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Les Annales de la recherche

urbaine

La mobilité résidentielle et les sciences sociales: transfert de


concept et questions de méthodes
Jacques Brun

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Brun Jacques. La mobilité résidentielle et les sciences sociales: transfert de concept et questions de méthodes. In: Les
Annales de la recherche urbaine, N°59-60, 1993. Mobilités. pp. 3-14;

doi : https://doi.org/10.3406/aru.1993.1722

https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1993_num_59_1_1722

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Résumé
La mobilité, valeur positive de la modernité, est devenue un domaine de connaissance qui a son
histoire. Dans le mouvement d'hybridation disciplinaire des vingt dernières années, l'interprétation
des liens entre différents types de mouvement a remplacé les modèles à causalité linéaire d'hier.
L'étude fine des caractéristiques de l'individu mobile complète celle des grands flux.

Abstract
Jacques Brun, Residential mobility and the social sciences
Mobility, one of the positive aspects of modern life, has developed into a field of knowledge with its
own history. Within the context of the interdisciplinary tendancy prevalent in the past twenty years,
interpreting the connections between different types of movement has replaced yesterday's
models based on linear causality. The study of movement on a large scale is completed with an
astute examination of the mobile individual's particular characteristics.

Zusammenfassung
Jacques Brun, Wohnmobilität und Sozialwissenschaften
Die Mobilität, ein positiver Wert der Moderne, hat als Forschungsbereich bereits ihre Geschichte.
Mit der im Laufe der letzten zwanzig Jahre üblich gewordenen Kombinierung unterschiedlicher
Ansätze haben monokausale Erklärungsmuster der Untersuchung der Beziehungen zwischen
diversen Mobilitätstypen Platz gemacht. Feinuntersuchungen der Merkmale des mobilen
Individuums ergänzen die Bestandsaufnahme der großen Migrationsströme.

Resumen
Jacques Brun, La movilidad residencial y las ciencias sociales
La movilidad, valor positivo de la moder-nidad, ha llegado a ser un campo de conocimiento con su
propia historia. En el movimiento de hibridación disciplinaria de los Ultimos veinte anos, los
modelos de causalidad lineal de ayer han sido reem-plazados por la interpretation de los vinculos
entre diferentes tipos de movimientos. El estudio fino de las caracterfsticas del individuo movil
compléta el de los grandes flujos.
LA MOBILITE RÉSIDENTIELLE

ET LES SCIENCES SOCIALES

TRANSFERT DE CONCEPT ET QUESTIONS DE MÉTHODES

Jacques Brun

ceptibles, à une échelle quelconque, des contrastes spa¬


tiaux dans la composition de la population d'après divers
critères sociaux : classe, profession, niveau de qualifica¬
tion, revenu, origine géographique ou «ethnique», âge,
etc. Sa fonction est alors de résumer une analyse statis¬
tique ou cartographique, ou d'introduire à cette analyse,
dans une perspective essentiellement descriptive et
empirique ;
• mais, selon une acception plus riche liant à l'image de ces
données factuelles différentes connotations3 qui ont trait à
- des
idées
sont
concept
l'Ecole
Burgess,
divers
extérieur,
la
l'urbanité.
l'analyse
gence
séculaire
économique
tiplier
de
ville
sance
effective
formation
division
société
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marchandises,
d'économies-monde
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des
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sociale
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de
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des
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moderne,
l'espace
La
Chicago,
qui
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comportements,
mobilité
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mobilité
toutes
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au-delà
innervent
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l'espace'.
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Lles
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notamment
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problèmes
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d'urbanisme,
capitaux,
laaux
liens
mobilité
On
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ville
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Et
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mobilité
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en
informations,
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passant
des
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dans
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additive
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même
mobilité
texte
l'espace
tient
de
l'émer¬
monde
portée
clé
par
coeur
crois¬
mul¬
dedes

de
le-
la leur signification sociale, le terme de ségrégation est éga¬
lement utilisé pour évoquer un certain nombre de traits de
«pathologieesturbaine»,
résidentiel considérée
dontcomme
la division
étant sociale
à la foisdelel'espace
révéla¬
teur et la cause, ou du moins un facteur d'aggravation.
Que l'on aborde la question de la «ségrégation» dans une
perspective synchronique ou diachronique, qu'on exa¬
mine en priorité ses aspects morphologiques ou qu'on
cherche d'abord à comprendre ses mécanismes, qu'on
s'intéresse aux problèmes vécus par les habitants ou à
ceux que les gestionnaires - organismes d'habitat social,
administrations, instances politiques locales ou natio¬
nales - associent à des «processus ségrégatifs» : dans

Ségrégation sociale et mobilité

analyse
méthodes»,
société
1 Le contenu
française,
de l'espace.
dans
de cetParis,
J. article
Introduction
BrunLaboratoire
etest Y.extrait
à uned'un
Grafmeyer,
deréflexion
sciences
rapport
Etudes
critique
sociales
inédit
sur surlaJ.deBrun,
lesmobilité
l'Ecole
concepts
«Mobilité
normale
danset leslaet
.

supérieure (convention de recherche avec le Ministère de l'Equipement),


1 99 1 Urbain
Plan , multigr.ainsi
(pp.qu'à
1 -80).
la bibliothèque
Ce rapport peut
JeanêtreIbanès
consulté
à l'Ecole
à la bibliothèque
Normale. Cer¬du
tains
localisation»,
points ontStratégies
été développés
Résidentielles,
dans «Mobilité
séminairerésidentielle
INED-Plan etConstruction
stratégies deet
Architecture
1990 (INED, (organisé
coll. Congrès
en 1 et988colloques,
par C. n°Bonvalet
2). Uneetversion
A.-M. condensée
Fribourg), Paris,
a été
Les
rience
division
un
tion
récentes
civique
de
elles
d'être
l'extension
-rant,
•sente
ambigu,
guration
leaulaessai
etquestions
mot
mais
ségrégation
ont
sens
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sur
un
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de
sociale
«ségrégation»
aussi
du
ont
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concept
aussi
son
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des
ilpeuplement
confirmé
plus
est
utilisation
abordées
révélé
dans
emplois
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:plus
parfaitement
élémentaire
l'espace
lalequi
que critique
que
les
participation
langage
désigne
l'importance
éloigné
constitue
ici
du
en
tiennent,
urbain
grandes
la géographie2.
ont
terme
urbain,
notion
surdes
de
simplement
pour
dans
-clair
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de
agglomérations.
dans
l'acception
sciences
etconcept
de
ànos
etorigine
de
des
et
peut-être
laquelle
plus
ségrégation,
autres
leunivoque,
Les
l'enjeu
jours
travaux
langage
précisément
sociales
toute
derecherches
une
originelle
raisons,
sont
leségréga¬
lesocial,
thème
confi¬
expé¬
sur
Mais
cou¬
plus
pré¬
per-
loin
: laà
publiée dans les Cahiers de l'Habitat, n° 1 8, 1 992 («Le concept de mobilité
résidentielle»).
2. Cf. J. Brun, «Essai critique sur la notion de ségrégation et sur son usage en
géographie
mesure, J. Brun
urbaine»,
et C. Rhein
danséd.,LaParis,
ségrégation
L'Harmattan,
dans 1 la993ville.(sousLespresse).
concepts, la
3. Notamment des jugements de valeur, sources de malentendus sur la nature
exacte des faits désignés sous le nom de «ségrégation» et plus encore sur les
mécanismes qui commandent les «processus ségrégatifs».
Les Annales de la Recherche Urbaine n°59-60, 0180-930-IX-93/59-60I3/I2 © METT

MOBILITÉS 2-3
La mobilité résidentielle et les sciences sociales

tous les cas, l'analyse de la mobilité apparaît comme un quemment implicites, ou simplement empruntés à
moyen fondamental de progresser dans la connaissance d'autres approches sans être véritablement discutés, il en
des phénomènes en question. va différemment de l'analyse de la mobilité. Thème
En particulier, la plupart des formes de désorganisation commun à la quasi-totalité des sciences de la société, elle
sociale usuellement considérées comme des symptômes a suscité un nombre beaucoup plus élevé de recherches et
de cette pathologie, de ces dysfonctionnements de la de en
et publications,
économie -dont
visent
beaucoup
à construire
- surtout
desenmodèles
démographie
théo¬
société urbaine que sous-entend l'emploi du mot «ségré¬
gation», semblent induites non pas tant par de stricts fac¬ riques d'un haut niveau de formalisation. Leur diversité
est considérable, ainsi que celle des méthodes : l'objet de
teursdonnées
des de distance
relatives
géométrique
à la mobilité
et de des
localisation
individus,que
mobi¬
par la présente contribution ne peut être de les passer en
lité sociale et mobilité résidentielle, mobilité quotidienne revue, mais seulement d'essayer d'expliciter quelques-
et mobilité périodique étant à cet égard indissociables. unes des interrogations que nous paraît soulever leur
Des enquêtes, désormais classiques, ont ainsi démontré évolution, en nous limitant à une des facettes de la mobi¬
que, dans un groupe immobilier ou un quartier déter¬ lité, la mobilité résidentielle.
miné, les jugements de valeur sur l'habitat, aussi bien
que la perception des problèmes de cohabitation entre les
groupes sociaux, varient selon la trajectoire résidentielle, Migrations et mobilité
professionnelle, sociale, des personnes interrogées4. Plus
généralement, la mobilité s'affirme comme une compo¬
sante essentielle de la connaissance et de l'expérience de
la ville qui pèsent à l'évidence, même si la mesure en est
délicate, sur les comportements et les projets de chaque
citadin.
Sans aller jusqu'à instituer la mobilité en déterminant
universel et univoque des pratiques urbaines et des pro¬
blèmes sociaux, du moins est-il légitime de la considérer
comme une sorte de prisme au travers duquel se construi¬
sent les représentations. Et, réciproquement, l'environ¬
nement urbain - entendons par là le cadre matériel, la
situation par rapport aux lieux de travail et de récréation,
l'état local du marché du logement, le paysage même,
mais aussi le milieu social, le réseau potentiel de fré¬
quentations,
avoir envie deless'assimiler
gens que ou
l'ondont
côtoie,
on tient
auxquels
à se distancier
on peut étendu
jusqu'aux
jours,
L'usage
Cette
graphie,
disciplines,
urbanisme.
lité»,
leest
d'autres,
la
sociales,
l'espace.
évolution
territorialité
n'était
même
«migration»
mineur
une
comme
facteur
Les
«mobilité»
•ne
«migration»,
ment
Lefaçon
mot
sauraient
devenue
perturbation
champs
premier
assortie
comme
progression
lade
au
pas
«migration».
une
dont
sinon
duSchématiquement,
mais
une
d'une
«mobilité»
:conçoivent
modernité.
cours
années
déterminisme
initialement
etnorme.
terme
Fait
totalement
être
notamment
les
composante
était
principe
-on
c'est
parfois
plus
d'application
un
de
exceptionnel,
modification,
pour
chercheurs,
peut
plus
confondus5.
des
fait,
«migration»
dans
de
1960-1970
est
alors
désigner
fréquente
On deux
«mobilité»
l'observer
remarquable,
de
On
employer
est
comme
particulièrement
d'opposition
les
voit
dominait
l'ordre
exempte
perçue
laen
chez
perçue
peut
normale
ou
rapports
spécification
enàdémographie,
un
on
respectifs
accidentel,
environ,
l'instar
une
trois
subtile
elle
sont
dans
certains
ycertain
social
également
peut
comme
un
une
s'est
voir
comme
d'ethnocentrisme,
réalité
àen
dernières
est
l'expression
de
laterme
entre
des
représentation
résumer
d'autres
mais
ordinaire.
effet
considérablement
fois
on
un
simple
latype
sensible
géographes
des
«résidentielle»,
un
etdomaines
physique,
utilisait
société,
indice,
un
un
dans
la
profonde,
économie
actuel
sécants
introduisant
phénomène
de
notions
décennies.
fait
signe
catégories
société
ainsi
: parler
déplace¬
d'autres
en
De
«mobi¬
banal,
plutôt
parmi
-sinon
etqu'il
mais
cette
degéo¬
où,
;qui
nos
ou
un
de
et
la
- est interprété par chacun en fonction de sa mobilité pas¬
sée et de ses perspectives de mobilité à venir. Un même
lieu, un même type d'habitat est-il perçu par tel individu
comme «normal», rassurant, attachant, tandis que tel
autre s'y sent étouffé, pris au piège, le perçoit comme un
ghetto ? Une proportion donnée de diverses catégories
sociales, ethniques, religieuses, voire de groupes d'âge
(on peut penser aux problèmes des adolescents dans les
grands ensembles), est-elle explosive ici, alors qu'un peu
plus loin une composition apparemment peu différente
ne fait pas problème ? Affaire de mobilité, pour une large
part. Mais de mobilité contrainte ou volontaire, subie ou
assumée. De mobilité future, éprouvée comme possible
ou comme
mobilité ou d'immobilité
interdite, rêvée
effectives.
ou redoutée, autant que de
L'analyse de la mobilité permet donc de remédier, au
moins partiellement, aux imprécisions de la notion de 4. J.-C. Chamboredon et M. Lemaire, «Proximité spatiale et distance sociale,
ségrégation. Mais un concept qui fait office de recours n°les 1,grands
1970. ensembles et leur peuplement», Revue française de Sociologie,
contre l'imprécision d'un autre concept appelle logique¬
ment à son tour un effort analogue de mise en perspective 5. Analyse approfondie des notions dans D. Courgeau, «Le vocabulaire des
critique. Une telle tentative se heurte cependant à une migrations», Lille, Hommes et Terres du Nord, 1 981 , n° spécial Actes du Col¬
difficulté : si, dans les travaux où il est question de 1loque
980),international
et dans Méthodes
Migrationsde internes
Mesure etdeexternes
la Mobilité
en Europe
Spatiale.
occidentale
Migrations
(Lille
«ségrégation sociale», les éléments théoriques sont fré¬ internes, mobilité temporaire, navettes. Paris, INED, 1 988.

LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N= 59-60


est donc a priori possible d'identifier, autrement dit de sans changements de lieu de résidence), le turn-over
cerner, de délimiter sans difficulté majeure. Parler de entre différentes firmes, entre différentes branches éco¬
«mobilité», c'est au contraire évoquer la caractéristique nomiques, ou encore la capacité d'une entreprise particu¬
d'un individu ou d'un groupe capable de se déplacer6. La lière, mais également celle de l'ensemble des entreprises
mobilité n'est donc pas une donnée factuelle aisée à iso¬ d'un secteur, d'une ville, d'une région ou d'une nation, à
ler, mais un attribut, que l'on ne peut considérer séparé - adapter ses structures à une modification de la conjonc-

Argenteuil,

ment de son support. Une migration est un déplacement ture. A la limite, toute propension au changement peut
effectif, qui a un commencement et une fin, dans l'espace être qualifiée de «mobilité» (de même que toute résis¬
mais aussi dans le temps. La mobilité est une qualité, un tance peut être appelée «rigidité», «immobilisme», etc.),
trait de comportement dont les contours sont de ce fait qu'elle soit le fait d'un individu, d'un groupe, ou d'une
même beaucoup plus flous. Ainsi peut-on en toute institution, et qu'elle relève du domaine de l'économie,
rigueur parler de mobilité à propos de déplacements des rapports sociaux ou des pratiques culturelles.
potentiels. L'aptitude, la propension à se déplacer - qu'il En bref, si, dans les sciences sociales comme dans le lan¬
s'agisse d'un individu ou d'un groupe - préexistent au gage courant il est en général superflu, quand on parle de
déplacement et ne disparaissent pas, ne perdent pas leur «migration», de préciser qu'il s'agit de déplacements de
réalitésaetnon-réalisation
avec leur sens avec . la réalisation du déplacement, ni personnes, inscrits dans l'espace géographique, il n'en
va pas de même lorqu'on parle de «mobilité». Le «mou¬
• La deuxième différence, non moins fondamentale, vement» en question n'est pas nécessairement de nature
réside dans le caractère beaucoup plus étroit du champ spatiale ; s'il a une dimension géographique, celle-ci
d'application du concept de migration, alors que celui de n'est pas nécessairement la principale, ni à plus forte rai¬
mobilité est d'une très grande extension. Seuls les dépla¬ son la seule. Bien plus, employer le terme de mobilité au
cements d'êtres humains, et en général plus restrictive- sujet d'un déplacement dans l'espace, c'est d'une
ment leurs changements résidentiels, sont usuellement manière quasi automatique mettre en oeuvre implicite¬
qualifiés de migrations. Inversement, la notion de mobi¬ ment tout un jeu de correspondances potentielles entre ce
lité est couramment employée à propos d'une gamme déplacement géographique et d'autres types de mobilité.
beaucoup plus large de changements, concrets ou abs¬
traits. En particulier avec la mobilité sociale.

Par exemple, en économie industrielle, on peut, sans


recherche métaphorique, utiliser le même terme de
mobilité pour évoquer les délocalisations d'établisse¬ 6. Robert,
autre
P.de
Paris,
«Migration
cepour
1977.
qui Dictionnaire
peut
s'y établir.
déplacement
se mouvoir
Voir
alphabétique
émigration,
oude être
populations
mû,
et immigration»
analogique
changer
qui passent
dede; place,
«Mobilité
lad'un
langue
paysfrançaise,
de position»,
caractère
dans un
ments ou de services, les déplacements du personnel au
:

sein d'une société (changements d'affectation, avec ou

MOBILITÉS 4-5
La mobilité résidentielle et les sciences sociales

géographes - pour qui la tradition d'ouverture aux


L'analyse moderne de la mobilité apports d'autres disciplines est ancienne - mais aussi,
phénomène plus signifiant, chez les chercheurs en éco¬
nomie régionale. Et d'une façon générale, dans les publi¬
cations sur les migrations et la mobilité, depuis deux
décennies environ, les bibliographies ont un caractère de
plus en plus souvent transdisciplinaire7.
Cet élargissement
deux niveaux. De nombreux
des perspectives
textes sur
peutlaêtre
mobilité
constaté
rési¬à
Plusieurs
la
tion
--un
sentations
l'homme
s'étaient
«migrations»
àrer
tiques
tuels
une
des
terme
notion
une
des
affinement
morale
classiques.
perception
efforts
individuelles
volonté
modèles
sur
dechangements
etsavantes
forgées
mobilité
une
en
l'espace,
des
; dedestinés
vue
des
sensibilité
plus
nouveaux
dépasser
les
vont
méthodes
;de: exacte,
moins
images
quantifier
dans
donc
à enaccrue
les
rendre
les
etde
modes
d'observation,
stables
originelles
une
cloisonnements
idées
pair
lesà compte
plus
ladonnées
avec
dequ'à
etdiversité
grande
relations
dans
lades
;l'époque
diffusion
débouchant
etlesd'élabo¬
accepta¬
grandes
des
concep¬
repré¬
entre
pra¬

de
dentielle soulignent que celle-ci n'est qu'une facette de
la mobilité spatiale, indissociable de ses autres volets :
mobilité quotidienne ou périodique des personnes, trans¬
ports de marchandises, relocalisation des emplois, télé¬
communications, etc. Mais à un second niveau, l'accent
est souvent mis sur la nécessité, pour comprendre
l'ensemble de ces formes concrètes de la mobilité spa¬
tiale, de les situer à leur tour dans le cadre d'une vision
plus globale de la mobilité, incluant également les
aspects abstraits, voire métaphoriques de la notion :
Un effort d'intégration conceptuelle mobilité des structures de l'économie, de la société et des
mentalités8.
La notion de mobilité permet en tout cas de réunir dans
Un desledans
l'histoire
effet
formes éléments
souci
récente
uned'intégrer
conception
fédérateurs
des recherches
l'analyse
unifiée
les plus
surdes
remarquables,
de
la rapports
mobilité,
ses différentes
entre
estdans
enla une même problématique l'étude des différents types de
déplacements résidentiels, qu'ils soient définitifs ou tem¬
poraires, à courte ou à longue distance. Alors que les
représentations traditionnelles, populaires et savantes,
insistaient sur l'opposition radicale entre la «migration» et
la vie ordinaire, tenue pour sédentaire par essence, les nou¬
velles façons de concevoir la «mobilité» s'ouvrent à l'idée
qu'il existe une échelle continue dans la capacité et la pro¬
pension des individus à se fixer ou à se déplacer, et qu'un
même individu peut vivre, sans rupture fondamentale, des
phases alternées de stabilité et de mutations résidentielles.

7.Population
compte.
l'ensemble
champs
des
Mobilité
formes
«Notes
graphie,
dans
orientations
démarche
tique
concepts
1 988.
mobilité
urbaine»,
laPlusieurs
humaine)
Espace,
D'innombrables
tradition
migrations
Peuples
deCf.d'urbanisation»,
migratoires
de On
Spatiale.
Populations,
etladémographie,
revues
également,
ibid.,
quantitativiste
la(Paris),
des
méthodes
par
mobilité
lecture.
bibliographiques
empirique
peut
mobilité
enhumaines,
ouvrages
3,Mouvement,
exemple
etRevue
Migrations
textes
1mentionner,
en
981
De
résidentielle,
collections
empruntés
Sociétés
deFrance,
comme
etéconomie,
Revue
etlad'Economie
jalonnent
Données
etmonographique
Claude
UnParis,
modélisante
mobilité
articles
panorama
Paris,
de
internes,
d'Economie
Paris,
nécessité,
(Lille),
àMasson,
lapermettent
Lacour
delatitre
l'évolution
Sociales,
note
estdesociologie,
SEDES,
PUF comme
Régionale
même
L'Espace
dedans
proposé
Daniel
mobilité
23très
la- 1 «Eléments
INED,
Régionale
de
simple
980
ci-dessous.
1complet
captivité
que
Economie
dont
986.
l'élargissement
d'appréhender
élément
l'histoire
Courgeau,
Géographique
età;par
temporaire
le1Méthodes
cet
l'anthropologie
Urbaine
970
Voir
échantillon
recours
deetpour
Pierre-Jean
article
comme
; etégalement
etcentral
Analyse
laUrbaine,
Statistiques
recherche
de
entre
(Bordeaux),
, progressif
une
essaie
de
navettes,
contrainte
lale(Montpellier),
représentatif,
Mesure
dethéorie
lagéographie
autres
quantitative
Thumerelle,
2,rôle
probléma¬
(ainsi
del'analyse
les 1en98(Paris),
rendre
brèves
INED,
de
àdequ'à
etc.
géo¬
1 des
,Leslaet
::

société et l'espace, par le rapprochement de différentes 8. Cf. D. Pumain, «Rapport d'atelier Mobilité des hommes, mobilité des activi¬
méthodes d'étude et par la confrontation de théories éla¬ tés», France : les dynamiques du territoire. (R. Brunet et J. Sallois dir.), Mont¬
L'emploi du terme de «mobilité» apparaît donc comme
un indice, parmi d'autres, du besoin de forger des instru¬ Quantification et paradigmes
ments d'analyse adaptés à un contexte technologique et
culturel en mutation. C'est ainsi que Daniel Courgeau
écrit : «Il nous semble utile de chercher à dépasser le
concept de migration par un concept plus général de
mobilité, qui n'entraîne pas forcément le changement de
résidence de toute la famille. En effet, dans nos sociétés
développées, à côté de la résidence dite principale, les
résidences dites secondaires sont de plus en plus nom¬
breuses, de même que les logements d'étudiants, pour les
enfants toujours rattachés à leur famille, les séjours tem¬
poraires de vacances, etc.»9 Le même auteur parle aussi
des «navettes qui peuvent servir de substitut ou de com¬
plément aux migrations internes des sociétés actuelles».
D'autres expressions, comme celles de «multilocalité» et
«d'espace relationnel», témoignent également, bien que
leur usage ne soit pas encore totalement affermi, de la
nécessité d'un aggiornamento conceptuel. La migration
à longue distance demeure certes, à bien des égards, une
césure temporelle dans la vie des individus et des
familles, et continue à provoquer des phénomènes de
déracinement, de déchirements affectifs, culturels, etc.
Mais la cassure des liens entre le milieu géographique de phiques
phie
Ces
nomie.
méthodologique
incidence
prédominance
plus
effet,
recherche
années
les
agents
-ne
libre
d'un
distance,
cer
économiques
Adépart
se
économique.
ment
qui
rique
modèles
de
Les
recherche
nies,
analyse
apparaît
lation
majeure
des
avec
l'idée
l'hypothèse
ses
pas
confondre
principes
principales
différentes
faits
exemples
compte
l'économie
liens
sous-tendait,
développements
côté
laet
particulièrement
ou
sont
qui,
radical
débuts,
l'ensemble
changer
et
individuels
-les
statistique
1980
que
traditionnelles
statistique.
un
-observés
de
en
formalisés
ont
ledont
plus
quantitative
en
dès
sur
ont
paradigmes
déséquilibre
destination.
coût
l'autre
tenu
l'enjeu
quelque
joué
d'explication
entre
grande
en
Sur
l'étude
éclairants.
avec
lasont
été
offertes
ses
d'un
de
fondamentale
disciplines.
les
mobilité,
tout
du
de
des
lieu
ce
longtemps
un
: dans
origines,
et,
des
la
l'avantage
implicitement,
les
l'analyse
migrations
déplacement,
l'étude
de
système
Le
plan
qu'élaborent
partie
grand
moderne
cas,
régionale
sorte
rationalité
façon
àde
différences
est
suivantes
spécialistes
àmodèles
la
respectivement
présentées
sur
travers
leurs
recours
les
entre
résidence
l'économie
Mais
mobilité
précis,
fondé,
sur
lesquels
au
rôle
de
fondés
inscrit
de
La
plus
entretient
de
en
décisions
encore,
cours
la
des
quelques
pour
deux
de
laconcevoir
c'est
cette
géographie
dans
références
mobilité
avance
:jusque
àilthéoriques
sont
mobilité.
du
la
essentiellement
entre
spectaculaires
disparités
sous
démographes,
se
sur
l'outil
dans
de
le; mobilité
n'y
reposent
des
les
fonctions
surtout
lescience,
comportement
situe
en
migrant
l'étude
néo-classique.
les
une
perfectionnement
ade
des
par
une
dernières
sur
vers
idées-force
les
études
la
contribuant
àles
pas
progrès
mathématique
changer
dans
Ils
l'économie
nature
qui
composante
ce
en
opportunités
forme
les
liens
la
letend
deissus
de
avec
migrations
àont
plan,
opposées,
fournirait
démogra¬
emprunte
début
se
premiers
lieux
l'espace
géogra¬
un
change¬
laécono-
donc
décen¬
étroits
eu
lié
dépla¬
de
même
empi¬
popu¬
l'éco¬
ou
dedont
équi¬
dans
une
àdes
son
En
de
laet
laà
départ et celui d'arrivée est de moins en moins automa¬
tique. Même si l'éloignement reste coûteux, la multipli¬
cation des allers-et-retours, l'intensification des
échanges de marchandises, d'informations, etc., tendent
à substituer à la dichotomie classique - avant/après, lieu
d'origine/lieu d'accueil - des systèmes de relations qui
modifient les effets et le sens de la mobilité10. L'apparte¬
nance, simultanée ou successive, à plusieurs espaces dif¬
férents, de l'échelle du quartier à celle des continents
pour les migrants internationaux peut devenir, devient de
plus en plus souvent un élément constitutif de l'identité
de l'individu comme du groupe11.
Par ailleurs, les seuils entre migrations «intra-urbaines»,
«inter-urbaines», «inter-régionales», sont de plus en plus
compliqués à saisir12, pour des raisons multiples tenant à
l'évolution des moyens de transport, des réseaux de com¬
munication, de la localisation des entreprises, du marché
du logement et des valeurs foncières, des modes de vie,
etc. De même la distinction entre «migration pendulaire»
et «migration hebdomadaire», autrement dit entre rési¬
dences «principale» et «secondaire», apparaît-elle désor¬
mais ambiguë si l'on considère les modes de vie de cer¬
tains groupes sociaux, notamment parmi les cadres et les
retraités. dulin9. «La
Colloque
éd., mobilité
Paris, deP.U.F.,
résidentielle»,
l'Institut
1 988Français
(Travaux
Transformations
d'Urbanisme
et Documents
(1986),
de dela Famille
l'INED,
C. Bonvalet
etn° Habitat
1 20).et P., Actes
Mer¬
Il paraît difficile de reformuler ces différentes notions 10. Cf. G. Simon, L'espace des travailleurs tunisiens en France. Structures et
sans reformuler aussi d'autres concepts, comme ceux de fonctionnement d'un champ migratoire en France, Poitiers, 1 979 ; du même
centralité, d'accessibilité, de ségrégation spatiale. A tra¬ auteur, «Réflexions sur la notion de champ migratoire international», Migra¬
tions internes et externes en Europe occidentale, 1 980, op. cit. ; M. Poinard,
vers la remise en question des catégories de classement «Retour ou va et vient (l'exemple portugais)», ibid.
et de diffusion de l'information statistique, on est donc ll.J. Brun, «Le concept de mobilité résidentielle», art. cit.
conduit à un réexamen en profondeur des principes de
1 2. Alors qu'un des principes classiques d'interprétation de la mobilité oppo¬
perceptiondeetlad'interprétation
balement territorialité. de la mobilité, et plus glo¬ sait les migrations lointaines commandées par le marché du travail et les
migrations de proximité commandées par le marché du logement.

MOBILITÉS 6-7
La mobilité résidentielle et les sciences sociales

mistes et statisticiens. C'est toujours le bilan des facteurs Il existe donc une correspondance entre le rôle de la
de «répulsion et d'attraction», de nature essentiellement mobilité comme instrument technocratique d'intégration
économique, qui rend compte des déplacements. des économies régionales et celui de la notion de mobilité
comme instrument conceptuel d'unification théorique du
champ de l'étude des migrations. Et l'on peut se deman¬
La mobilité comme valeur der si une fonction de la notion n'est pas de gommer les
images de rupture, de déchirement, de soumission aux
Les
notamment
préoccupations
dans lesrelatives
années 1950
au développement
et 1960 en France,
régional,
ont contraintes du marché de l'emploi attachées à la vision
en effet exercé une influence considérable sur l'expan¬ classique des migrations, pour leur substituer des images
sion de la recherche statistique sur la mobilité. Son d'insertion
de libre choix
ouded'ascension
la localisation
sociale,
résidentielle.
d'esprit d'entreprise,
domaine s'est étendu, au-delà de l'exode rural, aux flux
induits par les premières grandes restructurations de L'étude de la mobilité intra-urbaine - et ceci vaut pour la
l'industrie. Des types de mouvements qui existaient mobilité résidentielle comme pour d'autres formes de
antérieurement mais qui étaient spatialement diffus, éta¬ mobilité - soulèverait des questions analogues. Il est de
lés dans le temps, ont suscité l'attention des chercheurs. fait que le manque de mobilité est très souvent le symp¬
C'est le cas des migrations de retraite et de préretraite, tôme mais aussi une des causes de divers «problèmes
déjà connues mais longtemps difficiles à mesurer. Ou urbains», en particulier de ceux qui ont pour nom «mar¬
encore, plus riche encore d'enseignements quant aux ginalisation», «exclusion», «ségrégation». Dans les
formes récentes de turbulence résidentielle, celui des quartiers qui cumulent chômage, échec scolaire, drogue,
déplacements migratoires - apparus en réalité dès la manifestations de xénophobie, etc., les déplacements
Troisième République, et devenus à la longue relative¬ quotidiens vers les lieux de travail, les établissements
ment massifs - pratiqués par des personnes titulaires de scolaires et culturels, les centres de services, font pro¬
diplômes, originaires de régions demeurées en marge de blème14 ; plus encore les migrations annuelles de
la révolution industrielle, amenées à briguer au loin des vacances, et a fortiori les migrations saisonnières ou
emplois du secteur tertiaire et plus particulièrement de la hebdomadaires. Problématiques également les perspec¬
fonction publique, et cherchant par la suite à se rappro¬ tives de déménagement pour des types et des sites
cher de leurs lieux d'origine. Soumission aux contraintes d'habitat plus séduisants... Toutefois, là encore, le dis¬
du marché de l'emploi, ou libre jeu des aspirations ? cours commun - y compris le discours d'inspiration
Dans une conjoncture d'expansion généralisée, où l'on sociale - appelle peut-être une certaine distance critique.
peut penser que les crises des foyers et régions de la pre¬ Les recherches sur les pratiques territoriales des «bandes
mière révolution indutrielle, spatialement circonscrites, de jeunes» qui sont l'objet d'interventions de travailleurs
pourront être résorbées à relativement court terme, et où sociaux dans les banlieues ne semblent pas déboucher
la décentralisation gagne de vastes régions de l'Ouest et sur des conclusions univoques quant aux effets de la plus
du Midi, une sorte d'osmose s'établit entre la pensée des ou moins grande mobilité quotidienne des adolescents en
responsables de l'aménagement territorial et celle des question sur leur insertion sociale ou leur marginalisa¬
chercheurs qui travaillent sur les migrations. La mobilité tion : il n'est pas douteux qu'il faille «désenclaver» les
fait alors figure de moteur de la croissance, et de solution «quartiers d'exil», mais l'amélioration des transports ne
aux déséquilibres qu'induisent ses nouveaux méca¬ peut apporter que des solutions parcellaires. Si les diffi¬
nismes. Le vocabulaire en témoigne. «Mobilité» est cultés qu'éprouvent les familles «précarisées» à déména¬
quasi-systématiquement associé à «dynamisme», «adap¬ ger ont des conséquences indubitablement négatives, et
tation», «développement régional», «prospérité», etc. si les gestionnaires d'organismes d'H.L.M. constatent
Dans un certain nombre de textes de vulgarisation ou que le manque de fluidité du marché du logement est une
même de travaux de recherche, le pas est parfois franchi, source de tensions sociales, il n'est pas certain pour
un peu rapidement, de l'idée de mobilité résidentielle à autant qu'un progrès de la mobilité résidentielle pèserait
celle de mobilité sociale, et de celle-ci à l'idée de progrès très lourd en faveur du «développement social» des quar¬
social. Claude Lacour note ainsi que «la mobilité a été tiers à problèmes. Enfin, la recherche de la mobilité à
longtemps, au-delà d'un concept et d'une prétendue tout prix - par exemple au prix de la dissémination de
théorie scientifique, un ensemble de valeurs, de noms et certaines minorités immigrées, sous prétexte de faciliter
d'instruments. Que ce soit la théorisation à base sociolo¬ leur «assimilation» - peut en certains cas relever de
gique (cycle de vie), la mobilité professionnelle ou éco¬ l'illusion écologique consistant à croire qu'il suffit d'agir
nomique (héritées ou reposant sur les modèles de gravi¬ sur l'espace et le cadre de vie pour changer la vie.
tation), toutes, de manière générale, supposaient la mobi¬
lité comme un progrès, un exemple ou une condition
d'un déplacement à caractère positif. De surcroît, ces 1 3. cit..
op. C. Lacour, «Repenser la mobilité», France : les dynamiques du territoire,
mobilités étaient considérées comme libres. Et les poli¬
tiques d'aménagement
comme instrument.»13 sous-entendaient la mobilité n°14.18,D. 1992.
Béhar, «Ségrégation et relégation urbaine», Les Cahiers de l'Habitat ,

LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N° 59-60


Associer «mobilité» à «ouverture», «liberté» ou «pro¬ détermination de leurs limites, incidences de ce décou¬
grès», «immobilité» à «captivité», «enfermement» ou page sur la mesure des déplacements, etc.)15.
«ghetto», c'est transgresser les limites entre l'usage Les questions sociologiques et anthropologiques sont
conceptuel et l'usage métaphorique des mots. Attitude subordonnées à l'étude des disparités spatiales de l'éco¬
intellectuelle féconde, nécessaire pour explorer des nomie : la quête des clés d'interprétation de la mobilité
champs de questionnement nouveaux, mais non dénuée est fondée sur l'analyse mathématique des informations
de risque, notamment du risque de contribuer à un pro¬ chiffrées qui permettent de caractériser les structures
cessus quasi publicitaire d'inculcation de valeurs. démographiques, sociales et économiques des zones
entre lesquelles s'établissent les flux. Bien qu'on postule
l'autonomie des acteurs individuels, l'étude de leurs pra¬
Polarisation spatiale tiques et représentations est en retard sur celle des pro¬
et déterminants de la mobilité priétés collectives de l'espace.
Cette dimension idéologique de l'emploi de la notion de Ce décalage est sensible dans l'ensemble des publica¬
«mobilité» paraît, a posteriori, quelque peu contradic¬ tions sur la mobilité. On en trouverait des exemples chez
toire avec la conception de la mobilité comme produit certains géographes particulièrement soucieux de mesu¬
des disparités économiques de l'espace, car celle-ci, qui rer les phénomènes de structuration de l'espace et de les
a inspiré les premiers travaux de mesure et de modélisa¬ représenter sous une forme modélisante, illustrant bien,
tion, tend à n'accorder qu'une attention secondaire à la parfois, la difficulté d'établir des relations rigoureuses
entre l'analyse de données statistiques agrégées et
diversité
miser leurdes
autonomie.
comportements des individus, voire à mini¬ l'enquête directe auprès des populations confrontées aux
L'étude quantitative de la mobilité repose en effet, au problèmes de la mobilité. La prédominance de la pre¬
départ, sur le traitement de données agrégées. Lorsqu'on mière semble exprimer surtout l'influence dominante -
évalue des flux, lorsqu'on calcule des soldes, des taux dans la phase pionnière de l'étude moderne de la mobi¬
d'émigration et/ou d'immigration, l'analyse a pour objet lité - de la science économique, de ses paradigmes et de
effectif des entités collectives, les unités spatiales dans le sa démarche, au détriment des liens originels entre la
cadre desquelles sont recueillies les statistiques, même si recherche de terrain et les disciplines «empiriques»
l'on décompose les mouvements migratoires en tenant comme la sociologie, l'anthropologie et l'histoire. Peut-
compte de la répartition des migrants selon leur âge et être procède-t-elle aussi de l'intérêt traditionnel des géo¬
leur sexe, selon qu'ils sont actifs ou non-actifs, etc. Le graphes pour les taxinomies. Toujours est-il que dans
but de la recherche est de nature avant tout économique. certains travaux pionniers dans le domaine de la quantifi¬
En observant les fluctuations temporelles de la mobilité, cation - en géographie, mais sans doute également dans
on s'efforce de saisir quel impact les variations de la d'autres disciplines - on peut relever une distorsion entre
conjoncture économique exercent sur son ampleur et sur la sophistication des méthodes de mesure et d'analyse
ses formes. Surtout, on s'intéresse aux rapports entre
l'organisation spatiale des déplacements humains et
l'organisation spatiale de l'économie, perçue principale¬
ment à travers l'emploi.
Il s'établit donc, dans les années 1960, une convergence
logique entre les travaux sur la mobilité, quelle que soit
la discipline de leurs auteurs, et ceux qui ressortissent à la
«science régionale» ou «économie spatiale», dans une d'ouvrages
ment
recherches
l'emploi
textes,
dans
internes
tions
moins
Ales
parallélisme
rêt
15.parcourir
migrations
Il internationales
ladudéveloppés),
serait
bien
hiérarchie
occupe
(interrégionales
territoire,
avant
illustrant
sur
estlainévitablement
intra-urbaines.
bibliographie
frappant
lalongtemps
lamobilité.
des
que
enfin
crise
le(enpoids,
thèmes
des
etentre
des
seulement
pratique,
une
interdépartementales),
concepts
Iannées
l arbitraire
tant
estlesétudiés,
des
place glissements
des
en
années
lesl'immigration
1 essentielle
tout
issus
préoccupations
970.
migrations
viennent
decas
1On
de970
proposer
suivants
manifeste
l'économie
peut
dans
etalors
deenen1noter
proximité
second
980
l'immense
dans
touchant
une
en
provenance
que
conjointement
tête
sur
spatiale,
liste
lesrang
lacentres
lesetàmajorité
d'articles
référence
l'aménage¬
mobilité,
notamment
migrations
lesdedans
d'migra¬
ipays
nté¬
que,
des
lesleetà
:

période où cette branche de l'économie connaît en


France un grand essor. La problématique de la polarisa¬
tion de l'espace y tient une place fondamentale. A cette
époque, par exemple, naît (ou plus exactement renaît)
une «géographie appliquée», suivie, quelques années
plus tard, de l'émergence d'une «nouvelle géographie», - des questions d'emploi vers les questions de logement et d'habitat une
qui s'affirme plus théorique. Là encore, le concept de recension des articles publiés par exemple dans les publications de l'INSEE et
:

polarisation est un thème majeur, comme le montre le de l'INED mettrait en évidence cette association de plus en plus étroite entre le
Christaller
succès du concept
et de Loesch.
de centralité, inspiré des oeuvres de thème dude mot
titres, la mobilité
«déménagements»)
et celui de l'habitat
; (avec la fréquence accrue, dans les
- des «migrations» (définitives) à moyenne ou grande distance vers
Dans ce contexte, la connaissance des inégalités de l'ensemble des types de mobilité, quels qu'en soient le rythme et la distance.
l'espace économique sous-tend, en réalité, l'essentiel de - de l'étude de la polarisation spatiale vers celle des acteurs individuels ;
la recherche sur la mobilité, y compris lorsque celle-ci a - de la mesure et de la formalisation vers l'observation empirique du «vécu» ;
En même temps, on observe un déplacement des références théoriques, d'une
d'autres objectifs immédiats, tels que la définition de macro-économie de l'offre (en matière d'emploi, d'abord, puis de logement)
découpages pertinents pour le recueil et l'exploitation de vers
mationune(habitat,
micro-économie
mode de vie).
et une sociologie de la demande et de la consom¬
données sur les migrations (échelle optimale des zones,

MOBILITÉS 8-9
La mobilité résidentielle et les sciences sociales

des mouvements migratoires et le caractère élémentaire, Les discriminants sociaux de la mobilité


voire convenu, des notions psychologisantes qui en der¬
nier ressort constituent l'armature théorique d'une grande Parmi lesà caractéristiques
chercher mettre en relationdesavec
individus
leurs comportements
que l'on peut
partie des interprétations.
en matière de mobilité, certaines se prêtent mieux que
d'autres à la mesure. Ce sont notamment les indicateurs
Vers une approche anthropologique relatifs à l'âge, au lieu de naissance, au statut matrimo¬
de la mobilité nial, aux diplômes possédés. Faciles à collecter, par
exemple dans le cadre des recensements de population,
généralement peu ambigus, ils se transcrivent aisément
sous forme chiffrée. Il est donc naturel qu'ils tiennent
une place très importante dans les modèles descriptifs
ou explicatifs, et que leur étude mathématique ait pro¬
gressé rapidement. Bien avant l'essor des méthodes
d'analyse statistique et la diffusion des théories emprun¬
tées à la science régionale, les études sur l'exode rural
ou sur les migrations transocéaniques avaient d'ailleurs
montré que, dans un espace et une conjoncture donnés,
certaines de ces variables agissent comme autant de
«filtres» qui influent sur la propension des individus à la
mobilité, et sur les modalités concrètes de celle-ci :
caractère provisoire ou définitif, zones de destination,
etc.
Surtout, prendre en compte ces données en tant que
facteurs de la diversité des comportements en matière
de mobilité s'accorde parfaitement avec le principe de
la rationalité migratoire, dont on a vu qu'il était un des
fondements du transfert des concepts de l'économie
régionale dans le champ de la recherche sur la mobi¬
lité. C'est dans cette perspective que s'inscrivent, par
exemple, divers modèles d'analyse des migrations
interrégionales d'après les recensements de popula¬
propriétés
On
de
historique
Cette
dans
l'INSEE
migrations
basées
complétées
ment,
enquêtes
proche,
gement
des
interpréter
mentales
science
mise
longue
dité
Or,
àl'observation
lement
mais
faire
gique,
rer
teurs
exemple,
regard
comportements
d'anomalies,
jeunes
Midi
croissance).
apporter
genre,
ensemble
caractéristiques
Aconsidérée
petit
donc
les
quelques-unes
l'objet,
laindividus.
niveau
peut
deux
les
incitations
modèles
d'un
c'est
ànombre
les
aussi
l'économie
-notion
utilisés
de
évolution
jour
par
un
sur
àadultes
série
outils
des
en
on
régional.
dans
régionale.
donc
qui
dernières
publications
système
la
condition
un
qui
sur
travail
lorsqu'on
de
individuelles
des
précisément
complément
dans
les
l'a
médiocre
et
d'autres
d'un
par
dans
théories
France
internes.
se
de
Une
éclairage
corrélations
de
les
empirique
la
comme
d'attributs
fondaient
méthodologiques
considérer
-ledonnées
propriétés
vu,
faits
àen
sont
les
calculs,
migratoires,
des
pôle
plus
connaissance
s'avère
la
système
consistant
caractéristiques
logement),
est
Mais
sa
du
causal16.
de
direction
analyse
mobilité
décennies,
données
Ils
recherche
observés,
que
depuis
adonnés
avancées
étudie
compréhension.
marché
particulièrement
sources
celle
de
tout
des
attractif
en
l'augmentation
s'attachent
des
Au
leurs
préconstruites
sur
des
avec
plus
les
l'on
des
la
plus
nécessaire.
économiques
collectives
de
cette
que
suffisamment
salaires
postulat
départ,
des
chercheurs
quantitative
certains
la
un
entre
rationalité
migrants,
de
modèles
agissent
corrélations,
recherches
corrélations
peuvent
qu'en
àparvienne
la
etde
aux
les
leou
un
française
précis
fin
l'étude
spécifiques,
lfactuelle
responsables
zones
paradoxe
démonstration
'état-civil
volonté
-leur
déplacement
plus
autres
l'emploi
des
véritable
de
répulsif,
àhypothèses
ycorrectif
(telles
leurs
moral
ne
phénomènes
compris
de
migrants17.
sélectivement
sans
la
Ilproblématique
faire
de
«classiques»
décisives,
constitue,
mathématique
des
Car
de
globaux,
pas
économique
précises
l'espace
visent
choses
en
période
symptomatique
àminutieuse
sur
fort
qui
de
d'approfondir
apparent
au
analyses
les
(et,
recensements,
déterminer
recourir,
figure
migrations
renversement
l'INED
pour
ou
défini
va
dans
confondre
comme
de
terme
-la
va
chômage
régions
ultérieure¬
les
comporte¬
progressif
psycholo¬
àainsi,
de
l'idée
àmobilité,
mobilité.
l'aména¬
conduire
au
élaborer
non
entre
pouvoir
de
vers
s'ajoute
aamélio¬
la
laindica¬
qui,
par
priori
d'une
cours
de
etselon
pour
forte
zone
sont
vali¬
peut
seu¬
des
que
par
les
est
de
du
un
auet
ce
la tion. Ils présentent en effet la stratification des flux
(pourcentage des actifs et des non actifs, répartition
par âge, etc.) comme le produit d'anticipations aux¬
quelles procèdent les individus. Ces derniers, au terme
d'un raisonnement plus ou moins conscient et d'un
calcul plus ou moins rigoureux, mettent en balance,
d'un côté le coût d'un changement de lieu de vie, de
l'autre les avantages qu'ils peuvent attendre du trans¬
fert de leur «capital humain» dans une nouvelle locali-

1 6. «Nous
actions
remplacer
locale,
Courgeau,
quientrepermet
laproposons
«Lanotion
mobilité
mobilité
de demieux
nonrésidentielle»,
résidentielle
causalité
plus
approcher
uneparetétude
constitution
le1les988,
concept
causale,
interactions
op. cit..
deplus
mais
la entre
souple
famille.
une phénomènes»,
analyse
deElledépendance
permet
des inter¬
deD.

1 7. «Les migrations intérieures (...) sont souvent considérées comme la sanc¬


tion de différences de développement économique la main-d'oeuvre quittant
les régions les moins développées pour se diriger vers les pôles de croissance
:

de l'emploi industriel et tertiaire. (...) Cependant, il faut se garder de considé¬


rer les migrations comme un simple mécanisme d'allocation spatiale de la
main-d'œuvre en direction des régions où l'offre d'emploi est la plus vive. Un
tel schéma ne peut rendre compte de certaines caractéristiques des migrations
interrégionales. (...) Ainsi l'existence de courants migratoires importants
s'orientant dans la « mauvaise direction» pour reprendre l'expression de
Greenwood, invite à modéliser séparément les courants d'immigration et
d'émigration»,
Annales de l'INSEE,
J.-P. 44,
Puig,1 98«La1 migration régionale de la population active»,
.

LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N 0 59-60


sation18. La démarche mathématique permet donc de plus complexes mais en fin de compte plus intéressan
soumettre à l'épreuve de la mesure l'idée ancienne lorsqu'on cherche à comprendre les phénomèn
étudiés19.
selon laquelle la mobilité à grande distance est
d'autant plus élevée que les gens disposent d'un
«capital» aisément monnayable (diplômes, jeunesse),
La création
et que les entraves à leur déplacement sont moindres
(pas ou peu d'enfants). de nouveaux instruments d'enquête
Lorsqu'on applique à l'étude des migrations locales
La mobilité résidentielle et les sciences sociales

parents, le début de sa vie matrimoniale ou son entrée


dans la vie active, soulève des difficultés considérables, Mobilité et pratiques de l'espace
ne serait-ce que pour collecter des informations offrant
un minimum d'homogénéité20.
Parmi les facteurs qui contribuent à déterminer le «capi¬
tal social» des individus, certains sont particulièrement
malaisés à chiffrer : par exemple la connaissance pra¬
tique du milieu local ou régional, les «relations
sociales». Or il est certain que ces éléments pèsent sur la
mobilité. Soit pour lui faire obstacle, si le réseau local de Ce
sein
d'analyse
dérable.
française
deuxième
nouvelles
Les
une
vation
recours
alors
temps,
monopole
catégories
1980rapprochement,
exploitation
techniques
même
que
une
longue
etEn
àen
sur
certains
quantitative
et
moitié
convergence
de
l'informatique
de
de
effet,
legéographie
ladémarches
des
progrès,
la
ville
adoptées
statistique,
des
modernité,
fraction
dans
comportements,
tenants
issu
etannées
lededifférents
ou
d'un
du
territoire,
entre
tend
la-de
laleetpopulation,
questionnaire
moins
entretiens
plus
1970
la
regain,
l'opposition
affinement
àaux
l'essor
quantification
s'affaiblir23.
avancée
secteurs
et-mathématiques.
onetc.
surtout
des
cherché
observe
de
approfondis,
-aenquêtes
une
n'excluent
des
problématiques
fermé
de
du
entre
deàportée
méthodes
laavaient
àmouvement
lapartir
s'arroger
recherche
décennie
destiné
les
directes.
consi¬
obser¬
Mais,
pas
deux
de
- un
aulelaà
relations personnelles offre des «ressources» supérieures
à celles que procurerait un déplacement, même vers un
lieu théoriquement doté d'un potentiel attractif élevé :
c'est le cas en particulier dans certaines branches du sec¬
teur tertiaire, comme la distribution, l'assurance, le pla¬
cement de produits financiers, ou dans le domaine de
l'économie souterraine. Soit au contraire pour faciliter la
migration : un réseau, ou plus exactement une «filière»
de relations, établissant autant de passerelles entre lieu
de départ et lieu d'accueil, élimine certains des obstacles Critiques des modèles spatiaux
économiques et affectifs, ou aide à les surmonter. Inté¬
grer
la foisde difficile
tels éléments
et nécessaire.
dans une approche quantitative est à
Une des grandes innovations dans la recherche française
sur la mobilité a donc été l'utilisation de grandes
enquêtes, spécifiquement conçues en vue du recueil
d'informations de nature anthropologique, mais desti¬
nées à un traitement mathématique, dont les «modèles»
sont par exemple l'enquête dirigée par Françoise Cribier
sur les retraités21, ou l'enquête «Triple biographie» de
l'INED22. La mise en oeuvre de ces instruments lourds,
L'objectif
secondaire
mations
utiles
besoins
niveau,
répondre
l'égard
hiatus
quantitative
qui
les
forme
tories
boration
dée
de
empirique.
séparée
teriori,
latableaux
résument
surmobilité
que
entre
de
d'une
mais
spécifiques
de
les
lades
plus
courbes
àles
peut
fonction
la
de
La
enquêtes
observation
certaines
de
est
analyse
données,
statistiques,
recherche,
démarche
concrètes
les
recherche
données
premières
est
lacontemporaine
être
mobilité,
ou
renseignements
intégré,
dede
directes,
simplement
multivariée,
l'étude
au
des
deet
graphiques,
l'enquête
distincte
du
modélisante,
etn'ont
contraire,
leur
et
type
interprétation.
l'examen
réserves
sens
plus
non
de
leéventuelle
du
pas
censitaire
n'est
travail
laplus
nuancées,
de
etc.)
de
recueil
numériques
monographique
mobilité24.
leété
dans
laparfois
des
compléter
pas
extérieur
dessin
etcréation
constitue
produites
de
en
«configurations»
la
Siàtraduction
surajoutée
de compréhension
démarche
l'aide
dans
d'autant
particulier
l'information.
des
formulées
Aà(les
etun
plans
l'analyse
une
l'analyse
pour
de
d'infor¬
second
est
cartes,
al'éla¬
étape
sous
pos¬
plus
fon¬
fac¬
les
deà
du
destinés à rendre compte de données biographiques, per¬
met de situer respectivement les uns par rapport aux
autres les événements de la vie résidentielle, familiale et
professionnelle, de les coder dans leur dimension tempo¬
relle, et d'établir ainsi des mesures précises de leurs
interrelations.
Il y a là un changement fondamental dans le rapport
entre le travail d'interprétation et l'outillage métho¬
dologique. Traditionnellement l'enquête de terrain et
l'analyse statistique étaient autonomes. Souvent,
elles relevaient de pratiques professionnelles dis¬
tinctes (l'anthropologie et la sociologie d'une part, la
démographie et l'économie de l'autre, l'histoire et la
géographie jouant sur les deux registres). Au mieux 20. C. ;Baudelot,
description»,
logie»
Transformations
cf. également
Revue
de«Lalaéconomique,
jeunesse
F. Godard
famille etn'est
habitat,
etn°T.plus
1 ,Bloss,
1op.988
ce cit.
qu'elle
«La
(n° décohabitation
spécial
était «Economie
les difficultés
des etjeunes»,
Socio¬
d'une
elles étaient complémentaires, l'enquête permettant
:

de formuler les hypothèses en termes plus précis,


l'analyse statistique offrant des arguments en vue 21. F. Cribier (dir.),
CORDES-CNRS, 1978.Une génération de Parisiens arrive à la retraite, Paris,
d'une validation et d'un élargissement des conclu¬ 22. Nombreuses références dans Population et dans les publications de
sions de l'enquête. Désormais l'intégration des deux Daniel Courgeau.
démarches
de fouet ainsi
est réalisée
donnéd'entrée
à toute
de jeu.
une Outre
famille
le coup
de 23. Sur les transformations, et des pratiques territoriales, et du regard que la
société projette sur elles, les travaux d'Alain Tarrius ont profondément modifié
recherches nouvelles, reposant en particulier sur la problématique (voir son article dans le présent numéro des Annales ). Voir
l'analyse longitudinale, c'est un pont jeté entre les également La ville en mouvement, E. Lelièvre et C. Lévy-Vroelant éd., Paris,
différentes disciplines qui s'intéressent à la mobilité, l'Harmattan, 1 992 ; le n° spécial de la Revue de Géographie de Lyon, 3-1 992
(notamment X. Piolle, «Mobilité, identités, territoires») ; M. Marié, «A propos
et plus généralement aux problèmes touchant aux de quatre livres récents sur le phénomène migratoire, sur le territoire, l'identité
villes et à l'espace. et la marge», Sociologie du travail, n° 3, 1 993, etc.

LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N ° 59-60


Ces inflexions méthodologiques, qui aboutissent à placer d'ailleurs pas à récuser totalement la notion de rationalité
les pratiques résidentielles au centre de la problématique («la non-mobilité constatée ne relève pas forcément de sen¬
et àsein
au «rendre
mêmela d'un
parole»
courant
aux de
acteurs
recherche
micro-économiques,
fortement mar¬ timents ou de valeurs, elle peut très bien être exprimée en
termes de rationalité économique ; mais cette rationalité
qué au départ par ses liens avec la science régionale, vont n'est pas universelle»), et débouche sur la notion de «ratio¬
de pair avec d'autres courants, d'emblée critiques à nalité segmentée».
l'égard des paradigmes de cette branche de l'économie.
Dès la fin des années soixante, à l'apogée du mouvement de Diversité des pratiques
planification territoriale, la sociologie et la géographie
urbaines marxistes avaient souligné les contraintes qui
restreignent les choix de localisation résidentielle pour les
membres des classes dominées, et montré l'ambivalence de
la mobilité que la science régionale érigeait en valeur. On
peut noter cependant que, jusque dans les premières années
de la crise, une fraction du discours critique sur la mobilité
n'apportait aux thèses dominantes que des contradictions
relativement simples : à l'idée de la mobilité comme fruit
d'une décision libre et rationnelle s'opposait celle de la
mobilité
lence exercée
subie,surdesla migrations
main-d'oeuvre.
comme
A laproduits
notion ded'une
mobilité
vio¬
comme clé de la croissance répondait celle de la perte des
racines territoriales, au thème de la mobilité comme élé¬
ment de fluidité du marché du logement en milieu urbain
s'opposait celui de la «rénovation-déportation» et de l'assi¬
gnation à résidence des populations défavorisées dans des
segments prédéterminés du parc de logements.
La conscience du caractère en partie «indécidable» des
arguments échangés dans ce type de débats n'est pas étran¬ contraintes,
c'est
part
du
quasi-totalité)
mération,
l'échelle
rigidement
gies
leurs
dépense,
de
conscientes,
des
coup
dans
auteurs,
accepter
chercheurs,
et
stratégies,
l'application
Quoi
cadre
dialogue
car
la
«stratégies»
et diversité
Cet
que
surl'intuition.
macroéconomiques
possibilité
stratégies
milieu
logement
type
comportements
elle
l'hypothèse
calculs
théoriques,
ensemble
la
résidentielles»26.
lace
par
enqu'il
conceptuel
ressources
segmentation
gestion
permet
effet
dernier
de
tandis
la
coup,
inter-régionale
etc.
entre
des
notion
et
les
vont
en
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logement,
relatives
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des
fondées
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Cette
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de
des
d'autre
La
migrations.
de
soit,
etd'étudier
des
de
résidentielles
est
que
lacas
jusqu'à
commun,
àmanifester
reposant
le«décisions»,
préoccupations,
pertinence
mouvements
de
notion
leur
àliberté
jusqu'aux
ladomaine
spécialistes
l'intérêt
lad'autres
l'origine
est
leque
qui
«stratégie
économique
1980,
sur
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L'emploi
plupart
résidence
vie
part
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résidentielle
sinon
internationale,
de
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pratiques
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anticipations
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marché
d'approches
des
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la
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de
déterminisme
développement,
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concept
très
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thématique
acteurs
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mobilité
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notion
au
la
ce
résidence.
àspatiale
pratiques
principe
strict,
décisions
sur
selon
totalité
concept
d'autres
ou
contraire
méthodologiques
individuelles27.
dans
: de
l'affectation
choix
l'improvisation
individuels
de
est
institutionnels
partiellement
déterminerait
de
convergentes
résidentielle,
qui
d'autonomie
lequel
d'une
réfléchies
l'emploi,
par
une
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des
«stratégie»
du
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inspiré,
marché
«straté¬
gamme
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lieu
d'une
fondé
de
partir
plus
ont
un
de
au
leetà
la
gère au croissant
nombre fait que, depuis
de chercheurs
la fin desétudiant
annéeslasoixante-dix,
mobilité recou¬
un
rent à l'observation locale et à l 'enquête directe. Dans divers
travaux relevant aussi bien de la géographie sociale que de
l'anthropologie, se manifeste ainsi une volonté de distance
critique, vis-à-vis d'une dérive réductrice du marxisme
consistant à n'offrir, du discours technocratique, que des
images inversées. Il s'agit de se soustraire aussi à l'idéolo¬
gie implicite de soumission aux impératifs de l'aménage¬
ment du territoire sous-jacente, aux yeux de leurs auteurs,
aux modèles de l'économie régionale et de la «nouvelle
géographie quantitative». C'est le cas notamment des
recherches sur les phénomènes qui résistent ou échappent à
la «rationalité migratoire» : attraction - évoquée ci-dessus -
de régions économiquement déprimées et n'offrant que peu
d'emplois, mal rémunérés, volonté de «rester au pays», ou
d'y retourner même s'il est frappé par la crise, etc. C'est
ainsi que, dans une étude sur la mobilité de jeunes chômeurs
dans un bassin de main-d'oeuvre semi-rural, Catherine
Paradeise et Pierre Tripier discutent et mettent à l'épreuve
«les deux schémas théoriques (d'interprétation) de la migra¬ 24. Cettedu remarque
l'INED
Paris». type «Triplene Biographie»
concerne doncou pas,
«Peuplement
évidemment,
et dépeuplement
les enquêtes de
tion : un schéma rationaliste qui se présente comme une
variante de la théorie de la décision et qui reproduit en ce
domaine les présupposés de la doctrine libérale ; un schéma 25. C. de
Changer
Presses Paradeise
del'Urégion
niversité
et, de
P.deTripier,
métier,
Paris X«Le
changer
- Nanterre,
refus deactuel
1quartier,
982.de la O.migration
Benoit-Guilbot
vers Paris»,
éd.,
empiriste qui s'appuie sur le constat que l'être social concret
ne vit pas dans un univers sans structure, mais est enserré 26. Outre l'ouvrage ainsi intitulé [op. cit.), voir le n° spécial Conjuguer straté¬
par des liens sociaux dont l'existence, même ténue, conduit gies et territoires,
miques des espaces,de Paris,
la revue
CNRS,
du laboratoire
STRATES, n°Stratégies
5, 1 990. territoriales et dyna¬
à rompre plus ou moins radicalement avec les présupposés
du premier modèle»25. Leur analyse, très nuancée, n'aboutit 27. Débats sur la notion de stratégie territoriale, STRATES, op. cit.

MOBILITÉS 12-13
La mobilité résidentielle et les sciences sociales

naguère, une partie notable de la recherche en géogra¬ d'analyse longitudinale de la mobilité. Dans une même
phie et sociologie urbaines. perspective, on pourrait recenser un certain nombre de
Reste, à l'évidence, que les différents groupes sociaux thèmes à propos desquels il serait utile de multiplier les
n'ont pas une égale capacité à mettre en oeuvre des «stra¬ enquêtes de terrain et simultanément de développer
tégies résidentielles». La précarité des revenus, le l'application des méthodes statistiques, d'élaborer des
manque de diplômes, la faiblesse du capital culturel et modèles encore plus rigoureux.
l'étroitesse du réseau de relations sociales restreignent le Sur lenotamment
citer seul plan dele fonctionnement
la mobilité intra-urbaine,
des filièresondepourrait
démé¬
champ du possible. Si par exemple on examine les
options qui s'offrent, au moment de quitter le domicile nagements dans le parc de logements sociaux, les mou¬
parental, à un groupe d'enfants d'ouvriers, d'origine vements entre le parc social institutionnel et le «parc
étrangère, non qualifiés, en période de fort chômage et de social de fait» des quartiers anciens dégradés, les pra¬
crise du logement, la notion même de «choix» paraît de tiques résidentielles des travailleurs immigrés et de leurs
prime abord vide de sens. Et pourtant, quelques années descendants, et leur inégale propension au regroupement
plus tard, les uns se retrouvent dans une cité d'H.L.M. à identitaire en «communautés» ou à la dissémination spa¬
la périphérie de la ville, d'autres dans un vieux quartier tiale, etc.30 On peut également évoquer le problème de la
proche du centre... De même, différentes recherches en «gentrification» du centre des grandes agglomérations :
cours sur l'habitat des familles de migrants internatio¬ une amélioration s'impose dans la connaissance empi¬
naux démontrent, par une approche micro-sociologique rique et la mesure chiffrée des faits, car, à Paris comme
et une géographie minutieuse des déplacements, la capa¬ dans les métropoles nord-américaines, la nature du phé¬
cité de certains groupes dominés à développer des straté¬ nomène est encore assez mal connue ; mais les progrès
gies de mobilité relativement autonomes28. ne sauraient reposer sur les seules données censitaires.
Prêter une grande attention aux représentations des indi¬ L'enquête biographique et l'entretien en sont le complé¬
vidus, à leurs aspirations, à leurs comportements résiden¬ ment nécessaire, si l'on veut comprendre comment les
tiels, ce n'est donc pas les créditer d'une liberté sans différentes fractions des «couches moyennes» procèdent
limite dans le choix de leur habitat. Mais, c'est éviter le à des arbitrages entre leurs aspirations et les contraintes
risque de passer à côté de mouvements susceptibles de auxquelles elles se trouvent confrontées31. L'exemple de
peser lourdement sur l'évolution des villes, si on négli¬ ces groupes sociaux montre bien comment se joue la
geait d'étudier la diversité des pratiques au sein des question? -desentre
diction «stratégies»,
leur libertédans
effective
la marge
de choix
- ourésidentiel
la contra¬
groupes soumis aux contraintes les plus fortes en arguant
du caractère illusoire de leur liberté face aux stratégies et leur perception des contraintes et menaces qui restrei¬
des groupes immobiliers, des entreprises et des pouvoirs gnent cette liberté. ■
publics. De même, penser la mobilité en termes de «stra¬
tégies de localisation», ce n'est ni surestimer ni sous- Jacques Brun
estimer a priori les effets que peuvent exercer sur la
mobilité les grands déterminants sociétaux, de nature
politique, économique ou culturelle. Ce n'est pas davan¬
tage adopter un postulat selon lequel l'analyse de la
mobilité résidentielle devrait faire exclusivement appel à 28.
lyne
minorités
1 992),
Cf.,
de etc.
Villanova
entre
en France
autres,surauxleslesstratégies
travaux
Portugaisd'Alain
d'intégration»,
(par ex.Tarrius«DesurCahiers
la lesmobilité
Maghrébins,
de l'Habitat,
résidentielle
de n°Rose¬
des
1 8,
des méthodes et à des concepts tirés de la psychologie
:

comportementale, postulat sur lequel est basée,


aujourd'hui encore, une partie importante des publica¬ 29. S. Aifken, «Person-Environment Theories in Contemporary Perceptual and
tions anglo-saxonnes sur ce thème29. Behavioural Geography. Personality, Attitudinal and Spatial Choice Theo¬
ries», Progress in Human Geography, 1 5, 2, 1 991
I:

30. Cf. par exemple C. Rhein, «Mobilité résidentielle et dynamique urbaine»,


Vers un décloisonnement méthodologique Revue de Géographie de Lyon, vol. 65, n° 3, 1 990 ; ou encore J.-P. Lévy, «Les
situations locales de l'habitat une méthode d'analyse», L'Espace géogra¬
phique, n° 1 , 1 992, etc.
:

L'approfondissement
tives
ment etprouvé
des méthodes
son efficacité,
d'observation
conjointpar
desexemple
directe
méthodes
a déjà
enquantita¬
matière
ample¬ 31 Annales
Les J.Brun etdeJ. laFagnani,
Recherche
«ParisUrbaine,
ou la banlieue,
n° 50, 1 991le choix d'un mode de vie ?»,
.

Jacques Brun enseigne la géographie humaine à l'Ecole normale supérieure. Il a collaboré à /'Histoire de la France Urbaine < Seuil,
1985, t. 5) et à Stratégies résidentielles (INED-Plan Construction, 1990) et a publié des articles sur les concepts et méthodes
d'analyse de la division sociale de l'espace urbain et sur la mobilité résidentielle, dans Villes en parallèle, Espace-Population-
Sociétés, Les Annales de la Recherche Urbaine ( 1991 ), les Cahiers de l'Habitat (1992 ). Il est coéditeur de La Ségrégation dans la Ville.
sur
Concepts
l' environnement.
et mesures (l'Harmattan sous presse). Il est par ailleurs coresponsable du programme interdisciplinaire de l'Ecole Normale
,

LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N° 59-60

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