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No 3.

Juin 2002 Projet IRIS

Observatoire
universitaire de la Ville et
du Développement durable

DOSSIER :
GOUVERNANCE URBAINE ET
DURABILITE

Sommaire L’approche durabiliste interroge les sociétés urbaines sur leurs modes d’organisation de
l’espace, leurs modes d’habiter et de se déplacer, leurs nouvelles technologies de production,
leurs valeurs et la valeur de leurs valeurs. Appliqué à la ville, le concept de développement
EN VUE durable peut se décliner en objectifs concrets et apparemment consensuels : réduction de
la consommation d’énergie, d’espace, de ressources naturelles, limitation des déplacements
Gouvernance inutiles d’hommes et de marchandises, amélioration de la qualité du cadre de vie… Pour toutes
et échelles ces questions, il existe des solutions techniques. Cependant, l’expérience tend à montrer que
le succès des actions en faveur du développement durable dépend toujours de la capacité
spatiales 2 des pouvoirs publics de combiner des demandes émanant d’intérêts différents et également
légitimes, de dégager et de faire accepter des arbitrages et des solutions effectives.

DOSSIER Comment harmoniser les exigences du développement social, de la croissance économique des
villes et de la gestion prudente de l’environnement ? Comment arbitrer entre le court terme et
Gouvernance le long terme ? Est-ce que ce qui est bon pour une ville l’est aussi pour la région qui l’entoure ?
urbaine et Le principe de durabilité est contemporain d’une société urbaine qui réfléchit sur elle-même et
sur ses problèmes économiques, sociaux et environnementaux, dans un contexte qui oblige à
durabilité 3 prendre en compte la complexité de la société, le long terme et l’incertitude.
Le développement durable renvoie nécessairement à l’idée de gouvernance parce que le jeu
des valeurs et des intérêts des acteurs de la ville est conflictuel, mais aussi parce que les
BONNES contenus de l’utilité collective sont multiples et que les choix possibles sont manifestement
PRATIQUES 6 complexes et incertains. Les décisions relatives au développement urbain dépassent la raison
technique des collèges d’experts. Elle est d’essence politique.
L’ambition de la durabilité ne se réalise pas dans un projet urbain idéalisé et unique, ni dans
REFERENCES 7 une techno-science toujours prête à submerger la culture et à oublier la citoyenneté, mais
dans une gouvernance cherchant à éviter des changements indésirables par un arbitrage
démocratique des choix collectifs. La ville est aussi un creuset de valeurs citoyennes.
PRE-VUES 8 L’agglomération urbaine est un territoire majeur de participation, de négociation et de
concertation. C’est dans l’exercice de la citoyenneté que se créent les conditions d’une
légitimation de l’action politique en faveur d’un projet de développement urbain durable.
La gouvernance peut constituer une clef de l’efficacité de la gestion urbaine, mais aussi
du lien social. • AC

Vues sur la ville 1


en vue
GOUVERNANCE ET ÉCHELLES
SPATIALES : territorialité virtuelle,
territorialité en réveil
Peut-on, dans une perspective de politique Nous faisons l’hypothèse que le processus
publique cohérente et efficace, concevoir et est d’autant plus complexe qu’«il doit venir (*) Cette probléma-
d’une base libre et consentante» (Bernard tique est abordée en
associer de manière plus pertinente échelle
particulier dans le
des problèmes et échelles des responsabili- Dafflon) et qu’il s’inscrit dans cette dialec- cadre d’une
tés ? Telle est l’une des questions centrales tique de la latence et de l’actualisation recherche qui vient
auxquelles les préoccupations de bonne chère au logicien Stéphane Lupasco (1979). d’être déposée au
FNRS et s’attachant,
gouvernance se doivent de répondre. Comprenons avec lui que dans l’adhésion sous la direction de
Cette interrogation prend d’autant plus de totale du sujet qu’exige la réalité géogra- K. Horber-Papazian
relief que chacun de nos jours est de plus en phique, à travers sa vie affective, son corps (IDHEAP),
et ses habitudes et qu’évoque le géogra- M. Bassand (IREC) et
plus mobile, que les habitants des villes ne J.-B. Racine (IGUL) à
sont plus guère ou ne sont plus prioritairement phe Eric Dardel (1952), des sentiments, l’étude «des condi-
des habitants de quartier, ou de paroisse, que même organisés, peuvent rester latents, tions d’une
en sommeil, oubliés, comme on oublie sa représentation com-
nos citadins bougent et que tout bouge autour mune de l’espace
d’eux. L’espace des flux tend bien à remplacer propre vie organique, jusqu’à ce qu’un évé- d’action public au
ou du moins à reconfigurer l’espace des lieux. nement quelconque, l’éloignement, l’exil, niveau local»
En Suisse, ce type de problème est soulevé, une menace de transformation, les réveille
par exemple, par les diverses entreprises de et les actualise.
redistribution de tâches entre Confédération, Menace d’un changement, réveil des clo-
cantons et communes. chers dira-t-on volontiers. Si l'on suit l'hy-
«Pour les plus petites d’entre elles, rappelle pothèse, se pose la question du comporte-
HORBER-PAPAZIAN Katia Horber-Papazian (2001), il s’agit sou- ment des élus locaux qui, paradoxalement,
K., L’espace local
vent d’assumer de nouvelles charges, et donc vous assurent au quotidien que les espaces
en mutation, institutionnels ne correspondent plus aux
Lausanne : Presses de nouvelles compétences, ce qui exige des
polytechniques et structures et des moyens adaptés qui ne espaces vécus, semblent avoir parfaitement
universitaires
sont souvent pas disponibles. Pour les com- intégré le discours voulant qu’il faut traiter les
romandes, 2001 problèmes à un autre niveau, mais qui, dès
munes plus grandes, en particulier dans les
agglomérations, les problèmes sont d’abord que la situation héritée est remise en cause,
Lire dans les chapi-
tres 10 et 11 les relatifs aux effets de débordement, la com- découvrent soudain attachement absolu à
leçons à tirer de mune-centre offrant des prestations dont les leur frontière communale.
la loi des agglomé-
communes environnantes bénéficient sans On peut ainsi fort bien voter au parlement
rations adoptée par
le parlement fri- pour autant accepter d’en assumer les char- une nouvelle loi sur les agglomérations, en
bourgeois et l’Asso- ges. Dans tous les cas, la question de la en acceptant les frontières fonctionnelles,
ciation régionale du remise en cause des limites existantes de que l’on pratique d’ailleurs largement, et
Val-de-Travers sous
les plumes respec- l’espace de l’action publique et des critères remettre tout en question quand la proposi-
tives de Dominique qui y président est à l’ordre du jour». tion passera devant les urnes.
De Buman et de
Christelle Melly. Pour les unes et pour les autres, se pose Les latences se réveillent et s’actualisent dès
avec acuité la question de la collaboration lors : la forte concurrence, d’ordre identitaire
intercommunale voire, parfois, de la fusion et passionnel, la peur d’avoir à partager le
de communes ou de la régionalisation. On pouvoir de décision entre les communes sont
peut dès lors se demander quel est et quel sera des phénomènes beaucoup plus forts que Références :

en la matière le rôle des représentations de la pression rationalisante dont les représenta- DARDEL E.,
l’espace le plus approprié que se donnent les tions, pour relever de la logique et pour être L’homme et la
terre, Nature de la
gens concernés, qu’il s’agisse d’acteurs poli- frappées au coin du bon sens et même du
réalité géographi-
tico-administratifs, communaux ou extra-com- vécu, ne se traduiront pas en transformation que, Paris : PUF,
munaux, d’acteurs économiques, d’«experts des frontières. 1952
scientifiques», voire, quand viendra l’inévitable Cette prégnance du territoire institutionnel, LUPASCO S., L’uni-
épreuve de la sanction populaire, des habi- tel qu’elle transcende, parfois et à la limite, vers psychique; sa
tants-usagers-citoyens. Ces schémas plus ou les intérêts fonctionnels, illustre bien ce «con- dialectique consti-
moins pertinents d’un réel en devenir ont-ils tutive et sa con-
flit entre le géographique comme intériorité, naissance de la
une chance de converger fondant ainsi une comme passé, et le géographique tout exté- connaissance,
véritable légitimité (*) ? rieur du maintenant» (Dardel, 1952). • Jbr Paris : Denoel, Gon-
thiers, 1979

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dossier
LA GOUVERNANCE URBAINE
COMME ENJEU DE DURABILITÉ

En Europe, la notion de gouvernance, VERS UNE PERSPECTIVE ANALYTIQUE


comme enjeu de pilotage et de coordi-
Pour notre part, nous ne retenons pas la gou-
nation, fait l’objet de nombreux débats
vernance comme support à un discours idéo-
aussi bien scientifiques que politiques
logique ou prescriptif, mais plutôt comme
depuis une dizaine d’années environ. La
une grille de lecture des transformations
multiplicité des usages et des interpré-
de l’action publique, en particulier ici de
tations de cette notion fait à la fois son
l’action publique territoriale. La notion de
énorme succès et sa principale faiblesse.
gouvernance doit en effet contribuer à ana-
Son succès, car elle a obligé plusieurs
lyser les nouveaux types de pilotage qui
disciplines à réfléchir à son apport, et
sont mis en place depuis une ou deux décen-
sa faiblesse car de ces usages souvent
nies dans divers domaines ou territoires.
indifférenciés découlent de sérieux pro-
L’opérationnalisation de la notion de gou-
blèmes de définition et d’orientation.
vernance dans différentes politiques vise à en
Le problème est en effet que la gouver- vérifier tout à la fois l’utilité et les con-
nance est utilisée à la fois comme une séquences. L’un des premiers enjeux analyti-
catégorie d’acteurs et comme une catégorie ques consiste dès lors à déterminer dans
d’analyse, c’est-à-dire qu’elle est tantôt quels types de processus et avec quelles
mobilisée pour décrire ce que la réalité conséquences pour le pouvoir et la démocra-
devrait être et tantôt ce qu’elle est. Sur tie des mécanismes de gouvernance (coopé-
ces bases, on peut dégager deux grandes ration, partenariat, coordination, etc) sont
approches très différentes de la gouver- mis en place. Le second est de déterminer
nance : une approche normative et une les facteurs qui structurent l’émergence de
approche analytique. mécanismes de gouvernance.
Une perspective analytique permet également
LA GOUVERNANCE COMME NORME
d’aborder la gouvernance comme une moda-
Dans son acception normative, la gouver- lité d’action qui tantôt remplace, tantôt com-
nance renvoie essentiellement à une norme plète le modèle gouvernemental traditionnel
ou à un instrument de management public, (hiérarchique) par des logiques coopératives
présenté souvent comme la «solution-mira- à partir d’un constat de pluralisation des
cle». On retrouve une telle approche aussi modes de gouvernement et des acteurs des
bien dans l’univers des organisations inter- décisions. C’est une manière de poser le débat
nationales qui prônent la good governance théorique gouvernement/gouvernance et de
que dans celui de l’analyse des politiques son corollaire relatif à la place de l’Etat dans la
publiques, avec le courant managerial, qui production et la mise en œuvre des politiques.
cherche à améliorer l’efficacité de l’action
Dans ce sens, l’analyse par la gouvernance per-
publique, et le courant dit démocratique
met de renverser la perspective classique des
ou participationniste, qui envisage la gou-
politiques publiques qui, dans une conception
vernance comme un outil d’élargissement
très stato-centrée, attribuait aux seuls acteurs
de la participation au processus de décision.
institutionnels la compétence de produire des
De façon un peu caricaturale, on pourrait politiques publiques, pour lui substituer une
dire que, dans cette optique normative, il perspective a priori plus ouverte. La notion de
y a deux lectures idéologiques très contras- gouvernance permet ainsi de «désinstitution-
tées de la gouvernance : l’une de droite, naliser» l’analyse des politiques publiques en
centrée sur l’idée d’un affaiblissement de ouvrant la focale sur l’ensemble des acteurs
l’Etat dans une optique néo-libérale, et qui participent à la construction et au traite-
l’autre de gauche, qui l’interprète comme ment des problèmes collectifs.
une extension de la «mobilisation civique»,
Ainsi comprise, la gouvernance, selon G.
dans une optique de développement d’une
Stoker, «conteste les présupposés traditionnels
démocratie associative.
qui font du gouvernement une institution
isolée, séparée des forces sociales plus larges».
Par extension, la notion de gouvernance peut

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être étendue à tout système ou organisation groupes sociaux, et, d’autre part, en termes
(privée ou publique) qui rencontre des problè- de capacité à les représenter à l’extérieur, à
mes de pilotage ou de gouvernabilité dans développer des relations plus ou mois unifiées
un environnement complexe et qui répond en relation avec le marché, l’Etat, les autres
à ces problèmes par le développement de villes et autres niveaux de gouvernement».
mécanismes de coordination pour faciliter
l’action et son acceptation. GOUVERNANCE URBAINE ET DURA-
BILITÉ : SIX THÈSES
Cet enjeu de gouvernabilité est absolument
capital et se retrouve dans la plupart des cou- A partir de ces considérations sur la notion de
rants d’analyse de la gouvernance, que ce soit gouvernance urbaine, six thèses concernant
celui de l’entreprise (corporate governance), son utilisation, en relation avec le développe-
celui de la société (socio-cybernetic system) ment durable, peuvent être proposées.
ou du système mondial (global governance).
Cet enjeu de gouvernabilité, qui est un Thèse 1 : On peut envisager la gou-
thème assez ancien en science politique, vernance urbaine comme un mode de
Pour le développe- gouvernement urbain parmi d’autres.
retrouve aujourd’hui une seconde jeunesse,
ment des principales
idées présentées ici, non plus sous l’angle de la crise de la repré-
cf. LERESCHE J.-PH. sentation ou de la participation démocratique Loin de s’opposer, les notions de gouverne-
(sous la dir. de), traditionnelle (crise des partis, affaiblissement ment urbain et gouvernance urbaine peu-
Gouvernance locale,
coopération et légiti-
des parlements ou l’abstention électorale), vent être présentées comme complémentai-
mité. Le cas suisse mais sous l’angle de l’élaboration et de la mise res : elles rendent compte de deux modes
dans une perspective en œuvre des politiques dans des sociétés/ ou styles de pilotage différents. En fonction
comparée, Paris: des problèmes, des situations politiques,
systèmes toujours plus complexes, parce que
Pedone, 2001.
fragmentés et interdépendants. Dans ce sens, économiques ou sociales ou des politiques,
Autres références : des auteurs comme J. Kooimann ou B. Jessop l’action publique urbaine est conduite selon
présentent la gouvernance comme une répon- des logiques gouvernementales classiques
JESSOP B., "The se coordonnée à une crise générale de gou- (hiérarchiques) ou des logiques plus «gou-
Regulation Approach,
Governance and Post- vernabilité, comme un enjeu de coordination vernancielles» (coopératives), ou s’efforce
Fordism : Alternative non seulement des institutions publiques, de les combiner. Cette coexistence de plu-
Perspectives on mais pour toutes activités interdépendantes. sieurs modes de gouvernement urbain peut
Economic and Political
être illustrée par ce que F. Rangeon désigne
Change", Economy
and Society, vol. 24, LA GOUVERNANCE URBAINE par la figure du «gouvernement inachevé»,
n° 3, 1995: 307-333. c’est-à-dire la difficulté à faire émerger des
Ces divers thèmes se retrouvent évidemment
gouvernements urbains «forts», ce dont
au niveau de la gouvernance urbaine, à partir
KOOIMAN J. (eds), témoigne particulièrement bien le cas suisse.
des spécificités urbaines que sont la frag-
Modern Governance, On n’a en effet pas réellement vu émerger
Londres, Sage, 1993. mentation territoriale et sociale en liaison
en Suisse un nouveau niveau territorial insti-
avec les processus d’internationalisation et de
tutionnel fort au niveau urbain pas plus que
tertiarisation des villes. Dès lors, ce qui est
LE GALÈS P., "Du gou- de nouvelles élites à cette échelle. Au niveau
vernement des villes à en jeu devient la possibilité et la capacité des
des agglomérations, on a plutôt vu se
la gouvernance urbai- acteurs urbains à mettre en œuvre des politi-
ne", Revue française mettre en place de nouveaux arrangements
ques, en particulier de développement écono-
de science politique, entre acteurs, variables d’un point de vue
n° 1, vol. 45, février,
mique, mais aussi d’aménagements urbains,
territorial et/ou sectoriel.
1995: 57-95. à travers leur capacité à intégrer les divers
groupes sociaux et politiques et à produire des
Thèse 2 : Du point de vue normatif,
RANGEON F., "Le visions partagées du développement urbain.
la gouvernance peut être considérée
gouvernement local" Autrement dit, la gouvernance urbaine se
in CURAPP, La gou- comme un outil du développement
vernabilité, Paris, PUF, joue dans le type d’arrangements que les urbain durable car elle peut favoriser la
1996: 166-173. acteurs mettent en place pour développer légitimité des décisions.
cette triple capacité d’action, d’intégration et
STOKER G., "Cinq d’adhésion, de laquelle découle une capacité La coordination, la négociation et la partici-
propositions pour une de représentation. Dans ce sens, selon P. Le pation de différents acteurs non nécessaire-
théorie de la gouver- Galès, une conception plus sociologique de la
nance", Revue inter- ment publics dans la production et la mise
nationale des sciences
gouvernance urbaine se définit «d’une part, en œuvre des politiques publiques urbaines
sociales, n° 155, mars, en termes de capacité à intégrer, à donner constituent en effet des outils de durabilité
1998: 19-30. forme aux intérêts locaux, aux organisations,

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dossier

dans la mesure où ils favorisent l’adhésion à fessionnalisation des processus peut parfois
ces politiques et la responsabilité collective. affaiblir des principes démocratiques.
L’évaluation des politiques va dans la même
direction. Dans ce contexte, la gouvernance Thèse 5 : Du point de vue analytique, il
devient un enjeu d’apprentissage collectif faut avoir une conception pragmatique
et de capacité à formuler des arbitrages. Ce ou "agnostique" de la gouvernance, sans
qui est aussi une manière de rappeler que préjuger des lieux ou des modes de
l’urbain n’est pas qu’un lieu de l’action, décision à l’oeuvre. La gouvernance peut
mais également de la représentation et de ainsi coexister avec d’autres modes de
la délibération. décision.

Thèse 3 : Les décisions en matière de Autrement dit, il ne s’agit pas de poser


développement durable impliquent un a priori l’existence de mécanismes de gou-
grand nombre d’acteurs, ce qui peut vernance urbaine, mais de repérer empiri-
entraîner des enjeux de gouvernance quement les mécanismes de gouvernance
de nature à faciliter la mise en œuvre qui se manifestent dans l’action publique
d’arbitrages. urbaine. Tous les territoires ou secteurs ne
développent pas des mécanismes de gou-
Par définition, l’objectif de durabilité sup- vernance pour résoudre leurs problèmes.
pose des arbitrages. L’exigence environne- Plusieurs modes d’action peuvent co-exister
mentale peut en effet impliquer des coûts à l’intérieur d’un même territoire ou dans
sociaux et économiques suffisamment éle- une politique (selon les phases). Une concep-
vés pour que toute décision ne soit entiè- tion de la gouvernance qui repose sur une
rement subordonnée à une logique stricte- identification empirique de ces mécanismes
ment environnementale, étant entendu qu’il permet de rendre compte de ces différences
faut également tenir compte des emplois et dans une perspective comparative.
du développement économique en général.
La gouvernance, par les mécanismes de Thèse 6 : La gouvernance ne saurait
compromis qu’elle sous-tend, peut faciliter expliquer à elle seule l’ensemble des
la mise en œuvre de ces arbitrages. changements observés dans le contexte
des politiques urbaines.
Thèse 4 : La gouvernance n’est toutefois
pas une recette-miracle. Loin de nécessai- Il ne faut pas demander plus à la gouvernance
rement garantir le succès des processus qu’elle ne peut donner ! Elle ne peut ainsi
de décision, la gouvernance peut ne pas expliquer des changements qui interviennent
être sans risque pour la qualité des déci- par exemple dans les contenus ou les signifi-
sions, leur légitimité et la démocratie. cations de certaines politiques. Autrement dit,
la gouvernance développe une conception
Comme tout modèle qui se construit sur essentiellement relationnelle du pouvoir et
l’idée de compromis et sur une exigence dans ce sens constitue davantage un outil
de résultats, le processus de gouvernance descriptif qu’explicatif. C’est pourquoi la gou-
peut aussi rendre difficile l’élaboration de vernance a besoin de conceptualisations com-
visions à moyen et long termes. En chemin, plémentaires. Comme catégorie d’analyse,
les préférences des acteurs impliqués et la gouvernance peut ainsi aider à saisir les
les objectifs communs peuvent en effet se nouvelles relations qui se mettent en place
brouiller, changer ou déboucher sur des entre divers acteurs publics et non publics, en
projets hybrides, cherchant à concilier des particulier au niveau urbain, dans la «copro-
rationalités multiples, qui peuvent alors duction» de l’action publique. Mais elle doit
poser de sérieux problèmes de mise en être accompagnée d’autres concepts pour
œuvre, au lieu de faciliter cette dernière. appréhender des enjeux plus fondamentaux
En outre, des acteurs non-impliqués dans relatifs par exemple aux transformations de
un processus de gouvernance peuvent ren- l’Etat ou du politique, sous l’angle de la
contrer plus de difficultés à faire entendre légitimité, de la régulation ou du sens.• Jpl
leurs revendications dès lors que beaucoup
se joue en amont du débat public. La pro-

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bonnes pratiques

PROMOTION ÉCONOMIQUE DANS LA de leur proximité avec la ville de Lucerne.


RÉGION ZURICHOISE: UN PARTENA- En outre, le Canton de Lucerne contribue
RIAT PUBLIC-PRIVÉ ET MULTI-NIVEAUX également. Le budget annuel du BFFS se
monte à environ 1.5 mio. CHF. Cet argent
Face à la croissance de la compétition interur-
est attribué, par le biais de contrats de
baine, de nombreuses villes se sont lancées dans
prestation, à des associations privées qui
la promotion économique. Pour ce faire, dans
gèrent des services socio-médicaux situés en
l’aire métropolitaine zurichoise, une solution
ville de Lucerne. Le contrôle démocratique
originale a été trouvée qui associe les instances
des choix de financement opérés par le BFFS
publiques de différents niveaux et des entrepri-
est assuré par une Assemblée réunissant des
ses privées. Il s’agit de la fondation Greater
délégués des 75 communes membres, en
Zurich Area Standortmarketing (GZA) constituée
règle générale les municipaux responsables
en 1998 par le Canton de Zurich, les villes de
des services sociaux. Les votes des délégués
Zurich et de Winterthur, plusieurs villes moyen-
au sein de l’Assemblée sont pondérés selon
nes voisines, ainsi que six grandes entreprises
le volume de la contribution financière de
situées dans la région zurichoise. La tâche de
leurs communes au BFFS.
cette fondation est de promouvoir cette région
comme lieu de production économique aux
UNE GESTION PARTENARIALE DES
niveaux national et international (budget annuel
CONFLITS DE VOISINAGE: LES
d’environ 5 mio. CHF). La GZA offre un éventail
MELDPUNT EXTREME OVERLAST À
de services à des entreprises désireuses de
AMSTERDAM
s’installer dans la région: évaluations de sites
potentiels, mise en contact avec les autorités Les quartiers des grandes villes modernes
pour accélérer l’obtention des permis nécessai- concentrent des segments de population de
res, la recherche d’immeubles, etc. Le contrôle plus en plus différenciés. Parfois, des conflits
des activités de la GZA est exercé par le Conseil éclatent qui impliquent des communautés
de fondation où siègent des représentants des migrantes, les populations autochtones, les
membres fondateurs. Pour les autorités publi- groupes sociaux désaffiliés, ainsi que les
ques, ce sont des élus de l’exécutif. services de l’Etat, avec, en première ligne,
la police et les services sociaux. Le manque
UNE RÉPONSE CONCERTÉE AUX CHAR- de lien social entre les différents segments
GES DE CENTRALITÉ DANS L’AGGLO- de la population est considéré comme la
MÉRATION DE LUCERNE cause principale de ces difficultés. Dans
ce contexte, la ville d’Amsterdam a mis
Le coût des services sociaux constitue une
en place, en 1993, les Meldpunt Extreme
des nombreuses charges de centralité assu-
Overlast, sorte de bureaux de médiation,
mées par les villes-centres en Suisse, les com-
dans les quartiers de la ville. Les Meldpunt
munes de la couronne des agglomérations
sont à disposition des habitants en cas
se montrant réticentes à assumer leur part
de problèmes qui touchent à la vie de
de responsabilité. Le cas de l’agglomération
quartier. Ils enregistrent les plaintes des
de Lucerne montre qu’en l’absence de possi-
habitants, les vérifient et organisent, le
bilités de contrainte légale, la coopération
cas échéant, une intervention "adéquate".
volontaire peut représenter une option possi-
Concrètement, celle-ci peut consister en la
ble, même dans le domaine de la politique
médiation entre deux voisins, en une visite
sociale où il n’y a guère de bénéfices
d’assistants sociaux ou d’agents de police,
à distribuer, mais seulement des charges.
voire même en une démarche de la munici-
Sous l’impulsion d’un élu d’une grande com-
palité auprès de propriétaires immobiliers
mune suburbaine et du président de la ville
qui tolèrent, dans leurs appartements, des
de Lucerne, le Beitragsfonds für fördernde
activités (trafic de drogues, prostitution,
Sozialhilfe (BFFS) est en effet créé en 1994.
etc.) perturbant la vie du quartier.
Il s’agit d’un fonds de solidarité, alimenté
par les communes de l’agglomération, pour Les Meldpunt privilégient la communication
financer les services sociaux et médicaux avec les habitants du quartier. Chaque plai-
destinés aux personnes socialement margina- gnant est ainsi systématiquement informé
lisées. En tout, 74 communes, plus la ville de de la trajectoire de sa plainte et de l’action
Lucerne, sont membres du BFFS. Elles cotisent entreprise. Les Meldpunt remplissent une
en fonction de leur nombre d’habitants et véritable fonction de médiation. • Dk

6 Vues sur la ville


références

P E L
R A P Diplômes postgrades
en "Etudes urbaines"
Le DEA, le DESS/Master et le Certificat de formation continue en "Etudes urbaines" ont été conçus
en collaboration avec le Département de Géographie de l'Université de Genève, dans le cadre
du projet IRIS, afin de développer de nouvelles compétences et de former des professionnel(le)s
et des chercheurs polyvalent(e)s, ouvert(e)s à une approche intégrée des problèmes urbains.
Les programmes d’enseignement visent, d’une part, à développer chez les participant(e)s des
capacités qui leur permettront de jouer un rôle de conception et de coordination auprès des
administrations urbaines ou des autres acteurs locaux, et, d’autre part, à promouvoir de nouvelles
activités de recherche.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
1. Mettre en évidence les liens entre développement durable, aménagement urbain, régimes
institutionnels des ressources et gouvernance.
2. Passer des concepts de l’écologie urbaine à des méthodes et à des outils d’analyse en
matière d’évaluation urbaine, afin d’insérer la gestion des ressources dans le processus global
de décisions.
3. Proposer une clé de lecture permettant d’identifier les ressources de la «ville intelligente» et
d’utiliser les opportunités pour promouvoir le développement urbain durable dans des situations
d’action concrètes.
4. Echanger des expériences aux niveaux scientifique, pratique et politique, en s’appuyant sur des
études de cas et des projets menés en Suisse et à l’étranger.

PUBLIC CIBLE
Cette formation s’adresse aux urbanistes, aménagistes, personnels des administrations et
entreprises de service public, représentant(e)s des organisations professionnelles, consultant(e)s,
milieux associatifs, ainsi qu’aux étudiant(e)s, doctorant(e)s et chercheurs.

MÉTHODE D’ENSEIGNEMENT
Fondé sur des méthodes d’enseignement variées (exposé, discussion, étude de cas, travail en
groupe, conférence, vidéo), cet enseignement est dispensé en deux temps. Le matin est consacré
à la théorie et aux études de cas, tandis que l’après-midi est plutôt dévolu aux conférences de
praticien(ne)s et expert(e)s, et aux débats avec les participant(e)s.

CONDITIONS D’ADMISSION
Le programme s’adresse aux gradué(e)s d’universités et d’autres Hautes Ecoles, mais aussi aux
personnes ayant une activité professionnelle en relation avec le thème traité. L’admission se
fait sur dossier.

DÉLAI D’INSCRIPTION: 31 AOÛT 2002


Les cours se dérouleront tous les mardis à l’Université de Lausanne (IGUL, IEPI) et à l'IDHEAP, dès
octobre 2002, sous réserve d'acceptation par les autorités compétentes.
Formulaire d’inscription à télécharger sur le site : http://www.unil.ch/observatoire-ville ou à
demander à Marcia Curchod, Secrétaire, Institut de Géographie, Université de Lausanne, 1015
Lausanne, ++41 21 692’30’70 (courriel: Marcia.Curchod@igul.unil.ch).

Vues sur la ville 7


pré-vues

Evaluation de L’Observatoire Universitaire de la Mobi- les objectifs fixés par les autorités com-
la journée "En lité (UNIGE) et l'Observatoire de la Ville munales ? Ses objectifs sont-ils compris
et du Développement durable s'associent par les automobilistes ? Quelles sont les
ville, sans ma afin d’évaluer, sur mandat de la Ville de répercussions, d’une part, sur le com-
voiture" à Genève, les répercussions économiques, portement modal et la fréquentation du
Genève sociales et environnementales de la jour- centre ville, d’autre part, sur la qualité
née "En ville, sans ma voiture" du 22 sep- de vie et l’environnement ?
tembre 2002.
Le monitoring sera réalisé sur plusieurs
Il s’agit de la mise en place d’un moni- années consécutivement, afin d’assurer
toring permettant de répondre à plu- la validité et le suivi des indicateurs con-
sieurs questions: cette journée atteint-elle sidérés. • Gp

Les services "Bienvenue dans la nouvelle énergie qui du futur. Dans ce dernier cas, le con-
industriels de fait du bien à la vie". C’est par cette phrase sommateur soutient la recherche et le
que les Services industriels de Genève développement dans le domaine des
Genève (SIG) (SIG) incitent, dans leur dernier courrier, nouvelles énergies renouvelables (solaire,
entrent dans les habitants du canton de Genève à éolienne), puisque 2.5% de l’énergie de
le développe- devenir, dès le 1er juin 2002, acteurs du SIG vitale Vert comprend ce type éner-
développement durable. gétique. Le prix du kWh varie selon le
ment durable type d’énergie.
Pour ce faire, chaque ménage est invité à
choisir le type d’énergie dont il veut dis- Seul bémol : la possibilité pour les habi-
poser. Trois offres d’énergies renouvela- tants qui le souhaitent d’avoir recours
bles sont ainsi proposées. Il s’agit de SIG à un quatrième choix d’énergie, moins
vitale Bleu : l’énergie électrique 100% coûteux que les autres, SIG Mix, qui
hydraulique; SIG vitale Jaune : l’énergie combine plusieurs sources énergétiques
électrique produite à Genève qui soutient dont les énergies fossiles non renouve-
les ressources et l’économie locales; SIG lables. Les SIG s’engagent cependant à
vitale Vert : la nouvelle énergie électri- diminuer, avec le temps, la part de cette
que 100% renouvelable pour soutenir catégorie. • Ss
le développement durable des énergies

Soap ecologia La direction chargée de la protection blissement, soit des milliers de tonnes à
de l'environnement de la chaîne d'hôtel l'échelle de ce groupe, qui emploie plus
internationale Accor a calculé que chacun de 120'000 personnes dans 140 pays.
de ses clients qui se voyait proposer un
savon de 18 grammes pour prendre sa Reste à faire un bilan comparatif des
douche n'en utilisait en général que 3 conséquences écologiques de la dissolu-
grammes. tion du savon dans l'eau vs. sa mise en
décharge. Il sera alors possible de savoir
Comme on n'a pas trouvé le moyen de si Accor aurait intérêt à encourager ses
recycler les savons usagés, en moyenne clients à se savonner davantage... • Cm
plus de 2 tonnes de savon finissent par
an à la poubelle au niveau d'un seul éta-

Toute correspondance est à adresser à L’Obser-


Editeur : IRIS-Ecologie, IDHEAP/IEPI/IGUL vatoire universitaire de la Ville et du Développe-
ment durable, Institut de Géographie, Université
Rédaction : Béatrice Bochet (Bb), Micheline Cosinschi (Mcm), Antonio de Lausanne, 1015 Lausanne
Cunha (Ac), Yvette Jaggi (Yj), Katia Horber-Papazian (Kh), Peter Knoepfel
(Kn), Daniel Kübler (Dk), Jean-Philippe Leresche (Jpl), Christophe Mager Téléphone : 021/692 30 70
(Cm), Stéphane Nahrath (Na), Giuseppe Pini (Gp), Jean-Bernard Racine (Jbr), Fax : 021/692 30 75
Jérôme Savary (Sa), Suzanne Stofer (Ss) Courriel : Marcia.Curchod@igul.unil.ch

Impression : Institut de Géographie, Université de Lausanne Tirage: 1’000 ex.

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