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Joisten Alice, Joisten Charles. Cinq figures de magiciens en Dauphiné et Savoie. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue
régionale d’ethnologie, n°1/1986. Cinq figures de magiciens en Dauphiné et Savoie. pp. 17-136;
doi : https://doi.org/10.3406/mar.1986.1303
https://www.persee.fr/doc/mar_0758-4431_1986_num_14_1_1303
Zusammenfassung
An verschiedenen Orten des «Dauphiné» und Savoyen haben sich die Erzählungen, die mit Magie
und Hexerei zu tun haben, um Gestalten herum gebildet, die zur Legende geworden sind. So
erscheinen fünf «Magierfiguren». In den Hochalpen Saoussa zwischen Veynes und Serres und
Moundou in Valgaudemar. In Savoyen Duvallon in Bessans (Haute-Maurienne) der Doyen in
Samoëns (Haut-Faucigny) und der Pape des Aix in Chablais. Mit der Bestrebung, diese Gestalten
so gut wie möglich in ihre soziale und historische Realität einzuordnen, wird in dieser Studie auch
zu verstehen versucht, was wohl die Bildung von solchen Erzàhlungszyklen begünstigen konnte.
Aber vor allem wird die Gesamtheit dieser Erzâhlungen, die aus den noch unveröffentlichten
Forschungsarbeiten von Charles Joisten (1936-1981) über le Monde fantastique dans les Alpes
françaises (Die phantastische Welt in den französischen Alpen) stammen, erlauben, einen Einblick
in die so reiche Vorstellungswelt der Gemeinschaften, die sie gezeugt haben, zu bekommen.
Introduction
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pour l'ensemble de son travail. Ses enquêtes se
(2) «A titre indicatif, voici les principales catégories d'êtres fantastiques attestées dans le folklore
des Alpes françaises [titres des chapitres que Charles Joisten se proposait de traiter] : I. Fées, nains,
hommes sauvages. II. Esprits domestiques, lutins. III. Esprits locaux et spéciaux. IV. Diable et esprits
diaboliques. V. Suppôts du diable (sorciers, chette, synagogue, francs-maçons). VI. Loups-garous. VII.
Animaux fantastiques. VIII. Etres fantastiques humains. IX. Revenants, âmes en peine. X. Etres fantas¬
tiques à manifestations périodiques. Personnifications. XII. Gargantua et autres géants. XIII. Cyclopes.
XIV. Phénomènes lumineux, sonores et matérialisés. XV. Croquemitaines.» (Charles JOISTEN, «De
quelques sources d'influences dans la formation des récits légendaires alpestres», Arts et Traditions Po¬
pulaires, n° 1-2-3, janv.-sept. 1970, pp. 141-148, note 1. Ce numéro a également paru sous le titre Ap¬
proches de nos traditions orales, Paris, Maisonneuve et Larose, même date, même pagination).
(3) Ces récits, regroupés par thèmes sont en principe donnés tels que Charles Joisten les a notés et,
dans ce cas, ils sont mis entre guillemets (les textes sans guillemets ont été réécrits ou résumés). Sauf
cas exceptionnels, les enquêtes sur le Monde fantastique n'ont pas été faites au magnétophone, inutili¬
sable dans les conditions ordinaires de l'enquête, à l'époque où elle s'est déroulée, d'autant plus qu'il
s'agissait de recueillir des faits de croyances. Cependant Charles Joisten s'efforçait de noter dans la me¬
sure du possible le mot à mot de ces brèves histoires, qui sont donc très près de la forme orale dans la¬
quelle elles ont été dites.
(4) Pour une étude d'ensemble sur la magie et la sorcellerie, à partir de faits et de récits d'expérien¬
ces rassemblés au cours d'une enquête récente, cf. Jean-Pierre PINIÈS, Figures de la sorcellerie lan¬
guedocienne, Paris, C.N.R.S., 1983.
C'est toute une petite zone du sud des Hautes-Alpes qui se souvient des hauts
faits de Saoussa : il est connu dans seize communes, et l'étendue relative de ce ter¬
ritoire explique probablement que le cycle dont il est le centre soit le plus important
des cinq. La renommée des autres ne dépasse généralement pas, ou guère, leur
commune d'origine : Saint-Maurice-en-Valgaudemar, toujours dans les Hautes-Al¬
pes, pour Moundou ; Bessans en Haute -Maurienne (Savoie), pour Duvallon ; Vailly
en Chablais (Haute-Savoie), pour le Pape des Aix. Au mieux, en Haut-Faucigny
(Haute-Savoie) se souvient-on du Doyen dans tout le canton de Samoëns.
Ces personnages sont tous des hommes. C'est par leur surnom — ou la forme
dialectale de leur nom — qu'on les désigne toujours, même si leur vrai nom est con¬
nu de certains informateurs. Comme on le verra, on a pu établir l'identité exacte de
trois d'entre eux. Saoussa, qui se nommait Pierre Clavel, vécut de 1785 à 1872. Le
Doyen était Pierre Dusaugey ; né en 1636, il mourut en 1717 et fut doyen de la col¬
légiale de Samoëns. On a déterminé que Duvallon se nommait Claude Marchand,
dont on trouve trace dans les registres paroissiaux de Bessans de la fin du XVIIe siè¬
cle. Le Pape des Aix «était un Morel», et le contexte des récits dont il fait l'objet
laisse supposer qu'il vivait au XIXe siècle. Par contre, de Moundou, on sait seule¬
ment que le nom par lequel on le désigne est la forme dialectale d'un patronyme
répandu en Valgaudemar.
Pour quatre d'entre eux (Saoussa, Moundou, Duvallon, le Pape des Aix), l'ori¬
gine sociale semble être rurale. Les deux premiers sont présentés comme bergers,
et tous leurs faits et gestes s'inscrivent dans la société paysanne qui est la leur.
Plus mince est l'information sur Duvallon, dont on dit qu'il fut placé en apprentis¬
sage chez un maréchal-ferrant (ou un menuisier) ; sur le Pape des Aix, qui fut une
des recrues de l'armée pontificale (d'où son surnom). Par contre, le Doyen, fils de
notaire, devint un homme d'Eglise éminent, qui a laissé une trace dans l'Histoire.
*
* *
Sans qu'il soit question ici d'une étude de la matière légendaire recueillie, je
documents.
ferai simplement quelques observations, suggérées par une lecture attentive des
Y a-t-il dans les différents statuts sociaux de ces hommes matière à trouver
(5) Dans les notes prises en vue de la rédaction de ce travail, Charles Joisten remarquait : «Un pro¬
cessus analogue d'attraction et de convergence est à la base, très probablement, des cycles de contes fa¬
cétieux centrés, dans les Hautes-Alpes, sur deux personnages qui sont Jean Pallon dans le Briançon-
nais, Bruscou dans le Champsaur» (cf. C. JOISTEN, Contes populaires du Dauphiné, Grenoble, 1971,
t. 2).
Pour en revenir au domaine de la magie et de la sorcellerie, les cinq cas exemplaires présentés ici
n'épuisent sans doute pas la matière alpine sur le sujet. D'autres figures - de prêtres magiciens notam¬
ment - se rencontrent ici ou là (cf. le curé Dorsaz, voir Annexe). Mais pour aucune, semble-t-il, un en¬
semble de récits aussi important n'a été recueilli à ce jour. Par ailleurs, les exemples alpins ne sont pas
uniques. Voir, dans l'Ardenne belge, le bel exemple du cycle constitué autour d'un berger sorcier nom¬
mé Bellem (Louis THIRY, Bellem, sorcier d'Ardenne, 2e éd., Aywaille, 1945).
• Vailly
LE PAPE DES AIX
Samoëns
HAUTE-SAVOIE Sixt
LE DOYEN
Annecy
Chambéry
SAVOIE
DUVALLON
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• St-Maurice-
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• Serres
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(6) Ibid.,
(7)
(8) Marcel
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p.MAUSS,
21. et Anthropologie,
en collaborationParis,
avec P.U.F.,
Henri HUBERT,
1960, pp. 1-141,
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(9) Ibid. , p. 22. Cf. Saoussa et quelques curés s 'affrontant à armes égales sur le terrain de la magie
et de la sorcellerie (récits n° 70 à 73). Cf. aussi, en Annexe, l'exemple du curé Dorsaz.
(10) Ibid., pp. 19-20.
(11) Cf. J. FAVRET-SAADA et J. CONTRERAS, Corps pour corps, Paris, Gallimard, 1981. Dans
bien des récits concernant Saoussa se retrouvent des faits rencontrés par J. Favret-Saada au cours de
son «enquête sur la sorcellerie dans le Bocage». Cf. entre autres la lutte avec l'«esprit» (p. 60), ou enco¬
re les prédictions de mort (pp. 126-127), selon un scénario tout à fait comparable à celui du récit n° 69.
Signalons enfin cet auxiliaire de leur pouvoir qu'est le livre (Grand Albert, Pe¬
tit Albert. . .). Pour tous (sauf Duvallon) son utilisation est bien signalée, mais pres¬
que incidemment, au cours de quelques récits, comme allant de soi. Pour l'un d'en¬
tre eux, le Pape des Aix, on nous indique même la provenance de ses ouvrages : le
Vatican. Dans ce cas, le livre — et l'on connaît la signification qui est attribuée à sa
possession par la tradition orale de la sorcellerie paysanne — est explicitement
transmis dans le rapport que le magicien a avec la culture savante — celle des
clercs. *
* *
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Pierre Gavel d'éléments passe-partout, indépendants à l'origine, ve¬
nus d'un fonds commun traditionnel» (14).
(12) Cf.
(13) Version
C. JOISTEN,
1.2. «De quelques sources d'influences...», op. cit., pp. 143-144.
(14) Notes prises en vue de la rédaction de ce travail.
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Plusieurs enquêtes effectuées principalement entre 1958 et 1962 ont permis à
Charles Joisten de recueillir auprès de 23 personnes, dans 16 communes, les infor¬
mations qui constituent la matière de cette étude (cf. Carte, infra). A ces docu¬
ments s'en ajoutent quelques-uns communiqués en 1970 par M. Jacques Lesbros,
de Serres. Mais déjà en 1937 quelques récits sur Tsâousa avaient été notés par
Georges de Manteyer, archiviste des Hautes-Alpes, qui les publia en 1945 (5).
(Pour le détail des sources, se reporter à la fin du chapitre).
La quasi-totalité des informateurs désignaient notre personnage uniquement
par son surnom. Six d'entre eux connaissaient son vrai nom, et huit savaient qu'il
était originaire d'Esparron (6). C'est le maire de ce village, M. Marin Illy, qui nous
a permis, en 1963, de découvrir dans les archives de la commune l'acte de décès de
Pierre Clavel ; dès lors il fut possible de retrouver son acte de baptême dans un re¬
gistre paroissial conservé aux Archives départementales de Gap (7).
meau(4)deLela récit
mêmen°commune.
44 fait état d'une «propriété de Saoussa», située à Esparron en direction du Cros, ha¬
(5) Georges de MANTEYER, «Les dieux des Alpes de Ligurie», Bulletin de la Société d'Etudes des
Hautes-Alpes, 1945, pp. 438-576. Tiré à part de 143 pages repaginé, auquel nous renverrons.
ses. (6) On peut noter, parmi les quelques divergences relevées, que Barcillonnette est cité à trois repri¬
(7) Baptême de Pierre Clavel (extrait des registres paroissiaux d'Esparron de Vitrolles, 1732-1793,
Arch. dép. Hautes-Alpes, 2 E 53 1) : «Bapt. de Jean Pierre Clavel. L'an 1785 et le vingt septième jour du
mois de mars a été baptisé Jean Pierre Clavel fils de Pierre et de Marianne Grimaud mariés en ce lieu,
né du jour d'hier, son parrain a été Jean Paul du lieu de Sigoyer et sa marraine Suzanne Clavel, sa tante,
en présence de Claude Grimaud et d'Etienne Vollayre qui ont signé avec le père, non le parrain ni la
marraine pour ne savoir de ce enquis et requis. P. Clavel E. Vollaire C. Grimaud Favier Curé.
Décès de Pierre Clavel (extrait des registres conservés à la mairie d'Esparron) : «L'an mil huit cent
soixante douze et le treize du mois de juillet à 6 heure du soir par devant nous Jean François maire offi¬
cier de l'état civil de la comqiune d'Esparron, canton de Barcillonnette, département des Htes Alpes,
sont comparus François Illy âgé de cinquante trois ans, sans profession, gendre du décédé, et Joseph
Michel, âgé de soixante une an sans profession, voisin du décédé, tous les deux propriétaires cultivateur
domiciliés à Esparron, lesquels nous ont déclaré que Pierre Clavel âgé de quatre vingt sept ans, sans
profession domicilié à Esparron, né à Esparron, fils de Pierre Clavel et de Marianne Grimaut, époux de
Elisabeth Millou, est décédé le jour d'hier à cinq heures du matin dans sa maison d'habitation située au
village chef-lieu d'Esparron. Après nous être personnellement assuré dudit décès nous avons dressé le
présent acte que nous avons signé avec les déclarants après lecture à eux faite. J. Michel F. Illy F. Jean,
maire».
Une vivante présentation de Saoussa nous est fournie par l'étude de Georges
de Manteyer (10). Ce texte — le seul document écrit que l'on possède sur Saoussa
— reproduit les récits que l'ancien maire de Manteyer, M. Séverin Chevalier, âgé
de 82 ans, lui fit en mars 1937 sur notre personnage.
1 — «Clavel, dit Ts&ousa, originaire d'Esparron, n'était pas riche. Il passait pour
être sorcier et on le craignait. Il prenait les serpents et les mettait dans son sein : ils
ne le mordaient pas. On disait qu'il agissait au moyen de plantes. Il avait un bâton à
grosse tête muni de trois petites cavités bouchées par des chevilles dont chacune
contenait une substance de qualité différente. Dans l'une, du tabac ; dans l'autre,
de la betouana, sorte de poison (11), et il disait : vvle Père en donne, le Fils en don¬
ne, le Saint-Esprit en donne", puis il en versait dans une sébile. Il disait toujours :
bot ! bot ! Le père Pellenc nous racontait qu'il venait assez souvent à sa maison :
on l'y faisait alors manger et coucher, car on le craignait. Pour faire sa barbe,
quand on lui présentait une glace, il n'en voulait pas et se contentait d'une assiette
en tôle en répondant : "bot ! bot ! aco mefai prou ! (12)"».
Ce portrait de Saoussa qui, déjà, nous parle de ses activités et de ses pouvoirs
se trouvera confirmé dans l'enquête récente. Fréquemment ses paroles commen¬
cent par «bot', bot'» sans que l'on apprenne la raison de cette sorte de tic de langa-
ge'
Quelques documents, peu nombreux, décrivent son aspect ou ses attributs :
3 — «Il élevait des chiens pour les vendre. Il avait toujours trois ou quatre petits
chiens dans la chemise» {La Bâtie-Montsaléori).
Parfois il réalisait des tours de force, peut-être dans le simple but d'étonner les
gens :
5 — «En trois coups de langue, Saousse faisait le tour d'une veste [il la léchait en¬
tièrement]» ( Vitrolles , Le Plan de Vitrolles).
6 — «Il allait d'un pays à l'autre ; il passait sa vie comme ça. Autant, quand il ve¬
nait à La Piarre, il y restait huit jours» {La Piarre, inf. n° 1).
7.1 — Sauce possédait un petit troupeau de sept à huit brebis. Il passait dans les
fermes riches et demandait l'hospitalité pour une durée de quelques jours. Il ne
précisait pas à l'avance la durée de son séjour et il repartait quand bon lui semblait.
Même s'ils le recevaient à contre-coeur, les gens n'en laissaient rien paraître, car
on racontait que ceux qui lui avaient refusé l'hospitalité avaient vu leurs bêtes refu¬
ser de manger, et leur troupeau dépérir : Sauce leur avait jeté un sort (Doc. Les-
bros, La Bâtie-Montsaléon, inf. n° 1).
7.2 — A La Bâtie-Montsaléon, il allait, avec ses quelques brebis, loger chez trois
personnes qu'il appelait «ses fermiers», nommés Martin, Vivet et Tourniaire (14).
S'ils avaient refusé de le recevoir, il les aurait «embarnés» (15) (La Bâtie-Montsa¬
léon).
C'était ainsi une présence plus subie que souhaitée, d'autant qu'il n'hésitait
pas à jouer des tours à ceux qui lui avaient accordé l'hospitalité, s'il jugeait qu'ils
ne s'étaient pas montrés assez accueillants.
8.1 — «Il se trouvait à Péchier (16), dans une ferme. Il a demandé à la femme :
— Avez-vous des oeufs pour me faire une omelette ?
Elle lui a répondu :
—a Oui,
Il dit : mais je n'ai pas d'huile.
— Vous n'avez pas de la pègue [poix] ?
— Oh ! Si.
Alors elle a fait l'omelette avec de la poix, et une fois qu'elle a été cuite, Saous-
so l'a bien regardée et il a dit :
— Bot', bot', bon pour qui l'aime.
Et il est parti en laissant l'omelette» (La Bâtie-Montsaléon).
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Le territoire de Saoussa. Les pointillés signalent les déplacements magiques (cf. récits n° 58 pour le dé¬
placement non fléché de la Montagne d'Aurouze, et 59. 1 à 13 «Mets ton pied sur le mien»).
Fort de la crainte qu'il inspirait, Saoussa enfin n'hésitait pas à transgresser les
lois :
9 — «[II] passait toujours dans le champ d'une grande propriété de Ventavon. Alors
le garde lui disait de ne plus y passer. Il lui répondait :
— Bot', bot', mon ange, je n'y passerai plus.
Et puis toujours il y passait. Il y a passé encore deux fois. La troisième fois, le
gardeAlors
tion. est venu
il lui lui
a ditdire
: de ne plus y passer, autrement il lui dresserait contraven¬
Si, si,(20)
(17)
(18)
(19)
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Alors,
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je vais
cuire
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moi,
Sauce,
meavec
derégaler.
ce vous
sera
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poix
bon
la poix
ne ?mangez
pour! —
vous,
pas
Maismangez-les
? enfin,
Enfin,Moussu
ce doit
! être
Sauce,
bon ce? ne sera pas bon ! —
SAOUSSA GUÉRISSEUR
Saoussa jouissait d'une réputation de guérisseur attestée dans des récits nom¬
breux et variés. Il soignait les maladies des personnes et celles des animaux, au
moyen de pratiques, rarement décrites. Il s'agit d'une médecine tantôt empirique
lorsqu'il utilise des plantes ou certaines préparations, tantôt magique lorsqu'il use
de «secrets» ou de livres de magie, tantôt empirique et magique à la fois (21). Au¬
cun récit ne fait allusion à l'usage de prières ou de formules accompagnant ces ac¬
tes thérapeutiques. Trois récits feront état de la transmission des secrets de Saous¬
sa : à sa fille (n° 16 et 18), à son petit-fils, par l'intermédiaire de ses livres de magie
(n° 22).
10 — «Il guérissait par le secret ; seulement qu'il fallait avoir confiance en lui, au¬
trement on ne guérissait pas. Il avait un don, mais il travaillait aussi beaucoup sur
les plantes» (LaPiarre , inf. n° 1).
11 — «Il guérissait par les plantes et la magie» (La Roche des Arnauds, Les Baux).
12 — «Il avait dit au cousin de ma mère, Jean Amouriq (22), du Serre, qu'il était al¬
lé chercher ses secrets en Italie et qu'ils lui avaient coûté six cents francs. C'était
une bonne somme, à cette époque-là !» (Manteyer , Le Villard).
médecine
(21) Je
(22) Mort
populaire.
remercie
vers 1942
André
à plusJULLIARD
de 80 ans de
; Lem'avoir
Serre est
apporté
un hameau
des précisions
de la com. sur
de Manteyer.
ces différents types de
14 — «Il allait ramasser des fleurs qui ne fleurissent que la nuit de la Saint-Jean sur
la montagne de Céiise (24)» (La Roche-des-Arnauds, Les Baux).
Une année, le père Menique (26), qui se trouvait à Maraout (27), le soir à la
tombée de la nuit, avait vu passer Saoussa et lui avait demandé :
— Où est-ce que tu vas à cette heure-là ?
— Bot', bot' mon ange, je vais coucher là-bas au rocher de Beyron, au Juré
[Aujour], pour ramasser cette plante qui fleurit à minuit» (Barcillonnette ).
(23) Pâturage,
(24)
(25)
(26)
(27) Montagne
Sommet
De son vrai
quisur
dont
située
nom
surplombe
la lacom.
Dominique
entre
corniche
deSt-Auban-d'Oze
Peyssier
Barcillonnette.
domine
Pellenq,
et les
Savournon.
decommunes
etBarcillonnette.
le hameau
situées
d'Espréaux,
entre Manteyer
com. d'Esparron.
et Sigoyer.
Les récits recueillis font parfois simplement mention de son pouvoir ; parfois
aussi, ils décrivent quelques-unes de ses pratiques.
19 — «Il faisait griller des serpents vivants dans une marmite et en fabriquait une
pommade qui guérissait les piqûres de serpents. Dès qu'il était informé qu'une
personne était piquée, l'endroit cessait d'enfler» (Esparron , inf. n° 2).
20 — «Il avait un pouvoir sur les serpents et réussissait à soigner leurs piqûres. Il
avait la chemise pleine de serpents.
Une femme qui avait été piquée par un serpent l'avait fait venir. Saousse lui
dit qu'il devait voir le serpent pour connaître son sexe et, suivant qu'il était mâle ou
femelle, la guérir. On avait recherché le serpent et la femme avait pu être guérie»
(La Roche-des-Arnauds, Les Baux).
21 — «Il avait un livre de magie. Il guérissait des piqûres de serpents» (Le Saix, inf.
n° 1).
22 — «Le beau-père de Grimaud, des Baux, qui s'appelait Illy, était le petit-fils de
Saousse. Il avait hérité des livres de Saousse qui lui permettaient de guérir des pi¬
qûres de serpents, à condition toutefois que ces serpents aient moins de sept ans»
(Manteyer, Le Villard).
On verra plus loin que les serpents lui servaient à d'autres thérapeutiques.
(28) A. VAN GENNEP, Le folklore des Hautes-Alpes, t. II, Paris, 1948, p. 107.
Guérison de personnes
24 — «Une femme le fait appeler pour soigner son enfant malade. Sauce arrive et,
calmement, demande à la mère angoissée de lui servir le café. La mère le sert et
Sauce, toujours calmement, déguste son café. Finalement, la pauvre mère, de plus
en plus inquiète, demande à Sauce :
— Et mon petit, vous le soignez pas ?
— Ton petit ? Mais du moment que je suis là, il est guéri, voyons !
La pauvre mère court dans la chambre voir son fils et le trouve souriant, le rose
aux joues, assis dans son lit» {Doc. Lesbros, Le Bersac).
25 — «Le Saousse passait chez Oddou à Gleize (31), puis la mère Oddou lui dit :
— C'est pas fatal, ça, les vers m'ont tué l'aîné et me tuent encore celui-là !
Elle avait perdu l'aîné de ses fils qui avait attrappé les vers et le second les
avait attrapés aussi.
(30) Ici,
(29) Mesuron
vipère : est
demi-litre
du genredemasculin.
vin.
(31) Hameau de la com. de Veynes.
— Je vais faire un remède, mais il me faut une bouteille de bon vin, mais du
bon ! Alors l'enfant en boira, le père de l'enfant en boira et le docteur aussi.
Il a été convenu que pour avoir du bon vin, il fallait s'adresser au curé ; je crois
querecherche
la c'était Monsieur
d'une bouteille
Roux à de
ce bon
moment
vin. Le
-là.curé
Alorsluileditpère
: Maron part chez le curé à
— Je veux bien te donner une bouteille de vin de messe, mais il ne faut guère
se fier à ces gens-là qui ne sont que des charlatans et des escroqueurs d'argent.
En arrivant là-haut avec la bouteille de vin, le père Clavel lui dit :
— On t'a mal parlé de moi, on t'a dit que je n'étais qu'un charlatan et qu'un
escroqueur d'argent.
Il lui a dit les paroles que lui avait dit le curé. Il paraît que le père Maron l'a un
peu contredit
Clavel lui a dit ; : il ne voulait pas que ça soit le dit que le curé ait mal parlé de lui.
— Mais ça ne fait rien. Ton fils guérira et il fera un grand homme. Et le curé
mourra dans peu de temps.
L'enfant a guéri ; il est devenu plus tard un instituteur. Et le curé, le dimanche
suivant, il est mort sur l'autel en disant la messe» (La Piarre, inf. n° 2).
pour(33)
(32)
les gens
L'informatrice
«Cetque
enfant
pourestles
préconise
devenu
bêtes. le père
ce remède
de Mme
contre
Chevallier,
le ver du
solitaire
Villard».
et les vers en général, aussi bien
27 — «Un enfant de La Plaine de La Roche, qui s'appelait Davin (34), s'était planté
un haricot dans le nez et son père est parti pour le mener au médecin. Puis il ren¬
contre Sausse qui lui dit :
— Viens voir, je te le guéris.
Il lui a payé une bonne prise de bétoine, qui l'a fait éternuer si fort qu'il lui a
sorti l'haricot» (Manteyer , Le Villard).
La brebis guérie
28 — «Le père Reynaud (36) était à Péchier à tondre ses brebis. Puis le père Saous-
se passe et lui dit :
— Bè, celui-là ? [il désignait un mouton malade].
— Celui-là, il est malade.
— Bè, si vous voulez, je le guéris.
— Bè,
Puis alors
si vous
il ditêtes
: un bon bougre, guérissez-le !
Le boeuf guéri
Notons que ce dernier récit fait état de pouvoirs qui dépassent ceux d'un sim¬
ple guérisseur. On les retrouvera évoqués au chapitre suivant, consacré aux pou¬
voirs surnaturels de Saoussa {cf. n° 59. 1 à 13, «Mets ton pied sur le mien»).
J.P. (36) Grand-père maternel de notre informatrice des Baux, com. de La Roche-des-Arnauds, Mme
(37) Hameau de la com. du Saix.
(38) Gorge, entre Le Saix et Péguière.
(39) Ecurie : étable (français régional).
30 — «Un homme de La Piarre avait un chancre qui lui rongeait la figure. Et il avait
promis cinq francs à Monsieur Clavel s'il le guérissait.
Il lui a dit qu'il était guéri et sa femme lui a dit :
— Dyena trop, donne -lui que trois francs.
Il est parti en disant :
— Bè, ça va.
Mais au bout de deux ou trois jours, le chancre est revenu» (La Piarre, Le Col¬
let).
La femme insolvable
31 — «Une dame du Collet (40) avait son petit malade. Alors Moussu Saoussa il
passait par là et il l'a bien soigné, le petit. Il a dit :
— Ton petit guérira en faisant ce que je te dis.
Et quand il l'a eu soigné, il lui a dit :
— Tu me dois tant.
Alors elle lui a dit :
— Je ne peux pas te donner ce que tu me demandes, je suis pauvre.
Il lui a dit :
— Alors ton petit ne guérira pas.
Et le petit est mort ; il avait deux ou trois ans, ce petit, d'après ce qu'on disait.
Moi je l'ai entendu dire» {La Piarre, inf. n° 1).
32 — Un malade qui l'avait fait venir à son chevet l'avait appelé «Monsieur Saus-
se». Ceci l'avait vexé, car il n'aimait pas qu'on l'appelle par son surnom. Au lieu de
soigner convenablement le malade, «Sausse» lui administra un produit qui lui don¬
na la diarrhée (Savournon, inf. n° 2).
Le mal aggravé
33 — «Une femme du Moulin de Châtillon-le -Désert, Adélaïde X., avait très mal
aux dents. Elle est allée trouver Saoussa à Barcillonnette (41), qui l'a fait se garga¬
riser avec un produit de sa fabrication et, tout en revenant chez elle, ses dents se
sont mises à tomber une à une, jusqu'à ce qu'il ne lui en reste plus aucune» (Châ -
teauneufd'Oze, Le Chazaî).
Dans tous les récits qui précèdent transparaît généralement un respect mêlé
d'admiration et de crainte, comme si, malgré la distance du temps, le guérisseur
fascinait toujours. L'unique voix qui ose exprimer un autre avis n'en prend que plus
de relief. Les quelques mots qui vont suivre, avec leur humour démythificateur, di¬
sent -ils tout haut ce que d'autres pensent tout bas ?
34 — «Une femme des Guérins (42) était malade. Elle a fait appeler Saoussa qui lui
a ordonné de boire du bouillon de plumes de poule. En tout cas, la poule, c'est lui
qui l'a mangée !» ( Châteauneuf-d'Oze , Le Chazal).
On verra par la suite quels rapports le sorcier d'Esparron entretient avec ces
autres dépositaires de forces surnaturelles que sont les curés (n° 70 à 74) ; et on se¬
ra amenés à penser que le diable — avec qui on le voit physiquement combattre (n°
75) — n'est pas totalement étranger au pouvoir qu'il détient.
MA GIEET SORCELLERIE
35 — «Un soir Saoussa rentre dans une maison à Pigrayer (43) et donne un petit
bout de pain qu'il avait dans sa poche à un enfant de dix ans. Et alors, lui il s'en va
et le petit ne veut plus manger de pain. Au bout d'une quinzaine de jours il repasse.
Il entre et les parents le menacent, que depuis qu'il est parti le petit ne veut plus
manger de pain. Alors il lui dit :
La prise de tabac
36 — «Un jour il offrit une prise de tabac à un ami qui ne fit que semblant de la
prendre. Saoussa lui dit alors :
— Tu n'as pas voulu la prendre, le bon Dieu te punira !
Il mourut dans les sept jours» (Sigoyer ).
L 'appétit coupé
39 — Pour se venger de quelqu'un il lui avait dit : «Tu iras faire le tour de la monta¬
gne tous les matins». Et la personne avait été forcée de le faire (Le Saix, inf. n° 1).
42 — «Une fois il était là-bas au Collet et il y avait deux femmes, une fille et un gar¬
çon qui descendaient, là-bas, par le chemin de la Feyssore. Et lui, de là-haut, les
regardait descendre avec des gens. Tout d'un coup il leur dit :
ter. — Ils sont bien tranquilles ces jeunes gens, vous les voyez ? Je vais les arrê¬
Et ils se sont arrêtés, ils n'ont plus bougé jusqu'à ce que lui leur ait donné la
commande de repartir. Il leur avait donné un sort» (LaPiarre, inf n° 1).
43 — «Il y avait dans ma maison une ouverture sans porte qui donnait dans la cave.
On y mettait une chaise devant pour de dire que les enfants n'y aillent pas. Et ce
Monsieur Clavel a dit :
— Enlevez cette chaise, les enfants n'y sauteront pas, allez !
On a enlevé la chaise. Et quand les enfants arrivaient là, on aurait dit que le
diable les faisait reculer. Ils n'ont jamais cherché à aller plus loin» (La Piarre, Le
Collet).
Ce récit peut être mis en parallèle avec celui qui montre Saoussa prenant la
même liberté, et usant de ses pouvoirs pour la conserver ! (n° 11).
On lira encore d'autres récits d'ensorcellement dans le passage consacré aux
rapports de Saoussa avec les curés.
45 — S'il voulait du mal à quelqu'un, il lui embarnait les bêtes (Le Saix, inf. n° 2).
46 — «Il y en avait un de La Piarre qui revenait de faire ferrer son mulet à Valdrô-
me ; il passait par le col du Charron (45). Et quand il a pris la descente de La Piarre,
sa bête n'a plus eu de fers. C'était Saoussa qui lui avait donné Verba de la desfare»
(46) (La Piarre, inf. n° 1).
(44) Litt.
(45)
(46) Hameau
Sentier
: l'herbe
muletier
de la de
com.
la
; Valdrôme
déferre.
d'Esparron.
se trouve dans la Drôme.
47 — Saoussa avait embarné les boeufs d'un homme qui labourait ; il lui avait dit :
«Tu veux labourer ? Tes boeufs n'avanceront pas !» L'homme ne put labourer (Le
Saix, inf. n° 2).
48 — A Châtillon -le -Désert, on l'avait mal reçu. Pour punir ces gens, il avait fait
monter les boeufs dans le râtelier (47) : en entrant dans l'étable, le patron les avait
trouvés dans cette position. Il avait dû aller trouver le sorcier pour qu'il les fasse re¬
descendre (St-Auban-d'Oze, inf n° 1).
50.1 — Dans une ferme de Péchier, il avait embarné les boeufs en frottant de la
graisse de blaireau sur le râtelier, et les boeufs ne mangeaient plus. Au bout d'un
certain temps le fermier l'a fait appeler. Saousso a dit quelques prières et ordonné
qu'on brûle le râtelier. Les boeufs se sont alors remis à manger (La Bâtie-Montsa-
léon. Selon l'informateur, ces fait remonteraient à 80 ans environ).
50.2 — «Sauce s'introduisait dans les écuries pendant que les paysans étaient aux
champs. Il avait le secret d'une certaine mixture qui avait le don de couper l'appétit
aux bêtes, de les irriter. Il passait de cette mixture sur les barreaux des mangerel-
les [râteliers] et les bêtes refusaient de manger. Appelé ensuite par les paysans af¬
folés, il lui suffisait, seul dans l'écurie, d'essuyer les barreaux, de passer peut-être
un autre produit qui neutralisait le premier, et les animaux retrouvaient leur calme
et leur appétit. Sauce était donc certainement un personnage très malin» (Doc. Les-
bros, Le Bersac).
51 — «Une fois, Sauce est appelé de nuit dans une ferme : les boeufs, dans l'écu¬
rie, n'avaient pas touché leur foin après avoir labouré tout le jour et les pauvres bê¬
tes menaient un train d'enfer, tirant sur leurs chaînes, meuglant, piaffant ; bref, el¬
les paraissaient ensorcelées. Seul, Sauce pouvait trouver la cause de ce boulugi [re¬
mue-ménage] et ramener le calme dans l'étable.
Donc, il rentre dans l'écurie et demande aux fermiers qui l'avaient accompa-
(47) Ce motif rappelle certaines farces analogues que l'on attribue à l'esprit domestique.
52 — «Une fois il a demandé à une femme de Villauret (49) de lui faire cuire deux
oeufs. Comme elle le lui refusait, il a donné une poignée de grains à ses poules et,
depuis, elles ne voulaient plus pondre. Il a fallu qu'elle aille le trouver pour qu'il
enlève le sort» (St-Auban-d'Oze , inf. n° 1).
Il s'agit ici d'un des rares récits dans lesquels Saoussa n'intervient pas pour
rétablir un ordre qu'il a détruit lui-même, mais pour faire bénéficier une famille de
son pouvoir. Notons qu'il a déjà opéré une guérison dans cette famille (récit n° 26).
53 — «Saoussa s'était ramassé [retrouvé] un soir à la tombée de la nuit chez les Ma-
ron,luià dit
on La Piarre.
: Il avait soupé et il avait demandé à ce qu'on le fasse coucher. Alors
(48) Sorte de filet dont on entoure le moure (museau) des boeufs pendant qu'ils travaillent pour évi¬
ter qu'ils ne mangent.
(49) Hameau de la com. de St-Auban-d'Oze.
(50) Famille voisine.
55 — Devant un travail difficile, on disait : «Il nous faudrait bien Sauce ! » ou bien :
«Il n'y aurait que Sauce pour expliquer». Un ouvrier à qui on reprochait de n'avoir
pas assez travaillé pouvait répondre : «E, siou pas Sauce ! (51)», autrement dit :
«Ne me demandez pas l'impossible» (Doc. Lesbros, Serres ).
La maîtrise de l'espace
L 'enjambée de géant
56 — «Quand mon père questionnait mon grand-père sur Sauce, mon grand-père
éclatait de rire et lui disait que Sauce avait tous les pouvoirs, qu'il mettait par
exemple un pied sur Aujour et que l'autre était en Camargue (52)» (Doc. Lesbros,
Serres).
57 — «Une fois, Sauce avait été arrêté par les gendarmes et mis en prison (53).
Alors Sauce dit aux gendarmes :
— Crésès me teni ? Avèsquéd 'ana au village, vous pague un mesuron (54).
Intrigués, les gendarmes vont au rendez -vous et trouvent Sauce attablé, qui
les attendait» (Doc. Lesbros, Le Bersac).
Le coup de pistolet
58.1 — «Une fois, lou Saoussé se rendait en Dévoluy et, en passant chez mes
grands -parents, aux Revioures (55), il leur a dit :
— Une fois que je serai sur le plateau d'Aurouze (56), je tirerai un coup de pis¬
tolet et vous l'entendrez.
Et il paraît qu'ils l'ont entendu» (La Roche-des-Arnauds, Les Baux).
Une confirmation de ce fait nous est donnée par un homme du même village :
58.2 — «Le grand-père paternel de Mme Juliette P. (57) habitait aux Revioures. Un
jour Saousse est passé chez lui et il a dit :
— Tiens-moi en vue ; dès que je suis sur le bord du plateau d'Aurouze, je tire
un coup de pistolet, tu verras la clarté.
Et puis au bout de très peu de temps, il a vu la clarté du coup de pistolet et ça a
été fini. Saousse est passé en Dévoluy et le père Martin est rentré dans sa maison»
(Manteyer, Le Villard).
(51) Hameau
(52)
(53)
(54)
(55) Le
Vous
Eh,méfait
Ce genre
jecroyez
ne de
suis
d'exploit
delame
Sauce,
pas
com.
tenir
Sauce
est
de
pas
?en
La
Vous
plus
! général
Roche-des-Arnauds.
n'avez
que leattribué
lieu
qu'àdealler
àcette
Gargantua.
auaventure,
village, jenevous
sontpaye
précisés.
un mesuron.
vioures.
(56) La montagne d'Aurouze est située en Dévoluy. Plusieurs heures de marche la séparent des Re¬
(57) Dont nous tenons le récit précédent.
59.3 — Saousse allait à Sigoyer en compagnie d'un homme de Manteyer qui y était
invité à une noce. Saousse lui dit alors : «Mets ton pied sur le mien et ne pense pas
au bon Dieu». Et ils sont arrivés là-bas avant la noce (Manteyer, Le Villard).
59.6 — Saoussa «se trouvait à une foire de Veynes avec un collègue. C'était à la
tombée de la nuit, l'angélus sonnait ; il dit à son collègue : vvMets ton pied sur le
mien". Et son collègue s'est vu dans les flammes, et ils sont arrivés ici, à Barcillon-
nette tandis que l'angélus sonnait encore» (Barcillonnette ).
59.11 — Saousse se trouvait un jour sur la montagne de Saint-Michel avec une per¬
sonne qui voulait contester sa puissance. Il lui dit : «Mets ton pied sur le mien et
tiens-toi bon !». D'un bond, sans toucher terre, ils sont arrivés sur la montagne de
Cellas (65) (Sigottier ).
63 — Il se trouvait un soir d'hiver bloqué dans un café de village (70) par une subite
tourmente de neige. Parmi les consommateurs, il y en avait un qui se lamentait de
voir la tempête s'aggraver, en pensant à sa femme malade et seule en un lieu éloi¬
gné. Alors Sauce lui a donné sa canne en lui disant qu'il pouvait sortir sans crainte.
En effet, devant la canne, la neige s'écartait et la route s'éclairait. L'homme a pu
rejoindre son domicile sans encombre {Doc. Lesbros, Le Bersac).
Divinations et prédictions
65 — Tous les matins «le Saoussa» sortait sur le pas de sa porte pour examiner le
ciel, et il annonçait à haute voix si le temps était propice pour semer du blé, planter
des pommes de terre ou pour effectuer toute autre opération agricole.
Un jour, un voisin l'entendit qui disait : «Bot\ bot', aujourd'hui c'est un beau
temps pour semer des pois chiches» et, mettant ces paroles à profit, il alla ense¬
mencer son champ. La récolte s'annonçait excellente, mais il n'y eut aucun grain :
comme on avait surpris son «secret», Saoussa avait «embarné» les pois chiches (Le
Saix, inf. n° 2).
66 — A une femme qui portait un fagot de bois sur l'épaule, il dit un jour : «Déchar¬
gez votre fagot, il y a une bête dangereuse dedans». On défit le fagot et on trouva
un serpent à l'intérieur (Chabestan , inf. n° 1).
67 — «Saoussa disait :
— Bot\ bot', mon ange. Précharieul et Déoule (73) jouent à la caville (74) ;
Précharieul partira et Déoule gagnera.
Ce que Saoussa avait dit s'est réalisé et continue de se réaliser. En effet, tou¬
tes les années, lorsqu'il est en crue, le Déoule emporte une partie du champ de Pré¬
charieul» (Barcillonnette ).
Dépositaire de la puissance divine, le curé possède lui aussi des pouvoirs sur¬
naturels, qui lui permettent de contrer le sorcier. Mais, selon une conception qui
(75) Nom
(76) Rocher
d'une
dontpetite
la paroi
vallée
abrupte
qui sedomine
trouveleentre
village.
Sigottier et la ferme Gilibert (com. de La Piarre).
71 — Saousse avait pour ennemi un curé qui connaissait les plantes aussi bien que
lui, et il avait envoûté son frère. A la suite de quoi Saousse et le curé s'étaient «me¬
surés». Le curé lui disait : «Si tu ne le désenvoûtes pas, je t'envoûterai». C'était à
celui des deux dont le sang serait le plus fort {La Roche-des-Arnauds, Les Baux).
72 — «Un jour, Saoussa se trouvait devant l'église du Saix et le curé lui a dit :
— Si tu viens me servir la messe, je te paye le dîner.
On disait que Saoussa était franc-maçon, qu'il n'allait pas à la messe. Mais il y
est allé quand même et il a très bien servi la messe. Et quand il a eu dit la messe, le
curé est allé dîner comme d'habitude, mais il ne lui a rien dit, à lui, il paraît. Alors
Saoussa l'a embarné. Il lui a dit :
— Tu ne m'as pas payé le dîner, tu ne mangeras plus.
Et le curé ne mangeait plus rien. Il est allé trouver son frère à Saint-Auban et il
lui a dit qu'il
: ne mangeait plus rien, d'aller trouver Saoussa. Il y est allé et Saoussa
— Il devra prendre dans sa soupe des crottes de chien bien blanches en guise
de poivre.
Et il paraît que lorsqu'il a pris ce remède il s'est remis à manger (St-Auban -
d'Oze, inf. n° 1).
74 — «Un jour, le curé du Saix avait fait une réprimande à Sauce. Celui-ci ne répon¬
dit rien. Mais, quelque temps après — le curé avait oublié l'incident — , juste avant
la messe Sauce vient le voir, discute amicalement avec lui, sort sa tabatière et offre
la prise au curé. Le curé prend ses deux prises (une pour chaque narine) ; Sauce en
prend
va direégalement
sa messe. et, l'heure de la messe étant venue, le curé prend congé de lui et
(77) G.
(78) Tiens,
de MANTEYER,
voilà pour septop.ans.
cit., p. 82.
Rappelons aussi le récit n° 26, dans lequel Saoussa prédit la mort du curé de
La Piarre qui avait «mal parlé» de lui.
SAOUSSA ET LE DIABLE
76 — «Vers la fin de sa vie, sa femme lui demanda son bâton. Il lui répondit :
— Tais-toi, vieille garce, je me suis battu avec tous les diables» (Sigoyer).
LA MORT DE SAOUSSA
77 — «Au moment de mourir, il a voulu toucher la main à sa mère, mais elle n'a pas
voulu» (Barcillonnette ).
(79) II n'en sera pas de même pour les autres magiciens qui, tous, ont fait un pacte avec le diable.
(80) Cf. cycle du Pape des Aix. Sur l'assimilation de la franç-maçonnerie à une secte infernale, cf.
C. JOISTEN, «La mort, Dieu et le diable dans un ethnotexte du Haut-Embrunais», Le Monde Alpin et
Rhodanien, n° 1-4/1977 , Religion populaire, pp. 335-336, et Jd., «De quelques sources d'influences...»,
op. cit., pp. 143-144.
(81) Cf. cycle du Doyen (récit n° 9).
Peu de documents, donc. Mais tous les éléments qui apparaissent dans ces
quelques lignes sont ceux qui caractérisent la mort, toujours difficile, du sorcier.
De peur qu'il ne leur transmette ses pouvoirs, les témoins s'écartent de son lit ; sa
mère elle-même (82) refuse le contact de sa main ; on refuse de même le bâton qui
a été l'auxiliaire de son pouvoir. Le départ surnaturel du bâton de Saoussa par la
cheminée tendrait à accréditer son appartenance au diable, puisque c'est en géné¬
ral cette ouverture que le diable utilise pour quitter une maison.
(82) On peut noter l'invraisemblance de ce fait, puisque Saoussa est mort à l'âge de 87 ans.
Ce répertoire est donné par commune. Lorsqu 'aucune précision n 'est apportée après
le nom de cette dernière, il s 'agit du chef-lieu. Les noms des hameaux suivent le nom de
la commune, ou, lorsqu' il y en a plusieurs, apparaissent en retrait.
Après le nom de l'informateur on trouvera : la date de l'enquête (mois en chiffres ro¬
mains et année en abrégé), et. entre parenthèses, les renvois aux numéros des récits.
SOURCES ORALES
Enquêtes C. Joisten
Barcillonnette : M. Justin C., 52 ans, cuit., maire de Barcillonnette, qui tient tous les ré¬
cits de son oncle, M. Auguste R., 79 ans, ancien cuit, et berger, illettré, de Barcillon¬
nette également, I. 59. M. Justin C. s'est révélé un des meilleurs informateurs (n°
9 ; 15 ; 23 ; 29 ; 41 ; 44 ; 59.6 ; 67 ; 75 ; 77).
Bâtie-Montsaléon (La) : M. Léon B. , 79 ans, VIII. 62 (n° 3 ; 7.2 ; 8. 1 ; 50. 1).
Chabestan : Inf. n° 1 : M. Léon F., 76 ans, cuit., VIII. 62 (n° 59.10 ; 66). Inf. n° 2 : hom¬
me anonyme, VIII. 62 (n° 59.12).
Châteauneuf-d'Oze, Le Chazal : Mme Léontine R., 82 ans, Gap, originaire du Chazal, I.
62 (n° 2 ; 33 ; 34).
Esparron, chef-lieu : Inf. n° 1 : homme anonyme, 54 ans, XII. 58 (n° 4 ; 19 ; 68). Inf. n°
2 : inf. anonyme, XII. 58 (n° 59. 7).
Espréaux : Homme anonyme, II. 59 (n° 18).
Furmeyer, Les Savoyons : Homme anonyme, VIII. 62 (n° 59.13).
Lardier-et-Valença : Mme Clémence R., 61 ans, cuit. 1. 59 (n° 35 ; 59.9 ; 60 ; 78).
Mantever, Le Villard : M. Désiré B., 76 ans, cuit., originaire des Baux, com. de La Ro-
che-des-Arnauds, VIII. 62 (n° 12 ; 22 ; 25 ; 27 ; 28 ; 58.2 ; 59.3 ; 62 ; 70).
Piarre (La), chef-lieu : Inf. n° 1 : Mme Eulalie B., 89 ans, II. 59 (n° 6 ; 10 ; 31 ; 42 ; 45 ;
59.4 ; 69). Inf. n° 2 : M. Auguste M., 56 ans, maire de La Piarre, II. 59 (n° 26 ; 53).
Le Collet : M. Marius D., 76 ans, 11.59 (n° 30 ; 43).
Roche-des-Arnauds (La), Les Baux : Mme Juliette P., 41 ans, cuit., native des Revioures,
même com. , VIII. 62 (n° 11 ; 14 ; 20 ; 58. 1 ; 61 ; 71).
Saint-Auban-d'Oze : Inf. n° 1 : M. Désiré G., 82 ans, II. 59 (n° 13 ; 40 ; 48 ; 52 ; 59.8 ;
64 ; 72). Inf. n° 2 : femme anonyme, 86 ans, Châteauneuf-d'Oze, qui a entendu le
récit à Saint-Auban-d'Oze, VIII. 62 (n° 54).
Saix (Le) : Inf. n° 1 : M.R., 82 ans, cuit., VIII. 62 (n° 21 ; 38 ; 39 ; 59.2). Inf. n° 2 : hom¬
me anonyme, VIII. 62 (n° 46 ; 47 ; 49 ; 65).
Savoumon : Inf. n° 1 : M.C., 81 ans, VIII. 62 (n° 59.5). Inf. n° 2 : homme anonyme, 74
ans, VIII. 62 (n° 17 ; 32 ; 37).
L'enquête de Charles Joisten comporte des points négatifs, qui sont : Aspremont, La
Beaume, La Haute-Beaume, Le Bersac, St-Pierre-d'Argenson, ham. de St-Martin,
Eyguians, Lazer (Pour Le Bersac, cf. les documents Lesbros).
Documents J. Lesbros
Bâtie-Montsaléon (La) : Inf. n° 1 : M. Albert M., qui tient le récit de son père, M. Jules
M. ; ce dernier le lui a raconté vers 1920 (n° 7.1). Inf. n°2 : M. Casimir B., qui le
tient de M. Léon B. ; ce dernier est l'informateur que C. Joisten a interrogé en 1962
(»° 8.2).
Bersac (Le) : M. Eugène I., 65 ans environ, qui tient les récits de son père, âgé de 97 ans
(n° 24 ; 50.2 ; 51 ; 56 ; 63 ; 74).
Serres : M. Charles Lesbros, né en 1898, père de M. Jacques Lesbros ; il tient les récits
de son propre père (n° 55 ; 57).
SO URCES 1MPRLMÉES
MANTEYER (Georges de), «Les dieux des Alpes de Ligurie», Bull, de la Soc. d'Êt. des
Htes-Alpes, 1945, pp. 438-576 (n° 1 ; 59.1 ; 73).
V AN GENNEP (Arnold), Le folklore des Hautes-Alpes, t. II, Paris, 1948 (n° 16).
Saint-Maurice-en-Valgaudemar
(Hautes-Alpes)
jours,
viennent
fond,
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que
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les
et
le
Ce qui ressort de plusieurs de ces récits, c'est leur étroite relation avec la sau¬
vage nature du Valgaudemar. «Camarades, il faudrait aller retirer votre pont, sinon
d'ici ce soir il sera noyé...». On ne peut s'empêcher de rapprocher cette prédiction
de Moundou (d'ailleurs réalisée, cf. n° 2.2), de la description de Ladoucette : «On
passe [la Séveraisse] sur des ponts assez solides pour résister à ses débordements.
On vient de réparer le pont de Saint-Firmin, et on devrait fortifier celui du rocher de
l'Oratoire. [...] Mais, depuis quelques années, la dénudation des montagnes étant
complète, les ruisseaux, à la suite de fortes pluies et surtout de la fonte des neiges,
sont des torrents dévastateurs» (5).
Quant à «l'effrayante débauche de pierraille» évoquée par Raoul Blanchard
(6), n'est-ce pas elle qui hante l'esprit des habitants lorsqu'ils décrivent la nuit du¬
rant laquelle Moundou résista aux avalanches de pierres déchaînées par le dé¬
mon ? Et l'un des récits de cette série (n° 8.2) prend un caractère étiologique lors¬
qu'ilClots.
des attribue à cet événement la formation de l'éboulement de pierres au-dessus
Moudon
(4) F.deMISTRAL,
G. Sentis (n°op.8.4).
cit. La prononciation de oun, plus ou moins nasalisée, explique la variante
(5) LADOUCETTE, Histoire topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, Paris, 3°
éd., (6)
1848,Cf.p.note
465.3.
Entre ubac et adret : vue sur le chef-lieu de Saint-Maurice-en-Valgaudemar, depuis la route qui mène
au hameau de Prentiq.
Le nuage de Moundou
2.1 — «Paraît qu'il avait fait pleuvoir. Il était assis sur une hauteur avec un berger
et il lui dit :
— Tu vas voir si je vais faire pleuvoir !
L'autre pouvait pas le croire.
Alors il s'est mis à lire sur un livre. Ils ont commencé de voir un petit nuage.
Finalement, ça a grossi, grossi, qu'il est arrivé un gros nuage et puis qu'il a grêlé».
( Villar-Loubière )
2.2 — «Alors un jour il jouait aux boules avec les gens du village du Roux. Et il fai¬
sait beau temps. En jouant aux boules, il leur dit :
— Camarades, il faudrait aller retirer votre pont, sinon d'ici ce soir il sera
noyé.
En même temps il leur a fait voir un petit nuage qui sortait du côté de la Pierre.
Ils n'ont pas voulu le croire, ils l'ont traité d'imbécile ; ils se moquaient, rigolaient
de lui. Et deux heures après, il faisait un cataclysme à emporter le pont, un orage à
tout casser qui a emporté le pont.
Maintenant même, quand les gens désirent la pluie et qu'ils voient un petit
nuage sortir de ce côté, ils disent :
— Il va pleuvoir, voilà le nuage de Moundou qui sort !» (St-Maurice , Le Roux,
inf. n° 1).
3 — «Il a fait brûler une maison au milieu de Prantic (10) sans que les autres aient
brûlé» (St-Maurice , L 'Ubac).
Maurice,
(9) Cf.
(10) Prantiq
aujourd'hui
cycle du
(Dict.
Pape
abandonné
topographique),
des Aix,etenenparticulier
ruines.
Prentiq le(carte
récit I.G.N.),
n° 7.2. hameau d'alpage de la com. de Saint-
5 — «Il y avait des loups dans le pays qui ravageaient son troupeau. Le diable lui a
dit :
— Ils ne viendront plus t 'embêter, les loups !
Alors Moundou a conjuré les loups. Il peut y en avoir des fois de passage ;
mais depuis l'époque il y en a plus qui demeurent. Il les avait conjurés. Ils ont du
pouvoir, ces gens-là, avec le diable !» ( Villar-Loubière ).
6 — «Moundou avait fait son pacte avec le diable pour obtenir de lui le pouvoir de
faire disparaître les taupes dans la région. Mais depuis elles sont revenues» (St -
Maurice, Le Roux, inf. n° 2).
MOUNDOU ET LE DIABLE
7 — «Il allait veiller dans les maisons et il y avait toujours le diable qui l'accompa¬
gnait» (St-Maurice , L 'Ubac).
De tous les récits qui précèdent, seuls les derniers accordent — presque inci¬
demment — une origine diabolique aux pouvoirs de Moundou. Par contre, dans les
suivants, le dénouement du pacte avec le diable devient l'argument narratif princi¬
pal.
La manière dont Moundou échappa au diable est relatée dans quatre récits as¬
sez longs qui tranchent, par leur développement et leur construction, sur la simpli¬
cité et la brièveté des autres. En eux, on remarquera, à travers une abondance et
une diversité de détails, la stabilité de la forme. Cette dernière repose en effet sur
l'identité des éléments qui les structurent : l'échéance du pacte, l'aide du curé, le
cercle magique, l'épreuve nocturne de l'avalanche de pierres (12).
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8.1 — «Il était berger d'un troupeau. Il avait fait pache [marché conclu, pacte] avec
le diable. Et alors tout lui réussissait bien. Et quand il est arrivé à la limite — il
avait fait un marché limité — , alors Moundou n'a pas voulu se vendre. Il a fait un
rond avec un bâton ; il y a mis une croix et il s'est mis dedans. Toute la nuit, des
pierres, des tonnerres, des avalanches de pierres venaient toutes buter contre
l'abri, le rond qu'il s'était fait. Ça a été une nuit terrible. Il a fini par être vain¬
queur, mais je vous assure que ça a été quelque chose. Ce que fait le diable, pour
avoir une âme !» ( Villar-Loubière ).
8.2 — «Moundou avait conclu un pacte (une pache) avec le diable. Mais vint le mo¬
ment où le diable devait venir le chercher. Il est allé trouver le curé de Saint-Mauri¬
ce, qui lui a dit :
— Tu te rendras ce soir aux Clots près des Garrets (13). Je te tracerai une ron¬
de [un cercle] autour de toi, je la bénirai, je te donnerai mon étole et tu te la passe¬
ras et tu resteras assis dans la ronde. Tu n'auras pas peur car [= et pourtant] tu en¬
tendras toutes sortes de bruits épouvantables comme si les montagnes descen¬
daient sur toi, des frachières [éboulements]. Tu verras toutes sortes de bêtes sau¬
vages, des serpents, mais tu ne mettras pas un pied hors de la ronde, sinon tu seras
foutu et le diable te prendra. A une certaine heure du matin, quand le bruit cessera,
tu sortiras et tu seras sauvé, tu me rendras Tétole.
C'est ce qu'il fit. Il échappa au diable. Mais tous les soirs, sur un petit mur,
prèsetdedesa
ces toutes
maison couleurs
du Roux
venaient
où il habitait,
miauler une
du soir
tirière
au matin
[bande]
en de
disant
chats: de toutes ra¬
Miaou, miaou, miaou
Mandzaren Moundou (14).
C'est le diable qui se mettait en forme de chats pour embêter Moundou, l'ef¬
frayer, qui [= parce qu'il] avait gagné son pari !» (St-Maurice , Le Roux, inf. n° 1,
IV.
res au-dessus
66). L ' informatrice
des Clots.ajoute que depuis cette époque existe Véboulement de pier¬
La même informatrice avait donné, en 1953, une version un peu plus brève de
ce récit. Nous
narration . la reproduisons ici pour l'intérêt que présente la variation dans cette
8.2 bis — «Moundou avait fait gageure [pacte] avec le diable. Le diable lui avait
donné un certain temps qu'il avait tout ce qu'il voulait, qu'il était heureux, qu'il
avait beaucoup d'argent, avant de venir lui prendre son âme. Alors quand le temps
approchait
lui dit : de son expiration, il en avait fait part au curé de Saint-Maurice. Le curé
— Ben mon ami, j'ai un moyen pour te sauver. Viens avec moi sur les Clots.
Et il lui traça un rond de trois mètres de circonférence, qu'il bénit, et y planta
une petite croix bénite et lui donna son étole au bras et lui dit :
(13) Lieu-dit,
(14) ...Nous mangerons
com. de Saint-Maurice,
Moundou. face au hameau du Roux.
— Quand l'heure viendra, que le diable viendra pour chercher ton âme, il ne
pourra pas rentrer dans la ronde. Et il fera le tour, il te fera voir toutes sortes de bê¬
tes pour t'effrayer et de bruits comme si toutes les montagnes te tombaient dessus.
Et tu ne bougeras pas, tu seras vainqueur et le diable ne t'aura pas.
A l'heure passée, tout a disparu, et Moundou s'est retiré sain et sauf. Il était
sauvé !» (St-Maurice , Le Roux, inf. n° 1, III. 53).
8.3 — «Moundou était navigateur. Ils étaient deux [lui, et un compagnon] sur la
mer. La mer était si mauvaise, qu'ils avaient fait pacte avec le diable. Ils lui avaient
dit que s'il les sauvait, eh bien, ils lui donnaient leur âme. Et alors, puisqu'ils s'é¬
taient sortis tous les deux — seulement son compagnon était mort [depuis] — , et
comme ils avaient fait pacte avec le diable, il fallait sortir son compagnon d'entre
les mains du diable.
Il est allé à La Chapelle (15), ce Moundou, pour demander au curé comment il
fallait faire pour sortir son compagnon des mains du diable.
Alors le curé lui avait fait une bouteille d'eau bénite et lui avait dit d'aller à un
endroit, au pied d'une côte, à un endroit solitaire, au Clot, et de tracer un rond avec
un bâton, d'y faire une croix au milieu, et d'y verser le flacon d'eau bénite et d'y al¬
ler dans la nuit, après minuit, de mettre un pied dans la ronde et un pied en dehors
et pas sortir de la ronde.
aujourd'hui
(15) Commune
abandonné
située
— se
au nomme
fond de Lela Clot.
vallée du Valgaudemar. Un des hameaux de cette commune —
Maintenant, comme je vous dis, c'est un conte ; c'est pas une histoire, c'est
pas véridique» (St-Maurice , L 'Ubac).
Le texte qui suit résume un récit publié par Gabrielle Sentis (16). Il contient un
certain nombre de détails de type «littéraire» totalement absents des récits de tra¬
dition orale. Cependant sa trame, très voisine, lui donne droit de cité parmi ceux-ci.
On peut noter l'explication toute locale de l'origine de la carrière de talc : il en exis¬
te effectivement une à cet endroit (17).
ble), (16)
1977,G.pp.
SENTIS,
64-65. En Dauphiné : le Valgaudemar. Nature. Histoire. Légendes, chezl'Auteur (Greno¬
(17) Sans les situer précisément dans la vallée, LADOUCETTE (op. cit., p. 464) parle de carrières
de talc ollaire, exploitées depuis 1841. Plus précis est Adolphe JOANNE, dans son Itinéraire descriptif
et historique du Dauphiné (2e partie, Paris, 1863, p. 201) : «En face [du hameau du Roux], sur la rive
gauche de la Séveraisse, on voit des assises talqueuses et une couche de véritable stéatite, d'un vert pâ¬
le, qui se scie et se travaille au tour très-facilement. On l'a exploitée pendant quelque temps pour faire
des crayons à écrire sur l'ardoise (Ch. LORY)».
(18) Hameau de la com. de Saint-Maurice.
Enquêtes C. Joisten
Saint-Maurice-en-Valgaudemar, Le Roux : Inf. n° 1 : Mme Augustine B., 54 ans, cuit.,
m. 53 et IV. 66 (n° 2.2 ; 8.2 et 8.2 bis). Inf. n° 2 : M.D., 74 ans, III. 66 (n° 7).
La Tour : Homme anonyme, IV. 66 («° 2.3).
L'Ubac : Mme B., 69 ans, cuit., I. 53 («° 1 ;3 ;5 ; 8.3).
Villar-Loubière : Mme Eugénie G., 82 ans, III. 53 (n° 2.1 ; 4 ; 6 ; 8.1).
SO URCES IMPRIMÉES
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(Savoie)
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TRACQ
1964 (le
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1969.
(correspondance
et sur
ses Duvallon
descendants
été 19831971-1985).
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(désormais
nous
publié
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L'ensemble
: B.J.A.).
dansétat
le numéro
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C'est ainsi que Francis Tracq nous présente Bessans dont il dit encore :
(3) B.J.A.,
(4)
(5)
(6) IlCes'agit
Texte prénom,
d'Alain
de lacit.
op. Anne,
Version
FILLIOL.
Il s'agit
a été
3 (cf.
de
retenu
lainfra).
Version
par la 2légende
(cf. infra).
(cf. Version 2).
Ci-contre :En haut, la «plaine» de Bessans, vue du col de la Madeleine. Au premier plan, dans chaque
champ ou groupe de champ, un pierrier ou «murger» {patois : meurdjyé) recouvert d'herbe. A gauche,
l'ancien chemin. — En bas, Bessans en 1911. A droite de la photo, dominant le village, l'église, et, à
V extrême droite, la chapelle Saint-Antoine {Cl. Institut de Géographie Alpine, coll. Musée Dauphinois).
n° 2/1973,
ches
Francis
(7)
(8)
(9)
queTRACQ).
HFrancis
Registre
mène
semble
pp. 5-35
Françoise
TRACQ,
paroissial
que
(icice:p.5).
détail
«Lade fenaison
CIMAZ Bessans
provienne
dans les
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Bessans
d'une
archives
partradition
l'abbé
(Haute-Maurienne)»,
de Bessans.
Bernard
orale, Cf.
car(vers
doc.
il n'est
4.2.
1930),
Le pas
Monde
f°confirmé
217
Alpin
(communiqué
par
et Rhodanien,
les recher¬
par
(10) Marcel Jail compte, pour Bessans, 205 jours de gelée et des chutes de neige de plus de 5 mè¬
tres par an (M. JAIL, Haute Maurienne, pays du diable ?, Grenoble, Allier, 1977, pp. 19-21).
(11) «La nuit de Noël 1924 [...], le vent souffla si fort que, même à Bessans, les habitants eurent
beaucoup de peine à aller à la messe de minuit sans être assommés, de petites lauzes dont le poids dé¬
passait cependant 50 kilogrammes étant arrachées aux toitures et jetées dans la rue» (Jeanne LE-
CLERC, «Deux mois chez les pasteurs avérolais», Terre, air, mer, Bull, de la Soc. de Géographie LVIII,
n° 5, nov. 1932. Avéroleest un hameau de Bessans).
«Peu à peu, ces artisans sont devenus presque aussi habiles que
leurs maîtres, tout en gardant une ingéniosité et une piété que les cou¬
reurs de route n'avaient plus. Les artistes locaux ne possédaient aucu¬
ne science
croit les archives
de l'antiquité
locales, païenne,
des récitsilsdeétaient
la Bible,
mieux
du Nouveau
instruits,Testament
si l'on en
ou des Actes des Saints» (16).
Mais la vie religieuse qui, depuis le Moyen Age, imprègne tous les instants de
l'existence de ces montagnards, a alimenté une vie artistique encore bien plus lar¬
ge : au XVIe siècle la Maurienne connaît une extraordinaire floraison de théâtre re¬
ligieux qui mobilise la population des villages pour des représentations de plu¬
sieurs journées (17). Entre 1553 et 1583 Bessans organise trois représentations du
Mystère de la Passion. Attardons-nous à un détail : outre les personnages de l'E¬
criture sainte il y avait, dans les mystères, toujours des diables. On se fait une idée
du caractère spectaculaire des diableries de ce théâtre populaire avec la description
de celles du Mystère de l'Antéchrist et du Jugement représenté à Modane en 1580
et en 1606. Celles de Bessans devaient beaucoup leur ressembler :
ton
rienne».
nel».
sim.
1971,éd.,
(12)
(13)
(14)
(15)
Cf.
p. 1978,
12
Selon
Cf.; Paul
aussi,
Mathieu
Jacques
coll.
Paul
dun°DUFOURNET,
Encyclopédies
même
6,N°
DUFOURNET
VARILLE,
CHOCHEYRAS,
été
3, auteur,
hiver«Artistes
81, 1980,
Saints
Lrégionales,
«Sculpteurs
(op.
'art«Le
populaire
Le
de
cit.,
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hameau
théâtre
Bessans»
cf.p.
etdepp.
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140.
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religieux
140
Haute
Savoie,
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du
Maurienne,
printemps
Le
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Bessans
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Lyon,
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pp.
1924,
Le
Bonneton
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20-21.
siècle,
Puy,
pp. Christine
3-4.
d'art
de
Genève,
éd.,
Haute-Mau-
exception¬
1981,
Bonne-
Droz,
pas-
Le diable à Bessans
Au XIXe siècle, les Bessannais ont l'habitude, durant les soirées d'hiver, de
sculpter des figurines de bois servant de jouets, dont les sujets sont tirés de la vie
quotidienne : personnages en costume local vaquant à des travaux domestiques,
enfants au berceau, oiseaux, animaux de la ferme... Mais ils sculptent aussi des
diables, et ces statuettes surprenantes intéressent rapidement les voyageurs qui
les achètent, les exportent, conférant à Bessans une renommée particulière. Eugé¬
nie Goldstern, une Autrichienne qui séjourna à Bessans en 1913 et écrivit une mo¬
nographie de ce village, nous en parle :
à jouer
présentation
l'Antéchrist
les
et
vol
qu'il
ginaire.
de gothique,
chauve-souris»
lareprésentations
ouParmi
(18)
(19)
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Extrait
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1580.
d'un
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peur,
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TEYSSÈDRE,
Le
diable
249-250).
par
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Chanoine
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en
Naissance fortuite donc, selon cette tradition, mais dans un terrain certaine¬
ment bien préparé. A partir de là on continue à sculpter ces statuettes qui rempor¬
tent un si vif succès. Le fils d'Etienne Vincendet (1813-1859), Pierre (1843-1919) est
parfois surnommé «Pierre des Diables» à cause de la spécialité qu'il s'en est fait.
D'autres suivront son exemple, jusqu'à nos jours (22).
Parmi les plus récents de ces paysans-artistes, nous nous contenterons de citer
Emile Tracq (1903-1984), cultivateur et secrétaire de mairie (23). Célèbre pour ses
sculptures («diables» et personnages sacrés), il l'était aussi comme conteur. On lui
entendait dire souvent l'histoire de Duvallon qu'il finit par rédiger en 1962 (24).
Ses talents avaient valu à Emile Tracq une petite notoriété dès les années 30.
En 1936, le journaliste Marius Foudraz publie dans YAlmanach du Petit Dauphinois
Hochgebirgsgemeinde,
66-67(20)
de cette
Eugénie
traduction).
GOLDSTERN,
Wien, 1922.
Bessans.
Les citations
Volkskundliche
sont tiréesmonographische
d'une traductionStiidie
ronéotypée
ûber eine
anonyme
savoyische
(pp.
(2 l) B.J.A., «Lo Guiablo», op. cit., p. 17. L'auteur ajoute : «L'abbé Bernard, curé de la paroisse
précise qu'il a eu confirmation de la date et de l'auteur par son petit-neveu, un autre sculpteur, Parrour
Augustin, dit lo Klopo (le boiteux)» . La même tradition est relatée dans la traduction de la monographie
d'E. Goldstern (passage inséré à l'initiative de Francis Tracq, pp. 66-67). Dans le quotidien Les Allobro-
ges du 28-29 décembre 1946, l'article sur «Les diables de Bessans», de Jean MARTIAL, en fait état.
L'hebdomadaire La Vie Nouvelle du 23 mai 1975 également, donnant la parole à Emile Tracq, avant de
publier sa version de la légende de Devallon (cf. note 27).
(22) Les sculpteurs de «diables de Bessans» sont passés en revue dans «Lo Guiablo», op.
cit.. pp. 17-25. Dans la mesure où ils étaient fabriqués pour être vendus, peu de «diables» existent ac¬
tuellement à Bessans même. On en trouve dans les musées (régionalement à Chambéry, Conflans ; à
Paris au Musée national des Arts et Traditions populaires), ou chez des collectionneurs.
(23) Emile Tracq fut secrétaire de mairie pendant 42 ans. Autodidacte, sorte de «mémoire» du villa¬
ge grâce à sa fréquentation de l' état-civil et à son goût pour l'histoire, on le trouvait toujours prêt à par¬
tager ses connaissances. Il était aussi devenu correspondant du quotidien d'avant-guerre Le Petit Dau¬
phinois (Cf. B.J.A., n° 12, printemps 85, pp. 5-6).
(24) Cf. notre Version 1.
LL
Trois versions, que nous publions ci-dessous, ont été écrites à Bessans : les
deux premières ont pour auteurs des hommes du pays, Emile Tracq déjà cité et Jo¬
seph Parrour (1882-1974) ; la troisième est de l'abbé Cyrille Bernard, curé de la pa¬
roisse de 1930 à 1945, à qui l'on doit l'identification de Duvallon.
Toutes les publications ultérieures de la légende se rattachent à l'une ou l'au¬
tre de ces versions (27). Sont à mentionner particulièrement celle de Marius Fou-
bles de
(25)Bessans».
(26) Pp. 197-205.
Renée TRAMOND, Contes savoyards, Paris, Lanore, 1949 ; pp. 144-149 : «Légende des dia¬
(27) La version d'Emile TRACQ est publiée dans le Bulletin des Amis du Parc de la Vanoise, n° 5,
été 1968 ; l'hebdomadaire savoyard La Vie Nouvelle, 23 mai 1975. Celle de Joseph PARROUR est pu¬
bliée en dialecte avec traduction par V. RATEL et G. TUAILLON dans la Revue de Linguistique romane,
t. XXIX, pp. 154-173, avec présentation et commentaire philologique, sous le titre «Deux légendes de
Haute-Maurienne». Le même texte, sous sa forme française seulement, figure dans le petit fascicule
Trois légendes de Haute-Maurienne, par V. RATEL, G. TUAILLON et A. PONCE, diffusé à Bessans, et,
avec une large présentation, dans Bessans jadis et aujourd'hui «Lo Guiablo», op. cit. On trouve aussi
es résumés de cette version dans diverses publications. Le texte de l'abbé BERNARD a été publié dans
un bulletin paroissial de Bessans en 1935.
*
* «
D n'est pas de notre propos d'analyser ce récit légendaire complexe qui intègre
plusieurs domaines de la littérature orale (conte, récit de croyance, magie et sorcel¬
lerie).
Signalons simplement que cette histoire placée sous le signe du diable, con¬
tient des éléments qui font habituellement partie du merveilleux chrétien : le motif
du manteau étendu sur l'eau pour franchir une rivière appartient en général aux
vies de saints (29) ; et, si l'on en croit les contes, c'est le Christ (ou saint Eloi) qui,
aidant anonymement un forgeron dans son travail, coupe la patte d'un cheval pour
la ferrer commodément, et la replace ensuite à l'animal (30) — ce que sait faire Du-
vallon.
Par ailleurs, certains des pouvoirs attribués à Duvallon sont ceux de sorciers
légendaires, comme le don d'ubiquité (31) : pendant son service militaire, il va à
Bessans quand il le veut sans qu'on s'aperçoive de son absence ( Version 1.1) ; et,
surtout, grâce à ce don, il parvient à accomplir la pénitence que lui impose le pape :
assister à trois messes de minuit simultanément, dans trois villes différentes {en¬
semble des versions). On observe d'ailleurs dans un récit ( Version 2) une tentative
de rationalisation, puisque la prouesse est donnée comme «possible» du fait du dé¬
calage horaire (entre Rome, Paris, Londres).
de vous
tions(28)
surconter»,
l'actualité
«C'est une
ditou
de
M.«contes»
ces
Foudraz
légendes
d'autrefois...
en évoquant
entendues(op.
lesauoccupations
cit.,
coursp. d'une
198). des
veillée
veillées
à Bessans
d'hiver,[...]chansons,
que je meconversa¬
propose
(29) Pour un exemple proche géographiquement, voir dans les documents comparatifs (cf. Annexe)
le récit écrit au XVIIe siècle par le religieux mauriennais Jacques FODÉRÉ à propos d'un frère d'un cou¬
vent (31)
vol.
ment,1,(30)
decf.
Paris,
Lyon.
Conte-type
Cf.
C. JOISTEN,
tout
Maisonneuve
particulièrement
753,Contes
LeetChrist
Larose,
populaires
laetfin
le1985,
forgeron.
dedulapp.
Dauphiné,
version
147-156.
Cf. 1.2.
M.-L.
1. Pour
1, TENÈZE,
n° une
64, p.
version
349,
Le conte
«Le
de bon
cepopulaire
conte
Dieu recueillie
etfrançais,
saint Pierre».
locale¬
t. IV,
1.1 — Ce récit a été rédigé par Emile Tracq ( 1903-1984 ), cultivateur et secrétaire de
mairie de Bessans, en 1962. C'est le maire de la commune, M. Albert Cimaz qui
avait incité ce conteur renommé à mettre par écrit le récit bessannais dont il s 'était
fait une spécialité. La Légende de Devallon était diffusée sur quatre pages ronéoty¬
pées ornées par l'auteur d'un «diable à quatre cornes». Rappelons qu'Emile Tracq
sculptait aussi des diables.
est respectée).
(32) L'orthographe habituelle est La Chalp (d'une manière générale, l'orthographe du texte original
Au cours d'une campagne, son escadron se trouva un jour cerné dans une for¬
teresse entourée de hautes murailles et d'un fossé profond. Devallon demande à
son capitaine quelle récompense il accorderait à celui qui parviendrait à faire déblo¬
quer la forteresse ; l'officier répondit qu'il accorderait son congé, son cheval et ses
armes à celui qui accomplirait cette chose impossible. On vit alors Devallon monter
sur son cheval qui, après avoir reculé de quelques pas, franchit d'un bond murs et
fossé, et passer ensuite à travers les lignes ennemies. Il ramena de nouvelles trou¬
pes et—fitVa
lever
t'enleausiège.
diableFidèle
! à sa promesse, son capitaine le libéra en lui disant :
nuit sur
cun
diable
tombante
(33)changés
unEncheval,
1964,
on
envoyait
animaux».
Emile
disparaissaient
sortir
Tracq(Cf.
dedonnait
ladoc.
pour
maison
4.3).
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de
rentrer
Devallon
Joisten
qu'àdeux
l'aube.
l'information
grosC'étaient
chienscomplémentaire
ouDevallon
deux loups
et son
qui,
suivante
compagnon
sautant: «Acha¬
lela
seront(37)
dessus).
«Diables»
(34)mis(La
(35)
(36) Cette
IlLes
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de Renée
Duvallon.
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l'auteur,àdans
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de l'abbé
son souci
deBernard
ses
de citations,
relier
(cf. les
ci-
(38) La cuisine.
(39) La Goulaz dont Carmeline est originaire (selon cette version) est un hameau situé en amont du
chef-lieu de Bessans à l'entrée de la vallée de l'Avérole. La Chalp est en aval.
(40) Fromage bleu fabriqué dans la région.
«En même temps, Duvallon voyait deux sosies de sa personne, ou pour mieux
dire deux
sans. Tousautres
trois assistèrent
lui-même, àemportés
la messe par
de minuit
les démons
et chacun
l'un àd'eux
Milan,s'étant
l'autrefaità déli¬
Bes-
vrer un certificat de présence par l'officiant, ils se retrouvèrent sous le porche de
Saint-Pierre en un seul et même personnage : le héros de cette légende.
Duvallon alla dès le lendemain se présenter au Pape sans lui dire bien entendu
le moyen qu'il avait employé pour satisfaire son exigence. Le Pape tint parole, il
donna sa bénédiction à Duvallon et annula le pacte signé avec le diable.
Duvallon, privé dorénavant de son satanique pouvoir, rentra à Bessans à pied.
Pendant de longues années encore, il vécut modestement, mais cependant très
heureux dans la petite cabane du hameau de La Chalpe, où il mourut à plus de qua-
tre-vingts ans sans laisser de descendance (41).
Duvallon accepte et pour essayer son nouveau pouvoir, étend son manteau sur
l'Arc tumultueux, qu'il traverse ainsi sans peine. De ce jour, il accomplit des prodi¬
ges : il abat un arbre d'un simple coup de canif ; pour ferrer un cheval il lui coupe
la jambe et la lui replace. Le régiment sarde dans lequel il est incorporé subit un
siège dans une forteresse : «d'un seul bond [il] franchit les fossés, les remparts et
tous les assaillants, afin de chercher du secours». Comme cet exploit ne peut être
attribué qu'au démon, «les chefs de Duvallon préférèrent le libérer tout de suite».
De retour à Bessans, il devient le plus habile sculpteur du pays. «Aidé par ses
souvenirs, il fabriquait d'étranges petites statuettes du diable, dont le sourire sar-
castique plaisait aux étrangers de passage, et qui bientôt se vendirent très loin du
pays».
Duvallon se marie et vit dans la prospérité. Mais un soir de Noël l'homme qui
lui avait proposé le pacte revient, et veut l'entraîner. La femme de Duvallon passe
«au doigt de Satan» son anneau de mariage. Provisoirement libéré, Duvallon utilise
le pouvoir qu'il détient encore pour quelques heures pour se faire transporter à
Rome.
Le pape lui impose d'assister à trois messes de minuit en même temps : Rome,
Milan et Bessans. Duvallon commande encore au démon : «Plus rapides que la
pensée une armée de petits diables réussit à lui faire entendre ainsi les trois messes
à la fois, si bien que Duvallon fut sauvé ! »
«Délivré de Satan, le Bessannais put continuer à sculpter ses statuettes ; il vé¬
cut très âgé, on dit qu'il est mort en 1680. Il n'y a pas longtemps encore on montrait
la maison qu'il habita près du col de la Madeleine».
L'HISTOIRE DE DUVALLON
(44) V.
(45) Communiquée
RATEL et G.enTUAILLON,
1971 à Charles
op. cit.
Joisten par Francis TRACQ, petit -fils de M. Joseph Parrour.
(46) Cambradin est un diminutif du mot camarade : «camaradin». Prononcé rapidement en trois
syllabes, cam' radin, ce mot a inséré un h, entre le m et le r (cf. les mots caméra et chambre). Employé
comme appellatif ordinaire à l'adresse d'un ami, le mot Cambradin peut devenir un surnom, un nom
propre. (G. TUAILLON).
— Si, j'ai celle-là, lui montrant l'anneau qu'elle portait au doigt, et d'un geste
instantané, elle allonge son poing fermé lui montrant l'anneau, mais la gueule du
monstre s'ouvrit, et l'anneau frôlant la dent resta presque accroché à celle-ci.
Alors, d'un bond, la bête se renversa et prise comme d'une frayeur, déguerpit en
hurlant et disparut pour ce soir-là.
Duvallon se croyait avec sa femme libéré de cet engagement, mais un mois
plus tard, le visiteur se présenta de nouveau avec insistance, la Annette qui ne quit¬
tait plus son mari, tenu toujours par la main portant l'anneau, voulut s'interposer,
et finalement a obtenu treize jours pour répondre à cet engagement.
Elle partit toujours suivie de son mari, alla exposer sa situation au directeur du
couvent des pères capucins à Novalaise, localité au pied du col du Mont Cenis dans
le versant italien. Le révérend père voulut savoir d'un bout à l'autre la génèse de
cette histoire, et lorsqu'il apprit que Duvallon avait signé le pacte de sa main et
avec son propre sang, répondit qu'il n'y avait rien à faire, et au-dessus de son pou¬
voir, mais que seul le Saint Père pouvait avoir le don de le libérer.
Les deux Duvallon se mirent en route pour Rome par de grandes difficultés. Le
Pape: les reçut. Après la narration de tout ce qui s'était passé et fait, il leur répon¬
dit
— Vous serez libéré de votre entrave, mais à une condition qui vous est pres¬
que impossible, ce serait de pouvoir entendre et assister à trois messes de minuit le
soir de Noël. A cette condition je vous signerais un message qui anéantirait votre
contrat.
Ils avaient encore sept jours devant eux à réfléchir avant Noël, et le délai de
treize jours allait s'écouler bientôt, le temps pressait car il finirait le 24 décembre à
minuit.
Duvallon tenta le tout pour le tout, et ne dit pas mot à sa Annette, avait réfléchi
pendant son retour de Rome d'user des pouvoirs de Cambradin et de lui demander
un dernier service. Le soir du 24 décembre étant arrivé, il appela Cambradin, qui
était encore à son pouvoir, à dix heures (k) et (lui demanda) de lui fournir le plus
grand coursier, et de le lui mettre à sa disposition, chose qui lui fut accordée. A
l'instant même un bruit formidable se fit entendre au dehors, et un grand cheval
gris se présenta sur le pas de la porte. Duvallon lui demanda quelle était sa vitesse.
Il lui répondit :
— Je vais aussi vite que le vent.
— Ce n'est pas toi que je désire.
A l'instant un autre se présenta devant Duvallon qui lui fit la même demande.
Celui-ci lui répondit qu'il filerait comme la vitesse de la lumière. Duvallon lui dit
encore qu'il ne serait pas accepté. A l'instant un troisième coursier tout fourbu et
maigre comme un clou (1) se présenta. Duvallon lui fit presque la grimace, en lui di¬
sant qu'il avait mauvaise allure.
— Quelle est ta vitesse quand même ?
— Je vais à la vitesse de la pensée.
— Ah bien, c'est toi qui vas me servir. Il faudra me transporter immédiate¬
ment à la porte de la cathédrale de St Pierre à Rome.
Le coursier lui dit :
— Je veux bien si tu peux tenir à ma croupe, mais comme Duvallon était bon
cavalier et avait conservé ses vieilles méthodes d'équitation, lui dit :
— File le plus vite possible.
Alors un bruit comme celui d'un formidable tonnerre fit répercuter l'écho
d'une montagne à l'autre, c'est-à-dire comme si les côtés de Chantelouve et celui
(47) Chantelouve : forêt, en face du hameau de La Chalp, sur l'autre rive de l'Arc. Le Châtelard :
montagne surplombant le hameau.
(48) Pour : Anne.
(49) Lieux-dits, sur la rive droite de l'Arc, entre La Chalp et le chef-lieu de Bessans.
LA LÉGENDE DE «DUVALLON»
3 — Version écrite vers 1930 par l'abbé Cyrille Bernard, curé de Bessans (50).
Cette version n 'accorde que quelques lignes aux épisodes du début : pacte
avec le diable, pouvoirs surnaturels attribués à Duvallon. Elle est presque tout en¬
tière consacrée aux événements qui suivent l'échéance du pacte : retour de Satan,
voyage à Rome, évocation des démons qui permettent à Duvallon d 'assister aux
trois messes. On peut noter les descriptions apocalyptiques des êtres infernaux
(n oublions pas que l 'auteur est un prêtre).
Une certaine légende nous vient aussi du village de la Chalp «la légende de
Duvallon» (du nom d'un particulier du village : Claude Marchand dit Duvallon) lé¬
gende dont les petits enfants aiment à se faire dire le récit aux longues veillées
d'hiver et que les grands mères ne commencent jamais qu'après s'être signées
d'un long signe de croix.
A cinq mètres plus bas que la Chapelle de St Maurice, se trouvait une petite
maisonnette aujourd'hui masure délabrée, où entre les fissures des murailles le
vent gémit toujours en lamentations douloureuses. Il y a de cela cent et quelques
ans, vivait entre ces murs un homme qui avait nom Duvallon.
Cet homme s'était vendu au démon. Il avait signé de son sang un pacte dans
lequel il s'engageait à lui appartenir au bout de cinquante ans s'il lui accordait du¬
rant ce temps tout pouvoir sur les puissances de l'enfer. On le vit, en effet, faire de
ces choses si prodigieuses que tous le fuyaient comme un diable incarné. Ne met¬
tait-il pas un jour, son manteau sur l'Arc et sans se mouiller les pieds, il allait du
Bourg à la Chalp ? Parfois même on put l'apercevoir galopant sur un coursier rapi¬
de comme l'éclair et fulgurant de la même manière...
Cependant le terme fatal approchait. Cinquante ans s'étaient écoulés... C'était
la veille de Noël. La sombre lueur du crépuscule jetait des reflets blafards sur les ci¬
mes neigeuses, et l'Angélus du soir semblait, cette vigile de fête, là-haut à la «Vil¬
le» être le tintement lugubre d'un glas funèbre. Un cavalier monté sur un cheval
plus rouge que le feu d'une forge, mettait, à ce moment même, pied à terre devant
la porte de Duvallon. Un hennissement épouvantable du coursier fit accourir celui-
ci.
L'orthographe
(50) F° 218deàl'original
220 du registre
est respectée,
paroissial
maisdéjà
la présentation
cité (cf. notedu9)texte
(communiqué
a été clarifiée.
par Francis TRACQ).
Le Souverain Pontife lui imposa pour pénitence d'entendre trois messes de mi¬
nuit dans trois églises différentes, à Londres, à Paris et à Rome, et pour cela, lui
donna l'autorisation de se servir de son pouvoir sur les puissances infernales. Lors¬
que Duvallon sortit du Vatican, les cloches de la basilique de St Pierre convoquaient
les fidèles au mystère de la naissance du Fils de Dieu. Ayant jeté des regards au¬
tour de lui, il ne revit point son compagnon de voyage : cavalier et cheval avaient
disparu. Mais ses pouvoirs lui restaient. Il poussa un hou lugubre et aussitôt un Dé¬
mon se trouva devant lui. C'était un affreux volatile dont les ailes déployées cou¬
vraient toute la place St Pierre.
— Quelle est la rapidité de ton vol ? lui demanda Duvallon.
— En une heure, j 'ai parcouru cent kilomètres.
— Ce n'est pas ce qu'il me faut. Retourne dans ta cage éternelle.
Et l'oiseau maudit s'éloigna à tire-d'aile.
Duvallon battit l'air du revers de sa main gauche, et par le sillon qu'il traça, il
découvrit la figure d'un autre démon comme s'il n'avait fait qu'écarter le voile qui
le cachait déjà à cet endroit. Cet esprit de mal avait un visage de femme, et sem¬
blait une furie tant ses yeux étaient hagards et son regard terrible. Ses cheveux
s'agitaient en désordre autour de sa tête et chassaient des nuages devant elle ; ses
pieds crochus creusaient la terre, et la poussière qu'ils soulevaient, ses mains la
lançaient en tourbillons. Entre ses dents qui grinçaient en entrechoquements sinis¬
tres, tantôt passait un sifflement aigu, tantôt un sourd grondement qui ressemblait
à l'écroulement d'une montagne.
— Qui es -tu ? interrogea Duvallon.
— Je suis le Démon de la Tempête !
— Ta marche est-elle rapide ?
— En quelques minutes j 'ai traversé un royaume !
— Ce n'est pas toi qui peut me servir.
Ayant donné un coup de son talon sur une marche de la basilique, une étincelle
jaillit qui alluma un immense brasier devant lui. Au milieu du feu une figure grima¬
çante le fixait ; ses yeux étaient deux charbons ardents : de sa bouche et de ses na¬
rines sortaient des flammes.
— Quel est ton nom ? dit Duvallon.
— On me nomme le Démon de la Foudre glapit une voix semblable à un crépi¬
tement sec de bois vert qui brûle. C'est moi qui promène le feu du ciel par toute la
terre.
Et aussi vite que va la pensée, le démon le porta sur ses ailes à St Paul de Lon¬
dres, à N.D. de Paris et à St Pierre de Rome. C'est ainsi que Duvallon put accomplir
sa pénitence et entendre trois messes de minuit à la fois dans trois églises différen¬
tes et fort distantes l'une de l'autre.
Quand furent enfin entendues les trois messes prescrites, il reprit son char ailé
de la pensée et se fit reconduire à La Chalp. Il faisait grand nuit encore dans le val
de Bessans et là-haut «tôt à travers de l'Ouilla Allegra» les anges chantaient tou¬
jours «lou bia motet» (51) à l'Enfant-Dieu. Duvallon se mit en prières remerciant
Dieu et promettant pénitence.
Soudain, un grand coup fut frappé à sa porte, et toute la maison en fut ébran¬
lée. Il alla ouvrir, et il reconnut le cavalier de la veille monté sur le même cheval de
feu. L'aube bleuissait les sommets neigeux. A la sommation qu'il reçut de le sui¬
vre, Duvallon jeta sur le démon un plein verre d'eau bénite dont il s'était muni et le
diable s'enfuit, mêlant ses hurlements affreux aux hennissements épouvantables
de son coursier. Une énorme avalanche qu'il souleva à son passage vint se briser
contre les maisons de La Chalp. Et lorsque le jour vint, les montagnes se redisaient
encore en écho les rugissements diaboliques.
Duvallon fit pénitence, et pleura jusqu'à sa mort la faute dont il avait reçu du
Pape le pardon. Et l'on dit que c'est son âme qui vient gémir encore aux jours som¬
bres où souffle la tempête, à travers les fissures des murailles de sa maison détrui¬
te.
3 130(51)
m d'altitude
Trad. : Dusituée
côté sur
de l'Ouille
la commune
Allegra...
de Bessans,
les beaux
à l'opposé
cantiques.
du col
L'Ouille
de la Madeleine.
Allegra est une aiguille de
ENQUÊTE C. JOISTEN
4.1 ans,
86 — «Duvallon
Bessans, IV.
avait
64).
conclu un pacte de quinze ans avec le diable» (M. Alexis P.,
4.3 — Nous reproduisons ici l 'information donnée oralement par Emile Tracq à C.
Joisten en 1964 (cf. note 33). On constate par ce fragment que Duvallon participe
des métamorphoses qui sont habituellement attribuées aux sorciers — ici lycan-
thropie — se rendant aux assemblées nocturnes :
«A la nuit tombante on voyait sortir de la maison de Devallon deux gros chiens
ou deux loups qui, sautant chacun sur un cheval, disparaissaient pour ne rentrer
qu'à l'aube. C'étaient Devallon et son compagnon le diable changés en animaux».
Samoëns
(Haute-Savoie)
en Faucigny
pouvoirs
retenu,
roisse
en
nous
portants
les
commencerons
le
ten
Pierre
ra
Samoëns
1985
assez
dépeignent
en
1717
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1.1 — «Le doyen Dusougey [sic], c'était un prêtre qui faisait des choses... un peu
comme du sorcier. C'était un parent aux Dusaugey de Samoëns qui restent [habi¬
tent]
1977).vers La Cour, aux Billets plus exactement» ( Sixt, La Chapelle, enq. C. Abry,
1 .3 — «Le doyen Dusaugey, depuis Samoëns jusqu'en Porte, il était sur lui [sur ses
terres]» (...Cf. n° 2.3).
Un avait voulu lire ses livres. Il s'était trouvé entouré d'oiseaux noirs, dé
çhdiwe [des corneilles] — vous savez ce que c'est ? — la pièce où il était était pleine
de çhdiwe... il avait pris peur.
C'était un peu de ces choses... de la physique, vous voyez ?» (Samoëns, Le Pe¬
tit Saix. Vercland. enq. Abry, 1985).
1 .4 — «Le Doyen Dusongey [sic], depuis les Billets jusqu'aux Saix (3), il était pro¬
priétaire. Ça dépondait pas [ça se tenait tout]» (Suite au n° 2.2. Samoëns, inf. n° 1,
enq. Abry, 1985).
1.5 — «Le Doyen, depuis le Trapechet (4) jusqu'aux Billets, il était sur lui» (Sa¬
moëns, inf. n° 3, enq. Abry, 1985).
1 .6 — «Le Doyen, il était sur lui des Billets jusqu'en Porte» (Suite au n° 2.9. Sa¬
moëns, inf n° 2, enq. Abry, 1985).
1.7 — «Le Doyen, c'était un gros propriétaire. Il avait une propriété en Porte à la
Doy'm-na» (...Cf. n° 2.1).
Question : «Le Doyen, c'était pas un prêtre ?
— Non, le doyen des curés, c'est bien un grade parmi les curés, mais lui c'é¬
tait pas un prêtre. D'ailleurs, si ç'avait été un prêtre, il aurait pas été faire du foin
en Porte» (Sixt, Les Curtets, enq. Abry 1977) ( 5).
Ainsi, pour cet informateur, il ne semble pas vraisemblable qu'un prêtre dirige
en personne des travaux agricoles.
ski. (3) Les Billets : lieu-dit à Samoëns ; Les Saix : Alpage, com. de Samoëns, actuellement champ de
(4) Lieu-dit près de la «montagne» (alpage, montagnette) de Porte.
(5) En 1964, ce même informateur avait simplement signalé à C. Joisten l'existence de la propriété
du Doyen à la «montagne» de Porte.
2.1 — (Suite du n° 1. 7) «Il avait des ouvriers (8), ils cassaient la croûte. Ils avaient
beaucoup de foin dehors. Il s'est mis à faire des gouttes.
— Resta pi trankil — il leur a dit — ifara pro ! (9).
Ils ont continué de manger. Puis il y en a un qui est sorti, pour pisser (je ne sais
pas). Il a vu que le foin était tout rentré par les pou du toit (10)» (Sixt, Les Curtets,
enq. Abry, 1977).
2.2 — {Suite du n° 1.6) «Une fois, il avait des ouvriers pour faire le foin... C'était
une grosse propriété, il avait bien quinze ouvriers. Ils mangeaient à midi. Le mau¬
vais temps est arrivé... (Autrefois, ils étaient soigneux du foin). Alors ils ont voulu
arrêter de manger :
— On sopra apré (11).
Il a dit :
— Vous faites pas de souci !
Et tout le foin est rentré par les fentes dans le soli [grange]» {Samoëns, inf.
n° 1, enq. Abry, 1985).
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2.5 — «Le Doyen, quand ça faisait mauvais temps, son foin rentrait tout seul par les
fentes de la grange (12)» (Sixt, LeFay, inf. n° 2, enq. Abry-Joisten, 1976).
2.6 — «Sur le Doyen, ils racontaient que son foin rentrait tout seul... L'fan s'an-
guemâve pé lé pou du tai (zo la talapouna) (13). Ils avaient du terrain à la Doy'm-na
en Porte, ça se passait là» (Sixt, LeFay, inf. n° 1, enq. Abry-Joisten, 1976).
2.7 — (Suite du n° 1.2) «On disait qu'il faisait rentrer son foin par les interstices de
sa grange» (Samoëns, Sous-le-Crêt, enq. Joisten, 1964).
2.8 — Attestation à Samoëns, Vallon, avec le commentaire : «Ça serait bien prati¬
que, maintenant, vous pensez ! (14)» (enq. Abry, 1977).
2.10 — «Un homme de Samoëns, des Billets, qu'on appelait le Doyen travaillait
avec le diable. Quand il s'amenait la pluie, il disait à ses ouvriers :
sez ! — Mangez seulement, ne craignez pas la pluie pour le foin, il se rentrera as¬
Le foin rentrait tout seul par tous les trous de la grange» (...Suite au n° 8, Sixt,
Salvagny, enq. Joisten, 1964).
2.11 — «La légende rapporte qu'un jour, le Doyen était occupé à récolter le foin de
son dit pré avec ses ouvriers. Comme le temps était à l'orage, ceux-ci craignant la
pluie, voulaient rentrer tout le foin fauché avant d'aller manger. Le Doyen leur ré¬
pondit qu'ils devaient aller déjeuner puisque le repas était servi ; que lui seul se
chargerait de rentrer le foin. En effet ils virent à leur grande surprise les tiges de
foin rentrer dans la grange les unes à la suite des autres par les joints de cloisons.
Le Doyen avait dompté le démon» (...Suite au n° 9, Manuscrit Maniguet, cf. note
44).
2.12 — Cf. plus loin le doc. n° 10, dans lequel Le foin rentré magiquement n'est
qu'un motif parmi d'autres : nous donnerons ce document sans en dissocier les élé¬
ments.
(13)
(14)
(15)
(12) Cf.
Bâtiment
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(C. ABRY).
John Baud fait une simple allusion à ce fait (doc. n° 10) ; Hippolyte Tavernier,
dans son Histoire de Samoëns (17) l'évoque aussi en relatant le «récit d'un bon et
intelligent vieillard» :
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août 1689,
tentatives,
leurs
en juillet 1688 et en septembre 1689, se soldèrent par des échecs). Ils passèrent par Viuz-en-Sallaz, Ma-
rignier, Cluses, Combloux, le col du Bonhomme, Bourg-Saint-Maurice, l'Iseran, le Mont-Cenis, effec¬
tuant ce raid en sept jours, sous la pluie et la neige. A noter qu'aucune des trois expéditions n'a en réali¬
té approché Samoëns, ni tenté d'utiliser le col de Couz. (Cf. A. GAVARD,«Les Vaudois, Luzernois, Bar¬
bets en Savoie (1685-1690)», Mémoires et documents publiés par l'Académie salésienne, t. 46, 1928, pp.
41-82. Communiqué par R. DEVOS).
(17) Pp. 149-150 (cf. note 29).
Ils allaient descendre au bourg, mais le doyen Dusaugey se portant à leur ren¬
contre, les conjura et les fit rétrograder" [...]».
H. Tavernier précise en note : «Recueilli aux Allamands, 10 novembre 1891,
de la bouche de Claude-Jh Simond».
4 — «Vers 1718, le pays fut envahi par les hannetons ; on eut recours au doyen de
Samoëns pour en "faire l'excommunication" (19)».
5 — «Il disait la messe à Sallanches, et après chantait les vêpres à Samoëns (il y
avait pas les voitures dans le temps...)» (Sixt, Le Fay, inf. n° 2, enq. Abry-Joisten,
1976).
6 — «Ceux de Samoëns, ils le voulaient plus... Je sais pas pourquoi, peut-être par¬
ce qu'il faisait déjà toutes ces choses (22). Alors il était allé se faire signer un papier
par le pape à Rome... il leur avait dit :
— Je pars au gloria du jeudi saint (ils chantaient le gloria le jeudi saint). Je se¬
rai de retour au gloria du samedi.
D était revenu le samedi avec son papier signé du pape» (Sixt, La Chapelle,
enq. Abry, 1977).
diable.
(18) Cf. cycle de Moundou (récits n° 6 et 7). A noter que Moundou tient ce pouvoir explicitement du
(19) Abbé J. RENAUD, Histoire du Mont-Saxonnex des origines à 1815, Annecy, 1927, p. 96.
(20) Voir en particulier le procès contre les emblevins (charançons), en 1587 à Saint-Jean-de-Mau-
rienne, relaté par Léon MÉNABRÉA dans son étude «De l'origine, de la forme et de l'esprit des juge¬
ments rendus au Moyen-Age contre les animaux, avec des documents inédits», Mémoires de la Société
royale académique de Savoie, t. XII, Chambéry, 1846, pp. 399-544. J. et R. NICOLAS, dans La vie quoti¬
dienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècles (Paris, Hachette, 1979, pp. 289-290) énumèrent les diffé¬
rents procès rendus en Savoie contre les animaux nuisibles.
(21) Cf. Saoussa (n° 58. 1 et 2), Duvallon (ensemble des récits), le Pape des Aix («° 5 et 6.1 à 4). Sur
les rapports
deux derniers.
entre les magiciens et le pape et le transport magique à Rome, cf. plus particulièrement ces
(22) Ce récit fait suite à l'histoire du foin rentré magiquement (ra° 2.4).
Les deux derniers récits expriment une réelle animosité à l'égard du Doyen.
On pourra l'expliquer par les rapports tumultueux, jalonnés de chicanes et de pro¬
cès, qu'il entretint avec ses compatriotes, afin de se constituer la richesse qu'on lui
connaît (cf. infra).
LE DOYEN ET LE DIABLE
Le «papier signé du pape» que le Doyen est allé cherché à Rome (doc. n° 6)
n'est pas sans rappeler le «certificat de présence» que Duvallon s'est fait délivrer
par les célébrants des offices auxquels il a dû simultanément assister le soir de Noël
à minuit pour faire annuler son pacte avec le diable (cf. Version 1).
Mais des deux documents qui suivent, il ressort plus clairement qu'il entrete¬
nait des rapports avec le démon : il «travaillait avec le diable» (n° 2.10). En échan¬
ge de son foin rentré magiquement, il devait faire annuellement un don au diable
(doc. n° 8 et 9). Le manuscrit, déjà cité, de Maniguet (n° 2.11) fait en outre état de
son pouvoir sur le diable («le Doyen avait dompté le démon et il l'avait obligé à tra¬
vailler»), mais le pouvoir devait s'exercer parfois au prix d'une dispute avec le dia¬
ble (n° 9) (25).
8. — (Suite du n° 2.10) «On disait que toutes les années il donnait la plus belle de
ses génisses au diable. Il savait le soir où le diable viendrait la chercher : il disait à
ses domestiques :
— Vous attacherez la vache à une boucle seulement (26), ce soir elle part.
Le lendemain matin, elle était partie.
C'est à la montagne de Porte que le foin rentrait ainsi dans la grange» (Sixt,
Salvagny, enq. Joisten, 1964).
9. — (Suite du n° 2.11) «Le Doyen avait dompté le démon et il l'avait obligé à tra¬
vailler. On prétend même que chaque année au moment de la descente du troupeau
depuis l'alpage, le Doyen lui laissait dans l'étable dudit chalet la plus belle de ses
génisses afin de lui payer les services rendus. Mais qu'un jour, le démon s'étant
montré trop exigeant, il dut le conjurer et l'obliger à se retirer après une violente
discussion » (Manuscrit Maniguet).
Nous réservons pour la fin l'évocation haute en couleur que fait John Baud de
ce personnage hors du commun que dut être le Doyen. L'abondance de ses pou¬
voirs y apparaît, mais aussi, notons-le, l'ambiguïté de son rôle de prêtre.
che».(26)
(24)
(25)
(23) Commentaire
Formulée
Cf.
Cf.,Saoussa
à l'inverse,
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1 à3). à deux boucles la chaîne de la va¬
ÉLÉMENTS DE BIOGRAPHIE
DE PIERRE DUSAUGEY
économie,
(coll.
gie, t.(30)
(27)
(28)
(29)
Trésors
XXXI,
Cf.traditions,
Claude
Hippolyte
John Infra.
1982
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la
CASTOR
; Savoie)
TAVERNIER,
nouvelle
patois,
Révérend
et; cf.
éd.,
Jean-François
vie
pp.Messire
Taninges,
quotidienne,
Histoire
121-122.
Pierre
TANGHE,
de
impr.
Samoëns,
évolution
DuLison,
Saugey,
Samoëns.
1976.
Société
des1636-1717,
idées,
C'est
Histoire,
Savoisienne
àSamoëns
cette
Protonotaire-Apostolique,
milieu
édition
d'Histoire
(chez
naturel,
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Auteurs),
etartd'Archéolo¬
renvoyons.
populaire,
Cha¬
1982
pelain de Port-Royal des Champs, Docteur en Sorbonne, Prieur de Saint-Martin d'Aimé, Doyen du cha¬
pitre de la Collégiale de Samoëns, Auditeur-Général du Prince-Abbé dom Antoine de Savoie. Copie de
documents concernant ce prélat. Ms., s. d. [1947], env. 230 p.
Ce manuscrit, un gros cahier, dont Roger DEVOS avait signalé l'existence à Charles Joisten, était
entre les mains d'un descendant de la famille Dusaugey, qui avait bien voulu nous le confier vers 1965.
Nous en avions alors extrait les renseignements qui nous paraissaient utiles pour la compréhension de la
personnalité du Doyen. Avantde mettre un point final à ces figures de magiciens, j'aurais voulu le con¬
sulter à nouveau. Mais son dernier détenteur étant décédé, il m'a été impossible de retrouver la trace de
ce manuscrit.
(31) La matière principale de cette biographie étant tirée du travail de John Baud, seules y seront
précisées les autres sources.
En 1650 (il a 14 ans), Pierre prend donc le chemin du collège des Jésuites de
Chambéry pour y commencer ses études ecclésiastiques. C'est à Rome qu'il les
poursuit en 1659, où l'a dirigé l'évêque de Genève, Charles Auguste de Sales (ne¬
veu de saint François). A 23 ans donc le jeune Savoyard prend contact avec les mi¬
lieux ecclésiastiques romains. Il les fréquentera pendant quatre ans, et ils exerce¬
ront sur lui une influence profonde : d'une part en l'attachant indéfectiblement à
l'Eglise romaine — ce qui, quelques années plus tard, à Paris, lui vaudra de jouer
un rôle important dans la lutte menée contre l'hérésie janséniste qui y bat son
plein ; d'autre part en l'initiant, dans le cadre somptueux de Rome, à la beauté et
au luxe (33). Pierre Dusaugey se laisse ainsi gagner peu à peu par l'aspect mondain
du clergé de Rome, par son esprit d'ambition et son faste. Peut-être est-ce l'assu¬
rance qu'il gagne à ce contact qui frappera — voire scandalisera — ses compatrio¬
tes de Samoëns lorsqu'il reviendra parmi eux définitivement, pour 45 longues an¬
nées, comme doyen du chapitre de la collégiale.
C'est à Rome qu'il devient clerc, et protonotaire apostolique en 1661. En 1663
il se rend à Paris, où il passera huit ans. Il y reçoit les ordres, et devient le protégé
de l'archevêque de Paris, Mgr Hardouin de Péréfixe. Tandis qu'il poursuit en Sor-
bonne des études de théologie, philosophie et droit canon (il est reçu docteur en
1670), on le désigne en 1665 comme chapelain de Port-Royal des Champs auprès
des religieuses qui ont embrassé l'hérésie janséniste, afin de les ramener à l'ortho¬
doxie. Une lettre à son frère, du 14 mars 1666, fait état des difficultés de la mis¬
sion :
Mais en même temps il fraye avec la haute société parisienne, se fait accorder
une lettre de naturalisation française (signée de la main de Louis XIV), se trouve de
hauts protecteurs tels que le prince Dom Antoine de Savoie. Surtout il fréquente
Le succès
que,
(pp. (32)
(34)
(33) TAVERNIER,
dans
153-154).
C'est
une'affaire
n'estlepeut-être
moment
difficile,
op.où
pas
cit.,
leavait
cepape
p.qu'il
137,
153.
suAlexandre
faut
mériter
cité
L'auteur
par
le plus
John
du
VIIajoute
premier
fait
considérer,
Baud.
exécuter
: «Le
prélat
missionnaire
mais
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France
bien plutôt
travaux
réussit-il
un jeune
la dans
singulière
?prêtre
Nous
la ville.
del'ignorons.
confiance
Savoie».
Eugène
(35) (Vict.
(36) Pp. 185-186
Une note
Attinger,
marginale
de 1934,
son manuscrit.
p.
de47-48)».
John Baud porte ici : «Extr. de l'ouvr. de Paul Frischauer, Le Prince
Ci-contre : La maison du Doyen dans le bourg de Samoëns (actuellement crêperie). Cette maison est ap¬
pelée dans le pays «maison de la colonne». Photo Dominique ABRY.
En 1671, âgé de 35 ans, Pierre Dusaugey revient dans sa ville natale, comme
doyen de la collégiale. Il occupera ce poste de premier plan presque jusqu'à sa
mort, tout en devenant prieur de Saint-Martin d'Aimé en 1672, auditeur général,
agent et procureur du prince Dom Antoine de Savoie, gouverneur de Nice.
Ainsi Pierre Dusaugey eut-il souvent à voyager tant en-deçà qu'au-delà des
monts pour accomplir ses tâches.
nier la
Ladécrit
chargeencore
de doyen
: elle-même demandait une forte autorité. Hippolyte Taver¬
Nous voyons en effet le Doyen sans cesse au tribunal, plaidant contre l'abbaye
de Mélan, contre les chartreux du Reposoir... et surtout, de longues années durant,
contre l'abbaye de Sixt (39). Il plaide encore, entre autres, contre les syndics de Sa¬
moëns, obtenant que la communauté cède au chapitre «des terres, bois et glières,
dix poses ou journaux, au mas des Billiets, en 1680» (40).
(37) Ibid.
(38) Op. cit., p. 157.
(39) Les démêlés entre la puissante abbaye de Sixt et la paroisse de Samoëns avaient commencé dès
le XVe siècle. Au temps de Pierre Dusaugey, l'abbaye percevait les deux tiers du revenu du bénéfice de
la paroisse de Samoëns, bien qu'elle ne fît plus aucun service à l'église ni dans la paroisse. Le différend
ne cessera qu'à la fin du XVIIIe siècle... De la masse de textes produits par ces procès on peut détacher
un document qui décrit avec précision la paroisse de Samoëns à la fin du XVIIe siècle, «la plus étendue et
la plus peuplée de tout l'Etat de Savoie», comptant 4 800 habitants répartis en neuf quartiers formés
chacun de plusieurs villages (cf. TAVERNIER, op. cit., pp. 159-161).
(40) TAVERNIER, op. cit., p. 158. Cette liste de procès que nous mentionnons est très écourtée.
Dès 1680, le Doyen achète la terre des Billets qui vient d'être cédée au chapitre
et, en 1682, y construit sa maison, un peu à l'écart de Samoëns. Il vit alors large¬
ment, en grand seigneur libre de ses faits et gestes. Lorsqu'il paraît en public, il ne
craint pas de se faire remarquer, portant — ainsi que le décrit un texte de l'époque
— «la croix d'or sur sa robbe pendante sur son estomac, et aussy le manteau bleu
sur les épaules, par les foires et par les marchés, et le rochet ou surpelit à manches
serres quand il est aux offices». Cette croix d'or est peut-être celle qui brille sur sa
poitrine lorsqu'il se dresse face à l'orage pour lui imposer sa loi (récit n° 10).
Autour de la forte personnalité du Doyen qui heurte par sa violence et scanda¬
lise par sa liberté, se forme peu à peu une opposition qui éclate au grand jour en
1685 avec une «enquête sur la conduite de Pierre Dusaugey, doyen de la collégiale
de Samoëns». Les dépositions des chanoines et de divers témoins s'accumulent et
se recoupent. Le Doyen est accusé de se faire remarquer par l'extravagance de sa
tenue, telle qu'elle est décrite plus haut ; de mener, dans sa maison des Billets, li¬
bre vie avec ses servantes qui, affirme-t-on, en sortent parfois «grosses d'enfant» ;
d'avoir été capable de s'emporter contre tel adversaire jusqu'à le frapper de «di¬
vers coups de baston et de le laisser comme mort sur la place» ; de détenir «des ar¬
mes à feu au lieu où il habite, et quand il vat en campagne, il en porte aussy à l'ars-
son de sa selle»... On trouve diverses irrégularités dans l'exercice de son ministère.
Par contre, deux ans plus tard, les mêmes chanoines signent un certificat élogieux
pour leur doyen (45).
(42))Jbid„
(41 Alpage,
p. sur
162.la commune de Samoëns.
(43) En réalité le torrent de Valentine n'est pas situé à cet endroit, mais entre Samoëns et Verchaix.
(44) Adolphe MANIGUET, Histoire de la commune de Morillon, ms,, 9e cahier, 1925, Archives de
l'Académie Florimontane, Annecy. La suite de ce texte évoque les légendes qui courent sur le Doyen
(doc. n° 9). Quant aux documents rassemblés par M. Riondel, ils ne sont pas accessibles actuellement.
(45) Jean NICOLAS, dans La Savoie au 18e siècle (t. 1, Paris, Maloine, 1978, p. 534) analyse ainsi
ces dissensions villageoises : «Les ascensions trop rapides, qui modifiaient brutalement l'image que la
société se faisait de chacun d'après sa situation antérieure et ses antécédents familiaux, déclenchaient
une sorte de scandale et provoquaient l'animosité du milieu à l'égard du parvenu dont l'enrichissement
apparaissait suspect». Evoquant le cas du doyen Dusaugey à Samoëns, il note : «Revanche fantasmati¬
que du populaire : sur le "mauvais riche" la rumeur faisait planer des ombres diaboliques, sorcellerie et
sortilèges».
SOURCES ORALES
Enquêtes C. Joisten
Samoëns, Sous-le-Crêt : M. Léon D., 89 ans, cuit., VIII. 64 (n° 1.2 ; 2. 7).
Sixt, Salvagny : Homme anonyme, VIII. 64 (n° 2. 10 ; 8).
Les Curtets : M. Louis B., 66 ans, VIII. 64. Revu en 1977 avec C. Abry (n° 1. 7 ; 2.1).
Enquêtes C. Abry (1976-77), C. et D. Abry (1985)
Samoëns, chef-lieu : Inf. n° 1 : M. Gabriel L., 72 ans, originaire des Allamands, II. 85
(n° 1.6 ; 2.2). Inf. n° 2 : M. André P., 55 ans env., II. 85 (n°1.5 ; 2.9). Inf. n° 3 : M.
Eugène M., 60 ans env., II. 85 (n° 1.4).
Vallon : M. Emile G., 60 ans env., I. 77 (n° 2.8).
Le Petit Saix, Vercland : Mme Hortense D., 76ans, II. 85 (n° 1.3 ; 2.3).
Sixt. LeFay : Inf. n° 1 : M. Baptiste J., 63 ans, cuit., II. 76 (n° 2.6). Inf. n° 2 : M. Ale¬
xandre D., 55 ans, cuit. -menuisier, II. 76 (n° 2.5 ; 5). C. Joisten participait à ces en¬
tretiens.
La Chapelle : M. Ernest R., 54 ans, cuit. 1.77 (n° 1.1 ; 2.4. ; 6 ; 7). Ces trois témoins
tiennent leurs informations de M. Claude-Joseph D., né en 1877, qui possédait une
«grange» en Porte, au lieu-dit la Doy'm-na, où se passe l'histoire du foin rentré magi¬
quement. C.-J. D. est le beau-père d'Alexandre D. (second mari de sa mère).
Les Curtets : M. Louis B., 79 ans, I. 77 {n° 1.7 ; 2.1). M. Louis B. est l'oncle de M.
Baptiste J., voir ci-dessus.
SO URCES MANUSCRITES
BAUD (John), Révérend Messire Pierre Du Saugey, 1636-1717, Protonotaire-Apostoli¬
que, Chapelain de Port-Royal des Champs, Docteur en Sorbonne, Prieur de Saint-
Martin d Aime, Doyen du chapitre de la Collégiale de Samoëns, Auditeur-Général
du Prince-Abbé dom Antoine de Savoie. Copie de documents concernant ce prélat.
S. d. [1947], env. 230p. (n° 10).
MANIGUET (Adolphe), Histoire de la commune de Morillon, 9e cahier, 1925, Archives de
l'Académie Florimontane, Annecy (n° 2.11 ; 9).
SO URCES IMPRIMÉES
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(2) Sur le recrutement de cette armée, cf. Paul GUICHONNET, «Les mémoires d'un soldat du pa¬
pe», Rassegna Storica del Risorgimento, Anno XLI, fasc. 1, Gennaio-Marzo 1954, Istituto poligrafico
dello Stato, tiré à part, 15 p. ; il s'agit d'un témoignage rédigé en 1862 par l'ex-fourrier pontifical Jules
Bosonnet, originaire de Taninges, en Haute-Savoie :
«Pendant les douze années qui précédèrent celle de 1860 et une partie de cette dernière, de nom¬
breux émissaires envoyés par le cardinal Antonelli, ministre des Armes et président du Conseil des mi¬
nistres de la Cour de Rome, étaient répandus dans diverses contrées de la France, de la Savoie, de la
Suisse et d'autres états, ayant pour mission de recruter des volontaires pour le service du Saint-Siège.
Afin de s'acquitter dignement de cette mission, pour laquelle il leur était alloué une prime de 10 à
35 francs par homme suivant les ressources que leur présentaient les localités auxquelles ils étaient af-
Quoi qu'il en soit, le fait d'avoir approché le pape auréole cet homme de presti¬
ge, prestige qu'il cultive peut-être. On dit qu'il a rapporté du Vatican des livres de
sciences occultes ( récit n° 1) (5). C'est donc à son plus haut niveau que la religion
se trouve ici associée à la magie. L'ensemble des documents montre que le Pape
des Aix entretient de curieux rapports avec le pape, qu'il va voir en se transportant
magiquement à Rome (récits n° 4, 5.1 et 5.2), avec qui il converse (n° 5.2) ; mais il
est aussi en relation avec le diable à qui il s'est lié par un pacte (n° 5.3, 7.3) ainsi
qu'avec ses suppôts (n° 3, 5.1). On retient surtout, de lui, son pouvoir de se dépla¬
cer magiquement (n° 4, 5.1 à 4), et son don de prophétie (n° 6.1 à 4).
Le terme, surprenant, de cette existence est une mort volontaire par le feu, en¬
visagée non comme suicide mais comme acte purificateur. «Celui qui brûle dans ce
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Le cycle du Pape des Aix apparaît, au total, assez pauvre en éléments qui pour¬
raient donner à la personnalité du magicien une certaine consistance. De ce fait,
l'homme reste énigmatique, presque abstrait, distant parmi ses compatriotes —
alors qu'une familiarité bonhomme règne souvent dans les autres cycles. Cela
tient-il à sa personnalité réelle, ou à l'effacement des souvenirs qu'on a de lui, dans
lesquels se seraient estompés davantage qu'ailleurs les détails susceptibles de don¬
ner plus de vie aux récits ? Là-dessus, il est bien impossible maintenant de se pro¬
noncer.
1 — «Le Pape des Aix était un Morel. Il devait son surnom au fait qu'il avait servi
dans l'armée du pape : il avait été soldat du pape. Il avait été choisi parmi les re¬
crues
de l'Etat
de Savoie
Sarde. qui allaient faire sept ans de service militaire (7) en Italie, au temps
Il avait ramené des livres de sciences occultes du Vatican, quand il avait fini
son temps, au bout de sept ans» {...Suite au n° 6.1. Vailly, chef-lieu).
Mais selon le document suivant, son retour au pays est lié à un épisode légen¬
daire, ou semi-légendaire de la petite histoire napoléonienne :
LE PAPE
ET DES
SES AIX,
SUPPÔTS
LE DIABLE
On sait déjà que le Pape des Aix a ramené de Rome des livres de magie ; dans
certains récits, ses rapports avec le démon sont clairement évoqués : «Il avait pac¬
tisé avec le diable [...]» (cf. n° 5.3). «Il avait conclu un pacte avec le diable en si¬
gnant un document avec son sang [...]» (cf. n° 6.2). «On pensait qu'il avait fait un
pacte avec le diable [...]» (cf. n° 7.3).
D'autres affirment qu'il a partie liée avec les suppôts du diable :
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Cf.
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faut que tu sois brûlé» (M.-L. TENÈZE, Le conte populaire français, t. IV, vol. 1, Paris, Maisonneuve et
Larose,
(7) Selon
1985, p.
le numéro
232). tiré au sort lors de la conscription, la durée du service militaire pouvait effecti¬
vement atteindre sept ans.
On a vu plus haut (8) que, dans les récits légendaires alpestres, la franc-ma¬
çonnerie est une sorte d'assemblée de sorciers. En Chablais elle est aussi appelée
la sète (var. : chatte, chette) (9). Voici la description que donne de cette dernière
notre informateur n° 1 du hameau des Charges à Vailly :
«La sèta [était une] société secrète, magique, dont les membres se rendaient
invisibles. Cette société se montait [= se rendait] en Suisse, vers Vinzel, Mons,
Luins, Bursin (10). Ma mère [qui s'y trouvait aux effeuilles ] a entendu passer la sè¬
ta. Ils étaient en bande de quatre ou cinq, qui parlaient au-dessus d'elle. Ça se dé¬
plaçait comme un nuage dans l'air, on parlait dans toutes les langues mais on ne
pouvait comprendre ce qu'ils disaient, elle entendait crier comme des corbeaux».
Et, selon notre informateur de Lullin, «La sèta, c'était le départ [l'origine] de
la flanmaçonnerie [...]».
(8) De
(9) Cf. «secte».
cycle de Saoussa (récit n° 72 et note 80).
(10) Localités du canton de Vaud, en Suisse. Les femmes du Chablais s'y rendaient pour les effeuil¬
les. travail consistant à effeuiller la vigne.
La maîtrise de l'espace
4 — «Le Pape des Aix allait à Rome pendant que ses choux cuisaient» ( Vailly , Les
Charges , inf. n° 1).
5.1 — «Le Pape des Aix, qui était franc-maçon, voyageait à la vitesse de l'esprit
(12) ; pendant que son dîner cuisait, il allait à Rome. A quelqu'un qui voulait aller à
Rome, il dit :
— Mets ton pied sur le mien et on ira à Rome !
Il le fit, et pendant que le dîner cuisait, ils furent à Rome et de retour». ( Vailly ,
Les Charges, inf. n° 2).
5.2 — «Il mettait le pied sur une pierre, aux Aix, en y laissant son empreinte, et il
se trouvait à Rome où il allait trouver le pape.
Quand on le questionnait sur ce qu'il faisait chez le pape, il répondait :
— Quelquefois je lui parle, quelquefois je ne lui parle pas.
Il disait aux gens :
— Mettez voir votre pied sur le mien, et on ira à Rome ensemble !
Mais personne n'avait voulu accepter.
[...] «Il allait à Rome tandis que ses pommes de terre cuisaient» ( Vailly , Le La-
vouet, inf. n° 1).
5.3 — «Il avait pactisé avec le diable. Un de ses voisins, qui avait sa bonne amie qui
travaillait en Suisse, se trouvait bien ennuyé qu'elle reste si longtemps [absente].
Alors le Pape des Aix lui proposa :
— Si tu veux la voir, mets ton pied sur le mien ; et nous pourrons la voir dans
peu de temps.
Mais son compagnon n'osa pas partir avec lui». ( Vailly , Le Lavouet, inf. n° 2).
5.4 — «Il avait ramené des livres de sciences occultes du Vatican, quand il avait fini
son temps, au bout de sept ans. Grâce à ces livres, il pouvait se déplacer à la vitesse
de la pensée et, du sommet de la montagne [alpage] de la Buchille (13) — Morel s'y
trouvait avec un de ses amis qui désirait aller voir sa maîtresse qui était à la monta¬
gne de Très-le-Mont (14) — , Morel lui dit :
— Mets ton pied sur le mien et je t'emmène !
A l'instant, ils se sont trouvés près de la maîtresse» ( Vailly , chef-lieu).
6.1 — «Le Pape des Aix, il était un peu prophète. Il disait que le XXe siècle serait le
siècle rouge (en patois : le siècle rossalé, diminutif de rossé, roux)».
(11) Cf.
(12)
(13)
(14)
(15) 1 443cycle
Com. m
ded'alt.,
Lullin.
de Saoussa
Duvallon.
com. de
((récits
récits
Vailly.
n° 67
59.1età68).
13).
Trois autres informateurs font état de ces mêmes prédictions, parfois fragmen-
tairement, mais sans variation notable :
6.2 — «Le Pape des Aix était de Vailly. Il avait conclu un pacte avec le diable en si¬
gnant un document avec son sang. Grâce à ce pacte, il avait prédit un certain nom¬
bre de choses». (Suivent les mêmes prédictions, avec mention du siècle rossé, «siè¬
cle où tout changerait», l'époque actuelle) (Lullin, La Grange des Bois).
6.3 — «Le Pape des Aix avait prédit que le ruisseau du Jaland rejoindrait la Follaz
en traversant les Botières ; prédiction qui s'est presque réalisée.
[...] Il avait prédit que les hommes voleraient et que les voitures marcheraient
toutes seules» ( Vailly , La Côte).
6.4 — «Le Pape des Aix avait prédit la venue du siècle rossé, durant lequel les gens
voleraient, iraient dans l'eau et [où] les gens se mangeraient entre eux» ( Vailly , Le
Lavouet, inf. n° 2).
7.1 — «On dit qu'il mourut brûlé dans sa maison» ( Vailly , La Côte).
7.2 — «Puis un beau jour, le feu s'est mis dans sa maison, et on n'a jamais su la fin
qu'il avait fait. Sa maison avait brûlé sans causer de dégâts aux maisons voisines
(16).
[...] Le Pape des Aix avait dit, avant de mettre le feu à sa maison et de mourir
carbonisé (il s'était fait brûler lui-même) :
— Quand je serai brûlé dans ce monde, je ne brûlerai pas dans l'autre» ( Vailly ,
Le Lavouet, inf. n° 1).
Enquêtes C. Joisten
Vailly, chef-lieu : M.N.L., 55 ans, employé des Ponts et chaussées, VIII. 65 (n° 1 ; 5.4
6.1 ; 7.3).
La Côte : M.A.C., 67 ans, VIII. 65 (n° 6.3 ; 7.1).
Les Charges : Inf. n° 1, M.F.D., 61 ans, VIII. 65 (n° 3 ; 4). Inf. n° 2 : femme anony
me, VII. 65 (n° 5.3).
Le Lavouet : Inf. n° 1 : Mme Vve C.C., 80 ans, VIII. 65 (n° 5.1) ; 7.2). Inf. n° 2
Mme J. M.-V., 68 ans, cuit., VIII. 65 (n° 2 ; 5.2 ; 6.4).
Lullin, La Grange-des-Bois : M.F.D., 73 ans, V. 65 (n° 6.2).
Notes comparatives
des Saoussa.
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SAOUSSA
PORTRAIT ET COMPORTEMENT
Les serpents dans la chemise («° 2)
«On croit en Haute-Bretagne que si une femme parvenait à apprivoiser le vert-creux,
grand lézard qui ne peut souffrir les personnes de son sexe, elle verrait, quand elle le por¬
terait dans son corsage, ce qui se fait ou ce qui se dit à dix lieues à la ronde, elle aurait le
don d'ubiquité et pourrait guérir toutes les maladies» (1).
SAOUSSA GUÉRISSEUR
Les herbes de la Saint-Jean (n° 13 à 15)
La cueillette des herbes de la Saint-Jean dans les Hautes-Alpes est décrite par Van
Gennep (2), qui consacre à ce sujet une étude plus générale dans son Manuel (3).
Les serpents de moins de sept ans (n° 22)
Selon Van Gennep (4), «A Sigoyer, c'était une femme qui les attrapait [les vipères] ;
elle savait guérir leur morsure, mais à condition que les vipères n'eussent pas plus de
sept ans».
La bétoine (n° 1 et 27)
Sur le rôle de cette plante dans la médecine populaire, voir Rolland (5) qui dit, entre
autres : «Le moyen âge attribue 46 ou 47 propriétés à la bétoine. — Elle est sternutatoi-
re» ; et, citant Chabert pour la Savoie (6) : «La bétoine, Betonica ojficinalis, est encore en
vogue dans certaines campagnes pour une mauvaise plaisanterie regardée comme fort
spirituelle,
ments. Il enetrésulte
consistant
de violentes
à en faire
nausées
cuire suivies
la racinedefraîche
vomissements».
dans le potage ou avec les ali¬
(2) Folklore
(1) Paul SÉBILLOT,
Hantes-Alpes,
Le folklore
1. 1, pp.
de France,
245-247.t. III, Paris, 1906, p. 282.
(3) Manuel de folklore français contemporain, 1. 1, vol. IV, Paris, Picard, 1949, pp. 1963-2002.
(4) Folklore Hautes-Alpes, t. II, pp. 105-106.
(5) Eugène ROLLAND, Flore populaire..., t. VIII, Paris, 1910, rééd. Maisonneuve et Larose, 1967, pp. 206-208.
(6) Alfred CHABERT, De l'emploi populaire des plantes sauvages en Savoie, Chambéry , 1897, p. 40.
MA GIE ET SORCELLERIE
Pouvoir sur les personnes
Les techniques employées par Saoussa pour jeter et enlever les sorts (attouchement,
don d'un morceau de nourriture, hypnose à distance...) sont de type courant et se retou-
vent partout.
L offre de la prise de tabac (n° 36 et 74)
la Savoie
On retrouve
et du Valais.
ce motif dans un certain nombre de récits légendaires du Dauphiné, de
(7) J.Folklore
(8)
(9) P. JEGERLEHNER,
SÉBILLOT,
Isère, Contes
t. II, p.Sagen
populaires
515. ans dem
de Haute-Bretagne,
Unterwallis, Bâle,Paris,
1909, 1880,
p. 73-74.
pp. 28S-289.
Les clous bouillis dans du vinaigre, qui ont le don de «contrarier» Saoussa (n° 54),
sont une des formes d'un contre-sort connu dans toutes les Alpes françaises où nous en
avons noté de nombreuses variantes : épingles, clous rouillés, clous volés, clous neufs
qui, bouillis dans un «toupin» (pot en terre), piquent le sorcier.
Bull,sous
tion (10)
(11)
(12)
(13)
(14)
(15)
(16)
de laOp.
LefSoc.
A.
Histoire
forme
Folklore
folklore
CHABERT,
C.cit.,d'Etudes
JOISTEN,
dactylographiée
naturelle,
t.Isère,
m,
VII,
de France,
pp.
p.t.op.
desII,«Croyances
112.
46ecclésiastique
cit.,
p.Hantes-Alpes.
ett.453.
hors
p.III,77.commerce
51. pp.au 468-469.
diable
et civile
paret duàl'Association
laDiocèse
sorcellerie
d'Embrun
desdans
Haut-
la[parvallée
Alpins
le curé
dede Toulon
Freissinières»,
ALBERT],et duparue
Var,à paraître
en 17831. 1,dans
1959, réédi¬
p. 13.le
;
AUTRES POUVOIRS
Le transport magique : «Mets ton pied sur le mien» ( n° 59.1 à 13).
Voir aussi le Pape des Aix {n° 5.1 à 4)
Le thème le plus curieux de ce chapitre est, à notre sens, celui du Transport magique
par contact du pied, thème qui illustre l'idée plus générale du Contact avec un personna¬
ge sacré, qui permet de voir le monde surnaturel.
Deux versions haut-alpines de ce thème ne mentionnent pas le nom de Saoussa,
mais il est probable qu'elles se rattachent à son cycle.
D'après Van Gennep (19), à Sigoyer, «jadis il y avait, paraît-il, des sorciers ou em-
barnaïrès. [...] Un embarnaïré dit à une autre personne : mets ton pied sur le mien et tu
verras que nous serons vite à Saint-Bonnet ; et ils y furent instantanément».
«Un jour que ceux de Manteyer allaient à la vogue [fête patronale] de Sigoyer, ils ar¬
rivèrent à un torrent tellement grossi par les pluies qu'ils ne purent le traverser. En ce
temps-là il n'y avait pas encore de pont. Ils allaient s'en retourner quand l'un d'eux dit :
"Mettez votre pied sur le mien". Ce qu'ils firent, et à l'instant ils se trouvèrent transpor¬
tés sur l'autre rive. C'était le diable qui les avait aidés» (Doc. inédit, M.L., 74 ans, Man¬
teyer, VI. 51).
L'attestation la plus ancienne de ce thème se trouve, à notre connaissance, dans la
vie de saint Hugues de Bonnevaux, de l'ordre de Cîteaux, qui vivait au XIIe siècle en Dau-
phiné. Ce texte, publié par le R. P. M. Anselme Dimier, moine de Tamié (20), est repro¬
duit par G. de Manteyer dans Les dieux des Alpes de Ligurie (21) :
duit1882|.
cle enle(21
(17)Savoie
(18)
(19)
(20)texte
pp.
) Op.
J.-.I.-A.
Folklore
Saint
75-76.
deetcit.,Hugues
laenVita
PILOT
p.Isère,
Hautes-Alpes,
Dauphiné».
83.Beate
deVoir
t.DEII,Bonnevaux,
THOREY.
Hugonis
pp.Let.470-472
aussi Monde
C.II. JOISTEN.
tirée
p.par
Usages,
90.Alpin
enFolklore
un 1755
Moine
etfêtes
«Quelques
Rhodanien,
d'un
Hautes-Alpes,
etderecueil
coutumes
Tamié
attestations
n°de(Savoie),
1/1974,
existant
vies
t. II,dede
pp.Grenoble,
pp.
saints
ou
récits
92-93.
1ayant
19-130.
écrit
légendaires
existé
1941,
au XIII'
pp.
en antérieures
Dauphiné,
siècle.
306-307 ; l'auteur
Grenoble,
au XVIII*repro¬
t.siè¬I.
1
Nous citerons pour finir un conte breton de Sébillot (27), qui nous semble avoir une
certaine parenté avec le thème étudié : «Un fermier qui va réclamer un reçu à son sei-
intéresse
dem
sans
du conte-type
(22)
(23)
(24)
(25)
(26)
Oberwallis,
(27)
de folklore,
Peyrins
Charpey
Une
J.D'après
Contes
uneJEGERLEHNER,
note
756de1934,
p.A.C: en
:indiquant
com.
297.
Hante-Bretagne,
com.
de
Van
bas
n°laAces
duGENNEP,
duclassification
decanton
28, canton
page,
p.pour
op.
références
1.cit.,
delaàdeFolklore
lat.Suisse
Romans.
pp.
Bourg-de-Péage.
II,suite
internationale.
onParis,
58-60.
deIsère,
peut cette
nombreuses
Aajouter
1882,
t. traduction,
propos
II,pp.p. J.-B.
de302-303,
472.références,
cetteBERTRAND,
donne
légende,
résumé
le intexte
JEGERLEHNER,
H.«Les
dans
latin.
BÀCHTOLD
Folklore
diablatsdeduconsacre
France,
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1.au 1,motif
Cahiers
Mârchen
p. 8. qui
Il s'agit
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nous
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:
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ten,
d'Anthropologie,
1459)»,
pp.
(28)voir
(29)
(30)
(31)
(32) Le
67-71.
Pour
C.Y.
fMonde
Pierrette
JOISTEN
JOISTEN,
C. une
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(N.D.L.R.).
JOISTEN
n°Alpin
prière
2-3,
«Contes
PARAVY,
«Magie
«Magie
etavril-juillet
«Croyances
antitempestaire
Rhodanien,
populaires
etetmédecine
«Prière
médecine
1913,
aun°diable
d'une
recueillis
livrée,
1-4/1982,
1914,
populaires...»,
populaires...»
etsorcière
p.auà la84.
àCroyances,
XVe
Villard-Reculas...»,
sorcellerie...»
dusiècle
op.Grésivaudan
cit.,
enrécits
Dauphiné,
p.op.
66.
71.etcit.
pratiques
Bull,
pourdans
conjurer
de delaunSoc.
tradition.
procès
ladauphinoise
tempête
deMélanges
sorcellerie
(Procès
d'Ethnologie
Charles
pard'Avalon,
uneJois-
ac¬
et
Sans nous attacher ici sur les significations symboliques et magiques du bâton (34),
ni sur les différents modes de transmission du pouvoir magique (par contact direct ou par
don de l'objet concrétisant ce pouvoir), nous citerons quelques cas dauphinois à mettre
en parallèle avec les récits deia mort de Saoussa (n* 77-78).
«Il y a dix ans que, dans un hameau entre Orcières et Champoléon [35], on laissa
mourir, presque sans recours, une mendiante réputée sorcière. Restant sans asile, elle se
réfugia, malade, dans le four du lieu ; on ne lui présentait des aliments qu'au bout d'une
perche, parce qu'il est constant qu'un sorcier transmet son art diabolique à la dernière
personne qu'il touche avant d'expirer» (36).
«A Manteyer, vers 1860, une jeune femme venait de se marier. En guise de bienve¬
nue, ses voisins lui dirent : "dans la famille, sachez-le, votre aïeule était sorcière", dins
lafamxlha, sabia, vouesta grant qu'era sourciera...! "Elle jetait des sorts...! quand la va¬
che était malade", si la vatsa fougueassi ambarna. ; "il fallait aller chercher la sorcière",
tserie anar quere la sourciera. "Elle venait, touchait la vache", venie, touts&va la vatsa,
vèt voilà la vache guérie", e vaqui la vatsa desanbarna. "A la fin de sa vie, la sorcière ne
pouvait pas mourir et les voisins n 'osaient pas s 'en approcher de peur qu 'elle ne leur pas¬
sât la sorcellerie. Ils lui jetèrent dans sa chambre un bâton et le bâton sortit tout seul par
la cheminée ; alors elle mourut "» (37).
«Je touche !
Que Dieu le veuille ou non
J'ai gagné les moutons de mon compagnon ! »
Mais «à l'instant même où son pied frôlait le rivage, il s'affaissa et disparut sous l'onde
agitée. Peu à peu, le lac se calma, [. .. mais] depuis nul n'a plus osé s'y baigner».
Dans un contexte différent, le récit suivant illustre la même idée :
«Derrière le Chapeau de Napoléon, près d'Ancelle, il y a les ruines d'un ancien châ¬
teau, la Tour Saint-Philippe. Des hommes d'Ancelle avaient monté une énorme pierre
pour recouvrir un puits. Arrivés en haut, ils ont dit :
— Que le Bon Dieu le veuille ou ne le veuille pas, la pierre est montée !
Mais quand ils voulurent la poser sur le puits une force surnaturelle la retint au sol.
Ils ne purent la poser dessus. On peut encore la voir» (Doc. inédit, M. P., mari de l'insti¬
tutrice du Cros, Hautes-Alpes, V. 51).
Moundou tempestaire (n° 2.1 et 2).
Voir notes comparatives de Saoussa (n° 60 à 62).
DUVALLON
pp.969.
p.érigez
33-36.
(38)enAndré
(39) FODÉRÉ,
la province
BOURGUE,
Narration
anciennement
Vieilles
historique
appelée
légendes
et topographique
deduBourgongne,
Val d'Azur,
desàQueyras
convens
présent(Hautes-Alpes),
dede S.l'ordre
Bonaventure,
S. François
Cavaillon,
Lyon,
et Pierre
monastère
impr. Rigaud,
Mistral,
S. Claire,
1935,
1619,
Le transport magique : «Mets ton pied sur le mien» (n° 5.1 à 4).
Voir notes comparatives de Saoussa (n° 59. 1 à 13).
Prophétie : les hommes voleront (n° 6.1 à 4).
Voir notes comparatives de Saoussa (n° 68).
LE DOYEN
Recueil
1931 (40)
son. ; Joseph-Siméon
desAbbé
Mémoires
GAIDE-CHEVRONNAY,
etFAVRE,
Documents
Joseph-Marie
de l'Académie
Histoire
RÉVIAL,
de deMontvalezan-sur-Séez,
la«Le
ValGrand
d'Isère,et Moûtiers,
le PetitBourg-Saint-Maurice,
Saint-Bernard,
1913, nouvellel'Histoire
série,
Librairie
2eetvol.,
laE.légende»,
lreBéroud,
livrai¬
(41) Charles JOISTEN, Récits et contes populaires de Savoie, Paris, Gallimard, p. 90, d'après Abbé GAIDE-CHE¬
VRONNAY. op. cit., p. 57.
(42) Charles JOISTEN, op. cit., note 44, p. 175.
(43) Abbé GAIDE-CHEVRONNAY, op. cit., p. 56.
(44) J.-S. FAVRE,J.-M. RÉVIAL, op. cit., pp. 86-87.
Zusammenfassung