Economie et statistique

La sociabilité
Michel Forsé

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Forsé Michel. La sociabilité. In: Economie et statistique, n°132, Avril 1981. Collectivités locales / Le commerce en 1980 / La
taille et le poids des Français. pp. 39-48;

doi : https://doi.org/10.3406/estat.1981.4476

https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1981_num_132_1_4476

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Résumé
La notion de sociabilité ne se rapporte pas ici à une qualité personnelle de l'individu. On veut montrer
comment les relations qu'on entretient avec autrui sont influencées par des facteurs sociaux,
démographiques ou économiques. Synthétisant les résultats de plusieurs enquêtes, l'article présente
d'abord quelques activités de sociabilité et les facteurs qui les influencent de façon prépondérante. On
voit comment de nombreux critères déterminent l'adhésion aux associations, comment l'âge joue dans
les relations avec les parents, la géographie dans les relations avec les voisins, comment le mode de
garde des enfants dépend surtout de l'état matrimonial tandis que la pratique de la danse est liée à
l'âge et à la classe sociale. Dans un deuxième temps, une analyse plus fine permet de distinguer une
sociabilité « interne » (proche du foyer) d'une sociabilité « externe », ces deux modalités évoluant
selon les cycles de la vie : en vieillissant, on abandonne la sociabilité externe pour la sociabilité interne
et on diminue ses activités de sociabilité. Mais la catégorie sociale influence ce phénomène : un statut
social élevé diminue la décroissance de la sociabilité avec l'âge.

Abstract
Sociability - In this article the concept of sociability does not refer to a personal quality of an individual.
Rather, the article tries to show how the relationships an individual has with others are influenced by
social, demographic, or economic factors. This article is a synthesis of several surveys, and begins by
presenting some samples of activities involving sociability and the factors which have the greatest
impact on these activities. There follows an analysis of a broad range of activities — the numerous
factors which effect the decision to join a club or association, the role played by age in relationships
with parents, the influence of geographical location in relationships with neighbors, the types of
babysitting or day-care adopted as a function of parents' marital status, and the link between the
pastime of dancing and age and social class. In a second part, a more detailed analysis makes it
possible to distinguish between an « inner » sociability (near the home) and an « outer » sociability,
each of which evolves throught the different ages of life. With age, outer sociability is abandoned
progressively for inner sociability and activities of sociability decline in general. However, this
phenomenon is influenced by factors of social class, as the higher the social standing, the less the
tendency for sociability to decrease with age.

Resumen
La sociabilidad - La noción de sociabilidad no tiene aquí relación alguna con una cualidad del
indivíduo. Se quiere demostrar de que manera las relaciones con los demás están influidas por
factores sociales, demograficos o económicos. Sintetizando los resultados de varias encuestas, el
artículo presenta en primer lugar unas cuantas actividades de sociabilidad y los factores que en ellas
influyen de manera preponderante. Yemos como numerosos criterios determinan el ser miembros de
asociaciones, en que forma la edad interviene en las relaciones entre hijos y padres, la geografía en
las relaciones con el vecindario, como el modo de guardería infantil dépende mayormente del estado
matrimonial mientras que la practica del baile esta vinculada con la edad y la categoría social. A
continuación, un análisis más fino permite hacer una distinción entre una sociabilidad « interna » y una
sociabilidad « externa » ya que ambas modalidades evolucionan en conformidad con los ciclos de la
vida : al envejecer, se va dejando a un lado la sociabilidad externa para la sociabilidad interna y las
actividades de sociabilidad van menguando. Mas la categoría social influye en este fenómeno : un
etevado estatuto social aminora el decrecimiento de la sociabilidad a raiz del envejecimiento.
 VIE QUOTIDIENNE

La sociabilité

par Michel Forsé

La description des comportements

individuels de sociabilité se fera donc
à travers les activités que les personnes
Quels
sur
L'âge
matrimonial
pratiquer
avec
Maislesau-delà
les
sont
joue
relations
voisins
lales
undanse
influence
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démographiques
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tandis
appelle
avec
enfants;
lesque
iciparents;
lales
qui
la
sociabilité?
de
façon
relations
influent
l'état
de pratiquent, sans s'intéresser au « vécu »
psychologique de leurs relations, sans
étudier non plus les réseaux de
relations 1.
sociabilité, on peut en chercher une typologie plus fine. On sera ainsi amené à Les activités retenues sont variées —
distinguer une sociabilité « interne », tournée vers le foyer, d'une sociabilité pratique de la danse, sorties le soir,
« externe ». La première est surtout l'apanage des personnes âgées, la seconde fréquentation du voisinage, etc. Elles
caractérise plutôt les jeunes, mais l'influence de la catégorie sociale se présentent chacune des caractères
superpose à ces effets de « cycle de vie ». particuliers : l'une est surtout l'apanage
des milieux aisés, l'autre n'est pratiquée
que par des adolescents, mais de tous
les milieux sociaux, etc. On examinera,
dans chaque cas, les disparités de
comportement. Mais il importe de
Les relations qu'une personne vécu par les partenaires, et perçu par dépasser ce stade monographique et
entretient avec les autres sont de type varié. leurs proches, comme un libre choix, de rechercher les traits communs, ou,
Elles vont des déjeuners dans la belle- comme expression d'une spontanéité au contraire, spécifiques de ces
famille à l'adhésion à une association, individuelle. Pourtant, les sociologues activités : une telle synthèse nécessite
du choix de la personne à qui on ferait ont montré depuis longtemps déjà
appel pour garder ses enfants, au qu'on n'épouse pas n'importe qui, mais
bonjour au voisin, en passant par la quelqu'un d'un milieu social proche,
belote, le football ou la danse. que les lieux de rencontre sont
Toutes ces activités impliquent à fortement typés par catégorie sociale, etc. [7].
des degrés divers des relations avec De même, le choix de ses amis,
autrui, ce qu'on appelle ici des de ses relations, des associations dont
relations de « sociabilité ». on est membre est déterminé, au moins
Il ne s'agit pas de mettre en évidence partiellement, par l'environnement
la sociabilité comme une qualité social et géographique, par l'âge, le * Au moment de la rédaction de cet
intrinsèque des individus qui permettrait sexe, etc. article, Michel Forsé faisait partie de la
Étudier la sociabilité, c'est alors division « Conditions de vie des ménages »
de séparer ceux qui sont sociables du département « Population et ménages »
de ceux qui ne le sont pas. Cet article étudier ces déterminants, quel que soit
le cadre où se nouent les relations de l'INSEE.
essaie plutôt de montrer que les Les nombres entre crochets, [ ], renvoient
relations qu'un individu entretient avec (un groupe informel comme un cercle à la bibliographie située enfin d'article.
autrui varient, en grande partie, selon de voisinage ou d'amis, un groupe
institutionalise comme une association) 1. Cela ne signifie pas qu'une approche
des facteurs sociaux, économiques ou en termes de réseaux soit moins
démographiques . et quel que soit le degré d'engagement pertinente; au contraire, il semble que les
des personnes (volonté explicite deux modes d'approches soient
L'exemîple du mariage illustre bien d'entrée dans le groupe ou appartenance complémentaires et donc tout aussi nécessaires
la différence
ence d'optique. Dans nos passive par absence de remise en cause l'un que l'autre à une interrogation
sociétés, le choix d'un conjoint est de liens préexistants). sociologique sur la sociabilité [2].
39

LES SOURCES SUR LA SOCIABILITÉ
• L'enquête sur les loisirs
L'enquête sur les comportements de loisirs
a été réalisée par l'INSEE au cours du
dernier trimestre 1967 sur un échantillon
de près de 6 00Û ménages représentatifs
de l'ensemble de la population française
de plus de 14 ans.
Elle a porté sur la pratique des loisirs et
sur la fréquence de cette pratique. On
a retenu surtout dans cet article les résultats
concernant la pratique de la danse, les
sorties le soir, les repas au restaurant et
les réceptions de parents ou d'amis.
• L'enquête sur l'environnement
de l'habitat
Comme la précédente, cette enquête a
été réalisée sur un échantillon représentatif
de la population française adulte. Ce sont
près de 6 000 ménages qui furent visités
par des enquêteurs de l'INSEE entre 1972
et 1973.
Le but de l'enquête était d'étudier les
comportements des ménages face à leur
cadre de vie. On voulait cerner, par exemple,
l'influence de l'offre d'équipements collectifs
ou commerciaux sur leur utilisation, le
degré d'« isolement » de certains foyers
ou individus. Les sujets évoqués étaient
très divers : relation avec la famille et les
voisins, adhésion à des associations, mode
de garde des enfants et équipements
collectifs, sorties le soir, habitudes d'achats, etc.
des jugements plus ou moins étayés
par des théories sociologiques mais doit
aussi se fonder sur des analyses
statistiques assez complexes. Le lecteur ne
s'étonnera donc pas de ne trouver ici
qu'une part très limitée de l'appareil
statistique volumineux qui serait
nécessaire pour étayer les résultats avancés :
on a préféré, dans le cadre de ce court
article, fournir des éléments de
synthèse de travaux menés depuis assez
longtemps déjà par l'INSEE,
l'argumentation statistique qui les fonde
étant disponible dans les documents
cités en référence (voir également
l'encadré ci-dessus).
La première partie de l'article
présente quelques « photographies »
.
40
• L'enquête sur les emplois du
temps
Cette enquête fut réalisée par l'INSEE entre
1974 et 1975. Elle permet de connaître
la pratique moyenne de différentes activités
ainsi que les emplois du temps durant une
journée pour 7 000 personnes formant un
échantillon représentatif des citadins de
18 ans et plus.
Le relevé des emplois du temps était du
type « lendemain » : l'enquêteur rencontre
la personne qu'il doit interroger la veille
du jour étudié, lui laisse un document à
remplir pour le lendemain et vient
rechercher ce document le surlendemain. Le
document lui-même est rempli par la
personne interrogée qui note, dans ses
propres termes, son emploi du temps,
l'intervention de l'enquêteur le
surlendemain permettant de vérifier, compléter
et préciser le cas échéant ces
renseignements. Le classement des activités suivant
une nomenclature préétablie n'intervenait
qu'ultérieurement. Celle-ci fut reprise
de l'enquête internationale de 1966. Elle
comprend près de 200 activités différentes,
le détail étant plus grand en matière de
loisir ou de transport que dans le domaine
des activités ménagères ou économiques.
Il convient toutefois de préciser que la
description d'une journée renseigne mal
sur la fréquence moyenne de pratique durant
l'année de différentes activités. Il y a,
en effet, peu de chances qu'apparaissent,
au cours d'une journée prise au hasard, des
activités typiques d'un mode de vie mais
rarement pratiquées. C'est là une limite
de toute enquête du type budget-temps
(sur 24 heures).
d'activités impliquant contacts avec
autrui. On n'a pas cherché à épuiser
la liste de telles activités mais à donner
des exemples de la pluralité et de la
complexité des facteurs sociaux (niveau
d'éducation, catégorie sociale),
économiques (revenu), démographiques
(âge, sexe, état matrimonial) ou
géographiques (urbanisation) qui régissent
les relations de sociabilité.
Dans une deuxième partie, on sera
conduit, pour approfondir
l'interprétation, à accorder une place privilégiée
à l'étape dans.laquelle.se trouvent les
personnes dans le déroulement de leur
existence, à ce qu'on appelle les effets
du « cyple de. vie ».
Pour décrire la diversité des
minants de la sociabilité, on a retenu
quatre activités assez différentes par
leur contenu et la nature des
partenaires : les relations avec les parents,
l'adhésion à une association, la
fréquentation du voisinage et la pratique
de la danse.
Relations avec les parents
et situation matrimoniale
Si l'intensité des relations avec les
parents dépend des caractéristiques
usuelles d'âge, de milieu social ou
d'urbanisation, il ne faut pas perdre de
vue qu'elle est extrêmement liée à la
position individuelle par rapport à la
famille d'appartenance. Il apparaît
que les variables « âge » et « état
matrimonial » sont plus discriminantes et
explicatives dé la fréquence des
.
relations avec les parents que l'ensemble
des autres variables. On étudie
seulement ici, à titre d'exemple, l'influence
de l'état matrimonial.
La proportion des célibataires
rencontrant très fréquemment (tous les
jours) leurs parents est moins forte
que celle des couples mariés (tableau 1).
La famille a donc moins d'importance
dans le réseau de sociabilité des
célibataires, plus ouverts à d'autres genres
de fréquentation. Le mariage ou la
naissance d'un enfant raffermissent
les liens familiaux et la constitution
d'une nouvelle cellule familiale semble
impliquer un resserrement des relations
avec les parents. On peut penser que
le fossé entre les générations est plus
important quand les modes de vie sont
différents que lorsque les jeunes
adoptent des modes de vie «reproduisant»
en quelque sorte ceux des parents,
mariage et naissances en étant des
événements témoins.
On notera que les divorcés ont autant
tendance à visiter quotidiennement
leurs parents que les mariés. Le divorce
est donc loin d'impliquer un rejet de
la part des parents. Au contraire, la
situation nouvelle de « solitude » semble
s'accompagner d'un resserrement des
liens familiaux, les parents jouant ici
un rôle évident de -soutien pour leur
enfant en difficulté.
Tableau 1

État matrimonial du chef de ménage etfréquence de ses rencontres Un petit ouvrage

avec sa mere riche d'enseignements

%
Proportion des chefs de
ménage rencontrant leur mère...
État matrimonial du chef de ménage
...au moins une ...aufois
moins une
par
fois par jour semaine '

Célibataire 6,3 13,4

Marié 8,6 13,5
Veuf 1,4 0,9
Divorcé » 9,0 12,4
1 . Mais moins d'une fois par jour.
Source : Enquête sur l'environnement de l'habitat. Voir [2]. L'édition 1980 des T.E.F.
présente, en 18 chapitres et 76.
* La question n'était posée qu'aux enfants ayant leurs parents vivants et dont les mots-clefs, les données les plus
parents ne vivaient pas avec le ménage. importantes qui reflètent la vie
On distinguait les relations du chef de ménage avec sa mère, son père, sa belle-mère, économique, démographique et
son beau-père de celle de son conjoint avec les mêmes personnes. Les résultats étant sociale.
identiques, on a sélectionné ici à titre d'exemple ceux sur les rencontres du chef de
ménage avec sa mère.
TEF, un succès permanent,
grâce à cinq qualités ;
- des données fondamentales
Adhésion aux associations : rents. Ce sont souvent les mêmes - une optique originale
personnes qui adhèrent à ces associations
cumul et spécialisation et aux associations professionnelles - des possibilités d'utilisation
ou culturelles. multiples
La tendance à adhérer à une - une présentation très étudiée
Les associations culturelles - un prix limité
association croît, d'une manière générale, concernent davantage les couches aisées et
avec le statut social et est plutôt une c'est sans doute pour elles que le rôle
pratique de la vie active [4]. Mais si de la classe sociale est le plus important.
on classe les associations par type, on Pour une bonne part, il s'agit
constate alors des particularités assez d'associations parisiennes et les jeunes n'en TABLEAUX
marquées dans la fréquentation de sont pas moins souvent adhérents que DE L'ÉCONOMIE
chacun d'entre eux (tableau 2). leurs aînés. FRANÇAISE
Les associations professionnelles 1980
La fréquentation des associations
intéressent plus que les autres genres religieuses et familiales dépend
d'associations, même chez les jeunes. évidemment du milieu social mais aussi,
Ce type d'associations, ayant rapport et c'est là leur particularité, de la taille
avec la vie de travail, n'impose guère Le volume broché
du ménage. Appartenir à un ménage format 16 X 24- 164 pages.
de choix quant aux loisirs, et est donc de plus de sept personnes ne joue pas
le type le plus souvent combiné avec contre l'adhésion, à l'inverse de ce qui
la pratique d'associations de nature se produit pour les autres types
différente. d'associations. Les associations religieuses
Les associations sportives se se distinguent toutefois des associations CONSULTATIONS, VENTES : P 274
distinguent par l'importance de l'effet de familiales du point de vue de l'âge. Dans les Observatoires économiques
l'âge sur le taux de fréquentation : régionaux de l'INSEE (adresses en fin
On n'y constate pas la même chute du de publication) et chez les libraires
être jeune est au moins aussi important taux d'adhésion avec le vieillissement spécialisés.
qu'appartenir à une classe supérieure que dans le cas des associations
ou moyenne. Il semble que ce soit dans familiales. Elles sont, en fait, les seules
des agglomérations ~ urbaines autres pour lesquelles le fait d'être âgé ' Institut National de M Statistique et des ETbdes Economique»
que Paris que l'on trouve le plus pas vraiment disqualifiant.
VIE QUOTIDIENNE 41
 Tableau 2

L'adhésion aux associations

En%
Proportion des gens adhérents à une association... A au moins
une
Sportive Familiale Profes ionnel e Religieuse Culturelle association 1

Age
Moins de 25 ans. 17 0,4 19 38
25 à 54 ans 13 5 28 45
55 ans et plus... 4 1 12 26
Occupation :
Actif 13 28 45
Inactif 3 8 23
Catégorie sociale 2 :
Classe supérieure. 20 43 12 63
Classe moyenne. . 14 32 8 50
Classe populaire . . 10 19 2 33
Revenu annuel du ménage en 1970 :
Moins de 15 000 F. 4 9 2 21
15 000 i 30 000 F.. 11 23 4 39
Plus de 30 000 F. .. 16 34 10 55
Commune de résidence :
Rurale (moins de 2 000 habitants) 8 20 3 35
Agglomération urbaine 11 22 5 39
.

Paris 10 24 12 39
Niveau de diplôme :
Aucun diplôme ou CEP. 7 16 3 31
Autres 16 33 10 53
Taille du ménage :
1 à 2 personnes . . . . 7 16 30
3 à 6 personnes. . .. 14 28 45
7 personnes et plus. 5 19 34
Nombre d'enfants de moins de 16 ans 3 :
0 ou 1 enfant 9 20 35
2 ou 3 enfants 14 29 47
4 enfants et plus 12 20 37
Nombre de personnes âgées de plus de 65 ans 3
0 13 26 43
1 et plus. 4 11 26

1. Les chiffres de cette dernière colonne n'ont bien sûr pas de raison d'être égaux à la somme de ceux des colonnes précédentes sur la même
ligne, puisqu'on peut adhérer à plus d'une association à la fois.
2. Pour les ménages dont le chef est actif. La classe supérieure regroupe les membres des professions libérales, les cadres supérieurs et les
patrons de l'industrie et du commerce; les salariés agricoles, les ouvriers et les personnels de service appartiennent à la classe populaire tandis que
les cadres moyens, les employés, les agriculteurs, les artistes, le clergé et la police font partie de la classe moyenne.
3. Dans le ménage.

Source : Enquête sur l'environnement de l'habitat. Voir [1].

42
Graphique I au chef de ménage à qui il aurait recours
s'il avait à chercher une garde
Lieu de résidence et relations de voisinage * d'enfants pour la journée 2. On constate
alors que les voisins ne seraient pas
En% 1 : Communes rurales choisis par les moins de 25 ans. De
2 : Communes rurales de cantons même, le fait d'être célibataire ou
partiellement urbains divorcé implique plus fréquemment
3 : Villes de moins de 20000h.
4 : Villes de 20000 à 100000h. le recours à des réseaux soit
15,4 5 : Villes de plus de 100000h. dépersonnalisés (petites annonces), soit
13 6 : Région parisienne
10 14,3 7 : Paris valorisant la relation extérieure au cadre
de vie du ménage (travail).
1 2 Deux groupes sont donc à
2 * 14,7 distinguer :
0 3 »- • Les personnes mariées choisissant
-2 • 5
25,2 6 encore plus souvent que d'autres la
-8 - 4 famille ou les voisins;
-8 10,7 7
14,1 • Les célibataires ou divorcés s'orien-
tant plus que les autres vers les
-13 relations de travail ou les petites annonces
5,5 (tableau 3).
Source : Enquête sur l'environnement de l'habitat. Voir [2]
* Cet histogramme traduit les comportements des groupes concernés en écarts par
rapport à la moyenne. Les surfaces sont à la fois proportionnelles à l'importance de la (( Dis-moi où tu danses...»
sous-population (abscisses) et aux écarts en pourcentage par rapport à la moyenne
(ordonnées).
On lit ainsi que, dans les communes rurales (14,3 % de la population), les relations La pratique de la danse décroît,
de voisinage touchent 10 % de gens de plus que pour la moyenne nationale. toutes choses égales d'ailleurs, avec
l'âge 3. Le mariage n'entraîne pas une
diminution brutale de la pratique.
Cependant, les caractéristiques en sont
Finalement, on peut donc distinguer Il semble que ce type de relations modifiées du point de vue de la
trois grands types d'associations : soit davantage entretenu par les femmes fréquence ainsi que des lieux. Sur ces
• Les associations liées au travail, que par les hommes. En ce sens, la deux points, vieillissement et mariage
dont les adhérents sont plus souvent fréquentation du voisinage témoigne induisent en effet :
membres d'une association sportive que sans doute d'une certaine «
culturelle ; permanence » au foyer et d'un attachement • Une diminution de la pratique
aux valeurs que cela implique. Il s'agit apparemment plus forte dans les classes
• Les associations liées au loisir : de relations qui souffrent peu la « populaires que dans les classes
associations culturelles et sportives se marginalité ». De plus, c'est sans doute la supérieures ;
combinant entre elles; forme de sociabilité la plus sensible
• Les associations qu'on pourrait aux contraintes de l'environnement de
appeler de « défense d'un intérêt », soit l'habitat : les communes rurales sont
laïc (par exemple les enfants pour les concernées au premier chef par ce type
parents d'élèves), soit religieux : les de relations (graphique I).
associations religieuses et familiales Il apparaît finalement que les 2. On demandait à ceux qui n'avaient
ne se combinant pas nécessairement catégories qui ont le plus de chances pas d'enfants quelle solution éventuelle
entre elles. d'avoir des relations de voisinage sont ils choisiraient pour le faire garder s'ils
les inactifs, les habitants des campagnes en avaient un. Voir note du tableau 3.
et des petites villes, les couples mariés 3. L'ensemble des informations
On « voisine » avec plusieurs enfants, les paysans utilisées jusqu'ici provenait de l'enquête sur
plutôt à la campagne (et, dans une moindre mesure, les l'environnement de l'habitat; pour cette
membres des classes supérieures puis dernière « photographie » on a choisi, dans
Les relations de voisinage sont assez populaires). le dépouillement de l'enquête sur les
caractéristiques : elles ne concernent loisirs, une activité dont les implications
L'étude des modalités de garde en termes de sociabilité paraissent moins
guère les jeunes au-dessous de 25 ans d'enfants confirme ce qui vient d'être intuitifs, afin de montrer que l'on peut
mais, au-delà de cet âge, l'effet du dit du voisinage et des relations dégager des comportements de sociabilité
vieillissement ne se fait pas sentir de familiales. Dans l'enquête sur au travers de variables parfois «
façon déterminante. l'environnement de l'habitat, on demandait hétérodoxes ».
FIE QUOTIDIENNE 43
 Tableau 3

Solution envisagée pour faire garder les enfants dans la journée selon l'état matrimonial
%

Demander Demander S'adresser Ensemble

État matrimonial du chef de ménage Demander à la à des Mettre une à une Ne sait pas des
camarades annonce 1
aux voisins famille de travail institution 2 ou autres solutions

Célibataire 19,4 20,0 3,7 2,9 27,1 26,9 100,0

!
Marié 25,7 35,4 2,5 2,0 24,4 10,1 "100,0
Veuf 21,7 26,4 0,5 1,1 24,2 "100,0
Divorcé. . . 21,1 24,4 3,4 5,4 23,0 22,7
1 . Chez les commerçants, dans les journaux, etc.
2. Mairie, centre social, école, halte garderie, crèche, nourrice agréée, etc.

Source : Enquête sur l'environnement de l'habitat. Voir [2].

* La question posée était la suivante : « Vous est-il arrivé de chercher une garde d'enfants pour la journée,' pour vous ou pour
une autre personne? Si non, que feriez-vous si vous étiez dans ce cas? ». Les réponses sont donc à interpréter comme indiquant une
opinion et non comme donnant des statistiques sur les modes de garde d'enfants.

• Un repli sur les lieux privés, repli
qui correspond à un changement de
comportement dans les classes
populaires, tandis qu'il ne ferait
qu'accentuer une situation déjà prédominante
dans les classes supérieures. Les
membres des classes supérieures, en effet,
ne vont pratiquement jamais au bal,
au dancing, etc., lieux privilégiés où
se réunissent les autres jeunes.
Mais le fait le plus notable est lié
à l'environnement géographique
(graphique II) : la fréquentation du bal
décroît très fortement lorsque la taille
de l'agglomération augmente, dans
toutes les catégories
socioprofes ionnel es. Bien qu'aller au bal soit
toujours plus fréquent dans les classes
populaires que dans les classes
moyennes et supérieures, l'écart relatif qui
irrégulière à la décroissance de la
fréquentation des boîtes de nuit ou
dancings par les classes supérieures quand
l'urbanisation croît, les classes
populaires (et moyennes) manifestent une
nette tendance à un renforcement de
cette pratique quand on passe des zones
rurales aux grandes agglomérations.
De la même façon les pratiques
multiples s'amplifient avec l'urbanisation
dans les classes populaires et moyennes
et tendent à décliner dans les classes
supérieures.
En résumé, la pratique de la danse
décroît avec l'âge et, parallèlement,
tend à se déplacer des lieux publics
aux lieux privés, ceci de façon d'autant
plus marquée que la catégorie sociale
est basse.
>
Sociabilité interne et externe
Avant d'en venir à des exemples
précis, il faut définir ce que l'on entend
par sociabilité « interne » et « externe ».
Le fait que des activités de sociabilité
soient pratiquées dans des lieux
différents semble correspondre à des
différences significatives dans la nature
de cette sociabilité. On a donc été
conduit à distinguer les relations qui
s'effectuent au sein du foyer ou autour
du foyer (comme les relations familiales
ou de voisinage) de celles qui semblent
être davantage orientées vers une vie
sociable à l'extérieur du foyer (amitié
et relations de travail).
A partir de cette classification fondée
sur la localisation, il est possible de

sépare les différents groupes est
d'autant plus fort que la commune est
petite. Inversement, la pratique de la
danse dans des lieux privés est d'autant
plus importante que la commune est
plus urbaine. Les classes supérieures
dansent plus volontiers chez des amis
ou connaissances que les classes
moyennes et populaires et» là encore, l'écart
relatif .entre elles est plus accentué
dans les petites communes.. Enfin,
si l'on ne peut déceler qu'une tendance
44
La diversité des facteurs qui
conditionnent la pratique des activités de
sociabilité apparaît bien au travers des
descriptions précédentes. Age, milieu
social, état matrimonial, sexe, lieu de
résidence, autant de variables
auxquel es on peut associer des différences dans
l'intensité et les modes de contacts
entre les personnes. Cette diversité
peut- s'organiser- cependant autour de
quelques éléments généraux
d'interprétation.
déboucher sur un aspect de théorie
sociale où l'on définira « l'interne »,
comme mode de sociabilité, par la
proximité au foyer qu'il implique, non
plus comme lieu mais, cette fois, comme
valeur ou comme norme. Par
opposition, on pourra parler de sociabilité
« externe » chaque fois que la relation
traduira une certaine distance (voire
émancipation) par rapport à cette valeur
où à cette norme." Or l'analyse dés
différentes variables de sociabilité montre
 Graphique II
Pour un dialogue
Lieux de pratique de la danse, urbanisation et catégorie sociale scientifique

Unités urbaines en milliers d'habitants

Communes Moins de 5 5 à 20 20 à 100 100 et plus Agglomération
parisienne
rurales

de rinséé

■IE
Classes populaires technique
économétrie,
Statistique
économique
autant dequantitative...
domaines
des
mathématique,
théorie
sondages,
qui in-'

téressent particulièrement
les universitaires et
chercheurs.
Les conditions permettant
un dialogue entre les
cadres de PINSEE eV les
spécialistes français ou
étrangers des mêmes
disciplines, à partir d'une revue
scientifique.
Quatre fois par an les
résultats de recherches
statistiques et économiques.

Classes moyennes

En%
de pratiquants Abonnement 1 an (4 numéros) :
de la danse France -190F- Etranger 225 F.

Le numéro simple : 57 F
(numéros doubles : prix variable).

P289
CONSULTATIONS, VENTES :
Dans les Observatoires
économiques régionaux • de l'INSEE
(adresses en fin de publication),
et chez les Jibraire's spécialisés.
Ck \^>7 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiqi
Source : Enquête sur les loisirs. Voir [3]
VIE QUOTIDIENNE 45

LES SORTIES NOCTURNES ET LES RÉCEPTIONS
Les sorties nocturnes et les réceptions
sont étudiées par le biais de la fréquence
de pratique. Les « sorties le soir »
distinguent deux objectifs possibles : soit
la destination « spectacle » soit la
destination « parents ou amis ». Or, dans les
deux cas, les populations concernées
(définies par leurs chances de sortir souvent)
sont extrêmement proches, au point qu'il
devient inutile de distinguer ces deux
destinations. Pour les réceptions, le
questionnaire distinguait celles qui
s'effectuaient chez soi de celles chez autrui. Ici
aussi, il s'est finalement avéré inutile de
distinguer entre ces deux formes, les
populations concernées étant identiques.
En revanche, on aurait pu croire que les
« sorties le soir pour aller voir des parents
ou amis » et les « réceptions chez autrui
de parents ou d'amis » étaient des variables
similaires. Il n'en est rien; ce qui conduit
à penser que les horaires de pratiques
(on ne précisait pas « le soir », pour les
réceptions) ont un rôle non négligeable
sur la sociabilité et sont un critère
pertinent de distinction d'activités et des
contacts qu'elles induisent.
Pour les sorties le soir, les facteurs sociaux
et culturels semblent au moins aussi
déterminants que les facteurs démographiques
(comme l'âge ou l'état matrimonial). Cette
forme de sociabilité aura toutes les chances
d'être rencontrée si les conditions suivantes
sont remplies : avoir un certain niveau
culturel (plus le niveau du diplôme le plus
élevé du ménage augmente, plus le chef
de ménage a des chances de sortir souvent
ou très souvent); être jeune; habiter Paris
(ou une grande ville) ; faire partie des
classes sociales élevées.
En revanche, les populations concernées
par les réceptions sont sensiblement
différentes. Cette activité est en effet
beaucoup moins sensible aux niveaux culturels
que le rapport entre sociabilité «
interne » et sociabilité « externe », pour
un individu ou une classe d'individus,
ne se fait pas au hasard mais dépend,
en première instance, de la situation
matrimoniale, de la présence d'enfants,
de leur âge, bref du « cycle de vie » 4.
L'exemple des modes de garde des
enfants illustre ce qu'on vient de dire.
L'absence de contraintes réelles dans
les premières étapes de la constitution
de la famille, permet au jeune ménage
soucieux d'affirmer son autonomie vis-
46
et sociaux. Voici le classement auquel on
est conduit en étudiant les fréquences des
réceptions :
• Reçoivent très souvent : les femmes
seules, veuves, ayant plus de 65 ans;
• Reçoivent souvent : les femmes ou
hommes, célibataires, ayant moins de
25 ans. Plus l'âge augmente, plus la
fréquence des réceptions diminue; elle
remonte pour les couples, les divorcés
ou les veufs au-dessus de 55 ans,
principalement lorsque le chef de ménage est une
femme;
• Reçoivent moyennement : les femmes
ou hommes, célibataires, ayant plus de
25 ans; les jeunes couples mariés, si la
taille du ménage est inférieure à quatre
personnes; les divorcés, les femmes
divorcées recevant, semble-t-il, plus souvent
que les hommes;
• Reçoivent peu : les couples mariés d'âge
moyen (le phénomène s'accentuant lorsque
la taille du ménage et l'âge du chef de
ménage augmentent);
m Ne reçoivent jamais ou pratiquement
jamais : les hommes seuls, âgés, et ce
d'autant plus que l'âge augmente.
Paris, n'est pas le lieu privilégié de cette
forme d'activité que l'on rencontre autant
dans certaines communes rurales que
dans des grandes villes; les classes
modestes reçoivent à peu près autant que
les classes supérieures; enfin, on ne peut
plus dire que les jeunes soient les seuls
concernés.
L'heure de pratique de l'activité peut donc
être regardée comme porteuse de certaines
normes; sortir le soir implique un type
de sociabilité tout à fait différent, par
exemple, d'un goûter entre personnes
âgées.
à-vis de sa parenté de se tourner vers
des réseaux de relations qu'il choisit
lui-même à l'extérieur de son foyer
d'origine. Il n'est donc pas étonnant
que sur des intentions de garde
d'enfants, ces ménages répondent
davantage qu'ils feraient appel à des
solutions anonymes et externes que ne le
font les ménages qui ont atteint un
âge plus avancé et qui forment une
nouvelle famille. Ces derniers semblent
retrouver les réseaux traditionnels qu'ils
avaient peut-être abandonnés pour un
certain temps. Tout se passe donc
comme si la construction de la famille
était accompagnée d'une mutation de
sociabilité.
Cette analyse en termes de cycle de
vie aurait pu être menée avec autant
de succès sur d'autres variables (sorties
le soir, relations de voisinage,
familiales, etc.), une étape précise du cycle
de vie correspondant, du point de vue
de la sociabilité, à un équilibre entre
l'internalité et l'externalité, équilibre
sur lequel il est vrai que des différences
sociales peuvent interférer, comme l'a
montré l'exemple de la danse.
La sociabilité
change avec l'âge...
Sans même parler de « cycle de vie »,
les différences dans les formes de
sociabilité entre personnes jeunes et
personnes âgées sont très nettes.
Par exemple, les jeunes et les vieux
n'adhèrent pas aux mêmes types
d'association : si les jeunes se retrouvent
dans des associations sportives, les
personnes d'âges moyens adhèrent
davantage à des associations
professionnelles, culturelles ou familiales
et les plus âgées à des associations
religieuses.
Les sorties nocturnes intéressent
les jeunes alors que les réceptions
correspondent à un mode de
sociabilité d'âges plus élevés (encadré ci-
contre). Ainsi, 42 % des réceptions
d'amis sont effectuées par des individus
mariés ayant dépassé 45 ans.
Les repas au restaurant ne
concernent pas les mêmes couches de
population que les réceptions. Les repas de
midi pris par des actifs constituent
94 % de tous les repas au restaurant,
et la compagnie qui est la seule
véritablement probable au cours de ces repas
4. Les sources dont on dispose sont des
enquêtes transversales qui ne permettent
pas de parler de cycle de vie stricto sensu.
Elles ne suivent pas en effet un même
individu tout au long de sa vie. Aux
effets de cycle de vie proprement dits se
superposent donc des effets de génération
qu'on ne peut distinguer.
Tableau 4
Age du chef de ménage et fréquence de ses rencontres avec sa mere
Âge du chef de ménage
Moins de 25 ans
De 25 à 34 ans
De 35 à 44 ans
De 45 à 54 ans
De 55 à 64 ans
65 ans et plus
1 . Mais moins d'une fois par jour.
Source : Enquête sur l'environnement de l'habitat. Voir [2].
* Voir note du tableau 1.
est : « Seul (c'est-à-dire sans son conjoint)
avec des collègues de travail » ; ils sont
donc beaucoup plus fréquents que les
autres types de repas au restaurant où
les compagnies sont certainement
différentes. Ces actifs sont relativement*
jeunes (48 % ont entre 18 et 45 ans) et
appartiennent surtout aux classes
moyennes.
Si 89 % des gens déclarant « aller
au café » sont des hommes, ils sont
en général jeunes (60 % d'entre eux
ont entre 18 et 45 ans). Les plus âgés
ont ici, comme pour les repas au
restaurant, des taux de fréquentation
extrêmement faibles.
On pourrait finalement classer les
activités étudiées selon leur sensibilité
au vieillissement. Un tel classement
conduirait à distinguer les trois groupes
suivants :
• Danse, café, associations sportives,
sorties nocturnes, parents;
• Réceptions d'amis, restaurant,
associations (autres que sportives ou
religieuses) ;
• Associations religieuses, voisinage,
famille large.
Le premier groupe est celui des
activités dont la pratique diminue très
nettement avec l'âge. Dans le second,
% contrainte. Puis, lorsque les couples
Proportion des chefs de
ménage rencontrant leur mère...
...au moins une ...aufois
moins une
par
fois par jour semaine1
17,4 31,5
13,7 25,4
11,1 17,2
7,7 9,1
1,7 1.6
0,2 0,3
la pratique diminue mais dans des
proportions beaucoup plus faibles.
Pour le dernier groupe, le phénomène
s'inverse. Au total la disparition des
activités fortement liées à une sortie
du domicile et la faible diminution
des activités « internes » expliquent la
décroissance du niveau global de
sociabilité avec l'âge.
Les jeunes ont ainsi des activités
nombreuses et vraisemblablement
orientées vers l'extérieur du foyer tandis
qu'au contraire les personnes plus
âgées diminuent leurs activités en les
concentrant sur des comportements de
sociabilité plus étroitement « internes ».
Il existe un glissement de la sociabilité
« externe » vers celle axée sur le monde
du foyer, glissement accompagné
d'ailleurs d'une diminution générale du
niveau de sociabilité.
Les cycles de vie semblent donc avoir
une influence prépondérante sur la
sociabilité. La première période est
celle qui précède le départ définitif hors
du cercle familial initial : elle est
caractérisée par une sociabilité à dominante
familiale, avec un éveil progressif aux
réseaux externes. Ensuite, depuis le
départ du noyau initial jusqu'à la
fondation d'un nouveau foyer, la
sociabilité est essentiellement tournée vers
« l'extérieur »; les visites aux parents
continuent d'être fréquentes tout en
étant probablement mises sur le même
plan que certaines relations extérieures,
voire même considérées comme une
ont un ou deux enfants, leurs relations
avec leurs familles d'origine et
d'appartenance retrouvent une place
privilégiée.
Le fait que les jeunes ménages
fréquentent plus leurs parents que les
plus vieux semble confirmer
l'hypothèse des rôles de formation, ou très
précisément d'acculturation, et de
soutien que les parents jouent vis-à-vis
des enfants mariés (tableau 4), [8],
[10]. La décroissance des taux de visite
avec l'âge peut s'expliquer par «
l'indépendance » prise par le ménage et par
les étapes de la vie familiale liées aux
enfants. L'étape la plus importante
est l'arrivée du premier enfant qui
réveille l'intérêt mutuel entre parents
et enfants.
...mais un statut social élevé
peut limiter
cette décroissance
Ces conclusions se retrouvent fort
bien grâce à des analyses de données.
Le graphique III résume très schéma-
tiquement différentes analyses en
composantes principales effectuées à partir
des données • de l'enquête sur les
loisirs [3]. Il confirme les
interprétations avancées : à un même niveau de
diplôme ou de revenu, l'âge détermine
des écarts plus forts que ceux
déterminés par le revenu ou le diplôme à
âge égal.
Il ne faudrait pas cependant
considérer que l'âge, ou l'étape du cycle de
vie, détermine à lui seul les
comportements de sociabilité. On a déjà
observé à propos de la danse
l'importance du milieu social sur la fréquence
et le contenu des pratiques de
sociabilité. On l'observe sur d'autres
activités, par exemple sur « les sorties
nocturnes » (encadré p. 46). De fait,
on constate deux phénomènes conco-
mittants : une décroissance progressive
de la fréquence des activités de
sociabilité à partir d'un certain iige
accompagnée d'un abandon des activités
« extérieures » au profits de pratiques
plus « internes », mais aussi une
décroissance plus nette pour les catégories
sociales les plus basses (graphique III).
VIE QUOTIDIENNE 47
 Les individus possédant un diplôme Graphique III
élevé 5 ou appartenant à un ménage
dont le revenu est fort ont moins
tendance que les autres à diminuer leurs Modes de sociabilité et volume de pratique selon Vâge et la
catégorie sociale *
pratiques de sociabilité lorsqu'ils
deviennent plus âgés. Il faut toutefois
noter des différences d'évolution à
diplôme ou revenu fixé : les personnes Intériorité de la sociabilité
de revenu faible ou moyen s'opposent
nettement à celles de revenu élevé,
une semblable opposition ne se Classes supérieures
retrouvant pas entre les différents niveaux
de diplômes qui hiérarchiseraient la
population de manière plus continue.
Il est peut-être possible d'interpréter
cette constatation en disant que les
formes de sociabilité, compte tenu
de l'inévitable incidence de l'âge,
sont très sensibles au niveau culturel
qui en conditionne les expressions,
mais ne peuvent apparaître sans un
minimum de ressources.
En conclusion
En fin de compte, si une multitude
de facteurs pèsent sur la sociabilité,
il semble que le facteur cycle de vie
ait un poids déterminant. Les facteurs
démographiques tels que âge, état
matrimonial et présence d'enfants (qui
permettent de cerner les étapes du Extériorité
delà
cycle de vie) auraient donc un rôle sociabilité
explicatif primaire alors que des
variables plus spécifiquement culturelles Source : Enquête sur les loisirs. Voir [3].
ou socio-économiques viendraient
ensuite interférer sur les grandes
tendances dégagées et opérer des * Ce graphique résume très schématiquement des résultats d'analyses en composantes
décalages qui peuvent être sensibles. principales. L'axe des abscisses est celui du premier facteur, le « volume de la sociabilité »;
il est orienté dans le sens d'un volume croissant. L'axe des ordonnées correspond au
deuxième facteur, le mode de sociabilité; il oppose la sociabilité « interne », tournée
5. Baccalauréat ou diplôme d'études vers le foyer, à la sociabilité « externe ». Les flèches sur les courbes marquent le sens des
supérieures. âges croissants.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
• Travaux issus des enquêtes utilisées dans cet article.
[1] M. Forsé : « L'adhésion aux associations », mémoire de
DEA, Institut d'études politiques de Paris, 1978.
[2] M. Forsé: «Quelques éléments sur la sociabilité», thèse de
3 e cycle de sociologie, Institut d'études politiques de Paris,
1980.
[3] Y. Lemel, C. Paradeise : « La sociabilité », document
rectangle de la division « Conditions de vie des ménages »,
INSEE.
[4] Y. Lemel, C. Paradeise : « Appartenance et participation à
des associations », Économie et statistique, n° 55, avril 1974.
[5] « Données sociales », Chapitre m, Collections de VINSEE,
série M, n° 62-63, avril 1978.
• Autres références.
[6] E. Bott: «Family and Social Network », Londres, Tavistock,
1971.
[7] A. Girard : « Le choix du conjoint », Paris, Cahiers de
l'INED, n° 70, PUF, 1974.
[8] A. Pitrou : « Le soutien familial dans la société urbaine »,
Revue française de sociologie, Paris, XVIII, 1977, p. 47-84.
[9] R. Rapoport, R. N. Rapoport : « Leisure and the Family
life Cycle », Londres, Routledge and Kegan Paul, 1975.
[10] L. Roussel, 0. Bourguignon : « La famille après le mariage
des enfants », Paris, Cahiers de l'INED, n° 78, PUF 1976.
[11] L. Roussel, 0. Bourguignon : « Générations nouvelles et
mariage traditionnel », Paris, Cahiers de l'INED, n° 86,
PUF 1978.
[12] M. Young, P. Willmott : « The symetrical Family », Londres,
Routledge and Kegan Paul, 1973.
[13] Archives de l'Observation du changement social, vol. I, II,
III, IV, Paris, CNRS 1978, 1979 (la plupart des articles de ces
publications touchent au problème de la sociabilité).

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