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DU PEUPLE MALGACHE
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HUGUES BERTHIER
NOTES ET IMPRESSIONS
SUR
DU PEUPLE MALGACHE
TANANA RIVE
19 3> •
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PRÉFACE
l'on soit;
3° Eviter les familiarités, le t utoiement, liser de courtoisie, mémc
ponr prononcer une sanction ;
.
4° Ne jamais promettre que ce ue l'on peut tenir; donner sam
délai la récom peuse promise iiPfl impitoyablement la punition
~
encourue ; • TANANAI/IVE ~
5° Qlland 011 désire être l' " eïgné 5/11 une question, lin fait donné,
l-
ne pas s'irriter des écbap patoir Mle-l'imprécision des réponses, mais
s'ingénie~, en variant l'interrogatoire, en paraissant attacher de l'im-
portance à des points de détails, etc., à obtenir ce que l'ail veut savoir .:
6° Eviter de tourner en ridicule les croyances, les usages et les
mœurs, quelque singuliers 011 anormaux qu'ils puissent paraître;
7° Répéter inlassablement ordres ou conseils avec le plus grand
calme, 011 moins apparent, jusqu'à parfaite exécution ;
. 8' Eviter de réprimander publiquement les détenteurs de la moin-
dre parcelle d'autorité, C'est en tête-à-tête qu'il font leur adresser les
observations qu'ils méritent ou lenr signifia une sanction plus grave;
9' Accueillir toutes les réclamations et les plaintes présentées, mais
se garder d'admettre, à priori, leur légitimité. Une enquête approfon-
die s'impose dqns tous les cas, la puissance d'hnagination et l'esprit de
rancune des indigènes étant brodigicn«,
Ne pas perdre de vue que les plaintes écrites, généralement rédigées
par des tiers, n'offrent pas plus de garanties que celles formulées
oralement;
10° Enfin, prêcher d'exemple par une tenue el une conduite irré-
prochables; c'est l'IInique manière de sauvegarder al/X yeux des mal-
gaches le prestige et la snp ériorité de la civilisation européenne.
En terminant, qu'il me soit permis de souhaiter que ce travail
contribue à inciter les [ennes [onctionnaires à observer la vie malga-
- 10 -
che, à noter avec SOil1 les particularités q ui n'auraient pas encore été
signal ées et les utodiiiçations qu'ifs seront amenés à constater. Ils trou-
ve ront dans ces études nn dérivatif salutaire à leurs préo ccupations
p roj cssion nclles et le meillenr emploi des longues soirées de brousse,
g énératrices de ce fâcheux éta t d'âme, bien COUIIU, que 1' 0 11 désigne
sous le no m de « cafard ».
Je p rie, enfin, M. le Gouverneu r Gén éra! Cayla de irouuer ici
l'exp ression de ma proj onde reconnaissan ce pour m'avoir coufi â ce
travail dont la préparation a été pour 11I0i un e biellfaisallte transition
entre la vie active et la refr;ife.
HUGUES BERTHIER,
Go uuerncur G én éral honoraire des colonies.
CHAPITRE 1"
Il il' ,
-
l'Océan Indien, entre 11° 57' 3" ct 25 ° 38' 55" de latitude
Sud, ct 40° 55' 22" et 48 ° 7' 54" de longitude Est. Elle est
séparée du Continent africain par le Canal de Mozam-
bique qui mesure, dans sa partie la plus étroite, 392 kilomètres. Sa
superficie, 590.000 kilomètres carrés, lui assigne le troisième rang
parmi les grandes îles du monde.
Le nom de Madagascar est cité, pour la première fois, sous la forme
Madeigascar, dans la Relation de Marco Paulo (1298) ; mais il est
établi que le célèbre voyageur vénitien n'a jamais visité la Grande Ile.
Il en a parlé par ouï-dire, sans dou te d'après les géographes arabes
qui I'appelaicnr A l-komr, MOllfaglle (le la Lnuc ; cette dernière déno-
rnination avait été mentionnée antérieurement par Ptolémée.
Il est probable que le nom du petit royaume du Sud-Est, Mafacassi,
cité par le. Père Luis Mariano, dans son « Exploraçâo Portugueza de
Madagt/scar » (1613), ct par d'autres voyageurs: le Père d'Alméida
(1616) : Mafacassi; Cauche (165') Madegt/che, a été appliqué posté-
rieurement à Madagascar.
On sait que les indigènes n'avaient pas de nom pour désigner la
Grande Ile.
Les Portugais qui l'ont reconnue, par hasard, le 10 août 1506, lui
S,\... . '.T\\. ~ '1...
E.,~
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(1) Le poèt e Ca moë ns ;1 pad é en ces term es de l'ami ral T r ist an da Cu nha ct de la
Grande Ile :
« Mais, disait la nym phe , en élevant la voix, que lle lumière im mense vois-je
s'épa noui r sur les flo ts de ela Mer Je M élin dc, rcin rc d u sang des cités Je Lames.
j
d 'Ore et de Brava. C'est Cunha, dont le nom ne s'oubliera jamais sur la mer qui
baigne les îles du midi et les plages dites de Saint -Laurent et célèbres dans [out Ic
Sud », (Lusiade, Canto X, srr. 39).
)-\)3 vér ité , la Gra nde Ile a é té décou verte par un des navi res de. la flotte de
l'amiral da Cunha.
(1) Flacourt : Histoire de la Gra nde Isle Matfagdscrlr. Paris, 166 I.
() ) C ueit : Les otigiues de l'Ile Bourbon d de la colonisation [rançal se de Mm/a-
gascar, Paris, 18 8 8, f ait veni r le nom de Madagascar de Mad ax-Asc hrorct ou Madax-
A st art é qu i, di t-il , « fig urent si bien not re Madagasca r (de Marco Polo ) que nou s
(( n'hésiton s pas à les adopt er, d' au t an t qu'il s do iven t signi fier Ile d'Astarté , éq ui-
«( valen t de T nni -cl-C am ar, terre de la LUlle , et enfi n Ile de T ani t Il. Ce rre citatio n
est donnée à titre de simple c uriosité. Elle rapp elle certaines é tymo log ies f antaisistes
telles que ; m algache tan y, te rre == ==
T ani t ; mal g ach e' nos y , île \'i'HJOs
13
« Monsieur le Marquis,
« Il m'est impossible de vérifier la traduction de la lettre du prince
« madécasse que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser.
« Les caractères de l'original sont bien des caractères arabes, dont les
« Madécasses ont adopté l'usage et qu'ils tracent fort grossièrement;
« mais le langage n'a point de rapport avec l'arabe et m'est inconnu.
« Je n'ai point connaissance que personne ait jamais expliqué les
« manuscrits madécasses que possèdent plusieurs bibliothèques en
« Europe. Je regrette beaucoup de ne pouvoir pas satisfaire à votre
« demande.
« Je suis avec respect, Monsieur le Marquis, votre très humble et
« obéissant serviteur.
« Le Baron Silvestre de Sacy ».
2 novembre 1823.
Dix années plus tard, E. Jacquet entreprenait l'étude des manuscrits
arabico-malgaches de la Bibliothèque Nationale qui ne fut qu'ébau-
chée (1).
En 1876, Dahle a publié dans l'Alltallallarivo Annual quelques
notes, puis, en 189 r, G. Ferrand commençait la publication de ses
travaux considérables sur I'arabico-malgache,
Depuis, quelques malgachisants : E.-F. Gautier, Jullien et Mondain
ont traduit divers manuscrits Anrairnoro,
Les Européens qui se sont occupés des documents écrits du Sud-Est
deIa Grande Ile ont été déçus de ne pas y trouver les renseignements
historiques qu'il serait, certes, très désirable d'y découvrir. Mais le point
de vue des indigènes diffère totalement du nôtre, - vérité fondamen-
tale que l'on perd trop souvent de vue dans l'appréciation des choses
malgaches - pour les Antaimoro, en ·effet , l'écriture sert surtout à
assurer la conservation des prescriptions magico-religieuses intéressant
(1) Relation du voy age de découverte fai t à l'îl e Saint-Laurent , dans les années
161) -16 14. par le capitaine Paulo Rodri guez da Costa et les Jésuites Pedro Freire et
Luis Mariano. à bord de la caravelle Noise Sonbo ro de Espcrança. Co llec tion des
Ouvra ges anciens concernant Madagascar, t. 2 , page s 2-22 . Paris, 19 04.
(2) H.-N. Van der Tuuk: Cntlines of grammar of malagasy language. In-
Journal Of t he Ro)'dl Asiatie Societ y, 18641 vol 8, part. 2. Reproduit dans Miscella-
neons Papers reiating to l ndo-Cbina. 29 a. séries, vol. r , p. 263-2 86 . Londres, 1887,
Cette dernière publication n'est pas mentionnée dans la Bibliograpbie de Madagascar,
de G. Grandidier, Paris, 1905 .
2
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.
Cette théorie est au premier abord fort séduisante, mais eUe repose
sur des hypothèses, basées presque uniquement sur la linguistique -
donc sujettes à révision -les recherches philologiques dans le domaine
austronésien étant encore très loin d'être épuisées.
Il faut dès lors conclure que l'origine des Malgaches reste mysté-
rieuse.
Unfait est acquis: la langue malgache apparrient incontestablement
à la famille des langues austronésiennes, mais il est présentement impos-
sible de préciser à quel idiome die est le plus étroitement apparentée.
Il est également établi que le vocabulaire malgache renferme des mots
empruntés au sanscrit, en plus grand nombre qu'on ne l'avait cru
d'abord; cinquante-cinq, en effet, ont été identifiés.
de 5,84 par kilomètre carré, varie entre 25,93 pour l'Imerina et 0,78
pour le Menabe.
El émeuts de la population
(1) Le préfixe malgache ta, que l'on trouve dans un cer-tain nombre de noms de
tribus, est identi que au préfixe Tagal t aga. Da ns l'une ct l'autre langue, il sig nifie :
habitant de...
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ils ont essaimé dans toute l'Ile et on en trouve un peu partout aujour-
d'hui.
Les Betsileo sont également établis sur les Hauts-Plateaux, au Sud
des Merina. Nombre d'entre eux ont émigré sur la côte Ouest.
Les Betsimlsaraka peuplent la côte orientale, de la presqu'île de
Masoala à la rivière Sakaleona.
Les Tanala vivent dans la région forestière de l'Est, de la haute
vallée du Sakaleona, au Nord, à celle de la Mariranana, au Sud.
Les Bara occupent le vaste plateau qui s'étend du Tsimandao au
cours inférieur de l'Onilahy.
Les Antandroy vivent dans l'extrême Sud de l'Ile, entre les rivières
Mandrare ct Menarandra.
Les Antaisaka occupent la partie côtière du Sud-Est, entre la Mana-
nivo, l'Iavibola et l'Itomampy.
Les Tsimihety habitent le centre du Nord de l'Ile, entre l'Ankarana
et la lisière occidentale de la forêt de l'Est.
Les Sakalava s'étendent sur la côte Ouest du Sarnbirano à l'Onilahy.
Les Antaimoro peuplent les bassins inférieurs des rivières Matira-
nana, Faraony et Namorona, dans le Sud-Est.
Les Mahafaly ont leur habitat dans l'extrême Sud, entre le Mena-
rand ra et l'Onilahy.
Les Antanosy habitent le Sud-Est de l'Ile, entre le Mandrare ct
l'Océan Indien. Des clans ont émigré au début du siècle dernier dans
le bassin moyen de l'Onilahy.
Les Sihanaka peuplent les rives du lac Alaotra.
Les Antankara occupent la pointe Nord de l'Ile jusqu'à la rivière
Sarnbirano.
Les Antaifasy sont établis sur le littoral sud oriental, entre la Mati-
tanana et la Mananara.
Les Bezanozano occupent la vallée du Mangoro, entre la forêt de
l'Est et la falaise qui limite le plateau central.
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.. i = 7-
(1) Documents historiques d'après les manuscrits malg aches cn bogue malgache,
Antananarivo, 1875.1881. Réédité par l'Académie Malgache. Tananarive, 1908.
CHAPITRE II
VIE PSYCHIQUE
(1 ) C'est exactement ce que des indi gènes de IJ région de Tuléar avaient dit, en
184 31 à Guillain « qu'il s ignoraient cc qu'il y avait dans le cœ ur des autres [indi-
gênes) et que chacun avait son esprit ». Guill ain: Docum ents sur l'Histoire, la
Gêograpbie et le Commerce de la partie occident ale de Madagascar. Paris" i8451
page H7.
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(1) Arnold van Gennep: Tabou et Totémisme à Madagascar: Paris, 19°4, page 1%.
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(1) Tout ce qui touche le fer est plus ou moins magique. C'est une croyance
universelle. Dans la mythologie grecque, les Cyclopes, les Corybanres, erc., tous ceux
qui travaillent le fer, sont magiciens.
(.) Histoire dt la Grande 1ft MaJagascar, p.ge 54.
3
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*
* *
La not ion d 'âme dont nous avon s parlé précédemment à propos de
l'anim isme est , che z les Mal gaches, à la fois imprécise et complexe.
Lor squ'on questionne un indigène sur le sens des mots : ambiroa,
augatra, avelo, [auab», lolo, nt atoaloa, il répond 9ue tous expriment
le sens du fra nça is : âme. A la vérité le malgache n'aime pas converser
sur ce sujet ; cet te répugn ance est évidemment une survivance de
fa dy ancest raux. Il est à tout le moins imprudent de parler des âmes
dont il fa ut cra indre le ressen t imen t !
En exam inant de plus près à quoi correspondent les soi-disant syno-
nymes mal gaches du mot français âme, la complexité des notions qu'ils
expriment apparaîtra mieux.
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Ambiroa désigne l' âm e des morts récen ts. C'est Yambiroa qui vient,
dans les rêves, visiter les parents. Il erre, la nuit, près des tombeaux.
Il faut l'éviter avec soin de peur qu'il ne cherche à vous entrainer.
Les Tsimihety croient que l'ambiroa quitte le corps peu avant la
cessation de la vie. On dit d'une personne débile de corps et d'esprit:
lasa ambiroa, elle a perdu son ambiroa.
AI/ga/ra est l'esprit d'un mort, homme ou animal, ca r l'un et l'autre
ont le leur. Les al/ga/ra sont, en général, considérés comme malfai-
sants. On leur attribue des ma ladies, des calamités telles que les incen-
.dies de brousse ou de villages inexpliqués. On dit encore d'une per-
sonne atteinte de calvitie qu'elle a été léchée par l'al/ga/ra tlelafin':
al/ga/ra). Jadis, à Madagascar, tous les hommes, - même les Merina-
portaient les cheveux longs et tressés de différentes manières; la
calvitie était considérée comme un mal mystérieux attribué aux
angatra. L'expression lelafil/'al/ga/ra atteste cette croyance.
Avelo se dit, surtout en Imerina, de la seconde ombre que l'on
aperçoit au crépuscu le, dans l'eau, quand on s'y regarde ou encore
le soir, dans la case, à la lu~ur du foyer. POUt le Ma lgache la p remière
est bien celle du corps, l'au t re est celle qui, à la mort, va au séjou r des
trépassés, à .(\mbondrombe.
Certaines affections pathologiques occasionnant un amaigrissement
conti nu sont attribuées à l'absence de l'av elo qui a quitté le corps
à la suite des ma léfices d'un sorc ier ou d'une grande frayeur.
Fanaliy est traduit par esprit, âme. C'est un terme général qui
s'applique à la vie psychique.
Lolo signifie: âme, esprit et papillon. Ces acceptions se rencontrent
dans le grec 'f U T, . en Islandais et dans le parler du Yorkshire. Nous
signalons ces concordances, à titre de simple curiosité.
Lolobe, grand lolo, désigne le sphinx tête de mort. Ce papillon est,
selon la croyance des indigènes, une des formes que prend l'âme des
morts. Sa présence dans une maison est souvent un mauvais présage.
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La religion
Les premiers Européens qui ont parcouru ou qui ont séjourné dans
la Grande Ile ont affirmé que les Malgaches, non convertis, sont
monothéistes.
Flacourt s'est exprimé en ces termes: « La nation dont je veux
parler, croit un seul Dieu créateur de toutes choses, l'honore, le révère,
et en parle avec grand respect lu)' donnant le nom de Zahanhare » (1) .
Le Père Abinal est non moins catégorique quand il conclut: « Donc
monothéisme au fond et prédominance du fétichisme dans la forme,
voilà, ce semble, la religion à Madagascar » (2).
Aussi bien, le culte des ancêtres s'adresse aux tombeaux qui sont
censés recéler l'esprit des morts et plus spécialement à la pierre dressée
à la « tête ·d u tombeau », placée à l'Est. Cette pierre est réputée
posséder le basil/a des anc êtres, ce qui ju stifie le culte dont elle est
l'objet. C'est elle qu e l'on oint avec le sang et la graisse des animaux
sacrifiés et c'est à sa base que les offrandes sont déposées. Aussi on ne
sau rait croire l'importance considérable qu'attachent les Malgaches
à assurer à leur dépouille une demeure inébranlable et aussi confor-
table que possible . Ils n'hésitent pas à s'imposer, durant leur vie, les
plus grandes privations, tant pour leur habitation que pour leurs vête-
ments et même leur nourriture, afin de faire édifier un tombeau solide
et beau. De même, la pire des calamités pour un indigène n'est pas de
mourir, mais de ne pas reposer dans le tombeau de famille.
Lorsqu'un indigène disparaît ou meurt au loin sans qu'il soit possi-
ble de ramener ses restes che z lui, on érige une pierre, dite en Imerina :
tsangam-bato (pierre debout) ou uato-laby (pierre mâle) chez les
Betsileo, au pied de laquelle seront célébrés les sacrifices rituels. Ces
pierres sont généralement brutes. Depuis quelques années il est d'usage
de les tailler et d'y graver quelques ornements ainsi que le nom du
défunt et celui du parent qui a édifié le monument. Chez les Betsi-
misaraka ces pierres sont souvent enveloppées d'étoffes blanches.
Il arrive, assez fréquemment, que des chefs ou des personnes riches
invitent leurs enfants à élever des tsau ganr-bato en leur honneur,
après leur mort; certains les font dresser eux-mêmes, de leur vivant.
Enfin, jadis, des pierres levées étaient érigées pour commémorer un
acte important : prise de possession d'un territoire, traité de paix ou
d'alliance, conventions entre villages voisins, entre particuliers. Ces
pierres étaient appelées orimbato (pierres plantées en terre). Elles
constituaient, en somme, les archives des actes publics et privés de ces
populations ignorant l'écriture.
On ..encontre des tsanganr-bato dans presque toute l'Ile, sur les
routes, dans les villages et sur les emplacements réservés aux marchés,
39 -
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afaly, f antsiholit sa (A lluand ia
cc;
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(1) On a vo ulu expliquer aloalo .. dical aloka, ombre, avec chu te de la
finale ka. On aurait pu tout aussi bien Je rattac her à halohalo qui . dans certains
dialectes provinciaux, exprime l'idée de nudité . Les aloalo qui comportent souvent
des statues humaines toujours rigo ureuseme nt nues, auraient justifié encore mieux
cette explica tion. to ut aussi f antaisiste, d'ailleurs, que la précéd ente.
- 40-
uns et des autres regardant l'Est. Cette disposition est celle des êtres
vivants dans les repas en commun, les kabary et autres cérémonies.
On sac ri liait des bœufs aux zaza-hazo, c'est-à-dire « aux ancê-
tres H, nous ont déclaré nos informateurs Sihanaka.
Les zaza-bazo que nous avons examinés étaient au nombre de trois,
le quatrième avait disparu; ils étaient en fort mauvais état. L'un
représentait un homme nu, les mains derrière le dos, sexe vermoulu;
les deux autres, des femmes nues; l'une avait la main droite au sein,
comme pour l'offrir, la main gauche au pubis (particularité fréquente
chez les aloalo Mahafaly) ; l'autre avait la main droite au pubis, la
gauche le long du corps.
Les tombeaux ornés de zaza-bazo sont très anciens. Ils appartenaient
sans doute à des familles nobles, car ils étaient surmontés de trano
manara (1) aujourd'hui disparus.
De même que les tsangam-bato, les aloalo étaient primitivement
réservés aux chefs, aux personnages remarquables par leurs exploits et,
plus récemment, par leurs richesses. On constate, depuis quelques
années, que ces monuments se démocratisent, tandis que l'autorité des
chefs s'émiette. C'est une étape de l'évolution des Malgaches qu'il est
essentiel de noter.
Il convient aussi de signaler le rôle important de la pierre qui est
encore, dans toute l'Ile, l'objet d'un culte.
De même que dans la Grèce antique, on trouvait, dans les carre-
fours, des tas de pierres auxquels il était d'usage que chaque passant
ajoutât une pierre, en commémoration, nous dit la mythologie grecque,
de la lapidation d'Hermès, meurtrier d'Argus, on rencontre à Mada-
gascar, le plus souvent en des points élevés et aux croisements de sen-
tiers, des amoncellements de pierres appelés tatao.
(1) Trano manara (littéralement: maison froide; on dit aussi trano masina, mai-
son sacrée). maisonnette en bois construite sur les tombeaux royaux ou ceux des
clans nobles dont un ancêtre a régné.
- 42 -
(1) Bulletin de rA ('aJ~mie Maigac!Je, année 192 0- 1 911. Ch. Ren el : A"cêlr cs
ct Dieux, page 102.
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(1) Le Barbier: Notes sur les Bara l mamono , Bulletin de l'A cadémie Malgache"
année 19 16 -1917 , page 88 , note I, dit: (( Le même trian gle symbolique (sexe de la
femme ) se trouve sur presque tous les arbres à écorce rou geâtr e (habit uellement le
Sakoa}, grav é profondément à la pointe du couteau ».
-45-
..
.. .
Partout à Madagascar une idée de souillure et d'impureté est atta-
chée au cadavre. C'est la crainte de la contagion qui a dicté les fady
dont sont l'objet tous ceux qui se sont trouvés en rapport avec le
cadavre et que nous examinerons plus lo)n. Mais le basina des rois
morts se transmet non seulement à leurs tombeaux, mais aussi à leurs
cadavres. En Imerina, la dépouille du roi était appelée ny masina, la
chose sainte. Chez les Sakalava, les dad y ou jil1Y (de l'arabe djinn) sont
constitués par les dents, la première vertèbre cervicale, une mèche de
cheveux et les ongles enlevés aux cadavres des rois et enfermés primi-
tivement dans une corne de bœuf provenant d'un animal rouge
sacrifié, l'autre corne étant jetée dans la rivière voisine. Plus tard, cette
corne a été décorée d 'ornements d'argent. Autrefois, le roi qui n'était
pas en possession des dady de sa dynastie était considéré comme un
usurpateur. Les dady étaient, en quelque sorte, le palladium de la tribu.
Les Merina s'étaient assurés la fidélité des Sakalava du Boina en gar-
dant leurs dady dont ils s'étaient emparés.
En Imerina même, le hasina attaché aux cadavres des anciens souve-
rains a une importance considérable. Aussi le Général Gallieni fit, en
mars 1897, transférer dans l'enceinte du palais royal de Tananarive
les restes mortels des rois ensevelis à Ambohimanga, afin de bien mar-
quer la fin de la royauté Merina et l'avènement d 'un régime nouveau.
Cette translation a eu pour effet de faire perdre la foi du peuple dans
la vertu du basina de ses anciens souverains. C'est pourquoi, lors de la
grande guerre ·de 1914-18, nombre d'indigènes, avant de quitter la
colonie, prélevèrent, pour confectionner les amulettes destinées à les
- 46 -
Fady linguistiques
Dans toute l'Ile, il est interdit de désigner une personne décédée par
le nom qu'elle portait de son vivant. Cette interdiction est le type
classique des fady linguistiques malgaches. Les raisons de ce tabou sont
controversées. Pour certains, l'esprit du mort est dangereux; dès lors,
on s'exposerait à le faire venir en prononçant son nom. A cette expli-
cation, purement animiste, d'autres opposent la suivante: le nom du
mort étant souillé autant que le cadavre lui-même, le prononcer équi-
vaut à un contact avec celui-ci, considéré comme impur. Ce qui
semble confinmer cette dernière hypothèse, c'est que les indigènes, en
parlant du décès d'une personne évitent d'employer le mot mort et
disent: parti, tombé, ce qui autorise à croire qu'il existe pour les
Malgaches un lien matériel entre le nom et la chose ou la personne
qu'il désigne.
Quand il s'agit des rois, on use de termes spéciaux dont voici quel-
ques exemples: chez les Merina, on employait majanajana, un peu
chaud, pour malade; niiambobo, tourner le dos, au lieu de mourir;
ajenina, caché, au lieu de enseveli; /IY m asina, le sacré, désignait le
cadavre.
Les tribus de l'Ouest et du Sud emploient le mot [olaka, brisé, au
lieu de ·mour ir. Les Betsiléo parlant de leurs rois faisaient usage d'un
vocabulaire spécial. Ainsi, pour désigner un enfant du roi, ils disaient
analunra au lieu de kJlollga; kabeso au lieu de loba, tête; [anilo,
torche, au lieu de maso pour œil, etc.
Les Sakalava usent également de termes spéciaux pour parler du roi
et des siens. Ainsi, au lieu de maso, ils diront [auent y ; au lieu de zaza,
tsaik)', etc. Mais il y a mieux encore: tous les mots entrant dans la
composition du nom du roi devenaient fady après sa mort. Ainsi, après
le décès du roi Tsiomeko qui régnait à Nossi-Bé, le radical ome et ses
dérivés devinrent fady et, depuis, l'on dit: tolory pour omeo, donnez.
Plus récemment, en Imerina même, le mot soberina, chrysalide de vers
- 49-
Nous avons dit que la religi "iœ..m a gache se manif~stait aussi par
des sacrifices.
On sait que le sacrifice, qui joue un rôle très important chez ~e~
demi-civilisés, a pour objet d'honorer, de remercier, d'apaiser ou de
rendre favorable les puissances mystérieuses qui, selon les conceptions
que nous venons d'examiner, gouvernent le monde. Dans certains cas,
le sacrifice a pour but d'expulser le mal en le transférant à un objet
ou à un être vivant, ou encore de lever un 'interd it consécutif à li
violation d'un lady.
Matériellement, le sacrifice consiste à faire des offrandes de riz, de
miel, d 'argent, en onctions de miel ou de suif, QU à immoler des êtres
Vivants.
La tribu, le clan, la famille et l'individu, dans tous les actes impor-
tant de leur vie respective, font des sacrifices.
Le lieu du sacrifice n'est pas indifférent. C'est, dans l'habitation, le
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50 -
coin Nord-Est, le z oro- firaraz ana, le coin des prières, le tombeau des
ancêtres, un t sangani-bato, les pierres saintes, un lac sacré, un arbre
sacré; chez les Saka lava, un doany, lieu de sépulture des rois; dans le
Sud de l'Ile, l'haz omallga, potea u de bois sculpté qui est l'autel de la
famille, d u clan; le bazamanitra, poteau de bois, chez les Betsimisa-
r aka ; les tai ao, les montagnes sacrées en Imerina.
Le te m ps du sacrifice est non moins important. Il doit être fait aux
jou r et heure fas tes.
Les objets qui doiven t servir au sacrifice, ainsi que les offrandes et
les vic times à immoler, sont limitativement fixés, selon les cas.
Enfin, le partage des animaux sacrifiés est strictement réglementé.
Tout sacrifice doit être précédé de purifications que l'on désigne
sous le nom de a/ana. Elles consistent, généralement, en des aspersions
d 'eau lustrale, des ab lutions rituelles qui ont pour but de purifier de
tout es les souillures.
Le sacrificat eur est, pour les petits sacrifices effectués au z oro-
firara zana, le chef de famille et, dans les autres cas, le m pisorona ou
l'om biasa, selon les régions.
Mais, avant d'exposer les rites sacr ificiels, il est utile de préciser
l'acception des termes malgaches servant à désigner les personnages
qui ordonnent ou président les sacr ifices et, plus généralement, de tous
ceux qui jouent un rôle dans les rites magiques et médicaux, intime-
ment liés d'ailleurs.
o III bias)' (Meri na ) , Ombiasa, Olllas)' (dialectes provinciaux ) , Masy
femmes. Ces ' dernières, généralement vieilles, ont une réputation aussi
detestable que les sorcières d'Europe.
( 1) Sampy signifie, dans le langage courant, ce qui est à califourchon. Les sampy
éraient du reste portés sur le dos de leurs gardiens, qui les tenaient par deux bandes
d'étoff~ pendant de chaque côté de leur tête.
- 53-
(1) Le nombre douze avait une vertu magique. II y avait : douze mois, douze
vintana, douze sampy, douze montagnes sacrées, douze rois, les douze femmes du
roi...
(1.) Lors de l'insurrecti on d'Arivonimamo, Je 2I septembre 1895. les insurgés ,
fanatisés par le sampy Rafantaka, chargèrent sept fois de suite, avec un e audace
extraordin aire, les troupes françaises en voyées pour rétablir l'ordre. Le co mma ndant
Ganneval, afin d'évi ter d'inutiles effusion s de sang. demanda au gé néral Duchesne
une section d'artillerie dont l'action. très modérée d'ailleurs, calm a les fanat iques.
- 54-
esprits, les ancêtres, les som py et ody soit pour les re nd re fa vo rables,
soit pour obtenir la guérison de malades.
Les victimes son t géné r alem ent d es an imaux : bœu fs, m outons,
chèvres ou coqs. Autrefois, on immolait aussi des êtres humains.
A. Grandidier (1) a signalé que, chez les Sakalava, lorsque le roi se
rasait pour la première fois, on sacr ifiait un vie illa rd réputé pour sa
bravoure. Le souver ain trempait le couteau fa isant office de r asoir dans
le sang de la victime, avant de s'en servir.
Guén ot (2) cite cette coutume comme relevan t de la légende, mais
ajoute que la cérémonie précitée « au rait été pratiq uée sous l'a vant-
dernier roi T oera, réputé, il est vrai , pour sa cr uauté H.
Le d octeur Lasnet (3) rapporte qu'avant 1895 , à l'occasion des
funérailles des rois sak alava, deux esclaves, un homme et une femme,
étaient immolés. La graisse du premier serva it à oi nd re toute la bière;
avec le sang de l'autre, on arrosait la fosse. Les deu x cadavres étaient
enterrés aux pieds du roi, l'un à droite, l'autre à gauche.
On assure également que sous le règne de Ranavalona 1 ( 18 28- 186 1)
les sacrifices humains n'étaient pas rares soit pour sauver la souveraine
d'une maladie, soit en cas de calamité publique, épidémie ou disette.
Des indigènes nous ont affirmé enfin qu'au mois d'Alakaosy 1890,
un fils du Premier Ministre, réputé pour sa cruauté, aurait sacrifié un
esclave au pied du grand ficus qui existe encore dans la cour du Quar-
tier Général à ·T ananarive.
C es témoignages, tous d'ailleurs de seconde main, sont 'confirmés par
le passage suivant d'un manuscrit arabico-rnalgache appartenant à
l'Académie Malgache:
(1) A . Grandidier: Mém oire sur Mada gascar , Bulletin de la Soci ét é Je G éograpbie.
(1) F: Guénot : Id ées religieuses et su perstitions des StJkalava du M", abe. Tou-
louse, '9° 7. .
(3) Dr Lasner. Annales d'H)'.'<iènc el dl' ltléJ eci nl' colo niales. 189 0.
- 56-
(1) Hinan-drao, litt. mangée par Rao, sans doute R ahu, le monstre mythique de
la légende indienne. Lorsque la lune est vers son quin zième ou seizième jour ct qu'à
son lever, ou peu après, le bord supérieur est fran gé, on dit que l'astre est hinan-drao.
Lorsque ce phénomène se produit alors que la lune est au zénith, on dit qu'elle est
hu munitra . La lune est harana quand elle est de la couleur des perles dites harana,
rouge brun.
[a ] Manalimo, de l'arabe mo'allim, savant, professeur. En dialecte antaimoro,
manalimo est synonyme d'ombiasa.
- 57-
Du uintana
Le uintana est une des notions les plus fécondes de la vie religieuse
malgache; il convient donc de lui consacrer quelques développements.
Le mot uintana, - que les dictionnaires traduisent par: le destin,
la destinée, chance bonne ou mauvaise » ; pour être complet, il faut
ajouter « destin astrologique », qui est l'acception particulièrement
utile pour ce qui va suivre, - n'a pas été emprunté à l'arabe aioiuat,
pluriel de muân, saison, comme l'ont dit Dahle et Ferrand, mais il
appartient 'a ux langues austronésiennes: Malais, bill/ail, Tagal, bitoiu ;
Cam, batuk., astre étoile.
Les Malais désignent sous le nom de raja bintan, les sept astres (Jupi-
ter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure, Lune et Terre) qui exercent, tour
à tour, leur influence sur les vingt-quatre heures du jour. Le Malais
bintan est l'équivalent exact du malgache uintana.
Les Antaimoro étant les seuls indigènes de la Grande Ile possédant
des documents écrits, nous donnerons d'abord leur classification des
uintaua que les autres tribus leur ont d'ailleurs empruntée.
Voici la liste des douze mois de l'année Antaimoro avec les douze
uintana correspondants:
l'année lunaire malgache que donnent les almanachs à l'usage des indi-
gènes publiés à T ananarive.
Les vin/alla Alahamady, Alahasaty et Alakaosy, uintana mâles, sont
les destins du feu.
p.JIvJ -..., Asaoro, Asombola et Adijady, uintana femelles, sont les destins de
la 'ferre.
Adizaoza, Adimizana et Adalo, uintana mâles, sont les destins du
vent.
Asorotany, Alakarabo et Alohotsy, vin/alla femelles, sont les destins
de l'eau. '2.Vr'
La rencontre de deux ou plus' ulntana de même sexe est f aste, la
jonction de deux ou plus uintana de sexes différents est néfaste. 'foute-
fois, les destins du vent et du feu ne sont pas contraires,
Le manuscrit 8 du fonds arabico-malgache de la Bibliothèque N atio-
nale contient un chapitre consacré 11 l'astrologie, qui a été publié par
G, Ferrand (journal Asiatique, septembre-octobre 1905 ). A la fin de
ce chapitre sont mentionnées des prédictions basées sur les destins des
quatre éléments énumérés ci-dessus, qui sont encore en faveur chez les
ombiasa Antaimoro.
Les vingt-huit zana-bintana, litt. enfants de uintana, sont les noms
des vingt-huit mansions lunaires ar ous les donnons ci-dessous
'f' . 1 . t
avec re erence a eur VlIl alla res "'fL
\.l: 'o"+.,.
1"4:,,,,, ~
-; ·...f,-h ·
MANSIONS LUNAIRES ZAN A-BI l>NA 1'0 VINTANA
• .s /l' 1\ ,,,,~
As-charataîn Asoroteny
Al-bot'ain Aliboteny ( Alahamady
Ath-thoraiâ Asoreza
Ad-dabarân Adabaran
Al-haq'a Alahakà 1Adaoro
Al-han'a Alihina
\ Adizaoza
Adz-dzir'a Azirà
- 60-
~ Asorotany
An-nathra Anasara
At-raraf Atarafa
Al-djabha Alijabaha
Az-zubra Azobora
Aç-çarafa Asarafa
1Alahasaty
Ab-'aûâ Alova 1
Î Asombola
As-simâk Asimaka
~ Adimizana
AI-ghafur Alokoforo
Az-zubân â Azobanâ
Al-iklil Alikilily
AI-qalb Alakaliby
( Alakarabo
As-chaûla Asola
An-na'âïm
Al-balda
Anaimo
Alibalady
! Alakaosy
~ Adijady
Sa'ad adz-dzabih' Sadazobehy
Sa 'ad bula'a Sadabolangy
Sa 'ad as-sa' us Sadasady
Sa'ad al-khabîa Sadalakabia
\ Adalo
AI-fara al-moqaddim Farcalimokadamo
Al-fara 'al-rnuakhir Faroalimokaro
Bat'u al-al-bût Batany alohotsy
l Alohotsy
Les Antaimoro ont, de plus, sept sa, de l'arabe sâ'a, qui exercent leur
influence sur les heures, savoir:
SA T AI MORO ÉTYMOLOGIE DE L'ARABE
(1) Instrument de musique fait avec un gros bambou, dont l'écorce soulevée,
partagée et placée sur des chevalets, forme les cordes, qu'on touche comme celles
de la guitare.
- 62-
.. ..
Malade dans <le vill/alla) Alahamady : ne doit pas recevoir la visite
de forgerons, ni de pêcheurs à la ligne, de peur d'aggraver la maladie.
- 64-
Les manuscrits dont nous avons extrait les passages ci-dessus sont
réputés posséder un caractère magique -; aussi ceux qui les possèdent ne
doivent ni les donner, ni les prêter. Les ombiasa les utilisent dans l'exer-
cice de leur ministère, à la fois religieux et médical, ce qui est la même
chose. Pour les indigènes, en effet, les maladies ne sont pas des phéno-
mènes naturels; on les attribue soit à un esprit vexé d'un manque
d'égards, soit à un esprit malfaisant, soit à quelque sortilège, soit à la
violation d'un fady ou encore à un acte interdit par le uintana qui a
présidé à la naissance. De même, la mort n'est pas un fait physiologique
normal; les Malgaches la considèrent comme une sanction consécutive
soit à la non observation d'un tabou, soit à l'action de puissances mal-
veillantes ou encore aux maléfices de sorciers.
Ces conceptions justifient les traitements spéciaux basés, essentiel-
lement, sur l'emploi de procédés magiques: a/afaditra (1), falla/am-
blntana (2) des Merina, sadaka (3), alad ih» (4) et falla/a [alim-bin-
talla ü) des Antaimoro. Dans tous les cas et chez toutes les tribus de
l'Ile, des sacrifices (sorolla) les accompagnent, et, le plus souvent, des
fady sont imposés.
Ces pratiques magiques ont pour but d'expulser le mal en le trans-
férant à un objet ou à un animal. C'est, dans ce dernier cas, l'exemple
classique du bouc émissaire (Lévitique XVI, 21-22). L'épisode de Jésus
faisant passer dans le corps des pourceaux les démons qui tourmen-
taient le possédé de Gadara (Marc. V, 1-7) est également un exemple
non moins typique.
(1) Ala-faditra, litt. action d'enlever le fadiera (mal provenant d'un sortilège).
La traduction habituelle, exorcisme , ne nous paraît pas satisf aisante. La notion de
fadiera est autre chose, en effet, que celle d'exorci sme qui vise les prières et c ér é-
monies destinées à chasser les démons.
(.2) Fanalam-bintana, litt. enlèvement du vintana, exprime l'idée de correction
des éléments néfastes du destin astrologique.
Cl) Sadaka, arabe s'adaka, aumône légale, synonyme de ala-faditra,
(4) Ala-dika, synonyme de sadaka.
(s) Fanala falim-binrana, litt. enlèvement des fad y du vintana, synonyme de
fanalam-binrana.
5
- 66-
(1) Exemple d' invocation t raduit e d'un manuscri t arabica -malgache: « Que le
fa di t ra parte, que le di ka s'en aille, je f ais le sadaka ; que le vola (se dit d'une chose
ma ligne adhérant au corps comm e les poils, les cheveux) se retire. Je coupe (une
branche pour en faire) une canne. J'éteins le tison. Je suis dan s l'eau ju squ' au cou.
(Lorsqu'il s'agit d'un personnage ou d 'un cas t rès grave, I'ombiasa et le pat ien t son t
effect ivernenr dan s l'eau, rivière, mare , mais la form ule s'emp loie, même q uand
l'opérat ion a lieu près de la case ). J'ai pris le poids de sept grains de paddy d' or, une
lamelle d' argent bien dro ite , u n sembo mangala ratsy (pagne t ricolore) , un bœuf au
f ront blanc. Cela fait ré ussir, cela donnera la vic, cela enlève les jour s mau vais, le
destin né faste ct les sâ f unestes. Tu étais sous le joug-d e fahavalo, t u n'y seras plus ,
t u éta is sous l'em prise de fahasivy, t u n'y seras plus , car tu es délivré d u fa dit ra,
tu es déliv ré du dika. Tu n 'avais pas encore ét é affranchi du f ahavalo ni du faha sivy.
T e voilà délivré (I'om biasa com pte alors à haut e voix 1,2., 3,4, 5, 6, 7, 8) le faha valo
est ter rassé, 9, le fa hasivy est t er rassé. Si le f ahavalc se lève, pour fr apper, le f ahasivy
écrase ce fa hava lo ; le fahas ivy se lève, le f ahavalo l'écrase. Le f ahavalo ent re dans. la
pier re, f ahasivy en tre dans le bois. Il n'a pas t ué, il n 'a pas blessé. 1 0, le hasina vient,
le f amolo arrive. Ra ik a ! tu étais allé avec t a femme (ou ton mari, car vady signifie
époux et épouse) , tes enfants. Roy! tu n' as pas été fra ppé par les dou ze vin t ana, car
on a fai t le f adirra, le sadaka . (L'Ombiasa én umère les dou ze vintana... ) . Alohotsy,
1~ m alheu r s'est enfui, ce qui avait f rappé s'en est allé. Tel o 1 c'est bien, car tu es
délivr é du fad itra et le dik a est parti. C rache ! car tu es délivré du faditra 1 »
- 67-
- 69
(r) Voahangy est un dérivé du radical hangy qui fournit en outre les dérivés
suivants: voahangibe Ou hangibe, pamplemousse; hangihangy, sorte d'herbe non
encore déterminée j sarihangy, perle rouge j tavoahangy, bouteille. L'étymologie de
hangy est inconnue. Celle de tavoa-hangy donnée par Julien, qu'il identifie au
Swahili tawangu, nous parait discutable. Nous proposons le malais: ungu , pourpre.
-70 -
(I) On sait que regarder le roi de -haut en bas était con sidéré com me un crime de
[èse-m ajest é. Ici. le mala de est détenteur du rromba qui lui donne un caractère sacré.
comme le roi.
-72-
Mallala ondrana
On appelle ainsi une levée d'interdit particulière qui permet à un
homme et à une femme, liés par une parenté qui, aux yeux des indi-
gènes, ferait considérer leur union comme incestueuse, de pouvoir
contracter mariage.
La langue malgache ne possède pas de mots pour désigner oncle et
tante, cousin et cousine germains. On les appelle respectivement, père
-73-
Velirauo
Nous avons vu que chez les Merina, à l'occasion de l'avènement d'un
nouveau souverain, le serment de fidélité consistait à boire le vokaka,
eau dans laquelle on mettait de la terre prise aux tombeaux royaux.
Il y avait encore deux autres formes de serment: le uelirano et le
lejonomby.
Pour le uelirano, on mêlait à de l'eau des grains de riz coulés, un peu
de bouse d'un jeune veau very rel/Y, dont la mère était morte, et de
l'herbe tsindrorotra (sporobotus indica).
Un fils du souverain remuait cette eau, un autre y plongeait une
sagaie et à ce moment prononçait la formule du serment, après quoi
on aspergeait l'assistance avec l'eau.
Pour le lejonomby, un prince sagayait un veau very reny, en pro-
nonçant les imprécations répétées par les assistants. Ceux parmi eux
qui étaient armés, piquaient l'animal avec leur sagaie.
Ces cérémonies se terminaient par l'offre du basina au souverain,
qui consistait à donner une piastre d'argent.
Dit [atidra
Le [atidra, on dit aussi: vakira, tata-dra, ualdlibo (Sakalava), aiin-
hena (Antandroy) ou fraternisation par le sang, a été pratiqué, dès la
plus haute antiquité, par les Scythes, au témoignage d'Hérodote, par
les anciens scandinaves et par les anciens hongrois. Speke a signalé SO!1
existence chez les Nyam-Nyam (Voyage aux Sources dit Nil, Paris,
1864) ; et Alfred Loisy chez les Arunta en A"ustralie. Il ne semble pas
avoir été inconnu des anciens arabes, selon Doutré (1).
Le [atidra n'est donc pas une coutume spécifiquement malgache.
En ce qui concerne la Grande Ile, le fatidra est une institution qui
a pour but de créer entre deux personnes des relations artificielles de
fraternité, ce dernier mot étant pris dans son sens restrictif.
(1) Doutté: Magi€' ri Religim, dam l'Afrique du Nord. Alger, 1908, page-tp .
-75-
vis-à-vis de l'autre expie sa trahison en tombant aussi bas que les choses
qui sont dans ce 'van , qu'il devienne aussi repoussant .que la fiente
perdue dans la campagne, aussi malheureux que les sauterelles dont le
cou est tordu, aussi misérable que l'herbe séchée au soleil et aussi mépri-
sable que l'épi dépouillé de son grain, etc. ». On procède ensuite aux
incisions, faites à l'épigastre; le sang est recueilli sur un morceau de
gingembre, ou dans un vase contenant de l'eau. Les contractants ayant
ainsi mêlé leurs sangs, en absorbent chacun la moitié, soit en mangeant
le gingembre, soit en buvant le liquide.
A l'issue de la cérémonie, un festin réunit généralement les parents
et les amis des « frères de sang n,
Coutume Sakalao«. - Au lieu d'un van, on prend un vase conte-
nant de l'eau dans lequel on met successivement sept morceaux ou
pièces d'argent, sept grains de poudre, sept pierres à fusil, sept
balles, sept os de bœuf, sept cœurs d'herbe, sept grains de sable
pris dans une fourmilière; sept morceaux d'écorce d'un arbre et
sept pincées de terre prises aux quatre points cardinaux. L'officiant
plonge dans le vase la pointe d'une sagaie dont les contractants tien-
nent la hampe à pleines mains et prononce les paroles sacramentelles
suivantes, tout en frappant à petits coups, avec un couteau, le fer de
la sagaie: « 0 vous qui faites le [atidra ! rappelez-vous bien la signifi-
cation de chacun des objets (qui sont dans le vase) : l'argent veut dire
que vous devez partager en frères vos biens; la poudre, les balles et les
pierres à fusil indiquent que les combats et les dangers vous seront
désormais communs; les os de bœuf signifient que vous devez vous
livrer ensemble à la joie des festins; les cœurs d'herbes que vous devez
errer ensemble dans les forêts, si le sort vous oblige à vous y réfugier;
le sable vous dit que vous devez travailler ensemble, et la terre prise
aux quarre points cardinaux que chacun de vous doit suivre son frère
partout. ',2, 3,4, 5, 6,7 est le nombre des jours de la semaine, c'est
-77-
aussi celui des années qui s'écoule avant de les compter de nouveau (1).
Il vous indique que vous deve z vous entr'aider pendant les jours et les
années.
« Si l'un de vous viole une seule des obligations du [atidra, que sa
vie soit brisée et qu'il périsse par le fer d'une s ,gaie semblable à celle
que vous tenez »,
L'un des contractants se fait ensuite, avec le couteau de l'officiant,
une incision à l'épigastre; le sang recueilli, mêlé à une cuillerée de
l'eau consacrée, est bu par l'autre qui, à son tour, se fait une incision
dont le sang est bu par le premier.
Chez les Bara la cérémonie est la même, mais on met dans un vase
contenant de l'eau un tison prélevé au foyer de la case, un peu de suie,
des grains de sel et de la terre prise aux quatre coins de l'habitation.
En outre, on immole un ou plusieurs bœufs dont la chair constitue la
base du repas qui réunit les « frères de sang », l'officiant et les assis-
tants.
Chez les Anrandroy le [atid ra est désigné sous le nom d'ati-kena.
La cérémonie est la même .que celle des autres tribus, sauf en ce qui
concerne l'eau consacrée. Voici Comment on procède: Dans une
marmite ou une calebasse remplie d'eau, l'un des contractants met
sept pincées de cendre, puis il trace sur le sol une croix et, aux deux
bouts de chacun des bras de cette croix, il prend une pincée de terre
qu'il jette en sept fois dans le récipient; la cérémonie se déroule
ensuite comme nous l'avons dit. L'incision se fait avec la pointe de la
sagaie et chacun avale la goutte de sang de l'autre.
Les personnes unies par le [atidr« se considèrent comme frères;
aussi le mariage et les relations sexuelles sont interdits entre un homme
et une femme liés par le [atidra. •
Toutefois, chez les Antandroy, les femmes de deux cc frères de
sang » leur sont communes, alors qu'une telle pratique est fady entre
frères utérins ou consanguins. Cette faculté pour un homme d'user
ainsi de la femme de son [atidra est admis ans lusieurs autres tribus.
_\-10)"+
• +l ."Co
Sanlal ~ ~.
't- !
Autrefois, la fondation d'un nouveau '!.!::g~, la construction d'une
maison, des parcs à bœufs, l'érection de tsangant-bato étaient précé-
dées de cérémonies spéciales accompagnées de sacrifices ayant pour but
de protéger hommes et bestiaux contre les esprits malfaisants.
Dans tous les cas, il fallait déterminer d 'abord l'époque favorable;
puis, pour un village, on commençait par ériger une pierre sacrée, on
procédait ensuite à la plantation d'arbres choisis parmi les essences
réputées par leur basina.
Aujourd'hui, ces usages ne sont plus strictement suivis que dans les
parties de la colonie où les coutumes anciennes sont encore observées.
Mais, dans toute l'Ile, les règles anciennes concernant la cons-
truction des maisons continuent à être appliquées, au moins en partie.
C'est ainsi que l'on constate, en Imerina par exemple, que les maisons
ont les pignons au Nord et au Sud, que les façades sont à l'Ouest et que
la porte principale n'est jamais placée au Nord, ni au Sud, ni à l'Est.
Agir autrement serait violer les [ady, selon lesquels la maison serait
abandonnée, si les pignons étaient à l'Est et à l'Ouest; le propriétaire
qui mettrait sa porte au Sud deviendrait sorcier; celui qui la mettrait
à l'Est verrait sa femme mourir, enfin la placer au Nord attirërait la
foudre.
D'autre part, il est fady de commencer à bâtir une maison pendant
le mois d'Alahamady, sous peine de ne pas atteindre la vieillesse, ni en
Adaoro, car on aurait peu de postérité, ni en Adizaoza, on risquerait
de mourir jeune. Enfin, faire les fondations d'une maison en Alahasaty
ne permettrait pas de devenir riche et bâtir une maison avec un retour
d'aile en Alakarabo donnerait des enfants jumeaux.
-79 -
Ces exemples, qu'il serait aisé d'augmenter, donnent une idée des
difficultés, d'ordre sentimental, que rencontre le Merina qui désire
bâtir une maison.
Partout ailleurs, on constate des entraves du même genre dont la
simple énumération serait fastidieuse.
Le choix des matériaux fait également l'objet d'interdictions dont
beaucoup sont aujourd'hui tombées en désuétude. Dans la région des
lacs Itasy et Alaotra il était lady de construire des maisons en maçon-
nerie; autour du lac Alaotra nombre de Sihanaka se conforment
encore à cette règle . On a peine à croire qu'à Tananarive même cette
interdiction était, en 1830, religieusement observée. Ce lady est,
d'ailleurs, général dans toute l'Ile et les médecins indigènes qui ont
servi dans le Sud et dans l'Ouest, il y a quelques années seulement,
savent que c'est une des raisons pour lesquelles malades et femmes
enceintes refusaient de se faire hospitaliser dans les bâtiments de
l'Assistance médicale indigène, construits en maçonnerie.
La maison étant achevée, il faut, avant de l'habiter, « pendre la
cr érnaillère » : c'est le fitokallantrallo des Malgaches, l'inauguration de
la maison, qui donne lieu à une céh . onie familiale comportant
l'immolation d'un mouton oiIçde volai)le.
Une particularité importante de la cérémonie est celle du feu, qui
doit être porté par une jeune fille ayant ses père et mère vivants. Le
feu est déposé sur le foyer, après une invocation et des souhaits au
propriétaire. On ne doit pas laisser ce feu s'éteindre, pendant trois
jours. Il s'agit là d'un rite purificatoire caract érisé ; on sait, en effet,
que lefeu, comme l'eau et le sang, est un des éléments principaux des
purifications religieuses malgaches.
Mais les Malgaches consid~rent la cérémonie d'inauguration de la
maison comme un santatra.
La traduction habituelle de sant a/ ra, par prémices, est correcte, mais
insuffisante. En effet, santatra ce sont « les premiers fruits de la terre,
du bétail que l'on offre à la divinité », au roi, au chef, ce qui revient
- 80-
Le 1androana
Le [androana ou fête du bain (jaudroana signifie bain) etait autre-
fois la plus grande fête Merina. Elle a été célébrée, pour la dernière
fois, le 22 novembre 1896. On sait que la royauté a été abolie, en
Imerina, par un arrêté de Gallieni du 28 février 1897 ; depuis, notre
Fête Nationale a remplacé, pour les indigènes, celle du [androana.
Il est, toutefois, utile de rappeler les particularités de la fête du bain
qui permettent de mieux comprendre l'âme des Merina.
- 81-
'bouc herie ; toutefois, la mise à mort des volailles était tolérée, m ais
seulement pour le peuple. Il s'agit, dans ce cas, d'un tabou du sang
limité dans le tem ps ou d'une sorte de jeûne.
Pendant la semaine qui précédait le [aud roana, on échangeait des
visites et des cadeaux entre parents et amis, voire même entre habi-
t ant s d'un même village. Les enfants offraient le solom -bodiakobo
(litt. remplaçant du croupion de poule, part du chef de famille, des
aîn és, erc.) aux parents qui répondaient par le solom -penahobo (litt.
remplaçant de la cuisse de poule, morceau réservé aux enfants, aux
.jeunes ... ) . En fait , on échangeait des présents, en argent ou en nature.
Il en était de même pour le jaka qui, primitivement, consistait en un
morceau de la viande du bœuf abattu le jour de la fête. Le jaka était
rigoureusement obligatoire. Les hommes devaient l'offrir à leurs mai-
tresses, sous peine de perdre la face; d'ailleurs, jusqu'en 1869, l'Etat ne
manquait pas de leur rappeler, en temps utile, cette obligation.
La semaine précédant le [and roana était aussi l'époque des réconci-
liations : les époux séparés reprenaient la vie conjugale, les parents et
les amis fâchés se réconciliaient, tout au moins pour la durée des fêtes.
La veille et le jour du bain royal, à la tombée de la nuit, les enfants
sortaient munis de torches allumées qu'ils agitaient, tout en courant,
autour des villages . Cette cérémonie était appelée barendriua, mot-qui
a le sens d'errer. Vu du sommet de Tananarive, le spectacle de ces feux
mobil ës illuminant tout le pays, jusqu'à l'horizon, était féérique . Nous
avons gardé une impression très vive du premier spectacle de ce genre
auquel nous avons assisté, en 1887, et qui contrastait avec la tristesse
habituelle des paysages Imériniens.
La nuit de la veille du bain royal, après les barendriua, les familles
ayant perdu un ou plusieurs membres pendant l'année écoulée, s'assem-
blaient pour le [am oizaua, renonciation. Les femmes se livraient jus-
qu'à I'aurore aux lamentations rituelles.
Le grand jour, celui du bain. royal, était marqué par des cérémoniès
qui se succédaient dans l'ordre suivant:
- '83
en disant: « J'impose cette matière sacrée sur votre tête; ce n'est pas
le riz qui est saint, mais vous, de façon que la mort n'ait pas de prise
sur vous! » Il faisait ensuite une onction avec le miel en disant:
« J'impose ce miel doux sur votre tête. Vous serez plus estimé que le
miel, vos paroles seront douces à entendre! »
Cette cérémonie, qui avait une grande importance, a tous les
caractères d'un rite agraire;
8° Cette même journée était également consacrée à l'immolation
des bœufs, qui devait avoir lieu pendant que le soleil montait au zénith,
d'habitude de grand matin, pour permettre au peuple de sacrifier ses
bœufs pendant que le soleil était encore en ascension.
Le sacrifice royal d'un bœuf volavila, - de couleur rouge, marqué
de taches blanches au front, au dos, à la queue et aux jambes, - devait
être terminé avant que le peuple pût commencer les abatages de
bovidés auxquels il se livrait ce jour-là. 11 convient de rappeler que
pendant les cinq jours qui suivaient il était interdit d'abattre des
animaux de boucherie.
L'immolation du bœuf volavita était autrefois présidée par le souve-
rain, monté sur un des tombeaux royaux devant lequel le sacrifice était
Îâit:. L'animal, la tête tournée vers l'Est, ne devait pas pousser un cri
pendant qu'on lui coupait la gorge. Le sang de l'animal était soigneu-
sement recueilli dans un récipient n'ayant jamais servi Le sacrificateur
présentait le c~uteau sanglant au roi qui le léchait et se faisait des
onctions sur diverses parties du corps avec le sang qui adhérait à la
lame. Des tiges de zozoro (Cyperus œqualis) étaient trempées dans le
sang, puis suspendues au-dessus des portes, pour protéger la maison et
ses habitants contre la foudre, l'incendie ou les lolo malfaisants.
Durant l'immolation du bœuf, le Roi invoquait ses ancêtres et priait
pour la prospérité du royaume.
Au sacrifice sanglant succédait un holocauste: devant les sept tom-
beaux alignés dans la cour du Palais, les « filo utiandalana », on brûlait
un morceau de la bosse du bœuf uolavita immolé, enfilé dans une sorte
- 86-
Chez les Sakalava, les reliques des ancêtres royaux et aien t l'objet
d'un culte solennel qui était célébré chaque année, un lundi, jour
favorable, de la première moitié du mois lunaire de fan java ma nitraha,
juillet.
La dernière cérémonie de ce genre dans le Menabe a eu lieu, en
19'5, à l'occasion du transfert à Belo des D ad y des anciens rois Saka-
lava de cette région.
A Mahabibo, près de Majunga, les Dady sone enc ore hon orés chaque
année.
Les dady ou jillY que nous avons déjà décrits sont déposés dans une
maison minuscule appelée zombakely ou zomba lady, éd ifiée dans
l'intérieur de la maison royale, dite zombabe. L'ensemble est protégé
par une double enceinte de pieux pointus.
Au jour fixé, les bœufs destinés aux sacrifices sone attachés entre la
) première et la seconde enceinte; ces bœufs son t spécialement choisis.
J- L 'ordre de les immolez.est donné du zombabe. Les animaux sont tués
avec une sagaie réservée à cet usage. Aussitôt que l'animal a été
1 . immolé, la sagaie est lavée dans un vase contenant de l'eau; cette eau
sert ensuite à asperger la fo ule, Des femmes chantent et battent des
mains, on tire des coups de fusil à l'extérieur, cependant que les descen-
danes des anciens rois, vêtus de rouge, posent les dady sur leurs épaules
et les portent 'religieusemen t , puis ils les baignent et les enduisent de
miel et d'huile de ricin. La foule se prosterne et prodigue aux dady les
salutations d'usage, après quoi on les rentre cérémonieusement dans
le zomba lady. Les assistants boivent et arrosent leur visage avec l'eau
du bain sacré.
Le moment de partager la viande arrive. Cette opération, qui com-
porte un simulacre de dispute, provoque un grand tumulte et la fuite
des femmes.
. Le vendred~ suivant est consacré aux réjouissances populaires.
- 88-
Sacrifices d'illitiatioll
Les Ombiasa, masy, III pallalldro, 111pisikJdy et gardiens d'idoles
jouent, dans la vie des Malgaches, un rôle beaucoup plus important
qu'on ne le croit communément. On l'a bien vu, lors des mouvements
insurrectionnels qui se sont produits depuis la conquête en divers
points de la colonie.
Leur influence n'a pas toujours le même caractère xénophobe,
comme l'atteste un ala-jad y, enlèvement de tabou, d'un grand intérêt
économique, qui fut solennellement célébré à la ferme vétérinaire de
Morahariva, en pays bara, le 24 novembre '929,
Il s'agissait de lever l'interdit du porc qu'il était rigoureusement
fady d'élever et de manger.
La cérémonie se déroula selon les rites: immolation d'un bœuf et
aspersion de l'assistance avec l'eau consacrée où avait été trqmpé le
couteau sanglant ayant servi au sacrifice. Au grand repas qui suivit,
chacun mangea de la viande de porc, puis on fit les libations cou tu-
rnières et, selon l'usage, la fête se termina par des luttes (ringa) et des
danses.
Si l'on est fixé sur le rôle des ombiasa, masy, mpisikidy, etc., on est
assez mal renseigné sur l'éducation spéciale qu'ils reçoivent et sur les
rites de leur initiation.
Pour les Antairnoro, on sait qu'ils apprennent à lire et à écrire
l'arabico-malgache et que les anciens leur donnent ensuite l'enseigne-
ment spécial qui a, d'ailleurs, un caractère rigoureusement ésotérique.
Depuis quelques années, un certain nombre d'entre eux vont suivre les
- 89-
ensuite les signes fournis au moyen d'une table qui est la clef du sikid».
Cette table qui est également employée par les mpisikidy pour l'ensei-
gnement de leurs disciples, est constituée par une planchette où sont
gravées les seize formes que peuvent présenter les figures du sikidy.
Elles sont disposées sur quatre rangs de quatre cases chacun qui, de
même que l'écriture arabe, se suivent de droite à gauche. .
Quand il donne ses consultations, le mpisikidy n'a pas besoin du
secours de cette clef qu'il possède parfaitement.
L'étude comparative des différentes méthodes suivies à Madagascar
pour consulter le sikidy est encore à faire. Les procédés paraissent pour-
tant à peu près semblables. La terminologie usitée présente quelques
.diff érences, comme d'ailleurs l'interprétation des figures. Il ne faut pas
perdre de vue, enfin, qu'il s'agit d'une doctrine ésotérique sur laquelle
il est difficile d'être renseigné avec toute la précision désirable.
A titre documentaire, voici quelques listes des noms des figures du
sikidy en usage dans différentes régions de la Grande Ile, avec l'indica-
tion des auteurs au xquels nous les avons empruntés:
10.. Alicozaza (1) Adimiza (2) puella (1) al-k ûsadji, qui a la barbe
clairsemée (2) ; a1mizân, la ba-
lance.
1 1. Adabara, minor fortuna ad-dabarân, le taureau.
12. Alaazadi, major fortuna al-asad, le lion.
IJ. Assornboulo, populus as-sunbula, l'épi.
14. T areche, via r'ariq, le chemin.
1S. Al1isima, conjonctia al-idjitim'a, la rencontre.
16. Alocola, carcer al-iklil, ~ ;; " du Scorpion.
Après la liste qui précède, Flacourt ajoute: I l Toutes ces figures ont
mesme signification et vertus, comme celles que les Autheurs de l'Eu-
rope leur donne ». Notre ignorance de la géomance européenne ne nous
permet pas de vérifier. Nous avons simplement rectifié la liste latine
aux N °' 7 et 8, I l et 1Z manifestement inexacte, simples erreurs typo-
graphiques d'ailleurs.
Liste Guénot Liste Le Barbier
Sakalava du Menabe (1907) Bara Imamono (1916)
1. Alohotsy, 16. Alohotsy,. 12.
2. Adalo, 15. Adalo, J.
J. Alihaza, 4. Aliazaha, 2.
+ Alikisy, 8. Alikisy, 15.
5. Alakaosy,6. Alakahosy, '4.
6. Karija, 2. Kariza, 1 . ...
7. Alahamora, 12. Alahamora, 11.
8. Alibeavo, '4o Alibiavy, 4,
9. Alakarabo, 13· Alakarabo, 16.
10. Alikasajy, I l . Alakasazy, 8.
II. Adabarav z. Adabaraha, 10.
12. Alahasady, 3. Alasady, 7.
1J. Asombola, 5. Asombola, 6.
1+ Taraika, 1. Tareky, 5,
93 -
t s.
Alitsimay, 10. Alisimahy, 9.
16. Alokola, 9. Alokola, t 3.
TABLEAU l
4 3 2. 1
9 II 10 15
fahasivy ombiasa hanina OU zanahary
haja
0 0 o 0
0 0 o 0
0 o 0 0 o 0
0 o 0 0 o 0
Il. 14 13 16
soro t any t ovolahy lalana O U kiba OU
safary trano
0 o 0 0 o 0
0 o 0 0 o
0 0 0 0 .0
0 0 0 0 o
TABLEAU II
o
o
o Taraiky. Maigreur. Chemin.
o
o
o Karija. Esclave. Froid en paroles.
o
o 0
o 0
o Alakaosy. Enfant. Mauvaises pensées.
o
o
o 0
o 0 Adabara. Zanahary. Le' plus sacré.
o
o
o
o Alikasajy. De uil. Ody.
o 0
o 0
o
o 0 Alahijana. La femme. La mort.
o 0
o 0
o 0
o 0 Alikisy. Terre. Faste.
o 0
o
o 0
o 0 Asombola. Abondance.
o 0
o 0
- 99-
o 0
o Alohotsy. Argent. Malheur.
o 0
o
o
o 0 Adalo. Chef ou enfant. Pleurs.
o
o 0
o 0
o Alatsimay. Esclave. Mauvaises pensées.
o
o 0
o
o 0 Alokola. Maison. Nourriture.
o 0
o
00
00
o Alahiavo. Joie. Lolo.
00
o 0
o Alahamora. Ombiasa. Foule. Chagrins.
o
o 0
o
o Alahasady. Nourriture. Colère.
0 '0
o
o
o 0 Alakarabo. Brigands. Malheur.
o
o
- 100-
Les maléfices
Les Malgaches croient fermement à l'existence des maléfices qu'ils
redoutent, d'ailleurs, par dessus tout. Nous avons déjà effleuré ce sujet
qui, par son importance, mérite que l'on s'y arrête.
recueil de lois attesté par un document écrit, est ainsi conçu: « Fait
perdre la liberté à ses auteurs et entraîne la confiscation de leurs biens:
le crime de sorcellerie, lorsqu'il est dénoncé par un particulier et que
J'accusé succombe à l'épreuve (du tanguin). Si, au contraire, il s'en
tire sauf, le calomniateur est condamné à payer un taha (dommages-
intérêts) de 29 piastres 1/2 ».
Cette disposition visait le cas où le tanguin était administré à un
animal représentant l'accusé. Cet adoucissement à la coutume ancien-
ne, qui obligeait ce dernier à boire le poison d'épreuve, avait été édicté
par Radama I.
L'article 25 du même Code confirme la coutume qui exigeait que
les sorciers fussent inhumés la tête au Sud, contrairement à l'usage,
encore suivi de nos jours, selon lequel les morts doivent avoir la tête à
l'Est. Voici, d'ailleurs, la traduction de cette disposition légale: « Qui-
conque sera accusé d'avoi~ inhumé un sorcier la tête tournée vers J'Est,
sera puni d'une amende de quatre bœufs ct de quatre piastres. Si le
coupable avoue, sans qu'il soit nécessaire de le soumettre à l'épreuve
du tanguin, cette amende sera réduite ;IU paiement de quatre pias-
tres ».
Ajoutons que le seul fait de dormir la tête au Sud constituait une
présomprion de sorcellerie.
Les indigènes restent toujours fidèles à l'usage de disposer leur lit de
façon à avoir la tête à l'Est.
L'ordalie de Tor, encore en vigueur dans le Sud de l'Ile, consiste à
boire un mélange d'cau ct de sang de bœuf dans lequel on a fait bouillir
un bijou, bague ou bracelet, en or.
Celle du fer rouge, pratiquée également dans le Sud, consiste à passer
sept fois sur la langue de l'accusé un fer préalablement chauffé; s'il en
sort indemne, soit sans hémorragie, son innocence est proclamée ct il
reçoit l'indemnité coutumière.
L'épreuve de l'eau consiste à prendre, sans brûlure, un objet déposé
dans une marmite d'eau bouillante.
- 106
Pour celle du fusil, en usage chez les Bara, l'accusé doit tirer un coup
de feu avec une arme ayant reçu une très grosse charge de poudre,
fortement bourrée; si l'arme ne subit aucun dommage, l'accusé est
réputé innocent.
Enfin, l'ordalie du crocodile consiste il traverser un cours d'eau il la
nage. Si l'accusé sort indemne de cette épreuve, c'est-à-dire sans avoir
été blessé, même légèrement, par un crocodile, son innocence est recon-
nue et il a droit à l'indemnité d'usage. Cette ordalie était de pratique
courante sur la côte orientale de Madagascar.
Les maléfices des sorciers sont infiniment variés. Nous nous borne-
rons à citer quelques exemples caractéristiques:
Fandika : sortilège déposé sur un chemin. Toute personne qui passe
au-dessus aura une m~ladie des organes génitaux.
Fehitratra : sortilège qui détermine une paraplégie. Il est employé,
sur les côtes, par une maîtresse désirant se yenger de l'abandon d'un
amant originaire des Plateaux, qui souvent s'est enrichi grâce à son
concours.
Rao-dia: consiste il ramasser une pincée de terre foulée par une
personne pour l'ensorceler.
Le bitsak'alokll rappelle le dernier vers du quatrain suivant de Bau-
delaire :
Dans le pain et le vin destinés il sa bouche
Ils mêlent de la cendre avec d'impurs crachats;
Avec hypocrisie ils jettent ce qu'il touche,
Et s'accusent d'avoir mis leurs pieds dans ses pas (1).
On ensorcelle quelqu'un en foulant l'ombre de ses pas.
Rao-dia et bitsak'aloka sont vengeances de femmes. Ces sortilèges
déterminent la mort subite et inexplicable des personnes qui en sont
victimes.
Tsi t ra-bad y mantsaka : « qui n'est plus trouvé en vie par sa femme,
quand elle revient de chercher de l'eau ». Cette mort rapide est imputée
aux maléfices des sorciers.
Fanony: charme puissant qui permet aux voleurs d'opérer impu-
nément.
FOI/oka, sortilège qui provoque une anesthésie totale. Il est employé
également par les voleurs pour dévaliser leurs victimes qui, plongées
dans un sommeil profond, ne peuvent défendre leurs biens.
Tara/ra: c'est un miroir qui permet au sorcier de dérober l'image et
par suite l'âme d'une personne. ïafin de provoquer sa mort.
Tendribatolca , consiste à se procurer des cheveux, un seul suffit
d'ailleurs, de la personne que l'on veut atteindre; ces cheveux doivent
être arrachés à la partie de la nuque où un coup porté est mortel. Ces
cheveux sont enterrés profondément avec de la boue prise dans un
marais, de la graisse d'un bœuf crevé et des fragments d'un bois ayant
servi à porter un mort. La victime tombe malade peu après.
T'obina : indigestion déterminée par des aliments pris hors de chez
soi et qui ont été ensorcelés.
Tsougodia : analogue au rao-dia. On se procure de la poussière sur
laquelle a posé les pieds la personne que l'on veut atteindre; le sorcier
la grille dans une marmite et prononce des incantations.
Odl-fitia : philtre. Il en existe de deux sortes: l'un fait naître
l'amour chez la personne convoitée et sa famille, son usage est licite.
L'autre rend fou et fait mourir.
CHAPITRE III
LA VIE SEXUELLE
"~,f.: "
rt.f.-JE ~
Il'' "0" ~~
ot/iA\fl
~~
..
.. .
La croyance à l'impureté de la femme explique que chez les Betsi-
misaraka, pendant les repas, la femme doit se servir d'une cuiller ou
d'une feuille pliée pour puiser dans le plat, tandis que l'homme n'en
- 111-
utilise qu'une seule. De même, quand elle a ses règles, la femme saka-
lava est tenue de se laver les mains avant de cuire les aliments.
Dans nombre de cérémonies: circoncision, rites funéraires, etc.,
hommes et femmes sont' séparés.
Cette séparation des sexes est également constatée après la mort:
dans les kihory (cimetières du Sud-Est dont nous reparlerons) hommes
et femmes sont entassés séparément. Il en est également chez les Bara;
les femmes ne sont pas inhumées avec leur mari (1).
Il est difficile de connaître, avec quelque précision, le caractère que
les Malgaches attribuent à l'acte sexuel. Il semble cependant qu'ils le
considèrent comme sacré; certains détails paraissent l'attester, par
exemple l'usage des Antaimoro de réserver une natte spéciale pour la
couche nuptiale. C'est du reste une coutume que l'on constate égale-
ment chez les Betsimisaraka et les Bezanozano et qui a dû être générale.
Il n'est pas douteux que l'affectation particulière de cette natte expli-
que son caractère sacré. D'autre part, il est rigoureusement fady, chez
les Betsimisaraka, d'avoir des rapports sexuels en plein air. A l'extré-
mité de la Pointe Hastie, à Tamatave, il existait, il y a quelques années
encore, une pierre levée désignée, par euphémisme, vain be allaralla,
litt. « pierre au gros nom )J, qui commémorait, au dire des indigènes,
l'aventure tragique de deux amoureux qui avaient payé de leur vie
la violation de ce [ady et qui, aggravation singulière, avaient été trou-
vés si fortement accouplés qu'on ne put arriver à les séparer.
Cette légende 'ét iologique paraît également confirmer le caraçtèrc
sacré de l'acte sexuel.
On ne possède aucun renseignement sur la défloration préalable au
mariage. Vincent Noel a écrit à ce sujet: « Les Sakalava paraissent
tenir aussi peu à la virginité de leurs femmes qu'à leur noblesse. Les
(1) En règle générale. la femme mariée est ensevelie dans le tombeau de sa famille.
Elle peut l'être dans celui de la famille de son mari, sur la demande expresse de cc
dernier, mais avec l'assentiment de sa famille.
- 112-
jeunes filles se déflorent elles-mêmes quand elles n'ont pas été déflorées,
dès leur bas âge, par leur mère, et un père ne marie jamais sa fille avant
que cette opération ait été menée à bonne fin par l'une ou par l'autre.
Les princesses seules restent intactes ou sont censées demeurer telles
jusqu'à l'époque de leur mariage; la manifestation du moindre doute
à cet égard est un crime de lèse-majesté » (1).
Nous avons relevé, dans le manuscrit 8 (2) du fonds arabico-
malgache de la Bibliothèque Nationale, page 30, le curieux passage
suivant d'une pri~re: « 0 mon Maître... éloigne de moi ... tous ceux
qui me méprisent méchamment, ceux qui sont près, ceux qui sont
loin, les hommes libres, les rois... les seliatry (3), les femmes trouées
(iv({vy tombolia), les filles non trouées (iv({vy tsy tomboka...) ))
C'est le seul texte, à notre connaissance, où il soit question de femmes
déflorées et de femmes vierges. Nous r
avons vainement cherché dans le
folk-lore une distinction de ce genre. Cela n'est pas surprenant si l'on
considère que les Malgaches ne se préoccupent jamais de l'intégrité
des filles, qui a tant d'importance chez nombre de peuples. Cette
indifférence est telle que la langue malgache ne possède pas de mot
pour exprimer l'idée de virginité.
Dans la prière ci-dessus, certainement importée, le traducteur s'est
servi du mot tomboka qui, dans les dialectes de la Côte Est, signifie
troué. Les missionnaires européens ont malgachisé le français vierge
et l'anglais virgin qui ont donné la forme uiriiiny.
Il est utile aussi de mentionner que les indig ènes sont persuadés que
les jeunes filles, au moment de la formation, seraient étouffées par le
sang qui ne pourrait se frayer une issue, si elles n'étaient pas déflorées
en temps utile. Cette croyance, encore très répandue dans le peuple,
explique également la conception particulière des Malgaches au regard
(1) Vincent Nod: Reçherches sur les Sakkalava. Paris, 1844 . p. 56.
(2 ) Ce manuscrit a été apporté en France en 1742.
(} ) Nous parIerons plus loin des Sekatry.
- 113
recon n aissent éga lement à la jeune fille le droit de jeter sa gourme qui,
chez nous, est l'apanage exclusif du sexe fort. Elle en use, sans être
le moindrement déconsidérée, à la condition de sauvegarder les appa·
•renees, ainsi d'ailleurs que l'exige la coutume. •
Mariée, la femme malgache a, généralement, une conduite irrépro-
chable. Elle s'attache sincèrement à son mari et chérit ses enfants.
On constate cependant chez les jeunes générations qui, par esprit
d'imitation, affichent une pruderie presque excessive, que l'adultère
est plus fréquent que jadis.
La vie féminine présente, selon les tribus, quelques différences de
détail, mais on retrouve partout la même liberté pour les filles de
B
- 114-
pas pour quoy que ce soit au monde avoir affaire à un autre homme,
croyans fermement, que si cela leur arrivoit, leur mary y seroit ou tué
ou blessé. Elles croyent qu'à force de danser cela donne des forces,
courage et bonheur à leurs maris ainsi elles ne se reposent guères durant
ce temps-là, qu'elles observent très religieusement » (1).
Quelques citations des principaux ouvrages relatifs à la Grande Ile
montreront comment a été appréciée, du xvn" au XIX' siècle, la liberté
dont jouissent les jeunes filles malgaches.
Voici d'abord ce que dit Flacourt: « Avant que d'estre mariée,
elles (les filles) se jouent tant qu'elles veullent, et se prostituent à tom
venans pourveu qu'ils payent et si un homme a manquer à les payer
elles vont effrontément lui oster sa pagne sans qu'il ose se défendre,
mais il tasche aussi-tost d'appaiser celle qui lu y demande le payement,
de peur de recevoir affront; ainsi c'est la coutume de ce pais, que la
simple fornication, entre ceux qui ne sont pas mariez, n'est point
pêché envers Dieu ni envers les hommes. Les filles ne voudroient
espouser un garçon qu'elles ne l'eussent esprouvé plusieurs fois, et
long-temps auparavant» (2).
Ces considérations s'appliquent au Sud-Est de l'Ile que Flacourt
connaissait fort bien.
Le Révérend Ellis, qui est surtout documenté sur les Merina, a
écrit: « Leur sensualité est universelle et grossière, quoique générale-
ment cachée: ils ne croient pas que la continence puisse exister dans
l'un ou l'autre sexe avant le mariage, aussi n'est-elle pas regardée
comme un vice » (3).
Le capitaine Ca rayon, qui a étudié sur place l'Ile Sainte-Marie, a
publié, sur cette dépendance, un intéressant ouvrage: Histoire de
l'Etablissement Français de Madagascar pendant la Restauration, Puis,
côte Est, sous le nom de tsy miboriraua, « qui ne couchent pas sur le
côt é » et au Betsileo : tsy man etsa, « qui ne transplantent pas le riz n ,
Il faut mentionner encore une prostitution récente qui sév it dans
les localités importantes, depuis un peu plus de t rente ans .
Jadis, chez les Merina, la nuit du fandroana se pa ssait en co m m u n
dans une promiscuité complète. Il en ét ait d e même dans certaines
circonstances. Le Révérend Elli s cite un exem ple d'alld ro t sy mat y,
c'est ainsi que l'on appelait Ces cérémonies orgiaq ues, à l'occasion d e la
na issance de la fille de Rasalimo, sœur de R adam a I. Voici les q uelq ues
lignes qu 'il lui consacre: « The town (f ananarive ) , by reaso n of the
scenes which the streets and lanes almost ever ywhere ax hibit ed
appeared like one vast brothel , and the period w as ca lled androtsy-
maty i. e. a. time in which the law could not condemn , or in which
could not inflicted », (H ist ory of Madagascar. Londres, 1858, tome
II, p. 150).
A. Copalle, dans son Voyage dan s l'int érieur de Madagascar et à la
capitale du roi Radama pendant les ann ées 182 5 et 1826 (Bulletill de
l'Académie Malgache, vol. 8, pages 29 à 64 ), note, à la date du 16 mars
1826, ce qui suit: « Le soir de l'accouchement de Rassalima (sic ) le
roi, transporté de joie, avait accordé à son peuple une permission qui
excita le courroux religieux des missionnaires et désola M. Hastie, à qui
elle manifesta le peu de progrès de son. élève dans la civilisation. Par
ordre du Monarque, les femmes de toutes les classes, mariées ou non,
. Mifady ou non Mifady, furent mises pour une nuit à la discr étion des
jeunes gens »,
Chez les Betsiléo; les funérailles sont accompagnées de d ébord em ents
du même genre, que le missionnaire Shaw a sig na lé en ces t ermes :
(( During the time that the corpse is above gro und a scene of the
wildest riot and grossest licenciousnes prevails )) (/1 I1t'II/dllariL'0 A unnal,
reprint p. 407).
Le Barbier a mentionné également qu'en pa ys Bara les veillées m or-
tuaires sont marquées par « des scènes licencieuses et immorales ))
- 118-
1
- 119
------~
(1) Leguevel de Lacombe: Vo)'age à Madaga scar ri aux Urs Co mo res. Paris, 1840.
tome I, pages .11.8 et suivantes.
[a Flacourt: His/oire de la Grande Isle Madagasrar, p. 86.
120 -
c'est qu'il n'est jamais tenu pour responsable des circonstances parti-
culières de sa naissance, Aussi, nos distinctions en enfants légitimes,
naturels, adultérins et incestueux sont inconnues. Il est vrai que, pour
la masse du peuple, il n'y a pas nécessairement relation de cause à effet
entre l'acte sexuel et la conception. Tout comme en Europe au Moyen-
Age, elle croit à la possibilité d'une lucina sille concubitu. Nous avons
maintes fois entendu affirmer très sérieusement que des femmes avaient
été fécondées en rêve, en l'absence prolongée de leurs maris. Nombre
de contes populaires confirment cette croyance avec des variantes:
grossesse consécutive à certains sacrifices ou encore à l'ingestion de
mets possédant des vertus magiques.
La coutume cruelle qui exigeait la mise à mort des enfants nés un
jour lady, générale à Madagascar, ne saurait infirmer ce que nous avons
dit de l'amour des indigènes pour les enfants. Il s'agit, en effet, selon la
croyance des Malgaches, d'une mesure d'intérêt public, l'enfant né un
jour lady étant réputé devoir être dangereux pour sa famille et pour
la société. Depuis fort longtemps, d'ailleurs, la coutume s'était adoucie
et diverses cérémonies, dont nous parlerons plus loin, permettaient de
dé tabouer l'enfant sans qu'il fût nécessaire de le ruer.
CHAPITRE IV
Il'
1
La naissance
cuire du riz que la femme devra manger, en aussi grande quantité que
possible, afin d'être forte quand le moment où elle aura besoin de
« pousser » arrivera. Sur ses indications, on prépare la sorte d'alcôve,
faite de nattes, soigneusement calfeutrée, où la parturiente séjournera
pendant huit jours après l'accouchement et on fait provision de bois
pour entretenir le feu qui devra brûler, dans cette alcôve, jour et nuit
durant ce temps. Ce feu a pour but de préserver la mère et l'enfant
des lolo (esprits malfaisants).
Le moment venu, la parturiente, les jambes écartées, s'accroupit et
se cramponne par les mains aux épaules de la sage-femme, également
accroupie et lui faisant face. Cette dernière, les mains préalablement
graissées, opère des massages sur les flancs et presse doucement sur le
périnée pour amener la tête de l'enfant vers la vulve, puis la délivrance
s'effectue.
En Imérina, la parturiente doit s'abstenir, pendant tout le travail,
de pousser le moindre cri, de peur de nuire à l'enfant. Ce fady n 'est pas
général; les femmes Sakalava, par exemple, ont licence de crier et ne
s'en priven t pas.
Pendant tout le travail la sage-femme peut boire, mais ne doit pas
manger.
Quand l'enfant est sorti, le cordon ombilica'i est ligaturé avec une
fibre de raphia ou de chanvre, puis coupé soit avec un couteau (Ime-
rina) soit avec un morceau de bambou (Sakalava, Betsimisaraka). .
L'enfant est lavé, la tête d'abord, le corps -ensuite, en évitant de
mouiller le cordon.
L'accouchement se fait en présence des parentes et amies. Les
hommes, y compris le père de l'enfant, ne doivent pas y assister.
Le placenta est enterré dans un trou de 50 à 60 centimètres, creusé
à l'Est de la maison, en Imerina ; chez les Sakalava, au Nord et au
Nord-Est, si c'est une fille. Le trou doit être comblé avec soin. La
personne chargée de l'opération -doit aller vers le trou en regardant
- 127-
droit devant elle. Si elle tournait les yeux, à droite ou à gauche, l'enfant
loucherait. Cette croyance est générale.
En Imerina, laisser manger le cordon ombilical par les bœufs expose
l'enfant à la syphilis.
Il est lad), de prendre un enfant sans, au préalable, avoir passé les
mains sur le f~u. Cette interdiction est un nouvel exemple de la vertu
purificatrice du feu.
Dans certaines régions côtières, la parturiente ainsi que les person-
nes ayant participé ou assisté à l'accouchement vont, aussitôt après, se
baigner à la riviêre ou à la mer, afin de se débarrasser des souillures
possibles.
Les parents et les amis, dès qu'ils sont avisés de la naissance de
l'enfant, s'empressent de venir féliciter la mère et le père. En Imerina,
.les visiteurs offrent un peu d'argent « pour acheter des parsa » (sorte
de petites crevettes) réputées très Iactigènes.
Mais la naissance d'un enfant, si ardemment désirée qu'elle soit, est
considérée comme un événement calamiteux quand elle a lieu dans un
temps lady. Jadis, l'enfant qui avait la malchance de venir au monde
un jour lady, était tué : c'était une coutume générale. En Imerina,
l'enfant né en Alakaosy était noyé dans un van à ri z. Sa suppression
s'imposait, car, de par le vintana qui avait présidé à sa naissance, il
constituait un danger social. Mais depuis fort longtemps cette cou-
tume barbare s'ét ait adoucie. Pour dérabouer l'enfant mabery uintana
(destin fatal) on recourait à des épreuves qui variaient selon les tribus:
l'exposition à la porte du parc à bœuf était pratiquée en plusieurs
régions. Si l'enfant n'était pas écrasé à la sortie des animaux, on
pouvait l'élever sans danger. En Imerina, on amputait parfois le
majeur de la main droite. Le Premier Ministre Rainilaiarivony, né en
Alakaosy, avait subi cette mutilation. A la Côte Ouest, l'enfant était
abandonné sur un chemin, à quelque distance du village. La personne
qui le découvrait pouvait le recueillir sans danger, le fait de son expo-
sition pendant quelques heures avait suffi pour le détabouer. Chez les
- 128-
La personne qui coupe les cheveux doit avoir ses père et mère
vivants, sinon l'enfant risquerait de devenir orphelin.
Un grand nombre de lady s'appliquent aux jeunes enfants. Ainsi,
les petits garçons ne doivent pas se regarder dans un miroir, ni porter
salaka ou être coiffés d'un chapeau avant leur circoncision, sous peine
d'avoir une mauvaise plaie quand on les circoncira.
Les petites filles ne doivent pas être coiffées comme les femmes, sous
peine de voir leur croissance arrêtée, ' n i manger sur une pierre du
foyer, car elles ne trouveraient pas de mari.
L'enfant qui mange trop de sel aura les paupières enflées, celui qui
mange trop de viande aura des vers, celui qui mange des graines de
voampo ou d'angivy (espèces de solanées) aura des verrues, s'il mange
du foie, ses dents se gâteront, s'il mange trop de sucre, il aura la
diarrhée verte; embrasser fréquemment un enfant lui donne le
coryza; si un enfant jette une dent de lait, elle ne repoussera plus, etc.
On remarquera que certains de ces lady ont le caractère giène
rationnelle. • .'8L / O,.
.,.
~'*' -s...
Du 1/0111 des personnes ~ 'f~.<>. ~
.... vo?1)"
Les Malgaches ignorent l'usage des noms patronymiqu ~/, .. ~~
Durant leur vie, ils changent plusieurs fois de nom, trois au mini-
mum. L'enfant, en venant au monde, en reçoit un dont le choix esr
déterminé par le vintan» qui a présidé à sa naissance. Si ce vintana est
mabery (puissant' et fatal) il recevra un anaran-ilratsy (mauvais nom),
par exemple : Beray (merdeux) Voalavo (rat) si c'est un garçon;
Patsa (crevette) si c'est une fille.
L'adolescent prend un nouveau nom qu'il gardera jusqu'à la nais-
sance de son premier enfant; Il adoptera alors le nom de ce dernier
auquel sera préfixé Raini, pour le père, Reni, pour la mère. Si, par
exemple, Rarsimandresy et Ravoahangy ont une enfant Ketaka, ils
s'appelleront désormais: Rainiketaka et Reniketaka, c'est-à-dire père
de Ketaka et mère de Ketaka,
9
- 130-
La circoncision
(1) Les Malgaches comptaient les années paf cycles de 7. dont chacune portait le
nom d'un jour de la semaine.
(1) Missavatsi, signifie circoncire. Le Dictionnaire de Weber (ISr) ) donne misa-
varra (radical savarra }. Ce mot est encore usité de nos jours dans le Sud de l'Ile.
- 131 - .
(1) Les Malgaches comptaient les années paf cycles de 7. dont chacune portait le
nom d'un jour de la semaine.
(1) Missavatsi, signifie circoncire. Le Dictionnaire de Weber (ISr) ) donne misa-
varra (radical savarra }. Ce mot est encore usité de nos jours dans le Sud de l'Ile.
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( 1) Cette ln voca t ion s'écrirait aujourd'hui comme suit: Salama Zanahary Izaho
misaorsa anao, Hi anao, namboatsy ran ana aminy tomboka. Zaho mito lobozo na
aminao, Zaho mamou enga zaza 3COa anio.
134 -
porte une ceinture de chiendent. Les femmes doivent tresser des joncs
dans la nuit qui précède la céré~onie. Pendant l'opération, les assis-
tants répètent: zana-boromabery ! (petit de voromahery).
Les personnes qui assistent à la circoncision ne doivent pas avoir
peur, ni boutonner leurs vêtements, sinon l'enfant sera poltron.
On ne doit pas, enfin, garder le chapeau sur la tête, en entrant dans
la maison où va se faire la circoncision, sinon l'opération serait difficile.
Dit mariage
(1) En ét ud ient la « vie sociale », nous exposerons les coutumes SUIVies à cet
égard, qui exigent la connaissance de l'organisation sociale des Malgaches.
.- 139 -
,(1) Le choix de ce jour était au t refois d'un e tre s grande importance. C'est le
mpanandrc qui le fixait, d'après le vinran a des f uturs époux. Si, entre temps, un
deuil survenait dans l'une ou l'autre f amille, la cérémonie était ajournée. Il en était
de même si, en chemin , un takatr a (oiseau de mauvais augure) coupait la route des
rnpaka .
- 141-
ne jamais donner une somme ronde, pour eviter d'être lany zara,
c'est-à-dire de ne pas trouver à se remarier par la suite. La petite
somme complémentaire est dite mitslnio uintana ou miand ry uintana,
litt. regarder ou attendre le uintana (1).
La dation et l'acceptation du vody ondry consacrent définitivement
le mariage.
Telle est la coutume Merina. Chez les autres tribus, la célébration
du mariage est généralement plus simple, mais comporte les mêmes
rites essentiels: demande en mariage, choix d'un jour faste pour la
cérémonie, cadeau dont le nom varie: vara ou vara/sa dans le Sud;
enfin, l'aspersion est généralement remplacée par l'immolation d'un
bœuf. Au cours du sacrifice, on ne manque jamais de prier les ancêtres
de bénir l'union.
Bien entendu, le mariage est protégé par quelques fady : les nou -
veaux mariés ne doivent pas faire visite à leurs parents, ni sortir du
feu de la maison pendant la semaine qui suit le mariage, de peur de
rendre leur ménage instable. Les époux, en entrant pour la première
fois dans la maison conjugale, doivent franchir le seuil du pied gauche.
Le franchir du pied droit compromettrait la durée de l'union. Allumer
deux lumières dans la maison incite le mari à la polygamie, etc.
(1) Dan s toutes les transactions : achats et ventes de tou s objets, animaux ct
généralement de tou s biens imm obili ers et mobiliers, les indigènes agissent de même.
Les prix ne comportent jamais une somme ronde.
- 144-
Répudiation. - Divorce
loppé et ficelé dans des lamba mena, porté par des membres du
fokori'olona ou des porteurs salariés, les pieds en av ant, car un lady
assure que porter un cadavre la tête en avant fait enc ourir la haine du
mort et l'on sait combien elle est redoutée. D~ même celui qu i, dans le
cortège, précéderait le cadavre s'exposerait à mourir bientôt. Les
membres de la famille, pleurant à grand bruit, suiven t et les amis et
le fokon'olona ferment la marche.
A l'arrivée au tombeau le cadavre, déposé sur la pl ate -forme p en-
dant quelques instants, est placé, en suite, sur le lit de p ierre qu i lu i est
réservé et le tombeau est refermé. D ès ce moment là, il fa ut t ourner
le dos au tombeau et ne plus le regarder.
Un des représentants du fokon'olona prononce le discours d'usage
et remercie l'assistance de la sympathie témoignée au dé funt.
On retourne ensuite au village où a lieu une dernière distribution de
viande. On se retire enfin pour se laver à l'eau courante, si possible,
afin de « se purifier des souillures du malheur ».
Toute une série de lady dictent la conduite et la besogn e de chacun
depuis le moment où la mort a frappé jusqu'après les obsèques.
Ainsi, prendre du feu dans la maison où il y a un mort c 'est s'expo-
ser à être entraîné par le mort: y prendre du son de ri z, c'est chercher
le malheur.
Ne pas balayer la maison après le départ du cadavre, ne pas jeter le
matelas sur lequel une personne a rendu le dernier soupir, ne pas briser
la marmite où à été préparé le bain du mort, c 'est appeler la m ort.
Si ceux qui ont assisté aux furrért }lIes ne tremperlt pas les coin s de
parmi eux. . ~) .-
leur Iamba dans l'eau courante, après lèS obsèques, il y aura des m orts
l'entour du corps, aux pieds duquel et à la teste, ils allument une chan-
delle nuict et jour. Cependant les joueurs de tambours jouent, et plu-
sieurs femmes et filles dansent une danse sérieuse au son des tambours,
lesquelles à leur tour, vont pleurer dans la maison, puis retournent à
la danse, et tour à tour les hommes viennent faire l'exercice: ainsi se
passe la journée. Ceux qui pleurent dans la maison, récitent les louan-
ges du déffunct, en tesmoignans estre bien faschez de sa perte, et luy -
parlent comme s'il estait vivant, en luy demandant le sujet pourquoy
il s'est laissé mourir, s'il avait manqué de quelque chose, s'il n'avait pas
de l'or et de l'argent, du fer, des bœufs, des plantages, des esclaves,
et de la marchandise à son souhait (comme si la mort était dépendante
de sa volonté) et après avoir pleuré le corps jusques au soir, on tue les
bœufs, dont on distribue la viande à toute l'assemblée. Le lendemain
l'on transporte le corps enfenmé dans un fort cercueil fait en forme
de coffre de deux souches de bois creusez, bien jointes, le portent au
cimetière, dans une maison faite de charpenterie assez bien faite et le
mettent six pieds avant en terre sous cette maison, en mettans auprès
de luy un panier, un cassot à prendre du tabac, une louvie ou escuelle
de terre, un petit réchaut de terre à brusler du parfum, quelque pagne
et quelque ceinture, et ainsi ils ferment la maison devant laquelle ils
plantent une grande pierre de la hauteur de douze à quinze pieds;
puis ils sacrifient plusieurs bestes, dont ils en laissent la part au d éflunct,
au diable, et à Dieu; ct l'espace de huict ou quinze jours les parens
envoyent par des esclaves à manger au deff unct, ct luy faire des recom -
mandations comme s'il était vivant, ils attachent à l'entour du tom-
beau sur des pieux les testes des bestes qu'ils ont sacrifiées ct de temps
en temps les en fans y viennent sacrifier quelque bœuf, demander advis
au mort de ce qu'ils ont affaire, en luy disans : Toy qui est maintenant
avec Dieu, donne nous conseil de cecy et de cela. Les sermens les plus
solennels qu'ils font, sont sur les ames de leurs ancestres : s'ils devien-
nent malades, et qu'ils tombent en frenaisie, aussi-tost les plus proches
du malade envoyent un Ombiasse querir de l'esprit au cimetière, qui
~ y va la nuit, et fait un trou à la maison qui sert de sepulchre, en appe-
lant l'ame du père du malade, il luy demande de l'esprit pour son fils
ou sa fille qui n'en a plus, et tend un bonnet au droit du trou, r'enfer-
me ce bonnet, et s'en court promptement au logis du malade, en disant
qu'il tient un esprit et s'en vient promptement mettre le bonnet sur la
teste du malade, qui est assez fol pour dire par apres qu'il se sent bien
soulagé, et qu'il a recouvert son esprit qu'il avoit perdu dans sa maladie
et commande que l'on récompense à l'ombiasse.
". Lorsqu'un grand meurt loin de son pays ils luy coupent la teste
pour la porter en sa patrie, et le corps ils l'enterrent où il est mort, et
s'il est tué en guerre ils l'enterrent sur le lieu où il a esté tué: quand il
y a paix, ils le desterrent pour le transporter en un Amounoucque, ou
cimetière proche de ses ancestres, ils tondent les grands estant morts et
aux femmes ils mettent un bonnet ».
Nous signalerons encore une particularité des rites funéraires con-
cernant les rois et les chefs qui a été constatée chez les Antankara, les
Sakalava, les Betsileo et les Bara.
Quand un des personnages dom il s'agit est décédé et qu'il a été
procédé aux ablutions rituelles, le corps, enveloppé de lamba mel/a,
est déposé sur une claie de roseaux pendant une longue période, quinze
jours et souvent plus. Les Sakalava du Menabe suspendent le cadavre
enveloppé dans la peau d'un bœuf rouge, à un tamarinier. Des vases
de terre ou de cuivre placés sous le cadavre sont destinés à recevoir les
liquides provenant de la décomposition. Pendant tout le temps jugé
nécessaire, les assistants mangent, boivent du rhum et se lamentent.
A aucun moment ils ne doivent manifester la moindre répulsion, la
dépouille des rois étant réputée manitra, parfumée. Les assistants sont
tenus de tremper leur lamba dans ce liquide. '
Au Menabe, des hommes et des femmes, choisis parmi les plus beaux,
ont la charge de vider les vases où sont recueillis les produits de la
décomposition du cadavre, dans un lac que l'on désigne ensuite sous le
nom de Ranovola ou Ranotsara et qui, désormais, sera lady.
- 156-
Les indigènes assurent que, par ces beuglements, les animaux expri-
ment leur douleur d'avoir perdu leur maître.
Au départ du cortège, les parents du mort font le simulacre de
marcher en tête et, après ce faux départ, reviennent à la maison mor-
tuaire.
Au premier village visité, le cortège est interpellé selon l'usage:
« Quelles nouvelles apportez-vous? Nous, ici, nous livrons, en ce
moment, à telle occupation l'. L'une des personnes âgées répond: « Sa
femme et ses enfants l'ont bien soigné, mais Zanahary ne le leur a pas
laissé! Un tel est mort et vient vous porter un dernier adieu! » Les
parents à qui est faite la visite remercient.et offrent leurs condoléances
accompagnées d'une somme de cinq francs.
Le cortège se remet ensuite en route et poursuit sa tournée de
visites.
Pendant tout le temps que le cadavre reste dans la maison mortuaire,
- , où il est étendu dans une pirogue, - on bat du tambour jour et
nuit, on tue des bœufs, on mange, on boit du rhum à satiété.
Les crânes des bœufs abattus, avec les cornes adhérentes, seront
enfilés dans des perches de deux mètres de longueur qui seront plantées
au bord du chemin afin que chacun se rende compte des honneurs
rendus au mort. Ces pieux sont appelés fototra.
Jadis les cadavres étaient conservés pendant deux semaines; ce délai
est aujourd'hui réduit à quatre ou cinq jours.
On transporte le corps au lieu de la sépulture. Les vêtements du
défunt et les crânes des bœufs sacrifiés précèdent le convoi. La
dépouille mortelle, enveloppée de nombreux lamba mena, est ensuite
ensevelie. A la tête du tombeau on plante le mannequin et on dépose
à côté les vases d'argile, enduits de plombagine, destinés à recevoir les
offrandes : riz, miel, etc.
Une dernière explosion de cris et de lamentations termine la céré-
monie.
Les personnes ayant assisté aux obsèques reçoivent une pièce de
-- ' 15 8
oublier que la grande insurrection de 1905 - 1906, qui fut plus sérieuse
qu'on ne l'a dit, a été provoquée par des chefs de kibory, sottement
brimés par des sous-officiers européens, chefs de postes, à propos de
leurs coutumes les plus chères.
Chez les Bara, les cadavres des rois, des chefs et des riches notables
sont déposés dans des bières constituées par deux troncs d'arbres creu-
sés, s'adaptant parfaitement. Le couvercle est décoré de sculptures en
relief représentant des têtes de femmes, des bœufs, des oiseaux et des
ornements variés. Quand la bière est prête on exhume le mort qui avait
été provisoirement inhumé. Des bœufs sont immolés en grand nombre,
selon la fortune du défunt. Le cercueil est enduit de la graisse des
victimes. La famille, les invités en grand nombre, mangent et boivent
du rhum à satiété. Ces excès sont accompagnés d'une prostitution
générale, analogue aux orgies qui caractérisent les· funérailles des
Betsileo. Le lendemain, le cadavre est mis en bière et, de nouveau, des
bœufs sont sacrifiés, cependant que les femmes pleurent, poussent des
cris et se livrent aux lamentations coutumières.
La bière est ensuite déposée dans une excavation naturelle ou dans
une fosse creusée en un point élevé, au sommet d'une montagne ou
d'une colline. La fosse est recouverte de grandes dalles et entourée de
murs en pierres sèches.
Les Sakalava, les Masikoro et les Vezo (1) déposent également leurs
morts dans des bières formées par des arbres creusés comme les piro-
gues; les couvercles ont la même forme et s'emboîtent exactement;
de fortes chevilles, à chaque bout, assurent un-e fermeture solide.
La bière, après que le cadavre y a été placé, est inhumée dans une
fosse d'environ un mètre cinquante de profondeur, creusée à l'empla-
cement réservé aux monuments funéraires. On procède ensuite à la
décoration de la tombe, qui consiste l'entourer de planches de
à :
[r] Masikoro et Vezo sont des Sakalava. lixés dans 1. Sud-Ouest de rne.
- 161-
quatre coins sont plantés des pieux de trois à quatre mètres de lon-
gueur dont les extrémités sont également ornées de sculptures repré-
sentant des hommes, des femmes ou des oiseaux.
Les autres Sakalava, du Menabe, du Betsiriry, etc., déposent leurs
morts, enveloppés de lamba mena, sur une d~lle de granit ou de gneiss
ct sur laquelle on édifie un cube de pierres, soigneusement arrangées
en parement, de un mètre vingt à un mètre vingt-cinq de hauteur.
Les Sakalava, comme tous les Malgaches, disposent leurs morts la
tête à l'Est et les pieds à l'Ouest. Exceptionnellement, les rois et les
membres des familles royales sont ensevelis la tête au Sud.
Enfin, il est d'usage, chez les Sakalava, de démolir ou de brûler après
les obsèques la case où une personne est décédée.
Le [amadibana
LA VIE SOCIALE
La famille
Comme chez tous les peuples, la famille, à Madagascar, a été la
première forme de la société. Elle constitue une unité ayant sa vie
propre, ses lois et ses coutumes, son chef suprême et sa religion qui se
manifeste par le culte des ancêtres.
Même chez les Merina, la tribu qui est socialement la plus dévelop-
pée, ce n'est que depuis une époque contemporaine que tous les actes
de la vie priv ée : mariages, naissances, décès, adoptions, rejets d'enfants,
testaments, successions et donations ne sont plus des actes strictement
familiaux. Et encore le législateur moderne a-t-il mis beaucoup de
discrétion à l'ingérence de l'Etat dans ce domaine.
Dans les tribus qui ne sont pas soumises au droit Merina la famille
a conservé toute son indépendance, réserve faite des obligations impo-
sées par l'administration française en ce qui concerne l'état civil et
l'enregistrement des contrats, qui sont d'ailleurs encore purement
théoriques dans une grande partie de l'Ile.
- 164-
le droit Merina est en vigueur, mais ils sont encore très étendus, comme
le prouve l'énumération suivante:
J " Droit de corriger les enfants (article 155 du Code des 305 arti-
cles) ;
2 ° Droit de rejet d'enfant;
3" Droit illimité de tester, à son gré (article 233)
4" Droit d'administrer et de disposer des biens de la famille, à
l'exception des biens ko-drazana. (Les biens dits ko-drazana sont, en
principe, indivis et inaliénables. Ils sont administrés par le chef de
famille) ;
5° Droit de juger, avec le consentement exprès des parties, les litiges
relatifs à des biens, entre membres de la fa~1Ïlle (article 251)'
Le droit de correction permet d'attacher l'enfant dont la conduite
est déréglée et qu'il s'agit de mettre à la raison, dit l'article 155. Il
ajoute que les père et mère ou les plus proches parents qui prennent
cette sanction doivent aviser l'autorité.
Le rejet d'enfant est le pouvoir accordé au père et à la mère d'exclure
de la famille l'enfant légitime, naturel ou adoptif.
Le rejet est une mesure excessivement grave entraînant l'exclusion
du tombeau de famille et qui, de surcroît, est absolument irrévocable.
Le seul moyen dont disposent les parents, pour en faire cesser les effets,
est l'adoption.
Le rejet peut être prononcé par le père et la mère, séparément ou
conjointement; s'ils sont décédés, par la famille. Dans ce dernier cas.
il s'agit, le plus souvent, d'un enfant qui n'exécute pas les d êrnières
volontés de ses père et mère, ce qui constitue une faute très grave.
Les motifs de rejet ne son t limitativement fixés ni par la coutume,
ni par la loi. A l'origine, le droit de rejet était sans limites. Le Règle-
ment d es Sakaizambohitra, du 14 juillet 1878, prévoit l'opposition au
rejet et en règle les formes. Les tribunaux ont un pouvoir souverain
d'appréciation en ce qui concerne les oppositions.
L'enfant rejeté est exclu de la famille. En conséquence, lui et ses
- 166
Classes de la population
Dans toute l'Ile la population est répartie en trois classes: les nobles,
les roturiers et les esclaves.
L'esclavage ayant été aboli par l'arrêté local du 27 septembre 1896,
nous ne nous occuperons pas des esclaves. Nous croyons pourtant
devoir signaler que les anciens esclaves et leurs descendants, même
enrichis, continuent à être l'objet d'un certain mépris de la part des
autres classes. A titre d'exemple, nous citerons le cas typique de deux
indigènes admis aux droits de citoyen français dont l'un, d'origine
noble, rabroua vertement le second, descendant de parents esclaves,
'qui l'entretenait d'un projet de mariage entre leurs enfants. Il s'agis-
sait pourtant de deux hommes instruits, jouissant d'une très large
aisance, faisant partie d'une élite et que l'on aurait cru dégagés des
préjugés de caste qui subsistent chez les Malgaches, malgré la suppres-
sion légale des anciennes distinctions sociales. Il est vrai que partout
encore les Malgaches continuent à user des formules de politesse qui
varient selon les classes auxquelles appartiennent les interlocuteurs.
Il en est de même pour les mariages; les dispositions des articles 59 il
6} du 'Code des }05 articles interdisant les mésalliances sont toujours
- 167-
verain dans les provinces, et les T'andonaka, qui assuraient divers ser-
vices domestiques auprès du roi.
Manisotra, Mancnd y ct Tsiarondahy portaient le nom générique de .
Mainty enin-dreny, les noirs des six mères.
Tous étaient d'origine servile: descendants de tribus conquises,
réduits en esclavage, noirs de l'Afrique orientale importés au temps
de la traite et affranchis par Ranavalona II, enfin anciens esclaves des
souverains avant d'être appelés à la royauté et affranchis de plein
droit, le roi ou la reine ne pouvant être servis que par des sujets libres
Les Mainty enin-dreny étaient endogames, dans leur catégorie.
Les clans de la noblesse jouissaient d'un certain nombre de privi-
lèges:
1
0
Exemption de la corvée, sauf les Zana-dRalambo ;
2
0
Leurs rizières n'étaient pas assujetties à l'impôt foncier, dit
betra ;
3 Le noble condamné à la peine
0
s portait une corde de soie
\.L10,..
au lieu de chaînes de fer ; .~ 010. .
4 Le noble condamné à mort .c: ai~.f! end ~ avec une corde de soie et
0
,. , • L . "F ,:'J
n avait pas la tete tranchee ; "'~ j
50 Les biens des nobles, décédés s~/~s-~nfants ct intestat, n'étaient
pas, contrairement au droit commun, appréhendés par l'Etat, mais
revenaient à leurs parents. Leurs successions étaient dites Isy allY maly
motuba. Le décret du 5 novembre 1909 a abrogé ce privilège.
Quelques clans roturiers jouissaient de certains des privilèges de la
noblesse.
1 ° Les clans Antehiroka, Trimofoloalina, Anosibe, Ambohitrini-
nation aux fers, étaient simplement attachés avec une corde de chan-
vre.
La famille qui, il l'origine, se suffisait il elle-même, s'est ramifiée et a
donné naissance au clan qui, dans certaines parties de l'Ile, constitue
aujourd'hui encore un cadre suffisant aux besoins de certaines tribus
comme les Betsimisaraka et les Antaisaka, .par exemple. Mais, en
Imerina, les clans, sous la pression de nécessités politiques et économi-
ques, se sont groupés pour former des fokon'olona.
Le fokon'olona est spécifiquement Merina et il semble que les efforts
de l'administration française pour étendre cette institution à toute la
colonie n'aient pas donné les résultats escomptés.
En Imerina même, le fokon'olona se désagrège visiblement, ce qui
n'a rien, d'ailleurs, de surprenant.
En effet toute l'organisation sociale, qu'il s'agisse de la famille, du
clan ou du fokon'olona, était basée sur les besoins de la collectivité.
L'étude des lois et des coutumes prouve que l'individu n'avait pas
d'existence autonome et qu'on n'avait il s'occuper de lui que dans h
mesure utile il la sociéré. Or, notre action s'est manifestée en sens
inverse en donnant à la personne une importance insoupçonnée
Jusque là. Nous avons ainsi, avec les meilleures intentions, bouleversé
l'organisation ancienne. Si donc on désire, comme il est souhaitable,
non seulement conserver l'institution du fokon'olona, mais encore la
développer, il est indispensable de la moderniser. C'est une réforme
relativement facile à réaliser par la création, par exemple, d'œuvres de
mtitualité telles que des caisses de prêts mutuels agricoles susceptibles
de raffermir, par les liens solides de l'intérêt personnel, l'esprit de
solidarité des indigènes. On lutterait en même temps et très efficace-
ment contre l'usure, si dommageable aux petits et aux moyens culri-
- 171-
RÉSIDENCES
PROvINCES
DE GOUVERNEURS MERINA
Antsihanaka Ambatondrazaka.
Amparafaravola.
Bezanozano Moramanga.
Belanona, Anosibe.
- 174-
RÉSIDENCES
PROVINCES
DE GO UVE R N E U R S MERl NA
Betsileo Ambositra.
Ambohinamboarina.
Fianarantsoa.
Ambohimahasoa.
Ambohimandroso.
Kalamavony.
Fanjakana.
Ambalavao.
Bersimisaraka Maroantsetra,
Soavinarivo.
Soamianina.
Vohimasina.
Tsaratsaorranirompony,
Mahavelona,
Tamatave.
Mahasoa.
Tanimandry.
Varomandry,
Mahanoro.
Antanandava.
Mananjary.
Antaimoro Vohipeno,
Mahamanina.
Ankarana.
Vangaindrano.
Antanosy . Faradifay (Fort-D aup hin) .
- 175 -
RÉSIDENCES
PROVINCES
DE GOUVERNEURS MERINA
Fiherenana Tuléar.
Bara . Tompomanandrariny.
Menabe . Mania,
Midongy.
Andakabe.
Mahabo.
Janjina.
~I
Malainbandy.
c
~
! ~ Manandaza.
c •.
..", '/ Tsiroanomandidy.
'lIT ,
• Ankavandra.
Andranonandriana.
Vakinankaratra Betafo.
Nanatonana,
Arnbohimanambola,
RÉSIDENCES
PROVINCES
DE GOL'VERNEURS }tERI~A
Trabonjy,
Marovoay,
Andranosamonta,
Andranomalaza.
Ankararny,
Anorotsangana. -
Ambodimadiro.
Mojanga (Majunga).
Ambodiroka.
Mahabo (du Nord).
Androva,
Tsarahonenana.
Ampasimbitika.
i 2.