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Semestre 7
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Ce document est élaboré à des fins purement pédagogiques pour que les étudiants(es) puissent disposer d’un
document de synthèse par rapport aux explications qui sont données tout au long du cours.
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Éléments introductifs
Ce décret pose une nouvelle pierre angulaire dans la voie de la mise en évidence
des enjeux de la politique d’aménagement du territoire après les lois organiques
concernant les collectivités territoriales. La loi organique n° 111-14 relative aux
régions inscrit en effet la mission d’élaboration et du suivi de la mise en œuvre
du SRAT parmi les compétences propres de la région (art. 81). La section II de
cette loi est intitulée : De l’aménagement du territoire. Elle investit le président
du conseil de la région, assisté du wali, de la mission de la mise en œuvre du
SRAT.
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Ces réformes juridiques sont une des composantes du nouvel élan pris par la
politique de l’aménagement du territoire après une quinzaine d’années de la
tenue à partir du début des années 2000 du Débat national sur l’aménagement du
territoire qui a donné lieu à l’élaboration du Schéma National de
l’Aménagement du Territoire (SNAT). L’intérêt pour l’Aménagement du
Territoire n’a cessé depuis lors de prendre de l’importance au Maroc. Il n’est
pour s’en convaincre que d’observer la prolifération des études et projets pilotes
lancés dans le cadre de démarches, généralement d’expérimentation, visant à
diffuser auprès des acteurs institutionnels centraux et territoriaux les valeurs et
principes de l’aménagement du territoire (des territoires) visant à promouvoir le
développement socio-économique durable des territoires sur la base d’une
meilleure anticipation et d’une meilleure compréhension des dynamiques
territoriales. Les stratégies publiques élaborées depuis le début des années 2000
ne manquent pas de se référer et d’adopter explicitement les valeurs et principes
de la démarche de l’Aménagement du Territoire.
Ces réformes sont l’illustration des enjeux et de l’importance prise par les
questions de l’aménagement et du développement territorial qui se présentent
initialement comme un processus, une démarche qu’adoptent les pouvoirs
publics pour arriver à organiser et orienter l’évolution du territoire
national/régional en prenant en considération les besoins de la société, les
contraintes environnementales, et les objectifs de développement, et assurer un
développement harmonieux, intégré et durable des territoires en intégrant des
aspects sociaux, économiques, environnementaux, et culturels.
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territoriales, sont de plus en plus nombreux. L’État n’est plus le seul à
commander l’élaboration la politique de l’aménagement du territoire dans le
cadre d’un « projet global » de société comme il a continué à le faire tout au
long d’une grande partie du XXe siècle2.
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Comme nous allons l’expliquer davantage dans le chapitre relatif aux Acteurs de l’aménagement du territoire.
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possibilités, tendent à devenir désertes, à contenir le développement de grandes
agglomérations, à mettre en valeur les zones sous développées du territoire. ».
Pierre Merlin quant à lui, pose une problématique de fond qui est de déterminer,
bien avant l’interpellation des objectifs et finalités, la nature et l’essence
première de l’aménagement du territoire, de savoir s’il s’agit d’une science,
d’une action, d’une pratique, d’un ensemble de techniques et d’instruments :
« l'action et la pratique (plutôt que la science, la technique ou l'art) de disposer
avec ordre, à travers l'espace d'un pays et dans une vision prospective,
les hommes et leurs activités, les équipements et les moyens de communication
qu'ils peuvent utiliser, en prenant en compte les contraintes naturelles,
humaines et économiques, voire stratégiques » Pierre Merlin3
Cette préoccupation est celle-là même qui anime Jacques Lévy et Michel
Lussault pour qui « L’aménagement est l’ensemble des savoirs et des savoir-
faire dont la construction et l’application servent à transformer et adapter
volontairement des espaces d’échelles (au-delà de celle du bâtiment isolé) et de
types variés au bénéfice des sociétés qui les produisent et les occupent ».
3
Pierre Merlin, « Aménagement du territoire », dans Pierre Merlin et Françoise Choay (dir.), Dictionnaire de
l'urbanisme et de l'aménagement, Paris, PUF, 2000, 3e éd., 902 p. 38-43.
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Il s’établit, au fil de ces définitions, qui ne sont pas d’ailleurs exhaustives, que
l’aménagement du territoire n’obéit pas à une définition exclusive qui puisse
faire l’unanimité, ce qui est le cas d’ailleurs de plusieurs de disciplines et
domaines de connaissances en sciences sociales et humaines qui se proposent
d’étudier les transformations spatiales et territoriales (comme c’est le cas de
l’urbanisme). Nous allons voir dans quelle mesure, au fil de ce cours, que ces
différentes composantes sont l’effet de l’évolution des paradigmes et des
référents théoriques qui sont à l’image des évolutions que connaissent les
sociétés, et qui imposent à chaque fois, pour chaque période, de nouveaux
référents conceptuels, de nouveaux outils et instruments dans le cadre de
nouveaux objectifs et de nouvelles finalités.
Mais même au fil de leur divergence, qui peut prendre des intensités variables en
fonction des approches retenues et des angles de lectures prisées, nous pouvons
relever cette composante centrale qui est l’engagement d’une action volontariste,
réfléchie, consciente d’une collectivité qui cherche à orienter son avenir, à
réaliser un futur meilleur par des politiques et/ou des actions, techniques, et
instruments qui sont commandés par des objectifs qui soient clairement définis.
La composante de l’action volontariste nécessite une deuxième non moins
importante qui est de disposer en amont de l’autorité5 nécessaire pour pouvoir, à
une échelle déterminée (territoire national, entité régionale/locale), réunir tout
un ensemble d’acteurs autour d’une vision partagée et de les engager dans la
mise en œuvre collective de ses orientations arrêtées.
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http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/amenagement-du-territoire
5
Par autorité, nous désignons l’ensemble des règles juridiques qui confèrent à une entité donnée la compétence
et attribution au sein d’un territoire donné pour prendre les décisions et obtenir que ces décisions soient mises en
œuvre.
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provient du latin territorium qui est le dérivé du mot terra, la terre (globe
terrestre, matière, sol, continent, contrée), d’où son dérivé le terroir qui sert à
désigner un « morceau de terre ».
C’est à partir de cette définition que l’État tire sa légitimité pour commander
l’action d’élaboration de la politique d’aménagement du territoire. L’une des
premières composantes de l’aménagement du territoire est en effet l’action
volontariste, délibérée engagée par l’État centralisateur pour organiser et
orienter le développement des composantes de son territoire national. C’est une
action qui est à la fois géographique et politique dans la mesure où elle
ambitionne d’agir sur la géographie du territoire, notamment par l’élargissement
et la réorientation des axes de communication, les localisations des activités
économiques, le développement urbain et rural. La nature de cette action, son
contenu, son mode de faire vont changer au gré des rôles dévolus à l’État (État
dirigiste, État-providence, État libéral, État socialiste, État néo-libéral, État
animateur, État modeste, État stratège…).
Cette action délibérée est exprimée par une panoplie des expressions verbales
qui renseignent sur la volonté de l’État, de l’autorité qui s’apprête à l’acte
d’aménager, de vouloir changer le cours des choses. Les définitions relatives à
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l’aménagement du territoire posent ainsi un certain nombre des objectifs et des
finalités en faisant appel à autant d’énoncés verbaux qui sont censés référer à
l’action volontariste, au volontarisme de l’État pour la concrétisation d’une
« géographie volontaire » (aménager, ordonner, équilibrer, créer, transformer
contenir, adapter, mettre en valeur, endiguer…).
- Saisir les enjeux et défis qui se posent aux politiques et ensembles des
stratégies réfléchies que prennent et mettent en œuvre les acteurs ;
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l’action des différents intervenants, qu’ils soient centraux ou régionaux et
locaux, dans un horizon temporel qui dépasse les vingt ans. Nous retrouvons
l’expression de cette dimension dans l’ensemble des documents, études et
stratégies d’aménagement du territoire élaborées au Maroc et des référents qui
l’orientent comme c’est le cas à titre d’exemple dans cet extrait du discours du
Roi Mohamed VI, « Nous appelons à l’élaboration d’une vision commune
autour d’un système intégré d’aménagement du territoire. Par sa nature
prospective, ce système aura pour finalité de rationaliser l’exploitation du
territoire et la gestion des ressources disponibles, de telle sorte qu’il puisse
contribuer à rétablir l’équilibre du tissu urbain. Il aidera aussi à renforcer la
capacité de ces territoires à s’adapter aux différentes transformations
économiques, sociales, environnementales et technologiques »6.
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avec les ressources naturelles, de se prémunir contre les forces destructrices de
la nature comme des ennemis, c’est-à-dire en général d’agir et améliorer leur
maitrise des espaces qu’ils occupent par la réalisation des fortifications, des
aménagements, la construction des routes, l’édification des ponts ..
L’histoire des sociétés peut être lue, appréhendée et décortiquée dans ses
différents composantes à travers la lecture de son processus d’aménagement du
ou des territoires qu’elles ont investies pour s’installer et continuer à vivre, à
travers l’évolution de ses modes et modalités de penser et de mettre en œuvre la
gestion et l’exploitation de son cadre de vie, de leurs territoires respectifs devant
abriter leurs activités humaines. Le territoire est par essence même un espace qui
fait l’objet d’une appropriation par un groupe social qui procède à sa gestion
comme à son aménagement. « Le territoire parce qu’il constitue le siège des
activités humaines est depuis toujours l’objet d’un aménagement par la
population qui l’occupe. Les contraintes naturelles ou culturelles, les impératifs
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militaires et surtout les nécessités économiques imposent dans toute société une
organisation de l’espace » (Madiot &Le Mestre, 2001).
Le gouvernement français adopta alors une politique dirigiste orientée par des
buts essentiellement économiques dont le premier objectif est de réaliser la
croissance et la création des richesses. Le plan adopté et mis en place par le
gouvernement, en priorisant les grandes villes et la promotion de la production
industrielle, en donnant la priorité aux grandes industries, ne manqua pas de
donner lieu au creusement des déséquilibres territoriaux liés à l’accentuation de
l’exode rural, la concentration de la main-d’œuvre, l’extension démesurée des
périphéries urbaines, la dégradation des cadres de vie et paysages urbains, la
prolifération des formes d’insalubrité des logements, le déficit des équipements..
Cet état des choses est illustré par la rhétorique du Paris et le désert français,
l’intitulé que porte le livre de Jean-François Gravier publié en 1947 qui appelle
au nécessaire rééquilibrage entre Paris et la province.
L’aménagement du territoire est resté depuis lors fondé sur les principes de
l’attachement à la puissance publique de l’Etat, à son inspiration à l’égalité et
son souci de la cohérence et de la rationalité (Bahar, 2017) jusqu’au début des
années 1980. La politique de l’aménagement du territoire fut confiée à partir de
1963 à la Direction de l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale,
plus connue sous le nom de la DATAR. Cette instance est restée pendant
longtemps le principal intervenant dans l’élaboration et le suivi de la mise en
œuvre des orientations de la politique d’aménagement du territoire (politique des
villes nouvelles, les métropoles d’équilibre, la réalisation des grands
programmes d’équipement)
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Cette période connut une révolution industrielle et agricole. Les industries
lourdes connurent un essor spectaculaire. L’essor de l’industrialisation est une
variable importante explicative de l’évolution de l’urbanisation. Les
composantes de la politique d’aménagement du territoire prendront des
dimensions ambitieuses avec la coordination des politiques nationale, la
planification, la programmation et la création des ensembles urbains, des villes
nouvelles et la mise en œuvre de la politique des « métropoles d’équilibre ».
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