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urbaine
Brun Jacques. La mobilité résidentielle et les sciences sociales: transfert de concept et questions de méthodes. In: Les
Annales de la recherche urbaine, N°59-60, 1993. Mobilités. pp. 3-14;
doi : https://doi.org/10.3406/aru.1993.1722
https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1993_num_59_1_1722
Abstract
Jacques Brun, Residential mobility and the social sciences
Mobility, one of the positive aspects of modern life, has developed into a field of knowledge with its
own history. Within the context of the interdisciplinary tendancy prevalent in the past twenty years,
interpreting the connections between different types of movement has replaced yesterday's
models based on linear causality. The study of movement on a large scale is completed with an
astute examination of the mobile individual's particular characteristics.
Zusammenfassung
Jacques Brun, Wohnmobilität und Sozialwissenschaften
Die Mobilität, ein positiver Wert der Moderne, hat als Forschungsbereich bereits ihre Geschichte.
Mit der im Laufe der letzten zwanzig Jahre üblich gewordenen Kombinierung unterschiedlicher
Ansätze haben monokausale Erklärungsmuster der Untersuchung der Beziehungen zwischen
diversen Mobilitätstypen Platz gemacht. Feinuntersuchungen der Merkmale des mobilen
Individuums ergänzen die Bestandsaufnahme der großen Migrationsströme.
Resumen
Jacques Brun, La movilidad residencial y las ciencias sociales
La movilidad, valor positivo de la moder-nidad, ha llegado a ser un campo de conocimiento con su
propia historia. En el movimiento de hibridación disciplinaria de los Ultimos veinte anos, los
modelos de causalidad lineal de ayer han sido reem-plazados por la interpretation de los vinculos
entre diferentes tipos de movimientos. El estudio fino de las caracterfsticas del individuo movil
compléta el de los grandes flujos.
LA MOBILITE RÉSIDENTIELLE
Jacques Brun
analyse
méthodes»,
société
1 Le contenu
française,
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Introduction
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MOBILITÉS 2-3
La mobilité résidentielle et les sciences sociales
tous les cas, l'analyse de la mobilité apparaît comme un quemment implicites, ou simplement empruntés à
moyen fondamental de progresser dans la connaissance d'autres approches sans être véritablement discutés, il en
des phénomènes en question. va différemment de l'analyse de la mobilité. Thème
En particulier, la plupart des formes de désorganisation commun à la quasi-totalité des sciences de la société, elle
sociale usuellement considérées comme des symptômes a suscité un nombre beaucoup plus élevé de recherches et
de cette pathologie, de ces dysfonctionnements de la de en
et publications,
économie -dont
visent
beaucoup
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démographie
théo¬
société urbaine que sous-entend l'emploi du mot «ségré¬
gation», semblent induites non pas tant par de stricts fac¬ riques d'un haut niveau de formalisation. Leur diversité
est considérable, ainsi que celle des méthodes : l'objet de
teursdonnées
des de distance
relatives
géométrique
à la mobilité
et de des
localisation
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mobi¬
par la présente contribution ne peut être de les passer en
lité sociale et mobilité résidentielle, mobilité quotidienne revue, mais seulement d'essayer d'expliciter quelques-
et mobilité périodique étant à cet égard indissociables. unes des interrogations que nous paraît soulever leur
Des enquêtes, désormais classiques, ont ainsi démontré évolution, en nous limitant à une des facettes de la mobi¬
que, dans un groupe immobilier ou un quartier déter¬ lité, la mobilité résidentielle.
miné, les jugements de valeur sur l'habitat, aussi bien
que la perception des problèmes de cohabitation entre les
groupes sociaux, varient selon la trajectoire résidentielle, Migrations et mobilité
professionnelle, sociale, des personnes interrogées4. Plus
généralement, la mobilité s'affirme comme une compo¬
sante essentielle de la connaissance et de l'expérience de
la ville qui pèsent à l'évidence, même si la mesure en est
délicate, sur les comportements et les projets de chaque
citadin.
Sans aller jusqu'à instituer la mobilité en déterminant
universel et univoque des pratiques urbaines et des pro¬
blèmes sociaux, du moins est-il légitime de la considérer
comme une sorte de prisme au travers duquel se construi¬
sent les représentations. Et, réciproquement, l'environ¬
nement urbain - entendons par là le cadre matériel, la
situation par rapport aux lieux de travail et de récréation,
l'état local du marché du logement, le paysage même,
mais aussi le milieu social, le réseau potentiel de fré¬
quentations,
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sée et de ses perspectives de mobilité à venir. Un même
lieu, un même type d'habitat est-il perçu par tel individu
comme «normal», rassurant, attachant, tandis que tel
autre s'y sent étouffé, pris au piège, le perçoit comme un
ghetto ? Une proportion donnée de diverses catégories
sociales, ethniques, religieuses, voire de groupes d'âge
(on peut penser aux problèmes des adolescents dans les
grands ensembles), est-elle explosive ici, alors qu'un peu
plus loin une composition apparemment peu différente
ne fait pas problème ? Affaire de mobilité, pour une large
part. Mais de mobilité contrainte ou volontaire, subie ou
assumée. De mobilité future, éprouvée comme possible
ou comme
mobilité ou d'immobilité
interdite, rêvée
effectives.
ou redoutée, autant que de
L'analyse de la mobilité permet donc de remédier, au
moins partiellement, aux imprécisions de la notion de 4. J.-C. Chamboredon et M. Lemaire, «Proximité spatiale et distance sociale,
ségrégation. Mais un concept qui fait office de recours n°les 1,grands
1970. ensembles et leur peuplement», Revue française de Sociologie,
contre l'imprécision d'un autre concept appelle logique¬
ment à son tour un effort analogue de mise en perspective 5. Analyse approfondie des notions dans D. Courgeau, «Le vocabulaire des
critique. Une telle tentative se heurte cependant à une migrations», Lille, Hommes et Terres du Nord, 1 981 , n° spécial Actes du Col¬
difficulté : si, dans les travaux où il est question de 1loque
980),international
et dans Méthodes
Migrationsde internes
Mesure etdeexternes
la Mobilité
en Europe
Spatiale.
occidentale
Migrations
(Lille
«ségrégation sociale», les éléments théoriques sont fré¬ internes, mobilité temporaire, navettes. Paris, INED, 1 988.
Argenteuil,
ment de son support. Une migration est un déplacement ture. A la limite, toute propension au changement peut
effectif, qui a un commencement et une fin, dans l'espace être qualifiée de «mobilité» (de même que toute résis¬
mais aussi dans le temps. La mobilité est une qualité, un tance peut être appelée «rigidité», «immobilisme», etc.),
trait de comportement dont les contours sont de ce fait qu'elle soit le fait d'un individu, d'un groupe, ou d'une
même beaucoup plus flous. Ainsi peut-on en toute institution, et qu'elle relève du domaine de l'économie,
rigueur parler de mobilité à propos de déplacements des rapports sociaux ou des pratiques culturelles.
potentiels. L'aptitude, la propension à se déplacer - qu'il En bref, si, dans les sciences sociales comme dans le lan¬
s'agisse d'un individu ou d'un groupe - préexistent au gage courant il est en général superflu, quand on parle de
déplacement et ne disparaissent pas, ne perdent pas leur «migration», de préciser qu'il s'agit de déplacements de
réalitésaetnon-réalisation
avec leur sens avec . la réalisation du déplacement, ni personnes, inscrits dans l'espace géographique, il n'en
va pas de même lorqu'on parle de «mobilité». Le «mou¬
• La deuxième différence, non moins fondamentale, vement» en question n'est pas nécessairement de nature
réside dans le caractère beaucoup plus étroit du champ spatiale ; s'il a une dimension géographique, celle-ci
d'application du concept de migration, alors que celui de n'est pas nécessairement la principale, ni à plus forte rai¬
mobilité est d'une très grande extension. Seuls les dépla¬ son la seule. Bien plus, employer le terme de mobilité au
cements d'êtres humains, et en général plus restrictive- sujet d'un déplacement dans l'espace, c'est d'une
ment leurs changements résidentiels, sont usuellement manière quasi automatique mettre en oeuvre implicite¬
qualifiés de migrations. Inversement, la notion de mobi¬ ment tout un jeu de correspondances potentielles entre ce
lité est couramment employée à propos d'une gamme déplacement géographique et d'autres types de mobilité.
beaucoup plus large de changements, concrets ou abs¬
traits. En particulier avec la mobilité sociale.
MOBILITÉS 4-5
La mobilité résidentielle et les sciences sociales
7.Population
compte.
l'ensemble
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Mobilité
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société et l'espace, par le rapprochement de différentes 8. Cf. D. Pumain, «Rapport d'atelier Mobilité des hommes, mobilité des activi¬
méthodes d'étude et par la confrontation de théories éla¬ tés», France : les dynamiques du territoire. (R. Brunet et J. Sallois dir.), Mont¬
L'emploi du terme de «mobilité» apparaît donc comme
un indice, parmi d'autres, du besoin de forger des instru¬ Quantification et paradigmes
ments d'analyse adaptés à un contexte technologique et
culturel en mutation. C'est ainsi que Daniel Courgeau
écrit : «Il nous semble utile de chercher à dépasser le
concept de migration par un concept plus général de
mobilité, qui n'entraîne pas forcément le changement de
résidence de toute la famille. En effet, dans nos sociétés
développées, à côté de la résidence dite principale, les
résidences dites secondaires sont de plus en plus nom¬
breuses, de même que les logements d'étudiants, pour les
enfants toujours rattachés à leur famille, les séjours tem¬
poraires de vacances, etc.»9 Le même auteur parle aussi
des «navettes qui peuvent servir de substitut ou de com¬
plément aux migrations internes des sociétés actuelles».
D'autres expressions, comme celles de «multilocalité» et
«d'espace relationnel», témoignent également, bien que
leur usage ne soit pas encore totalement affermi, de la
nécessité d'un aggiornamento conceptuel. La migration
à longue distance demeure certes, à bien des égards, une
césure temporelle dans la vie des individus et des
familles, et continue à provoquer des phénomènes de
déracinement, de déchirements affectifs, culturels, etc.
Mais la cassure des liens entre le milieu géographique de phiques
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tique. Même si l'éloignement reste coûteux, la multipli¬
cation des allers-et-retours, l'intensification des
échanges de marchandises, d'informations, etc., tendent
à substituer à la dichotomie classique - avant/après, lieu
d'origine/lieu d'accueil - des systèmes de relations qui
modifient les effets et le sens de la mobilité10. L'apparte¬
nance, simultanée ou successive, à plusieurs espaces dif¬
férents, de l'échelle du quartier à celle des continents
pour les migrants internationaux peut devenir, devient de
plus en plus souvent un élément constitutif de l'identité
de l'individu comme du groupe11.
Par ailleurs, les seuils entre migrations «intra-urbaines»,
«inter-urbaines», «inter-régionales», sont de plus en plus
compliqués à saisir12, pour des raisons multiples tenant à
l'évolution des moyens de transport, des réseaux de com¬
munication, de la localisation des entreprises, du marché
du logement et des valeurs foncières, des modes de vie,
etc. De même la distinction entre «migration pendulaire»
et «migration hebdomadaire», autrement dit entre rési¬
dences «principale» et «secondaire», apparaît-elle désor¬
mais ambiguë si l'on considère les modes de vie de cer¬
tains groupes sociaux, notamment parmi les cadres et les
retraités. dulin9. «La
Colloque
éd., mobilité
Paris, deP.U.F.,
résidentielle»,
l'Institut
1 988Français
(Travaux
Transformations
d'Urbanisme
et Documents
(1986),
de dela Famille
l'INED,
C. Bonvalet
etn° Habitat
1 20).et P., Actes
Mer¬
Il paraît difficile de reformuler ces différentes notions 10. Cf. G. Simon, L'espace des travailleurs tunisiens en France. Structures et
sans reformuler aussi d'autres concepts, comme ceux de fonctionnement d'un champ migratoire en France, Poitiers, 1 979 ; du même
centralité, d'accessibilité, de ségrégation spatiale. A tra¬ auteur, «Réflexions sur la notion de champ migratoire international», Migra¬
tions internes et externes en Europe occidentale, 1 980, op. cit. ; M. Poinard,
vers la remise en question des catégories de classement «Retour ou va et vient (l'exemple portugais)», ibid.
et de diffusion de l'information statistique, on est donc ll.J. Brun, «Le concept de mobilité résidentielle», art. cit.
conduit à un réexamen en profondeur des principes de
1 2. Alors qu'un des principes classiques d'interprétation de la mobilité oppo¬
perceptiondeetlad'interprétation
balement territorialité. de la mobilité, et plus glo¬ sait les migrations lointaines commandées par le marché du travail et les
migrations de proximité commandées par le marché du logement.
MOBILITÉS 6-7
La mobilité résidentielle et les sciences sociales
mistes et statisticiens. C'est toujours le bilan des facteurs Il existe donc une correspondance entre le rôle de la
de «répulsion et d'attraction», de nature essentiellement mobilité comme instrument technocratique d'intégration
économique, qui rend compte des déplacements. des économies régionales et celui de la notion de mobilité
comme instrument conceptuel d'unification théorique du
champ de l'étude des migrations. Et l'on peut se deman¬
La mobilité comme valeur der si une fonction de la notion n'est pas de gommer les
images de rupture, de déchirement, de soumission aux
Les
notamment
préoccupations
dans lesrelatives
années 1950
au développement
et 1960 en France,
régional,
ont contraintes du marché de l'emploi attachées à la vision
en effet exercé une influence considérable sur l'expan¬ classique des migrations, pour leur substituer des images
sion de la recherche statistique sur la mobilité. Son d'insertion
de libre choix
ouded'ascension
la localisation
sociale,
résidentielle.
d'esprit d'entreprise,
domaine s'est étendu, au-delà de l'exode rural, aux flux
induits par les premières grandes restructurations de L'étude de la mobilité intra-urbaine - et ceci vaut pour la
l'industrie. Des types de mouvements qui existaient mobilité résidentielle comme pour d'autres formes de
antérieurement mais qui étaient spatialement diffus, éta¬ mobilité - soulèverait des questions analogues. Il est de
lés dans le temps, ont suscité l'attention des chercheurs. fait que le manque de mobilité est très souvent le symp¬
C'est le cas des migrations de retraite et de préretraite, tôme mais aussi une des causes de divers «problèmes
déjà connues mais longtemps difficiles à mesurer. Ou urbains», en particulier de ceux qui ont pour nom «mar¬
encore, plus riche encore d'enseignements quant aux ginalisation», «exclusion», «ségrégation». Dans les
formes récentes de turbulence résidentielle, celui des quartiers qui cumulent chômage, échec scolaire, drogue,
déplacements migratoires - apparus en réalité dès la manifestations de xénophobie, etc., les déplacements
Troisième République, et devenus à la longue relative¬ quotidiens vers les lieux de travail, les établissements
ment massifs - pratiqués par des personnes titulaires de scolaires et culturels, les centres de services, font pro¬
diplômes, originaires de régions demeurées en marge de blème14 ; plus encore les migrations annuelles de
la révolution industrielle, amenées à briguer au loin des vacances, et a fortiori les migrations saisonnières ou
emplois du secteur tertiaire et plus particulièrement de la hebdomadaires. Problématiques également les perspec¬
fonction publique, et cherchant par la suite à se rappro¬ tives de déménagement pour des types et des sites
cher de leurs lieux d'origine. Soumission aux contraintes d'habitat plus séduisants... Toutefois, là encore, le dis¬
du marché de l'emploi, ou libre jeu des aspirations ? cours commun - y compris le discours d'inspiration
Dans une conjoncture d'expansion généralisée, où l'on sociale - appelle peut-être une certaine distance critique.
peut penser que les crises des foyers et régions de la pre¬ Les recherches sur les pratiques territoriales des «bandes
mière révolution indutrielle, spatialement circonscrites, de jeunes» qui sont l'objet d'interventions de travailleurs
pourront être résorbées à relativement court terme, et où sociaux dans les banlieues ne semblent pas déboucher
la décentralisation gagne de vastes régions de l'Ouest et sur des conclusions univoques quant aux effets de la plus
du Midi, une sorte d'osmose s'établit entre la pensée des ou moins grande mobilité quotidienne des adolescents en
responsables de l'aménagement territorial et celle des question sur leur insertion sociale ou leur marginalisa¬
chercheurs qui travaillent sur les migrations. La mobilité tion : il n'est pas douteux qu'il faille «désenclaver» les
fait alors figure de moteur de la croissance, et de solution «quartiers d'exil», mais l'amélioration des transports ne
aux déséquilibres qu'induisent ses nouveaux méca¬ peut apporter que des solutions parcellaires. Si les diffi¬
nismes. Le vocabulaire en témoigne. «Mobilité» est cultés qu'éprouvent les familles «précarisées» à déména¬
quasi-systématiquement associé à «dynamisme», «adap¬ ger ont des conséquences indubitablement négatives, et
tation», «développement régional», «prospérité», etc. si les gestionnaires d'organismes d'H.L.M. constatent
Dans un certain nombre de textes de vulgarisation ou que le manque de fluidité du marché du logement est une
même de travaux de recherche, le pas est parfois franchi, source de tensions sociales, il n'est pas certain pour
un peu rapidement, de l'idée de mobilité résidentielle à autant qu'un progrès de la mobilité résidentielle pèserait
celle de mobilité sociale, et de celle-ci à l'idée de progrès très lourd en faveur du «développement social» des quar¬
social. Claude Lacour note ainsi que «la mobilité a été tiers à problèmes. Enfin, la recherche de la mobilité à
longtemps, au-delà d'un concept et d'une prétendue tout prix - par exemple au prix de la dissémination de
théorie scientifique, un ensemble de valeurs, de noms et certaines minorités immigrées, sous prétexte de faciliter
d'instruments. Que ce soit la théorisation à base sociolo¬ leur «assimilation» - peut en certains cas relever de
gique (cycle de vie), la mobilité professionnelle ou éco¬ l'illusion écologique consistant à croire qu'il suffit d'agir
nomique (héritées ou reposant sur les modèles de gravi¬ sur l'espace et le cadre de vie pour changer la vie.
tation), toutes, de manière générale, supposaient la mobi¬
lité comme un progrès, un exemple ou une condition
d'un déplacement à caractère positif. De surcroît, ces 1 3. cit..
op. C. Lacour, «Repenser la mobilité», France : les dynamiques du territoire,
mobilités étaient considérées comme libres. Et les poli¬
tiques d'aménagement
comme instrument.»13 sous-entendaient la mobilité n°14.18,D. 1992.
Béhar, «Ségrégation et relégation urbaine», Les Cahiers de l'Habitat ,
polarisation est un thème majeur, comme le montre le de l'INED mettrait en évidence cette association de plus en plus étroite entre le
Christaller
succès du concept
et de Loesch.
de centralité, inspiré des oeuvres de thème dude mot
titres, la mobilité
«déménagements»)
et celui de l'habitat
; (avec la fréquence accrue, dans les
- des «migrations» (définitives) à moyenne ou grande distance vers
Dans ce contexte, la connaissance des inégalités de l'ensemble des types de mobilité, quels qu'en soient le rythme et la distance.
l'espace économique sous-tend, en réalité, l'essentiel de - de l'étude de la polarisation spatiale vers celle des acteurs individuels ;
la recherche sur la mobilité, y compris lorsque celle-ci a - de la mesure et de la formalisation vers l'observation empirique du «vécu» ;
En même temps, on observe un déplacement des références théoriques, d'une
d'autres objectifs immédiats, tels que la définition de macro-économie de l'offre (en matière d'emploi, d'abord, puis de logement)
découpages pertinents pour le recueil et l'exploitation de vers
mationune(habitat,
micro-économie
mode de vie).
et une sociologie de la demande et de la consom¬
données sur les migrations (échelle optimale des zones,
MOBILITÉS 8-9
La mobilité résidentielle et les sciences sociales
1 6. «Nous
actions
remplacer
locale,
Courgeau,
quientrepermet
laproposons
«Lanotion
mobilité
mobilité
de demieux
nonrésidentielle»,
résidentielle
causalité
plus
approcher
uneparetétude
constitution
le1les988,
concept
causale,
interactions
op. cit..
deplus
mais
la entre
souple
famille.
une phénomènes»,
analyse
deElledépendance
permet
des inter¬
deD.
MOBILITÉS 12-13
La mobilité résidentielle et les sciences sociales
naguère, une partie notable de la recherche en géogra¬ d'analyse longitudinale de la mobilité. Dans une même
phie et sociologie urbaines. perspective, on pourrait recenser un certain nombre de
Reste, à l'évidence, que les différents groupes sociaux thèmes à propos desquels il serait utile de multiplier les
n'ont pas une égale capacité à mettre en oeuvre des «stra¬ enquêtes de terrain et simultanément de développer
tégies résidentielles». La précarité des revenus, le l'application des méthodes statistiques, d'élaborer des
manque de diplômes, la faiblesse du capital culturel et modèles encore plus rigoureux.
l'étroitesse du réseau de relations sociales restreignent le Sur lenotamment
citer seul plan dele fonctionnement
la mobilité intra-urbaine,
des filièresondepourrait
démé¬
champ du possible. Si par exemple on examine les
options qui s'offrent, au moment de quitter le domicile nagements dans le parc de logements sociaux, les mou¬
parental, à un groupe d'enfants d'ouvriers, d'origine vements entre le parc social institutionnel et le «parc
étrangère, non qualifiés, en période de fort chômage et de social de fait» des quartiers anciens dégradés, les pra¬
crise du logement, la notion même de «choix» paraît de tiques résidentielles des travailleurs immigrés et de leurs
prime abord vide de sens. Et pourtant, quelques années descendants, et leur inégale propension au regroupement
plus tard, les uns se retrouvent dans une cité d'H.L.M. à identitaire en «communautés» ou à la dissémination spa¬
la périphérie de la ville, d'autres dans un vieux quartier tiale, etc.30 On peut également évoquer le problème de la
proche du centre... De même, différentes recherches en «gentrification» du centre des grandes agglomérations :
cours sur l'habitat des familles de migrants internatio¬ une amélioration s'impose dans la connaissance empi¬
naux démontrent, par une approche micro-sociologique rique et la mesure chiffrée des faits, car, à Paris comme
et une géographie minutieuse des déplacements, la capa¬ dans les métropoles nord-américaines, la nature du phé¬
cité de certains groupes dominés à développer des straté¬ nomène est encore assez mal connue ; mais les progrès
gies de mobilité relativement autonomes28. ne sauraient reposer sur les seules données censitaires.
Prêter une grande attention aux représentations des indi¬ L'enquête biographique et l'entretien en sont le complé¬
vidus, à leurs aspirations, à leurs comportements résiden¬ ment nécessaire, si l'on veut comprendre comment les
tiels, ce n'est donc pas les créditer d'une liberté sans différentes fractions des «couches moyennes» procèdent
limite dans le choix de leur habitat. Mais, c'est éviter le à des arbitrages entre leurs aspirations et les contraintes
risque de passer à côté de mouvements susceptibles de auxquelles elles se trouvent confrontées31. L'exemple de
peser lourdement sur l'évolution des villes, si on négli¬ ces groupes sociaux montre bien comment se joue la
geait d'étudier la diversité des pratiques au sein des question? -desentre
diction «stratégies»,
leur libertédans
effective
la marge
de choix
- ourésidentiel
la contra¬
groupes soumis aux contraintes les plus fortes en arguant
du caractère illusoire de leur liberté face aux stratégies et leur perception des contraintes et menaces qui restrei¬
des groupes immobiliers, des entreprises et des pouvoirs gnent cette liberté. ■
publics. De même, penser la mobilité en termes de «stra¬
tégies de localisation», ce n'est ni surestimer ni sous- Jacques Brun
estimer a priori les effets que peuvent exercer sur la
mobilité les grands déterminants sociétaux, de nature
politique, économique ou culturelle. Ce n'est pas davan¬
tage adopter un postulat selon lequel l'analyse de la
mobilité résidentielle devrait faire exclusivement appel à 28.
lyne
minorités
1 992),
Cf.,
de etc.
Villanova
entre
en France
autres,surauxleslesstratégies
travaux
Portugaisd'Alain
d'intégration»,
(par ex.Tarrius«DesurCahiers
la lesmobilité
Maghrébins,
de l'Habitat,
résidentielle
de n°Rose¬
des
1 8,
des méthodes et à des concepts tirés de la psychologie
:
L'approfondissement
tives
ment etprouvé
des méthodes
son efficacité,
d'observation
conjointpar
desexemple
directe
méthodes
a déjà
enquantita¬
matière
ample¬ 31 Annales
Les J.Brun etdeJ. laFagnani,
Recherche
«ParisUrbaine,
ou la banlieue,
n° 50, 1 991le choix d'un mode de vie ?»,
.
Jacques Brun enseigne la géographie humaine à l'Ecole normale supérieure. Il a collaboré à /'Histoire de la France Urbaine < Seuil,
1985, t. 5) et à Stratégies résidentielles (INED-Plan Construction, 1990) et a publié des articles sur les concepts et méthodes
d'analyse de la division sociale de l'espace urbain et sur la mobilité résidentielle, dans Villes en parallèle, Espace-Population-
Sociétés, Les Annales de la Recherche Urbaine ( 1991 ), les Cahiers de l'Habitat (1992 ). Il est coéditeur de La Ségrégation dans la Ville.
sur
Concepts
l' environnement.
et mesures (l'Harmattan sous presse). Il est par ailleurs coresponsable du programme interdisciplinaire de l'Ecole Normale
,