théophraste apporte moins une interprétation qu'une sorte de reflet
grossissant. Par sa méthode diaporématique, il souligne les difficultés plus qu'il
ne les résout. Peut-être, d'ailleurs, ces apories ne sont-elles pas susceptibles
d'une solution univoque. Peut-être aussi faudrait-il, pour le savoir, analyser
le texte d'Aristote dans son mouvement structural.
La méthode comparative, en effet, impose, dans la « distribution des
problèmes », un ordre statique, longuement justifié, et qui permet sans doute de
grouper en une sorte de système tous les aspects de la doctrine d'Aristote
et, surtout, les membra dizjecto des fragments. Mais le grand avantage que
présentent pour nous les textes d'Aristote, c'est précisément leur caractère
continu : les affirmations doctrinales n'y sont pas, comme dans les recueils
doxographiques, présentées sous forme de thèses détachées, mais prises dans
un mouvement de pensée qui les engendre successivement et qui pourrait en
fournir le meilleur commentaire. — Ainsi pour le problème de l'intellect
« in habitu » (p. i'4a sqq.). L'auteur constate avec raison que, au delà
d'Alexandre d'Aphrodise, la triple distinction de l'intellect en puissance, in
habitu et en acte, se trouve déjà dans Théophraste et qu'elle a chance de
remonter à Aristote même. En un sens, on pourrait même la faire remonter
au Théctètc (197 a sqq.), et il est incontestable qu'elle se trouve implicitement
dans le De anima, III, 4· Seulement, Aristote ne la propose pas comme telle,
198 VICTOR GOLDSCHMIDT
c'est-à-dire à titre de distinction scolaire, mais pour éclairer sa genèse de
l'intellect. Ayant insisté d'abord sur la « vacuité » initiale de l'intellect (« de
fait, il n'est rien »), Aristote montre que, après avoir « appris ou trouvé p,
l'intellect est « capable de passer à l'acte ». Or il semble bien, à suivre le
mouvement du texte, que cette « capacité » soit définie surtout par rapport
à la « puissance » initiale, qui est une virtualité pure. En sorte que
l'introduction, ici, de l'intellect in habitu serait plutôt en faveur de l'explication
qu'Alexandre d'Aphrodise avait donnée de l'intellect en puissance : le « non-
écrit » de la tablette (cf. aussi L. Robin, Aristote, p. 196 sq.). L'abbé
Barbotin est sévère pour cette explication (p. i4o sq.) ; elle paraît conforme,
cependant, à la lettre et au mouvement du texte. Il faut ajouter que la
métaphore de la table rase n'a rien de minimisant, parce que, chez Aristote pas
plus que déjà chez Platon (Timée 5o d-e ; cf. Rép., IV, 429 d ; VI, 5oi a),
elle n'a le sens qu'elle prendra plus tard chez Locke et les empiristes : elle
doit illustrer, non pas le dénuement total, mais la puissance universelle et elle
signifie, en l'espèce, non pas que le νους n'est rien et ne sait rien, mais qu'il
peut devenir tout et qu'il peut tout savoir.
La théorie de l'intellect agent pourrait, elle aussi, être intégrée dans la
structure d'ensemble. Peut-être verrail-on alors qu'elle opère un dépassement, qui
n'est pas sans analogie dans d'autres traités d'Aristote, sans cependant fonder
ce « dualisme » entre φύσις et νους qui a fait le tourment — ou la joie —
des discussions scolaires. Car si l'intellect nous fait sortir du domaine de la
nature, nous restons toujours dans celui de la vie (de anirna, II, 2, 4i3 a
23 ; cf. Métaph. Λ, 7, 1072 b 27).
« Le présent travail ne prétend... pas rivaliser avec les recherches —
passées ou à venir — menées selon la méthode directe, et encore moins se
substituer à elles » (p. 45)· Reconnaissons, en revanche, que la méthode indirecte
aboutit à des résultats immédiats sur Théophraste et qu'à l'égard d'Aristote
elle a l'incontestable mérite de souligner les apories dont, seule, pourrait
espérer de venir à bout une enquête sur La théorie aristotélicienne de
l'intellect d'après Aristote.
Victor GOLDSCHMIDT.

Vous aimerez peut-être aussi