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Quel avenir
pour les
tissus urbains
peu denses ?

Phase exploratoire
Février 2023
 

“Étudiez comment une “Study how a society uses its


société utilise son sol et vous land, and you can come to
pourrez tirer des conclusions pretty reliable conclusions
assez fiables sur ce que sera as to what its future will be.“
son avenir.“
Ernest Friedrich Schumacher1

Citation introductive du livre « Architecture of Common Grounds, The Question


of Land Reloaded » de Florian Hertweck2

1 Ernest Friedrich Schumacher, Small is Beautiful. A Study of Economics as if People Matte-


red, London 1973, p.73
2 Florian Hertweck, Architecture on Common Ground. The Question of Land: Positions and
Models, Lars Müller Publishers, 2020, p.9
 

L’équipe Avant-Propos
Réalisé dans le cadre du projet collectif du cycle d’urbanisme de sciences po Dans la continuité de leur contribution active au programme Action Coeur de
promotion 2022-2023 Ville (ACV), Action Logement et le Plan Urbanisme Construction Architecture
(PUCA) se sont associés pour la mise en place d’un partenariat opérationnel
Sujet : «Quel avenir pour les tissus urbains peu denses des villes moyennes
dans le contexte du ZAN ?» et pédagogique avec notre équipe de cinq étudiant.e.s du Cycle d’Urbanisme
de Sciences Po, et ce afin d’apporter des réponses nouvelles à la question
suivante :

« Quel avenir pour les tissus urbains peu denses des villes moyennes dans le
contexte du ZAN ? »
Réalisé par : Quentin Rihoux
Mathilde Faure
Louise Molinier Cette collaboration s’est concrétisée par la réalisation d’une étude durant
Rose Villiers
l’année universitaire 2022-2023 en deux grands temps. Nos résultats sont
Chloé Vertaldi
formalisés en deux livrets correspondants aux deux temps du projet. Celui-
Commandité par : Action Logement Services ci en est la première brique.
Plan Urbanisme Construction
Architecture

Tuteur :
 

Contexte de l’étude
L’Etat et les partenaires associés au programme ACV ont mis en œuvre depuis développement sobre en limitant leur consommation foncière.
quatre ans des actions portées sur la revitalisation des centres bourgs dans
222 territoires : patrimoine valorisé, espaces publics et habitats rénovés… Cet Dans ce contexte, Action Logement et le PUCA ont souhaité nous solliciter
accompagnement situe les villes moyennes non plus seulement comme des pour les accompagner dans une réflexion sur les “possibilités d’évolution des
territoires en déclin dans un environnement périurbanisé mais aussi au cœur tissus urbains peu denses” en sortant des schémas de pensées traditionnels
des dynamiques futures. Les ambitions de ce programme lient les intérêts et de la fabrique de la ville ; c’est à dire en pensant différemment les conditions
prérogatives des deux partenaires de l’étude. Action Logement Services, acteur morphologiques, économiques, programmatiques, juridiques, sociales et
central du financement et de l’accompagnement de la rénovation du parc de opérationnelles d’un nouvel équilibre entre sobriété foncière et développement
logement en France, intervient sur les volets immobilier et habitat. Le PUCA de ces quartiers. Pour cela, vous nous proposez de travailler sur une nouvelle
articule quant à lui recherche et expérimentation pour conseiller certaines villes définition du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et sur l’exploration d’outils de
du programme engagées dans la revitalisation de leurs centre-villes, notamment sobriété foncière puis leur application sur deux sites dans des villes moyennes
à travers le dispositif «Réinventons nos Coeurs de Ville». françaises.
Considérant la revitalisation des territoires et la réduction de l’étalement
urbain comme priorités nationales, Action Logement Services et le PUCA
souhaitent aujourd’hui s’appuyer sur les succès du programme ACV pour agir
sur les territoires peu denses des villes moyennes (tissus pavillonnaires, zones
d’activités…).
Les collectivités concernées deviennent des acteurs engagés et déterminants
pour l’investissement local et la perspective d’un aménagement du territoire
plus résilient et écologique, déjà enclenché par la rénovation thermique et la
résorption des friches. L’intégration de ces nouveaux enjeux thématiques au
dispositif originel continue de nécessiter l’alliance d’une politique locale ajustée
et de ressources transversales, à l’instar des interventions Territoires Pilotes de la
Sobriété Foncière (TPSF) rattachées au programme. Les sept territoires pionniers
retenus pour cette démarche porte la volonté de tester de nouveaux modèles
de développement sobres en consommation foncière avec quatre leviers
d’actions proposés par le PUCA : renaturer, densifier, intensifier et transformer.
Afin de soutenir cette démarche, Action Logement Services finance les AMO
nécessaires à l’appui qualitatif des projets d’habitat. L’objectif est de laisser les
territoires pilotes libres quant à leur organisation et pilotage afin de montrer les
voies à suivre pour tous les territoires en France souhaitant s’engager dans un
 

Les enjeux
Suite à plus de 50 ans de métropolisation1, les petites et moyennes villes Une problématique qui à notre sens recoupe 4 principaux enjeux :
françaises apparaissent plus que jamais comme des territoires faisant l’objet
de réalités différenciées. Si certaines, bénéficiant de leur relation à leurs 1. Enjeu écologique : celui de la recherche de sobriété foncière pour une
conurbations, font preuve d’une importante dynamique économique, d’autres renaturation au service de la qualité des sols et de la biodiversité.
subissent un processus de décroissance urbaine et appellent à la réinvention de
2. Enjeu socio-économique : celui de la recherche de stratégies et de modèles
leur modèle de développement.
favorisant un développement urbain dans des contextes de marché de l’habitat
et de besoins résidentiels spécifiques. Mais aussi celui du développement
Malgré leur différenciation croissante, les villes en question catalysent aujourd’hui
économique futur lié à des formes nouvelles de relocalisation particulièrement
les nouveaux impératifs écologiques et environnementaux encadrés par de
propices à ces territoires peu denses.
récentes réglementations comme la loi Climat et Résilience et son objectif ZAN.
Cet objectif de réduction du rythme d’artificialisation des sols vise à répondre 3. Enjeu spatial : celui de concevoir des formes urbaines attractives au sein des
à de nombreux enjeux environnementaux tels que la sobriété foncière, la paysages urbains peu denses des villes moyennes2.
préservation des sols naturels, de la biodiversité, du cycle de l’eau… 4. Enjeu politique : celui de concevoir un projet et des outils sachant répondre
Pour certaines de ces villes, ce nouveau contexte signifie une remise en question aux attentes et aspirations des citoyens habitant les territoires en question. La
de leur modèle de développement basé sur l’extension urbaine. Pour d’autres, il perception de la densité devra notamment être repensée dans ces territoires
symbolise une contrainte supplémentaire à prendre en compte dans un contexte caractérisés par des zones pavillonnaires, industrielles et commerciales.
économique déjà peu favorable au développement urbain. Pour toutes, il redirige
l’attention vers les tissus urbains peu denses qui, malgré la complexité et le coût
élevé de potentielles opérations sur du foncier déjà occupé, représentent un
potentiel pour le développement de la ville sur elle-même.
Dans ce contexte, une problématique émerge :

Comment concilier l’impératif écologique de sobriété foncière avec les


diverses perspectives de développement des zones urbaines peu denses
des villes moyennes ?

1 Terme à comprendre ici tel que défini par Max Rousseau dans l’ouvrage “(RE)PENSER LES
POLITIQUES URBAINES” (Huré, Rousseau, Béal, Gardon, Meillerand, 2018, PUCA) comme : “ Le
procesus de recomposition des armatures urbaines aux échelles nationale et internationale, sous
l’effet de la concentration, dans un nombre restreint de conurbations, des populations, des activités
économiques, des flux de capitaux et des fonctions de commandement.” 2 Le programme ACV s’étant à l’origine intégralement focalisé sur les cœurs de ces villes.
 

Une méthode en deux temps


La méthodologie de cette étude distingue deux grandes phases : une première
phase d’ « exploration », visant à la mise au point d’un bagage théorique partagé
sur le sujet du projet, et une seconde phase dite d’« application » visant à
éprouver les recherches effectuées en phase 1 sur deux sites choisis par les
commanditaires sur la base de propositions de types de tissus urbains peu
denses par notre équipe d’étudiants.

Phase 1 : Exploration
Cette première phase d’exploration comporte quatres objectifs : (A) Définir la
lutte contre l’artificialisation des sols par une analyse des notions et des débats
associés au ZAN, (B) effectuer un tour d’horizon des pratiques de luttes contre
l’artificialisation des sols et (C) dresser des portraits de tissus urbains peu denses
en périphérie de villes moyennes. (D) Ces trois premiers objectifs permettent
d’aboutir à une définition ZAN+ ; une sorte de manifeste résultant d’une prise
de position tranchée sur le débat et ayant vocation à servir de référentiel et de
cadre d’action pour la phase 2. Les résultats de la phase 1 sont contenus dans le
livret 1.

Phase 2 : Application sur 2 sites


Cette deuxième phase dite d’”application” vise à éprouver les recherches
effectuées en phase 1 sur tissus urbains peu denses en ville moyenne. Afin
d’aboutir à des propositions concrètes et adaptées, capables de concilier enjeux
de sobriété foncière et ceux de développement, nous avons suivi la méthode
suivante : (A) une analyse de chaque site au regard de leurs enjeux propres, (B)
des scénarios mettant en application le “ZAN+”, (C) l’approfondissement d’un
ou plusieurs scénarios de projets par site associés à des outils opérationnels de
mise en oeuvre. Les résultats de la phase 2 sont contenus dans le livret 2.
 

Sommaire

Du ZAN au ZAN+
Définition du débat et clés de compréhension
Acteurs du débat
Cartographie du débat
Propositions pour un ZAN +

Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions


Objecif ZAN, une mise à l’agenda progressive
ZAN mode d’emploi

Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière


Etat de l’art synthétique des démarches
Approfondissement d’un cas d’étude : Genève
Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

1
Chapitre 1 Du ZAN au
ZAN+
L’univers du débat public autour du ZAN est vaste et
complexe. Il recoupe un ensemble d’acteurs aux positions
de nature très hétérogène, qu’elles soient politiques,
techniques, scientifiques ou morales. Si tous les acteurs
semblent s’accorder sur la nécessité d’une sobriété foncière
pour répondre au grand enjeu de la crise écologique, ils
font cependant face à des enjeux propres qui fondent leurs
positions vis-à-vis du ZAN.
Afin de trouver prise sur cette situation complexe, nous nous
inspirons des méthodes de « cartographie des controverses
» de Bruno Latour pour aboutir sur cette cartographie du
1.1 DÉFINITION DE LA CONTROVERSE
débat ZAN : un document graphique basé sur une analyse
empirique permettant de repérer les principaux acteurs en
ET CLÉS DE COMPRÉHENSION
présence, leurs enjeux, leurs positions vis-à-vis du ZAN, leurs
liens ainsi que les notions qu’ils mobilisent. 1.2 ACTEURS DU DÉBAT
Cette exploration a dévoilé des enjeux multiples (écologiques,
spatiaux, socio-économiques et politiques) ainsi que
1.3 CARTOGRAPHIE DU DÉBAT
certaines contradictions concernant l’impératif et l’injonction
nationale (et plus largement européenne) de lutte contre
l’artificialisation des sols autour de la loi Climat & Résilience. 1.4 PROPOSITIONS POUR UN ZAN +
À l’issue de cette phase, nous avons identifié ce que nous
aimerions faire et ne pas faire, ce que nous aimerions
expérimenter et tester en tant que jeunes urbanistes
convaincu.e.s par l’urgence de la sobriété foncière.

2
2.1 Définition du
débat et clés de
compréhension

La méthodologie d’analyse du débat ZAN


commence par une phase de recherche
consistant à identifier les acteurs prenant
part à la controverse, à établir sa chronologie,
les arènes de débats et à repérer les savoirs
experts en jeux par un travail d’analyse et de
documentation.

3
Du ZAN au ZAN+ Définition du débat et clés de compréhension

Chronologie
L’arrivée des enjeux liés à la maîtrise de l’étalement urbain et la réduction de la
consommation de foncier en France s’est faite progressivement tout au long de
la seconde moitié du XXe siècle. Mais ce n’est qu’à partir de 2011 et l’adoption
de la feuille de route de la Commission Européenne « pour une Europe efficace
dans l’utilisation des ressources » que s’accélère le processus de la traduction
des démarches de sobriété foncière dans la législation.
Le terme « Zéro artificialisation Nette » (ZAN) émerge en 2018 avec son inscription
sous forme d’objectif au plan biodiversité : « Axe 1 - Reconquérir la biodiversité
Chronologie du débat
dans les territoires ; Le Plan biodiversité vise à freiner l’artificialisation des espaces
2000
naturels et agricoles et à reconquérir des espaces de biodiversité partout où cela
est possible, en ville comme dans les espaces ruraux : sur des friches industrielles, Pic du débat en 2022 ?
dans les villes denses, à la périphérie des métropoles…» (www.ecologie.gouv.fr/ A suivre ...

plan-biodiversite) 1500
• Cette inscription signe l’appropriation du sujet de la sobriété foncière dans
Intensification du débat
le débat public. Depuis, le débat n’a cessé de monter en intensité à mesure Loi climat résilience le 21
de son appropriation politique et de son adoption dans la loi. Les deux aout 2021

principaux jalons de cette intensifications du débat sont : 1000 Feuille de


route de la Convention
• La convention citoyenne pour le climat (2020) dont l’une des proposition Commission citoyenne pour
Européenne
vise à «Lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain en « pour une
le climat

rendant attractive la vie dans les villes et les villages», votée pour OUI à 99%. E u r o p e
500 efficace dans Origine du débat public
l’utilisation des Objectif ZAN inscrit au plan biodiversité
ressources » présenté par le gouvernement à l’été 2018.

2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022

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Du ZAN au ZAN+ Définition du débat et clés de compréhension

Clés de compréhension
Métropolisation et polarisation des enjeux territoriaux «nette» et des objectifs chiffrés de réduction de l’artificialisation : atteindre le ZAN
Suite à plus de 50 ans de métropolisationles, les petites et moyennes villes en 2050 et réduire de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les
françaises apparaissent plus que jamais comme des territoires faisant l’objet dix prochaines années (2021 – 2031). Une initiative d’état initialement critiquée
de réalités différenciées. Si certaines, bénéficient de l’important dynamisme pour son caractère unique et surplombant faisant fi à la fois des particularités
économique de leurs contextes et de leurs relations à leurs conurbations, d’autres régionales et territoriales et du principe de libre administration des collectivités
subissent un processus de décroissance urbaine et appellent à la réinvention de territoriales.
leur modèle de développement. Eclosion du débat : multiplication des enjeux soulevés
Inertie régionale de l’étalement urbain Des origines du débat à ce jour, nous notons une formidable diversification des
Phénomène contre-intuitif s’il en est, la géographie de l’étalement urbain diffère enjeux soulevés. Notre cartographie en révèle 13 principaux que sont : (1) les
de celle de la croissance, et notamment de la croissance démographique (cf. fonctions écologiques (2) la notion d’artificialisation des sols (3) la mesure de
carte en page suivante) ; « ce n’est pas parcequ’une ville est en décroissance l’artificialisation (4) les méthodes de projet (5) la valeur des sols (6) l’économie de
qu’elle ne s’étends pas, et inversement.» Desserrement des ménages, l’aménagement (7) la propriété foncière, (8) le financement, (9) la densité, (10) les
périurbanisation, attractivité, réagencement géographique de l’industrie, culture modes d’habiter (11) la cohésion des territoires (12) l’élaboration de la loi et (13)
de l’aménagement, contexte littoral, de montagne ou frontalier, sont autant sa mise en application. Plus ou moins conflictuels/consensuels, ces 13 enjeux
de facteurs à prendre en compte pour expliquer la réalité géographique de associés au débat ZAN dessinent les contours d’un débat riche de ses prises de
l’étalement urbain : celle d’une forte inertie régionale. positions et coalitions d’acteurs.

Consensus autour de l’impératif écologique


Malgré ces différenciations croissantes, les territoires en question catalysent
aujourd’hui les nouveaux impératifs écologiques et environnementaux encadrés
par de récentes réglementations comme la loi Climat et Résilience et son
objectif ZAN. Cet objectif de réduction du rythme d’artificialisation des sols vise
à répondre à de nombreux enjeux environnementaux faisant consensus tant
dans l’opinion publique qu’auprès des associations, des élus, des chercheurs,
des concepteurs et du monde de l’aménagement. Les sols sont à la base des
cycles du vivant, leurs fonctions écologiques sont à la base de la vie humaine, il
s’agit de les préserver.

L’unicité surplombante du ZAN à l’origine du débat


Cependant, la traduction en acte de ce consensus semble encore largement
absente. Afin d’y remédier, la loi ZAN et ses premiers décrets d’applications
définissent une nomenclature de l’artificialisation des sols, une comptabilité

5
Du ZAN au ZAN+ Définition du débat et clés de compréhension

Trajectoire démographiques et consommation d’ENAFs des villes moyennes


Définition des villes moyennes :
La définition des villes moyennes considéré dans le cadre de
ce travail suit l’approche multicritère proposée par le CGET :
• unités urbaines de plus de 20 000 habitants
• de type « grand pôle urbain » d’après le zonage en aires
urbaines de l’Insee ;
• non incluses dans une des 22 aires urbaines englobant
les métropoles institutionnelles.

Population croissante, stable, décroissante


Données : delta population légale de l’aire urbaine entre
2020 et 2009
Croissance : delta > +2%
Stable : +2% > delta > -2%
Décroissant : delta < -2%

Territoire peu artificialisant / artificialisant


Données : consommation de NAF de l’aire urbaine entre
2009 et 2021
Territoires peu artificialisant : moitié basse
Territoire artificialisant : moitié haute
population croissante et
territoire peu artificialisant

population croissante et
territoire artificialisant

population stable et territoire


peu artificialisant

population stable et territoire


artificialisant
métropole
population décroissante et
territoire peu artificialisant
ville moyenne ;
population décroissante et commune centre
territoire artificialisant et aire urbaine

6
2.2 Acteurs du débat
Le débat ZAN coagule une grande diversité
d’acteurs. Par soucis de simplification, nous
classons ces derniers dans sept grandes
catégories : (1) les acteurs de la recherche, (2)
les acteurs de la conception, (3) les acteurs
de l’aménagement et de l’immobilier, (4) les
acteurs publics, (5) les acteurs politiques, (6)
les acteurs associatifs ou think-tanks et (7) les
acteurs industriels. Ces acteurs dialoguent
également avec des actants tels que les textes
de loi ZAN. Acteurs et actants s’expriment
depuis des arènes elles aussi diverses que sont
par exemple les médias, sites internet, revues
spécialisées, publications scientifiques et
autres. Ensemble, acteurs et actants forment
le réseau du débat ZAN.
Afin de consolider notre analyse, 23 entretiens
semi-directifs d’acteurs identifiés à l’issue
l’étude préliminaire furent réalisés entre
novembre 2022 et février 2023. Le panel
d’enquêtés s’est voulu aussi divers que
possible. Il regroupe des personnes liées ou
non au monde de l’aménagement, et couvre
une diversité de professions, de formations et
de postes en prise avec les problématiques de
sobriété foncière.

enquêté par recherche bibliographique

enquêté par entretien

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Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Les acteurs de la recherche


Jean Marc Offner (entretien le 12.12.2022) Florian Hertweck (entretien le 01.12.2022)

Ancien directeur de l’a’urba (agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine) et Florian Hertweck est un architecte urbaniste et titulaire d’un doctorat
Président de l’Ecole urbaine de Sciences Po, Jean Marc Offner s’illustre par sa en histoire des arts. Il est professeur à l’Université du Luxembourg où il
position critique vis-à-vis du ZAN, notament à travers la publication en 2022 préside le programme de master «Architecture, Urbanisation européenne,
de son article «ZAN contre enquête, De l’impasse légaliste de l’arithmétique Globalisation». Il s’intéresse entre autre à la relation sol-société à travers le
foncière à l’ambition régulatrice de la gouvernance des sols». prisme de la propriété foncière et du partage de la valeur.
Enjeux associés : Fonctions écologiques Artificialisation des sols Enjeux associés : Propriété foncière
Modes d’habiter Densité Mise en application #question sociale #commun #post-croissance
#utopie de la compensation #plannification locale #taxe foncière
#enjeux locaux du périurbain
Jean-Michel Roux
Maylis Desrousseaux (entretien le 16.12.2022) Docteur et Maître de Conférences HDR en Urbanisme et Aménagement,
Maitre de conférence à l’ESGT, spécialitée protection des sols, elle il s’est notament spécialisé sur le sujet de la densité. Il propose un
dispose d’une thèse de doctorat de droit public en droit de protection de réévaluation des coûts économiques et sociétaux de la densification et
l’environnement. Cheffe de projet à la Délégation à l’expertise scientifique déconstruit l’agument selon lequel la ville compacte serait plus rentable. Il
collective, à la prospective et aux études (DEPE) de l’INRA (Institut national propose également des solutions pour une transformation du périurbain
de la recherche agronomique), elle coordonne une expertise scientifique faisant fi des préjugés.
collective sur l’artificialisation des sols.
Enjeux associés : Densité
Enjeux associés : Artificialisation des sols #pour une autre densité #habitat participatif #périurbain
#sol fonctionnel #outil de la connaissance des sols
Eric Charmes
#agriculture artificialisante
Éric Charmes est directeur de recherche à l’ENTPE (Vaulx-en-Velin). Il
Annabelle Morel-Brochet est spécialisé dans les études urbaines, l’urbanisme et l’aménagement.
Maître de conférences en Géographie, Aménagement et Urbanisme à Particulièrement actif dans le débat ZAN par ses contributions d’articles, il
l’université de Caen, elle publie en 2014 un article «La densification : un souligne la dimension foncière des tensions révélées par les Gilets jaunes
tabou dans l’univers pavillonnaire ?» où elle interroge la manière dont les et dénonce le ZAN dans son acception stigmatisante du pavillonaire et
habitants acceptent et participent aux transformations et de densification de ses habitants. Il appelle à transformer l’habitat pavillonaire plutôt qu’à
des zones pavillonaires.. le remettre en cause.

Enjeux associés : Densité Enjeux associés : Modes d’habiter Cohésion des territoires
#suroccupation #densification hors procédure #fracture territoriale #réenchanter le pavillonaire
d’aménagement #plus-value foncière #écologie politique

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Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Acteurs de la conception
Benoit Grimonprez Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva
Benoit Grimonprez est docteur en droit et professeur de droit de Ce trio d’ingénieur et architectes publie ensemble le livre «la ville
l’agriculture et de l’environnement à l’université de Poitiers. Il est l’auteur stationnaire» rapidement devenu incontournable dans le débat ZAN.
d’un livre écrit avec Dominique Potier et Pierre Blanc : « La terre en Leur thèse est que pour faire face aux crises écologiques à venir, la
commun. Plaidoyer pour une justice foncière. » dans lequel il pose les ville doit cesser de grandir. Ils appellent ainsi à un Zéro Artificialisation
condition juridiques d’une prise en charge commune du sol. Brut et plaident ainsi pour une régulation de l’étalement urbain par une
revitalisation des territoires ruraux et un urbanisme circulaire.
Enjeux associés : Densité
#droit du sol #droit au sol Enjeux associés : Mesure de l’artificialisation
#personnalité juridique des sols #ZAB #résilience #urbanisme circulaire

Guillaume Faburel Mathieu Delorme (entretien le 01.12.2022)


Il est professeur à l’Institut d’urbanisme de Lyon (université Lyon‑2) et Mathieu Delorme est ingénieur-paysagiste et urbaniste. Associé
chercheur à l’unité mixte de recherche Triangle. Ses travaux portent sur fondateur d’atelier georges, il accompagne les acteurs de la ville dans le
la ville durable, la justice urbaine, la participation habitante ainsi que sur renouvellement de leur pratique, de la stratégie territoriale à la maîtrise
l’évolution des savoirs et métiers de l’urbanisme et de l’aménagement. d’œuvre urbaine. Parallèlement à sa pratique, il mène des recherches sur
Il appelle aà l’xode urbain, au renouvellement du rapport au sol et à la l’aménagement et les sols tel que : “mieux aménager les sols vivants” (2021).
nature pour l’invention d’une société écologique post-urbaine.
Enjeux associés : Mesure de l’artificialisation Fonctions écologiques
Enjeux associés : Modes d’habiter Méthode de projet Élaboration de la loi
#post-urbain #faire corps avec le vivant Économie de l’aménagement
#écologie politique #habiter la terre #aménagement paysager #fonctions écologiques des
sols #mesure de l’artificialisation #COP des sols vivants
Battle Karimi (entretien le 20.01.2023)

Titulaire d’un doctorat en Ecologie microbienne de l’université Bourgogne David Miet


Franche-Comté, experte en écologie microbienne des sols, principalement Urbaniste et docteur en architecture, David Miet est cofounder et DG de
agricoles et forestiers, et en analyse des données biostatistiques et Villes Vivantes, une entreprise d’architecture et d’urbanisme qui s’est fixé
géostatistiques, Battle Karimi a participé à la construction du référentiel comme objectif «Prendre comme matière première la multitude de projets
national sur la qualité microbiologique des sols. Elle exerce comme portés par les habitants eux-mêmes pour produire, en circuit court, une
directrice scientifique du BE Novasol Experts et est auteure de l’Atlas offre de terrains et de logements sur mesure, abordables, bien situés…» Il
français des bactéries du sol et de nombreux articles scientifiques. est notamment connu pour avoir popularisé les opérations de type, BIMBY
Enjeux associés : Fonctions écologiques Économie de l’aménagement et autres.
Méthode de projet Enjeux associés : Densité
#fonctions biologiques, hydriques et climatiques #BIMBY #acceptabilité #densification du pavillonaire
#matériaux locaux #gestion extensive #refertilisation

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Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Sylvain Grisot (entretien le 08.12.2022) notamment effectué un travail de recherche sur le sujet du ZAN pour le
Urbaniste et fondateur de dixit.net, il accompagne des acteurs de la Muséum National d’Histoire Naturelle sur le sujet de la mobilisation des
ville dans la transition vers un «Urbanisme Circulaire» en alternative données de biodiversité dans l’aménagement.
à l’étalement urbain. AMO sur le programme Territoires de Sobriété Enjeux associés : Fonctions écologiques
Foncière, il est en charge du suivi national de la démarche. Il développe #cycles du vivant #sol vivant #services écosystémiques
également une activité de conférencier, d’enseignement et de recherche. #STOP à l’artificialisation
Il est notamment l’auteur du «Manifeste pour un urbanisme circulaire»,
ouvrage dans lequel il invite les acteurs de la ville à faire transition pour Paola Viganò
une ville frugale, proche, résiliente et inclusive. Paola Viganò est architecte, urbaniste et professeur à l’EPFL. En 2020,
elle publie l’article « Le sol de la ville-territoire, Projet et production de
Enjeux associés : Méthode de projet Densité Mise en application
connaissances» avec Martina Barcelloni Corte and Antoine Vialle où elle
Financement Mesure de l’artificialisation
réinterroge la notion de « projet de sol » proposée par l’urbaniste Bernardo
#urbanisme circulaire #intensifier, transformer, densifier,
Secchi. Elle y explore les relations que le projet urbain peut entretenir
recycler #fiscalité locale
avec la production de connaissances sur les sols et sur la relation sol-ville
Patrick Henry et propose un renouvellement du « projet de sol » en réponse aux enjeux
Architecte et urbaniste, il est professeur de théories et pratiques de la socio-environnementaux de la ville-territoire contemporaine.
conception architecturale et urbaine (TPCAU) à l’ENSAPB et praticien dans Enjeux associés : Densité Artificialisation des sols Méthode de projet
sa propre structure, Pratiques Urbaines. Pour lui, la déimperméabilisation #méthode de projet #projet de sol
est aussi une façon d’aménager autrement. Dans son livre «Des tracés aux #espaces urbains ouverts #processus
traces» (2023), il s’inspire de sa connaissance de l’histoire du projet urbain
pour proposer de nouvelles méthodes de projet et formes urbaines pour Alice Riegert
enfin donner toute sa place à un urbanisme des sols. Alice Riegert est paysagiste concepteur chez TN PLUS, agence
d’urbanisme et de paysage intervenant auprès des collectivités
Enjeux associés : Méthode de projet
#pour un urbanisme des sols #désimperméabilisation territoriales pour des projets urbains et d’aménagement d’​espaces
#formes urbaines publics. En 2022, elle publie l’article «vers une ingénierie de la circularité»
: un commentaire de l’ouvreage «manifeste pour un urbanisme circulaire
de l’urbaniste Sylvain Grisot. Elle nous en livre les pistes saillantes et invite
Marion Perret-Blois (entretien le 25.01.2023) concepteurs et décideurs à revendiquer d’autres gestes.
Architecte urbaniste et écologue Marion Perret-Blois est responsable
Enjeux associés : Mesure de l’artificialisation
d’activité Biodiversité Biodiversité chez ARP Astrance ; entreprise #fausse compensation #faut-t-il encore construire ?
de conseil, AMO et BE environnement. A côté de sa pratique, elle a

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Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Acteurs publics
Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) - cour des programme Action Coeur de ville ; programme visant le renouvellement
comptes urbain de 235 villes moyennes à travers la France. Dans ce cadre, Action
Institution associée à la Cour des comptes, le conseil des prélèvements Logement finance la rénovation de logements sociaux et abordables en
obligatoires est « chargé d’apprécier l’évolution et l’impact économique, mettant l’accent sur la qualité du logement et sa durabilité.
social et budgétaire de l’ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi
Enjeux associés : Cohésion des territoires Économie de l’aménagement
que de formuler des recommandations sur toute question relative aux
Propriété foncière
prélèvements obligatoires ». En 2022, elle publie un rapport sur « la fiscalité
#changement de paradigme de l’aménagement #maîtrise
locale dans la perspective du ZAN » où elle énonce les adaptations de
foncière publique #foncier agricole trop bon marché
la fiscalité locale qu’elle juge nécessaire au financement et à la mise en
oeuvre du ZAN. Marie Aboulker, Banque des territoires (entretien le 15.12.2022)

Sociologue et urbaniste, Marie Aboulker est experte territoriale action


Enjeux associés : Économie de l’aménagement Financement
coeur de ville à la Banque des Territoires (CDC) ; banque publique ayant
#niches fiscales artificialisantes #bonus-malus
pour mission de “réduire les fractures territoriales” en finançant les projets
#coût de la réhabilitation #fiscalité locale
des collectivités et des acteurs du logement social. Au côté d’Action
Emma Biaggi, Fedescot (entretien le 16.12.2022) logement et de l’Agence nationale de l’habitat, la Banque des territoires
Géographe et urbaniste, Emma Biaggi est ex-stagière à la Fédération des fait partie des trois partenaires financiers nationaux du programme ACV.
Schémas de Cohérence Territoriale (Fédéscot) ; fédération portant un
Enjeux associés : Valeur des sols Mise en application
objectif double : mettre en réseau, capitaliser les expériences de chacun,
#financement des SEM, EPF, OFS #prêt GAIA
et participer activement aux politiques nationales d’aménagement
#monétiser les externalités positives #gestion foncière
du territoire. Sa mission fut celle d’un travail sur les nouveaux modèles
départementale
d’aménagement. Elle est également auteure d’un mémoire de recherche
sur : «L’objectif ZAN dans la loi Climat Résilience : retour sur les enjeux de Ministère de la transition écologique
son élaboration et de son vote». Le ministère de l’Écologie est l’administration chargée de préparer
et mettre en œuvre la politique du Gouvernement français dans un
Enjeux associés : Élaboration de la loi
grand nombre de domaines, notamment du développement durable,
#moyens juridiques #participation des habitants
de l’environnement et du climat. À l’origine du texte de la loi ZAN, le
#planification prescriptive
ministère porte l’élaboration de la loi et alimente le débat ZAN par la
Lenka Navratilova, Action Logementx (entretien le 23.01.2023) publication régulière de fiches et autres guides pratiques qui vulgarisent
Economiste et urbaniste, Lenka Navratilova est cheffe de projet chez sa philosophie et son application.
Action Logement, organisme public paritaire, collecteur de la PEEC
Enjeux associés : Cohésion des territoires Mise en application
(charge partonale : 1% logement) visant à aider les salariés à se loger
#élaboration de la loi #objectif ZAN #Loi climat résilience
par subventions et financement d’opérations. Elle y mets en oeuvre le
#décrets d’application
X Partenaire de l’étude

11
Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Céréma foncière, au regard des enjeux liés à l’artificialisation des sols et à


Le Cerema est un établissement public sous la tutelle du ministère de la l’étalement urbain.
Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui accompagne Enjeux associés : Élaboration de la loi Fonctions écologiques
l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et #mise en oeuvre #climat #accompagnement des
l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport. Il collectivités
pilote le projet MUSE qui vise à intégrer la multifonctionnalité des sols
dans les documents d’urbanisme. Jérôme Baratier, Nantes Métropole (entretien le 01.02.2023)

Directeur Général délégué Fabrique de la ville écologique et solidaire à


Enjeux associés : Artificialisation des sols
Nantes Métropole, professeur à Sciences po et ancien directeur de l’agence
#outil cartographique #accompagnement des
d’urbanisme de Tours, Jérôme Baratier travaille également avec la ville
collectivités #qualité des sols
de Bruxelles sur le sujet de la densité urbaine. Spécialiste des transitions
France Stratégie de l’aménagement territorial, il est aussi co-auteur de «s’engager dans de
Institution rattachée au Premier ministre, elle a pour objectif de concourir nouveaux modèles d’aménagement» pour la Fédéscot.
à la détermination des grandes orientations pour l’avenir de la nation et Enjeux associés : Densité
des objectifs à moyen et long terme de son développement économique, #transitions #intensité du service rendu par l’espace
social, culturel et environnemental, ainsi qu’à la préparation des réformes. #gouvernance
En 2019, elle publie un rapport sur le ZAN qui préconise entre autres la
mise en place d’un marché des droits à artificialiser.
Enjeux associés : Financement
#marché des droits à artificialiser #prospective ZAN
#financement

Laetitia Comito-Bertrand, Anne Vigne, PUCAx (entretien le 4.01.2023)


Anne Vigne et Laeticia Comito-Bertrand sont chargées de mission
Territoires Pilotes de Sobriété Foncière (TPSF) et du projet “Réinventons
nos coeurs de ville” au Plan Urbanisme Construction Architecture ;
service interministériel chargé de faire progresser les connaissances
sur les territoires et les villes et d’éclairer l’action publique par l’initiation
de programmes de recherche incitative, de recherche-action et
d’expérimentation. Le programme TPSF est une démarche expérimentale
visant à accompagner certains territoires dans leur stratégie de sobriété

X Partenaire de l’étude

12
Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Acteurs de l’aménagement et de l’immobilier


Marie Llorente (entretien le 04.02.2023) Sophie Lafenêtre (entretien le 04.01.2023)

Fondatrice du cabinet de conseil en aménagement MLL Conseil & Architecte urbaniste de l’Etat, ex-conseillère Construction, Urbanisme
Recherche, Marie Llorente est également chercheure indépendante, et Habitat Durable du ministère du Logement et de l’Habitat durable au
professeure au Cycle d’urbanisme de Sciences Po Paris, co-animatrice cabinet, ministre du logement Sylvia Pinel (2014-2017), Sophie Lafenêtre
du comité ECF (Économie Circulaire du Foncier) à LIFTI. Spécialiste est directrice générale de l’Établissement Public Foncier (EPF) Occitanie.
de l’aménagement et de la question foncière, son expertise est Cet EPF d’état négocie et mène les procédures permettant de constituer
particulièrement éclairante quant aux bouleversement du ZAN à venir sur des réserves foncières en amont de la phase de réalisation de projets
l’économie de l’aménagement. d’aménagement publics.
Enjeux associés : Mesure de l’artificialisation Valeur des sols Économie Enjeux associés : Financement Propriété foncière Mise en application
de l’aménagement #urgence d’acquérir #péréquation régionale #renaturation
#transitions #intensité du service rendu par l’espace
Franck Baltzer (entretien le 24.01.2023)
#gouvernance
Ingénieur urbaniste, cet ancien directeur adjoint de l’EPF Ile-de-France
Stanley Geneste est aujourd’hui responsable du département Ville durable Urbanisme
Gérant et consultant expert en urbanisme et aménagement au cabinet de Aménagement Foncier à l’Union Sociale pour l’Habitat (USH). Porte-voix
conseil GUAM, Stanley Geneste s’est notamment intéressé à la question des bailleurs sociaux, il alerte sur la réduction des marges de manœuvre
de la densification. Dans son article «rendre acceptable la densité en engendré par le ZAN et appelle à un soutien financier du logement social
tissu pavillonnaire» (Métropolitiques, 2013), il se place en faveur d’une et à un encadrement proactif des prix du foncier.
densification et préconise un partage des bénéfices avec les habitants
Enjeux associés : Économie de l’aménagement Propriété foncière
pour plus d’acceptabilité.
Financement
Enjeux associés : Densité #financer le logement social #biodiversité du foncier
#acceptabilité #densification du pavillonaire #transformation urbaine #spéculation foncière
#équilibre économique

Vinci Immobilier
Vinci Immobilier, filiale du groupe Vinci, est un des principaux acteurs
de la promotion immobilière en France. En 2022, il présente sa stratégie
«ZAN 2030». Vinci est ainsi le premier promoteur national à «s’engager à
atteindre le ZAN avec 20 ans d’avance par rapport à l’échéance de 2050
fixée par la loi Climat et Résilience, adoptée en juillet 2021».
Enjeux associés : Mesure de l’artificialisation
#compensation #recyclage urbain #promoteur pro ZAN

13
Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Acteurs politiques
Association des Maires de France Fabien Durand (entretien le 24.10.2023)

L’AMF est une association comptant plus de 34 000 adhérents maires et Maire de Saint-Savin, commune rurale de 817 habitants, Fabien Durand
présidents d’intercommunalité. Sa mission est entre autres de représenter est concerné par la loi ZAN. Il la considère comme une limitation du
les intérêts de ses membres auprès de l’Assemblée Nationale. En juin pouvoir d’action des maires et une perte de sensation de maîtrise dans
2022, le Bureau de l’AMF a décidé à l’unanimité, de déposer un recours les petits villages.
devant le Conseil d’Etat sur les deux décrets relatifs au ZAN du 29 avril
Enjeux associés : Cohésion des territoires
2022 et plaide pour le respect de la libre administration des collectivités
#villages sans friches #opposition urbain/rural
territoriales.
#SCOT et PLU suffisent
Enjeux associés : Artificialisation des sols Élaboration de la loi
Christophe Béchu
#fracture territoriale #libre administration
En sa qualité de Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des
#planification locale
territoires de France, Christophe Béchu porte la loi ZAN et est chargé de
Emmanuelle Wargon la faire entrer en vigueur.
Ministre chargée du Logement (2020–2022), Emmanuelle Wargon a porté
Enjeux associés : Mise en application
au débat public l’enjeu de la lutte contre l’étalement urbain en la reliant à
#planification d’état #contrat état-collectivités
la question de l’habitat. Sa prise de position contre l’habitat pavillonnaire
#élaboration de la loi
a notamment suscité de vives réactions.
Dominique Potier
Enjeux associés : Modes d’habiter
Député français depuis 2012, Dominique Potier est un agriculteur et
#ville compacte #insoutenabilité du pavillonnaire
homme politique français affilié au PS et engagé sur la question des sols.
Commission sénatoriale des affaires économiques En 2019, il publie avec Pierre Blanc et Benoît Grimonprez le livre intitulé
Compétente dans les secteurs du logement, de la politique de la ville, de «La terre en commun. Plaidoyer pour une justice foncière»
l’urbanisme et autre, la commission commet des rapports d’information,
Élaboration de la loi
législatifs ou budgétaires et relaye notamment la voie des élus locaux sur
#justice foncière #sols en commun #qualité des sols
le sujet ZAN.
Enjeux associés : Cohésion des territoires
#fracture territoriale #ruralité #impact économique

14
Du ZAN au ZAN+ Acteurs du débat

Acteurs associatifs / think tanks Acteurs industriels


Antoine Pauchon, IDHEAL (entretien le 01.12.2023) Alexia Mas, Lidl France (entretien le 22.12.2023)

Antoine Pauchon est urbaniste chercheur expert sur les sujets de Alexia Mas est responsable du développement immobilier chez Lidl France.
régulation en aménagement transfrontalier et sur les sujets de densité. En tant qu’acteur majeur de la grande distribution, Lidl est propriétaire de
Il est chef de projet à l’Institut des Hautes Études pour l’Action dans le vastes emprises foncières et se mobilise pour l’adaptation de sa stratégie
Logement, une association qui s’est donné comme objectif de remettre foncière et de son modèle d’implantation et d’aménagement.
la question du logement au centre en menant des travaux de recherche, Enjeux associés : Propriété foncière
de mise en réseau et de diffusion des idées. #aménagement commercial #spéculation foncière
Enjeux associés : Densité #modes d’habiter
#régulation #effet de frontière #densité non-normative
Fédération française du bâtiment
#financement des équipements
La FFB assure la défense des intérêts de plus de 50 000 entreprises
Sarah Dubeaux, LIFTI (entretien le 16.12.2023) du bâtiment. Dans un contexte économique difficile pour la filière
Ingénieure de recherche chargée de mission au Laboratoire d’initiatives (augmentation du prix des matériaux, hausse des taux d’intérêt, ...),
foncières et territoriales innovantes (LIFTI), Sarah Dubeaux y coordonne la fédération s’oppose à une «application stricte du ZAN» en ce qu’il
l’axe «Accompagner les territoires dans leurs stratégies foncières» et constituerait une entrave supplémentaire au lancement de travaux.
est en charge de la préparation des assises nationales du foncier et des Enjeux associés : Économie de l’aménagement
territoires 2022. #pénurie foncière #crise de la construction
Enjeux associés : Mise en application Artificialisation des sols
SAFER
Mesure de l’artificialisation Financement
Sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, les Sociétés d’Aménagement
#plannification locale #financiarisation #changer de
Foncier et d’Établissement Rural fédérées au sein de la Fédération
modèle d’aménagement #stratégie foncière territoriale
Nationale des SAFER visent à favoriser l’installation de porteurs de projet
Terra Nova agricole, artisanal, de service, résidentiel ou environnemental en milieu
Terra Nova est un think tank indépendant ayant pour but de produire et rural.
diffuser des solutions politiques en France et en Europe. Ses membres Enjeux associés : Artificialisation des sols
produisent un certain nombre de travaux sur le logement et la politique #souveraineté allimentaire #foncier agricole
de la ville et tiennent une position favorable à la ville compacte comme
solution contre l’étalement urbain. Fabrique de l’industrie
Cette association se décrit comme une plateforme de réflexion consacrée
Enjeux associés : Modes d’habiter
aux perspectives de l’industrie en France et à l’International. Porte-voix
#compacité #densité #attractivité
des acteurs industriels français, elle mène des études visant à mettre en
lumière les principales entraves à l’activité et l’implantation d’industries.
Enjeux associés : Mesure de l’artificialisation
#foncier industriel #freins à la réindustrialisation

15
2.3 Cartographie du débat

La cartographie localise 13 enjeux associés


aux dimensions politiques, sociaux-
économiques, spatiales et écologiques
du débat autour de la loi ZAN. Elle y
relie des prises de positions soutenues
par des citations d’acteurs issues de
nos entretiens et de nos lectures. Sans
prétendre à l’exhaustivité, les citations
retenues illustrent des prises de position «
saillantes » vis-à-vis des enjeux. Ensemble,
elles permettent au lecteur de naviguer
dans la complexité du débat, de repérer
ses principaux nœuds d’intensité ainsi
que les courants de pensée dominants.

16
Du ZAN au ZAN+ Cartographie du débat

Notice de lecture
Réalisée en format A1, la cartographie du débat ZAN présente 4 extrémités
que sont les 4 grands enjeux du débat : écologique, spatial, socio-économique
et politique. Ils forment une matrice au sein desquels naviguent les 13 enjeux
associés du débat qui comportent chacun leur propre nuance des 4 grands
enjeux.
Ce livret présente les 13 enjeux associés de manière fragnentée ; page après
page. Aussi, une miniature de la cartographie telle que celle présente ci-dessous
vous permet de situer l’enjeu sur la matrice de la cartographie d’origine.

2. définition de
l’artificialisation
1. fonctions
écologiques 4. méthode de
projet

3. mesure de
l’artificialisation

5. valeur des sols

9. densité
10. modes
d’habiter

8. financement

12. mise en
11. cohésion application
des territoires

6. économie de
13. élaboration
l’aménagement
de la loi
7. propriété
foncière

17
2.4 Propositions pour un ZAN +

Ayant à présent prise sur le débat ZAN,


nous prenons position pour un ZAN+ ; une
posture théorique vis-à-vis des enjeux
associés au ZAN et à la sobriété foncière.

18
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeu 1, fonctions écologiques


Convaincu.e.s de l’urgence à préserver les fonctions écologiques de nos sols,
nous souhaitons partir de l’évidence suivante : le sol est le socle de tous les
cycles du vivant. Lutter contre l’artificialisation des sols et oeuvrer pour leur
renaturation, c’est lutter à la fois :

(1) contre la perturbation des cycles de l’eau, du carbone et du phosphore,


(2) contre l’érosion des sols,
2. définition de
l’artificialisation
(3) pour la fertilité des sols et la résilience alimentaire,
1. fonctions (4) contre le dérèglement climatique et l’émission de CO2 dans l’atmosphère,
écologiques 4. méthode de
projet (5) pour la protection de la biodiversité et
3. mesure de
(6) pour une dépollution de nos environnements.
l’artificialisation

Intégrer cette nature multifonctionnelle des sols nécessite de dépasser la loi


5. valeur des sols
ZAN en prenant en compte tous les types de sols, y compris les sols agricoles.
10. modes
9. densité
Dans les projets d’aménagement, les études de sols doivent être menées plus
d’habiter
en amont et de manière plus stratégique. Nous estimons qu’il est nécessaire
de disposer d’études des sols et des analyses de leurs fonctions écologiques
8. financement
en allant au-delà du périmètre-même d’intervention d’un projet. En effet, les
12. mise en
déséquilibres écosystémiques ont des causes et des conséquences qui vont
11. cohésion application bien au-delà de la parcelle. Ces analyses des sols pourraient être annexées aux
des territoires
PLU et obligatoires lors de son élaboration.
6. économie de
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
7. propriété L’écologue Marion Perret-Blois a su nous faire saisir la préciosité des sols et le long processus de
foncière
sédimentation menant à leur fertilisation. Les sols sont vivants ; “Dans une poignée de terre, il y a
plus d’êtres vivants que dans toute l’humanité”. Si bétonner un sol s’avère techniquement facile,
rapide et peu cher, le renaturer relève d’un tout autre effort et d’une toute autre temporalité. Dans
un contexte de risque hydrique, d’appauvrissement des sols, d’extinction des espèces et de crise
climatique, il paraît absurde de poursuivre les mêmes pratiques d’aménagement : “il y a eu une
urgence à arrêter d’artificialiser.” L’écologue Battle Karimi a quant à elle partagé son expertise des
processus de renaturation, qui existent et dont les techniques sont déjà développées depuis des
décennies. Les acteurs ne doivent pas être découragés par ces processus sur le temps long. Ses
expériences nous ont convaincu que renaturer était possible. Le processus étant réversible, il y a
une seconde urgence : celle de re-fertiliser et de réparer.

19
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeu 2, définition de


l’artificialisation des sols La loi Climat & Résilience propose une définition que nous jugeons approprié
de l’artificialisation. Nous nous opposons néanmoins à l’approche surfacique
et quantitative de la nomenclature proposée par ses décrets d’application.
L’approche qualitative nous apparaît comme la seule capable de lutter
efficacement contre l’érosion des fonctions écologiques des sols. Pour cela,
il s’agit également de dépasser la notion d’artificialisation qui renvoie à une
opposition biaisée entre nature et culture, et qui est souvent trompeuse vis-à-vis
2. définition de
l’artificialisation
de la qualité biochimique réelle des sols. Il y a là un véritable enjeu à introduire de
1. fonctions nouveaux indicateurs qualitatifs visant à refléter la multifonctionnalité effective
écologiques 4. méthode de
projet des sols ainsi qu’à homogénéiser la définition. De plus, celle-ci doit porter
3. mesure de
davantage intérêt aux continuités écologiques et donc prendre du recul au-delà
l’artificialisation
des usages et des matériaux qui caractérisent un sol. La localisation du sol au
regard des grands ensembles paysagers est un critère fondamental à prendre
5. valeur des sols
en considération.
9. densité
10. modes
d’habiter

8. financement

12. mise en
11. cohésion application
des territoires

Notre positionnement sur la définition de l’artificialisation des sols découle d’une impression de
6. économie de
l’aménagement
consensus autour de la critique sur la définition donnée dans la loi. La nomenclature proposée
13. élaboration
de la loi apparaît pour beaucoup biaisée et non représentative des services écosystémiques que
7. propriété fournit le sol et essentiels à la vie sur Terre. A titre d’exemple, les sols soumis à une agriculture
foncière
intensive sont considérés dans la loi comme non artificialisés bien qu’ils accélèrent le tassement
et l’érosion des sols. De plus, l’échelle d’analyse à la parcelle ne permet pas d’intégrer comme
non artificialisés des espaces comme les jardins privés pouvant accueillir une riche biodiversité
et créer des corridors de biodiversité. Néanmoins, cette définition intégrant une dimension
qualitative doit aussi intégrer des dimensions de qualité paysagère, de continuité des espaces
et de préservation des paysages pour éviter l’excès inverse qui mènerait à penser qu’un sol
possédant une faible qualité biologique peut être artificialisé sans dommage. Il s’agit finalement
de s’éloigner de la vision manichéenne et de prendre en compte d’autres critères. Instaurer une
loi pour faire face à la crise écologique c’est bien, mais définir les outils qui y répondent de
manière adéquate et cohérente, c’est mieux.

20
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeu 3, mesure de l’artificialisation


À partir de la séquence Éviter-Réduire-Compenser (ERC) du code de
l’environnement, nous voulons autant que possible éviter et réduire. La
compensation, induite dans le “nette” du ZAN, doit n’être qu’une intervention de
dernier recours. Pour cela, nous sommes partisan.e.s d’un Zéro Artificialisation
Brute (ZAB) comme règle de départ. Aussi, tout sol comportant une qualité
biochimique particulière doit être sanctuarisé. Les exceptions à la règle du brut
doivent :
2. définition de
l’artificialisation
1. fonctions (1) être justifiées au titre d’un intérêt public dépassant les intérêts particuliers,
écologiques 4. méthode de
projet (2) être soumis à approbation des habitants,
3. mesure de
(3) être situé hors des surfaces sanctuarisées et
l’artificialisation
(4) proposer une compensation apportant un bénéfice plus grand que celui
précédemment fourni par la surface artificialisée.
5. valeur des sols

10. modes
9. densité
Toutefois, nous sommes conscient.e.s de l’absence d’outils intégrant la
d’habiter
multifonctionnalité des sols à l’échelle des documents d’urbanisme. Dans ce
contexte, une approche par les continuités écologiques et par l’imperméabilisation
8. financement
nous semble être un bon proxy. L’approche par l’imperméabilisation, remet ainsi
12. mise en
en cause des pratiques couramment rattachées à la sobriété foncière telles que
11. cohésion application les opérations de densification par division parcellaire du tissu pavillonnaire.
des territoires

6. économie de
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
7. propriété
foncière

L’exemple suisse a été particulièrement instructif. Au-delà de leurs objectifs déjà strictes de lutte
contre l’artificialisation des sols, les collectivités locales sont poussées à réévaluer régulièrement
les périmètre de leurs zones constructibles au regard de leurs besoins actuels. Si considérées
“surdimensionnées”, ces zones sont réduites et ne font pas l’objet de compensation ailleurs.
De même, les Pays-Bas ont actuellement mis en place ce système d’évaluation des projets en
extension devant une autorité judiciaire.

21
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeu 4, méthode de projet


Mettre le sol au cœur du projet urbain appelle à en repenser la méthode. Le
programme et la forme d’un projet doit pouvoir s’adapter à la réalité des sols du
site, voire même venir a posteriori. Le temps, la gestion des sols, la participation
citoyenne et les principes de circularité sont autant de dimensions à intégrer
pour un projet urbain renouvelé. Loin de proposer une vision figée pour le site en
question, le projet de sol est un processus capable d’évoluer conjointement à un
contexte social et pédologique dynamique.
2. définition de
l’artificialisation
1. fonctions En outre, faire un projet de sobriété foncière sans vision urbaine large nous paraît
écologiques 4. méthode de
projet désormais impossible. Il ne s’agit pas seulement d’aller chercher les fonciers
3. mesure de
invisibles (friches, dents creuses, bâtis vacants, …) pouvant accueillir nos besoins
l’artificialisation
en logement, activités économiques et productives, etc. Si cette étape peut être
le départ du ZAB auquel nous aspirons, nous voulons associer la transformation
5. valeur des sols
du sol à l’élaboration d’un projet de territoire à grande échelle.
9. densité
10. modes
d’habiter

8. financement

12. mise en
11. cohésion application
des territoires

6. économie de
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
7. propriété Comme le dit si bien Paola Vigano, “le projet peut être le lieu de création de connaissances des
foncière
sols”. Cette prise de position a largement informé notre manière d’appréhender le projet ZAN. D’un
point de vue plus opérationnel, le retour de Clémence de Selva (architecte) sur son expérience
TPSF (Territoire Pilote de Sobriété Foncière) en Nouvelle Aquitaine a montré l’importance de la
vision urbaine d’ensemble pour mener un projet de sobriété foncière. Suivant son affirmation
que “avoir un gisement foncier n’est pas une stratégie urbaine en soit”, nous ajoutons qu’avoir un
foncier de sol de mauvaise qualité n’est pas non plus une stratégie. En complément, la lecture
des méthodes du projet de sol et de l’urbanisme circulaire portés par de nombreux urbanistes
contemporains nous a sensibilisé à l’importance de reconsidérer le projet urbain en termes de
processus, tant pour la renaturation et la gestion des sols que pour la conception du projet lui-
même.

22
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeu 5, valeur des sols


Si nous pensons qu’une réflexion en termes de valeur écosystémique est
intéressante en cela qu’elle permet de révéler les services rendus, nous pensons
aussi qu’elle ouvre la porte à un chiffrage des externalités positives des sols et
ainsi fatalement à des logiques de compensation. Inversement, attribuer une
valeur intrinsèque aux sols nous semble être une démarche prometteuse,
permettant de sortir d’une approche anthropocentrée qui se focalise sur la
propriété, le prix, le rendement, l’usage ou encore la surface. Donner de la valeur
2. définition de
l’artificialisation
à nos sols c’est aussi sortir de l’opposition entre milieu urbain et milieu rural, et
1. fonctions ainsi d’amener une échelle de valeur non clivante.
écologiques 4. méthode de
projet

3. mesure de
Reconnaître la valeur intrinsèque des sols c’est :
l’artificialisation
(1) leur attribuer une personnalité juridique,
(2) reconnaître que nous n’avons pas tous les droits à leurs égards et
5. valeur des sols
(3) permettre aux autorités compétentes en matière de protection des sols de
10. modes
9. densité
disposer de plus de moyens juridiques pour mener à bien leur mission d’intérêt
d’habiter
commun.

8. financement
C’est l’issue que nous favorisons afin d’en faire des objets dignes de protection.
12. mise en
11. cohésion application
des territoires

6. économie de
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
7. propriété
foncière
Entre autres, la rencontre au salon des maires avec des maires, des ingénieur.e.s et des
agriculteur.ice.s a été pour nous un élément déterminant qui nous a permis de comprendre
qu’un sol, loin d’être limité à un objet foncier ou d’échange monétaire, est aussi un objet aux
fonctions écologiques définies et connues et qui prend place dans un système et dans plusieurs
cycle (séquestration du carbone, eau, phosphore). Un sol est aussi un substrat dont les qualités
et les défauts sont pratiqués au quotidien. Un sol ce n’est pas seulement une description d’expert,
c’est aussi une pratique quotidienne des habitants, des entreprises de VRD, des agriculteurs et
des jardiniers qui ont tous un vocabulaire spécifique pour rendre compte des mécanismes tels
que l’imperméabilisation, le mauvais rendement agronomique ou l’érosion. Ex: la flaque d’eau
pour l’imperméabilisation d’un sol ou la “remontée de cailloux” pour l’érosion.

23
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeux 6 & 7 & 11 : économie de


l’aménagement, financement de Suite à nos recherches et entretiens, nous comprenons mieux en quoi le
la sobriété foncière et propriété ZAN vient fragiliser l’économie des projets d’aménagement. Les causes sont

foncière multiples : (1) La rénovation urbaine implique d’abord des coûts de rénovation et
démolition qui excèdent les coûts du neuf. (2) Le foncier en terrain déjà urbanisé,
et a fortiori sur des parcelles disposant de droit à construire, coûte plus cher
qu’un foncier agricole. (3) Le ZAN a pour effet de raréfier le foncier disponible
et implique ainsi une tension supplémentaire sur les prix. (4) Les dépenses en
2. définition de
l’artificialisation
renaturation viennent, le cas échéant, s’ajouter au bilan. Si le ZAN vient ainsi
1. fonctions grever les bilans d’aménagement, il en résulte également une réduction des
écologiques 4. méthode de
projet marges de manœuvre notamment pour les bailleurs sociaux ainsi que pour la
3. mesure de
l’implantation d’activités productives.
l’artificialisation

Sans prétendre avoir identifié LE mécanisme de financement alternatif,


5. valeur des sols
nous pensons qu’il est d’abord impératif de changer le paradigme actuel de
10. modes
9. densité
l’aménagement. La gestion locale des terres et de la renaturation sur le temps
d’habiter
long, le réemploi, les méthodes participatives, un travail plus fin de négociation
avec les propriétaires au lieu d’un rachat systématique du foncier et la prise en
8. financement
compte dans les bilans des économies réalisées en renouvellement (notamment
12. mise en
en terme d’équipements, de réseaux et de mobilité) sont autant de piste à
11. cohésion application explorer pour l’invention de nouveaux modèles d’aménagement.
des territoires
Mais nous sommes également conscient.e.s que le financement du ZAN passera
6. économie de par des changements plus structurels ayant trait à la fiscalité, la péréquation et
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
le régime de propriété.
7. propriété
foncière
Inévitable vecteur d’inégalités entre territoires, les objectifs de ZAN doivent
s’accompagner d’une péréquation nationale à la fois envers les régions en
déficit d’attractivité ainsi qu’envers les bailleurs sociaux et autres acteurs de
l’aménagement. A l’échelle régionale, c’est une relation d’échange entre territoires
urbains et ruraux à instaurer. Les EPF pourraient y jouer le rôle de banque de
foncier constructible et à renaturer auprès des collectivités. Au contraire, un
marché libéral de droits à construire ou à artificialiser nous paraît dangereux

24
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

et contribuera d’autant plus aux inégalités, nous devons à tout prix éviter son
instauration. À défaut d’avoir encore des ENAF ouverts à l’urbanisation, il faut
également supprimer les niches fiscales encourageant l’artificialisation (cf. rapport
du CPO) et réformer la fiscalité locale (taxe d’habitation, taxe d’aménagement,
taxe foncière, taxe communale sur les plus-values de cession de terrain, taxe
spéciale d’équipement) afin de donner une réelle marge de manœuvre aux
collectivités, établissements publics fonciers, organismes de foncier solidaires et
2. définition de
l’artificialisation
entreprises publiques locales d’aménagement. A rebours des logiques de pleine
1. fonctions propriété, nous alertons sur les risques de trust et de spéculation foncière et
écologiques 4. méthode de
projet appelons à des mesures ambitieuses tel que le plafonnement des prix du foncier
3. mesure de
et la mise en œuvre d’un plan public de maîtrise foncière pour une généralisation
l’artificialisation
des logiques de dissociation foncier-bâti.

5. valeur des sols


Questionner le régime de pleine propriété, c’est aussi permettre aux collectivités
10. modes
9. densité
et aux aménageurs d’intégrer des logiques de renaturation au-delà de leur
d’habiter
périmètres de maîtrise foncière pour une action effective sur la reconnection
des milieux et sur les grands paysages.
8. financement

12. mise en
11. cohésion application
des territoires

6. économie de
l’aménagement
La rencontre avec des acteurs de portage foncier, comme l’EPF Occitanie, nous a permis de
13. élaboration
de la loi comprendre que leur rôle était souvent méconnu et sous-utilisé par les communes, notamment
7. propriété par manque de formation. Nous pensons que l’une des clefs pour permettre à ces projets sobres
foncière
de voir le jour est la cohérence et la solidarité régionale en s’appuyant sur des outils déjà existants.
Nos entretiens ont souligné la question du coût d’une mesure telle que le ZAN. Le modèle
économique de l’aménagement aujourd’hui nous semble peu compatible avec la mise en œuvre
d’une véritable démarche de sobriété foncière.
Nous avons été très inspiré.e.s par le modèle du droit de superficie à Genève qui garantit,
dans un contexte foncier tendu, un accès au logement abordable et un maintien des activités
productives industrielles au sein du canton grâce à un mécanisme systématisé de dissociation
foncier et bâti et de plafonnement du prix du foncier. Les communes de Haute-Savoie s’inspirent
aujourd’hui de ce modèle et développent actuellement de manière plus systématique ces outils
de maîtrise foncière publique.

25
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeux 8 & 9 : densité et modes


d’habiter Notre approche ZAN+ repose sur l’acceptation du déjà là, des tissus urbains
hérités des générations passées. Trop souvent, le concept de “ville compacte”
et les discours autour de “l’acceptabilité sociale de la densité” portent un
regard stigmatisant à l’encontre du péri-urbain et du rural. Rappelons ici qu’il
n’y a pas de consensus scientifique sur la vertu écologique ou économique
du mode d’habiter urbain comparativement au mode d’habiter rural et que
les modes d’habiter périurbain ou ruraux instituent également des rapports
2. définition de
l’artificialisation
au territoires et au sols qui esquissent les contours de modes de vies plus
1. fonctions écologiques. Rappelons également que la périurbanisation résulte entre
écologiques 4. méthode de
projet autres de phénomènes d’exclusion des plus modestes ainsi que des activités
3. mesure de
de production et de logistique du centre vers les périphéries. Les injonctions
l’artificialisation
à la densité en provenance du centre comportent ainsi en eux-mêmes une
dimension contradictoire et classiste.
5. valeur des sols

10. modes
9. densité
La définition que nous formulons ne cherche donc pas à prôner un mode
d’habiter
d’habiter plutôt qu’un autre : nous n’attaquons pas la ville dense et attractive, mais
ne renions pas non plus les zones commerciales, les pavillons et les campagnes.
8. financement
La résolution des problèmes passera avant tout par la transformation de chacun
12. mise en
de ces territoires par un travail à partir de l’existant.
11. cohésion application
des territoires
Aussi, la densification fait partie d’un panel d’outils qui peut parfois être utile
6. économie de mais qui ne doit pas être utilisé de manière dogmatique. Nous soutenons une
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
densification en dernier recours qui doit toujours être précédée d’un travail sur la
7. propriété
foncière vacance et la sous-occupation ; de réels leviers pour répondre aux besoins (en
logement notamment). La densification doit être pensée de manière inhérente
à ce qu’elle produit à la fois spatialement et socialement. L’inadéquation
des services, la suroccupation, l’accaparement de la plus value foncière, le
dimensionnement des réseaux inadapté aux nouveaux besoins… la densification
a ses travers qui obligent à la traiter de manière non-normative.

26
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

Enfin, nous adoptons l’idée d’élargir le spectre de la densification en y incluant


les usages collectifs et productifs ainsi que les services écosystémiques à
même d’améliorer les cadres de vie ainsi que la qualité des sols, et ce tout en
évitant le travers productiviste du “tout servant” en considérant certaines formes
d’indifférenciation des espaces et d’évolutivité des usages dans le temps.

2. définition de
l’artificialisation
1. fonctions
écologiques 4. méthode de
projet

3. mesure de
l’artificialisation

5. valeur des sols

9. densité
10. modes
d’habiter

8. financement

12. mise en
11. cohésion application
des territoires

6. économie de
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
7. propriété
foncière

Certains modes d’habiter comme les zones pavillonnaires, ont longtemps subi des jugements
péjoratifs par les experts. Pourtant ils sont le fruit d’une société guidée par le progrès -
démocratisation de la voiture, déploiement des infrastructures routières, accélération de la
vitesse… et en quête de la propriété. Ne l’oublions pas, la prolifération de l’habitat pavillonnaire
en périphérie des villes, répondait à un mode de vie tant voulu par les classes moyennes. ! De
même, les zones commerciales qui répondent à un mode de vie, accompagnent aussi le progrès
voiture et correspondent à un modèle de consommation longtemps promu.
Plusieurs interviews (Marie Llorente, assemblia) nous ont permis de questionner certaines formes
de densification, qui étaient pensées à une échelle inadaptée et indépendamment du contexte.

27
Du ZAN au ZAN+ Propositions pour un ZAN +

ZAN + : Enjeux 10 & 12 & 13 : élaboration


de la loi, égalité des territoires et Nous partons du principe qu’un cadre juridique est nécessaire pour encadrer
mise en application l’artificialisation des sols. Ce n’est donc pas tant l’existence de loi Climat et
Résilience qui doit être remise en cause mais davantage son élaboration,
notamment la formulation de ses décrets explicitant la mise en œuvre au
niveau local. Si le ZAN est un objectif national partagé à l’ensemble du territoire,
ce sont les collectivités territoriales qui sont directement concernées par la
remise en cause de leur modèle d’urbanisation. Nous estimons ainsi que celles-
2. définition de
l’artificialisation
ci mériteraient d’être davantage associées à ce processus. D’autant plus que
1. fonctions chaque territoire n’est pas confronté au ZAN de manière égale, que ce soit en
écologiques 4. méthode de
projet termes de surfaces artificialisables ou d’ingénierie locale.
3. mesure de
l’artificialisation
En écho avec la solidarité régionale à laquelle nous sommes attaché.e.s (enjeu
7), nous défendons l’idée d’un gouvernement négocié des territoires, plutôt
5. valeur des sols
qu’un gouvernement à distance. La loi doit partir des besoins, ressources et
10. modes
9. densité
contraintes locales pour ne plus récompenser les mauvais élèves (i.e ceux qui
d’habiter
ont le plus artificialisé dans les 10 dernières années) jusqu’en 2030 comme
le prévoit actuellement le cadre juridique. Les territoires en décroissance ou
8. financement
en croissance modérée doivent pouvoir bénéficier d’une péréquation leur
12. mise en
permettant de répondre à leurs besoins locaux. Les objectifs de sobriété foncière
11. cohésion application doivent pouvoir être compatibles avec d’autres directives nationales comme
des territoires
les objectifs SRU. Autrement dit, l’État doit jouer son rôle jusqu’au bout pour
6. économie de accompagner ce rééquilibrage. Enfin, nous sommes convaincu.e.s que le sol
l’aménagement 13. élaboration
de la loi
est un bien commun qui appelle au respect collectif des fonctions écologiques
7. propriété
foncière dont nous bénéficions tou.te.s. Dans la continuité de la Convention citoyenne
pour le climat, l’élaboration et la mise en application du ZAN au niveau national
doit être dictée par une consultation et participation plus systématique à la fois
des citoyen.ne.s et expert.e.s.

Nos échanges avec des élus, lors du salon des maires, nous ont montré à quel point la majorité
se dit volontaire et en accord avec l’objectif ZAN .En revanche, nous avons noté une inquiétude
partagée par rapport à la mise en oeuvre effective, de son application sur des territoires au
contexte particulier et dénonce un manque d’ingénierie locale et de formation.

28
Chapitre 1 Objectif Zéro
Artificalisation
Nette :
définitions

L’objectif de Zéro Artficialisation Nette


instauré par la loi Climat et Résilience
questionne élus, professionnels de
1.1 LE ZAN, UNE MISE À L’AGENDA
l’urbanisme et de l’aménagement du
territoire, et citoyens. PROGRESSIVE
La définition du ZAN et ses modalités
d’application permettent-elles de 1.2 ZAN, MODE D’EMPLOI
répondre aux enjeux que la loi Climat et
Résilience prétend défendre ?
Dans ce chapitre, nous revenons sur la
mise à l’agenda de l’objectif ZAN ainsi
que les modalités qui permettent sa
mise en œuvre.

29
1.1 Objecif ZAN, une mise à

l’agenda progressive

Cette partie rend compte des évolutions


législatives portant sur les questions de
foncier, de maîtrise de l’urbanisation et
de préservation de la biodiversité, qui ont
guidé les politiques publiques françaises
jusqu’à aujourd’hui jusqu’à la mise en
œuvre d’un objectif de Zéro Artificialisation
Nette en 2050.
L’apparition d’un cadre réglementaire
traitant de ces questions s’accélère
surtout à partir de la seconde moitié
du XXe siècle. Cette mise à l’agenda
progressive accompagne l’émergence
de préoccupations environnementales
aujourd’hui grandissantes. Nous avons
ainsi choisi de représenter ces évolutions à
la fois urbanistiques et sociétales dans une
frise chronologique, cette dernière n’étant
bien évidemment pas exhaustive.

30
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions Objecif ZAN, une mise à l’agenda progressive

Schéma de la mise à l’agenda du ZAN

1 Ministère de la Transition écologique, Observations du changement climatique, Chiffres clés du climat.


2 La part de la population vivant en ville plafonne depuis dix ans – Centre d’observation de la société.
3 CEREMA, consommation d’espaces NAF

31
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions Objecif ZAN, une mise à l’agenda progressive

Une évolution juridique progressive


L’émergence des enjeux liés à l’étalement urbain et à la consommation de foncier article L. 110 dans le code de l’urbanisme. Dans celui-ci apparaît pour la première
s’est faite progressivement tout au long de la seconde moitié du XXe siècle. fois la notion de gestion économe des sols.
« Afin d’aménager le cadre de vie, de gérer le sol de façon économe, d’assurer
Le 30 décembre 1967, une loi d’Orientation Foncière (LOF) voit le jour, dans un la protection des milieux naturels et des paysages et de promouvoir l’équilibre
contexte de croissance économique et d’accélération de la croissance urbaine entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales, les collectivités
importantes. Elle met en place le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) - un publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs
outil de contrôle de la densité - qui guidera pendant longtemps notre manière prévisions et leurs décisions d’utilisation de l’espace »

d’urbaniser et disparaîtra avec la loi SRU du 30 décembre 2000. En 1985, la loi relative au développement et à la protection de la montagne voit le
La loi LOF instaura aussi le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme jour, et sera suivie en 1986 par la loi relative à l’aménagement, la protection et la
(SDAU) et le Plan d’Occupation des Sols (POS). Le SDAU doit alors « définir les mise en valeur du littoral. Elles vont mettre en place des dispositions nationales
zones réservées à l’agriculture et sur lesquelles la ville ne pourra pas s’étendre propres à ces milieux particuliers afin d’en maîtriser et limiter l’urbanisation. Pour
». En effet, le développement de l’urbanisation dans ce contexte des Trente certains, ces lois « restent à ce jour les limitations les plus importantes du droit
Glorieuses entre en conflit avec les besoins des agriculteurs, leurs terres étant français au pouvoir d’urbanisation des collectivités locales et qui ont prouvé leur
souvent accaparées par l’État ou les collectivités locales afin de constituer une « efficacité »3.
réserve foncière » en vue de répondre aux besoins d’urbanisation4.
Par ailleurs, le rôle précurseur de la Loi LOF est souvent mis en avant. Celle-ci signe La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au
en effet l’arrivée dans le champs de l’urbanisme du concept de compensation Renouvellement Urbains (SRU) créé les SCoT et PLU, qui viendront remplacer
- évidemment de manière différente que celle instaurée par les Grenelles de les SD et les POS. Ces documents d’urbanisme avec la carte communale, vont
l’environnement ou la loi Biodiversité, et le terme de « compensation » n’est devenir les outils de la lutte contre l’étalement urbain. Ils doivent déterminer les
pas présent dans la loi. On parle davantage de « participation de l’expropriant à conditions permettant d’assurer un équilibre entre « le renouvellement urbain,
l’installation sur des exploitations nouvelles comparables des agriculteurs dont le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la
l’exploitation aurait disparu »5. revitalisation des centres urbains et ruraux » ainsi que « l’utilisation économe des
espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et
Dans les années 1970, la densité - souvent associée aux grands ensembles forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels »4. La loi
d’après guerre - véhicule une image péjorative. Ainsi, un plafond légal de SRU constitue un changement radical d’approche sur la question de densité par
densité (PLD) est instauré par la loi n°75-1328 du 31 décembre 1975 portant sur la rapport à ce qui avait été instauré en 1967 et 19755.
réforme de la politique foncière, constituant alors un outil d’incitation fiscale au
développement de l’habitat pavillonnaire, consommateur d’espace. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre
du Grenelle de l’environnement, ou loi Grenelle I, fixe l’objectif de création d’une
La loi n°83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les trame verte et bleue d’ici à 2012. Elle fixe également comme objectif « la mise en
communes, les départements, les régions et l’État, dite Loi Defferre, introduit l’ œuvre de mesures de protection, de valorisation, de réparation des milieux et

4 Dubois-Maury, 2019 3 Bihouix, Jeantet et De Selva, 2022


5 Idem 4 Loi Solidarité et Renouvellement Urbain
5 Schellenberger, 2014

32
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions Objecif ZAN, une mise à l’agenda progressive

espèces naturels et de compensation des dommages causés à ceux-ci». La loi ALUR renforce la prise en compte de la consommation d’espaces dans les
Elle est suivie par la loi Grenelle II n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant PLU. A l’image des SCOT depuis la loi Grenelle II, l’analyse de la consommation
engagement national pour l’environnement, applique et territorialise la loi d’espaces (dans le rapport de présentation du PLU) doit désormais porter sur les
Grenelle précédente. Elle exige notamment une analyse de la consommation dix années précédant l’approbation du document. Les objectifs de modération
de l’espace dans les documents d’urbanismes et de planification, en particulier de cette consommation doivent être chiffrés dans le PADD8. Un diagnostic
le ScoT. des possibilités de densification est également inséré dans les PLU. Par ailleurs,
« Le rapport de présentation [...] présente une analyse de la consommation plusieurs règles défavorables à la densification sont supprimées (comme le
d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant COS) et les POS sont voués à disparaître9.
l’approbation du schéma et justifie les objectifs chiffrés de limitation de cette
consommation compris dans le document d’orientation et d’objectifs. » La Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale
En 2011, la feuille de route de la Commission Européenne « pour une Europe de la République (NOTRe) créé les Schémas Régionaux d’Aménagement, de
efficace dans l’utilisation des ressources » apparaît comme une étape clé dans Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET). Celui-ci vise à
l’évolution du cadre juridique ayant guidé nos politiques publiques vers l’objectif fixer des objectifs de moyens et longs termes sur plusieurs thématiques, dont
du Zéro Artificialisation Nette. notamment celle de la gestion économe en espace. Ils s’imposent alors aux
documents d’urbanisme locaux dans un rapport de compatibilité.
« Dans l’UE, plus de 1 000 km2 de nouvelles terres sont utilisés chaque année pour
le logement, l’industrie, les infrastructures routières ou les loisirs. Environ la moitié
de cette surface est en fait rendue imperméable. [...] Nous goudronnons tous les La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la
dix ans une surface équivalant à Chypre. [...] Dans de nombreuses régions, le sol nature et des paysages inscrit au code de l’environnement la séquence Eviter-
est érodé de manière irréversible ou est très pauvre en matières organiques. La Réduire-Compenser.
contamination des sols constitue également un problème sérieux. »
« éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en
Elle précise alors l’objectif « consistant à supprimer d’ici à 2050 toute réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu
augmentation nette de la surface de terres occupée »6. être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et
des fonctions écologiques affectées. Ce principe doit viser un objectif d’absence
de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ».
La loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’Accès au Logement et un Urbanisme
Rénové (ALUR) comporte un chapitre nommé « lutte contre l’étalement urbain et La loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de
la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers » incitant notamment l’aménagement et du numérique (ELAN) quant à elle, a introduit la lutte contre
à la densification des espaces bâtis. l’étalement urbain dans les objectifs du code de l’urbanisme. Ainsi, elle fournit
La loi ALUR a fait alors application des recommandations européennes, en aux collectivités plusieurs outils en matière de réhabilitation des logements, de
durcissant les conditions applicables aux zones ouvertes à l’urbanisation, en réduction de la vacance. Elle facilite la transformation de bâtiments existants, les
renforçant le rôle intégrateur du SCoT et les règles applicables aux communes opérations de revitalisation des territoires (ORT) voient le jour et enfin, l’adhésion
non couvertes par ces documents. des EPCI à un EPF local est facilitée10.

6 Commission européenne, 2011 8 CEREMA, 2017


9 Sénat, 2023
10 Idem

33
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions Objecif ZAN, une mise à l’agenda progressive

L’ordonnance du 17 juin 2020, prise en application de la loi ELAN, a réformé l’outil et la définition d’une enveloppe maximum, doivent être conçus et appliqués dans
de SCoT, et introduit dans le document la notion de lutte contre l’artificialisation. un cadre supra communal : au minimum au niveau de l’intercommunalité et plutôt
à l’échelle du SCOT. »

Le concept du Zéro Artificialisation Nette émerge autour de la campagne A cette échelle de gestion des objectifs chiffrés s’ajoute la proposition d’instaurer
électorale de 2017, et s’en suit alors – dans le Plan Biodiversité de 2018 – dont l’axe un rapport de conformité des PLU(i) vis-à-vis des SCoTs qui sont aujourd’hui
1.3 vise à « limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers compatibles.
pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette ». Le Plan précise la Nombreuses autres mesures sont également proposées, comme la prise de
nécessité de s’engager dans la « définition d’objectifs chiffrés et d’une trajectoire mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales
pour atteindre l’objectif de ZAN ». Le plan Biodiversité souhaite alors réviser les périurbaines très consommatrices d’espaces ; la facilitation des changements
politiques d’urbanisme et d’aménagement commercial, favoriser un urbanisme d’usage des terrains artificialisés non occupés ou encore l’évaluation du potentiel
sobre en consommation d’espace et renforcer l’application de la séquence ERC. de réversibilité des bâtiments avant toute démolition ou lors de constructions
L’objectif est décliné au travers de plusieurs actions (huit au total) pour atteindre nouvelle (liste non exhaustive).
cet objectif.
Parmi ces actions, le Plan Biodiversité met en place une « évaluation de l’ensemble Enfin, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement
des mesures existantes pour lutter contre l’artificialisation et des difficultés climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, aussi appelée Loi
rencontrées par les élus locaux dans leur application » (action 5), la publication Climat et Résilience, marque l’arrivée de l’objectif Zéro Artificialisation Net tel que
annuelle d’ « un état des lieux de la consommation d’espaces » (action 6), il donne nous le connaissons aujourd’hui. Souvent qualifié comme ambitieux, cet objectif
« instruction aux préfets de vérifier systématiquement l’application des mesures constitue en effet la seule proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat
de lutte contre l’étalement urbain » (action 9) ou encore propose le soutien de « ayant été poussée au-delà de sa première version. On passe d’un objectif de
10 projets innovants ou démonstrateurs » (action 11).11 divison par deux des epaces artificalisés à un objectif Net, donc bien plus
contraignant. La Loi définit alors les actions d’artificialisation et de renaturation
Parmi les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat du 20 Juin ainsi :
2020, l’une vise à «Lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain en
«L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des
rendant attractive la vie dans les villes et les villages», votée à 99%. La Convention fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques,
précise par ailleurs la portée de la mesure : hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son
occupation ou son usage.
« Cet objectif de réduction de l’artificialisation des sols ne se traduit pas directement
par des réductions d’émissions de GES mais il permet de préserver le potentiel de
La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des
séquestration de carbone et de limiter les nouvelles constructions »
opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant
Plusieurs mesures sont alors proposées pour atteindre cet objectif de division pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.»13
par 2 des surfaces artificialisées.
« L’interdiction d’artificialisation, si des potentiels existent dans l’enveloppe existante

11 Comité interministériel biodiversité, 4 juillet 2018. 13 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
12 Convention Citoyenne pour le Climat, 29 Janvier 2021. renforcement de la résilience face à ses effets

34
1.2 ZAN mode d’emploi

Bien qu’il découle d’un cadre réglementaire


préexistant, le ZAN questionne sur sa
mise en oeuvre ainsi que sur les délais
imposés. Dates imposées, modalités de
prise en compte dans les documents de
planification et d’urbanisme, etc. Nous
dressons ici les caractéristiques relatives à
la mise en œuvre de l’objectif ZAN.

35
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions ZAN mode d’emploi

ZAN, mode d’emploi


De quoi parle t-on ? Et c’est pour quand ?
Pour les 10 années à venir, c’est-à-dire de 2022 à 2031, la loi fixe l’objectif Pour rappel, la Loi Climat et Résilience a été promulgée le 22 Août 2021.
intermédiaire de division par deux du rythme de la consommation d’ENAF1 par • Le date limite pour réunir et faire aboutir la proposition de la conférence des
rapport à ce qui a été observé au cours des dix dernières années. Cette première SCoTs était fixée au 22 octobre 2022.
étape s’appuie sur la notion déjà existante de consommation d’espace (cf Grenelle • Les régions doivent avoir intégré les objectifs de réduction de l’artificialisation
II et loi ALUR). Cet objectif devra être traduit dans les documents de planification dans leur document de planification (SRADDET, SDRIF, PADDUC et SAR)
et d’urbanisme par des « bilans de consommation effective d’espace ». avant le 22 février 2024.
Définition • Les SCoTs doivent intégrer ces objectifs dans un délai de 5 ans à compter la
promulgation de la loi, c’est à dire avant le 22 Août 2026.
Notion de consommation d’espace • Les PLU, PLUi et Cartes Communales doivent avoir intégré ces objectifs
La loi Climat et Résilience précise que le calcul de la consommation dans un délai de 6 ans à compter de la promulgation de la loi, c’est à dire
d’ENAF s’effectue au regard de la consommation réelle observée : avant le 22 Août 2027.
aménagements, constructions, installations, équipements, etc., réalisés Par ailleurs, au-delà du 22 octobre 2022, les conférences des SCoTts ne sont pas
sur des espaces initialement à vocation naturelle, agricole ou forestière. appelées à disparaître. La loi prévoit en effet qu’elles réalisent un bilan de la mise
La définition précise également que seules l’extension ou la création de en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation courant 2025, soit un an
nouveaux espaces urbanisés sur des espaces initialement vierges de après la date limite de modification des schémas régionaux.
toute urbanisation est prise en compte, afin de quantifier les phénomènes
d’étalement urbain et de mitage des espaces2. Par ailleurs, la nature des Le saviez vous ?
zonages des documents d’urbanisme est sans incidence sur le calcul de
Mise en place d’un nouvel espace de dialogue territorial dans
la « consommation d’espaces effective passée ».
le cadre de l’objectif ZAN
La Conférence des SCoTs. est un espace de dialogue territorial créé par
Comment ca marche ? le législateur et voué à la mise en place d’accords sur la territorialisaiton
Tout d’abord, la trajectoire vers le ZAN avec la déclinaison de l’objectif par tranches des objectifs au sein des SCoT. La conférence des SCoTs vise à faire
de 10 ans devra être inscrite dans les documents de plannification régionaux. dialoguer les élus d’un même territoire, afin de préparer des propositions
Ces objecifs décénnaux sont ensuite déclinés dans les documents d’urbanisme à transmettre au Conseil régional. Malgré tout, les territoires n’ont pas
locaux. La territorialisation des objectifs apparaît alors comme indispensable, en toujours l’habitude de travailler en interSCoT et il faut parfois inventer les
vue d’adapter l’effort aux réalités différentes des territoires. Cette territorialisation moyens pour y parvenir, car il n’existe pas de financement spécifique.
doit prendre en compte les enjeux et besoins du territoire, les efforts de sobriété Enfin, l’objectif n’est pas de transmettre des objectifs quatifiés à la région,
foncière déjà réalisés et le foncier déjà artificialisé mobilisable pour répondre aux car c’est bien à elle - au travers du SRADDET - qu’il revient d’élaborer des
besoins. Ainsi, la première étape consiste en la répartition de l’objectif régional propositions différenciées.3
entre les différents bassins de vie.
1 ENAF : Espaces Naturels Agricoles et Forestiers 3 Picot, 2022
2 Ministère de la Transition écologique, 20 janvier 2022

36
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions ZAN mode d’emploi

Schéma de la mise en application du ZAN


Comment mesure t-on l’artificalisation ?
Ce questionnement est essentiel car la manière dont seront comptabilisés les
espaces artificialisés ou non va fortement influer sur le degré d’ambition de la
politique ZAN, notamment de sa mise en œuvre.
D’un point de vue technique, ces espaces seront comptabilisés à partir de 2031
grâce à l’OCSGE, Occupation des Sols à Grande Échelle une base de données
de l’IGN. Ces données - aujourd’hui en cours cours de production - présenterons
une certaine précision: 200m2 pour les zones bâties contre 2500m2 pour les
espaces hors zones construites, et régulièrement mise à jour.
Cet outil s’appuie sur un modèle capable de distinguer deux types de données :
couverture du sol et usage du sol. Ainsi, 14 types de couverture et 17 catégories
d’usage des sols pourront etre identifiées. La classification en artificialisé ou non
artificialisé découlera du croisement de ces 2 données, et sans doute également
de négociations politiques...5

4 La Gazette des Communes, 2022

37
Objectif Zéro Artificalisation Nette : définitions ZAN mode d’emploi

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38
Chapitre 3 Tour d’horizon
des démarches
de sobriété
foncière
Bien que le ZAN et ses outils relèvent
d’une politique publique franco-
française, l’ambition de sobriété foncière
3.1 ETAT DE L’ART SYNTHÉTIQUE DES
est partagée bien au-delà. Les objectifs DÉMARCHES IDENTIFIÉES
de réduction de l’artificialisation des
sols découlent de la feuille de route la 3.2 APPROFONDISSEMENT D’UN CAS
Commission européenne qui s’est fixé
D’ÉTUDE : GENÈVE
le no net land take by 2050. Chiffrés ou
non, ils se retrouvent dans la législation et
stratégie d’urbanisation des pays voisins. 3.3 APPROFONDISSEMENT D’UN CAS
Nous présentons dans ce chapitre un D’ÉTUDE : CASORIA
horizon de politiques publiques de
sobriété foncière, et un compte rendu
de deux voyages d’exploration en Suisse
et à Casoria.

39
3.1 Etat de l’art synthétique des

démarches
Dans l’optique de sélectionner un terrain d’exploration dans un
pays européen, quelques politiques publiques de lutte contre
l’artificialisation des sols ont été étudiées et sont présentées dans ce
chapitre. L’échantillon a moins vocation à être exhaustif qu’à refléter la
diversité des possibles leviers d’action à la portée de la fabrique de la ville
et des territoires. Chaque exemple décrit l’arsenal politique national de
sobriété foncière, pilotées à des échelles de gouvernance différentes,
et sa mise en œuvre au niveau régional ou local. Le jeu d’acteurs
impliqués, les moyens d’actions, des retours d’expériences, et parfois
des exemples de projets accompagnent la description des dispositifs
en place. Il est important de préciser que la mesure de l’artificialisation
diffère d’un pays à l’autre et ne constitue qu’un élément subjectif
de comparaison entre chaque exemple. Un classement statistique
d’Eurostat (2018) permet toutefois d’évaluer la part de consommation
des sols par pays européens et de situer la France relativement dans
la moyenne avec 5,4% de terres artificialisées. D’un côté, la Belgique et
les Pays-Bas enregistrent une proportion respective de 11,7% et 12,6%.
De l’autre, la Suède, Finlande, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie et
Roumanie se situent à moins de 3%. La position française doit être
relativisée puisque, lorsque les données de densité de population sont
croisées, elle est parmi les plus artificialisant du continent.
L’état de l’art présenté dans ce chapitre donne à voir les initiatives mises
en place en Europe suivant l’idée que des enseignements peuvent
être tirés de pratiques voisines, que nous avons creusé davantage
lors de nos voyages d’approfondissement en Suisse et en Italie. Enfin,
cette approche nous permet d’appréhender les phénomènes de
report d’urbanisation entre deux pays voisins aux réglementations et
ambitions différentes.

40
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Allemagne
Le National Nature Conservation Act en 2002 a donné l’impulsion des politiques de cette politique publique locale. Inscrit dans son plan d’urbanisme local, l’autorité
sobriété foncière allemande. La stratégie fixe aujourd’hui des objectifs chiffrés de locale de Dresde a fixé à 40% la surface totale pouvant être imperméabilisée au
consommation maximale par jour. Les Länder sont ensuite missionnés de la mise profit des constructions habitantes et de la voirie. Ce pourcentage correspond
en œuvre et de l’imposition de taxes pour assurer leur respect. à une surface nette, un choix défendu par la ville qui voit ce taux comme une
contrainte importante, et permet donc la compensation. Les opérateurs ont
Des orientations nationales de sobriété foncière encouragés par des taxes le choix d’entreprendre eux-mêmes les travaux de compensation des terres
fédérales et régionales imperméabilisées ailleurs, tout en restant dans le périmètre de la commune,
En 2002, la publication du National Nature Conservation Act, un ensemble ou bien de payer une redevance fixée par l’État local. Cette dernière est fixée
de directives nationales en faveur de la compensation des sols artificialisés et à environ 20€ par m² de sol transformé. L’autorité environnementale de l’État
de la préservation de la biodiversité a contribué à l’élaboration de politiques local de Dresde prend alors en charge la conduite des travaux de verdissement
publiques spécifiques. En raison de sa gouvernance fédérale, l’Allemagne ou de désimperméabilisation lui-même. C’est ainsi une politique adressée aux
a des politiques de sobriété foncière qui se déclinent à plusieurs échelles. La constructeurs qui se retrouvent contraints de payer la redevance ou d’effectuer
stratégie nationale de lutte contre l’artificialisation se retrouve dans des objectifs leur projet sur des zones déjà urbanisées et imperméabilisées. La mesure a été
quantitatifs de consommation de terres fixés par jour. En 2020, l’objectif était de décrite, notamment par la Commission Européenne, comme un succès pour ses
30 ha par jour (en 2009, la consommation était de 93 ha par jour). De plus, des effets sur le recul des terres artificialisées. La ville estime qu’environ 4 hectares
objectifs de densification et de construction vers l’intérieur des espaces bâtis de ses terres sont désartificialisées chaque année.
sont fixés. Pour être mises en œuvre, des taxes sont imposées au niveau fédéral À noter que dans cet exemple, la notion d’imperméabilisation des sols est prise
ou régional, liées au changement d’usage des sols, à l’imperméabilisation, etc. en compte pour décrire l’artificialisation d’un sol. Intimement liée aux qualités
Pour autant ces taxes demeurent faibles et peu incitatives. Entre 2013 et 2017, d’absorption des eaux pluviales, l’imperméabilisation comme choix de mesure
des certificats échangeables sur la vente de terrains à bâtir entre communes relève d’une politique publique spécifiquement conçue pour armer le territoire
(Planspiel Flänchenhandel) permettent aussi de réguler la consommation des face aux inondations.
terres. Chaque commune disposant de ces certificats (maximum 1000 m2 de
surface constructible) peut les échanger selon un prix diminuant lorsque la
À retenir
densité urbaine croît. Les résultats sont en revanche contrastés et ont démontré • Une politique nationale en partie axée sur des mesures fiscales
une efficacité limitée.
et économiques incitatives ainsi que la compensation des terres
Concernant l’application des directives nationales au niveau des Länder,
artificialisées.
l’application est plus ou moins ambitieuse.
• L’application à l’échelle fédérale semble permettre aux territoires
La politique avancée de compensation à Dresde d’aller plus loin, comme le montre le cas de Dresde où les effets se font
La ville de Dresde dans le Land de la Saxe a mis en place des politiques publiques davantage ressentir.
locales spécifiques et des outils poussés pour limiter l’étalement urbain. Le • Une mesure de l’artificialisation (à Dresde) directement reliée aux
territoire s’est vu contraint de développer une stratégie à la suite d’inondations conditions géographiques locales, i.e la capacité d’absorption des
très destructives de l’Elbe et du Danube en 2002. La publication du National eaux pluviales en cas de fortes inondations.
Nature Conservation Act la même année a également contribué à l’élaboration de

41
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Autriche
L’Autriche fixe depuis 2002, comme l’Allemagne, un quota de consommation de de terres naturelles. À noter que pour être davantage efficace, la loi a choisi de
terres maximale par jour. Ces objectifs ont été rehaussés dans un plan 2020-2024. limiter les acquéreurs étrangers en imposant des restrictions et interdictions.

Des états régionaux inégaux en raison d’un cadre réglementaire national limité
Le cadre réglementaire de l’Autriche en faveur de la réduction de l’artificialisation
À retenir
des sols fixe depuis 2002 des objectifs chiffrés de consommation quotidienne
maximale. Réévalués dans le plan 2020-2024, ils passent de 1 hectare à 2,5 • La stratégie autrichienne consiste à encourager principalement la
hectares/jour d’ici à 2030. Les États locaux (länder) ont davantage la main sur la densification urbaine et le contrôle du mitage urbain.
planification et sont responsables de l’application de leur arsenal réglementaire • Comme en Allemagne, les outils opérationnels, essentiellement des
et de fiscalité. Ce sont eux qui fixent les contours des zones à protéger. Ainsi prêts et aides publiques, sont conçus et déployés à l’échelle de chaque
la consommation de terres varie significativement. Dans cinq États, des fonds État qui décide de leur politique locale.
d’investissement immobilier publics attribuent des prêts à taux préférentiels aux
communes souhaitant faire l’acquisition de terrains dans une perspective de
densification urbaine. De même, certains incluent des critères de densification
dans l’attribution de leurs aides locales au logement pour encourager la
rénovation urbaine et limiter l’étalement urbain. Ces mesures ne concernent
donc pas l’ensemble du territoire et sont davantage des initiatives locales.

Quelques exemples régionaux de sobriété foncière


L’état de la Haute-Autriche a mis en place des mesures économiques incitatives,
un Development and Maintenance Fee. Cette dernière qui s’apparente à une taxe
sur les infrastructures est à la charge du propriétaire qui construit en expansion
urbaine afin de limiter l’étalement urbain.

Quant au Voralberg, il a développé en 2004 (mis à jour en 2017) la Vision Rheintal


pour répondre aux conséquences de la croissance démographique régionale
sur une urbanisation diffuse et peu dense ainsi qu’un marché foncier dérégulé. La
stratégie promeut le modèle de la ville compacte et encourage la densification le
long des stations et lignes de transports en commun. De plus, l’État du Voralberg
a conçu une loi intitulée The Voralberg Land Transfer Law qui doit aider à garantir
la continuité fonctionnelles des espaces déjà urbanisés en limitant l’acquisition

42
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Belgique
La politique wallonne de sobriété foncière prend le nom de “Stop Béton” depuis un mesure similaire à la politique wallonne avec le « Betonstop » (renommé «
2018 et en Flandres “Stop Béton” ou “Bouwshift”, qui a pris effet la même année. Bouwshift ») sous la forme d’un plan d’aménagement (Beleidsplan Ruimte
La Belgique a en effet la particularité d’être divisée en trois régions aux cultures Vlaanderen - BRV) - aujourd’hui au stade de sa mise en œuvre. Plus ou moins
différentes. similaire à la politique ZAN française, le plan prévoit une réduction de moitié de
la consommation des terres artificialisées d’ici 2025 mais se distingue par son
Le « Stop Béton » en Wallonie, une politique de sobriété foncière ambitieuse qui objectif ambitieux d’atteindre le no net land take dès 2040. La mise en œuvre
peine à se mettre en œuvre passe notamment par des mesures législatives facilitant la densification et vise
L’outil de planification qui définit la stratégie territoriale est le Schéma de le déclassement de certaines zones à urbaniser. En réponse notamment aux
développement du territoire (SDT), concernant l’ensemble du territoire régional risques d’inondation élevés (environ 11 000 hectares fléchés par le gouvernement
et orientant les autorités publiques. Ce sont ensuite les Plans de Secteur qui régional), les zones les plus exposées sont désormais déclassées.
appliquent localement les grands objectifs sous la forme de zonage mais ont La Flandre est freinée dans la mise en œuvre de cette politique publique du
été régulièrement pointés du doigt pour leur incapacité à endiguer l’étalement fait notamment de son système d’indemnisation des propriétaires fonciers
urbain. En 2018, le « Stop béton » a été annoncé par le gouvernement régional concernés par le déclassement d’un terrain qui générerait une « moins-value »
pour répondre à l’ambition du no net land take by 2050 (objectif européen). (idem en Wallonie). Cette indemnisation, aujourd’hui à hauteur de 80% du prix
Parmi les objectifs du « Stop Béton » annoncés dans la révision du SDT, on note d’acquisition, a même vocation à être réévaluée à la hausse. L’objectif Betonstop
la réduction de “la consommation des terres non artificialisées à 6 km²/an d’ici est ainsi très critiquée pour son caractère impayable pour les communes locales,
2030, soit la moitié de la superficie consommée actuellement et tendre vers 0 incapable de payer les compensations. Comme alternative à l’indemnisation,
km²/an à l’horizon 2050. » le gouvernement flamand réfléchit à un système d’échange de droits de
Ce sont ainsi des objectifs chiffrés et précis, notamment en matière de développement attribué au propriétaire ne pouvant plus construire. Ils pourront
construction de logement pour continuer à répondre à la demande. Pour ensuite revendre ce droit, notamment à des professionnels de l’urbanisme et de
autant, malgré l’approbation de la révision du SDT, le document n’est pas entré l’immobilier.
en vigueur. Après la demande du Gouvernement wallon, une nouvelle version
À retenir
est finalement votée en 2022 mais les objectifs sont revus dans la Déclaration
de Politique Régionale (2019-2024). Pour freiner l’artificialisation des sols, • Des politiques régionales de sobriété foncière (Flandres et Wallonie)
l’objectif avant le not net land take by 2050 est ramené à un plafonnement de freinées par l’absence de coordination fédérale et de coordination
la consommation des terres non artificialisées d’ici 2025, laissant de côté les locale.
précisions présentes dans la révision du SDT en 2019.
• Un système d’indemnisation des propriétaires qui rend le financement
du « StopBéton » et « Bétonstop » impossible pour la puissance
Le « Bouwshift » ou « Betonstop » , politique flamande compliquée par un régime
publique et bloque son déploiement.
de propriété privée contraignant
• Le système d’échange de droits de développement, comme alternative
La Flandre a récemment pris conscience de l’importance d’inverser sa trajectoire
accélérée d’étalement urbain et de périurbanisation. Environ 12 hectares par jour à l’indemnisation, une piste pour un échange de droits à construire
étaient consommés jusqu’ici, une dynamique d’artificialisation insoutenable entre territoires en France ?
sur le court comme sur le long terme. Pour ce faire, la région annonce en 2018

43
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Danemark
La politique de sobriété foncière danoise prend son origine et inspiration dans le par une zone naturelle protégée dans laquelle les constructions sont limitées
Finger Plan de Copenhague, créé en 1947, devenue une directive nationale depuis voire interdites. Ce plan assure la concentration de l’urbanisation autour des
2007. L’urbanisation du Danemark pour limiter l’extension urbaine est encadrée au stations de transports en commun, suivant une logique de Transport Oriented
niveau national par le Landsplanredegørelse qui fixe les objectifs. Development (TOD).

Une politique nationale tournée vers la densification et l’accès aux espaces verts La régulation nationale des zones commerciales périurbaines
La politique nationale de sobriété foncière au Danemark est aujourd’hui déployée Un autre aspect de la politique danoise de sobriété foncière concerne la
et pilotée à plusieurs niveaux de gouvernance. La national planning report régulation des zones commerciales en périphéries urbaines et leur construction
(Landsplanredegørelse) à la charge du ministère de l’Environnement préparent sur des terres naturelles et agricoles. Depuis 1997, le Danemark limite leur
les objectifs à long terme pour l’urbanisation. En termes de sobriété foncière, la développement en dehors des zones urbanisées au profit de programmes de
densification urbaine est une des principales orientations de l’État danois. Une préservation des activités commerciales en cœur des villes, notamment les villes
étude récente (Samuelsson et al. 2020) a montré que ces 20 dernières années les moyennes. La politique stipule même vouloir restreindre la taille des surfaces
villes danoises étaient devenues largement plus denses et plus vertes: résultat commerciales, par exemple à 3500 m2 pour un magasin commun et 2000 m2
de la politique de développement urbain. pour un magasin spécialisé. Dans les petites villes, cette taille est même limitée
à 1000 m2.
Le cas du Finger Plan de Copenhague, comme impulsion pour le reste du pays
et l’Europe
La politique actuelle a été dans un premier temps impulsée par la planification À retenir
de la capitale qui a pris dès 1947 le contrôle sur son étalement urbain et la
protection des espaces naturels et ruraux à travers le Finger Plan. Copenhague • Une impulsion générée par les efforts historiques de la ville-capitale en
est une des premières villes européennes à mettre en place une stratégie qui termes d’endiguement de l’urbanisation.
vise à la concentration de son urbanisation. D’abord appliquée uniquement à la • Une sobriété foncière articulée autour des nœuds de transports
capitale, cette régulation de l’urbanisme est devenue une directive nationale de collectifs, la densification et la préservation des cœurs de villes.
planification à partir de 2007, ce qui oblige les municipalités de l’agglomération
à l’appliquer. Le ministère de l’Environnement danois est depuis cette date
responsable du pilotage de cette planification. Aujourd’hui, le Finger Plan
s’applique à l’ensemble du Greater Copenhagen qui correspond à un ensemble
de 34 municipalités de l’est du Danemark et compte 2 millions d’habitants (la
capitale en enregistre 1,25 millions). Il s’apparente à l’équivalent du bassin de vie
de Copenhague. La planification selon le Finger Plan contraint l’urbanisation de
la région de Copenhague à se développer autour des 5 zones (représentant les
cinq doigts de la main du plan) émanant de la capitale. Chaque zone est séparée

44
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Espagne
Hormis l’Estrategia Española de Sostenibilidad Urbana y Local publiée en 2011 et le plan finance et encourage des mesures de protection de l’environnement là
répétant les objectifs européens, l’Espagne n’a pas déployé une politique nationale où la pression immobilière est forte. La Catalogne met en place à cet effet un
de sobriété foncière contraignante au niveau national. Plan Directeur Côtiers pour la Catalogne à partir de 2007 qui intègre des Zones
Côtières.
Un pays très consommateur de foncier, notamment sur les espaces côtiers
La gouvernance espagnole se caractérise par une décentralisation du pouvoir Une corrélation entre étalement urbain et finances locales qui freine les efforts
central poussée sous la forme de 17 gouvernements régionaux et 8114 Toutefois ces mesures restent prescriptives et limitées pour s’attaquer à la réalité
municipalités. Leur importance en termes de fiscalité est particulièrement de l’artificialisation des sols. Ce manque de régulation a pour conséquence
conséquente puisque ces deux autorités gèrent respectivement 35% et 13% du un poids énorme sur la fiscalité locale des municipalités. Ces dernières ont
total des dépenses publiques. En termes d’étalement urbain, le pays se trouve eu, dans les 20 dernières années, largement recours à la planification urbaine
parmi les premiers consommateurs de sols naturels en Europe. Entre 2000 et en faveur d’une extension de leurs limites urbaines, notamment à travers des
2018, 20% de l’urbanisation s’est réalisé en Europe (Cotella 2020). La majorité de mesures fiscales avantageuses, pour pallier leurs dettes, conséquence d’un
l’expansion urbaine et de la périurbanisation se situe dans les régions côtières désinvestissement public de l’État central. Cette stratégie a contribué à un
du sud de l’Espagne, conséquence du développement du tourisme de masse. cercle vicieux entre ouverture à l’urbanisation pour attirer des investisseurs et
Quant aux grandes villes telles que Madrid et Barcelone, leur population a doublé consolidation de l’endettement local.
en moins de 20 ans entraînant un développement urbain en dehors des limites
urbaines. À retenir

Des efforts de sobriété foncière concentrés sur la côte espagnole • Les territoires locaux sont trop peu dotés d’ingénierie et de moyens
Concernant l’arsenal de politiques publiques visant à contenir ou limiter financiers pour contrer le phénomène d’étalement urbain, sources lui-
l’étalement urbain, les municipalités locales ont la liberté de définir leur stratégie en même d’investissements.
termes d’extension et d’utilisation des sols. Estrategia Española de Sostenibilidad
Urbana y Local (stratégie espagnole pour le développement urbain durable
et local), est la politique publique lancée en 2011 en réponse aux orientations
européennes. Cherchant à adresser la relation ville-campagne et le changement
climatique, elle propose uniquement des principes, objectifs, recommandations
et mesures à mettre en place pour une urbanisation davantage durable et limiter
la périurbanisation. Parallèlement, l’Espagne a également adopté en 2005 un
plan stratégique national concernant plus spécifiquement les espaces côtiers
là où se concentrent en effet la plus grande part de l’artificialisation des sols.
Considéré comme une mesure efficace d’endiguement de l’étalement urbain,

45
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Italie République tchèque


La sobriété foncière encore absente des politiques publiques nationales Une nomenclature avancée des sols agricoles qui guide la politique nationale de
La politique de sobriété foncière italienne ne semble pas opérée au niveau de sobriété foncière
l’État central. Il n’existe aujourd’hui ni stratégie nationale ni limites quantitatives Depuis les années 1990, la stratégie de sobriété foncière tchèque porte
d’artificialisation, ni leviers fiscaux fixés par l’État. En revanche, une loi nationale principalement sur la préservation de ses terres agricoles. Grâce à une
permet aux communes d’acquérir pour un prix symbolique des anciennes friches nomenclature, elles sont réparties en plusieurs catégories selon leur
militaires. Ainsi, des politiques locales sont mises en place dans les régions ou potentiel productif et ainsi associées à des mesures de protection contre leur
villes désireuses de lutter contre l’artificialisation des sols. artificialisation. Au regard de la fertilité du sol, le changement d’usage d’une terre
agricole fait l’objet d’un permis à urbaniser spécifique ainsi que d’une taxe indexée
Quelques exemples de démarches et outils mis en place au niveau local : à la qualité ou « valeur » de la terre, la somme correspond à la surface artificialisée
En termes de mesures économiques désincitatives, la région d’Émilie Romagne multipliée par le tarif correspondant au mètre carré. Celle-ci est reversée à un
est aussi souvent citée pour avoir doublé la taxe ou frais d’urbanisation ou oneri di fonds national de protection de l’environnement. La taille de la surface destinée
urbanizzazione (résolution no. 186/2018) pour les projets urbains et construction à être artificialisée engendre une délivrance et approbation du permis par la
artificialisant des terres agricoles. Parallèlement, une baisse de 35% de cette taxe municipalité, l’autorité régionale ou le ministère de l’Environnement. Des mesures
est allouée au projet de réhabilitation de friches ou de bâtiments abandonnés. similaires s’appliquent aux espaces forestiers. Depuis leur entrée en vigueur, ces
La région a même laissé la possibilité aux collectivités locales de baisser cette politiques nationales ont contribué à faire stagner le rythme d’artificialisation des
taxe à 100% si elles le souhaitaient. sols, et notamment des terres agricoles. Pour autant, ce mécanisme est jugé peu
contraignant au regard des tarifs appliqués, notamment dans les zones tendues.
Le cas de Casoria, commune de la périphérie de Naples, a fait l’objet d’un voyage La Slovaquie a mis en place une politique nationale similaire.
de terrain pour son caractère démonstrateur et expérimental dans le cadre d’un
programme européen URBACT. Il sera présenté plus en détail dans le chapitre À retenir
suivant.
• La réflexion et la démarche de sobriété foncière sont conçues autour
de la qualité pédologique et agronomique des sols, principalement
À retenir
des terres agricoles.
• Un pays européen avec une législative encore timide sur la question
de la sobriété foncière.
• Quelques initiatives locales, à l’échelle régionale ou même des
municipalités (Casoria) fortes de propositions pour revoir les
trajectoires d’urbanisation, notamment en extension. Ces pratiques
restent expérimentales.

46
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Pays-Bas
La politique de sobriété foncière hollandaise s’articule notamment autour du ; espaces avec une valeur spécifique ; espaces ruraux. La stratégie s’intitule « red
principe de “Sustainable Urbanisation Ladder” depuis 2012 et la stratégie du “red for green » et consiste à compenser de manière systématique l’autorisation d’un
for green” depuis 2024. permis de construire en expansion urbaine par une autorisation de démolir et
de désimperméabilisation ailleurs. Cette mesure s’apparente ainsi à un transfert
Regroupement des politiques nationales d’aménagement et de l’urbanisme de droit à construire et à développer. Plus précisément, les revenus générés
autour un objectif commun de sobriété foncière par le développement résidentiel, commercial et industriel (‘red’) financent en
En 2012, le pays a aboli l’ensemble de ses politiques nationales de développement partie un investissement dans la préservation des espaces naturels et ruraux
urbain et documents de planification en vigueur au profit d’une stratégie nationale (‘green’). Au niveau de la mise en œuvre, les Pays-Bas ont pour autant du mal
transversale qui doit mettre en cohérence les politiques publiques de limitation à le faire respecter. Seule la moitié des terres visées par cette stratégie ont
de l’étalement urbain. À la place, une règle unique est introduite et intitulée « été véritablement compensées ailleurs. Pour cause, le manque de sanctions
l’échelle pour une urbanisation soutenable ». Cette nouvelle procédure consiste économiques associées.
à réguler l’ouverture de nouvelles zones à urbaniser selon trois conditions : 1) la
preuve qu’une demande en logement existe 2) la justification du recours à un À retenir
espace naturel et 3) la desserte multimodale du site.
• Les mesures mises en place par les Pays-Bas, principalement des
contraintes procédurales et des mécanismes de compensation, ont
Des outils procéduraux et le recours au judiciaire pour la mise en œuvre de la
été ambitieuses dans leur conception mais n’ont pas pleinement
nouvelle politique
atteint les effets escomptés.
Chaque demande de permis de construire est examinée individuellement
• La principale cause semble être le manque d’adhésion et le manque
par la justice hollandaise afin de limiter le rythme d’artificialisation des terres.
de sanctions économiques.
La politique publique du Pays-Bas a ainsi recours à des outils procéduraux
et inclut le pouvoir judiciaire dans les demandes de permis de construire. En
revanche, depuis quelques années cette procédure a été affaiblie malgré
des effets notables. Plusieurs groupes ont en effet critiqué l’implication de la
justice dans les affaires urbaines. Forcés de réfléchir à l’intérêt de chaque projet
d’urbanisation sur des terres naturelles pendant ces 5 ans, les constructeurs ont,
malgré l’affaiblissement, continué à intégrer cette réflexion selon le European
Regional Development Fund.

Un mécanisme de compensation : le « red for green »


En 2014, le pays a commencé à appliquer une stratégie efficace de protection
des espaces ruraux en spécifiant trois types : espaces de qualité exceptionnelle

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Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Suisse
La révision sur Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) en 2014 et le plan sectoriel mettent ainsi en place des outils différenciés comme le système d’indemnisation
des surfaces d’assolement en place depuis 1993 constituent la politique fédérale lié à un déclassement ou expropriation. Malgré leur autonomie, les cantons
de sobriété foncière en Suisse. évaluent et négocient régulièrement le quota du nombre d’hectares de surfaces
d’assolement avec la Confédération. L’ARE est également de plus en plus
Le « développement vers l’intérieur », une directive nationale partagée par les impliqué dans l’examen des plans directeurs cantonaux. Cet office a justement
cantons mis à disposition des communes suisses le souhaitant une aide en ingénierie
En matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme en Suisse, chaque pour les accompagner dans leur stratégie de développement vers l’intérieur. À
canton a la compétence ainsi que la main sur les grandes orientations et l’occasion de notre voyage de terrain, nous avons eu la chance de rencontrer
objectifs. Il existe pour autant un ensemble de plans sectoriels et de lois au Espace Suisse, l’association missionnée pour cet accompagnement. Davantage
niveau de la confédération (échelle nationale), qui vise à réguler l’urbanisation. de précisions sur la politique de sobriété foncière en Suisse et sa mise en œuvre
Ils se retrouvent en majorité dans la Loi sur l’Aménagement du Territoire (LAT), opérationnelle en se focalisant sur le canton de Genève se retrouvent dans le
qui donne les grands principes pour l’ensemble de la Suisse, et sous l’autorité chapitre suivant.
de l’Office fédéral du développement territorial (ARE). En termes de sobriété
foncière, la Suisse est notamment très avancée sur la question de la qualité À retenir
des sols. Le pays a pris la décision de classifier et de sanctuariser ses meilleures
terres agricoles, selon leur potentiel agronomique, afin d’assurer la souveraineté • Pour traiter de l’artificialisation des sols, la Suisse a adopté une approche
alimentaire nationale en cas de conflit. Depuis 1993, chaque canton établit qualitative de ses sols, basés sur les potentiels agronomiques et
annuellement un inventaire de ses terres, dîtes surfaces d’assolement. La qualités pédologiques, qui guide l’aménagement du territoire.
protection de ces dernières a été renforcée et elles ne peuvent, que dans de • Malgré le régime fédéral suisse basé sur une forte autonomie des
très rares cas, être aujourd’hui ouvertes à l’urbanisation. La dernière révision de cantons, l’échelle nationale a semblé nécessaire pour coordonner et
la LAT en 2014 s’adresse précisément au mitage et à la préservation des surfaces assurer la mise en place de plans d’aménagement et de politiques
d’assolement. Les zones à bâtir jugées surdimensionnées sont réduites et les publiques suffisamment ambitieuses en matière de sobriété foncière.
réserves foncières mieux utilisées, au nom de la compacité et de la densité. C’est • financiers pour contrer le phénomène d’étalement urbain, sources lui-
le « développement de l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti » qui oriente même d’investissements.
l’aménagement de l’ensemble des territoires suisses et fait exister une réflexion
paysagère et urbanistique au niveau national, ensuite décliné par canton.

Des cantons autonomes dans la mise en œuvre mais encadrés


La LAT étant une loi-cadre, chaque canton est ensuite responsable de sa
déclinaison stratégique et opérationnelle. Ils sont en effet dotés d’un arsenal
administratif spécifique concernant l’aménagement du territoire. Les cantons

48
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Etat de l’art synthétique des démarches

Sources
ESPON (2020) “SUPER, a guide to sustainable urbanisation and land use” , Espon. Available
at : https://ec.europa.eu/regional_policy/rest/cms/upload/24082020_125113_espon_super_final_
report_annex_5___handbook.pdf (Accessed: February 7, 2023)

Eurostat (2021) « Share of total area by type and land cover (%), 2018, Statistics Explained ».
Available at: https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File%3AShare_
of_total_area_by_type_and_land_cover_%28%25%29%2C_2018_May_2021.png (Accessed:
February 7, 2023).

Fosse, Julien (2019) « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ?”, France
Stratégie. Available at: https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-
dt-zero-artificialisation-nette-octobre-2019.pdf (Accessed: February 7, 2023).

Office fédéral du développement territorial ARE (no date) « Révision de la Loi sur l’aménagement
du territoire (LAT) », ARE. Available at: https://www.are.admin.ch/are/fr/home/developpement-
et-amenagement-du-territoire/droit-de-l_amenagement-du-territoire/revision-de-la-loi-sur-
lamenagement-du-territoire--lat-.html (Accessed: February 7, 2023).

Prokop Gundula, Heide Jobstmann and Arnulf Schönbauer (2011) “Report on best practices for
limiting soil sealing and mitigating its effects”, European Commission, DG Environment.

Samuelsson, Karl, Tzu-Hsin Karen Chen, Sussie Antonsen, S Anders Brandt, Clive Sabel and
Stephan Barthel (2020) “Residential environments across Denmark have become both denser
and greener over 20 years”, Environmental Research Letters, vol. 16, no. 1.

Spw (2022) « Artificialisation du Territoire », Etat de l’environnement wallon. Available at: http://
etat.environnement.wallonie.be/contents/indicatorsheets/TERRIT%202.html (Accessed:
February 7, 2023).

Richiedei, Anna; Tira, Maurizio (2020), « Municipal Budget Management and the Generation of
Urban Sprawl. A Case Study of the Lombardy Region (Italy) », Planning, Practice & Research, vol.
35, no. 2, 169-184.

49
3.2 Approfondissement d’un cas

d’étude : Genève

Afin d’approfondir notre horizon des démarches de sobriété foncière à


l’étranger, nous avons choisi d’aller voir de plus près les bonnes pratiques de
lutte contre l’étalement urbain mises en place dans le canton de Genève, fort
de son expérience et exemplarité en la matière depuis plusieurs décennies.
Comme expliqué dans le chapitre précédent, la Confédération Suisse a mis en
place des mesures contraignants l’extension urbaine grâce à la sanctuarisation
de terres non-artificialisées, notamment agricoles. À partir de cette contrainte
datant des années 1990, les cantons suisses ont eu le temps de développer des
stratégies de planification et de développement ainsi que des outils, notamment
de maîtrise foncière pour répondre à ces directives fédérales. La Suisse nous
est alors apparue comme une sorte de laboratoire nous permettant d’avoir le
recul que le ZAN français ne nous offre pas encore sur la mise en œuvre de
telles politiques publiques. Au sein du territoire suisse, le canton de Genève a
la particularité de rassembler plusieurs problématiques pertinentes pour notre
étude même si Genève ne remplit évidemment pas les caractéristiques d’une
ville moyenne française. Au-delà du cadre législatif et stratégique ambitieux
de lutte contre l’artificialisation des sols, le canton a la particularité de partager
une frontière avec la France. Les communes de Haute-Savoie entretiennent
depuis toujours des liens forts avec les communes genevoises, entre lesquelles
la frontière n’est parfois qu’immatérielle, en termes d’échanges économiques
mais également d’extension urbaine.

50
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Programme
À la rencontre d’acteurs de l’urbanisme et de l’aménagement en Suisse et Jean-Manuel MOURELLE, Fondation pour les terrains industriels de Genève
en Haute-Savoie, nous avons pris la route de Genève pendant 2 jours. Mêlant Sujets évoqués : gestion et maîtrise foncière des zones d’activités et industrielles
entretiens et visites de sites, nous avons pu avoir un large aperçu des pratiques du canton
de lutte contre l’étalement urbain.
Edmée PASCHE et David MATTHEY-DORRET, Coopérative Polygones
ENTRETIENS Sujets : fonctionnement des coopératives habitantes, instrument de lutte contre
Ariane WIDMER-PHAM, urbaniste cantonale au canton de Genève, Département la spéculation
du Territoire à l’Office de l’Urbanisme de Genève
Sujets évoqués : plan directeurs, questions stratégiques pour le canton VISITES
Le projet Praille Acacias Vernets (PAV), Genève
Alain BEURET, responsable conseil en aménagement chez Espace Suisse
Christa PERREGAUX, directrice adjointe chez Espace Suisse Zones industrielles du canton de Genève
Sujets évoqués : politique fédérale du développement vers l’intérieur, • Plan-les-Ouates (ZIPLO), Plan-les-Ouates, canton de Genève
densification, accompagnement des communes • Les Cherpines
• Bois-de-Bay (ecoparc)
Laura BREUILLY, responsable du service Politiques de l’habitat, Direction de • Meyrin Satigny
l’habitat • La Renfile
Nicolas HUE, responsable de service aménagement du territoire
Sujets évoqués : politique transfrontalière, effort de report, politique de l’habitat Écoquartier des Vergers, Meyrin, canton de Genève
en Haute-Savoie

Raphaële VAVASSORI, directrice de la planification et des opérations foncières à


l’Office cantonal du logement et de la planification foncière (OCLPF)
Sujets évoqués : politique foncière et maîtrise des prix du foncier, zones de
développement

Matthieu BARADEL, responsable de la Direction du Projet d’agglomération Grand


Genève
Sujets évoqués : gouvernance et politique transfrontalière - projet d’agglomération
du Grand Genève

51
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Contexte
Le territoire suisse face à un double enjeu de sur-attractivité et de saturation
foncière
Du fait de sa situation géographique de zone de montagnes et de lacs, la Suisse est
un territoire naturellement contraint en termes d’extension urbaine. Parallèlement
à ces conditions, la forte attractivité économique du pays contribue à une forte
croissance démographique. La population se concentre aujourd’hui autour des
grandes villes comme Zurich, Genève, Lausanne, Bâle, etc. De ce fait, le pays
a dû réfléchir depuis longtemps à l’évolution de son urbanisation (cf. carte de
1929), ce qui a conduit à un ensemble de directives et de lois protégeant les sols
agricoles suisses, notamment en fermant à l’urbanisation une partie importante
de ces terres appelées dès lors surfaces d’assolement.
Dans ce contexte très particulier, le canton de Genève fait d’autant plus figure
d’exception en termes de sur-attractivité et de saturation foncière en raison
de sa très petite taille. Cela l’a contraint particulièrement dans son expansion
et le force à mettre en place des outils et solutions pour la contrôler, tout en
continuant à créer et attirer de nouveaux emplois sur son territoire. Mégatrends et développement territorial en Suisse. Source : COTER (2019)

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE


DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

Office de l'urbanisme Direction de la planification cantonale

SURFACES D'ASSOLEMENT
Canton - 1/25'000

Surfaces d'assolement en zone agricole

Surfaces d'assolement en zone des bois et forêts

Surfaces d'assolement en zone de verdure

Surfaces d'assolement en zone à protéger inconstructible (art. 17 LAT)

Zone agricole non affectée aux surfaces d'assolement

Carte de zonage du canton de Genève annexée à la loi du 9 mars 1929, dans le bureau d’Ariane Widmer
Cette carte montre où la ville voulait se rendre. Le jaune montre les espaces réfléchis dans des des ± Code sous-secteurs statistique: Code alpha:
Echelle 1:25000 Auteur : PHC

Adopté par le Conseil d'Etat le : Code aménagement: Archives internes:

9 juin 2021

logiques paysagères. Le canton suisse a une forte concentration de surfaces d’assolement par rapport à
Plan n°
28780
Observations: Mis à jour : 15 janvier 2021 CDU: 712.2/2

la taille de son territoire Surfaces d’assolement. Source : Département du territoire, République et canton de Genève

52
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Politique publique de sobriété foncière


Le dispositif à l’échelle de la confédération organisé autour du “développement
vers l’intérieur” et des surfaces d’assolement Qu’est-ce que le développement vers l’intérieur et en quoi vous concerne-t-il ?
En 2012, il y a eu une révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT)
votée en 2013 avec 67% de oui en votation populaire puis rentrée en vigueur en
Pour mettre en place une politique de sobriété foncière nationale, la Suisse
2014. La LAT exigeait de manière plus claire le développement vers l’intérieur.
dispose de la Loi Aménagement du Territoire (LAT). Sa révision exige depuis
Les cantons ont demandé un soutien supplémentaire à la Confédération pour
2013 un “développement de l’urbanisation vers l’intérieur” - autrement dit, une la mise en application. 1 millions de francs de fond d’aide a été donné à Espace
urbanisation orientée vers les centres et espaces déjà urbanisés, afin de limiter Suisse par an pour aider les communes à travers le programme « Impulsion
l’étalement urbain. Cette loi répond à un quota de terres sanctuarisés dans le vers l’Intérieur ».
plan sectoriel des surfaces d’assolement (SDA), dont la fermeture à l’urbanisation
doit permettre d’assurer la souveraineté alimentaire du pays en cas de conflit. De quelle manière votre intervention fonctionne-t-elle ?
Cependant, les collectivités locales n’ont pas toujours les moyens techniques, Espace Suisse fait du conseil stratégique pour débloquer des situations. Les
humains et financiers pour la mise en œuvre d’une telle politique de sobriété communes ne sont pas toujours outillées pour faire face aux propriétaires
privés. Espace Suisse permet de mettre tout le monde autour de la table, et
foncière. Ainsi, pour accompagner et aider les territoires dans cette application, la
propose des recommandations. Ce n’est pas le cas à Genève par exemple, où
Confédération a lancé un programme d’“Impulsion vers l’intérieur”. L’association
les communes disposent globalement de l’ingénierie locale.
Espace Suisse, que nous avons rencontrée, a été mandatée pour accompagner À noter qu’Espace Suisse n’intervient pas au niveau architectural à l’exception
les communes suisse au travers de conseils, d’exemples de bonnes pratiques de leur outil d’« analyse d’immeuble » pour faire un inventaire et une étude des
et de formations. La rencontre avec Espace Suisse nous a permis de saisir bâtiments vacants ou abandonnés.
les contours de la politique fédérale de lutte contre l’artificialisation afin de
comprendre le cadre dans lequel la stratégie cantonale de Genève s’inscrit. Quel a été l’impact de la révision de la LAT sur le développement des cantons ?
Avec la révision de la LAT, il y a eu une exigence de mettre en zone à bâtir que
des terrains « nécessaires » pour la commune dans les 15 ans à venir selon
Entretien avec Espace Suisse
10 conditions à remplir (article 15). Ce sont des conditions strictes. Autour
de ça, il y a eu une exigence d’un certain montant d’hectares qui peut être
Espace Suisse est une association parapublique de droit privé. Ses membres
encore mis en zone à bâtir dans les cantons. Il faut noter que la compétence
sont les 26 cantons et plus de la moitié des communes suisses. Les cotisations
en aménagement du territoire est détenue par les cantons. Pour la première
des cantons et communes se calculent par rapport au nombre d’habitants (11
fois, les cantons réalisent un plan directeur cantonal qui précise jusqu’où la
ct / hab). Espace Suisse propose du conseil en aménagement et juridique,
commune peut s’étaler. Du fait des restrictions, les communes ne pouvaient
ainsi que des formations aux communes et cantons.
plus augmenter leurs zones à bâtir, du moins très peu. Cela les oblige à
développer vers l’intérieur. La mise en zone à bâtir de terrains est aujourd’hui
Alain Beuret est architecte de formation. Il offre des conseils stratégiques en
exceptionnelle. La règle est d’utiliser ce qui existe en premier lieu.
aménagement aux communes de la Suisse romande.
La Confédération exerce quand même un contrôle sur ces plans d’affectation.
Certaines communes dîtes surdimensionnées ont l’obligation de réduire ses
Christa Perregaux est juriste avocate et directrice adjointe d’Espace Suisse.

53
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Mise en place un nouvel


espace de dialogue territorial
dans le cadre de l’objectif
ZAN zones à bâtir actuelles. Dézoner veut aussi dire indemniser le propriétaire, ce qui conseille le gouvernement fédéral sur la transformation des périphéries
qui pose beaucoup de questions juridiques. urbaines vers une intensification des usages et densification.
Chez Espace Suisse, nous comprenons le développement vers l’intérieur pas
Le dézonage est-il nécessairement en zone agricole ? seulement à travers la densification mais aussi des interventions plus fines
En Suisse, il y a la « zone à bâtir » et la « zone agricole ». Cette dernière englobe comme la requalification du centre ou la création d’une nouvelle centralité
tout ce qui n’est pas constructible, donc par exemple aussi des zones de dans les périphéries par exemple.
montagne où l’on ne peut pas faire d’agriculture à proprement parler. La
troisième zone de base est une « zone de protection », elle se superpose à Est-ce que vous avez observé un changement en Suisse depuis le début
une zone à bâtir ou une zone agricole. de votre mission d’accompagnement ?
Quand on parlait d’aménagement du territoire il y a 10 ou 15 ans, les gens ne
La loi française du ZAN ne prend pas vraiment en compte la qualité des savaient pas ce que c’était et n’avaient jamais entendu parler de plan directeur
sols, quelle est l’approche suisse sur l’inventaire des sols ? cantonal. Aujourd’hui, les conseils communaux ont une vraie compréhension
La LAT existe depuis 1979 et a imposé des plans sectoriels pour les secteurs du développement vers l’intérieur grâce à la révision de la LAT. De là à dire que
d’intérêt national. La Confédération a établi en 1992 le premier plan sectoriel beaucoup de communes sont motivées à déclasser des zones à bâtir, ce n’est
des surfaces d’assolement pour garantir suffisamment de terres agricoles pour pas encore tout à fait le cas.
s’auto alimenter en cas de guerre. Les cantons donnaient alors volontairement Il y a aussi un changement de génération. Il y a une plus grande sensibilisation
leurs terres agricoles situées en dessous de 1000m. Parallèlement, il y a eu des sur l’étalement urbain. Souvent c’est autour des problèmes liés à la mobilité
efforts sur la protection du sol lancés par la Confédération. Ce sont encore que les communes réalisent l’importance du développement vers l’intérieur.
des projets pilotes de contrôle de la qualité du sol. L’étude des sols est encore En Suisse, une des grandes différences avec la France est le système
récente en Suisse mais elle est très avancée sur les quotas de SDA. Dans les de transports publics très développé au niveau régional qui permet le
plans communaux, la qualité des sols n’est pas encore prise en compte en développement vers l’intérieur, assuré par un plan sectoriel fédéral. En
dehors des SDA. Ce n’est pas encore un réflexe dans les petites communes. France, les transports secondaires sont déficients voire inexistants au profit
Lausanne ou Genève abordent par contre ces thématiques de protection des de la grande vitesse. Si au niveau de la mobilité la voiture prime alors le
sols. développement vers l’intérieur est très compliqué.

Quels sont vos retours d’expérience sur les projets de densification ?


Une critique revient souvent que des projets de densification consomment
beaucoup de surface dans le sens où souvent les logements construits
sont très grands pour peu de personnes. Récemment, il y a eu un arrêt du
tribunal fédéral qui indiquait que la densification des zones villas ne devait pas
seulement prendre en compte les m2 mais aussi le nombre de personnes et
usagers du quartier.
Il y a aussi actuellement une commission extraparlementaire, la COTER,

54
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Entretien avec Ariane Widmer


Déclinaison des objectifs fédéraux et transfrontaliers de sobriété foncière dans
le plan directeur cantonal de Genève : une réflexion à plusieurs échelles Ariane Widmer-Pham est urbaniste cantonale au Département du Territoire
à l’État de Genève.
Comme vu précédemment, le canton de Genève se distingue des autres
territoires suisses par ses contraintes foncières plus prononcées et sa forte D’où vient le concept de « développement vers l’intérieur » ?
Sur la question de la régulation, la Suisse est un pays beaucoup libéral que
attractivité économique accueillant de nombreux travailleurs transfrontaliers et
la France avec une grande autonomie des communes et un respect de la
internationaux. Ainsi, le très peu de zones encore constructibles force le canton
propriété privée. Plus on est moins ça marche et plus on a besoin d’un cadrage
à miser sur des projets de densification de son centre urbain et de ses zones par le haut. Néanmoins, en Suisse il y a de plus en plus de cadrage par le haut
pavillonnaires peu denses, se heurtant parfois à une mobilisation citoyenne car la Suisse est à l’étroit et connaît une forte croissance du fait de sa place
importante, caractéristique du système de démocratie directe suisse. L’État de financière. Cela crée des anomalies. Les tendances de croissance inquiètent.
Genève, autorité politique et administrative qui représente le canton, décline 10 millions d’habitants d’ici 10 ou 15 ans. C’est l’immigration liée à l’emploi qui
ainsi les objectifs et directives fédéraux dans son plan directeur cantonal. De contribue à cela, notamment des cadres. Cette inquiétude motive les Suisses
plus, sa situation transfrontalière l’oblige à réfléchir à son urbanisation aux à réfléchir à leur aménagement.
En 2012, il y a eu une votation populaire sur la protection du paysage pour
côtés des communes de Haute-Savoie et du Pays de Gex, au travers du projet
éviter le mitage et donc limiter les zones à bâtir. 62% ont voté pour cette
d’agglomération du Grand Genève.
protection. C’est le plus beau cadeau qu’on peut faire à un urbaniste car on ne
peut plus négocier et continuer à s’étaler. C’est une contrainte qui est voulue
par le peuple qui revient par une loi fédérale (la LAT) et qui percole dans la loi
cantonale.
Parallèlement, les surfaces d’assolement (SDA) sont les meilleures terres
agricoles. Elles sont préservées dans un plan sectoriel national qui impose des
quotas à chaque canton. Le canton de Genève est tellement à l’étroit que les
SDA limitent de facto l’extension de la ville. Il y a un méga exercice de calcul
pour identifier les réserves de chaque commune avec un taux de croissance,
l’exercice est en cours. Mais à Genève cette question ne s’est pas posée de
la même manière qu’ailleurs car elle se densifie de facto depuis des siècles
à l’intérieur de murs montés par les calvinistes qui protégeaient la ville. La
réforme a fait que Genève s’est repliée dans ses murs mais sans aucune zone
agricole et donc peu d’opportunités pour se nourrir. Ils ont signé des accords
avec les royaumes adjacents, sous la forme de zones franches pour que les
territoires voisins puissent vendre leur surplus à Genève. On régule infiniment
plus à Genève qu’ailleurs en Suisse.

Photo de l’entretien avec Ariane Widmer dans les bureaux de l’État de Genève

55
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Quelle prise en compte de la qualité des sols dans les projets ? de Genève. La limite de ce système est sa temporalité puisqu’après 10 ans
Dans les zones à bâtir et notamment dans les villes, il y a le sujet de la pleine l’exigence de contrôle du prix tombe. C’est un mécanisme un peu contre-
terre et de la désimperméabilisation. Au départ, le développement vers productif.
l’intérieur cherche avant tout à limiter l’extension et le mitage. L’émergence du
besoin de pleine terre est liée à la question climatique et aux îlots de chaleur. Comment s’attaque-t-on à la question de la densification des zones villas ?
Aujourd’hui quand on développe vers l’intérieur chaque densification doit être Dans la zone villa ou zone 5, la densité est entre 0,3 et 0,6 aujourd’hui. Quand
vertueuse et entraîner avec elle des bienfaits. on modifie l’affectation de certaines parties de zones villas pour donner plus
Dans la première manière de parler de développement vers l’intérieur, on a de droits à bâtir, il y a un système de zones réservées pour éviter qu’il y ait un
toujours parlé de Coordination, Urbanisation, Transport. On a compris très vite développement qui empêche une future densification. Mais on est toujours
qu’il ne fallait pas mettre des gens où il n’y a pas de transports. Aujourd’hui, on au statu quo.
ajoute à ça la dimension environnementale au développement vers l’intérieur,
c’est-à-dire offrir une grande qualité de vie. En dehors de la petite échelle, comment Genève réfléchit à cette
planification plus largement ?
Comment Genève met en œuvre le développement vers l’intérieur dans En effet, le développement vers l’intérieur se joue à une beaucoup plus grande
son plan directeur cantonal ? échelle. On a un plan directeur cantonal et puis un projet d’agglomération du
Le premier principe pour lutter contre l’étalement urbain c’est de dire ce qu’on Grand Genève avec les communes françaises. Une vision territoriale à horizon
peut faire ou non. Le plan directeur cantonal est aussi à la parcelle, presque 2050 est en train d’être élaborée. En vérifiant les effets de projet, on se rend
un plan de zone. Aujourd’hui il y a une réflexion pour réduire les zones à compte aujourd’hui qu’on n’arrivera pas à atteindre les objectifs de réduction
bâtir qui pour certaines sont situées sur des zones agricoles. Le principe du de gaz à effet de serre en 2050. Puisque l’aménagement du territoire a un
développement vers l’intérieur nous fait dire que ce n’est pas opportun de effet levier pour réduire les besoins en déplacement et en ressources. Le
construire des logements sur ces zones agricoles ou naturelles mais plutôt plan directeur cantonal est donc en train d’être requestionné à l’échelle du
sur des zones déjà bâties. Le canton de Genève est donc en train de se retirer Grand Genève, et notamment le bien-fondé de certaines zones à bâtir dans
sur plusieurs zones. Il y a une réflexion fine sur l’augmentation de droit à bâtir le canton. Le principe du développement vers l’intérieur est évidemment
sur certaines zones pour densifier et renouveler. Il y a de moins en moins de maintenu, on y ajoute le principe de la ville de proximité pour reporter de
territoires vierges et les dents creuses deviennent de plus en plus petites. l’intensité sur des centralités existantes et tranquilliser d’autres territoires pour
On passe parfois d’une échelle urbaine à une échelle architecturale. C’est un restaurer des écosystèmes. L’idée est de concevoir le territoire comme un
urbanisme de dentelle tout en ayant une vision à grande échelle. socle vivant dans lequel d’autres vivants se sont installés. L’enjeu premier est
de penser tout ce qu’on fait en accord avec les besoins de ce socle vivant. Le
Face à l’augmentation des prix du foncier, quelle est la marge du dernier principe est la valorisation de l’existant avant de toucher à l’intouché.
manœuvre de l’État de Genève ? Aujourd’hui l’État de Genève et le projet d’agglomération du Grand Genève
Genève a instauré un système de contrôle des prix du foncier qui sont des portent ensemble la démarche.
zones de développement. Le développeur est contraint sur les prix de vente
ou de location, sa marge est limitée et il doit remplir une plus-value à l’État

56
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Orientations stratégiques
Une stratégie de sobriété foncière de Genève entre densification, transports
collectifs et maintien du secteur industriel

La politique du développement vers l’intérieur à Genève est orientée autour de


plusieurs axes qui guident l’urbanisation de la ville-canton pour les décennies à
venir. La densification est le mot d’ordre fédéral, à Genève les efforts se retrouvent
dans les “zones villas” (maisons individuelles). Pour le canton, cette densification
ne peut être réalisée qu’à condition d’assurer une desserte suffisante en
transports collectifs. Le déploiement des transports en commun est d’ailleurs
une condition forte de la Confédération pour engager le développement vers
l’intérieur. À ce titre, les seules SDA déclassées aujourd’hui sont justifiées par
l’accueil d’infrastructures de transports. De plus, la mixité fonctionnelle est
encouragée et recommandée dans les zones urbaines densifiées. Le projet
phare Prailles-Acacias-Vernet dans le sud de la ville est une opération mixte
Organisation de la gouvernance pour l’élaboration de la vision territoriale transfrontal- située sur une ancienne zone industrielle (ZI) dont les activités sont en partie en
ière et la révision du PDC. Source : Vision territoriale transfrontalière 2050 (2021)
train d’être délocalisées ailleurs sur le canton. Le maintien du secteur industriel
Quelle est la vision stratégique du canton sur la question foncière et les est d’ailleurs une politique forte du canton qui souhaite maintenir son attractivité
mécanismes de dissociations entre le foncier et la bâti ? économique. Si la mixité est aussi encouragée sur les ZI, ces espaces n’ont
L’existence des fondations est spécifique au canton de Genève car il n’y a pas vocation à accueillir des fonctions résidentielles pour autant. Nous avons
jamais eu assez d’espace. La main publique a dû veiller aux équilibres et au rencontré un responsable de la Fondation des terrains industriels de Genève,
maintien du logement abordable mais aussi des terrains industriels dans un acteur public incontournable de la politique foncière industrielle sur le canton.
canton où, quand l’affectation change et devient du logement le terrain triple
de valeur.

Par rapport à la croissance démographique, comment est-ce que vous


alliez besoin en logements et développement vers l’intérieur ?
Si on regarde le plan, il y a des tonnes de places. La Suisse doit se poser ces
questions d’attractivité, notamment par rapport à l’accueil des entreprises.
Doit-elle diminuer son attractivité ? Est-ce que la Suisse veut devenir un petit
Singapour ? Ma responsabilité est d’accompagner cette croissance si elle
continue et de faire en sorte qu’elle se fasse de la manière la plus vertueuse et
respectueuse possible par rapport à notre environnement.
Entretien dans les bureaux de la Fondation des Terrains Industriels de Genève

57
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Synthèse de l’entretien avec Jean-Manuel Fourelle


Rôle de la FTI et contexte industrielle à Genève la FTI n’a pas de droit de regard sur la location des espaces à des tiers. Elle
La Fondation pour les terrains industriels de Genève (FTI) est une fondation estime que ces terrains représentent environ 30% de tertiaire.
de droit public fondée en 1960. C’est un outil politique pour l’implémentation
et la préservation de l’industrie sur le territoire genevois. C’est l’équivalent « Dépasser l’idée de la zone »
d’un aménageur et d’un gestionnaire à long terme des zones industrielles En termes de zonage, sur les zones industrielles et artisanales toute entreprise
genevoises. La FTI veille à accueillir des activités industrielles et à gérer doit soumettre les baux à la FTI pour évaluer la légitimité des activités qui
l’éligibilité des entreprises pour favoriser la fabrication. veulent s’y implanter. D’autres activités sont possibles mais si elles justifient
Alors que l’industrie représente 15% du PIB genevois, les terrains cantonaux d’une « amélioration ». La FTI exprime la volonté de sortir de la zone purement
destinés à développer l’industrie représentent 3% soit 859 hectares. 50% de la industrielle mais réalistiquement ça ne veut pas dire non plus l’accueil des
totalité de ces terrains sont publics et 25% appartiennent à la FTI. fonctions résidentielles, en raison des nuisances. L’idée est de rendre les ZI
Au vue de la densification de la ville-centre, la FTI est aujourd’hui appelée plus attractives en installant par exemple des services de restauration ou des
à céder ses terrains industriels, représentant environ 1600 entreprises, à clubs de fitness.
d’autres fondations publiques. C’est notamment le cas du projet Prailles-
Acacias-Vernets (PAV), ancienne zone d’activité qui est actuellement en
transformation vers un quartier mixte. Les logements et les bâtiments
d’activités économiques tertiaires sont petit à petit en train de remplacer
l’industrie historique qui est délocalisée ailleurs sur le canton. En échange, la
FTI a bénéficié d’autres terrains. Son objectif est aujourd’hui de développer
encore plus le secteur industriel avec moins de foncier.
La FTI cherche à implanter tous types d’activités industrielles sur le canton,
également des activités qui ne génèrent pas énormément d’emplois et
de chiffre d’affaires mais qui représentent une utilité publique comme les
entreprises de recyclage. Cette stratégie se heurte parfois au système
de fiscalité communale, reposant sur la taxe professionnelle perçue en
fonction du nombre d’emplois, et la taxe cantonale sur le chiffre d’affaires des
entreprises.

Le droit de superficie comme outil de maîtrise foncière publique à long


terme
Cet outil de dissociation du foncier et du bâti est un bail de 30 à 100 ans entre
une entreprise qui bénéficie du droit de construire, et la Fondation qui perçoit
une rente en échange du portage foncier. Il permet à la FTI de préserver et de
garder le contrôle sur les activités industrielles. Toutefois, une fois le bail signé,

Carte des zones industrielles de Genève. Source : FTI.

58
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Vue sur le projet Prailles-Acacias-Vernets.

Le secteur Prailles Ouest conservé pour maintenir de l’activité industrielle Une zone industrielle dite mixte accueillant aujourd’hui d’autres services comme de la restaura-
tion, clubs de gym et crèche.

59
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Outil de la mise en œuvre


Le rôle du canton dans la régulation du développement vers l’intérieur

Si le système d’aménagement genevois peut être considéré comme libéral dans


le sens où l’aménagement se fait en grande partie par les investisseurs privés et
le propriétaire terrien reste très protégé grâce à un système d’indemnisations, la
main publique a gardé un véritable rôle dans la mise en œuvre du développement
vers l’intérieur. Puisque la demande est forte et le foncier rare, le canton peut se
permettre d’imposer des contraintes spécifiques aux investisseurs privés. L’état
de Genève a ainsi adopté une posture de régulateur pour assurer une maîtrise
du marché foncier et immobilier, et répondre aux besoins en logements des
plus modestes (logements subventionnés, soutien aux coopératives) dans un
marché particulièrement tendu.

La maîtrise publique foncière : le droit à construire et la zone de développement

Légende sur une des dernières zones naturelles vouées à accueillir des terrains industriels. Dans ce contexte de marché tendu, le canton de Genève a développé des outils
de régulation importants. Le droit de superficie, utilisé depuis longtemps sur le
territoire, permet de dissocier le foncier du bâti afin de permettre l’accession à
la propriété aux ménages les plus modestes mais aussi de garder un contrôle
sur le type d’activités installés sur un périmètre spécifique (ce type de bail est
très utilisé par la fondation des terrains industriels de Genève). L’outil, lorsqu’il
est appliqué, agit comme une limite à la spéculation foncière et immobilière,
indéniablement générés par les efforts locaux de sobriété foncière. De plus,
l’instauration de zones de développement s’accompagne d’un arsenal de
mesures veillant à contrôler l’évolution urbaine de ces espaces ainsi que les prix
du foncier et le prix de sortie des logements pendant une période délimitée. À
cet effet, nous nous sommes entretenu.e.s avec l’Office cantonal du Logement
et de la Planification Foncière pour comprendre les actions menées par l’état de
Genève dans ce domaine.

Une zone villa vouée à être densifiée

60
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Entretien avec Raphaële Vavassori


Raphaële Vavassori est directrice de la planification foncière du canton de préventive pour préserver le potentiel de développement des ZD même s’il n’y
Genève à l’Office cantonal du Logement et de la Planification Foncière (OCLPF). a pas encore de projet.

Quelles sont les missions de votre direction à l’OCLPF ? En ZD, quels sont les mécanismes existants d’indemnisations des
Le rôle de l’office est de rendre disponible le foncier dans le cadre des politiques propriétaires privés ?
publiques de l’État de Genève et est pour cela doté d’un fonds pour permettre Si l’office fait une acquisition en ZD où les prix sont contrôlés, on va tenir
l’acquisition de terrains. Il exerce aussi un rôle de réflexion macro de planification compte des indemnisations à faire aux propriétaires. Sinon on risque de nous
foncière à l’échelle du canton. L’office possède le droit de préemption. On a attaquer pour expropriation matérielle du fait de la perte de valeur du terrain.
aussi l’octroi des droits de superficie [un bail dissociant foncier et bâti]. L’état de Ce n’est pas le cas pour les zones agricoles qui voient une vraie plus-value.
Genève est propriétaire d’un certain nombre de parcelles qu’il remet en droit En ZD, il y a un contrôle des prix du terrain vendus à des développeurs, mais
de superficie à des fondations ou des coopératives sous forme d’un droit réel aussi les prix de sortie, de vente ou location. Ce contrôle des loyers dure
fixé au registre foncier, l’office perçoit une rente. pendant 10 ans pour les PPE.

Quelles sont les grandes tendances et enjeux qui caractérisent le contexte Comment fonctionnent les outils de dissociation foncier/bâti à Genève ?
foncier cantonal ? Il existe plusieurs fondations immobilières de droit public qui sont chargées
L’idée défendue est aujourd’hui la densification vers l’intérieur du fait de la d’acquérir des terrains et remettre en droit de superficie des terrains à des
préservation des SDA. Il y a encore quelques déclassements prévus mais coopératives, des particuliers ou encore des entreprises. Leurs fonds sont
seulement pour des projets de mobilité, comme le tram. entièrement publics. Elles sont plus agiles pour mettre en œuvre les politiques
Dans les zones à bâtir, il y a la zone ordinaire (équivalent au centre-ville publiques de l’État. La fondation Prailles-Acacias-Vernets bénéficie des terrains
de Genève) qui n’est pas contrôlée au niveau du foncier ; la zone villa (ou de l’État sur la zone anciennement industrielle et est chargée du développement
pavillonnaire) appelée à se densifier modérément selon les plans directeurs de projet. La fondation des Terrains Industriels (FTI) est chargée de la gestion
communaux ; la zone de développement (ZD), la plus contrôlée en termes de des terrains industriels sur lesquels l’État exerce un droit de préemption sur le
catégories de logement et de plafonnement des prix. Elle est vouée à accueillir prix du foncier.
les besoins prépondérants de la population, donc des logements d’utilité
publique (équivalent du logement social) et d’acquisition Propriété Par Étages Est-ce que l’OCLPF est assez outillé pour mettre en œuvre le développement
(équivalent du logement en accession sociale). Les prix de sortie des zones de vers l’intérieur ?
développement seront déterminés par rapport à la zone de fond, c’est à la dire Le foncier est considéré en amont des projets pour pouvoir le rendre
la zone qui préexistait selon si elle était agricole ou villa. disponible. On a très peu recours à l’expropriation de par la culture suisse qui
L’État est garant du respect des règles fixées grâce à son droit de préemption. pousse davantage à la négociation. L’indemnisation des propriétaires permet
L’OCLPF est chargée de l’examen de ces transactions. Les règles ne sont pas aussi d’éviter cela.
respectées si le prix de la transaction ne respecte pas les prix pratiqués par L’OCLPF ne fait pas de réserves foncières. Il est propriétaire des terrains
l’État ou si une personne qui s’installe dans une zone de développement n’a pas historiques de l’État qui sont ensuite remis en droits de superficie attribués à
l’intention à terme de la développer. Dans ce cas, l’État intervient de manière des coopératives, suivant la politique cantonale.

61
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

La place donnée par le canton aux coopératives habitantes pour assurer le coopérative créée en 2007, en a bénéficié pour construire un immeuble. Pour
logement abordable développer le projet, elle a obtenu de l’État de Genève un prêt de 150 000 CHF
grâce auquel elle a pu débloquer un emprunt de 12 millions et négocier un apport
Le canton de Genève affiche une politique forte de soutien au développement des futurs locataires et acquéreurs de 5% uniquement. Cette aide s’accompagne
de coopératives d’habitation. C’est une forme d’habitat intermédiaire entre la de certaines contraintes imposées par le canton, notamment en termes de
propriété privée et la location à un propriétaire privé ou à un bailleur. Généralement logement social. L’écoquartier devait initialement accueillir 40% de logement
structurées en tant qu’organisme non lucratif, les coopératives permettent de social sur chaque îlot mais les promoteurs privés refusant cette contrainte, la
fournir une offre de logement abordable, voire social (appelé “d’utilité publique”). coopérative Polygones a été obligée par la ville de Meyrin de proposer 60% à
À Genève, la plupart des coopératives bénéficient du droit de superficie en ce l’échelle de leur immeuble.
qu’elles paient une redevance foncière à l’État ou à la commune en échange d’un
terrain sur lequel elles peuvent construire ou réhabiliter un immeuble d’habitation. Aujourd’hui, la coopérative a pu réaliser en tant que maître d’ouvrage son opération
Nous nous sommes rendu.e.s dans l’écoquartier des Vergers à Meyrin au sein de 28 appartements selon les envies et besoins des coopérateurs. L’immeuble
duquel plusieurs coopératives se sont installées dont Polygones que nous avons dispose de plusieurs espaces partagés gérés par les coopérateurs : salle et cuisine
rencontrées. commune (dans laquelle nous avons fait l’entretien), une salle de sport, des
espaces de travail, un salon de lecture, un grand parking vélo, buanderie, salle de
La commune de Meyrin est propriétaire à 50% de terrains de l’écoquartier, qu’elle bricolage…
remet entièrement en droit de superficie notamment aux coopératives. Polygones,

Entretien avec la coopérative Polygones dans la salle commune

62
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Écoquartier des vergers

Écoquartier des vergers


Les espaces partagés de la coopérative Polygones

63
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

La politique transfrontalière
Planification directrice transfrontalière dans le bassin de vie du Genevois français
et suisse : véritable terrain de coopération et d’expérimentation transport renforcée. Si le projet est jugé de qualité, la Confédération contribue
au financement d’infrastructures de mobilité autour de projets d’urbanisation et
Depuis une décennie, les communes du canton de Genève et de Vaud, de la d’espaces publics à hauteur de 40%. Cela représente aujourd’hui 600 millions
Haute-Savoie et du Pays de Gex ont décidé de se réunir au sein d’une institution de francs pour le Grand Genève. Le projet d’agglomération est un véritable
commune nommée “Projet d’agglomération du Grand Genève». Matthieu effet levier qui oblige à développer des projets de qualité tout en gardant une
Baradel nous a accueilli dans les bureaux du projet à Genève pour nous présenter cohérence avec les projets de développement urbain.
les grandes lignes de la coopération transfrontalière et comment les enjeux
Qu’est-ce-qui est à l’origine de la création du projet d’agglomération ?
d’urbanisation et notamment d’étalement y sont traités.
La coopération transfrontalière a toujours été présente sur le territoire.
C’est surtout autour des exploitations agricoles que cette coopération s’est
Entretien avec Matthieu Baradel historiquement développée. Le bassin de vie a toujours existé. Les premières
coopérations transfrontalières se sont faites autour de l’eau, notamment autour
Matthieu Baradel est responsable de la direction du Projet d’agglomération
du Rhône.
Grand Genève.
La particularité forte de ce territoire est le fort dynamisme économique centrée
autour de Genève qui concentre beaucoup d’emplois. Côté Suisse, il y aussi
Qu’est-ce que le projet d’agglomération du Grand Genève ?
un manque de main d’œuvre. Genève depuis 40 ans a été un site d’accueil
L’agglomération franco-valdo-genevoise aussi appelée le Grand Genève est
de nombreux travailleurs frontaliers. Il y a un contraste entre la partie suisse
une structure qui existe depuis une quinzaine d’années autour du mécanisme
et française de l’agglomération en termes économiques notamment, ce qui
suisse de projet d’agglomération. C’est un outil qui encourage le développement
génère des flux frontaliers quotidiens. La coopération s’est aussi construite
vers l’intérieur et la coordination transfrontalière. Notre périmètre d’intervention
autour de ce trafic pendulaire.
est l’ensemble de l’agglomération. Il englobe le canton de Genève, une partie
du canton de Vaud et le genevois français entre la Haute-Savoie et le Pays de
Concernant la lutte contre l’artificialisation des sols, comment le projet
Gex. Le projet est organisé autour d’une logique de bassin de vie. Il n’y a pas de
d’agglomération du Grand Genève concilie-t-il les objectifs français et
frontière naturelle et la frontière administrative est par endroit quasi inexistante.
suisses ?
Depuis une trentaine d’années, toutes les collectivités de ce bassin de vie
Au niveau du Grand Genève, une des missions est de s’assurer que les
coopèrent pour construire ce bassin de vie. Et depuis 12 ans, le Grand Genève
instruments de part et d’autre de la frontière sont à peu près coordonnés. Ou
s’est structuré autour d’un groupement local de coopération transfrontalière.
bien à réussir à importer un instrument qui fonctionne d’un côté ou de l’autre de
Participent aussi l’État français et la Confédération suisse à titre d’observateur.
la frontière. Jusqu’à il y a 5-6 ans, les outils en France étaient beaucoup moins
C’est donc une structure politique qui permet de mutualiser des moyens
contraignants mais aujourd’hui les préoccupations sont les mêmes. Néanmoins
humains et financiers. Notre mission est de travailler sur l’aménagement du
ces mêmes objectifs sont mis en application à travers deux dispositifs différents.
territoire au sens large.
Du côté suisse, il y a un outil [les surfaces d’assolement] qui a déployé ses
Historiquement depuis 2002, on s’est construit autour du dispositif fédéral de
effets avec 15 ans d’avance sur la France. . La coexistence des projets qui se
projet d’agglomération qui consiste à une sorte d’appel à projets tous les 4-5
rencontrent autour de la frontière a un vrai effet localement. Elle permet de
ans dans lequel une image de projet territorial à long terme est présentée et qui
s’inspirer. Je me dis que ce qui deviendra le ZAN dans le genevois français va
démontre des objectifs de développement vers l’intérieur et une coordination

64
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

sûrement bénéficier de la proximité avec ce qui se réalise déjà dans le canton Qu’est-ce que le projet d’agglomération finance au-delà des réseaux de
de Genève et de Vaud. Il y a une continuité dans le traitement notamment dans transports et d’espaces publics ?
les espaces publics autour des gares du Léman Express. Des mesures de mobilité, des mesures d’urbanisation rentrent dans le
périmètre du projet mais ne sont pas financées par les pouvoirs publics (côté
Les objectifs de compacité et densification sont-ils répartis entre le genevois suisse) et des mesures d’environnement paysage (même s’ils restent
genevois français et le côté suisse ? Et comment ? anecdotiques). Chaque collectivité finance les projets qui sont chez elle.
On retrouve la logique de l’agglomération multipolaire dans la vision d’ensemble
2040 (cf. carte ci-dessous). Il y a un accord franco-valdo genevois de mise en Comment abordez-vous l’attractivité du territoire à l’avenir ?
commun autour de la tâche urbaine (en rose). Une de nos missions a été de L’agglomération compte aujourd’hui 1 million d’habitants et on prévoit 300 000
mettre en application ce schéma avec toutes les collectivités et sa traduction à 400 000 habitants supplémentaires dans 40 ans. Les capacités d’accueil
réglementaire en termes d’urbanisation et densité à retrouver dans le cœur sont limitées partout et sont en train de s’essouffler. Sur le canton de Genève,
d’agglomération ainsi que dans les bourgs et villages. Il y a une logique de la densification commence à poser des problèmes politiques du fait des
méta planification qui ne peut pas être prescriptive néanmoins Le projet mécanismes de démocratie directe. L’attractivité est aujourd’hui un des gros
d’agglomération n’est pas une couche administrative en plus, mais il a des leviers sujets de négociation politique qu’on entame. Ça va obliger à resserrer le cadre
financiers pour valider ou non des projets d’urbanisation et de construction qui et à anticiper côté français les objectifs du ZAN. C’est un grand chantier de
ne rentrent pas dans les critères de qualité du projet. coopération transfrontalière dont on ignore encore la réponse finale. Quand
on pose la question de l’attractivité aux responsables politiques, ils répondent
difficilement autre chose qu’ « il faut continuer ».

Quel est votre avis sur la piste de la répartition des activités par la zone
franche côté genevois français comme solution des déplacements
domicile-travail ?
Les zones franches existent depuis 50 ou 60 ans, initialement sur la question
du prix du lait et donc de consommation locale de bassin de vie. On pourrait
adapter un mixte fiscal entre le régime français et le régime suisse qui permettrait
de lisser les déséquilibres économiques qu’on constate entre les deux pays. On
est actuellement en réflexion.

Vision d’ensemble 2040 du projet d’agglomération (2021)

65
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

Synthèse de l’entretien avec Annemasse Agglo

Laura BREUILLY est responsable du service Politiques de l’habitat, Direction de


l’habitat.
Nicolas HUE est responsable du service aménagement du territoire.

Contexte du développement économique et urbain du Genevois français


La communauté d’agglomération Annemasse Agglo réunit 12 communes et
90 000 habitants, constituant le 2ème pôle urbain du projet d’agglomération
du Grand Genève (institution transfrontalière). L’Agglo suit également les
démarches du Pôle Métropolitain, qui réunit toutes les communes du Genevois
français, pour échanger avec le canton de Genève et le Grand Genève.
Depuis les années 2000, des accords bilatéraux ont ouvert les frontières entre
l’Union Européenne et la Suisse et contribué au phénomène des travailleurs
transfrontaliers (5 000 navetteurs aujourd’hui qui devraient doubler d’ici 2035).
La politique de contrôle de l’urbanisation genevoise reporte l’urbanisation côté
français, avec une forte demande en logements. Ce phénomène pose surtout
Entretien avec Matthieu Baradel dans les bureaux de l’État de Genève
des inégalités sociales (salaire suisse vs. salaire français) face à l’accès au
logement. Les classes moyennes s’éloignent géographiquement pour accéder
Les communes françaises frontalières, contraintes de s’adapter au au logement, mais la diffusion de la dynamique genevoise est telle que les
développement genevois distances à parcourir sont très importantes.
Face à la pression foncière et immobilière dans le canton genevois, un véritable
phénomène d’extension urbaine s’est produit de l’autre côté de la frontière. Avant Le Grand Genève fait face à une forte spécialisation, avec une concentration de
la formulation des objectifs ZAN, ce territoire était également moins contraint en l’emploi côté suisse et une spécialisation résidentielle côté français. Le Genevois
termes d’urbanisation, un véritable terrain de jeu pour les investisseurs privés.
français peine à attirer des entreprises qui bénéficient davantage du régime
En plus des opportunités foncières nombreuses et peu contrôlées côté français,
fiscal suisse et devient de plus en plus dépendant de Genève économiquement.
les prix de l’immobilier moins élevés ont encouragé de nombreux travailleurs
Des tentatives de régulation ont été menées en France avec l’établissement de
transfrontaliers à venir s’installer dans les communes autour d’Annemasse et
zones franches, prévoyant une taxation différentielle, mais le déséquilibre reste
Saint-Julien-en-Genevois, tout en ayant un emploi dans le canton de Genève.
très marqué.
Les communes françaises ont donc longtemps subi un report d’artificialisation
généré par la Suisse. Si le ZAN peut contribuer à pallier le déséquilibre, le
Dans l’Agglo d’Annemasse, ces dynamiques bouleversent l’organisation du
Genevois français reste soumis à une très forte pression dont il ne bénéficie pas
toujours des retombées économiques. En outre, Genève perçoit les revenus des territoire composé historiquement de communes rurales, et qui fait aujourd’hui
entreprises installées sur son territoire en raison d’un régime fiscal avantageux.

66
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Genève

face à une explosion démographique qui transforme radicalement son paysage.


L’apport économique lié à Genève en fait un territoire riche, même si l’explosion
des prix du foncier rend difficile le développement d’une offre intermédiaire
pour les classes moyennes. De plus, les objectifs du ZAN vont renforcer ces
difficultés.

Stratégie foncière, politique de l’habitat et zones d’activités


Annemasse Agglo est à l’initiative de la création de l’EPF Haute-Savoie, pensé
comme un outil de la collectivité en faveur du logement abordable. La ville
d’Annemasse, historiquement de gauche, porte une politique ambitieuse de
mixité sociale, là où la culture libérale du territoire engage moins la maîtrise
publique. À Annemasse, la politique de l’habitat porte l’ambition d’une politique
des trois tiers entre le logement abordable et libre. L’enjeu ZAN s’ajoute aux
coûts déjà élevés du foncier.
Concernant les zones d’activités, le développement des baux à construction par
l’EPF 74 cherche à rééquilibrer l’offre d’emploi côté français tout en garantissant
la destination des activités en lien avec les besoins locaux. Cette maîtrise
foncière doit permettre de différer l’investissement dans le temps. Toutefois, les
outils des collectivités françaises se heurtent parfois au droit dans leur tentative
de maîtrise du foncier économique.

Enjeux politiques autour de l’accroissement des inégalités


L’arrivée d’une classe supérieure pose des problèmes politiques et
d’aménagement. Leurs revendications sont importantes en matière de services
et d’intensité urbaine tout en souhaitant bénéficier à la fois d’un cadre de vie de
maison individuelle et du dynamisme économique suisse. Cette classe sociale
a tendance à fermer la porte à la densification.
La disparition de la classe moyenne laisse des écarts de richesse très importants,
ce qui produit un écartèlement entre populations et des difficultés de dialogue
avec les élus.

67
3.3 Approfondissement d’un cas

d’étude : Casoria
Notre second terrain d’étude à l’étranger s’est tenu dans la ville de Casoria
(Italie) afin de mieux comprendre le processus de régénération piloté par la
municipalité. Cette dernière a transformé son réseau d’espaces abandonnés
et sous-utilisés en parc, espaces verts ou culturels devenus socles d’une
régénération ambitieuse de son plan d’action local (PLS).
Là où les pratiques françaises telles qu’Action Cœur de Ville s’intéressent
d’abord au centre historique, cette ville fortement urbanisée a retenu notre
attention par son choix de planifier d’abord une série de petites interventions
pilotes dans sa proche périphérie. Puisqu’étant dans l’attente d’approbations du
gouvernement régional, des architectes, experts externes et ingénieurs locaux
ont décidé de travailler en communauté et avec les propriétaires de friches
.....
pour établir eux mêmes une réponse locale à la géographie fragmentée de
la ville. Sous l’impulsion de ce groupe d’acteurs que nous avons eu la chance
de rencontrer, diverses opérations ont été mises en place par étapes afin
d’établir une stratégie urbaine plus large ensuite, tels que des chemins publics
temporaires pour relier les futurs sites de régénération entre au centre.
Au terme de deux jours de visite, Casoria nous est alors apparue comme une
démonstration pratique très inspirante de transformations urbaines menées
avec les habitants. Bien que l’opération n’ait pas porté d’objectifs affichés de
sobriété foncière et de réduction de l’étalement urbain, ce renouvellement
urbain a aidé la ville à reconstruire une identité locale propre en dépit des
contraintes politiques récurrentes et a in fine ramené de la nature en ville,
comme en témoigne la popularité du parc Michelangelo auprès des habitants.
La participation de la ville au programme URBACT a largement contribué à la
pérennité de ce programme et a surtout permis aux acteurs locaux de partager
leurs méthodologies lors de l’expérience sub>urban avec d’autres villes
membres. A l’instar du réseau TPSF en France, ce programme de coopération

68
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

Programme Contexte
`
Durant deux jours, nous avons rencontré les parties prenantes de la participation UNE VILLE EN DÉCLIN ÉCONOMIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE
casorienne au programme Urbact, témoignant du dynamisme et des liens forts
entre le département d’Architecture de l’Université de Naples et le département Casoria est une ville de taille moyenne, elle compte 77 000 habitants répartis
d’architecture de Casoria. Ces entretiens suivis d’une balade dans le centre de manière inégale sur 12 km2. La ville fait partie de l’aire métropolitaine de
historique ont témoigné des enjeux économiques et sociaux pour la ville et des Naples. Seul l’aéroport sépare les deux villes. Située à proximité du Vésuve, elle
appropriations réussies du parc Michelangelo par les habitants. possède des terres très fertiles et argileuses. Les paysages de la région sont
majoritairement volcaniques et en plaines.
ENTRETIENS La région de la Campanie a connu un fort essor de l’industrie au XXème siècle
` mais la désindustrialisation des années 1980 et 1990 a eu des effets néfastes
Jeudi 26 Janvier avec: sur son développement économique et a fortement impacté Casoria. La ville
présente en effet un taux de chômage impressionnant : 30% et une augmentation
Anna Attademo, architecte-urbaniste au service des travaux publics de Casoria
de la criminalité.
et chercheuse au département d’Architecture de l’Université «Federico II»
Federica Vingelli, architecte au service des travaux publics de la municipalité et
chercheuse de l’Université «Federico II»
Michelangelo Russo, architecte au service des travaux publics de la municipalité
et directeur du département d’architecture de l’Université «Federico II»

Vendredi 27 Janvier avec le département d’architecture de la ville de Casoria


: Emilia Silvatie, Pasquale Volpe, Francesca Avitable, Salvatore Napolitano suivi
d’une visite du parc Michelangelo et du centre historique. du Grand Genève

69
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

UNE VILLE AU PATRIMOINE INDUSTRIEL ANCRÉ DANS LE TERRITOIRE

Casoria a aussi vécu une importante et rapide croissance démographique dûe à


l’industrialisation massive. Elle a vu son nombre d’habitants croître de 19 000 en
1951 à 68 000 en 1981. La construction d’un mall en 1980 constitue une seconde
centralité au nord de la ville et témoigne de la périurbanisation non régulée et de
l’expansion résidentielle locale. Construit en 1980, ce grand centre commercial
calqué sur le modèle américain symbolise le déclin de la zone qui n’a pas connu
de nouveaux projets depuis.

Depuis 20 ans, les chercheurs et élus cherchent à lancer un projet d’envergure


capable de redynamiser la ville mais ne disposent pas des fonds nécessaires Mall américain vieillissant
pour cela. La densité de la ville est faible et elle possède un très important
réseau d’infrastructures (ferroviaire et routier). A cause de cette situation
particulière, Casoria s’est agrandie en périphérie, sans réel plan régulateur ni un
quelconque lien avec le centre ville. Le manque de qualité urbaine constitue un A retenir:
autre problème majeur. Les marges du centre ville se sont développées sans - Ancienne ville industrielle
autorisation et de manière anarchique alors que le centre ville est vacant avec - Pas assez de logements pour les personnes économiquement fragiles et
des infrastructures et des équipements vieillissants. Casoria est par endroits paradoxalement beaucoup de vacances, surtout en centre-ville.
dense (aéroport, réseaux, proximité avec des villes voisines) et ailleurs beaucoup - De grandes friches inutilisées alors que la ville souffre d’un manque
plus dispersée voir morcelée, notamment en raison des activités agricoles d’espace public et paysager.
mais aussi à cause des risques naturels tels que les inondations (la ville étant - Beaucoup de nouveaux bâtiments construits sur les limites de la commune
construite sur un ancien terrain marécageux) et les risques d’éruption lié au (loin du centre ville), souvent sans autorisation, sur des terrains fléchés pour
Vésuve et auxquels les logements informels construits de manière anarchique un usage agricole ou pour des équipements publics.
sont exposés. Casoria subit aujourd’hui une forte pression sur son marché de - Un réseau routier et ferroviaire très dense comme autant de barrage à une
l’habitat, en effet sa proximité avec la métropole napolitaine et sa bonne desserte urbanisation continue et au développement d’espaces publics.
autant en route qu’en train en fait une banlieue prisée. Paradoxalement, elle
souffre de cette bonne desserte car la densité de ces réseaux infrastructurels
sur le territoire communal induit un manque de place pour d’autres activités.
Tous les déplacements sont basés sur l’usage de la voiture car il n’y a pas de
transports publics.

70
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

Ruelles et logements du centre ville


de mener une réflexion globale et internationale sur la questions des franges

Orientations stratégiques urbaines, pérennisée par l’aménagement du parc.

LE PROCESSUS DE RÉGÉNÉRATION : PARTIR DE LA PÉRIPHÉRIE POUR S’ÉTENDRE RÉINVENTER LA CEINTURE URBAINE D’ESPACES INDUSTRIELS ABANDONNÉS
AU CŒUR DE VILLE
En 2013, poussée par le plan d’action intégré (équivalent de notre SCOT),
L’aménagement de la ville a été mis en difficulté par les lenteurs bureaucratiques Casoria lance l’élaboration d’un nouveau plan municipal1 (équivalent de notre
et administratives ainsi que par l’instabilité politique (les maires finissent rarement PLU), contenant un volet opérationnel. L’objectif est de transformer le paysage
leur mandat de 5 ans en raison de la corruption). Casoria, comme beaucoup de en béton qui caractérise Casoria en une ville innovante qui concentre ses efforts
villes moyennes en Italie fait face à un important manque de confiance dans les sur les zones vides et inutilisées (anciennes parcelles agricoles, bande tampon
institutions et le plan municipal a mis 9 ans à être accepté après sa première entre les autoroutes et les voies ferrées, friches industrielles..). L’idée est de
élaboration en 2013. En effet, l’approbation de la région est compliquée à obtenir faire de cette zone ceinturant le centre historique un grand espace paysager
en raison de ces problèmes politiques. comprenant des équipements publics.
L’aménagement a concerné en priorité les franges autour du centre historique 1. Ce plan municipal permet d’aménager. En effet, en l’absence d’un tel document, les nouveaux pro-
jets ne peuvent pas voir le jour (il est en effet impossible de changer la destination du foncier), cela
et la ville dense. Cette première partie du projet (financée par Urbact) a permis freine donc énormément le développement.

71
Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

La première étape de ce processus fut le groupe de travail et de réflexion mené RÉNOVER LE CENTRE-VILLE
dans le cadre de la participation au projet “Growth by reconversion”, avec Urbact.
La seconde, plus opérationnelle, fut l’aménagement du parc Michelangelo, situé La troisième étape, lancée récemment, est la participation au programme PICS,
à 1km du centre ville, en s’appuyant sur les outils développés par Urbact et qui permet de débloquer des fonds européens pour financer une partie des
appropriés à la fois par l’équipe d’architectes de la ville mais aussi par les citoyens. rénovations urbaines nécessaires dans le centre ville.
Cet aménagement, en plus de ramener des espaces paysagers publics pour les Le PICS (Programma Integrato Città Sostenibili) est un programme destiné aux
citoyens et une meilleure qualité urbaine aux quartiers, permettra d’entretenir villes moyennes où les fonds européens sont distribués et gérés par la région
le débat sur les friches industrielles. Dans cette perspective, la ville souhaite Campanie (ressources de l’ASSE 10 du fonds POR Campanie FEDER 20​​14/2020).
depuis de nombreuses années entamer la négociation avec les propriétaires sur Le but de ce programme est de proposer de nouveaux usages citoyens pour
l’utilisation publique temporaire de certaines zones privées. réguler les espaces communs et rendre ce qui était informel ou construit sans
autorisation plus qualitatif pour ses habitants. Cela concerne notamment
la création d’espaces publics sur d’anciens sites pollués ou industriels ou
la destruction au nord de la ville d’un immeuble possédé par la mafia pour y
construire un immeuble d’accueil pour enfants à la place.
D’un point de vue plus prospectif, la municipalité voit le réinvestissement de
ces friches et de cette ceinture par des espaces paysagers et des équipements
comme une première étape qui devra se prolonger par de grands travaux de
rénovation du centre-ville. Ce projet nécessite un grand soutien populaire et un
fort investissement. En commençant par la création d’espaces publics et grâce
au coup de projecteur permis par la participation de la ville à un projet européen
comme Urbact, la ville espère obtenir le soutien nécessaire à ces travaux
indispensables à la ville. La dotation des fonds PICS (Programma Integrato Città
Sostenibili) en est le premier jalon.

Carte de localisation des parcs MichelAngelo et Boccaccio

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Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

Les acteurs clés


L’INGÉNIERIE LOCALE COMME MOTEUR DU PROJET…

Malgré leur manque d’expérience en planification urbaine, le département


d’architecture que nous avons rencontré s’est chargé de faire le relais entre les
habitants et les acteurs politiques de la municipalité. Il s’agit d’une équipe jeune
et dynamique bénéficiant d’une étroite collaboration avec l’université de Naples.
Face aux lenteurs bureaucratiques ralentissant l’approbation du plan municipal
(équivalent du PLU français), ils avaient besoin d’un support scientifique important
pour trouver des solutions et imaginer une nouvelle planification urbaine. Ces
architectes ont alors pris contact avec des chercheurs de l’université de Naples
en 2013, puis avec URBACT. La ville a alors pu faire partie de l’appel à projet
“Growth by reconversion” soit un cercle de réflexion concernait des villes aux
contextes différents où Casoria était la seule en décroissance économique et
démographique. Intégrer ce réseau a permis d’initier un grand projet stratégique
via la mise en place d’idées directrices d’aménagement avant l’approbation du
plan municipal. C’est également devenu un lieu d’expérimentation pour les
chercheurs de l’université de Naples et l’illustration d’un renouveau social et
économique pour la ville.
L’objectif global du projet était de formaliser l’informel. Le projet pilote, le parc
Michelangelo avait quant à lui pour but d’offrir un espace vert aux enfants de
Casoria qui et d’expérimenter le co-management pour l’appliquer par la suite
à l’ensemble des friches similaires de la ville. Le projet suivant sera le parc
Boccaccio.

…QUI S’APPUIE SUR UN VASTE RÉSEAU DE COOPÉRATION INTERNATIONALE

URBACT est un programme de coopération territoriale, financé par le FEDER


et les Etats membres de l’Union européenne, ainsi que la Suisse et la Norvège,
à hauteur de 96 millions d’euros. Il est destiné aux villes et aux Communautés

Carte d’interventions PICS à Casoria

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Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

urbaines d’Europe et permet, au travers de réseaux transnationaux, de partager LA PARTICIPATION CITOYENNE COMME CLÉ DE VOÛTE OÙ “ TOUT COMMENCE
ses expériences et surtout de s’inspirer de celles d’autres villes européennes PAR L’ESPACE PUBLIC”
afin d’améliorer ses pratiques et politique locales. Les 9 villes faisant partie du
même groupe que Casoria sont réparties en plusieurs sous groupes, Casoria La gouvernance du projet du parc Michelangelo s’est faite de façon assez
étant regroupée avec Anvers et Oslo. Ces villes ont été regroupées parce qu’elles horizontale, avec la participation et la collaboration d’étudiants en architectures,
avaient le même genre de perspective et le même capital culturel au départ, d’élèves des écoles, de citoyens de la ville, de nombreuses associations, de
mais leur contexte est très différent. chercheurs et des architectes de la ville.
L’ouverture du parc Michelangelo en 2017 a fait figure de première présentation
du projet Urbact et des projets de l’action publique locale envers les citoyens. Il
a donné lieu à diverses activités:

Délégation des référents Urbact d’Anvers à Casoria en décembre 2015

Workshops avec l’atelier Coloco

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Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

Banc jaune prototype réalisé par les écoliers… réalisés grandeur nature dans le Parc

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Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

- L’agence parisienne Coloco (en charge de co-designer le parc et de formaliser


les processus de concertation) a mené des ballades le long du futur parc pour
découvrir les espèces endémiques
- Des écoliers de Casoria ont réalisé des dessins de ce qu’ils aimeraient voir dans
ce parc et Miguel de l’atelier Coloco s’est chargé d’en faire des plans
- Des associations de la ville ont été mises à contribution via la méthode du
guerilla gardening pour réfléchir à la question de la mobilité et à l’accès au parc
(à pied et en vélo notamment)

Des groupes de travail ont aussi été formés (mix entre citoyens, association,
membres de la mairie) pour réfléchir sur le nom et l’accessibilité du parc. Les
réseaux sociaux ont également été utilisés pour relayer et faire remonter des
idées, créer des groupes de réflexion et des échanges entre les habitants.
Une chercheuse en psychologie à Naples a également été mobilisée comme
modératrice des réuinons. Au final, le parc Michelangelo est depuis devenu une
fierté communale.

Les financements des projets


ACQUISITION DU FONCIER

Grâce à une loi récente, de nombreuses anciennes friches militaires ont été
cédées à la municipalité. C’est le cas de la parcelle du futur parc Michelangelo.
La maîtrise d’ouvrage étant la municipalité, la loi italienne autorise la création de
Vues du Parc Boccaccio
ce parc même sans plan d’urbanisme.
Le Boccaccio Park (5 hectares), qui constitue le prolongement du projet, se situe
également sur une ancienne base militaire, acquise par la mairie depuis peu.

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Tour d’horizon des démarches de sobriété foncière Approfondissement d’un cas d’étude : Casoria

PARC ET URBACT verts dans la première ceinture de la ville (fringe) et tous les déplacements
sont basés sur l’usage de la voiture car il n’y a pas de transports publics. D’où
Les financements du programme ne sont pas destinés au projet en lui-même la volonté politique de la ville de rendre les espaces publics plus qualitatifs et
mais uniquement aux activités participatives. Lors des différentes entrevues, les l’environnement social plus mixte. Mais ce n’est pas une fin en soi : le but est de
villes échangeaient donc sur leurs avancées et la transmission de connaissances. transformer le bâti, de le rénover, de construire voire de détruire. La municipalité
Les travaux d’aménagement nécessaires à l’ouverture du parc Michelangelo, agit donc comme facilitateur public : ce n’est pas un projet descendant mais un
d’une hauteur de 500 000 euros ont été financés par la ville de Casoria. projet concerté qui se met en place.
Dès lors, Casoria peut servir de modèle pour d’autres villes moyennes car la
LE PROGRAMME PICS régénération de friches en milieu urbain dense est un enjeu pour la plupart des
collectivités à haut taux d’urbanisation. De nouvelles formes d’urbanisme et de
Le programme PICS constitue quant à lui en 10 interventions menées par nouveaux modes d’habiter peuvent émerger face aux enjeux de rénovation
l’autorité urbaine de Casoria pour un montant total de 12 millions d’euros. Voici architecturale. Bien qu’elle soit comprise dans une aire métropolitaine déclinante
les projets en cours : post-industrialisation, Casoria a su développer par elle-même des outils
- Boccaccio park pertinents et s’entourer d’un important réseau d’experts afin de faire apparaître
- Mobilité durable (pistes cyclables) des projets d’espaces publics pour et avec les habitants dans un contexte
- Centre socio-éducatif à destination des enfants (ancien bâtiment de la mafia au de méfiance politique. Grâce à la mobilisation des écoles et à l’appropriation
Nord de la ville), recyclage des matériaux du projet par les enfants, ce projet a connu un fort engouement et une forte
- Rénovation du tribunal participation. Enfin, l’importante connexion avec l’université de Naples est à
- Rénovation du théâtre souligner pour la synergie et les compétences apportées au projet. Il ne s’agit
- École et galerie d’arts pas d’un simple support technique ou scientifique mais bien de créer du lien via
- Rendre le centre historique piéton un dialogue entre les différentes parties prenantes. En plus d’apporter un regard
- Refaire la façade de l’église critique extérieur sur les évolutions du projet, ce partenariat a permis à Casoria
- Rénover la mairie pour en faire un centre dédié aux arts. de devenir un laboratoire vivant pour tester des pratiques et actions innovantes.
A noter que la municipalité de Naples est elle aussi pionnière dans la gestion co-

Conclusion
décisionnelle des biens communs depuis la création en 2012 du « Laboratoire de
Naples pour une Constituante des biens communs ». En effet, ce laboratoire réalise
`
un inventaire des biens publics ou privés inutilisés et organise des concertations
LA REVITALISATION DES FRICHES COMME OPÉRATION DE SOBRIÉTÉ FONCIÈRE
et conseils associatifs pour les rendre accessibles aux citoyens désireux d’y
INDIRECTE
développer des projets collectifs d’utilité sociale et économiquement viables.

La ville de Casoria est moins touchée par un problème de densité qu’un problème
d’utilisation des espaces : il y a un grand manque d’équipements et d’espaces

77
Réalisé par : Mathilde Faure
Louise Molinier
Quentin Rihoux
Chloé Vertaldi
Rose Villiers

Commandité Action Logement Services


par : Plan Urbanisme Construc-
tion Architecture

Grégoire Deberdt
Tuteur :

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