Vous êtes sur la page 1sur 23

UNIVERSITE SIDI MOHAMMED BEN ABDELLAH

Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales

Fès

Département des sciences économiques et gestion

MASTER MANAGEMENT PUBLIC ET GOUVERNANCE FINANCIERE

POLITIQUES PUBLIQUES TERRITORIALES

Professeur : B .DEBBAGH

SUPPORT DU COURS

Année universitaire 2014-2015

1
LES POLITIQUES PUBLIQUES TERRITORIALES

Principales interrogations du cours :

- Qu’est-ce que la question territoriale révèle dans les façons de penser les
changements de l’action politique ?
- Quelles sont les influences qui traversent la prise de décision politique
contemporaine à l’échelon local ?
- Y a-t-il une transformation radicale des normes de l’action publique
aujourd’hui ?
- Quels rôles jouent les institutions dans le développement local ? Comment
certaines collectivités locales en sont-elles venues à aller bien au-delà de leurs
obligations en matière de patrimoine par exemple, ou de promotion des produits
du terroir ?
- Comment des vertus comme la solidarité, la démocratie participative et
l’implication des citoyens, l’organisation et la coordination des acteurs locaux,
s’imposent au territoire, ou comment le local s’en empare-t-il ?
- Comment jouent dans les villes les anciennes valeurs (centralité, segmentation)
et les nouvelles (proximité, identité, réactivité) ?
- Quels systèmes de gouvernance en assurent le fonctionnement et la pérennité ?

Thèmes de recherche :

1) De l’aménagement du territoire au développement territorial : une approche


publique globale et transversale - le cas du Maroc.
2) Décentralisation et territorialisation des politiques publiques -Cas du Maroc-
3) La régionalisation avancée et ses répercussions sur les politiques publiques au
Maroc.
4) Gouvernance territoriale et rôle des institutions (société civile).
5) Les dynamiques territoriales et le rôle de l’Etat « nouvelles territorialités de
l’action publique ». .

2
6) Gestion durable de la ville et gouvernance urbaine.

Axes d’intervention du cours :

1) Approche sémantique et théorique des concepts : politique publique ; action


publique, espace, territoire ; local.

2) La théorie des cycles des politiques publiques.

3) L’approche néo-institutionnaliste

4) L’approche par le développement local et la nouvelle gouvernance territoriale :


rendre compte du local dans l’analyse des politiques publiques (politiques publiques
territoriales).

3
Approche sémantique et théorique des concepts: espace; territoire; local;
politique publique; gouvernance locale.

I- Evolution des définitions: espace, territoire, local

Trois termes que les intellectuels manipulent depuis bientôt 20 ans en essayant de
s’approprier, pour le compte de leur discipline respective, les concepts cachés dans les
mots.

Pendant que l’Espace faisait fortune, conceptualisé par Henri Lefebvre en « produit
social », analysé sous tous les aspects dans la revue Espaces et Sociétés, le Territoire,
quant à lui, avait mauvaise réputation.

On n’en parlait plus ou peu. Il évoquait le nationalisme à travers la défense ou la


surveillance du territoire ; au mieux, le territoire sentait la technocratie lorsqu’il
s’agissait de l’aménager.

En effet, si dans les années 1970 le débat des sciences sociales concernait l’Espace
avant tout, c’est parce qu’il s’agissait de mettre en cause, de contester et de lutter
contre l’Aménagement du Territoire. L’Espace était social ; il fallait affirmer le droit à
l’appropriation de l’espace, à la pratique de l’espace, librement décidée et mise en
œuvre pour les individus alors que l’Aménagement du Territoire était défini,
commandé, mis en place par le pouvoir central et ses multiples représentants en
province.

Le débat des années 1970 privilégiait l’Espace et disqualifiait le Territoire car les deux
vocables renvoyaient à des pratiques parfaitement opposées et à deux manières
radicalement différentes de concevoir le maintien de la liberté des individus ou des
groupes à travers la définition du « bien collectif » et la «gestion de l’utilité publique».

Dans les années 80, avec l’entrée en crise et l’inaptitude de l’Etat à disposer de fonds
importants pour équiper les régions, apparait le concept de « développement

4
local ».Sous sa forme restrictive ce concept au départ, évoque « de nouvelles
procédures d’aides aux communes » ; mais on ne peut parler de développement que
lorsqu’il y a production de valeur. Aussi, c’est le processus de valorisation de l’espace
local qui est le moteur du développement. Si l’espace est un produit social, le
développement local serait tout simplement la valorisation de l’espace d’une société
territoriale.

Ici l’espace renvoie à une forme d’organisation qui rassemble tous les flux nécessaires
au fonctionnement d’une société, quelle que soit l’échelle.

Et la territorialité serait selon Jean Claude Maurel une « relation polymorphe qui se
tisse entre un groupe social et son environnement dans l’activité de production et de
consommation » et qui implique une appropriation et un marquage de l’espace.
L’espace serait ainsi sans limite, le territoire est lui délimité.

1) Territoire : éléments de définitions

« Le territoire représente un système complexe constitué d’éléments continuellement


en interaction tels que : le sol, les ressources naturelles, l’habitat, les infrastructures,
les entreprises, les individus, institutions, lois et règlements » (Geron, 2001).

Le territoire est « un construit socio économique produit par les interactions entre les
acteurs locaux: économiques, techniques, sociaux, institutionnels qui participent à
résoudre un problème productif ou à réaliser un projet de développement collectif…
Le territoire est caractérisé par sa gouvernance, définie comme l’ensemble des
processus institutionnels qui participent à la régulation locale du système économique
territorial ». (Pecqueur Bernard 2002).

Le concept traditionnel d’aménagement du territoire tend à s’élargir, à se lier à


d’autres compétences et à s’inscrire dans une perspective stratégique de
développement. C'est pourquoi on parle de développement territorial ou encore
d’aménagement et de développement des territoires

5
Philippe Bourdeau explique que le développement territorial vise à une répartition
optimale des personnes et des activités dans un espace donné. (Dorénavant, il doit
intégrer les principes de durabilité).

Selon Bernard Pecqueur « le développement territorial peut être défini comme


tout processus de mobilisation des acteurs qui aboutit à l'élaboration d'une stratégie
d'adaptation aux contraintes extérieures, sur la base d'une identification collective à
une culture et à un territoire ».

Il est maintenant admis qu'elle élargit celle de "développement local", voir la dépasse.

Principales raisons:

- Modification du rôle de l’Etat: les politiques d’aménagement du territoire ne


sont plus seulement du ressort de l’État. De nouveaux acteurs aux compétences
étendues sont apparus au cours des années 1980.

La nature de l’aménagement s’est également modifiée : rôle important des entreprises


et transformation du rôle de l’Etat qui devient tout à la fois accompagnateur,
facilitateur, innovateur et financeur

- Multiplication des territoires:

Alors qu’il s’agissait dans les premiers temps de mettre en œuvre une politique
globale sur un territoire national considéré de façon abstraite, la réalité a peu à peu
donné une vision multiple de l’espace : il ne s’agit plus de ne prêter attention qu’aux
territoires en difficulté mais de valoriser les potentialités de tous les territoires.

Ils constituent tous autant d’espaces présentant des enjeux différenciés et qui appellent
des politiques de développement sur mesure.

Dans ce contexte, la compétitivité des territoires et la performance des villes sont


devenues des préoccupations majeures au cœur de la politique de développement
territorial.

6
A ce titre le territoire joue un rôle majeur:

- il est le point de rencontre entre les acteurs du développement


- il est le lieu de la mise en œuvre et où s’exerce l’action publique, où
s’organisent les formes de coopération entre les entreprises, les individus et les
activités.
- il est le point de rencontre entre les formes de marché et les formes de
régulation sociale.
- Le territoire est aussi le lieu de construction de marges d’autonomie pour les
populations

2) Définitions : développement local

Le concept de développement local et les pratiques qui s'y rattachent se caractérisent


par la multiplicité des discours et des programmes, tour à tour complémentaires.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, c’est le processus de valorisation de


l’espace local qui est le moteur du développement et le développement local n’est que
la valorisation de l’espace d’une société territoriale. La notion de local repose sur celle
de territoire.

Dans les années 80, avec les débuts de la décentralisation, le développement local sous
sa forme restrictive, était défini comme « une nouvelle procédure d’aide aux
communes », « toute initiative prise au niveau communal ».

D’autres définitions plus larges vont apparaitre :

« C'est une démarche volontaire d'acteurs se réunissant sur un territoire à taille


humaine pour envisager l'avenir de leur territoire. Cela en perspective avec d'autres
niveaux d'administration et d'autres échelons politiques de la nation. C'est une vision
du local dans le global, qui voit le territoire comme un système en relation avec
d'autres systèmes et d'autres acteurs, les acteurs œuvrant à l'amélioration des
conditions de vie de leur territoire ».

7
Ceci conduit à une complexification de l’organisation des activités et des rapports
sociaux qui comporte en elle-même des risques d’apparitions de tendances
contradictoires avec le développement local

Cela nécessite de développer des modes d’apprentissage (territoires apprenants).

Aussi, le développement local ne saurait s’épanouir sans un minimum de consensus


entre les différents partenaires de l’espace socio-économique local, sans une
mobilisation en vue d’objectifs précis et cohérents (gouvernance territoriale).

On remarque ainsi que loin de s’effacer devant la globalisation, les territoires locaux
semblent au contraire trouver dans la crise actuelle de nombreuses raisons de
s’affirmer.

La crise amène à privilégier le plan local par rapport au plan national et rencontre sur
le terrain des poussées sociales, culturelles et identitaires. Le local s'approprie en
quelque sorte le développement pour en faire un concept et une pratique globale, une
stratégie territoriale intégrée, solidaire, durable

II- Politiques publiques territoriales

1) Analyse des politiques publiques:

Pour comprendre l’analyse des politiques publiques et de leur champ intellectuel il faut
revenir à 3 grands courants de pensée qui constituent le socle intellectuel de l’analyse
des politiques publiques :

• La bureaucratie

• La théorie des organisations

• Le management public

2) Définitions : politiques publiques

Le concept désigne « les interventions d’une autorité investie de puissance publique et


de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire.
Ainsi parle-t-on de la politique d’aide aux personnes handicapées d’une région ou de

8
formes principales : les politiques publiques véhiculent des contenus, se traduisent par
des prestations et génèrent des effets» (Thoenig 2004)

- Au niveau territorial il s’avère plus pertinent de parler « d’action publique ».

3) Définition: action publique

« .…Face à une vision inspirée par la primauté accordée à l’action de l’Etat , on


indique par ce renversement, le choix d’une approche où sont prises en compte à la
fois les actions des institutions publiques et celles de la pluralité d’acteurs publics
et privés, issus de la société civile comme de la sphère étatique, agissant
conjointement dans des interactions multiples au niveau national mais aussi local et
éventuellement supranational pour produire des formes de régulation des activités
collectives (…),» (Comaille, 2004)

4) Des politiques publiques sectorielles aux politiques publiques territoriales:

Le passage du territoire au secteur, passage d’une logique horizontale à une logique


verticale, se produit avec la multiplication des échanges et l’explosion de la division
sociale du travail après la révolution industrielle (fin du 19ème s).

Exemple : Dans un 1er temps, dans les sociétés traditionnelles le social reposait sur la
solidarité et l’assistance, mais avec l’affaiblissement des solidarités locales et
l’émergence de la forme sociale du salariat on voit se développer de nouvelles formes
de solidarités ou de lien social qui vont déboucher à terme, sur les différentes formes
d’Etat providence.

A partir de là le « social » va se développer comme un secteur spécifique et faire


l’objet dans un 1er temps de politiques spécifiques sectorielles (politiques de santé;
d’éducation, d’emploi…)

Conséquence: toute société sectorielle est nécessairement confrontée à un grave


problème de cohésion sociale.

La société sectorielle est menacée de désintégration si elle ne trouve pas en elle-même


les moyens de gérer les antagonismes intersectoriels (les ensembles sectoriels sont à la

9
fois dépendants les uns des autres et antagonistes pour l’obtention des ressources
rares).Ces moyens, ce sont les politiques publiques.

Dans un 2ème temps: émergence de nouvelles politiques reflétant le nouveau rôle de


l’Etat (politiques sociales, de la recherche, urbaine, d’aménagement du territoire…)
et remise en cause des politiques sectorielles qui ont marqué la période des « trente
glorieuses (1950-1973) ».

Il faut attendre les années 80 dans les pays développés (années 90 dans les PVD) et le
processus de décentralisation pour marquer un retour au territoire et parler d’une
« territorialisation des politiques publiques ». Des politiques publiques qui
s’inscrivent dans des cadres territoriaux, régionaux, communaux …Ces nouvelles
formes de gouvernance territoriale ne signifient pas la « fin » de l’Etat ni celle des
politiques sectorielles. Mais des changements d’échelle de l’action publique qui
contribue à la complexification croissante des modes de régulation de sociétés elle
mêmes de plus en plus complexes (transferts de compétences, nouveaux cadres
d’actions, nouvelles procédures…).

10
Théorie des cycles d’action publique.

Selon Pierre Muller « un cycle d’action publique est un processus à travers lequel se
développe, se stabilise puis se désagrège une configuration globale définissant le rôle
et la place des politiques publiques dans le fonctionnement des sociétés ».

Cette configuration est fondée sur 3 dimensions dont l’articulation est essentielle pour
comprendre le système de contraintes et de marges de jeu :

- Un régime d’action publique structuré par un référentiel global pouvant être


spécifique suivant le pays concerné.
- Un régime économique et social, fondé sur un état du capitalisme et un rapport
au marché.
- Un régime de citoyenneté définissant le rapport entre les individus et l’espace
civique.

Chaque cycle se caractérise par une période de montée en puissance pendant laquelle
se met en place l’articulation entre ces trois régimes, un moment de stabilisation et une
phase de désagrégation ou de désarticulation combinée avec la phase d’émergence
d’un nouveau cycle. C’est à ce moment là qu’apparaissent de nouvelles contraintes en
même temps que les marges de jeu des acteurs sont les plus importantes. Si l’on
remonte à la période où l’action de l’Etat se structure sous forme de politiques
publiques, à savoir la seconde moitié du 19ème siècle on peut mettre en lumière
l’enchaînement de 4 grands cycles d’action publique.

1) Le cycle libéral industriel : il couvre la période qui va de la fin du 19èmes à la


crise de 1929.

Cette période correspond à l’instauration de formes bureaucratiques telles que Weber


les a décrites, et constitue pour l’Etat la période de l’organisation Fordiste de
l’industrie.

- Vision libérale fondée sur le « laissez- faire » : le rôle des politiques publiques qui
se mettent en place n’est pas de transformer la société mais d’accompagner le

11
développement éco tout en préservant l’ordre social (Etat faiblement
interventionniste).

La crise de 1929 va apparaître comme une remise en cause du « laissez-faire », car elle
porte en elle la nécessité de penser autrement le rôle de l’Etat par rapport aux mondes
économiques et sociaux.

2) Le cycle de l’Etat providence (période des 30 glorieuses 1950-1973) :

Remise en cause des politiques sectorielles et nouvelles politiques reflétant la


nouvelle vision de l’Etat désormais supposé mettre en place des politiques
accompagnant ,voire promouvant les transformations et la modernisation des sociétés
occidentales (politiques sociales, urbaine, de recherche, d’aménagement du
territoire…).Ce sont les politiques de mise en place des Etats Providence qui incarnent
le mieux ce nouveau rôle interventionniste.

A partir de la crise des années 70 : remise en cause du rôle de l’Etat face au marché
et des politiques keynésiennes : stagflation, les systèmes de protection sociale
n’empêchent pas la montée de l’exclusion et le service public devient synonyme
d’archaïsme, les recettes de politiques publiques (comme la relance par la demande et
l’investissement public par exemple) ne fonctionnent plus.

3) Le cycle de l’Etat –entreprise:

C’est le tournant néolibéral qui correspond à une redéfinition de la frontière « Etat


marché » avec un recentrage du rôle des politiques publiques au détriment de certaines
prestations de services.

- Nouveau référentiel global : « le référentiel de la performance publique »


L’accent n’est plus mis sur le rôle de l’Etat pour conduire et orienter la croissance
mais sur les mesures à prendre pour que l’Etat ne soit plus un « fardeau » pour le
développement économique et social.

Ce nouveau référentiel est porteur de nouvelles normes pour l’action publique :


limitation des dépenses publiques, modernisation de l’Etat, remise en cause des

12
politiques industrielles, ouverture à la concurrence des services publics, réarticulation
du social et de l’économique avec une norme de limitation des dépenses sociales

Les modes de gestion privés sont érigés en modèle pour la gestion publique avec pour
objectif d’améliorer l’efficacité et surtout l’efficience (le rapport coûts résultats) des
politiques publiques.

4) Cycle de la gouvernance globale:

Sans remettre en cause la norme de marché qui reste dominante, la crise actuelle
contribue à reformuler la question des régulations étatiques et plus généralement la
question des rapports entre Etats et marché ; reconfiguration du rôle et du
fonctionnement des institutions.

La montée en puissance de nouveaux enjeux correspond à l’entrée dans une phase


nouvelle de la globalisation qui n’est plus une « globalisation occidentale »mais
intègre de plus en plus les nouvelles puissances éco du sud. Elle intègre également de
nouvelles visions, celle du développement durable, de la responsabilité éthique, sociale
et environnementale, et de nouvelles formes de privatisation.

A côté des normes et des programmes d’action publique élaborés à l’échelle nationale,
il existe aussi des politiques publiques qui s’inscrivent dans des cadres territoriaux,
régionaux, communaux …Ces nouvelles formes de gouvernance territoriale ne signifie
pas la « fin » de l’Etat . Si ces processus de changement d’échelle peuvent ouvrir des
espaces de jeu, ils s’imposent aussi aux acteurs comme une contrainte dans la mesure
où ils correspondent à une modification de la règle du jeu.

Ce changement de niveau conduit à des transferts de compétences plus ou moins


voulus ou souhaités, à l’imposition de nouveaux cadres d’action et de nouvelles
procédures (décentralisation)

13
La nouvelle économie institutionnelle et l’approche par le développement local

Le développement de la pensée institutionnaliste en économie est assez ancien, et


parallèle à celui du courant néoclassique (courant qui a ignoré le rôle des institutions).

L’économie va ignorer le rôle des institutions jusqu’aux années 70, à partir desquelles
l’économie standard va tenter de l’intégrer à son cadre d’analyse.

C’est Ronald Coase, en 1937 déjà, qui dans un article « the nature of the firm»
souligne la place de l’entreprise à travers la théorie « des coûts de transaction »(TCT),
et avance que le marché n’est pas l’institution exclusive dans nos économies.

La TCT s’écarte un peu plus du corpus néo classique en postulant que les agents ne
sont dotés que d’une rationalité limitée tout en se comportant de manière opportuniste.

« TCT : toute transaction économique engendre des coûts préalables à leur


réalisation : coûts liés à la recherche d’information, d’un partenaire, à la
négociation de l’échange, aux défaillances du marché. Ainsi certaines transactions
se déroulant sur le marché peuvent engendrer des coûts de transactions très
importants. Les agents économiques peuvent alors être amenés à rechercher des
arrangements institutionnels alternatifs permettant de minimiser ces coûts ».

L’idée de Coase n’a été redéveloppée qu’à partir des années 70 par Oliver
Williamson donnant ainsi naissance à la nouvelle économie institutionnelle (NEI).

La NEI regroupe des approches assez différentes qui vont contribuer au


renouvellement de l’analyse économique des institutions (on peut y inclure également
les courants français de l’école des conventions et de l’école de la régulation).

Les institutions y sont définies comme « l’ensemble des règles et des normes qui
encadrent et régulent les comportements ».

14
Leur principale problématique :

Alors que pendant longtemps l’économie politique a consisté en l’analyse de l’activité


économique en elle-même et de ses propriétés (formation, et propriété de l’équilibre
économique, effets et fondements des politiques économiques, formation des prix..) la
NEI met l’accent sur le fait que l’enjeu se situe plutôt au niveau de l’étude des
éléments encadrant l’activité économique : les institutions.

A l’opposé du marché, Williamson distingue ainsi à la suite de Coase la hiérarchie


qui correspond en fait à l’entreprise. Lorsque les coûts de transaction sont
suffisamment importants, il peut alors devenir économiquement intéressant pour les
parties en présence de substituer à la relation marchande une relation hiérarchique
fondée sur un rapport d’autorité. Entre le marché et l’entreprise ; de nombreuses
formes hybrides peuvent être identifiées (sous- traitance, concession, réseau).

Un tel type de relation est en effet susceptible d’économiser une partie des coûts de
transaction. Face à l’économie comme théorie des prix la NEI se définit comme une
analyse des « règles du jeu » de l’économie.

La TCT a trouvé son application dans 3 domaines majeurs : la théorie des


organisations (Williamson), l’économie publique (Coase ) et l’économie du
développement (Douglas North).

Veblen, Commons voient l’activité éco comme le résultat de l’action volontaire, de


stratégies d’acteurs, et donc considèrent que les institutions ont un rôle déterminant
dans l’économie, elles sont nécessaires pour que se dégage un certain ordre social.

Selon Douglas North les institutions sont « des contraintes humainement conçues qui
façonnent les interactions entre les hommes »elles constituent « les règles du jeu d’une
société ».

Elles correspondent à des règles et des normes (formelles ou non) et à des


organisations qui encadrent les activités humaines ; elles diffèrent selon les pays et les
époques.

15
Dans tous ces cas, les institutions sont interprétées comme des dispositifs de régulation
alternatifs au marché mis en place par les agents pour minimiser les coûts de
transaction.

Commons considère que les économistes se tromperaient en adoptant des concepts de


la physique pour étudier l’économie, car ces modèles ne peuvent s’appliquer aux
relations sociales, dont les relations de production, précisément parce que les activités
humaines sont des activités volontaires, l’offre et la demande notamment, et non le
simple résultat de forces inanimées. C’est pour cette raison que Commons accorde
autant d’attention aux institutions.

Chez les institutionnalistes, contrairement aux néo-classiques, les institutions ne sont


pas des nuisances, ou des limites à la liberté individuelle. Au contraire, selon
Commons, les limites que les institutions imposent au comportement attendu des
individus membres de l’institution ou touchés par son action leur permettent en fait
d’être créatifs, dans le respect des règles reconnues

Ce courant s’intéresse donc:

- aux imperfections du marché: dans les PSD les marchés ne sont pas harmonieux
(segmentation du marché du travail, situation d’extrême pauvreté), les comportements
ne sont pas conformes à la rationalité néoclassique.

- au rôle des institutions et des mécanismes qui corrigent l’action régulatrice du


marché.

- au fonctionnement efficace du marché qui doit être accompagné d’institutions fortes


garantissant un Etat de Droit.

- à côté de l’Etat et du marché il existe d’autres formes de coordination


institutionnelle comme l’entreprise, l’université, la société civile, les ONG…..

Les marchés sont imparfaits lorsqu’ils perpétuent les déséquilibres au lieu d’être
autorégulateurs, ou lorsque l’équilibre qu’ils déterminent est sous optimal en ce sens
qu’il serait toujours possible de le modifier par une intervention exogène (comme

16
l’Etat) afin d’améliorer le bien être de certains agents sans détériorer celui des autres
agents

Exemple: imperfection du marché du crédit (la croissance ne profite pas aux pauvres).

Les institutions peuvent donc être inadaptées au bien être des pauvres : les
imperfections des marchés sont dues à la défaillance des institutions qui les
encadrent.

Selon Daron Acemoglu les déficiences des institutions interviennent dans 3 domaines:

- Elles ne garantissent pas les droits de propriété à une grande partie de la


population et sont de ce fait désincitatives puisque les agents économiques ne peuvent
être assurés de bénéficier des fruits de leurs efforts.

- Elles ne sont pas suffisamment protectrices à l’égard du comportement prédateur


des élites au pouvoir qui peuvent détourner une grande partie des ressources
disponibles en leur faveur.

- Elles ne garantissent pas l’égalité des chances ce qui ne permet pas à toute la
population d’accéder à l’éducation, à la santé, au crédit…

Pour Acemoglu « les institutions jouent un rôle essentiel dans la répartition des
revenus entre les individus et les groupes sociaux .Autrement dit , elles influent non
seulement sur la taille du « gâteau social » mais aussi sur son « partage ».

Aussi bien la croissance du revenu par habitant, que l’évolution de la répartition des
revenus et la réduction de la pauvreté absolue sont tributaires de nécessaires
changements institutionnels dont la réalisation est soumise aux rapports
sociopolitiques au sein des pays.

17
L’approche par le développement local et la nouvelle gouvernance
territoriale

Les théories du développement (post ajustement) sont devenues institutionnalistes et


systémiques.

C’est un système complexe qui combine des institutions économiques, sociales,


culturelles et politiques dont les interactions changent au cours du temps; les
interventions doivent être multiformes.

Pour maîtriser et gérer cette complexité il faut la participation de tous les acteurs
(approche participative). Il faut une « nouvelle gouvernance », de nouveaux
processus de décision fondés sur la négociation entre différents acteurs et sur la
décentralisation: c’est la nouvelle approche du développement local

La question de la gouvernance territoriale renvoie à celle du développement local et


de l’implication croissante des acteurs locaux — privés, publics, associatifs — dans les
dynamiques de développement, dans leur capacité à se mobiliser et à se prendre en
charge.

Il existe plusieurs définitions du développement local :

C’est une approche « par le bas »c’est-à-dire que la croissance repose sur des
initiatives de la société locale et non pas sur des initiatives inspirées par l’extérieur :
- promouvoir, susciter, "construire ensemble" une dynamique territoriale apte à faire
surgir les initiatives de développement génératrices d'emplois et de richesses.

- aider les communautés locales à se mettre en l’état de se développer et de produire


en leur accordant des pouvoirs propres et des ressources appropriés: processus de
décentralisation s’avère ici comme levier développement.

« Le développement local est la contribution qu'un petit territoire apporte au


mouvement général du développement, en termes de plus-value économique, sociale,
culturelle, spatiale. C'est un produit de nature globale instrumenté par le projet de
territoire d'une équipe, articulé autour d'initiatives économiques et écologiques. »

18
« Le développement local est une organisation à construire par de l'information en
reliant des acteurs publics et privés, engagés dans une dynamique de projet sur un
territoire ». (Dynamiques territoriales)

L’approche par le développement local confirme l’existence d’univers hétérogènes


différents qui n’ont pas la même capacité d’adaptation par rapport à ce qui vient de
l’extérieur, il existe une influence des contextes et des sites locaux « théorie des
sites »:il n’y a pas de loi naturelle, les lois de l’économie changent en fonction de
l’espace, du site d’application. Etre rationnel dans un PSD c’est s’ajuster à son site
d’appartenance qui produit ses propres règles locales de comportement (on parle
d’Homositus).

Selon Coase R « l’économie institutionnelle moderne devrait étudier l’homme tel qu’il
est agissant sous le poids des contraintes imposées par les institutions existantes.
L’économie institutionnelle moderne c’est l’économie telle qu’elle devrait être ».

Limites au développement local :

Aussi plusieurs « verrous du développement » peuvent exister: les questions


géographiques ou physiques, l'existence de groupes de pression fortement constitués,
une expérience négative du passé, un "vide social" ou un "vide d'initiative", des
conflits d'ordre culturel.

Les conditions du développement local :

1) Ancrage territorial des démarches de développement local:

Développer une très forte capacité d’organisation des acteurs locaux leur permettant
de valoriser les ressources locales et/ou importées et de réinvestir sur place le produit
de la valorisation. Le territoire est ici un moyen et non une fin

Le réinvestissement, à partir du pôle émetteur localisé, induit la croissance


économique de l’environnement immédiat

2) Adoption d’un mode de pensée complexe:

19
La dynamique ainsi créée par la capacité des acteurs locaux à investir et à réinvestir
sur place en vue de valoriser les ressources, et l’augmentation des hommes et des
activités qu’elle entraîne, conduisent à une complexification de l’organisation des
activités et des rapports sociaux.

Cela nécessite de développer des modes d’apprentissage (territoires apprenants).

Cette complexification comporte en elle-même des risques d’apparitions de tendances


contradictoires avec le développement local.

Aussi, le développement local ne saurait s’épanouir sans un minimum de consensus


entre les différents partenaires de l’espace socio-économique local, sans une
mobilisation en vue d’objectifs précis et cohérents (gouvernance territoriale).

3) Processus d’intégration:

La conscience que les acteurs concernés peuvent avoir de former un groupe cohérent,
les rendant unis pour des objectifs communs et surtout liés par l’appartenance à la
même unité spatiale. Elle revêt des formes multiples : mobilisation locale,
implication, citoyenneté.

Les cohésions des hommes entre eux et des hommes avec les lieux seraient les
supports actifs du développement local.

4) Prise en compte des dimensions culturelles.

Le développement local passe par le repérage d’un système de valeurs, de croyances,


de représentations qui doivent agir comme des filtres pour la mise en place des actions
sur le territoire.

Action publique locale et gouvernance territoriale :

La bonne gouvernance dépend de la capacité des groupes et individus à participer à


l’élaboration des décisions économiques et politiques. Elle suppose la combinaison de
multiples pôles de décisions et de contrôle non seulement étatiques, mais aussi

20
décentralisés (collectivités locales, ONG, société civile).« Moins de gouvernement et
plus de gouvernance ».
La gouvernance se définit comme « l’exercice des pouvoirs économiques, politiques,
et administratifs pour gérer les affaires des pays à tous les niveaux. Il comprend les
mécanismes, procédés et institutions par lesquels les citoyens, les groupes articulent
leurs intérêts, exercent leurs droits légaux, remplissent leurs obligations et gèrent leurs
différences ».

Une bonne gouvernance doit reposer sur les principes généraux suivants :

- la clarification des responsabilités.


- Une plus grande transparence dans tous les aspects de la gestion publique
(budgets, marchés publics….) et surtout la lutte contre la corruption.
- Mise en place des procédures de dialogue et des formes de partenariat
entre différents services et échelons administratifs.
- Une meilleure articulation entre les différents échelons territoriaux : local,
régional, national, et même international.
- Une stratégie de gestion du temps.
- Des solutions intégrées.
- Mobilisation de la population : la participation de la population locale
permet de s’appuyer sur des savoir-faire et des valeurs pouvant améliorer
l’exécution des projets de développement.

Une bonne gouvernance territoriale impose la prise en compte des conditions du


développement local car l'action publique locale résulte de la coordination des acteurs
qui appartiennent à des champs de compétences différents, et qui interviennent chacun
en fonction du rôle qui lui est attribué.

L'action publique locale joue un rôle important de part l'intervention de divers acteurs
dans le champ des politiques publiques.

On peut parler d'une contractualisation des actions publiques car les acteurs
appliquent les directions fixées par les politiques publiques locales.

21
L'Etat garde la régulation administrative et financière mais c'est au niveau local que se
décide la manière dont sera appliquée la politique publique par des groupes sociaux et
les institutions locales.

A ce titre la notion de politique publique locale demande à être explicitée:

Une politique publique peut être élaborée et formulée en pleine autonomie par une
collectivité territoriale, dans son champ de compétence. C'est plus souvent, une
politique menée en partenariat avec d'autres acteurs, intervenant à plusieurs niveaux de
gouvernement (local, national).

On peut aussi considérer comme politique locale l'application territoriale d'une


politique nationale, dans la mesure où ses effets pourront être influencés par les
caractéristiques du champ géographique et institutionnel dans lequel elle s'inscrit.

Ainsi, dès lors que les collectivités ont l'autonomie suffisante pour développer, dans un
champ particulier, une action autonome, elles ont toute capacité pour mettre en œuvre
des politiques publiques : par exemple :

- une politique régionale de l'aide à l'innovation ou du développement touristique.

- une politique municipale sportive, culturelle ou éducative.

Les collectivités concernées doivent également disposer de la faculté d'évaluer les


politiques qu'elles mettent en œuvre.

On peut dire que la territorialisation des politiques publiques locales permet de mieux
voir les résultats d'une politique publique car l'évaluation se porte mieux dans un
champ géographiquement délimité. En effet, il sera plus facile d'évaluer les problèmes
et les actions à mener sur un territoire géographiquement délimité

Les politiques locales ont donc un rôle très important car se sont les problématiques
de l'accumulation de ses territoires qui font les politiques publiques nationales.

22
CONCLUSION :

La nouvelle approche économique met au centre le développement des territoires.


Elle rend nécessaire à la fois « une nouvelle gouvernance » mais également une
multiplication des « réseaux d’entraide» car « la prospérité future impose de se
retrousser les manches sur un territoire partagé » et « de responsabiliser les
populations à l’échelle de leur bassin de vie ». (Jean Ollivro)

Le territoire devient donc le socle privilégié des échanges économiques et des


rapports sociaux ; il est l’une des conditions d’existence de l’Etat, et c’est de la
manière dont il sera organisé et animé que dépendront son enracinement et sa capacité
à maintenir les équilibres et à maitriser les articulations sociales.

D’où l’importance, aujourd’hui plus qu’hier d’un développement territorial orienté


vers une rénovation des politiques, des moyens d’action et des stratégies eu égard aux
impératifs d’une insertion locale et d’une meilleure intégration mondiale.

23

Vous aimerez peut-être aussi