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La parure Epipaléolithique et néolithique de la Syrie

(12e au 7e millénaire avant J.-C.) : Techniques et usages,


échanges et identités
Hala Alarashi

To cite this version:


Hala Alarashi. La parure Epipaléolithique et néolithique de la Syrie (12e au 7e millénaire avant J.-
C.) : Techniques et usages, échanges et identités. Sciences de l’Homme et Société. Université Lyon 2
Lumière, 2014. Français. �NNT : 2014LYO20091�. �tel-04053698�

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Université Lumière – Lyon 2
Ecole Doctorale Sciences Sociales 483 ScSo
Archéorient UMR 5133

La parure épipaléolithique et néolithique


de la Syrie (12e au 7e millénaire avant J.-C.) :
Techniques et usages, échanges et identités

Volume 1 : Texte

Hala ALARASHI

Thèse en vue de l’obtention du titre de doctorat en

Langues, Histoire et Civilisations des Mondes anciens


Archéologie, Préhistoire

Sous la direction de Danielle STORDEUR

Présentée et soutenue publiquement le 30 octobre 2014

Devant un jury composé de :

Sandrine BONNARDIN, Maître de conférences, UNS, CEPAM (UMR 7264), Examinateur


Barbara HELWING, Professeur, Univ. Lumière-Lyon 2, Archéorient (UMR 5133), Examinateur
Miquel MOLIST MONTAÑA, Professeur titulaire, Universidad Autónoma de Barcelona,
Rapporteur
Valentine ROUX, Directeur de recherche CNRS, Préhistoire et Technologie (UMR 7055),
Rapporteur
Danielle STORDEUR, Directeur de recherche émérite CNRS, Archéorient (UMR 5133),
Directeur de thèse

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Université Lumière – Lyon 2

La parure épipaléolithique et néolithique


de la Syrie (12e au 7e millénaire avant J.-C.) :
Techniques et usages, échanges et identités

Volume 1 : Texte

Hala ALARASHI

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‫ﻟﺬآﺮى أﻣﻲ رﻓﻴﻘﺔ ﻣﻨﺼﻮر وأﺑﻲ ﻋﺒﺪ اﻟﺮﺣﻤﻦ ﺁل رﺷﻲ‬

A la mémoire de ‘Abdul-Rahman Alarashi et Rafika Mansour

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Remerciements

Nous voilà face à l’épreuve la plus difficile à faire… écrire les remerciements. Si seulement
nous pouvions nous retrouver dans un autre moment de l’Histoire, plus joyeux et moins
grave… Un moment qui laisserait loin, très loin derrière lui les peines et les déchirures, les
guerres et les souffrances… Un moment où je pourrais vous remercier tout simplement
très chaleureusement… Mais je suis hantée par les événements, par les lieux et par les
personnes… Difficile de ne pas tomber dans la nostalgie !

Je commence par toi mon pays… toi si grand à mes yeux et si inexistant aux yeux du
monde, si oublié…Toi adorable peuple syrien, si spontané et si débrouillard… Meurtri et
traumatisé depuis des décennies par une dictature pseudo-laïque et aujourd’hui aussi par
des sectes fanatiques barbares que le monde entier a vu venir sans bouger… Quoi faire
face à ce « laisser-faire » ? A quoi sert l’Histoire, si ce n’est pas pour rappeler à l’homme
son Humanité ? Comment ne pas crier mon désespoir et mes peurs ici alors que le titre de
cette thèse parle des identités et alors que les miennes sont menacées ? Ce n’est pas des
remerciements dont tu as besoin, c’est du Courage et de l’Espoir.

Cette thèse n’aurait pu être réalisée sans les autorisations d’étude des collections de
parure dans les musées et sur les terrains. Je remercie pour cela la Direction Générale des
Antiquités et des Musées à Damas de m’avoir fourni ces permis. Je remercie également le
Musée d’Alep de m’avoir permis de réaliser plusieurs missions d’étude entre ses murs et
dans les meilleures conditions possibles.

Je remercie l’Institut Français du Proche-Orient pour son soutien financier au cours des
missions d’étude et pour le séjour effectué à l’IFPO d’Alep.

Je remercie toutes les personnes qui ont aidé de près ou de loin à la réalisation de cette
thèse. Je pense en premier lieu à Frank Hole avec qui j’ai eu des échanges très intéressants
sur la parure. Je le remercie particulièrement de m’avoir mis en contact avec Dr. David
Reese à qui j’adresse mes plus sincères remerciements pour son aide précieuse à cette
recherche.

Je remercie également tous les chercheurs que j’ai rencontrés et dont les discussions ont
été d’un apport très important pour cette thèse. Je remercie particulièrement Marie-Louise
Inizan, Valentine Roux, Jacques Pelegrin, Bérénice Bellina et Hara Procopiou. Je remercie

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aussi mon amie Athina Boleti pour ses explications sur l’émeri et pour son don des
échantillons.

A Laurence Astruc j’adresse mes remerciements les plus chaleureux pour tout le soutien
et l’amitié qu’elle m’apporte. Je n’oublie pas Rosalia Christidou pour les articles, les
nombreuses informations échangées et pour son aide et son amitié. Merci à Juan José
Ibáñez, Jesús González-Urquijo, Güner Coşkunsu et Tristan Carter pour les discussions et
les échanges d’informations et pour leurs amitiés.

Mes remerciements vont également à Gabrel Monge et à Suzanne Jacomet de l’Ecole des
Mines de Paris à Sophia Antipolis pour leurs aides techniques sur les analyses de
composition et au cours des séances de MEB.

Je réserve un remerciement spécial pour Maxime Delongvert pour la fabrication


soigneuse de la « machine à trous » et les améliorations ingénieuses apportées à la
conception originale.

Je remercie Dr. M. Moore pour l’autorisation de l’étude de la collection d’Abu Hureyra à


Alep et à l’Ashmolean Museum à Oxford. Toute ma gratitude va à Eric Coqueugniot
d’avoir été si amical et accueillant pendant mes missions d’étude à Dja’de el-Mughara
ainsi que pour toutes les idées, ses mots de soutien et l’aide apportée. A Miquel Molist
j’adresse mes plus sincères remerciements pour sa confiance, pour son amitié, son aide et
son soutien.

Un grand merci à l’équipe du CEPAM à Nice pour la très bonne ambiance, pour l’accueil
chaleureux, pour les compétences scientifiques et les très bonnes conditions de travail
dont j’ai pu bénéficier. Je pense particulièrement à Didier Binder et Martine Regert ainsi
qu’à Sylvie Beyries à qui je suis reconnaissante pour les conseils, les discussions sur la
tracéologie et l’aide apportée ; à Liliane Meignen et à Sandrine Bonnardin pour les
discussions intéressantes (et les livres empruntés !). Je n’oublie pas Michel Dubar qui a
suivi de près mes recherches sur les minéraux et les roches. Je remercie également Isabelle
Rodet-Belarbi, Sabine Sorin, Claire Delhon, Erwan Messager, Alain Carré, Arnaud
Jouvenez, Myriam Benou, Anne-Marie Gomez, Monique Oger, Domique Trousson et
Jeannine François. Enfin, toutes mes tendres pensées vont à Frank Braemer dont la
présence au CEPAM m’a été d’un très grand soutien moral. Merci Frank pour tout ce que
tu as fait pour développer l’Archéologie au Proche-Orient et particulièrement en Syrie,
pour la continuité de ton engagement sincère pour la sauvegarde de l’héritage
archéologique et historique syrien. Merci aussi pour les bienfaits et la joie que tu
transmets là où tu passes.

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Toute ma gratitude va également à mon laboratoire de rattachement, Archéorient, pour
toute l’aide financière et logistique ainsi que pour l’accompagnement, le soutien
scientifique et moral. Toute mon affection à ses membres, particulièrement à Pierre
Lombard, Christine Chataigner, Françoise Le Mort, Olivier Barge, Emmanuelle Regagnon,
Lamya Khalidi, Corinne Castel, Anne Benoit, Catherine Marro, Olivier Aurenche, et
Bernard Geyer. Mes remerciements vont également à François Barbot, Agnès Piedimonte
et Gwanaëlle Pequay pour leurs aides indispensables au cours de ces années. Un grand
merci à Marie Le Mière pour son aide, son soutien permanent et pour toutes les
informations bibliographiques qu’elle m’a fournies. Je n’oublie pas enfin Emmanuelle Vila
que je remercie pour sa présence dans les moments difficiles, son amitié, sa chaleur et ses
grandes qualités humaines.

Ma gratitude et mon affection les plus grands vont aussi à Claudine Maréchal qui m’a
appris à questionner les objets et à ne pas me fier à leur apparence trompeuse. Tes travaux
sur la parure, Claudine, sont d’une qualité grandiose et d’une précision impeccable dont
j’aspire à atteindre le niveau un jour.

Mes remerciements vont également à ma famille et amis de l’Ardèche. Ma première


pensée va à Marie-Claire Cauvin pour qui je réserve un immense respect et que je
remercie pour l’accueil et le sourire si chaleureux. A George et Liz Willcox pour leurs
mots de soutien et leur présence, et pour les merveilleux moments partagés en Ardèche
ou en Syrie. Abro, mille mercis pour tout ce que tu m’as appris, pour m’avoir montré ton
art à combiner la suprême simplicité et l’ingéniosité. A Daniel Helmer j’adresse mes
remerciements les plus joyeux car la joie est toujours au rendez-vous avec lui. Merci pour
toutes les calcédoines taillées en ébauches de perles, merci d’avoir enrichi sans cesse ma
collection de minéraux et de coquillages. À Frédéric Abbès je réserve le remerciement
le plus immense qui soit. Je garderai près de mon cœur et pour toute ma vie le souvenir
de ma fascination pour les lieux que tu nous as fait découvrir, nous étudiants en première
année d’Archéologie qui connaissaient alors mal leur propre pays. Fred, tu as simplement
fait naître en moi la passion pour l’archéologie. C’est aussi grâce à toi que j’ai eu
l’immense plaisir de participer aux dernières campagnes de fouilles de Jerf el-Ahmar.
C’est dans ce « morceau de paradis » comme on dit en arabe, dans ce village PPNA au
bord de l’Euphrate que mon destin scientifique s’est fixé. Je n’oublierai jamais cet état de
grâce et de paix qui m’a envahie en arrivant pour la première fois dans cet endroit.

Danielle, je ne peux simplement adresser mes remerciements au directeur de thèse que tu


as été pour moi. Ces derniers temps, tu as aussi été une mère, un père et une amie. Bon
vent à ce navire chargé d’or et d’épices tu disais… mais sans toi ce navire n’aurait pas pu

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maintenir le cap. Ton soutien a été si réconfortant que je ne saurais où trouver les mots.
J’espère simplement être à la hauteur de ta confiance et de ta poésie.

Mes amis du CEPAM, Julia, Lorraine, Carole, Cristina, Antonin, Antoine, Arnauld, Jean-
Victor, Janet, Auréade, Cédric, Maxime, Dorota, Hermine, Monder et Thomas, merci pour
les moments de partage, d’échanges et de joie dans le couloir du 4e. Merci beaucoup à mes
amies Emilie et Gaëlle pour ces dernières années passées dans le même bureau avec elles.
Merci Fadi pour toutes les informations concernant les représentations des figurines et
pour les discussions intéressantes que nous avons échangées sur ce sujet.

Mes pensées les plus tendres vont également à mes amis disparus très précocement :
Shadi Al-Moudaress et Ayham Sukar.

Mes amis dispersés dans le monde, si vous saviez combien vous me manquez tous. Merci
d’exister. A la bande du laboratoire du SAPPO de Barcelone : Oriol, Ferran, Anna, Maria,
Pepo, Anabel, Carlos, Bushra et Hadia, merci pour les riches discussions, les rires et les
fêtes à Barcelone ou à Tell Arrish en Syrie. Merci à mes amis de Lyon, de Paris, Toulouse,
Bordeaux, Damas, Valencia et du reste du monde pour m’avoir accompagné dans ce
travail doctoral : Georges, Jwana, Yasmine, Shadi, Aurélie, Nada, Wael, Iyas, Lina,
Emmanuel, Mohamad, Alan, Agueda, Bérénice, Alexia, Modwène, Nicolas, Virginie,
Francesca, Touatia, Sébastien, Alain, Maud, Sarah, Richard, Hala, Ramzi, Céline, Vincent,
Catherine, Salam, Salim, Cheikhmous, Ossama Ayiash, Patxi, Espe, Carles, Anuska,
Cristina, Pili... Merci Juan pour ton amitié infaillible et ton grand cœur. Merci Gaëlle pour
tes encouragements, pour ton aide et tes réponses précises à mes questions d’os. Adorable
Farraji, merci d’avoir apporté la joie et le bonheur toutes ces années passées en Syrie du
Nord… Abou ‘Arab, l’Archéologie sans toi est fade, merci de nous avoir nourri et pris
soin de nous au cours des missions. Merci à Thaer de m’avoir donné la chance de
travailler à Tell ‘Abr 3, à Rima pour toutes les informations concernant notre cher site
damascène Tell Aswad, à Rania pour les informations et les échanges autours des objets
en terre, à Diaa, Arwa, Khaled Abdo, Hatem et Lubna. Merci à mon grand ami Khaled
d’avoir partagé mes premiers rêves d’archéologue (aller vivre chez les bédouins !), pour
les voyages à la découverte de la Syrie et du monde. Bissan, merci d’être là et d’avoir
apporté avec toi un peu de notre Orient. Merci Souheir de tout cœur d’être là dans les
moments les plus difficiles. Merci pour le soulagement que tu m’as apporté
particulièrement ces derniers jours. Marie, ton aide pour que j’aboutisse enfin ce travail
est sans mesure. Chaque discussion avec toi a eu des répercussions immédiates et
positives sur mon enthousiasme. Tu ne m’as pas lâchée et tu étais là jusqu’au bout. Je
souhaite de tout cœur que tes compétences et tes connaissances seront récompensées à

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leur juste titre. Merci Joëlle, Bernard, Nadège et Mylène de votre tendre accompagnement
et votre soutien. Maryam, tu es un rayon de soleil. Merci pour ton amour et ta joie.

Mes trésors, mes papillons qui caressent tendrement l’âme et enjolivent l’existence, mes
nièces et mes neveux Sarah, Hazar, Joudi, Lana, Haytham, Fatima, Ward el-Sham et
Omar, merci d’avoir si joyeusement agrandi la famille.

Iman, Huda et Mohamad, mes anges gardiens dans le pays le plus dangereux du
monde… Je pense à tout l’amour que vous me donnez et mes mains se mettent à trembler
ne sachant quoi vous écrire. Merci et soyez en paix. Le jour de nos retrouvailles ne tardera
plus.

Je ne trouverai pas assez de mots dans les langues vivantes, ni dans les langues mortes,
pour te remercier à la hauteur de la merveilleuse personne que tu es. Sans toi je n’aurais
pu surmonter les dures épreuves survenues ces dernières années et particulièrement ces
derniers temps. Lionel, ton nom est entre les lignes, derrière chaque point et chaque
virgule de ce travail… et il est surtout gravé et à jamais dans mon cœur…

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Table des matières

Remerciements ............................................................................................................................................... 7

Introduction .................................................................................................................................................. 25

Partie I – Cadre chrono-culturel ................................................................................................................ 29

Chapitre 1. La Néolithisation................................................................................................................ 31

1.1. Le Natoufien (12 000 - 10 000 av. J.-C.) ...................................................................................... 32

1.2. Le Khiamien (10 000-9 500 av. J.-C.) .......................................................................................... 33

1.3. Le PPNA (9 500-8 700 av. J.-C.) .................................................................................................. 34

1.4. Le PPNB ancien (8 700-8 200 av. J.-C.)....................................................................................... 36

1.5. Le PPNB moyen (8 200-7 500 av. J.-C.) ...................................................................................... 38

1.6. Le PPNB récent (7 500-7 000 av. J.-C.) ....................................................................................... 38

1.7. Le PPNB final/PN (7 000-6 500 av. J.-C.) ................................................................................... 39

Chapitre 2. Présentation des sites archéologiques étudiés ............................................................. 41

2.1. Tell Mureybet ............................................................................................................................... 41


2.1.1. Présentation générale ........................................................................................................... 41
2.1.2. Stratigraphie et périodes d’occupation ............................................................................. 42
2.1.3. Architecture........................................................................................................................... 42
2.1.4. Economie de subsistance ..................................................................................................... 43
2.1.4.1. Les ressources végétales .............................................................................................. 43
2.1.4.2. Les ressources animales ............................................................................................... 44
2.1.5. Domaine technologique....................................................................................................... 44
2.1.5.1. Industrie lithique .......................................................................................................... 44
2.1.5.2. Mobilier lithique lourd et contenants ........................................................................ 46
2.1.5.3. Industrie osseuse .......................................................................................................... 47
2.1.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique ....................................................................... 47
2.1.6.1. Pratiques funéraires ..................................................................................................... 47
2.1.6.2. Représentations symboliques ..................................................................................... 48

2.2. Jerf el-Ahmar ................................................................................................................................ 49


2.2.1. Présentation générale ........................................................................................................... 49
2.2.2. Stratigraphie, évolution architecturale et périodes d’occupation .................................. 50
2.2.3. Economie de subsistance ..................................................................................................... 52
2.2.3.1. Les ressources végétales .............................................................................................. 52
2.2.3.2. Les ressources animales ............................................................................................... 53
2.2.4. Domaine technologique....................................................................................................... 54

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2.2.4.1. Industrie lithique ........................................................................................................... 54
2.2.4.2. Mobilier lithique lourd et contenants ......................................................................... 54
2.2.4.3. Industrie osseuse ........................................................................................................... 55
2.2.5. Domaine cultuel, artistique et symbolique........................................................................ 56
2.2.5.1. Pratiques funéraires et rituelles ................................................................................... 56
2.2.5.2. Représentations symboliques ...................................................................................... 56

2.3. Dja’de el-Mughara ........................................................................................................................ 57


2.3.1. Présentation générale ........................................................................................................... 57
2.3.2. Stratigraphie et périodes d’occupation .............................................................................. 58
2.3.3. Architecture ........................................................................................................................... 59
2.3.4. Economie de subsistance ..................................................................................................... 59
2.3.4.1. Les ressources végétales ............................................................................................... 59
2.3.4.2. Les ressources animales................................................................................................ 60
2.3.5. Domaine technologique ....................................................................................................... 60
2.3.5.1. Industrie lithique ........................................................................................................... 60
2.3.5.2. Mobilier lourd ................................................................................................................ 61
2.3.5.3. Industrie osseuse ........................................................................................................... 62
2.3.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique........................................................................ 62
2.3.6.1. Représentations symboliques ...................................................................................... 62
2.3.6.2. Pratiques funéraires et rituelles ................................................................................... 62

2.4. Tell Halula ..................................................................................................................................... 63


2.4.1. Présentation générale ........................................................................................................... 63
2.4.2. Stratigraphie et périodes d’occupation .............................................................................. 63
2.4.3. Architecture ........................................................................................................................... 65
2.4.4. Economie de subsistance ..................................................................................................... 66
2.4.4.1. Les ressources végétales ............................................................................................... 66
2.4.4.2. Les ressources animales................................................................................................ 66
2.4.5. Domaine technologique ....................................................................................................... 67
2.4.5.1. Industrie lithique ........................................................................................................... 67
2.4.5.2. Mobilier lourd ................................................................................................................ 68
2.4.5.3. Industrie osseuse ........................................................................................................... 68
2.4.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique........................................................................ 68
2.4.6.1. Représentations symboliques ...................................................................................... 68
2.4.6.2. Pratiques funéraires ...................................................................................................... 69

2.5. Abu Hureyra ................................................................................................................................. 70


2.5.1. Présentation générale ........................................................................................................... 70
2.5.2. Phases et périodes chrono-culturelles ................................................................................ 70
2.5.3. Architecture ........................................................................................................................... 71
2.5.4. Economie de subsistance ..................................................................................................... 71
2.5.4.1. Les ressources végétales ............................................................................................... 71
2.5.4.2. Les ressources animales................................................................................................ 71
2.5.5. Domaine technologique ....................................................................................................... 72

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2.5.5.1. Industrie lithique .......................................................................................................... 72
2.5.5.2. Mobilier lourd ............................................................................................................... 72
2.5.5.3. Industrie osseuse .......................................................................................................... 72
2.5.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique ....................................................................... 73
2.5.6.1. Représentations symboliques ..................................................................................... 73
2.5.6.2. Pratiques funéraires et rituelles .................................................................................. 73

2.6. Tell Aswad .................................................................................................................................... 74


2.6.1. Présentation générale ........................................................................................................... 74
2.6.2. Stratigraphie et périodisation ............................................................................................. 75
2.6.3. Architecture et organisation de l’espace ........................................................................... 76
2.6.4. Economie de subsistance ..................................................................................................... 77
2.6.4.1. Les ressources végétales .............................................................................................. 77
2.6.4.2. Les ressources animales ............................................................................................... 78
2.6.5. Domaine technologique....................................................................................................... 78
2.6.5.1. Industrie lithique .......................................................................................................... 78
2.6.5.2. Mobilier lourd ............................................................................................................... 79
2.6.5.3. Industrie osseuse .......................................................................................................... 79
2.6.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique ....................................................................... 79
2.6.6.1. Représentations symboliques ..................................................................................... 79
2.6.6.2. Pratiques funéraires et rituelles .................................................................................. 80

Partie II – Réflexions, méthodes et protocoles d’étude ........................................................................ 81

Introduction ............................................................................................................................................. 83

Chapitre 3. Acquisition : Matières premières, identification et origines ..................................... 85

3.1. Etat de la recherche ...................................................................................................................... 85

3.2. Cadre théorique et notions de base ........................................................................................... 86

3.3. Les matières d’origine végétale .................................................................................................. 88

3.4. Les matières d’origine animale .................................................................................................. 88


3.4.1. Les coquillages ...................................................................................................................... 89
3.4.1.1. Structure et composition .............................................................................................. 89
3.4.1.2. Etat de conservation et moyens d’identification ...................................................... 90
3.4.1.3. Les coquilles du corpus................................................................................................ 91
3.4.2. Les matières osseuses ........................................................................................................ 105
3.4.2.1. L’os : composition et structure .................................................................................. 105
3.4.2.2. Types d’os .................................................................................................................... 106
3.4.2.3. La dent : composition et structure ............................................................................ 107
3.4.2.4. Types de dent .............................................................................................................. 107
3.4.2.5. Identification ............................................................................................................... 108
3.4.2.6. Acquisition .................................................................................................................. 109

3.5. Les matières d’origine minérale ............................................................................................... 110


3.5.1. Méthodes et techniques d’analyse ................................................................................... 112
3.5.2. Minéraux et roches du corpus .......................................................................................... 114

15
3.5.2.1. Les oxydes .................................................................................................................... 114
3.5.2.2. Les carbonates.............................................................................................................. 116
3.5.2.3. Les sulfates ................................................................................................................... 118
3.5.2.4. Les phosphates ............................................................................................................ 118
3.5.2.5. Les silicates ................................................................................................................... 119
3.5.2.6. Matériaux indéterminés ............................................................................................. 122
3.5.3. Origines et acquisition........................................................................................................ 123

Chapitre 4. Conception : Formes et types .......................................................................................... 125

4.1. Etat de la recherche .................................................................................................................... 125


4.1.1. Les débuts : travaux pionniers .......................................................................................... 126
4.1.1.1. De la fin du XIXe siècle à 1920.................................................................................... 126
4.1.1.2. Les années 1920 et 1930, la classification d’Horace C. Beck .................................. 127
4.1.2. Classement typologique des corpus européens et français préhistoriques ................ 131
4.1.2.1. Les années 1960, André Leroi-Gourhan et les objets à suspendre du Paléolithique
supérieur européen .................................................................................................................. 131
4.1.2.2. Les années 1970, tournant dans le domaine de la parure préhistorique : Yvette
Taborin....................................................................................................................................... 132
4.1.2.3. Les années 1980, la parure funéraire néolithique et chalcolithique du Midi
méditerranéen français : Hélène Barge ................................................................................. 134
4.1.2.4. Les années 2000, la parure du Néolithique ancien des bassins parisien et rhénan :
Sandrine Bonnardin ................................................................................................................. 134
4.1.3. Travaux de classement typologique au Proche et Moyen-Orient ................................ 137
4.1.3.1. Années 1990 : Blanche Barthélémy de Saizieu et la parure de Mehrgarh ........... 137
4.1.3.2. Années 1980 et 1990, la parure proche-orientale (Syrie) : Claudine Maréchal ... 140
4.1.3.3. À partir des années 2000, la parure en pierre du Proche-Orient : Katherine
Wright et Daniella Bar-Yosef Mayer...................................................................................... 143

4.2. Choix des critères de classement, cadre théorique et conceptuel ........................................ 145
4.2.1. Premier critère : La forme du volume .............................................................................. 148
4.2.1.1. Les formes anatomiques ............................................................................................. 149
4.2.1.2. Les formes géométriques simples ............................................................................. 152
4.2.1.3. Les formes singulières ................................................................................................ 154
4.2.1.4. Les formes indéterminées .......................................................................................... 155
4.2.1.5. L’orientation des formes............................................................................................. 155
4.2.2. Second critère : Le dispositif d’attache (perforation ou percement) ............................ 156
4.2.2.1. Nombre ......................................................................................................................... 156
4.2.2.2. Longueur ...................................................................................................................... 157
4.2.2.3. Position ......................................................................................................................... 157
4.2.3. Conclusion ........................................................................................................................... 161

4.3. Classement typologique des objets de parure ........................................................................ 162


4.3.1. Les objets à perforation(s) étroite(s) ................................................................................. 163
4.3.1.1. Classes, familles et types anatomiques .................................................................... 163
4.3.1.2. Classes, familles et types géométriques ................................................................... 164
4.3.1.3. Types singuliers ........................................................................................................... 174
4.3.2. Les objets à perforation large ............................................................................................ 174

16
Chapitre 5. Transformation : Techniques de fabrication .............................................................. 175

5.1. Etat de la recherche .................................................................................................................... 175

5.2. Notions générales....................................................................................................................... 177


5.2.1. Chaîne de transformation ................................................................................................. 177
5.2.2. Techniques et stigmates..................................................................................................... 180
5.2.2.1. Les techniques de percussion.................................................................................... 181
5.2.2.2. Les techniques de pression ........................................................................................ 183
5.2.2.3. Les techniques de frottement .................................................................................... 184
5.2.2.4. D. Les stigmates .......................................................................................................... 187
5.2.3. Phases de transformation .................................................................................................. 188
5.2.3.1. Extraction de la matière première ............................................................................ 188
5.2.3.2. Traitement spécifique de la matière ......................................................................... 189
5.2.3.3. Débitage ....................................................................................................................... 190
5.2.3.4. Façonnage .................................................................................................................... 190
5.2.3.5. Création du dispositif d’attache ............................................................................... 191
5.2.3.6. Finition ......................................................................................................................... 191
5.2.3.7. Entretien, réparation ou recyclage ........................................................................... 191

5.3. Les coquillages ........................................................................................................................... 192


5.3.1. Phase de débitage ............................................................................................................... 192
5.3.2. Phase de façonnage ............................................................................................................ 193
5.3.3. Phase de création du dispositif d’attache........................................................................ 194
5.3.4. Phase de Finition ................................................................................................................ 196

5.4. L’os ............................................................................................................................................... 196


5.4.1. Phase d’extraction .............................................................................................................. 196
5.4.2. Phase de débitage ............................................................................................................... 197
5.4.3. Phase de façonnage ............................................................................................................ 198
5.4.4. Phase de création du dispositif d’attache........................................................................ 198
5.4.5. Phase de finition ................................................................................................................. 198

5.5. La pierre ...................................................................................................................................... 198


5.5.1. Phase de traitement de la matière .................................................................................... 200
5.5.1.1. Avantages du traitement thermique des roches siliceuses ................................... 200
5.5.1.2. Enquêtes ethnographiques ........................................................................................ 202
5.5.1.3. Méthode d’identification ........................................................................................... 204
5.5.1.4. Stigmates liés au traitement thermique ................................................................... 204
5.5.1.5. Protocole d’étude ........................................................................................................ 209
5.5.2. Phases du débitage et du façonnage ................................................................................ 210
5.5.3. Phase de la perforation ...................................................................................................... 211
5.5.3.1. Perforations courtes : exemple de la méthode de Larsa ........................................ 211
5.5.3.2. Perforations longues : méthode de l’Inde subactuelle ........................................... 212
5.5.3.3. Protocole d’étude ........................................................................................................ 213
5.5.4. Phase de finition ................................................................................................................. 224
5.5.4.1. Protocole d’étude des surfaces des roches dures ................................................... 226

17
Chapitre 6. Consommation: Usure et fonctions. .............................................................................. 237

6.1. Etat de la recherche .................................................................................................................... 237

6.2. L’usure (fonctionnement) .......................................................................................................... 238


6.2.1. Catégorie d’usure ................................................................................................................ 241
6.2.1.1. L’usure des surfaces .................................................................................................... 241
6.2.1.2. L’usure des volumes ................................................................................................... 244

6.3. La fonction. Rôle et signification .............................................................................................. 246


6.3.1. Structures funéraires .......................................................................................................... 248
6.3.2. Structures non funéraires ................................................................................................... 248
6.3.2.1. Structures à caractère domestique ............................................................................ 248
6.3.2.2. Bâtiments à caractère collectif.................................................................................... 248
6.3.2.3. Structures externes ...................................................................................................... 249
6.3.3. Zones non bâties ................................................................................................................. 249

Partie III – Étude du matériel archéologique ........................................................................................ 251

Chapitre 7. Tell Mureybet .................................................................................................................... 255

7.1. Les formes anatomiques ............................................................................................................ 257


7.1.1. Les coquillages .................................................................................................................... 257
7.1.1.1. Nérites d’eau douce .................................................................................................... 258
7.1.1.2. Nasses ........................................................................................................................... 260
7.1.1.3. Colombelles .................................................................................................................. 261
7.1.1.4. Cône .............................................................................................................................. 261
7.1.1.5. Valves d’Unio ............................................................................................................... 262
7.1.1.6. Dentales et étuis de vers marins ................................................................................ 263
7.1.2. Les matières osseuses ......................................................................................................... 263
7.1.3. Les pierres ............................................................................................................................ 265
7.1.4. Synthèse sur les formes anatomiques .............................................................................. 266

7.2. Les formes géométriques ........................................................................................................... 269


7.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles) ............................................................... 270
7.2.1.1. Rondelles en test .......................................................................................................... 270
7.2.1.2. Rondelles en pierre ..................................................................................................... 271
7.2.2. Objets à perforation courte centrée (disques) ................................................................. 278
7.2.3. Objets à perforations courtes bilatérales (éléments biforés).......................................... 279
7.2.4. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques) .................................................... 280
7.2.4.1. Pendeloques étroites à section arrondie ................................................................... 280
7.2.4.2. Pendeloques plates...................................................................................................... 284
7.2.4.3. Pendeloque ? ................................................................................................................ 287
7.2.5. Objets à perforations courtes unilatérales (pendeloques biforées) .............................. 288
7.2.6. Objets à perforation longue centrée (perles) ................................................................... 289
7.2.6.1. Perles tubulaires en os ................................................................................................ 290
7.2.6.2. Perles tubulaires d’origine minérale ......................................................................... 293
7.2.6.3. Perles plates ................................................................................................................. 295

18
7.2.6.4. Perle standard ............................................................................................................. 295
7.2.6.5. Techniques de fabrication.......................................................................................... 295
7.2.7. Synthèse formes géométriques ......................................................................................... 297

7.3. Forme singulière ........................................................................................................................ 299

7.4. Conclusion .................................................................................................................................. 300

Chapitre 8. Jerf el-Ahmar .................................................................................................................... 303

8.1. Les formes anatomiques............................................................................................................ 305


8.1.1. Les coquillages .................................................................................................................... 305
8.1.1.1. Nérites d’eau douce et Melanopsis ............................................................................ 305
8.1.2. Les matières osseuses ........................................................................................................ 307
8.1.2.1. Pendeloque .................................................................................................................. 307
8.1.3. Synthèse formes anatomiques .......................................................................................... 308

8.2. Les formes géométriques .......................................................................................................... 310


8.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles) .............................................................. 310
8.2.1.1. Rondelles en test ......................................................................................................... 311
8.2.1.2. Rondelles en pierre ..................................................................................................... 311
8.2.2. Objets à perforation courte centrée (disques) ................................................................. 313
8.2.3. Objets à perforations courtes bilatérales (éléments biforés) ......................................... 313
8.2.3.1. Elément biforé plat elliptique.................................................................................... 314
8.2.3.2. Eléments biforés annulaires ...................................................................................... 315
8.2.4. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques).................................................... 316
8.2.4.1. Pendeloques étroites à section arrondie .................................................................. 317
8.2.4.2. Pendeloques plates ..................................................................................................... 321
8.2.5. Objets à perforations courtes multiples (élément multi-foré) ...................................... 331
8.2.6. Objets à perforation longue centrée (perles) ................................................................... 331
8.2.6.1. Perles tubulaires en os................................................................................................ 332
8.2.6.2. Perles tubulaires d’origine minérale ........................................................................ 335
8.2.6.3. Perles plates ................................................................................................................. 340
8.2.6.4. Perles standards .......................................................................................................... 340
8.2.7. Objet à perforation longue décentrée (perle-pendeloque)............................................ 341
8.2.8. Objets à perforations longues bilatérales (perles biforées) ........................................... 342
8.2.9. Objets à perforation large (anneau) ................................................................................. 343
8.2.10. Objets divers ..................................................................................................................... 343

8.3. Une forme singulière ................................................................................................................. 344


8.3.1. Synthèse objets de formes géométrique et singulière ................................................... 346

8.4. Conclusion .................................................................................................................................. 351

Chapitre 9. Dja’de el-Mughara ........................................................................................................... 353

9.1. Les formes anatomiques............................................................................................................ 354


9.1.1. Les coquillages .................................................................................................................... 354

19
9.1.2. Les matières osseuses ......................................................................................................... 355
9.1.2.1. Incisive de bovin.......................................................................................................... 355
9.1.2.2. Vertèbre de poisson .................................................................................................... 356
9.1.3. Les pierres ............................................................................................................................ 357
9.1.4. Synthèse formes anatomiques ........................................................................................... 359

9.2. Les formes géométriques ........................................................................................................... 360


9.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles) ............................................................... 361
9.2.2. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques) .................................................... 361
9.2.1.1. Pendeloques étroites à section arrondie ................................................................... 361
9.2.2.2. Pendeloques plates...................................................................................................... 362
9.2.2.3. Pendeloque globuleuse............................................................................................... 371
9.2.3. Objets à perforations courtes bilatérales (pendeloques biforées) ................................. 371
9.2.4. Objets à perforations longues centrées (perles) .............................................................. 372
9.2.4.1. Les perles tubulaires en os ......................................................................................... 372
9.2.4.2. Perles tubulaires d’origine minérale ......................................................................... 375
9.2.4.3. Perles plates ................................................................................................................. 378
9.2.4.4. Perle standard .............................................................................................................. 380
9.2.5. Objets à perforations longues bilatérales (perles biforées) ............................................ 381
9.2.6. Synthèse formes géométriques ......................................................................................... 382

9.3. Les formes singulières................................................................................................................ 384

9.4. Conclusion ................................................................................................................................... 385

Chapitre 10. Tell Halula ....................................................................................................................... 389

10.1. Les formes anatomiques .......................................................................................................... 391


10.1.1. Coquillages ........................................................................................................................ 391
10.1.1.1. Limnées....................................................................................................................... 391
10.1.1.2. Nérites ......................................................................................................................... 392
10.1.1.3. Cyprées ....................................................................................................................... 396
10.1.2. Synthèse sur les formes anatomiques ............................................................................ 408

10.2. Les formes géométriques ......................................................................................................... 412


10.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles) ............................................................. 412
10.2.1.1. Types, matières et couleurs ...................................................................................... 413
10.2.1.2. Etude morpho-métrique ........................................................................................... 416
10.2.1.3. Techniques de fabrication ........................................................................................ 420
10.2.2. Objet à double perforation courte bilatérale (élément biforé) .................................... 424
10.2.3. Objets à double perforation courte unilatérale (pendeloques biforées) .................... 426
10.2.4. Objets à perforation longue centrée (les perles)............................................................ 427
10.2.4.1. Les perles tubulaires ................................................................................................. 428
10.2.4.2. Les perles plates......................................................................................................... 436
10.2.5. Synthèse sur les formes géométriques ........................................................................... 457

10.3. Conclusion ................................................................................................................................. 462

20
Chapitre 11. Abu Hureyra ................................................................................................................... 465

11.1. Les formes géométriques ........................................................................................................ 466


11.1.1. Objets à perforation longue centrée (perles) ................................................................. 466
11.1.1.1. Les perles plates ........................................................................................................ 466
11.1.1.2. Analyse morpho-métrique ...................................................................................... 470
11.1.1.3. Techniques de fabrication........................................................................................ 471
11.1.1.4. Chaîne de fabrication des perles plates en talc et en serpentine à col ou/et à
convexités ................................................................................................................................. 475
11.1.1.5. Chaîne de fabrication des perles plates simples en quartz et en agate ............. 475
11.1.1.6. Traces d’usure ........................................................................................................... 476
11.1.2. Synthèse générale et conclusion ..................................................................................... 476

Chapitre 12. Tell Aswad ...................................................................................................................... 479

12.1. Les formes anatomiques.......................................................................................................... 481


12.1.1. Les coquillages .................................................................................................................. 481
12.1.1.1. Trochidés ................................................................................................................... 481
12.1.1.2. Nérites marines ......................................................................................................... 482
12.1.1.3. Nérites d’eau douce .................................................................................................. 484
12.1.1.4. Cyprées ...................................................................................................................... 485
12.1.1.5. Murex ......................................................................................................................... 493
12.1.1.6. Nasses ......................................................................................................................... 495
12.1.1.7. Colombelle ................................................................................................................. 497
12.1.1.8. Cône ............................................................................................................................ 498
12.1.1.9. Colombelles ou cônes ? ............................................................................................ 498
12.1.1.10. Glycymeris................................................................................................................. 499
12.1.1.11. Dentales.................................................................................................................... 499
12.1.2. Les matières osseuses....................................................................................................... 500
12.1.2.1. Défense de sanglier................................................................................................... 500
12.1.3. Les pierres ......................................................................................................................... 501
12.1.4. Synthèse formes anatomiques ........................................................................................ 503

12.2. Les formes géométriques ........................................................................................................ 506


12.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles) ............................................................ 506
12.2.1.1. Matières et couleurs ................................................................................................. 507
12.2.1.2. Types et étude morpho-métrique ........................................................................... 508
12.2.1.3. Techniques et usure .................................................................................................. 509
12.2.2. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques).................................................. 510
12.2.2.1. Pendeloques plates ................................................................................................... 510
12.2.3. Objets à perforations courtes unilatérales (pendeloques biforées) ............................ 513
12.2.4. Objets à perforations courtes bilatérales (éléments biforés) ....................................... 515
12.2.5. Objets à perforation longue centrée (perles) ................................................................. 517
12.2.5.1. Perles en os ................................................................................................................ 517
12.2.5.2. Perles en matières minérales ................................................................................... 519
Techniques et usure................................................................................................................. 527
12.2.6. Objets à double perforations longues bilatérales («perles biforées ») ....................... 528

21
12.2.7. Objets recyclés ................................................................................................................... 529
12.2.7.1. La pendeloque/perle ................................................................................................. 529

12.3. Les formes singulières .............................................................................................................. 530


12.3.1. Pendeloque en « crochet » ............................................................................................... 530

12.4. Objets à perforation large ........................................................................................................ 532

12.5. Synthèse formes géométriques et singulières ....................................................................... 533

12.6. Conclusion ................................................................................................................................. 535

Partie IV – Synthèse et discussion .......................................................................................................... 537

Chapitre 13. Choix et origines des matériaux ................................................................................... 539

13.1. Catégories principales des matières ....................................................................................... 539

13.2. Origines et acquisition des matériaux ................................................................................... 542


13.2.1. Les coquillages .................................................................................................................. 544
13.2.1.1. Choix ........................................................................................................................... 544
13.2.1.2. Provenance ................................................................................................................. 549
13.2.2. Les matières minérales ..................................................................................................... 552
13.2.2.1. Choix ........................................................................................................................... 552
13.2.2.2. Provenance ................................................................................................................. 557

13.3. Conclusion ................................................................................................................................. 564

Chapitre 14. Evolution morphologique et typologique et marqueurs culturels ........................ 569

14.1. Evolution des formes volumiques.......................................................................................... 569


14.1.1. Les formes anatomiques et singulières .......................................................................... 570
14.1.2. Les formes géométriques ................................................................................................. 571

14.2. Evolution typologique et marqueurs culturels..................................................................... 572


14.2.1. Types anatomiques et singuliers..................................................................................... 572
14.2.2. Types géométriques .......................................................................................................... 576
14.2.2.1. Les rondelles .............................................................................................................. 577
14.2.2.2. Les pendeloques ........................................................................................................ 580
14.2.2.3. Les perles .................................................................................................................... 584

14.3. Conclusion ................................................................................................................................. 589

Chapitre 15. Savoir-faire et schémas de transformation ................................................................ 593

15.1. Transformations techniques simples ..................................................................................... 594


15.1.1. Eléments percés en coquillages ....................................................................................... 594
15.1.1.1. Theodoxus .................................................................................................................... 596
15.1.1.2. Cyprées ....................................................................................................................... 596
15.1.2. Pendeloques et disques sur galets .................................................................................. 600
15.1.3. Les tubes en os ................................................................................................................... 601

15.2. Transformations techniques complexes ................................................................................ 602

22
15.2.1. Rondelles discoïdes .......................................................................................................... 603
15.2.2. Les perles plates................................................................................................................ 605
15.2.2.1. Roches siliceuses (Calcédoines) .............................................................................. 605
15.2.2.2. Roches tendres .......................................................................................................... 613

15.3. Gestion, entretien et recyclage ............................................................................................... 614

15.4. Conclusion ................................................................................................................................ 614

Chapitre 16. Usage et fonctions .......................................................................................................... 617

16.1. Bilan général sur l’usure des objets ....................................................................................... 617

16.3. Modes d’attache ....................................................................................................................... 618

16.4. Ensembles d’éléments regroupés........................................................................................... 622


16.4.1. Contextes et lieux de découverte ................................................................................... 622
16.4.2. Composition et agencement............................................................................................ 625
16.4.3. Types de parure ................................................................................................................ 632

16.5. Rôles et fonctions ..................................................................................................................... 634


16.5.1. Parure de la vie quotidienne ou mortuaire ? ................................................................ 634
16.5.2. Parures identitaires ?........................................................................................................ 639
16.5.3. Parures rituelles ? ............................................................................................................. 639

Conclusion .................................................................................................................................................. 641

Références bibliographiques .................................................................................................................. 653

23
24
Introduction

Les études d’objets de parure préhistoriques au Proche-Orient sont


ponctuelles et loin d’être systématiques contrairement aux études sur l’industrie
lithique, les pratiques funéraires ou l’architecture. Par ailleurs, cette catégorie
d’artefacts est rarement trouvée en abondance sur les sites. Les faibles effectifs ont
évidemment des répercussions quant à la représentativité des éléments, ce qui
pourrait expliquer en partie l’absence d’études pour certains sites. Néanmoins, si
cette faiblesse dans les effectifs n’est pas due à un biais lié aux stratégies de
fouilles alors c’est une donnée tout à fait intéressante qui mérite d’être analysée.

Généralement, les principaux contextes archéologiques qui livrent le plus


grand nombre d’objets sont les sépultures et les « ateliers » de fabrication. En ce
qui concerne le domaine funéraire, les pratiques documentées jusqu’à présent
pour la zone qui nous intéresse diffèrent considérablement selon la période, la
culture ou la région, et parer les défunts n’est pas toujours la norme. Le contexte
artisanal, quant à lui, est rare mais généralement mieux connu au Néolithique qu’à
l’Epipaléolithique. Les objets trouvés dans des contextes autres (habitat,
fondations de structures, caches, silo, foyer, zone de rejet, etc.) sont fréquents.

D’autre part, les études de la parure préhistorique au Proche-Orient sont


habituellement réalisées séparément selon la matière du support. Ainsi, les objets
en matières osseuses sont généralement confiés aux spécialistes de l’industrie
osseuse (e.g. Sidéra 1993 ; Le Dosseur 2006), les objets en coquillages, notamment
pour leur identification taxonomique, sont réservés aux malacologues (e.g. Bar-
Yosef Mayer 2005) et les objets en pierre sont traités d’un point de vue
technologique par les technologues afin de comprendre le fonctionnement de
certains outils lithiques (e.g. Astruc 2002 ; Arimura 2007 ; Quinn et al. 2008). Ainsi,
les objets de parure sont rarement étudiés en tant que catégorie homogène
d’artefacts, quelle que soit la nature de la matière utilisée. Or, pour mieux
comprendre le rôle de la parure au sein d’une société, il nous semble absolument
indispensable de comprendre sa diversité dans son ensemble. Dans la littérature
proche-orientale préhistorique, les travaux de C. Maréchal font exception

25
(Maréchal 1991 ; 1995 ; Maréchal & Alarashi 2008). Toutefois, l’étude des objets de
toutes sortes (coquillages, parties osseuses, roches et minéraux divers) nécessite un
minimum de connaissances dans plusieurs domaines, à la fois en malacologie, en
archéozoologie, en technologie et en géologie. Le travail présent se propose de
traiter l’ensemble des objets de parure trouvés sur les sites en prenant en compte
tous les matériaux conservés et la nature des contextes de découverte.

Nous proposons donc une étude diachronique et pluridisciplinaire des


objets provenant de six sites syriens1. Leurs périodes d’occupation couvrent en
grande partie celles des principales étapes du processus de la Néolithisation2 du
Proche-Orient, soit entre le 12e et le 7e millénaire avant J.-C. Ce processus, que
nous présenterons plus loin, fut rythmé par des événements majeurs : d’abord la
sédentarisation, ensuite la mise en place des premières pratiques agricoles, puis la
domestication des animaux grégaires, la mise en place des économies pleinement
agropastorales, la consolidation du système agropastoral, et enfin l’invention et
l’adoption de la céramique sur les terres fertiles parallèlement à l’apparition du
nomadisme pastoral dans les régions arides. Ces événements et ces
transformations n’ont pas simplement bouleversé les modes de vie des
communautés humaines, elles ont eu également des répercussions importantes au
niveau de leur pensée et de leur imaginaire (Cauvin 1997). Comme dans toutes les
sociétés traditionnelles, la vie quotidienne des hommes préhistoriques devait être
guidée par des principes, des croyances, des codes sociaux et des rites auxquels les
archéologues ont difficilement accès à partir de la seule culture matérielle.

Cependant, J. Cauvin estimait que « la voie principale d’accès au psychisme


collectif des sociétés anciennes sans écriture reste leur art » (Cauvin 1997, p. 95). A
travers les vestiges à connotations symboliques, artistiques ou religieux que les
fouilles ont mis au jour nous pouvons dans une certaine mesure nous aventurer à
la recherche des sens. Derrière le « signifiant » se cache en effet le « signifié »
(Testart 2006, p. 24).

La compréhension de l’expression symbolique et artistique de l’homme au


cours de cette période est un objectif idéal pour la connaissance mais difficilement
atteignable.

1 Cf. Chapitre 2. Présentation des sites archéologiques étudiés, p. 28.


2 Cf. Chapitre 1. La Néolithisation, p. 18.

26
Les éléments de parure, objets à usage individuel, attitré à une personne, au
moins pour un temps donné, ont la vertu de communiquer un sens commun,
compris et décrypté par toute la communauté. Notre étude n’a pas la prétention
de vouloir déchiffrer ces sens mais a pour objectif de comprendre les
comportements humains à travers ces objets en essayant de mettre en lumière les
différents aspects les concernant. Dans notre travail, ces aspects sont ceux
annoncés dans l’intitulé : « Techniques et usages, échanges et identités ».

A travers l’analyse technologique et la reconstitution des chaînes


opératoires, nous tenterons de mesurer le degré d’investissement technique,
d’évaluer si le niveau de technicité des éléments requiert des conditions ou
compétences particulières, de retracer l’évolution des techniques au cours du
temps et d’aborder la question des savoir-faire, de transmission dans le domaine
de l’artisanat préhistorique.

A travers l’étude des usages et la reconstitution des « chaînes d’usure »,


nous traiterons de la question de la fonctionnalité des éléments. Comment furent-
ils attachés et portés ? Au sein d’une parure, quel est le degré
d’homogénéité/hétérogénéité de l’usure des éléments ? Quelles sont les
dynamiques de substitution/remplacement ? Quel est la durée de vie d’une
parure ? S’agit-il d’une parure « neuve », « ancienne », « entretenue » ? Peut-on
aborder la question de la « mémoire » à travers les parures anciennes héritées
d’une génération à l’autre ?

A travers l’étude des matières premières, l’identification des origines de


celles-ci, nous tenterons de déterminer quels sont les objets dont le support est
autochtone, et ceux dont le support est allochtone. Pour ces derniers, qu’ils soient
à l’état de « matières brutes » ou « d’objet finis », l’identification de l’origine nous
amènera à poser la question des modalités d’approvisionnement. Leur acquisition
peut en effet les inscrire dans des voies de circulations et d’échanges entre des
communautés contemporaines parfois très éloignées les unes des autres. Cela nous
permettra également de revenir sur la question de l’artisanat et évaluer s’il s’agit
d’un artisanat local ou des objets importés. Quelles que soient l’origine ou les
modalités d’acquisition, les problématiques autour de la matière première sont
fondamentales à explorer quant à la valeur sociale, économique, voire politique
que ces petits objets peuvent avoir.

27
Le volet « identité » est traité principalement à travers la question de la
forme de l’élément et du type auquel il se rattache par rapport à d’autres éléments.
L’identité d’un élément, sa forme, sont généralement les héritières de toute une
histoire, propre à un individu, à une communauté ou à plusieurs générations.
Pour approcher ces aspects, nous tenterons de retracer l’évolution des formes
qu’ont prises ces éléments de parure au cours de la Néolithisation, sur un site en
particulier ou une région donnée.

La combinaison de l’ensemble des données issues de chacune de ces


approches nous permettra de reconstituer en partie la place et le rôle qu’ont
occupé ces petits objets dans la vie de l’homme néolithique, souvent jusque dans
sa tombe, et contribuer ainsi à la compréhension de son comportement dans des
sociétés en pleine mutation.

28
Partie I

CADRE CHRONO-CULTUREL

29
30
Chapitre 1. La Néolithisation

L’histoire de l’homme est marquée par des moments-clés, des moments


durant lesquels se concrétisent et se développent les nouvelles connaissances qu’il
a découvertes et acquises par l’expérience individuelle et collective, sous forme de
savoir cumulatif et progressif. L’un de ces moments est celui de la Néolithisation.
Cette période, bien que très courte au regard de la part qu’elle a occupée dans le
temps, fut décisive. En effet, les profondes transformations qui sont survenues à
cette époque lui ont valu la qualification de « Révolution néolithique », terme
proposé par l’archéologue V. G. Childe dans les années 30 suite à ses découvertes
concernant l’apparition de l’agriculture et de l’élevage chez les communautés
néolithique en Europe (Childe 1934).

Par opposition au « Néolithique » qui constitue un état, la mise en place de


la période néolithique et son déroulement sont appelés « Néolithisation » et
désignent un processus qui a fait passer des sociétés de chasseurs-cueilleurs
(prédateurs) à un mode de vie basé sur l’agriculture et l’élevage (producteurs)
(Cauvin et al. 1998, p. 58 ; Aurenche & Kozlowski 1999, p. 133). Au Proche-Orient,
ce processus s’est produit sans aucune influence extérieure entre la fin du
Pléistocène et le début de l’Holocène, i.e. entre 12 000 et 7 000 BC environ et fut,
dans l’état actuel des connaissances, le plus ancien au monde (Cauvin 1997 ;
Cauvin et al. 1998 ; Aurenche et Kozlowski 1999).

Comme tout processus, la Néolithisation se caractérise aussi par des « fins »


et des « commencements » (Belfer-Cohen & Goring-Morris 2005, p. 22). La
sédentarisation de l’homme, qui débute véritablement vers 12 000 BC, peut être
considérée comme le « commencement », et l’invention de la céramique, vers 6 900
BC, comme sa « fin ». Entre ces deux extrémités, des événements majeurs
concernant tous les domaines de la vie d’ordre aussi bien matérielle
qu’intellectuelle, se sont succédés et peuvent être retracés diachroniquement et
synchroniquement. Autrement dit, les transformations économiques majeures qui
caractérisent la Néolithisation se sont également accompagnées de changements
d’ordre artistique et symbolique, des changements qui se traduisent au niveau de
la mentalité des sociétés (Cauvin 1997).

31
Nous allons exposer ici, de manière concise, les étapes successives de la
Néolithisation telles qu’elles furent établies par les chercheurs de la Maison de
l’Orient et de la Méditerranée à Lyon (Aurenche et al. 1987). Cette périodisation est
la suivante :

• Période 1 (12 000 - 10 000 av. J.-C.) : Natoufien


• Période 2a (10 000-9 500 av. J.-C.) : Khiamien
• Période 2b (9 500-8 700 av. J.-C.) : PPNA (Pre-pottery Neolithic A)
• Période 3a (8 700-8 200 av. J.-C.) : PPNB ancien
• Période 3b (8 200-7 500 av. J.-C.) : PPNB moyen
• Période 4 (7 500-7 000 av. J.-C.) : PPNB récent
• Période 5 (7 000-6 500 av. J.-C.) : PPNB final/PN (Pottery Neolithic)

Les caractéristiques propres à chaque période seront décrites selon les


désignations traditionnelles des principaux horizons chrono-culturels.

1.1. Le Natoufien (12 000 - 10 000 av. J.-C.)

La période natoufienne, qui dure près de 2 millénaires, est à rattacher à la


fin de l’Epipaléolithique. Elle est divisée en trois principales sous-périodes : le
Natoufien ancien (12 700 à 11 250 BC), le Natoufien récent (11 250 à 10 200 BC) et
le Natoufien final (10 200 à 10 000 BC) (Bar-Yosef & Valla 1991 ; Valla 2000).

Le caractère fondamental de cette période est celui de l’engagement des


communautés humaines dans un processus de sédentarisation (Cauvin 1997,
p. 36). Les Natoufiens vivaient dans des structures circulaires semi-enterrées en
pierre et pratiquaient l’inhumation de leur défunts dans des sépultures primaires
ou secondaires au sein de l’habitat ou dans des nécropoles (Bar-Yosef &
Belfer-Cohen 1989 ; Bocquentin 2003). Ces implantations sous forme de premiers
« villages » sont bien connues au Levant Sud, plus particulièrement dans la région
de Carmel-Galilée, zone centrale pour cette culture. Le site de Mallaha constitue
l’un des plus importants et des plus connus pour la culture natoufienne. Au
Levant Nord, la culture natoufienne est moins documentée et apparaîtrait plus
tardivement, bien que de récentes découvertes et datations tendent à corriger ce

32
point de vue (e.g. Dederiyeh Cave, cf. Nishiaki et al. 2011). Ainsi, les sites d’Abu
Hureyra 1 (Phase I : Natoufien récent) (Moore et al. 2000) et de Tell Mureybet
phase IA (Phase IA : Natoufien final) (Cauvin 1977 ; Ibáñez 2008) constituent les
seuls exemples d’occupation dans le Moyen Euphrate.

Les Natoufiens, peuples de chasseurs-cueilleurs accompagnés du chien,


leur seul animal domestique (Dayan 1994), exploitaient une grande diversité des
ressources animales et végétales. Leurs outillages et leurs armements lithiques
sont essentiellement microlithiques. Leur industrie osseuse est très riche (Le
Dosseur 2006) ainsi que leur mobilier lourd (Bar-Yosef & Belfer-Cohen 1989 ;
Bar-Yosef & Valla 1991 ; Moore et al. 2000). Les exemples de matières premières
allochtones exploités à cette période sont certains coquillages de la Mer Rouge
(Bar-Yosef Mayer 1997) utilisés dans les parures, et des petites lames ou éclats en
obsidienne provenant des gîtes anatoliens (Göllü Dag Est, en Cappadoce) et
trouvés par exemple à Mureybet, Jéricho et Mallaha (Delerue 2007, p. 179).

1.2. Le Khiamien (10 000-9 500 av. J.-C.)

Le Khiamien est une courte période de transition entre le Natoufien et les


différentes cultures PPNA du Proche-Orient (Stordeur 2000a, p. 36). Elle a été
définie par l’apparition d’un nouveau type d’armement, la pointe d’El Khiam, qui
est une pointe à encoches latérales identifiée pour la première fois sur le site
d’El-Khiam près de la Mer Morte. Parallèlement aux pointes d’El-Khiam,
l’industrie lithique est caractérisée par une production microlithique. La chasse et
la cueillette sont la base de subsistance des Khiamiens qui vivaient dans des
petites constructions enterrées ou en surface. L’industrie osseuse est
particulièrement importante à cette période et riche en innovations. A cette
période, des changements surviennent également dans le domaine symbolique,
changements expliqués selon J. Cauvin (1997) par la théorie de la « Révolution des
symboles » durant laquelle deux nouvelles figures consacrées apparaissent : la
femme et le taureau (ibid., p. 44). La première, sous forme de figurines réalistes ou
schématiques en pierre, met en avant le sexe féminin parfois très explicitement. La
seconde symbolise le taureau et sa puissance par ces cornes que l’on enterre sous
les maisons (Cauvin 1997, p. 46) ou qu’on accroche aux murs (Stordeur 2014).

33
Dans le Levant nord, plusieurs sites khiamiens sont désormais connus : les
phases IB et II de Mureybet, les premières occupations du site de Tell Qaramel
(Mazurowski et al. 2009), et plusieurs sites prospectés ou fouillés récemment dans
la région de Jabal Bal’as (Abbès 2007). Dans la vallée du Jourdain on peut citer le
site éponyme, mais aussi Hatoula et Gilgal (e.g. Lechevalier & Ronen 1994).

1.3. Le PPNA (9 500-8 700 av. J.-C.)

Les fouilles menées à Jéricho à la fin des années 50 par K. M. Kenyon sont à
l’origine des termes « Pre-Pottery Neolithic A (PPNA) and B (PPNB) ». Depuis, le
PPNA est connu comme la première étape de l’ère néolithique, bien que certains
chercheurs le considère comme une période « protonéolithique » (Aurenche &
Kozlowski 1999, p. 37). Le PPNA connaît plusieurs faciès culturels que l’on
distingue selon les régions. Héritiers du Natoufien et du Khiamien, les plus
connus sont le Mureybétien et le Sultanien (Cauvin 1997, p. 57). Le Mureybétien
fut établi suite aux fouilles menées à Tell Mureybet (Cauvin 1977 ; Ibáñez 2008) et
à Cheikh Hassan (Cauvin 1980). Cette culture a été également identifiée dans des
sites voisins comme Jerf el-Ahmar (Stordeur 1999a ; 2000a), Tell ‘Abr 3 (Yartah
2004 ; 2013) dans la zone du Moyen Euphrate, ou encore à Tell Qaramel au nord
d’Alep (Mazurowski & Jammous 2001). Des parallèles avec le Mureybétien ont pu
être faits avec certains sites turcs, notamment avec Göbekli Tepe dans la région
d’Urfa dans le Haut Euphrate (Schmidt 2011). Pour certains aspects dans le
domaine architectural (bâtiments communautaire) ou au niveau de la culture
matérielle (objets de parure), des comparaisons peuvent être faites entre les sites
de la culture mureybétienne et les sites en partie contemporains du sud-est turc :
Çayönü (Erim-Özdoğan 2011), Gusir Höyük (Karul 2011), Hallan Çemi
(Rosenberg 2011), Körtik Tepe (Özkaya & Coşkun 2009).

Au Levant sud, le Sultanien caractérise des sites PPNA regroupés


majoritairement dans la vallée du Jourdain et dans le bassin de la Mer Morte
(Bar-Yosef & Belfer-Cohen 1989).

Au cours de la période PPNA, les villages s’agrandissent et le modèle


circulaire et monocellulaires des maisons va progressivement laisser place à des

34
plans de type rectangulaires et pluri-cellulaires construits de plain-pied (Cauvin
1997, p. 66 ; Stordeur 1999a ; Stordeur & Abbès 2002, p. 573). Les maisons vont
s’organiser autour de bâtiments enterrés particuliers, dit « communautaires »
(Stordeur 1999a ; Stordeur et al. 2000). Dans les premiers temps ces bâtiments sont
de plan circulaire, divisé en cellules rayonnantes, et leur usage aurait pu être
multiple (stockage, lieu de réunion et de célébrations). Ils perdent ensuite leur
subdivision interne, et l’espace central est plus vaste, parfois équipé de banquettes
décorées dans son pourtour. La fonction de ces lieux serait dès lors exclusivement
dédiée à des réunions collectives d’ordre social et/ou rituel (Stordeur et al. 2000).
D’après la chronologie établie à partir des architectures de Jerf el Ahmar, les
bâtiments collectifs de ce type correspondraient à la fin du PPNA et à la période
de transition PPNA/PPNB (Stordeur & Abbès 2002). Contemporain de cette phase,
le bâtiment communautaire mis au jour à Dja’de el Mughara est remarquable par
les peintures polychromes à motifs géométriques qui ornaient ses murs et
probablement son plafond (Coqueugniot 2008).

Parmi les œuvres architecturales majeures appartenant à la période PPNA


se distingue également la tour de Jéricho, haute de plus de 8 m et découverte
associée à un mur qui entourait probablement le village (Kenyon 1957). Enfin, l’un
des sites dont l’architecture est la plus spectaculaire est celui de Göbekli Tepe où
plusieurs grands bâtiments circulaires comportent une série de piliers
anthropomorphes décorés de gravures et de sculptures zoomorphes (Schmidt
2003). Les principaux animaux représentés sont l’aurochs, les félins, le sanglier, la
gazelle, le renard, le serpent, etc. (Schmidt 2003 ; 2010 ; Gourichon et al. 2006).

Le débitage laminaire sur nucléus naviformes caractérise l’industrie lithique


de la période PPNA. Le débitage unipolaire est pratiqué parallèlement au débitage
bipolaire qui apparaît à cette période (Abbès 1997 ; Stordeur & Abbès 2002). Les
pointes de flèches caractéristiques dans le Moyen Euphrate sont les pointes de
Mureybet et celles de Jerf el Ahmar.

L’événement qui marque cette période est celui de la mise en évidence au


Levant Nord (Willcox et al. 2009 ; Willcox & Stordeur 2012) comme au Levant sud
(Kuijt & Goring-Morris 2002) des premières pratiques agricoles sur des céréales de
morphologie sauvage. De nombreux indices archéobotaniques et technologiques

35
plaident en effet pour une « agriculture prédomestique » (Willcox 2000 ; Willcox et
al. 2008 ; Stordeur & Willcox 2009 ; Willcox et al. 2009 ; Willcox & Stordeur 2012).

Les ressources animales sont très diverses. La chasse aux gazelles, aux
équidés et aux aurochs est importante alors que la chasse au petit gibier est moins
pratiquée qu’aux périodes précédentes (Gourichon 2004).

En ce qui concerne le domaine symbolique, nous l’avons vu, les


représentations animales prennent une place importante (Helmer et al. 2004 ;
Stordeur 2010) et trouvent comme supports des éléments architecturaux tels que
les piliers, les dalles et les murs des bâtiments communautaires. Les bucranes
d’aurochs sont enterrés ou accrochés sur les murs des certaines structures (e.g. Jerf
el-Ahmar) (Stordeur & Abbès 2002). Les pratiques funéraires sont encore très peu
documentées pour le Moyen Euphrate.

Le passage entre le PPNA et le PPNB est connu par une période de


transition qui a pu être identifiée au Levant Nord, notamment à Jerf el Ahmar
(Stordeur & Abbès 2002), à Tell ‘Abr 3 (Yartah 2013) et à Dja’de el Mughara
(Coqueugniot 2009 ; 2010 ; 2011).

La période suivante, le PPNB, se distingue du PPNA au niveau de


l’industrie lithique et dans le domaine de l’architecture pour ce qui concerne les
traits les plus généraux. Les supports lithiques sont désormais obtenus presque
exclusivement par débitage bipolaire et les pointes de flèches sont plus grandes
(Abbès 1997 ; Cauvin, 1997) ; les villages sont de plus en plus grands, avec des
maisons de plus en plus standardisées et organisées selon un ordre régulier dans
l’espace villageois.

Le PPNB est subdivisé en quatre périodes successives : le PPNB ancien,


moyen, récent et final (Cauvin & Cauvin 1993 ; Cauvin 1997 ; Aurenche &
Kozlowski 1999).

1.4. Le PPNB ancien (8 700-8 200 av. J.-C.)

L’existence du PPNB ancien est encore débattue pour le Levant Sud.


Actuellement, seul le site de Motza, près de Jérusalem, y témoigne de cette période

36
(Khalaily et al. 2007). Ainsi, l’essentiel de l’information concernant cette période
provient du Levant Nord. Sur le Moyen Euphrate, le PPNB ancien est identifié
dans la phase IVA de Mureybet (Cauvin 1977 ; Ibáñez 2008), à Cheikh Hassan
(Stordeur 1999b) et à Dja’de el Mughara (Coqueugniot 1998) ; en Anatolie du sud-
est à Göbekli (Schmidt 2002 ; 2011), à Nevalı Çori (Hauptmann 1999 ; 2011), à
Cafer Höyük (Cauvin et al. 1999 ; 2011) et à Çayönü (Özdoğan 1999 ; Erim-
Özdoğan 2011) ; au Levant central à Tell Aswad (Stordeur et al. 2010) et à Qarassa
(Ibáñez et al. 2010 ; enfin, à Chypre sur le site de Shillourokambos (Guilaine et al.
2000).

La conception des habitats est différente selon les régions. Par exemple, au
Moyen Euphrate, les plans sont presque exclusivement rectangulaires, subdivisés
en plusieurs cellules, tandis qu’au Levant central les plans sont arrondis ou à murs
rectilignes et angles arrondis. Les enterrements ont lieu généralement au sein de
l’espace domestique (Stordeur et al. 2010) en ce qui concerne le Levant central,
mais au nord on assiste à des pratiques qui consistent à rassembler les morts dans
des constructions qui leur sont dédiées : e.g. la « maison des morts » à Dja’de
(Coqueugniot 1998) ou le « Skull building » de Çayönü (Yilmaz 2010).

En ce qui concerne l’industrie lithique, les nucléus naviformes se


développent techniquement et le débitage laminaire bipolaire se confirme et
devient quasiment exclusif (Coqueugniot 2009). Les supports laminaires sont plus
grands et plus contrôlés, probablement par l’adoption d’un débitage prédéterminé
(Abbès 1997). Le débitage par pression sur obsidienne pourrait remonter à cette
période, notamment sur les sites de Dja’de et de Tell el-Kerkh (Astruc in
Coqueugniot 2005 ; Arimura 2007).

A partir de cette période, certaines espèces de céréales sont de morphologie


domestique en différents points du Levant (e.g. Nevalı Çori et Cafer Höyük dans
le Haut Euphrate en Turquie, Aswad et Jéricho au Levant Sud et central ; Willcox
2005). Parallèlement, les premières animaux domestiques font leur apparition au
Levant Nord et à Chypre (Helmer et al. 2005 ; Peters et al. 2005).

37
1.5. Le PPNB moyen (8 200-7 500 av. J.-C.)

Il n’y a pas de véritables tournants ou changements majeurs pouvant


caractériser le PPNB moyen, qui ne serait qu’une confirmation et une affirmation
de certains aspects apparus au cours de la période précédente. Les sites datant de
cette période sont plus nombreux qu’auparavant. Sur le Haut et le Moyen
Euphrate, les principaux sites connus occupés au PPNB moyen sont Nevalı Çori,
Cafer Höyük, Akarçay, Tell Halula, Mureybet (IVB) et Abu Hurerya 2. Plus au
sud, ce sont notamment les sites de Tell Aswad, Ghoraife, Tell Ramad et Ain
Ghazal.

Au Levant Nord les maisons sont toujours rectangulaires, construites en


surface et avec un espace intérieur subdivisé. A cette période, elles atteignent un
degré de régularité remarquable et peuvent être qualifiée de standardisées comme
c’est le cas dans le site de Tell Halula (Molist & Vicente 2013). Dans le Levant
central, les plans sont généralement curvilignes et les constructions sont parfois
partiellement enterrées (Stordeur et al. 2010). Dans le domaine funéraire, les
défunts sont enterrés dans l’espace domestique au Levant Nord selon des
positions très variables (e.g. position assise à la verticale et hyper-fléchie à Tell
Halula (Ortiz et al. 2013). Il en est de même dans le Levant central bien que des
aires funéraires commencent à apparaître à la fin de cette période, comme par
exemple à Tell Aswad. L’un des aspects les plus spectaculaires dans le domaine
des pratiques funéraires, rituelles et cultuelles, est celui des crânes surmodelés qui
semble être un trait culturel propre au Levant central et au Levant Sud (Stordeur
& Khawam 2007). Le débitage bipolaire pour l’obtention des lames prédéterminée
devient partout la norme. Au Levant Nord, l’économie de subsistance est
désormais basé sur l’agriculture et l’élevage (Willcox 2005 ; Peters et al. 2005).

1.6. Le PPNB récent (7 500-7 000 av. J.-C.)

Les sites du PPNB récent sont très répandus dans tout le Levant. La taille
des villages atteint de très grandes superficies et le nombre d’habitants y est plus
élevé. Parallèlement, de nouvelles régions commencent à être occupées,
notamment les zones arides. L’un des traits caractéristiques de cette période est la

38
vaisselle blanche. Dans l’industrie lithique, les pointes de flèche de type Byblos
sont caractéristiques de cette période (Cauvin 1997). Enfin, c’est à partir de cette
période que l’on peut parler de maîtrise parfaite du système économique de
production fondé sur l’agriculture et l’élevage.

1.7. Le PPNB final/PN (7 000-6 500 av. J.-C.)

Un événement fondamental caractérise cette dernière étape du PPNB. A


partir de 6900 BC environ, la céramique est adoptée et se généralise à peu près
partout sauf dans les régions arides du Proche-Orient. Les chercheurs travaillant
au Levant Nord parlent alors d’une phase dite « PPNB final » (Cauvin 1982 ;
Stordeur et al. 1991 ; Stordeur 2000b), ceux travaillant dans le Levant Sud préfèrent
utiliser le terme de « PPNC » Rollefson & Simmons 1985) alors que le
« Néolithique céramique » (« Pottery Neolithic ») caractérise les sites contemporains
des régions plus clémentes où la poterie fait son apparition. Dans les sites des
régions arides, la fabrication et l’utilisation de vaisselle blanche en plâtre
perdurent. L’industrie lithique se caractérise par un débitage bipolaire
extrêmement performant pour l’obtention de lames prédéterminées. Les pointes
de Byblos sont caractéristiques ainsi que les « burins du désert » dont l’étendue est
commune à toutes les zones arides du Proche-Orient situées entre la Syrie et la
péninsule arabique. Un nouveau mode de vie, adapté aux contextes semi-
désertiques voire désertiques, émerge : celui du nomadisme pastoral, basé sur
l’élevage des caprinés (Cauvin 1997 ; Alarashi 2006).

Le processus de la Néolithisation se termine au moment où l’homme se


prépare à construire les premières cités-états en Mésopotamie, avant l’invention
de l’écriture. Son Histoire n’a pas commencé au Néolithique mais c’est sans doute
au cours de cette période-clé qu’il a franchi un cap déterminant pour son avenir en
cherchant à maîtriser le monde qui l’entoure.

39
40
Chapitre 2. Présentation des sites
archéologiques étudiés

Notre corpus comprend six assemblages de parure provenant de six sites


syriens (Tabl. 2.1). Ces assemblages couvrent une période allant du Natoufien final
au PPNB récent sans discontinuité : une collection datant du Natoufien final, une
du Khiamien, deux du PPNA, deux du PPNB ancien, deux du PPNB moyen et une
du PPNB récent. Avant de développer l’étude de ces objets, nous présenterons ici
brièvement les sites d’où ils proviennent, en commençant d’abord par les sites de
la moyenne vallée de l’Euphrate et en terminant par le site d’Aswad situé en
Damascène (Fig. 2.1).

2.1. Tell Mureybet

2.1.1. Présentation générale

Aujourd’hui noyé sous les eaux du lac Assad, le tell de Mureybet (Cauvin
1972a ; 1974 ; 1977 ; Ibáñez 2008) était situé sur la rive gauche de l’Euphrate (36°
04’ 06’’ N, 38° 05’ 26’’ E), à l’endroit où ce fleuve change de direction et se courbe
dans la direction sud-est après avoir traversé le nord de la Syrie (Fig. 2.1). Haut de
6 m, ce tell a fait l’objet de quatre campagnes de fouilles entre 1971 et 1974 qui ont
permis de mettre en évidence la présence d’une occupation humaine durant cinq
périodes chrono-culturelles préhistoriques. Ces campagnes ont livré de nombreux
vestiges architecturaux et une culture matérielle très riche issus de la fouille de
neuf secteurs de 4x4 m² sur la pente ouest du tell et de deux sondages à l’est
(AD28 et AD34). Le substratum a été atteint dans 4 secteurs.

41
2.1.2. Stratigraphie et périodes d’occupation

La stratigraphie compte sur 20 niveaux regroupés en phases (Stordeur &


Ibáñez 2008). Celles-ci correspondent, d’après les datations absolues (14C) et
relatives (culturel matérielle), aux périodes suivantes :

• Natoufien final, phase IA (niveaux 1 et 2), correspondant à la première


occupation du tell.
• Khiamien, phases IB (niveaux 3 et 4), IIA (niveaux 5 à 7) et IIB (niveaux 8 à
10).
• PPNA, phases IIIA (niveaux 11à 14) et IIIB (niveaux 15 à 18).
• PPNB ancien, phase IVA (niveau 19).
• PPNB moyen, phase IVB (niveau 20).
Tell Mureybet est considéré comme un site exceptionnel du fait de sa
longue durée d’occupation qui couvre une grande partie de la néolithisation. Les
phases du PPNB ancien et moyen ont été identifiées dans les sondages de l’est du
site sans que l’on ait pu mettre en évidence une continuité entre elles et les
périodes précédentes.

2.1.3. Architecture

Pour le Natoufien final, les vestiges architecturaux se réduisent à quelques


sols et à trois foyers en cuvette (Stordeur & Ibáñez 2008). Les vestiges de murs de
maisons les plus anciens remontent à la phase la plus ancienne du Khiamien (IB)
et correspondent à une structure subcirculaire de 6 m de diamètre creusée en fosse
peu profonde. Le plan ne présente pas de subdivision interne. Les maisons
construites en surface, de plain-pied, apparaissent à la phase IIA. Elles mesurent
entre 3 et 4 m de diamètre et ne présentent pas encore de subdivisions internes.
Les bâtiments enterrés, dont le diamètre est de six m environ, appartiennent à
cette période et eux ont des subdivisons internes. A la période suivante, au PPNA,
à côté de maisons simples à plan circulaire apparaissent les maisons rectangulaires
subdivisées. A la fin de cette période (phase IIIB), apparaissent des maisons
rectangulaires à deux ou quatre pièces et auvent dont des exemples sont connus
dans les sites contemporains tels que Jerf el-Ahmar, Cheikh Hassan. Les maisons

42
rondes et rectangulaires construites de plain-pied côtoient de grands bâtiments
circulaires enterrés et subdivisées, plus connus par les « bâtiments
communautaires ». Le bâtiment EA47 fut le premier découvert. Il comporte
plusieurs cellules rayonnantes entourant un espace central. Plusieurs parures ont
été trouvées à l’intérieur de ces cellules (Fig. 2.2a). Ce type de bâtiment, dont
l’origine pourrait remonte à la période khiamienne (ibid., p.61), représentent l’un
des traits caractéristiques de la période PPNA au Levant nord. On les retrouve à la
même période dans de nombreux sites comme à Jerf el Ahmar, à Tell ‘Abr ou à
Tell Qaramel au nord-ouest de la Syrie.

2.1.4. Economie de subsistance

2.1.4.1. Les ressources végétales


À Mureybet, les ressources végétales exploitées au Natoufien final sont
principalement des polygonacées et les cypéracées cueillies dans la plaine
inondable (Willcox 2008, p. 104). La cueillette d’engrain et de seigle est attestée par
la présence de restes carbonisés. Comme ces deux céréales nécessitent des
conditions édaphiques et climatiques différentes de celle du cours moyen de
l’Euphrate, il est probable qu’elles aient été cueillies assez loin du site (ibid.,
p. 108). Au cours du Khiamien, les ressources végétales sont les mêmes que celles
du Natoufien. Au PPNA, les céréales identifiées sont l’orge, l’engrain et le seigle
dont la morphologie reste typiquement sauvage. Cependant, l’augmentation
considérable de ces taxons parmi les assemblages carpologiques, combinée à
l’augmentation de la taille des grains, pourraient correspondre à une mise en
culture de ces céréales à cette période. A cela il faut noter également
l’augmentation en effectifs de l’outillage de mouture (Nierlé 2008) et des outils en
silex utilisés pour la moisson (M.-C. Cauvin & Abbès 2008, p. 336), ainsi que
l’intensité des traces de moisson sur les outils (Ibáñez et al. 2008, p. 378). La
présence de structures de stockage, associée à une forte augmentation des restes
de microfaune de rongeurs commensaux (Haidar 2004), est un argument qui va en
faveur d’un stockage des céréales. Par ailleurs, la présence de mauvaises herbes
(plantes adventices) sur le site à cette période est un argument supplémentaire en

43
faveur des premières pratiques agricoles (Willcox 2008, p. 111). Pour la période
PPNB, les données archéobotaniques sont insuffisantes.

2.1.4.2. Les ressources animales


Les pratiques liées aux ressources animales (Gourichon & Helmer 2008)
évoluent entre le Natoufien final et le PPNB moyen sur le site de Mureybet. Au
début de l’occupation, la faune est sauvage, à l’exception du chien, et se caractérise
par une prédominance des gazelles et des équidés, suivis par les lièvres, les
renards et les oiseaux. Bien que leurs fréquences ne soient pas très significatives,
les aurochs, les sangliers, les mouflons et les daims de Mésopotamie constituent
un apport carné important pour les natoufiens. Les oiseaux chassés sont d’une
grande diversité mais sont principalement représentés par les canards colvert et
les sarcelles. Au Khiamien, la chasse aux gazelles augmente considérablement :
leurs restes représentent plus de 70% des os identifiés, au détriment de ceux de
renard et d’oiseaux (Gourichon 2004, p. 253). Les restes de poissons sont
documentés pour cette période, comme pour la période précédente. Cependant, à
la fin du Khiamien, la chasse aux gazelles diminue progressivement pour laisser
place, au PPNA, à une chasse aux animaux de plus grande taille comme les
équidés et les aurochs. Au cours du PPNA, la chasse au petit gibier comme les
oiseaux et les petits mammifères diminue aussi. L’avifaune chassée correspond à
des oiseaux de grande taille comme les grues et les oies. Les restes de poissons
deviennent très rares. Au PPNB, les équidés continuent à être les animaux les plus
chassés. Au PPNB ancien, dans le site contemporain de Dja’de, le bœuf est déjà
domestiqué (Helmer et al. 2005). A Mureybet, le statut du bœuf à la même période
reste problématique en raison des données insuffisantes.

2.1.5. Domaine technologique

2.1.5.1. Industrie lithique


Au Natoufien final, l’industrie lithique est compose de microlithes
géométriques, de microlithes non géométriques, de microlithes perçants, d’outils
perçants, de lames appointées, de pièces à troncatures, de pointes lourdes

44
pédonculées, de pics, d’herminettes, de burins et de grattoirs (Cauvin & Abbès
2008, p. 284-86). Ces outils sont issus essentiellement d’un débitage laminaire
unipolaire de petites lames ou lamelles (Abbès 2008, p. 238-39). Au Khiamien, le
matériel lithique se différencie de la période précédente par l’apparition
d’armatures de flèche de type El-Khiam (Cauvin & Abbès 2008, p. 318). Cette
apparition s’accompagne d’une disparition progressive des microlithes au cours
de la séquence du Khiamien (ibid., p. 322). Le débitage est toujours laminaire
(Abbès 2008, p. 242-55) mais un changement se produit avec l’apparition d’un
nouveau plan de frappe sur les nucleus dans un but d’entretient ; il ne s’agit pas
encore de nucleus bipolaires. Par ailleurs, des burins et des grattoirs, ainsi que des
perçoirs et micro-perçoirs ayant servi à la perforation des perles d’après les traces
diagnostiques qu’ils portent (Ibáñez et al. 2008, p. 371), complètent l’inventaire de
l’outillage khiamien de Mureybet en complément des herminettes et des pointes
de flèches. Au PPNA, le mobilier retouché en silex est très homogène et se
caractérise par l’apparition d’un nouveau type de flèche, très dominant dans cette
phase, la pointe dite « de Mureybet » (Cauvin et Abbès 2008, p. 325).
Contrairement à la période précédente, les outils perçants se raréfient (ibid.,
p. 346). Le débitage laminaire est produit désormais à partir de nucléus bipolaires.
L’objectif du débitage est celui de la production de lames les plus rectilignes
possibles à extrémité pointue, des lames prédéterminées dévolues à l’archerie
(Abbès 2008, p. 270). Ces pointes ont probablement des répercussions importantes
sur la chasse qui, à cette période, cible de plus en plus les grands mammifères (cf.
supra). Aux périodes suivantes, le débitage continue à être destiné à la production
de lames prédéterminées et va devenir la norme et la signature de la période
PPNB dont le caractéristique fondamentale est l’apparition de la pointe de Byblos
(Cauvin & Abbès 2008, p. 353).

Outre le silex local, l’industrie lithique est réalisée à partir de matériaux


d’origine allochtone comme l’obsidienne, présente sur le site dès le Natoufien final
et au cours du Khiamien bien qu’en très faibles quantités. Au cours de ces
périodes, les analyses de provenance indiquent un approvisionnement des gîtes
primaires en Cappadoce (Göllü Dağ Est) (Abbès & Sanchez Priego 2008, p. 234).
Les effectifs augmentent à partir de la période PPNA (phases III), et les techniques
et méthodes de débitage ainsi que les produits issus de ce débitage sont les mêmes

45
que ceux observés pour le silex. Les indices semblent plaider en faveur d’une taille
sur le site même. Les gîtes exploités au cours des périodes précédentes continuent
à être les principales sources d’approvisionnement mais, à partir de la phase IIIB,
l’obsidienne est également obtenue à partir des gîtes de Bingöl B en Anatolie
orientale (Delerue 2007, p. 212). L’obsidienne trouvée dans les sites contemporains
de Jerf el-Ahmar et Dja’de el Mughara proviennent également des mêmes gîtes
que ceux de Bingöl B (ibid., p. 237).

2.1.5.2. Mobilier lithique lourd et contenants


Les outils de mouture sont présents sur le site dès le Natoufien, toutefois en
très faible effectifs Il s’agit d’outils « percutants » (selon la classification établie par
M.-C. Nierlé 2008, p. 539), un fragment de mollette et un galet. Au Khiamien, le
nombre d’objets de mobilier lourd augmente légèrement. Outre les galets et
molettes, des meules fragmentaires ou entières (un cas) ainsi que des mortiers-
galets, qui font partie de la catégorie des outils « répercutants », ont été également
trouvés. Le mobilier lourd augmente considérablement en termes d’effectif à partir
de la phase III et se compose d’outils très divers : des galets percutants, des
molettes, des broyeurs, des molette-broyeurs, des pillons côtoient des meules, des
mortiers, des meules-mortiers et des mortiers-galets. Les outils entiers sont plus
nombreux qu’aux périodes précédentes. Rappelons qu’à la même période les
effectifs des céréales augmentent également sur le site. Au PPNB ancien,
l’assemblage consiste uniquement en outils percutants comme les galets, les
molettes et les broyeurs, tandis qu’au PPNB moyen, ce sont uniquement les outils
répercutants (meules et meule-mortiers) qui sont représentés (Nierlé 2008, p. 540).
Ces deux périodes ont été documentées dans deux sondages seulement et la
représentativité de ces outils pourrait être biaisée.

Parallèlement au mobilier lourd, des bassins, des récipients mobiles et des


coupelles sont également présents sur le site. Ceux-ci sont majoritairement
fabriqués en roches locales, en calcaire ou calcite massive. Deux fragments de
récipients (sans attribution stratigraphique) ont été fabriqués en roches
métamorphiques, en l’occurrence en chlorite. Ce dernier est d’origine anatolienne,
il s’agit donc d’une matière allogène. Au Natoufien et Khiamien, les récipients en

46
pierre sont peu nombreux et concernent des objets circulaires mobiles. Au PPNA,
l’effectif est plus important et les catégories sont alors plus diverses : récipients
entiers ou fragmentaires, bassins en calcaire, récipients circulaires mobiles en
calcaire et coupelles (Lebreton 2008).

2.1.5.3. Industrie osseuse


Concernant l’industrie osseuse du site (Stordeur & Christidou 2008), les
niveaux natoufiens ont livré huit outils en os, tous des poinçons dont certains
montrent des traces de traitement thermique (ibid., p. 440). Au Khiamien,
l’industrie osseuse est particulièrement intense. De nouveaux types apparaissent,
et certains vont devenir des marqueurs chrono-culturels importants, comme
l’aiguille à chas incisé et à extrémité proximale pointue, connue sous le nom
d’» aiguille de Mureybet » (ibid., p. 451). A cette période aussi appartiennent les
premiers objets dentés, les gaines et les manchons de haches. L’outillage en
matière osseuse se diversifie considérablement à la fin du Khiamien et au PPNA et
de nouveaux types vont faire leur apparition comme les « couteaux plats » et les
petites plaquettes rectangulaires. Ces dernières sont présentes à côté des poinçons,
des lissoirs et des spatules. A la période suivante, au PPNB, aucune innovation
importante n’est observée

2.1.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique

2.1.6.1. Pratiques funéraires


Les restes d’ossements humains sont peu fréquents. Les phases anciennes
de Tell Mureybet n’ont livré aucune sépulture. Au PPNA (phase IIIB, niveau 15),
un dépôt secondaire d’ossements humains a été découvert en relation avec une
habitation (Stordeur & Ibáñez 2008, p. 79) Dans un niveau attribué au PPNB
moyen, des crânes isolés ont été trouvés posés sur un support en argile dans une
sépulture primaire (Cauvin 1997, p. 111).

47
2.1.6.2. Représentations symboliques
Le site de Mureybet a livré un total de 10 figurines dont l’une est une
représentation animale tandis que les autres sont considérés comme
anthropomorphes. Parmi ces dernières, la plus ancienne remonte à la phase II, elle
est réalisée sur un support en calcaire et ne montre aucune indication de sexe
(Stordeur & Lebreton 2008, p. 621). La phase IIIA a livré huit figurines humaines
dont sept sont de sexe féminin. Parmi elles quatre sont en terre et quatre en pierre.
La figurine animale, nommée « rapace nocturne » (ibid., p. 620 ; Pichon 1985,
p. 261), appartient également à la phase IIIA (ibid., p. 620). Cependant, pour L.
Gourichon, cette figurine pourrait également représenter une tête humaine
(Gourichon 2004, p. 222). La représentation de cette figurine est par conséquent
considérée comme ambiguë (Stordeur & Lebreton 2008, p. 621). Les niveaux du
PPNB n’ont livré aucune figurine.

Il convient de rappeler ici, que la théorie de la « Révolution des symboles »,


élaborée par J. Cauvin, prend naissance quand l’auteur associe l’apparition des
premières figurines féminines au Khiamien à l’apparition des nouvelles pratiques
cultuelles comme celle de l’enterrement des cornes d’aurochs (Cauvin 1997).

Enfin, une dizaine de phalanges 1 d’équidés raclées sur la surface centrale


proviennent du PPNA et rappellent fortement celles trouvées à Dja’de el-
Mughara. Sur ces os travaillés ont été « clairement gravés des attributs sexuels, ces
objets ont été interprétés comme des figurines, vraisemblablement féminines, au même titre
que celles en pierre ou en terre » (Gourichon 2004, p. 222). L’une de ces phalanges
d’équidés était intacte mais entièrement couverte d’ocre (ibid.).

Une autre catégorie d’objets pouvant être considérés comme porteurs d’une
certaine valeur symbolique est celle des « pierres à rainures ». Ces pierres, souvent
décorées avec des chevrons et des zigzags, apparaissent à Tell Mureybet à partir
de la fin de la période khiamienne (phase IIB) et continuent d’être présentes
durant les phases IIIA et IIIB (Stordeur & Lebreton 2008, p. 625).

Les bâtons polis, réalisés souvent sur des roches d’origine allogène et dont
l’investissement technique est très important, évoque également un rôle
symbolique ou emblématique (Cauvin 1997, p. 68), d’autant plus que ces objets de
portent pas de traces d’usure particulières. Ils sont présents sur le site dès la

48
période khiamienne et vont augmenter en nombre au cours du PPNA. Des
exemples sont également connus dans les sites contemporains comme Tell ‘Abr 3,
Cheikh Hassan et Qaramel

Enfin, l’expression symbolique est indéniable sur des supports comme ceux
des objets de parure. Ceux-ci sont relativement nombreux et présents dès le
Natoufien final à Tell Mureybet. Les résultats de leur étude seront présentés dans
la partie III, chapitre 7, de cette thèse.

2.2. Jerf el-Ahmar

2.2.1. Présentation générale

Comme Tell Mureybet, Jerf el-Ahmar se situe sur la rive gauche de


l’Euphrate (Fig. 2.1), mais plus au nord, à 60 km de la frontière turque (36° 23’
30’’N, 38° 12’ 30’’ E). Découvert en 1987, il a fait l’objet d’une première campagne
de fouille en 1989 par son découvreur, T. L. McClellan, et par M. Mottram de
l’Oriental Institute of the University of Chicago (McClellan & Mottram 1994). Jerf
el-Ahmar faisait partie des terres qui allaient être inondées par les eaux de l’actuel
lac Tishrine après la construction d’un barrage. Ainsi ont démarré les fouilles de
sauvetage qui durèrent de 1995 à 1999 grâce à cinq campagnes de fouilles dirigées
par D. Stordeur en collaboration avec B. Jammous dans le cadre d’une mission
franco-syrienne.

Le site est formé de deux buttes naturelles séparées par un petit wadi. Ces
buttes sont limitées au nord par le cours du fleuve et au sud par une série de
collines plus élevées menant au Jabal Cheikh Anan, qui culmine à environ 500 m
d’altitude. Ce mont est considéré comme sacré par la population actuelle. Son
sommet est marqué par un petit mausolée dédié au Cheikh Anan en question.
Depuis le sommet, la vue couvre une large portion du cours du fleuve et les
collines d’en face.

La surface fouillée, sur les deux buttes dénommées « Eminence est » et


« Eminence ouest », s’étend sur 1200 m² (Stordeur 1998, p. 96 ; Stordeur & Abbès

49
2002, p. 567) découvrant ainsi un très grande espace construit datant du 10e
millénaire avant J.-C. (Stordeur 1999a ; 2000a).

2.2.2. Stratigraphie, évolution architecturale et périodes

d’occupation

Les stratigraphies des deux éminences n’ont pas pu être raccordées


directement. Toutefois, d’après les vestiges, les dates absolues et la culture
matérielle, il est certain que les occupations dans les deux éminences étaient en
partie contemporaines (Stordeur & Abbès 2002, p. 569). La stratigraphie du site se
base sur l’organisation des niveaux construits. Ainsi, sur près de 4 mètres de
puissance stratigraphique, dix niveaux ont été distingués sur l’Eminence est, et
sept niveaux se succèdent sur 6.5 m de profondeur environ sur l’Eminence ouest
(ibid., p. 567). En partant des niveaux les plus profonds, ces niveaux ont les
caractéristiques architecturales suivantes :

Eminence est :

• Niveaux VII, VI et V/E : petites maisons rondes sans subdivisions internes.


• Niveaux IV/E : maisons rondes à tendance polygonale concernant le plan.
• Niveaux III, II et I/E : maisons rondes, elliptiques ou semi-circulaires, dont
certaines subdivisées. Les angles extérieurs sont encore arrondis. Notons
que le niveau III/E a été intégralement incendié. Les maisons à deux pièces
et à auvent apparaissent au niveau II/E. Le niveau I/E se caractérise par une
extension de l’espace construit et par la première attestation d’un bâtiment
communautaire (EA7) (Fig. 2.2b) à subdivision interne.
• Niveau 0/E : premières maisons rectangulaires avec angles extérieurs droits.
• Niveau -I/E: plans architecturaux plus diversifiés. La qualité des
constructions domestiques diminue. Une nouvelle forme de bâtiment
communautaire (EA53) apparaît : il s’agit d’une grande structure ronde
enterrée sans subdivision interne et équipée d’une banquette ornée de
dalles. Cette construction devait fonctionner comme lieu dédié uniquement
à des réunions ou à des cérémonies et non plus comme lieu de stockage
contrairement aux types précédents (Stordeur et al. 2000, p. 40).

50
• Niveau -II/E : dépôts de surface très perturbés.

Eminence Ouest :

• Niveaux VI à IV/W : ces niveaux sont identifiés uniquement dans les


sondages. Les murs externes des maisons sont arrondis.
• Niveau III/W : maisons à murs arrondies coexistant avec des maisons
rectangulaires. Présence d’un premier bâtiment communautaire (EA30)
dont le plan est identique à celui du niveau I/E.
• Niveau II/W : plusieurs maisons rectangulaires et ovales avec subdivisions
internes entourant le bâtiment communautaire du niveau précédent, rebâti
après un premier incendie (EA30) (Fig. 2.2c et 2.3a-b).
• Niveau I/W : pauvre en maisons de plans variés. Un bâtiment
communautaire (EA100) de même type que celui de -I/E a été découvert
partiellement en urgence à la fin de la dernière campagne. Il pourrait être
attribué à ce niveau ou au niveau suivant.
• Niveau 0/W : les vestiges sont très érodés et fragmentaires.

Les niveaux des deux éminences peuvent être regroupés en quatre


phases (D. Stordeur, comm. pers.) :

• Phase ancienne : VI/E à IV/E


• Phase moyenne : III/E à I/E
• Phase récente : 0/E et III/W à II/W
• Phase de transition I/W et 0/W ainsi que –I/E et –II/E.

Les niveaux VII/E à 0/E et les niveaux VI/W à II/W correspondent à


l’horizon PPNA. Les vestiges des constructions les plus anciennes du site
reviennent à l’Eminence est. Les plus anciens de l’Eminence ouest pourraient être
contemporains de ceux du niveau II ou I de l’Eminence est. A partir de là, il n’est
pas possible d’établir une contemporanéité entre les différents niveaux des deux
éminences.

Pour les niveaux récents (-I/E, - II/E, I/W et 0/W), bien que le contexte
général soit rattachable à l’horizon PPNA, certains traits, notamment dans les

51
deux domaines architectural et technologique, sont caractéristiques du PPNB. Cela
a conduit à considérer ces occupations comme les témoins d’une « phase de
transition PPNA-PPNB » (Stordeur & Abbès 2002).

2.2.3. Economie de subsistance

2.2.3.1. Les ressources végétales


Les céréales identifiées sont l’orge, le seigle et l’engrain et l’amidonnier
(Willcox 2002a, p. 55). La présence de ces céréales est également attestée par
l’identification de balle à l’intérieur de la terre à bâtir, utilisée probablement
comme dégraissant (Willcox & Fornite 1999, p. 23). Les lentilles, les vesces et les
pois représentent les légumineuses sauvages (Willcox et al. 2008, p. 319). Les fruits
sauvages collectés sont les pistaches, les câpres, la figue, les amandes, ceux de
l’aubépine et du nerprun (Stordeur et al. 1997, p. 283 ; Willcox et al. 2008, p. 320 ;
Willcox 2008, p. 104). Les charbons de bois ont permis l’identification des essences
potentiellement exploitées à Jerf. Les espèces de la ripisylve (e.g. Populus euphratica,
Salix sp., Fraxinus sp., Tamarix sp., Alnus sp.) et de la steppe arborée (e.g.
Amygdalus sp., Pistacia atlantica, Rhamnus sp.) sont exploitées, avec une légère
préférence pour les premières.

Comme à Mureybet, ainsi que sur le site de Tell ‘Abr 3, les céréales ont une
morphologie sauvage. Cependant, les pratiques d’une culture pré-domestique des
céréales et des légumineuses est démontrée à travers des indices botaniques et
techniques (architecture et industrie lithique) (Willcox et al. 2008 ; Willcox 2008 ;
Stordeur & Willcox 2009 ; Willcox & Stordeur 2012).

Les résidus carbonisés d’une préparation alimentaire ont été trouvés in situ
dans la « cuisine » d’une maison (Stordeur & Willcox 2009). Il s’agit en grande
partie de graines de moutarde (Brassica/Sinapis) broyées et utilisées soit pour
l’huile qui pouvait en être extraite, soit comme condiments (Willcox 2002a).

52
2.2.3.2. Les ressources animales
Le village de Jerf el-Ahmar, comme les autres villages installés sur les rives
de l’Euphrate, bénéficiait de deux milieux naturels, celui de la vallée et la steppe.
Les ressources animales exploitées sont diverses, il s’agit d’une économie à large
spectre. De manière générale, la faune de Jerf el-Ahmar est similaire à celle des
phases contemporaines de Mureybet. Le chien est le seul animal domestique.
Parmi une vingtaine de mammifères identifiés dans les assemblages fauniques, la
gazelle est dominante, suivie des équidés (hémione et âne sauvage). L’aurochs a
une fréquence relativement élevée dans les niveaux inférieurs qui va diminuer
dans les niveaux supérieurs. Les ongulés tels que le daim de Mésopotamie, le
mouflon oriental et le sanglier sont présents avec des pourcentages inférieurs à 3%
des restes. C’est également le cas pour les autres mammifères de l’assemblage à
l’exception du renard qui a une fréquence légèrement plus élevé, de 4%
(Gourichon 2004, p. 288). Les taxons d’oiseaux identifiés à Jerf el-Ahmar sont
parmi les plus riches des sites néolithiques de la région (ibid., p. 259). Leur
présence est récurrente dans tous les niveaux du site est estimée entre 5 et 15% de
l’assemblage faunique, comme dans les niveaux khiamiens et PPNA de Mureybet.
Il s’agit de 45 espèces et trois taxons non spécifiés. Le francolin noir est l’oiseau le
plus couramment chassé à Jerf el-Ahmar suivie par les oies dont la fréquence est
de 16,7%. Les rapaces diurnes, pour lesquelles au moins 10 espèces ont été
identifiés, représentent 17% environ à cause du nombre élevé d’ossements de
vautour fauve. Cette espèce, rarement signalée ailleurs, était liée à des pratiques
autres qu’alimentaires. Le rôle psychopompe attribué à cet oiseau pourrait avoir
donné lieu à des pratiques rituelles et symboliques liées à la mort à Jerf el-Ahmar
(Gourichon 2002, p. 149 ; 2004, p. 300). Les grues sont également parmi les oiseaux
les plus fréquents sur site (Gourichon 2004, p. 296). Les restes de poisson sont
rares au sein des assemblages fauniques de Jerf el-Ahmar, comme c’est également
le cas à Mureybet à la même période.

53
2.2.4. Domaine technologique

2.2.4.1. Industrie lithique


L’outillage en silex de Jerf el-Ahmar ressemble à celui de la phase III de
Mureybet. Il comprend des pointes de flèches, des couteaux, des perçoirs, des
grattoirs, des lames-faucilles, etc. Les pointes de flèche sont de type Khiam et
Helouan à côté desquelles se trouvent également des « pointes de Jerf el Ahmar ».
Ces outils sont produits par un débitage unipolaire et bipolaire (Stordeur & Abbès
2002, p. 580). Rappelons que le débitage bipolaire, apparu au PPNA, vise à extraire
les lames ou les lamelles les plus rectilignes possible. Les herminettes sont
fabriquées en silex provenant des galets de l’Euphrate. Il a été démontré que ces
herminettes ont servi à la fabrication des pierres à cigare en calcaire tendre (Brenet
et al. 2001), l’élément principal des constructions à Jerf.

L’obsidienne, comme pour le site de Mureybet, est taillée sur place à partir
de blocs bruts importés provenant du Göllü-Dağ dans les niveaux anciens et de
Bingöl B dans les niveaux récents (Stordeur & Abbès 2002, p. 582).

2.2.4.2. Mobilier lithique lourd et contenants


Le mobilier lourd trouvé à Jerf el Ahmar consiste en grand nombre
d’éléments de mouture ainsi que des grands plats, grands bassins et récipients.

Les outils de moutures de la catégorie « répercutants » (cf. Nierlé 2008,


p. 539) sont principalement des meules et des mortiers dont la majorité est en
calcaire détritique et une petite portion en basalte. La plupart de ces outils ont été
trouvés au stade final de leur utilisation et furent réemployés comme éléments de
soubassement des murs des maisons. Parmi les outils percutants, ce sont
essentiellement des pilons et des molettes qui eux aussi ont été généralement
recyclés dans les radiers des maisons ou abandonnés dans les espaces extérieurs
(Stordeur 1998, p. 104).

Une découverte exceptionnelle fut mise au jour dans l’une des cellules
d’une maison incendiée (St. 10) du niveau II/W. Il s’agit de trois meules en place
dont deux calées sur des socles maçonnés en argile et accompagnées d’un certain

54
nombre de contenants immobiliers servant au stockage. D. Stordeur distingue
trois zones d’activité dans cette pièce qualifié de « cuisine » : la première est
réservée à la mouture et à la préparation culinaire avant cuisson, dans la deuxième
un aménagement évoque une sorte de brasero dans lequel la nourriture était
maintenue au chaud et la troisième zone, qui comporte trois bassins en calcaire
massif dans un angle de la pièce, était peut-être dédiée à la conservation des
aliments (Stordeur & Willcox 2009 ; Stordeur 2012, p. 38). Précisons que c’est dans
cet espace que les graines de moutardes broyées et carbonisées ont été découvertes
(Willcox 2002a).

Parmi les contenants, nous distinguons les récipients taillés dans le calcaire
local et ceux fabriqués en chlorite. Les dimensions de ces derniers sont
généralement petites. Dans ce groupe d’objets, un vase en chlorite presque entier
et décoré d’une frise de chevrons a été découvert (Lebreton 2003). Les bassins sont
en calcaire local et de grandes dimensions.

2.2.4.3. Industrie osseuse


Les outils en os à Jerf el-Ahmar appartiennent à quatre
catégories principales : les objets pointus, les outils mousses ou tranchants, les
manches, et les plaques et lames perforées (Le Dosseur 2011). Au sein de chaque
catégorie, plusieurs types sont distingués. Retenons que les objets pointus
représentent la catégorie la plus importante sur le site, avec une prédominance des
poinçons. Bien que les outils pointus soient les plus fréquents, la présence d’autres
catégories atteste une diversité des activités réalisées sur le site : « Ce sont
principalement des activités de transformation d’après les outils et leurs usures —
percement, assemblage, taille du silex, lissage, broyage — qui pouvaient avoir lieu dans
l’enceinte domestique » (ibid., p. 194).

55
2.2.5. Domaine cultuel, artistique et symbolique

2.2.5.1. Pratiques funéraires et rituelles


À Jerf el-Ahmar, les pratiques funéraires se résument à un dépôt de trois
crânes mal conservés dans un petit foyer en cuvette couvert d’une grosse pierre
(Stordeur 1998, p. 103), ainsi qu’à un autre dépôt de deux crânes placés au fond de
la logette de l’un des trous de poteau soutenant le toit du bâtiment
communautaire EA7 à son état primitif. Ceci pourrait être interprété comme un
dépôt de fondation (Stordeur et al. 2000, p. 37).

Une autre donnée concernant le domaine de la mort est celle de la


découverte d’un squelette de femme étendue sur le dos sur le sol au centre du
bâtiment communautaire EA30. D’après l’état du squelette, sa disposition et les
traces de brulure qu’il porte, l’hypothèse avancée est que la mort s’est produite
avant l'incendie du bâtiment (ibid.). Son crâne a été prélevé par la suite.

Sur le plan symbolique, la relation entre la nature psychopompe du vautour


et le traitement des morts pourrait être attestée à Jerf el-Ahmar par un certain
nombre d’indices matériels (Gourichon 2004, p. 285 ; Helmer et al. 2004).

Enfin, la pratique de l’enfouissement des bucranes d’aurochs comme dépôts


de fondation, connue à Mureybet et dans d’autres sites contemporains, ne semble
pas attestée à Jerf el-Ahmar. Cependant, la fouille d’un bâtiment circulaire du
niveau III/E, à laquelle nous avons personnellement participé, a permis de mettre
au jour au moins trois massacres et un bucrane d’aurochs à même le sol (Fig. 8.1a).
Cette découverte lui a valu le nom de "maison aux bucranes » (Stordeur & Abbès
2002, p. 568). Sur l’un des massacres, un grand et lourd collier en perles en terre
était accroché ; nous le présenterons en détail dans le chapitre consacré à l’étude
du matériel (Partie III, chap. 8).

2.2.5.2. Représentations symboliques


A Jerf el Ahmar, plusieurs supports ont servi pour des représentations
schématiques ou figuratives (Stordeur & Jammous 1995 ; 1996 ; Stordeur & Abbès
2002 ; Helmer et al. 2004 ; Stordeur 2010). Les plaquettes en pierre et les pierres à

56
rainure décorées sont parmi les plus caractéristiques et représentatives de la
période PPNA et de cette région. Les représentations comprennent des motifs
géométriques (surtout des chevrons) ou des silhouettes animales. Quant aux
animaux représentés, ce sont en premier lieu l’aurochs, les rapaces diurnes, les
carnivores (félins et renards), le serpent et le scorpion. « Ces figures portent une
charge symbolique forte et sont vraisemblablement liées à un système mythologique, voire
totémique, puisqu’on les retrouve sous des déclinaisons variées dans le PPNA et le PPNB
ancien du Nord du Croissant fertile » (Gourichon 2004, p. 285).

Deux têtes humaines constituent les seules représentations


anthropomorphes. Contrairement à Mureybet, les figurines féminines en terre ou
en calcaire et les figurines en phalanges d’équidé ne sont pas présentes à Jerf el-
Ahmar3. Enfin, plusieurs bâtons polis ont été retrouvés. L’un d’eux est gravé d’une
rainure longitudinale.

2.3. Dja’de el-Mughara

2.3.1. Présentation générale

Les fouilles de Dja’de el Mughara ont débuté, comme pour les sites de Jerf
el-Ahmar et Tell Halula, dans le cadre de la campagne internationale de sauvetage
liée à la construction du deuxième barrage sur l’Euphrate. Entre 1991 et 2010, un
total de 17 campagnes de fouilles a eu lieu sous la direction d’E. Coqueugniot,
grâce au fait que le site n’a finalement pas été directement menacé par la mise en
eau du barrage en 1999, contrairement à Jerf el Ahmar. Les découvertes
exceptionnelles faites sur ce site ont favorisé la continuité des fouilles à partir de
l’année 2000.

Comme les sites précédents, Dja’de el-Mughara (Fig. 2.1) est situé sur la rive
gauche de l’Euphrate (36°37’ N, 38°13’ E). Il s’agit d’un tell de faible hauteur
implanté sur la moyenne terrasse quaternaire de l’Euphrate (Coqueugniot 1998,
p. 109 ; Besançon & Sanlaville 1984).

3 C’est également le cas à Tell ‘Abr 3 (Yartah 2013, fig. 143).

57
Si la base de ses occupations remonte au PPNA, Dja’de est parmi les rares
sites en Syrie (et au Proche-Orient de manière générale) ayant des dépôts
archéologiques assez conséquents attribués au PPNB ancien. Pour rappel,
l’horizon PPNB a été identifié dans d’autres sites du moyen cours de l’Euphrate,
comme dans la phase IVA de Mureybet et les niveaux supérieurs de Cheikh
Hassan. Les fouilles récentes au Levant central ont mis en évidence des
occupations appartenant également à cette période. C’est le cas notamment à Tell
Aswad (Stordeur et al. 2010) et à Qarassa (Ibáñez et al. 2010). Le PPNB ancien est
également attesté, bien que uniquement par l’étude de l’industrie lithique, pour
l’un des sites découverts de la région de Bal’as (Abbès 2006). En Anatolie, les sites
contemporains de Dja’de les plus connus sont Çayönü et Nevalı Çori.

2.3.2. Stratigraphie et périodes d’occupation

Le tell, qui présente 9 m de puissance stratigraphique, a été fouillé grâce à la


réalisation de huit sondages de 5 mètres par 5 (Coqueugniot 1998 ; 1999). Les
fouilles en extension ont été réalisées uniquement sur le secteur nord-ouest se
trouvant au sommet du site (sondages A-E, B, C, D). La séquence stratigraphique a
été recherchée au sud (sondage SF), au nord (sondage ST) et à l’est (sondage SB).
Le sol vierge n’a pas été atteint mais des niveaux stériles, indicateurs d’abandon
temporaire, ont été notés dans les niveaux profonds des sondages B, C et ST. Les
débuts de l’occupation du site, d’après les datations radiocarbones et la culture
matérielle, remontent à la période de transition PPNA/PPNB voire à la fin du
PPNA.

Les datations situent les niveaux du PPNB ancien dans la deuxième moitié
du 9e millénaire avant notre ère en dates calibrées. Le site fut abandonné au PPNB
moyen et récent puis réoccupé au début du Néolithique à céramique (pré-Halaf),
au cours de la première moitié du 6e millénaire, puis au Bronze ancien III/IV,
durant la seconde moitié du 3e millénaire, pour l’installation d’une nécropole
(Coqueugniot et al. 1998). Actuellement, quatre grandes phases sont distinguées
pour la séquence néolithique du site (Coqueugniot 2009, p. 61) :

• DJI : la phase la plus ancienne, transition PPNA/PPNB (ca. 9 310-8 830 av.
J.-C.)

58
• DJII : début du PPNB ancien (ca. 8 800-8 500 av. J.-C.)
• DJIII : PPNB ancien (ca. 8 540-8 290 av. J.-C.)
• DJIV : Pré-Halaf, début VIIe millénaire av. J.-C.

2.3.3. Architecture

Les maisons rectangulaires et arrondies se côtoient dans la première phase


d’occupation de Dja’de, comme c’est le cas pour les sites PPNA de l’Euphrate. La
présence d’un bâtiment communautaire constitue un trait architectural très
distinctif de cette période (Fig. 2.2d). Cependant, ce bâtiment, plus connu comme
« la maison aux peintures », se distingue des autres par ses murs peints et décorés
avec des motifs géométriques polychromes dont la conservation est excellente
(Coqueugniot 2005 ; 2006 ; 2009 ; 2010) (Fig. 2.2e).

Au début du PPNB ancien (phase DJII), les maisons sont exclusivement


rectangulaires et composées de plusieurs cellules. Les grill-plans (série de petits
murets parallèles) apparaissent à la fin de cette phase. Durant la période
pleinement PPNB (phase DJIII), de petites constructions rectangulaires, souvent
unicellulaires, jouxtent de larges espaces faiblement aménagés. C’est à cet horizon
qu’appartient l’ensemble architectural dit la « Maison des Morts » dans lequel plus
de 70 individus furent inhumés. Les grill-plans sont caractéristiques de cette
période.

2.3.4. Economie de subsistance

2.3.4.1. Les ressources végétales


Les céréales conservent encore leur morphologie sauvage mais la présence
attestée d’une série de plantes adventices plaide pour une culture pré-domestique
(Willcox 2002b ; Stordeur & Willcox 2009 ; Willcox & Stordeur 2012). L’orge est la
céréale dominante sur le site et l’engrain et le seigle sont également présents. Les
lentilles et des fruits comme les pistaches, les amandes et les raisons sauvages sont
fréquemment collectés.

59
L’étude anthracologique (Roitel 1997) a révélé la présence d’essences
propres à la ripisylve comme les tamaris et les peupliers de l’Euphrate à côté
d’arbres caractéristiques de la steppe humide comme le pistachier, l’amandier et le
chêne à feuilles caduques.

2.3.4.2. Les ressources animales


L’étude archéozoologique des phases PPNB de Dja’de ont permis
d’identifier une vingtaine d’espèces de mammifères (Gourichon 2004). La gazelle
est dominante suivie, par ordre décroissant, par les équidés et les bovins. A partir
de la phase DJII au moins, on observe une diminution du dimorphisme sexuel
chez les bovins, ce qui est un indice de début de domestication (Helmer et al.
2005). Cependant, la présence de spécimens de grande taille indiquent la
coexistence probable d’aurochs et de bovins domestiques (Gourichon 2004, p. 316).
Une trentaine d’espèce d’oiseaux ont été identifiés (ibid. p. 323). La différence avec
la période précédente est que les oiseaux de la steppe (outarde barbue, ganga cata)
sont plus chassés que ceux de la plaine alluviale.

2.3.5. Domaine technologique

2.3.5.1. Industrie lithique


Au début de l’occupation, le débitage est majoritairement unipolaire. Le
débitage bipolaire est présent mais, contrairement à celui des périodes suivantes
(PPNB), il produit des lames arquées et torses. Les lames rectilignes issues de ce
type de débitage sont très rares à cette période. Les pointes foliacées et les pointes
ovalaires à base tronquée rectiligne ou concaves sont caractéristiques de cette
phase. Parmi les outils, les grattoirs dominent très largement et les lames à ergot
sont totalement exceptionnelles (Coqueugniot 2009, p. 62). Des changements dans
l’industrie sont constatés au cours de la phase DJII. Les nucléus naviforme se
développent considérablement d’un point de vue technologique. Les pointes de
flèche, dites d’» Aswad », sont relativement abondantes à côté d’un très grand
nombre de grattoirs.

60
L’industrie provenant de la phase DJIII se caractérise par un débitage
naviforme de grande qualité. Désormais, le débitage bipolaire est exclusif. Les
armatures consistent en des flèches à long pédoncule bien individualisé ainsi que
des flèches de court et moyen module et quelques rares flèches à pédoncule
denticulé. Les lames à ergot et les grandes lames lustrées denticulées deviennent
les éléments caractéristiques de l’outillage lithique.

L’obsidienne, matériau plus fréquente au PPNB (phases II et III) qu’au


PPNA, est exploitée essentiellement pour des produits laminaires par débitage
unipolaire et bipolaire (Astruc in Coqueugniot 2005, p. 24). La présence de
certaines pièces techniques comme une lamelle à crête, des éclats de mise en forme
d’un nucléus ainsi qu’un fragment distal d’une lame upsilon, plaide pour une
taille sur place (ibid., p. 25) et, par conséquent, pour une importation de la matière
à l’état brut. Les sources d’approvisionnement sont principalement ceux de Göllü
Dağ Est mais aussi, bien que dans une moindre mesure, ceux de Nenezi Dağ. Cette
dernière source constitue une nouveauté par rapport au PPNA (Chambrade 2012,
p. 264). L’obsidienne d’Anatolie orientale (Bingöl B/Nemrut Dağ) est présente de
manière anecdotique (Astruc in Coqueugniot 2005, p. 24).

2.3.5.2. Mobilier lourd


Les outils de mouture sont très abondants à Dja’de bien que fragmentaires
et extrêmement usés. Ils sont généralement remployés dans l’architecture (Tissier
in Coqueugniot 2009, p. 45). Le groupe des outils répercutants est dominé par les
meules dont la fréquence est supérieure à 50%. Les mortiers sont très rares. Parmi
le groupe d’outils percutants, les molettes sont majoritaires, suivies par les pillons.
Les matériaux employés sont essentiellement le basalte, à plus de 75%. Celui-ci se
trouve à quelques kilomètres au nord-est de Dja’de (ibid., p. 50). Les fonctions
déterminées sont liées aux activités de préparation de la nourriture, notamment la
mouture des céréales, mais aussi, dans certains cas, pour le broyage des minéraux
pour les colorants. Ces matières colorantes, nous l’avons vu, auraient pu servir
pour peindre et décorer les murs de certaines structures.

61
2.3.5.3. Industrie osseuse
Les outils en os à Dja’de sont plus abondants et plus élaborés au début de
l’occupation qu’à la période du PPNB. Sur des côtes de grands herbivores sont
réalisés des lissoirs et des couteaux, tandis que les aiguilles et les poinçons sont
fabriqués à partir d’esquilles osseuses (Christidou in Coqueugniot 2005 ; 2009).

2.3.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique

2.3.6.1. Représentations symboliques


Des figurines anthropomorphes en gypse, dont l’une pourrait être féminine
et une autre masculine, ont été trouvées dans le remplissage de la « maison à
peinture » (Coqueugniot 2006, p. 72 ; 2007, p. 65). D’autres représentations
anthropomorphes, plus récentes, proviennent de la « maison des morts » de la
phase DJIII. Par ailleurs, plus d’une vingtaine de figurines façonnées sur des
premières phalanges d’équidés, dont l’existence a été mise à jour sur le site de
Dja’de. Comme nous l’avons vu, des exemples ont été également signalés à
Mureybet (Gourichon 2004, p. 314 ; Christidou et al. 2009). Sur deux de ces
figurines, des attributs sexuels féminins ont été clairement figurés par relief ou
incisions profondes.

2.3.6.2. Pratiques funéraires et rituelles


L’un des aspects les plus marquants en ce qui concerne les pratiques
funéraires à Dja’de est la présence de sépultures collectives comme dans le cas de
la « maison des morts » (Coqueugniot 1998, p. 110). Des sépultures individuelles
ont été également documentées sur le site parallèlement à des dépôts de crânes
isolés sous le sol des habitations, ce qui est un trait de toute la période PPN au
Proche-Orient.

Enfin, des bucranes enterrés et des dépôts intentionnels d’animaux


nouveau-nés (de suinés notamment) ont été découverts dans les murs de certaines
habitations (Gourichon 2004, p. 314).

62
2.4. Tell Halula

2.4.1. Présentation générale

Découvert en 1986 par une équipe australienne de l’Université de


Melbourne, le site fut à nouveau prospecté en 1988 par M.-C. Cauvin, M. Molist et
A. Taha durant l’inventaire des sites susceptibles d’être inondés par la
construction du barrage de Tichrine (Cauvin & Molist 1988). La première
campagne de fouille a eu lieu en 1991, en même temps que celle de Dja’de, sous la
direction de M. Molist. Le site ayant été épargné par la mise en eau de cette
portion de vallée, les campagnes de fouilles ainsi que les missions d’étude
successives se sont poursuivies tout au long de ces années. La dernière campagne
a eu lieu au printemps 2011.

Le site de Halula (36° 25’ 34N, 38° 10’ 93 E) se distingue quant à son
emplacement par rapport aux premiers sites présentés, par le fait qu’il est situé
dans une petite vallée affluente sur la rive droite du fleuve, et par le fait qu’il est
légèrement en retrait, à 800 mètres environs, des abords de l’Euphrate. Il se trouve
presque en face de Jerf el-Ahmar et au sud du site de Dja’de (Fig. 2.1). La stratégie
de fouilles a consisté à dégager les couches archéologiques en extension. Cela a
permis de mettre en évidence la présence de plusieurs périodes d’occupation dont
l’une, celle qui nous intéresse, correspond à un véritable village d’agriculteur-
éleveurs dont la fondation remonte à la première moitié du 8e millénaire (PPNB
moyen et récent) (Molist et al. 2013a, p. 88).

Le site de Tell Halula qui s’étend sur plus de 8 ha est constitué d’un dépôt
de couches archéologiques épaisses de plus de 11 mètres de puissance dans la
partie la plus haute du tell (Molist et al. 2007, p.19). La superficie du village
néolithique est estimée à 7.1 ha (Alcade & Molist 1996, p. 47 ; Molist & Vicente
2013, p. 80).

2.4.2. Stratigraphie et périodes d’occupation

La séquence stratigraphique complète rassemble 39 phases d’occupation


couvrant environ 2500 ans (Molist & Vicente 2013). D’après les datations, la phase

63
la plus ancienne remonte à 7700 cal BC tandis que la plus récente se situerait entre
5500-5300 cal BC. En termes chrono-culturels, le site est fondé au PPNB moyen,
occupé durant tout le PPNB récent, le PN (Amuq A-B, Pré-Halaf) et jusqu’à la
transition entre le PN et le Chalcolithique (cultures Halaf et Obeid) (Molist &
Vicente 2013, p. 64 ; Molist et al. 2004, p. 48).

Cette longue séquence a été subdivisée de la façon suivante : les phases 1 à


19 correspondent à l’occupation néolithique précéramique et les phases 20 à 32 à
l’occupation néolithique à céramique. Le pré-Halaf (ca. 6 100 BC) correspond aux
phases 35 à 39 (ibid.).

Plusieurs secteurs ont été fouillés en extension ou par sondages à Tell


Halula. Notre intérêt se porte particulièrement sur le secteur 2/4 situé au sud-est
du tell sur une pente. C’est dans ce secteur que le village PPN a été mis au jour. La
superficie fouillée varie d’un niveau à l’autre mais la superficie minimale est dans
tous les cas supérieure à 100 m² (Molist & Vicente 2013, p. 32).

En ce qui concerne l’occupation néolithique précéramique, le découpage en


horizon chrono-culturel n’est pas aisé car, d’après les datations, les phases 1 à 13
se situent chronologiquement à la frontière entre deux horizons : le PPNB moyen
et le PPNB récent. La récente publication de la monographie du site (Molist 2013)
place ses phases dans un horizon dit « PPNB moyen/récent ». Les phases récentes,
de 14 à 19, quant à elles, appartiennent clairement, d’après les datations, à
l’horizon PPNB récent (ibid., p. 65).

Les objets de parure de Tell Halula que nous avons étudiés proviennent
tous des phases 7 à 13, les rares sépultures des phases récentes n’ayant livré, à
notre connaissance, aucun élément de parure. Pour leur étude et par commodité,
nous avons considéré les phases 7 à 10 comme appartenant à l’horizon PPNB
moyen et les phases 11 à 13 à celui du PPNB récent. Cette distinction ne repose pas
sur des changements majeurs et radicaux observés sur le matériel au cours du
temps mais sur deux constats : à partir de la phase 11 le nombre d’objets par unité
sépulcrale devient plus important, le cuivre devient plus fréquent, et les
coquillages présentent une plus forte diversité d’espèces. Ce découpage
nécessitera d’être affiné, notamment en fonction des effectifs des objets provenant
des phases les plus anciennes.

64
Les données principales sur les modes de subsistance, le domaine
technologique et les aspects cultuels et symboliques qui seront présentées par la
suite concernent uniquement la période néolithique précéramique.

2.4.3. Architecture

A partir de la période PPNB moyen, les villages néolithiques du Levant


nord sont généralement plus grands et paraissent plus densément peuplés qu’au
Sud (Aurenche & Kozlowski 1999, p. 74). A Halula, l’ensemble des structures
découvertes correspond à des maisons. Les bâtiments « communautaires » connus
dans les périodes précédentes sont absents. A Tell Halula, l’organisation de
l’espace villageois et architectural est d’une remarquable régularité (Fig. 2.3c-d).
Les constructions présentent toutes des caractéristiques homogènes qui tendent à
la standardisation. En effet, les maisons, dont le plan est toujours rectangulaire,
sont construites parallèlement les unes à côte des autres selon une orientation
nord/sud, plus rarement selon une orientation est/ouest. De petits espaces de
circulation (0,40 cm à 1,5 m) sous forme de petites ruelles les séparent. Les murs
des maisons des phases anciennes sont mis au profit, par superposition, pour la
construction de nouveaux habitats (Molist & Vicente 2013, p. 35).

La maison est généralement composée de trois parties nettement séparées


(Fig. 2.3d). La première, au nord, est une zone réservée aux structures de stockage.
La deuxième est la pièce principale (20 à 25 m²) qui est à son tour divisée en deux
parties : une au nord, dans laquelle le sol est enduit et où plusieurs aménagements
domestiques sont présents (un four surélevé sur socle, un foyer plat circulaire ou
rectangulaire, des trous de poteaux, parfois des niches dans les murs) ; l’autre, où
le sol est en terre, est un espace funéraire où des fosses sépulcrales sont creusées
verticalement et directement sous le sol de la maison.

La troisième partie, au sud, est un espace semi-ouvert. Elle correspond au


« patio » dans lequel se trouve l’entrée conduisant à la pièce principale. Des « grill-
plans » de petites dimensions sont souvent aménagés dans cet espace.

Des aménagements pour l’écoulement de l’eau de l’intérieur vers l’extérieur


équipaient ces maisons (Molist et al. 2007, p. 29). Les plans, les techniques et les

65
matériaux de construction sont identiques pour les deux horions PPNB. C’est à la
fin du PPNB récent qu’une construction monumentale a été découverte. Il s’agit
d’un très grand mur en pierres de plus de 4 m de haut et 28 m de longueur, dont
la fonction a été interprétée comme mur de terrassement (Molist & Faura 1999,
p. 29).

2.4.4. Economie de subsistance

2.4.4.1. Les ressources végétales


A partir de l’horizon PPNB moyen les céréales acquièrent une morphologie
domestique (Willcox 2000). Elles sont présentes à Tell Halula mais coexistent avec
les variétés sauvages, sans que l’on sache si ces dernières furent collectées dans le
cadre d’une culture pré-domestique (Molist & Faura 1999, p. 31). Le blé,
l’amidonnier et l’orge constituent les principales espèces exploitées. Parmi les
légumes, les lentilles sont de loin les plus dominantes. Les pois et le lin sont
également cultivés mais dans une moindre mesure. Les fruits consommés au
village sont principalement les câpres, les figues, les pistaches, les vignes sauvages
et les amandes (Buxó & Rovira 2013, p. 368).

Comme dans les périodes précédentes sur les sites du moyen cours de
l’Euphrate, les principales espèces de la ripisylve sont documentées à Halula :
Tamarix, Salix, Populus euphratica et Fraxinus (Piqué 2013, p. 391). En revanche, les
espèces de la steppe arborée sont majoritairement représentées par Pistacia
atlantica au PPNB moyen et au PPNB récent.

2.4.4.2. Les ressources animales


Une très grande partie de l’assemblage faunique de Tell Halula, presque la
totalité, a été étudiée. En effet, deux thèses doctorales, traitant les assemblages
avec des problématiques différentes, furent réalisées sur la faune de ce site (Saña
2001 ; Tornero 2011). Ces travaux ont permis de mettre en évidence un
changement dans l’économie de subsistance au cours du PPNB (Saña & Tornero
2008, p. 156).

66
Ainsi, la chèvre est domestique dès les phases les plus anciennes du site,
bien que la source principale de viande soit obtenue par la chasse, notamment de
l’aurochs, des gazelles, du sanglier, du daim de Mésopotamie, des équidés (âne et
hémione), de certains carnivores et des lièvres (Helmer & Saña 1996, p. 145). A
partir de la phase 8, le mouton domestique fait également son apparition.
Néanmoins, la consommation de viande reste toujours majoritairement basée sur
la faune sauvage. Un véritable changement se produit à partir de la phase 11
lorsque l’économie de subsistance se base alors en grande partie sur l’exploitation
des animaux domestiques au détriment de la faune sauvage. Au cours du PPNB
récent, l’élevage devient presque exclusif et spécialisé pour certaines espèces
(exploitation de la laine, du lait, de la force) (ibid.).

2.4.5. Domaine technologique

2.4.5.1. Industrie lithique


Plusieurs catégories de silex furent identifiés dans l’industrie lithique de
Tell Halula certaines pouvant provenir des environs du site (Borrell 2006 ; 2013).
L’obsidienne, utilisée en moindre importance, provient de Cappadoce et
d’Anatolie orientale dans des proportions à peu près égales durant le PPNB
moyen (Delerue 2007, p. 334). Toutefois, au PPNB récent, l’obsidienne provient
alors presque exclusivement d’Anatolie orientale.

Le débitage est laminaire et principalement bipolaire. Les outils sont des


pointes de flèche dont le type le plus dominant est celui de Byblos (Borrell 2013,
p. 249), les lames et lamelles et les burins. Les grattoirs, les perçoirs et les outils
denticulés sont présents en moindre proportion (Molist et al. 1994 ; 2001).
L’industrie lithique sur obsidienne est destinée à la production de petites lames et
lamelles.

L’analyse fonctionnelle a montré une utilisation extrêmement intense des


outils. Cette intensité se mesure à travers la réparation et la récupération des outils
comme les pointes de flèches, et leur réutilisation ou leur transformation dans
d’autres outils (Ibáñez & González 2013, p. 358). Des traces diagnostiques
indiquant la perforation d’une matière très dure ont été identifiées sur deux

67
perçoirs. Sur l’un, ces traces sont caractéristiques de la perforation d’un minéral
humidifié (ibid., p. 361).

2.4.5.2. Mobilier lourd


À Halula, les outils de mouture sont fabriqués en calcaire et en basalte
(Molist et al. 1994). La collection macrolithique de Tell Halula est d’une très grande
richesse et diversités. Son étude, notamment d’un point de vue fonctionnel, est en
cours dans le cadre d’une thèse doctorale (M. Bofill).

2.4.5.3. Industrie osseuse


Les outils en os de Tell Halula sont principalement les outils perforants, les
outils de frottement, les outils denticulés, des outils sur extrémités de bois de cerf
et quelques poinçons et aiguilles (Stordeur 1996 ; Barrachina 2013). L’industrie
osseuse fait l’objet d’une thèse doctorale en cours (B. Taha).

A notre connaissance, à l’exception d’un élément en défense de sanglier


trouvé dans une sépulture, aucun autre objet de parure en matière osseuse n’a été
trouvé dans les niveaux précéramiques du site. En effet, en début de notre étude,
nous avons cherché les éléments de parure en os dans la collection de l’industrie
osseuse sans aucun succès.

2.4.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique

2.4.6.1. Représentations symboliques


Plusieurs représentations symboliques furent découvertes sur le site,
notamment dans les unités domestiques de Halula. Il s’agit de peintures
appliquées sur les sols ou sur les murs des pièces principales. Le cas le mieux
conservé est celui provenant d’une maison de la phase 11 où un ensemble de 23
figurations humaines féminines étaient peintes en rouge sur fond gris de manière
schématique. Elles étaient disposées autour d’une figure géométrique
quadrangulaire à rayures qui, d’après M. Molist, pourrait être la représentation
d’un « grill-plan » (Molist & Vicente 2013, p. 114).

68
Les figurines en terre constituent des supports importants pour les
représentations symboliques à Halula. Certaines sont facilement attribuées à des
représentations d’animaux domestiques, des bovins, des caprinés, mais l’une
d’entre elles pourrait avoir figuré une gazelle (Molist et al. 1996, p. 130-33)

2.4.6.2. Pratiques funéraires


L’un des aspects les plus forts symboliquement, et qui marque la vie
quotidienne des habitants de Halula, est celui de l’intégration de l’espace funéraire
dans l’espace de vie. Comme nous l’avons précisé plus haut, la partie sud de la
pièce centrale des maisons est réservée au recueil des sépultures creusées
verticalement dans les sols (Fig. 2.3d et 2.4a). Par ailleurs, cela implique une
planification préalable avant la construction de l’habitat (Guerrero et al. 2008,
p. 553).

Jusqu’en 2011, 117 sépultures au total furent dégagées à l’intérieur de 16


maisons de différentes phases d’occupation (Ortiz et al. 2013, p. 4153). Celles ci
sont fouillées sur 7 phases successives (7 à 13). Au moins deux maisons ont été
fouillées par phase sauf dans le cas des phases 7 et 9 où seulement une maison a
été mise à jour. Bien que le nombre de maison soit égal par période (7 pour le
PPNB moyen et 7 pour le PPNB récent), le nombre de sépultures à l’intérieur de
celle-ci, notamment pour ceux possédant d’objets de parure, est nettement plus
élevé à la période PPNB récent (47 sépultures) qu’à la période plus ancienne du
PPNB moyen (17 sépultures).

Les défunts ont été inhumés dans une position assise en hyper-flexion
(Fig. 2.4b) dans des fosses en forme de silos et scellées avec une motte de terre très
compacte servant de couvercle (Guerrero et al. 2009).

Un point important à signaler ici est l’effet de la gravité. La position


verticale des différentes parties anatomiques du corps augmente les risques
d’instabilité et l’effondrement du squelette une fois terminé le processus de
décomposition organique (Ortiz et al. 2013, p. 4157). Dans le cas de squelette parés,
l’effondrement des ossements au fond de la sépulture affecte la position primaire
des parures qui vont se déplacer et peuvent se mêler parfois avec d’autres objets
contenus dans la fosse.

69
2.5. Abu Hureyra

2.5.1. Présentation générale

Le site d’Abu Hureyra fut découvert en 1964 par M. Van Loon et fouillé
entre 1971 et 1973 par A. M. T. Moore (Moore et al. 2000, p. 19). Parmi tous les sites
du moyen cours de l’Euphrate, Abu Hureyra est le plus méridional (Fig. 2.1), à
seulement 16 km du barrage de Tabqa sur la rive droite du fleuve (35° 52’ N, 38°
24’ E) (ibid., p. 23). Comme Tell Mureybet, Abu Hureyra fut inondé par les eaux en
1974 suite à la mise en fonctionnement du barrage (ibid. p. 38).

Ce grand tell de 11.5 ha et de 8 m de haut a fait l’objet de sept sondages,


quatre (A, B, C et E) au sommet, et trois (D, F et G) dans des secteurs de moindre
puissance stratigraphique. La dernière campagne de fouille a permis de découvrir
en extension les carrés A, B, C et E (Moore 1975, p. 53).

2.5.2. Phases et périodes chrono-culturelles

La première phase d’occupation du site remonte au Natoufien récent (Abu


Hureyra 1) après laquelle le site fut abandonné. Il est ensuite réoccupé à partir du
PPNB moyen et jusqu’au PN (Abu Hureyra 2). L’occupation d’Abu Hureyra 2 est
divisée en trois phases :

• La phase 2A : d’environ 9 374 BP±72 (9 100 – 8 350 av. J.-C. cal.) à 8 330
BP±100 (7 570 – 7 080 av. J.-C.)
• La phase 2B : de 8 330 BP±100 à 7 310 BP±120 (6420 – 5 990 av. J.-C.).
• La phase 2C : à partir de 7 310 BP±120, seule date disponible pour cette
phase (Moore et al. 2000, p. 477 ; Chambrade 2012, p. 271).

Le petit échantillon d’objets de parure que nous avons étudié provient de la


phase d’Abu Hureyra 2 que nous avons estimé, en nous basant sur les types
d’objets ainsi que sur les datations radiocarbones disponibles, comme appartenant
à l’horizon chrono-culturel du PPNB récent.

70
2.5.3. Architecture

Le village d’Abu Hureyra 2 partage des traits communs avec le site, en


partie contemporain, de Tell Halula. Les maisons sont construites selon un plan
rectangulaire et sont subdivisées à l’intérieur. Comme à Tell Halula, les maisons
sont construites les unes par-dessus les autres selon le même plan. Ainsi, dans un
cas, la même maison a été reconstruite jusqu’à 11 fois (Moore 1978, p. 166). Elles
sont toutes disposées de la même manière, orientées vers le sud ou le sud-ouest
(Moore et al. 1975, p. 60) et, comme à Tell Halula, de petites ruelles les séparent.
Les sols et la base des murs étaient enduits de plâtre et parfois peints en rouge et
noir (Moore et al. 2000, p. 494). Des équipements domestiques comme des
structures de stockages, des foyers, des niches dans les murs ou des plateformes se
trouvent à l’intérieur des maisons (Moore et al. 1975, p. 60). Le village néolithique
semble avoir connu une forte extension entre la phase 2A et 2B. Les archéologues
estiment que la superficie est passée de 8 à 16 ha au cours de cette période (Moore
et al. 2000, p. 493).

2.5.4. Economie de subsistance

2.5.4.1. Les ressources végétales


Les céréales identifiées à Abu Hureyra 2A sont de morphologie
domestique. Il s’agit de trois espèces de blé (Triticum aestivum/durum, T. dicoccum,
T. monococcum), de l’orge (Hordeum sativum) et du seigle (Secale montanum). Parmi
les légumineuses domestiques, trois ont été identifiées : les lentilles, les pois et les
vesces (de Moulins 1997 ; 2000). Le pois chiche est cultivé à partir de la phase 2B.
Ces céréales et légumineuses sont également présentes sous leur forme sauvage
(Moore et al. 1975, p. 73). Les principaux fruits sauvages collectés sont les figues,
les câpres et les pistaches.

2.5.4.2. Les ressources animales


L’exploitation des ressources animales à Abu Hureyra 2 est assez similaire à
celle mise en évidence pour le site voisin de Halula. Au cours de la phase 2A, les

71
espèces chassées sont dominantes et sont généralement les mêmes qu’à Halula,
mais le schéma change à partir de la phase 2B avec la diminution de la part ces
espèces, laissant la place à l’élevage des moutons et des chèvres dont les
proportions vont atteindre entre 65 et 85%. Les bœufs et les porcs domestiques
sont également exploités à partir de la phase 2B (Legge & Rowley-Conwy 2000).

2.5.5. Domaine technologique

2.5.5.1. Industrie lithique


À Abu Hureyra 2, le débitage est laminaire sur nucléus de type naviforme.
Parmi les outils, les pointes de flèches caractéristiques sont celles de type Byblos.
Les lames à faucilles sont rares. Les haches en roches vertes et les ciseaux polies
sont documentées pour cette phase. La majorité des pièces analysées de
l’obsidienne proviennent de Bingöl B et de Bingöl A/Nemrut Dağ (McDaniels et al.
1980).

2.5.5.2. Mobilier lourd


Les outils de mouture sont fabriqués en calcaire et basalte. Des meules, des
mortiers, des pillons et des pierres abrasives sont largement documentés à Abu
Hureyra 1 et 2 (Moore 2000, p. 165). Des traces diagnostiques indiquant des
activités liées à la mouture ont pu être identifiées, notamment sur des sujets de
sexe féminin, par l’analyse paléopathologique menée sur les restes humains
(Molleson 2000, p. 315).

2.5.5.3. Industrie osseuse


Des outils en os font parfois partie du mobilier funéraire (Moore &
Molleson 2000, p. 278). Dans l’une des sépultures, une aiguille est signalée (Erdem
2006, p. 60).

72
2.5.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique

2.5.6.1. Représentations symboliques


Parmi le petit nombre de figurines trouvées à Abu Hureyra, une est
remarquable. Il s’agirait de la tête d’une gazelle femelle sculptée dans du granite
(Moore et al. 2000, p. 505). Par ailleurs, les fouilles ont mis au jour un bucrane
d’aurochs enterré dans un bâtiment (ibid.). Les deux découvertes renforcent le
symbolisme autour des animaux sauvages à Abu Hureyra alors que les animaux
domestiques sont désormais présents.

2.5.6.2. Pratiques funéraires et rituelles


D’après A. Moore, les restes osseux d’un total de 150 individus ont été
dégagés à Abu Hureyra 2 (Moore et al. 2000, p. 38).

Une grande variété caractérise les pratiques funéraires ont été observées sur
le site. Les sépultures sont individuelles et collectives et contiennent des squelettes
entiers ou partiels. Les sépultures se situent généralement sous les sols des
maisons ou dans les « patios ». Dans les sépultures individuelles, les squelettes
sont disposés en position contractée. Quant aux sépultures collectives, elles
semblent avoir subi des perturbations dues à des réouvertures répétées ou au
creusement de nouvelles sépultures au même emplacement. Des squelettes sans
crânes sont documentés ainsi que des groupes des crânes isolés (Moore &
Molleson 2000).

Environ 40% des sépultures, individuelles ou collectives, comportent du


mobilier funéraire en petites quantités. Il s’agit notamment d’éléments de parure,
en particulier des perles dites « papillons » qui sont, selon A. Moore et T.
Molleson, exclusivement trouvées dans les sépultures (ibid., p. 278). Notre étude
traitera uniquement de ces perles, étant donné que ce sont les seules auxquelles
nous avons pu avoir accès.

73
2.6. Tell Aswad

2.6.1. Présentation générale

Après avoir présenté les données générales concernant les différentes


occupations épipaléolithiques et néolithiques précéramiques de la vallée de
l’Euphrate au nord de la Syrie actuelle, nous allons nous pencher maintenant sur
une toute autre région, la Damascène. Cette région est définie comme étant
constituée de deux espaces contrastées : le bassin de Damas et les contreforts de
l’Anti-Liban (Qalamun). Celles-ci délimitent le bassin de Damas au nord-ouest.
Trois tells importants sont connus dans ce bassin : Tell Ramad, Tell Ghoraifé et
Tell Aswad. Ces trois villages néolithiques furent en partie contemporains au
cours du PPNB moyen et récent. Le choix de l’étude de Tell Aswad vient du fait
qu’il a fait l’objet de plusieurs sondages et de fouilles programmées, certaines
récemment. Les premières fouilles ont eu lieu en 1971 et 1972, par son découvreur
H. De Contenson, puis entre 2001 et 2007, par D. Stordeur et son équipe syro-
française codirigée avec B. Jammous (Stordeur et al. 2010, p. 43).

Le site de Tell Aswad (Fig. 2.1) se trouve dans la périphérie sud-est du


village actuel de Jdeidet el-Khâss (33° 40’ 38 N, 36° 55’ 24 E), à 30 km environ de
Damas, juste derrière l’aéroport international. Son emplacement étant dans une
zone militaire et stratégique, il a subi des dégâts importants pendant la guerre du
Kippour en 1973. En effet, cette élévation artificielle a été a amputé sur sa
périphérie par une vingtaine d’encoches destinés à abriter des chars militaires et
par la construction de plusieurs bunkers. Ces encoches, néanmoins, ont permis un
accès direct aux niveaux archéologiques profonds et donc « une vérification rapide
de l’attribution culturelle des couches les plus anciennes » (Stordeur 2003a, p. 8). Les
fouilles récentes ont été menées au niveau de deux encoches (Secteur B à l’est, et
Secteur C à l’ouest), A partir de 2003, les fouilles se sont concentrées à l’est, sur le
secteur B où les niveaux les plus anciens du site ont été documentés (Stordeur
2003b, p. 1).

Les objets de parure de Tell Aswad proviennent majoritairement du


secteur B.

74
2.6.2. Stratigraphie et périodisation

De forme subcirculaire, le tell a un diamètre de 250 m environ. Le sol vierge


a été atteint à 430 cm du sommet et la surface fouillée est de 1000 m² (Stordeur
2006, p. 3-4).

La stratigraphie compte dix-huit niveaux successifs montrant une


occupation néolithique précéramique sans rupture. Fondé à la fin du PPNB
ancien, l’occupation se poursuit au PPNB moyen et se termine, probablement, au
PPNB récent (Stordeur et al. 2010, p. 43). Le PPNB récent est notamment évoqué
par certains aspects de l’industrie lithique, bien que ni vaisselle blanche, ni poterie
n’aient été trouvées pour confirmer cet horizon. Quant aux datations
radiocarbones, elles n’ont pas été probantes concernant la fin de l’occupation
précéramique (ibid., p. 44). Dans l’attente de nouvelles datations et d’études plus
approfondies, l’occupation néolithique précéramique du secteur B se divise en
trois phases principales. Une première division a été établie et publiée sur la base
des changements observés dans le domaine de l’architecture, des pratiques
funéraires et de l’industrie lithique (ibid.) :

• une phase ancienne correspondant aux niveaux (B12 à B9) et qui serait à
rattacher à l’horizon PPNB ancien ;
• une phase moyenne correspondant aux niveaux (B8 à B1) et au PPNB
moyen ;
• une phase récente correspondant aux niveaux B0 à B-5 ; elle commencerait
au PPNB moyen et se terminerait peut-être dans le PPNB récent.

A la lumière des données inédites communiquées dans une réunion de


travail (Jalès, le 27.11.2011) concernant le domaine de l’architecture (D. Stordeur),
les études archéozoologiques (D. Helmer) et archéobotaniques (G. Willcox), celles
de l’industrie osseuse (G. Le Dosseur), des pratiques funéraires (R. Khawam), de
l’évolution des foyers (D. Albukaai) ainsi que les données concernant la parure (H.
Alarashi), certaines modifications ont été proposées sur l’appartenance des
niveaux aux trois phases mentionnées plus haut. Ces changements ne concernent
pas la phase ancienne mais les suivantes. Ainsi, la phase moyenne correspondrait

75
désormais aux niveaux allant de B8 à B3 et la phase récente regrouperait les
niveaux B2 à B-5.

Dans notre étude, nous avons tenu compte des récentes propositions. D’un
point de vue chrono-culturel, nous avons rattaché la phase ancienne à l’horizon du
PPNB4 ancien et les phases moyennes et récentes au PPNB moyen. Le PPNB récent
pourrait concerner les éléments de parure provenant du secteur C à l’ouest.

2.6.3. Architecture et organisation de l’espace

L’espace construit à Tell Aswad consiste notamment en maisons et en


structures de différentes fonctions (silos, stockage). Contrairement aux plans des
maisons des sites PPNB de la vallée de l’Euphrate qui tendent à être standardisés à
cette période, ceux de Tell Aswad sont plutôt hétérogènes au cours des
occupations. Les murs rectilignes sont construits dès la phase ancienne. Les
maisons de cette phase sont toutes semi-enterrées. A la phase moyenne, les plans
sont ovales, polygonales ou circulaire, et les maisons peuvent être semi-enterrées
ou construites en surface. Les plans rectangulaires apparaissent à la phase récente
(Stordeur et al. 2010, p. 48).

Des zones extérieures particulières, trouvées entre les maisons, sur les
ruines de celles-ci ou en périphérie du village, ont été documentées pour les
phases moyenne et récente. Ces zones sont connues sous le nom de « cuvette », en
raison de la forme de leur section. Elles sont remplies de couches finement
stratifiés de couleur et de nature différentes. On y trouve des restes fauniques et
botaniques très abondants ainsi que du riche mobilier (industrie lithique et
osseuse, figurines en terre, objets de parure) (ibid., p. 49). La présence du fumier
dans ces cuvettes suggère fortement la pratique d’activités liées à l’élevage des
animaux (lieux de parcage des troupeaux ?). Ces cuvettes semblent également
accueillir plusieurs activités artisanales comme la vannerie ou encore la fabrication
de divers objets en terre (ibid.). La très forte présence de figurines animales dans
les cuvettes est à l’origine d’une hypothèse émise par R. Ayobi, celle du comptage

4 Nous parlerons de l’horizon PPNB ancien pour le site de Tell Aswad car cette culture, mieux
identifiée au Levant nord notamment à Dja’de el-Mughara, ne partage que peu de points communs
avec celle récemment identifiée au Levant central.

76
réel des animaux, chaque figurine de chèvre ou de bovidés représentant un
individu réel (ibid. ; Ayobi 2013, p. 305). Enfin, les cuvettes peuvent être aussi à
certains moments de l’occupation des zones de rejet (Stordeur 2003, p. 10).

Enfin, les matériaux de constructions consistent principalement en terre


modelée en forme de briques ou en mottes. Du bois et des roseaux sont également
utilisés dans les constructions et les sols et les murs sont enduits.

2.6.4. Economie de subsistance

2.6.4.1. Les ressources végétales


Les céréales sont cultivées à Tell Aswad et les morphologies domestiques
sont présentes à côté des espèces sauvages. Les espèces dominantes sont
l’amidonnier et l’orge à deux rangs. Ces derniers ont été découverts dans des silos
dédiés à leur stockage (Willcox in Stordeur 2001, p. 20-21). L’association
orge/amidonnier est typique du Levant sud (Willcox in Stordeur 2003b, p. 24). Les
légumineuses identifiées sont principalement les vesces, les lentilles, les pois et la
gesse, ainsi que les fèves que l’on a découverts en faibles quantités dans les
niveaux de la phase moyenne. La morphologie, les dimensions et la fréquence des
vesces et des pois dans les assemblages carpologiques indiquent leur possible mise
en culture (Willcox in Stordeur 2004, p. 15). Parmi les fruits sauvages, la figue est
fortement représentée suivie des pistaches, des câpres et des amandes. La culture
du lin, qui aurait pu être utilisé pour la confection de tissus (Stordeur et al. 2010,
p. 46), est également fort probable à Aswad (Willcox in Stordeur 2001, p. 21).
L’association de plantes adventices sur le site est un bon indicateur des pratiques
agricoles à cette période (Willcox in Stordeur 2001, p. 21 ; Stordeur 2003a, p. 14).
Les chercheurs s’interrogent sur la possibilité de l’existence d’une culture irriguée
(Willcox in Stordeur 2004, p. 16 ; 2006, p. 24).

L’analyse des charbons de bois a mis en évidence l’exploitation d’un riche


cortège d’essences arbustives, parmi lesquelles le cèdre, le frêne, le lyciet commun,
le roseau, le grand térébinthe, des Pomoidées, le peuplier, le nerprun, le saule, le
tamaris, l'orme et la vigne (Pessin 2004).

77
2.6.4.2. Les ressources animales
L’étude des assemblages fauniques de Tell Aswad a permis d’identifier
plus d’une vingtaine de mammifères et un total de 26 espèces d’oiseaux. Parmi les
mammifères, la gazelle, représentée par deux espèces, et les caprins prédominent
(Helmer & Gourichon 2008, p. 121). Parmi les carnivores, peu fréquents, les
espèces identifiées concernent le loup, le chien, le renard, probablement deux
espèces de chats de petite taille, et le blaireau. Les équidés sont rares ainsi que les
lièvres et les rongeurs, les tortues et les reptiles. Quant aux oiseaux, ils sont très
fréquents dans la phase ancienne mais diminuent fortement au cours des phases
suivantes. La plupart des taxons sont représentés par les canards (ibid., p. 141).
Enfin, les poissons sont relativement fréquents dans les phases ancienne et
moyenne mais leur proportion se réduit par la suite.

Tout au long des occupations, l’élevage se développe parallèlement à la


diminution de la chasse et de la pêche. La morphologie domestique a pu être mise
en évidence pour les suidés, les caprinés et les bovinés au cours du PPNB moyen.
Pour le PPNB ancien, les données ne sont pas suffisantes pour se prononcer quant
au statut domestique des caprinés et des bovinés mais il est probable que les ovins
et les suidés le soient déjà à cette période (Helmer & Gourichon, comm. pers.). Les
moutons et les porcs sont élevés pour leur viande. La chèvre et les bovins le sont
également pour la viande mais aussi pour le lait (Stordeur et al. 2010, p. 64).
L’observation de pathologies osseuses indique que les bovins étaient aussi
exploités aussi pour leur force (Helmer & Gourichon 2008, p. 138).

2.6.5. Domaine technologique

2.6.5.1. Industrie lithique


Le débitage est bipolaire et destiné à une production de lames
prédéterminées. Ces caractéristiques sont avérées dès les débuts de la séquence
PPNB moyen (Abbès in Stordeur 2002, p. 13). Les supports laminaires servent
notamment à la fabrication de pointes de projectiles parmi lesquelles on reconnaît
les pointes d’Amouq, les pointes de Byblos et les pointes ovalaires caractéristiques
du PPNB (M.-C. Cauvin in Stordeur 2002, p. 14). La présence de pointes de Jéricho

78
est également signalée. Enfin, les pointes dites « d’Aswad » sont typiques du site
éponyme.

L’obsidienne exploitée à Tell Aswad provient principalement des sources


de Bingöl B et Bingöl A/Nemrut Dağ en Anatolie orientale, ainsi que de Göllü Dağ
Est en Cappadoce (Delerue 2007, p. 313). Notons qu’une aire de débitage de
l’obsidienne comprenant des milliers d’éclats et d’esquilles ainsi qu’une vingtaine
de nucléus a été découverte sur le site (Abbès in Stordeur 2001, p. 11-13).

2.6.5.2. Mobilier lourd


Le mobilier lourd à Tell Aswad est constitué essentiellement d’outils de
mouture. Ceux-ci sont des pilons, des mollettes, des mortiers et des meules
façonnés majoritairement en basalte et quelques-uns en calcaire (Stordeur 2002,
p. 19).

2.6.5.3. Industrie osseuse


Les outils en os de Tell Aswad se caractérisent par une confection de grande
qualité. Les outils les plus fréquents sont les manches en bois de cervidés, les
outils pointus, les outils laminaires et les lissoirs. Le traitement thermique pourrait
avoir été employé pour leur donner un aspect lustré (Stordeur 2005, p. 26).

2.6.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique

2.6.6.1. Représentations symboliques


Les figurines sont nombreuses à Tell Aswad et sont essentiellement en
terre. Celles en terre ont fait l’objet d’une thèse doctorale (Ayobi 2013). Les
représentations peuvent être anthropomorphes ou zoomorphes dont certaines
sont difficiles à interpréter (ibid.).

79
2.6.6.2. Pratiques funéraires et rituelles
Les découvertes concernant les pratiques funéraires sont parmi les plus
spectaculaires à Tell Aswad. Elles permettent de nous éclairer sur la richesse et la
complexité des activités rituelles, cultuelles et symboliques dans le PPNB du
Levant sud. L’étude des restes humains et des pratiques funéraires est en cours
dans le cadre d’une thèse doctorale (R. Khawam), mais un certain nombre de
résultats ont déjà fait l’objet de publications (Stordeur 2003a ; Stordeur et al. 2006 ;
Stordeur & Khawam 2007 ; Stordeur et al. 2010).

Les inhumations sont des sépultures primaires (phases ancienne et


moyenne) ou secondaires (phase récente). La majorité des défunts sont des jeunes
enfants et des nourrissons. Les adultes sont rarement enterrés seuls mais souvent
avec des enfants. Quand ils sont inhumés seuls, ils sont représentés par des crânes
isolés ou par des squelettes acéphales (Stordeur et al. 2010, p. 49).

D’après D. Stordeur et al. (2010), deux grandes thématiques caractérisent la


sphère funéraire à Tell Aswad. La première est d’ordre diachronique et concerne
l’évolution des pratiques d’inhumations qui entre les phases anciennes et la phase
récente : « désormais les morts, autrefois inhumés dans l’intimité de la cellule domestique
individuelle, sont regroupés dans des aires funéraires » (ibid., p. 49) (Fig. 2.4c). La
seconde est d’ordre synchronique et concerne un traitement particulier, celui du
surmodelage des crânes (Fig. 2.4d), « réservé à de rares individus, groupés dans une
sépulture qu’on peut considérer comme fondatrice de l’aire funéraire » (ibid., p. 49).

Au total, trois aires funéraires ont été mises au jour au nord du secteur B et
en marge des habitats néolithiques du site. La première aire est du niveau B2 de la
fin de la phase moyenne, la seconde est du niveau B0 (phase récente) et la
troisième est du dernier niveau, B-5 de la phase récente. La première et la
troisième aires sont celles ayant livrés les neufs crânes surmodelés du site (ibid.).

De manière générale, les défunts sont peu ou rarement parés à Tell Aswad.
Les objets de parure que nous avons étudiés ne proviennent pas uniquement du
secteur funéraire mais aussi de tous les autres contextes archéologiques : habitats,
sols extérieurs, sols et espaces de l’aire funéraire, cuvettes, fosses, etc.

80
Partie II

RÉFLEXIONS, MÉTHODES
ET PROTOCOLES D’ETUDE

81
82
Introduction

Aujourd’hui, une analyse du matériel archéologique ne se conçoit pas sans


l’inscrire dans le cadre conceptuel de la chaîne opératoire sensu lato, entendue
comme une grille de lecture (Pelegrin et al. 1988, p. 59 ; Karlin et al. 1991, p. 105).
La chaîne opératoire est constituée d’une série d’opérations successives qui retrace
l’histoire (Karlin et al. 1991, p. 108) (la mémoire) de l’objet depuis sa création (y
compris sa conception en tant que projet) et jusqu’à son oubli (son abandon) en
passant par les étapes intermédiaires de la transformation technique, de
l’utilisation et éventuellement de l’aménagement pour réparation ou la re-
transformation pour le recyclage. Ces opérations peuvent être rangées dans trois
phases principales : la chaîne d’acquisition de la matière première, la chaîne de
transformation technique et la chaîne de consommation. Durant la chaîne
d’acquisition, le matériau est obtenu par différents moyens : la collecte qui
implique un simple ramassage dans la nature d’un rognon ou bloc de pierre, d’un
galet, d’un os, de coquillages, de morceaux de bois, de graines, etc., et le
prélèvement qui implique des moyens techniques comme la découpe dans la
carcasse d’un animal, la percussion sur une roche trouvée dans une veine
géologique, la section par flexion d’une branche dans une barrière de corail dans
la mer, etc.

La matière première subit des modifications prépondérantes tout au long


de la chaîne de transformation. En effet, elle franchit le stade de bloc pour aboutir
au stade d’objet fini en passant par les stades intermédiaires du support, ébauche,
préforme, etc. Enfin, durant la chaîne de consommation, l’objet fini est soumis aux
effets de l’utilisation continue ou sporadique. Cette utilisation implique des
risques accidentels (cassures) ou physiques (usure qui entraîne la cassure). L’objet
peut donc être conservé, entretenu, réparé voire recyclé ou tout simplement
abandonné.

La nature opère sur la matière avant le commencement de la chaîne


opératoire, après la chaîne de consommation, au moment de son abandon ou de
son dépôt, durant son enfouissement sous terre et après sa découverte dans le site
archéologique (Fig. 3.1). Les processus taphonomiques et autres phénomènes

83
naturels peuvent agir à des moments divers et transformer la matière jusqu’à un
certain degré d’intensité. Les actions de la nature peuvent provoquer des
stigmates très semblables à ceux produits par l’homme durant la fabrication ou
encore durant l’usage. Certains de ces stigmates sont aujourd’hui bien connus : e.g.
les perforations provoquées par des mollusques prédateurs tels que les Muricidae
et les Naticidae (D’Errico et al. 1993) ; les rainures profondes entourant les racines
des dents des bovinés provoquées par le frottement des herbes riches en
silice (Gourichon comm. pers) ; les patines luisantes sur certaines roches siliceuses
enfouies dans des sédiments riches en souffre (e.g. Meeks et al. 1982).

Nous avons fait le choix de ne pas nous attarder sur la présentation des
différentes stigmates et traces naturels et taphonomiques mais simplement de les
prendre en compte dans notre étude lorsqu’il est possible de les identifier. En effet,
notre cadre méthodologique sera principalement focalisé sur l’action de l’homme.

La partie II est le fruit d’un travail de réflexion qui a abouti dans certains
cas à la réalisation de protocoles d’observation et d’analyse adaptés au matériel
étudié. Bien que les méthodes d’étude que nous proposons soient imprégnées du
corpus étudié, notamment en ce qui concerne l’identification des matériaux,
l’identification et le classement de certaines traces techniques et d’usure, nous
avons voulu les concevoir de manière à ce qu’elles puissent être applicables, dans
une certaine mesure, à des objets d’autres corpus archéologiques fabriqués dans
des matériaux comparables.

Quatre chapitres composent cette partie. Le premier traite de l’étape de


l’acquisition à travers la caractérisation et l’identification des matières premières
utilisées dans notre corpus. Le second concerne la conception théorique de l’objet
en tant que projet. Projet qui, selon la nature de la matière et les moyens
techniques disponibles, pourrait être modifié au cours de la phase de
transformation. Nous présenterons cette dernière dans le troisième chapitre et
enfin, dans le quatrième, nous présenterons les différents paramètres et facteurs
d’usure et aborderons ainsi les questions de la fonctionnalité (modes d’attaches,
suspension) des objets et dans les meilleurs des cas, celle de la fonction. Avant
chacun des chapitres annoncés, un historique de la recherche, selon le sujet, est
présenté.

84
Chapitre 3. Acquisition : Matières premières,
identification et origines

3.1. Etat de la recherche

Les travaux sur les matières premières exploitées au cours des périodes
préhistoriques au Proche-Orient concernent essentiellement les roches siliceuses
dans le domaine de l’industrie lithique. Des avancées spectaculaires ont eu lieu
depuis maintenant plus de deux décennies concernant la provenance de
l’obsidienne et les chercheurs arrivent désormais à identifier avec une grande
précision les gîtes d’origine des objets trouvés sur les sites archéologique (Cauvin
M.-C. 1991 ; Gratuze et al. 1993 ; Cauvin & Chataigner 1998 ; Delerue 2007).

Dans le domaine de la parure, un large panel de matières très diverses


d’origine animale ou minérale a été exploité. Généralement, les études des objets
de parure en os et en coquillages s’appuient sur des identifications taxonomiques
et anatomiques précises. Pour les objets en pierre, les identifications sont rares car
cela nécessite l’emploi de techniques sophistiquées. Néanmoins nous disposons de
quelques études clés. L’une d’entre elles est celle réalisée en 1997 sur les éléments
de parure de Mureybet étudiés à l’époque par C. Maréchal (Santallier et al. 1997).
Une grande partie des éléments en pierre fut analysée par la méthode de
diffraction des rayons X (R. Véra) et les résultats obtenus furent ensuite analysés
par une géologue (D. Santallier), ce qui a permis, d’une part, de faire la distinction
entre les roches autochtones et les allochtones et, d’autre part, de regrouper les
roches en fonction de leur formations d’origine et proposer ainsi des pistes sur
leur provenance en prenant en compte l’environnement géologique. Une autre
étude a été proposée pour les « roches vertes » du site de Basta au sud de la
Jordanie (Hauptmann 2004). Des variétés importantes figurent parmi les roches
identifiées par diffraction (rayons X) comme la turquoise, la malachite, le cuivre,
l’amazonite, l’apatite, etc., pour lesquelles des gisements ont pu être identifiés à
des distances comprises entre 30 et 250 km du site. Pour des périodes plus
récentes, chalcolithique et âge de Bronze, des travaux ont traité en partie la

85
provenance du lapis-lazuli (Casanova 2013), la cornaline ou des coquillages et leur
circulation au Proche-Orient (Quenet 2008).

3.2. Cadre théorique et notions de base

La gamme des matériaux utilisés dans le monde de la parure chez les


différentes sociétés subactuelles témoigne d’une grande richesse et diversité, les
matériaux organiques d’origine végétale (feuilles, graines, tiges, etc.) ou animale
(peaux, plumes, fourrures, etc.) étant très prisés. L’absence de ces matériaux dans
les registres archéologiques ne permet pas d’écarter l’hypothèse de leur utilisation
par les sociétés préhistoriques. L’une des raisons qui pourraient expliquer le
nombre relativement réduit d’éléments de parure trouvés dans la plupart des sites
préhistoriques proche-orientaux est probablement celle de la nature de la matière
première utilisée et ses propriétés de conservation. Après enfouissement, un grand
nombre de matériaux ne résiste pas aux altérations naturelles survenues au fil du
temps. Les matériaux organiques, quand ils ne rentrent pas dans un processus de
fossilisation, sont évidemment les premiers à disparaître. Les matériaux non
organiques peuvent également subir le même sort et leur disparition peut être
partielle, voire totale selon la nature des sédiments, notamment ceux
particulièrement acides, et leurs perturbations. Il est donc important d’avoir
présent à l’esprit lors de l’étude des matières premières utilisées pour la parure
que l’image qui nous est parvenue est très probablement « tronquée » et ne traduit
pas forcément, dans le cas de faibles effectifs, une quelconque « pauvreté » ou un
désintérêt de la société quant à la mise en valeur de l’apparence physique ou
identitaire par la production d’ornementations corporelles.

Cependant, il existe parfois des conditions idéales permettant une


conservation relativement bonne des matériaux archéologiques, y compris
organiques. Sur certains sites proches-orientaux, les conditions climatiques ou
édaphiques sont telles qu’un grand nombre d’objets en matières organiques peut
être conservé. Le cas de la grotte de Nahal Hemar dans le désert de Judée, près de
la Mer Morte en Israël, en est un exemple. Parmi les objets qui y furent découverts
figurent plusieurs douzaines de perles en bois et en rhizomes de Monocotylédones
colorés en vert (poudre de malachite) et en rouge (ocre, oxyde de fer) (Bar-Yosef

86
1985, p. 12, Fig. p. 28). Il est intéressant de noter qu’à Nahal Hemar, les objets de
parure en matières organiques sont plus nombreux que ceux en coquillages ou en
pierres.

Comme nous n’avons pas de traces de matières organiques utilisées comme


supports d’objets de parure dans notre corpus5, nous ne nous attarderons donc pas
sur celles-ci. Nous présenterons toutefois au cours de l’étude (partie III) et de la
discussion (partie IV) des exemples, non pas des objets en matières périssables
mais des liens (cordelettes, fils) encore conservés à l’intérieur des percements des
coquillages et des perles en pierre. Il est surtout question dans ce chapitre de
toutes les matières à forte composante minérale conservées : les coquillages, les os,
les dents, les roches et les minéraux.

La question des matières premières est abordée selon deux axes. Le premier
concerne les critères qui déterminent le choix d’une matière et qui sont tributaires
de facteurs esthétiques (formes, couleurs et aspects de la surface), mécaniques
(aptitude à la transformation), économiques (accès, rareté/abondance) et
socioculturels (valeur symbolique). Le second axe traite de la détermination de
l’origine de la matière (autochtone ou allochtone) et des modalités de son
acquisition (directe, dons, échanges, achats).

Ces deux axes sont complémentaires, dans le sens que le choix d’une
matière peut être motivé par son origine, et inversement l’origine d’une matière
peut influencer certains facteurs de choix.

Il est néanmoins nécessaire de les distinguer d’un point de vue


méthodologique afin de faciliter la description des divers aspects, notamment
esthétiques et mécaniques, qui caractérisent la matière et qui permettent son
identification taxonomique. À son tour, l’identification taxonomique d’une
matière, selon le niveau de précision, permet d’en connaître son origine. Ainsi,
dans ce chapitre, nous décrirons les matières identifiées dans le corpus et nous
évoquerons leurs répartitions géographiques sans nous attarder sur les modalités
d’acquisition que nous traiterons dans la partie IV du manuscrit6.

5 Cf. 3.3. Les matières d’origine végétale p. 79.


6 Cf. 13.2. Origines et acquisition des matériaux, p. 556.

87
Les matières premières seront présentées selon leur appartenance au
monde végétal, animal ou minéral.

3.3. Les matières d’origine végétale

Comme dit plus haut, aucun objet en matière végétale n’a été documenté
dans le matériel étudié. Il est toutefois important de prendre en compte cette
catégorie d’objets préservés, en vue du nombre grandissant des découvertes dans
le monde entier (e.g. sites palafittiques en Europe, sites désertiques en Orient et en
Afrique).

Dans certains cas, nous avons observé la présence de fibres libres ou sous
forme de fragments de cordelettes torsadées dans la perforation de certaines perles
ou sur les extrémités de certaines coquilles de cyprées du site de Tell Halula7.

3.4. Les matières d’origine animale

Une grande gamme de matières utilisées pour les objets de parure étudiés
appartient au règne animal. Ces matières, de consistance solide, sont appelées
« matières dures d’origine animale »8. Elles correspondent aux ossements des
vertébrés : os, dents (y compris l’ivoire), bois de cervidés, chevilles osseuses.
S’ajoutent les coquilles d’œuf d’oiseau, les coquilles et autres tests d’invertébrés
(Poplin 2004, p. 11), les écailles et les carapaces de tortue (Le Dosseur 2006, p. 72).
Bien qu’un grand nombre de ces matières ait été employé dans la fabrication des
éléments de parure préhistoriques du Levant, celles qui concernent notre corpus
se limitent à l’os, aux dents et aux coquilles de mollusques.

7Cf. Fig.10.11.
8 Terme spécifique au domaine de la technologie par opposition aux parties molles de l’animal
(Poplin 1975, p. 15).

88
3.4.1. Les coquillages

3.4.1.1. Structure et composition


Certains mollusques développent des structures externes calcifiées, i.e. des
coquilles, grâce auxquelles ils protègent leurs corps mous et fragiles des dangers
environnementaux. C’est le manteau, partie anatomique9 du mollusque, qui est à
l’origine de l’édification de cette structure. La coquille est une construction
minérale solide (plus de 95%) contenant une petite portion de matières organiques
(moins de 5 %) qui lui assure une meilleure résistance, car plus de flexibilité, face
aux risques de fractures (Marin & Luquet 2005, p.105). La formation de la coquille
est discontinue et périodique. Elle commence tôt, de manière accélérée, mais dure
toute la vie de l’animal.

La coquille des mollusques est un squelette poly-cristallin composé


principalement de carbonate de calcium, précipité sous forme de couches
successives à l’intérieur d’une matrice organique. Dans les coquilles marines, le
carbonate de calcium se présente sous forme de calcite et d’aragonite.

La coquille est formée de trois couches superposées différentes en


épaisseur, en composition et en structure. La couche externe, le periostracum, est
une couche organique composée notamment de fibres de conchyoline (protéines
fibreuses) permettant une grande résistance de la structure et assurant la
protection des couches inférieures. Les pigments, obtenus par les aliments marins
ingérés, se trouvent dans cette couche. Les motifs du décor naturel et les couleurs
caractéristiques des espèces sont imprimés sur cette couche sous le verni
responsable de l’aspect luisant. L’ostracum, couche prismatique sous le
periostracum, est composée de deux couches successives de calcite et d’aragonite
reliées par un ciment de conchyoline. L’hypostracum est la couche de nacre, celle
en contact avec l’animal, et est composée de cristaux d’aragonite (Lindner 2005).

9Les mollusques sont des animaux invertébrés composés de quatre parties anatomiques : la tête, le
pied, le sac viscéral et le manteau (Lindner 2005, p. 24).

89
3.4.1.2. Etat de conservation et moyens d’identification
Les conditions de conservation des coquillages dépendent de nombreux
facteurs taphonomiques avant et après leur collecte. Le degré de conservation peut
être mesuré par l’observation des couches successives qui composent leur
structure interne. Ainsi, avant d’étudier ces éléments, il est important d’évaluer
leur état. Pour cela, nous proposons quatre états de conservation basés sur
l’observation de la face externe :

• Excellent : le vernis est préservé, le décor naturel et certaines couleurs sont


encore visibles.
• Bon : le vernis est encore préservé, mais le décor naturel et les colorations
ne sont plus visibles.
• Moyen : le periostracum est sans éclat du fait de la disparition du vernis.
Son craquèlement, voire sa disparition, a débuté.
• Mauvais : le periostracum est fortement dégradé et les couches d’ostracum
apparaissent.

L’identification taxonomique pour la majorité des éléments en coquillages a


été réalisée par nous-même10. En effet, nous avons dû faire face à plusieurs
contraintes : 1) l’impossibilité de sortir le matériel du territoire syrien et, par
conséquent, de recourir à une comparaison anatomique directe en utilisant des
collections de référence ; 2) l’absence d’archéo-malacologue sur le terrain ; 3)
l’identification par certains spécialistes malacologues (D. Reese et A. Prieur) a été
effectuée uniquement à partir de photos, ce qui n’a pas permis d’aller jusqu’à
l’espèce.

Certaines espèces de coquillages sont largement employées dans la


fabrication des objets de parure. Leur utilisation est assez répandue tant d’un
point de vue géographique que chronologique et ils peuvent être considérés
comme des éléments « classiques ». Leur identification taxonomique n’a donc pas
posé de problème particulier. C’est notamment le cas des espèces telles que
Nassarius gibbosulus, Columbella rustica, ou encore les coquilles du genre Theodoxus.

10L’identification taxonomique des coquillages a bénéficié d’un suivi, de vérifications et de


confirmations de la part d’un archéozoologue, Lionel Gourichon (UMR 7264-CEPAM).

90
Le travail d’identification que nous avons entrepris concerne
principalement la famille des Cypraeidae et celle des Neritidae. Pour la
comparaison avec d’autres corpus archéologiques, notre principale difficulté
concernant ces coquilles était l’absence d’une documentation descriptive et
illustrative des espèces identifiées. Dans le cas du Proche-Orient, les exemples
d’identification au niveau de l’espèce proviennent des sites du Levant Sud. Si les
listes des taxons identifiés sont couramment publiées, il n’en est pas de même
pour les descriptions, les illustrations et les photographies. En l’absence de ces
références, qui auraient facilité nos identifications, notre méthode a été la suivante.
En plus de nos observations directes sur le terrain, nous avons réalisé de
nombreux clichés photographiques macro- et microscopiques pour plus de 99%
des coquilles archéologiques examinées. Nous les avons ensuite comparés avec les
spécimens actuels de coquillages de la collection J. Cataliotti-Valdina11 et en nous
basant sur divers guides, e.g. « Cowries » de Jerry G. Walls & Taylor (1979), et sur la
littérature malacologique12, notamment les travaux de E. L. Heiman (2003 ; 2009 ;
2012), dont le livre « Cowries of East Sinai » (2002) nous a été d’une grande utilité.

3.4.1.3. Les coquilles du corpus


Les coquilles du corpus appartiennent à trois classes du sous-
embranchement Conchifera : Gastropoda, Bivalvia et Scaphopoda. Ils
correspondent pour la majorité à des mollusques marins.

Les familles identifiées sont, l’ordre systématique13 : Trochidae, Neritidae,


Cypraeidae, Nassariidae, Columbellidae, Conidae, Glycymerididae et Dentaliidae.
Nous les présenterons au sein de leurs classes respectives.

11Collection gérée par le laboratoire du CEPAM (UMR-7264).


12 Pour l’identification des cyprées, nous avons également consulté en ligne un site où les cyprées
sont classées selon les travaux du malacologue Felix Lorenz (http://www.cowries.info/). Ce site
présente les différentes espèces selon de multiples perspectives permettant de visualiser les
coquilles de tous les côtés. Les proportions de leurs tailles sont respectées et leurs aires
géographiques de répartition sont bien répertoriées et régulièrement actualisées.
13 Pour le classement taxonomique, nous avons consulté en ligne la base de données des

Mollusques Marins d'Europe (CLEMAM) créée par le Muséum national d'Histoire naturelle de
Paris (laboratoire de Biologie des invertébrés marins et malacologie).
http://www.somali.asso.fr/clemam/index.clemam.html

91
A. Classe des Gastropoda
Il s’agit de la classe la plus importante parmi les mollusques. La coquille de
ces animaux est généralement enroulée en spirale sur son axe central (sauf pour
les patelliformes qui sont en forme de chapeau chinois).

Famille des Trochidae


Une espèce est identifiée au sein de cette famille, il s’agit d’Osilinus
turbinatus (Born, 1778). Un seul spécimen a été compté pour tout le matériel
étudié.

Famille des Neritidae


Les Neritidae vivent généralement dans les mers et les océans, certaines
espèces habitant cependant dans les eaux saumâtres ou douces. Leur coquille,
épaisse et solide, est de forme ovalaire semi-globuleuse, généralement plus large
près du labre que de la spire. Cette dernière, lorsqu’elle n’est pas aplatie, est très
courte. Leur ouverture naturelle est de forme semi-circulaire, dentée parfois sur le
labre et sur le bord columellaire. Les nérites peuvent atteindre 30 mm de hauteur
chez certaines espèces. Dans notre corpus, l’identification taxonomique a été
réalisée sur les spécimens les mieux conservés.

L’une des espèces déterminées est Nerita sanguinolenta Menke 1829


(Fig. 3.3a-d). Cette espèce habite la Mer Rouge et est largement répandue dans
l’aire indopacifique. L’apex est aplati, son sommet est bombé et arrondi. La partie
circulaire est formée par le labre, relativement épais et non denticulé et la partie
droite est celle de la lèvre de la columelle qui comporte une encoche faiblement
profonde dans sa partie médiane et est très rarement denticulée, parfois pas du
tout. La couleur et les motifs sont très variables. Les spécimens du corpus
apparentent à celles dont la couleur générale est rouge ocre et les motifs sont en
bandes parallèles de couleurs différentes traversées par des lignes fines
perpendiculaires de couleur claire. À l’intérieur de l’ouverture naturelle et sur la
callosité blanchâtre, la couleur des motifs externes apparaît sur chaque bord. Les

92
dimensions moyennes sont de 25 sur 20 mm pour les spécimens provenant de la
Mer Rouge.

Les autres Néritidés déterminées appartiennent au genre Theodoxus


Montfort 1810. Parmi la collection de nérites de Mureybet, deux espèces avaient
été identifiées en 1972 et en 1985 par un malacologue du Muséum National
d’Histoire Naturelle de Paris, G.-M. Gaillard (Maréchal & Alarashi 2008, p. 576) :
Theodoxus jordani (Sowerby, 1836) et Theodoxus macrii (Recluz, 1841). D’après la
recherche malacologique actuelle, les deux espèces sont extrêmement proches et il
pourrait s’agir d’une seule et même espèce : “Dagan (1971) contended that both
species of Theodoxus are the same, a conclusion based on details of the opercular
apophyses and the central teeth of the radula” (Elkarami & Ismail 2006, p. 549) ; ou
bien d’une variété de la même espèce de T. jordani : “The more or less pronounced
degree of transverse constriction on the last whorl of this species gave rise to the naming of
three varieties. The species is exceptionally widespread (lakes, marsh channels, fluviatile
channels, and estuary). The other Mesopotamian Neritaea species retained by Prashad: T.
mesopotamicus, T. euphraticus (MOUSSON) and T. maccrii (BOURGUIGNAT) are
also varieties or morphs” (Plaziat & Younis 2005, p. 7). Cependant, il semble y avoir
des différences entre les deux espèces notamment en ce qui concerne les couleurs
et le dessin du décor naturel de la coquille. T. macrii est de couleur noire ou
pourpre foncé alors que T. jordani est zébré à dessin en zigzag dont la couleur
varie entre le rouge, le marron, et le pourpre foncé ou le noir foncé sur un fond
blanc ou jaune (Elkarami & Ismail 2006, p. 549). Si l’on considère les descriptions
antérieures, il est possible que les deux variantes ou espèces soient présentes dans
notre corpus. La présence des spécimens zébrés, i.e. T. jordani, est attestée par les
coquilles dont le décor est encore conservé. Pour celles dont le test est détérioré, il
est difficile de se prononcer. Ainsi, et par commodité, nous désignerons ces
coquilles uniquement par leur genre.

Les Theodoxus sont représentés en Syrie et dans le Levant sud par un petit
nombre d’espèces dont certaines vivent en colonies dans les ruisseaux, les marais
et les lacs (Germain 1921, p. 511). Theodoxus jordani est une espèce très répandue
dans quelques régions levantines mais plutôt au centre et au sud, c'est-à-dire près
du lac du Tibériade, du lac de Homs, du fleuve Jourdain (ibid., p. 515). En
Mésopotamie, Theodoxus jordani est remplacé par Theodoxus euphratica (ibid.,

93
p. 516). Theodoxus macrii est très répandue dans toute l’Asie Mineure. En Syrie, il
est commun dans presque tous les cours d’eau et les sources mais beaucoup moins
abondant dans les lacs et dans le fleuve Jourdain au sud. Il atteint ses plus grandes
dimensions dans les sources chaudes sur les bords de la mer Morte en Jordanie
(Germain 1921, p. 518).

Famille des Cypraeidae


Parmi les mollusques, les cyprées, ou cauris, sont des gastéropodes
omnivores et nocturnes qui vivent dans les eaux chaudes peu profondes. La
coquille de cyprée est de forme ovoïde bilatérale symétrique et hémisphérique. Sa
surface est fortement luisante et brillante. Cet aspect de surface rappelle la finesse
et la brillance de la porcelaine, ce qui explique pourquoi ces coquillages sont
parfois appelés « porcelaines ». Le décor naturel de certaines espèces est très
complexe, les couleurs et les motifs étant particulièrement attrayants.

Le volume globuleux ou en dôme de la coquille lui offre une structure


naturellement puissante et résistante. De plus, notamment chez les individus
adultes, le test est généralement très épais. Par conséquent, la création d’un
dispositif d’attache (perforation, sillon, entaille) sur ce type de coquille n’est pas
une tâche très aisée.

Critères d’identification
L’identification des espèces de cauris du corpus s’est déroulée en deux
étapes. Lors de la première étape, une liste des espèces potentielles a été élaborée.
Cette liste comprend les 5 espèces de la mer Méditerranée, une vingtaine d’espèces
de la Mer Rouge et quelques espèces indopacifiques mentionnées dans la
littérature archéologique (Mienis 1988, p. 47 ; Reese 1991, p. 162 ; Bar-Yosef Mayer
1991, p. 630-632 ; 1997, p. 99 ; 2005, p. 179 ; Prieur 2005, p. 160 ; Quenet 2008). Nous
avons par la suite procédé par élimination des espèces dont la morphologie ou les
dimensions sont très distinctes de celles des formes et des dimensions des cyprées
archéologiques du corpus. Ainsi, une liste préliminaire a été établie. Elle
comprenait trois espèces certaines : Erosaria nebrites, Erosaria turdus et Luria lurida,
et deux probables : Erosaria spurca et Luria pulchra.

94
La seconde étape consistait à vérifier la liste préliminaire et à la valider ou
la modifier. Pour cela, les 5 espèces ont été décrites en détail et chaque cyprée du
corpus a été soumise à un examen de comparaison avec les espèces décrites.
Quand ces critères correspondaient à ceux d’une des espèces, celle-ci a été validée
comme telle. En fin de compte, les trois espèces certaines furent confirmées, une
espèce probable fut exclue (Luria pulchra) tandis que l’autre espèce probable
(Erosaria spurca) demeure incertaine car elle concerne des coquilles fragmentaires.

Pour chaque espèce, nous avons décrit les caractères distinctifs de la


coquille (Fig. 3.2), dont certains sont retenus par Heiman (2002). Au nombre de 25,
ces caractères sont les suivants :

La taille et la forme

1- Mesures : les dimensions de la coquille prises en mm sont la hauteur


(distance maximale mesurée entre les deux extrémités), la largeur (distance
maximale mesurée entre les deux bords latéraux) (Fig. 4.6b) et l’épaisseur
(distance maximale mesurée entre le dorsum et la base). Ces données biométriques
seront utilisées uniquement à titre comparatif entre les différentes espèces
identifiées dans le corpus.

2- Forme du contour : elle est identifiée en regardant la coquille depuis le


dorsum. La grande majorité des cyprées comporte un contour ovoïde et les
différences entre les espèces sont très subtiles. La forme du contour que nous
décrivons ici se base sur la comparaison entre les espèces déterminées et non par
rapport à l’ensemble des espèces de cette grande famille. Trois sont distinguées :
ovoïde, ovoïde large et ovoïde allongée.

Le profil

3- Dorsum : vu depuis l’un des bords latéraux, le dorsum peut être convexe
ou bossu.

4- Base : elle peut être convexe ou plate selon si elle est vue depuis le bord
latéral, labial ou columellaire.

95
Les bords latéraux et la spire

5- Bords latéraux : les bords latéraux columellaire (gauche) et labial (droit)


peuvent être arrondis, à marge complète (présente sur tout le bord) ou à marge
partielle (présente uniquement près des extrémités). Ils peuvent être simplement
épaissis par la présence d’une callosité.

6- Fossettes : les fossettes sont des petites dépressions disposées à intervalle


régulier tout au long ou sur une partie du bord latéral. Leur présence est un
caractère très important pour la distinction de la coquille au niveau du genre (e.g.
Erosaria).

7- Spire : la spire est généralement absente ou très peu développée sur les
coquilles des Cypraeidae. Très proche de l’extrémité postérieure, elle peut être
légèrement sortante et pointue, absente, plate ou en dépression.

La base

8- Aperture : selon le degré de son ouverture, des détails internes de la


cyprée peuvent être observables comme par exemple la fossula ou la suture
columellaire. Elle est étroite quand les deux lèvres, columellaire et labial, sont très
rapprochées, elle est écartée quand les deux lèvres sont rapprochées près du canal
postérieur et éloignées au niveau du canal antérieur ou large, quand les deux
lèvres sont éloignées l’une de l’autre.

9- Lèvre columellaire : c’est la lèvre interne de la coquille, elle peut être de


forme sub-droite ou courbe.

10- Lèvre labiale (ou labrale) : c’est la lèvre externe et elle peut être sub-
droite, arquée ou en double arc.

11- Dents columellaires et labiales : plusieurs caractères peuvent être


décrits.

12- Ampleur : extra-fines, fines, épaisses ou très épaisses.

13- Espacement : espacées ou serrées.

14- Disposition : sur les bords columellaire ou labial, débordantes sur la


surface columellaire ou labiale, étendues sur la surface columellaire ou labiale.

96
15- Nombre : il s’agit d’un comptage simple et non normalisé14.

16- Forme de l’arête terminale « terminal ridge » : elle est située avant la
première dent columellaire, près du canal antérieur, et elle peut être, selon les
distinctions de Heiman (2011, p. 29), creuse, alignée au canal antérieur et fondue,
oblique ou trifide.

17- Fossula : c’est la surface visible de la columelle à l’intérieur de


l’aperture ; elle peut être lisse, côtelée ou denticulée.

18- Forme de la suture columellaire : c’est la partie formant la suite de la


fossula près du canal postérieur ; comme cette dernière elle peut être lisse, côtelée
ou denticulée.

19- L’arrière du sommet de la lèvre columellaire : située à la fin des dents


columellaires avant l’extrémité postérieure. Elle peut être en forme de dent
relativement épaisse soulignée jusqu’à la fin de l’extrémité postérieure ; en forme
de dent relativement épaisse soulignée juste près du bord de la lèvre ou un simple
épaississement par une callosité.

Les Extrémités

20- Les extrémités peuvent être peu développées (vues depuis la face
dorsale, elles ne semblent pas se détacher beaucoup du reste de la coquille) ou très
développées (protubérantes).

Les couleurs et les motifs du décor naturel

21- Couleur du dorsum, des extrémités, de la base et des dents ;

22- Motifs sur dorsum (tâches centrale ou marginales, traits, bandes,


points), leurs couleurs et leur disposition ;

23- Motifs sur extrémités, tâches terminales ;

14 Il existe une méthode de comptage de dents recommandée par les deux célèbres malacologues

ayant beaucoup travaillé sur les cyprées (les Shilders). Cette méthode « normalized teeth count »
consiste à recalculer les dents par rapport à la largeur universelle de la coquille qui est de 25 mm.
Celle-ci pourrait être utile afin de comparer des populations de cauris d’une espèce dans laquelle
les coquilles varient considérablement en taille. D’après E. L. Heiman, les auteurs n’ont pas
présenté l’avantage de l’efficacité de cette méthode en la comparant avec celle du comptage des
dents non normalisé (Heiman 2002, p. 24-25).

97
24- Motifs sur les bords latéraux (tâches marginales, traits, bandes, points),
leurs couleurs et leur disposition ;

25- Motifs sur la base (tâches, traits, points), leurs couleurs et leur
disposition.

L’ensemble de ces caractères ne peut, bien entendu, être observé sur les
coquilles archéologiques compte tenu des modifications qu’elles ont reçues (en
l’occurrence la suppression du dorsum sur presque la totalité du corpus), de leur
degré d’altération lié à l’usure, à l’érosion et à d’autres phénomènes
taphonomiques (provoquant dans presque la plupart des cas la disparition de la
couleur et du décor naturel). Les caractères qui ont pu être examinés sur les
spécimens archéologiques sont ceux portant les numéros allant de 1 à 20 à
l’exception du 3 (dorsum). Les caractères 21 et 22 n’ont pu être relevés sur aucun
élément et les caractères 23 à 25 ont été observés dans de très rares cas de cyprées
présentant un état de conservation excellent ou bon. Le grand nombre de
paramètres observés (Tabl. 3.1 et 3.2) permet par conséquence d’atteindre un haut
niveau de certitude quant à l’identification des spécimens archéologiques.

Espèces identifiées
Erosaria nebrites (Melville, 1888)

Cette espèce (Fig. 3.3g-i) vit dans la Mer Rouge, le golfe d’Aden et la Mer
d’Arabie (Oman). Il existe une quinzaine de formes (variétés) connues
actuellement (Heiman 2002 ; 2005, p. 1).

Sa coquille est de taille moyenne (autour de 27 mm de longueur en


moyenne pour les spécimens du corpus), de forme ovoïde, et son test est
relativement épais. Le dorsum, petit, a un profil bossu et est généralement assez
bien délimité grâce à la présence de fossettes sur les bords latéraux. Ces fossettes
sont typiques du genre Erosaria. La spire est plate et les extrémités sont
développées. L’aperture de cette espèce est étroite et les lèvres columellaire et
labiale sont presque droites et subparallèles. Malgré l’ouverture étroite, la fossula
est visible et on distingue la largeur importante de la surface côtelée. La suture
columellaire est lisse. L’arête terminale est oblique et l’arrière du sommet de la
lèvre columellaire est en forme de dent épaisse soulignée uniquement sur bord

98
columellaire. Avec la forme de l’aperture, les dents d’E. nebrites sont très
caractéristiques et permettent dans le cas de spécimens archéologiques, une
identification de l’espèce sans équivoque. Les dents columellaires sont épaisses,
débordantes mais parfois étendues, et sont très marquées et disposées sur une
surface en pente. Les dents labiales sont généralement très épaisses, étendues sur
la moitié voire plus de la surface labiale. Enfin, le nombre des dents labiales (entre
13 et 16) est toujours plus élevé que celui des dents columellaires (entre 11 et 15).

E. nebrites se distingue notamment par son décor naturel composé de


points, de tâches et de traits. Le dorsum est généralement dans les tonalités de
beige-orange à marron clair. Sa surface est parsemée de petits points blancs sans
contour intercalés par des points plus grands de couleur plutôt rosâtre gris et dont
le contour est généralement auréolé de marron foncé à noir. Un élément très
caractéristique de cette espèce est la présence de deux grandes tâches, les tâches
dorso-marginales (ou « dorso-marginal blotches » en anglais), de couleur rougeâtre à
marron foncé, de forme plus ou moins ovale, parfois carrée ou rectangulaire. Elles
se situent sur le dorsum au centre, chacune d’un côté des bords latéraux. Une
bande très floue de couleur plus claire que celle des tâches les relie en passant sur
le dôme du dorsum. Dans certains cas, elles peuvent être observées en dessous de
la bordure de la marge et atteignent la base dans de très rares cas. Des petits points
de couleur marron foncé, moins denses que les blancs, s’observent également sur
les bords latéraux. Ces points s’entremêlent et se confondent parfois avec des traits
courts de la même couleur, disposés selon un schéma radial généralement sur tout
le contour des bords latéraux et qui se prolongent jusqu’à la base où ils sont
alignés dans la continuité des dents labiales et columellaires avant l’aperture
naturelle.

En se basant sur le décor naturel, E. nebrites peut être confondue avec E.


erosa, espèce supposée être l’ancêtre de nebrites (Heiman 2003, p. 17). En effet, les
mêmes tâches dorso-marginales peuvent être observées, cependant situées
directement sur ou sous les bords marginaux, mais plus souvent sur la base.
D’après E. L. Heiman (2003, p. 18) la présence des tâches dorso-marginales
pourrait être un critère de détermination mais il ne pourra pas, à lui seul,
permettre d’identifier s’il s’agit d’E. nebrites ou d’E. erosa. L’auteur considère E.

99
nebrites comme une espèce propre et non pas comme une sous-espèce d’E. erosa
(Heiman 2002, p. 99).

Enfin, dans le matériel archéologique, un nombre très réduit de coquilles


portaient encore sur les bords latéraux les tâches dorso-marginales, les points et
les traits marrons, ce qui nous a permis d’identifier, avec certitude, cette espèce.

Erosaria turdus (Lamarck 1810)

Du même genre que la précédente, E. turdus est originaire d’une grande


zone géographique comprenant la Mer Rouge, le golfe d’Aden et le golfe persique.
Dans la Mer Rouge elle est spécifique de la partie nord et présente une quinzaine
de variétés (Heiman 2012, p. 23). Les populations d’E. turdus dans le nord du golfe
d’Aqaba peuvent être distinguées comme une sous-espèce du nom E. turdus
pardalina (Dunker 1852) (Heiman & Singer 2008, p. 25 ; Heiman 2012, p. 23). Elles
sont plus larges avec des extrémités plus développées et allongées. Il pourrait
s’agir de cette sous-espèce dans notre corpus mais nous n’avons pu confirmer
cette hypothèse.

De grande taille (Fig. 3.3j-k), elle atteint parfois plus de 50 mm de longueur


et est de forme ovoïde relativement large. Son test est épais et elle est solide et
résistante. Les « fossettes » sur les bords latéraux délimitent la zone du dorsum de
la base. Ces fossettes sont généralement plus marquées près des extrémités que sur
les bords latéraux au centre. La spire est plate et les extrémités sont peu
développées. La face ventrale montre une aperture que l’on peut considérer large
en comparant avec les autres espèces. Elle est, comme pour la plupart des
apertures des cyprées, plus étroite près du canal postérieur et elle s’élargit près du
canal antérieur. La lèvre columellaire est courbe tandis que la labiale se présente
en forme de double arc. Cette particularité est assez diagnostique pour cette
espèce. La fossula ainsi que la suture columellaire sont très étroites et lisses. Sur la
lèvre columellaire, l’arête terminale est oblique et l’arrière du sommet est en forme
de dent épaisse soulignée sur le bord. Les dents labiales et columellaires sont fines,
généralement peu marquées, espacées et débordantes sur une surface columellaire
en pente et labiale en pente près du canal antérieure. Le nombre de dents labiales
et columellaires est généralement équivalent, entre 12 et 17 dents.

100
Le décor naturel de cette espèce est simple et il concerne généralement le
dorsum et les bords latéraux. Sur un fond gris, beige à blanc, des points de couleur
marron claire ornementent la partie du dôme du dorsum et d’autres de couleur
marron foncé, plus grands que les précédents, sont observables sur les bords
latéraux. Des motifs en traits courts, perpendiculaires à l’axe de la cyprée, peuvent
être observables sur la zone du dôme du dorsum sans qu’ils ne soient facilement
distinguables.

Luria lurida (Linnaeus 1758)

La coquille de cette espèce est reconnaissable par sa grande taille qui atteint,
pour les spécimens actuels, plus de 50 mm de longueur pour une largeur peu
développée. Elle évoque à notre sens la papaye (Fig. 3.3e-f). Elle est l’une des rares
espèces originaire de la mer Méditerranée avant l’introduction, par migration, de
nouvelles espèces de la mer Rouge via le canal de Suez (pour ce sujet, voir Boyer &
Simbille 2005 ; Ben Souissi & Zaouali 2007, p. 435). Son test est fin et elle est
relativement légère (par rapport aux cyprées du genre Erosaria). Le dorsum est très
grand et cache les bords latéraux quand il est vu d’en haut. Les fossettes sont
inexistantes pour le genre Luria. La spire est présente mais dans une dépression
circulaire en partie coupée par l’extrémité postérieure. Les extrémités sont
développées, l’aperture est étroite près du canal antérieur et écartée près du canal
postérieur. La lèvre columellaire est courbe et la labiale est arquée. La fossula est
large et porte entre 3 à 6 dents sur le bord interne. La suture columellaire est lisse.
Sur la lèvre columellaire, l’arête terminale est creuse et l’arrière du sommet est
épaissi. Les dents columellaires et labiales sont fines, espacées et leur disposition
est restreinte au bord de chaque lèvre. Les dents labiales (entre 22 et 26) tendent à
être plus nombreuses que les dents columellaires (entre 20 et 24).

Le décor naturel de L. lurida est simple. Le dorsum et les bords latéraux sont
généralement d’une couleur unie qui varie entre le beige et le marron foncé en
passant par l’orange clair (caramel) et le gris. Deux bandes de couleur plus claire
que celle du dorsum sont disposées parallèlement l’une à l’autre et
perpendiculairement à l’axe de la coquille. Une distance d’un cm environ sépare
ces deux bandes épaisses chacune de 3 à 6 mm. Leur couleur ne contraste pas
toujours avec la couleur du dorsum. Par conséquent, leur distinction n’est pas

101
toujours aisée. En vue dorsale, les extrémités ont une couleur plus claire que celle
du dorsum. Elles sont ornées de deux taches terminales de couleur marron
foncé/noire, ornementation caractéristique qui permet souvent d’identifier cette
coquille au moins au niveau de son genre. Ces taches ont pu être observées sur le
matériel archéologique permettant plus de précision dans l’identification. La base
est de couleur beige/blanc sauf près des extrémités où elle est de la même tonalité
que le dorsum. Elle est de couleur toujours plus claire que celle du dorsum,
généralement de tonalité jaunâtre, claire près de l’aperture, et plus foncée près des
bords latéraux et des extrémités.

Une espèce du même genre habitant la Mer Rouge pourrait être confondue
avec L. Lurida. Il s’agit de Luria pulchra Gray, 1824 (Tabl. 3. 1) très semblable en
couleur, motifs, dimensions et morphologie excepté pour la forme des dents et
leur couleur. Celles-ci sont extrêmement fines et l’on peut à peine les sentir au
toucher. Elles sont visibles notamment par leur couleur, marron foncé à orange
claire, qui contraste fortement avec la couleur de la base. Leur nombre est
également nettement supérieur aux dents de L. lurida (entre 29 et 34 dents pour les
deux lèvres).

Famille des Muricidae


Seulement trois coquilles du matériel appartiennent à la famille des
Muricidae. Leur état de préservation étant très mauvais, nous n’avons donc pas pu
les identifier avec précision. Il pourrait s’agir du genre Hexaplex. Les espèces
possibles sont : Hexaplex trunculus Linnaeus, 1758 et Murex brandaris (Lamarck,
1822).

Famille des Nassariidae


La coquille des Nassariidae est solide, ovoïde à globuleuse et de taille
variable (entre 4 et 75 mm). Elles ont une ouverture circulaire-ovale, souvent avec
une découpe circulaire et un sillon (siphon anal) en haut, généralement tronqué en
bas et avec un canal siphonal court ou un sillon recourbé en arrière. Le labre est à
bord interne denté. La columelle est en générale plissée et la callosité columellaire
est souvent large (Lindner 2005, p. 111). Seule une espèce de Nassariidae est

102
représentée dans notre corpus : Nassarius gibbosulus Linnaeus, 1758. Cette petite
coquille de forme ovalaire au profil semi-sphérique est solide et épaisse. Avec un
test lisse de couleur brun clair, elle mesure entre 12 et 18 mm de hauteur et a un
apex pointu. Sa callosité columellaire couvre tout le devant de la coquille. Sa
couleur est blanchâtre, marron avec des lignes rougeâtres sur les marges de la
coquille.

Famille des Columbelliidae


Cette famille est représentée par l’espèce Columbella rustica (Linnaeus 1758),
très répandue au sein des objets de parure tant au Proche-Orient qu’en Europe.

Il s’agit d’une petite coquille pointue dont le dernier tour est renflé et
occupe la moitié de la hauteur totale, comprise généralement entre 10 et 20 mm.
Son ouverture naturelle est en fente, bordée d’un labre ourlé et onduleux. Son test
est brillant, blanc et brun, et orné de flammules rousses sur fond blanc crémeux.
Cette coquille est assez commune en Méditerranée.

Famille des Conidae


Les coquilles de Conidae sont coniques, spiralées et asymétriques. Leur
dernière spire est très développée et l’ouverture naturelle est longue et étroite.
Nous n’avons pas pu déterminer les espèces présentes dans le corpus. Toutefois, il
est possible qu’il s’agisse dans la plupart des cas de l’espèce méditerranéenne
Conus ventricosus Gmelin, 1791, synonyme de Conus mediterraneus, une espèce
déterminée par C. Maréchal dans le niveau IV-II de Mallaha (Maréchal 1991,
p. 591).

B. Classe des Bivalvia


La coquille de ces mollusques est formée de deux valves réunies au moyen
de dents et d’une charnière qui permet son ouverture et sa fermeture durant la vie
de l’animal. Ces valves sont des plaques plus ou moins convexes et de forme qui
varient selon l’espèce entre ovoïde, circulaire ou allongée. Les bivalves sont
uniquement aquatiques. Au sein du registre archéologique, il s’agit dans la

103
plupart des cas d’une valve convertie en objet de parure. Dans notre corpus,
l’utilisation des valves se limite à une douzaine d’éléments appartenant à trois
familles taxonomiques : la famille des Unionidae, la famille des Cardiidae et la
famille des Glycymerididae.

Famille des Unionidae


Les Unionidae sont des mollusques d’eau douce. Leurs coquilles sont de
grandes dimensions généralement minces et légères pour certaines espèces et
solides et épaisses pour d’autres. Au Proche-Orient, le bel aspect de la nacre sur la
face interne est certainement à l’origine du choix et de la sélection de cette
coquille. Une seule espèce a été identifiée dans le corpus : Unio tigridis
(Bourguignat 1852). Ces coquilles se trouvent dans deux fleuves, le Tigre et
l’Euphrate. Elles sont généralement lourdes, à test relativement épais et sont
difficilement déplaçables de leur habitat durant leur vie (Plaziat & Younis 2005,
p.7). De forme ovoïde, ces coquilles sont plus larges que hautes. Leur face externe
est caractérisée par des sculptures concentriques serrées tandis que leur face
interne est nacrée et lisse. Leur couleur varie entre le noir/marron et le jaune/beige.
Les spécimens archéologiques sont souvent de couleur blanchâtre et la couche de
nacre est relativement bien préservée.

Les coquilles de Cardiidae et de Glycymerididae, très peu nombreuses dans


le corpus, n’ont pas pu être identifiées au niveau du genre ni de l’espèce.

C. Classe des Scaphopoda


La coquille des mollusques de cette classe est facilement reconnaissable par
son volume tubulaire légèrement arqué et ouvert aux deux extrémités : l’extrémité
antérieure contient l’ouverture la plus large grâce à laquelle l’animal se nourrit
tandis que l’extrémité postérieure, dont l’ouverture est étroite, permet à l’animal
de respirer, de disperser des gamètes et d’excréter les déchets de son métabolisme.
La section de la coquille peut varier de circulaire à polygonale. Certaines espèces
ont la face externe lisse et d’autres sont ornées de reliefs longitudinaux en forme
de « côtes », de nombre variable et qui pourraient servir comme critère
d’identification.

104
Au total, six familles sont attribuées à cette classe, la plus connue étant celle
des Dentaliidae. Au Proche-Orient, les espèces les plus exploitées appartiennent à
deux genres : Antalis et Dentalium. Le premier est propre à la mer Méditerranée
tandis que le second se trouve plus communément en mer Rouge (Steiner & Kabat
2001). Le corpus étudié contient très peu de coquilles de dentales. La
transformation très poussée de certaines d’entre elles (tronçonnage en petites
rondelles) ainsi que leur état d’usure, très développé dans certains cas, a
compliqué l’identification taxonomique. Nous nous référons aux espèces non
déterminées par Dentalium sp., nom dont l’utilisation est courante en archéologie
(Bar-Yosef Mayer 2008, p. 104) sans que cela ne désigne une origine de la mer
Rouge.

3.4.2. Les matières osseuses

Les matières osseuses ont été largement exploitées dans le domaine de la


parure. On distingue 4 catégories : l’os, la dent sensu lato, le bois de cervidés et les
cornes ou les chevilles osseuses. Ici il est question uniquement de l’os et de la dent,
les seules matières osseuses employées dans notre corpus.

3.4.2.1. L’os : composition et structure


Le terme os désigne les éléments rigides et fortement minéralisés qui
composent le squelette des animaux vertébrés et auxquels s’attachent les muscles
et les tendons permettant la locomotion de l’animal. Les os constituent une réserve
minérale dans laquelle le sang peut puiser des sels et minéraux (Barone 1976,
p. 43). L’industrie osseuse s’intéresse principalement aux tissus osseux, et
notamment l’os cortical (ou os compact), élément principal de l’os.

Les tissus osseux comportent une substance fondamentale, des fibres


collagènes et des cellules. La substance fondamentale est une fine couche
organique structurée en forme de lames osseuses. Elle constitue le support de tous
les autres. La minéralisation de cette couche est à l’origine de la rigidité de l’os, ce
qui lui permet par ailleurs d’acquérir une valeur mécanique. Les fibres collagènes
se noient dans la substance fondamentale, elles sont parallèles entre elles dans

105
chaque lamelle et perpendiculaires aux fibres des lamelles adjacentes. Les cellules
osseuses (ostéocytes) sont disposées entre et à l’intérieur des lamelles osseuses.
Chaque cellule est disposée dans une cavité (ostéoblaste). Ces ostéoblastes
communiquent entre eux ainsi qu’avec l’espace médullaire par de fins canalicules
(ibid., p. 42).

La composition du tissu osseux est mixte : à la fois organique et minéral.


Une portion de 30% de matières organiques, principalement en protéine
(l’osséine), lui donne son élasticité et une portion de 70% de matières minérales en
cristaux d’hydroxyapatite et sels minéraux, lui donne sa dureté et sa rigidité (ibid.).
L’agencement des constituants du tissu osseux peut être différent et plusieurs
types de tissu osseux, en progressant de l’extérieur de l’os à l’intérieur, peuvent
être distingués. Le tissu périostique (ou périoste) est la membrane fibreuse
enveloppant l’os entier sauf la partie des articulations. Le tissu haversien (os
cortical, ou compact), dans lequel les lamelles s’organisent concentriquement
autour d’un canal vasculaire, est constitué de plusieurs canaux, appelés canaux de
Havers, qui parcourent l’os en longueur. C’est la substance compacte recherchée
par l’artisan. Au cœur de l’os se trouve enfin le tissu spongieux, qui occupe
surtout les extrémités des os longs et les parties profondes des os plats, courts et
allongés (ibid., p. 43).

3.4.2.2. Types d’os


Selon leurs rapports et leurs dimensions, quatre types d’os sont reconnus :
les os longs, les os plats, les os courts et les os intermédiaires.

Les os longs correspondent à certains des membres antérieures et


postérieures comme par exemple l’humérus, le fémur, le tibia. Ils sont composés
d’une partie centrale cylindrique, la diaphyse, de section transversale, qui varie
selon le taxon et qui renferme une cavité allongée contenant la moelle osseuse
appelée canal médullaire, et de deux épiphyses, qui sont les deux parties situées
aux extrémités de la diaphyse. Elles sont en tissu spongieux couvert d’un tissu
compact superficiel. Les petits os longs sont très exploités dans l’industrie osseuse
et notamment pour la fabrication des éléments de parure.

106
Les os plats sont l’omoplate, le pelvis, les côtes et le crâne. L’omoplate et les
côtes sont formées d’une partie centrale et de deux extrémités dont seulement une
présente des surfaces articulaires.

Les os courts sont principalement les vertèbres et les éléments du carpe ou


du tarse. Les os plats et courts sont dépourvus de cavité médullaire, leur tissu est
principalement spongieux couvert d’une couche superficielle de tissu compact.

3.4.2.3. La dent : composition et structure


La dent se compose de la racine, partie immergée de l’os maxillaire, et de la
couronne. La limite entre la couronne et la racine se nomme le collet. La dentine
est un tissu osseux compact fortement minéralisé, plus dur que le tissu osseux de
l’os et le bois de cervidés et, par conséquent, moins élastique et plus cassant. La
dentine est revêtue d’émail sur la couronne et du cément sur la racine. A
l’intérieur de la dentine, la cavité pulpaire est équipée de vaisseaux sanguins et de
nerfs.

La racine des dents se prête bien au travail d’abrasion alors que l’émail,
extrêmement minéralisée, jusqu’à 97%, est plus difficile à travailler, notamment à
entamer (Le Dosseur 2006, p. 97). La racine, moins minéralisée que l’émail, est par
conséquent plus facile à travailler.

3.4.2.4. Types de dent


La dentition définitive contient quatre types de dents à morphologie,
dimensions et fonction différentes : les incisives, les canines, les prémolaires et les
molaires. Chez certains animaux, les canines peuvent prendre la forme d’une
défense (e.g. sanglier) ou la forme d’une crache (e.g. cerf) dans la mâchoire
supérieure.

Peu de dents ont été utilisées pour la confection d’objets de parure dans les
sites étudiés. Il s’agit majoritairement de défenses de sanglier mâle et, pour un cas,
d’une première incisive de bovidé. Les craches de cerfs et les canines de carnivores
(renard, loup, hyène, etc.) ont été utilisées pour les éléments de parure durant le

107
Paléolithique, le Natoufien et le Néolithique au Levant (Le Dosseur 2006, p. 80)
mais sont totalement absentes dans notre corpus.

Les canines de sanglier sont des dents à croissance continue. Ainsi, leur
racine n’est pas distincte. La dent se présente comme une très haute couronne avec
une base et un sommet ou pointe (Poplin 2004, p. 12). De section triangulaire, trois
faces peuvent être distinguées : la face linguale, la face latérale ou vestibulaire, et
la face postérieure. La première est généralement la plus large et est émaillée. La
couche d’émail recouvre également la seconde.

Les défenses de sanglier exploitées généralement dans le domaine de la


parure sont celles provenant de l’animal mâle, plus particulièrement les canines
inférieures probablement car elles sont plus régulières et que leur surface n’est pas
plissée contrairement aux canines supérieures.

3.4.2.5. Identification
L’identification des matières osseuses consiste à déterminer la partie
anatomique du squelette ainsi que son identité taxonomique au niveau de l’espèce
dans le meilleur des cas. L’identification se fait à l’œil nu, ou à la loupe binoculaire
à faible grossissement si nécessaire.

Notre propre expérience nous a permis de réaliser l’identification


anatomique d’une partie des objets. En ce qui concerne l’identification
taxonomique, nous avons eu recours à l’aide d’un archéozoologue (L. Gourichon).
Quand l’identification de l’espèce animale n’était pas possible, le critère du gabarit
(« Body Size Group » ou BSG) a été pris en compte. Ce critère, emprunté à
l’archéozoologie et bien explicité dans la thèse de G. Le Dosseur (2006, p. 82), a été
adopté ici.

Quatre classes d’animaux (Tabl. 3.3) sont identifiées en prenant en compte


les principaux taxons présents dans les sites archéologiques du Proche-Orient : la
classe A concerne les ongulés de grande taille (e.g. aurochs, équidés) ; la classe B
est celle des ongulés de moyenne taille (e.g. daim, sanglier) ; la classe C désigne les
ongulés de petite taille (e.g. chèvre, mouton, gazelle, chevreuil), et la classe D
regroupe les mammifères de petite taille (e.g. petits carnivores, lièvre). Pour notre

108
corpus, nous avons rajouté trois autres classes : la classe E qui est propre aux
oiseaux ; la classe F concerne les poissons ; et enfin, la classe G concerne l’humain.
De même, nous avons créé des sous-classes à l’intérieur de certaines, le but étant
de regrouper de manière rationnelle des éléments qui ont été déterminés au
niveau spécifique ou générique et des éléments qui n’ont pu être déterminés aussi
précisément mais dont les caractéristiques donnent des informations sur le gabarit
de l’animal, voire sur la famille ou l’ordre auquel il appartient. Ainsi, trois sous-
classes sont distinguées pour la classe A : A1 regroupe les bovins (aurochs, bœuf) ;
A2 regroupe les équidés (hémione, âne, cheval) ; A3 concerne le cerf. La classe B
contient deux sous-classes : B1 est propre au daim ; B2 correspond au sanglier (ou
au porc). Deux classes également sont distinguées pour la classe C : C1 et C2 ; la
première regroupe les caprinés (mouton, chèvre, égagre, ibex) tandis que la
seconde réunit la gazelle et le chevreuil. La classe D est subdivisée en D1 et D2 : la
première regroupe les carnivores de taille renard (renard, blaireau) et la seconde
concerne les lagomorphes (lièvre). Trois sous-classes sont distinguées pour la
classe E : les oiseaux de grande taille (oie, grue, outarde, grand rapace) forment
E1 ; E2 regroupe les oiseaux de moyenne taille (canard colvert) et E3 correspond
aux oiseaux de petite taille (perdrix, sarcelles, corneille). Enfin, aucune sous-classe
n’a été créée pour les classes F et G.

3.4.2.6. Acquisition
L’acquisition des ressources animales dépend de plusieurs facteurs. Elle est
réalisée après un processus d’abattage et de préparation plus ou moins complexe
(Plisson 1993, p. 16) : « En ce qui concerne les ressources animales, les méthodes et les
techniques d’acquisition dépendent de l’animal considéré (invertébré ou vertébré ;
aquatique, terrestre ou aérien ; herbivore ou carnivore, etc.), des produits qui sont attendus
(ramure, lait, sang, fourrure, viande, etc.) et de ses rapports avec l’homme (à un premier
niveau de distinction : sauvage ou domestique). L’abattage précède généralement le
traitement du corps des vertébrés, le cas d’exception pour les mammifères étant la traite, la
saignée et la tonte. La mort résulte le plus souvent, pour les formes sauvages, de leur mode
de capture. L’acquisition s’achève alors par la production d’un cadavre ».

109
Les types d’os et les parties anatomiques utilisés pour la fabrication des
objets de parure du corpus ont pu être simplement prélevés sur des squelettes
sans recours à des actions requérant une grande force ou à des techniques
complexes d’extraction, sauf peut-être pour les canines de sangliers. En effet,
d’après Y. Maigrot (2003, p. 64), « Les canines, à section triangulaire et qui vont en
s’élargissant vers la racine, sont très difficiles à arracher. Nos propres expériences nous
avaient conduit à concasser l'os de la mâchoire à l'aide d'un percuteur pour pouvoir les
extraire (…). Cette opération, simple et rapide, laisse d'irréversibles dommages sur la
mandibule ». Ainsi, la présence ou l’absence de traces d’arrachement sur les
mandibules pourrait donner des indices sur les modes d’extraction de ces canines.
Les restes de suidés sur les sites étudiés sont présents mais rares et souvent très
fragmentés. Pour cette raison, il est difficile d’identifier si leur fractures seraient
intentionnelles ou non (Gourichon, comm. pers.).

3.5. Les matières d’origine minérale

Comme c’est le cas pour certaines espèces de coquillages, les « pierres »


utilisées dans le domaine de la parure au Proche-Orient sont généralement
connues. Celles que l’on nomme comme « semi-précieuses », connues notamment
Chalcolithique et de l’Age de Bronze, sont déjà exploitées au cours de la période
qui nous concerne (cf. infra). L’intérêt de leur identification précise (e.g. analyse de
composition) est de remonter à leur source de provenance.

Les matières d’origine minérale sont toutes celles dont la formation ou la


métamorphose a eu lieu dans la structure interne ou en surface du globe terrestre
ou provenant de corps célestes (planètes, satellites, météorites, comètes). À l’état
solide, ces matières sont généralement connues sous le terme générique de
« pierre », mais elles se présentent en réalité soit sous forme de cristal, de minéral
ou encore de roche.

Un cristal se présente sous forme d’un solide prismatique composé


d’atomes arrangés de manière régulière selon une disposition fondamentale (la
maille élémentaire) dont la répétition dans l’espace dessine le réseau cristallin
(Foucault & Raoult 2010, p. 91). Les cristaux se rencontrent individuellement, au

110
sein d’un minéral ou d’une roche. Quand le cristal est bien formé et que ses
proportions le permettent, il peut constituer le support d’un objet de parure. C’est
le cas par exemple des cristaux de quartz hyalin, utilisés abondamment dans le
Midi de la France au Néolithique final et au Chalcolithique (Barge & Carry, 1986).

Un minéral est une espèce chimique naturelle se présentant le plus souvent


sous forme d’un solide cristallin. Il est limité habituellement par des surfaces
planes ayant entre elles des angles bien définis (cristal), ce qui suppose une
structure atomique ordonnée et une composition chimique définie (Pomerol et al.
2005, p. 391). Le minéral peut être monocristallin ou polycristallin. Dans une roche
déterminée, les minéraux sont dits « essentiels », « accessoires » ou « accidentels »
selon s’ils sont abondants, rares ou très rares (Foucault & Raoult 2010, p. 226).

Les roches sont des matériaux constitutifs des parties solides de la Terre et
des corps célestes. Elles sont constituées de l’agrégat de minéraux appartenant à
une ou à plusieurs espèces, qu’ils soient cristallins ou vitreux, et parfois, de
matériaux d’origine organique ce qui rend difficile la détermination des propriétés
physiques et chimiques (Korbel & Novak 1999, p.285). Les roches peuvent être
sous forme solide et cohérente (pierre, caillou), plastique (argile gonflé d’eau) ou
meuble (sable). Leur classification est complexe car elle est basée sur un grand
nombre de critères mais elles sont généralement divisées en trois catégories : les
roches sédimentaires, les roches magmatiques et les roches métamorphiques (cf.
Foucault & Raoult 2010, p. 310-311).

La distinction entre ces trois formes (cristal, minéral et roche) est importante
car elle peut donner des indications sur la provenance du matériau. Dans notre
corpus, les roches sont majoritaires. Les cristaux sont extrêmement rares tandis
que les minéraux sont souvent agglomérés au sein des roches.

111
3.5.1. Méthodes et techniques d’analyse

Les objets de parure en matières minérales sont parmi les plus nombreux
du corpus. Pour leur identification, nous avons eu recours à plusieurs méthodes et
techniques d’analyse allant de la plus simple à la plus compliquée en essayant de
nous adapter, notamment aux conditions d’accès au matériel15.

Dans un premier temps, tous les éléments ont été examinés à l’œil nu et/ou
à la loupe binoculaire afin de décrire leurs aspects visuels les plus
caractéristiques : la couleur, les teintes, l’éclat, la transparence/translucidité ou
l’opacité et l’aspect de la surface. Les caractéristiques visuelles de certains
matériaux sont diagnostiques et ne peuvent être confondues avec celles d’autres
matériaux. Ainsi, nous avons pu distinguer l’obsidienne, le quartz, la cornaline,
l’agate, l’améthyste, certaines turquoises, certaines stéatites (talcs) et les objets en
calcaire tendre (craie). Faute de pouvoir identifier les matériaux par des méthodes
physiques ou optiques, le test de dureté selon l’échelle de Mohs a été pratiqué
dans des rares cas. Ce test, qui mesure approximativement la dureté de la matière
selon une gradation progressive allant de 1 à 10, est peu précis16, notamment sur
des roches composées de différents minéraux dont la dureté est très variable.

Le test à l’acide chlorhydrique a été effectué pour quelques cas très


ponctuels de matériaux non identifiés et dont les caractéristiques visuelles
n’étaient pas diagnostiques17. Il permet de déterminer si le matériau est ou
contient du carbonate de calcium. Toutefois, celui-ci est le composant d’une
grande gamme de matériaux (calcaire, calcite, craie, marbre, albâtre, etc.). Ayant la
même couleur et pour certains la même dureté, il est difficile de les distinguer sans
recours à la méthode de diffractométrie par rayons X. Par ailleurs, les carbonates

15 Les matériaux qui sont sur le territoire syrien n’ont pas pu bénéficier d’analyses permettant leur

identification précise. Nous nous sommes basée sur les données acquises à partir des
caractéristiques visuelles et du critère de la dureté, parfois sur celui de la densité, afin de pouvoir
faire une approximation de leur famille minérale d’appartenance.
16 Pour rappel, la mesure de la dureté selon l’échelle de Mohs se déroule en rayant la surface avec

un matériau dont la dureté est connue. Si la rayure est marquée, la matière rayée est plus tendre
que celle du matériau rayant. Au contraire, si la surface n’a pas été marquée, cela signifie que la
dureté de sa matière est supérieure à celle de l’élément rayant. Ce test est fortement déconseillé
pour les matériaux friables ou les objets d’un intérêt muséographique. Dans le cas de son emploi, il
doit être effectué sur une zone restreinte de la surface en utilisant une loupe binoculaire afin de
contrôler l’étendue de la rayure.
17 Cette méthode consiste à verser une quantité donnée d’acide chlorhydrique (2HCl) diluée avec

de l’eau distillée. La présence de carbonates de calcium (CaCO3) se manifeste par un effet


d’effervescence (réaction à l’acide) et d’émission du dioxyde de carbone (Co2), de l’eau (H2O) et du
chlorure de calcium : « 2 HCl + CaCO3 = CO2 + H2O + CaCl2 ».

112
de calcium composent également certaines structures solides d’origine animale
comme l’os, le corail et les coquilles. Mais heureusement, l’identification de ces
derniers est relativement simple quand leur matière n’est pas très transformée ou
détériorée.

Il existe d’autres tests qui pourraient donner des indications directes ou


indirectes sur les matériaux comme la fluorescence, la mesure de la densité
(Dietrich 1988), etc., mais nous n’avons pas pu les réaliser sur le terrain.

Des échantillons ont été soumis à l’analyse de composition minéralogique


par la méthode de diffraction par rayons X18. Avec les nouvelles avancées
technologiques, la technique d’analyse par diffraction peut être désormais
appliquée directement sur l’objet, sans le recours à sa destruction afin de créer des
lames minces. Toutefois, ces nouvelles méthodes ne sont pas sans inconvénients
pour certains objets. En effet, cette technique est fiable sur les objets dont les
surfaces sont suffisamment grandes et planes. Elle peut donner des résultats
moins précis sur les spécimens présentant des surfaces réduites (G. Monge19,
comm. pers.). De même, cette méthode n’est pas toujours concluante en ce qui
concerne la distinction entre une roche et un minéral à cause du problème de la
surface restreinte qui reçoit les rayons. Pour les objets de parure, on peut parler
avec certitude d’un minéral lorsqu’un monocristal a été utilisé. Dans le cas des
éléments de grande taille, « vu leur composition minéralogique, on ne peut pas échapper
à une interprétation en terme de roches » (Santallier et al 1997, p. 58).

Les analyses diffractométriques ont été effectuées sur un échantillon réduit


du corpus. Pour des questions d’accessibilité, les pièces proviennent
essentiellement de la collection de parure de Mureybet conservée en France (Jalès).
Nous avons utilisé les exemplaires identifiés comme les constituants d’une
collection de références. En effet, la comparaison des caractéristiques visuelles des
éléments non analysés avec celles des objets identifiés a permis parfois d’identifier
les premiers de façon plus ou moins certaine. De plus, il a été donné plus de
plausibilité à l’identification d’un objet si celui-ci fait partie de la même parure que
l’élément référencé, s’il est du même type ou s’il a été trouvé dans le même
contexte archéologique.

18 Pour la technique de diffraction par rayons X, cf. Santallier et al. 1997, p. 57.
19 Technicien à l’Ecole des Mines de Paris à Sophia Antipolis.

113
3.5.2. Minéraux et roches du corpus

Afin de faciliter le traitement des matériaux, nous avons procédé à leur


classification selon le système de classification des minéraux. Ce dernier est basé
sur les caractères chimiques et cristallographiques des minéraux et comportent
huit classes principales qui sont les suivantes : les éléments natifs, les sulfures, les
halogénures (chlorures, fluorures, etc.), les oxydes, les carbonates, les phosphates,
les sulfates et les silicates (Foucault & Raoult 2010, p. 226). Les objets du corpus
appartiennent aux cinq dernières classes. Les descriptions suivantes permettent de
bien noter les distinctions entre les différents minéraux identifiés ainsi que,
lorsque nécessaire, les propriétés visuelles ou mécaniques qui auront une
importance pour traiter les aspects technologiques ou autres de la parure
néolithique de Syrie.

3.5.2.1. Les oxydes


Les oxydes sont des composés d'oxygène (O) avec d’autres éléments
chimiques. Ils sont caractérisés par une dureté et une densité élevées. La famille de
la silice et les oxydes leur appartiennent.

A. Famille de la silice (SiO2)


Cette famille20 est représentée dans le corpus par les quartzs et les
calcédoines. Une propriété physique fondamentale de la grande majorité des
roches appartenant à la famille de la silice est la cassure conchoïdale. Les quartzs
sont généralement des minéraux ou des roches macrocristallines (à cristaux bien
formées qui peuvent atteindre de grandes dimensions) et les calcédoines sont des
roches microcristallines (à cristaux microscopiques). Le terme calcédoine désigne
soit l’ensemble des variétés microcristallines fibreuses et colorées (cornaline, agate,
sardoine, onyx, chrysoprase, plasma, héliotrope), soit la variété greneuse
ordinairement grise ou brunâtre (silex, chert, jaspe) (Johnsen & Poirot 2006,

20 Il existe deux classifications chimiques différentes pour la famille de la silice : le «classement de

Dana » qui la classe parmi les oxydes car le quartz est un dioxyde de silice, et le « classement de
Strunz », qui la classe parmi les silicates étant donné que la silice est l’archétype des silicates.

114
p. 357). Dans le corpus, seulement certaines variétés colorées sont représentées :
l’agate et la cornaline. L’améthyste est identifiée au sein des roches
macrocristallines. Enfin, dans la famille de la silice, on compte également
l’obsidienne. Nous les présentons par la suite selon un ordre alphabétique.

Agate
L’agate est une variété de calcédoine formée d’une alternation de couches
d’épaisseurs variables, différant par leurs couleurs, leur degré de translucidité et
leur porosité. Les couleurs naturelles de l’agate sont le blanc laiteux, gris bleuâtre,
vert grisâtre, brun jaunâtre, rougeâtre et beaucoup plus rarement le vert ou le noir.
À ces couleurs il faut ajouter toutes les nuances intermédiaires entre ces
différentes teintes (Dietrich 1988, p. 12).

Améthyste
L’améthyste est une variété de quartz macrocristallin, transparent à opaque,
et dont la couleur englobe les nuances de violet, attribuées à des traces de fer
(Johnsen & Poirot 2006, p. 356). La couleur est rarement uniformément répartie
dans les cristaux. La chauffe peut décolorer ou donner une teinte jaune-brunâtre
ou brun-rougeâtre à l’améthyste. La dureté est de 7 et l’éclat est vitreux à gras
(Dietrich 1988, p. 16).

Cornaline
La cornaline est une variété de calcédoine uniformément colorée dans les
teintes rouges. La coloration rouge orange peut être d’origine naturelle, due à la
présence d’hématite Fe2O3 colloïdale finement dispersée (Dietrich 1988, p.43). Mais
elle peut être également jaune et, grâce au traitement thermique, atteindre cette
coloration rougeâtre (Apter et al. 1988).

115
Cristal de roche : quartz
L’appellation cristal de roche est d’usage commun. Ce n’est pas une variété
de quartz mais simplement du quartz à l’état pur dont les cristaux sont bien
formés. Ces cristaux sont incolores et transparents. Le système cristallin est
rhomboédrique, la dureté est de 7 et l’éclat est vitreux à gras (Dietrich 1988, p. 43).

Obsidienne
L’obsidienne est une roche magmatique effusive entièrement vitreuse et
brillante. Son refroidissement ayant été trop rapide, elle n’a pas eu le temps de
cristalliser (Pough 1979, p. 21). Sa couleur varie entre le noir, le gris le vert foncé, le
marron, le jaune et sa dureté est comprise entre 5 à 5.5 sur l’échelle de Mohs.

B. Oxydes de fer (FeO)


Hématite (Fe2O3)
L’hématite est un minéral à cristaux rhomboédriques, de dureté de 6
environ et de densité très élevée. De couleur noir ou gris foncé ou encore rouge ou
brun dans les variétés finement grenues. L’éclat est métallique (Johnsen & Poirot
2006, p. 161). On peut le retrouver en association avec d’autres minéraux dans les
roches éruptives, métamorphiques et sédimentaires.

3.5.2.2. Les carbonates


Les carbonates sont des matériaux généralement tendres, transparents à
opaques, de couleurs claires, le plus souvent blanchâtres. Le groupe des
carbonates est important et contient de nombreux représentants minéralogiques.
Les plus abondants et les plus connus sont la calcite (CaCO3), l’aragonite (CaCO3)
et la dolomite (Ca, Mg) (CO3)2 (Foucault & Raoult 2010, p. 59). Ils se présentent
comme des minéraux essentiels (Pough 1979, p. 169) dans les roches sédimentaires
carbonatées, ou en minéraux secondaires ou accessoires dans d’autres types de
roche.

116
La calcite, ou les carbonates de calcium, est un minéral fragile facilement
clivable qui a une dureté de 3 sur l’échelle de Mohs. À éclat vitreux, parfois
légèrement nacré ou irisé sur les faces de clivage, il est incolore ou transparent à
l’état pur mais peut également être de différentes couleurs (jaune, brun, rose, bleu,
gris, etc.) selon l’importance des substitutions chimiques et/ou la présence
d’inclusions solides telles que la malachite, l’hématite, le chlorite, etc. (Dietrich
1988, p.33). L’aragonite est très semblable à la calcite en dureté et en couleurs, et a
la même formule chimique. Elle se différencie d’elle par son système cristallin
(Dietrich 1988, p18). L’aragonite se trouve généralement dans les mêmes
gisements que la calcite, mais en cristaux isolés ou en petits amas. Elle est présente
dans de nombreuses coquilles d’invertébrés. Enfin la dolomite est à clivage parfait,
son éclat vitreux et sa couleur variable, souvent blanche ou jaunâtre à brunâtre
(ankérite avec présence de Fe se substituant plus ou moins à Mg) (Foucault &
Raoult 2010, p. 59).

Les roches carbonatées sont classées en deux types : les calcaires et les
dolomies. Dans le premier, la roche est constituée à plus de 50% de calcite ou
d’aragonite et elle réagit à l’acide chlorhydrique dilué (Foucault &t Raoult 2010,
p. 54). Dans le second, elle est constituée de plus de 50 % de dolomite et ne réagit
pas à l’acide chlorhydrique (ibid., p. 113).

Malachite Cu2(CO3)(OH)2
La malachite, ou carbonate de cuivre, est un minéral qui appartient aux
hydrocarbonates et qui se présente très rarement en cristaux individualisés bien
formés. On le trouve généralement en enduits plus ou moins épais ou en croûtes.
Sa couleur est vert foncé de différentes nuances, notamment dans les masses à
structure zonée, et il est translucide à opaque. Son éclat adamantin tendant au
vitreux pour les cristaux et les variétés fibreuses a un aspect plus ou moins soyeux
ou velouté. La dureté est entre 3.5 à 4 sur l’échelle de Mohs et il réagit à l’acide
chlorhydrique dilué (Dietrich 1988, p. 74).

117
3.5.2.3. Les sulfates
Les sulfates constituent un large groupe de minéraux, des sels et esters de
l’acide sulfurique (Johnsen & Poirot 2006, p. 94).

Gypse CaSo4·2H2O
Le gypse est un sulfate hydraté de calcium. C’est un minéral qui se forme
presque uniquement dans les bassins ou les lagunes, où l’évaporation aboutit à la
concentration puis à la précipitation des différents sels en solution dans l’eau. Il se
clive très facilement et il est d’une dureté de 2 sur l’échelle de Mohs. Il est incolore
quand il est pur mais parfois il prend des teintes variées (blanc, rose, jaune, vert,
gris, etc.) en fonction de la présence des impuretés.

Le gypse est souvent associé à d’autres minéraux tels que l’halite (un sel),
l’anhydrite, le soufre, la crandallite, etc. (Dietrich 1988, p. 62-63).

3.5.2.4. Les phosphates


Le phosphate est un minéral caractérisé par le radical PO4. Les phosphates
sont des roches sédimentaires marines contenant des minéraux phosphatés sous
forme amorphe ou cryptocristalline ou sous forme finement cristalline (Foucault &
Raoult 2010, p. 269-267). Ils comprennent notamment l’apatite, la turquoise bleu, la
variscite, l’amazonite, la crandallite.

A. Turquoise CuAl6[(PO4)4(OH)8]·4H2O
La turquoise est un minéral d’altération des régions arides, souvent associé
à la limonite et à la calcédoine. Elle forme des veines, veinules ou mouchetures
dans des roches éruptives. Sa cassure est légèrement conchoïdale et elle est
fragile : d’une dureté de 5 à 6 sur l’échelle de Mohs (Johnsen & Poirot 2006, p.248)
pour les turquoises de qualité et de 4.5 lorsqu’elle est poreuse. La couleur est bleu
ciel, vert bleuté à vert pomme et parfois gris verdâtre, à éclat légèrement cireux,
translucide à opaque (Dietrich 1988, p. 112 ; Johnsen & Poirot 2006, p.248). Les
variations dans les couleurs des turquoises peuvent être liées à une provenance de

118
différents gisements mais elles peuvent aussi être expliquées par des degrés
d’altération visibles21.

B. Variscite Al(PO4)·2H2O
Ce minéral est un phosphate d’aluminium hydraté. Opaque ou légèrement
translucide, il est d’un vert relativement soutenu, parfois un peu bleuâtre avec un
éclat mat, ou de couleur vert pomme et d’éclat cireux. La dureté sur l’échelle de
Mohs est variable en fonction de la structure du minéral et de son degré
d’altération, allant de 3.5 à 5.5 (Dietrich 1988, p. 116).

3.5.2.5. Les silicates


Ce groupe de minéraux est très commun et répandu sur une très vaste
étendue terrestre. Ces espèces sont relativement faciles à identifier car elles sont
totalement insolubles dans les acides, translucides, au moins en éclat, et ont
généralement une grande dureté (Pough 1979, p. 265.). Les silicates sont des
minéraux majeurs des roches ignées et de la plupart des roches métamorphiques
et sédimentaires. Le motif élémentaire caractéristique de tous les silicates est le
(SiO4)4-. Les silicates se divisent en différents regroupements (Johnsen & Poirot
2006, p. 250) parmi lesquels seulement les phyllosilicates et les
tectosilicates concernent nos objets. Plusieurs familles minérales ont été identifiées
au sein du groupe des phyllosilicates : les serpentines, les minéraux argileux, les
talcs et les chlorites. Aux tectosilicates appartiennent la famille des feldspaths dont
seulement une variété a été identifiée dans le corpus : l’amazonite.

A. Famille des serpentines


La serpentine est un groupe de minéraux très similaires partageant la même
structure cristalline et quasiment la même formule chimique, [Mg6(OH)8][Si4O10] :
l’antigorite, la lizardite et le chrysotil (Dietrich 1988, p. 104 ; Johnsen & Poirot 2006,

21 Une diminution de l’hydratation d’une turquoise provoque un « verdissement » de la pierre


(Webster 1990, cité par Barthélémy de Saizieu et al. 1993, p. 71). Il semblerait par ailleurs que les
« turquoises les plus pâles sont parfois plus riches en silicium, ce qui serait dû à une altération plus poussée
de la pierre » (Bouquillon et al. 1992, cité par Barthélémy de Saizieu et al. 1993, p. 71).

119
p. 333). De dureté allant de 3 à 5, ils ont une couleur habituellement verdâtre,
souvent marbrée, parfois nuancée de jaune, brun, rouge ou gris. L’éclat est gras et
soyeux pour les amas fibreux. Elle est opaque à translucide. Il existe une
ambiguïté dans l’utilisation du terme serpentine, qui représente pour les
minéralogistes une famille de minéraux mais pour les pétrographes une roche
formée de ces mêmes minéraux. Afin de distinguer la roche de serpentine des
minéraux qui la composent, le terme « serpentinite » est employé (Dietrich 1988,
p. 105 ; Foucault & Raoult 2010, p. 232). Cette roche dérive des roches
magmatiques basiques et ultrabasiques soit par altération, soit par
métamorphisme. Outre les minéraux qui la composent, la serpentinite contient
également de l’oxyde de fer. La roche est compacte, assez tendre, verte avec des
tons variés, sombres et claires en plages irrégulières rappelant la peau de serpent
d’où elle tient son nom (Foucault & Raoult 2010, p. 232). Parmi les échantillons
analysés par diffraction, seulement un s’est avéré être de la serpentine, associée à
de la calcite. Mais d’après leurs couleurs, éclats, duretés et aspects de surface, un
certain nombre d’objets du corpus pourraient avoir été confectionnés en
serpentinite.

B. Minéraux argileux
Ces minéraux sont finement grenus, constitutifs de roches pouvant
absorber de considérables quantités d’eau en gonflant (Johnsen & Poirot 2006,
p. 334). La kaolinite [Al4(Oh)8][Si4O10] a pu être identifiée dans le corpus, à l’état
« cru », c'est-à-dire non chauffée ou chauffée à moins de 400 à 500°C, température
de déshydratation du minéral (Santallier et al. 1997, p. 60).

C. Famille des talcs


Le talc, [Mg3(OH)2](Si4O10), se présente parfois en masse feuilletée ou en
amas fibreux, plus généralement en véritable roche compacte appelée
communément stéatite. Il est de couleur extrêmement variable comme le blanc
verdâtre, jaunâtre, bleuâtre, gris plus ou moins foncé, marron de différentes
nuances (Dietrich 1988, p. 110). La couleur rouge concerne un certain nombre
d’objets du corpus identifiés comme des talcs. Cette couleur est liée à la présence

120
d’oxyde de fer (Santallier et al.1997, p. 60). O. Johnsen mentionne que le fer se
substitue parfois au magnésium (Johnsen & Poirot 2006, p. 337), la couleur n’est
donc plus rouge mais verdâtre ou bleuâtre. L’éclat du talc est gras au toucher et
nacré notamment sur la face de clivage. C’est le minéral type de dureté 1 sur
l’échelle de Mohs. Bien qu’il soit de faible dureté, sa variété cristalline est très
compacte et sa présence dans une roche lui donne une grande ténacité, se prêtant
donc bien à la taille d’objets divers (Dietrich 1988, p. 110). Le talc est identifié dans
les échantillons analysés du corpus soit seul, soit en association avec de l’hématite,
responsable de la couleur rouge.

D. Famille des chlorites


Les chlorites sont des minéraux à structure feuilletée très voisins les uns des
autres. Ils ont été formés à basse température plus particulièrement dans les
roches faiblement métamorphisées (schistes verts). Mais ils peuvent résulter
également de l’altération des amphiboles et des micas (Johnsen & Poirot 2006,
p. 344). Elles sont en général intimement mêlées aux autres minéraux de la roche
hôte et ne donnent qu’assez rarement des amas individualisées macroscopiques.
Elles sont facilement clivables, de dureté qui varie entre 1.5 et 3. Les couleurs sont
très généralement vertes plus ou moins foncées mais elles peuvent être aussi
incolores, blanches, jaunes, brunes ou rouges (Dietrich 1988, p. 40). Parmi les
principales espèces de chlorite, sont reconnus dans notre corpus le clinochlore et
plusieurs variétés de ce dernier : la diabantite, la chamosite (chlorites ferro-
magnésiennes) et la nimite (chlorites nickélifères). Les couleurs sont dans les tons
des verdâtres sombres, les gris verts foncés, l’anthracite et le noir (Maréchal &
Alarashi 2008, p. 592).

Au sein de la classe des silicates, la sillimanite, associée à la mullite (groupe


des néosilicates), la muscovite et l’illite, les deux derniers appartenant à la famille
des micas (groupe des phyllosilicates), a été identifiée une fois dans le corpus. Elle
est de couleur blanc nacrée, couleur propre à la sillimanite (Santallier et al. 1997,
p. 60). Cette association minéralogique est classée en tant que roche
métamorphique (Maréchal & Alarashi 2008, p. 601).

121
E. Amazonite K(Al,Si3O8)
L’amazonite est une variété de feldspath, précisément de microline
(Dietrich 1988, p. 14), de couleur vert pomme à vert émeraude, fruit de la présence
de traces de cuivre. La surface est couverte d’un réseau de très fines lamelles de
couleur blanc, caractéristique de ce matériau (Hauptmann 2004, p. 174). La dureté
de cette roche est de 6.5 sur l’échelle de Mohs.

3.5.2.6. Matériaux indéterminés


Enfin, il existe un lot d’objets dont le matériau n’a pu être identifié ni au
niveau de l’espèce, ni de la famille ou de la classe. Dans ce lot, un groupe
d’éléments se distingue par l’aspect lisse, émoussé et arrondi de ces surfaces,
propre aux galets roulés par des cours d’eau. Quand la détermination précise n’a
pas été possible, nous avons donc utilisé le terme « galet » pour désigner la
matière de l’objet. Précisons toutefois qu’une grande partie de ces « galets »,
notamment ceux de couleur beige ou blanchâtre, semble appartenir fortement au
cortège des carbonates associées probablement aux cristaux de quartz ou/et de
gypse. Pour le reste des matériaux non identifiés autres que les galets, nous avons
décidé de les renseigner par leur couleur en complément du terme générique de
« pierre ». Ainsi, nous parlerons de pierres noires, grises, blanches, vertes, etc.
L’utilisation du terme « pierre » est motivée par le fait qu’il est difficile parfois
d’identifier sans le recours à des analyses de composition s’il s’agit d’un minéral
ou d’une roche. Par ailleurs, certaines expressions courantes, comme celle de
« roches vertes », portent à confusion. En géologie, elle désigne d’une manière
générale l’ensemble des roches magmatiques, plutoniques et effusives, basiques et
ultrabasiques dont la teinte verte est due au développement de chlorite, épidote,
amphibole, et serpentine, du fait de l’altération et, plus souvent, du
métamorphisme. Ce terme est considéré, selon une acception limitée, comme
synonyme des ophiolites métamorphisées (Foucault & Raoult 2010, p. 311). En
archéologie, ce terme est utilisé de manière erronée en faisant allusion dans la
plupart des cas à la couleur verte et non pas à la nature de la roche comme en
géologie (Thirault et al. 1999, p.261 ; Hauptmann 2004, p. 169).

122
3.5.3. Origines et acquisition

Ce point est largement discuté dans la partie IV22 (cf. Chapitre 13). Certains
matériaux qui présentent des liens génétiques par leur lieu de naissance commun
peuvent être regroupés en plusieurs groupes pétrographiques (Santallier et al.
1997). Il est ainsi plus facile de localiser leur répartition géologique (bassins
sédimentaires, massifs montagneux, etc.). Plusieurs groupes sont distingués :

Les ophiolites : ils regroupent les chlorites, les talcs et les serpentines en
raison de leur composition en magnésium, nickel et chrome. Leur gîtes sont
nombreux et présents uniquement au nord de la Syrie : dans différentes régions de
l’Anatolie et dans la région d’Alexandrette, au Baër-Bassit au nord-ouest de la
Syrie. Des gisements sont également présents au sud-ouest de Chypre.

Les carbonates : ils regroupent les matériaux clairement issus des roches
sédimentaires. Il s’agit des carbonates, des gypses « avec éventuellement un
accompagnement de quartz, de halite et peut être d’argiles » (ibid, p. 61).

Les amphiboles partagent des domaines de stabilité comparables et peuvent


être regroupées. Leur origine est à chercher soit dans le socle microcristallin turc,
soit dans le métamorphisme océanique des ophiolites. Les amphiboles sont
mentionnées dans les articles de Parrot (1974, 1977) pour la région du Baër-Bassit
au nord-ouest de la Syrie (région appelée d’ailleurs » le pays des roches vertes » ;
ibid., p. 44).

Les phosphates sont répartis un peu partout au Proche-Orient. En Anatolie,


ils sont parfois présents dans les mêmes zones des formations ophiolitiques (ibid.),
au centre de la Syrie (régions de Palmyre et de Bal’as) (Alarashi & Chambrade
2010), au nord de la Jordanie, au Levant Sud autour de la Mer Morte et au Sinaï
(Hauptmann 2004). Les phosphates des gisements israéliens, jordaniens et
égyptiens se différencient des gisements syriens et turcs par leurs compositions
chimiques. Les phosphates du nord sont alumineux (Santallier et al. 1997, p. 64)
tandis que ceux du sud ont un caractère ferrifère marqué. En se basant sur ces
différences, on arrive donc à écarter certains gisements d’approvisionnements. En
ce qui concerne la turquoise, son origine est très probablement méridionale. Elle

22 Cf. 13.2.2. Les matières minérales.13.2.2.2. Provenance, p.572.

123
n’est pas signalée pour les gisements syriens et nous ignorons si elle peut être
originaire des gisements en phosphate turcs. Bien qu’appartenant au groupe des
carbonates, la malachite, du fait que son composant principal soit le cuivre, est
donc à chercher dans les zones de répartition du cuivre, souvent dans les mêmes
que celles des phosphates. C’est le cas pour l’Anatolie (Hauptmann 2004, p. 171)
mais aussi dans mines de Faynan près de la Mer Morte en Jordanie, au Sinaï et à
Chypre.

Les calcédoines (variétés fibreuses et colorées) sont signalées dans le sud de


l’Anatolie ainsi que dans le sud du Sinaï (Wright et al. 2008, p. 137). L’améthyste
pourrait être recherchée dans les mêmes régions que celles de la cornaline.
L’obsidienne est à chercher dans les zones volcaniques de la Turquie.

D’après la répartition géologique (et donc géographique) des groupes


pétrographiques et en relation avec la localisation des sites du corpus, deux
catégories de matériaux peuvent être distinguées. La première concerne les
matériaux que l’on peut rechercher et collecter à proximité, parfois immédiate, des
sites dans lesquels elles ont été découvertes. Sur la base d’exemples
ethnographiques, certains auteurs ont proposé que l’étendue maximale de la zone
de collecte de ces matériaux soit de l’ordre d’un cercle dont le rayon correspond à
2h de marche autour du site, soit 10 km sur terrain plat (Higgs & Vita-Finzi 1972,
p. 30 ; Chambrade 2012, p. 493). Cette zone correspondrait à la « microrégion
économique », ou territoire de collecte (Chambrade 2012, p. 492), au sein de
laquelle les sources naturelles, dont celles minérales, sont considérées comme
« autochtones ». La seconde catégorie est celle dont les matériaux proviennent de
la zone externe à celle de cette microrégion, et qui sont donc considérés comme
« allochtones ».

Les matériaux que l’on peut considérer comme « autochtones », sans pour
autant écarter la possibilité d’une provenance lointaine, sont les carbonates ainsi
que tous types de minéraux et roches, relativement durs, ayant été charriés par les
cours d’eau jusqu’aux microrégions des sites étudiés. Quant aux matériaux
« allochtones », ce sont les ophiolites, les phosphates, les amphiboles, la malachite,
l’obsidienne, l’améthyste et toutes les variétés colorées de calcédoines (cornaline,
agate et chrysoprase).

124
Chapitre 4. Conception : Formes et types

Il est question ici de la chaîne de transformation mais dans ses tous débuts,
soit la conception, c’est-à-dire le projet que l’artisan cherche à réaliser.

4.1. Etat de la recherche

L’une des étapes principales du traitement du matériel est celle de la


description des objets. Pour cela, il existe déjà plusieurs conventions et
nomenclatures qui ont été développées par des chercheurs dès le début du siècle
passé (e.g. Beck 1928 ; Barge 1982 ; Barthélemy de Saizieu 1994). Afin de décrire et
classer les éléments de parure de notre corpus, nous avons testé certaines de ces
conventions, notamment celle de H. Beck mais nous nous sommes rendue compte
qu’il fallait soit modifier et adapter l’une de ces conventions, soit en créer une
nouvelle. Nous avons opté pour la deuxième solution tout en nous inspirant des
travaux, des concepts et des idées développés par différents chercheurs (Beck
1928 ; Taborin 1974 ; 1993 ; 2004 ; Barge 1982 ; Maréchal 1991 ; Barthélémy de
Saizieu 1994 ; Bonnardin 2009). En effet, contrairement aux autres domaines
d’étude de mobilier archéologique telles que la céramique ou l’industrie lithique et
osseuse, les objets de parure au Proche-Orient n’ont pas encore bénéficié d’études
suffisantes permettant d’établir une convention commune à la région et une
typologie transposable directement sur tout corpus. Pour pallier cette lacune, nous
nous sommes fixée deux objectifs :

• La mise en place d’une convention claire, flexible et précise applicable aux


différents contextes préhistoriques. Autrement dit, une convention à
vocation « large ».
• La création d’une typologie précise applicable aux différents contextes
néolithiques du Proche-Orient.

Pour ce faire, il était indispensable de créer une base théorique solide sur la
méthode de description de l’élément en tant que volume d’abord mais aussi en
tant qu’ornement.

125
La typologie des objets de parure ne peut pas être établie sans définir au
préalable un système de description. Selon nous, ce système doit reposer sur des
critères morphologiques appropriés tels que la forme du contour, le volume, la
couleur, le décor, la perforation et son intégration au sein du volume, etc. Les
aspects liés aux techniques de fabrication ou aux fonctions de l’objet ne font pas
partie des critères de classification primaires. Nous considérons qu’une
description correcte des objets doit prendre en compte l’objet à l’état « fini », état
qui reflète l’intention initiale de l’artisan, et non pas les moyens grâce auxquels
l’objet a été créé ou les fonctions pour lesquelles il a été créé.

Avant de présenter notre propre convention et notre modèle de


classification typologique, il était incontournable d’établir un bref historique des
principaux modèles de conventions et de classement existants qui nous ont en
partie inspirée, en portant un regard critique sur certaines recherches qui ont
appliqué des typologies préétablies. Nous verrons que la majorité de travaux
présentés ont été réalisés par des chercheurs français et sur des corpus européens,
notamment français. Cela ne fut pas un choix délibéré de notre part. Nous avons
simplement utilisé les travaux dans lesquels des méthodes de classification et de
nomenclature ont été proposées23.

Dans cette présentation nous respecterons l’ordre chronologique des


études, c'est-à-dire de la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours.

4.1.1. Les débuts : travaux pionniers

4.1.1.1. De la fin du XIXe siècle à 1920


Les études des objets de parure archéologiques ont commencé dès la
seconde moitié du XIXe siècle, avec les travaux de P. et H. Fischer (1876) sur la
classification des coquillages et des mollusques marins des sites préhistoriques
français (Alvarez-Fernandez 2006, p. 24).

23Cela reflète par ailleurs le dynamisme et l’importance de la recherche française dans le domaine
de la parure, notamment à partir des années 1970.

126
La première monographie sur les objets de parure en Europe date de 1920.
Son auteur, G. van Wetter, rassemble un certain nombre d’objets et les classe par
types (van Wetter 1920, cité par Alvarez-Fernandez 2006, p. 25).

Mais l’œuvre la plus importante parmi les publications de cette période


semble être celle d’E. Piette (1907), « L’art pendant l’âge du renne ». Sous la forme
d’un catalogue, les objets de parure sont documentés dans leur contexte
archéologique et chronologique et bénéficient d’une description détaillée de leur
décor. Avec 100 planches de dessin, E. Piette compose ainsi la première
classification formelle et chronologique des objets du mobilier artistique
paléolithique (Piette 1907 cité par Alvarez-Fernandez 2006, p. 26).

4.1.1.2. Les années 1920 et 1930, la classification d’H. C. Beck


Horace C. Beck (1873-1941) est le premier chercheur à avoir développé un
véritable système de classification des objets de parure, basé sur la forme et sur le
mode d’attache et suspension de l’objet, c'est-à-dire sa perforation. Ses définitions
et classifications pour les objets de parure continuent à être utilisées et à inspirer
un grand nombre de travaux typologiques24. Il fut invité en 1926 à présenter ses
travaux sur la classification et la nomenclature des objets de parure devant la
Society of Antiquaries of London. Publié en 1928 sous le titre « Classification and
nomenclature of beads and pendants » dans le volume 1 de la revue Archaeologia, cette
synthèse a permis d’asseoir la réputation de Beck qui était plus connu par ses
contemporains sous le nom de “The bead man” (Westlake 1976).

Beck commence cet ouvrage en soulignant le fait que les archéologues ne


décrivaient pas de la même manière les objets de parure et butaient
systématiquement sur le fait qu’il est très difficile, voire impossible, de déterminer
pour certains objets s’il s’agissait d’une « perle » ou d’un « pendentif ». Il propose
alors un système de classification qui, selon lui, pouvait être applicable aux objets
de parure de tous les pays, ainsi qu’une série de définitions essentielles pour
apporter de la précision à leur étude. Malgré ces doutes sur la difficulté de

24Il est également le premier à avoir utilisé le microscope optique pour l’étude de ces objets. C’est
d’ailleurs grâce à sa passion pour les microscopes et le perfectionnement des lentilles, que Beck
développa son intérêt pour l’histoire du verre, la parure en verre et, plus tard, pour tous les objets
de parure.

127
description de certains objets, il décide de traiter, séparément, la catégorie des
pendentifs à côté des perles. Selon lui, il suffit d’observer la perforation pour
différencier une perle d’un pendentif. Il rajoute à son corpus les sceaux, les
scarabées et les cylindres perforés alors qu’il est également difficile de les
différencier nettement des perles. En revanche, ces derniers objets ne seront pas
traités de manière détaillée, contrairement aux perles.

Une bonne description d’un objet de parure est celle qui prend en compte,
d’après Beck, à la fois sa forme, sa perforation, sa couleur, sa matière et sa
décoration. Mais Beck trouvait que l’implication de tous ces paramètres dans sa
classification rendait son usage difficile. Pour cela, il décide de privilégier le
paramètre de la forme. Il précise cependant que certaines perles classées dans les
deux premières catégories sont plus intéressantes pour leur décoration que pour
leur forme (Beck 1928, p. 1-2).

Beck classe les perles et les pendentifs en quatre catégories ou « divisions ».


Chacune a ses propres groupes (50 groupes au total), sous-groupes, familles et
classes (ibid., p. 6-11).

La division I correspond aux perles régulières arrondies. Elles sont reparties


en sept groupes (de I à VII) selon la forme de leur section transversale (circulaire,
ellipsoïde, ovoïde, lenticulaire, plano-convexe et semi-circulaire) (ibid., p. 5-6).

La division II contient les perles régulières facettées et sont reparties en neuf


groupes (de VIII à XVI : triangulaire, carrée, rectangulaire, diamant, pentagonale,
hexagonale, octogonale, polygonale et tubulaire). Ces neuf groupes ont été
subdivisés à leur tour en sous-groupes selon leurs longueurs :

A) Perles discoïdes, la longueur est inférieure à 1/3 du diamètre ;

B) Perles courtes, la longueur est supérieure à 1/3 et inférieure à 9/10e du


diamètre ;

C) Perles standards, pour lesquelles la longueur est supérieure à 9/10e et


inférieure à 11/10e du diamètre ;

D) Perles longues, la longueur est supérieure à 11/10e du diamètre.

Les perles sont classées par la suite en fonction de leur profil en six familles
selon la présence de lignes droites, convexes et/ou concaves.

128
La division III concerne les types spéciaux de perles et de pendentifs. Beck
regroupe ici les objets ayant exactement les mêmes formes mais qui sont classés en
tant que perles ou pendentifs selon l’axe de perforation. Par exemple, une coquille
d’Olividae perforée selon son axe longitudinal est une « perle », alors que la même
coquille perforée sur une de ces extrémités devient un « pendentif ». Au total, 22
groupes appartiennent à cette division (XVII à XLVIII). Pour chacun, deux sous-
groupes sont représentés : A pour désigner les perles et B pour désigner les
pendentifs. Des familles et des classes sont distinguées par la suite (ibid., p. 11-50).

La division IV traite enfin des perles et des pendentifs irréguliers subdivisée


à son tour en deux groupes (XLIX et L). L’un contient les objets uniquement
perforés et l’autre est celui des objets perforés et polis grossièrement (ibid., p. 50-
51).

Beck poursuit son étude en considérant d’autres éléments à prendre en


compte dans la description des objets de parure ; éléments qu’il a toutefois écarté
de sa classification finale.

La perforation est traitée dans la partie III où il recense onze types (ibid.,
p. 51-52) : la perforation double conique ; la perforation réalisée depuis les deux
extrémités ; la perforation conique ; la perforation plane ; la perforation chanfrein ;
la perforation large ; la perforation tubulaire ; la perforation en V ; la perforation
sur coin (corner perforation) ; la perforation multiple sur le même plan et la
perforation multiple sur plusieurs plants (ibid.).

Dans la partie IV, il propose des méthodes pour décrire la couleur (ibid.,
p. 52). Et dans la partie V, il aborde les matériaux (ibid., p. 52-55) en les distinguant
en trois catégories : les matériaux naturels (pierres et cristaux, jais et autres
matériaux résineux, coquillage, bois, graines, moelle, paille, dents, ivoire, os,
corne, peau et cheveux) ; les métaux ; et les matériaux artificiels (verres, fritte,
faïence, porcelaine chinoise, poterie sans glaçure, terre, laque, cire, papier et autres
compositions).

Enfin, il consacre une grande partie, la partie VI, à la décoration qu’il décrit
en fonction des matériaux (ibid., p. 55-71).

129
Résumé et regard critique

Un des principaux intérêts du travail de Beck est la mise en place d’une


convention assez complète sur le plan de la description morpho-métrique de
l’objet prenant en compte à la fois le volume, la forme des différentes faces,
facettes, côtés et bords, enfin, l’emplacement et l’axe de la perforation. Des
définitions des termes utilisés dans l’article se rajoutent à la partie consacrée aux
conventions de base. H. Beck poursuit, comme nous l’avons vu, avec une
classification générale. Il dresse ainsi un inventaire détaillé et hiérarchisé. Enfin, il
traite des types de perforation, de la couleur, des matériaux et de la décoration,
éléments indispensables pour une description complète de l’objet de parure.

Le système de classification d’H. Beck est simple mais il ne peut


malheureusement pas être appliqué pour classer les objets de parure
archéologiques de toute provenance, temporelle aussi bien que géographique ou
culturelle. En effet, les quatre grandes divisions sont basées sur des catégories
fonctionnelles : les « perles » et les « pendentifs ». Or, comme Beck lui-même l’a
signalé (ibid., p. 1 et p. 11), il est difficile en archéologie de distinguer une « perle »
d’un « pendentif » dans de nombreux cas. Beck semblait avoir trouvé la solution
permettant de tracer une limite claire entre ces deux catégories en accordant toute
son attention à l’axe de perforation25. Ce dernier déterminerait si l’objet est une
perle ou un pendentif. Selon nous, cela peut être valable si l’on décide de
distinguer subjectivement les « perles » des « pendentifs » selon leur axe de
perforation. Mais cette assomption peut s’avérer fausse selon l’orientation et la
fixation de l’objet sur un support.

Dans beaucoup de cas, notamment pour les périodes préhistoriques, la


catégorie des « pendeloques » est aussi importante que la catégorie des « perles ».
Si les deux premières « divisions » de H. Beck – les perles régulières arrondies et les
perles régulières facettées – peuvent fonctionner pour le classement de divers
corpus de parure, les deux dernières – les types spéciaux de perles et de
pendentifs et les perles et les pendentifs irréguliers – ne le peuvent pas car leur
système d’attache, conçu différemment, ne permet pas leur suspension de la
même manière.

25L’axe de perforation de Beck est une ligne imaginaire qui passe à travers le centre de la
perforation.

130
Dans les deux dernières divisions, des objets tels que les « sceaux
cylindriques », les « boutons » ou les « netsukes26 » sont inclus bien qu’ils soient de
natures et fonctionnalités différentes.

Enfin, l’auteur traite les perles de manière exhaustive tandis que les autres
catégories, notamment celle des « pendeloques », sont très peu développées et,
pour certaines, à peine mentionnées.

4.1.2. Classement typologique des corpus européens

4.1.2.1. Les années 1960, André Leroi-Gourhan et les objets à


suspendre du Paléolithique supérieur européen
Beaucoup moins exhaustive que la classification de H. Beck, mais
correspondant à la parure préhistorique européenne, la classification proposée par
André Leroi-Gourhan est très générale et abouti à une typologie évolutive. Dans
son catalogue sur l’art préhistorique occidental (première édition en 1965), il
consacre un chapitre entier à la parure du Paléolithique supérieur européen
intitulé « Les objets à suspendre » (Leroi-Gourhan 1995, p. 93-107). Il considère que
les objets munis d’un trou d’enfilage ou d’une rainure pour assurer un lien sont
des « objets de parure » ou des « pendeloques » en général. Il distingue trois
catégories, les « pendeloques », les « contours découpés » et les « rondelles » sans les
soumettre à des critères de classement précis mais il soulève leur point commun :
tous ces objets ont été suspendus. Leroi-Gourhan traite dans ce chapitre des objets
les plus beaux présentant un style artistique similaire et rattachable à l’» art des
cavernes », notamment pour les représentations animalières et sexuelles.

Mises à part les craches de cerf, les objets considérés par Leroi-Gourhan
sont de taille relativement grande. En effet, l’auteur laisse de côté, au moins dans
cet ouvrage, un certain nombre d’objets de parure, notamment ceux en coquillage
pourtant très nombreux dans le Paléolithique supérieur et le Mésolithique.
Estimant qu’il est difficile de faire une classification uniquement morphologique
ou chronologique, A. Leroi-Gourhan parle simplement de l’évolution chrono-

26 Le netsuke est un petit objet vestimentaire japonais fabriqué généralement en bois ou en ivoire

qu’on fixe à la ceinture par un système de contrepoids pour retenir des contenants de formes
diverses.

131
logique des types appartenant à chacune des trois catégories. Ainsi, pour la
catégorie des « pendeloques », il place les craches de cerf comme le point de départ
de cette évolution, au Châtelperronien, sans les considérer comme des véritables
pendeloques. Selon lui, les premières véritables pendeloques sont les « anneaux
découpés » en os ou en ivoire qui persistent jusqu’à la fin de l’Aurignacien sans
grande variation. À cette même période appartiennent les « pendeloques crantées »
en os ou en pierre qui ont des contours dentelés ou incisés. Il regroupe enfin un
certain nombre de plaquettes ovales dans la catégorie des pendeloques et il fait
une synthèse concernant le décor observé sur les différents types. Le décor est à
inspiration nettement sexuelle dans l’ensemble (ibid., p. 93-94).

Quant à la catégorie des « contours découpés », elle est particulière car elle
s’inscrit dans une période et une région précises : le Magdalénien moyen évolué
entre la Dordogne et les Pyrénées. La plupart de ces contours sont des
représentations de tête de cheval contenant une ou deux perforations.

Enfin, les « rondelles » sont des disques de 4 cm de diamètre environ percés


d’un trou étroit au centre. Les surfaces, et parfois le contour, sont décorés avec
divers motifs (ibid., p. 96).

4.1.2.2. Les années 1970, tournant dans le domaine de la


parure préhistorique : Yvette Taborin
Nombreux sont les chercheurs à avoir travaillé sur les objets de parure en
Europe depuis la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’à nos jours, mais un nom
se distingue par la qualité des travaux et par les axes de recherches novateurs,
celui d’Yvette Taborin.

Amenée à travailler sur un large corpus d’objets de parure datant du


Paléolithique à l’âge du Bronze, Y. Taborin (1974) met en place une véritable
typologie des parures préhistoriques. Son système de classification des objets part
de l’idée que l’activité habituelle de l’homme préhistorique est celle de la chasse
aux mammifères et, de manière plus secondaire, la collecte des poissons et des
coquillages. L’auteur souligne que l’homme acquiert très tôt une familiarité avec
les ressources naturelles environnantes et notamment avec les animaux et leur
anatomie (Taborin 2004, p. 21). Cette familiarité va l’amener à une exploitation

132
presque optimale de toutes les parties du corps de l’animal. La tête par exemple,
riche en matière grasse et en protéines, sera fracturée en vue de sa consommation.
Les dents sont récupérées pour fabriquer des outils. De la même façon, certains
coquillages sont utilisés en guise de récipients ou de racloirs. Plus tard, au cours
du Paléolithique moyen, l’homme exploite ces déchets pour les convertir
également en objets porteurs de sens (ibid, p. 21-22). Y. Taborin, suivant l’idée
d’une confrontation de l’homme à son milieu, établit une classification qui débute
par une séparation nette entre les formes naturelles et les formes transformées de
ces objets.

Bien que l’auteur s’intéresse aux divers objets de parure, la typologie qu’elle
élabore concerne uniquement les coquillages. Elle distingue ainsi « les coquilles
entières simplement percées » et « les objets façonnés en test » (Taborin 1974, p. 128).

Pour la première catégorie, les coquilles entières simplement percées, Y.


Taborin propose deux types de classification. La première est celle qui correspond
à une recherche par l’homme préhistorique de certaines formes : 1- les formes
longues (e.g. Dentalium, Conus, Nassaridae) ; 2- les formes rondes et plates des
valves de lamellibranches (e.g. Cardium, Unionidae) ; et 3- les formes globuleuses
(e.g. Neritina fluviatilis, Columbella rustica, Trivia europea). La seconde classification,
plus simple mais aussi intéressante, prend en compte la morphologie des
ouvertures naturelles des coquillages. Ainsi, deux groupes peuvent être
distingués : 1- coquillage à ouverture large (e.g. Turritella, Nassa reticulata, Nassa
nerita, Neritina fluviatilis, Littorina obtusata) et 2- coquillage à ouverture étroite (e.g.
Conus mediterraneus, Columbella rustica, Trivia europea) (ibid., p. 128-129). Quant aux
bivalves, elles sont toujours percées près de la charnière.

Dans le second groupe, celui des objets façonnés en test, deux catégories sont
distinguées par la spécialiste : « les objets plats » et « les objets épais ». La première
est composée des « pendeloques » et des « disques » tandis que la seconde contient :
1- « les perles cylindriques longues », 2- « les spondyles entaillés et biforés », 3- » les
pendeloques à épaississement », 4- « les bracelets » et une « bague » (ibid. 1974 17-1,
p. 130-154) ; un système de codage étant utilisé pour chaque type.

133
4.1.2.3. Les années 1980, la parure funéraire néolithique et
chalcolithique du Midi méditerranéen français : Hélène Barge

Une étude riche et un inventaire exhaustif ont été réalisés pour les parures
de la région du Sud de la France par Hélène Barge en 1982. Les objets de parure de
plusieurs centaines de sites appartenant à la période comprise entre le Néolithique
ancien et le Chalcolithique ont été examinés. La plupart de ces sites sont des
dolmens contenant du mobilier funéraire. Cet important corpus est composé
d’éléments fabriqués en matière dure animale ainsi qu’en roches et minéraux. H.
Barge applique une typologie simple en identifiant les types principaux et, lorsque
cela a été possible, les sous-types. H. Barge ne procède pas à un classement
définitif et rigide, justifiant cela par le fait qu’une partie seulement du Midi
méditerranéen a pu être traitée (Barge 1982, p. 15).

Les coquillages, l’os et les galets compris dans le corpus de H. Barge ont été
souvent utilisés bruts comme objets de parure. Ils sont représentés par deux
types : les objets à perforation unique ou double excentrée (les « pendeloques ») et
les objets à perforation centrale (les « perles »). Ces objets, de forme naturelle et non
façonnés par l’homme, sont exclus du protocole de classification que l’auteur
élabore et sont regroupés simplement dans une catégorie d’» objets bruts
simplement percés ». La classification de H. Barge concerne uniquement les « objets
façonnés ». Les critères de classement sont explicités et définis par l’auteur au fur et
à mesure de leur emploi (ibid., p. 33 à 36). Il s’agit de : la matière (brute ou
façonnée) ; le mode de suspension (perforation simple, perforation en T,
perforation en V ou gorge circulaire) ; la morphologie (forme, dimensions et
section longitudinale) ; le décor.

4.1.2.4. Les années 2000, la parure du Néolithique ancien des


bassins parisien et rhénan : Sandrine Bonnardin

Sandrine Bonnardin a traité dans sa thèse doctorale un corpus provenant


du Néolithique ancien des bassins parisien et rhénan et composé de 11 196 objets

134
(Bonnardin 2009). Le système de classement qu’elle applique s’inspire des travaux
d’Y. Taborin et H. Barge, mais critique également certains points, notamment en ce
qui concerne le critère de distinction primaire basé sur le « degré de
transformation de la matière ». Pour elle, les deux auteurs font « un lien sous-jacent
entre le degré de transformation de la matière première, lié au façonnage, et la lisibilité ou
non de la matière une fois l’objet fini. Selon elles, un objet est brut si la matière est peu
transformée, donc reconnaissable ; il est façonné, si la matière, très transformée, n’est plus
identifiable » (ibid., p. 59). S. Bonnardin regrette par ailleurs le nombre important de
types et de sous-types distingués par les deux auteurs et considère que ces deux
systèmes aboutissent à un classement compartimenté. Face à ce problème, elle
propose une typologie qu’elle qualifie de synthétique, qui regroupe davantage
qu’elle ne sépare et qui repose sur un nombre minimal de catégories fonctionnelles
ou morphologiques. L’auteur fait ensuite toute une série de critiques pertinentes
des systèmes typologiques de Y. Taborin et H. Barge mais que nous ne
présenterons pas ici (ibid., p. 53-54).

L’intérêt de la typologie pour S. Bonnardin (2009, p. 55) est celui de « se


rendre compte de la composition du corpus en s’appuyant sur le seul critère
morphologique et de produire un classement susceptible d’illustrer la qualité et la
variété du corpus ». Ainsi, les variations macromorphologiques, la géométrie des
formes et les classes des dimensions ont été privilégiées par cette chercheuse. Elle
développe une classification typologique suivant un système hiérarchique allant
de la « classe » à la « variante » en passant par le « type » et le « sous-type ».

Pour distinguer les classes, elle utilise le critère de la taille de l’objet et de la


nature des perforations qu’il comporte. Le deuxième critère est celui relatif à
« l’exploitation de la matière première » : « objets de forme naturelle » et « objets
de forme travaillée ». Enfin, le troisième critère est celui de la géométrie faciale.
L’auteur précise que ce système est applicable uniquement aux objets de forme
travaillés, les objets de forme naturelle ayant des contours propres à leur
anatomie. Suite au croisement entre ces critères, l’auteur attribue les types, sous-
types et variantes correspondant à chacune des classes distinguées.

Le croisement final de ces critères aboutit à la distinction de 18 types


d’objets : 12 pour la classe des perles, cinq pour les appliques, trois pour les
anneaux et un seul pour les pendentifs (Bonnardin 2009, p. 59-63).

135
A partir d’un corpus exclusivement funéraire, S. Bonnardin a basé
l’identification de ces objets à partir de leurs positionnements sur les squelettes
humains. Au nombre de huit, les types de parures ainsi définis sont : le collier de
perle, le plastron de perles, le bracelet composite de perles, le bracelet massif, la
bague, les broderies de vêtement, l’ornement de ceinture composite et l’ornement
de ceinture massif (Bonnardin 2009, p. 64-67).

Le système de classification des objets développé par S. Bonnardin est


approprié à un contexte concret : celui de son corpus d’étude. Les critères choisis
et leur ordre ne pourraient convenir aux variations ou aux phénomènes de
standardisations existants dans les différents corpus préhistoriques.

Les systèmes de classification typologique développés par les trois auteurs,


Y. Taborin (1974), H. Barge (1982) et S. Bonnardin (2009), sont semblables en ce qui
concerne deux points : la distinction entre les objets de forme naturelle et ceux de
forme façonnée ainsi que l’utilisation des termes tels que « perles » et
« pendentifs ». Pour le premier point, nous nous demandons dans quelle catégorie
classeraient les auteurs les objets constituant des « imitations27 » en pierre ou en os
de certaines dents animales ou de certains coquillages qui sont à la fois de forme
naturelle mais entièrement créée de la main de l’homme. Concernant la
terminologie, afin de distinguer les différentes catégories d’objets et dès les
premiers instants du classement, les trois auteurs utilisent des catégories
fonctionnelles telles que les « perles » et les « pendentifs », fortement connotées
par leur mode de portage (suspension ou attache), sans justifier ou asseoir cette
utilisation.

Les systèmes de classement typologiques proposés ne sont pas neutres et


nécessiteraient idéalement d’être dénués de tout terme pouvant amener à des
ambiguïtés. Cependant, nous sommes consciente de la difficulté que cela
représente, d’autant plus que la langue française n’offre pas une riche panoplie de
termes en ce qui concerne les objets de parure. Selon nous, un classement doit
s’appuyer sur des critères logiques, cohérents et surtout neutres d’un point de vue
terminologique. Une fois le classement de l’objet établi selon ces critères, des

27Seule H. Barge mentionne la présence des possibles imitations des canines de suidés ou de
canidés de forme naturelle mais elle les considère comme étant des objets « façonnés ».

136
termes tels que « perles » ou « pendeloques » pourraient devenir justifiables et
utilisables. Dans ce cas en particulier, il ne suffit pas de définir les termes utilisés
(qu’entend-on par le terme « perle » ou « pendeloque » ?) pour que la démarche
soit correcte. Nous pensons qu’il est primordial de donner d’abord une identité
neutre à l’élément, capable de décrire très précisément ces caractéristiques
morphologiques et celles de son dispositif d’attache et, dans un second temps, de
le reconsidérer dans son contexte archéologique et chronologique avec des termes
plus généraux comme « perle », « collier » ou « bague ».

4.1.3. Travaux de classement typologique au Proche et au

Moyen-Orient

4.1.3.1. Années 1990 : Blanche Barthélémy de Saizieu et la


parure de Mehrgarh

Blanche Barthélémy de Saizieu dans son article de 1994, « Eléments de


géométrie préhistorique à partir des parures funéraires du Néolithique ancien de Mehrgarh
(Balouchistan, Pakistan) », propose une étude parmi les plus intéressantes quant à la
description des formes et à la charge symbolique importante portée par ces
formes. Il s’agit de l’un des travaux de classements parmi les plus originaux car il
approche les objets de parure par la morphologie et par les signifiés physico-
géométriques auxquelles les données morphologiques peuvent donner accès.
L’explication des comportements physiques des tracés dans l’espace, qui
emprunte parfois des expressions et des idées d’ordre philosophique, permet
d’approfondir la compréhension des formes et, dans certains cas, de transcender et
obtenir des explications sur les symboles que les formes recèlent. Nous ne
développerons pas ici les explications proposées par l’auteur, nous tenterons
seulement d’expliquer sa démarche de classification des objets et voir dans quelle
mesure ce système pourrait être applicable à notre corpus.

Pour la classification des objets de parure du site néolithique de Mehrgarh,


B. Barthélémy de Saizieu considère que les matières premières et les formes

137
dépendent les unes des autres car « si la forme recherchée a parfois déterminé le choix
des matières, la variété de celle-ci a nécessairement contribué à celle des formes »
(Barthélémy de Saizieu 1994, p. 593). B. Barthélémy de Saizieu adopte les principes
de la géométrie des formes et partage avec les mathématiciens géomètres,
notamment René Huyghes (1971), l’idée selon laquelle il « ne suffit pas de lier
matière et forme mais que les formes sont inséparables des forces qui les ont conditionnées
et qui leur donnent tels ou tels signifiés physiques apparents, souvent instinctivement (ou
implicitement) intégrés, aux temps historiques, dans le symbolisme analogique des
figures » (Barthélémy de Saizieu 1994, p. 593). Ainsi, B. Barthélémy de Saizieu
distingue les objets de parure, qu’ils soient de forme naturelle ou de configuration
artificielle, en deux grandes classes principales suivies de deux classes
supplémentaires secondaires :

- Les formes statiques : « étrangères au temps, dans lesquelles dominent la


raideur, l’équilibre, la stabilité, les symétries dans l’espace » (ibid.), ce sont des
formes « indéformables », de force constante, « qui expriment un ordre dans
l’espace » (Huyghes 1971, p. 208-210, cité dans Barthélémy de Saizieu 1994). Il
s’agit en fait des formes géométriques simples comme le cylindre, le cône, le
parallélépipède, le pentagone, etc. Les formes statiques sont divisées en deux sous-
classes : celles appartenant aux modèles de l’anneau, du disque ou de la sphère et
du cylindre28 et celles appartenant à des modèles de polygones et de polyèdres
remarquables : cette variété contient des quadrilatères, c'est-à-dire des figures à
faces quasi planes, convexes à quatre côtés, et des volumes polyédriques.

- Les formes dynamiques : ce sont les formes naturelles « qui au lieu


d’organiser l’espace en figures fixes enregistrent le tracé des forces en mouvement dans le
temps » (ibid., p. 593). Ces formes, dont la géométrie est issue de trajectoires
changeantes et de forces variables périodiquement perturbées, ne traduisent « plus
seulement un certain ordre spatial mais aussi un ordre dans le temps » (ibid., p. 593). Ce
sont des formes géométriques variables aléatoires, dominées par les forces et
résultant de l’exercice aléatoires des forces dans l’espace et dans le temps.

28 L’auteur développe, en s’appuyant sur le Dictionnaire des Symboles de J. Chevalier et Gheerbrandt

(1982), la signification du cercle, de l’anneau et de la sphère et explique que, dans les sociétés
archaïques, ces formes sont considérées comme « des signes de perfection, d’homogénéité et
d’immobilité, fondés consciemment sur leurs propriétés de symétrie et de fermeture. Le cercle symbolise
admirablement la relation d’une forme avec le non-changement. Sans commencement, ni fin, ni variations, il
peut figurer le ciel, son mouvement circulaire inaltérable, et donc aussi le temps comme succession invariable
d’instants identiques les uns aux autres » (Barthélémy de Saizieu 1994, p. 601).

138
La distinction entre les formes statiques et les formes dynamiques dans la
parure de Mehrgarh est renforcée par la différence entre le caractère artificiel des
premières et le caractère naturel des secondes. Pour l’auteur, à part les segments
de dentales, les formes statiques sont toutes des figures produites par des artisans
alors que, sans prendre en compte leur percement, les formes dynamiques sont
« au contraire l’œuvre de la nature vivante dont elles imagent certaines forces de
croissance » (ibid., p. 605). Dans cette classe, les formes dynamiques sont en réalité
des petits gastéropodes ou des gros lamellibranches (bivalves) pourvus d’un
percement qui n’a rien changé à leurs formes naturelles.

- La combinaison entre les formes statiques et les formes dynamiques : cette


classe correspond à une combinaison des formes artificielles (statiques) et des
formes naturelles (dynamiques) (ibid.). Ainsi sont issus des disques spiralés, des
anneaux hélicoïdaux, etc. (ibid., p. 612).

- Les formes de transition rattachables à l’ellipse. Cette dernière classe est


représentée par des formes qui relève de l’ellipse (ou de l’ellipsoïde). Les formes
ellipsoïdales sont distinguées par rapport à des surfaces planes ou au volume.
Pour ce dernier, par exemple, deux types sont présents dans la parure de
Mehrgarh : les ellipsoïdes allongés et les ellipsoïdes allongés et aplatis (triaxiaux)
(ibid., p. 616-617).

L’étude des objets de parure de Mehrgarh proposée par B. Barthélémy se


base donc sur l’analyse des formes, en relation avec les matières, qui sont décrites
et classées dans des catégories physico-géométriques. Le corpus étudié se prête en
effet à une telle approche qui est efficace pour montrer la diversité des formes des
volumes. Nous regrettons cependant le fait que ce classement ne reflète en aucune
manière l’intégration du dispositif d’attache (e.g. la perforation) au sein de ces
volumes et ne permet pas de comprendre, par conséquent, les modalités de leur
portage (e.g. la suspension) et leur orientation dans l’espace. Comme l’a souligné
l’auteur à plusieurs reprises, l’objet de parure est porteur de symboles et est un
moyen de transmission des idées et des sens. Son affichage selon une manière ou
une autre a son rôle à jour pour la bonne transmission des messages qu’il porte. Le
rôle du dispositif d’attache devient très important car la visibilité de la forme est
conditionnée par lui. La compréhension du système d’attache au sein du volume

139
est donc un critère important à prendre en considération que l’auteur semble avoir
laissé un peu de côté.

Par ailleurs, le choix de décrire les propriétés physiques des formes


géométriques statiques, rigides et stables dans le temps, en opposition aux formes
dynamiques, souples dans un changement constant, nous gêne un peu dans la
mesure où les objets sont classés dans des catégories préalablement
« interprétées ». Le travail de B. Barthélémy aurait gagné à être fondé sur des
principes plus simples pour aboutir à des résultats susceptibles d’aider à
interpréter les formes.

Nous pensons que la séparation proposée par B. Barthélémy entre les


morphologies naturelles – formes dynamiques – et artificielles – formes statiques
(ou formes « façonnées », selon d’autres chercheurs) – est à revoir car les exemples
témoignant de cas contraires sont multiples :

- Un nombre important d’objets de parure en pierre, sur galets, dont la


forme correspond à des cercles, ellipses, triangles, cylindres, etc. La nature est
également capable de produire des formes géométriques « statiques ».

- Un nombre important d’objets de parure en pierre ou en os dont la forme


imite très explicitement les formes naturelles des coquilles, des dents animales, des
végétaux, etc. Doit-on appeler ces formes « dynamiques » alors qu’elles ont été
entièrement transformées ?

4.1.3.2. Années 1980 et 1990, la parure proche-orientale


(Syrie) : Claudine Maréchal

C. Maréchal est parmi les premiers chercheurs à traiter avec attention la


parure néolithique du Proche-Orient, notamment celle de la Syrie, dès la fin des
années 1980. Elle réalise plusieurs études de différentes collections syriennes,
turques et du Levant Sud, dont certaines d’entre elles ont été publiées (Maréchal
1985a, 1991, 1995, 2000 ; Maréchal & Alarashi 2008 ; Le Dosseur & Maréchal 2013).

Les objets étudiés par C. Maréchal sont classés selon une convention simple.
Tout d’abord, trois groupes d’objets sont distingués en fonction du degré de

140
transformation : les « objets de formes naturelles » que l’homme n’a pas retouchés
ou qu’il a simplement percés, les « objets de formes aménagées » que l’homme a
partiellement retouchés par le biais de plusieurs opérations mais dont la forme
d’origine reste reconnaissable, et les « objets de formes transformées » que
l’homme a entièrement façonnés. C. Maréchal utilise une convention de
description uniquement pour le groupe des objets de formes aménagées et
transformées en pierre présentant au moins une perforation. Les objets de formes
naturelles et aménagées en os et en coquillage sont décrits en se référant
uniquement à leur matériau (Maréchal 1995, p.131).

Inspirée par le travail de classification de Beck, C. Maréchal décrit les objets


partiellement ou totalement transformés selon leur « axe de perforation » qui est
une ligne imaginaire passant par la perforation et selon laquelle les éléments
peuvent être séparés en éléments à « perforation longitudinale », appelés
généralement « perles », et éléments à « perforation transversale », appelés
« pendeloques ». Ensuite, la géométrie faciale est décrite, correspondant au profil
pour les éléments à perforation longitudinale « tels qu’ils sont vus lorsqu’ils sont
enfilés sur un axe imaginaire horizontal » (ibid., p. 132). La géométrie faciale des
éléments à perforation transversale est décrite selon leur face « tels qu’on les voit
lorsqu’on regarde de face leur perforation » (ibid.).

Plusieurs éléments morphologiques utiles à la description sont définis dans


la convention : les sections, les extrémités et le profil.

Les sections sont distinguées selon l’axe de perforation. Ainsi, pour les
perles, la section longitudinale « est la coupe pratiquée parallèlement à cet axe » tandis
que la section transversale « est la coupe pratiquée, au milieu de la pièce,
perpendiculairement à l’axe de perforation » (ibid.).

Les extrémités d’une perle correspondent aux surfaces de perforation tandis


que le profil correspond « aux lignes qui bordent la section longitudinale et joignent les
extrémités de la pièce ». Les extrémités et le profil pour les pendeloques
correspondent tout simplement au contour de l’objet vu face à sa perforation (ibid.
p. 132-133).

Selon la forme de leur section transversale, les perles sont divisées en deux
groupes : les éléments dont la section est circulaire ou presque circulaire (à ce

141
groupe l’auteur accepte le rattachement des objets dont la section a la forme d’un
polygone régulier) et les éléments dont la section est dérivée des précédentes,
c'est-à-dire elliptique, biconvexe ou rectangulaire, qui sont regroupés sous le
terme de section aplatie. Pour l’auteur, la différence entre les sections circulaires et
les sections aplaties joue un rôle très important dans la perception de l’élément
une fois enfilé. Nous adhérons totalement à ce point de vue.

C. Maréchal adopte la convention de H. C. Beck basée sur la proportion de


la longueur par rapport au diamètre afin de distinguer les groupes de perles.
Ainsi, elle parle de « rondelles », d’» éléments courts », d’» éléments compacts » et
d’» éléments longs » (ibid., p 140).

Les pendeloques sont divisées selon la forme de leur contour facial. La


distinction des groupes se fait en fonction de la collection étudiée. Ainsi, pour la
collection de Tell Aswad, l’auteur parle d’» éléments elliptiques » et d’» éléments
contournés » (ibid.) tandis que la distinction entre les éléments de Tell Mureybet se
fait en combinant la section transversale et selon les proportions des mesures
(hauteur, largeur). De cette combinaison naissent quatre groupes : « les éléments
plats compacts » dont la section transversale est plate et dont le contour est
circulaire ou presque (largeur = hauteur ou presque), « les éléments plats hauts »
dont la section transversale est plate et le contour a une hauteur supérieure à 1/3
de la largeur, « les éléments plats larges » dont la section transversale est plate et
dont la largeur est supérieure au 2/3 de la hauteur, et « les éléments hauts de section
ramassée » dont la section transversale s’inscrit dans un cercle ayant un diamètre
inférieur à 1/3 de la hauteur de l’objet (Maréchal & Alarashi 2008, p. 597).

L’auteur précise les limites de la convention établie pour traiter la grande


diversité des objets de parure proche-orientaux. En effet, bien que la convention
proposée par C. Maréchal, simple et flexible, permette de décrire un grand nombre
d’objets et d’adapter les critères d’une collection à une autre, elle reste restreinte
aux objets aménagées ou transformées en pierre. Par ailleurs, comme nous l’avons
mentionnée auparavant, le degré de transformation d’un objet est un critère de
description technologique et non pas morphologique.

142
4.1.3.3. À partir des années 2000, la parure en pierre du
Proche-Orient : Katherine Wright et Daniella Bar-Yosef Mayer

Dans le Nord de la Jordanie, spécifiquement dans la région du bassin


d’Azraq et de Wadi Jilat, plusieurs sites néolithiques (e.g. Jilat 13, Jilat 25) ont
révélé des aires de fabrication de parure. Dans ces espaces, des éléments de parure
en cours de fabrication, des ébauches et des objets finis ont été mis au jour, tous
confectionnés en marbre de Dabba, accessible à proximité de ces sites. Katherine
Wright, spécialiste des outils macro-lithiques, s’est intéressé à ces petits objets dès
les années 1990 (Garrard et al. 1994). Mais ce n’est qu’à partir de 2003 que l’auteur
(Wright & Garrard 2003, p. 272) expose une typologie simple des produits finis,
distinguant huit classes de base :

• La Classe 1 regroupe les éléments discoïdes à section circulaire. Cette classe


est divisée en trois types selon la forme du profil (plat ou biseauté) ou selon
l’espace que la perforation occupe au sein du diamètre du disque (anneau).
• La Classe 2 concerne les éléments discoïdes de section ovale dont un type
est distingué.
• La Classe 3 regroupe les perles cylindriques de section circulaire. Deux
sous-types sont distingués (perle tubulaire et perle cylindrique).
• La Classe 4 concerne les perles en forme de tonneau (« Barrel ») à partir
duquel quatre types ont été distingués selon la forme de leur
section (circulaire, elliptique, biconvexe, polygonal.
• La Classe 5 concerne les perles de forme irrégulière.
• La Classe 6 contient un seul type : celui des perles de forme indéterminée.
• La Classe 7 comprend les pendentifs que la chercheuse a distingués en cinq
types selon la géométrie faciale (triangulaire, trapézoïdale, ovale,
rectangulaire et indéterminée).
• Enfin, la Classe 8 concerne les anneaux et les bracelets.

La typologie proposée par K. Wright est très simple mais ne peut être
directement applicable à notre corpus.

143
Daniella Bar-Yosef Mayer, chercheuse bien connue pour ses travaux sur les
coquillages du Proche-Orient, en particulier du Levant sud (Israël), s’intéresse
depuis le début des années 2000 aux objets de parure en pierre (Bar-Yosef Mayer et
al. 2004, p. 496 ; Bar-Yosef Mayer & Porat 2008, p. 8548). Dans l’un de ces récents
travaux (Bar-Yosef Mayer 2013) dédié à la typologie des objets de parure en pierre
du Levant néolithique, la malacologue adapte la convention proposée par H.C.
Beck (1928) pour classer les éléments d’un corpus couvrant une large période
chronologique (du Natoufien récent à la période chalcolithique). Les principaux
types sont : les perles discoïdes, les perles courtes/standards, les perles courtes à
section lenticulaire, les perles longues cylindriques, les perles longues à section
rhomboïdale, les pendeloques ovoïdes biforées, les perles courtes cylindriques à
deux perforations et les pendeloques à une simple perforation. A ces types, elle
rajoute certains non mentionnés dans la classification de Beck comme les formes
uniques, les perles non perforées et des éléments irréguliers perforés (Bar-Yosef
Mayer 2013, p. 132).

Après ce parcours entre les plus importants systèmes de classification et


conventions, nous allons maintenant présenter notre méthode et le protocole que
nous avons élaboré dans le cadre de cette étude.

Notre protocole de classement des objets se rapproche du système de


classement de H. Barge car il se base sur deux critères utilisés par l’auteur : la
forme du volume (et de sa section) et l’intégration du dispositif d’attache au sein
du volume.

Nous avons également adopté la classification de C. Maréchal pour les


pendeloques.

144
4.2. Choix des critères de classement, cadre théorique

et conceptuel

Il existe quelques témoins archéologiques indiquant que l’homme au


Paléolithique supérieur en Europe recherchait et s’intéressait à la morphologie des
formes. Il sélectionnait des coquilles spécifiques et récupérait des dents animales
présentant certaines caractéristiques. Les groupes n’ayant pas un accès facile aux
ressources en coquillages imitaient les formes recherchées en pierre ou en os : « ce
n’est ni l’éclat ni la couleur qui semblent jouer le rôle important. Dès le début, l’impression
qui domine est celle d’une recherche de certaines formes qui possèdent un sens précis et que
les groupes dépourvus de coquillages imitaient en d’autres matériaux » (Taborin 1974a,
p. 104). Au Proche-Orient, les exemples d’imitations sont fréquents. Ainsi, au
Levant sud, dans la sépulture H23 datée du Natoufien ancien à El-Wad (Israël), 50
pendentifs en os imitant la forme d’une crache de cerf ont été découverts. Parmi
eux, certains ont été trouvés in situ et ont conservé la disposition d’origine en
paires connectées par leurs faces planes, d’où leur appellation la plus courante de
« twin pendants » (Garrod & Bate 1937 ; Bocquentin 2003). Dans la même région, au
11e millénaire av. J.-C., le site de Mallaha offre également des exemplaires
d’imitation en os du crache (Maréchal 1991, p. 608). Un autre exemplaire qui
pourrait correspondre à une imitation de crache du cerf en pierre provient du site
d’Abu Hureyra (Syrie du Nord). A. Moore publie cet objet comme étant un simple
pendentif (Moore 2000, p.178) mais c’est C. Maréchal qui fait pour la première fois
cette observation en étudiant l’objet et en le comparant avec les exemples
d’imitations de Mallaha et du Mont Carmel (C. Maréchal 1985b). Un peu plus tard,
au tout début de la période PPNA sur le site de Körtik Tepe dans la vallée du
Tigre en Anatolie orientale, nous avons-nous-même étudié le cas magnifique
d’une pendeloque en roche verte imitant la forme exacte d’une incisive de cerf.
Plus tard encore et avec l’apparition des métaux, les imitations de formes
naturelles deviendront très courantes. En Egypte pharaonique par exemple, des
imitations de cauries ont été réalisées en métal précieux, notamment en or. A l’âge
du Bronze, avec les pierres semi-précieuses, les imitations sont très nombreuses.
Avec le lapis-lazuli, des pendentifs en forme de gastéropodes, d’aigle, de poisson
on encore de grenouille sont élaborées (Casanova 2013, p. 186). Ces exemples

145
montrent l’importance de la forme au cours du temps, au service de laquelle des
matériaux nobles sont exploités.

Pour Y. Taborin, la parure humaine, destinée à être vue, elle s’exprime en


un langage compréhensible (2004, p. 9). Ce sont en effet les caractéristiques
reconnaissables visuellement qui donnent à l’objet son existence, existence qui
traduit certaines valeurs comprises et partagées par les individus d’une même
société héritière d’un bagage culturel commun. Les aspects perceptibles
visuellement sont sans doute ceux grâce auxquels l’objet fait véhiculer ses tou
premiers sens identitaires. Cependant, il y a plusieurs « niveaux » de visibilité et
chacun contribue à une meilleure lecture ou compréhension de l’objet. Nombreux
sont les facteurs qui déterminent les qualités et/ou les défauts d’un objet : la forme,
les dimensions, la couleur, l’aspect de la matière, la qualité et la rareté de cette
dernière, l’investissement technique, énergétique et temporel durant la fabrication,
l’histoire de l’objet, son parcours et son appartenance, etc. Or, ils ne peuvent pas
être tous perceptibles et révélés en même temps. En effet, lorsqu’on regarde un
objet, nous procédons par étapes : en premier lieu c’est souvent la forme du
volume qui est reconnue ainsi que la place qu’il occupe dans l’espace, puis la
couleur (selon son intensité, elle peut être la première perçue). Nous découvrons
ensuite d’autres caractéristiques telles que la nature de la matière, éventuellement
certaines de ses propriétés physiques, la simplicité ou la complexité de l’exécution,
etc.29 Toutefois, dans les sociétés préhistoriques, le cheminement que nous avons
proposé dans l’analyse des diverses propriétés d’un objet n’est probablement pas
nécessaire car les sens et les fonctions sont déjà établis, approuvés grâce à un code
social ou culturel connu par tous. Il suffit alors de voir l’objet pour saisir presque
instantanément sa signification. Par opposition, le travail de l’archéologue consiste
à étudier les « modèles » ou les supports artistiques et si possible décrypter les
significations qu’ils véhiculent.

Le choix des critères de classification que nous proposons s’inspire de deux


idées : 1) les objets de parure sont des créations artistiques du paraître qui
véhiculent du sens et des informations, ils sont par conséquent faits pour être

29Cet ordre dans le décryptage est subjectif. Il est issu de notre observation personnelle et peut
changer selon les sensibilités des personnes, selon leurs âges, leurs expériences, leurs cultures, etc.
Par exemple, pour certains, la première caractéristique perceptible dans un objet est celle de la
couleur.

146
portés et vus30 ; 2) ces objets dépendent d’un dispositif et d’un système d’attache
qui vont être déterminants pour sa visibilité.

D’autres aspects peuvent être également instantanément perceptibles par


l’œil et être considérés comme critères de classification, comme la nature de la
matière mais selon nous elle n’est pas aussi déterminante que la forme car la
même forme peut être réalisée à partir de matériaux différents. Quant à la couleur,
caractéristique visuelle très importante, elle relève pour nous du choix de la
matière première et elle n’est pas aussi fondamentale que la forme puisque cette
dernière peut également exister sous différentes couleurs.

Pour distinguer les différents groupes d’objets de parure, le critère du


dispositif d’attache s’avère fondamental. Cependant, afin d’utiliser ce critère, la
caractérisation du volume dans lequel il s’intègre est indispensable. Notre
réflexion nous a amené à « spatialiser » l’objet et à imaginer toutes les façons et les
possibilités d’intégration du système d’attache au sein de la masse volumique.
Cela nous a permis d’une part, de caractériser les dispositifs d’attache, en
l’occurrence la perforation, et d’autre part, de caractériser les formes volumiques.
C’est à partir de là que nous pouvons plus aisément établir des distinctions
typologiques à partir de notre corpus, c'est-à-dire une fois que les critères de
distinction sont fondés et posés.

Les deux critères que nous développons ici sont la forme du volume et la
perforation. Pour décrire la forme des objets, nous faisons appel à la géométrie
dans ses formes simples ou à l’anatomie des êtres vivants (animaux ou végétaux).
Les objets en forme de « choses » matérielles (e.g. outils : hache, bicyclette, marteau)
sont considérés comme des objets en forme « singulière ». Le degré de
représentativité des formes géométriques, anatomiques ou singulières varie entre
explicite à très schématique. La forme est « indéterminée » quand elle n’est
rattachable à aucune des trois précédentes.

Nous décrirons par la suite les différentes possibilités d’intégration des


systèmes d’attache au sein des volumes. Les objets de parure concernés ici sont

30 La « visibilité » à laquelle on se réfère ici concerne également les objets portés de manière

dissimulée (e.g. talismans, éléments protecteurs, etc.). En effet, bien qu’ils soient cachés, ces
éléments ont été conçus dans le but d’être reconnus, non pas forcement par tout le monde, mais au
moins par celui qui les fabrique, celui qui les porte, ceux qui se les échangent, ainsi que par les
entités imaginaires auxquelles s’adressent ces croyances.

147
ceux munis d’une perforation simple telle qu’elle est définie par H. Barge : « Elle
transperce l’objet de part en part » (H. Barge 1982, p. 34). D’autres types sont
également définis par l’auteur. La perforation en forme de V, en forme de T ou en
gorge circulaire de suspension (ibid., p. 35). Dans notre corpus, ces types n’existent
pas. Ainsi, nous avons décidé de ne pas les traiter dans notre convention.
Toutefois, nous tiendrons à préciser qu’en utilisant les mêmes principes utilisée
pour la perforation simple, les types d’H. Barge mais aussi le système d’encoches
peuvent parfaitement être intégrés et développés par cette convention.

Parmi les objets étudiés, un certain nombre est dépourvu d’un dispositif
d’attache mais ont été considérés comme éléments de parure. Il s’agit en fait
d’objets non finis : soit en cours de perforation, soit sous forme d’ébauche. Par
ailleurs, il existe un certain nombre d’objets cassés, recyclés ou très usés. Ils sont
pris en compte à partir du moment où leurs formes initiales et l’emplacement de
leur perforation sont identifiables.

4.2.1. Premier critère : La forme du volume

Nous nous intéressons à la forme en tant que « squelette », ou « âme » de


l’objet. Elle permet de visualiser l’objet en trois dimensions avant que ce dernier
soit destiné à l’affichage. Affichage qui dans la plus part des cas « réduit » la vision
à deux dimensions. La description du volume permet par ailleurs de classer les
objets en cours de fabrication, souvent dépourvus d’un dispositif d’attache (e.g.
préformes).

Comme dit plus haut, nous classons les formes en trois catégories : les
formes géométriques simples, les formes anatomiques et les formes singulières.
Précisons toutefois que la division entre les formes géométriques et les formes
anatomiques est parfois artificielle puisque la géométrie intervient beaucoup dans
les formes anatomiques (e.g. dentales, vertèbres discoïdes).

La description des volumes des objets archéologiques, notamment


géométriques, n’est pas sans difficulté compte tenu de certaines particularités
morphologiques liées à leur histoire. En effet, les volumes de ces objets sont
rarement, pour ne pas dire jamais, identiques aux formes géométriques

148
mathématiquement « parfaites ». Les différences sont liées notamment aux
procédés techniques de fabrication et aux phénomènes d’usure dus au frottement
ou à l’entrechoquement. Les plus récurrentes sont celles affectant les intersections
et les angles qui sont arrondis et d’un aspect émoussé car ils ne sont presque
jamais laissés à « vifs ». Cela peut rendre difficile l’identification de la limite entre
les différentes surfaces de l’objet. Au contraire, quand le frottement est intense,
cela provoque parfois la naissance de nouvelles surfaces planes (facettes) avec des
bordures et des angles bien nets mais qui ne correspondent pas à la forme initiale
de l’objet. Ces différences, quand elles sont détectées sur les objets archéologiques,
n’ont pas une grande influence et la forme du volume peut être aisément reconnue
comme un volume géométrique simple.

Dans d’autres cas, le volume géométrique de l’objet archéologique affiche


des caractéristiques communes avec une forme géométrique donnée mais s’en
distingue aussi par d’autres caractéristiques. C’est le cas des formes géométriques
issues des corps de révolution (circulaires ou elliptiques) dont les courbes sont
interrompues ou remplacées par des lignes droites. Nous faisons référence
particulièrement aux méplats créés par l’artisan sur des surfaces convexes (comme
sur les sommets des ellipsoïdes par exemples) afin de pouvoir caler l’instrument
qui va servir au forage de l’objet.

Dans la mesure où les aménagements techniques ne modifient pas


radicalement la forme géométrique, nous avons décrit l’objet selon la forme
principale et complète dans laquelle il s’inscrit, en ignorant par exemple les
méplats ou les troncatures.

4.2.1.1. Les formes anatomiques


B. Barthélemy de Saizieu (1994, p. 593) définit les formes anatomiques
comme des formes dynamiques, celles qui « au lieu d’organiser l’espace en figures
fixes, […] enregistrent le tracé des forces en mouvement [et expriment] une géométrie des
trajectoires changeantes, de la géométrie des fluides et de la vie ».

Les formes anatomiques peuvent être issues des processus de formations


biologiques naturels mais aussi de la création de l’homme. C’est notamment le cas
des objets de parure qui imitent les formes naturelles (cf. supra). Selon nous les

149
formes anatomiques sont les objets issus de tout ou partie d’un être vivant,
qu’elles soient de formation naturelle (biologique) ou artificielle (création de
l’homme).

Bien entendu, ces formes sont extrêmement riches. Nous les divisons ici en
formes anatomiques animales et formes anatomiques végétales.

Les formes anatomiques végétales ne seront pas développées car absentes


dans notre corpus. Tous les objets de forme anatomique appartiennent aux formes
anatomiques animales. Cette catégorie se divise entre les coquillages, les dents, les
phalanges, les vertèbres d’une part et d’une série d’imitations dont les thèmes sont
variés. Le plus souvent ces thèmes sont anthropomorphes ou animaliers ou les
deux à la fois.

A. Les coquillages
Nombreuses sont les formes de coquillages que l’homme a exploitées pour
les objets de parure. Tout en étant d’origine naturelle anatomique, les formes des
coquillages peuvent s’inscrire dans des volumes géométriques dont quatre sont
distinguées pour le corpus :

Forme conique à section spiralée


Cette forme est issue de l’enroulement spiralé du test (Fig. 4.1a). Les
coquilles ayant cette forme appartiennent à la classe des Gastropoda. Dans le
corpus étudié, quatre familles ont été identifiées : Columbellidae,
Conidae, Melanopsidae et Muricidae.

Forme tubulaire arquée de section circulaire


Cette forme est celles des coquilles appartenant à la classe des Scaphopoda
(Fig. 4.1b) dont une seule famille lui appartient ici, celle des dentales : Dentaliidae.

150
Forme conchoïdale large de section plano convexe
Il s’agit des coquilles appartenant à la classe taxonomique des Bivalvia
(Fig. 4.1c). Au total, deux familles ont été distinguées dans notre corpus :
Glycymerididae, Unionidae. Comme leur nom indique, les coquilles de bivalves
ont deux valves, qui se joignent par leurs sommets grâce à un système de dents et
de ligament.

Forme ovoïde semi-globuleuse de section plano convexe


Ce sont également des coquilles de gastéropodes dont une partie du test est
enroulée en spirale, côté convexe, tandis que l’autre est plane, côté ouverture
naturelle de la coquille. A cette forme appartiennent trois familles que l’on a
distinguées dans notre corpus : Cypraeidae (Fig. 4.2a), Nassariidae (Fig. 4.2b) et
Neritidae (Fig. 4.2c).

B. Les dents
Les formes des dents varient selon leur caractéristiques odontologiques et
leur emplacement anatomique sur les mandibules. Ces formes sont les incisives,
les canines résiduelles de cerf (appelées croches ou craches), les canines (ou
défense) de sanglier, les molaires (ou les prémolaires). Dans notre corpus, seules
les incisives et les canines ont été identifiés.

C. Phalange
A cette catégorie appartiennent des phalanges de gazelle ainsi qu’une
phalange humaine.

D. Vertèbre
Seule une vertèbre de poisson a été identifiée dans le corpus.

151
E. Imitations
Représentation de silhouette humaine

Il s’agit de la forme entière d’un corps humain vue de profil sous différentes
positions. Ces représentations sont réalistes ou schématiques.

Représentation de tête humaine


Un seul objet est façonné selon la forme d’une tête (3D) humaine.

F. Représentation combinée humaine/animale


Il s’agit d’une forme entière qui combine une partie du corps humain et une
autre du corps animal.

4.2.1.2. Les formes géométriques simples


Les volumes géométriques simples appartiennent à deux grandes
catégories : les corps de révolution et les polyèdres auxquelles appartiennent six
principaux volumes géométriques génériques identifiés dans notre corpus : les
cylindres, les ellipsoïdes, les troncs de cône, les bi-troncs de cône, les volumes
prismatiques et les volumes toriques. Un code composé de deux lettres leur a été
attribué.

Nous décrirons la forme du volume (et ses dérivés) et la forme de la section


transversale (et ses dérivés).

Les notions de géométrie qui vont suivre ont pour objectif de rappeler les
caractéristiques fondamentales de ces volumes et leur transcription pour une
application descriptive aux objets de parure.

152
A. Les corps de révolution
Les cylindres (CY)
Ce sont des solides de révolution à deux bases parallèles et opposées,
perpendiculaires à l’axe de révolution (Fig. 4.3a). Un grand nombre d’objets du
corpus est de forme cylindrique ou issue de cette forme.

La section transversale de ces objets peut être circulaire (0), elliptique (1) ou
biconvexe (2). Un dérivé est identifié pour la section circulaire, celui de la section
semi-circulaire (0s), et un autre pour la section elliptique, la section semi-elliptique
(1s).

Les ellipsoïdes (EL)


Les ellipsoïdes sont des solides de révolution à deux sommets par lesquels
passe l’axe de révolution (Fig. 4.4a). La sphère (SF), qui est un cas spécial
d’ellipsoïde, n’a pas de sommets par définition, sauf dans le cas des sphéroïdes.

La section transversale est circulaire (0), elliptique (1) ou biconvexe (2).

Les cônes (CO)


Le cône de révolution est la surface engendrée par la révolution d'un
triangle droit autour d’un axe. Le cône est constitué d’une base et d’un sommet
perpendiculaire à la base. Dans notre corpus, aucune forme proprement conique
n’a été identifiée. Par contre, l’un de ses dérivés est fréquent : le tronc de cône i.e.
un cône tronqué à son sommet. La section transversale peut être circulaire (0),
elliptique (1) ou biconvexe (2).

Les bi-cônes (BC)


Il s’agit d’une forme composée de deux cônes joints par leurs bases. Aucune
forme parfaitement biconique n’a été identifiée dans le corpus, sauf son dérivé : la
forme biconique bitronquée.

La section transversale est circulaire (0), elliptique (1), ou biconvexe (2).

153
Les tores (TO)
Le tore est « la surface engendrée par la révolution d'un cercle autour d'une
droite de son plan ; c'est donc un tube de diamètre constant et d'âme un cercle31».
Les objets toriques entiers sont absents dans le corpus. Nous avons toutefois des
témoignages de leur présence par des fragments segmentaires dont certains ont
été réparés et recyclés.

La section transversale, par définition est circulaire (0) mais elle peut être
d’une très grande variété, de forme géométrique simple ou complexe. Le volume
de certains objets peut s’inscrire dans un tore. C’est le cas des lunules (LU). Leur
section est généralement elliptique (1) ou biconvexe (2) aplatie.

B. Les polyèdres
Les prismes droits
Dans le corpus, les prismes droits seront définis selon la forme polygonale
de leur section transversale qui est identique à la forme des deux bases du prisme
(Fig. 4.5a).

Les sections transversales sont les suivantes : triangulaire (3),


quadrangulaire (4), pentagonale (5), hexagonale (6), heptagonale (7) et octogonale
(8). La section quadrangulaire a 4 dérivés : carrée (4c), rhomboïdale (4h),
rectangulaire (4r)32, et trapézoïdale (4t).

4.2.1.3. Les formes singulières


Nous entendons par formes singulières – qui sont par ailleurs des formes
rares ou exceptionnelles dans le matériel préhistorique en général et néolithique
proche-oriental en particulier – toutes celles dont les traits ou les caractéristiques
morphologiques sont rattachables ou identifiables à une chose matérielle non
vivante telle qu’un outil (forme de hache, forme de crochet, etc.).

31 http://www.mathcurve.com/surfaces/tore/tore.shtml
32 Le parallélépipède à bases rectangulaires.

154
4.2.1.4. Les formes indéterminées
Les formes indéterminées sont celles qui n’appartiennent à aucune des trois
catégories précédentes, de nature « abstraite ». Elles combinent des éléments de
géométrie simples (lignes droites, courbes, points, portions des volumes
géométriques simples, zigzags, etc.) et composent des volumes qu’il est difficile de
rattacher à quoi que se soit33.

4.2.1.5. L’orientation des formes


Pour une meilleure compréhension des volumes, nous avons utilisé le
système des axes virtuels pour les orienter. Pour les formes géométriques, deux
axes principaux ont été retenus : l’axe principal et l’axe transversal (Fig. 4.3a, 4.4a
et 4.5a). L’axe principal est celui correspondant à l’axe de révolution pour les corps
de révolution. Il passe par le centre et par les deux bases du cylindre ou du cône,
par le centre et les deux sommets de l’ellipsoïde. L’axe transversal quant à lui peut
passer par le centre du volume mais il ne passe jamais par les deux bases du
cylindre ou du cône ; il ne passe pas non plus par les deux sommets de l’ellipsoïde
et il peut être, dans certains cas, perpendiculaire à l’axe principal. Pour la sphère,
l’axe principal passe par le centre. Cependant, étant donné que cette forme n’a ni
sommets, ni bases, nous avons décidé que l’axe principal sera celui qui passe par
le centre et est parallèle (ou confondu) avec l’axe de la perforation même. L’axe
transversal serait alors celui qui est perpendiculaire à l’axe principal. Dans certains
cas les objets présentent des volumes sphériques tronqués ou bitronqués offrant
ainsi une ou deux bases planes parallèles. Dans ce cas, l’axe principal est celui qui
passe par le centre et les deux bases.

Pour les prismes droits, l’axe principal est celui qui passe par le centre et
par les deux bases. L’axe transversal quand à lui peut passer par le centre de
l’objet mais il ne passe jamais par les deux bases mais par deux des faces parallèles
(ou parallélogrammes) opposées. Dans le cas des parallélépipèdes, où toutes les
faces sont du même type (rectangles ou carrés), nous considérons que l’axe
principal est celui qui passe par le centre et qui est le plus long pour les

33 Si l’interprétation a posteriori de ces formes devient suffisamment convaincante, ces objets

peuvent changer de catégorie de classement et rejoindre celle des formes singulières, anatomiques
ou géométriques.

155
parallélépipèdes à faces rectangulaires. L’axe transversal dans ce cas est celui qui
passe par le centre du volume. Pour les parallélépipèdes à faces carrées (« cubes »
ou « hexaèdres réguliers »), l’axe principal est celui défini par l’axe de la
perforation lui-même.

En ce qui concerne les formes anatomiques, elles sont orientées selon les
conventions courantes des biologistes. Les formes singulières sont orientées selon
la forme géométrique du support sur lequel la représentation est faite (cylindre,
ellipse, etc.) ou, quand la forme est indéterminée, l’axe principal est l’axe le plus
long.

4.2.2. Second critère : Le dispositif d’attache (perforation ou

percement)

La perforation est un critère clé qui contribue considérablement au


positionnement de l’objet dans l’espace et donc à sa mise en scène. Nous
utiliserons le terme « perforation » et nous traiterons le nombre, la longueur et
l’emplacement de celle-ci au sein des volumes anatomiques, géométriques,
singuliers et indéterminés.

4.2.2.1. Nombre
Dans le corpus étudié, la majorité des objets est à perforation unique et peu
d’éléments sont à double perforation, chacune disposée parallèlement à l’autre
(Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b). Dans deux cas exceptionnels, le nombre de perforation est
supérieur à deux. Il s’agit d’un tube en os portant trois paires de perforations
parallèles, et d’une cyprée portant deux paires de perforations sur le dorsum ainsi
qu’une perforation sur la face ventrale.

Nous codifions la perforation unique par le chiffre romain I, la double


perforation par II, etc. Pour les percements, le nombre peut atteindre cinq (V).

156
4.2.2.2. Longueur
Notre corpus est composé d’objets dont les perforations varient quant à
l’emplacement choisi : sur la partie la moins épaisse du volume, tout au long de
l’objet, dans le sens de la largeur, etc. Ces emplacements déterminent la longueur
(profondeur) de la perforation : longue ou courte. Pour distinguer une perforation
longue d’une courte, nous avons effectué systématiquement trois mesures sur les
volumes : la longueur, la largeur et l’épaisseur ou le diamètre (Fig. 4.8). D’après les
mesures, nous avons convenu que toute perforation réalisée sur la distance la plus
courte mesurée est une perforation courte (symbolisée par la lettre C). Les
perforations réalisées sur les distances longues ou moyennement longues sont des
perforations longues (L) (Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b). Pour les perforations réalisées sur
des objets dont les principales dimensions sont égales, i.e. les objets standards, la
perforation sera considérée comme longue. Par ailleurs, toutes les perforations sur
le test de coquillages identifiés sont courtes. Les tubes naturels des dentales ou des
os longs sont naturellement longs dans la mesure où ils ne sont pas tronçonnés en
disque fins. Ces derniers ont une perforation courte puisque leur longueur
(épaisseur) est inférieure à leur diamètre (ou largeur).

4.2.2.3. Position
A. Au sein des formes anatomiques
La position des perforations sur les objets de formes anatomiques respecte
la morphologie naturelle des objets. Il était donc difficile de déterminer cette
position selon les axes d’orientation. Pour chaque forme, nous avons défini un ou
plusieurs emplacements selon la morphologie anatomique.

Sur les coquillages


Formes coniques à section spiralée
Appartenant à cette forme, quatre familles de coquillages sont identifiées
dans le corpus : les Columbellidae, les Conidae, les Melanopsidae et les Muricidae.
Deux zones d’emplacement de percement sont distinguées (Fig. 4.1a) : la spire,

157
notamment la zone de l’apex ou le somment et le dernier tour. Cette dernière est
subdivisée à son tour en trois zones : la columelle, le labre et le dos.

Formes tubulaires de section circulaire


Ce groupe est représenté par la famille des Dentaliidae (Fig. 4.1b). La forme
tubulaire de section circulaire, et dont le diamètre augmente progressivement en
allant de l’ouverture postérieure à l’antérieure, offre un passage naturel semblable
à un canal de perforation. Il est parfois nécessaire de sectionner la coquille près de
son ouverture postérieure afin d’obtenir un diamètre plus grand.

Formes conchoïdales larges à section plano convexe


La forme conchoïdale à section convexe (Fig. 4.1c) correspond à la forme
d’une grande partie des coquilles de la classe des Bivalvia. Au total, 3 zones
d’emplacement de percement peuvent être utilises : le sommet, près du bord
ventral et entre les deux sur la surface de la coquille.

Formes ovoïdes semi-globuleuses à section plano convexe


Il s’agit de trois grandes familles ayant cette forme : les Cypraeidae, les
Nassariidae et les Neritidae.

Famille des Cypraeidae

Par la morphologie de la coquille de cyprée, deux zones se prêtent au


percement (Fig. 4.2a) : une zone courbe et convexe, le dorsum, et une zone plate, le
ventre. Les percements dans la zone du dorsum peuvent prendre deux formes : un
petit trou placé sur un endroit donné ou une grande ouverture provoquée par la
suppression du dorsum. Les zones près des extrémités postérieure et antérieure
sur le dorsum sont également aptes au percement. La surface ventrale offre
également deux zones distinctes : la partie columellaire, plus large et où le
percement est plus aisé, et la partie labiale, à surface étroite.

158
Famille des Nassariidae

Les coquilles de la famille des Nassariidae (Fig. 4.2b) ont une forme
générale se rapprochant de celle des cyprées et offrent comme ces dernières deux
emplacements idéaux pour les percements : le dorsum et le ventre. Comme pour
les cyprées, le dorsum des nasses peut être percé ou supprimé.

Famille des Neritidae

Les coquilles de la famille des Neritidae (Fig. 4.2c) offrent quatre


emplacements propices aux percements : le sommet près de l’apex aplati, le dos, le
labre et le ventre. Dans notre corpus, les percements de ces coquilles concernent
presque systématiquement le sommet. Les cas de percements sur le dos, le labre et
le ventre sont anecdotiques.

Sur les dents


Sur les dents, c’est la zone de la racine qui est toujours perforée. Deux
positions peuvent être distinguées :

La perforation faciale, quand la perforation est réalisée sur la racine, côté


face large de la couronne.

La perforation latérale, quand la perforation est réalisée sur la face latérale,


étroite de la dent. Celle-ci est identifiée pour l’unique élément sur dent avec racine
faisant partie du matériel étudié.

Sur les os (phalanges et autres)


Généralement, deux zones sont distinguées sur les os. Sur la diaphyse
(extrémités ou centre), et sur l’épiphyse. L’emplacement de la perforation dans des
rares cas d’os long ainsi que pour l’exemplaire unique de la phalange humaine est
celle de la zone frontière entre la diaphyse et l’épiphyse. Sur un exemple de
phalange de gazelle, l’emplacement est celui de l’épiphyse proximale.

Par ailleurs, les os longs offrent des tubes naturellement vides permettant le
passage à condition de sectionner la diaphyse de part et d’autre.

159
B. Au sein des formes géométriques, singulière ou indéterminées
Pour décrire l’emplacement de la perforation, deux points sont à examiner :
la position de la perforation par rapport au centre de l’objet et la position de l’axe
de perforation par rapport aux axes du volume (l’axe principal et l’axe
transversal).

Pour le premier point, l’examen consiste à voir si la perforation passe par le


centre de l’objet ou pas. Ainsi, deux cas sont possibles : perforation centrée ou
décentrée.

Pour le deuxième point, la position de la perforation est définie par rapport


aux axes du volume, tels qu’ils ont été définis au préalable. Ainsi, quand l’axe de
la perforation est parallèle à l’axe principal du volume, la perforation est
considérée comme « axiale ». Quand l’axe de perforation n’est pas parallèle à l’axe
principal, qu’il lui soit perpendiculaire ou pas, la perforation est considérée
comme « transversale ».

Lorsque l’on croise le critère du « centrage » de la perforation avec celui de


la « position de la perforation par rapport aux axes du volume », nous obtenons
quatre positions de perforation (Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b) : Centrée axiale (position 1) ;
Centrée transversale (position 2) ; Décentrée axiale (position 3) ; Décentrée
transversale (position 4).

Pour les objets à double perforation, la convention reste la même en ce qui


concerne la forme géométrique et les deux premières caractéristiques de la
perforation : le nombre (II) et la longueur (L ou C). L’orientation de la perforation,
axiale ou transversale, sera également maintenue. En revanche, le paramètre
« centrage » ne s’applique pas ici. En effet, dans le corpus étudié, aucune des deux
perforations parallèles n’est centrée par rapport au volume. A la place, c’est le
critère de « répartition » des perforations par rapport au centre que nous avons
choisi. Dans cette optique, nous avons distingué deux types de répartition : la
répartition « latérale » lorsque les deux perforations sont réalisées côte à côte sur
une zone éloignée du centre près du bord de l’objet ; la répartition « bilatérale »
lorsque le centre de l’objet se trouve entre les deux perforations. Chacune se
trouve dans une zone opposée. Pour cela, quatre positions sont obtenues

160
(Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b) : Unilatérales axiales (position 1) ; Unilatérales transversales
(position 2) ; Bilatérales axiales (position 3) ; Bilatérales transversales (position 4).

4.2.3. Conclusion

La combinaison entre les différents critères concernant la forme et le


dispositif d’attache aboutit à un très grand nombre de morphotypes (Tabl. 4.1). Il
s’agit d’un système neutre de classification qui ne prend pas en compte la réalité
fonctionnelle des objets. Autrement dit, ce système peut servir à toutes les
catégories d’artefact ayant une forme précise et un dispositif d’attache. Par
exemple les objets de parure, les poids de pêche, les pesons, les éléments de jeux,
etc.

Afin de rendre compte de la réalité fonctionnelle des objets de parure, un


critère important doit être combiné aux critères précédents : les dimensions ou le
gabarit. Celui-ci permet de différencier des classes morphologiques identiques, e.g.
les éléments cylindriques à section circulaire, à perforation courte centrale
(CY.0.I.C.1), qui selon leur volume peuvent être portés à l’unité (en pendentif) ou
en série (fines rondelles en grains de collier).

Nous pouvons désormais rattacher les classes morphologiques à des classes


et des familles connues propres à la parure.

161
4.3. Classement typologique des objets de parure

Le classement que nous proposons ici distingue les objets de parure selon
leur dispositif d’attache et leurs dimensions. Le dispositif d’attache qui caractérise
la majorité des objets est celui de la perforation. La présence de ces dispositifs
nous amène à la réflexion sur la nature du lien destiné à passer par ces ouvertures,
plus précisément, sur la taille de celui-ci. Ainsi, il est évident que tous les objets
dont la perforation présente un diamètre inférieur à celui du doigt d’un enfant
sont forcément des objets qui ne peuvent être portés que grâce à l’emploi d’un lien
tels qu’une cordelette, un fil, une fine tige, etc. C’est le cas notamment des
« perles » et des « pendeloques ». D’autre part, quand la perforation est supérieure
au diamètre du doigt d’un enfant ou d’un adulte, l’usage d’un lien n’est pas le seul
mode de suspension ou du port de l’objet. En effet, l’objet peut être porté
directement sur une partie précise du corps sans l’emploi d’un lien servant de
support intermédiaire : la « bague » est portée autour du doigt, le « brassard »
autour du bras, la « couronne » autour de la tête et le « torque » autour du cou.

Par conséquent, la proportion du diamètre de la perforation par rapport au


diamètre de l’objet permet de distinguer les objets de parure selon deux grands
groupes :

• Les objets à perforation(s) étroites(s), inférieure(s) à 60% de la surface


(pourcentage qui nous a semblé logique). Ces objets sont retenus par un
lien.
• Les objets à perforation large, à plus de 60 % de la surface. Ces objets sont
généralement portés autour d’une partie du corps sans avoir forcement
besoin d’un lien intermédiaire.

La plupart des objets de parure des corpus préhistoriques appartiennent au


premier groupe. Les objets de forme anatomique sont uniquement de perforation
étroite. Les objets à perforation large sont pour la plupart des cas de forme
géométrique.

162
Nous présentons par la suite le classement typologique des objets ainsi que
la convention concernant les mesures, les termes et les orientations. Précisons
d’amblée que toutes les mesures sont prises sur les distances maximales des
éléments.

Chaque élément peut être décrit selon deux sections : la section axiale et la
section transversale. La section axiale est la coupe pratiquée parallèlement à l’axe
principal du volume tandis que la section transversale est celle représentée par
une coupe faite au milieu du volume perpendiculairement à l’axe principal. Nous
verrons que dans la plupart des cas la forme du volume traduit la forme de la
section axiale. C’est pour cette raison que nous avons surtout présenté la section
transversale. La section axiale sera prise en compte uniquement pour certains cas
où il est nécessaire de la distinguer.

4.3.1. Les objets à perforation(s) étroite(s)

A ce vaste groupe appartiennent toutes les formes auparavant établies :


anatomiques, géométriques, singulières et indéterminées. Au sein de ces formes,
les perforations sont courtes ou longues.

4.3.1.1. Classes, familles et types anatomiques


L’orientation des objets de formes anatomiques (Fig. 4.6) est celle convenue
par les biologistes. Les mesures prises sur ces objets varient selon leur
morphologie. Sur les coquillages de forme conique et de section circulaire spiralée
(cônes, colombelle, murex, etc.) les mesures (Fig. 4.6a) sont la hauteur, distance
maximale entre l’apex (sommet) et la base et le diamètre, pris sur la circonférence
maximale de la deuxième tour.

Sur les coquillages de forme ovoïde et de section plano-convexe (cyprées,


nérites et nasses) (Fig. 4.6b) ainsi que sur les coquillages de forme conchoïdale et
de section concave (valves) (Fig. 4.6d), les mesures prises sont celles de la hauteur,
de la largeur et de l’épaisseur. La longueur et le diamètre sont prises sur les
dentales (Fig. 4.6c).

163
Sur les objets en os longs et courts, les mesures prises sont la longueur et le
diamètre (ou la largeur et l’épaisseur). Sur les dents à racine percée, c’est la
hauteur, la largeur et l’épaisseur. Le diamètre de la racine est également mesuré.

En ce qui concerne les coquillages, les classes typologiques sont celles


correspondant aux classes taxonomiques, i.e. les gastéropodes, les bivalves et les
scaphopodes. Il est de même pour les familles, qui sont celles des familles
taxonomiques. La distinction des types se fait en combinant le critère de la famille,
ou la sous-famille (e.g. Neritinae, les nérites d’eau douce) taxonomiques et sur
celui de l’emplacement de la perforation sur les différentes parties anatomiques.
Ainsi, un total de 22 types anatomiques en coquillages est recensé pour le corpus.
Nous avons illustré ici les principaux (Fig. 4.7a).

Pour les éléments en matières osseuses (Fig. 4.7b), les classes typologiques
dépendent du type de l’os. Ainsi, trois classes sont distinguées : la classe des os
longs, la classe des os courts et la classe des dents. Les types identifiés sont ceux
des différentes parties anatomiques munies d’une perforation. Les formes
anatomiques imitées sont en pierre et sont classées par thématique générale pour
lesquelles deux sont distinguées : les silhouettes et les têtes (Fig. 4.7c). Ces objets
sont représentés sur supports à perforation courte décentrée (« pendeloques ») ou
en perforation longue centrée (« perle »).

4.3.1.2. Classes, familles et types géométriques


En nous basant sur l’emplacement de la perforation (i.e. longueur, nombre
et positionnement), il a été possible de distinguer sept classes typologiques pour
les objets de forme géométrique :

• Objets à perforation courte centrée


• Objets à double perforation courtes bilatérales
• Objets à perforation courte décentrée
• Objets à double perforations courtes unilatérales
• Objets à perforation longue centrée
• Objets à perforation longue décentrée
• Objets à double perforation longues bilatérales.

164
Le rapport entre les différentes dimensions mesurées sur les objets
géométriques est primordial dans la distinction des familles, types et sous-types.

A. Objets à perforation courte centrée


Généralement, deux mesures sont prises sur ces objets (Fig. 4.8) : le
diamètre pour les faces circulaires (la largeur et l’épaisseur pour les faces non
circulaire) et la longueur est mesurée entre les deux faces de perforation.

Les objets à perforation courte centrée ont des géométries et des gabarits
variables mais ils gardent toujours les mêmes proportions : la longueur est
inférieure au diamètre ou à la largeur.

Nous avons observé que les objets dont le diamètre est inférieur à 15 mm
sont généralement présents en série (e.g. grains de colliers ou de bracelets) alors
que ceux dont le diamètre est supérieur à 15 mm semblent être fabriqués à l’unité.
Sur cette observation, nous avons donc fixé arbitrairement le seuil de 15 mm pour
distinguer entre deux familles typologiques : les éléments de petit gabarit, que l’on
désigne par les « rondelles », et les éléments de plus grand gabarit que nous
appelons les « disques et autres formes ».

Outre le gabarit, la différence fondamentale entre les rondelles et les


disques est que les faces de ces derniers sont affichées quand ils sont enfilés à
l’unité et en contact avec le corps humain (ou sous la tension d’une suspension
contrainte) tandis que les rondelles portées en série entraînent généralement un
affichage du profil.

Ces objets peuvent avoir des formes variables. Généralement ce sont des
formes discoïdes issues d’un cylindre court de section circulaire ou elliptique.
Mais d’autres formes sont également reconnues comme les ellipsoïdes bitronqués,
les sphères bitronquées, les coniques tronqués, les biconiques tronqués, les
prismatiques de sections variables et les formes irrégulières.

165
Les rondelles
Enfilées en série autour d’un lien, les rondelles sont des objets généralement
vus de profil. Dans notre corpus, cinq types (Fig. 4.9) sont identifiés en se basant
sur leur forme de profil :

Les rondelles cylindriques


La section transversale est circulaire ou elliptique et le profil affiche une
forme généralement quadrangulaire (rectangulaire, trapézoïdal,
parallélogramme).

Les rondelles elliptiques


Le volume est ellipsoïde, la section transversale est circulaire ou elliptique
et le profil est elliptique.

Les rondelles biconiques


Le volume est biconique, la section transversale est circulaire ou elliptique
et le profil affiche une forme biconique bitronquée. La jonction des deux cônes par
leur base est parfois accentuée au niveau du contour.

Les rondelles plates


La forme du volume est variable (cylindrique, ellipsoïde, biconique) et la
section transversale est biconvexe ou lenticulaire. La longueur de ces éléments est
inférieure non seulement à la valeur de la largeur mais à celle de l’épaisseur
également, , c'est-à-dire que si la longueur est égale ou supérieure à l’épaisseur ou
à la largeur, l’élément est considéré comme « perle plate ».

Les rondelles globuleuses


Le volume est sub-sphérique, la section transversale est circulaire ou
elliptique et le profil est circulaire ou subcirculaire.

166
Des rondelles de section polygonales variables (pentagonale, hexagonale)
ont été également identifiées. De toute évidence, ces éléments ont été abandonnés
ou portés avant qu’ils soient finalisés, leur contour étant en cours façonnage car
facetté. Ils étaient probablement destinés à devenir des rondelles cylindriques.

Les disques et autres formes


Les disques désignent les éléments courts issus d’un cylindre de section
circulaire ou elliptique (Fig. 4.9). A défaut de trouver un terme approprié
désignant clairement les éléments courts issus des polyèdres à section transversale
polygonale, nous avons utilisé le terme « autres formes ». Ils sont considérés
comme de même nature que les disques mais ne sont pas circulaires ou elliptiques.

B. Objets à double perforation courte bilatérale


Comme leur nom l’indique, il s’agit d’» éléments biforés » où
l’emplacement des perforations suggère parfois la fonction d’un « bouton ». Leurs
formes peuvent être très variées. Généralement, ces objets affichent l’une de leurs
faces.

Les mêmes mesures utilisées pour les rondelles ou les disques sont prises
pour les éléments biforés. Comme pour les éléments à perforation unique,
l’orientation de ces éléments, quand leur forme n’est pas circulaire ou carrée (e.g.
elliptique), est difficile à deviner sans la présence de traces d’usure permettant de
le faire. Ainsi, nous avons choisi de les orienter selon la convention géométrique,
i.e. selon l’axe principal de l’élément.

Les types se distinguent selon leur géométrie faciale (Fig. 4.9).

Parmi ces éléments, nous distinguons les objets en forme de lunule (Fig. 4.9)
munis d’une perforation courte sur chacune des extrémités. Les éléments
présentant ces caractéristiques sont connus sous le nom de « pectoral » (Moinat
2003).

167
C. Objets à perforation courte décentrée
Les mesures prises sur les éléments de cette classe ainsi que ceux de la
classe des objets à double perforation unilatérale sont (Fig. 4.8) la hauteur, la
largeur et l’épaisseur ou le diamètre.

La perforation décentrée assure une position dans laquelle l’une des


extrémités de l’objet est maintenue tandis que l’autre est suspendue. L’objet est
donc orienté verticalement. Enfilé en suspension libre sans contrainte et sans
appui sur le corps humain, l’objet à perforation unique affiche normalement son
profil mais dès qu’il est en contact avec un support ou avec le corps, l’objet pivote
et affiche l’une de ses deux faces.

Les objets de cette classe sont communément dénommés « pendeloques ».


Celles de notre corpus se divisent en deux familles typologiques : les pendeloques
hautes et étroites à section arrondie et les pendeloques plates.

Les pendeloques hautes et étroites à section arrondie


Les pendeloques de cette famille (Fig. 4.10) se caractérisent par leur forme
étirée en hauteur et étroite. Leur section transversale s’inscrit dans un cercle dont
le diamètre est inférieur au 1/3 de la hauteur de l’objet (Maréchal & Alarashi 2008,
p. 597). Selon l’intégration ou pas d’un aménagement décoratif, les pendeloques
de cette famille se distinguent en deux types :

Les pendeloques étroites simples


Il s’agit d’objets en forme de baguette de section généralement ronde. Nous
avons choisi l’appellation « simple » pour les différencier des pendeloques étroites
décorées avec une rainure centrale.

Les pendeloques étroites à rainures


Ces éléments allongés en forme de « baguette » ont généralement une
hauteur supérieure à 30 mm. Le caractère distinctif est celui de la présence d’une
rainure longitudinale sur l’une des faces.

168
Les pendeloques plates
Pendeloques dont la section est plate et dont les faces, contrairement aux
pendeloques de section arrondie, sont étendues. Selon l’emplacement de la
perforation, trois sous-familles de pendeloques peuvent être distingués. A
l’intérieur de chacune les types se distinguent par leur géométrie faciale :

Les pendeloques plates hautes


Objets aux faces planes perforés près d’une des extrémités, ce qui permet
une suspension verticale dans le sens de son hauteur, la hauteur étant supérieure à
la largeur. Les types identifiés au corpus sont :

• Pendeloques plates hautes elliptiques ou semi-elliptiques.


• Pendeloques plates hautes rectangulaires.
• Pendeloques plates hautes trapézoïdales.

Les pendeloques plates larges


Perforées près de l’un des bords dans le sens de la largeur, la largeur étant
supérieure à la hauteur. Les types sont reconnus selon la géométrie faciale :

• Pendeloques plates larges elliptiques.


• Pendeloques plates larges trapézoïdales.

Les pendeloques plates standards


La largeur/diamètre et la hauteur sont égales. Le type correspond à la
géométrie faciale. Le seul reconnu est celui des pendeloques plates circulaires.

D. Objets à double perforation courte unilatérale


Comme les pendeloques, les éléments à double perforation unilatérale
s’orientent verticalement compte tenu de la position éloignée des perforations. Ils
sont plus communément connus par les « pendeloques biforés ». Au sein du
corpus, ils appartiennent à la famille des pendeloques biforées plates et leurs types
se distinguent selon la géométrie faciale :

169
• Pendeloques biforées elliptiques
• Pendeloques biforées circulaires

E. Objets à perforation longue centrée


Ces objets sont munis d’une perforation centrale disposée axialement ou
transversalement. Il s’agit de la grande classe des « perles »34. En nous basant sur le
rapport des dimensions (longueur, largeur et épaisseur), nous avons pu distinguer
trois familles : les perles tubulaires, les perles plates et les perles standards.

Les perles tubulaires


Les perles tubulaires sont des éléments à perforation longue centrale. La
longueur (Fig. 4.8) de ces éléments est supérieure ou égale au diamètre ou à la
largeur (selon la forme de la section transversale). Enfilées en suspension libre, les
perles tubulaires peuvent tourner sur elles-mêmes, montrant les différentes faces
du profil. Les critères choisis pour la discrimination des différents types de perles
tubulaires sont la forme et la section transversale (Fig. 4.11).

Les perles cylindriques


Perles de section transversale circulaire ou elliptique et de profil
généralement rectangulaire ;

Les perles elliptiques


Perles de section transversale circulaire ou elliptique et de profil elliptique
qui présentent dans la plupart des cas des méplats qui correspondent aux faces de
perforations.

34 Selon le dictionnaire de l’Académie Française (9e édition) une perle est un « concrétion de nacre

qui se forme dans le manteau de certains mollusques en réaction à la présence d’un corps étranger
ou à une blessure ». Outre cette définition, dans le domaine de la joaillerie, une perle est une
« petite masse percée de part en part et destinée à être enfilée avec d'autres sur un fil, pour servir
en particulier d'ornement » http://www.larousse.fr/dictionnaires.

170
Les perles coniques
Perles de section transversale circulaire ou elliptique et de profil conique
tronqué. La troncature correspond à l’une des faces de perforation.

Les perles biconiques


Perles de section transversale circulaire ou elliptique et de profil biconique
bitronqué. La jonction des deux cônes par leur base est parfois accentuée au
niveau du contour.

Les perles parallélépipédiques


Perles de section transversale rectangulaire et de profil généralement
rectangulaire ;

Les perles prismatiques


Perles de section transversale triangulaire et de profil généralement
rectangulaire.

Les perles plates


Les perles plates ont la particularité d’avoir un volume où la longueur
(Fig. 4.8) et la largeur prennent des proportions beaucoup plus importantes que
l’épaisseur. Enfilées, les perles plates affichent l’une des deux faces planes du
profil (Fig. 4.8). Les variations dans leurs formes et les différents aménagements
qu’elles peuvent porter sont nombreux. Deux types d’aménagements, uniquement
observables sur les perles plates, sont parfois réalisés près des extrémités de la
perforation : le « col » et la « convexité » (Fig. 4.11).

Le col est un allongement tubulaire de l’une ou des deux extrémités de la


perforation. Il s’agit d’un prolongement de la perforation qui se détache du
volume de l’objet de quelques millimètres. Si le col est une protubérance dans le
sens de la longueur de la perforation, la convexité est un aménagement qui prend

171
la forme d’un bombement ou d’épaississement de la surface correspondant à l’une
ou aux deux extrémités de la perforation.

Outre ces aménagements, la section transversale se décline en trois formes :


elliptique, lenticulaire ou losangique (Fig. 4.11). La section losangique étant
particulièrement intéressante car elle traduit la présence d’une arête centrale sur
chacune des faces du profil de la perle et a donc des répercussions sur la
perception de l’objet, notamment en ce qui concerne le jeu de la symétrie. Les
variations les plus fortes concernent la géométrie des faces. Ces variations nous
intéressent à deux niveaux : les proportions (volumes longs ou larges) et l’aspect
visuel des formes (arrondies ou polygonales).

Les perles plates à section lenticulaire et losangiques intégrant ou pas les


aménagements mentionnés plus haut sont communément appelées les « perles
papillons35 ».

Le critère de la section transversale n’a pas été retenu compte tenu de la


difficulté de distinguer sa forme pour les pièces usées (e.g. effacement des arêtes
centrales d’une section losangique ; ébréchure et émoussement des bords des
pièces d’une section lenticulaire). La géométrie faciale combinée à la
présence/absence d’aménagements des extrémités a été choisie pour distinguer les
types (Fig. 4.11).

35La première apparition du terme « perle papillon » remonte au premier rapport de fouille du site
d’Abu Hureyra (Moore 1975, p. 65). L’auteur emploie ce terme pour désigner les perles trouvées
dans les sépultures néolithiques et dotées d’une perforation longitudinale les séparant en deux
parties symétriques, ou en deux « ailes ». Une décennie plus tôt, R. Braidwood utilise le terme
« double-axe » pour dénommer les perles trouvées dans les sites de Judaidah et Dhahab dans la
plaine d’Antioche au sud de l’Anatolie centrale. Pour l’auteur, ces perles sont séparées en deux
ailes dont l’épaisseur s’amincie progressivement jusqu’aux bordures ou dont les extrémités sont
aiguës. Ces ailes sont séparées par une perforation longitudinale dont les extrémités portent des
aménagements de type « col » (Braidwood 1960, p. 62). Chronologiquement, ces perles
appartiennent au Néolithique céramique, elles sont donc plus récentes que celles de notre corpus.
Au début des années 70, J. Cauvin utilise le terme de « perles plates » pour deux pièces, l’une en
obsidienne et l’autre en cornaline, que son équipe a trouvées au cours des fouilles de Tell Assouad
dans la vallée du Balikh au nord de la Syrie (Cauvin 1972b, p. 88). Enfin, H. de Contenson utilise le
terme « Perles à ailettes » pour désigner les perles de Tell Ramad (Contenson 2000, p. 119) et celles
de Ras Shmara sur la côte syrienne. Nous avons adopté le terme utilisé par J. Cauvin car il est
simple et dépourvu de connotations et de rapprochements inadéquats.

172
Les perles standards
Il s’agit d’éléments dont les trois dimensions sont égales (Fig. 4.8) ou
presque égales. La distinction des types repose sur la géométrie des formes :
sphérique, cubique, etc.

F. Objets à double perforation longue bilatérale


Munis de deux perforations longues, parallèles et bilatérales disposées
axialement ou transversalement, ces objets sont plus connus sous le nom de
« perles écarteurs » (Roudil & Tayolle 1986). Cette dénomination implique une
fonction, celle de l’écartement des rangs (fils ou liens d’attache) dont le nombre
peut être estimé, a priori, par le nombre de perforations. Bien que cette fonction
soit clairement identifiée par la découverte in situ à Çayönü (Turquie) d’une
parure composée de perles biforées alignées en rangs horizontaux et intercalées
verticalement par plusieurs perles à multiples perforations (d’après Özdoğan
1999, Fig. 23 et 24, p. 64) indiquant clairement au moins la fonction d’écartement,
nous préférons employer le terme « perle biforées », plus neutre. Notons enfin que
dans notre corpus les perles ne sont pas munies de plus de deux perforations
longues. Dans certains sites contemporains du Proche-Orient, e.g. Çayönü et
Nevalı Çori, les perles peuvent compter jusqu’à 12 perforations longues (d’après
Kozlowski & Aurenche 2005, Fig. 5.1.6, p. 190).

Ces éléments, qui sont apparentés au type de perles plates de section


elliptique, peuvent être distingués en trois types (Fig. 4.11) dans notre corpus :

• les perles biforées carrées ;


• les perles biforées rectangulaires ;
• les perles biforées elliptiques.

G. Objets à perforation longue décentrée


Les objets de ce groupe sont munis d’une perforation longue qui,
contrairement aux perles, n’est pas centrée mais décentrée, comme c’est le cas
pour les pendeloques. Ayant les caractéristiques des perles et des pendeloques, ces

173
objets sont désignés comme des « perles-pendentifs » . Un seul élément a été
identifié au sein de corpus (cf. Fig. 8.11p).

4.3.1.3. Types singuliers


Ces objets se distinguent au niveau de leurs classes entre pendeloques et
perles. Dans notre corpus ils appartiennent uniquement à la classe des
pendeloques et la distinction des types se base sur la nature de la forme reconnue.
Dans notre corpus, un seul type est reconnu : « pendeloque en forme de « crochet ».
Des objets de grand gabarit en os dont la forme de l’un est celle d’un « crochet » et
l’autre en forme de boucle, sont identifiés par une fonction qui nécessite d’être
vérifier par l’étude de traces et des études comparatives : les « boucles de
ceintures ».

4.3.2. Les objets à perforation large

La seconde grande division est celle des objets dont l’espace circulaire
central est d’un diamètre qui occupe plus de 60% de la surface de l’objet et dont la
taille est généralement grande. Les éléments appartenant à cette division sont
rares dans notre corpus mais très fréquents dans des sites de la période PPNB tant
en Jordanie comme en Anatolie.

Ces objets sont souvent destinés à être portés autour d’une partie du corps
sans avoir besoin d’un lien intermédiaire. Pour notre corpus, nous avons distingué
les anneaux qui peuvent être portés en guise de « bague », de « bracelet » ou
« brassard ». Les anneaux sont distingués au niveau de leur section :

• Anneau à section circulaire


• Anneau à section plate
• Anneaux à section polygonale
• Anneau à section elliptique en relief.

174
Chapitre 5. Transformation : Techniques de
fabrication

5.1. Etat de la recherche

Il est difficile de dresser un historique sur les études technologiques menées


sur les objets de parure comme catégorie homogène d’artefacts sans prendre en
compte la diversité des matériaux qui les composent (coquillages, matières
osseuses, roches dures, roches tendres, argile).

A partir des années 70, l’approche technologique commence à être de plus


en plus adoptée dans le traitement des artefacts en matières dures d’origine
animale. Ainsi, pour la parure en coquillage, les techniques et les schémas de
fabrication sont proposés à travers les travaux pionniers d’Y. Taborin (1974). La
littérature depuis est très riche et intègre l’approche expérimentale (D’Errico et al.
1993) combinée à l’identification microscopique des traces, permettant ainsi de
mieux interpréter les observations des objets archéologiques. Les études
technologiques et fonctionnelles des objets en os débutent dans les années 1970
avec un premier colloque international sur l’industrie osseuse qui rassemble
notamment les travaux pionniers de D. Stordeur, F. Poplin et H. Camps Fabrer
(Camps-Fabrer 1975).

Les premières études technologiques concernant les objets de parure en


pierre proposant des schémas de fabrication remontent à la fin des années 30 et au
début des années 40. Des schémas de fabrication sont proposées (Mackay 1937)
mais on s’intéresse plus particulièrement à la thématique de la perforation
(Stephen-Chauvet 1941, 1943 ; Lhote 1942). Dans les années 70, 80 et 90, cette
thématique persiste et les études s’intensifient sur les objets de parure appartenant
aux différentes cultures de la Vallée de l’Indus, de la Mésopotamie et de l’Egypte
pharaonique et pré-pharaonique. L’approche expérimentale permettra de donner
parfois des réponses précises concernant le type de traces produites et les types de
perforations et leur morphologies (Piperno 1973, 1976 ; Tosi & Piperno 1973 ;
Lhote 1978 ; Gorelick & Gwinnett 1978 ; 1981 ; Gwinnett & Gorelick 1979, 1981,
1987 ; Chevalier et al. 1982 ; Kenoyer & Vidale 1992 ; Kenoyer 1986, Inizan et al.

175
1975-1976 ; Tixier et al. 1980 ; Stocks 1989 ; Calley 1989-90). Les travaux des années
2000 sont peu nombreux. A titre d’exemple, nous mentionnerons le travail d’A.
Schoumacker (2003) sur l’atelier de roches dures à Larsa (Iraq) et ceux de M.
Casanova (2013) pour le lapis-lazuli en Mésopotamie.

Les thématiques telles que le façonnage de perles en pierre ou la finition de


celles-ci ne sont que très rarement traitées (Bellina 2007). L’ouvrage coordonné par
V. Roux (2000) sur les derniers tailleurs de perles en cornaline à Cambay en Inde,
constitue une très riche source d’informations pour notre travail. Cette enquête
ethnographique retrace toutes les étapes de la chaîne opératoire depuis
l’acquisition jusqu’à la finition et s’appuie sur des objets actuels et subactuels pour
la réalisation d’une série d’analyses et d’études approfondies. Parmi ces dernières,
celles concernant le façonnage par la taille (Pelegrin 2000) et la finition (D’Errico et
al. 2000) des perles peuvent être considérées comme exemplaires.

Une grande partie de ces travaux nous a permis de développer nos


réflexions concernant l’approche technologique mais aussi de créer nos propres
protocoles d’étude adaptés à notre corpus. Par ailleurs, les découvertes de Tell
Halula et d’Abu Hureyra, sites faisant partie de notre corpus, mais également de
Khirokitia à Chypre (Astruc 2001, p. 123) ou Aşıklı Hüyük en Anatolie centrale
(Özbaşaran 2012, p. 142, Fig. 20, p. 157 ; Astruc 2011) ; faisant remonter le travail
de certaines pierres « semi-précieuses » (turquoise, cornaline, agate, améthyste,
jaspe, obsidienne) à des périodes plus anciennes que celles des civilisations des
premières cité-états de la Mésopotamie et de l’Egypte exigent une réactualisation
de ces thématiques, notamment celle de la perforation.

176
5.2. Notions générales

Dans ce chapitre, il est question de toutes les étapes de la chaîne de


transformation mais aussi de toutes les opérations à caractère technique entrant
dans les chaînes d’acquisition (e.g. extraction) et de consommation (e.g.
réparation).

5.2.1. Chaîne de transformation

Selon le type d’élément que l’artisan souhaite élaborer, la chaîne de


transformation de la matière peut être simple ou complexe. Simple, quand elle est
restreinte à une, ou maximum deux, phases de transformation. Dans la plupart
des cas, il s’agit de la création d’un dispositif d’attache. Généralement, les objets
conservent alors leur forme naturelle d’origine. La chaîne de transformation est
complexe quand une succession d’opérations s’organisent, d’un point de vue
dynamique, selon différentes phases (Averbouh & Provenzano 1998-1999, p. 8).

Dans certains cas, généralement les plus complexes, la première phase de


transformation commence non pas au sein de la chaîne de transformation mais de
celle d’acquisition. En effet, l’acquisition de la matière première exige parfois
l’emploi de certaines opérations techniques. De même, des interventions
techniques peuvent avoir lieu une fois l’objet finalisé, au cours du cycle de son
utilisation, i.e. durant la chaîne de consommation. Ces interventions sont exécutées
si besoin pour l’entretien de l’objet, pour sa réparation en cas de dommage ou
pour une nouvelle transformation par le recyclage. Entre l’extraction de la matière
et l’abandon de l’objet finalisé et usé, il existe toutes les phases propres à la chaîne
de transformation (fabrication) et à la consommation (port). Chacune de ces
phases traduit un état de transformation différent, plus évolué, de la matière. Ces
phases peuvent être :

• Le traitement de la matière, celle-ci étant à l’état de « bloc » après son


extraction ;
• Le débitage du bloc afin d’obtenir un ou plusieurs supports qui prennent la
forme d’une « ébauche » ;

177
• Le façonnage de l’ébauche afin d’obtenir la « préforme» ;
• La création d’un dispositif d’attache afin d’obtenir un « objet de
parure » fonctionnel ;
• La finition pour l’obtention de « l’objet de parure fini» avant le
commencement de son utilisation par le port.

Selon un schéma complexe intégrant plusieurs phases, le passage de


l’élément du stade « bloc » au stade « objet fini » implique la production de ce
qu’on peut considérer comme déchets de fabrication. Leur découverte, dans un
contexte d’atelier par exemple, aide à la compréhension du processus de
fabrication (cf. infra).

L’ordre dans lequel les phases se suivent peut être différent de celui que
nous présenterons. Par exemple, la création du dispositif d’attache peut précéder
le façonnage ou être effectuée en dernier lieu. Il faut également imaginer que tout
au long de la fabrication, l’artisan peut employer des techniques propres aux
phases initiales ou tardives et à plusieurs reprises.

Dans une démarche visant à reconstituer les chaînes de transformation, les


technologues de l’industrie lithique et osseuse ont recours aux méthodes de
remontage et démontage techniques, démarche méthodologique idéale pour toute
étude technologique en archéologie. La première consiste à « raccorder
« physiquement » les éléments issus d’un même bloc de matière première » et la deuxième
à démonter les « blocs recomposés afin de suivre la succession des gestes techniques qui
ont présidé à leur transformation en un ou plusieurs objets finis et ainsi reconstituer la
logique opératoire » (Le Dosseur 2006, p 98). Le remontage étant difficile pour
l’industrie osseuse pour de multiples raisons, les technologues ont inventé une
méthode alternative : le « remontage mental ou par défaut » (ibid.).

Pour les objets de parure, la démarche du remontage et démontage


technique est difficile à mettre en pratique. En effet, le statut particulier de ces
objets implique parfois une utilisation (i.e. le port) d’une génération à l’autre (par
transmission), ce qui peut produire une usure très développée. Par conséquent, la
lecture des stigmates de fabrication est rarement possible. Par ailleurs, souvent
convoités, de petites dimensions et facilement transportables, ces éléments sont

178
toujours susceptibles d’avoir fait l’objet d’échanges, parfois sur de très longues
distances. Leur acquisition peut donc se faire à l’état fini. Enfin, il ne faut pas
oublier que les objets de parure en matières minérales, notamment celles tendres
et moyennement tendres, sont généralement façonnés par abrasion, et finies par
polissage et, parfois, lustrage. Les déchets produits sont donc sous forme de
poudre dont la détection est extrêmement rare, sinon impossible, en archéologie.

Le contexte archéologique idéal permettant le remontage est celui d’un


atelier ou d’une zone de fabrication dans lequel des blocs, des supports, des
préformes et des objets finis sont présents ensemble avec leurs déchets. Dans notre
corpus, il a été difficile de déterminer la nature de certains contextes non
funéraires. Des zones de fabrication proprement dites n’ont pu être mises en
évidence36. L’impossibilité d’inscrire les objets finis du corpus dans des séries
industrielles lithiques, osseuses ou coquillées contenant des « pièces techniques »
déterminantes pour l’identification de la chaîne de transformation ne nous laisse
qu’une seule source d’information directe, celle des derniers stigmates techniques
enregistrés sur les objets. Notre procédure consistera donc à l’observation
approfondie des stigmates macro- et microscopiques.

La littérature ethnographique a produit un certain nombre de documents


décrivant la fabrication des objets de parure en calcédoine sur le continent
asiatique, comme par exemple en Inde (Roux 2000) et au Yémen (Inizan et al. 1992 ;
Inizan 2000 ; D’Errico et al. 2000). Ces documents sont d’un très grand intérêt pour
l’archéologie car les processus traditionnels de la fabrication pourraient être les
mêmes que ceux employés aux époques préhistoriques. En effet, certaines phases
comme le débitage et le façonnage de la calcédoine nécessitent les compétences
d’un tailleur de silex expérimenté. La chaîne opératoire actuelle des perles
indiennes pourrait être très proche de celle suivie pour la fabrication des perles
néolithiques en calcédoine, à quelques différences près, notamment en ce qui
concerne les outils de travail et leurs matériaux. Signalons par ailleurs que des
ressemblances étonnantes ont été mises en évidence entre les phases de fabrication

36 Nous avons examiné un certain nombre d’objets abandonnés en cours de perforation, des

éléments pouvant correspondre aux blocs, ébauches, préformes et déchets. Cependant, ces
éléments ont souvent été trouvés isolés ou avec d’autres éléments mais sans que l’on puisse
comprendre leur relations. Une étude plus approfondie de leur contexte, notamment en examinant
les autres catégories d’artefacts, e.g. présence/absence des outils en silex, meules, polissoires, ainsi
que leur répartition dans l’espace, permettrait de mettre en évidence leur appartenance ou pas à
des zones de fabrication.

179
des perles archéologiques trouvées dans un contexte d’atelier sur le site de Lothal
(en Inde) et les phases de fabrication des perles actuelles à Cambay en Inde.
L’ordre d’exécution des phases est également le même (d’après Inizan 1999,
p. 129). Certains procédés de fabrication des perles en calcédoines, des techniques
et des stigmates documentés par ces enquêtes seront présentés tout au long de ce
chapitre.

5.2.2. Techniques et stigmates

Avant d’aborder le fonctionnement de la chaîne de transformation, il est


important de rappeler comment s’articulent entre elles les notions de
« technique », « procédé » et « méthode ».

La technique, selon sa définition élémentaire, est une action sur la matière


qui trouve sa place dans toutes les phases de transformation. A l’échelle d’une
chaîne de transformation, elle s’apparente au terme « technème » ou (« élément
technique minimum » ; Baudrillard 1972, cité par Averbouh et Provenzano 1998-
1999, p. 6) et est ainsi l’élément fondamental de toute transformation qui associe
un mode d’action (e.g. scier), un type d’outil approprié à l’action (e.g. une scie) et
un geste selon lequel l’outil est fonctionnel et opère sur la matière (e.g. mouvement
de va-et-vient).

Le procédé s’intègre dans les différentes phases de la chaîne et est défini par
une séquence courte de techniques visant un objectif précis, comme par exemple la
création d’un dispositif d’attache (perforation), la décoration de la surface, etc.

La méthode est une démarche raisonnée selon laquelle l’artisan organise les
moyens dont il dispose (les techniques et les procédés) pour arriver à un but
majeur, la fabrication d’un artefact selon un modèle ou un type précis. En résumé,
« la technique et le procédé sont les moyens et la méthode est l’esprit qui agence les
moyens » (Tixier 1967 p. 807, cité par Le Dosseur 2006, p. 70). L’étude
technologique que nous avons menée a permit d’identifier, parallèlement aux
techniques, certains procédés de débitage, de façonnage et de perforation des
objets en pierre ainsi que des procédés de percement des cyprées (cf. partie III).

180
Dans l’artisanat, travailler une matière de consistance solide consiste
généralement à réduire son volume initial selon une forme conçue préalablement.
Toute rencontre entre l’outil et la matière est guidée par une action. Celle-ci, pour
A. Leroi-Gourhan, se définit par la percussion qui peut être lancée, indirecte ou
posée (Leroi-Gourhan 1971, p.48). D’autres chercheurs distinguent les techniques
selon les résultats obtenus et le type d’action : « les techniques de fracturation » et
« les techniques d’usure ». L’éclatement et l’enlèvement se rangent dans la
catégorie des techniques de fracturation et l’usure de surface ou en profondeur
dans la catégorie des techniques d’usure (Averbouh & Provenzano 1998-1999,
pp. 9-17 ; Le Dosseur 2006, p101-08). Notre démarche consiste à classer les
techniques selon les gestes qui interviennent au cours des actions. Ainsi, nous
distinguons trois groupes de techniques : les techniques de percussion, les
techniques de pression et les techniques de frottement.

Outre les dents, les mains et les pieds, ces techniques requièrent l’utilisation
d’outils. Ils peuvent être maintenus directement dans la main ou « prolongés » par
des manches. L’emmanchement de l’outil permet d’une part de faciliter sa
préhension, et par conséquent améliorer l’exécution du geste, et d’une autre part
d’augmenter sa force. L’outil peut également être intégré dans un système
mécanique complexe dont la force musculaire humaine n’agit pas directement sur
lui mais sur des agents articulés en connexion directe ou indirecte avec lui. Les
avantages d’un système mécanique sont multiples, la plus remarquable étant
l’augmentation de l’efficacité de l’outil et la rapidité de l’exécution, sans oublier la
facilité de la manipulation grâce à une certaine « libération » des mains dans le
sens où elles deviennent moins gênées dans leurs mouvements.

5.2.2.1. Les techniques de percussion


Actions qui aboutissent, par une transmission lancée de l’outil, à provoquer
un choc sur le bloc et par conséquent, à l’enlèvement de la matière.

181
A. La percussion directe
Elle consiste à effectuer un ou plusieurs coups par un geste lancé d’un outil
sur un bloc. Cette technique peut être utilisée pour la fracturation d’une masse de
matière en plusieurs fragments, pour la division d’une masse de matière en
portions volumiques plus ou moins calculés, pour creuser dans une masse de
matière ou pour trouer une surface relativement fine, etc. Ainsi, selon le but visé,
on parle de percussion directe diffuse, tranchante ou ponctuelle. L’emploi de l’une
de ces variantes dépend de la morphologie de l’outil percutant et de la nature de
la matière percutée. Le percuteur peut être une masse de forme arrondie à partie
active légèrement convexe, en pierre, en os, en bois animal ou végétal. Il est utilisé
pour la percussion tranchante sur les matériaux tendres et souples comme les
matières osseuses, le test de certains coquillages et sur certaines roches
carbonatées (type craie) ; un outil pointu en silex ou en os peut ainsi servir à
donner des coups ponctuels sur un matériau tendre ou dur. La percussion
ponctuelle est synonyme de la technique du piquetage.

La technique de l’entrechoquement des éléments en roches siliceuses entre


eux dans une outre ou un tambour (en rajoutant des « agents » auxiliaires comme
de l’abrasif, de l’eau ou des morceaux de cuir), technique documentée
ethnographiquement (D’Errico et al. 2000, p. 100), est identique en principe à celle
de la percussion directe. Néanmoins, son emploi a pour but d’obtenir des résultats
semblables à ceux produits par la technique de l’abrasion, du polissage ou du
lustrage des surfaces.

B. La percussion indirecte
Elle est semblable à la percussion directe mais au lieu d’assener les coups
directement sur une matière, elle consiste à les effectuer sur l’extrémité proximale
d’un outil dont l’extrémité distale est posée sur un endroit précis du volume. Ainsi
la force du choc est transmise par l’outil intermédiaire directement à l’endroit
choisi. Cela fait d’elle une technique plus précise que la précédente. Le percuteur
est de forme arrondie à partie active légèrement convexe, tandis que l’outil
intermédiaire est de forme longitudinale à extrémité plus ou moins pointue ou
tranchante. Les deux outils peuvent être en pierre, en bois ou en matières osseuses.

182
Dans le cas de la percussion directe ou indirecte diffuse, le percuteur est
actionné selon un mouvement vertical sur la matière ou sur l’outil intermédiaire.
Selon l’angle, le résultat obtenu est différent. Si l’angle est droit entre le percuteur
et la matière, c’est la fracturation/division (extraction ou débitage) en plusieurs
fragments qui est recherchée. Si l’angle entre le percuteur et la matière est aigu, il
conduit à une ablation superficielle de la matière (plus l’angle est aigu, plus
l’enlèvement ou l’épaisseur de l’éclat est faible), c’est généralement le façonnage
qui est recherché dans ce cas.

5.2.2.2. Les techniques de pression


Les techniques de pression sont moins puissantes que celles de la
percussion dont la force croît en même temps que l’augmentation de la distance
du lancement. Nous attribuons deux techniques à cette catégorie : la pression
proprement dite et la flexion.

A. La pression
La pression est une action qui consiste à appliquer la force musculaire
directement sur une matière. Un outil pointu (punch) est nécessaire pour les
roches siliceuses afin de détacher des supports (éclats, lames ou lamelles) tandis
que la main seule peut éclater des plaques ou des surfaces convexes et
relativement fines dans le but de les briser en plusieurs petits fragments
(supports).

B. La flexion
Contrairement aux techniques précédentes où la force est exécutée
subitement, la technique de flexion s’exerce dans la durée (Averbouh &
Provenzano 1998-1999, p. 9). Par l’application d’une force continue et violente, un
arrachement de la matière se produit. Elle est pratiquée par une appréhension
manuelle ou digitale (selon la taille du bloc) ou à l’aide d’un coin ou d’un calage
qui permet d’augmenter la force appliquée. La force est exercée selon une
traction/flexion convergente, une traction/flexion divergente ou une

183
traction/torsion divergente. La flexion peut être employée directement sur les
différents matériaux ou préalablement préparée par des sillons de sciage, de
rainurage ou par des incisions profondes qui guideront et permettront la fracture à
l’endroit choisi.

5.2.2.3. Les techniques de frottement


Dans le cas des techniques de frottement, la transmission de la force se fait
simultanément dans deux directions, orthogonale et horizontale. La première
assure la transmission de la force musculaire et la seconde permet la propagation
de cette force sur la surface du bloc. Les techniques de frottement (ou « techniques
d’usure » (Averbouh & Provenzano 1998-1999, p.13) procèdent par l’enlèvement
progressif de la matière sous forme de fines particules (poudre). Ces techniques se
divisent en deux groupes selon leur façon d’attaquer la matière : en surface et en
profondeur (ibid.).

A. Frottement en surface
Les techniques de frottement en surface « entament la matière par sa surface, le
plus souvent sur une grande étendue » (ibid.) et la réduisent, sans la supprimer, dans
le sens de l’épaisseur. Les techniques concernées sont le raclage, l’abrasion, le
polissage et le lustrage. Les trois dernières se pratiquent par le frottement des
objets sur des matériaux très divers : roches abrasives, matériaux fibreux (os ou
bois) ou morceaux de cuir. Il n’y a pas de différence entre le polissage, l’abrasion
ou le lustrage quant au geste, aux directions des mouvements ou à la catégorie
d’outils utilisée. La différence se fait par la granulométrie des particules abrasives.
Plus le grain de l’outil abrasif (e.g. meule) est fin, plus régulière, lisse et brillante
est la surface.

Raclage
Le raclage, ou grattage, est une action qui consiste à éliminer des fines
couches de matière en raclant sa surface. L’outil doit être muni d’une partie active
tranchante ou d’une arête aiguë. La matière éliminée est composée de fines

184
particules quand il s’agit de racler des roches tendres (e.g. certains calcaires) et est
en forme de copeaux quant la matière est osseuse (os frais) ou en bois. Le raclage
est employé notamment afin de supprimer la membrane fibreuse, le périoste, qui
enveloppe l’os frais ou afin de diminuer l’épaisseur d’une matière osseuse ou
d’une roche tendre.

Abrasion
Il s’agit d’éliminer la matière par frottement d’une surface contre une autre.
C’est une technique appliquée pour le façonnage des matières osseuses, des
coquillages et des roches et minéraux. Les particules se désagrègent de la surface
du bloc mais également de celle de l’outil. Celui-ci, s’il s’agit d’une pierre abrasive,
peut prendre la forme d’un galet, d’un bâtonnet ou d’une meule. Des moyens
techniques auxiliaires (eau, sable, graisse, peau, etc.) accompagnent souvent cette
technique. L’outil en forme de galet ou bâtonnet maintenu dans une ou les deux
mains est activé selon un mouvement bidirectionnel (va-et-vient),
multidirectionnel ou circulaire sur la surface choisie. Si l’outil est une meule de
taille relativement grande, c’est le bloc qui est activé sur la surface de la meule.
Lorsque la meule est « dormante » (i.e. immobile), elle peut être posée à
l’horizontale ou calée obliquement sur un support (ou submergée à moitié ou plus
dans un bassin d’eau permettant ainsi une humidification régulière de sa surface
en plongeant le bloc de temps en temps dans l’eau). Intégrée dans un système
mécanisé activé par un archet, la meule est dite « rotative ». Le bloc, maintenu
dans une main, est approché de la meule en action et abrasé à l’endroit choisi.

Enfin, en ce qui concerne les objets de parure, l’abrasion peut être effectuée
en série. Par exemple, les rondelles enfilées dans un lien peuvent être frottées
contre une meule en tenant le lien par les extrémités (Bonnardin 2009, Fig. 27,
p. 73). Le percement par abrasion de la face dorsale de certains coquillages (e.g.
cyprées), peuvent être calés dans des encoches sur un morceau de bois ; ce dernier
est activé en va-et-vient sur une meule (d’après nos expérimentations, cf. annexes
II).

185
Polissage
Le polissage « désigne l’action de rendre la surface unie, lisse et luisante à
des fins de régularisation et de finition des surfaces, qu’elle soit techniquement ou
esthétiquement motivée » (Hamon 2006, p. 31). C’est une technique qui consiste à
éliminer la matière par le frottement de la surface d’un bloc contre une pierre
abrasive, à grain plus fin que celui utilisé pour l’abrasion, avec des supports
végétaux siliceux ou avec des morceaux de cuir. Elle succède généralement à
l’abrasion et précède le lustrage.

Lustrage
Le lustrage est une technique de frottement qui permet de donner un aspect
brillant à la surface. Il est primordial d’utiliser une pierre abrasive de
granulométrie très fine et le grain ne doit pas être « agressif », issu d’une roche
dure par exemple, car le but n’est pas d’éliminer la matière mais seulement les
irrégularités produites durant l’abrasion et le polissage. D’où l’utilisation
fréquente de matériaux tendres et souples comme par exemple un morceau de cuir
pour cette opération.

B. Frottement en profondeur
Les techniques d’abrasion en profondeur consistent à éliminer la matière
dans son épaisseur en la traversant complètement ou partiellement. Ces
techniques sont le sciage, le rainurage, l’incision et le forage.

Sciage
La technique du sciage consiste à creuser la matière avec un outil pourvu
d’une arrête tranchante selon un mouvement bidirectionnel (va-et-vient). La
matière est entamée par sa surface sous la forme d’un sillon qui s’approfondit au
fur et à mesure de l’action du sciage. Le sillon disparaît quand l’outil tranchant
atteint la surface opposée de la matière. Le sciage peut être interrompu et la
division de la matière peut être alors obtenue par flexion ou par percussion directe
ou indirecte.

186
Rainurage
Le rainurage est une technique qui consiste à creuser la matière avec un
outil à angle tranchant jusqu’à l’obtention d’une rainure profonde. Le mouvement
est unidirectionnel répété ou, plus rarement, bidirectionnel.

Forage
Le forage consiste à creuser la matière en profondeur en entamant un point
de sa surface. L’outil forant est généralement pointu à bords aigus tels que le
perçoir, le burin ou une mèche de forme cylindrique, et sa partie active peut être
de morphologie variable. Selon l’épaisseur de la matière, le forage permet
l’obtention d’une perforation courte ou longue dans la matière.

Le mouvement de l’outil est rotatif et actionné sur les 360° continuellement


(toujours dans la même direction), sur les 360° alternativement (dans deux
directions opposées) ou sur 180° alternativement (Semenov 1970, p. 18).

L’activation de l’outil sur un bloc peut être réalisée de diverses façons :


manuellement, en la fixant sur un point et en l’activant alternativement de droite à
gauche avec les doigts de la main (rotation 180° alternative) ; entre les paumes des
mains en la fixant au bout d’une hampe (tige) (sur 180° alternativement) ; avec le
système du foret à l’archet ou du foret à pompe (sur 360° alternativement ou
continuellement, selon la profondeur de la perforation). Chacune de ces manières
provoque un ensemble de stigmates caractéristiques qui diffèrent selon les
matériaux et les paramètres et conditions de travail (Leroi-Gourhan 1971, p. 55-56).

Des moyens techniques auxiliaires peuvent être utilisés pour la perforation


des roches, notamment les roches dures, comme l’eau et les sables abrasifs, ainsi
que des moyens de fixation pour les objets dont la perforation est délicate et
complexe.

5.2.2.4. D. Les stigmates


Les différentes actions, selon les gestes et les matières, sont attestées par des
stigmates. En effet, la morphologie, notamment celle de la partie active, les

187
dimensions et le matériau dont sont faits ces outils déterminent en grande partie
les caractéristiques des stigmates produits.

Les stigmates de fabrication sont les marques résultant d’une réaction


collatérale de la matière face aux modifications qu’elle subit par l’action d’un outil
sur sa surface. L’identification du type (ou catégorie) de stigmate ne suffit pas
pour l’identification d’une technique. Le stigmate type « négatif d’enlèvement »
que l’on observe sur les roches siliceuses est par exemple caractéristique de la
technique de percussion ou de la pression. La lecture de l’ordre hiérarchique des
stigmates identifiés permet de reconnaître la technique, de reconstituer un procédé
et dans certains cas la méthode de fabrication. En l’absence de ceux-ci,
l’identification des techniques s’avère une tâche difficile car les indices concernant
l’emploi d’une technique donnée sont à rechercher dans les aspects
morphologiques généraux de l’objet. L’identification d’une technique ou d’un
procédé peut alors se faire par déduction, par un raisonnement basé sur
l’élimination par défaut. Toute autre information extrinsèque de l’objet peut être
utile : les informations obtenues par les expérimentations, le contexte de la
découverte de l’objet, les comparaisons avec d’autres corpus contemporains, le
savoir-faire (« bagage ») propre à la période concernée, etc.

5.2.3. Phases de transformation

Nous présentons ici des notions générales sur chacune des phases de
transformation.

5.2.3.1. Extraction de la matière première


L’approvisionnement en matière première peut être issu d’un ramassage
comme la collecte de coquillages sur une plage, ou grâce à des procédés
d’extraction complexes nécessitant la mise en œuvre de moyens techniques (e.g.
extraction du minéral provenant d’une mine, d’une veine géologique, etc.). La
matière première extraite correspond, dans cette phase, à l’état de bloc. Les
techniques qui peuvent être employées sont la percussion directe ou indirecte
(diffuse ou tranchante), la pression, la flexion, le sciage, le rainurage, ou le forage

188
multiple du contour. Selon les différentes caractéristiques morphologiques et
physiques, l’artisan décide si le bloc nécessite un traitement préalable à la
transformation ou pas.

Les stigmates propres à cette phase sont difficiles à mettre en évidence étant
donné que l’extraction est la première opération à être effectuée et que les
opérations techniques qui lui succèdent produisent des stigmates qui peuvent en
effacer les traces, ou dans le meilleur des cas, se confondre avec eux.

Enfin, le bloc extrait peut être directement transformé, stocké pour une
transformation ultérieure, donné ou échangé.

Dans notre corpus, certaines roches de petites dimensions, de forme


irrégulière portant des traces de sciage37, pourraient être des blocs importés
destinés à la fabrication d’éléments de parure.

5.2.3.2. Traitement spécifique de la matière


La gamme des matériaux utilisés pour les éléments de parure est d’une
grande richesse. Un artisan doit connaître les différentes propriétés d’un matériau,
afin de pouvoir le transformer de la manière la plus aisée, mais également les
altérations qu’il peut subir au cours du temps et pendant l’utilisation. Ainsi, afin
d’améliorer son aptitude à la transformation mécanique, i.e. sa maniabilité
(rigidité, flexibilité), ou afin d’éviter certains accidents durant la fabrication, il peut
être amené à le préparer et le traiter en l’exposant aux effets de certaines actions
élémentaires (eau, feu ou air) (Leroi-Gourhan 1971, p. 43) qui agissent dans la
durée (effets chimiques) et ne dépendent pas de l’action musculaire dont le
moteur est la force (effets dynamiques)38. Des opérations telles que le trempage
dans l’eau, le séchage, le chauffage, l’application de substances liquides (huile,
sang, urine), pâteuses (boue, excréments), graisseuses (graisse animale, végétale)
ou résineuses (résines végétales) sont largement documentées par les ethnologues
(e.g. chauffage des cornalines avant et après leur débitage ; Roux 2000, p.40) et
peuvent être tout à fait envisageables pour la période et la région dont il est
question dans le cadre de cette recherche.

37 Cf. Chapitre 12. Tell Aswad, p. 488.


38 Les effets dynamiques de l’eau et du feu peuvent être également exploitables.

189
Durant cette phase, la matière est généralement encore au stade de bloc. Il
faut noter cependant que le traitement peut être répété tout au long de la chaîne
de transformation, selon les circonstances et les besoins, techniques ou préventifs,
de l’artisan mais aussi après la transformation, c'est-à-dire pendant la chaîne de
consommation, pour l’entretien de l’objet.

5.2.3.3. Débitage
Le débitage selon les technologues de l’industrie lithique est une opération
qui consiste à fracturer la matière première afin de produire plusieurs supports.
Les technologues de l’industrie osseuse utilisent le terme du débitage et ils
étendent son champ d’utilisation à plusieurs techniques qui ne relèvent pas
uniquement de la percussion ou de la pression mais également du sciage, du
rainurage voire de l’abrasion (Averbouh & Provenzano 1999, p. 8 ; 14 et 16). Pour
nous, le « débitage » répond à deux nécessités : 1) la fragmentation d’un bloc en
plusieurs supports, 2) le dégrossissement d’un bloc en le réduisant à l’état
d’ébauche. Les deux solutions peuvent être réunies par un procédé selon lequel le
bloc subit une fragmentation de sa masse en plusieurs supports, ceux-ci par
l’intervention de différentes techniques qui deviennent des ébauches à leur tour.

5.2.3.4. Façonnage
Le façonnage est une phase durant laquelle le fabricant sculpte le support
ou l’ébauche dans le but de lui donner une forme presque définitive. Il le
transforme ainsi en préforme. La forme souhaitée ainsi que les dimensions
générales sont acquises durant cette phase. Les techniques choisies pour
l’exécution de cette étape répondent aux propriétés physiques et mécaniques des
matériaux.

190
5.2.3.5. Création du dispositif d’attache
C’est durant cette phase que les dispositifs nécessaires à l’utilisation comme
la perforation, la rainure, l’encoche ou la gorge sont créés39. Nous avons désormais
l’objet de parure car il peut être porté en l’état et la chaîne de transformation peut
s’arrêter ici ou être poursuivie durant la phase de finition.

Pour certains objets dont la forme est issue de la nature (e.g. coquillages,
dents, galet, cette phase constitue à elle-seule la totalité de la « chaîne » de
transformation. Il s’agit d’une chaîne de transformation simple. Dans d’autres cas,
elle constitue l’une des multiples phases de fabrication dont l’exécution peut se
dérouler avant le façonnage ou après la phase de finition. Le dispositif d’attache le
plus commun est la perforation.

5.2.3.6. Finition
Durant cette phase, les dernières modifications sont apportées à l’objet soit
pour mettre en valeur ses propriétés esthétiques (traitement thermique visant à
augmenter l’intensité de la couleur, traitement de surface pour l’obtention de plus
de brillance), soit pour renforcer ses propriétés physiques en prévention
d’éventuels risques de fracture (résistance, élasticité, etc.) ou encore pour décorer
l’objet avec des motifs gravés ou peints. A la fin de cette phase, l’objet peut être
considéré comme fini et passer au stade d’objet neuf et intégrer la chaîne de
consommation.

5.2.3.7. Entretien, réparation ou recyclage


Il n’est pas question ici d’une phase mais de plusieurs interventions
techniques permettant l’entretien de l’objet après un certain temps d’usure ou sa
réparation après un accident survenu. Dans certain cas, l’endommagement de
l’objet est tel qu’un recyclage, une transformation profonde de la forme voire de la
fonction primaire de l’objet, sont nécessaires. Les techniques d’entretien sont
généralement celles propres à la phase de traitement du matériau (e.g. application
de différentes substances sur des matières osseuses pour éviter le desséchement)

39 Le dispositif d’attache peut être absent dans le cas des éléments sertis ou collés sur un support.

191
ou à la phase de finition (ravivage des incisions du décor). Les cassures peuvent
survenir au niveau du volume ou du dispositif d’attache. Dans le premier cas, ce
sont surtout les techniques d’abrasion qui sont employées afin de supprimer les
bords déchiquetés ou les ébréchures et redonner une certaine symétrie à l’objet.
Quand cela affecte le dispositif d’attache, la création d’un dispositif substituant
peut s’avérer nécessaire. Enfin, le recyclage implique une ou plusieurs techniques,
voire une ou plusieurs phases de transformation en un nouvel objet de forme, et
parfois de fonction, différente.

Les phases de transformation associées aux principales techniques et aux


stigmates potentiels seront présentées par la suite selon les matières (coquillage, os
et pierre).

5.3. Les coquillages

La fabrication d’un élément de parure en coquillage consiste, dans sa


version simple, en la création d’un dispositif d’attache. Le coquillage conserve
ainsi la forme anatomique. Autrement, le test peut être exploité et travaillé pour la
fabrication, par exemple, de petits éléments plats de formes géométriques. La
réalisation de ceux-ci s’inscrit dans des schémas composés de plusieurs
phases (Tabl. 5.1) : le débitage, le façonnage, la création d’un dispositif d’attache et
la finition.

5.3.1. Phase de débitage

Les coquilles de bivalves, dont la surface est relativement plane à profil


courbe se prêtent à la fabrication de petits éléments segmentaires ou discoïdes. Le
débitage ici permet d’obtenir des supports qui passeront directement à la phase de
façonnage. Ces supports peuvent être obtenus soit par éclatement, c'est-à-dire
fragmentation brutale de la masse produisant des supports de morphologie
irrégulière et de dimensions inégales, soit à la division par fragmentation
contrôlée visant à produire des supports de morphologie régulière et de
dimensions calculées. Dans le premier cas, ce sont les techniques « rapides » qui

192
sont employées : la percussion directe ou indirecte, la pression sur les parties
convexes avec la main ou avec un outil40, ou la flexion entre les doigts ou en
coinçant l’extrémité de la coquille. Dans le deuxième cas, des techniques plus
« lentes » peuvent être employées : le sciage ou le rainurage. La combinaison de
techniques « lentes » et « rapides » existe également : des sillons sont creusés sur la
surface par sciage ou par rainurage, ce qui permet de guider la rupture, qui est
faite par flexion ou par percussion directe ou indirecte à l’endroit du sillon. Le
support obtenu par percussion directe ou indirecte, pression et flexion, a un
contour irrégulier. Et selon la face d’attaque, interne ou externe, des éclats
d’enlèvements peuvent être observés. Sur l’un ou plusieurs supports, des points
d’impact peuvent être observés. Les contours des supports ayant été obtenus par
sciage ou rainurage conservent l’un des pans du sillon de sciage ou rainurage. Les
supports ayant été obtenus par sciage/rainurage puis par flexion ou percussion
gardent un pan de sillon ainsi qu’une portion de la corniche.

5.3.2. Phase de façonnage

Le façonnage des coquillages dans notre corpus concerne les bivalve et les
dentales. Les premiers sont façonnés par abrasion de leurs contours irréguliers.
Cette technique produit des stries qui peuvent être organisées dans des facettes.
Le façonnage des dentales dont la forme est tubulaire peut être effectuée par
sciage (tronçonnage), par flexion ou par les deux (sciage puis flexion) (Vanhaeren
2002, p. 45). Issu du sciage, le pan d’un sillon est normalement observable. Il est
accompagné d’une corniche dans le cas où le sciage est suivi d’une flexion. Si le
façonnage du dentale est produit par flexion uniquement, les contours de
l’extrémité sectionnée doivent porter des éclats d’arrachement et une languette de
flexion. Cette morphologie est nommée « fracture en bec de flûte » par certains
chercheurs (e.g. Vanhaeren 2002, p. 48, Fig. 10 e-f.). Notons que le sciage suivi par
flexion ou la flexion sont des techniques adéquates pour obtenir des tronçons
d’une certaine longueur (suffisamment longs pour que les doigts d’une main
puissent les appréhender). Or, quand il est question de tronçons dont la longueur

40La convexité fait que la matière, sauf le pourtour, est en déconnexion de la surface où elle est
posée, ce qui facilite la fragmentation par pression.

193
ne dépasse pas 1 à 2 mm, c’est uniquement le sciage qui peut être envisagé.
D’après une série d’expérimentation, le sciage délicat de petits tronçons fins sur
les dentales avec un tranchant lithique est une opération très délicate car les
tronçons sciés ont tendance à « sauter », s’éparpiller et se perdre (C. Maréchal,
comm. pers.).

Après le façonnage, les tronçons de dentales sont prêts à être portés, leur
chaîne de fabrication peut se terminer à cette étape.

5.3.3. Phase de création du dispositif d’attache

Les techniques de percement des coquillages sont diverses. Elles s’adaptent


à la morphologie de la coquille et à l’emplacement choisi (Taborin 1974, p. 124).
Les techniques les plus connues sont la percussion directe ponctuelle, la
percussion directe diffuse, la percussion indirecte, la pression, le sciage,
l’abrasion et le grattage (D’Errico et al. 1993, p. 245)

Il existe une technique qui pourrait être considérée comme une variante de
la technique de percussion indirecte. Elle consiste à introduire un outil pointu à
l’intérieur de l’aperture d’un gastéropode ou dans le creux le plus profond de la
face interne d’une valve. Avec un petit galet, plusieurs coups légers sont assénés
sur la face externe de la coquille, dans le prolongement exact, de l’outil jusqu’à
l’obtention d’un trou (Rodríguez-Hidalgo comm. pers.). Cette technique est
dénommée en anglais : the « inside-out bipolar percussion technique » (Rodríguez-
Hidalgo et al. 2010, p. 41), ce qui pourrait se traduire en français par la « technique
de la percussion bipolaire interne-externe ».

Les techniques de percussion et de pression produisent des percements aux


contours irréguliers autour desquels on peut observer des points d’impact, des
micro-enlèvements, des arrachements (D’Errico et al. 1993, p. 246, Fig. 2) et parfois
des lignes de fracture (fissures). En perçant les zones convexes, l’abrasion produit
des ouvertures de forme régulière auréolées d’une bande, dite « plage d’abrasion »
(Fig. 7.3a), couverte de stries indiquant le sens du geste. Le grattage, le rainurage
et le sciage percent le test en créant une fente plus ou moins longitudinale qui
porte des stries. Le sciage peut être employé pour la suppression des parties

194
dorsales des cyprées (cf. Fig. 10.3). Dans un test épais, des perforations sont faites
par abrasion rotative (forage) (Fig. 12.2e-h). Les stigmates associés sont les stries
de rotation qui, selon la technique, manuelle ou mécanisée, s’enregistrent de
manière différente sur les parois. La forme du contour de la perforation peut
également varier selon la technique. Généralement, la perforation manuelle
provoque une forme ovoïde et rarement circulaire. Les stries de rotation sont semi-
circulaires et présentent des points d’arrêts à cause du changement de direction
(alternative) (Semenov 1970, p. 78). Le forage mécanisé (archet, pompe) produit
des perforations dont la forme est circulaire ou subcirculaire. Les stries circulaires
sont alors complètes, continues et concentriques. Des points d’arrêts peuvent
indiquer le changement de direction (continue alternative).

Enfin, plusieurs techniques peuvent être combinées pour la création du


dispositif : sciage et flexion (e.g. dentales), percussion directe diffuse et abrasion
(cyprées), etc. Théoriquement, les stigmates de la dernière technique appliquée
suppriment partiellement ou complètement les stigmates de la première.

Pour l’étude des percements sur les cyprées du corpus du type « dorsum
supprimé », il a été important de prendre en compte non seulement les stigmates
mais aussi la morphologie des ouvertures obtenues. La morphologie du contour
peut être distinguée en trois types (Fig. 5.1a) : régulier, semi-régulier et irrégulier.
Le contour régulier est celui dont les bords sont entièrement égalisés. Les contours
semi-réguliers sont égalisés sur une bonne partie du contour et les contours
irréguliers sont ceux dont l’égalisation n’a modifié qu’une petite proportion du
contour.

Le profil du dorsum supprimé se distingue également en trois


types (Fig. 5.1b) : plat, relevé (présence de parties plus hautes que d’autres,
notamment dans la zone des extrémités) ou creusé (présence de parties creusées
sur une surface droite). Le profil plat indique que l’abrasion du dorsum a eu lieu
en dernière étape. Le profil relevé indique une éventuelle initialisation du
percement par percussion ou par pression et le profil creusé pourrait être issu
d’une abrasion localisée ou d’un percement initialisé par percussion ou par
pression.

195
5.3.4. Phase de Finition

La finition concerne parfois les éléments façonnés en test de bivalve. La face


externe de ces éléments est abrasée afin d’effacer les côtes naturelles de la coquille
(Bonnardin 2009, p. 95, Fig. 44).

Des incisions radiales décoratives sur la face ventrale des cyprées sont
effectuées après la création du dispositif d’attache, leur réalisation se rattache à
cette phase (cf. Fig. 12.2a).

5.4. L’os

L’ensemble des phases, des techniques et des stigmates associés sont


récapitulés dans le Tableau 5.2.

5.4.1. Phase d’extraction

Dans le cas des matières osseuses, l’extraction peut être faite à partir de la
carcasse d’un animal, généralement après une série d’opérations préalables à la
consommation. Ces opérations, l’enlèvement de la peau, la décarnisation, la
désarticulation, le découpage des tendons, etc., laissent dans la plupart des cas des
traces claires sur l’os : e.g. près des extrémités des os longs, on peut observer des
(Fig. 5.2a) stries et des entailles transversales pouvant être issues de traces de
découpe des tendons ou de désarticulation. Elles sont généralement l’indication
que l’os fut extrait peu de temps après la mort de l’animal, à l’état frais.
Autrement, l’os peut être prélevé à partir d’ossements abandonnés depuis un
certain temps. Son extraction est plus facile dans la mesure où la peau, la viande et
les tendons ont disparu partiellement ou complètement. Dans ce cas, il n’y a donc
pas nécessairement de traces de décarnisation ou de découpe. Cependant,
précisons que la qualité mécanique de l’os est très différente selon qu’il est à l’état
frais ou à l’état sec (en cours de minéralisation). Les stigmates relatifs à sa
transformation sont naturellement différents, les techniques s’adaptant à l’état de
fraicheur et au degré de maniabilité de l’os.

196
5.4.2. Phase de débitage

Le débitage des matières osseuses dépend de la morphologie de la partie


anatomique et de la forme du support que l’on veut obtenir. Dans notre corpus, le
débitage concerne surtout les os plats, en l’occurrence les côtes, afin d’obtenir des
plaques. Le débitage des côtes se fait selon un procédé relativement complexe qui
consiste en plusieurs étapes, les voici d’après notre expérimentation :

• Raclage de la surface afin d’enlever la couche de périoste. Des stries


longitudinales dans le sens des fibres, ou obliques, sont observées ;
• Rainurage de l’un ou des deux bords longitudinaux de la côte (Fig. annexe
IIa). Les stigmates en résultant sont les sillons : un sillon principal
accompagné parfois de sillons obliques de dérapage ;
• Fendage de la côte par percussion indirecte tranchante ou diffuse
(Fig. annexe IIb). Les stigmates observés sont un pan de sillon ébréché, des
éclats d’arrachement sur la face interne de l’os et des portions de la corniche
(ou languette) de sillon ;
• Raclage du tissu spongieux sur la face interne de la côte (Fig. annexe IIc).
Cela se traduit par des stries de raclage et parfois des restes du tissu
spongieux qui n’a pas disparu complètement ;
• Sciage ou rainurage sur la surface de l’os pour l’obtention de la plaque
(Fig. annexe IId). Le sciage/rainurage peut aller jusqu’à la rupture de la
matière ou par une combinaison de techniques (sciage/rainurage suivies
par flexion ou percussion), comme pour les supports en test de bivalve. Les
stigmates de cette étape sont également semblables à ceux observés sur le
test (cf. supra : débitage coquillages). Notons par ailleurs que la rupture de
la matière peut se produire accidentellement pendant le sciage, provoquée
par la tension exercée à la fois par le mouvement et par le poids de l’une
des parties sciées qui ne bénéficierait d’aucun support (effet de la gravité).

Le débitage/façonnage par sciage est documenté sur les os longs du corpus.


Les stigmates associés sont principalement les sillons de sciage (Fig. 5.2c), un pan
oblique ou perpendiculaire à l’os, les sillons de dérapage de sciage, les languettes
de flexion.

197
5.4.3. Phase de façonnage

Dans le cas des plaques en os sur côte, le façonnage consiste à donner la


forme définitive par abrasion du contour (Fig. annexes Id). Les stigmates sont les
stries d’abrasion qui s’organisent parfois en facettes sur les contours.

5.4.4. Phase de création du dispositif d’attache

Le rainurage et le sciage peuvent être employés sur les matières osseuses


peu épaisses. Le forage concerne toutes les épaisseurs. Ces techniques produisent
les mêmes stigmates que ceux observés sur les coquillages. Il est de même en ce
qui concerne la perforation par abrasion rotative (cf. supra).

L’utilisation d’abrasif au cours du forage de l’os a été identifiée par la


présence de stries superficielles très fines concentriques et denses sur des parois
lisses et abruptes des perforations tronconiques (Stordeur 1974, p. 441). Par
ailleurs, la parfaite régularité des stries dont la trajectoire ne présente aucune
interruption témoigne de l’utilisation d’un foret à main ou à arc (Coularou et al.
1978, p. 598).

5.4.5. Phase de finition

L’étape de la finition consiste généralement à effacer par polissage, les stries


de raclage, les sillons de dérapage de sciage, les stries et les entailles de découpe
par abrasion ou polissage de la surface lui donnant ainsi un aspect lisse et brillant
(cf. Fig. 9.2b). Durant cette phase les objets peuvent recevoir un traitement
thermique ou encore être décorés avec des incisions ou des cupules
(Fig. annexes Id ; cf. Fig. 9.4a).

5.5. La pierre

Le terme pierre employé ici a pour but de désigner l’origine minérale en


opposition aux catégories de matières précédentes. Très vague, il englobe une très

198
grande diversité de roches et de minéraux dont les propriétés physiques sont très
différentes. De manière générale, deux grandes catégories de roches peuvent être
distinguées dans notre corpus : les roches siliceuses microcristallines et les roches
non siliceuses. Les premières sont dures (dureté généralement supérieure à 6.5 sur
l’échèle de Mohs) et se prêtent bien à la taille durant les phases de débitage et de
façonnage (calcédoines, silex, etc.) (Astruc 2002, p. 125) ; les secondes sont de
faible à moyenne dureté et se prêtent mieux aux techniques de frottement en
profondeur (e.g. sciage) ou de frottement en surface (e.g. Abrasion) pour les phases
de débitage et de façonnage.

Comme pour les coquillages et les matières osseuses, la pierre peut être
transformée en élément de parure grâce à une chaîne de transformation simple,
composée d’une seule phase (e.g. perforation d’un galet ramassé) ou par une
succession de phases au sein d’une chaîne complexe.

La littérature concernant les schémas de fabrication des éléments en


différentes roches, généralement tendres, est relativement fournie. Nous
mentionnons à titre d’exemple, le travail de H. Barge (1982, p. 66, fig.20) dans
lequel elle propose plusieurs schémas de transformation des blocs en pierre tendre
en petites rondelles discoïdes provenant du Néolithique ancien et du début de
l’âge des métaux en Languedoc (France), ou les travaux de C. Wright (Wright &
Garrard 2003 ; Wright et al. 2008) concernant les ateliers de fabrication des objets
néolithiques en marbre de Dabba dans des sites du nord de la Jordanie.

L’ensemble des phases, des techniques et des stigmates associés sont


récapitulés dans le Tableau 5.3.

Nous avons fait le choix de nous attarder sur l’étude technologique des
objets de parure en roches dures, en l’occurrence la cornaline, dont un certain
nombre compose notre corpus. En se basant sur la littérature disponible,
notamment celles des enquêtes ethnographiques (Inizan et al. 1992 ; Roux 2000)
qui documentent très précisément toutes les étapes de la chaîne opératoire, les
différentes phases, techniques et stigmates qui leur sont rattachés sont présentés
ci-dessous.

199
5.5.1. Phase de traitement de la matière

Ici, il est question des différents aspects du traitement thermique des roches
siliceuses, notamment les calcédoines (cornaline et agate), étant donné que de
nombreuses perles du corpus fabriquées dans ces matériaux montrent des
stigmates caractéristiques de traitement par la chaleur. Dans les cas étudiés,
l’opération semble avoir été intentionnelle car ces perles proviennent uniquement
de contextes funéraires, où les pratiques ne traitent pas avec le feu (e.g.
crémations) et où les objets ne peuvent avoir été chauffés accidentellement.

5.5.1.1. Avantages du traitement thermique des roches


siliceuses
Le traitement thermique des calcédoines permet, d’une part, d’améliorer
l’aptitude de la roche à la transformation (débitage, façonnage et polissage et
perforation) et, d’autre part, d’intensifier la couleur originelle de la roche (Inizan et
al. 1975-1976, p. 9-10 ; Inizan et al. 1992, p. 166 ; Inizan et Lechevallier 1996, p. 149 ;
Inizan & Tixier 2000, p. 26 ; Roux 2000, p. 40 ; Vidale 1987, p 124).

En ce qui concerne la transformation mécanique, la chauffe des roches


siliceuses facilite en général le débitage et/ou le façonnage par percussion et
pression (Bordes 1969, p. 197 ; Inizan et al. 1975-1976, p. 10-11 ; Inizan &
Lechevallier 1996, p. 149 ; Inizan et Tixier 2000, p. 24 ; Binder 1984, p. 76 ;
Schoumacker 2003, p. 417) bien qu’il ne soit pas indispensable de chauffer le silex
pour le tailler par pression (Binder 1984, p. 76 ; Binder & Gassin 1988, p. 93 ).

En effet, bien que ces techniques puissent être pratiquées sans avoir recours
à la chauffe préalable, les expérimentations montrent une plus grande facilité de la
pression sur les roches siliceuses chauffées par rapport à celles non chauffées : «la
facilité accrue est patente. […] la pression à exercer, pour un même résultat de retouches
parallèles peut varier du simple au double : de 20 kg sur une pièce chauffée à 40 voire 50 kg
sur la même pièce non chauffée. […] plus la force requise, plus la précision dans la maîtrise
du geste est aléatoire dans la réussite d’un enlèvement, et en y ajoutant la fatigue, le
traitement thermique apparaît comme bénéfique » (Inizan & Tixier 2000, p. 26).

200
Dans le cas des calcédoines, il est de toute façon nécessaire de les chauffer
compte tenu de leur nature microfibreuse (Inizan & Lechevallier 1996, p. 150). En
ce qui concerne la cornaline, la chauffe donne au matériau brut, » sec » et fibreux
à l’origine, un grain plus fin propre à la taille (Roux 2000, p. 40) (vertus
physiques). Quant à la coloration, la chauffe de la cornaline permet d’obtenir une
coloration rouge très recherchée et qui est à l’origine de la répétition de l’opération
de chauffe (Roux 2000, p. 40, Vidale 1987, p. 124) afin de la contrôler et de l’unifier
(Inizan et al. 1992, p. 160).

La translucidité/transparence permet une visibilité parfois très nette de


l’intérieur de la matière, ce qui est sans doute un avantage non négligeable pour la
perforation. Y a-t-il une incidence directe ou indirecte de la chauffe des
calcédoines, notamment la cornaline, sur la translucidité, voire la transparence de
ces roches ? Selon B. Barthélemy de Saizieu, à Cambay, la chauffe de la cornaline
améliore non seulement l’aptitude à la taille et la qualité de la couleur rouge de la
roche mais également sa translucidité (Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54).
Plusieurs chercheurs évoquent une transformation chimique structurelle de la
matière. Il ne s’agit pas d’une fusion de la matrice, car pour cela des températures
très élevées sont requises (de 1400° à 1700°C) pour que les cristaux passent à une
forme amorphe (Inizan et al. 1975-1976, p. 11) mais plutôt d’une fusion ou
décomposition des impuretés incluses dans la matière (Jousset de Bellesme 1908,
p. 289 ; Inizan et al. 1975-1976, p. 12 ; Schoumacker 2003, p. 417). La décomposition
de ces dernières permet une unification de la couleur selon leur densité. Si les
impuretés sont nombreuses, leur décomposition contribue à l’opacité de la
matière ; si celle-ci est pauvre en impuretés, c'est-à-dire composée presque de
silice pure, le traitement thermique pourrait améliorer sa translucidité, voire sa
transparence (Jousset de Bellesme 1908, p. 289). Outre la qualité esthétique, la
translucidité/transparence influe-t-elle sur la qualité technique ? Si l’on considère
que l’intérieur de la matière est relativement visible, il est donc possible de juger
de la qualité de celle-ci. Au Yémen, la taille des chatons de bagues en cornaline
requiert une vigilance et une surveillance des défauts et des impuretés visibles par
transparence tout au long de l’opération, afin d’éviter les accidents de taille que
ceux-ci pourraient provoquer (Inizan et al. 1992, p. 166). L’artisan est ainsi en

201
mesure de contourner les défauts et d’improviser des solutions qui pourraient
aller jusqu’au changement radical de la forme souhaitée préalablement.

Par ailleurs, la qualité technique peut être mesurée par la réussite de la


perforation, opération fondamentale et très délicate pour certains types d’objet,
comme par exemple les perles plates. A titre personnel, après avoir examiné les
perles plates en cornaline du corpus, nous sommes convaincue que la
transparence a dû jouer un rôle important afin d’assurer le bon déroulement de
l’opération. La transparence permet en effet de maîtriser la trajectoire de celle-ci à
l’intérieur de la matière et guider ainsi la rencontre des deux tubes de perforations
bipolaires41

Compte tenu des nombreux avantages de la chauffe, notamment dans le


domaine de la parure, il est tout à fait plausible que la majorité des calcédoines
archéologiques ayant servi à la fabrication des objets de parure aient été
systématiquement soumises à ce traitement.

5.5.1.2. Enquêtes ethnographiques


Le traitement traditionnel des nodules de calcédoine destinés à la
fabrication des perles à Cambay en Inde constitue un processus complexe qui va
du séchage de ces nodules au soleil jusqu’au chauffage dans des fours. Ce dernier
peut être effectué à plusieurs reprises tout au long de la chaîne de transformation
des perles. Une fois extraits, les nodules de cornaline sont mis à sécher plusieurs
mois dans le but de faire disparaître par évaporation l’eau labile liée à la porosité.
Ces nodules sont par la suite mis dans des pots en terre cuite et chauffés dans des
fours ouverts à température comprise entre 250° et 350°C, sachant qu’au-delà de
ces températures, la pierre se craquelle et éclate. Le nombre de chauffes de la
cornaline peut atteindre jusqu’à 12 fois (Roux 2000, p. 40).

Au Yémen jusqu’à récemment, les nodules de cornaline (« ‘aqiq ») destinés à


la fabrication des chatons de bagues sont débarrassés de leur cortex avant leur
soumission au traitement thermique. Ce dernier se déroule en deux temps. Un
premier traitement, dénommé par l’es artisans (« gissa »), considéré comme de la

41Même si ce contrôle n’est pas indispensable pour mener à bien l’opération de la perforation car
des roches aussi dures que la cornaline mais opaques ont pu être perforées avec succès.

202
chauffe douce, consiste à mettre les fragments de cornaline dans des pots
métalliques (autrefois en céramique, cf. Al-Baydani 2008, p. 3142), dans le four
(« tannur »), lorsque les braises sont évacuées après la cuisson du pain. Ils y
demeurent jusqu’au lendemain et sont retirés avant de rallumer le four pour une
nouvelle panification (Inizan et al. 1992, p. 166). Cette opération est répétée tous les
jours pendant un mois selon M.-L. Inizan, M. Jazim et F. Mermier (1992, p. 166),
après quoi les cornalines perdent leur humidité (« Yatasafah min el-ma’»), ou entre 8
à 15 jours selon Saleh Al-Baydani qui précise que c’est l’artisan qui décide du
temps nécessaire au traitement (Al-Baydani 2008). En général, plus le volume de la
cornaline est grand, plus long est le temps de traitement (ibid., p. 31). Selon le
même auteur, cette opération est dénommée « Al-Taqssya »43, ce qui littéralement
signifie « endurcissement » en langue arabe mais qui désigne très probablement,
d’après nous, une transformation de la roche de l’état « humide » et fibreux à l’état
sec. C’est le séchage qui est désigné par « Al-Taqssya » et non pas une
augmentation de la dureté de la roche (cf. supra : avantages de la chauffe). Le
deuxième temps du traitement thermique, « ramla », améliore la taille et le
polissage des cornalines. Il consiste à déposer les cornalines sorties du tannur « sur
un lit de cendres dans une marmite ; on les recouvre de cendres puis on dépose par-dessus
un lit de charbon de bois suivi d’une couche de lisier auquel on met le feu en plain air en
laissant les braises se consumer. Si la mise à feu est effectuée le matin, l’artisan libère le
soir la cornaline refroidie ». Cette opération peut être répétée plusieurs fois jusqu’à
l’obtention de la couleur rouge souhaitée. Le « ‘aqiq » est appelé « marmul » après
la chauffe (Inizan et al. 1992, p. 166).

42Article en langue arabe.


43La différence des termes (« gissa » et « Al-Taqssya ») et les variations dans la procédure pour la
même opération (la chauffe douce) sont probablement l’expression des différents artisans ou des
différents lieux où se sont déroulées les enquêtes.

203
5.5.1.3. Méthode d’identification
Comment reconnaître si une roche siliceuse a subi un traitement thermique
et quels sont les stigmates diagnostiques de celui-ci ?

Afin de détecter, sans aucune ambiguïté, la chauffe sur les roches siliceuses,
deux méthodes principales de laboratoire, développées initialement pour les
datations, sont employées : la thermoluminescence et la résonance électronique de
Spin. La thermoluminescence est une méthode destructive et implique l’emploi
d’échantillons non traités comme référence, tandis que la résonance électronique
de Spin est une « technique spectroscopique qui permet d’étudier la variation des
propriétés d’un système physique quand on fait varier les différents paramètres comme la
température, la structure métallurgique ou les différents traitements auxquels l’échantillon
a été soumis lors de sa préparation » (Inizan & Tixier 2000, p. 28). Si ces techniques
permettent de détecter si une roche siliceuse archéologique a subi une chauffe ou
non, elles ne permettent pas cependant de déterminer l’origine de celle-ci. Pour le
cas de la cornaline archéologique, A. Schoumacker souligne le problème de
l’identification de la chauffe et la difficulté de distinguer si la chauffe est naturelle,
accidentelle ou intentionnelle : « la cornaline doit sa couleur rouge à des impuretés
ferrugineuses qui sont de l’hématite (rouge) ou de la limonite (jaune) dont la première peut
se former à partir de la déshydratation de la seconde. Il semble que la chauffe artificielle
révèle la couleur rouge de certaines calcédoines. Cependant, la calcédoine se forme dans des
contextes volcaniques de température élevée, l’expression des particules ferrugineuses peut
être due dans certains cas à une chauffe naturelle liée au milieu de formation »
(Schoumacker 2003, p 417). La découverte des calcédoines dans des contextes
archéologiques exceptionnels, i.e. permettant la comparaison entre les états de la
roche avant et après la chauffe, fournirait une preuve indéniable d’une chauffe
intentionnelle.

5.5.1.4. Stigmates liés au traitement thermique


Le traitement thermique peut être, et est la plupart du temps, détecté par
l’identification d’une série de stigmates visibles à l’œil nu ou au microscope.

Une chauffe efficace dépend d’une montée de température et d’un


refroidissement très progressifs (Inizan & Lechevallier 1996, p. 150 ; Roux 2000,

204
p. 40), autrement la matière sera sans doute altérée et de nombreux accidents
peuvent survenir.

Outre les possibles changements de couleur et/ou les incidences sur la


transparence ou l’opacité de la matière (cf. supra), la chauffe d’une roche siliceuse
produit, de manière générale, une surface luisante d’aspect « graisseux »44. Les
accidents dus à la chauffe quant à eux provoquent l’apparition de traînées ou de
taches blanchâtres ou brunâtres sur la surface ainsi que des craquelures, des
cupules ou des fissures qui amènent parfois à l’éclatement ou à la fragmentation
de la roche (Jousset de Bellesme 1908, p. 288 ; Inizan et al. 1975-1976, p. 2, 5 ; Inizan
& Tixier 2000, p. 26-27 ; Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54).

Les surfaces des roches siliceuses deviennent luisantes avec la chauffe et


contrastent avec les surfaces des enlèvements produits après la chauffe qui eux
sont d’aspect mat. Autrement dit, la chauffe d’une ébauche ou d’une préforme
transforme la surface en un « nouveau cortex » (Binder 1984, p. 76) dont
l’enlèvement révèle une surface différente, à l’aspect mat. Pour faire cette
observation sur les objets archéologiques, une partie de la surface résiduelle de la
chauffe doit être conservée. Cependant, toute luisance n’est pas le résultat d’une
chauffe. Elle peut être produite également par divers phénomènes de patine. Par
ailleurs, certaines roches siliceuses comme les calcédoines et l’obsidienne sont
naturellement luisantes. Le polissage et le lustrage de ces roches peuvent
également les rendre luisantes. La luisance engendrée par la chauffe de ces roches
est donc difficile à distinguer de celle d’origine naturelle (Inizan & Lechevallier
1996, p. 150). Le critère de la luisance est donc à exclure pour l’identification de la
chauffe pour les perles en calcédoine. Le diagnostique basé sur le changement de
couleur est également difficile à mettre en évidence pour les perles archéologiques
en calcédoine en l’absence d’un échantillon de la même matière première à l’état
brut permettant une comparaison (Inizan & Tixier 2000, p. 32). Par conséquent, les
seuls stigmates susceptibles de permettre d’identifier l’application d’un traitement
thermique45 aux perles sont ceux provoqués accidentellement (i.e. traînées

44 Pour l’explication du phénomène de la luisance des surfaces chauffées, plusieurs hypothèses ont
été proposées (Cf. Inizan et al. 1975, p. 11-12).
45 Sans pouvoir préciser à quel moment le traitement thermique a eu lieu, lorsque l’objet était à

l’état de bloc, d’ébauche, de préforme ou à l’état fini, ou tout au long de la chaîne de fabrication.
Sachant toutefois que la chauffe d’une masse relativement réduite (e.g. un éclat) est plus
maîtrisable que la chauffe d’une matière première brute de grande masse (Bordes 1969, p. 197).

205
blanchâtres ou brunâtres, craquelures, fissures). Si la décoloration de la surface par
la présence de traînées/tâches blanchâtres ou brunâtres sont des stigmates assez
représentatifs d’une surchauffe et relativement faciles à repérer, les craquelures,
les fissures et les cupules ne traduisent pas univoquement un traitement par la
chaleur car ils peuvent être également issus d’actions naturelles ou
technologiques. Les différentes publications ayant mentionné les stigmates de
chauffe offrent un certain nombre de photos en couleur illustrant les traînées
blanchâtres ou brunâtres de la surchauffe (Barthélemy de Saizieu 2000, p. 462 ;
Roux 2000, photo 4) mais aucune ne montre les craquelures ou les fissures
considérées, elles aussi, comme stigmates caractéristiques (Inizan 2000, p. 483 ;
Inizan & Tixier 2000, p. 32 ; Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54). De même, les
descriptions de ce type de stigmate sont toujours sommaires et vagues : «la chauffe
est le plus souvent repérée par de petits « cracks » accidentels observables par transparence
sur les objets » (Inizan & Tixier 2000, p. 32) ; « une à plusieurs fissures internes dans la
roche » (Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54) ; « la reconnaissance de la chauffe à l’œil nu
est certainement insuffisante, elle repose sur deux critères : la forte brillance après
enlèvement d’éclats et les petits cracks qui altèrent souvent la roche » (Inizan 2000,
p. 483). La chauffe de la cornaline produit, quand la température « idéale » est
dépassée, des « craques thermiques » (Vidale 1978, p 124 ; Inizan et Tixier 2000,
p. 25 ; Schoumaker 2003, p. 417), « qui la rendent intaillable. On peut aussi déduire ce
dépassement (et par là même la présence de la chauffe) de la présence d'une altération
blanchâtre de la matière chauffée comme la cornaline qui est généralement facilement
reconnaissable » (Inizan & Tixier 2000, p. 25).

Outre les stigmates mentionnés plus haut, les expérimentations menées


dans les années 60 et 70 signalent une perte de poids infime de la roche chauffée,
de l’ordre du millième (moyenne 0.2 à 0.4%) (Bordes 1967, p. 45 ; Mandeville 1973,
p. 191-192 ; Inizan et al. 1975-76, p. 8). Il est évident que cette observation,
intéressante pour les expérimentateurs, ne peut être utile pour les archéologues
dans la mesure où il est impossible d’estimer le poids originel des objets avant la
chauffe.

Dans son article « De l’action du feu sur les silex » (Jousset de Bellesme 1908),
l’auteur expose ses travaux d’expérimentation de chauffe sur trois variétés de
roches siliceuses : les calcédoines (y compris la cornaline), le silex (« union de la

206
silice et du calcaire ») et une roche qui contient des apports de matières constituées
d’un mélange d’oxydes de fer purs ou alliés au manganèse (une sorte de jaspe).
Dans cet article, les paramètres de la chauffe sont peu maîtrisés ; le lecteur
n’apprend rien sur le type de dispositif ou structure de chauffe, la durée ou la
température. Cependant, les observations de l’auteur qui compare les différentes
réactions des variétés de roches exposées au même traitement suscitent l’intérêt. Il
dénombre ainsi plusieurs phénomènes communs qu’il considère pour certains
comme des accidents de la chauffe. Ceux-ci sont l’éclatement et la projection de
fragments, la fissuration, l’opacité, la décortication, les craquelures, la
désagrégation, la production d’esquilles et les résidus. Nous nous intéressons
particulièrement aux fissurations et aux craquelures car l’auteur en fait clairement
la distinction. Les fissurations sont des fentes longues et très étroites. Leur aspect
rappelle celui d’un « cheveu qui serait posé » (ibid., p. 289) à la surface du silex. Les
fissurations n’entraînent pas toujours la séparation des fragments, car souvent
elles ne s’étendent pas profondément. Elles sont peu nombreuses et se manifestent
de manière différente que celle des craquelures. Les fissurations sont fréquentes
sur les calcédoines, rares sur le type jaspe et très fréquentes sur le silex (ibid.). Les
craquelures sont un réseau de petites lignes fines et noires qui se remarque à la
surface de certains corps, comme par exemple sur les assiettes de faïence que l’on
met longtemps au feu. La production de craquelures se fait sur tous les corps
exposés au feu et nécessite des conditions particulières. D’après l’auteur, il faut
que la partie superficielle ait un pouvoir de dilatation moins grand que les parties
sous-jacentes. Ainsi, quand la surface se dilate, l’intérieur de la matière ne peut ni
la suivre dans son mouvement ni la quitter, ce qui provoque des brisures en de
nombreux endroits. Comme le précise l’expérimentateur, toutes les roches
siliceuses exposées au feu ne se craquèlent pas. Pour que cet effet se produise il
faut que les diverses parties d’un silex ne soient pas homogènes. Par exemple, la
partie calcaire qui recouvre le silex n’a pas la même aptitude de dilatation que
l’intérieur. Lorsque cette partie est tendre et friable, il ne se produit aucun effet,
mais si la couche périphérique est mince et très dense, elle se craquèle avec la plus
grande facilité. D’après l’auteur, un silex très homogène, comme ceux formés de
silice quasiment pure, autrement dit les calcédoines, ne se craquèle pas (ibid.,
p. 290-91).

207
Suite à cet exposé, et en l’absence d’expérimentations personnelles,
plusieurs questions demeurent sans réponse. Par exemple, celle des fissures,
craquelures, ou cracks, comme stigmates identifiant la surchauffe, reste encore
selon nous incomplètement élucidée. Ainsi, B. Barthélemy de Saizieu utilise tantôt
le terme « crack », tantôt le terme « crack/fissure » dans son étude des perles de
Nausharo (Pakistan) (Barthélemy de Saizieu 2000, p. 458-459). Dans sa publication
sur la parure de Mehrgarh, elle utilise le terme de « fissures internes » pour
désigner les stigmates de la surchauffe (Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54).
« Crack » et « fissure » sont-ils synonymes de la même chose ou faut-il les
différencier comme le fait G. Jousset de Bellesme (1908, p. 290-91) ? Si oui, quelles
sont les caractéristiques de chacun de ces stigmates ? Concernant leur
emplacement, se forment-ils uniquement à l’intérieur de la matière ou peuvent-ils
se développer également en surface ? Et enfin, concernant leur formation, sont-ils
liés à un phénomène de « dilatation » de la matière provoquant la fracture de
celle-ci ou est-ce plutôt un phénomène résultant du passage trop brutal d’une
température élevée à une basse ou très basse température (choc thermique) ?

Qu’en est-il des tâches ou des traînées blanchâtres ou brunâtres ? S’agit-il


d’un phénomène de transformation chimique ou d’un remplissage accidentel de
particules de charbon ou de cendre à l’intérieur des micro-fractures produites par
la chauffe (Jousset de Bellesme 1908, p. 292) ? Enfin, quelles sont les températures
de chauffe idéales selon les différents états de la matière (bloc avec cortex, bloc
décortiqué, ébauche, préforme, objet perforé) ? Si la température de la chauffe des
nodules de cornaline enveloppés d’une couche de cortex se situe entre 250° et 350°
C, on peut donc supposer que les températures « idéales » de la chauffe des
éléments au cours de leur transformation, débarrassés de leur enveloppe de cortex
et ayant un volume plus réduit que celui du nodule d’origine, doivent être plus
basses afin de ne pas provoquer d’accidents de surchauffe. Ainsi, la fourchette
250-350° C doit être reconsidérée. De même, comme l’écrit justement D. Binder :
« on ne sait rien, sur le plan expérimental de l’ampleur de la zone efficace, entendons par là
la profondeur de la zone modifiée par le traitement (jusqu’à quel point peut-on réaliser avec
succès la chauffe à cœur d’un bloc volumineux dans des conditions archéologiques ?), on
ne sait rien des résultats produits par la multiplication de chauffes et débitages alternés »
Binder 1984, p. 78).

208
Malheureusement, n’ayant pu effectuer des expérimentations contrôlées
pour explorer cette thématique, nous n’avons pour le moment aucune réponse
claire à apporter à ces questions46.

5.5.1.5. Protocole d’étude


Les stigmates que l’on considère comme diagnostiques du traitement
thermique sont ceux provoqués par accidents, probablement par la surchauffe.
L’examen à l’œil nu et à la binoculaire a permit d’identifier ces stigmates sur le
matériel archéologique. Parmi le matériel du corpus, nous observons des
fissurations/craquelures isolées et non inscrites en réseaux. Cependant, ces
stigmates n’étant pas uniquement diagnostiques de la chauffe ou de la surchauffe,
nous ne pouvons pas les considérer assurément comme tel. Sans pouvoir trancher
sur la cause de leur présence sur le matériel archéologique (par le traitement
thermique ou par les différentes techniques de percussion, pression ou
frottement), nous utiliserons le terme « fissure », pour désigner toute ligne de
fracture observée. Nous indiquerons également et systématiquement leur
emplacement, interne ou externe (sur la surface de la matière). Les fissures
superficielles sont visibles (Fig. 5.3g) avec ou sans lumière transmise tandis que les
fissures internes (Fig. 5.3b) sont visibles quand la matière est translucide et donc
lorsque la lumière est transmise. Dans notre étude, elles leur présence a été
systématiquement signalée ainsi que les stigmates, qu’eux, on considère
diagnostique de la surchauffe. Ceux-ci sont :

• Les tâches et trainés blanchâtres (Fig. 5.3b) translucides à transparente. Elles


prennent souvent l’aspect d’une auréole à plusieurs contours foncés de
forme identique mais de grandeurs variables de telle sorte que l’une est
inclue dans l’autre. Nous appelons ce stigmate : « tâche auréolée en
dentelle » ;
• Les tâches sombres opaques noires-marron foncé (zones brûlées ?)
(Fig. 5.3c)

46 Une de nos perspectives à venir concerne la mise en place d’un protocole expérimental de la

chauffe de cornaline afin de tenter de répondre à une partie des questions posées.

209
• Les résidus en forme de tâches noires minuscules rappelant fortement le
charbon et semblent être emprisonnés sous la surface des perles (Fig. 5.3d) ;
• Dans certains cas, des micros-fibres carbonisées (?) selon plusieurs degrés
semblent s’être infiltrées à l’intérieur de la matière (Fig. 5.3e-f) par les
microfissures, celles-ci étant possiblement produites par la chauffe.
Carbonisés infiltrés par les fissures à l’intérieur de la matière (inclusions) ;
• La présence des zones plus foncées que d’autres (variation d’intensité de
couleur);
• Les zones de surfaces présentant des trous, du probablement à des micro-
éclatements (Fig. 5.3g).

5.5.2. Phases du débitage et du façonnage

Rappelons que les roches siliceuses microcristallines se prêtent


particulièrement bien à la taille. En Inde à Cambay, la même technique de taille est
utilisée pour les deux phases de débitage et de façonnage. Durant la première
phase, le bloc est débité, la couche de cortex est supprimé, afin d’obtenir l’ébauche.
Durant la second, l’ébauche est transformée en préforme avant d’être abrasée et
perforée. La technique de taille dite de « Cambay » est basée sur le principe de
percussion indirecte par contrecoup (Pelegrin 2000, p. 56-62). Elle s’apparente à la
technique de la percussion indirecte car elle emploie comme elle, outre le
percuteur, un outil pointu. Cet outil a une position intermédiaire entre le
percuteur et le bloc pour la percussion indirecte. Dans la technique de Cambay,
c’est le bloc qui sert d’intermédiaire. Une barre de fer appointée aux deux
extrémités et longue de plus de 50 cm est plantée dans le sol et inclinée devant un
artisan assis sur le sol. La partie pointue est positionnée sur un point précis du
bloc maintenu dans une main. Dans l’autre main, l’artisan a un maillet en corne de
bœuf emmanchée avec lequel il assène un coup sur le bloc. Un éclat se détache du
bloc exactement à l’emplacement de la barre de fer. Selon J. Pelegrin (ibid.), les
stigmates issus de la technique de percussion par contrecoup ne se différencient
pas de ceux de la percussion ou de la technique par pression : les négatifs
d’enlèvement présentent une fracture conchoïdale pour chaque éclat détaché, et
celui-ci comporte un talon et un bulbe semblables à ceux d’éclats détachés par

210
percussion indirecte ou par pression à la pointe de cuivre ou de bronze (ibid.,
p. 60).

Le matériel archéologique étudié n’a livré aucun élément au stade


d’ébauche ou de préforme. Il est difficile de documenter les stigmates de ces deux
phases car ils sont généralement entièrement oblitérés par les stigmates de finition.
Dans certains cas, des négatifs d’enlèvement dont les surfaces sont couvertes de
stries d’abrasion peuvent être détectés. Selon nous, ces stigmates constituent les
seuls indices d’une mise en forme par la taille (Fig. 5.4). Quant aux techniques de
taille employées, aucun stigmate diagnostique n’a pu être observé car les zones
sensées porter ces stigmates telles que le « plan de frape », la » corniche » ou le
« surface de débitage », zones facilement identifiables sur un nucléus en silex, ont
été effacées par les modifications qui sont survenues par la suite. Nous
argumenterons les techniques employées plus loin47.

5.5.3. Phase de la perforation

Pour la perforation des cornalines, deux principaux procédés sont connus :


l’un concerne les perforations relativement courtes et l’autre les perforations
longues.

5.5.3.1. Perforations courtes : exemple de la méthode de Larsa


Un procédé de perforation des préformes de rondelles en cornaline nous est
parvenu de l’âge de Bronze au Proche-Orient grâce à la découverte d’un atelier de
fabrication de perles sur le site de Larsa en Mésopotamie (Chevalier et al. 1982,
p. 57 ; Schoumacker 2003). Il s’agit d’un procédé qui combine le piquetage
(percussion directe ponctuelle) et le forage (abrasion rotative). Sur l’une des faces
de l’ébauche, lisse car abrasée, le piquetage a été réalisé par des coups répétés de
l’extrémité d’un perçoir jusqu’à l’obtention d’une cupule de 2 mm (la hauteur des
préformes est de 3 à 4 mm). Chaque percussion a produit une microfissure de type

47 Cf. Chapitre 10. Tell Halula,

10.2.4.2. Les perles plates, Débitage et façonnage par taille, p. 453.

211
cône incipient qui s’est formée lors du contact avec la cornaline « fragile ». La
multiplication du geste a provoqué une pulvérisation de la roche qui s’est creusée
petit à petit. La surface a un aspect de « peau d’orange », aucune trace de stries
concentriques n’est observée et on note la présence de quelques arrachements
verticaux, très courts, de quelques dixièmes de mm. À partir de cette étape,
l’artisan a deux choix, soit poursuivre les mêmes opérations sur l’autre face de
l’ébauche afin de faire rejoindre les deux cupules ainsi formées – dans certains cas
assez rares, le négatif d’un cône postérieur au piquetage est observé –, soit de
procéder « par percussion, vraisemblablement à l’aide du même tamponnoir, qui sert alors
de punch, donner un coup au plus profond de la cupule, de façon à détacher un cône parfait
dont le négatif sera presque symétrique à la cupule » (Chevalier et al. 1982, p. 57). La
surface garde le négatif du cône détaché sans le bulbe avec des ondulations
concentriques légèrement irrégulières, ne pouvant se confondre avec des stries de
forage par rotation. Il existe presque toujours un esquillement de percussion. Le
cercle qui recoupe la face opposée à la percussion est très souvent légèrement
excentré (ibid.). Un groupe de cônes détachés ont été trouvés dans l’atelier et
certains portent encore un petit talon, parfois punctiforme. Le trou formé par le
départ du talon du cône est très petit et a été vraisemblablement agrandi avec le
tamponnoir qui a légèrement tourné (ibid., p. 58).

Le corpus contient un certain nombre de rondelles en cornaline dont la


perforation est biconique et très évasée. D’après la morphologie des perforations
et l’absence des stries sur certaines d’entre elles, il est possible que le même
procédé soit effectué pour ces rondelles, ce qui remontrait la technique de Larsa à
une période bien plus ancienne48. L’étude de ces rondelles ne sera pas présentée
dans ce travail.

5.5.3.2. Perforations longues : méthode de l’Inde subactuelle


Des informations intéressantes sur les gestes, les outils et les astuces
techniques concernant l’étape de la perforation des perles en cornaline ont été
fournies par l’enquête de Cambay (Sela & Roux 2000). Ces perles sont perforées à
l’aide d’un foret à l’archet. La préforme est fixée dans un dispositif en bois à côté

48La technique de Larsa a été identifiée sur le site de Akarçay (PPNB récent/néolithique céramique)
en Anatolie et sur le site de Kumartepe (Néolithique céramique) voisin (Arimura 2007).

212
duquel un système de goutte à goutte est placé sur un tripode en bois qui porte un
récipient en terre cuite. Celui-ci contient de l’eau mélangée à de la chaux et des
feuilles de tamarin. Dans la panse du récipient percé est insérée une tige en fer
longue de 40 cm. L’eau du récipient s’écoule le long de cette tige dont l’extrémité
arrive au niveau de la préforme et la refroidit au fur et à mesure qu’elle est
perforée. L’artisan tient de la main gauche une paumelle en noix de coco qui lui
sert à appuyer sur la hampe du foret tandis qu’avec la main droite, il active
l’archet en un mouvement d’avant en arrière qui le fait tourner selon une rotation
circulaire alternative. La perforation est faite, de part et d’autre, sur à peu près la
moitié de la longueur de la perle. La poussière de calcédoine qui s’accumule dans
la perforation est régulièrement vidée par un mouvement vertical ascensionnel
consistant à sortir le foret de la perforation. L’artisan utilise deux forets distincts :
l’un pour l’entame, composé d’une petite tige à un diamant, et l’autre pour la
perforation, avec une tige plus longue à deux diamants (ibid., p. 174).

Les perforations des perles à Cambay sont parfaitement cylindriques et des


stries concentriques, régulières et larges sont enregistrées sur leurs parois (ibid.,
p. 175).

Un perforateur habile est celui qui arrive à contrôler plusieurs paramètres à


la fois : la stabilité du foret, la modulation de la pression en fonction du rapport
largeur/longueur des perles et de la dureté de la pierre.

La perforation des perles longues et minces est la plus difficile car elle est
« susceptible de présenter des zones de dureté différentes qui peuvent faire dévier
le foret si l’artisan ne module pas à temps les pressions en fonction de ces zones »
(ibid.). La rectitude et le diamètre de la perforation sont considérés comme des
signes d’habilité de l’artisan car « plus la perforation est large, plus la pression
donnée doit être forte et donc plus il est difficile dans ces conditions d’exercer des
pressions stables et homogènes » (ibid., p. 178).

Il convient de préciser à cette occasion que la grande majorité d’objets en


cornaline dont nous disposons sont des perles plates (i.e. très minces) et dont la
longueur de certaines est supérieure à 30 mm.

5.5.3.3. Protocole d’étude

213
Pour notre corpus, l’étude des perforations des perles plates en roches
siliceuses telles que la cornaline a pu bénéficier d’une série d’observations plus
approfondies grâce à la nature du matériau mais aussi à la morphologie des perles
plates qui se caractérisent par une faible épaisseur. Le matériau présente dans la
majorité des cas une surface translucide à transparente permettant de visualiser
l’intérieur de la masse et donc les perforations, leurs sections, leurs trajectoires,
leurs rencontres, etc., et ainsi de les caractériser. Les perforations des rondelles ou
autres perles tubulaires ou cylindriques n’ont pas été examinées de la même
manière que celles des perles plates car elles sont moins visibles. Nous nous
intéresserons ici particulièrement aux perforations longues des perles plates.

A. Anatomie d’une perforation


Toutes les zones de la perforation sont examinées dans le but d’établir une
lecture hiérarchique des stigmates. Au nombre de quatre, ces zones sont les
surfaces des extrémités de la perforation (Fig. 5.5a), les contours des ouvertures de
la perforation (Fig. 5.5e), les tubes de la perforation (parois et base) (Fig. 5.5f), et la
zone de jonction (rencontre) des tubes (Fig. 5.5g).

Surfaces des extrémités de la perforation


Il s’agit des surfaces sur lesquelles les extrémités (ouvertures) de la
perforation sont situées. Ces surfaces sont généralement perpendiculaires à l’axe
de la perforation et portent des stigmates liés à l’obtention de cette dernière. : Les
stries, les négatifs d’enlèvement, les cupules de piquetage et les cônes incipients
(Fig. 5.8e et f).

L’étude des extrémités consiste à identifier la présence de facettes striées, le


type de strie, le type de piquetage et leur organisation. Pour ce faire, nous avons
établi des critères morpho-métriques d’identification des surfaces marquées que
nous exposerons en détail plus loin49.

Contour des ouvertures de la perforation

49 Cf. 5.5.4. Phase de finition, B. Les surfaces marquées, p. 227.

214
Il s’agit de la zone du pourtour de l’ouverture de la perforation sur les deux
extrémités). Deux parties sont observées : le pourtour immédiat de l’ouverture sur
la surface de la perle et le début de la pente (début de la paroi de la perforation).
Sur la première les traces de piquetage sont observées, sur la seconde ce sont les
négatifs des micro-enlèvements ainsi que les premières stries de rotation.

Tube de la perforation
Le tube représente la partie creusée de la matière en profondeur. Il est
composé de parois verticales et d’un fond, ou la base, généralement
perpendiculaire aux parois et dont la forme correspond à celle de la mèche du
foret.

Section
Deux sections sont identifiées pour les objets en cornaline :

• Sub-cylindrique : le tube est de forme cylindrique très légèrement évasée au


début. La différence entre le diamètre de l’ouverture et le diamètre du fond
est à peine perceptible à l’œil nu. La section sub-cylindrique peut être
confondue avec la section évasée ou cylindrique selon la longueur du tube.
En effet, plus le tube est long, plus il a tendance à devenir cylindrique, plus
il est court, plus il s’évase mais il s’agit d’un effet optique car en
reproduisant les sections sur papier, la forme reste sub-cylindrique. Dans le
cas des tubes courts, une simple prolongation des parois, permet
d’identifier la forme de la section ;
• Évasée : les parois de perforation sont évasées formant ainsi un cône de
forage. Cette section est généralement observée sur les rondelles et
rarement sur les perles.

La rectitude du tube dans sa trajectoire durant le forage est un des indices


d’habilité de l’artisan. Si les perforations de grand diamètre sont plus difficiles à
réaliser que celles de petit diamètre, étant donné qu’elles demandent une plus
grande pression combinée au maintien d’une stabilité constante de la rectitude du

215
foret pour l’empêcher de dévier (Sela & Roux 2000, p. 175-78), peut-on ainsi
déduire que plus la perforation est étroite, moins elle est déviée ? Nous
examinerons ce rapport sur les tubes des objets archéologiques50 mais auparavant
nous les classons selon leur trajectoire.

Trajectoire
Deux catégories : trajectoire rectiligne (Fig. 5.6a) est celle dont les parois
sont droites et régulières dès le début (l’ouverture) et jusqu’à la fin (base) et
trajectoire déviante (Fig. 5.6b-c), est celle selon laquelle le tube est rectiligne au
départ mais sur ces parois (à mi chemin ou près de la base) on observe une légère
déviation qui change l’axe initial du tube.

S’agit-il de déviations intentionnelles ou accidentelles ? Pour les


perforations bipolaires à deux tubes (cf. infra : Types de perforation), la réponse
réside dans l’ordre chronologique de l’exécution de ces tubes et dans l’analyse de
leur trajectoire l’une par rapport à l’autre. Dans le cas d’une déviation observée
sur les perforations à un seul tube, il est évident qu’il s’agit d’un accident de
forage, peut-être liée à un moment de distraction ou à une erreur technique de
l’artisan ou encore à une zone de résistance de la matière car plus dure. L’origine
accidentelle d’une déviation peut être repérée dans le cas d’une correction de la
trajectoire du tube par le redressement de la mèche selon le trajet initial. Il s’agit
d’une déviation éphémère ou passagère qui, dans ce cas précis, prend la forme
d’un « bourrelet » (Fig. 5.3e). La présence d’un « bourrelet » peut être également
expliquée par une accumulation de l’abrasif dans un endroit donné, généralement
dans une strie plus large que les autres. Sans le nettoyage régulier du tube, la
poursuite de l’action fait que les particules de l’abrasif continue à s’incruster dans
cette strie qui ne cesse de s’élargir par l’effet d’abrasion et finit par devenir un
sillon. Ce phénomène, très bien expliqué par R. Forrer (1930, p. 227-28), s’est
produit aux cours des expérimentations menées par J. Gwinnett et L. Gorelick
(1979, p. 24).

La zone de jonction

50 Cf. Chapitre 10. Tell Halula, Le cas des perles en cornaline, Perforation, p.453.

216
La zone de jonction comme son nom l’indique, correspond à celle de la
rencontre entre les deux tubes opposés.

B. Type de perforation
Le forage consiste à creuser un passage à l’intérieur de la matière entre
deux faces opposées. Quand la matière est creusée à partir d’une surface par un
forage qui atteint la surface opposée et qui provoque l’ouverture, la perforation est
obtenue en un seul temps et elle est de type unipolaire. Quand la matière est
creusée par forage depuis l’une des extrémités d’abord puis depuis l’autre, c'est-à-
dire en deux temps, elle est de type bipolaire. Généralement, celle-ci produit deux
tubes opposés. La zone de la rencontre des tubes, que nous appelons la « zone de
jonction », prend différentes formes selon le degré de rencontre (cf. infra). La
présence de deux tubes signifie clairement que la perforation fut bipolaire. En
revanche, la présence d’un seul tube ne signifie pas forcement que la perforation
est unipolaire. Dans certains cas, le forage peut être démarré depuis une extrémité
et approfondie jusqu’à l’extrémité opposée. Cependant, l’ouverture définitive est
réalisée depuis l’extrémité opposée sans la création d’un tube. Dans ce cas-là, nous
avons considéré la perforation comme étant de type bipolaire. La perforation
unipolaire est considérée comme telle uniquement quand le forage démarre
depuis une seule extrémité et se termine par un forage unilatéral directement
jusqu’à l’autre extrémité.

Pour L. Gorelick et J. Gwinnett, la perforation bipolaire fut massivement


adoptée probablement pour les nombreux avantages qu’elle offre. Ceux si sont : 1)
diminuer le nombre d’accidents tels que les fractures des mèches ; 2) utiliser des
mèches moins longues ; 3) mieux centrer la perforation en cas de déviation ; 4)
réduire les risques de cassure de l’objet pendant la perforation (Gorelick &
Gwinnett 1981, p. 25).

Les dimensions des perforations sur les perles en cornaline peuvent être
mesurées grâce à la nature transparente de la matière. La longueur totale de la
perforation est celui de la perle elle-même. Qu’elle soit à un ou deux tubes, la
longueur de ceux-ci est également mesurée. Le diamètre interne de l’ouverture de
chaque tube est mesuré directement au niveau de son extrémité mais le diamètre

217
du tube est estimé depuis les faces externes de la perle au niveau du milieu de sa
longueur. C’est également le cas pour la mesure du diamètre de la jonction des
deux tubes. Les mesures prises seront analysées dans la partie consacrée à l’étude.

En se basant sur les mesures des tubes, une gradation de 1 à 10 a été mise
en place pour illustrer le rapport de la longueur des tubes l’un par rapport à
l’autre. La longueur entière de la perforation étant de valeur 10, la longueur des
tubes peut alors varier selon cinq rapports différents, en considérant le tube le plus
court en premier lieu : 0/10, 1/9, 2/8, 3/7, 4/6, 5/5. Le premier rapport, 0/10, signifie
la présence d’un seul tube, bien que la perforation puisse être bipolaire. Le rapport
5/5 signifie que les tubes ont des longueurs approximativement semblables,
chacun mesurant la moitié de la longueur de la perforation. L’analyse des
longueurs des tubes pourrait donner des indications sur l’habilité technique de
l’artisan. Nous verrons quelles sont les perles dont les longueurs des tubes
correspondent à ces gradations et nous essaierons de comprendre quelles en
étaient les raisons techniques.

La position de la perle de manière symétrique ou asymétrique, son


ajustement au sein d’une parure, sont en partie tributaires de la position de la
perforation. Il est donc important d’examiner la position de la perforation au sein
du volume, i.e. en fonction de ces axes principaux. Pour les perforations bipolaires,
la rencontre des deux tubes forme une perforation que l’on peut classer dans l’une
de trois catégories :

La perforation axée (Fig. 5.6d), quand elle est sur ou parallèle à l’un des
axes (principal ou transversal) de la pièce. Dans certains cas de perforations à deux
tubes, bien que les deux soient dans le même axe, un décalage (ou
chevauchement) est observé. On parlera alors d’une trajectoire axée décalée
(Fig. 5.6e-f);

La perforation déviante (Fig. 5.6g-h), quand l’un des tubes est dans l’axe
principal ou transversal mais l’autre ne se trouve pas dans le même axe mais
diverge par rapport à lui ou le recoupe ;

La perforation angulaire (Fig. 5.6i), quand les deux tubes, inscrits dans le
champ d’un des axes de la pièce, ne sont pas parallèles à lui mais le recoupent.

218
Le désaxement des tubes se produit également dans le sens de l’épaisseur
des perles. Le tube peut s’approcher d’avantage d’une face plate que de l’autre.
L’angle de la base du tube peut par conséquent creuser au niveau de la face de la
perle et provoquer ainsi le percement de la face depuis l’intérieur. Il est possible
que la longueur des tubes soit parfois liée à ce type de désaxement. Autrement dit,
le désaxement dans le sens de l’épaisseur peut être la raison pour laquelle l’artisan
arrête le forage du tube et entreprend le forage par l’autre extrémité en essayant
de viser et de rejoindre la base du premier tube tout en essayant de rester le plus
centré possible dans le sens de l’épaisseur.

Forme de la base d’un tube


Les bases des tubes peuvent être observées depuis les faces
translucides/transparentes de la perle. Quand les deux tubes sont décalés ou
désaxés leurs bases ne se rejoignent pas parfaitement et la rencontre se produit
dans une zone plus réduite que le diamètre des tubes. Par conséquent, l’ouverture
permettant le passage du lien est limitée. Dans le cas opposé, c'est-à-dire quand les
deux tubes sont parfaitement alignés, leur jonction forme une ouverture circulaire
dont le diamètre correspond au diamètre du dernier outil utilisé.

La translucidité de la matière permet de reconnaitre la forme de la base du


tube. Généralement, lorsqu’un tube a un diamètre plus grand que l’autre, la forme
de la base du tube le plus grand large peut être observée. Si les deux tubes sont
axés et de même diamètre, leur rencontre est complète et la forme de leurs bases
ne peut être identifiée car elles ont complètement disparu. Toutefois, il suffit d’un
léger décalage entre les tubes pour que la forme de leur fond soit devinée.

Nous avons distingué deux formes :

• La forme droite est celle dont les parois rejoignent la base du tube de
manière abrupte. Le fond du tube est plat et forme avec les parois un angle
de 90. La forme de la base du tube est semblable à la lettre capitale Pi en
grec « Π » (Fig. 5.6e).
• La forme arrondie est celle dont les parois rejoignent la base du tube en
pente courbe. Sans l’ouverture du tube à son extrémité, le fond du tube
serait en forme de « U » (Fig. 5.6i).

219
Réussir une perforation bipolaire à deux tubes est réussir la rencontre entre
les deux tubes en faisant coïncider leurs bases (fonds) respectives. Le degré de
réussite peut se mesurer selon le degré de jonction. Ainsi, nous décrirons les types
de jonction entre les deux tubes : complète, partielle ou tangentielle.
Théoriquement, la jonction complète produit une ouverture de forme circulaire, la
partielle produit une forme ovale et la tangentielle produit une forme lenticulaire.

Sur les roches siliceuses nous avons remarqué que la jonction des tubes
peut se produire directement par une rencontre des bases des deux tubes ou
indirectement, par un passage que l’artisan crée entre les deux bases. Ainsi nous
parlerons de jonction directe (cf. Fig. 5.6d) ou indirecte. La création d’une jonction
indirecte nécessite l’utilisation d’une mèche de foret d’un diamètre plus petit que
celui des tubes. En effet, en utilisant plusieurs mèches de différents diamètres,
l’artisan arrive à réussir la jonction. Au sein d’une perforation, la présence de deux
tubes dont le diamètre est différent pourrait correspondre à une stratégie qui vise
la réussite de la rencontre des deux.

Dans le cas d’une perforation à un tube, la finalisation de la perforation


consiste à créer l’ouverture du passage sur le fond du tube par la direction opposé
de celui du forage initial. L’ouverture obtenue est toujours circulaire.

C. Stigmates de forage
Généralement, il est difficile de détecter les stries de rotation (Fig. 5.7a).
Nous décrivons ici uniquement celles observées au microscope binoculaire, soit
directement sur les parois des perforations, soit indirectement sur les empreintes
en silicone des perforations (Fig. 5.7c, d et e)51. Les stigmates du forage ont été
observés sur les parois des perforations et sur les fonds des tubes dans les cas de
décalage ou de jonction incomplète (suppression du fond).

Les stries sur les parois sont droites et leurs bords sont continus. Le fond n’a
pas pu être décrit pour les stries fines. Les stries d’une certaine largeur présentent
un fond peu rugueux. En ce qui concerne la largeur des stries, les valeurs varient

51La méthode de prise d’empreinte des parois de la perforation permet d’observer à la fois la
morphologie du tube et les stigmates de forage. Les conditions requises pour la réalisation de cette
opération n’ayant pu être rencontrées sur le terrain, seuls les objets ayant pu être sortis ont
bénéficié de cette méthode.

220
généralement de 5 à 20 µm. Cependant, sur une empreinte en silicone de la paroi
d’un tube entier, nous avons mesuré des stries de 55 µm de largeur.

Les stries sur les parois sont concentriques, parfaitement parallèles entre
elles et s’inscrivent dans des bandes larges mesurant entre 600 et 800 µm. Ces
bandes sont délimitées par des stries profondes et larges de 30 à 60 µm (Fig. 5.7b).
Nous avons observé ce phénomène sur le tube cassé d’une perle mais nous
ignorons si le comportement des stries dans les autres perforations est le même.
Toutefois, les stries larges et profondes sont parfois visibles depuis la face de la
perle, c'est-à-dire par le jeu de transparence depuis l’extérieur de la perforation.
Ces stries pourraient correspondent aux limites des bandes striées que nous avons
observées directement sur la paroi.

Sur le fond du tube cassé de la même perle cassée dont la base est droite, les
stries sont difficiles à détecter car d’une part elles sont interrompues et d’autre
part leurs bords sont discontinus. Ces stigmates sont plus semblables à des
traînées qu’à des stries franches. Leur fond, quand il est détecté, est plat et
présente une surface rugueuse par endroits et lisse à d’autres (Fig. 5.7h). Les
portions de stries encore visibles sont concentriques. La rugosité du fond est plus
forte vers le centre. La surface du fond tend à être plus lisse à l’approche des
parois verticales du tube (Fig. 5.7i). Les stries sur la base du tube mesurent en
moyenne 23 µm de largeur (sur cinq mesures effectuées). La plus étroite est de 19
µm et la plus large de 27 µm.

Avec notre propre expérimentation sur la perforation de cornaline, nous


avons réussi à produire en 5 heures environ, une perforation profonde de 3 mm
approximativement. Une mèche en silex (Fig. annexes III.1b) dont le diamètre est
de 2.5 mm au départ, a été fixée au bout d’un foret activé par un archet
(Fig. annexes III.1a). Le fragment de cornaline perforé a été chauffé pendant 12
heures sous le sol (à 15 cm) d’un foyer. Afin d’obtenir cette perforation, plusieurs
paramètres ont été contrôlés :

• La stabilité du fragment en cornaline, grâce à sa fixation par un système


d’étau ;
• La rectitude du foret, en assurant sa stabilité par un système de « roulement
à billes » ;

221
• Le refroidissement du foret en action par l’ajout régulier d’eau, par un
système de goutte à goutte assuré avec une poche à perfusion ;
• Le « mordant » par l’ajout régulier d’abrasif ;

Le nettoyage régulier et le remplacement de l’abrasif qui finit par s’écraser


au bout d’un certain temps et devient très pulvérulent, donc beaucoup moins
efficace.

Les expérimentations menées par J. Gwinnett et L. Gorelick concluent qu’il


est presque impossible de perforer les roches comme les calcédoines sans le rajout
d’abrasif (Gwinnett & Gorelick 1981, p.18). Nous pensons qu’il est possible de
perforer la cornaline avec du silex sans abrasif car l’opération produit par elle-
même de la poudre de calcédoine mélangée à celle du silex, les deux très riches en
silice. Toutefois, il est vrai que l’abrasif joue un rôle primordial dans l’efficacité du
forage. La poudre de calcédoine produite par le creusement de la matière,
mélangée à l’eau, est indispensable pour la perforation des perles à Cambay (cf.
supra).

L’abrasif utilisé dans nos expérimentations était du silex broyé que nous
avons ramassé sous les amas de taille du silex52. Le rajout régulé de l’eau
permettait, outre que le refroidissement du foret, l’adhésion des particules de
l’abrasif à la mèche ainsi qu’au trou. Au bout d’un certain temps, au changement
de bruit (arrêt du grincement produit par l’écrasement des particules de l’abrasif
contre les parois), et à la production d’une « pâte » gluante (contenant des bulles
d’air), nous savions qu’il était le temps de nettoyer, de remplacer l’abrasif ou d’en
rajouter car il n’était plus « mordant ». Quand la mèche parvenait à abraser la
matière, l’aspect des stries produites était rugueux ; au contraire, quand la mèche
ne « mordait » pas de manière efficace, le fond du tube et les parois devenaient
lisses. Dans le premier cas, il s’agissait d’abrasion, donc de l’élimination grossière
de la matière, et dans le second cas, il s’agissait plutôt d’une action semblable au
polissage durant laquelle les stries rugueuses produites auparavant ont été polies
et les irrégularités effacées. Les surfaces non lisses et marquées par des trainées
sont sans doute les « nouvelles » surfaces dégagées par l’abrasion. Les surfaces

52 A la commanderie de Jalès – Berrias en Ardèche. Antenne d’Archéorient (UMR 5133).

222
brillantes sont celles qui, au lieu d’être « mordues », abrasées, ont été polies, voire
lustrée par effacement des irrégularités produites. Le « passage » de l’abrasion au
polissage, voire au lustrage, est considéré comme un phénomène d’usure
(Schoumacker 2003, p. 416).

Sur l’exemplaire archéologique, nous avons constaté une différence


d’aspect des stries selon qu’elles se trouvent sur la paroi ou sur la base du fond du
tube. Sur la paroi elles ont un fond plus lisse que rugueux tandis que sur la base et
notamment vers le centre, elles sont plus rugueuses que lisses. Cela semble
logique puisque les parois du tube continuent tout au long du forage à être en
contact avec la mèche, ce qui contribue forcement à leur polissage, voire à leur
lustrage. Ainsi, sur une empreinte en silicone du tube non cassé d’une perle, des
zones lustrées et brillantes peuvent être observées (cf. Fig. 5.7d-e).

Après 2h de forage, les stries de perforation ont pu être observées


uniquement à très fort grossissement (100x et 200x) : elles sont extrêmement fines,
moins de 1 µm de largeur (Fig. annexes III.1a). La surface de la paroi, en palier,
n’est pas lisse et présente beaucoup d’arrachements et d’irrégularités (Fig. annexes
III.2b).

Après 4h de forage, l’observation au macroscope à 40x de grossissement a


permis d’observer des parois marquées par des trainées circulaires parallèles entre
lesquelles se distinguent des stries fines par endroits. Les zones où il a été possible
d’observer les stries sont des zones très lisses et brillantes, contrairement aux
zones de trainées. Après 5h de forage, avec le même grossissement, on ne
distingue plus les stries et les trainées sont très serrées (Fig. annexes III.2e), et
interrompues par des zones très brillantes, lustrées (Fig. annexes III.2e). Sur la
base du trou, après 5h de forage, les stries sont de meilleure visibilité car un peu
plus larges. Nous avons pu les observer au MEB (Fig. annexes III.2f-g). Elles sont
concentriques et interrompues par des zones d’arrachement de la matière.

La forme de l’ouverture de perforation que nous avons produite est


circulaire et très régulière. Après 2 heures de perforation, les parois du trou
présentent différents paliers car la mèche conservait encore partiellement sa
morphologie initiale (celle d’une chute de burin de section trapézoïdale à
intersections aigues). L’effet palier des parois a progressivement disparu. Ainsi,

223
après 5h de perforation, les parois du trou commençaient à devenir rectilignes et
seul le fond du trou présentait une dépression (Fig. annexes III.2c) correspondant
à la pointe usée de la mèche, celle-ci étant devenu presque cylindrique
(Fig. annexes III.2d).

5.5.4. Phase de finition

À Cambay la finition des perles en calcédoine se déroule en trois


étapes successives : l’abrasion, le polissage et le lustrage (d’Errico et al. 2000, p. 99).
Les années 1940 marquent un changement important quant aux outils utilisés.
Avant cette date, l’abrasion et le polissage des perles de types variés, à l’exception
des perles sphériques, étaient pratiquées sur des meules en laque contenant de
l’émeri en poudre et activées à l’archet. Pour le lustrage une meule en laque et de
la poudre de calcédoine étaient utilisées. Les perles sphériques étaient disposées
sur des étaux en bois et abrasées sur des pierres à rainures selon un mouvement
de va-et-vient. Elles étaient polies selon le même procédé que celui de l’abrasion à
la différence qu’elles étaient recouvertes de laque et de poudre d’émeri. Elles
étaient enfin lustrées, par entrechoquement, dans des outres en cuir contenant de
la poussière d’émeri, de la poudre de calcédoine et des morceaux de cuir.

A partir du 1940, l’abrasion, le polissage et le lustrage des perles de qualité


supérieure étaient effectués sur des meules électriques en carborundum ou en
laque, tandis que ces mêmes opérations étaient réalisées à l’aide d’un tambour en
bois (et/ou électrique) pour celles de qualité inférieure (ou médiocre). (ibid., p. 100).

Au Yémen, quatre étapes de finition se succèdent pour le traitement des


surfaces des chatons de bagues. Les chatons sont abrasés, polis et lustrés sur des
meules en pierres de nature et granulométrie différentes. Les trois premières sont
destinées à l’abrasion et au polissage tandis que la quatrième est réservée au
lustrage. Nous n’avons pas de renseignements précis sur le type de roche des
meules en question. La première meule est la plus abrasive (« al-sawba ») et permet
d’obtenir la forme définitive du chaton. Les deux meules suivantes (« al-muqarriba
et al-mutassiya ») sont utilisées pour le polissage et la dernière meule (« al-
tabashir », i.e. « craie » en arabe) est utilisée pour le lustrage. L’artisan sertit les
préformes des chatons sur l’extrémité d’un bâtonnet en bois en les collant à chaud

224
avec une résine d’encens yéménite (« luban »). Les deux faces du chaton sont
traitées de la même façon. À chaque changement de meule, les chatons sont collés
et décollés de la même manière jusqu’à huit fois au total durant toutes les étapes
de finition. Le geste de l’artisan consiste à frotter les chatons sertis sur la surface de
la meule. Celle-ci étant disposée de manière inclinée et submergée à moitié dans
un bassin d’eau, le mouvement de va-et-vient du bâtonnet permet d’humidifier les
surfaces non submergées de la meule. Au cours des quatre étapes successives,
l’eau du bassin se charge en particules de silice qui facilitent les différentes
opérations (Inizan et al. 1992, p. 167).

L’étude de F. D’Errico et al. (2000) traitant de la thématique des techniques


de finition sur les perles en cornaline est, outre sa qualité, une des rares
disponibles sur lesquelles nous nous sommes appuyées dans notre étude. Les
auteurs examinent un échantillon constitué d’éléments fabriqués à Cambay et au
Yémen. Les objets représentent les différentes étapes de la phase de finition
(abrasion, polissage, et lustrage) réalisées au moyen de différentes techniques et de
différents outils. Un échantillon archéologique indien de la culture harappéenne53
est également analysé dans cette étude et les stigmates des éléments subactuels
avec ceux des éléments archéologiques sont comparés. Nous nous sommes
inspirée de cette étude pour la réalisation de notre protocole d’observation des
surfaces des perles plates en cornaline du corpus.

5.5.4.1. Protocole d’étude des surfaces des roches dures


Sur les perles plates en cornaline et agate de notre corpus, les traces des
dernières phases de transformation sont encore visibles bien que parfois effacées
par l’usure.

Pour l’étude de la phase de finition, nous nous intéressons à l’étude des


surfaces de l’objet. Par surface, nous entendons une zone ou une portion de zone

53Les perles en cornaline issues de cette culture sont d’une qualité technique et esthétique
remarquable.

225
plane étendue dont l’aspect, la morphologie et les stigmates présents font d’elle
une unité cohérente.

Par leur forme et nature volumique, les perles plates ne peuvent être
observées uniformément comme cela peut être le cas des perles tubulaires ou
sphériques. En effet, les formes complexes des perles plates nous ont mené à faire
un découpage virtuel de ces surfaces afin de recueillir les informations. Ces
surfaces sont les deux faces larges du profil de la perle (Fig. 5.5d), la zone de
l’arête centrale (Fig. 5.5c) qui sépare une face en deux parts relativement égales et
le contour de la perle (Fig. 5.5a). Ce dernier est parfois très fin, notamment dans
les zones les plus éloignées des extrémités. L’étude de la surface du contour est
basée essentiellement sur les zones les plus larges. Celles-ci se trouvent en
continuité les faces de perforation et se confondent souvent avec elles. Les faces de
perforation (Fig. 5.5b) de la perle sont des surfaces dans lesquelles sont situées les
ouvertures de la perforation (cf. supra) et leur étude est rattachée à la phase de
perforation.

Le traitement des surfaces est différent selon l’emplacement de la zone


étudiée Les faces du profil des perles ne sont pas traitées de la même manière que
les bords et les faces de perforation. Les faces du profil, en y ajoutant la zone de
l’arête centrale, bénéficient généralement d’un plus grand soin dans la finition.
S’agit-il d’une finition plus poussée pour les zones exposées telles que les faces
que pour des zones invisibles lors du port de la perle comme c’est le cas des bords
et des faces de perforation ? Nous essayerons de répondre à cette question en
examinant et en comparant les différents stigmates techniques lorsque ceux-ci sont
encore visibles, notamment sur les zones à fort risque d’usure car en relief (bords
et arêtes centrales) ou situées sur les faces de perforation.

En ce qui concerne les faces du profil, théoriquement, on peut s’attendre à


ce que les procédés de finition soient les mêmes. Identiques morphologiquement,
ces faces ont très vraisemblablement été traitées par les mêmes actions, outils et
moyens techniques dont l’artisan dispose. Nous pouvons donc a priori considérer
que l’étude d’une face puisse être représentative de l’autre. Cependant, compte
tenu des effets de l’usure qui opère notamment par l’effacement des stigmates
techniques, les deux faces ainsi que leurs stigmates ont été systématiquement
examinées et enregistrés. La même démarche a été adoptée pour les arêtes

226
centrales. L’étude présente par conséquent une synthèse des stigmates les plus
représentatifs sur les deux faces du profil et les deux arêtes.

Les objets du corpus ont été examinés sur le terrain, en enregistrant un


maximum d’informations, notamment grâce à des captures photographiques
systématiquement réalisées au microscope binoculaire. Des empreintes en silicone
ont été également prises pour un grand nombre de surfaces et des répliques en
résine époxy transparente ont été ensuite fabriquées en laboratoire54. Les répliques
ont été par la suite examinées au microscope binoculaire stéréoscopique à lumière
transmise et à grossissement continu de 15x à 100x. Certains exemplaires ont été
également observés au MEB55 et ont donc pu être photographiés.

Sur la base du degré de visibilité des stigmates macro- et microscopiques,


les surfaces ont été divisées en deux grandes catégories : les surfaces lisses et les
surfaces marquées. Les premières se caractérisent par une visibilité nulle de leur
traces à l’œil nu et nécessite un très fort grossissement (plus de x200) pour pouvoir
les caractériser tandis que les surfaces marquées peuvent être observées à l’œil nu
ou à de faibles ou moyens grossissements. Une troisième catégorie peut être
rajoutée est celle de la surface naturelle, mais celle-ci n’a pas été identifiée dans
notre corpus.

A. Les surfaces « lisses »


Dans le cas des roches siliceuses, observées à l’œil nu ces surfaces ont un
aspect très lisse, elles reflètent la lumière et sont fortement brillantes. Comme nous
l’avons précisé précédemment, les différents stigmates indicateurs des traitements
techniques tels que les stries ou les dépressions jointives créées par le piquetage,
ne sont pas visibles à l’œil nu ou à faible grossissement sur ces surfaces. Ces
surfaces apparaissent donc comme « vides ». A fort grossissement, des stries et des

54 Laboratoire du CEPAM (UMR 7264).


55 Laboratoire du CEMEF (UMR 7635). Ecole des Mines de Paris à Sophia Antipolis.

227
micro-trous ou des arrachements peuvent être observés (Fig. 5.8a). Ces surfaces,
très restreintes et généralement entourées des surfaces marquées, peuvent être
issues d’un lustrage non intentionnel soit pendant la phase de finition (e.g.
manipulation intense par les doigts), soit pendant l’utilisation (port).

B. Les surfaces marquées


Les surfaces marquées peuvent être divisées, selon le type de stigmates
prédominant, en trois sous-catégories : les surfaces striées, les surfaces piquetées et
les surfaces mixtes.

Les surfaces striées


Comme son nom l’indice, les surfaces striées sont celles dont le stigmate
prédominant est la strie. Sur des surfaces à microtopographie relativement lisse,
des stries de forme, de dimensions et de disposition variables sont enregistrées.
Ces dernières peuvent couvrir de manière intense ou clairsemée la surface.

Nous avons entrepris la caractérisation de ces surfaces par la combinaison


des variables relatives à la dynamique des stries et leur répartition sur la surface
(disposition et trame) avec des types de stries.

Il existe en effet un certain nombre de variables morphologiques et


métriques, que l’on peut prendre en compte pour la discrimination de types des
stries.

Variables morphologiques d’une strie


La forme

La forme d’une strie est désignée par la disposition de ces bords l’un par
rapport à l’autre. Nous en avons distingué deux : « droite » quand les deux bords
sont droits et parallèles et « biconvexe » (ou « fusiforme ») quand ces bords sont
convexes.

228
D’après nos observations, la forme de la strie est conditionnée notamment
par le degré de la platitude ou la topographie de la surface. Les stries droites se
trouvent exclusivement sur les surfaces planes tandis que les stries biconvexes
sont localisées sur les surfaces convexes. Une troisième situation existe, celle des
surfaces creuses (notamment les surfaces des négatifs d’enlèvement résiduels des
opérations précédentes). La forme des stries couvrant une surface creuse devrait
être, théoriquement et si on suppose que le grain abrasif est de forme arrondie,
biconcave, c'est-à-dire que les bords de la strie sont concaves et les extrémités ne se
rejoignent pas. Cependant, ce n’est pas cette forme qui a été identifié sur les
surfaces creuses mais la forme biconvexe. Cela pourrait être expliqué par la
densité de stries couvrant les surfaces creuses. Leur chevauchement pourrait
fausser l’identification de leur forme. Sur une surface homogène mais selon
l’endroit traité (plane ou convexe), la même strie peut être droite ou biconvexe.
Cette observation nous a amené à écarter le critère de la forme.

Les bords

Les bords de la strie peuvent être décrits selon leur degré de netteté. Deux
situations ont été observées : bords continus, à démarcation nette et bords
discontinus, interrompus dont la démarcation est floue.

L’intérieur de la strie (fond et parois)

La zone de l’intérieur de la strie peut être caractérisée selon deux critères :


la section du sillon et la topographie. La section de sillon peut être à parois évasées
et à fond arrondie ou à parois évasées et à fond plat. La topographie peut être
rugueuse (à bosses et à creux) ou relativement lisse. Ces deux critères peuvent
nous renseigner d’une part sur la forme du grain abrasif et d’autre part sur des
aspects techniques (succession des étapes techniques, usure technique par
répétition du geste) et d’usure liés au port de l’objet finalisé.

Les variables « bords » et « topographie du sillon », étant indicatifs du


degré d’usure et de la netteté de la strie, ils ne peuvent être utilisés comme critère
discriminants des types de stries. Cependant, ils seront utilisés, à titre qualitatif, à
un autre niveau de l’étude.

229
La trajectoire

La trajectoire de la strie est définie par le geste de l’artisan et de l’outil


abrasif. Généralement, la trajectoire peut être rectiligne, subrectiligne (légèrement
courbe), circulaire (ou en spirale) ou irrégulière. Sur les roches siliceuses du
corpus, deux trajectoires sont observées : rectiligne, dans le cas des stries courtes,
et subrectiligne quand il s’agit des stries moyennes et longues. La trajectoire des
stries semble être conditionnée par la longueur de la strie, plus celle-ci est longue,
moins rectiligne elle est (sans pour autant devenir complètement courbe).

Variables métriques d’une strie


Trois mesures doivent être prises sur les stries : la longueur, la largeur et la
profondeur. Toutes les mesures prises sur notre corpus sont en unité de micron.

La longueur

Les longueurs des stries peuvent être mesurées et des moyennes peuvent
être établies afin de déterminer des catégories de longueur (longues, moyennes et
courtes). Cette démarche peut être appliquée à des objets d’un type donné
partageant le même calibre, or ce n’est pas le cas des perles plates. Les stries
observées sur ces perles sont conditionnées par l’étendue des surfaces et les
traversent de part en part. Les stries courtes en surfaces étendues méritent
cependant d’être soulignées.

La profondeur

La mesure de la profondeur d’une strie pourrait donner des indications sur


la taille des grains des outils abrasifs employés. Pour ce faire, des outils de
mesures précises sont requis tel qu’un rugosimètre dont l’utilisation n’a pas pu
être possible pour notre corpus. Une estimation approximative visuelle de la
profondeur d’une strie peut être réalisée en comparant les stries entre elles au sein
d’une seule surface. En l’absence de mesures précises, une catégorisation des

230
profondeurs des stries (profondes, moyennement profondes ou superficielles)
pour tout un ensemble d’objet est une démarche subjective. Ainsi, la seule variable
métrique que nous pouvons utiliser est celle de la largeur de la strie.

La largeur

Les mesures des largeurs des stries (entre 20 et 30 mesures) ont été prises
sur chacune des perles en calcédoines composant un échantillon de 30 spécimens
de différents types56. Ces mesures ont permis de déterminer la valeur maximale
que la largeur d’une strie peut atteindre. Dans le cas de l’échantillon mesuré, il
s’agit de la valeur de 90 à 100 µm, valeur exceptionnelle. La largeur minimale
mesurée avec précision est celle de 3.53 µm à grossissement 500x (par le logiciel de
mesure du microscope électronique à balayage, MEB). Trois échelles à deux degrés
ont été fixées et déterminent les types de stries.

Discrimination des types de stries


Par commodité, et pour les raisons invoquées plus haut, nous avons choisi
de nous appuyer uniquement sur le critère de la largeur pour discriminer les types
de stries.

Type 1

La largeur varie entre 40 et 80 µm (Fig. 5.9a). Cette fourchette est fixée sur la
base des mesures prises sur des stries superposées. C’est le calibre « large ». Deux
formes sont distinguées, droites et biconvexes. De manière générale, les stries
droites se différencient des biconvexes par leur habituelle grande longueur (de 500
µm à plusieurs millimètres) ; elles peuvent couvrir de part en part la face d’un
objet.

Type 2

56Cet échantillon représente 13.25% de la totalité des objets en roches siliceuses, tout type
confondu, du corpus étudié.

231
La largeur varie entre 10 et 40 µm (Fig. 5.9b). C’est le calibre « fin ». La
forme principale est la droite et rarement biconvexe. A cette largeur, les stries sont
de longueur moyenne ou courte. Généralement moins longues que les stries du
type 1.

Type 3

La largeur est inférieure à 10 µm (Fig. 5.9c). C’est le calibre « extra-fin ».


Elles sont généralement droites et courtes et sont présentes sur les faces du profil
des perles, cependant, étant donné que leur observation nécessitaient des
grossissements supérieurs à x100, voire x200, elles n’ont pas été systématiquement
détectées durant notre examen (ce dernier effectué à la loupe binoculaire à des
grossissements généralement inférieures à x100). Ces stries sont également
détectées sur les parois et les bases des perforations (cf. supra).

Dynamique des stries


En ce qui concerne la dynamique des stries et leur comportement au sein
d’un groupe, deux variables peuvent être examinées : l’orientation et la trame.

L’orientation

Cette variable désigne l’organisation des stries les unes par rapport aux
autres. Trois situations peuvent survenir : les stries sont « unidirectionnelles »
quand elles sont parallèles entre elles ; elles sont « bidirectionnelles » quand elles
sont convergentes et elles sont « multidirectionnelles » quand elles sont orientées
dans trois ou plus directions ou qu’elles sont anarchiques. L’orientation des stries
est une variable qui pourrait donner des indications sur le geste de l’artisan,
notamment sur le maintien de l’objet (entre les doigts d’une main ou dans un
dispositif de type pierre à rainure) et dans certains cas elle pourrait renseigner sur
le type de l’outillage employé (passif de type meule dormante ou actif de type
polissoir à l’archet) : « si la perle avait été frottée à la main sur une meule dormante,
alors les stries auraient présenté une plus forte variabilité dans leur orientation,

232
correspondant aux différents gestes de l’artisan pour suivre la courbure de la perle »
(D’Errico et al. 2000, p. 160).

La trame

La trame est celle qui mesure le degré de rapprochement des stries entre
elles. Deux situations sont distinguées : les stries « serrées » et les stries
« espacées ». Les premières sont celles dont les bords sont rapprochés et dans
certains cas ils se confondent car ils empiètent les uns sur les autres (se
chevauchent). Dans un groupe de stries serrées, la distance maximale séparant
deux stries est généralement inférieure à 80 µm. Les stries « espacées » sont
éloignées les unes des autres et la distance qui les sépare est généralement
supérieure à 100 µm. La trame des stries est un bon repère de la densité de celles-
ci. L’espacement des stries pourrait être expliqué soit par un effacement de celles-
ci grâce à l’emploi des techniques successives, soit par frottement d’usure, soit par
les deux.

Discrimination de types de surfaces striées


Dans le but de caractériser les surfaces striées, nous avons combiné le
critère « type de strie » et « orientation ». Le critère de la trame sera utilisé dans un
autre niveau de l’étude à titre qualitatif. Ainsi, neuf types de surfaces striées (SS)
ont été identifiées (Fig. 5.10 ; Tabl. 5.4) :

• SS1 : se caractérise par des stries larges (type 1) dont l’orientation générale
est unidirectionnelle.
• SS2 : se caractérise par des stries larges orientées dans deux directions
différentes (bidirectionnelles).
• SS3 : se caractérise par des stries larges orientées dans plusieurs directions
(multidirectionnelles).
• SS4 : se caractérise par des stries fines (type 2) dont l’orientation générale
est unidirectionnelle.
• SS5 : se caractérise par des stries fines orientées dans deux directions
différentes (stries bidirectionnelles).

233
• SS6 : se caractérise par des stries fines orientées en plusieurs directions
(stries multidirectionnelles).
• SS7 : La surface est composée de deux types de stries, larges et fines
orientées dans la même direction.
• SS8 : La surface est composée de deux types de stries, larges et fines
orientées dans deux directions différentes.
• SS9 : La surface est composée de deux types de stries, larges et fines
orientées dans plusieurs directions.

La forme des stries peut être droite ou convexe et la trame serrée ou espacée
dans les types SS1, SS2, SS3, SS4 et SS5.

Certains types n’ont pas été retenus non pas parce qu’ils sont absents du
matériel étudié mais parce que notre méthode consiste à prendre en considération
et en premier lieu le type le plus dominant observé pour une surface. Les types
non identifiés n’ont pas été relevés pendant l’étude car ils sont « noyés » dans
d’autres plus dominants. C’est le cas des types SS4 et SS8.

Degré de visibilité des stries


La variable « bords » a été combinée avec la variable « fond » afin de
distinguer le degré de visibilité ou de netteté des stries. Au total, 4 situations sont
observées : 1- bords continus et fond rugueux ; 2- bords continus et fond lisse ; 3-
bords discontinus et fond rugueux ; 4- bords discontinus et fond lisse. Ce
paramètre est intéressant à prendre en compte car il permet d’analyser le degré
d’usure.

Disposition des stries


La disposition des stries par rapport à l’axe principal de l’objet (le plus
long) est indicateur non pas seulement du geste de l’artisan mais aussi du type
d’outil employé dans certains cas. L’examen de la variable disposition peut se faire

234
aisément en ce qui concerne les stries unidirectionnelles. Celles-ci peuvent être
parallèles, perpendiculaires, obliques ou disposées de manières multiples par
rapport à l’axe de l’objet.

Seules les stries unidirectionnelles voire bidirectionnelles peuvent nous


renseigner sur ce paramètre, les stries multidirectionnelles n’étant par définition
d’aucune utilité sur ce point. Pour cette raison, la variable « disposition » sera
notée pour les stries majoritaires. Quand il est difficile de distinguer la majorité, la
variable disposition sera enregistrée pour les deux types de stries observés.

Les surfaces piquetées


Les surfaces piquetées ont pu être localisées sur une très grande majorité
d’objets en roches siliceuses. Les stigmates caractéristiques sont les cupules et les
cônes incipients. Les premiers sont des trous de dimensions (diamètre et
profondeur) et de morphologies très variables (arrondies ou allongées) et les
seconds sont des fissures de fracture qui se développent suivant un cône de
révolution à partir de la surface de la matière quand la percussion n’est pas suivie
d’un enlèvement (Tixier et al. 1980, p. 81). Ces fissures prennent la forme d’un arc
ou d’un demi-cercle sur la surface. Entremêlées aux cupules et aux cônes
incipients, des fissures rectilignes de fracture peuvent être observées.

Les surfaces piquetées du corpus non pas de bosses ; s’il y en a, elles sont
aplaties ou aplanies.

Trois types de surfaces piquetées sont distingués :

• SP1 (Fig. 5.8b) : Il se caractérise par une présence forte de cupules arrondies
de dimensions généralement semblables couvrant la totalité de la surface.
Le piquetage est « fin » et l’aspect de surface à l’œil nu est rugueux. Ce type
de piquetage est présent notamment sur les arêtes et les zones bombées des
surfaces planes de la perle et sur les bords (contours) des perles. Ce type de
piquetage est produit par les différents phénomènes d’usure. Bien qu’il ne
soit pas lié à une action technique intentionnelle, nous avons choisi de le
présenter ici afin de le contraster, distinguer clairement, de l’autre type avec
lequel il se mêle dans certain nombre de cas (cf.SP3).

235
• SP2 (Fig. 5.8e): C’est une surface piquetée en profondeur à topographie
accidentée « en escalier » et d’un aspect feuilleté autour des enlèvements
(dentelle). Ce type de piquetage, grossier, est uniquement localisé sur les
contours des ouvertures de la perforation et jamais sur les faces, les arêtes
ou les contours des perles. En effet, il pourrait s’agir d’un piquetage
technique destiné à la création d’un creux permettant de caler les mèches
des forets utilisés dans le forage.
• SP3 (Fig. 5.8f) : C’est une surface qui combine les deux types précédents et
elle est notamment observée sur les contours des perforations sous forme
de deux auréoles circulaires l’une dans l’autre. La plus grande est celle de
type 1 qui correspond généralement à une surface bombée. La plus petite
auréole, située à l’intérieur de la première, est de type 2 et est celle qui
entoure les parois de la perforation. Ce type est uniquement observé sur les
extrémités de perforation.

Les surfaces mixtes


Les surfaces mixtes sont celles qui combinent des stries et des stigmates de
piquetage (cônes incipients, cupules et fissures rectilignes) de manière inorganisée,
c’est à dire que les stigmates sont entremêlés. Sur les différents surfaces striées,
des stigmates de piquetage fin (type 1) ou grossier (type 2) peuvent être observés.
Les neuf types de surfaces striées associés aux stigmates au type 1 du piquetage
(produit par l’usure fonctionnelle) sont identifiés uniquement sur les surfaces
volumiques des perles.

236
Chapitre 6. Consommation: Usure et fonctions

Dans cette partie, il est question de traiter le « fonctionnement » de l’objet,


i.e. la façon dont il est porté, manipulé, déplacé, exposé. C’est en répondant à cette
question, mais aussi à la lumière des résultats acquis par ailleurs, que l’on pourra
aborder sa « fonction ». Ainsi, nous nous basons principalement sur les contextes,
qui sont, nous le rappelons, assez variés selon les sites et les périodes.

6.1. Etat de la recherche

L’approche fonctionnelle appliquée aux objets de parure consiste à traitant


les traces d’usure et leur répercussion sur la reconstitution des modes et systèmes
d’attache. Elle fut adoptée et développée à partir des années 90 notamment par les
travaux d’Y. Taborin (1993a ; 1993b) et de F. D’Errico (1993b), en partie publiées
dans les actes du colloque « Traces et fonction, les gestes retrouvés » (Anderson et al.
1993). Les travaux d’I. Sidéra ont apportés des concepts intéressants, que nous
verrons plus loin (Sidéra 1993, 2000) et, enfin, la thèse doctorale de S. Bonnardin
(2009) a permis d’asseoir cette approche comme axe fondamental dans l’étude des
objets de parure.

Nous adhérons aux approches développées par ces recherches, en


particulier à la démarche de S. Bonnardin que nous présenterons brièvement en
précisant quels sont les paramètres que nous avons pris en compte pour l’étude
des objets du corpus.

Dans un premier temps, afin d’aborder la fonctionnalité des objets, des


caractéristiques et des paramètres intrinsèques seront décrits. Ensuite, nous
présenterons les contextes archéologiques de découverte, caractéristiques
extrinsèques, afin d’aborder la question de la fonction.

237
6.2. L’usure (fonctionnement)

L’usure est une série d’altérations physicochimiques entraînant des


modifications morphologiques. Au cours du temps, l’accumulation et
l’augmentation de l’intensité de ces modifications peuvent mener à la fracturation
de l’objet. Selon la gravité de l’endommagement, l’objet est abandonné ou soumis
à la réparation ou au recyclage.

Pour l’industrie lithique, S. Semenov divise le processus physique de


l’usure en deux types. Le premier est composé des formes très grossières de
déformation d’un outil durant son action. Cela comprend tout type d’altérations
qui surviennent en donnant des coups et qui endommagent la partie active par la
dislocation des pièces relativement grandes, la décoloration, l’éclatement, la
création de marques, de dents, d’encoches, de fissures, etc. Le deuxième type
comprend les manifestations les moins remarquables de la déformation de l’outil
que l’on peut appeler la « microdéformation ». Cette déformation apparaît dans
les multiples cas où l’usure est produite à cause de la friction entre l’outil et l’objet
travaillé (Semenov 1970, p. 13).

Les objets de parure n’étant pas d’outils, nous pouvons concevoir que
l’usure est plus lente et que ses stigmates se manifestent de manière différente.
Selon nous, trois facteurs associés génèrent les altérations d’usure : la force, le
mouvement et le temps. L’usure d’un élément de parure est liée principalement au
facteur temps (usure produite à long terme) tandis que l’usure d’un outil actif est
principalement produite par la force et le mouvement, parfois sur un court laps de
temps.

Au cours de la chaîne de « consommation » de l’objet de parure, les


altérations survenues sont issues du mouvement pendant le port de l’objet et de la
force de tension, celle-ci étant principalement produite par le mode d’attache. Le
mouvement ici est entendu selon deux points de vue : la mobilité (objet figé ou en
mouvement) et la direction (axiale : mouvement de va-et-vient sur le lien ; radiale :
mouvement circulaire autour du lien). La force est l’énergie produite par le
mouvement et par le poids de l’objet qui augmente avec celui-ci. Le mouvement a
donc un effet plus important dans l’usure que la position figée. Le facteur temps
est celui de la durée, continue ou discontinue, de l’interaction entre le mouvement

238
et la force. Il joue un rôle déterminant dans le développement et l’accélération de
l’usure.

Bien que l’usure de l’objet soit accélérée durant son port, elle débute dès
l’acquisition de la matière et se poursuit durant la transformation. En effet, la
manipulation tactile répétée engendre des stigmates d’usure de surface (D’Errico
1993). Toutefois, il est généralement établi que l’usure d’un objet de parure débute
à partir du moment où il est porté et se termine lorsqu’il est abandonné, perdu ou
déposé. Et c’est entre ces deux moments que les chercheurs distinguent des stades
progressifs de l’usure de l’objet grâce à l’examen des séries d’éléments composants
les parures (Taborin 1993a et b ; Sidéra 1993 ; 2000 ; 2002 ; Bonnardin 2009). De
nombreux stades d’usure reflètent une durée d’utilisation de la parure
relativement longue.

Généralement, les zones les plus usées sont celles qui sont les plus exposées
au contact avec d’autres supports. C’est le cas des zones saillantes, des contours et
des extrémités ; pour les objets plats, l’usure peut également toucher les surfaces.
Étant en contact permanent avec le lien, les perforations sont également des zones
sensibles à l’usure.

Plus concrètement, les chercheurs ont identifié les facteurs qui provoquent
l’usure d’un objet de parure. Pour Y. Taborin (1993b, p. 205), il s’agit de quatre
facteurs : 1) les mouvements brutaux ; 2) les glissements le long du lien ; 3) les
entrechocs des coquilles et 4) les heurts divers. Pour S. Bonnardin, les traces
d’usure sont le résultat de la combinaison de plusieurs paramètres : 1) les savoir-
faire mis en œuvre dans la fabrication ; 2) la durée du port ; 3) la fréquence du
port ; 4) l’assujettissement des objets ; 5) les systèmes d’attache (Bonnardin 2009,
p. 116-17).

Les dispositifs d’attache dans notre corpus sont restreints aux perforations.
La présence d’un tel dispositif indique clairement l’utilisation d’un lien. Au
contraire, l’absence de ce dispositif sur un objet, à moins d’avoir des stigmates
diagnostiques, n’est a priori indicatrice d’aucun mode d’attache en particulier. S.
Bonnardin a recensé cinq modes possibles (Bonnardin 2009, p. 117-19) : la
suspension (libre ou contrainte), l’entrelacement, la couture, le collage et le

239
sertissage. Ces modes déterminent l’exposition et la figuration de l’objet dans
l’espace.

L’objet attaché selon le mode de la suspension libre a une exposition qui est
tributaire conjointement de sa forme et de son contact avec le corps humain ou
avec un support quelconque. Par exemple, une pendeloque plate suspendue
librement expose l’une de ses faces de perforation une fois portée autour du cou.

Dans le cas de la couture, l’élément est fixé avec un lien sur un support.
Selon la tension du lien et la marge laissée, le frottement peut être plus moins
localisé et généralement lent car l’objet en principe est immobilisé. Il est de même
pour l’entrelacement.

Le collage nécessite l’utilisation d’une substance visqueuse disposée entre


l’objet et le support. Le sertissage ne nécessite pas de dispositif d’attache, ni
forcément de la colle, à condition que l’on adapte ses dimensions au dispositif
dans lequel il sera serti. Il est de ce fait plus difficile à mettre en évidence. Dans le
contexte néolithique proche-oriental, il existe un cas exceptionnel de sertissage
trouvé dans le site néolithique précéramique Gusir Höyük en Turquie : il s’agit
d’un support en pierre blanche de forme ovoïde à perforation double située au
centre, autour duquel quatre roches en serpentine de forme rectangulaires ont été
serties dans des compartiments préparés à cet effet (Karul 2011, p. 5, Fig. 22, p. 17).

Le mode d’attache laisse des stigmates particuliers mais le type de lien a


parfois également de très fortes incidences sur l’usure des matières et la vitesse à
laquelle celle-ci se développe. Un lien en fibres végétales riches en silices, comme
par exemple une cordelette en lin, est abrasif et pourrait affecter plus rapidement
les perforations sur des matériaux tendres ou moyennement tendres.

Les liens peuvent être en fibres végétales ou en matières animales (cuir,


tendons, crins, boyaux, toison). Les liens peuvent être enduits de substances
grasses ou colorantes. Les fibres végétales peuvent être renforcées par un système
de tressage. Nous sommes donc face à un vaste choix de possibilités en ce qui
concerne les liens et chacune pourraient produire des stigmates variés. Des
résultats concluants sur les traces de suspension par différents types de liens ont
été donnés dans l’étude expérimentale de F. D’Errico (1993).

240
Les traces d’usure produites par l’homme peuvent se distinguer de celles
issues des phénomènes naturels par leur localisation sur des zones délimitées. Les
différents degrés d’usure (polissage, émoussement, creusement et fracture)
dépendent de l’action : frottement et/ou entrechoquement sporadique ou
permanent. Ces actions agissent de manière différente selon la forme de l’objet, sa
matière et surtout son mode d’attache.

6.2.1. Catégorie d’usure

Sur la base du degré d’altération, les chercheurs (Sidéra 1993, p. 198)


distinguent deux catégories d’usure : « l’usure des surfaces » et « l’usure des
volumes ». La distinction entre les deux catégories traduit l’intensité de l’usure.

6.2.1.1. L’usure des surfaces


L’usure de surface, ou la « microdéformation » selon S. A. Semenov (1970,
p. 13), désigne les altérations qui affectent les surfaces de l’objet. Concrètement,
ces altérations se matérialisent par la présence de stigmates macro- et
microscopiques. Sur les matières osseuses, I. Sidéra différencie : 1) les stries ; 2) le
lustre ; 3) les piquetages et les entailles ; et 4) les écrasements (Sidéra 1993, p. 198-
204). S. Bonnardin retient pour son corpus le lustre, qu’elle nomme « poli », les
stries qui sont selon elles sont de fines rayures aléatoires, et y ajoute la coloration
qu’elle considère comme une altération (Bonnardin 2009, p. 107). Dans notre
étude, à l’exception de l’écrasement, nous avons pris en considération tous les
stigmates distingués par les deux auteurs et nous avons rajouté un autre :
l’effacement partiel des traces de fabrication. En effet, nous considérons ce dernier
comme un phénomène d’usure qui concerne la surface et non pas le volume.

Les stigmates issus de l’usure des surfaces peuvent avoir été produits plus
ou moins en même temps, sauf peut-être dans le cas du poli et de l’effacement de
traces de fabrication. En d’autres termes, la progression de l’usure sur les surfaces
est difficile à détecter tandis qu’elle est évidente dans le cas de l’usure des
volumes (cf. infra).

241
Pour notre corpus, nous distinguons les stigmates suivants : 1) les rayures ;
2) le poli ; 3) l’effacement partiel des traces techniques ; 4) le piquetage, les
entailles et les cônes incipients ; et 5) la coloration.

A. Les rayures
Afin de les différencier des stries issues des interventions techniques, nous
leur attribuons, comme S. Bonnardin, le terme de « rayures ».

Les rayures sont des stries difficilement visibles à l’œil nu. Contrairement
aux stries de fabrication, elles sont réparties sur la surface de manière anarchique,
et selon des orientations multiples. Leurs formes et leurs dimensions sont
variables. Elles sont observées sur les surfaces de toutes les matières présentes
dans le corpus, mais elles sont particulièrement fréquentes sur les matières tendres
(os, coquillages, roches tendres). Elles sont parfois distribuées sur les mêmes zones
que le poli que nous allons maintenant présenter.

B. Le poli
Visible à l’œil nu, le poli, ou lustre, est une brillance de la surface dont le
toucher est également caractéristique (lisse). Le poli étant généralement produit
par frottement, sa présence traduit un contact de l’objet avec un support. Ainsi,
l’examen de son extension et de sa disposition constituent deux variables
importantes à examiner pour la compréhension de son mode d’attache.

Dans le domaine de la tracéologie, la question du poli est assez complexe


car la cause de sa formation n’est toujours pas élucidée : « Il n’y a pas un seul mode
d’usure responsable de la formation des polis, mais les différents types d’usure (par
abrasion, par réaction chimique, par transfert de matériaux, par fatigue) peuvent se
produire simultanément, avec des combinaisons originales qui fondent la spécificité des
usures » (Gassin 1996, p. 40). Le poli sur les objets en matières tendres est commun
et généralement facile à distinguer car il est souvent associé à la présence de
rayures et à un effacement partiel ou complet des traces de fabrication. En
revanche, sur les matériaux durs de type roches siliceuses comme le quartz,
l’obsidienne ou les calcédoines, naturellement luisantes et brillantes, la distinction

242
du poli n’est pas une tâche aisée. Par ailleurs, les éléments en roches siliceuses
étant souvent soumises aux techniques de finition comme le polissage, et parfois
même le lustrage, il est difficile de déterminer si le poli observé est d’origine
technique ou dû simplement à l’usure, notamment en absence des stries régulières
de polissage.

C. L’effacement de traces de fabrication


L’absence de traces de fabrication sur une surface travaillée peut résulter de
l’emploi de techniques de finition comme le polissage et le lustrage qui visent à
donner un aspect de surface de plus en plus lisse, dépourvu d’irrégularité et
luisant. Bien entendu, l’usure est également capable de produire l’effacement de
ces traces. Selon S. Bonnardin, celui-ci peut être total ou partiel (Bonnardin 2009,
p. 112). L’effacement partiel des traces a été observé sur tout type de matériel du
corpus, y compris sur les roches dures comme la cornaline.

D. Les piquetages, les entailles et les cônes incipients


Décrits comme stigmates d’usure pour les outils en os (Sidéra 1993, p. 202),
les piquetages sont des cupules d’écrasement et les entailles sont des arrachements
de forme allongée. Dans notre corpus, ils peuvent exister de façon sporadique
(rarement en densité), non seulement sur les matières osseuses mais sur toutes les
matières relativement tendres en général. Les cônes incipients57 sont, quant à eux,
propres aux roches siliceuses à grain fin (silex, obsidienne, cornaline, agate, cristal
de roche). Ils se présentent sous forme de « coup d’ongle » sur la surface. Les
piquetages et les cônes incipients peuvent être issus de différentes techniques de
percussion et parfois même d’abrasion. C’est leur emplacement et leur extension
qui peuvent donner des indices sur leur origine.

57 Pour rappel, le cône incipient est une fissure de fracture qui se développent suivant un cône de

révolution à partir de la surface de la matière quand la percussion n’est pas suivie d’un enlèvement
(Tixier et al. 1980, p. 81).

243
E. Coloration
La coloration se manifeste par un « jaunissement » de la surface usée, celle-
ci est souvent localisée et délimitée. S. Bonnardin a observé ce phénomène sur des
rondelles en calcaire blanc où il y a également un effacement de traces (Bonnardin
2009, p. 109-12). Dans notre corpus, ce phénomène est observé également sur des
objets en calcaire mais aussi sur des petites coquilles d’eau douce (genre
Theodoxus).

6.2.1.2. L’usure des volumes


Il existe une continuité entre l’usure des surfaces et celle des volumes.
L’usure de surface peut atteindre une ampleur telle que les altérations affectent
l’objet en profondeur, déformant son volume, sa forme initiale. L’usure des
volumes consiste en la perte de matière sur les zones les plus usées. Pour les outils
en os, cette perte se manifeste par : 1) l’émoussement ; 2) les ébréchures, les
écaillures et les enlèvements ; 3) les déformations d’usage ; 4) l’érosion (Sidéra
1993, p. 205-06). Sur les objets de parure en os et en coquillage de son corpus
doctoral, S. Bonnardin (2009, p. 112-115) distingue plusieurs types d’usure des
volumes : 1) l’émoussé des côtes naturelles des coquilles ; 2) l’émoussé des traces
de fabrication ; 3) l’émoussé en facette ; 4) l’émoussé de la perforation et sa
déformation ; 5) l’ébréchure et la cassure.

Pour notre étude nous distinguons : 1) l’émoussement des reliefs et des


bordures ; 2) la formation des facettes d’usure ; 3) la déformation des reliefs ; 4) la
fracture. Les stigmates et les phénomènes produits pendant l’usure des volumes
peuvent prendre la forme d’étapes d’usure progressives, au moins pour certains
d’entre eux (le 1, le 2 et le 4).

A. L’émoussement des reliefs et du dispositif d’attache


L’émoussement consiste en un adoucissement de toute surface saillante,
anguleuse ou prononcée comme les reliefs de type côtes naturelles des coquillages,
les bordures ou les contours anguleux des formes, les contours des perforations,

244
les arêtes centrales sur une surface, etc. Bien que l’émoussement provoque une
perte de matière peu importante, il affecte néanmoins la forme initiale de l’objet.

B. La formation des facettes d’usure


Le frottement localisé sur une surface, généralement convexe, provoque une
facette plane de forme variable géométrique ou irrégulière (celle-ci dépend de la
forme de la partie du support en contact avec l’objet). À l’intérieur de la facette,
des stries plus ou moins régulières ainsi que des rayures aléatoires peuvent être
observées. Comme pour certains stigmates, les facettes observables sur les surfaces
des éléments peuvent être d’origine technique et la confusion avec celles produites
par l’usure est donc possible. Pour les différencier, il est important de prendre en
compte l’emplacement, la forme et l’étendue des facettes. En règle générale, les
facettes de forme régulière et dont l’emplacement répond à une certaine symétrie,
sont plutôt d’origine technique tandis que celles présentes notamment sur les
zones convexes, de forme irrégulière et dont l’emplacement ne correspond à
aucune logique technique ou artistique, correspondent généralement à des facettes
d’usure.

C. La déformation des reliefs et du dispositif d’attache


L’usure prolongée d’un objet augmente le risque d’accidents qui peuvent
déformer sa forme. Des coups, parfois répétés, peuvent provoquer l’enlèvement
d’éclats ou la création d’ébréchures sur les bordures. Dans les zones
correspondant aux dispositifs d’attache, l’usure localisée par le frottement d’un
lien combinée à la force de tension de celui-ci (tension augmentée par le poids de
l’objet) peut provoquer, sur les bordures, des encoches de profondeurs variables.
Selon la durée et la force de la tension du lien, des sillons d’usure peuvent être
creusés sur la surface, indiquant ainsi le passage du lien, voire le mode d’attache
de l’objet. Généralement, la présence de sillons d’usure est combinée avec celle
d’encoches, voire à un début de fracture du percement à l’endroit de l’encoche.
Sur une série d’objets identiques, l’absence et la présence d’encoches sur le
dispositif d’attache pourraient renseigner sur le dynamisme d’une parure. La

245
durée d’utilisation d’une parure est exprimée par les possibles remplacements et
substitution des objets fracturés avec des objets « neufs » ou « réparés ».

Dans notre corpus, cinq stades d’usure des extrémités des cyprées sans
dorsum ont pu être documentés (Fig. 6.1).

D. La fracture
L’expression la plus forte de l’altération due à l’usure prolongée de l’objet
ou à un accident. Les entrechoquements répétés entre les éléments d’une parure
peuvent provoquer des fissures. Ces lignes de fractures, à force de répétition, se
propagent et finissent quelquefois par créer une fracture. Les encoches de plus en
plus profondes sur les contours des percements traduisent une épaisseur de la
matière de plus en plus fine et, parfois, le moindre choc sur cette partie fragilisée
peut provoquer la fracture du dispositif d’attache. L’objet fracturé est alors soumis
soit à la réparation ou au recyclage, soit rejeté.

Enfin, l’usure de surface peut donner des indications générales concernant


la durée du port, à condition toutefois que l’élément puisse être comparé avec
d’autres présentant des degrés d’usure différents que le sien. Cependant, cette
catégorie d’usure, sauf lorsqu’elle est restreinte à une zone précise, ne renseigne
que rarement sur les modes d’attaches, la disposition des éléments et leur
agencement. L’usure de volume quant à elle permet dans certains cas de
comprendre le mode d’attache et la disposition de l’élément.

6.3. La fonction. Rôle et signification

Les fonctions des objets de parure sont innombrables si l’on se base sur les
études des objets de parure des périodes historiques riches en documentations
écrites ou sur les études des sociétés subactuelles. M. Vanhaeren recense dans la
littérature ethnographique 14 fonctions différentes (2002, p. 8-17) :

• Expression esthétique et affirmation de soi


• Attraction sexuelle
• Reflet d’appartenance à un groupe ethnique

246
• Reflet d’appartenance à un groupe social
• Marqueur d’un statut social individuel
• Élément d’un rituel
• Offrandes
• Amulettes
• Objets prophylactiques
• Talismans
• Objets d’échange
• Possessions inaliénables
• Système de communication
• Système de comptage

Dans le contexte chronologique et régional auquel appartiennent les objets


de parure du corpus, une telle diversité des fonctions est tout à fait concevable,
voire évidente pour la majorité d’entre elles. Cependant, la démonstration
scientifique de ces fonctions ne sont possibles qu’exceptionnellement dans nos
contextes, comme nous en discuterons dans la dernière partie de ce travail (cf.
Chapitre 16).

Rappelons que les effectifs et les récurrences faibles constituent notre


principal handicap. Les interprétations que l’on peut faire pour certains objets sont
d’un niveau hypothétique.

Les informations intrinsèques de l’objet (matière, forme, fabrication et


fonctionnement) ne suffisent pas à elles seules pour comprendre la fonction.
L’étude du contexte de découverte s’avère donc fondamentale pour les objets
préhistoriques en général, et pour ceux de notre corpus en particulier.

Les objets de parure étudiés proviennent principalement de contextes


funéraires mais d’autres ont été découverts, rappelons-le, dans des contextes de
natures très variées et non exclusivement funéraires. Cela constitue un avantage et
une contrainte à la fois. Un avantage car les différents contextes peuvent être
comparés entre eux, ce qui permet, d’une part, d’avoir une vision plus complète
sur le comportement humain vis-à-vis de ces petits objets et, d’autre part, de
« spatialiser » la parure dans un site donné pour appréhender les différentes

247
situations archéologiques, voire pour comprendre certains contextes mal connus.
Les contraintes concernent certains contextes de découverte, ceux dans lesquels les
objets de parure ne sont pas trouvés in situ, c'est-à-dire quand l’objet est découvert
isolé, sans association claire avec des restes humains ou animaux, en dehors des
structures et dans des zones mal définies comme les aires extérieures.

Les contextes de découverte des objets du corpus peuvent se classer du plus


clair au plus ambigu en matière d’interprétation.

6.3.1. Structures funéraires

Les objets peuvent être trouvés associés directement à des squelettes dans
des sépultures. C’est le cas des objets de parure de Tell Halula et d’une catégorie
d’objets à Abu Hureyra et à Tell Aswad. Les objets peuvent également ne pas être
directement rattachés aux squelettes mais se trouver dans une aire réservée aux
sépultures, dans l’espace sépulcral au sens large. Des objets de Tell Aswad sont
rattachés à ce cas de figure. Précisons que les sépultures peuvent être incluses
dans l’espace domestique (Tell Aswad, Tell Halula, Abu Hureyra) ou réunies dans
des aires funéraires (Tell Aswad).

6.3.2. Structures non funéraires

6.3.2.1. Structures à caractère domestique


Des éléments de parure peuvent se trouver dans les habitats, sur le sol,
dans ou sur des aménagements de type foyer, » casier », silo, grill-plan,
plateforme). Ou encore dans la construction des structures (murs, couche de
préparation des sols, banquette, trou de poteau). Une bonne partie des éléments
du corpus a été découverte dans l’un de ces contextes domestiques.

6.3.2.2. Bâtiments à caractère collectif


Des éléments de parure, isolés ou groupés, ont été découverts dans des
bâtiments particuliers ou des bâtiments communautaires C’est le cas pour les trois

248
sites les plus anciens du corpus : Tell Mureybet, Jerf el-Ahmar, et Dja’de el-
Mughara.

6.3.2.3. Structures externes


Les constructions extérieures aux habitats comme des plateformes, des grill-
plans, des fosses foyers ou des silos sont très certainement collectives. Les objets
de parure qui s’y trouvent sont très rares, toujours isolés et semblent être soit
perdus soit abandonnés.

6.3.3. Zones non bâties

Il s’agit notamment des aires de rejet et des sols (?) ou couches extérieures.
L’exemple le plus parlant est celui des « cuvettes » de Tell Aswad, zones
particulièrement riches de culture matérielle fonctionnelle ou à caractère
symbolique. Dans ces zones, des restes humains isolés et de faune sont également
trouvés.

C’est notamment dans ces contextes que l’on trouve des objets en cours de
fabrication et des matières minérales brutes à Tell Aswad.

249
250
Partie III

ÉTUDE DU MATÉRIEL
ARCHÉOLOGIQUE

251
252
Introduction

Les objets de chaque site seront décrits et présentés selon le classement des
grandes catégories des formes (anatomiques, géométriques et singulières). Au sein
de chaque de catégorie, les objets sont présentés selon leurs familles typologiques
et leurs types. Ainsi, pour chaque type, les matériaux, les couleurs, les formes et
les dimensions sont décrits. Quand l’effectif est représentatif, des analyses
statistiques morpho-métriques sont effectuées. Les traces techniques et celles
d’usure sont également décrits et les chaînes de fabrication, ou/et d’usure, sont
développés quand il est possible. Chaque élément, ou groupe d’éléments, est
renseigné au niveau de sa période d’appartenance ainsi que au niveau du contexte
de découvert, quand l’information est disponible. Une synthèse est présentée à la
fin de chaque catégorie de forme et une conclusion générale à la fin de chaque site.

253
254
Chapitre 7. Tell Mureybet

La collection de parure de Tell Mureybet est composée de 559 objets dont


114 sont en coquillages, 102 en matières osseuses, 341 en pierre et deux en argile.

Ils ont été découverts dans toutes les phases d’occupation du site.
Rappelons que ces phases correspondent à cinq périodes chrono-culturelles
successives : Natoufien final (phase IA), Khiamien (phases IB, IIA et IIB),
Mureybétien (phases IIIA et IIIB), PPNB ancien (phase IVA) et PPNB moyen
(phase IVB). Le nombre d’objet de parure varie selon les périodes. Ainsi, les
périodes khiamienne et mureybétienne sont les mieux dotées en termes d’effectif.
Cela pourrait être expliqué par l’étendue des fouilles, plus importante pour les
niveaux de ces périodes (Stordeur & Ibáñez 2008, p. 90). Les contextes des
découvertes sont variés et correspondent généralement à des structures d’habitat
(sols intérieurs, sols extérieurs, cellules de maisons subdivisées, foyers). Le
contexte funéraire, très peu documenté sur le site, n’a livré aucun objet de parure.

La collection de Mureybet est conservée pour plus de 75% en France, dans


les réserves de l’Antenne de Jalès du Laboratoire Archéorient58. Le reste de la
collection est stocké dans les réserves du Musée National d’Alep (Syrie). Au début
de notre thèse, notre formation sur l’étude des objets de parure s’est faite sous la
direction de C. Maréchal, notamment sur les objets de Mureybet présents en
France. C’est grâce à son accessibilité, contrairement aux autres collections du
corpus, que cette collection a pu bénéficier de nombreuses études dont la majorité
est aujourd’hui publiée, avec notre contribution personnelle pour les plus récentes
(Maréchal 1991 ; Santallier et al. 1997 ; Ibáñez et al. 2008 : étude des micro-perçoir ;
Maréchal & Alarashi 2008 ; Alarashi & Chambrade 2010 ; González-Urquijo et al.
2013). Nous intégrerons donc une grande partie des résultats de ces études
publiées, notamment de celle de 2008 qui fut une étude intégrale et détaillée des
éléments, en l’adaptant cependant à notre méthodologie et à la structure que nous
avons choisie de suivre pour les différents chapitres de ce travail doctoral. De
nouveaux résultats ayant pu être obtenus depuis les dernières publications, nous
les traiterons au fur et à mesure de l’avancée de la présentation.

58 Jalès, Berrias (Ardèche). Ancien Institut de Préhistoire Orientale (IPO).

255
Quasiment tous les éléments de parure présents en France ont bénéficié
d’une expertise pour leur identification taxonomique ou minéralogique. Durant
les années 1970 et 1980, des coquilles ont été transmises au laboratoire des
invertébrés marins du Musée national d’Histoire naturelle pour leur
détermination par J.-M. Gaillard. En ce qui concerne les matières osseuses, les
éléments ont été examinés et identifiés, lorsque cela était possible, par L.
Gourichon. Quant aux objets en pierre, des analyses par diffractométrie aux
rayons X ont été pratiquées sur 112 spécimens. Une première série d’analyse (sur
lames minces et diffractométrie aux rayons X) fut réalisée dans les laboratoires de
l’ORSTOM entre 1983 et 1984 par M. Delaume, à une époque où il était nécessaire
de passer par une étape impliquant la destruction des objets. Une vingtaine de
pièces ont été ainsi sacrifiées. Un programme d’analyse a ensuite été mis en place
en 1996 avec le Centre d’archéométrie du Département des Sciences de la Terre de
l’Université Claude Bernard Lyon 1. L’évolution des techniques a permis d’utiliser
alors une méthode non destructive pour l’analyse par diffractométrie X d’un
important lot d’éléments de parure (Santallier et al. 1997, p. 56-58). En 1997 et 1998,
une nouvelle série d’analyse, menée dans le même laboratoire par D. Santallier, a
permis d’examiner les pièces qui avaient donné des résultats imprécis et a
concerné un nouveau lot d’objets comprenant des éléments de parure et d’autres
artefacts (disques, galets rainurés, bâtons polis, pierres à rainure, etc.). Avec les
observations pétrographiques sur lames minces réalisées précédemment par un
étudiant de ce laboratoire (Caron 1995) et avec cinq nouveaux éléments analysés
en 2012 par diffractométrie X à l’Ecole des Mines de Paris à Sophia-Antipolis (G.
Monge), nous disposons aujourd’hui d’un bel échantillon d’analyses de
composition minéralogique des objets en pierre du site. Cet échantillon nous a
servi comme collection de référence et nous a permis d’identifier un grand nombre
d’objets provenant d’autres sites du corpus.

L’identification des traces de fabrication fut réalisée par C. Maréchal dans


les années 1980 et 1990 par une étude de chaque élément et son examen à la loupe
binoculaire (grossissement x20). Plusieurs séries d’expérimentation sur les
éléments en test, en os et en pierre furent réalisées également par C. Maréchal, afin
de disposer d’un référentiel de comparaison. Enfin, nous avons réexaminé la
plupart des éléments en pierre à la loupe binoculaire, parfois à fort grossissement

256
(jusqu’à x180) et nous avons documenté un certain nombre de traces de fabrication
et d’usure dont certaines furent décrites par C. Maréchal, ce qui a permis leur
confirmation en complément d’autres qui n’avaient pas encore été identifiées.

D’après notre classement typologique, l’ensemble des objets appartient au


grand groupe des objets à perforation étroite. Les objets à perforation large ne sont
représentés que par un unique élément cassé et recyclé en objet à perforation
étroite. Nous le traiterons donc au sein de ce grand groupe. Parmi les objets
étudiés, 200 sont de forme anatomique, 358 sont de forme géométrique et un seul
élément en dent de sanglier est de forme singulière (Tabl. 7.1).

7.1. Les formes anatomiques

Les formes anatomiques comptent 104 éléments. Ce groupe est constitué de


98 éléments en coquillage, de cinq éléments en os et d’un élément en pierre
(Tabl. 7.1, Fig. 7.1).

7.1.1. Les coquillages

Au sein des éléments de parure en coquillage, trois classes de mollusques à


coquilles ont été identifiées. Les bivalves sont représentés par quatre coquilles de
la famille des Unionidae. Les gastéropodes se composent de 67 coquilles de la
sous-famille des Neritinae, quatre éléments de la famille des Nassariidae, quatre
éléments de la famille des Columbellidae et une de celle des Conidae. En outre,
s’ajoute un lot de cinq dentales de la classe des scaphopodes. Enfin, quatre
éléments déterminés comme des étuis de vers marins ont été rangés dans la
catégorie des coquilles même si on sort ici du groupe taxonomique des mollusques
(Tabl. 7.2).

L’état de préservation des coquilles est généralement moyen. En effet, les


couleurs et les motifs naturels d’origine n’ont pas été conservés sur le test. Rares
sont les coquilles dont l’état est bon. Il s’agit principalement des coquilles de
Neritinae.

257
7.1.1.1. Nérites d’eau douce
Avec un total de 76 éléments, les objets de parure sur coquilles de Neritinae
sont les plus abondants (Tabl. 7.2, Fig. 7.1a). L’espèce Theodoxus macrii a pu être
déterminée pour 33 spécimens. Les autres coquilles ont été déterminées
uniquement au niveau de leur genre Theodoxus. À l’exception de la phase IVA,
toutes les phases d’occupation ont livré des nérites, les plus nombreuses (N=47)
proviennent de la phase khiamienne, suivies de celles de la phase mureybétienne
(N=19) et enfin celles de la phase natoufienne (N=10).

La forme de ces coquilles de petites dimensions s’inscrit dans un contour


ovoïde, un volume semi-globuleux de section plano convexe. En moyenne, la
hauteur calculée pour 73 nérites mesurées est de 6.8 mm (max. : 12.9 mm ; min :
4.4 mm), la largeur 5.7 mm (max. : 9.5 mm ; min. : 4 mm) et l’épaisseur 4.7 mm
(max. : 8 mm ; min. : 3 mm).

La hauteur et la largeur des nérites ont été mises en relation sur un


graphique de nuage de points afin de tester la présence de variations métriques
par période chronologique (Fig. 7.2). Tout d’abord, nous constatons que les nérites
se concentrent pour la majorité dans une zone délimitée entre 4.4 et 7.5 mm pour
la largeur et entre 5.3 et 8.5 mm pour l’axe des hauteurs. Ensuite, le graphique
montre une plus large dispersion des nérites pour la période khiamienne
contrairement à celles de la phase natoufienne et mureybétienne. Ainsi, une nérite
provenant de la phase IIB présente des valeurs très élevées et éloignées de celles
du groupe principal (h : 12.9 mm ; l : 9.2 mm. Une autre nérite de la phase IIA, est
d’une largeur particulièrement forte par rapport aux autres : 9.5 mm. Notons par
ailleurs que 17 des 19 éléments attribués à la période mureybétienne proviennent
de la phase IIIA. Seize d’entre eux ont été découverts dans le niveau 14A,
précisément dans la partie sud-ouest de la maison 47. Il est très probable qu’il
s’agisse ici d’un ensemble d’éléments composant une parure (i.e. type collier ou
bracelet composite).

Le sommet de la coquille, la surface bombée proche de l’apex qui, lui, est


aplati, a été choisi comme emplacement du percement pour 73 éléments
(Tabl. 7.3). La technique de perçage du sommet est l’abrasion, détectée par la
présence presque systématique d’une plage d’abrasion autour des trous. Certaines

258
de ces plages sont remplies de stries fines (Fig. 7.3a). L’abrasion est relevée dans 68
cas provenant de toutes les séquences d’occupation (Tabl. 7.3), depuis le Natoufien
(neuf éléments) jusqu’au Mureybétien (19 éléments), en passant par le Khiamien
(41 éléments). Sur un cas de la phase IB (n° 946) deux percements sont observés,
l’un sur le sommet réalisé par abrasion et, l’autre, irrégulier, ébréché et vif, situé
sur le labre. Ce dernier est probablement accidentel. La technique de perçage n’a
pu être identifiée dans trois cas car le percement est cassé.

L’apex comme emplacement du percement a été documenté sur une


coquille de la phase IIB (n° 59). La technique employée pourrait être soit la
pression, soit la percussion directe ou indirecte (Tabl. 7.3). L’apex et le labre ont
été conjointement percés sur un même spécimen de la phase IA (n° 3785). La
suppression de l’apex a été produite par abrasion tandis que le percement près du
labre ne montre pas de plage d’abrasion ni de traces de pression ou de percussion.
Enfin, dans un cas unique provenant de la phase IIA (n° 40), le percement est situé
sur la face ventrale. D’après la morphologie irrégulière du trou et les éclats
d’arrachement du test, la technique employée pourrait être soit la pression, soit la
percussion.

Les traces d’usure ont été observées sur 70 éléments (sur 76). Il s’agit dans
la plupart des cas d’une usure des volumes affectant les pourtours des percements
et les labres au niveau des ouvertures naturelles (Tabl. 7.4). Parmi ces éléments, 59
présentent un labre ébréché à encoche émoussée dans la majorité des cas. Vue
depuis la face dorsale, l’encoche du labre peut atteindre une telle profondeur
qu’elle rejoint presque le pourtour du percement (Fig. 7.3b). Les pourtours des
percements de 60 éléments sont émoussés. La plage d’abrasion est entière et polie
dans un cas seulement, elle est effacée partiellement dans 51 cas (n° 1442) et
complètement dans quatre cas (cette observation n’a pu être réalisée pour huit
éléments présentant un état du test particulièrement médiocre sur la zone de
pourtour des percements). Sur les 60 éléments présentant des percements
émoussés, des échancrures ont été également observées. Ces échancrures se
transforment en véritables encoches à un stade très avancé. Les encoches sur les
percements sont documentées dans deux cas (n° 511 et n° 1442). Les étirements ou
les échancrures sont dans tous les cas orientés dans le sens des échancrures
observées sur les labres (n° 216 ; n° 511 ; n° 1442 ; n° 31 ; 52 ; 68).

259
Enfin, des traces d’ocre rouge ont été observées sur dix pièces provenant
toutes de la période khiamienne. Ces traces ont été détectées sur les pourtours
internes des percements (notamment sur les zones d’étirements), sur les faces
internes des labres, dans le sinus des ouvertures naturelles (n° 62) et sur les
columelles (n° 5332, n° 46). Elles ont été également détectées sur la face dorsale,
sur la zone séparant le percement du labre, exactement au niveau d’un étirement
sur le percement et l’encoche sur le labre. Cette zone pourrait correspondre au
passage d’un lien d’attache qui serait ocré (Fig. 7.3c). La présence d’ocre peut être
également détectée à l’intérieur des sutures de la coquille dans la zone de la
spire59.

7.1.1.2. Nasses
Quatre coquilles de la famille des Nassaridae, de l’espèce Nassarius
gibbosulus, sont comptées parmi les objets de parure en gastéropodes. Toutes les
quatre sont de la période khiamienne, dont deux spécimens entiers proviennent
de la phase IIA (n° 14 et n° 15, Fig. 7.1b-c) et deux autres, fragmentaires (n° 16 et
n° 17), de la phase IB/IIB. Les spécimens non cassés mesurent respectivement 13.2
et 14.2 mm de hauteur et 11.3 et 13.5 mm de largeur. Le dorsum des quatre
éléments est absent et un percement a été opéré sur leur face ventrale, côté
columelle, au-dessus de l’ouverture naturelle. La suppression du dorsum a
probablement été effectuée par percussion, sans exclure la possibilité d’un
ramassage de la coquille en l’état. Quant aux percements, ils ont été réalisés par
pression ou par percussion indirecte depuis la face interne de la coquille, ce qui
n’aurait pu être possible sans l’enlèvement préalable du dorsum. Equipées de tels
dispositifs d’attache, les nasses percées sur le ventre pourraient avoir été cousues
sur un support. Enfin, les bords des dorsa et des percements qui ne sont pas
ébréchés sont émoussés.

59 L’ensemble des observations concernant les traces d’usure offre un ensemble d’indices
permettant de proposer un mode d’attache des nérites. Cf. discussion générale Mureybet.

260
7.1.1.3. Colombelles
Au total, quatre Columbella rustica, mesurant entre 8 et 10 mm de hauteur,
ont été trouvées à Mureybet. Leur spire a disparu et, dans deux cas, l’un de la
phase IB (n° 12, Fig. 7.1d) et l’autre de la phase IIIB (n° 11), un percement a été
réalisé depuis l’intérieur de la coquille. La partie inférieure de la coquille n° 12 a
été cassée et la base de la coquille n° 11 a été raccourcie. Cela a permis le passage
de l’outil afin de réaliser le percement depuis l’intérieur de la coquille en visant le
centre de la spire. Le mode d’attache envisageable pour ces éléments est celui d’un
enfilage dans le sens de la hauteur grâce au passage reliant l’ouverture de la spire
à l’ouverture naturelle de la coquille. Les percements à l’intérieur de la coquille, à
l’emplacement des spires supprimées, ont été réalisés par percussion indirecte ou
par pression.

Pour une colombelle de la phase IIIB (n° 10, Fig. 7.1f), aucun percement n’a
été réalisé à l’emplacement de la spire supprimée. Le passage d’un lien est donc
impossible. Sur la colombelle n° 9 (Fig. 7.1e) la spire a été également supprimée
sans qu’il y aille pour autant un percement dans cette zone. Le percement, a été
réalisé sur le dos et est de forme quadrangulaire aux bords réguliers. Cet
emplacement laisse supposer que la coquille a été portée plutôt comme une
pendeloque et non pas enfilée. Une plage d’abrasion étroite et aplanie entoure le
percement quadrangulaire.

Enfin, les bords des parties supprimées, le labre et la base de ces coquilles,
notamment celle de n° 11, sont émoussés.

7.1.1.4. Cône
Il s’agit de l’unique spécimen représentant la famille des Conidae. Cette
coquille est haute de 10 mm et son test est fragile et érodé. Son apex est absent et la
columelle à l’intérieur est percée, permettant ainsi un éventuel enfilage de
l’élément.

261
7.1.1.5. Valves d’Unio
Au total, quatre valves d’Unio ont été étudiées (Fig. 7.1i-j). Dans deux cas,
on reconnaît la forme naturelle, conchoïdale large à section convexo-concave. Les
deux valves sont munies de perforations courtes décentrées, il s’agit probablement
de pendeloques. Sur l’une d’elles (phase IB), qui est une petite valve gauche (l : 25
mm ; h : 17 mm) ébréchée sur le côté postérieur, la perforation est située sur le côté
intérieur (n° 20). Portée verticalement, sa forme est pseudo-elliptique. Sur l’autre
coquille, phase IIB, qui est le fragment d’une grande valve droite dont le sommet
et une partie du bord dorsal sont conservés (l : 16 mm ; h : 27 mm), la perforation
est située près du sommet (n° 21). Portée verticalement, sa forme est sub-
triangulaire. Le troisième élément, appartenant à la phase IIIB, est un fragment de
nacre épais et compact de forme irrégulière mais arrondie. Cet aspect semble être
le résultat d’une importante érosion naturelle (entrechoquement et roulage dans
l’eau ?) avant le ramassage par l’homme. Ce petit élément (L : 14 mm ; l : 12 mm ;
e : 8 mm) porte une perforation cylindrique très étroite (diamètre légèrement
supérieur à 1 mm) et longue de 8 mm permettant son enfilage horizontal comme
une perle (n° 22).

Les perforations ont été réalisées depuis la face interne de la coquille. Deux
techniques sont identifiées : l’abrasion rotative (n° 20 et 22) et la percussion
indirecte (n° 21).

Le débitage par rainurage est également documenté. En effet, l’un des bords
de la pendeloque (n° 21) est parfaitement rectiligne, forme résultant certainement
d’un découpage par rainurage ou sciage. De même le débitage par rainurage est
identifié sur la coquille n° 513 (Fig. 7.1j) qui correspond à un fragment de la valve
droite de la phase IIB et qui ne porte aucune perforation. Cette coquille à test épais
(5 mm), a été dans un premier temps sciée verticalement dans le sens de sa
hauteur puis une profonde rainure a été réalisée parallèlement au bord ventral
suivant une dépression naturelle du test qui se poursuit sur la tranche déjà sciée
pour continuer sur l’autre face. Pourrait-il s’agir d’une sorte de « matrice » à partir
de laquelle ont pu être extraits des supports pour la réalisation d’objets de plus
petit gabarit ? Est-on dans le domaine de la parure ? Il convient de signaler que les
deux éléments portant des traces de débitage par rainurage ou sciage
appartiennent à la même phase IIB.

262
7.1.1.6. Dentales et étuis de vers marins
Neuf éléments tubulaires en test appartiennent aux niveaux khiamiens et
mureybétiens. Leurs longueurs varient entre 1.05 et 3 mm et leurs diamètres entre
2 et 2.7 mm. Parmi eux, trois petites coquilles finement côtelées ont été identifiées
avec certitude comme des Dentalium sp. : n° 1134 ; n° 2034 (Fig. 7.1h) et n° 1439
(Fig. 7.1g). Pour un élément, (n° 1693), le test est très lisse mais on devine les côtes
très fines effacées, pour un autre élément (n° 1005), le test est légèrement érodé
mais porte à un endroit la trace d’une ou deux côtes fines. Pour les trois éléments
restants, n° 7455 et n° 1443 qui rassemble deux éléments emboîtés et n° 1693, il est
difficile de les différencier des étuis de vers marins (e.g. Ditrupa) et de les attribuer
clairement à des scaphopodes.

Ouverts aux deux extrémités, ces éléments peuvent être enfilés à l’instar de
perles tubulaires. Des stries de sciage ont été détectées sur l’élément dont le test est
le mieux conservé (Fig. 7.1h). Les traces d’usure concernent les bords des
extrémités des tubes qui pour certains présentent des échancrures.

Enfin, le dernier élément (n° 5524) est court et unique en son genre. Il
provient de la phase IIB. Ce tronçon est de forme légèrement tronconique et de
section circulaire (L : 4.3 mm ; d : 10.3 mm). Le test est très altéré mais porte encore
les vestiges d’une pellicule de surface beige et lisse. Un quart de la circonférence a
été cassé. La coquille dans laquelle cet élément a été découpé est trop modifiée et
altérée pour en permettre la détermination ; il pourrait toutefois s’agir d’une
dentale de grande taille.

7.1.2. Les matières osseuses

Parmi le lot des éléments en os, seulement cinq sont de forme anatomique.
Il s’agit d’éléments présentant des perforations transversales permettant de les
considérer comme des pendeloques. Cependant, nous verrons plus loin que
seulement trois peuvent l’être. Deux de ces éléments ont été fabriqués sur des os
longs dont l’un, un métapode de blaireau, appartient à la classe D1, et l’autre, un
humérus de lièvre, à la classe D2. Les trois éléments restants ont été réalisés sur

263
des os courts, des phalanges de petits ruminants de type gazelle (C2)60 (Tabl. 7.5)
de tailles relativement proches (en moyenne, L : 37.5 mm ; l : 8.7 mm).

Dans le cas de la phalange n° 4, dont l’extrémité proximale est cassée, un


percement a été pratiqué sur la paroi osseuse, plus précisément sur la face latérale
du fût près de l’extrémité proximale. Ce percement, qui n’est pas abouti sur l’autre
face latérale, est quasiment circulaire (3.2 x 2.2 mm), offre un bord vif et ressemble
très fortement à un percement naturel (produit par l’enfoncement d’une dent dans
la paroi osseuse ?). Cette phalange ne porte aucune trace technique ou d’usure.

Dans le cas de la phalange n° 354, également cassée dans sa partie


proximale, sont présents deux trous non traversant sur la face ventrale du fût. Il
existe un doute sur la nature de cette pièce, dont la surface a été partiellement
dissoute par des sucs gastriques (L. Gourichon, comm. pers.). L’usure latérale des
perforations, qui pourrait être interprétée comme résultant du frottement d’un
lien, serait plutôt issue d’une morsure de chien suivie de l’effet des sucs
gastriques.

La troisième phalange (Fig. 7.1l), n° 3787, est sans conteste un élément en


cours de façonnage montrant une intention de percement de la poulie articulaire.
Le forage a concerné les deux phases naturellement concaves de la poulie mais ne
l’a pas traversée. Les deux cônes portent de nettes stries concentriques avec des
points d’arrêt, témoignant ainsi d’un mouvement alternatif du foret. On remarque
par ailleurs sur cette pièce trois marques situées sur la face latérale du fût, côté
proximal : une rainure dans le sens de la longueur du fût, barrée
perpendiculairement par deux traits. Ces marques ne correspondent pas à des
traces de décarnisation ou d’enlèvement de tendons (L. Gourichon, comm. pers.).
La surface de cette phalange présente un lustre bien net.

Parmi les objets en os que l’on peut considérer comme des pendeloques,
figure l’objet n° 5 (Fig. 7.1k), qui est un métapode entier de blaireau percée
intentionnellement à travers la poulie articulaire distale (h : 30 mm). Le cône de
perforation est plus important du côté dorsal, ses bords sont émoussés et lustrés,
particulièrement là où passerait le lien dans le cas d’une suspension de l’objet. On

60 Parmi ces éléments, deux n’auraient pas été travaillés par l’homme. Mais les traitons ici dans le

but de montrer des exemples d’éléments susceptibles d’être confondus avec de véritables objets de
parure.

264
notera d’après les exostoses présentes sur cet os que l’animal était relativement
âgé (L. Gourichon, comm. pers.).

L’objet n° 6 a aussi pu servir de pendeloque. Cet objet a été fabriqué sur un


humérus gauche de lièvre, dont la partie proximale de la diaphyse a été égalisée
par écrasement. Il s’agit en fait d’une chute de fabrication (h : 24 mm) mais on a pu
aussi vouloir exploiter l’orifice naturel traversant la poulie pour suspendre l’objet.
L’état de surface de l’os montre qu’il a subi l’action du feu.

7.1.3. Les pierres

Les objets de forme anatomique en pierre sont très rares dans le registre
néolithique proche-oriental. Dans cette catégorie, un seul élément (n° 2986) datant
de la période PPNB moyen (phase IVB) a été trouvé à Mureybet (Fig. 7.1m). Il
s’agit d’une tête humaine en ronde bosse (h : 24.6 mm, l : 12.2 mm ; e : 14 mm).
Une perforation longue centrée traverse la masse dans son axe principal (de haut
en bas). Le haut de la tête est cylindrique et plat sur le dessus comme si la figurine
portait une coiffe ; le nez est convexe et les narines représentées par deux trous
forés. Une bouche assez large a été sculptée en creux. Le menton, très marqué,
suggérait à Jacques Cauvin une volonté d’évoquer une barbe (Maréchal &
Alarashi 2008, p. 600). De chaque côté du nez, deux grands yeux sont représentés
par un cercle rainuré à l’intérieur duquel on a enlevé de la matière par raclage, ce
qui a laissé des traces bien visibles. Au centre, les pupilles ont été marquées par
forage. Enfin, deux petits ronds, identiques en diamètre, ont été forés de chaque
côté du visage comme pour symboliser les oreilles. On a pu observer des stries
obliques d’abrasion sur l’arrière de la tête. Le trou de suspension garde une forme
biconique ; l’intérieur est usé mais il subsiste quelques stries d’alésage. Cette
figure a été façonnée dans un matériau de couleur rouge foncé assez tendre, à
l’éclat gras luisant, qui pourrait bien être du talc contenant de l’hématite, comme
la petite pendeloque bâtonnet n° 636 de la phase IIIA qui sera décrite plus loin61.

61 Cf. A. Pendeloque étroite simple, p. 279.

265
7.1.4. Synthèse sur les formes anatomiques

Les objets de parure de forme anatomique à Mureybet sont fabriqués en


coquillage, en os et en pierre. Les matières dures d’origine animale sont exploitées
tout au long de la séquence chronologique du Natoufien au PPNA. Les niveaux de
la période PPNB ont été peu fouillés et ont livré très peu d’éléments, tous en
pierre. Parmi eux se distingue un élément de forme anatomique réalisé en pierre
(phase IVB). Les coquillages utilisés dans la fabrication de parure à Mureybet sont
diversifiés d’un point de vue taxonomique bien qu’ils soient, hormis les nérites,
peu nombreux. La diversité des spécimens en coquillage reflète naturellement une
diversité des formes : la forme ovoïde, semi-globuleuse de petite taille est
représentée par les nérites et les nasses, la forme conique est celle des colombelles
et du cône, la forme tubulaire est celle des dentales et enfin, la forme ovale ou
conchoïdale est celle des valves d’Unio. Les matières osseuses offrent deux formes
principales : les os longs perforés transversalement et les phalanges. Enfin, la
forme d’une tête humaine miniature est reproduite en pierre.

La période natoufienne est représentée uniquement par les nérites d’eau


douce. C’est à partir du Khiamien que les objets de parure sont réalisés sur une
gamme plus diverse de coquilles : les Unio, les nérites, les nasses, les colombelles
et les dentales, bien qu’en effectifs réduits. Les mêmes familles sont enregistrées
pour la période suivante avec en plus le seul exemplaire de cône, provenant du
dernier niveau (18) de la dernière phase mureybétienne (IIIB).

Les nérites constituent l’effectif le plus important, ce qui permet d’étudier


leur variabilité au cours du temps. D’un point de vue morpho-métrique, elles
montrent une plus grande homogénéité pour les périodes mureybétienne et
natoufienne que pour la période khiamienne durant laquelle elles sont de tailles
plus variées. Le percement est réalisé sur le sommet de la coquille par abrasion.
Cette technique est utilisée dès le Natoufien et perdure jusqu’aux périodes
récentes. Les traces d’usure correspondent aux émoussements des contours des
percements et des labres. Dans la plupart des cas, des encoches relativement
profondes sont observées sur les labres et sont orientées dans la même direction
que les échancrures observées sur les percements.

266
L’étude des traces d’usure et de leur orientation sur les petites nérites d’eau
douce met en évidence deux points importants concernant le mode d’attache.
Premièrement, le lien était probablement assez tendu entre les éléments : le
resserrement des coquilles les unes contre les autres, grâce à une tension
importante, permet une économie de la longueur des liens d’attache.
Deuxièmement, le lien passait par la face dorsale de la coquille, entre le percement
et l’ouverture naturelle, juste sous la spire. Il ne s’agit donc pas d’une suspension
libre enfilant les nérites les unes après les autres mais d’un système attache ayant
pour but de placer les nérites selon une organisation et une position précise. Ainsi,
il est possible que les nérites aient été cousues sur un vêtement une à une,
composant probablement un motif, ou alors attachées les unes aux autres dans
une parure de type collier, bracelet ou diadème, selon une suspension contrainte
par nœud ou par entrelacs.

Ce schéma d’usure est documenté pour toutes les périodes, ce qui signifie
que le mode d’attache était probablement le même tout au long de l’occupation du
site. Des traces d’ocre sont observées sur neuf nérites datées du Khiamien. Deux
hypothèses peuvent être formulées : soit elles ont été attachées avec un lien ocré,
soit elles étaient en contact avec un support ocré. L’observation de ces traces sur
différentes zones qui correspondent généralement aux zones de passage du lien
(percement, face interne du labre, sinus, columelle et la face dorsale entre les
encoches des labres et les échancrures des percements) plaiderait pour la première
hypothèse. Enfin, notons que les nérites sont rarement découvertes isolées mais
généralement avec des éléments identiques ou avec d’autres objets en pierre ou en
os. Par exemple, parmi les 19 nérites provenant de la phase IIIA, 13 ont été
trouvées dans le niveau 14a (couches A1 et A2) précisément dans la partie sud-
ouest de la maison 47. Dans la même zone et les mêmes couches, deux
pendeloques en pierre, 34 rondelles dont 33 en pierre et une en test ainsi que trois
dentales ont été trouvés. S’agit-il d’une seule parure ou de plusieurs ? Il est très
difficile de répondre à cette question car nous ne disposons pas d’informations
détaillées sur les contextes de découverte des éléments à Mureybet. Cependant,
nous ne pouvons pas écarter la possibilité que ces parures soient composites,
associant plusieurs éléments identiques ou différents.

267
Les coquilles d’Unio, résistantes grâce à leur épaisseur et d’un fort bel
aspect grâce à la couche nacrée luisante sur leur face interne, ont été notamment
utilisées durant la période khiamienne. D’après l’emplacement de leur dispositif
d’attache, elles auraient pu être portées comme pendeloques et, dans certains cas,
d’après les traces de fabrication relevées, comme « matrices » d’extraction de
supports de plus petit gabarit, probablement pour fabriquer des objets de forme
géométriques.

Un os court et deux os longs ont été utilisés pour les objets de parure de
forme anatomique et que l’on considère comme des pendeloques. L’os court
concerne une phalange de gazelle, exemplaire unique est intéressant pour le
corpus car il a été abandonné en cours de fabrication. Le second support est celui
d’un métapode entier de blaireau percée à travers la poulie articulaire. Enfin, la
dernière pendeloque a été réalisée sur une chute de fabrication d’un humérus
gauche de lièvre par égalisation de l’extrémité et en exploitant l’orifice naturel de
la fosse olécranienne pour suspendre l’objet.

Les pendeloques en os sont donc peu communes à Tell Mureybet. Peut-on


expliquer leur rareté par la particularité de leurs supports comme nous venons de
le voir ?

L’unique élément sur phalange de gazelle présente un percement


intentionnel non abouti, et il est donc difficile de parler d’une pendeloque pour un
objet non achevé. D’autant plus que la parure sur phalanges de gazelle est
largement attestée sur les sites natoufiens du Levant sud où ils sont entièrement
transformés ; la phalange est sciée et découpée presque au raz de la perforation
près de l’extrémité proximale. Ces éléments sont connus sous le nom de « perles
globuleuses » (Le Dosseur 2006, p. 127 ; Le Dosseur & Maréchal 2013). Nous ne
pouvons donc pas exclure la possibilité que la phalange de Mureybet ne fût pas
destinée à la réalisation de ce type d’objet.

Enfin, les formes anatomiques sont représentées par un seul élément en


pierre (n° 2986) attribué stratigraphiquement à la période PPNB moyen. Il s’agit
d’une représentation miniature d’une tête humaine pour laquelle la fonction en
tant qu’élément de parure n’est pas certifiée.

Un élément de parure ou une figurine ?

268
Des représentations de têtes humaines, étonnamment semblables à celle-ci
dans les dimensions, le style réaliste ainsi qu’au niveau de délicatesse de la
confection, sont connues au PPNA sous forme de petites figurines. Deux de celles-
ci ont été découvertes à Jerf el-Ahmar (Stordeur & Abbès 2002, Fig. 15) et une à
Tell ‘Abr 3 (Yarta 2013, Fig. 185). Les trois éléments portent des rainures verticales
sur la face opposée au visage. Ces rainures jouaient très vraisemblablement un
rôle de fixation comme le suggère D. Stordeur (2010, p.124) et pourraient donc
faire partie de figurines composites dont le corps était fabriqué en autre matériau,
probablement périssable. A la lumière de ces comparaisons, nous ne pouvons
affirmer que la miniature perforée de tête humaine était un élément de parure. En
effet, la présence d’une perforation n’exclue pas l’utilisation pour d’autre fonction
autre que la parure. La perforation sur l’exemplaire de Mureybet pourrait traduire
une évolution dans le type de dispositif de fixation des figurines composites
pratiqué au PPNA, en l’occurrence la rainure sur la face opposée au visage. Cette
hypothèse, en l’absence de données récurrentes, est évidemment loin d’être
avérée.

7.2. Les formes géométriques

Au nombre de 358, les objets de forme géométrique trouvés à Mureybet


sont fabriqués majoritairement en pierre, quelques-uns en test et seulement deux
en argile. Ces éléments se répartissent en six classes typologiques (Tabl. 7.6) :

1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

2. Objets à perforation courte centrée (disques)

3. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

4. Objets à double perforation bilatérale (éléments biforés)

5. Objets à double perforation unilatérale (pendeloques biforées)

6. Objets à perforation longue centrée (perles).

269
7.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

Au total 322 rondelles ont été découvertes sur le site de Tell Mureybet. La
grande majorité de celles-ci a été fabriquée en pierre (N=306) et, seulement pour
un petit lot (N=16), en test.

7.2.1.1. Rondelles en test


Le petit groupe de rondelles en test est composé de 16 éléments provenant
des phases natoufienne (N=3), khiamienne (N=6) et mureybétienne (N=7).

Ces rondelles s’inscrivent dans un volume cylindrique à section circulaire


(Fig. 7.4a-d). La perforation courte prend place au centre du cylindre dans l’axe
principal (cf. Tabl. 7.6). Leur profil est légèrement courbe et elles portent sur leurs
faces des sculptures naturelles propres au test des coquillages. Ces éléments
appartiennent au type cylindrique, le plus commun pour les rondelles (Tabl. 7.7).

L’identification précise des coquilles n’a pu être faite compte tenu du degré
de transformation de la forme originelle. Aucune espèce de la classe des
Gastéropodes présente sur le site ne permet une telle transformation. Les coquilles
de bivalves côtelées semblent plus appropriées. La couleur observée est d’un blanc
beige légèrement jauni. Les dimensions de ces éléments sont variables (d : 2.6–8.45
mm ; L : 0.6–2.8 mm ; dp : 1.05–2.9 mm).

Les contours des rondelles en test, parfaitement circulaires lorsqu’ils ne sont


pas ébréchés, ont été réalisés par abrasion, mais la technique d’extraction reste
difficile à deviner. L’abrasion a été également pratiquée sur les faces externes de la
coquille de manière à faire disparaître les côtes naturelles. Les percements de
quatre éléments ont été réalisés depuis la face interne et pour cinq d’entre eux
depuis la face externe. Des stries dues à une abrasion rotative sont observées sur
un élément natoufien (n° 3795) et sur deux rondelles khiamiennes (n° 3 et n° 4402).
Des points d’arrêt accompagnant les stries concentriques sont observées pour
l’exemple le plus épais (n° 4402). Les autres rondelles présentent des perforations
cylindriques produites probablement par alésage et/ou usure, cette dernière
pouvant se produire rapidement sur le test fin.

270
Les contextes de découverte de ces éléments sont variés. Notons surtout la
présence de trois rondelles dans la maison 47 de la phase mureybétienne et qui
pourraient être associées aux ensembles de parure en pierre trouvés au même
endroit (cf. Rondelles en pierre).

7.2.1.2. Rondelles en pierre


Les rondelles en pierre sont les objets de parure les plus nombreux sur le
site (Fig. 7.4e-m). Au total, 306 éléments ont été dénombrés dont 18 sont attribués
au Natoufien, 85 au Khiamien, 201 au Mureybétien, un seulement à la phase PPNB
ancien et un trouvé hors stratigraphie. L’étude a été effectuée sur 231 éléments62,
parmi lesquels 228 ont pu être mesurés.

A. Matières et couleurs
Sur l’ensemble des rondelles étudiées, 83 ont bénéficié d’analyses de
composition minéralogiques par diffractométrie aux rayons X63 (Santallier et al.
1997). Les résultats montrent une utilisation d’une grande gamme de matériaux
d’origine locale ainsi qu’allochtone. Les matériaux qui pourraient avoir été récoltés
localement sont les carbonates (N=17), qui regroupent la calcite, une association de
calcite et de micas, et l’ankérite ; les évaporites (N=2), qui incluent le gypse et une
association de calcite avec du gypse ; et les argiles représentées par la kaolinite
(N=2). Les matériaux de provenance allochtone sont les ophiolites et les
phosphates. Pour le premier groupe, 50 éléments ont été identifiés, dont 42
appartiennent à la famille des chlorites (38 en clinochlore et/ou nimite et
diabantite, et trois en chlorite), quatre à la famille des talcs, trois à la famille des
serpentines (un en serpentine et deux en lizardite) et un élément qui associe le talc
et la serpentine. Douze rondelles en phosphates ont été identifiées, dont sept en

62 Un ensemble de 75 éléments stockés au Musée d’Alep n’a pu être examiné. Il s’agit d’un collier
trouvé in situ au sud de la cellule h de la maison 47 (Stordeur & Ibáñez 2008, p. 62, Fig. 8). Par
ailleurs et d’après C. Maréchal, il est possible que 83 rondelles supplémentaires présentées sous
forme de collier (rassemblées a posteriori) et exposées au Musée d’Alep en 1982 fassent partie des
objets de parure du site provenant du matériel récolté par M. van Loon (Maréchal & Alarashi 2008,
p. 586).
63 Au lot de 78 rondelles analysées dans les années 1980 et 1990 se rajoutent 5 rondelles

supplémentaires que nous avons faites analyser en 2012.

271
crandallite, trois en variscite, une en quartz associé avec de l’argile et des
phosphates et une qui associe la fluorapatite et la calcite.

D’après les comparaisons avec les éléments analysés du point de vue de la


coloration, de la dureté et de l’aspect de la matière ainsi que grâce à la pratique du
test à l’acide chlorhydrique pour certains éléments, un ensemble supplémentaire
de 89 rondelles non analysées a pu être identifié. Parmi eux, 81 spécimens en
ophiolites ont été reconnus et huit en carbonates. Les carbonates et les évaporites
sont présentes notamment au Khiamien (N=19), les argiles (N=2) sont représentées
uniquement au Mureybétien, les ophiolites sont majoritaires au Mureybétien
(N=96) et les phosphates sont représentées majoritairement dans les phases
anciennes, à proportion presque égale au Natoufien (N=6) et au Khiamien (N=5)
(Tabl. 7.8). Les colorations des roches locales sont généralement dans des gammes
claires, blanchâtres (blanc, beige, beige rosé), jaunâtres, grisâtres et verdâtres. Les
objets en ophiolites et en phosphates sont généralement dans les gammes
verdâtres mais aussi dans les gris foncés (anthracite à noir), dans les rougeâtres et
plus rarement dans les marrons.

B. Formes, types et étude morpho-métrique


Les rondelles en pierre ont des volumes issus de cylindres de section
circulaire (N=192) ou elliptique (N=3), d’ellipsoïdes de section circulaire (N=33) et
de prismes à section hexagonale (N=2) ou triangulaire (N=1) (cf. Tabl. 7.6). Deux
types sont distingués : les rondelles cylindriques, qui regroupent les volumes
cylindriques à section circulaire ou elliptique et les volumes prismatiques à section
hexagonale ou triangulaire (N=198), et les rondelles elliptiques, composées
uniquement des volumes ellipsoïdes à section circulaire (N=33) (Tabl. 7.7).

Les effectifs élevés offrent l’occasion de réaliser une série d’études


métriques permettant de caractériser les rondelles selon leur gabarit. L’objectif est
de déterminer à partir du diamètre et de la longueur (i.e. l’épaisseur) s’il existe des
relations entre les gabarits et les périodes d’occupation, les matériaux et les
formes. Le diamètre étant toujours supérieur à la longueur, il offre une variabilité
plus importante que celle de la longueur (Tabl. 7.9).

272
Les valeurs du diamètre et de la longueur de chaque rondelle ont été mises
en relation (Fig. 7.5). La distribution des éléments par rapport aux deux axes
montre une corrélation assez manifeste (r = 0.59) entre les deux variables exprimée
par un accroissement de la longueur au fur et à mesure que le diamètre augmente.
On constate la présence de trois concentrations qui se différencient essentiellement
en fonction du diamètre. L’une de ces concentrations est nettement séparée des
deux autres par un hiatus. Celui-ci illustre une distribution éparse des éléments
dont le diamètre est supérieure à 8 mm. Les deux autres concentrations se
chevauchent. L’une correspond à des rondelles de petit gabarit jusqu’à 4.8 mm de
diamètre environ et 2.3 mm de longueur, et l’autre à des éléments de moyen
gabarit dont le diamètre varie de 4.7 à 8 mm environ et la longueur de 0.8 à 4.5
mm. Le chevauchement fait qu’un certain nombre de rondelles restent difficiles à
rattacher à l’une ou de l’autre.

Afin de mieux cerner la question du gabarit, nous avons fait appel à


l’analyse de mélange (Logiciel « Past ») pour le diamètre et la longueur. Nous
avons écarté les éléments de grand gabarit, nettement distincts sur le graphique, et
qui sont au nombre de huit. Les résultats obtenus confirment les observations
faites sur le graphique. D’après les tests de probabilités, les deux groupes de
diamètre sont confirmés : un groupe de petit diamètre avec 113 rondelles de 3.6 mm
de moyenne et de 0.24 d’écart-type et un deuxième groupe de moyen diamètre avec
107 rondelles de 5.7 mm de moyenne et 0.74 d’écart-type. Le premier semble être
plus homogène que le second (Tabl. 7.10). Ainsi, le groupe de petit diamètre
correspond à la concentration d’éléments compris entre 2.4 et 4.4 mm et celui de
moyen diamètre entre 4.5 et 7.8 mm. Le groupe dont le diamètre est supérieur à 7.8
est celui de grand diamètre.

Concernant la longueur, les rondelles se répartissent de manière différente


que pour le diamètre. Une concentration, très dense, se situe entre 0.6 et 2.4 mm,
au-delà, les éléments sont plus dispersés et, surtout, beaucoup moins nombreux.
Pour la variable de la longueur, l’analyse de mélange a été également effectuée et
deux groupes apparaissent (Tabl. 7.10) : un premier contenant la majorité des
rondelles (N=185) dont la moyenne est de 1.46 mm et l’écart-type de 0.35, et un
second contenant 35 éléments dont la moyenne est 2.5 mm et l’écart-type de 0.76.

273
La longueur dans le premier groupe varie entre 0.7 et 2.1 mm et dans le second
entre 2.2 et 4.5 mm.

À titre indicatif, le gabarit des rondelles peut être exprimé par le


croissement des données issues des groupes des diamètres et des longueurs et
présenté dans le tableau 7.11. Les rondelles de petit module dont la longueur est
inférieure ou égale à 2.2 mm sont les plus nombreuses. Les rondelles de petit
diamètre et de longueur supérieure à 2.2 mm sont peu nombreuses (N=5). Après
examen de leur longueur, nous avons constaté qu’elles dépassent la valeur
« limite » de 2.2 mm avec seulement 1 à 2 dixièmes de mm (2.3 ou 2.4 mm). Une
seule parmi les cinq rondelles présente une valeur s’éloignant relativement de 2.2
mm avec 7 dixièmes de mm (3 mm). La distinction de ces rondelles au niveau de
leur longueur n’est donc pas très pertinente dans le cas des éléments de petit
gabarit qui pourraient être considérés comme un ensemble relativement
homogène.

Les rondelles de moyen diamètre dont la longueur est inférieure à 2.2 mm


sont plus nombreuses (N=77) que celles dont la longueur est supérieure à 2.2 mm
(N=30). Ici, en revanche, un hiatus est manifeste autour de la valeur limite. Quant
aux rondelles de grand diamètre, elles sont plus nombreuses à avoir une longueur
supérieure à 2.2 mm (N=7) qu’une longueur inférieure à cette valeur (N=1).

L’analyse métrique a été ensuite corrélée avec l’appartenance chrono-


culturelle des rondelles. Les données principales (Tabl. 7.12) du diamètre et de la
longueur des rondelles (valeur minimum, valeur maximum, la moyenne et l’écart-
type) montrent que le groupe de rondelles de la période mureybétienne est le plus
homogène et que leur gabarit correspond à un module bien défini.

Les rondelles de la période natoufienne, à effectif faible (N=18) par rapport


aux autres périodes, ne présentent aucune concentration particulière dans le
nuage de points (Fig. 7.6). En effet, elles ont des dimensions très variées qui se
répartissent dans les trois groupes définis pour le diamètre. Les éléments de la
période khiamienne se répartissent relativement de la même manière qu’au
Natoufien mais avec une nette concentration dans le groupe de moyen diamètre. Au
Mureybétien, les deux concentrations les plus nettes appartiennent aux groupes de
petit et moyen diamètre. On peut noter par ailleurs que les éléments mureybétiens

274
du groupe de moyen diamètre se rassemblent plutôt au niveau des valeurs les
plus basses.

Ces observations sont clairement confortées par l’histogramme (Fig. 7.7). La


distribution respective des rondelles entre les trois groupes met en évidence la
prédominance du groupe de petit diamètre au Mureybétien avec un pourcentage de
69.6%, contre moins de 30% aux périodes précédentes, alors que le groupe de
grand diamètre est en revanche complètement absent. Le groupe de moyen diamètre
est présent à toutes les périodes mais il se manifeste fortement au Khiamien avec
68.7% et au Natoufien avec 61.1%.

Il est intéressant de noter que la variabilité du diamètre observée au


Natoufien diminue donc progressivement au cours de la séquence
stratigraphique.

L’étude des dimensions des perforations nous a permis de distinguer


plusieurs groupes de diamètres de perforation : « perforation étroite » (< 2.5 mm),
« perforation intermédiaire » (≥ 2.5 mm et < 3.5 mm), « perforation large » (≥ 3.5
mm). Le pourcentage de ces groupes est présenté dans l’histogramme (Fig. 7.8). Le
groupe « perforation étroite » est prédominant dans les trois phases avec des
pourcentages très élevés (de 64.7% au Natoufien à 80.0% au Mureybétien). Mais
comme le montre la distribution des valeurs du diamètre de perforation (Fig. 7.9),
la variabilité diminue au Khiamien en même temps que la valeur moyenne et on
constate encore une très forte homogénéité des perforations au Mureybétien.

Nous avons voulu ensuite examiner le rapport entre le diamètre de la


perforation et le diamètre de la rondelle. D’après le graphique (Fig. 7.10), il semble
exister, de manière générale, une relation plus ou moins forte entre le diamètre des
rondelles et celui de leurs perforations. Toutefois, la dispersion des valeurs des
diamètres de perforation devient un peu plus marquée à partir du Khiamien
(r=0.763, contre r= 0.944 pour le Natoufien). Cela pourrait ainsi signifier que le
diamètre général n’entrait pas ou peu en compte lors de la phase de perforation.

Nous nous sommes demandé ensuite si le rapport diamètre de la


perforation/diamètre de la rondelle et sa relation avec la longueur de la pièce
pouvaient être liés à la technique employée ainsi qu’aux propriétés mécaniques
des matériaux utilisés (phosphates, carbonates et ophiolites). Dans le cas des

275
phosphates, dont peu d’éléments sont comptabilisé, aucun résultat probant n’a été
obtenu car le nombre l’objet est très réduit. En revanche, (Fig. 7.11) on constate que
la valeur moyenne de dp/d est plus élevée dans le cas des rondelles en ophiolites
que dans le cas de celles en carbonates. Pour chaque ensemble, à longueur égale,
les perforations sont plus larges pour les ophiolites que pour les carbonates. À titre
indicatif, le groupe des ophiolites (chlorite, talc, serpentine) présente une dureté
relative maximale de 3 sur l’échelle de Mohs et les rondelles du groupe des
carbonates une dureté de 4. Or, de manière générale, le forage d’une matière
tendre va détruire plus de matière que dans un matériau plus dur.

C. Traces et techniques de fabrication


Les rondelles de Mureybet appartiennent pour la plupart au stade d’objets
finis et usés. Les éléments qui portent encore les traces de fabrications sont peu
nombreux. C’est également le cas pour les pièces abandonnées avant la
finalisation. Néanmoins, leur présence, bien qu’elle soit rare, permet d’avoir des
informations pour reconstituer les chaînes de fabrication.

Trois rondelles à contour facetté donnent des indications sur la chronologie


des phases de transformation. Parmi les trois, qui proviennent toutes de la période
khiamienne, deux sont en calcaire de couleur blanc cassé (n° 4442, 4930, Fig. 7.4k-l)
et une troisième en matériau de couleur verdâtre sombre (n° 1576).Les rondelles
en calcaire portent encore des traces de fabrication tandis que l’élément vert ne les
a pas conservées. Les rondelles en ophiolites, dont la majorité appartient à la
période mureybétienne, présentent des faces et des contours polis et généralement
réguliers. Sur les faces de certaines d’entre elles (18 spécimens), on peut observer
des stries rectilignes régulières qui traversent la surface de part en part, parallèles
entre elles ou subparallèles croisées (n° 515). Dans trois cas, les stries sont
accompagnées de « paliers » (cf. Fig. 7.4m). Outre les paliers, des languettes
peuvent être également observées sur trois éléments (n° 212, 1367, 180). Enfin,
dans neuf cas, sur la zone de l’intersection entre la tranche et la face de la rondelle,
des arrachements de la matière ont été documentés. Les perforations sont
cylindriques pour 146 éléments mais un certain nombre garde les stigmates d’un
forage depuis les deux faces (départ des cônes, stries concentriques sur la ou les

276
faces). Elles sont biconiques pour 54 d’entre eux et coniques pour 27. Sur 40
rondelles, les stries concentriques sont continues et d’autres présentent des points
d’arrêt.

D’après nos observations, deux chaînes de transformation peuvent être


envisagées. La première concernerait les rondelles en calcaire et la seconde celles
en ophiolites64. Les supports des rondelles en calcaire ont été obtenus par abrasion.
Ensuite, des perforations bipolaires de section biconique, caractéristique
également des rondelles en calcaire finies, ont été réalisées. La régularisation
définitive de la forme du contour a été effectuée après la perforation probablement
dans le but d’obtenir une mise en forme du contour par abrasion/polissage en
série.

Pour les rondelles en ophiolites, les stries parallèles ou croisées,


accompagnées de paliers ou de languettes, observées sur les faces de certains
éléments, et les arrachements sur les intersections des faces et des contours sont
tous des stigmates caractéristiques de sciage. Les paliers sur les faces indiquent un
déplacement de l’outil ou du tranchant sciant. L’emplacement dans un cas d’un
palier près de la perforation, c'est-à-dire au-delà du centre de la rondelle (n° 1138),
indique que le sciage s’avançait profondément dans la masse et était probablement
poursuivi jusqu’au sectionnement de la rondelle. Les languettes, et les
arrachements dans certains cas, pourraient indiquer la séparation de la rondelle de
la matrice par flexion ou par « accident » de sciage ; le poids de la matrice pendant
le sciage pouvant provoquer l’effondrement et la rupture (fracture) de la matière
avant la fin du sciage. Après tronçonnage, les rondelles ont été perforées à l’unité
et leur perforation, cylindrique pour la majorité, a probablement été allésée par la
suite. Il est difficile de savoir si les contours des rondelles ont été abrasés en série
après perforation ou si la matrice à laquelle appartiennent les rondelles était déjà
façonnée en forme de bâtonnet cylindrique. Cependant, la présence
d’arrachements de la matière provoqués par le sciage sur les intersections et les
contours de certaines rondelles indique que l’abrasion était antérieure au
tronçonnage. La découverte sur le site d’un bâtonnet en chlorite d’aspect mat, de
circonférence assez régulière et de diamètre semblable à celui des rondelles

64Le faible effectif de rondelles en phosphates et l’absence de traces techniques diagnostiques ne


nous permettent par de nous prononcer sur leur méthode de fabrication.

277
renforce la seconde hypothèse. La phase de finition dans ce cas consisterait à
régulariser les faces de perforation (effacement des languettes et des arrachements
provoqués par le sciage) par polissage. L’aspect luisant des surfaces sur certaines
rondelles pourrait être expliqué par une éventuelle utilisation d’un support gras
sur lequel le polissage a été effectué. En effet, d’après les expérimentations de C.
Maréchal, pour obtenir un tel aspect de la surface, la roche recevait des bains
chauds et gras et était par la suite poli sur un support enduit de matière grasse
(Maréchal & Alarashi 2008, p. 590).

D. Traces d’usure
Toutes les rondelles étudiées sont usées, mais selon des degrés variables.
Outre l’usure des surfaces représentée par le poli, les rayures et l’effacement de
traces de fabrication, l’émoussement des reliefs (les arêtes du contour) et du
dispositif d’attache (contour et centre de la perforation) est le type d’usure le plus
commun dans la catégorie « usure des volumes ». Seules les deux rondelles
khiamiennes en calcaire à contour facetté (Fig. 7.4k-l) conservent encore les arêtes
de fabrication à l’état vif. Elles gardent les stries d’abrasion sur les facettes du
contour et sur les faces, bien que ces dernières soient partiellement effacées dans la
zone entourant la perforation. Les mêmes zones présentant l’effacement de traces
semblent être d’une couleur différente, plus jaune que blanche. Bien que
l’effacement des stries et la coloration soient des stigmates d’usure, il est difficile
de distinguer si cette usure a été provoquée par le port de l’élément ou durant la
perforation, notamment sur un matériau aussi tendre que le calcaire. Toutefois, la
présence d’une rondelle à l’état non finie (n° 1576) présentant des traces d’usure
certaines ne permet pas d’exclure dans le cas des rondelles en calcaire un port en
l’état durant un court laps de temps.

7.2.2. Objets à perforation courte centrée (disques)

La forme de ces objets s’inscrit dans un volume cylindrique à section


circulaire. La perforation courte est située au centre dans l’axe principal

278
(CY.0.I.C.1) (cf. Table 6). Ces éléments se distinguent des rondelles par leur gabarit
qui est bien plus grand65 (Tabl. 7.7).

Au nombre de trois, le premier est entier et provient de la phase


natoufienne (n° 3698, Fig. 7.4n) tandis que le second, cassé, est daté de la fin du
Khiamien (n° 2571, Fig. 7.4o). Un troisième élément, daté de la phase la plus
ancienne et cassé lui aussi (n° 3864), peut également être classé dans ce groupe.

Les deux spécimens natoufiens sont en carbonates. Le disque entier est en


calcite de couleur beige, de forme circulaire (d : 30.8 mm ; L : 7.3 mm). Au centre
d’une des faces du disque, une perforation, à son début, non aboutie (dp : 3.5 mm)
a été réalisée. Les stries concentriques et continues sur les parois indiquent un
mouvement rotatif complet, probablement à l’aide d’un dispositif de type foret à
l’archet. Notons que ce dispositif aurait pu être employé dans les perforations sur
matières osseuses au cours du Natoufien final de Mallaha (Le Dosseur 2008, p. 73).

L’élément cassé, daté de la même période, est en calcaire blanc assez tendre.
Il semble être également de forme circulaire et sa perforation est de section
biconique (L : 7.6 mm ; dp : 4.8 mm).

Le disque khiamien est réalisé sur un matériau de couleur gris-vert, qui


correspond à la juxtaposition de colorations gris foncé et vert clair. Sa surface
possède un éclat doux et gras, lisse au toucher tandis que sa cassure a un aspect
terreux et sans éclat. Sa dureté sur l’échelle de Mohs est de 4 ou de 5.5 selon les
zones. Stocké au Musée d’Alep, sa composition minéralogique n’a pas pu être
analysée (d : 20 mm ; L : 6.5 mm). Il porte une perforation biconique (dp : 4 mm
environ). Les traces d’usure se présentent sous la forme d’un poli sur les parois de
la perforation et la pièce en général.

7.2.3. Objets à perforations courtes bilatérales (éléments

biforés)

Un seul objet, provenant d’un niveau khiamien, représente cette catégorie


(n° 4937, Fig. 7.4p). Il est fabriqué dans un matériau blanc sans éclat composé de

65 Cf. A. Objets à perforation courte centrée, p.160.

279
calcite, gypse, halite et quartz. La forme est celle d’un ellipsoïde de section
elliptique. Deux perforations courtes parallèles prennent place transversalement à
chaque extrémité de l’ellipsoïde (El.1.II.C.4) (cf. Tabl. 7.6). Le type est ellipsoïde
(Tabl. 7.7) et l’une des deux perforations est cassée (h : 39.5 mm ; l : 17.3 mm ; e :
11.3 mm ; dp : 5.8 mm et 4.9 mm). Les traces de fabrication sont effacées par
l’usure. Celle-ci se manifeste sous la forme d’un léger lustre sur chaque face et
d’une facette, ou méplat, localisée entre les deux trous. La perforation est conique
et les bords d’attaque sont abruptes (diamètre moyen des deux cônes : 4.8 et 3.5
mm). L’intérieur est lisse et les bords du trou présentent un poli latéral : encoche
vers l’extérieur de la pièce sur une face et encoche vers l’intérieur sur l’autre face.
La partie conservée de la perforation cassée est également lisse.

7.2.4. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

Au total onze éléments ont été identifiés en tant que pendeloques au sein de
la collection de parure de Mureybet (Fig. 7.12 et 7.13). Leur première apparition
sur le site remonte au Khiamien (phase IB). Cependant, si l’on considère le disque
n° 3698 (Fig. 7.1n) (dont la perforation est centrée), provenant de la phase IA,
comme une pendeloque, cela ferait remonter l’apparition de cette classe
typologique à la période natoufienne. Elles ont toutes été réalisées dans des
matériaux de bel aspect à l’exception d’un élément de la phase IIIB (n° 12). Cet
objet est problématique compte tenu de ses grandes dimensions, son matériau
d’aspect « abîmé » et sans éclat, sa forme irrégulière qui contraste fortement avec
les formes soignées et symétriques des éléments de la même famille typologique.

Deux sous-familles se partagent presque équitablement les types de


pendeloques : les pendeloques étroites à section arrondie (N=5) et les pendeloques
plates (six en comptant l’élément de forme irrégulière) (Tabl. 7.7).

7.2.4.1. Pendeloques étroites à section arrondie


Cinq spécimens de cette sous-famille appartiennent au Khiamien et au
PPNA. Deux types sont distingués : les pendeloques étroites simples, représenté
par un seul élément, et les pendeloques étroites à rainure.

280
A. Pendeloque étroite simple
Il s’agit d’un seul élément (n° 636, Fig. 7.12a) dont le volume s’inscrit dans
un cylindre de section circulaire. Une perforation courte décentrée est disposée
transversalement (CY.0.I.C.4) (cf. Tabl. 7.6). Cette forme allongée et étroite désigne
le nom du type. Cette pendeloque ne présentant aucun aménagement décoratif est
considérée comme simple (Tabl. 7.7).

L’élément est cassé dans sa partie supérieure au niveau de la perforation


(h : 20.8 mm ; l : 5.1 mm ; e : 4.7 mm). Ses côtés sont droits, l’extrémité distale est
arrondie et elle présente la particularité d’un amincissement de son épaisseur au
niveau de la perforation (à l’origine de la cassure ?). Il a été façonné dans un
matériau rouge foncé qui s’est révélé être du talc contenant une grande quantité
d’hématite. L’objet et l’intérieur de la perforation ont un éclat luisant. La surface
est très polie, même si quelques stries d’abrasion peuvent encore se distinguer à
fort grossissement sur les parties amincies. Le trou, d’un diamètre central de 2
mm, a été réalisé à partir des deux phases et est également très poli ; les bords des
cônes sont émoussés. L’amincissement que présente sa section longitudinale en
fait un objet bien adapté à un mode d’enfilage présentant la pendeloque de profil,
par exemple au centre d’un collier composé de rondelles.

B. Pendeloques étroites à rainure


Etat, formes et dimensions
Au nombre de quatre, les pendeloques à rainure datent de la période
khiamienne et mureybétienne. À l’exception d’une pendeloque à perforation non
aboutie (n° 2758), toutes les autres présentent des cassures. Dans un cas, la fracture
a emporté toute la partie proximale de la pendeloque (n° 355, Fig. 7.12d), dans un
autre, c’est quasiment toute la perforation qui a été enlevée (n° 1707, Fig. 7.12c).
Seule l’une de ces quatre pièces (n° 2594, Fig. 7.12e), dont la cassure a emporté le
bord latéral de la partie distale, était encore utilisable, sa perforation étant intacte.

Les volumes de deux (n° 2594 et 1707) de ces éléments s’inscrivent dans des
ellipsoïdes à section plus ou moins elliptique (EL.1). Le volume de l’élément n° 355
(Fig. 7.12d) provient d’un cylindre de section circulaire (CY.0) et l’élément n° 2758

281
(Fig. 7.12f) a un volume prismatique de section hexagonale (PR.6). Les quatre
pièces sont munies d’une perforation courte décentrée disposée transversalement
(I.C.4) (cf. Tabl. 7.6). Nous verrons plus loin la description détaillée de leurs formes
(cf. infra).

Portés, ces éléments ont une forme longitudinale étroite. La présence d’un
aménagement décoratif de type rainure détermine leur type (Tabl. 7.7).

Les volumes longitudinaux sont rectilignes dans trois cas (n° 355, 2594,
2758, Fig. 7.12e-f) et légèrement courbe dans un cas (n° 1707, Fig. 7.12c). Ce
dernier, le plus ancien (phase IB), est de forme ellipsoïde allongée de section
transversale plano-convexe et présente un aplat d’un côté. Sur l’une des deux faces
de perforation, une rainure étroite a été réalisée entre la perforation et l’extrémité
distale de la pendeloque (h : 65 mm ; l : 10.2 mm ; e : 6.7 mm). La seconde
pendeloque khiamienne (n° 355, Fig. 7.12d) est réduite à la partie distale d’un objet
cassé en deux. Une portion millimétrique de l’extrémité d’une rainure est visible
sur l’une des faces. La forme du volume de la partie conservée consiste en un
cylindre de section transversale circulaire à extrémité pointue (h: 31.4 mm ; d : 8.6
mm). La présence de la rainure, le matériau poli et d’un bel aspect visuel ainsi que
les dimensions sont tous des éléments qui plaident en faveur d’un objet rainuré
probablement de type pendeloque.

La pendeloque mureybétienne de la phase IIIA (n° 2594, Fig. 7.12e)


représente l’exemple le plus complexe du lot quant à sa forme. La forme du
volume s’inscrit dans un ellipsoïde dont l’extrémité proximale est aiguë et dont un
côté est droit et l’autre courbe. La section transversale est plano-convexe, avec un
bord plus épais que l’autre. Le côté épais correspond au côté courbe du volume.
Autrement dit, l’objet comporte trois faces : deux larges contenant la perforation,
et une correspond au côté épais et courbe. C’est cette dernière qui comporte la
rainure réalisée entre la perforation et l’extrémité distale de la pendeloque. Ainsi,
contrairement aux autres pendeloques à rainure du corpus, la rainure est réalisée
sur le profil et non pas sur la face de la perforation. L’objet, vu face à la
perforation, montre une rainure complètement excentrée par rapport à la
perforation. Rappelons que l’extrémité distale de cette pendeloque est cassée
obliquement, toute la partie distale de la rainure étant absente (h : 58.7 mm ; l : 12.2
mm ; e : 8.6 mm).

282
Enfin, la pendeloque datant de la fin du Mureybétien (n° 2758, Fig. 7.12f)
représente un cas de conversion d’une pendeloque à rainure en une baguette de
section transversale polygonale non percée aux extrémités aiguës. La modification
de la forme originale a produit une forme facettée longitudinalement, sans pour
autant effacer complètement le fond de la rainure dans la partie centrale et les
cônes de la perforation près de l’une des extrémités de l’objet (h : 66.7 ; l : 6 mm ;
e : 4.6 mm.

Matières et couleurs
De bel aspect, les matériaux utilisés pour les pendeloques à rainure sont
tous d’origine allochtone. La roche de la pièce la plus ancienne (phase IB) (n° 1707,
Fig. 7.12c) est de couleur verte jaspée marbré de blanc, appartenant aux
amphiboles. Sa dureté est de 5 à 6.5 sur l’échelle de Mohs. D’après l’analyse par
diffractométrie, la composition de la roche comprend du magnésio-hornblende
pour la majorité et de l’actinote et de la trémolite. C’est également une amphibole
de type hornblende qui a été utilisée pour la fabrication de la pendeloque n° 355
(Fig. 7.12d) datée de la fin du Khiamien (phase IIB). Mais celle-ci est de couleur
gris clair et gris foncé. Sa cassure est sans éclat et d’un aspect rugueux. La roche
utilisée pour la pendeloque de la phase IIIA (n° 2594, Fig. 7.12e) est de couleur vert
foncé et veiné, et de dureté de 6.5 sur l’échelle de Mohs. Sa cassure, d’aspect
irrégulier, a un éclat savonneux. Le matériau de cette pendeloque n’a pu être
déterminé, l’objet étant conservé au Musée d’Alep. De couleur vert sapin, la roche
utilisée pour l’élément n° 2758 (Fig. 7.12f) datant de la phase IIIB est issue d’une
formation ophiolitique dont la composition comporte majoritairement de l’albite,
ainsi que de la clinochlore et de la nimite.

Indices de fabrication et traces d’usure


La rainure sur la pendeloque n° 1707 porte encore de fines stries
longitudinales issues de son façonnage. Elles constituent les traces de rainurage
qui se sont effacées dans la partie distale soit par l’usure, soit par le travail de
finition que la pendeloque a reçu. En effet, la surface de la pièce est parfaitement
polie et offre un éclat cireux luisant. Le trou, d’environ 1.6 mm à la jonction, a été

283
foré à partir des deux faces de la pièce ; les deux cônes ont gardé quelques reliefs
de stries concentriques.

Dans le cas des pendeloques n° 355 et 2594, le polissage a rendu la surface


de la pièce très douce au toucher et lui a conféré un éclat gras brillant, bien qu’il
n’ait pas éliminé tous les accidents naturels de la roche de la pendeloque n° 355.
Des stries concentriques, légèrement marquées sur les parois de la perforation de
la pendeloque n° 2594 ont été observées. La perforation de cette pendeloque
montre une usure plus prononcée sur sa partie haute. Enfin, dans le cas de la
pendeloque n° 2594, la présence des arêtes de façonnage conservées sur toute la
hauteur de la pièce pourrait suggérer que l’objet était en cours de façonnage.
Cependant, les arêtes sont émoussées et que les stries d’abrasion sont effacées. La
forme « finale » sous forme d’une fine baguette portant des traces d’usure pourrait
laisser penser qu’elle ait été portée attachée dans une parure ou enfilée, peut-être
dans le nez.

7.2.4.2. Pendeloques plates


Au nombre de six, les pendeloques plates regroupent des objets de très
belle facture dont le matériau est d’origine allochtone (n° 145, 1106, 1849, 7,
Fig. 7.13a/c-e), aux côtés d’autres fabriqués dans des matériaux de moindre qualité
esthétique (n° 146 et 12, Fig. 7.13b). Les types sont distingués en fonction la
géométrie faciale. Le volume de trois éléments (n° 7, 145 et 146) est issu d’une
forme cylindrique. La section du premier est circulaire (CY.0), celle du second est
elliptique (CY.1) et celle du dernier est semi-elliptique (CY.1s). Pour les trois autres
objets, le volume s’inscrit dans différentes formes : une forme prismatique de
section quadrangulaire trapézoïdale (PR.4t) pour la pendeloque n° 1849, une
forme torique de section biconvexe (TO.2) pour l’élément 1106 et une forme
indéterminée pour l’objet n° 12. Les différents volumes sont munis d’une
perforation courte décentrée disposée axialement (I.C.3) (cf. Tabl. 7.6).

Les types correspondent à la géométrie faciale des faces affichées. Ainsi,


cinq types sont distingués : circulaire, elliptique haut, semi-elliptique haut, torique
et trapézoïdale haut (Tabl. 7.7).

284
A. Circulaire
La pendeloque n° 145 (Fig. 7.13a), provenant de la phase IIIA, représente le
seul exemple de pendeloque subcirculaire. Elle est de grande taille (h : 38.4 mm ; l :
35.8 mm ; e : 5.3 mm). La tranche est en biseau mais de manière alternée sur
chaque côté de la section transversale. Elle s’arrondit et devient plus mince dans la
partie supérieure de l’objet. La roche, de couleur vert olive, est faiblement
métamorphique de type « schistes verts », composée de quartz et de pumpellyite,
albite, nimite et microline. La surface de la pièce offre un éclat doux, la partie
centrale et le haut de la pièce présentant un fort poli sur les deux faces ainsi que
sur la tranche. Cependant, de petits creux (reste de piquetage ou accidents
naturels ?) subsistent sur les côtés latéraux avec, sur une face, quelques stries
profondes qui pourraient témoigner d’un frottement circulaire sur une surface
abrasive agressive. Rappelons que l’on a affaire ici à un matériau à dureté élevée.
Le trou a été foré à partir des deux faces (3.9 et 2.9 mm) ; l’intérieur de la
perforation et les bords du haut du trou sont lisses mais on distingue encore
quelques stries de forage sur les bords intérieurs des cônes.

B. Elliptique haute
L’objet n° 146 (Fig. 7.13b) provient de la phase IIIA et a été trouvé à
l’intérieur de la maison 47 avec la pendeloque circulaire n° 145 (Fig. 7.13a), un
élément tubulaire en os (n° 147) et un fragment de disque gravé (n° 148). Cet
élément ovale est relativement petit (h : 21.8 mm ; l : 13.5 mm ; e : 4.7 mm). La
tranche de cet objet est convexe, le trou est relativement large (dp : 3.7 mm), et les
deux faces présentent une petite dépression dans la partie percée. Cette pièce, sans
grand éclat et de couleur anthracite, est en roche détritique d’assez grande
résistance, de type grauwacke, composée d’une association de quartz et de calcite
et contenant un peu d’albite. La perforation est bipolaire et le forage attaqué sur
l’une des deux faces était en biais. Les bords du trou sont très usés,
particulièrement dans la partie supérieure. L’état de surface de la pièce offre un
poli lustré.

285
C. Semi-elliptique haute
La pendeloque semi-elliptique66 n° 7 (Fig. 7.13d) présente un côté convexe et
un côté très légèrement concave et est percée à une extrémité (h : 33.8 mm ; l : 11.8
mm ; e : 3.6 mm). De couleur gris pâle et d’aspect nacré (présence de veines
verticales gris clair et marron), elle s’est révélée être une sillimanite, un matériau
de grande dureté (supérieure à 6.5 sur l’échelle de Mohs). Sa surface est douce et
lisse au toucher, mais on constate à la loupe que son polissage n’a pas
parfaitement effacé toutes les stries d’abrasion dont certaines sont assez
profondes. Les bords de cette pièce sont émoussés. Le trou a été attaqué
obliquement (diamètre d’ouverture du cône : 3 mm) et terminé depuis la face
opposée. L’intérieur de la perforation (1.9 mm) est poli. La tranche du côté
concave de la pendeloque présente, sur une partie, une rainure longitudinale aux
bords émoussés portant quelques vestiges de stries d’orientation similaire. On
peut donc se demander si cette pendeloque n’est pas le résultat du re-façonnage
d’un élément cassé de type pendeloque à rainure.

D. Trapézoïdale haute
Cette pendeloque (n° 1849, Fig. 7.13c) représente l’un des rares éléments de
parure provenant de la période PPNB ancien du site (phase IVA). L’emplacement
de la perforation est assez proche du centre et elle présente une fracture qui a
emporté une partie de sa forme polygonale trapézoïdale (h : 17 mm; l : 15.6 mm; e :
4.5 mm). De couleur vert turquoise, lisse et luisante à la cassure, elle s’est avérée
être en crandallite (phosphate) avec de la woodhouseite et du quartz d’après les
analyses de composition minéralogique (rayons X). Sa surface est couverte d’une
gangue beige qui affecte aussi l’intérieur de la perforation.

E. Torique
Il ne s’agit pas ici d’un véritable type car, de toute évidence, la pendeloque
n° 1106 (Fig. 7.13e) provenant de la phase IIA, est un exemple de recyclage d’un
anneau cassé sur un peu moins de sa moitié, qui était de forme subcirculaire (h :

66Exposée dans les années 1970 avec les objets de la phase II, le numéro d’inventaire de cet élément
a été perdu.

286
18.3 mm ; e : de 3.1 mm ; diamètre interne : 6.8 mm). Le matériau, de couleur beige
ivoire et dense à la cassure, est en calcite. La pièce a été bien finie : la tranche et
l’intérieur de l’anneau sont arrondis et polis ; sa surface, lisse et douce au toucher,
présente un éclat luisant. Un trou a été perforé sur l’anneau à partir des deux
faces, laissant sur l’une d’elles un cône désaxé par rapport au centre du trou (dp :
2.7 et 1.8 mm au centre). Une petite cupule sur le bord pourrait témoigner d’une
préparation de la zone à perforer. On distingue encore un relief de stries
concentriques, mais l’intérieur est usé et cette usure est un peu plus marquée vers
le haut. On peut se demander si ce trou, qui n’est pas centré par rapport à la forme
générale de la pièce entière, n’a pas été foré après que la pièce ait été brisée car,
bien que la cassure n’ait pas été régularisée, elle présente des bords lustrés.

F. Forme irrégulière haute


Ce grand objet (n° 12) de la phase IIIB est fabriqué dans un matériau terne,
de couleur grise et d’aspect fragile, qui a un indice de dureté relative compris
entre 2 et 2.5 sur l’échelle de Mohs Cet élément est relativement grand et son
contour est irrégulier ainsi que sa section (h : 65 mm ; l : 25 mm ; e : 8.6 mm). Il est
cassé aux deux extrémités et ne semble pas terminé, du moins porte-t-il des traces
marquées d’intervention. Des points d’impact de percussion sont visibles autour
et sur les bords du trou, comme si l’intention avait été d’enlever de la matière pour
préparer la zone à perforer. Le trou (cassé) a été foré à partir des deux faces par un
mouvement rotatif qui a laissé des stries concentriques irrégulières, comme si
l’outil avait été tenu à la main. Sur l’extrémité distale, on observe des stries
marquées de raclage.

7.2.4.3. Pendeloque ?
Pour un élément fragmentaire muni d’une perforation courte (n° 2362) la
classification typologique n’a pu être établie. Il s’agit vraisemblablement d’une
pendeloque. Cet élément a un contour irrégulier et section biconvexe qui s’amincit
au niveau de la perforation (h : 14.7 mm ; l : 13.5 mm ; e : 6.14 mm). Cette dernière,
placée très près du bord, est conique et son intérieur a un aspect purulent. Le
départ mesure 3.68 mm de diamètre et le trou n’a pas été agrandi sur la face

287
opposée (dp : 2.3 mm). On a affaire à un matériau blanc d’aspect crayeux, qui se
raye à l’ongle. Son analyse a révélé de la calcite, du quartz et de l’halite. L’une des
faces de l’objet est sans éclat et n’a pas gardé de traces de façonnage. L’autre porte
des stries obliques écrasées et un léger lustre.

7.2.5. Objets à perforations courtes unilatérales

(pendeloques biforées)

Deux éléments ont été déterminés comme des pendeloques biforées. Tous
les deux datent du début du Khiamien, précisément du niveau 4 (phase IB).

Le volume de l’élément n° 2118 (Fig. 7.13f) est issu d’un cylindre de section
elliptique. Deux perforations courtes parallèles unilatérales sont disposées dans
l’axe principal du volume. D’après ces caractéristiques, l’objet appartient à la
classe morphologique CY.1.II.C.1 (cf. Tabl. 7.6). Son type correspond à une
pendeloque plate de forme elliptique (voire subcirculaire) large car les deux
perforations sont disposées dans le sens de la largeur (h : 17 mm; l : 20 mm; e : 4.2
mm). Sa tranche est irrégulière : droite sur un côté de la pièce et convexe sur le
reste de son pourtour. Une des perforations n’a pas été terminée, sans doute parce
que le forage a provoqué la cassure de la pièce à cet endroit. L’autre trou a été foré
à partir d’une seule face, provoquant des enlèvements sur la face opposée
(diamètre du cône au départ : 4.2 mm pour 2.3 mm sur l’autre face). Le
mouvement rotatif du forage a laissé des stries continues sur la paroi des cônes.
Cet objet a été façonné dans un matériau tendre, qui se raye à l’ongle, blanc, mat,
d’aspect crayeux, et qui présente une cassure terreuse à grain fin. Il est constitué
principalement de calcite et contient du quartz et du gypse.

Le classement du second exemplaire, n° 5360 (Fig. 7.13g), n’est pas aussi sûr
que dans le cas précédent. Ce grand élément, cassé en partie, présente un volume
pouvant être issu d’un cylindre de section elliptique (CY.1). Nous ignorons s’il y
avait une deuxième perforation ou pas. Cependant, le sens de l’orientation de
l’usure de la perforation suggère fortement que l’objet disposait d’une deuxième
perforation. Ainsi, il pourrait lui aussi, comme le précédent, appartenir à la classe
morphologique CY.1.II.C.1 bien que sa forme soit plus irrégulière (h : de 44 mm ; l

288
conservée : 48.7 mm ; l : 55 mm ?; e : entre 3 à 8.4 mm). La perforation est très près
du bord, dans la partie où l’objet est le plus mince. Sans éclat, de couleur blanc
cassé, de dureté 2, à cassure terreuse, le matériau est constitué d’un mélange de
calcite, de gypse, d’halite et de quartz. La surface de l’objet est lisse et lustrée ; elle
ne présente pas de stries de façonnage. Le trou a été foré à partir d’une seule face
(diamètre 4 mm pour 3 mm sur la face opposée) et montre une usure plus
marquée vers le haut. Ce marquage est perpendiculaire au sens de la largeur de
l’élément et atteste, d’une part, que l’élément a été porté et, d’une autre part,
qu’une deuxième perforation était placée symétriquement de l’autre côté (cassé),
parallèle à la première. La tranche est arrondie et est particulièrement usée,
amincie, au niveau de la perforation. La tranche est également amincie près de
l’emplacement supposé de la deuxième perforation. Enfin, l’une des deux faces
semble plus aplanie que l’autre comme résultant d’un frottement régulier.

7.2.6. Objets à perforation longue centrée (perles)

Il s’agit de 114 perles dont 96 sont en os, 16 en pierre et 2 en argile


(Fig. 7.14). Les perles d’origine minérales ont été découvertes uniquement dans les
niveaux khiamiens et mureybétiens tandis que les perles en os datent des trois
périodes successives du site.

Les supports en os sont tous de forme cylindrique de section subcirculaire.


Les variations concernent les perles en pierre et en argile. Celles-ci sont sont issus
de cylindres, d’ellipsoïdes et de prismes. En ce qui concerne les formes
cylindriques, la section est circulaire dans cinq cas dont deux sont khiamiens
(n° 353, 3766) et trois mureybétiennes (n° 3451, 2987a, 2987b). Munis de
perforation longue centrée disposée dans l’axe principal, ces éléments
appartiennent à la classe morphologique CY.0.I.L.1 (cf. Tabl. 7.6). Ils forment
également le groupe des perles tubulaires de type cylindrique. Au sein du volume
cylindrique, la section biconvexe est reconnue pour quatre éléments dont deux
sont khiamiens (n° 853, 7453) et deux mureybétiens (n° 3238, 3953). Munis d’une
perforation longue centrée disposée dans l’axe principal, ces éléments
appartiennent à la classe morphologique CY.2.I.L.1. Ils forment également le
groupe des perles de type plates de forme carrée ou rectangulaire.

289
La forme elliptique connaît également deux sections : circulaire et
elliptique. La première concerne cinq éléments dont trois sont khiamiens de la
phase IIA (n° 4622,3765, 2685) et deux mureybétiens (n° 3370, 1343). Ils
appartiennent à la classe EL.0.I.L.1 et forment le groupe de perles type elliptique.
La section elliptique (EL.1.I.L.1) concerne l’élément mureybétien (n° 641). Il s’agit
du type perle standard.

La forme prismatique concerne trois objets. La section est triangulaire dans


un cas (n° 910) et rectangulaire dans deux cas (n° 2285, 1021). La perforation est
longue centrée et disposée dans l’axe principal. La classe morphologique est
PR.3.I.L.1 en ce qui concerne l’élément à section triangulaire. Celui-ci représente le
type de perle prismatique. La classe morphologique des éléments à section
quadrangulaire correspond à PR.4r.I.L.1. Ces derniers constituent le type de perles
parallélé-pipédiques. Pour le classement au sein des classes morphologiques (cf.
Tabl. 7.6).

Trois familles typologiques sont identifiées (Tabl. 7.7) : les perles tubulaires,
les perles plates et les perles standards.

7.2.6.1. Perles tubulaires en os


Au total, 96 éléments dont 93 en os longs et trois en os plats, constituent un
groupe homogène d’objets du fait de leur forme tubulaire qui permet un enfilage
longitudinal (Fig. 7.14a-k). Il est intéressant de noter d’ores et déjà la forte
présence des éléments en os au Khiamien. En effet, plus de 70% des pièces ont été
découvertes dans les phases khiamiennes contre seulement cinq au Natoufien et
16 au Mureybétien. Quatre éléments n’ont pas d’attribution stratigraphique claire.

Un grand nombre d’élément a été identifié au moins au niveau des groupes


de taille67. Au total, neuf groupes et sous-groupes (Tabl. 7.5) ont été dénombrés.
Au sein de ce groupe, plusieurs classes taxonomiques ont été identifiées. La classe
BC est représentée par un seul spécimen, une côte d’un petit ou moyen ruminant
de type mouflon ou daim. La classe C concerne trois os longs, dont deux
métapodes de petits ruminants de type gazelle ou mouflon, et la classe C2

67 Cf. 3.4.2. Les matières osseuses,3.4.2.5. Identification, p. 100.

290
concerne deux côtes de gazelle. La classe D est représentée par 22 éléments en os
longs : 19 sont des métapodes de lièvre ou de renard et un est un radius d’un petit
mammifère de taille renard ; pour les deux autres la partie anatomique n’a pas été
reconnue mais ils pourraient correspondre aux os longs d’un petit animal de
format lièvre ou renard. La classe D1 concerne trois os longs dont deux sont des
métapodes de renard et un serait un métapode ou une phalange de renard. La
classe D2 est représentée par un humérus de lièvre. À la classe DE appartiennent
sept os longs d’oiseau ou de micromammifère dont la partie anatomique n’a pu
être reconnue (métapode ou tibiotarse ?). La classe E est représentée par 6 os
longs : trois tibiotarses ou radius d’oiseau, un tibiotarse de perdrix ou un radius
d’oie, un tibiotarse ainsi qu’une ulna ou un tibiotarse d’oiseau. La classe E1
regroupe dix os longs, des tibiotarses, des radius et des ulnas d’oiseaux de grande
taille de type oie. La classe E2 offre deux os longs, un radius de rapace de taille
moyenne et un ulna de canard colvert. Enfin, la classe E3 concerne huit éléments
dont sept sont des ulnas de petit oiseau de taille sarcelle et un tibiotarse d’oiseau
non déterminé. Les deux classes les plus représentées sont celles des mammifères
de petite taille (D) et des oiseaux (E) ainsi que les variantes de cette dernière (E1,
E2 et E3). Notons par ailleurs qu’aucune relation ne peut être faite entre les classes
et la répartition stratigraphique compte tenu du déséquilibre existant entre les
effectifs de chaque classe.

Les dimensions manquent pour dix pièces. Parmi les 76 pièces dont la
longueur est conservée, une majorité (N=46) mesure entre 10 et 20 mm. Neuf
éléments ont une longueur inférieure à 10 mm, 20 objets ont une longueur
comprise entre 21 et 37.8 mm. Un élément se distingue du lot, avec une longueur
de 52 mm (n° 832, Fig. 7.14b). La longueur n’est pas spécialement liée à la classe
taxonomique (oiseau, petits mammifères, ruminants). Par exemple, celle des
éléments en os de la classe D (mammifères de petite taille) varie de 6 à 32.2 mm et
les longueurs du petit lot en os de la classe C (ongulés de petite taille) vont de 13 à
37.8 mm. Au sein de la classe E, celle des oiseaux, les longueurs pourraient être en
relation avec l’espèce choisie mais ce n’est pas toujours le cas. La longueur des
éléments en os d’oiseau de format sarcelle est majoritairement comprise entre 12.5
et 16.5 mm et les éléments de la classe E1 correspondant aux gros oiseaux de
format oie, gros canard ou rapace ont une longueur égale ou supérieure à 22 mm.

291
Cependant, il existe une pièce en tibiotarse de perdrix (oiseau de petit format de la
classe E3) dont la longueur est supérieure à 35 mm (n° 75). Parmi les éléments
dont la longueur est inférieure à 10 mm, on trouve des os d’oiseaux (classe E), des
os d’oiseaux ou de micromammifère (classe DE), mais aussi un métapode de lièvre
ou de renard (classe D) mesurant 6 mm (phase IIA). Enfin, la pièce de 52 mm de
longueur a été réalisée dans un tibiotarse de gros oiseau de format rapace ou oie
(phase IIIA).

Pour donner une image de la variété des modules par classe taxonomique,
nous avons mis en relation la longueur et la mesure de la section transversale
(Fig. 7.15). Un certain nombre d’objets étant cassés, une seule mesure de section, la
largeur, a été retenue. L’analyse métrique a concerné 60 éléments, après exclusion
de ceux cassés ou non identifiés au niveau de la classe taxonomique. La
distribution confirme la diversité des pièces, malgré un doute concernant les
éléments inférieurs à 10 mm de longueur (classe D/E), et montre une plus grande
homogénéité pour les éléments de la classe D. Cette diversité des modules semble
concerner toutes les périodes mais on peut observer que les éléments sont plus
diversifiés au Khiamien qu’au Mureybétien, surtout pour la largeur (Fig. 7.16).

Des stries transversales, perpendiculaires à l’axe du tube, sont observées sur


un grand nombre d’éléments. Celles-ci pourraient correspondre aux traces de
décarnisation et à l’enlèvement de la peau ou des tendons, lors de la phase
d’extraction de l’os. Des stries longitudinales de raclage sont également observées
sur ces éléments et correspondent aux processus de préparation de l’os
(enlèvement de la couche de périoste) après extraction (cf. Fig. 5.2). Ces traces sont
observées sur 37 éléments.

Le débitage des os longs ou des côtes a été réalisé par sciage. De nombreux
tronçons portent encore des sillons de dérapage, parfois profonds, et de reprise du
sciage (Fig. 7.14f/i). Une fois la paroi bien entamée, l’os pouvait se rompre ou être
délibérément rompu. Une fois scié, l’os était naturellement creux, comme les os
longs, ou rempli du tissu spongieux, nécessitant alors un percement afin de faire
passer le lien d’attache. Deux pièces de la phase IIA en cours de fabrication
montrent un début d’écrasement de la spongiosa : un métapode de format renard
(n° 1122), sur lequel cette opération a démarré avant la fin du débitage de l’os,
l’autre extrémité présentant seulement un début de sciage au ras de l’épiphyse ; et

292
une côte de gazelle (n° 1123, Fig. 7.14j), où un écrasement s’observe aux deux
extrémités. Après le sciage, la phase de finition consiste généralement à égaliser les
extrémités. Sur le site de Mureybet, un certain nombre d’objets ont les extrémités
encore brutes, c'est-à-dire avec la corniche créée lors de la rupture de l’os avant la
fin du sciage. Les observations sur l’état des extrémités ont porté sur 77 pièces, les
autres étant cassées ou n’étant pas accessibles. Une égalisation des extrémités plus
ou moins poussée (simple écrasement ou abrasion) a été constatée sur presque la
moitié des éléments : 31 khiamiens, un natoufien et deux mureybétiens (phase
IIIB). Ceci concerne aussi bien des petites que des moyennes et grandes
pièces (classes C, D et E).

Dans trois cas, après le sciage et avant la finition, le raclage témoigne d’une
volonté de mise en forme du fût dont la morphologie naturelle a été fortement
modifiée. Il s’agit d’un probable métapode de lièvre ou de renard (n° 4457), d’une
côte de petit ou moyen ruminant (n° 43, Fig. 7.14k) et d’un tibiotarse de gros
oiseau, de format rapace ou oie (n° 832, Fig. 7.14h). Les fûts de ces pièces sont
lustrés et ne présentent pas de traces de sciage (abrasés et polis ?). Les extrémités
du métapode (L : 18.3 mm) n’ont pas été égalisées. Le tibiotarse d’oiseau présente
une extrémité régulière et une extrémité incomplète égalisée. L’os de ruminant est
le mieux fini, ses deux extrémités étant régulières. Tous les éléments permettant de
passer un lien portent des traces d’usure quel que soit leur degré de finition. Ces
traces consistent en des émoussements, des corniches, non égalisées dans certains
cas, et d’un lustre important des fûts, où les traces de sciage ne sont plus visibles,
pour certaines autres pièces.

7.2.6.2. Perles tubulaires d’origine minérale


Les éléments tubulaires sont les plus nombreux parmi les perles (13
éléments sur 18).

A. Cylindriques
Les perles cylindriques (Fig. 7.14l/n-o) sont au nombre de cinq (n° 353, 3766,
3451, 2987a, 2987b) (L : 8.9−13.7 mm ; d : 5.5−8 mm). La gamme des couleurs

293
comprend le vert, le marron et le noir. Deux perles datent du Khiamien, la perle
n° 353 (Fig. 7.14l), de couleur vert tacheté (matériau non analysé) et la perle
n° 3766 (Fig. 7.14n), de couleur marron marbré de blanc, elle est en crandallite
(phosphates). Les perles restantes sont du Mureybétien et sont confectionnées en
matériaux foncés. L’une est de couleur noire (n° 3451, Fig. 7.14o), son matériau
s’étant avéré être du clinochlore (ophiolites). Les deux autres, n° 2987a et 2987b,
sont de couleur verdâtre foncé et probablement fabriquées en chlorite (ophiolites).

B. Elliptiques
Les perles elliptiques bitronquées sont également au nombre de cinq. Parmi
elles, trois sont en pierre (n° 3765, 4622, 3370, Fig. 7.14m/p-q) et deux en argile
(n° 2685,1343, Fig. 7.14r-s). La couleur de ces perles est beige et beige rosé. Quant
aux perles en pierre, elles sont toutes de couleur brun marbré, parfois avec des
taches blanches (n° 3370). Leur composition minéralogique indique une
appartenance au groupe des phosphates. Les perles en pierre sont d’un gabarit
plus petit (L : entre 6.3 et 21.8 mm ; d : entre 4.2 et 8.9 mm) que celles en argile (L :
35.5 mm ; d : 22 mm et L : 20 mm ; d : 10 mm).

C. Prismatiques et parallélépipédiques
Les perles prismatiques sont au nombre de trois, dont deux sont
parallélépipédiques (n° 2285, 1021) et une est prismatique de section triangulaire
(n° 910) (L : entre 7.6 et 16.7 mm ; l : entre 1.03 et 5.7 mm). Le matériau utilisé pour
les deux perles khiamiennes (n° 910, 2285) est le crandallite ou woodhouseite
(phosphates) dont la couleur est vert tacheté pour l’une (n° 2285, Fig. 7.14w) et
vert clair pour l’autre (n° 910, Fig. 7.14u). La perle mureybétienne (n° 1021,
Fig. 7.14x) est de couleur noire et fabriquée en clinochlore (ophiolites).

294
7.2.6.3. Perles plates
Quatre perles se distinguent par leur section plate et leurs faces
quadrangulaires. Pour trois d’entre elles (n° 853, 3238, 3953) datant du
Mureybétien, les faces sont carrées (L : entre 16 et 11 mm ; e : entre 4.6 et 5.8 mm)
tandis que celles de la dernière (n° 7453), khiamienne, sont rectangulaires (L : 7
mm ; l : 5.5 mm ; e : 2.9 mm). L’analyse de composition des deux perles carrées
indique du talc (ophiolites) qui est vert pâle dans un cas (n° 3238, Fig. 7.14z) et
rouge foncé dans l’autre (n° 853, Fig. 7.14y) car associé à de l’hématite. La
troisième perle carrée est de couleur vert clair et sa composition n’a pas été
analysée. Elle pourrait appartenir au groupe des phosphates. Enfin, la perle
rectangulaire (n° 7453, Fig. 7.14v) est de couleur vert clair, comme la précédente et,
d’après l’analyse de composition, il s’agit de variscite et de quartz (phosphates).

7.2.6.4. Perle standard


Seul un élément représente la famille des perles standards (n° 641,
Fig. 7.14t) et il date du Mureybétien. Bien que ces proportions ne soient pas tout à
fait égales (L : 16.5 mm ; l : 16.6 mm ; e : 12 mm), elle peut être considérée comme
une perle globuleuse sphérique. De couleur noire, elle contient du clinochlore
associé à de la nimite (ophiolites) d’après l’analyse de sa composition.

7.2.6.5. Techniques de fabrication


Les matériaux utilisés dans la fabrication des perles appartiennent aux
groupes des ophiolites et des phosphates. Pour les roches en ophiolites, la
moyenne de dureté sur l’échelle de Mohs est de 3 pour celles de la famille des
chlorites (chlorite, clinochlore et nimite), et de 2 à 3 pour les celles de la famille du
talc. Dans le cas des roches en phosphates, la crandallite a un indice de dureté
compris entre 4 et 4.5, celui de la variscite est de 4, et les minéraux de phosphates
associés au quartz et à l’argile ont une dureté relative de 3. Les matières utilisées
pour la fabrication des perles peuvent donc être considérées comme tendres ou
moyennement dures (dans le cas de la crandallite).

295
Les techniques d’abrasion en surface sont envisagées pour le façonnage des
préformes. La découverte de la perle parallélépipédique en crandallite (n° 2285,
Fig. 7.14w), abandonnée à l’état de préforme, offre des indices sur les phases de
transformation. La mise en forme a laissé des facettes longitudinales, portant de
fines stries d’abrasion longitudinales sur les côtés de la pièce, transversales,
obliques et croisées sur les faces (Fig. 7.17a, c-d). Les faces de perforation sont
couvertes de stries transversales (Fig. 7.17a/c). Le support abrasif utilisé à ce stade
était très certainement un support à grain fin, vraisemblablement utilisé avec de
l’eau, donnant déjà ainsi à la surface un poli luisant. Le forage a débuté à une
extrémité sur une très faible profondeur (4.3 mm). Le diamètre du trou est de 1.7
mm, le fond est convexe et des stries d’amorce de forage, discontinues, y sont
imprimées (Fig. 7.17b). La finition de la pièce (suppression des arêtes de
façonnage), a donc dû intervenir après le forage.

Sur d’autres éléments la finition n’a pas été poussée, notamment sur les
perles elliptiques de la phase IIA qui présentent encore des arêtes de mise en
forme et des stries d’abrasion. Cependant, il est important de noter que ces perles
sont fabriquées dans de la crandallite, matériau plus dur que le chlorite, et que
leur structure est moins cohérente, ce qui peut expliquer que l’on n’ait pas poussé
le polissage jusqu’à l’écrasement total des arêtes de mise en forme une fois obtenu
un éclat luisant. La phase de finition est visible sur la perle plate rectangulaire de
la période khiamienne (n° 7453, Fig. 7.14v), malgré la présence d’une gangue de
couleur beige qui occulte le poli. Les perles en matériaux tendres de type talc sont
les mieux abouties.

Les perles en argile ont une surface homogène et lisse. Les traces de
fabrication ne sont pas visibles. Le percement est désaxé et biconique dans un cas,
désaxée et cylindrique dans l’autre. Aucun vestige de stries concentriques n’est
visible sur les parois des percements qui sont lisses et luisantes.

Toutes les perles ont été percées par forage à partir des deux extrémités et,
de toute évidence, à l’aide d’un foret à arc : les cônes sont abrupts et l’intérieur des
perforations garde l’empreinte des stries continues. Les diamètres des perforations
indiquent l’utilisation d’outils extrêmement fins. Les zones de jonction des cônes
sont généralement plus étroites que les zones de départ des cônes sauf pour deux
cas où il semble que la partie centrale a été alésée, à moins que cet alésage ait été

296
provoqué par l’usure. Les stries longitudinales de va-et-vient d’alésage sont
observées sur les parois de deux perles plates carrées de la phase IIIB (la verte et la
rouge) qui sont cassées.

Enfin, notons que les arêtes des contours des perforations et arêtes des
contours des objets sont émoussées. Les stries d’abrasion sur les surfaces et sur les
parfois des perforations sont effacées pour la majorité des perles.

7.2.7. Synthèse formes géométriques

Une grande partie des éléments de parure de Mureybet ont des formes
géométriques. Ces formes sont issues majoritairement de cylindres et
d’ellipsoïdes, les formes prismatiques étant rares. Les volumes sont
essentiellement plats. C’est notamment dans les faibles épaisseurs que les
perforations sont effectuées. Ces dernières sont donc majoritairement courtes.

Les classes typologiques sont au nombre de six dont cinq sont des objets à
perforation courte. Il est intéressant de noter qu’au Natoufien les éléments de
forme géométrique sont uniquement ceux à perforation courte centrée. C'est-à-dire
quelques rondelles en pierre ou en test et un disque.

Les premières pendeloques, qu’elles soient de forme géométrique ou


anatomique, apparaissent dans des niveaux Khiamiens. Les pendeloques
khiamiennes sont, comme à la période suivante, le Mureybétien, représentées par
des éléments longs étroits à section arrondie et par des éléments plats. L’une des
deux pendeloques plates du Khiamien est issue du recyclage d’un tore plat cassé.
La deuxième pourrait également être le résultat du recyclage d’une pendeloque à
rainure.

Les perles en matières minérales, comme les pendeloques, ne sont présentes


à Mureybet qu’à partir du Khiamien. Les exemples les plus anciens, provenant de
la phase IB, sont des perles tubulaires. Les perles en os, quant à elles, sont
présentes dès le Natoufien.

Les perles plates apparaissent également au Khiamien mais dans des


niveaux plus récents. Les types quadrangulaires, rectangulaires ou carrés,
représentent les formes les plus anciennes des perles plates avant qu’elles

297
n’évoluent selon des morphologies de plus en plus complexes au cours de la
Néolithisation et jusqu’à l’apparition des métaux (cf. Partie IV). Un seul
exemplaire de perle standard de type sphérique a été découvert sur le site et
provient de la phase IIIA (Mureybétien). Notons que les perles à doubles
perforation longues n’ont pas été trouvées à Mureybet tandis que deux
exemplaires en pierre et une dizaine en terre ont été mises au jour dans le site
contemporain de Jerf. Les perforations doubles parallèles à Mureybet sont
uniquement courtes et ne concernent que des objets de faible épaisseur et en
matériaux très tendres comme le calcaire.

Une large gamme des roches a été exploitée pour la fabrication des
éléments en forme géométrique. D’après l’analyse de composition minéralogique,
plusieurs groupes pétrographiques ont été identifiés dont certains sont d’origine
allochtone comme les ophiolites, les phosphates et les amphiboles. Les rondelles et
les perles sont fabriquées en matériaux généralement de faible dureté comme les
carbonates, les chlorites, les talcs, les serpentines, les phosphates ou les argiles
tandis que les pendeloques étroites de section arrondie à rainure sont réalisées sur
des roches tenaces et dures comme les amphiboles, les hornblendes ou l’albite. Par
ailleurs, le choix des matériaux semble évoluer. En effet, au Khiamien, la présence
d’éléments en phosphates, notamment pour les perles, est importante. Les roches
phosphatées sont plus rares à la période suivante et semblent être remplacées par
en ophiolites. Cette tendance peut être également remarquée sur les perles. Les
ophiolites, notamment de la famille des chlorites, ont été identifiées pour les
éléments d’au moins un collier. Les chlorites, rappelons-le, sont des roches
utilisées pour d’autres catégories d’objets de la culture matérielle, notamment
pour les vases décorés, les plaquettes gravées, les pierres à rainures, ou encore
pour des figurines (tête humaine de Tell ‘Abr). Les chlorites sont des roches dont
l’utilisation est fortement employée dans le domaine artistique et symbolique.

Les rondelles de Tell Mureybet sont fabriquées en test ou en pierre. Celles


en pierre montrent une évolution métrique au cours de l’occupation du site. Le
gabarit des rondelles au Natoufien correspond à des modules variables. Au
Khiamien, le gabarit est également variable mais une concentration des éléments
peut être observée pour les diamètres moyens. Au Mureybétien, les rondelles sont

298
homogènes du point de vue métrique et semblent appartenir à un module bien
défini qui correspond généralement au petit gabarit.

En ce qui concerne le diamètre de perforation, il est intéressant de noter que


la variabilité observée au Natoufien diminue progressivement au cours de la
séquence stratigraphique. De même, le diamètre de perforation se réduit au cours
du temps. Il est plus petit au Mureybétien qu’au Khiamien ou au Natoufien.

S’agit-il d’éléments dont le module a été recherché afin de composer une


ou plusieurs parures ? Cette hypothèse est confortée par la découverte
exceptionnelle d’un collier in situ de la phase IIIA (bâtiment EA 47, cellule h) dont
les rondelles, stockées au Musée d’Alep et non incluses dans cette étude, semblent
avoir des diamètres semblables à ceux des rondelles conservées en France.

Par ailleurs, il semble exister une relation entre le diamètre de perforation


par rapport au diamètre de la rondelle et le type de matériau. Ainsi, la valeur
moyenne de l’indice P/D est plus élevée dans le cas des rondelles en ophiolites que
dans le cas de celles en carbonates. Les rondelles en carbonates ont un diamètre de
perforation relativement plus petit que celui des rondelles en ophiolites en raison
probablement de la dureté plus forte du matériau.

Deux chaînes de transformation ont été distinguées, selon le matériau, pour


les rondelles de Tell Mureybet. Les supports des rondelles en carbonates ont été
obtenus à l’unité par abrasion. Elles ont été par la suite percées par forage
bipolaire. Leurs tranches ont été enfin égalisées par abrasion. Les supports des
rondelles en chlorites ont été obtenus par sciage/tronçonnage d’un bâtonnet
cylindrique poli. Les perforations ont été effectuées à l’unité et ensuite alésées, et
les faces de perforations ont été finalement abrasées. Enfin, le matériau était très
vraisemblablement poli en appliquant de la matière grasse comme lubrifient
(Maréchal & Alarashi 2008, p. 590).

7.3. Forme singulière

L’élément n° 659, datant du Mureybétien, unique en son genre pour la


collection, a été classé comme forme singulière car il ne représente une forme ni
anatomique, ni géométrique. Sa forme est courbe, sa section circulaire et ses

299
extrémités sont arrondies. Portant une perforation courte transversale, il
correspond à une pendeloque haute, mais cassée au niveau de l’extrémité
proximale, celle portant la perforation. La matière est compacte, de couleur ivoire
et veinée. L’objet est parfaitement lisse au toucher et son éclat est luisant. Il
présente un jaunissement partiel caractéristique de la dentine (ivoire). Selon L.
Gourichon (comm. pers.), il pourrait s’agir d’un objet façonné dans une défense de
suidé. La plaque d’émail caractéristique de ces dents a complètement disparue. On
remarquera que la forme de l’objet suit la courbe des veines. Cette forme évoque
un « crochet », notamment au niveau de l’extrémité distale courbe et légèrement
pointue (h : 27,7 mm ; d : 8 mm). Le trou a été réalisé à partir des deux faces et
conserve une forme biconique. Les bords en sont mousses et les parois des cônes
sont lisses.

7.4. Conclusion

Les objets de parure de Mureybet appartiennent aux trois grandes


catégories de formes : les formes anatomiques, les formes géométriques et les
formes singulières. Pour la première des catégories, les coquillages sont les mieux
représentés, notamment par des taxons d’origine locale tandis que les coquilles
marines, de divers taxons, sont plus rares.

Les objets de forme géométriques sont fabriqués en test, en os et en pierre.


Le test est façonné en forme de rondelles fines à profil courbe tandis que des os
longs sont débités en tronçons. Ces tubes en os, de forme généralement
cylindrique, sont les mieux représentés parmi les objets géométriques. Les objets
en pierre quant à eux appartiennent à des nombreuses familles typologiques.
Parmi celles des pendeloques, un type particulier pourrait être un marqueur
chrono-culturel de la période PPNA, bien qu’il soit identifié dès le Khiamien. Il
s’agit des pendeloques étroites à rainure.

Enfin, les phosphates et les ophiolites sont des matériaux que l’on peut
considérer comme caractéristiques de certaines périodes. Les premiers sont plus
récurrents au Khiamien tandis que les seconds sont majoritaires au PPNA. Au

300
cours de cette dernière, les carbonates sont moins fréquents qu’aux périodes
précédentes.

301
302
Chapitre 8. Jerf el-Ahmar

La collection de parure de Jerf el-Ahmar est composée de 185 éléments. Une


partie de ces éléments a été examinée par nous au Musée de Damas, leur lieu de
stockage actuel. Il faut ajouter à ce lot une quinzaine d’objets auxquels nous
n’avons pas pu avoir directement accès. Nous avons pris en compte dans notre
étude certains de ces éléments dont la documentation photographique ou les
dessins permettaient leur description générale (type, forme, couleur, dimensions,
etc.). Cela fait un total de 175 éléments étudiés dont 34 sont en coquillage, 39 en
matière osseuse, 52 en pierre et 50 en terre. Les formes anatomiques, au nombre de
33, concernent uniquement des éléments en coquillage et un élément en os. Les
formes géométriques sont majoritaires avec un total de 140 éléments et sont
fabriqués en coquillage, en os, en pierre et en terre. Seulement un objet en pierre
entre dans la catégorie des formes singulières. Enfin, une pièce en matière osseuse
qui pourrait correspondre à un déchet de fabrication n’a pu être classée (Tabl. 8.1).

Les objets étudiés proviennent des deux Eminences fouillées du site mais
sont bien plus nombreux à l’Est (N=140) qu’à l’Ouest (N=35). La phase ancienne
identifiée uniquement à l’Est a fourni un nombre réduit d’éléments (N=4). Les
niveaux IV/W, V/W et VII/W à l’Ouest sont considérés comme appartenant à une
phase ancienne/moyenne et a également livré peu d’éléments (N=3). La phase
moyenne est la plus riche en objets de parure. Elle a livré un total de 126 éléments.
Les objets de la phase récente sont au nombre de 26 et ceux de la phase de
transition au nombre de 15 (Tabl. 8.1).

Parmi les éléments de parure de Jerf el Ahmar, 95 objets (soit plus de sa


moitié) sont des éléments trouvés isolés. Seuls quatre ensembles d’objets ont été
mis au jour in situ dans des contextes précis. Ils proviennent tous de la phase
moyenne du niveau III/E, dont on rappelle qu’il a été intégralement incendié.

L’ensemble n° 1 est une parure composée de 48 éléments en terre, un en


pierre et un en os trouvé sur le sol du bâtiment EA47 (« la maison brûlée aux
bucranes »), à proximité immédiate d’un bucrane d’aurochs (Fig. 8.1 ; voir aussi
Fig. 8.11 pour quelques exemplaires de la parure).

303
L’ensemble n° 2 est une parure composée de huit éléments en os trouvée
sur un sol extérieur, derrière le mur (mur 137) de la maison EA67.

L’ensemble n° 3 est constitué de 23 coquilles et d’une pendeloque. Cette


parure a été découverte sur le sol de la maison EA8 (Fig. 8.2). Une seconde
pendeloque en pierre ainsi que deux en argile, trouvées dans le même locus,
pourraient faire partie de cet ensemble. Mais nous n’avons malheureusement pas
assez d’information sur cette découverte exceptionnelle, mise à part une série de
photographies documentant plusieurs Theodoxus avec une seule pendeloque en
pierre. Il est possible que les autres éléments composant cette parure aient été
enlevés ou n’aient pas encore été découverts au moment de la prise des photos.

Enfin, l’ensemble n° 4 se compose de cinq coquilles. Cet ensemble a été


découvert à l’extérieur de la maison EA47, derrière le mur E235, dans le même
locus où un très grand nombre d’objets composants la parure n° 1 ont été trouvés.
En fait, dans le locus ZZ19, le mur E235 de la maison EA47 sépare les deux
ensembles. Il ne peut s’agir en aucun cas de la même parure car les éléments en
terre sont massifs et les éléments en coquillages sont minuscules.

Certains éléments découverts isolés et dont l’aspect est peu esthétique


pourraient ne pas être des éléments de parure. Nous les avons cependant traités
selon notre classement typologique en signalant les arguments qui suscitent nos
doutes.

À ce jour, la collection de parure de Jerf el-Ahmar est encore inédite. Seules


des mentions à certaines parures, comme le collier en terre n° 1 de la maison EA47,
ont été faites dans des articles consacrés au site en général (e.g. Stordeur 2014,
Fig. 2, p. 27).

L’identification des coquillages a été faite par nous-même. Celle des


éléments en matières osseuses a bénéficié d’une vérification par L. Gourichon. En
ce qui concerne les matières minérales, un seul élément a pu bénéficier d’une
analyse de composition par diffractométrie. Tous les autres ont été comparés avec
les échantillons analysés de la collection de parure de Mureybet. Concernant
l’argile, utilisée pour un grand nombre d’objets, aucune analyse n’a pu être faite et
sa composition minéralogique demeure inconnue.

304
Au total, 172 éléments de la collection peuvent être classés au sein du
groupe des « éléments à perforation étroite ». Les trois éléments restants pourraient
être classés au sein du groupe des « éléments à perforation large ». Cependant, étant
donné que deux d’entre eux portent des perforations en rapport avec du recyclage,
leur classement au sein du premier groupe, d’après leur dernière transformation,
est plus pertinent. Ainsi, seulement un élément est classé au sein du second
groupe (Tabl. 8.3).

8.1. Les formes anatomiques

Les éléments de forme anatomique sont au nombre de 33, dont 32 en


coquillage (Fig. 8.3) et un en matières osseuses (Fig. 8.5).

8.1.1. Les coquillages

Les coquilles utilisées à Jerf sont du genre Theodoxus, à l’exception de l’une


d’entre elles qui est du genre Melanopsis. Découverts exclusivement dans
l’Eminence Est, 27 de ces éléments appartiennent au niveau III/E (phase moyenne).

8.1.1.1. Nérites d’eau douce et Melanopsis


L’état de préservation des nérites est bon dans deux cas seulement
(Fig. 8.3b). Le reste des nérites (N=31) est en mauvais état dont 25 qui sont brûlées,
ce qui a produit le craquèlement ou la fissuration de leur periostracum et a pu
entraîner leur fracture dans deux cas (Fig. 8.3a). Dans quatre cas, la couche de
periostracum est craquelée et commençait à se desquamer. L’exemplaire unique
de coquille de Melanopsis présente un état moyen de conservation et semble avoir
été chauffé accidentellement (Fig. 8.3c). Notons que les quatre nérites non brûlées
font partie du même ensemble que celui de la Melanopsis (ensemble n° 4).

Les dimensions moyennes de 30 nérites présentent des valeurs relativement


faibles (h : 7.3 mm ; l : 6 mm ; e : 5.2 mm). Une nérite présente des valeurs très

305
élevées par rapport aux autres (h : 12 mm ; l : 9.9 mm ; e : 8 mm). Enfin, la coquille
de Melanopsis a un gabarit semblable à la précédente (h : 12 mm ; d : 7.6 mm).

La hauteur et l’épaisseur des nérites ont été mises en relation afin de tester
la présence de variabilités métriques en fonction de leur appartenance à une
parure ou non (Fig. 8.4). La plupart des nérites se concentrent dans la zone
correspondant aux valeurs basses, excepté l’élément dont les valeurs sont très
élevées (cf. supra) et un élément de format « intermédiaire ». Compte tenu de la
faiblesse des effectifs de la parure n° 4 et des éléments trouvés à l’unité, il peut être
risqué de parler d’un rapport clair entre leur gabarit et le type de découverte.
Cependant, il semblerait qu’au sein de la concentration de points, les éléments
unitaires soient de plus grand gabarit que la grande majorité des éléments
composites d’une parure. Le déséquilibre entre les effectifs des différents niveaux
ne permet pas de tester une éventuelle évolution des gabarits au cours du temps.

Le sommet de la coquille est l’emplacement du percement choisi pour


toutes les nérites. La technique de l’abrasion a été identifiée pour le percement de
30 nérites par les critères suivants : un méplat caractéristique, une plage d’abrasion
très nette et un contour régulier des percements. Les stries d’abrasion à l’intérieur
de la plage ne sont cependant pas visibles. Dans le cas de la plus grosse nérite du
groupe, l’absence de plage d’abrasion et les bordures irrégulières du percement
indiquent l’emploi de la technique de percussion indirecte ou de la pression
(Fig. 8.3b). L’emplacement du percement sur l’unique exemplaire de Melanopsis est
celui du dernier tour sur la face dorsale. La forme du percement est sub-
rectangulaire (Fig. 8.3c) et les bordures sont irrégulières sur certaines zones où l’on
constate quelques micro-arrachements du test. L’aspect naturel fortement bosselé
de la surface de la coquille a dû jouer un rôle dans le choix de la technique de
percement. Celle-ci est soit la percussion indirecte, soit la pression.

Parmi les 30 nérites abrasées (en moyenne, d : 2.7 mm), deux ont un
percement cassé.

Sur quatre nérites, dont trois brûlées, l’apex est percé. Ces percements ne
dépassant jamais 1 mm ont été produits, dans le cas des coquilles brûlées, par
éclatement ou par fracture de la surface à cause du craquèlement du test. Dans le
quatrième cas, il est possible que le percement soit d’origine naturelle.

306
L’état de préservation de la majorité des nérites ne permet pas une
observation optimale des traces d’usure. Néanmoins, certains indices d’usure ont
été repérés. Tout d’abord, les bordures des percements présentent généralement
des reliefs émoussés. Sur deux nérites non brûlées, un lustre est observé sur le
contour du percement. Le percement de 21 nérites présente une légère échancrure
qui ne s’est jamais transformé en encoche. Par ailleurs, le labre de presque toutes
les coquilles (N=25) est cassé et présente une encoche relativement profonde sur
une dizaine d’objets. Dans certains cas, cette encoche correspond à l’orientation de
l’échancrure du percement. Cela signifie que le lien utilisé pour l’attache exerçait
une certaine tension sur les coquilles.

8.1.2. Les matières osseuses

Les formes anatomiques en matières osseuses sont représentées par un seul


élément. Celui-ci est parmi les plus exceptionnels du corpus. Il s’agit d’une
pendeloque réalisée sur une phalange humaine.

8.1.2.1. Pendeloque
La pendeloque n° 43 correspondant à une phalange humaine proximale du
membre supérieur percée transversalement sur son extrémité distale (groupe G)
(Tabl. 8.2). Cet objet provient de l’Eminence Ouest et date de la phase de transition
(niveau I/W). Il a été découvert dans un contexte extérieur, une zone de rejet très
riche en matériel mais dépourvue d’autres restes humains.

Le lien passant par la perforation permet une suspension verticale de la


pendeloque. Cette pièce est assez fragile et la surface de la face dorsale est érodée
et effritée (Fig. 8.5a). Au centre de cette face, le périoste a été arraché après la
découverte. La face externe est en meilleur état mais malheureusement c’est celle
qui porte le numéro de la pièce (h : 37.7 mm ; l : 11.5 mm ; e : 8.9 mm).

Entre la diaphyse et l’épiphyse distale, l’épaisseur de la phalange est la plus


faible. À cet endroit, au centre de la face interne, l’os présente une légère concavité
qui fut choisie comme emplacement de la perforation (Fig. 8.5c). De section
conique, celle-ci a un contour de forme circulaire (d max. face interne : 4.5 mm ; d

307
min. face externe : 3.9 mm). Sur les parois de la perforation, au moins trois bandes
régulières sont séparées par des sillons à fond plat (Fig. 8.5d). Dans l’un de ces
sillons, des stries très fines témoignent d’une abrasion rotative de l’os. La
mauvaise préservation de l’os à l’intérieur de la perforation et la présence de la
cavité médullaire ne permettent pas d’observer les stries de rotation et de vérifier
l’éventuelle existence de points d’arrêt ou, au contraire, une continuité.
Néanmoins, la régularité du contour de la perforation indique l’utilisation d’un
foret mécanisé, de type foret à l’archet. Par ailleurs, une série de stries obliques par
rapport à l’axe de la phalange, relativement profondes et ressemblant plutôt à des
entailles espacées et parallèles entre elles, peuvent être observées sur le bord droit
de la face externe, près de l’extrémité proximale (Fig. 8.5b). Ces traces peuvent être
liées à une intervention technique durant la phase d’extraction. L’extrémité
proximale de la phalange est absente. Son contour érodé ne permet pas de vérifier
si elle a été coupée intentionnellement ou cassée au cours de son utilisation. Outre
le lustre présent sur toutes les parties en relief, l’usure (et donc l’utilisation) est
attestée, par un émoussement important du contour de la perforation et des reliefs
de la pièce.

8.1.3. Synthèse formes anatomiques

Les coquilles identifiées pour les éléments de parure de Jerf el-Ahmar sont
toutes des espèces d’eau douce. Contrairement aux sites contemporains de Jerf
(e.g. Mureybet), aucune espèce marine n’a été reconnue. La technique de
percement employée sur les nérites est l’abrasion. Sur la coquille de Melanopsis, il
pourrait s’agir de la percussion indirecte ou de la pression.

Les traces d’usure indiquent un système d’attache qui contraignait les


nérites à l’immobilité. La présence d’échancrures sur les percements dont
l’orientation coïncide avec les encoches sur les labres indique qu’une forte tension
était exercée sur les coquilles. Ainsi, il ne s’agit pas ici d’une suspension libre mais
d’un système d’attache qui contrôlait l’emplacement de chaque élément, peut-être
par nœud ou par entrelacement. Rappelons que ce schéma a déjà été observé sur
les Theodoxus de Mureybet (cf. supra). Par ailleurs, la tension sur les coquilles peut
être importante si on les associe à d’autres éléments plus lourds au sein d’une

308
même parure portée sur un lien. Rappelons que 23 nérites (ensemble n° 3) ont été
trouvées regroupées et associées à au moins une pendeloque en pierre sur le sol de
la maison EA8 de la phase moyenne (niveau III/E). Sur la photo de la découverte
in situ dont on dispose (Fig. 8.2b), la distribution des coquilles semble suivre la
forme de deux arcs se rejoignant par les extrémités et où au bout de l’une d’elles se
trouvait la pendeloque. L’autre impression que nous donne la photo est que les
nérites étaient alignées les unes à la suite des autres, en une double file aboutissant
à la pendeloque. Mais il est possible que le même lien (une rangée) était replié en
deux sur lui-même, ce qui pourrait donner l’effet, après disparition du lien, d’une
parure à deux rangs. Nous reviendrons sur la composition et l’agencement des
éléments dans la partie IV (cf. chapitre 16).

La seule pendeloque en os découverte sur le site a été réalisée sur une


phalange proximale humaine. Elle constitue un exemple unique d’utilisation
d’ossement humain dans le corpus mais aussi, à notre connaissance, pour
l’ensemble des objets de parure connus à ce jour au Proche-Orient pour cette
période. Les seuls restes humains utilisés pour les éléments de parure sont des
dents. L’exemple le plus proche géographiquement et chronologiquement (bien
que plus tardif) provient des niveaux néolithiques du site turc de Çatalhöyük
découvert récemment (été 2013) d’une molaire humaine perforée sur la racine68
(site internet officiel de Çatalhöyük). Les exemples de dents humaines percées
(incisives et molaires) sont nettement plus nombreux dans les contextes
aurignaciens et gravettiens du Paléolithique supérieur français (Vercoutère et al.
2008). Elles sont également documentées sur le site néolithique de Fimon-Molino
Casarotto (au nord de l’Italie) (Cilli et al. 2001).

68 https://www.flickr.com/photos/42807077@N07/9593163934/meta/

309
8.2. Les formes géométriques

Le groupe d’objets de forme géométrique est composé de 140 éléments dont


deux sont en coquillage, 37 en matières osseuses, 51 en pierre et 50 en terre
(Tabl. 8.1). Très diversifiés, ils appartiennent à neuf classes typologiques parmi
lesquelles huit sont du groupe des « objets à perforation étroite » et un de celui des
« éléments à perforation large » (Tabl. 8.3).

1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

2. Objets à perforation courte centrée (disques)

3. Objets à double perforation bilatérale (éléments biforés)

4. Objets à multiples perforations courtes (éléments écarteurs)

5. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

6. Objets à perforation longue centrée (perles)

7. Objets à perforation longue décentrée (perles/pendeloque)

8. Objets à double perforation longue bilatérale (perles biforées)

9. Objet à perforation large (anneau).

8.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

Au total, parmi les 16 rondelles trouvées à Jerf el Ahmar, 14 sont en pierre,


une en test et une éventuelle « préforme » de rondelle en test. Leur présence est
attestée sur l’Eminence Est dès la phase ancienne et sur l’Eminence Ouest dès la
phase récente. À l’exception de quatre rondelles en pierre trouvées plus ou moins
groupées dans la même zone (niveau I/W) les autres pièces ont été découvertes
isolées. Les contextes correspondent à des couches de démolition, des couches de
construction des sols ou des murs, des zones extérieures et, dans le cas du disque
n° 72, une fosse-foyer.

310
8.2.1.1. Rondelles en test
La description de l’élément en test n° 85 est basée sur les observations faites
à partir de photos et de dessins (Fig. 8.6a). Son volume s’inscrit dans un cylindre
de section circulaire ; la perforation, courte, prend place au centre de l’axe
principal (CY.0.I.C.1) (Tabl. 8.4). Le contour de cet élément est circulaire. Le profil
est courbe et la face convexe est couverte de huit sculptures naturelles de largeur
constante, parallèles entre elles. La face concave est nacrée. Cet élément a été
débité dans une valve de coquillage que nous n’avons pu déterminer. La forme du
contour, anguleuse par endroit (partiellement facettée), suggère une étape
d’égalisation par abrasion (d : 8.3 mm ; e : 1.4 mm). La perforation est de section
cylindrique (dp : 2.9 mm). Cet élément a été découvert dans un contexte de sols
extérieurs correspondant au niveau I/E de la phase moyenne.

Un autre élément en test (n° 105) a été trouvé également dans le niveau I/E
dans un contexte extérieur de démolition. Il s’agit d’un objet de volume discoïde
non percé de forme subcirculaire. La face observée est érodée montrant des
couches superposées de nacre très fragiles en cours de disparition. Cette pièce
semble avoir été débitée (d : 17 mm) dans un matériau nacré (par exemple dans
une valve d’Unio) et dont on a égalisé le contour avant le percement.

8.2.1.2. Rondelles en pierre


Les rondelles en pierre sont au nombre de 14. La classe morphologique
identifiée est celle d’un cylindre de section circulaire à perforation courte centrée
axiale (CY.0.I.C.1) (Fig. 8.6b-i ; Tabl. 8.4).

A. Matériaux, couleurs, types et dimensions


Les matériaux utilisés sont généralement tendres. Parmi eux, neuf
pourraient appartenir au cortège ophiolitique, d’origine allochtone. Dans un cas
(Fig. 8.6g), il s’agit d’une roche dont la dureté est d’environ 2.5. Sa surface polie est
d’aspect gras et elle est de couleur rouge foncé rappelant fortement le talc rouge
identifié sur le site de Mureybet. Dans huit cas, il pourrait s’agir de chlorite (ou de
variétés de chlorite comme la nimite, la chamosite) dont l’indice de dureté se situe

311
autour de 3 sur l’échelle de Mohs et dont les couleurs sont dans les tonalités
foncées du vert et du gris (e.g. Fig. 8.6b-d). Le matériau des cinq autres rondelles
n’a pas pu être déterminé car seules des photos sont disponibles. La couleur des
trois premières est dans la gamme des verdâtres : la première (Fig. 8.6i) est de
couleur bleu à surface mate, la deuxième (Fig. 8.6f) est vert olive mais la surface
est couverte d’une gangue beige, et la troisième (Fig. 8.6h) est de couleur beige et
vert pâle marbré et sa surface est d’aspect gras. Deux rondelles de couleur
blanchâtre (Fig. 8.6e) pourraient appartenir au groupe des carbonates.

Le type cylindrique est identifié uniquement pour les rondelles en chlorite


ainsi que pour les rondelles dont le matériau n’a pas été identifié. Le type
elliptique concerne uniquement la rondelle en talc rouge.

Le diamètre moyen de ces rondelles est de 7.35 mm (min-max : 3.7−12.3


mm) et leur épaisseur moyenne de 2.76 mm (min-max : 1.0−5.7 mm).

B. Techniques et traces d’usure


Les rondelles apportant des renseignements sur les techniques de
fabrication sont peu nombreuses. Des stries de sciage ont pu être observées sur la
tranche d’une rondelle (Fig. 8.6i), accompagnées d’un arrachement de la matière
près de l’intersection de la tranche avec le contour.

La perforation est de section cylindrique dans cinq cas bien qu’elle ait été
réalisée, dans un cas, depuis les deux faces. Le diamètre moyen des perforations
cylindriques est de 2.74 mm. La section est conique dans deux cas et mesure
respectivement 2.2 mm et 4.4 mm. La section biconique est également documentée
dans deux cas. Dans le premier cas (Fig. 8.6i), le diamètre moyen des ouvertures
est de 4.5 mm et la jonction entre les deux cônes est de 2.5 mm. Le diamètre moyen
des ouvertures mesuré sur le deuxième élément est de 2.3 mm et celui de la
jonction entre les deux cônes est de 1.5 mm. Les stries de rotation n’ont pas pu être
observées dans les deux cas examinés au microscope, l’usure les ayant
probablement effacés. Nous n’avons pas observé non plus de traces d’alésage à
l’intérieur de ces perforations mais nous nous interrogeons sur le rapport existant
entre la section cylindrique et le diamètre de la perforation et la place qu’occupe
cette dernière dans le diamètre de la rondelle.

312
Pour cela nous avons calculé le rapport entre le diamètre des rondelles et le
diamètre de perforation. Les pourcentages les plus forts concernent les
perforations cylindriques des rondelles dont les matériaux appartiendraient à la
famille des chlorites (Tabl. 8.5). Peut-on considérer, sur la base de ce constat, que
les perforations cylindriques ont subi un alésage de leurs parois ? L’alésage, s’il a
eu lieu, concernerait-il uniquement les rondelles en chlorite ? Il reste difficile de
conclure à partir d’un effectif aussi faible.

Enfin, les traces d’usure se manifestent sous forme de poli des contours et,
comme nous l’avons dit plus haut, sous forme d’effacement des traces de
fabrication, sans pour autant affecter le volume général des objets.

8.2.2. Objets à perforation courte centrée (disques)

La pièce n° 72 est le seul élément pouvant être considéré comme un disque


(Fig. 8.6j ; Tabl. 8.3). En effet, sa forme s’inscrit dans un cylindre de section
circulaire au centre duquel une perforation courte centrée axiale a été réalisée
(CY.0.I.C.1) (Tabl. 8.4). Il a été fabriqué dans du calcaire crayeux69 de couleur
blanche et son contour est légèrement facetté (d : 17.5 mm ; e : 4.3 mm). Cet
élément, que nous n’avons pu examiner, porte, d’après le dessin et les photos,
plusieurs séries de stries larges et parallèles entre elles, chaque série ayant une
orientation différente. Elles pourraient correspondre aux stries d’abrasion de la
surface. La perforation est biconique et mesure plus de 7 mm à l’ouverture et
environ 5 mm au centre.

8.2.3. Objets à perforations courtes bilatérales (éléments

biforés)

À cette classe appartiennent trois éléments en pierre dont deux proviennent


de l’Eminence Est (n° 45 et 70) et un de l’Eminence Ouest (n° 77). Bien que toutes

69Le calcaire crayeux est un matériau autochtone dont l’approvisionnement peut être fait dans les
environs immédiats du site. Il fut largement utilisé à Jerf el-Ahmar principalement dans la
construction mais aussi pour la réalisation de stèles, de figurines ou de meules, de mollettes et de
divers bassins et récipients.

313
les trois soient dotées de deux perforations distribuées bilatéralement, ces pièces
appartiennent à deux types : les éléments biforés plats (n° 45) et les éléments
biforés annulaires (n° 70 et 77) (Tabl. 8.3).

8.2.3.1. Elément biforé plat elliptique


L’objet n° 45 a été réalisé sur du calcaire tendre blanc beige, selon une forme
cylindrique de section elliptique (presque triangulaire à angles très arrondies)
(Fig. 8.6n). Deux perforations courtes bilatérales sont placées axialement
(CY.1.II.C.2) (Tabl. 8.4). La section est plate et la tranche du contour est arrondie.
Cet objet est relativement grand (h : 32.2 mm ; l : 49.2 mm ; e : 4.5 mm).

Sur l’une des faces et entre les deux perforations, une grande entaille
oblique est marquée, à l’intérieur de laquelle on trouve plusieurs stries de raclage.
Ailleurs, sur la même face, de rares stries fines orientées exactement dans le même
sens que l’entaille ont été observées. Ces traces correspondent sans doute à
l’abrasion de la surface durant la phase de façonnage. L’entaille s’est produite
accidentellement, probablement par excès de pression sur un matériau si tendre et
fragile comme celui-ci. Par ailleurs, la surface est parsemée de minuscules trous
qui ont dû se produire par arrachement durant l’abrasion ou par entrechoquement
d’usure.

Les perforations, biconiques, sont disposées symétriquement de part et


d’autre du centre de la pièce, toutes deux sur le même niveau, dans le sens de la
longueur de la pièce. La plus grande mesure 8.2 mm sur une face et 7.6 mm sur
l’autre, et la plus petite 4.3 mm sur une face et 2.5 mm sur l’autre. Les perforations
sont bipolaires et la plus grande est désaxée, montrant ainsi un palier
correspondant à la jonction entre les deux cônes. Les stries sont conservées
notamment dans la paroi formant une continuité avec le palier. L’usure intense sur
une zone de la paroi de perforation a complètement effacé les stries de rotation. Le
contour de la petite perforation est émoussé et présente une légère échancrure
orientée vers le bord, dans l’axe des deux perforations. La grande, plus usée, a une
échancrure assez grande dans le sens opposé à celui de la petite perforation. Sur
chacune, deux légers étirements en sens opposés peuvent être observés. Le
premier est orienté vers le centre de la pièce, en direction de la seconde perforation

314
tandis que l’autre est orienté dans le sens opposé, vers le contour de l’objet. Les
étirements en direction du centre suggèrent que la pièce était attachée en faisant
passer le lien entre les deux et sur le « pont » qui les sépare. Quant aux seconds
étirements en direction opposées, ils suggèrent que la pièce a été tirée de part et
d’autre.

Enfin, cet élément a été trouvé sous le radier de la maison EA2 au niveau
II/E de la phase moyenne. À proximité (même couche, même locus), deux autres
éléments de parure furent découverts, une perle sphéroïde en terre (n° 42) et une
rondelle en pierre (n° 91).

8.2.3.2. Eléments biforés annulaires


Sur deux fragments provenant d’objet de volume torique de section
circulaire, des perforations courtes symétriques bilatérales ont été aménagées à
chaque extrémité (TO.0.II.C.2) (Tabl. 8.4). Il s’agit de deux cas de recyclage
d’anneaux cassés, tous deux de la phase récente mais l’un (n° 70) provient de
l’Eminence Ouest et le second (n° 77) de l’Eminence Est.

Les matériaux utilisés sont d’origine allochtone. L’élément n° 70 a bénéficié


de l’analyse de composition minéralogique par diffractométrie aux rayons X et sa
composition s’est révélée être de la chamosite, roche de la famille des chlorites. Cet
objet est de couleur anthracite foncé à éclat gras, mais a un aspect de résine sur la
cassure. Il représente la moitié d’un anneau cassé, la cassure étant ancienne
(Fig. 8.6k). La circonférence externe ne dessine pas un cercle mais plutôt une
ellipse (de : 22.2 mm ; di : 14.1 mm). La section est elliptique (d : 5.1 mm), sauf près
d’une extrémité où elle est circulaire (d : 4 mm). Une perforation a été aménagée
sur chaque extrémité brisée).

Les traces de façonnage ont été complètement effacées et remplacées par les
traces d’usure. Celles-ci sont représentées par un émoussement global de toute la
pièce, l’effacement de toutes les arêtes et l’aplanissement de toutes les zones
convexes. À la place de ces dernières, des micro-facettes en forme de bandes fines
de 1 mm environ ont été observées sur les deux faces. Les perforations, de section
biconique, ont été créées plus tardivement, après la fracture de l’anneau (dp : 2.4 et
2.7 mm ; dj : 1.8 mm env.). Bien qu’elles soient usées notamment au niveau du

315
pourtour, elles conservent encore les stries de forage sur les parois. Celles-ci sont
parallèles et continues. La technique employée est celle de l’abrasion rotative
activée très vraisemblablement par un foret à l’archet.

Cet élément a été trouvé isolé dans une aire extérieure au nord de la maison
EA10, la maison à « cuisine » (Stordeur 2012, p. 38).

L’élément n° 77 a été fabriqué dans un matériau rouge foncé rappelant la


couleur des objets en talc identifiés sur des sites contemporains tels que Mureybet.
D’après les photos (Fig. 8.6l), cet élément a une surface qui n’est pas très lisse et
présente de nombreuses rayures blanchâtres. La matière est sans éclat et semble
être d’une couleur plus foncée sur les zones polies. Le volume de cet élément
correspond au tiers d’un anneau entier (de : 33.4 mm ; di : 18 mm) de section
circulaire (d : 9.7 mm). Les perforations sont de section biconique (pour l’une, dp :
3.8 et 2.8 mm, dj : 2.2 mm ; pour l’autre, dp : 3.5 et 3.4 mm, dj 3.1 mm).

Les traces de fabrication n’ont pas pu être observées sur les photos.
Cependant, d’après le dessin, des traits parallèles successifs sur la zone interne de
la paroi de l’anneau sont à signaler. Ils pourraient correspondre aux stries ou aux
sillons liés à l’évidement de l’anneau par un mouvement rotatif. Comme une
grande partie des objets, cet élément a été également trouvé isolé dans une aire
extérieure.

Notons par ailleurs qu’un fragment d’anneau à section plate (n° 78),
provenant aussi de la phase récente et façonné dans le même matériau de couleur
rouge foncée que celui de l’objet n° 77, a été trouvé dans un locus de fouille
adjacent (Fig. 8.6m). Ce fragment, contrairement à l’objet n° 77, ne contient aucune
perforation permettant un portage par suspension (cf. infra).

8.2.4. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

Au total, 24 objets appartiennent à cette classe (Tabl. 8.3). Deux familles


typologiques ont été distinguées : les pendeloques plates et les pendeloques
étroites à section arrondie. La première famille contient 18 éléments dont 17 en
pierre et un en terre. La seconde est composée de six éléments.

316
8.2.4.1. Pendeloques étroites à section arrondie
Au total, six pendeloques étroites à section arrondie ont été découvertes à
Jerf el-Ahmar. Parmi elles quatre proviennent du niveau III/E (phase moyenne) et
deux de du niveau I/W (phase de transition) et un du niveau II/W (phase récente).
Deux types sont distingués : les pendeloques étroites simples et les pendeloques
étroites à rainure ou à relief.

A. Pendeloques étroites simples


Deux pièces sont classées parmi les pendeloques étroites simples (n° 63 et
100). La première a été trouvée isolée dans la démolition de la partie nord de la
pièce un de la maison EA48 du niveau III/E. La seconde a été trouvée dans un
radier de la cellule 6 du bâtiment communautaire EA30 du niveau II/W. Dans la
même couche et le même locus, un élément en terre (n° 35) fut également
découvert (cf. infra).

La pendeloque n° 100 a été examinée uniquement sur photos et dessins


(Fig. 8.7a). Bien que l’objet n° 63 soit cylindrique dans la partie distale et
légèrement conique dans la partie proximale, les formes de ces pendeloques
s’inscrivent dans des cylindres à section circulaire. Une perforation courte
décentrée les traverse transversalement (CY.0.I.C.4) (Tabl. 8.4).

Les matériaux utilisés sont du calcaire tendre crayeux de couleur blanc


beige pour l’élément n° 63 et du talc, de couleur rouge foncé pour la pièce n° 100.
L’objet n° 63, dont le matériau est fragile et détérioré, présente deux cassures : une
sur l’extrémité proximale emportant presque la totalité de la perforation et l’autre
sur l’extrémité distale. La hauteur conservée est de 29 mm et le diamètre est de
10.3 mm. La pendeloque n° 100 mesure 22.2 mm de hauteur et 6.9 mm de
diamètre. Sa perforation, biconique, mesure 4.4 mm de diamètre de chaque côté et
le cercle de jonction entre les deux cônes mesure 3.2 mm de diamètre. Les traces de
fabrication et d’usure n’ont pu être observées sur ces pièces.

317
B. Pendeloques étroites à rainure ou à relief
Quatre éléments appartiennent à ce type. Seul l’un d’entre eux a pu
bénéficier d’un examen (n° 30), les trois autres (n° 92, 93 et 101) ayant été déposés
directement après leur découverte aux musées d’Alep et de Damas70. Ils ont donc
été étudiés à partir de photographies et de dessins.

La pendeloque n° 30 (Fig. 8.7d) fut découverte dans une couche de rejet


riche en matériel archéologique située dans une aire extérieure liée à la maison
EA 54 du niveau I/W (phase de transition). Aucun autre élément de parure n’a été
trouvé en association avec elle. La forme s’inscrit dans un cylindre de section
circulaire aménagé avec une perforation courte décentrée transversale (CY.0.I.C.4)
(Tabl. 8.4). Le matériau est d’aspect savonneux et d’éclat gras, légèrement
translucide dans les zones où la matière est amincie. La couleur est d’un vert
sombre dans les zones épaisses et vert jaune claire là où la matière est translucide.
La dureté de cette roche est peu élevée, son indice sur l’échelle de Mohs étant de 3.
Il s’agit très probablement d’une roche de la famille des serpentines. Une cassure
sur la partie proximale a emporté la presque totalité de la perforation (h : 55.5
mm ; d : 14.5 mm).

Chaque face est marquée par une rainure. Sur l’une, la rainure, longue de
47 mm pour une largeur légèrement supérieure à 2 mm et une profondeur
d’environ 1 mm, démarre sous la perforation et est interrompue par une cassure
ancienne de la partie distale de l’objet. Sur l’autre face, la rainure est moins
marquée et mesure 44 mm de longueur, 1 mm de largeur et 0.6 mm de
profondeur. Les traces de débitage et de façonnage ont été oblitérées par les traces
d’usure. Seule la rainure conserve, sur le fond et sur les parois, des stries
longitudinales très fines et subparallèles (Fig. 8.8c). Des stries de dérapage de
rainurage ont été observées sur la rainure la plus large et profonde.

La perforation est de section biconique mais les deux cônes sont très
désaxés. Les stries de rotation sont marquées sur la partie conservée des parois de
la perforation (Fig. 8.8a). Très fines, elles s’inscrivent dans des bandes de 500 µm
environ. Sur la paroi d’un cône qui fait 4 mm de profondeur, 6 bandes de stries ont
été comptées.

70 L’accès à ces pendeloques n’a pu être possible pour des raisons administratives.

318
Le volume entier de la pendeloque est très émoussé, comme on peut le voir
par exemple près de la perforation (Fig. 8.8b). Plusieurs rayures et entailles
aléatoires couvrent les deux surfaces. Sur la partie distale de l’une des faces, la
matière est détériorée et en cours de disparition. On peut détecter cela par une
superposition des couches en litage. L’extrémité distale de la pendeloque,
anciennement cassée, présente une surface particulièrement usée.

La pendeloque n° 93 (Fig. 8.7b) fait partie de l’ensemble de parure n° 3


(Fig. 8.2b). Rappelons que celui-ci est composé également de 23 Theodoxus (cf.
supra). Cette parure fut trouvée in situ dans la maison incendiée EA 8 du niveau
III/E (phase moyenne). Sa forme s’inscrit dans un volume ellipsoïde de section
subcirculaire et, comme la précédente, elle porte une perforation courte décentrée
transversale (EL.1.I.C.4) (Tabl. 8.4). Avec une extrémité distale droite, cette
pendeloque est haute de 18.5 mm et large de 7.2 mm. Elle porte une rainure sur
chacune de ses faces. Les deux rainures démarrent sous la perforation et se
terminent sur l’extrémité distale. L’une des rainures est presque égale au diamètre
de la perforation sur la même face (dp : 4 mm et 3.1 mm sur l’autre face ; dj : 2.7
mm).

Le matériau utilisé pour la pendeloque n° 93 est d’un éclat gras et de


couleur verdâtre marbré, de tonalité foncée. Il pourrait s’agir d’une roche de la
famille des serpentines.

La pendeloque n° 92 (Fig. 8.7c) a été trouvée dans la même zone que la


parure n° 3 (phase moyenne)71. Sa forme s’inscrit dans un ellipsoïde à section
quadrangulaire trapézoïdale, sa perforation est courte décentrée transversale
(EL.4t.I.C.4) (Tabl. 8.4). Comme la précédente, elle est d’un éclat gras et de couleur
vert marbré mais aux tonalités plus claires. Elle a probablement été fabriquée en
roche de la famille des serpentines. Sa forme depuis la face de perforation est sub-
trapézoïdale et ses extrémités sont obliques convergentes. Les bords latéraux sont
légèrement convexes, l’un étant plus court que l’autre (h : 32.2 mm ; l : 6.4 mm).
Nous ne disposons pas d’autres photos montrant les autres faces de la
pendeloque. Toutefois, d’après sa morphologie, son matériau et ses dimensions,

71 Nous ne savons pas en revanche si elle faisait partie du même ensemble (la photo de la parure in

situ ne montre pas cette pendeloque mais il est possible que la photo ait été prise avant ou après la
découverte).

319
une des faces pourrait porter une rainure. Enfin, d’après la forme du volume, et
bien que cette hypothèse ne puisse être confirmée qu’après examen approfondi, il
est probable que cet objet ait été réalisé à partir de la partie tranchante d’une
hachette.

La pendeloque n° 101 (Fig. 8.7e) a été trouvée dans une couche de couleur
orange composée de limon et de charbon, dans une aire extérieure au nord de la
maison EA47 (« la maison à bucranes », niveau III/E). Aucun autre objet de parure
n’a été trouvé avec elle.

Le matériau utilisé est de couleur vert olive tacheté d’un vert plus sombre
ou plus claire. D’éclat gras, cette roche rappelle, comme les roches utilisées pour
les pendeloques précédentes, la serpentinite. Le volume correspond, comme la
pendeloque n° 92, à un ellipsoïde de section quadrangulaire trapézoïdale dans
lequel une perforation courte décentrée transversale a été aménagée (EL.4t.I.C.4)
(Tabl. 8.4). Les faces de cette pendeloque sont fusiformes (h : 75.2 mm ; l : 13.8
mm ; e : 12.3 mm). La jonction entre les deux faces les plus étroites se manifeste
par une arête droite. Cette arête prend la forme d’un tranchant aigu sur chacune
des extrémités. Les faces de la perforation sont les plus larges. Elles sont de forme
biconvexe (lenticulaire). Les extrémités vues depuis la face de perforation sont
bombées et arrondies pour l’une, pointues et aiguës pour l’autre. La perforation,
biconique et légèrement désaxée (dp : 4.1 et 3.9 mm ; dj : 2.3 mm), est située près
de l’extrémité bombée. Vue de profil, cette pendeloque affiche une forme sub-
rectangulaire à extrémités et bords latéraux légèrement convexes. L’extrémité
distale est légèrement oblique. Au centre de la face de perforation, une
proéminence (relief) longitudinale et rectiligne parcourt la surface depuis le
dessous de la perforation jusqu’à l’extrémité pointue de la pendeloque. L’autre
face de la perforation est marquée par le relief.

Nous n’avons pas pu examiner la pièce directement mais d’après D.


Stordeur « la grande pendeloque en marbre vert est le résultat du recyclage d’une hachette
brisée et retaillée par sciage latéral » (rapport de fouilles 1998, p. 11). L’hypothèse
d’un recyclage à partir d’un fragment de hachette est plausible compte tenu de la
nature du matériau, la présence d’un bord tranchant, la qualité de polissage des
surfaces et les dimensions. Le sciage, s’il a eu lieu, a dû être effectué sur les faces
qui sont devenues par la suite celles de la perforation. On y reconnaît, grâce aux

320
photos et aux dessins, des stries longitudinales parallèles de chaque côté des
reliefs. Si l’on accepte le postulat de la mise en forme du volume par sciage, il est
évident que celui-ci n’a pas attaqué la matière dans sa totalité mais l’a entamé,
sous forme d’un sillon profond, de tous les côtés. La séparation des deux volumes
sciés fut effectuée par la suite soit par flexion, soit par pression, soit par l’une des
techniques de percussion. Les parties non sciées de la matière correspondent aux
reliefs longitudinaux qui ont été abrasés et polis afin de régulariser leur tranche
(qui devait être ébréchée à cause de la rupture). La petite facette lisse sur chaque
relief témoigne d’un travail de finition assez soigné.

Bien qu’elle soit dépourvue de rainure, cette pendeloque correspond selon


nous au style et à l’esprit des pendeloques à rainures, l’emplacement des reliefs
étant identique à celui choisi pour les rainures.

8.2.4.2. Pendeloques plates


Au nombre de 18, les pendeloques plates sont les éléments de parure les
plus nombreux sur le site. Parmi elles, douze ont été découvertes sur l’Eminence
Est et cinq seulement proviennent de l’Eminence Ouest. Les objets ont été
distingués en fonction de la géométrie faciale et de l’emplacement de la
perforation. Ainsi, nous parlerons ici des pendeloques circulaires (quatre), des
pendeloques elliptiques hautes (huit), d’une pendeloque trapézoïdale haute, des
pendeloques elliptiques larges (deux) et d’une pendeloque semi elliptique large.
La géométrie faciale n’a pas pu être caractérisée pour un élément cassé (n° 40).

A. Circulaires
Les pendeloques plates circulaires, au nombre de quatre. Parmi elles deux
proviennent de la phase moyenne (n° 89 et 56) et les deux autres de la phase
récente (n° 74 et 86). La pendeloque n° 86 fut découverte dans un contexte d’aire
extérieure avec deux autres éléments de parure : une rondelle en carbonates
(n° 82) et un tube en os long d’oiseau de petite taille. Malheureusement nous ne
disposons pas de précisions sur la nature de la couche archéologique ou sur la
position de ces éléments dans une structure extérieure, sur un sol ou dans une

321
zone de rejet. Les autres pendeloques circulaires ont été découvertes isolées, sans
association à d’autres objets de parure. La pendeloque n° 56 (Fig. 8.7f) a été
trouvée sur un sol brûlé en place à l’intérieur de la maison EA 25 (niveau III/E), et
l’élément n° 89 sur le sol de la maison EA 1 (niveau I/E).

Le volume de ces objets est cylindrique de section circulaire. Une


perforation courte décentrée prend place suivant l’axe principal (CY.0.I.C.3)
(Tabl. 8.4).

Les matériaux utilisés pour ces pendeloques n’ont pas été identifiés. Parmi
les quatre éléments, seulement un a été examiné (n° 56). Les autres ont été étudiés
uniquement à partir de photographies et de dessins. D’après l’aspect de la surface
de l’un d’eux (n° 89) et sa couleur orange marron clair tacheté de gris, il pourrait
s’agir d’un galet en carbonates (calcite ?). Deux autres pièces (n° 56 et 74) ont été
façonnées dans des roches couleur gris vert à surface granuleuse matte sans aucun
éclat. L’objet n° 86 semble avoir été fabriqué sur un support en carbonates de
couleur blanc. La surface est assez altérée. La géométrie faciale de ces pièces
s’inscrit dans des cercles plus ou moins réguliers. Dans le cas de l’objet n° 56, il
s’agit d’un contour facetté sur la partie proximale, celle portant la perforation, et
circulaire sur la partie distale. Le contour est subcirculaire pour l’objet n° 89 mais
les courbes sont plus prononcées pour les zones proximale et distale qu’elles ne le
sont sur les zones latérales. La forme des pendeloques n° 74 et 86 est subcirculaire
avec un côté latéral droit. En ce qui concerne le volume de ces objets, 3 d’entre eux
ont relativement le même gabarit (en moyenne, d : 38.57 mm ; e : 5.50 mm). La
pendeloque n° 89, se distingue par ses dimensions plus réduites que les autres (d :
28 mm ; e : 7 mm).

La pendeloque n° 56 est riche en stigmates liées à sa fabrication (Fig. 8.7f).


Sur les deux faces, des séries de stries fines, longues et parallèles ont été observées
près de la zone de l’intersection entre la face et le contour. Sur la tranche du
contour, partiellement facetté, de longues stries parallèles sont croisées et
superposées par des stries transversales relativement larges. Le façonnage de cet
élément fut entièrement effectué par abrasion. Les stries de celle-ci sont encore
visibles, cette pendeloque n’a donc pas bénéficié d’un polissage de finition. La
perforation est de section biconique (dp : 4.3 mm ; dj : 2.5 mm). Les stries de
rotation sont encore visibles sur la paroi de la partie distale de la perforation et

322
partiellement effacées sur sa partie proximale, la plus haute. Le pourtour de la
perforation sur cette partie est émoussé et présente une coloration plus foncée que
le reste du pourtour, liée à l’usure. Les stries d’abrasion sur la tranche de la face,
mais aussi sur la facette du contour se trouvant au niveau de la perforation, sont
émoussées et adoucies, contrairement aux stries sur les facettes adjacentes. En
effet, cette zone correspond au passage du lien qui a permis la suspension de
l’élément, suspension très certainement contrainte, c'est-à-dire que le lien fut en
contact avec la tranche du contour.

Les pendeloques n° 74, 86 et 89 ont été examinées uniquement sur supports


photographiques et sur dessins et n’ont donc pu faire l’objet d’une étude
tracéologique. Notons cependant quelques remarques qui peuvent être tirées de
leur morphologie générale et de leur aspect de surface. En ce qui concerne la
pendeloque n° 89, la surface est entièrement émoussée et polie. La perforation est
très grande et de forme irrégulière, ce qui indique qu’elle pourrait être naturelle.
La pièce est entièrement émoussée et arrondie. La zone correspondant à la partie
haute du pourtour du trou est affectée dans son volume. Elle semble en effet
amincie et un début d’encoche est visible. Ce stigmate peut être lié à l’usure et
indique très vraisemblablement un mode d’attache par suspension contrainte. Les
perforations des éléments n° 74 et 86 sont cassées dans leur partie supérieure et
leur section est biconique. Il est possible que leur fracture soit liée à une usure
prolongée.

B. Elliptiques hautes
Au nombre de huit, les pendeloques elliptiques hautes ont été
majoritairement fabriquées en pierre (sept éléments), auxquels s’ajoute un élément
en terre. Les pendeloques en pierre ont toutes été découvertes isolées, sans
association avec d’autres éléments de parure.

Les volumes s’inscrivent pour la majorité (sept) dans des cylindres de


section elliptique dans lesquelles une perforation courte décentrée a été réalisée
dans le sens de l’axe principal (CY.1.I.C.3). Le volume ellipsoïde de section
elliptique est distingué uniquement pour l’élément en terre. La perforation courte
décentrée est dans l’axe transversal (EL.1.I.C.4).

323
Deux éléments ont été trouvés à l’intérieur de maisons : le n° 49 dans une
couche de démolition de la maison EA 19 (niveau I/E) et le n° 55 dans les
fondations des murs de EA8 (niveau II/E). L’objet n° 61 provient clairement d’une
couche de démolition extérieure contenant de la terre à bâtir et des déchets
(niveau 0/E). Les autres pendeloques furent découvertes dans des aires extérieures
de rejets que nous n’avons pu associer à des structures précises : n° 29 (niveau
V/W), n° 36 (niveau VII/W), n° 51 et n° 52 (niveau I/E).

La pendeloque en terre (48T ; Fig. 8.11q) est quant à elle la seule à être
associée à une parure composée de 50 éléments pour la majorité en terre, trouvée
in situ dans la maison EA 47 (niveau III/E), dite « Maison aux bucranes », autour
d’un bucrane (cf. infra). Cette pièce est l’exemplaire unique de pendeloque à
perforation courte en terre72 dont nous disposons, à la fois pour la collection de
Jerf el Ahmar mais aussi pour l’ensemble du corpus. Cassée sur sa partie distale, la
hauteur conservée est de 28.8 mm mais, d’après notre estimation, sa hauteur
d’origine aurait pu atteindre 37 mm environ (l : 34.4 mm ; e : 17.6 mm). La
perforation est de forme irrégulière (dp : 13.6 mm).

La pâte est composée de terre fine dont la couleur de base est beige claire,
plus foncée dans certaines zones. Vue depuis sa cassure, la masse de terre
composant l’intérieur de l’objet est de la même couleur que celle de la face externe.
Le dégraissant utilisé dans la pâte est minéral, consistant en de minuscules
particules brillantes. Aucune empreinte de doigt ou d’outil n’a été documentée sur
la partie conservée, indiquant que la surface a été lissée après modelage. La
perforation semble avoir été réalisée par enfoncement d’une tige dans la pâte
molle. La pâte montre des traces de cuisson. Cependant, nous ignorons s’il s’agit
d’une cuisson intentionnelle ou accidentelle, en sachant par ailleurs que cet
élément provient du niveau III/E où toutes les architectures ont été incendiées
(Stordeur et Abbès 2002, p. 568).

Une profonde encoche est documentée sur le contour de la perforation. Au


même niveau, mais sur la zone du contour de la pendeloque, un amincissement de
la matière sous forme d’enlèvement a également été observé. Cette zone
correspond vraisemblablement à celle du passage du lien.

72Rappelons qu’aucune analyse n’a été faite sur les objets en terre que ça soit concernant la
composition minéralogique de la pâte, sa cuisson ou les aspects techniques de modelage.

324
Les autres pendeloques elliptiques hautes sont fabriquées en pierre. Six
d’entre elles sont complètes et une autre conserve uniquement sa partie mésiale.
Celle-ci (n° 51), ainsi qu’un autre élément entier (n° 61), ont été abandonnés en
cours de perforation. Les cinq autres pendeloques sont des objets « finis ».

Deux matériaux ont été identifiés pour ces pendeloques : des galets simples,
tels ceux que l’on trouve actuellement sur les rives de l’Euphrate (n° 51, 52, 55 et
61), et du calcaire tendre (n° 29 et 49). Pour un élément (n° 36, Fig. 8.7j), dont le
matériau semble plus dur que le calcaire (calcite ?), l’identification n’a pas été
possible. Cependant, son examen à la loupe binoculaire à fort grossissement a
permis l’identification de micro-organismes fossiles identiques à ceux que l’on
trouve dans les galets de l’Euphrate. Il pourrait donc s’agir d’un galet dont la
forme naturelle a été entièrement modifiée. Les couleurs sont à l’origine dans la
gamme des blanchâtres, sauf pour la pendeloque n° 29 (Fig. 8.7i) qui a dû être
teintée d’une couleur noire marron foncée car elle a été découverte dans une
couche charbonneuse. En effet, elle semble avoir été « salie » mais, étant en calcaire
tendre donc fragile, nous avons évité son nettoyage à l’eau. La géométrie faciale de
ces pendeloques correspond à une ellipse plus ou moins régulière. Cependant, la
pendeloque n° 36 offre une forme assez particulière. Bien que s’inscrivant dans
une ellipse, ces extrémités sont étirées et forment des convexités légèrement
détachées de la forme générale. Cette forme évoque celle d’un citron.

Il est intéressant de signaler l’existence d’un objet plat non perforé (n° 102,
Fig. 8.7k) dont la forme et les dimensions sont semblables à cette pendeloque. Il est
probable que cet objet soit une « préforme» destinée à devenir une pendeloque
semblable à la n° 36. Notons cependant que ces deux éléments ne sont pas
contemporains, l’objet n° 102 étant bien plus récent (phase de transition, niveau
I/W).

La géométrie faciale s’exprime également par le rapport entre les


dimensions (presque aussi large que haute ou plus haute que large). La
pendeloque n° 49 représente une exception dans ce groupe car elle est de faible
largeur contrairement aux autres pendeloques elliptiques hautes. Les gabarits
peuvent être classés en trois modules : grand, moyen et petit. Le premier (en
moyenne, h : 44.67 mm ; l : 27.93 mm ; e : 5.97 mm) regroupe trois éléments, les
deux en calcaire tendre (n° 29 et 49) et un possible galet (n° 36). Le gabarit moyen

325
concerne une seule pendeloque en galet, la n° 55 (Fig. 8.7h ; h : 27.5 mm ; l : 22.7
mm ; e : 4.2 mm). Le petit gabarit (en moyenne, h : 15.25 mm ; l : 10 mm ; e : 3.1
mm) concerne deux galets, les pendeloques n° 52 (Fig. 8.7g) et 61, ainsi que la
pendeloque en galet n° 51, conservée uniquement sur sa partie mésiale.

Le façonnage a été réalisé par abrasion sur les éléments en calcaire tendre
(n° 29 et 49). Ce matériau, fragile et friable, a dû être abrasé sur un support à grain
fin. La pendeloque n° 36 conserve encore un contour facetté par endroits. La
perforation de ces éléments s’est faite de part et d’autre, le contour est régulier et
des stries concentriques sont enregistrées sur les parois (n° 49). Les traces
techniques sur les pendeloques en galet concernent uniquement la perforation.
Celle-ci a été réalisée de chaque côté par un mouvement rotatif continu. Celui-ci a
produit des stries concentriques très régulières et sans point d’arrêts suggérant
l’utilisation d’un foret à l’archet. Avant d’entamer la perforation, l’emplacement
de celle-ci a été marqué par des incisions croisées et par le creusement (n° 51) de
petites cupules grossières (n° 61) sur les deux faces. Les traces d’usure que nous
avons observées sont un léger lustre et un émoussement des contours des
perforations et des pièces. Les stries de perforation sont effacées partiellement,
dans les zones de passage du lien, généralement dans la partie proximale de la
perforation (n° 29). Dans certains cas, cet effacement est accompagné d’un léger
étirement sur le contour de la perforation comme c’est le cas pour la pendeloque
n° 36. La perforation de celle-ci est par ailleurs décentrée dans le sens de la
largeur : la pendeloque suspendue librement par un lien passant à l’intérieur de
cette perforation s’afficherait verticalement mais pencherait dans la direction
opposée à celle de l’emplacement de la perforation.

C. Elliptiques larges
Les pendeloques elliptiques larges sont au nombre de deux. La première
(n° 48) a été découverte sans association avec d’autres objets de parure, dans une
couche extérieure liée à la maison EA 38 (niveau III/W) de la phase récente, et la
seconde (n° 67) a également été trouvée isolée dans une couche de destruction de
la maison EA 46, comprenant de la terre à bâtir brûlée entre des moellons et des
pierres à cigare de la maison EA 46 (niveau VII/E) de la phase ancienne. Il s’agit

326
du seul élément de parure provenant de ce niveau et, du plus ancien élément de
parure trouvé dans le site.

La classe morphologique de ces éléments (CY.1.I.C.3) est également


identifiée pour les pendeloques elliptiques hautes.

Du calcaire tendre a été utilisé pour la première pendeloque (Fig. 8.7l). Sur
l’une des faces, autour et sous la partie distale de la perforation, un dépôt
blanchâtre accumulatif rappelant des fibres ou des phytolithes a pu être observé.
Le matériau utilisé pour la seconde pendeloque n’a pu être identifié. Notons que
celle-ci est brûlée.

Toutes les deux sont cassées sur leur partie latérale. Les gabarits sont
différents et la forme de la pendeloque n° 48 (h : 43.3 mm ; l : 50 mm env., e :
8 mm) est plus elliptique que celle de la seconde (h : 20.7 mm ; l : 29.8 mm env. ; e :
4.8 mm). En effet, si les bords latéraux de celle-ci s’inscrivent dans une ellipse, les
bords proximal et distal sont parallèles entre eux.

Les traces de fabrication sur l’élément en calcaire ne sont pas visibles à


cause de l’état de la surface (dépôt ou saletés non nettoyées pour éviter d’abîmer
la matière). Néanmoins, d’après la forme très régulière du contour qui témoigne
d’une symétrie presque parfaite (Fig. 8.7l), le façonnage a dû être réalisé avec soin.
La perforation est de section biconique, bien que le creusement de presque la
totalité du tube fut effectué depuis une face et que l’autre fut entamée juste pour
l’achèvement de la perforation. Le cône profond montre une légère déviation de
l’axe de la perforation, ce qui a créé un effet de palier sur la paroi. Cet effet est
probablement lié également à la morphologie de la mèche perforante. L’ouverture
de la perforation sur la face d’attaque la plus profonde mesure 7.8 mm (dp : 4.5
mm sur l’autre face ; dj : 4.1 mm). Le contour de la perforation est émoussé,
légèrement poli mais aucun étirement n’est observé et les stries de rotation sont
visibles sur toute la paroi sauf à la zone de jonction. L’arête de celle-ci est
émoussée et polie et les arêtes du contour de l’objet sont également émoussées.

Les traces de fabrication sur la pendeloque n° 67 sont à peine visibles. Le


contour de l’objet, que nous pouvons imaginer très régulier même si l’objet est
cassé, témoigne d’un façonnage soigné, donc par abrasion. Des stries d’abrasion
longitudinales fines parallèles et espacées ont d’ailleurs été observées sur l’une des

327
faces. La perforation, de forme elliptique (dp : 3.8 et 3.6 mm), ne présente pas de
cône de perforation mais des parois concaves par endroits. La perforation est
probablement d’origine naturelle. Sa partie proximale est émoussée et légèrement
étirée vers le haut et vers le contour de la pièce qui, lui, présente un léger
enfoncement à cet endroit. Il s’agit ici, comme pour certaines pendeloques plates
circulaires (n° 56, 89 ; cf. supra), du résultat d’une usure par suspension tendue et
contrainte (lien en contact avec le contour de la pièce également).

D. Semi-elliptique large
La pendeloque n° 50 (Fig. 8.7m) provient du niveau II de l’éminence Ouest.
Elle fut découverte sans association avec d’autres éléments de parure dans une
couche grise d’aire extérieure. Le matériau utilisé pourrait, d’après sa dureté
inférieure à 3.5 sur l’échelle de Mohs et son éclat mat et légèrement crayeux,
appartenir au groupe des carbonates. Il s’agit probablement de calcite.

La géométrie faciale s’inscrit dans une forme semi-elliptique. Les extrémités


de l’ellipse sont légèrement étirées.

Le façonnage de cette pendeloque de grande taille (h : 35.3 mm ; l : 82.2


mm ; e : 9.1 mm) a été réalisé par abrasion dont témoignent les stries fines
parallèles observées sur les faces et sur le contour. Ce dernier est partiellement
facetté, notamment près des extrémités étirées de l’ellipse. Des négatifs
d’enlèvement sont observés tout autour du contour de la pièce mais plus
particulièrement sur la partie proximale. Le fait qu’ils touchent plus une face de la
pendeloque que l’autre, laisse penser qu’il s’agit d’une retouche uni-faciale.
L’aspect de surface de ces négatifs contraste avec celui de la surface de l’objet.
Celle-ci est polie, lisse et d’une coloration un peu jaunâtre alors que celle des
négatifs est mate, de couleur blanchâtre et plus en relief (bosselée) bien que
légèrement polie. Ces négatifs ont été produits très vraisemblablement de manière
accidentelle pendant l’utilisation de l’objet, probablement peu après sa confection
car cet élément ne semble pas avoir beaucoup subi l’action de l’usure. En effet, les
arêtes du contour de la pièce sont encore relativement vives et les stries d’abrasion
sont encore visibles, notamment sur les facettes du contour.

328
La perforation, biconique, a une forme circulaire régulière (dp : 6.2 mm ; dj :
4.2 mm). Le contour de la perforation est poli et légèrement jauni sur la partie
proximale. La paroi, à cet emplacement, est partiellement dépourvue de stries de
rotation. Ces dernières sont concentriques, régulières et continues là où celles-ci
sont encore visibles.

E. Trapézoïdale haute
L’objet n° 66 est une pendeloque qui fut vraisemblablement réalisée sur un
fragment de bâton poli cassé en cours de fabrication. Elle a été découverte sans
association avec d’autres éléments de parure, dans une couche de rejet d’une aire
extérieure du niveau I/E (phase moyenne). La forme s’inscrit dans un prisme de
section quadrangulaire trapézoïdale, la perforation courte décentrée prend place
dans l’axe principal (EL.4t.I.C.4).

Le matériau a une surface granuleuse non lisse mais sans aspérité et sans
éclat non plus. Il est d’une dureté élevée et sa couleur est gris foncé pour les
surfaces travaillées et gris plus clair sur les cassures. L’objet initial, qui devait être
un bâton long de section circulaire, fut cassé à ses deux extrémités mais aussi
fendu en deux dans le sens longitudinal. Un enlèvement s’est également produit
dans le sens de l’épaisseur, sur la partie distale. La forme finale de ce fragment
peut s’inscrire dans un trapèze (h : 47.3 mm ; l : 20.6 mm ; e : 8.3 mm). La section
transversale est semi-circulaire. Il présente deux faces, l’une convexe et l’autre
plane. Une perforation fut aménagée près de l’extrémité la moins large du bâton.

La face convexe, de couleur grise légèrement plus foncée est marquée par
des stries longitudinales parallèles relativement larges et profondes. Les mêmes
stries ont été observées sur la face plane mais sont plus difficiles à distinguer car
moins marquées. La perforation est de section biconique (dp : 4 et 3.7 mm ; dj : 2.4
mm). L’emplacement de la perforation ne se trouve pas sur l’axe longitudinal de
l’objet mais plus près de son bord latéral. Ce choix ne s’explique pas par
l’épaisseur de la matière à cet endroit car les zones adjacentes, sur un axe
horizontal, ont la même épaisseur. Les stries de perforation sont concentriques et
continues. La jonction entre les deux cônes a été effectuée probablement par
percussion indirecte. Le contour de la jonction est irrégulier. L’usure de cette

329
pendeloque se manifeste par l’émoussé du contour. Les reliefs et les arêtes de la
pendeloque sont encore vifs.

F. Pendeloques plates ?
L’objet n° 40 (Fig. 8.7n), à perforation courte décentrée peut appartenir à la
famille typologique des pendeloques plates, son classement n’étant néanmoins pas
tout à fait certain. En effet, cet élément présent des cassures importantes qui ne
laissent pas deviner sa forme initiale ou l’éventuelle présence d’une seconde
perforation, ce qui conduirait à un classement dans une famille typologique
différente. Cet objet a été découvert avec deux tubes en os dans une couche
détritique sombre, pulvérulente, riche en galets et en matériel archéologique,
couvrant une couche de blocs (niveau I/E). Le matériau utilisé, de faible dureté et
de couleur blanc gris, semble, comme pour la plupart des pendeloques plates de
Jerf el Ahmar, appartenir au groupe des carbonates. Le volume conservé
correspond à la partie proximale de l’objet. Il est plat et son orientation, d’après
l’emplacement et l’usure de la perforation, plaide pour une pendeloque plate
large. La forme du contour de la partie conservée est composée d’un côté latéral
droit et d’un côté courbe, celui de la partie proximale de l’élément (h : 23.6 mm ; l :
47.4 mm ; e : 5.2 mm ; dp : 5.5 mm ; dj : 3.8 mm).

Le contour est facetté mais non régulier car il montre une certaine
ondulation. Des stries d’abrasion sont visibles encore sur les faces, notamment
près du contour et sur les facettes de l’objet. Des négatifs d’enlèvement sont
observés également sur le contour de la partie proximale. Ceux-ci semblent avoir
été produits durant l’utilisation de l’objet car ils montrent un léger poli sur leurs
reliefs. La perforation, biconique, est de contour circulaire régulier, elle conserve
les stries continues et concentriques de l’abrasion rotative essentiellement dans la
partie distale de la perforation. Le contour ne présente pas d’étirement mais la
portion concernant la partie proximale est d’une couleur plus foncée que le reste,
un fait observé sur les deux faces. Le contour de la pendeloque, dans la zone se
trouvant au même niveau que la portion foncée de la perforation, correspond à
une ondulation en cavité. À cet endroit, les stries d’abrasion du contour ont été

330
effacées par le frottement du lien. Ce schéma d’usure a été préalablement observé
sur les pendeloques plates circulaires (cf. supra).

8.2.5. Objets à perforations courtes multiples (élément

multi-foré)

Un élément exceptionnel (n° 38) fut découvert dans une couche de rejet
riche en matériel (silex, obsidienne, os, galets, etc.) dans une aire extérieure au
nord-ouest de la maison EA54 (« la maison carrée ») du niveau I/W (phase de
transition). Il s’agit d’un tube en os (Tabl. 8.3) très brûlé de couleur marron noir,
qui présente une cassure ayant emporté un grand bout de l’une des extrémités
(Fig. 8.7o). Une série de 3 percements a été effectuée tout le long du tube,
perpendiculairement à son axe et espacées de 4 à 5 mm. La cassure sur l’extrémité
a emporté presque la totalité du troisième percement. La longueur conservée est
de 17.4 mm (l : 4.9 mm ; e : 3.9 mm). Les contours des perforations (dp : entre 2.5 et
3.2 mm) sont relativement réguliers et présentent des étirements dans le sens de
l’axe du tube mais aussi perpendiculairement à ce dernier. Les traces de
fabrication sont entièrement oblitérées par l’usure et par l’altération de l’objet. Cet
élément pourrait avoir une fonction précise, celle d’un « écarteur » de fils dans une
parure.

8.2.6. Objets à perforation longue centrée (perles)

Au total, 76 objets appartiennent à la classe des perles (Tabl. 8.3). Ce


nombre, relativement élevé en comparaison avec les effectifs des autres classes,
vient de l’effectif élevé des perles en os (N=32), de la concentration des perles en
argile (N=38) dont 37 provenant d’une même parure (ensemble n° 1), découverte
en place (niveau III/E), auxquelles s’ajoutent six éléments en pierre.

Les perles se répartissent en trois familles typologiques : les perles


tubulaires, les perles plates et les perles standards.

331
8.2.6.1. Perles tubulaires en os
Le type perle en os regroupe 29 éléments en os long (métapodes, tibiotarses,
radius et ulna) et un en os plat (côte) dont le volume tubulaire permettait un
enfilage, par un lien, suivant l’axe longitudinal de l’os.

D’un point de vue anatomique, les perles en os se distinguent par le type


d’os utilisé. Représentés par 30 objets, les os longs sont les plus exploités. Seuls
deux éléments ont été fabriqués sur des os plats. Les taxons auxquels
appartiennent les os ont été identifiés selon la méthode des groupes de taille (BSG,
body size group). Au total, 9 groupes et sous-groupes ont été déterminés (Tabl. 8.2).
Au sein du groupe A « Ongulés de grande taille », on distingue les sous-groupes
A1 (Bovins de taille aurochs/bœuf) et A2 (Equidés, de taille hémione, âne, cheval).
Les éléments appartenant à ces deux sous-groupes sont des os plats de type côte.
Le groupe D (« Mammifères de petite taille ») a été identifié pour 17 éléments en
os longs de type métapode de lièvre ou de renard. L’identification est plus précise
au sein de ce groupe grâce à l’identification du sous-groupe D1 pour un élément
correspondant à un métapode de renard et du sous-groupe D2 pour un radius de
lièvre. Le groupe D/E concerne trois os longs dont il est difficile de déterminer
l’appartenance à des mammifères de petite taille ou à des oiseaux. Le groupe E
(« Oiseaux ») concerne quatre os longs dont deux pourraient être des tibiotarses.
Appartenant au groupe E1, un tibiotarse gauche (Fig. 8.9c) et une ulna
proviendraient d’une grue. Le groupe d’oiseaux de petite taille (E3) a été identifié
pour deux éléments dont un est un fragment de tibiotarse de perdrix. Enfin, le
groupe G, unique dans tout le corpus, correspond à un os court correspondant à
une phalange humaine proximale du membre supérieur.

Les dimensions manquent pour trois pièces et, pour trois autres cassées, les
dimensions conservées sont comprises entre 30.7 et 36 mm pour la longueur et
entre 7 et 10 mm pour la largeur. Pour 24 éléments, en moyenne la longueur
moyenne est de 20.95 mm (10.0−52.3 mm), la largeur de 5.26 mm (3.3−11.8 mm) et
l’épaisseur de 4.36 mm (2.7−10.3 mm).

De manière générale, la longueur semble être liée au groupe animal auquel


l’os appartient. Ce rapport est testé dans un graphique (Fig. 8.10) qui met en
relation les dimensions (longueur et largeur) avec le groupe taxonomique. Ainsi,

332
la côte de bovinés (groupe A1) est la pièce la plus grande du groupe et elle se
sépare de tous les autres éléments. Le groupe D (mammifères de petite taille)
contient les d’éléments les plus courts. Ceux-ci se concentrent sous la valeur des 20
mm de longueur. Les os des oiseaux (groupe E) et ceux du groupe D/E se
répartissent au dessus de cette valeur. Nous n’avons constaté aucun rapport entre
la taille des éléments et le niveau d’occupation.

Les éléments tubulaires sont particulièrement riches en stigmates


techniques, notamment celles produites durant la phase de débitage, ce dernier
ayant été réalisé par le procédé du sciage bipolaire. Cinq types de stigmates sont
observés (cf. Fig. 5.2) :

• Des stries longitudinales de raclage, parallèles à la fibre de l’os ;


• Des pans de sillons de sciage délimitant les extrémités des tubes ;
• Des sillons près des extrémités, parallèles aux pans, de profondeur et
d’étendue variable correspondant à la reprise du sciage ;
• Des stries transversales parallèles ou légèrement obliques aux pans de
sciage, qui peuvent être issues soit d’un dérapage du sciage, soit des
interventions durant la phase d’extraction (enlèvement de la peau,
décarnisation ou découpe des tendons) ;
• Des corniches sur les bordures des extrémités, juxtaposées aux pans de
sillons.

Les cinq types de stigmates sont combinés sur dix pièces : la côte de boviné,
les huit éléments sur métapodes de lièvre ou de renard composant l’ensemble n° 2
et un métapode de lièvre ou de renard. Les pans des sillons de sciage délimitant
les extrémités sont présents sur toutes les pièces conservant ces dernières, soit 28
pièces. Les sillons de reprise de sciage sont présents dans 25 cas (pour 6 éléments,
ils concernent une seule extrémité et pour 19, les deux extrémités). Précisons que
sur sept éléments, les sillons de reprise de sciage sont particulièrement nombreux.

Les corniches sont présentes sur 27 éléments et concernent les deux


extrémités dans 20 cas et une seulement dans sept cas. Notons que les fractures
des extrémités sont dans neuf cas associées à la présence des corniches. Par
ailleurs, les corniches sont absentes dans seulement un cas, un objet sur lequel

333
aucun sillon de reprise n’a été détecté (n° 50 de l’ensemble 1). Enfin, les stries
transversales ont été observées sur presque toutes les pièces.

La chauffe est attestée dans huit cas, dont six proviennent de la phase
moyenne et deux de la phase récente (Eminence Ouest). Cependant, il est difficile
ici d’attribuer la chauffe à une action intentionnelle pour des buts techniques ou
esthétiques.

Parmi les pièces étudiées, deux ont été abandonnées en cours de débitage.
Elles auraient pu être destinées à devenir des éléments tubulaires. Sur l’une
d’elles, une côte d’équidé sciée transversalement en deux et dont les deux moitiés
ont été remontées (Fig. 8.9a), les mêmes stigmates présents sur les éléments finis
ont pu être observés : des stries de raclage, des stries transversales, des pans de
sillons de sciage, des sillons de reprise de sciage et des corniches. Le tissu
spongieux a été attaqué par écrasement sur une extrémité de la côte mais il est
resté intact sur l’autre. L’autre fragment est cassé longitudinalement et ne présente
aucune trace d’écrasement de la partie spongieuse. Sur un autre objet, un radius
de lièvre, la diaphyse a été sciée uniquement d’un côté et l’épiphyse est conservée
sur l’autre côté. L’os est entamé jusqu’à 1 mm de profondeur environ sur presque
toute sa circonférence. L’os fut rompu par la suite, provoquant une corniche à
l’emplacement de la zone non sciée.

Les stigmates observés sur les éléments tubulaires montrent que le débitage
des tronçons en os a été effectué par sciage. Cependant, d’après les nombreux
sillons témoignant de la reprise de sciage et d’après la présence des corniches
accompagnées parfois de la fracture des extrémités, le débitage de ces éléments
peut être considéré comme grossier et peu soigné. Les extrémités irrégulières n’ont
pas été égalisées et les corniches n’ont pas été supprimées dans la plupart des cas.
Les traces d’usure sur les corniches et les extrémités, même fracturées, montrent
que les objets ont été portés en l’état.

Toutes les pièces, y compris celles dont la fabrication n’a pas été finalisée,
montrent un lustre sur leurs reliefs les plus prononcés. L’émoussé de ceux-ci est
observé uniquement sur les éléments finis.

Enfin, trois éléments n’ont pu être classés. Dans deux cas, un radius de
lièvre (n° 19) et une côte d’équidé (n° 5), il s’agit d’objets abandonnés en cours de

334
fabrication et dont la forme définitive n’est pas aboutie. Dans le troisième cas, en
l’occurrence une canine inférieure de sanglier mâle (n° 41), l’objet semble
correspondre à un déchet de travail car les plaques d’émail semblent avoir déjà été
extraites.

Parmi les éléments tubulaires, huit, appartenant à l’ensemble n° 2, ont été


découverts sur un sol extérieur derrière un mur à soubassement (mur 137) de la
maison 67, précisément dans la même couche et le même locus du niveau III/E
(Fig. 8.9b). Faute d’informations précises de terrain (éléments regroupés,
éparpillés ?), nous ne pouvons pas affirmer que ces éléments composaient une
seule et même parure. Bien que leurs contours et reliefs soient émoussés et
présentent un léger lustre, aucune encoche ou méplat d’usure n’a été observé. Ce
qui ne permet pas de supposer un mode d’attache autre qu’une suspension libre
permettant aux éléments de rouler sur eux-mêmes.

Par ailleurs, d’autres éléments de parure ont été découverts dans la même
couche mais un peu plus loin. Il s’agit d’une nérite brûlée et usée, le labre
présentant une encoche d’usure assez profonde, et un petit fragment de défense
de sanglier portant la portion d’une perforation. Il est possible que ces deux
éléments fassent partie d’une même parure comprenant également les éléments
tubulaires. Le fragment de la lame d’émail étant très fragmentaire nous ne
pouvons pas reconstituer sa forme ni son éventuelle position au sein de la parure.
La nérite, quant à elle, aurait pu former un élément de fermeture d’un lien sur
lequel auraient été enfilés les éléments tubulaires en os, sous forme de collier par
exemple. La présence d’une encoche d’usure importante sur cette coquille pourrait
être liée au frottement intensif du lien alourdi par le poids des éléments.
Malheureusement, cette hypothèse ne peut être vérifiée pour le moment.

8.2.6.2. Perles tubulaires d’origine minérale


Au total, 44 perles tubulaires d’origine minérale sont comptées. Parmi elles
38 sont en terre et six en pierre. Trois types sont distingués : les perles
cylindriques, les perles elliptiques et les perles parallélépipédiques. Les perles
elliptiques sont fabriquées uniquement en terre tandis que les perles cylindriques
et parallélépipédiques sont en pierre.

335
A. Cylindriques
Il s’agit de trois objets dont deux de grandes dimensions (n° 44 et 90)
provenant de l’éminence Est et un de petites dimensions (n° 33) provenant de
l’éminence Ouest. Le volume de la pièce n° 90 est issu d’un cylindre de section
circulaire au centre duquel une perforation longue axiale a été réalisée
(CY.0.I.L.1) ; celui des deux autres pièces est également cylindrique mais à section
elliptique (CY.1.I.L.1) (Tabl. 8.4).

L’élément n° 90 (Fig. 8.9e), examiné uniquement sur photos et dessins, a été


découvert dans un radier du niveau III/E. Il est fabriqué en calcaire tendre de
couleur blanchâtre (L : 54.4 mm ; d : 17 mm). Sa perforation est biconique et
relativement étroite (dp : 7.5 mm). Des stries observées tout le long de la pièce
attestent de son façonnage par abrasion.

La perle n° 44 (Fig. 8.9d) a été découverte pendant le démontage d’une


couche compacte entre deux murs de la maison EA 6 du niveau I/E. Elle a été
fabriquée en roche d’un vert gris marbré de jaune et parsemé de nombreuses
petites tâches blanches et de quelques tâches noires. Ces tâches correspondent
probablement à des minéraux composant cette roche. Sa surface travaillée est d’un
éclat gras et lisse. Son indice de dureté est faible, inférieur à 3.5 sur l’échelle de
Mohs. Elle appartient sans doute au cortège des ophiolites et pourrait être de la
famille des serpentines ou de celle des chlorites.

Le volume de cette perle s’inscrit dans un cylindre de section subcirculaire


(L : 43.3 mm; d : 10.7 mm ; dp : 7.9 mm ; dj : 5.8 mm). La perforation, très large, n’a
laissé de la paroi de la perle qu’une faible épaisseur (2 mm environ).

Extrêmement usée, cette perle ne présente plus de traces de fabrication à


l’exception de stries de rotation partiellement effacées sauf au centre de la
perforation. Elle présente deux grandes encoches qui atteignent jusqu’à 15 mm de
profondeur et 8 mm de largeur. Ces échancrures se trouvent sur deux faces
opposées de la perle. Il est très difficile d’en connaître l’origine car leurs bordures
sont très mousses et polies. Un geste ou une erreur technique peut en être la cause,
notamment si l’on prend en compte la largeur de la perforation. L’hypothèse qui
se profile ici est que le foret a probablement dévié pendant le forage provoquant

336
une encoche. Les échancrures furent par la suite affectées et agrandies par l’usure
plus que les autres zones car, vraisemblablement, elles accrochaient le lien.

La perle n° 33 (Fig. 8.9f) provient d’une zone de rejet extérieure de la phase


ancienne/moyenne (niveau IV/W) de l’Eminence Ouest, de couleur brune,
cendreuse et riche en matériel (silex, os, galet). Elle est fabriquée dans une roche
tendre, de dureté 3, à éclat gras et de couleur anthracite à reflets verdâtres par
endroits. Ce matériau semble identique à celui identifié pour l’élément biforé
annulaire n° 70 (Fig. 8.6k), dont l’identification par diffractométrie a révélé de la
chamosite, une roche de la famille des chlorites. Le matériau utilisé pour la perle
n° 33 pourrait être soit en chamosite, soit en nimite, deux variantes très proches de
chlorite. La forme du profil est sub-rectangulaire et la section est elliptique (L : 11.6
mm ; l : 8 mm ; e : 6 mm ; dp : 3.2 mm et 2.9 mm). Au centre de la perforation,
étroite et biconique, des stries concentriques sont encore préservées. Ailleurs, la
perle ne conserve pas de traces de fabrication car elle est entièrement émoussée et
polie par l’usure. Des stries aléatoires et des rayures sont présentes sur les deux
surfaces, associées parfois à des cupules et des cônes incipients, témoignant de
chocs reçus par la perle durant son utilisation.

B. Elliptiques
Les perles elliptiques de Jerf el-Ahmar sont toutes en terre et, rappelons-le,
proviennent toutes de l’ensemble n° 1 (Fig. 8.11b-g). Au nombre de 37, ces pièces
ont été obtenues par un modelage plus ou moins régulier. Ainsi la forme générale
s’inscrit dans un ellipsoïde dans lequel une perforation longue centrée axiale a été
effectuée. Deux sections sont distinguées pour ces ellipsoïdes : circulaire et
elliptique. Ainsi, 18 perles appartiennent à classe morphologique EL.0.I.L.1 et 19 à
la classe EL.1.I.L.1 (Tabl. 8.4). Ces perles sont de grand gabarit. Pour les 31 non
cassées, la longueur moyenne est de 37.11 mm (16.0−67.7 mm) et la largeur de
18.09 mm (10.7−35.8 mm).

La terre utilisée pour ces objets est fine73. Des microparticules de surface
feuilletée, de couleur argentée, parfois dorée et très brillante, et dont le diamètre

73 La description qui suit est valable pour tous les objets en terre composant la parure de
l’ensemble n° 1.

337
peut atteindre plus de 100 µm, ont été observées, parfois même à l’œil nu. Ces
microparticules (micas ?) correspondent probablement au type de dégraissant
utilisé dans la préparation de la pâte argileuse74 ou aux inclusions présentes
naturellement dans l’argile. Des impressions végétales (paille ? ou tiges ?) ont été
identifiées pour certains objets. Nous n’avons pas été en mesure de savoir s’il
s’agit d’un véritable type de dégraissant ou de simples impressions accidentelles.
Notons que la balle de céréales a été utilisée dans la terre à bâtir sur le site (Willcox
& Stordeur 2012, p. 110). La couleur de base est beige foncé mais différentes
tonalités brunâtres à rougeâtres parfois foncées sont également observées. Ces
teintes sont très probablement le résultat d’une chauffe, sachant que la plupart de
ces éléments proviennent de contextes incendiés.

Tous les éléments en terre (les pendeloques, les perles, la perle/pendeloque


et les perles biforées) ont été fabriqués selon un modelage simple et unique à la
main. Un lissage de la surface a été pratiqué sur l’ensemble des perles, supprimant
ainsi les traces de modelage avec les doigts. De très petites impressions
punctiformes, en forme d’entailles ou de formes irrégulières, ont été observées sur
quatre perles et concernent uniquement une zone en particulier sur l’une des
faces. Les mêmes impressions se retrouvent sur la perle/pendeloque (n° 11) et une
perle biforée (n° 40) du même ensemble. Des incisions sous forme de traits ont
aussi pu être observées sur plusieurs perles. Celles-ci forment un Y (Fig. 8.11f-g),
ou prennent la forme de simples traits soit parallèles, soit distribués radialement
(Fig. 8.11d), ou encore selon un schéma plus complexe, composite d’une multitude
de V disposés de différentes manières et sur une seule face (Fig. 8.11e). Ces traces
particulières ont-elles été délibérément réalisées ou sont accidentelles ? Si elles
sont intentionnelles, pourrait-il s’agir de représentations schématiques ? Nous
n’avons pas suffisamment d’éléments pour répondre mais il doit être rappelé ici
que les décorations symboliques sur du petit mobilier, même schématiques, sont
généralement réalisées avec soin à Jerf el Ahmar (Stordeur et al. 2006).

Nous n’avons pas observé des stries d’abrasion diagnostiques. Des


empreintes longitudinales de tiges (?) ont été observées sur les parois de
perforation à proximité des ouvertures ainsi qu’à l’intérieur des perforations des

74La présence des particules et des microparticules pourrait être liée au degré de pureté de la terre
ramassée.

338
objets cassés longitudinalement. Ces empreintes constituent la preuve que les
perforations ont été réalisées avant le séchage de la pâte par enfoncement d’un
outil long et pointu soit d’une côté, soit des deux côtés, de part et d’autre du
volume, jusqu’à la jonction.

Toutes les perles sont en terre cuite. Cependant, il est difficile d’identifier
l’origine, accidentelle ou intentionnelle, de la cuisson. En effet, rappelons que
l’ensemble des objets en terre (parure n° 1) appartient au niveau III/E où toutes les
architectures ont été incendiées (Stordeur et Abbès 2002, p 568). Mais nous avons
étudié un élément en terre (n° 35), provenant de l’éminence Ouest, niveau II/W (cf.
infra), qui, lui, n’a pas subi de chauffe.

Les traces d’usure sont difficiles à identifier sur les perles en terre. De très
légers polis ont été identifiés sur certaines zones des surfaces et parfois sur les
contours des perforations. Des échancrures de grande taille et aux bords émoussés
pour certaines ont été documentées pour 42 objets sur 48. Ces échancrures
peuvent concerner une extrémité sur une seule face (14 cas), deux extrémités sur
une seule face (17 cas), une extrémité sur les deux faces (cinq cas) et une extrémité
sur une seule face (un cas). Dans le cas des éléments biforés, les échancrures ne
sont pas distribuées de la même manière d’une perforation à l’autre. Les
échancrures pourraient s’être formées au moment de la réalisation de la
perforation, par le désaxement de la tige enfoncée dans la masse argileuse. Elles
auraient été ensuite agrandies et approfondies après suspension, peut-être à cause
du poids des objets.

C. Parallélépipédique
Ce type n’est représenté que par une perle parallélépipédique (n° 54 ;
Fig. 8.9g) en pierre provenant du niveau II/W (phase récente). Elle fut découverte
dans une couche extérieure de démolition, riche en matériel archéologique. Le
volume (L : 22.8 mm ; l : 10.5 mm ; l : 9.2 mm) s’inscrit dans un prisme de section
carrée dans lequel une perforation longitudinale centrée axiale a été réalisée
(PR.4c.I.L.1) (Tabl. 8.4). Le matériau utilisé est de couleur vert bleu, marbrée de
beige. De petites taches de couleur vert foncé, parfois noires, parsèment la roche
en surface. Celle-ci est très hétérogène est sans doute composite de plusieurs

339
minéraux. Elle nous évoque fortement les roches en phosphates utilisées pour
certaines perles khiamiennes de Mureybet (e.g. (Fig. 7.14w) dont le composant
principal est la crandallite, ou sa variante, le woodhouseite. La perforation est
biconique (dp : 4.45 mm en moyenne). Des stries concentriques de rotation ont été
observées sur la paroi de perforation. Elles s’inscrivent dans des bandes larges
d’environ 200 µm. La surface de cette perle, les intersections, les angles et les
contours de la perforation, sont très polis et mousses.

8.2.6.3. Perles plates


La seule perle plate trouvée à Jerf el-Ahmar est en pierre (n° 76 ; Fig. 8.9i).
Elle provient du niveau 0/E (phase récente). Elle fut découverte dans une couche
d’aire extérieure riche en matériel. Son volume s’inscrit dans un cylindre de
section biconvexe lenticulaire dans lequel une perforation longue centrée axiale a
été réalisée (CY.2.I.L.1) (Tabl. 8.4). Elle est fabriquée dans une roche couleur gris
vert dont l’aspect rappelle les chlorites. Cet élément se présente comme un volume
cylindrique à section très aplatie lenticulaire. Les faces du profil affichent une
forme rectangulaire (L : 8.3 mm ; l : 10.4 mm ; e : 3.1 mm). Sa perforation est très
étroite (dp : 1.7 mm).

8.2.6.4. Perles standards


Les perles standards sont représentées seulement par deux éléments de
forme sphérique, l’un en pierre (n° 57) et l’autre en terre (n° 42). Leurs formes sont
issues d’un sphéroïde de section circulaire dans lequel une perforation longue
centrée axiale a été aménagée (SF.0.I.L.1) (Tabl. 8.4).

La perle en pierre n° 57, découverte dans une couche en terre sous un sol
extérieur en radier, provient du niveau I/W (phase récente). Elle est ainsi la seule
perle à appartenir à la phase de transition. Elle a été réalisée en calcaire blanc. Sa
forme sphéroïde est de section circulaire (L : 21 mm ; d : 22.5 mm) et sa perforation
est biconique (dp : 8.3 et 9.7 mm).

La perle en terre n° 42 (Fig. 8.9k) est la seule à ne pas appartenir à


l’ensemble n° 1. Elle fut découverte sous un radier de la maison EA2 de l’éminence

340
Est appartenant au niveau II, aux côtés de deux éléments de parure en pierre : un
objet biforé en calcaire (n° 45) et une rondelle (n° 91). La section de cette perle est
circulaire et de petit gabarit (L : 8.8 mm ; d : 10.1 mm).

8.2.7. Objet à perforation longue décentrée (perle-

pendeloque)

Il s’agit d’un objet unique dans cette collection (Tabl. 8.3) ainsi que dans
tout le corpus. Appartenant à l’ensemble n° 1, l’élément en terre n° 11 (Fig. 8.11p) a
un volume issu d’un prisme de section quadrangulaire carrée dans lequel une
perforation longue décentrée transversale a été réalisée (PR.4c.I.L.4) (Tabl. 8.4). La
forme des faces affichées de cet élément sont donc carrées, ou plus exactement
sub-carrées car trois côtés sont légèrement convexes tandis que le quatrième est
concave. Cette concavité vient du fait que l’un des angles est prononcé, en forme
de proéminence. La perforation longue a été réalisée près du côté concave et
parallèlement à celui-ci. De très petites cavités75 punctiformes et cunéiformes
couvrent l’une des faces. Ces impressions se répartissent, d’une part, en une bande
large située sous la perforation et légèrement oblique par rapport à cette dernière
dans la partie proximale de l’objet et, d’autre part, selon une bande courbe qui
rejoint la première dans sa partie distale, laissant ainsi le centre de la face
complètement vide d’impressions. Ce type d’impression a été observé sur cinq
autres objets de l’ensemble dont deux perles tubulaires elliptiques, deux perles
plates et une perle biforée. Le point commun de ces impressions est qu’elles se
trouvent uniquement sur l’une des faces de l’objet.

75 Les minuscules cavités pourraient correspondre à des empreintes de petits fragments de

végétaux (la balle incluse dans la terre) qui auraient disparus. Il est possible qu’il s’agisse du
dégraissant végétal dans la pâte.

341
8.2.8. Objets à perforations longues bilatérales (perles

biforées)

Les perles biforées sont au nombre de 11 (Tabl. 8.3). Neuf d’entre elles sont
en terre et proviennent de l’ensemble 1 (niveau III/E, phase moyenne). Il s’agit des
plus anciennes perles biforées du corpus. Les deux autres perles biforées sont en
pierre, la plus ancienne (n° 83) est de la phase récente (niveau II/W), et la plus
récente (n° 58) de la phase de transition (niveau I/W).

Les perles biforées en terre (Fig. 8.11h-o) sont conçues comme deux
volumes géométriques dans lesquelles s’intègrent les deux perforations longues
parallèles selon une position bilatérale transversale. Le premier est un ellipsoïde
de section elliptique et le second est prismatique de section rectangulaire. Ainsi,
deux classes morphologiques sont identifiées : EL.1.II.L.4 pour 6 objets et
PR.4r.II.L.4 pour les trois autres (Tabl. 8.4).

La forme de leur profil est elliptique dans quatre cas et sub-rectangulaire


dans cinq cas. Sur huit éléments entiers, la longueur moyenne est de 29.49 mm
(17.6−52.3 mm), la largeur de 39.36 mm (23.2−65.2 mm) et l’épaisseur moyenne de
13.89 mm (8.5−19.5 mm).

Quant aux perles biforées en pierre (n° 58 et 83), les volumes sont issus
pour la première d’un cylindre de section elliptique (CY.1.II.L.3) d’un cylindre de
section biconvexe lenticulaire pour la seconde (CY.2.II.L.3) (Tabl. 8.4). Les deux
perforations longues parallèles sont intégrées axialement et bilatéralement dans
ces volumes.

La perle biforée en pierre n° 58 (Fig. 8.9j) a été fabriquée dans une roche de
couleur vert-gris marbrée de beige appartenant sans doute à la famille des
chlorites. Le contexte de découverte de cette pièce n’est pas très clair. Cette perle
est cassée dans le sens longitudinal sur l’une des deux perforations, ce qui
n’empêche pas de reconstituer approximativement sa forme originelle. Le volume,
prismatique, affiche des faces de forme rectangulaire et sa section est elliptique (L :
9.1 mm ; l : 11.4 mm ; e : 5.3 mm). Les deux perforations sont biconiques et celle
conservée mesure 3 mm de diamètre.

342
L’élément n° 83 a malheureusement subi plusieurs cassures. Le fragment
conservé consiste seulement en deux petites portions de l’ouverture de deux
perforations parallèles, permettant l’identification de cet élément comme une perle
biforée. Cependant, le volume restant (d : 1.8 mm ; e : 3.7 mm) ne permet pas de
savoir s’il existait à l’origine des perforations supplémentaires. Le matériau n’a pas
pu être déterminé mais il s’agit d’une roche de couleur verdâtre. Cette perle, plus
ancienne que la précédente, fut découverte dans une couche extérieure contenant
de la faune, du silex et de la terre à bâtir.

8.2.9. Objets à perforation large (anneau)

L’objet n° 78 (Fig. 8.6m), provenant de la phase récente, est un fragment


cassé constituant plus du tiers d’un anneau (de : 34 mm ; di : 13 mm ; e : 2.8 mm)
de section biconvexe plate (TO.2) (Tabl. 8.4). Il a été fabriqué en roche tendre de
couleur rouge rappelant le talc rouge, comme le matériau de la pendeloque biforée
sur portion d’anneau n° 77 (Fig. 8.6l). Contrairement aux deux fragments
d’anneaux trouvés sur le site, celui-ci n’a pas été aménagé avec deux perforations
sur chaque extrémité cassée. Examiné uniquement sur photos, nous n’avons pas
pu étudier les cassures de l’élément ou les stigmates de fabrication.

8.2.10. Objets divers

Quatre objets à perforation étroite au total n’ont pas pu être identifiés


clairement. Dans un cas, l’objet n° 37 (niveau 0/E), pl s’agit d’un fragment de
forme plus ou moins rectangulaire à section elliptique. Façonné sur un talc vert
par abrasion comme le témoigne les multiples facettes striées longitudinalement
(Fig. 8.9h). Ce fragment est légèrement courbe (L : 14.3 mm ; l : 8.6 mm ; e : 5 mm ;
dp : 3 mm), rappelant les fragments d’anneaux trouvés sur le site. Il porte des
traces de sciage sur l’une des extrémités, sciage qui semble avoir emporté la moitié
d’un cône de perforation. L’interprétation de cet objet est très difficile car il
pourrait s’agir d’un élément abandonné en cours de perforation, d’un déchet ou la
partie sciée d’un autre objet.

343
Au sein du groupe B (« Ongulés de moyenne taille »), c’est le sous-groupe
B2 (Sanglier) qui a été identifié sous la forme de canines inférieures76 . Deux objets
appartiennent à ce sous-groupe. L’objet n° 14 (niveau I/E) est une défense de
sanglier fendue longitudinalement en deux parties, celle en question étant
dépourvue d’émail. Trouvé parmi la faune du site, cet élément a été fracturé en
plusieurs fragments dont seulement deux ont pu être recollés. (L77 : 130 mm ; l :
15.7 mm ; e : 3.9 mm). Cet objet porte des traces d’abrasion sur un bord. Il pourrait
correspondre à un déchet, la lame d’émail de la dent ayant pu servir à la
fabrication d’un élément de parure. Un outil en défense de sanglier est présent
dans le même niveau sur le site (Le Dosseur 2011, p. 193).

L’objet n° 41 (niveau III/E) est un petit fragment fracturé d’une lame d’émail
de défense de sanglier. Il porte une perforation cassée dont le diamètre est de 3.5
mm. Il pourrait correspondre à l’extrémité d’une pendeloque ou d’un élément
biforé sur lame d’émail. Cet objet est très émoussé.

Enfin, le dernier élément à caractère ambigu est l’objet n° 35 (niveau II/W).


Il s’agit d’un grand élément en terre de forme cylindrique discoïde (d : 32.2 mm ;
L : 20.5 mm). Cet élément ne porte pas de perforation. Les empreintes de doigts
sont encore visibles sur les deux faces et le contour de l’objet porte plusieurs
douzaines de trous minuscules dont la disposition ne paraît pas organisée. Cet
élément s’inscrit dans les dimensions des objets en terre de l’ensemble n° 1.
Cependant, parce qu’il ne porte pas de perforation, il est difficile de le rattacher
aux objets de suspension. Ne représentant aucune forme anatomique ou
singulière, il n’appartient pas non plus à la catégorie de « figurines ».

8.3. Une forme singulière

Il s’agit de l’unique élément en pierre faisant partie de la parure n° 1 niveau


III/E, EA47), composée de 48 objets en terre. Cette grande pendeloque (Fig. 8.11a)
fut découverte in situ sur le sol de « la maison aux bucranes », au centre et à
distance égale entre les deux cornes d’un des quatre bucranes d’auroch, celui situé

76 Les canines inférieures de sanglier sont de forme géométrique à l’exception d’un objet particulier
qui pourrait correspondre à un déchet de travail. Cet élément a gardé plus ou moins sa forme
anatomique originelle.
77 La longueur totale originelle est estimée à 150−160 mm.

344
à l’ouest de la maison contre le mur. Les perles en terre s’éparpillaient autour
d’elle et autour du bucrane en général.

Fabriquée en calcaire tendre locale, son volume, très allongé et de grande


taille (h : 96.7 mm ; l : 23.3 mm ; e : 21.1 mm), s’inscrit dans un cylindre à bases
légèrement arrondies, la proximale étant plus convexe que l’autre. La section
transversale est circulaire. Le diamètre du cylindre est variable selon l’endroit
mesuré. En effet, trois zones montrent une sorte d’amincissement : la partie
proximale portant la perforation, la partie mésiale et la partie distale. La surface de
l’élément est parcourue par de profondes entailles de type raclures.

La perforation est grande et de forme biconique très évasée (dp : 13.5 et 15.7
mm) avec un diamètre de jonction des cônes relativement petit (dj : 5.2 mm). Cela
fait que la perforation vue de profil évoque la forme d’un œil. La perforation n’est
pas centrée mais située près du bord de l’objet qui, dans cette zone, est légèrement
en relief et un peu plus bas que le niveau de la perforation ; ceci peut évoquer,
toujours en regardant l’objet de profil, un « nez » situé juste en dessous de l’œil. La
même description correspond parfaitement à la vue de l’objet de profil depuis
l’autre face. Les stries de rotations, bien marquées sur les parois évasées de la
perforation, soulignent un cercle central évoquant la pupille de l’œil. Au-dessus
du niveau de la perforation, en continuité avec la zone du « nez », la surface a été
travaillée afin d’obtenir une zone dont le relief est en retrait par rapport au relief
du « nez ». Cette zone pourrait correspondre au front d’un visage. Le contour de
l’objet de l’autre côté, face au « nez », est caractérisé par un petit relief qui évoque
la partie arrondie de l’arrière du crâne, plus précisément l’occipital. En dessous de
ce petit relief, le bord est en retrait, comme pour délimiter la fin de la tête par le
cou dont le diamètre est plus étroit que celui de la « tête ». La partie la plus haute
de l’objet se termine par une surface arrondie presque pointue vue de face, et
bombée vue de profil. La partie basse de l’objet, contrairement au sommet, est
presque droite. Elle a été amincie, jusqu’à atteindre 15.8 mm de diamètre, ce qui
laisse penser à une volonté d’adapter la taille de cette partie à celle d’un manche
ou d’un support quelconque pour l’accueillir. Des stries longitudinales couvrent
toute la longueur de la pièce. Enfin, la partie médiane de l’objet est caractérisée par
une seconde zone d’amincissement qui pourrait représenter la séparation entre le
« torse » et la partie basse du « corps ».

345
Il n’est pas aisé d’interpréter la forme de cet objet car les caractéristiques
morphologiques sont abstraites et non explicites. Cependant, ses dimensions et le
matériau rappellent l’une des figurines en calcaire de Mureybet, connue comme la
figurine du « rapace nocturne » (phase IIIA)78.

8.3.1. Synthèse objets de formes géométrique et singulière

Les formes géométriques identifiées pour les objets de parure de Jerf el


Ahmar sont essentiellement issues de cylindres, d’ellipses et plus rarement de
prismes et de tores. Les formes géométriques ont été réalisées majoritairement sur
des supports en pierre, en terre et en os et rarement sur des supports en
coquillage.

Les perforations uniques sont les plus nombreuses mais les doubles
perforations parallèles sont fréquentes sur ce site. Dans un cas, unique pour le
corpus, jusqu’à trois perforations parallèles ont été aménagées sur un volume en
os.

De nombreuses classes typologiques sont distinguées au sein des formes


géométriques. Des classes communes à tout le corpus comme par exemple les
rondelles, les disques, les pendeloques, les perles, les perles biforées et d’autres
plus spécifiques au site de Jerf el Ahmar comme la classe des éléments multi-forés
ou celle des « perles/pendeloques ». Ces deux classes sont représentées chacune
par un seul spécimen. Le premier est un tube en os muni de trois perforations
transversales parallèles lui permettant de séparer trois rangées ou rangs de fils au
sein d’une parure tandis que le second est un support prismatique en terre,
rappelant beaucoup les supports des perles biforées en terre et au sein duquel une
perforation longue a été réalisée. Cependant, cette perforation est décentrée et non
pas centrée comme généralement. Cette position permettait à l’objet de pouvoir
être à la fois enfilé longitudinalement comme une perle et suspendu comme une
pendeloque.

78 Les interprétations de la figurine en question se sont multipliées depuis sa découverte dans les
années 1970. À un moment donné elle a été considérée comme représentant une tête d’oiseau, plus
particulièrement celle d’un rapace nocturne (« hibou des marais », « hibou moyen duc ») (Pichon
1985, 262). Plus tard, cette interprétation sera critiquée par L. Gourichon (2004), puisque cette
figurine offre des caractéristiques qui peuvent correspondre tout aussi bien à une tête humaine
qu’à une tête d’oiseau (Cf. aussi Stordeur et Lebreton 2008, p. 621).

346
Parmi les types d’objet que l’on connait pour la période du PPNA, cet
élément est intrigant. Rappelons qu’il provient d’une parure composée de 47
éléments en terre supplémentaires dont neuf sont des perles biforées. Il est
possible que cet élément ait été destiné à devenir une perle biforée mais, pour une
raison ou une autre, la deuxième perforation parallèle n’a pas été effectuée. Il est
également légitime de penser que l’artisan a pu vouloir innover dans la création
compte tenu de la maniabilité et de la plasticité qu’offre une matière telle que la
pâte argileuse. Cela pourrait également expliquer le nombre important des perles
biforées présentes au sein de cette parure (neuf).

Les deux fragments d’anneaux de Jerf el Ahmar, dont l’un a été fabriqué en
chamosite et l’autre en talc rouge, appartenaient auparavant à la grande catégorie
des objets à perforation large de type « anneau ». Deux perforations disposées
chacune près des extrémités cassées, ont été aménagées. S’agit-il ici d’une volonté
de réparation de l’anneau à l’aide de perforations ? Cette technique consiste à
créer des perforations à chaque extrémité brisée et à y faire passer un lien qui
rassemble et maintient les fragments cassés. Cette méthode de réparation est
documentée sur les vases en chlorite sur le site même (Lebreton 2003, p. 83, 115)
ainsi que sur les bassins de grande taille en calcaire du site contemporain de Tell
‘Abr79 (Yartah 2013, p. 110, vol. 1, fig. 84, p. 100, vol. 2). La présence d’une ou deux
petites perforations près des extrémités de fragments de bracelets et d’anneaux est
documentée dans des sites néolithiques du Proche-Orient comme Ain Ghazal,
Basta et Baja (Rollefson et al. 1991, p. 103 ; Hintzman 2011) en Jordanie et à Nevalı
Çori en Turquie (Hauptmann le fouilleur mais l’info vient de Aurenche et
Kozlowski 1999, fig. 2-11, n° 5, p. 218) Cette méthode est également documentée
dans le Néolithique chasséen du Sud-est de la France (Barge 1982, p. 176).

L’autre hypothèse est que les fragments annulaires aient été aménagés avec
des perforations de chaque côté afin d’être portés en guise de pendeloque biforée,
ou encore autour d’un doigt avec un simple lien (sans la deuxième partie brisée).
À Mureybet, un fragment annulaire datant du Khiamien (phase IIA) porte une
perforation près de l’une des extrémités. Cette perforation permettait son port à la
verticale en guise de pendeloque. Selon nous, si les fragments annulaires de Jerf el

79 Nous avons fouillé nous-même l’un de ces bassins durant la campagne 2004 de Tell ‘Abr 3.

347
Ahmar portent deux perforations symétriques et non une seule ce serait plutôt
dans un but de recyclage que celui de réparation.

Les pendeloques plates de Jerf el-Ahmar ne présentent aucun intérêt


esthétique remarquable : les matériaux utilisés sont généralement en carbonates,
en l’occurrence des galets plat ramassés dans les environs, les couleurs sont ternes,
pâles dans les tonalités des grisâtres et blanchâtres, et les surfaces, même celles qui
sont polies, n’ont pas d’éclat. Les formes sont très simples, aucune créativité n’est
notée et la symétrie n’est pas toujours recherchée. D’après les traces d’usure sur
ces pendeloques, un amincissement de la matière dans les deux sens opposés a été
observé : le premier correspond à un étirement sur le contour de la perforation sur
la partie supérieure, étirement qui peut se transformer en encoche, le second
concerne un amincissement sur la zone du contour de l’objet exactement à
l’endroit où se trouve l’étirement de la perforation. Ce schéma est documenté à un
stade très peu avancé sur trois pendeloques (n° 56, 89 et 40) et pourrait, à un stade
plus avancé, avoir causé la fracture des perforations de deux pendeloques (n° 74 et
86), qui sont pour l’une particulièrement proche du bord. S’agit-il de véritables
objets de parure ou d’objets dont la fonction est liée à une autre activité ? Il est très
difficile de répondre à cette question compte tenu des caractéristiques générales
des objets de parure découverts à Jerf el Ahmar : de faibles effectifs, fabriqués
dans des matériaux majoritairement autochtones (coquillages d’eau douce,
calcaires), d’un investissement technique peu soigné (comme nous l’avons vu pour
les éléments en os). Par conséquent, nous nous demandons si les pendeloques
plates de Jerf ne s’inscriraient pas dans un domaine de la parure pauvre, peu
inventif et attirant, qui serait propre à Jerf el Ahmar et finalement très différent de
celui de Mureybet à la même période ou encore d’autres sites contemporains
comme Tell Qaramel (Mazurowski 2010), Tell ‘Abr 3 (Yartah 2013) ou Körtik Tepe
(Özkaya & Coşkun 2011).

Bien qu’on utilise la géométrie faciale pour décrire les éléments, la


distinction ne désigne pas forcément des types car parfois on est face à des objets
complètement uniques par leur forme et qui sont issus du recyclage ou de la
récupération (e.g. pendeloque sur fragment de bâton poli). L’un des exemples les
plus remarquables du recyclage est celui concernant un fragment de hache polie
que l’on a converti en pendeloque étroite à relief (n° 101 ; Fig. 8.7e). Cet élément,

348
même si elle est dépourvue de rainure, il correspond selon nous au style et à
l’esprit des pendeloques à rainures, typiques de la période PPNA de la région.
L’emplacement des reliefs est identique à l’emplacement des rainures. Il est
possible que l’artisan ait voulu reproduire ce type mais en moins coup de temps et
d’énergie ? En effet, au lieu de scier toute la matière et creuser par la suite une
rainure dans la surface, avec un « simple » sciage partiel, l’artisan a pu marquer
l’emplacement habituel de la rainure avec un relief dont les dimensions (longueur
et largeur) sont semblables à celles des rainures observées sur les autres objets
apparentés. Bien que l’objet soit soigneusement fini par abrasion et polissage, la
phase de façonnage par sciage partiel correspond à une démarche de
transformation plus rapide que celui de la fabrication des pendeloques à rainure.
Cette attitude relative à une production simple et rapide a été ressentie pour
d’autres objets de parure. Le recyclage, outre qu’il réemploie des matériaux nobles
et précieux, s’inscrit également dans une démarche de rapidité puisqu’il profite
des surfaces et des volumes déjà mises en forme et travaillés. Cependant, dans le
cas de la pendeloque n° 101, il est évident qu’on se trouve face à un artisan très
habile et astucieux.

La présence de deux voire trois perforations sur les éléments est


certainement liée à une fonctionnalité particulière de ces objets. Le tube n° 38,
muni de trois perforations parallèles présentant de traces d’usure, traduit toute la
complexité des systèmes d’attache de certaines parures. En effet, on peut se
demander si l’existence de ces perforations n’avait pas pour but de séparer trois
rangées de fils faisant partie d’une parure. Cela reste très difficile à démontrer car
l’objet n’est pas associé à d’autres éléments. Notons qu’une parure, l’ensemble
n° 1, contient jusqu’à neuf objets à doubles perforations parallèles. Par ailleurs,
deux perles en pierre à double perforation sont également trouvées sur le site.
Peut-on considérer que le nombre de perforations sur un élément correspond au
nombre de rangées de la parure à laquelle il appartenait ? Dans la mesure où ces
éléments n’ont pas été trouvés in situ en association avec un corps humain par
exemple, il est délicat de répondre à cette question, mais l’hypothèse reste très
vraisemblable.

Les perles en os de Jerf el-Ahmar apparaissent sur le site à partir de la phase


moyenne où leur présence, d’abord forte, va diminuer progressivement à la phase

349
récente et à la transition. Cette situation est la même en ce qui concerne les objets
utilitaires en os découverts en quantités bien plus importantes sur le site (Le
Dosseur 2011, p. 185).

Comme sur le site de Mureybet, deux familles typologiques sont


distinguées pour les éléments en matières osseuses à Jerf el-Ahmar : les perles et
les pendeloques. Ces dernières sont représentées sur le site par un seul élément de
forme anatomique. Quant aux perles, d’un point de vue technique, nous
retiendrons qu’elles ont été fabriquées selon un procédé simple et « rapide » qui
consiste, après l’extraction et le nettoyage de l’os par raclage, à scier des tronçons
et, dans certains cas, à écraser le tissu spongieux. D’après les nombreux sillons
témoignant de la reprise de sciage et la présence de corniches accompagnées
parfois de fractures des extrémités, le débitage de ces éléments est à considérer
comme grossier et peu soigné. Les extrémités irrégulières n’ont pas été égalisées et
les corniches n’ont pas été supprimées dans la plupart des cas. Les traces d’usure
sur les corniches et les extrémités même fracturés montrent que les objets ont été
portés en l’état. Selon l’étude des outils en os de ce même site, le trait principal de
la production, hormis sa variabilité, est d’être « simple et relativement expéditive »
(Le Dosseur 2011, p. 199), une conclusion qui concorde avec nos observations sur
les éléments de parure en os. Nous pouvons proposer d’en déduire que les objets
de parure et utilitaires en os ont été fabriqués par les mêmes artisans. L’industrie
osseuse étant documentée comme une industrie à l’échelle domestique, les objets
de parure en os seraient donc par conséquent issus de cette même production.

Notons que les perles en os sur d’autres sites du corpus, comme à


Mureybet, sont élaborées avec plus de soin.

Enfin, en ce qui concerne la fonction d’une parure, le site de Jerf el-Ahmar


offre une découverte importante pouvant donner des indications sur la fonction
d’une parure, en l’occurrence celle de l’ensemble n° 1, la parure composée
majoritairement d’éléments en terre. Le poids conséquent de cette parure, près de
700 grammes, ainsi que le volume des éléments sont exceptionnels pour le corpus.
Cette parure, rappelons-le, pourrait avoir été accrochée sur un bucrane.
L’association de la parure en terre à ce bucrane constitue un dépôt également
imposant en termes de volume. Il est très difficile de reconstituer cette parure car
ces éléments furent découverts éparpillés autour du bucrane. La pendeloque en

350
calcaire de forme singulière, qui a été trouvée au centre, entre plusieurs perles et
les cornes du bucrane, pourrait avoir constitué l’élément central de la parure. Par
ailleurs, la présence des neuf perles biforées au sein de cette parure suggèrent la
présence d’au moins deux rangs ou fils80. Cette parure aurait-elle fait partie d’un
rituel liée à l’aurochs comme par exemple une offrande ? Nous n’avons
malheureusement pas d’exemples provenant des sites contemporains pour tenter
de répondre à cette question. (Voir partie IV pour une éventuelle reconstitution et
revenir ici pour faire revoit).

8.4. Conclusion

Comme pour le site de Mureybet, le site de Jerf el-Ahmar a livré des objets
de parure de forme anatomique, géométrique et singulière. Dans la phase
ancienne, les éléments sont presque exclusivement en pierre et sont de forme
géométrique. Un seul coquillage témoigne d’une forme anatomique dans cette
phase. Le niveau III/E, intégralement incendié et le plus ancien de la phase
moyenne, est celui qui a fourni le plus grand nombre d’objets de parure isolés ou
concentrés en parures. En effet, les quatre assemblages de parure identifiés sur le
site proviennent de ce niveau. La question que nous nous posons est la suivante : y
a-t-il un lien entre la forte présence d’éléments et le fait que les structures dans
lesquelles ils ont été trouvés étaient incendiées ? Dans le cas de la parure n° 1,
composée majoritairement en perles en terre, il est évident que l’incendie de la
structure a contribué à la bonne conservation des éléments. Il est par conséquent
possible que les éléments de parure en terre soient très fréquents sur le site mais
nous n’avons pas suffisamment de témoignages à cause de leur état de
conservation. Notons par ailleurs que les éléments en terre sont présents dans
presque tous les sites du corpus mais souvent en faible effectif.

Parmi les objets de forme anatomique, seuls les coquillages et les matières
osseuses ont été employés. Les coquillages sont exclusivement d’eau douce. Les
objets en os sont constitués majoritairement par les tubes en os, éléments

80 En termes de probabilité, le nombre de fils peut atteindre 18, deux fils par perle.

351
communs pour l’ensemble des sites du corpus, et par un élément réalisé sur un
support exceptionnel, une phalange humaine.

Les objets de forme géométrique sont les plus nombreux et sont, pour la
grande majorité, issus de cylindres et d’ellipsoïdes. Les formes prismatiques sont
très rares. Les objets géométriques appartiennent à un total de neuf classes
typologiques. Cela fait que la collection de parure de Jerf el-Ahmar est la plus
diversifiée, typologiquement parlant, du corpus. Outre les rondelles, les disques et
les pendeloques plates, les pendeloques étroites à rainure, typiques de la période
PPNA de l’Euphrate, sont présentes sur le site et sont fabriquées, comme celles
d’autres sites contemporains, sur des matériaux allogènes. Cependant, une
variante originale de ces pendeloques a été découverte ici, la pendeloque étroite à
relief.

Les plus anciens spécimens de perle biforée de tout le corpus ont été
trouvées à Jerf el-Ahmar. Ces éléments, ainsi qu’un tube en os à trois perforations
courtes parallèles transversales, pourraient être des objets avec une fonctionnalité
bien précise, celle d’» écarteurs » de fils au sein d’une parure.

Enfin, les objets de parure en terre de Jerf el-Ahmar semblent faire partie de
pratiques rituelles liées à l’aurochs, animal qui tient une place symbolique
importante tout au long du Néolithique précéramique.

352
Chapitre 9. Dja’de el-Mughara

À Dja’de el-Mughara, nous avons recensé un total de 83 objets de nature


hétérogène et provenant de toutes les périodes d’occupation du site. Parmi ces
objets, certains sont clairement identifiables comme éléments de parure et d’autres
ont un statut plus ambigu. L’hétérogénéité des objets est observée uniquement au
sein des éléments en pierre pour lesquels quatre catégories ont pu être
distinguées : les objets perforés, les objets à rainures, les objets géométriques sans
perforation ou rainure et les objets irréguliers sans perforation ou rainure. L’étude
que nous présentons ici concerne uniquement les éléments provenant des phases
néolithiques précéramiques et céramiques du site (DjI, DjII, DjIII et DjIV)81.

Au nombre de 55, ces éléments sont en pierre, en matière osseuse, en terre


ou en coquillage. Ils appartiennent à trois catégories de forme : les formes
anatomiques, les formes géométriques et les formes singulières (Tabl. 9.1). L’état
de préservation des objets est relativement bon mais un certain nombre d’entre
eux présente des cassures anciennes. Au total, 19 objets sont cassés dont 12
inutilisables, la fracture ayant emporté une partie de leur perforation. Pour les
éléments ne présentant pas de cassures, au nombre de 22, seulement 1 était
inutilisable car abandonné avant que sa perforation n’aboutisse.

L’identification des coquillages a été faite par nous au niveau de la famille.


Celle des objets en matières osseuses a été vérifiée par L. Gourichon. Aucun
élément en pierre ou en argile n’a bénéficié d’analyses de composition par
diffractométrie ou autres méthodes. Leur détermination a été effectuée par
comparaison avec des échantillons analysés provenant d’autres sites.

La collection de parure de Dja’de el-Mughara est inédite. Toutefois, nous


avons rapporté quelques résultats préliminaires dans les rapports de fouille, non
publiés, des années 2005, 2006 et 2008.

81 Cf. 2.3.2. Stratigraphie et périodes d’occupation, p. 46.

353
9.1. Les formes anatomiques

Les éléments de forme anatomique sont au nombre de sept dont deux en


matières osseuse, quatre en coquilles et un en pierre (Fig. 9.1).

9.1.1. Les coquillages

Seulement quatre coquilles ont été trouvées à Dja’de. Toutes sont des
dentales. Ouverts aux deux extrémités, ces éléments peuvent être enfilés à l’instar
des perles tubulaires. Deux d’entre eux (n° 19 et 72) sont finement côtelés mais
leur test est érodé (Fig. 9.1a-b). De fines côtes ont également été repérées sur une
coquille (n° 49) dont le test est très lisse. La présence des côtes confirme qu’il s’agit
pour ces trois cas de Dentalium sp. Sur la quatrième coquille (n° 65), le test est très
lisse et aucune côte n’a pu être notée. Il est donc difficile pour cet élément de
savoir s’il s’agit bien d’une dentale. Deux grandes taches rougeâtres couvrent
l’une de ses surfaces. Ces taches semblent être issues d’une chauffe probablement
accidentelle puisqu’elle n’a affecté qu’une seule zone.

Le plus long des dentales (n° 19) mesure 27.7 mm pour un diamètre
maximal de 8.5 (Fig. 9.1a). Le plus court (n° 72) mesure 9.8 mm pour un diamètre
de 4.7 mm (Fig. 9.1b). C’est le seul à avoir deux extrémités régulières. Le test étant
érodé, nous n’avons pas pu distinguer des stigmates de sciage, comme indices de
la technique de sectionnement, ou de stries d’abrasion, comme stigmates d’une
régularisation de la tranche après un sectionnement par flexion. Des stries
croisées, bien que très émoussées et partiellement effacées par l’usure, ont été
détectées sur le bord régulier et droit de l’ouverture postérieure de la coquille
n° 49. L’ouverture de l’extrémité antérieure est irrégulière et présente des
ébréchures mousses. Le même schéma a pu être observé sur le dentale n° 65. Le
dentale n° 17 présente une ouverture antérieure régulière mais une ouverture
postérieure irrégulière à languette (ou à bec). Le test étant érodé, nous n’avons pas
pu identifier des stries d’abrasion ou de sciage sur la bordure de l’ouverture
régulière.

354
L’usure sur les coquilles se manifeste par l’émoussement des bordures des
ouvertures et par l’effacement partiel ou total de certaines côtes de la surface et la
formation de facettes localisées à leur emplacement.

Les deux coquilles de la phase DjI proviendraient de l’espace extérieur de la


« maison aux peintures ». Le contexte de découverte des deux autres coquilles
n’est pas précisé.

9.1.2. Les matières osseuses

Deux éléments en matières osseuses appartiennent aux formes


anatomiques. Les animaux auxquels appartiennent ces éléments correspondent,
selon le classement du Body Size Group (BSG)82, au sous-groupe A1 (Bovins de
taille aurochs, bœuf) est représenté par une dent entière (n° 28), à savoir une
première incisive droite d’un bovin. Et au groupe F (« Poisson ») représenté par un
os court, une vertèbre de poisson (n° 31) (Tabl. 9.2).

9.1.2.1. Incisive de bovin


La dent n° 28 provient de la phase DjII, de la zone d’épandage de
boucherie. Il s’agit de la première incisive gauche d’un grand bovin (Fig. 9.1e).
Partiellement préservée, la couronne est en bon état tandis que la couche de
cément, qui couvre la dentine de la racine, est craquelée et a complètement
disparu dans certaines zones, notamment autour des ouvertures de perforation,
près du collet et dans la partie la plus proche de la couronne.

De grande taille, cette dent a une racine légèrement plus longue que la
couronne (h : 47.8 mm ; l : 16.6 mm ; d racine : 9.7 mm). Munie d’une perforation
latérale de section biconique, située au milieu de la racine, la dent se porte comme
une pendeloque. Vue de face, la perforation est complètement invisible et la dent
est légèrement courbe (dp : 3.8 et 3 mm). Les deux cônes de perforation
aboutissent à la cavité pulpaire de la racine. Ainsi, l’ouverture de cette cavité est
de 1.7 mm pour le cône le plus grand et de 1.2 mm pour le petit. Sur les parois de

82 Cf. 3.4.2. Les matières osseuses,3.4.2.5. Identification, p. 100.

355
la perforation, les stries de forage sont partiellement ou entièrement effacées par
l’usure. Toutefois, la forme circulaire très régulière des ouvertures de la
perforation suggère l’utilisation d’un système de forage produisant une abrasion
rotative de 360°. La détérioration ou l’absence de la couche de cément ne permet
pas de vérifier les éventuelles interventions techniques au niveau de la racine.

9.1.2.2. Vertèbre de poisson


L’élément n° 31 (Fig. 9.1c) a été trouvé dans un niveau de la phase DjIII, le
contexte de sa découverte n’est pas clair.

La détermination taxonomique n’a pas été effectuée mais il est probable


qu’il s’agisse de la vertèbre d’un poisson d’eau douce de la famille des Cyprinidae
ou des Siluridae capturé dans l’Euphrate. La forme est semblable à un cylindre
court à section subcirculaire et les deux extrémités sont creusées naturellement,
sous la forme d’une dépression conique dont le fond est situé au centre. C’est
exactement à cet emplacement qu’un percement a été aménagé de part et d’autre,
permettant le passage d’un lien. La vertèbre est dépourvue d’épines ou
d’apophyses. Les parois verticales contiennent de nombreuses ouvertures
naturelles de formes, dispositions et dimensions différentes. Ces reliefs
anatomiques peuvent constituer, une fois la vertèbre nettoyée, un attrait
esthétique remarquable. En effet, le percement étant situé au centre de la vertèbre,
elle peut être portée en guise de perle et la partie exposée est celle du profil,
montrant les parois et leurs les ouvertures naturelles dont la disposition et les
formes peuvent être perçues comme des décorations.

Les extrémités en dépression sont altérées, notamment au niveau de la


perforation. Celle-ci a provoqué une fissure sur l’une des surfaces (d : 17.8 mm ; L :
13.8 mm ; dp : 3.5 mm).

Selon l’espèce et le type de vertèbre, l’une des surfaces coniques peut être
munie d’un petit percement naturel. Il est possible que dans le cas de la vertèbre
n° 31, ce petit percement naturel ait été mis à profit afin de créer un percement
plus large. Cependant, il est très difficile de distinguer les stries de percement car,
d’une part, l’os est altéré et, d’autre part, les stries peuvent se confondre avec la
structure de la matière organisée de manière concentrique sur la surface. Sur les

356
parois de la vertèbre, à l’emplacement de deux zones symétriques, on peut
deviner l’arrachement ou la suppression des épines et des apophyses (Fig. 9.1c).
Les bords et les contours de la vertèbre sont tous émoussés. En outre, toutes les
zones présentant un léger relief sont légèrement « jaunies ». Un léger poli est
également observé sur les parois des surfaces coniques des extrémités.

9.1.3. Les pierres

L’objet n° 1 est une pendeloque exceptionnelle et unique dans le corpus


(Fig. 9.1d). Elle provient de la phase DjII, d’un contexte peu clair, mais elle serait
associée avec les structures en « grill-plans » des grandes maisons de ce niveau.

Il s’agit d’une pendeloque réalisée dans une roche de couleur vert bleuâtre
qui rappelle fortement la turquoise. Cette pendeloque est relativement petite,
mesurant 17.3 mm de hauteur, 8.5 mm de largeur et 4.1 mm d’épaisseur. Sa
perforation est biconique et mesure 3.5 x 3 mm de part et d’autre. La pendeloque
comporte deux faces presque identiques représentant des figures anatomiques
complexes selon une perspective de profil. Les figures représentées peuvent être à
rapprocher, selon la face, d’une représentation humaine ou de celle d’un oiseau.
La pendeloque, lorsqu’elle est suspendue par sa perforation, est orientée à
l’envers. Il est nécessaire de pivoter l’objet, en plaçant la perforation en bas, pour
mieux visualiser la représentation.

Les faces de la pendeloque peuvent être divisées en trois parties –


proximale, mésiale et distale – nettement séparées par des rainures et des
incisions dont la présence est très significative au sein de la figure. La partie
proximale comporte la perforation dont une portion est cassée.

Sur la première face, la partie distale représente une forme plus ou moins
ovale disposée presque à l’horizontale et porte une cupule située plus au moins au
centre et une rainure sur chaque côté de sa base. Cette partie, avec la cupule au
centre, dessinent la forme d’une tête humaine vue de profil. La cupule peut
représenter l’œil, la rainure droite la bouche (?) et/ou une courbe figurer un nez ou
un bec. La rainure de gauche, quant à elle, souligne la rondeur de la partie

357
occipitale d’une tête vue de profil. Ces traits se rattachent pour nous à la forme
d’une tête d’oiseau.

Les mêmes éléments, la cupule et les rainures, sont observés sur la partie
distale de la seconde face à la différence que la forme ovale n’est pas disposée à
l’horizontale mais en diagonale, selon un axe situant la courbure gauche à un
niveau plus haut que celui de la courbure droite. L’emplacement de la cupule,
l’œil, ne se trouve pas au centre mais décalée près de la courbure droite, dans la
partie haute. Selon nous, la configuration de ces éléments évoque une tête
humaine portant peut-être une coiffe volumineuse, vue de profil.

La partie mésiale est soulignée et délimitée par deux rainures sur les deux
faces de la pendeloque. La plus grande et la plus profonde se trouve en haut, au
contact avec la partie distale, et la plus petite et la moins prononcée en bas,
séparant la partie proximale de la mésiale. L’étendue et l’orientation de ces deux
rainures dessinent une forme ovale à extrémités légèrement pointues disposées
diagonalement. Cependant, selon la face observée, les interprétations sont
différentes, notamment en prenant en compte la représentation précédente de la
tête. En effet, sur la première face, la forme ovale diagonale semble représenter
l’aile pliée d’un oiseau. Sur la deuxième face, c’est la forme d’un torse humain vue
de profil que nous pouvons deviner. Nous pourrions alors nous attendre à une
représentation des membres inférieurs (patte d’oiseau ou jambes humaines) sur la
partie proximale, ce qui n’est pas le cas. En effet, les membres inférieurs sont
« remplacés » par la perforation.

Toutefois, les détails sur le contour de la pendeloque apportent des


éléments importants à la compréhension et l’interprétation de la représentation.
Sur le contour, au même niveau de la partie proximale, une rainure longitudinale
est gravée au centre. Elle représente très explicitement la séparation entre des
membres inférieurs. Elle est reliée à une autre rainure perpendiculaire, située à la
frontière entre les parties proximale et mésiale, qui représente probablement la
taille ou la ceinture. Plus haut encore, les deux parties mésiale et distale sont
séparées par deux rainures soulignant la tête et le torse. L’examen de cette zone
depuis le contour montre un amincissement dans la pierre qui pourrait être
interprété comme celui d’un cou. Contrairement aux faces, sur cette zone du
contour les éléments représentés sont communs aux deux représentations. En

358
revanche, sur le haut de la tête, deux petites rainures parallèles sont gravées,
chacune sur l’une des faces. Ce détail est selon nous un indice clair de la volonté
de l’artisan de représenter deux figures, différentes sur chacune des faces. Les
différences sont très subtiles d’une face à l’autre. L’artisan a surtout travaillé sur la
perspective, l’emplacement des éléments et l’orientation des formes. Ces détails
témoignent d’une très grande maîtrise technique et artistique. Cependant, lorsque
la pendeloque est portée selon une suspension libre, la représentation se retrouve
exposée « tête en bas ». Il pourrait s’agir d’un cas de réutilisation de figurine
miniature, mais nous n’avons aucun élément à disposition permettant de vérifier
cette hypothèse. De plus, l’usure de la pendeloque est homogène et globale, y
compris celle de la perforation. La fracture de celle-ci s’est produite après
utilisation, les traces de forage étant complètement effacées.

9.1.4. Synthèse formes anatomiques

Les objets de forme anatomique à Dja’de sont identifiés sur les trois
matériaux communément utilisés pour la parure : les coquillages, l’os et la pierre.

Contrairement à Jerf el-Ahmar, le site de Dja’de n’a pas livré de coquilles


d’eau douce utilisées dans le domaine de la parure. Paradoxalement, les seuls
éléments en coquillages, en nombre très faible, sont tous en dentales, donc
d’origine maritime. Seule la vertèbre d’un gros poisson (carpe ou silure ?), pêché
très probablement dans l’Euphrate, peut être considérée comme d’origine locale.
Cette vertèbre représente l’unique exemplaire de son genre dans le corpus. Il en
est de même pour la pendeloque en incisive de bovin dont aucun élément de
comparaison n’a été trouvé dans les sites étudiés. En ce qui concerne les vertèbres
de poissons, nous ne connaissons pas d’autres mentions pour les sites néolithiques
proche-orientaux. A notre connaissance, l’exemple le plus proche est celui
provenant d’Aknashen, site Néolithique/Chalcolithique en Arménie (Chataigner
2007, p. 64). L’utilisation des vertèbres de poissons dans la parure a été
documentée dans des contextes plus éloignés géographiquement et
chronologiquement comme dans la parure néolithique du Midi de la France
(Barge 1982, p. 24, fig. 4, p. 21). En revanche, les pendeloques sur incisives de
bovins sont plus fréquentes et on en trouve des exemples sur le site de Motza

359
(Israël), daté de la fin du PPNB ancien et du début du PPNB moyen (Le Dosseur
2006, p. 346) mais aussi sur le site d’Aknashen en Arménie (Chataigner 2007,
p. 64).

La pendeloque représentant une silhouette mi-homme mi-oiseau datant de


la Phase DjIIc trouve des parallèles, non pas dans le domaine de la parure mais
dans celui des figurines de la période précédente, le PPNA, voire dans certaines
représentations iconographiques de la transition PPNA/PPNB ancien (e.g. à
Göbekli). On peut mentionner les spécimens trouvés dans les sites voisins de Tell
Mureybet et Jerf el-Ahmar, considérés comme ambigus (Stordeur et Lebreton
2008, p. 621), à l’instar de la figurine dite du « rapace nocturne » (ibid., p. 620 ;
Pichon 1985, p. 261). Dans le domaine de la parure, il faut attendre le Néolithique
céramique ancien de Byblos pour avoir des exemplaires présentant des
similitudes. L’un de ces exemplaires provient de Tell Aswad (Stordeur 2003, p. 12,
Fig. 2), l’autre du site de Byblos (Cauvin 1972c, Fig. 19). Outre la nature de la
représentation, le support de la pendeloque est exceptionnel car il s’agit de
turquoise.

9.2. Les formes géométriques

Au total, 37 éléments appartiennent au groupe des objets de forme


géométrique. Ceux-ci sont composés de 32 éléments en pierre, quatre en terre et
un en os. Ils se répartissent au sein de cinq classes typologiques (Tabl. 9.3) :

1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

2. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

3. Objets à double perforation unilatérale (pendeloques biforées)

4. Objets à perforation longue centrée (perles).

5. Objets à double perforation longue bilatérale (perles biforées).

360
9.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

Seules quatre rondelles cylindriques ont été découvertes à Dja’de el-


Mughara (Fig. 9.2d-e). Les formes s’inscrivent dans des cylindres de section
circulaire (CY.0) dans trois cas (n° 44, 74 et 81) et dans un prisme de section
hexagonale (PR.6) dans un cas (n° 48). La perforation dans tous les cas est courte
centrée axiale (I.C.1) (Tabl. 9.3). Enfilées, ces rondelles affichent un profil
quadrangulaire, elles sont toutes considérées du type cylindrique (Tabl. 9.4).

Parmi ces rondelles, deux sont associées à la phase DjI (n° 74 et 81), une à
DjII (n° 48) et une à DjIII (n° 44). Elles ont été trouvées isolées dans divers
contextes extérieurs mais l’une d’entre elles (n° 44) pourrait être associée à la
« maison des morts » car elle fut découverte contre la paroi au nord. Cette
rondelle, ainsi que la n° 71, sont cassées.

Les matériaux, dans le cas des éléments n° 44 et 48 (Fig. 9.2e), semblent


appartenir aux roches carbonatées tel que le calcaire (rubéfié ?). Pour les deux
autres (n° 74 et 81), du talc rouge a été employé (Fig. 9.2d). Les diamètres des
rondelles cylindriques sont compris entre 5.3 et 5.7 mm, et leur épaisseur entre 1 et
4.5 mm.

9.2.2. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

Les pendeloques de Dja’de sont au nombre de 17 dont 14 d’entre elles sont


plates, deux sont étroites à section arrondie et 1 est globuleuse (Tabl. 9.4 ; Fig. 9.3).

9.2.1.1. Pendeloques étroites à section arrondie


La forme s’inscrit dans un cylindre de section circulaire au sein de laquelle
la perforation courte décentrée s’intègre dans l’axe transversal (CY.0.I.C.4)
(Tabl. 9.3).

Les pendeloques étroites de section arrondie sont au nombre de deux à


Dja’de el-Mughara. L’une est entière (n° 13 ; Fig. 9.3a) tandis que l’autre est cassée
dans sa partie distale (n° 52 ; Fig. 9.3b). Celle-ci est datée de la phase DjII. La

361
première appartient également à la phase DjII mais nous n’avons pas de
renseignement sur la nature de son contexte de découverte. Les deux éléments ont
été fabriqués en roches de couleur verte de nature différente.

Dans le cas de la pendeloque n° 13 (h : 18.5 mm ; l : 4.6 mm ; ep : 3.5 mm), le


matériau est de couleur vert pomme tacheté de blanc, à éclat brillant, surface lisse
et de dureté élevée (6.5 sur l’échelle de Mohs). Une « croûte » marron couvre
certaines parties de sa surface. D’après ces caractéristiques, cette roche nous
évoque l’amazonite. Le matériau de l’autre pendeloque (h : 13.3 mm ; l : 5.1 mm ;
ep : 4.1 mm) est indéterminé mais sa couleur (vert olive grisâtre), l’aspect de sa
surface et son éclat mat évoquent fortement le même matériau que celui utilisé
pour la pendeloque plate trapézoïdale à rainure diagonale (n° 84), roche de
couleur vert olive foncé et à éclat mat et rayure blanche.

La forme de ces pendeloques s’inscrit dans un cylindre à section elliptique


dont l’une des extrémités est pointue tandis que l’autre est amincie. C’est à cette
extrémité que la perforation prend place transversalement. Les perforations sont
bipolaires de section sub-cylindrique aussi bien pour la pendeloque n° 13 (dp : 2
mm) que pour la n° 52 (dp : 2.6 mm). Notons que la pendeloque n° 52 porte une
seconde perforation au-dessus de la première (Fig. 9.3b). Il s’agit d’un forage
relativement profond mais qui concerne uniquement une face. Le tube de
perforation est coupé (tronqué) par le bord de l’extrémité proximale de la
pendeloque. Il s’agit là encore d’un témoin d’un « mauvais » calcul de
l’emplacement primaire de la perforation. Un deuxième départ de forage,
rapidement abandonné, est observable sur l’autre face de la pendeloque, cette fois
ci en dessous de la perforation et plus près du bord.

9.2.2.2. Pendeloques plates


Les formes géométriques s’inscrivent dans un cylindre de section circulaire
(CY.0) dans un cas et de section elliptique dans sept cas est elliptique (CY.1). La
forme prismatique est reconnue dans quatre cas. Elle est de section triangulaire
dans un cas (PR.3), et de section quadrangulaire rhomboïdale (PR.4h) et
quadrangulaire trapézoïdale (PR.4t) dans trois autres cas. Au sein de toutes ces
formes, la perforation courte est axiale et décentrée (I.C.3) (Tabl. 9.3).

362
Les 14 pendeloques plates se distinguent selon leur géométrie faciale
(Tabl. 9.4). Ainsi, quatre types ont été identifiés : circulaire, elliptique haute,
elliptique large, sub-triangulaire et trapézoïdale. Trois d’entre elles n’ont pu être
classées car elles présentent des cassures importantes et seront décrites sous le titre
de « Pendeloques plates indéterminées ».

A. Circulaire
Une seule pendeloque plate (n° 47) de forme circulaire a été trouvée à
Dja’de (Fig. 9.3c). Elle provient de la phase DjIII. Nous n’avons pas de précisions
sur le type de contexte archéologique auquel elle appartient. Un petit galet de très
bel aspect a été choisi pour la fabrication de cette pendeloque. De couleur beige
gris et vert marbré, cette roche est composée de plusieurs minéraux et inclusions.
Ces dernières sont des micro-organismes fossiles dont certains sont visibles à l’œil
nu.

De petite taille (d : 19.1 mm ; ep : 2.9 mm) cet élément a une perforation


bipolaire de section biconique, bien que l’un des cônes soit plus profond et plus
évasé que l’autre (dp : 8.6 mm et 3.8 mm ; d jonction : 1.9 mm). La perforation
montre un pourtour régulier circulaire des deux côtés. Les parois du grand cône,
dont l’évasement est doux et progressif, nous offrent un renseignement intéressant
sur les dimensions de la mèche perforante, en particulier la longueur de la partie
active. En effet, les stries de rotation, concentriques et continues, sont gravées dans
un rayon de 8 mm, voire plus sur le cône dont la profondeur ne dépasse pas les 2.1
mm. Le diamètre de jonction est inférieur à 2 mm. Deux hypothèses se profilent à
partir de ces observations : la première est que la mèche utilisée a une partie active
relativement courte (entre 2 et 2.5 mm) de forme pointue et dont le diamètre
mesurerait entre 8 et 1 mm, le plus petit correspond à la pointe. La seconde
hypothèse est que la perforation a été démarrée sur une face avec une mèche de
grand diamètre puis approfondie avec une mèche de diamètre plus petit.
Toutefois, la continuité des stries et la dynamique de leur enregistrement sur les
parois plaide pour la première des hypothèses. Si celle-ci est avérée, cela indique
que le perçoir employé pour la perforation de ce galet était particulièrement court,
probablement raccourci par l’usure.

363
Les stries de rotation sont partiellement effacées à certains endroits et ces
zones sont légèrement émoussées. Cependant, les pourtours de perforation ne
présentent pas d’étirements ou d’encoches.

B. Elliptiques hautes
Comme pour la pendeloque circulaire, les cinq pendeloques elliptiques
hautes sont composées de galets plats de couleur blanchâtre beige, parfois
marbrée, très probablement ramassés sur les rives de l’Euphrate. Certains
contiennent des inclusions de micro-organismes fossiles. Ces galets ont été
simplement aménagés avec une perforation près du bord dans le sens de la
hauteur. Trois de ces pendeloques (n° 12, 76 et 77) proviennent de la phase DjI,
découvertes dans des contextes liés à la « maison aux peintures », soit dans
l’espace extérieur dans une couche de grosses pierres (n° 12 ; Fig. 9.3e), soit dans le
comblement de la maison (n° 76 et 77). La pendeloque n° 77 présente une cassure
et ne possède plus sa moitié distale. Les deux autres pendeloques proviennent de
niveaux plus récents. La pièce n° 23 appartient à la phase DjII et est cassée dans le
sens oblique, presque la moitié de l’objet étant manquant (h : entre 18.3 et 31.7
mm ; l : entre 13.1 à 28 mm ; ep : 3.4 à 3.6 mm). Enfin, la pièce n° 56 (Fig. 9.3d) a été
trouvée dans l’une des couches de la phase DjIII.

Les perforations des cinq pendeloques sont bipolaires. Leur section est
cylindrique dans trois cas (n° 12, 56 et 76) et biconique dans les deux autres cas
(n° 23 et 77). Sur les deux faces de la pendeloque n° 77, des incisions plus ou moins
marquées, croisées et entremêlées à des stries longues elles-mêmes croisées, ont
été observées dans les zones autour des ouvertures de perforation. Il s’agit d’un
marquage de l’emplacement de la perforation préalablement à sa réalisation.
Autour des ouvertures de la perforation de la pendeloque n° 12, des stries
aléatoires croisées et partiellement effacées ont également été observées. Ces stries
correspondent peut-être aussi à un marquage préalable à la perforation, que
l’usure et le poli développé sur la surface auraient partiellement fait disparaître.

Les stries de rotation sont complètement effacées dans deux cas (n° 23 et 76)
et partiellement effacées dans les trois autres (n° 12, 56 et 77). Pour ces derniers, les
stries sont régulières et concentriques.

364
Une pendeloque elliptique haute (n° 12), unique dans le corpus, est
particulièrement intéressante car ornée d’incisions décoratives (Fig. 9.3e). Ces
petites incisions, au nombre de 14, sont disposées horizontalement, à distance
égale tout autour du contour de la pendeloque et débordant légèrement sur ses
deux faces. Vue de face, la pendeloque affiche un contour « dentelé » qui s’inscrit
dans la forme d’une ellipse.

L’usure des pendeloques plates elliptiques hautes se manifeste


principalement dans la zone de perforation. Outre l’effacement complet ou partiel
des stries, les contours (arêtes) des perforations sont dans quatre cas
complètement émoussés et dans un cas adoucis (n° 77). Sur ces cinq cas, des
étirements ont été observés, tous orientés dans la même direction, juste au-dessus
de la perforation, vers le point le plus haut de la pendeloque. Notons que l’une de
ces pendeloques (n° 76) présente un étirement particulièrement prononcé.

C. Elliptique large
A la forme elliptique large un seul objet est à rattacher (n° 3) (Fig. 9.3f).
Cette pendeloque a été découverte avec l’objet n° 4 (Fig. 9.3h), que nous
présenterons plus loin, dans une couche de grosses pierres de l’espace extérieur de
la maison aux peintures, datée de la phase DjI. Le support utilisé est un galet de
couleur vert sapin foncé à éclat très brillant, presque métallique. L’intérieur de la
matière montre un éclat mat. De petite taille, cet élément mesure 16.7 mm de
hauteur, 19.4 mm de largeur et 5 mm d’épaisseur. Cet élément porte deux
perforations dont l’une est située approximativement au centre tandis que l’autre,
très éloignée, située sur le bord de la l’objet. Aucune de ces deux perforations n’est
aboutie. En effet, la première a été abandonnée en cours de façonnage et la
seconde a été cassée. Malgré tout, l’intention de l’artisan nous paraît claire : celle
de la création d’un objet de parure, en l’occurrence une pendeloque qui, d’après
l’emplacement de l’une ou l’autre des perforations, aurait pu être suspendue dans
le sens de la largeur.

La perforation centrale comporte un premier cône légèrement évasé assez


profond sur l’une des faces. Sur l’autre face du galet, un deuxième cône a été foré,
mais désaxé par rapport au premier. Il s’agit probablement de la raison pour

365
laquelle cette perforation a été abandonnée en cours de réalisation. Cela pourrait
expliquer par ailleurs le recours à la méthode du marquage de l’emplacement des
perforations sur les faces avant le forage, comme attestée sur d’autres objets.

La seconde perforation, réalisée maladroitement sur le bord, s’est cassée


bien que les deux cônes soient joints. Enfin, les stries gravées sur les parois sont
régulières, concentriques et d’une rotation complète. La régularité des cônes de
perforation, de l’ouverture de la perforation sur les deux faces ainsi que la
dynamique des stries sont des stigmates très semblables à celles observées sur les
perforations expérimentales83 réalisées avec un foret à l’archet.

D. Sub-triangulaire
La pendeloque n° 51 (Fig. 9.3g) est la seule à être considérée de forme sub-
triangulaire. La perforation est située dans la partie étroite de la face. Cette
pendeloque appartient à la phase DjII et fut découverte dans un secteur où très
peu d’architecture est documentée. Le support utilisé est un galet de couleur vert
gris foncé à éclat mat. Cet élément est haut de 22.5 mm, large de 15.1 mm et épais
de 3.1 mm. La perforation est bipolaire de section sub-cylindrique. L’ouverture de
la perforation est de 3.2 mm sur une face et de 2.5 mm sur l’autre. Le diamètre de
jonction des tubes est de 1.5 mm.

Sur la face de l’ouverture de perforation la plus petite et autour de celle-ci,


des incisions longues croisées ont été observées. Le marquage de l’emplacement
sur cette face peut être interprété comme suit : la perforation a été entamée sur une
face sur une grande profondeur, et ensuite, afin de faire coïncider les deux tubes,
un marquage a été effectué sur la seconde face afin de mieux viser l’axe du
premier tube. Notons que, toujours sur la face de la perforation de plus petit
diamètre, à l’extrémité l’opposée, un début de forage a été commencé et très vite
abandonné, matérialisé par des stries concentriques superficielles qui écrasent
légèrement la matière. On peut envisager la possibilité d’une confusion
momentanée de l’artisan ou d’un choix délibéré puis finalement abandonné. Cet
abandon pourrait être lié à la prise en compte de la forme du galet. En effet, en
créant une perforation à cet endroit, la pendeloque de forme triangulaire aurait été

83 Expérimentations personnelles de perforation bipolaire sur des galets provenant de l’Euphrate.

366
suspendue par sa base, c'est-à-dire en affichant la base du triangle vers le haut et
sa pointe vers le bas : un schéma extrêmement rare, pour ne pas dire inexistant
dans tout notre corpus.

Les stries de rotation, encore visibles, sont parfaitement régulières et


concentriques. Les incisions de marquage sont également encore visibles et vives,
tout comme les arêtes des contours des perforations, pas ou très peu polies. Cette
pendeloque semble donc être très peu usée.

E. Trapézoïdales
Trois éléments sont considérés comment appartenant au type trapézoïdal.
Parmi eux, deux appartiennent à la phase DjII (n° 15 et 84) et un à DjI (n° 4). Ce
dernier, rappelons-le, a été découvert avec la pendeloque plate elliptique large
n° 3 (cf. supra). Deux roches de couleur verte mais de nature différente ont été
employées pour la fabrication des pendeloques provenant de DjII. La première,
n° 15 (Fig. 9.3j), est d’une couleur vert bleuâtre clair marbré avec du blanc et du
marron clair (caramel) et présente un éclat savonneux. Il s’agit du seul objet de
parure du site ayant bénéficié d’une analyse de composition minéralogique par
diffractométrie RX. Il s’est avéré être en roche phosphatée composée de
woodhouseite et d’hydroxylapatite (Coqueugniot 2011, p. 25). L’autre élément
(n° 84) est en roche de couleur unie vert olive gris et à éclat mat. La rayure de la
roche produit un trait blanc. Le matériau de l’élément n° 4 (Fig. 9.3h) est quant à
lui un galet à éclat brillant et aspect métallique. De couleur marron rougeâtre, ce
matériau rappelle fortement l’hématite. Ces pendeloques ont un petit gabarit (h :
de 14.2 à 19.5 mm ; l : de 9.9 à 15.5 mm ; ep : de 2.2 à 4.8 mm).

Les deux pendeloques façonnées dans les roches vertes ont été finalisées
tandis que le galet en hématite a été abandonné avant que sa perforation ne soit
aboutie. En effet, une seule face porte les traces d’un début de forage tandis que
l’autre est intacte (Fig. 9.3h). Sur la première face, au centre de la zone la plus
étroite du galet, des stries croisées et aléatoires ont été intentionnellement
produites dans le but de marquer l’emplacement de la perforation. Une petite
cupule peu profonde, parfaitement circulaire, à section sub-cylindrique et de 1.8
mm de diamètre, porte les stries concentriques du forage.

367
Les perforations sur les deux autres pendeloques sont bipolaires, de section
cylindrique dans le cas de la pendeloque n° 84 et biconique dans le cas de la
pendeloque n° 15. Notons que chez cette dernière la jonction des deux cônes est de
très petit diamètre (0.7 mm seulement). Un début de forage est documenté sur
l’une des faces de la pendeloque n° 15 : il s’agit d’une minuscule cupule de forage
de 0.3 mm de diamètre, situé au-dessus de la perforation. Là encore, nous avons
un exemple d’un premier forage abandonné car trop rapproché des bords de la
pièce, ce qui aurait peut-être causé sa fracture. Le choix de l’emplacement de la
cupule pourrait cependant être motivé par le fait que l’épaisseur de la roche est
plus faible à cet endroit.

En ce qui concerne la pendeloque n° 84, l’extrémité distale a été sectionnée


par sciage et l’objet façonné par abrasion. Une rainure relativement profonde
traverse l’une des faces dans un sens diagonal. Sur l’autre face, plusieurs incisions
ont été effectuées au même emplacement que la rainure. S’agit-il d’un élément
décoratif ou d’un début sciage qui fut abandonné ? Il pourrait s’agir d’un début de
sciage abandonné ou d’un élément décoratif, la décoration par rainurage/incision
étant attestée sur le site pour les objets de parure (n° 39 et 12) ainsi que pour une
catégorie d’objet que nous dénommons de ce fait « objets rainurés ».

F. Pendeloques indéterminées
L’appartenance de trois éléments à la famille des pendeloques pose
question. Il s’agit d’un élément rectangulaire en os (n° 39), et de deux éléments de
formes indéterminées en gypse (n° 78 et 79).

Dans son état actuel, la pièce n° 39 peut être classée au sein des
pendeloques plates rectangulaires (Fig. 9.4a). Néanmoins, l’examen approfondi
laisse des doutes concernant sa nature comme élément de parure, et plus
particulièrement comme pendeloque. Provenant de la phase DjIII, elle fut
découverte dans un muret de grill-plan. Le support utilisé est un os plat déterminé
comme appartenant au sous-groupe A1 (Ongulés de grande taille de format
aurochs ou bœuf). Il s’agit d’un segment plat provenant d’une côte de bœuf de
forme rectangulaire dont l’une des extrémités présente une cassure (h : 41.6 mm ;
l : 22.8 mm ; ep : 2.5 mm).

368
Cet élément est exceptionnel car il contient 29 cupules de section conique
distribuées sur sa face interne, à l’intérieur de quatre triangles créés en faisant se
croiser deux grandes incisions diagonales dans un rectangle (Fig. 9.4c). Ce dernier
est constitué des deux côtés longs de l’os lui-même et de deux incisions parallèles
dans le sens de la largeur. Le nombre de cupules varie d’un triangle à l’autre. Dans
deux d’entre eux, un total de huit cupules a été compté, 10 dans le troisième
triangle et 3 dans le dernier, où est placée par ailleurs la perforation. Le décor à
cupules rappelle celui d’un objet denté en os de Tell Mureybet au Khiamien,
également réalisé sur une côte (Stordeur 1974, Fig. 2, p. 439 ; Stordeur et
Christidou 2008, Fig. 47.1, p. 524).

Le bord cassé du segment porte vers le milieu une petite portion de


perforation cassée. La cassure est récente, probablement produite lors de la fouille.
De l’autre côté, entre l’incision du rectangle et le bord du segment, un petit espace
rectangulaire est resté vide, sans éléments décoratifs. Sur la face externe de l’os, les
deux perforations ayant servi à l’attache de l’élément sont clairement identifiables
(Fig. 9.4b) contrairement à la face interne détériorée et riche en cupules forées.
Celles-ci, ainsi que les incisions sur cette face, forment un schéma décoratif
composé de formes géométriques et dont la signification nous échappe.

Des stries de raclage ont été observées sur la face externe de l’os. Les bords
du segment portent aussi des stries de raclage et des incisions (Fig. 9.4d). Celles-ci
correspondent aux traces de débitage latéral de la côte par rainurage, dans le sens
de son épaisseur. Après rainurage, la côte a probablement été fendue en deux par
percussion indirecte à l’aide d’un coin. Le segment a été obtenu pas sciage
bilatéral. Sur la face interne de l’os, la spongiosa semble avoir été grossièrement
éliminée. Des stries de raclage y ont été également observées. Les cupules ont été
réalisées par forage unipolaire qui, dans deux cas, a percé la face externe. Enfin, la
perforation est bipolaire et son contour est étiré en direction du bord cassé de la
pièce. La portion conservée de la perforation cassée est usée et montre un poli
important, tout comme la zone du « pont » entre les deux perforations (Fig. 9.4b).
La pièce était probablement attachée en faisant passer un lien entre les deux
perforations.

Les deux autres pièces indéterminées ont été réalisées dans un matériau
identique, un gypse de couleur blanc cassé. Toutes deux proviennent de la phase

369
DjI et appartiennent au même contexte archéologique qui correspond à la
première phase du comblement de la maison aux peintures. Leur forme est
indéterminée mais leur section est plate.

Une fracture a emporté une partie de la pièce n° 78 (Fig. 9.3k). La portion


conservée est de forme sub-triangulaire, à l’angle de laquelle se situe une
perforation. L’usure marque la zone du passage du lien entre la perforation, étirée
à cet endroit, et le bord de l’objet. Une suspension contrainte (avec un nœud)
aurait pu être à l’origine de ce marquage. Le passage du lien ne correspond pas à
une suspension de l’objet selon la gravité. En effet, le passage du lien suggère une
autre orientation de la pièce. Or, cette orientation implique la présence d’une autre
perforation de l’autre côté de la pièce. Il est donc possible que la partie cassée de la
pièce ait été munie d’une seconde perforation.

L’une des faces porte trois rainures plus ou moins parallèles, à égale
distance l’une de l’autre et croisées perpendiculairement à deux rainures, l’une
subrectiligne et l’autre en ligne brisée. Le croisement entre ces cinq rainures forme
un schéma parcellaire composé de huit cases. L’autre face est dépourvue de décor.
De grand gabarit, cette pièce est haute de 25.7 mm, sa largeur conservée est de 33.8
mm et son épaisseur est de 5.4 mm. La perforation, bipolaire, a un diamètre 3.9
mm.

La pièce n° 79 est cassée dans le sens de la hauteur, au niveau d’une


perforation dont seulement la moitié est conservée. La partie conservée est issue
d’une forme quadrangulaire car trois côtés sont droits dont deux parallèles, le
quatrième côté étant absent, emporté par la fracture. Sur le bord cassé, éloignée du
centre, la moitié d’une perforation est conservée. Une face est marquée par deux
rainures gravées entre les deux angles et le centre de la partie conservée, formant
ainsi un triangle. En-dehors de ce dernier, et non loin de la perforation cassée, un
début de forage a été réalisé. Cette petite cupule peut correspondre à un début de
perforation dans un but de recyclage de la pièce cassée, à un élément décoratif
comme on l’a vu pour l’élément n° 39 en os (association de triangles et de cupules)
ou à un choix préliminaire et erroné de l’emplacement définitif de la perforation
principale, celle qui est cassée. (h : 35.3 mm ; l : 18.9 mm ; ep : 5.2 mm). La
perforation est de section cylindrique (d : 5 mm).

370
9.2.2.3. Pendeloque globuleuse
Cet élément unique de la collection est de forme prismatique et de section
quadrangulaire rhomboïdale au sein de laquelle la perforation courte décentrée
s’intègre dans l’axe principal (PR.4h.I.C.3) (Tabl. 9.3).

La pendeloque n° 17 (Fig. 9.3i) représente à elle seule la catégorie des


pendeloques globuleuses (Tabl. 9.4). Elle provient de la phase DjIV. De forme
prismatique, sa géométrie faciale est losangique. Le matériau utilisé est un quartz
translucide de couleur blanc. De gabarit moyen, elle est haute de 26.7 mm, large
de 15.3 mm et épaisse de 12 mm. Le débitage pourrait avoir été effectué à l’aide
l’une des techniques de percussion (par taille). Cependant, nous n’avons pas pu
mettre en évidence des négatifs d’enlèvement. De très nombreux cônes incipients
marquent la surface de la pendeloque et pourraient témoigner d’un façonnage
effectué par piquetage. Aucune strie d’abrasion ou de polissage n’a pu être
détectée. La perforation est bipolaire et les tubes de perforation sont cylindriques.
Les stries de rotation sont circulaires et parfaitement régulières. La jonction entre
les deux tubes est presque complète. Le diamètre de l’ouverture de la perforation
est de 3.6 mm sur une face et de 2.9 mm sur l’autre.

9.2.3. Objets à perforations courtes bilatérales (pendeloques

biforées)

Une seule pièce (n° 9) représente la catégorie des pendeloques biforées


(Fig. 9.3l). Elle provient de la phase DjII mais nous n’avons pas de précision sur le
contexte de la découverte.

Sa forme s’inscrit dans un segment de cylindre de section elliptique. Deux


perforations courtes et parallèles prennent place côte à côte unilatéralement sur la
pièce (CY.1.II.C.1) (Tabl. 9.3).

Cette pendeloque a été façonnée dans une roche de couleur ocre. L’aspect
de sa surface est celle d’une agglomération de grains qui rappelle le grès fin. De
grand gabarit, cette pendeloque mesure 43 mm de hauteur, 11.4 mm de largeur et
3.1 mm d’épaisseur. Les perforations sont bipolaires et leurs diamètres mesurent

371
en moyenne 2.5 mm. Le façonnage fut effectué par abrasion. Sur les faces de la
pendeloque, les stries d’abrasion sont régulières, parallèles et orientées
transversalement tandis qu’elles sont obliques sur les bords latéraux. Les traces
techniques sont encore très « fraiches » et d’aspect crayeux. Le seul poli que nous
avons détecté est celui de la manipulation post-fouille de l’objet. Toutes les arêtes
sont vives et aucun bord ou relief n’est émoussé. Il s’agit d’un objet peu, voire pas
du tout porté et donc probablement à l’état neuf. Contrairement aux autres
éléments, celui-ci ne porte pas de traces d’erreur d’emplacement des perforations,
ni de marquage préalable à celles-ci.

9.2.4. Objets à perforations longues centrées (perles)

Au nombre de 23, les objets à perforation longue centrée ont été façonnées
en os, en pierre et modelées en terre. Ces perles se classent au sein des trois
familles distinguées dans le corpus : les perles tubulaires, les perles plates et les
perles standard (Tabl. 9.4).

9.2.4.1. Les perles tubulaires en os


Des os longs ont été utilisés comme supports pour ces perles. Au nombre de
neuf, les animaux auxquels ils appartiennent correspondent, selon la méthode de
Body Size Group (BSG), à cinq groupes et sous-groupes (Tabl. 9.2). Le sous-groupe
C2 (Ongulés de petite taille : Gazelle, chevreuil) est représenté par un radius
gauche (?) de gazelle (n° 34). Le groupe D (« Mammifères de petite taille ») est
représenté par cinq os longs. Parmi eux, quatre appartiennent au sous-groupe D1
(Carnivores taille renard) dont deux sont datés de DjII : n° 32 (radius de renard) et
n° 35 (métapode de renard) ; et deux de DjIII : n° 33 et 37. Un seul os long (n° 29)
correspond au sous-groupe D2 (Lagomorphes taille lièvre). Le groupe E
(« Oiseaux ») compte deux os longs provenant de DjIII (n° 42a et 42b). Enfin, une
ulna d’oiseau de format grand rapace (n° 38 ; Fig. 9.2c) est l’élément qui représente
le sous-groupe E1 (Oiseaux de grande taille).

L’état de préservation est bon pour quatre pièces et médiocre pour les cinq
restantes (Tabl. 9.5).

372
Enfilés, ces tubes se portent comme des perles tubulaires. Sur ces éléments,
cinq types de stigmates ont été observés (cf. Fig. 5.2) : 1) des stries longitudinales
parallèles à la fibre de l’os ; 2) des pans de sillons délimitant les extrémités des
tubes ; 3) des sillons près des extrémités parallèles aux pans; 4) des stries
transversales parallèles ou légèrement obliques aux pans de sciage et 5) des
corniches sur les bordures des extrémités juxtaposées aux pans de sillons. La
hiérarchisation de ces stigmates et leur emplacement permettent de proposer le
procédé suivant : les os longs ont été extraits des squelettes après sectionnement
des ligaments ou tendons (stries transversales). La surface de l’os a été nettoyée et
la couche de périoste a été supprimée (stries longitudinales de raclage). Ensuite,
les os ont été débités par sciage bipolaire (pans de sciage avec stries de sciage
croisées). Ce sciage a consisté à sectionner l’os autour de sa circonférence. L’os,
bien entamé dans sa profondeur, a été ensuite rompu par flexion. Les corniches
produites par cette rupture n’ont pas été supprimées par la suite.

Les stries transversales ont été observées sur les surfaces de tous les tubes à
l’exception du n° 42a (Fig. 9.2b). Tous les tubes ont été raclés à l’exception du
n° 32. Les pans de sciage sont présents dans tous les cas à chacune des extrémités
des tubes. Leurs surfaces contiennent des stries de sciage dans six cas avérés,
l’usure ou la détérioration de l’os n’ayant pas permis d’identifier ces stries sur les
trois autres tubes. Des sillons de sciage sont documentés dans deux cas (n° 34 et
35) et les corniches sur les extrémités des tubes sont présentes dans tous les cas, à
l’exception du tube n° 42a (Tabl. 9.5). Enfin, un élément (n° 37) semble avoir été
brûlé ou chauffé.

Une trouvaille intéressante est à signaler dans le lot étudié. Provenant de la


phase DjIII, il s’agit de deux tubes emboîtés l’un dans l’autre. Le grand tube
(n° 42a ; Fig. 9.2b), dans lequel le petit (n° 42b) s’est glissé, est de forme
particulière car, en son milieu, la surface a été amincie par raclage, ce qui lui
donne une forme de tube « cintré ». Cet élément mesure 44 mm, sa largeur est de
11 mm et son épaisseur 8.4 mm. Les autres tubes, y compris le petit découvert à
l’intérieur de l’objet n° 42a, ne présentent pas de modifications dans leur forme.
Pour 7 d’entre eux, la longueur maximale est de 36.1 mm, la minimale est de 13.5
mm et la moyenne est de 20.4 mm. Pour le diamètre, la valeur maximale est de

373
11.9 mm, la minimale est de 5 mm et la moyenne est de 7.7 mm. Les extrémités
sciées de ce tube furent par la suite supprimées et égalisées.

Un élément (n° 34) se différencie des autres par la présence de cinq sillons
relativement profonds et réguliers sur la moitié du tube, l’autre moitié étant sans
sillons (Fig. 9.2a). Sur cet objet cassé longitudinalement, ces sillons semblent avoir
été tracés tout autour du tube. En effet, une portion de sillon s’arrête juste au
début d’un autre sillon très légèrement décalé, les deux portions ayant la même
section et la même largeur. La fracture de l’os a permis d’examiner la section des
sillons et leur profondeur. Ainsi, la profondeur d’un sillon de section en V à fond
très encaissé est de 1.06 mm et celle d’un sillon en V mais à fond plat est de 0.52
mm. Notons que l’épaisseur de l’os est de 1.8 mm. Les sillons n’ayant absolument
pas débordé sur la tranche de la fracture, il est évident que la fracture s’est
produite après la création des sillons. Cependant, nous ne sommes pas en mesure
de savoir si la fracture fut produite durant le sciage de l’objet. Cet élément, non
usé, était probablement une matrice destinée à la réduction en plusieurs portions
de longueurs variables. Sa longueur (38.7 mm) ne représente donc probablement
pas celle d’un objet fini.

A l’exception du tube n° 34, tous les autres sont usés. Les corniches, les
reliefs et les arêtes sont émoussés. Les surfaces de ces tubes montrent pour la
majorité un léger lustre.

L’élément n° 35 porte de multiples sillons de sciage. Ceux-ci sont peu


profonds, courts et localisés toujours près des extrémités. La présence de ces
sillons peut être expliquée par un changement de l’emplacement de l’outil
tranchant ou un dérapage de celui-ci.

Le contexte de découverte de seulement quelques éléments est renseigné.


L’objet n° 33 a été trouvé dans une couche de destruction, les deux tubes n° 42a et
42b dans une couche de préparation du sol avec galets entre diverses structures,
l’élément n° 35 dans la construction d’un mur, le tube n° 37 dans une cuvette
cendreuse appartenant à la « maison des morts » dans ses toutes premières phases
de construction et le n° 38 dans la cellule nord-ouest d’une maison de la phase
DjII.

374
9.2.4.2. Perles tubulaires d’origine minérale
Les perles tubulaires, au nombre de sept, sont majoritaires sur le site. Elles
appartiennent aux types cylindrique, conique et elliptique.

A. Cylindriques
Au nombre de trois, les perles cylindriques identifiées sont en pierre et
proviennent toutes de la phase DjII. La forme de deux éléments (n° 14 et 50) est
cylindrique de section circulaire intégrant une perforation longue centrée axiale
(CY.0.I.L.1). Le troisième élément (n° 54) est également cylindrique mais de section
elliptique (CY.1.I.L.1) (Tabl. 9.3).

L’une de ces perles (n° 14 ; Fig. 9.2g) a été trouvée au cours du démontage
d’un sol à 10 cm d’un trou de poteaux. Nous n’avons pas de précisions quant aux
contextes de découverte des perles n° 50 et n° 54, si ce n’est que cette dernière
provient d’un secteur où l’architecture est absente.

De couleur blanchâtre (n° 50) et beige marron clair (n° 14), de faible dureté
et légèrement crayeux, le matériau utilisé pour ces deux perles est probablement le
calcaire. De couleur vert pâle et de dureté s’élevant à 5 sur l’échelle de Mohs, la
perle n° 54 a été probablement façonnée en turquoise. La présence d’une fine
gangue couleur beige marron clair, observée par ailleurs sur des perles analysées
par diffractométrie de RX (Tell Halula), renforce notre hypothèse sur la nature de
la matière.

De petit gabarit, ces perles ont une longueur comprise entre 4.5 et 10.6 mm
et un diamètre entre 3.8 et 5.3 mm. Les perforations sont bipolaires de section sub-
cylindrique. La perforation est désaxée dans le cas de la perle n° 14, la jonction des
deux tubes se faisant par les parois de ceux-ci et non par leurs fonds. La
perforation dans les deux autres cas est axée et la jonction des tubes est complète.
Le diamètre des perforations est de 2.6 mm. Très usées, les perles cylindriques
n’ont guère gardé de traces de leur façonnage. Des facettes d’abrasion ont
néanmoins été observées sur les perles n° 14 et 50. D’après la forme convexe des
extrémités de ces deux perles, il est possible que leur perforation ait été pratiquée
préalablement à leur débitage par sciage et/ou flexion.

375
B. Conique
Le type conique, rare dans le corpus, est représenté à Dja’de par un seul
élément, la perle n° 73 (Fig. 9.2h). Celle-ci provient de la phase DjI,. De couleur
marron clair, d’aspect savonneux et de dureté faible, le matériau de cette perle
nous évoque le talc. La forme est conique de section circulaire, une des extrémités
étant légèrement convexe. De petit gabarit, elle mesure 10 mm de longueur, 7.8
mm de diamètre maximal près de l’extrémité convexe et 5.1 mm pour le diamètre
minimal, à l’extrémité opposée. La perforation est bipolaire à tubes sub-
cylindriques. L’ouverture de la perforation mesure 3.2 mm au niveau du diamètre
maximal et 2.8 mm au niveau du minimal.

Des stries d’abrasion parallèles et orientées transversalement ont été


observées sur le contour rond de la perle. Nous n’avons pu vérifier si ces stries
sont continues et font le tour complet de la perle. Quoi qu’il en soit, la perle a été
façonnée par abrasion. La symétrie de la forme ainsi que sa régularité d’une part,
et la présence de stries transversales probablement circulaires d’autre part,
suggèrent une abrasion de la pièce disposée dans une rainure. Le geste de
l’abrasion n’étant pas celui de va-et-vient dans l’axe longitudinal mais dans l’axe
transversal, c'est-à-dire en faisant tourner la perle sur elle-même. Par ailleurs, des
stries d’abrasion régulières et parallèles ont été détectées sur la surface de la petite
extrémité de perforation.

Enfin, les stries de forage sont partiellement effacées, les arêtes des
ouvertures de la perforation sont émoussées et des stries aléatoires de type rayures
sont observables çà et là sur la surface.

C. Elliptique
Une seule perle (n° 57) est de type elliptique. Appartenant à la phase DjIII,
cette perle est l’un des rares éléments de parure à être associé à un contexte
funéraire. En effet, elle a été découverte au cours du dégagement d’un crâne
humain situé à l’intérieur d’une structure d’habitat. Le matériau employé est de
couleur rose/saumon pâle. D’éclat mat, légèrement crayeux et de très faible dureté,
il s’agit d’un calcaire dont la couleur a été modifiée car rubéfiée. Le même

376
matériau a été identifié pour l’unique perle biforée du site (n° 53) provenant
également de la phase DjIII.

Le volume s’inscrit dans un ellipsoïde bitronqué de section elliptique, bien


qu’une facette plane ait été créée pendant le façonnage. Celui-ci fut effectué par
abrasion, les stries de cette technique pouvant être observées notamment sur la
facette. Fines et parallèles, ces stries sont orientées dans le sens de la longueur. De
petit gabarit, la perle n° 57 mesure 11.2 mm de longueur, 8 mm de largeur et 6.4
mm d’épaisseur. La perforation est bipolaire à tubes sub-cylindriques (dp : 3.7
mm).

D. Tubulaires indéterminées
Nous n’avons pu déterminer le type de deux perles cassées
longitudinalement. La première (n° 7) provient de la phase DjIII. Elle est en pierre
de couleur rouge-bordeaux, d’aspect savonneux et d’indice de dureté 2 : il s’agit
de talc rouge, roche communément exploitée pour les objets de parure du
Néolithique ancien (Khiamien et PPNA). La surface de cette perle est extrêmement
émoussée et polie, et aucune strie d’abrasion ou de forage n’est conservée.
L’examen de la forme, notamment de la zone de fracture, montre que la perle est
très usée au niveau de sa perforation. Des encoches très développées ont pu être
produites au cours du temps. Les chocs répétés sur la matière affaiblie par l’usure,
notamment sur les zones fragiles des encoches, ont probablement provoqué sa
fracture. La portion conservée de la perle est de 9.5 mm.

La perle n° 18 est en argile cuite très fine de couleur beige gris, parsemée de
rares particules brillantes (micas ?). Nous n’avons pas identifié d’impressions
végétales. La pâte semble avoir été chauffée mais il est difficile de savoir s’il s’agit
d’une chauffe intentionnelle ou accidentelle. D’après les notes de l’archéologue,
cette pièce proviendrait d’une petite poche cendreuse de la phase DjII. Cependant,
en l’absence de plus de précision, ne nous aide pas à répondre à la question de la
chauffe accidentelle ou intentionnelle (L : 22.1 mm ; l : 9.7 mm ; ep : 7.7 mm). La
portion conservée ne présente aucune empreinte de doigt. La surface étant
légèrement polie, il est possible que la perle ait été doucement frottée afin de
supprimer toutes les empreintes.

377
9.2.4.3. Perles plates
Parmi les 6 perles plates du site de Dja’de, trois sont en pierre et trois en
terre. Elles appartiennent aux types des perles plates elliptiques et des perles
plates rhomboïdales (Tabl. 9.4).

A. Elliptiques
Les trois perles plates elliptiques ont été fabriquées en pierre (n° 75 et 82) et
en terre (n° 68).

Ces perles proviennent de différents contextes. La perle n° 75 (Fig. 9.2f),


datée de la phase DjI, a été trouvée dans un trou de poteau de l’espace extérieur de
la maison aux peintures. La perle n° 82 (Fig. 9.2i) provient de la phase DjIII sans
plus de précision sur la nature du lieu de découverte. La perle en terre n° 68
(Fig. 9.2j) appartient quant à elle à la phase DjII et provient d’un secteur dépourvu
d’architecture. La forme est celle d’un ellipsoïde de section lenticulaire au centre
duquel une perforation longue axiale a été aménagée (EL.2.I.L.1) (Tabl. 9.3).

Les perles en pierre ont été façonnées en matériaux allochtones. La perle


n° 75 est en phosphate de type woodhouseite ou crandallite, et la n° 82 est en
roche de la famille des chlorites, de type clinochlore. La perle en phosphate est de
forme elliptique bitronquée et de section elliptique. Elle présente une cassure dans
le sens de la perforation qui a affectée sa largeur (L : 8.2 mm ; l : 5 mm ; ep : 3.8
mm). La perle en clinochlore (n° 82) est de forme elliptique de section biconvexe
lenticulaire a un gabarit particulièrement grand, le plus grand des objets du
corpus façonnés dans cette roche (L : 30.3 mm ; l : 18.4 mm ; ep : 8.5 mm). La
perforation est bipolaire dans les deux cas.

La fracture de la perforation dans le cas n° 75 montre deux tubes de section


sub-cylindrique, et de longueur presque équivalente, qui se rejoignent vers le
centre par une jonction complète. Les stries sont très régulières, parallèles et
concentriques. Le forage a sans aucun doute été produit grâce à un système
mécanisé rapide de type foret à l’archet. La pointe de la mèche du foret devait être
d’un diamètre inférieur à 1 mm, ce qui correspond au diamètre de la jonction des

378
deux tubes. Sur certaines zones, les stries sont polies, polissage dû probablement
au passage du lien.

La perforation de la perle n° 82 est désaxée (Fig. 9.2i). Un trou de forme


irrégulière longitudinale peut être observé sur la face de la perle, placé exactement
au niveau de la paroi d’un des tubes de perforation. Ayant examiné cette perle
uniquement sur photos, nous ignorons s’il s’agit d’un trou d’usure ou d’un trou
accidentel lié au désaxement de la mèche dans le sens de l’épaisseur au cours de la
perforation. L’amincissement de la matière par l’abrasion de la surface pourrait
dans certain cas provoquer également le percement, notamment dans la zone
correspondant au tube de la perforation. Le même phénomène est documenté
pour une perle plate circulaire (n° 34), également en clinochlore, du site d’Abu
Hureyra et pour laquelle la cause pourrait être liée à l’usure mais sa perforation
présente un désaxement.

Enfin, la perle plate elliptique en terre n° 68 (Fig. 9.2j) est de section


biconvexe lenticulaire (L : 37 mm ; l : 8.4 mm ; ep : 4.3 mm ; dp : 3.5 mm). Aucune
empreinte particulière de doigt ou d’outil n’a été détectée sur les surfaces de la
perle qui présentent par ailleurs des fissures longitudinales. Les ouvertures de la
perforation sont dotées d’encoches profondes sur une surface tandis que l’autre ne
présente pas d’encoche mais une cassure du bord de l’une des extrémités.

B. Losangiques
Les perles plates losangiques sont uniquement en terre et sont au nombre
de deux : n° 6 et n° 69. La forme s’inscrit dans un prisme de section
quadrangulaire rhomboïdale dans laquelle une perforation longue centrée
s’intègre transversalement (PR.4h.I.L.2) (Tabl. 9.3).

La première (n° 6 ; (Fig. 9.2k) appartient à la phase DjII, mais nous n’avons
pas de précision sur son contexte de découverte. De contour presque parfaitement
losangique et de section transversale lenticulaire, cette perle est d’une symétrie
remarquable. Ses deux faces sont entièrement marquées par les empreintes d’une
natte (?) très fine ou d’un fragment de tissu très régulier composé d’une multitude
de maille dont le diamètre est de 0.3 mm environ (L : 26 mm; l : 17.6 mm; ep : 6
mm ; dp : 2 mm). Deux encoches sont observées de chaque côté de la perforation,

379
sur les deux faces, bien qu’elles soient plus profondes et marquées sur l’une que
sur l’autre.

La perle n° 69 (Fig. 9.2l) est elle aussi losangique et de section biconvexe


lenticulaire mais n’a pas la même configuration, régularité et symétrie de forme.
De plus, cette perle présente deux cassures : sur une face, une cassure a emporté
un bout près de l’une des extrémités et, sur l’autre face, presque la moitié de la
perle a été emportée (cassure dans le sens de l’épaisseur et de la largeur). Du fait
de sa couleur plus foncée que les autres perles en terre du site, la perle n° 69
semble présenter un degré de chauffe plus important. Le contexte de sa
découverte – une couche d’épandage sans architecture de la phase DjIII – ne nous
renseigne pas sur le caractère intentionnel ou accidentel de la chauffe. Pour le
fouilleur, le secteur auquel la perle appartient correspondrait à une zone
extérieure au village. Cette perle ne conserve pas d’empreinte d’outil ou de doigt.
Des encoches sont présentes sur les extrémités de la perforation (L : 25.4 mm ; l :
22.8 mm ; ep : 10.8 mm).

C. Plate indéterminée
Il s’agit de la perle n° 8 (Fig. 9.2n), datée de la phase DjIII, sans plus de
précision sur son contexte archéologique. Elle a été façonnée en talc rouge,
matériau relativement fréquent sur le site. De section plate elliptique, elle présente
une cassure dans le sens de la longueur qui a emporté une partie de la paroi de
perforation. Cette perle, comme la perle tubulaire n° 7, est extrêmement usée ;
usure qui a certainement contribué à la déformation de sa forme initiale et qui
pourrait être à l’origine de la fracture de la perforation (L : 16.4 mm ; l : 8.5 mm ;
ep : 7.5 mm).

9.2.4.4. Perle standard


La perle n° 22 (Fig. 9.2m) est unique dans la collection (Tabl. 9.4) tant par sa
forme que par son matériau qui est exceptionnel par le décor naturel qu’il
présente. Elle appartient à la phase DjII, provenant de l’espace extérieur de la
maison brûlée. Cet objet est de forme ellipsoïde presque sphérique de section

380
subcirculaire, la perforation longue centrée est positionnée dans l’axe (SF.0.I.L.1).
Il s’agit d’un galet orné d’un dessin naturel de cercles concentriques et parallèles et
dont le diamètre augmente progressivement jusqu’au centre de la perle. Ces
cercles présentent une alternance de deux couleurs différentes : blanc grisâtre
claire et rose orangeâtes saumon (L : 20.7 mm ; d : 23.1 mm). La perforation se
trouve au centre de ce galet, parallèlement à ces cercles et est de section biconique
(dp : 7.5 et 6.9 mm). Les stries de perforation sont régulières et concentriques et
s’organisent par des paliers tout au long des tubes cylindriques dont la jonction est
décalée. Les arêtes des ouvertures de perforation sont émoussées et un léger poli
s’observe sur la surface de la perle. Le poids de ce galet étant relativement élevé
par rapport aux autres objets de parure, nous nous sommes posé la question de la
fonction de cet élément. Son aspect esthétique nous amène à le considérer pour le
moment comme un élément de parure.

9.2.5. Objets à perforations longues bilatérales (perles

biforées)

Une seule perle (Tabl. 9.4) représente la famille des perles biforées à Dja’de
(n° 53 ; Fig. 9.2o). Elle provient de la phase DjIII mais nous n’avons
malheureusement pas de précision sur le contexte de découverte à l’exception de
l’altitude à laquelle elle fut découverte (à 3.62 mètre sous la surface). La forme est
cylindrique de section biconvexe lenticulaire dans laquelle deux perforations
longues bilatérales sont intégrées axialement (CY.2.II.L.2) (Tabl. 9.3).

Cette perle est très fragile, façonnée en roche très tendre, de couleur rose
saumon pâle. Il s’agit d’un calcaire rubéfié ou légèrement chauffé, pratique utilisée
pour d’autres objets comme la perle n° 54 ou la rondelle n° 44. Elle est plus large
que longue et son volume s’inscrit dans un cylindre à section elliptique plate (L :
6.4 mm ; l : 10.7 mm ; ep : 3 mm). Les perforations sont bipolaires et de section
cylindrique (moyenne dp : 2.1 mm). L’une des faces présente des échancrures sur
les extrémités des deux perforations et l’autre face, de légers étirements.

381
9.2.6. Synthèse formes géométriques

Les objets de forme géométrique sont les mieux représentés. Parmi les
formes, la forme rhomboïdale, qui apparaît à la phase DjII sur support en argile,
consiste une nouveauté par rapport aux périodes précédentes. Les formes
géométriques sont pour la majorité des pièces en pierre, seulement un élément est
en os. Les supports en coquillages sont absents.

Outre les galets ramassés sur les rives de l’Euphrate, le gypse est employé
pour la fabrication des pendeloques de la phase DjI. Ce matériau est également
employé dans la fabrication des figurines de la même phase et son utilisation n’est
pas documentée dans les phases II et III postérieures (Coqueugniot 2007, p 67,
rapport inédit). Ces pendeloques proviennent toutes, comme les figurines, du
remplissage de la « maison à peintures ».

Parallèlement aux matériaux d’origine locale, des matériaux d’origine


allochtone sont documentés. Il s’agit des roches, bien connues pour les périodes
précédentes (Khiamien et Mureybétien) dans les sites voisins du Moyen Euphrate
(Mureybet, Jerf et Tell ‘Abr 3), telles que les ophiolites et les phosphates. Pour ces
dernières, des nouvelles roches, non utilisées auparavant, sont documentées à
Dja’de à la phase DjII (PPNB ancien). Il s’agit de l’amazonite et de la turquoise.
Cette dernière concerne, rappelons-le, la pendeloque-figurine et la perle n° 54. Le
talc rouge est un matériau qui fut ponctuellement utilisé au cours de la période
PPNA. À Dja’de, l’emploi de ce matériau, bien qu’il soit d’origine allochtone, est
fréquent en ce qui concerne les éléments de parure mais aussi dans la fabrication
des coupelles (Coqueugniot 2005, p. 17, rapport inédit) et des figurines
(Coqueugniot 2000, p. 11, rapport inédit). Il est également présent sous la forme
d’une ébauche (d’élément de parure ?) de forme rectangulaire.

Bien qu’à l’emplacement du site de Dja’de les rives de l’Euphrate soient très
riches en galet de toutes les formes, dimensions et couleurs, les petits galets
relativement plats de forme ovoïde et couleurs blanchâtres semblent être plus
recherchés que d’autres et aménagées en pendeloques. L’une d’elles (n° 12) est
exceptionnelle car son contour porte des incisions courtes transversales. Les
éléments décorés en pierre existent pour la période PPNA sur les sites de
Mureybet, de Jerf el-Ahmar et de Tell ‘Abr 3. Il s’agit toutefois de pendeloques

382
étroites à section arrondie et à rainure centrale longitudinale, type absent sur le
site de Dja’de bien que deux pendeloques étroites de section arrondie soient
présentes sur le site. Le seul parallèle que nous avons trouvé pour la pendeloque à
contour incisé provient d’un ramassage de surface d’un tell PPNB, Umm Qbeiba,
dans la cuvette d’El-Kowm (C. Maréchal, comm. pers.).

Une tendance générale qui peut être observée pour les éléments de parure à
Dja’de est la fréquence des décorations des surfaces avec des motifs linéaires
(rainures ou incisions), des motifs triangulaires ou ponctiformes. Il est tentant de
faire une analogie avec les motifs décoratifs peints découverts sur le site et datés
de la phase DjI. En effet, un fragment effondré d’une frise sommitale de la maison
aux peintures porte un décor composé de triangles noirs et de points rouges
(Fig. 9.5 ; Coqueugniot 2002, p. 9 rapport inédit).

Les galets blancs sont en carbonates. Les volumes plats présentent un


avantage quant à l’épaisseur à perforer. Constat à prendre en considération
compte tenu de la présence d’un grand nombre d’objets présentant soit des débuts
de perforations abandonnées en cours à cause du désaxement, soit des accidents
du forage à cause du mauvais emplacement de la perforation.

Plusieurs éléments montrent des débuts des perforations abandonnées en


cours de route sur des matériaux durs comme l’hématite mais aussi sur des
carbonates. Parallèlement, nombreuses sont les pendeloques présentant un
marquage préalable à l’emplacement des perforations. Ces traces montreraient
une certaine prudence de la part des artisans qui avaient une conscience du niveau
du risque que les désaxements des perforations bipolaires pourraient engendrer.
C’est également un signe d’anticipation des difficultés qu’ils pourraient rencontrer
dans le travail de certaines matières premières.

Parmi les perles, un nombre important est fabriqué en tubes d’os d’oiseaux,
de renard, de lièvre et de gazelle. Les tubes en os sont les éléments les mieux
représentés au sein de la catégorie des matières osseuses. Ce constat est valable
pour tous les sites du corpus. La découverte d’un tube qui s’est glissé à l’intérieur
d’un autre met en évidence la présence d’une parure composée au moins de ces
deux éléments. La documentation sur le contexte n’étant pas très fournie, il nous
est difficile d’en savoir plus sur cette découverte.

383
Les tubes en os sont riches en stigmates techniques permettant de
reconstituer leur schéma de transformation. La chaîne de transformation de ces
éléments consiste essentiellement à récupérer les os, à les nettoyer et à les débiter
en portions par sciage bipolaire. Les deux phases de façonnage et de finition ne
sont documentées que sur une seule pièce, le tube n° 42a.

Enfin, notons que les perles plates à section lenticulaire apparaissent


d’abord en terre (n° 68) à la phase DjII et sont ensuite en pierre à la phase DjIII
(n° 82). Cette dernière, datant du PPNB ancien, avec des exemples de Tell Aswad
qui lui sont contemporains (cf. infra) constituent les plus anciens exemples de
perles plates à section lenticulaire de tout le corpus étudié. Rappelons que les
perles plates sont présentes dès le PPNA mais leur section est elliptique et non pas
lenticulaire.

9.3. Les formes singulières

Deux éléments en os, l’un (n° 40) en forme de « boucle de ceinture » et


l’autre (n° 41) en forme de « crochet » appartiennent selon nous à la catégorie des
objets de formes singulières (Tabl. 9.1). Tous les deux sont fabriqués sur un os long
d’un grand herbivore (Bos). Ils appartiennent ainsi au groupe taxonomique A1
(Tabl. 9.2).

L’élément n° 40 provient de la phase de DjIII, d’une couche extérieur à l'est


de la « maison des morts ». L’élément n° 41 est malheureusement hors
stratigraphie.

Ces deux éléments ont été attribués à la catégorie des éléments de parure
car ils présentent un dispositif d’attache, celui d’un grand percement. Il s’agit ici
de deux éléments uniques pour le corpus. Les traces de fabrication et d’usure
n’ont pas été documentées pour ces éléments. Nous ne nous prononcerons pas sur
leurs schémas de transformation ou d’usure dans ce travail mais nous les
décrirons d’après leurs formes et dimensions seulement.

L’objet n° 40 (Fig. 9.1f) est un grand objet cassé au niveau de son extrémité
étroite et présente sur l’autre extrémité un très grand percement de forme sub-
triangulaire. Les deux extrémités sont séparées par deux incisions parallèles

384
transversales, éloignées l’une de l’autre de 6.3 mm. La forme de l’objet, à l’état
cassé, est très semblable à celle d’une « boucle ». Cependant, en l’absence de
l’autre extrémité, qui pourrait être pointue droite ou courbe, ou encore à bord en
forme de lissoir, nous ne pouvons pas affirmer s’il s’agit d’un élément de parure
ou pas (h : 55.5 mm ; l : 24.7 mm ; ep : 7.7 mm). Le percement a une longueur
maximal de 26.9 mm et une large de 13.9 mm.

L’autre élément n° 41 (Fig. 9.1g), quant à lui entier, a été fabriqué sur un
support très plat. Il est divisé très nettement en deux parties, l’une de forme
parfaitement ovale au centre de laquelle le percement, de forme identique à la
partie qui l’accueille, a été réalisé. La seconde partie est celle du crochet : elle est de
forme courbe et se termine par une pointe ébréchée. Le crochet est façonné non
pas dans l’axe de la boucle mais en décalage, ce qui donne un effet stylistique
recherché.

Cet élément, comme le précédent, est de grande taille (h : 66.3 mm ; l : 33.7


mm ; ep : 4.3 mm ; dp : 18.7 mm x 7.8 mm).

Les crochets sont documentés pour les sites du Haut et du Moyen


Euphrate : à Çafer Höyük, dans la phase PPNB ancien/moyen (Stordeur 1988,
Fig. 3.6, p. 213), à Tell Halula au PPNB récent (Stordeur 1996, Fig. 6.1, p. 122) et à
Abu Hureyra au PPNB récent (Sidéra 1998, Fig. 10 : 6, p.230). Au Levant sud, un
spécimen daté du PPNB moyen/récent a été trouvé dans la grotte de Nahal Hemar
(Bar Yosef et Alon 1988, fig.13, p.18).

9.4. Conclusion

Bien que peu nombreux, les objets de parure recueillis à Dja’de présentent
une grande diversité au niveau des formes, des classes typologiques et des
matériaux.

Les éléments datant de la phase DjI, contemporaine, en partie, avec le


PPNA de Jerf el-Ahmar et de Mureybet, sont peu nombreux. Ils sont
majoritairement de forme géométrique et réalisés en supports en pierre.
Contrairement aux sites contemporains, les niveaux de DJI n’ont pas livré de

385
pendeloques étroites simples ou à rainure84 mais uniquement de pendeloques
plates ovales en carbonates, dont l’une est à contour décoré avec des courtes
incisions, et des pendeloques en gypse portant des longues incisions sur leurs
faces. Le gypse, identifié uniquement à la phase DjI, a été également employé pour
la fabrication des figurines. Seulement deux perles datent de DjI. L’une est plate
rectangulaire, type identifié à Mureybet au Khiamien et au PPNA, l’autre, de type
conique, est unique pour la période concernée. En effet, ce type n’et attesté au
corpus qu’à partir du PPNB récent à Tell Halula.

Les pendeloques étroites simples, dont les exemples les plus connus
proviennent de la période PPNA des sites de Tell Mureybet (n° 636-ph. IIIA), de
Tell Qaramel (Mazurowski 2010, Fig. 19, p. 582) et de Tell Abr 3 (Yartah 2013,
Fig. 139-4, p. 155), ne sont attestées à Dja’de qu’à partir de la phase II, c'est-à-dire,
au début du PPNB ancien. A Dja’de ces pendeloques ne sont pas en ophiolites
comme c’est souvent le cas pour les exemples de la période précédente mais en
feldspath (e.g. amazonite). Les pendeloques plates sur galets blancs, documentées
pour la phase de DjI sont également documentées pour celle de DjII. Cependant,
désormais, elles sont également de forme trapézoïdale ou sub-triangulaire et les
supports ne sont pas uniquement des galets mais également des roches en
phosphates et des roches de couleur verte. Les perles augmentent en nombre à la
phase II et sont fabriquées en pierre mais aussi en terre. Avec la pierre ce sont les
types tubulaires que l’on a reproduit tandis qu’avec la terre, ce sont notamment les
perles plates qui sont réalisées. Parmi les formes anatomiques, deux éléments
exceptionnels proviennent de la phase DjII : une incisive gauche de bovin perforée
sur la racine et la pendeloque anthropo-zoomorphe en turquoise. L’utilisation de
la turquoise est attestée également pour une perle tubulaire de la même phase
(DjII). Dans notre corpus, les plus anciens témoignages de l’utilisation de la
turquoise et de l’amazonite, proviennent du PPNB ancien de à Dja’de mais
également des niveaux anciens de Tell Aswad.

Au cours de la phase DjIII, en pleine période du PPNB ancien, les éléments


de parure en pierre et en terre présentent une continuité avec ceux des phases
précédentes. Toutefois, notons la présence exceptionnelle d’un élément en vertèbre

84Rappelons que les pendeloques étroites à rainure sont typiques de la période PPNA du moyen
cours de l’Euphrate.

386
de poisson ainsi que celle des éléments en os auxquels on attribue la fonction de
« boucle de ceinture » (cf. supra).

Notons enfin qu’à partir du PPNB ancien, les pratiques funéraires sont
relativement bien documentées, notamment par la présence de la dite « maison
des morts ». Cependant, à quelques exceptions, sur ce site les éléments de parure
ne proviennent pas de contextes funéraires. Cette situation contraste avec celle de
Tell Aswad pour la même période. En effet, une grande partie des éléments de
parure datant des niveaux anciens à Tell Aswad proviennent des sépultures.

387
388
Chapitre 10. Tell Halula

Au nombre de 1450, les éléments de parure composant la collection de Tell


Halula sont les plus nombreux du corpus. Ils composent à eux seuls plus de 50%
de celui-ci. Clairement associés aux squelettes humains, ces éléments se présentent
en séries, rarement à l’unité. Ils proviennent exclusivement des sépultures qui
sont, rappelons-le, intégrées dans l’espace domestique à l’intérieur des maisons85.

Plus de 71% des objets sont fabriqués en pierre. Les autres éléments sont en
coquillage (26.58%) et seulement une petite portion (1.58%) est en cuivre. Un objet
exceptionnel et unique pour la collection est en défense de sanglier (Tabl. 10.1).

Les objets de parure de Tell Halula appartiennent à deux catégories de


formes : les formes géométriques, majoritaires, réalisées en pierre, en coquillage,
en cuivre et en matières osseuses et les formes anatomiques, identifiées
uniquement pour les éléments en coquillages (Tabl. 10.2).

La collection étudiée représente pratiquement la totalité des objets de


parure funéraires découverts depuis 1997 et jusqu’à 2009. Les éléments
proviennent de 59 sépultures. Certaines sépultures contiennent plusieurs parures
associées à un individu. Les objets qui ornaient la tête sont considérés comme des
parures de tête (diadèmes ou coiffes), ceux disposés autour du cou sont des
colliers, sur les poignets ou les coudes des bracelets et autour du bassin des
ceintures (Fig. 10.2). Ces considérations sont issues de notre consultation des
cahiers de fouilles, des photos et des dessins ainsi que de nos discussions avec les
anthropologues J. Anfrus et A. Ortiz qui ont travaillé sur le site. Les types de
parures sont présentés selon leur appartenance aux différentes catégories d’âge
des individus enterrés (Fig. annexe IV.1 à IV.7). Ils sont également présentés dans
le tableau 10.1.

Le contenu des sépultures en objets de parure varient considérablement


selon le nombre d’objets et la variété des matériaux. Ainsi, nous trouvons des
tombes contenant un seul objet et d’autres contenant jusqu’à 445 objets (un cas).
Enfin, différents matériaux peuvent entrer dans la composition des parures dans

85 Cf. 2.4. Tell Halula,2.4.6.2. Pratiques funéraires, p. 58.

389
une sépulture donnée. Par exemple, la St. 94 de la phase 9 contient une défense de
sanglier, une perle en cornaline, 11 perles en roches vertes, trois perles en roches
blanches et une perle en cuivre.

Parallèlement à la collection des parures funéraires (Tabl. 10.3), nous avons


également étudié un lot de 108 fragment de coquilles de Cypraeidae, des moitiés
columellaires et labiales, découverts en dehors du contexte funéraire (Tabl. 10.4).
À notre connaissance, aucun élément entier en coquillage n’a été mis au jour en
dehors de ce contexte. En dehors des sépultures, une quinzaine d’éléments en
pierre, pour la plupart incomplets, ont été trouvés ; nous ne les présenterons pas
dans cette étude.

Les objets de parure que nous avons étudiés sont inédits en ce qui concerne
le classement typologique, l’étude technologique ou l’étude des traces d’usure. Les
matières premières minérales exploitées dans le domaine de la parure sont
étudiées par X. Clop et ont fait l’objet de publications (Clop 2006 ; Clop & Alvarez
2013). Le cuivre a également été étudié (Molist et al. 2010). Les objets de parure de
Tell Halula ont été également analysés selon une approche anthropologique, leur
présence/absence dans les sépultures et l’association aux différents sexes et âges
(Guerrero et al. 2009 ; Ortiz et al. 2013).

Des analyses par diffractométrie rayon X ont été réalisées sur un échantillon
réduit (n=3) d’éléments en pierre (cf. infra). L’identification des objets en
coquillages a été effectuée par nous-même. En ce qui concerne les éléments en
cuivre, nous ne les avons pas étudiés de la même manière que les autres éléments
car leur état extrêmement fragile n’a pas permis une manipulation manuelle
prolongée. En outre, leurs formes ne sont plus tout à fait identifiables à cause de
l’altération subie. C’est pour cela que nous ne les prendrons en compte
qu’occasionnellement, notamment dans la partie IV de ce travail. .

Les objets de parure de Tell Halula appartiennent au groupe des éléments à


perforation étroite. Les éléments à perforation large sont extrêmement rares sur le
site et constituent des pièces uniques. Ils ne font pas partie de la collection étudiée.

390
10.1. Les formes anatomiques

10.1.1. Coquillages

Les formes anatomiques à Tell Halula concernent uniquement les éléments


en coquillages (Fig. 10.1). Les familles taxonomiques identifiées sont les
Cypraeidae, les Neritidae, les Unionidae et les Lymnaeidae. Se rajouterait
également la famille des Glycymerididae sans que l’on soit sûr de l’identification
car il s’agit d’un objet très transformé. Celui-ci sera décrit dans le groupe des
objets de formes géométriques (cf. infra).

Les objets en coquillage de forme anatomique sont au nombre de 373. Les


Cypraeidae représentent plus de 84% de l’ensemble suivis par les Neritidae qui
représentent 14.5% des coquillages. Les coquilles d’eau douce, les Limnaeidae et
les Unionidae, sont représentées par quelques éléments. Les cyprées sont
omniprésentes dans toutes les phases d’occupation. La diversité pour les
coquillages commence à partir de la phase 10 avec les limnées. La présence des
nérites est attestée dès la phase 11. C’est également le cas pour l’élément en Unio
(Tabl. 10.3).

Un lot de 109 éléments en coquillage, dont 108 fragments de cyprées et une


coquille de limnée, provenant de contextes non funéraires a été également étudié
(Tabl. 10.4).

10.1.1.1. Limnées
Les coquilles de limnées sont au nombre de trois à Tell Halula. Parmi elles,
deux ont été découvertes en contexte funéraire et une en contexte non funéraire.
Les limnées funéraires furent découvertes ensemble avec deux perles en cornaline
dans une sépulture (E110) de la phase 10 associées au squelette d’un adulte du
sexe masculin. Les deux sont d’un état de préservation mauvais et une est cassée
(P70-4)86. Sur la deuxième (P70-2 ; h : 19.5 mm ; d : 7.9 mm), le percement est situé
sur le labre à l’opposé de l’ouverture naturelle (Fig. 10.1a). Il présente un contour

86 Dans ce chapitre, les éléments faisant partie d’une parure sont parfois désignés par leur numéro

(dans cet exemple : n° 4) précédé par celui de la parure à laquelle ils appartiennent (ici la parure
n° 70).

391
ébréché et irrégulier. Son diamètre maximal est de 1.4 mm. Très petit, le lien devait
être très fin pour y passer.

Quant à l’élément non funéraire (n° 109), il est également dans un état
mauvais de préservation (h : 17.8 mm ; l : 12.2 mm ; e : 10.3 mm). Il provient d’une
zone extérieure de la phase 14 et il est cassé au niveau de l’apex. Un grand
percement, à contour ébréché et de forme rectangulaire, est situé à l’opposé de
l’ouverture naturelle sur le dos (L : 6.5 mm ; l : 4.9 mm).

10.1.1.2. Nérites
Les coquilles de Neritidae sont au nombre de 56 mais l’étude concerne 38
coquilles. Elles appartiennent exclusivement aux phases les plus récentes, 12 et 13.
Un seul spécimen a été trouvé dans la phase 11 (Tabl. 10.3).

A. Parure en nérites
D’après leur localisation sur les squelettes, ces coquilles composent au
moins un type de parure, le type « bracelet » (Fig. annexe IV). Celui-ci a pu être
identifié grâce à l’emplacement des éléments autour des poignets/coudes des
défunts. Au total, six bracelets, donc cinq sûrs et un probable, ont été identifiés.
Dans trois cas, les bracelets sont composés uniquement des nérites (ensembles
n° 31, 35 et 48a). Dans deux autres cas, les nérites sont majoritaires et associent une
perle en pierre (ensembles n° 20 et 48b). Tous les bracelets sont positionnés sur le
bras droit à l’exception de l’ensemble 48b qui ornait le poignet gauche du défunt
(E50) (Fig. 10.2a-b). Enfin, l’ensemble n° 47a est composé de deux nérites et
probablement de deux perles en cornaline. Ces éléments ont été trouvés au fond
de la fosse près de sa paroi, derrière le pied gauche du sujet. Ce dernier était en
position assisse hyper fléchie, les bras croisés et pliés sur le bassin, les ossements
du poignet droit se trouvant alors plus ou moins derrière le pied gauche. Il est
donc possible que l’emplacement des quatre éléments corresponde à un bracelet
ornant initialement le poignet droit du défunt.

Dans la sépulture E45, une nérite a été trouvée avec une perle en turquoise
à la base du crâne, au niveau de la zone occipitale (ensemble n° 57 ; Fig. 10.1b).

392
Elle pourrait avoir été intégrée dans une parure de type collier ou portée sur les
cheveux.

Les autres types de parure sont difficiles à identifier car les éléments ont été
déplacés de leur emplacement d’origine. Ils ont été fréquemment trouvés au fond
de la fosse à l’intérieur de la cavité du pelvis. Néanmoins il est sûr qu’il ne s’agit
pas de ceinture mais plutôt d’une parure originellement placée dans la partie
supérieure du corps : collier, diadème ou éléments accrochés dans les cheveux.
D’après les notes de l’anthropologue (J. Anfruns), un ensemble de 4 nérites et une
perle plate en turquoise (n° 46) constituerait un collier.

B. Etat de préservation
Les zones des coquilles ayant reçu une intervention technique sont plus
sensibles à la détérioration au niveau du test. En effet, la dégradation est totale
(état mauvais) et touche le contour entier de cinq percements, empêchant ainsi la
détermination de leur technique de percement. La dégradation est partielle dans
deux cas seulement. Lorsqu’on observe la qualité du test sur l’ensemble du
volume de la coquille, l’état de préservation est bon pour 21 éléments (provenant
pour la majorité des ensembles n° 48a et 48b mais également des ensembles n° 10,
35, 46 et 47). Il est moyen pour onze éléments (ensembles n° 2, 20 et 35), mauvais
pour 3 (ensembles n° 31, 46 et 62). Un seul élément est dans un état excellent et a
conservé encore les couleurs et les motifs naturels : il a été trouvé seul avec une
perle en turquoise et tous deux forment l’ensemble n° 57.

C. Identification taxonomique
En se basant sur l’élément dont l’état de préservation est excellent et sur
d’autres d’état bon, l’identification spécifique des nérites pourrait être celle de
Nerita sanguinolenta Menke 1892 (cf. Fig. 3.3a-c). Rappelons que cette espèce habite
les eaux de la Mer Rouge. Cependant, bien que très vraisemblable, nous ne
pouvons affirmer avec certitude cette détermination, compte tenu des possibles
confusions avec d’autres espèces87.

87 Cf. Famille des Neritidae, p. 83.

393
D. Etude morpho-métrique
Avec leurs formes semi-globuleuses à contour sub-elliptique, les nérites ont
des gabarits variés. Leur hauteur moyenne fait 14.52 mm (min : 10.2 mm ; max :
20.1 mm), et leur largeur 12.35 mm (min : 8.4 mm ; max : 16.4 mm). Afin de
comprendre la variabilité des volumes, nous avons comparé ces dimensions en
fonction des phases d’occupation (Fig. 10.3). La plupart des coquilles de la phase
13 sont distribuées autour des valeurs les plus élevées (supérieures à 15 mm de
hauteur et 13 mm de largeur). Les nérites de la phase 12 se répartissent dans
différents gabarits : petit (de 10 à 12 mm de hauteur et de 8 à 10 mm de largeur),
moyen (de 12 à 16 de hauteur et de 9 à 14 de largeur) et grand (de 16 à 19 mm de
hauteur et de 14 à 16 mm de largeur). Enfin, l’unique élément provenant de la
phase 11 a un gabarit qui s’inscrit dans la catégorie « petit » de celles des éléments
de la phase 12. Bien que les effectifs soient différents d’une phase à l’autre, il
semble bien que des nérites de plus grande taille aient été plus souvent
sélectionnées dans la dernière phase que dans les deux phases précédentes.

Nous avons voulu voir s’il existait une relation entre le gabarit et les types
de parures auxquels les nérites appartiennent, dont la plupart sont des bracelets. Y
a-t-il des bracelets pour lesquels on a choisi des grands spécimens et d’autres des
petits ? Sur le graphique (Fig. 10.4), les hauteurs de cinq ensembles ont été
comparées par la médiane. Pour trois ensembles n° 46, 48a et 48b, les hauteurs
sont homogènes et leur médiane est comprise entre 13 et 14.5 mm. L’ensemble
n° 20 est composé de nérites dont la hauteur est hétérogène et la médiane,
inférieure à 11 mm, indique une majorité de spécimens de petite taille. Ces quatre
derniers ensembles sont de la phase 12 tandis que l’ensemble n° 35 est de la phase
13. Cet ensemble est composé de nérites dont la hauteur est relativement
homogène mais cette fois, elles sont plus grandes, la médiane étant de plus de 18
mm.

E. Techniques de percement
Toutes les nérites sont percées sur le sommet. Le percement étant
relativement grand, la zone de l’apex est parfois touchée.

394
Sur huit éléments pour 36 examinés, la technique de percement n’a pas pu
être déterminée, soit parce que le test du percement est érodé (quatre cas), soit
parce que le percement est cassé (quatre cas). L’abrasion est la technique la plus
commune et a été employée pour 25 nérites. Sur trois éléments, les stigmates
indiquent une possible suppression de la partie convexe du sommet par
percussion (directe ou indirecte). Cette technique aurait pu être utilisée, dans un
premier temps, sur les 25 coquilles montrant des traces claires d’abrasion.
Autrement dit, le percement aurait était d’abord produit par percussion, pour être
ensuite égalisé et agrandi par abrasion.

F. Traces d’usure
Les traces d’usure se manifestent par un poli et un émoussement des
contours des percements dont le test n’est pas érodé. Des étirements sont observés
sur toutes les coquilles (28). Des étirements sur les contours sont documentés sur
douze percements. Elles sont orientées vers le dos de la coquille pour trois
éléments de l’ensemble n° 35. Parmi ces dernières, deux nérites portent, outre les
étirements sur le percement, des encoches très émoussées sur le labre de la
coquille.

Les étirements des percements sont parfois doubles avec la première


orientée vers le ventre de la coquille et la seconde dans le sens opposé, i.e. le dos.
Six nérites de l’ensemble 48 portent ces doubles encoches. Dans le même
ensemble, deux autres nérites portent des étirements orientés uniquement en
direction du dos.

Enfin, sur deux coquilles de l’ensemble n° 46 (n° 2 et 5) la surface convexe


du dos est fragilisée. Elle est aplanie sur la coquille n° 2 et trouée avec un contour
ébréché sur l’autre coquille. Est-ce dû au frottement des coquilles entre elles, à
l’entrechoquement répété ou au frottement sur un support rigide ? Nous n’avons
pas d’éléments de réponse à apporter sur ce point.

395
10.1.1.3. Cyprées
Au total, 422 coquilles de cyprées ont été dénombrées à Tell Halula. Les
éléments complets, au nombre de 314, proviennent de 27 sépultures datant de la
phase 7 à la phase 13 (Tabl. 10.3 ; Fig. annexe IV). Les éléments fragmentaires, au
nombre de 108, proviennent de divers contextes non funéraires couvrant les
phases 7 à 14 mais avec des effectifs variables d’une phase à l’autre (Tabl. 10.4).

A. Parure en cyprées
Les cyprées trouvées autour du pelvis constituent les éléments de ceintures
(Fig. 10.2c-d). Au total, 15 ceintures ont été identifiées pour 15 squelettes datant de
la phase 9 à la phase 13. Les cyprées trouvées sur les parois des fosses des
sépultures au niveau du crâne (n° 67a), parfois encore collées sur ce dernier
(Fig. 10.2e), ont été reconnues comme des éléments constituant des parures de
type diadème ou coiffe de cheveux. Au total, six pourraient être des parures de
tête et proviennent des phases 7, 10 et 12. Les cyprées constituant des colliers sont
quasi absentes (parure n° 69 : une cyprée et neuf éléments en pierre).

Les parures de type ceinture peuvent être assemblées selon deux


compositions : uniquement en coquilles de cyprées (douze cas) ou conjointement
avec des perles tubulaires en calcaire (trois cas) (Tabl. 10.5). Le nombre de
coquilles comptées au sein des ceintures composées uniquement des cyprées varie
de 12 à 36. Les ceintures composées de 12 à 15 cyprées appartiennent à des
squelettes d’enfant dont l’âge varie entre un et neuf ans. Les ceintures composées
de 18 et 21 cyprées appartiennent à des enfants de dix et de 14-15 ans. Les
ceintures composées de 26, 28 et 36 cyprées appartiennent à des individus adultes.
Dans le cas de parures composées à la fois des cyprées et de perles tubulaires, le
nombre de cyprées est un (dans deux cas), et onze (dans un cas).

Comme pour les ceintures, les parures de tête ou de type collier peuvent
être constituées uniquement de cyprées ou associées à d’autres éléments de parure
en pierre mais nous n’avons pas pu distinguer clairement ces deux types de
configurations. Le nombre de cyprées entrant dans la composition des parures qui
ornent les parties supérieures du corps varie de 1 à 19. Il ne semble pas y avoir de
relation entre l’âge de l’individu et le nombre de cyprées composant la parure

396
(Tabl. 10.5). Enfin, les cyprées ne semblent pas faire partie des parures de type
bracelet.

B. Etat de préservation
L’état de préservation des cauris est distingué selon quatre degrés. Pour les
314 spécimens funéraires, l’état « moyen » est dominant et il concerne 67.5% (soit
212 cyprées) de la totalité. L’état « bon » caractérise 16.2% (soit 51 cyprées), le
« mauvais » 13.4% (soit 42 cyprées), et l’état « excellent » concerne uniquement
2.9% (soit neuf cyprées). L’état de préservation des cyprées fragmentaires
provenant des contextes non funéraires a été déterminé pour 86 éléments sur 108.
Sur ces 86 éléments, 74.4% (soit 64 fragments) ont un état « bon », 20.9% (18
fragments) un état « excellent », et l’état « moyen » est décrit pour seulement 3.5%
(trois fragments). Un seul fragment, brûlé, est dans un état mauvais. Les cyprées
entières provenant des sépultures sont plus altérées que les fragments de cyprées
trouvés en dehors du contexte funéraire (Tabl. 10.6). Ce constat peut être expliqué
par la durée d’utilisation des objets les exposant à une détérioration plus intense
du test que celle des objets cassés et par conséquent abandonnés. Par ailleurs, il est
possible que les processus de décomposition des cadavres soit en partie
responsable de l’altération des surfaces des cyprées. Il n’existe aucune relation
entre l’espèce et le degré de préservation bien que les cyprées du genre Erosaria
soient les plus résistantes, avec un test plus épais que les coquilles de L. lurida.

C. Identification taxonomique
Les cyprées de Tell Halula appartiennent à trois espèces (cf. Fig. 3.3e, g et j) :
deux du genre Erosaria originaires de la Mer Rouge, Erosaria nebrites (Melvill, 1831)
et Erosaria turdus (Lamarck, 1810), et une espèce originaire de la Mer
Méditerranéenne, Luria lurida (Linnaeus, 1758). E. turdus est l’espèce dominante et
représente 80% de l’ensemble pour les cyprées funéraires. E. nebrites est
représentée avec 13% et L. lurida est représentée par seulement 7% des coquilles
(Fig. 10.5). Les espèces identifiées pour les cyprées non funéraires sont les mêmes
que celles des éléments funéraires. Les proportions de leur fréquence sont
relativement semblables avec 64% d’E. turdus, 8% d’E. nebrites, 8% de L. lurida et

397
20% de fragments indéterminés (Fig. 10.5). La présence et l’utilisation des espèces
de la Mer Rouge ne sont pas à relier à une phase d’occupation en particulier. En
effet, les deux espèces sont généralement présentes dans toutes les phases sauf à la
phase 9. Le très faible effectif des cyprées pour la phase 9 est à prendre en compte.
Pour cette phase, seulement deux cyprées ont été trouvées dans les sépultures, les
deux appartiennent à l’espèce méditerranéenne L. lurida. C’est donc à la phase 9
qu’apparaît, en très faible quantité, l’espèce méditerranéenne. Parmi les cyprées
non funéraires et pour la même phase, seules E. turdus et L. lurida sont présentes.
Enfin, E. nebrites est totalement absente de la phase 9 (Tabl. 10.6).

La proportion des espèces a été ensuite mesurée par ensemble et par phase
d’occupation (Fig. 10.6). L’espèce dominante, E. turdus, est omniprésente dans tous
les ensembles. Cette omniprésence est totale pour les ensembles n° 18, 24, 33, 42,
49, 50, 77 et 81, et forte (entre 50 et 90%) pour les ensembles n° 1, 19, 23, 51, 67 et
78.

Les ensembles dominés par les autres espèces, E. nebrites et L. lurida, sont
rares. Il s’agit des ensembles n° 44 et 71 où les deux espèces E. nebrites et E. turdus
ont été identifiées mais la première est majoritaire avec 60%. Enfin, il existe un cas
exceptionnel où les trois espèces sont présentes dans le même ensemble. Il s’agit
de l’ensemble n° 36 (phase 12) où l’espèce dominante est L. lurida avec un
pourcentage de 61%, suivie par E. nebrites (25%) et enfin par E. turdus (14%).

D. Etude morpho-métrique
Les cyprées de Tell Halula sont toutes dépourvues de leur dorsum. À la
place de celui-ci une grande ouverture permet le passage du lien d’attache entre la
face dorsale et la face ventrale par l’ouverture naturelle de la coquille. Le volume
des coquilles est représenté par la hauteur et la largeur. L’épaisseur dépend du
degré de l’élimination du dorsum. Généralement, celui-ci est entièrement
supprimé, ce qui affecte évidemment l’épaisseur des coquilles.

L’étude métrique a été effectuée sur 250 coquilles entières provenant des
contextes funéraires. Les principales données métriques (hauteur, largeur et
épaisseur) sont présentées dans le tableau (Tabl. 10.7). Notons que les valeurs des
écarts-types sont élevées pour la hauteur et la largeur tandis que celui de

398
l’épaisseur est faible. Cela se traduit par une plus grande dispersion pour la
hauteur et la largeur et par une homogénéité en ce qui concerne l’épaisseur.

La hauteur et la largeur des cyprées ont été mises en relation avec de


l’espèce (Fig. 10.7). Les différentes espèces de cyprées se distinguent au niveau des
proportions. En effet, les spécimens de L. lurida sont relativement moins larges que
les spécimens d’E. turdus, qui est une espèce assez trapue. Les coquilles d’E.
nebrites quant à elles se situent entre les deux espèces précédentes avec quelques
spécimens qui se chevauchent avec les coquilles d’E. turdus. En ce qui concerne la
hauteur, les valeurs les plus élevées appartiennent aux spécimens d’E. turdus. Cela
ne signifie pas pour autant que c’est l’espèce la plus haute parmi les trois
identifiées. Cela peut être expliqué par le nombre dominant des cyprées en E.
turdus (193 sur 255) mais aussi par la grande variabilité bien connue de la forme de
la coquille chez cette espèce88. Les hauteurs des spécimens archéologiques d’E.
nebrites et de L. lurida sont proches, elles sont comprises pour la majorité entre 23.7
et 31.8 mm. La variabilité de la hauteur est plus importante pour les cyprées d’E.
turdus (23.5 à 41.2 mm). Cette variabilité pourrait être expliquée par l’effectif d’E.
turdus plus important que pour les autres espèces.

D’un point de vue chronologique, les cyprées des phases anciennes (7 à 9)


sont de plus petit volume que les cyprées des phases récentes (10 à 13) (Fig. 10.8).
Peu de cyprées ont été trouvées dans les phases anciennes en comparaison avec
celles des phases récentes. Néanmoins, une variabilité dans les hauteurs est
constatée. Ainsi, les cyprées des phases 7 et 8 ont les médianes les plus faibles,
entre 26 et 28 mm. Les cyprées de ces phases sont considérées comme étant de
petite taille. La phase 10, étant l’une des plus riches en cyprées, offre plus de
variation dans les valeurs mais la médiane est la plus élevée, elle est de 33 mm
environ. La majorité des éléments de cette phase sont de taille moyenne et grande.
Dans la phase 11, les cyprées sont de taille moyenne ou petite, la médiane est de
moins de 30 mm. La phase 12 regroupe un nombre important de cyprées de toutes
les tailles, petite, moyenne et grande. La médiane est de 31 mm environ. Enfin, la
phase 13 offre peu d’éléments et sont pour la majorité de taille moyenne à grande,
la médiane est de 32 mm environ. Malgré les écarts dans les effectifs, nous
percevons une légère tendance évolutive dans le volume des cyprées : de taille

88 Cf. Erosaria turdus (Lamarck 1810), p. 91.

399
petite à moyenne dans les phases anciennes 7 et 889, elles deviennent plus grandes
dans les phases les plus récentes. La comparaison des hauteurs de la phase 8
(N=16) et celles de la phase 13 (N=12), où les cyprées appartiennent à une seule
espèce (E. turdus), pourrait confirmer cette tendance.

Afin de tester la variabilité des dimensions des objets au sein d’une parure,
nous avons calculé la valeur du coefficient de variation (Cv) à l’intérieur des 16
ensembles composés de deux cyprées au minimum et 28 au maximum. Le
coefficient de variation (Cv) a été calculé pour la hauteur. Les résultats obtenus
sont classés en trois catégories (Tabl. 10.8) : la catégorie A regroupe les valeurs
minimales entre 0.02 et 0.04, la catégorie B les valeurs moyennes de 0.05 et 0.06 et
la catégorie C les valeurs entre 0.07 et 0.09. Les valeurs minimales traduisent une
homogénéité des volumes des cyprées et les valeurs maximales, au contraire,
expriment une hétérogénéité au sein de l’ensemble. Ainsi, cinq ensembles
« homogènes » appartiennent à la catégorie A et cinq autres, « hétérogènes »,
rentrent dans la catégorie B.

Le nombre des cyprées composant une parure peut jouer un rôle important
dans l’homogénéité ou l’hétérogénéité des hauteurs. Comme on pourrait s’y
attendre logiquement, plus le nombre de spécimens est petit, plus la variabilité est
réduite. C’est le cas notamment de l’ensemble n° 50 qui contient uniquement sept
cyprées. Au contraire, quand le nombre de cyprées est important, la variabilité du
volume est conséquente. C’est le cas de l’ensemble n° 36 composé de 28
cyprées. Cependant, cette logique ne fonctionne pas pour tous les ensembles. En
effet, plusieurs ensembles composés de 15 cyprées (ensembles n° 18 et 51)
appartiennent à la catégorie A. L’ensemble n° 49, avec 26 cyprées, est un ensemble
« homogène ». De même, des ensembles composés de moins de cyprées, comme
les ensembles n° 44 et 23, appartiennent à la catégorie C.

L’homogénéité, la variabilité ou l’hétérogénéité des hauteurs des cyprées au


sein d’une parure ne peuvent donc être expliquées par la présence d’une ou
plusieurs espèces taxonomiques. Les parures composées d’une seule espèce, en
l’occurrence E. turdus, peuvent être de la catégorie A (e.g. ensemble n° 50), de la
catégorie B (e.g. ensemble n° 49) ou de la catégorie C (e.g. ensemble n° 33). C’est

89 Les deux cyprées de la phase 9, non illustrées dans ce graphique, sont également de petite taille :
l’une a une hauteur inférieure à 18 mm et l’autre inférieure à 26 mm.

400
également le cas des ensembles composés de deux espèces différentes. Ils peuvent
être homogènes (e.g. ensembles n° 19 et 51), variables (e.g. n° 1 et 71) ou
hétérogènes (e.g. n° 23 et 44). Enfin, l’ensemble n° 36 (N=28), l’unique exemple
d’une parure constitué des trois différentes espèces, est hétérogène (catégorie C).

D’un point de vue chronologique, aucune relation n’existe entre les


catégories de Cv de H et les phases du site. Aucune relation n’est observée non
plus avec ce paramètre et le sujet enterré (sexe et âge) ou le type de parure
(ceinture, diadème, etc.).

Nous verrons plus loin, dans la partie consacrée à l’étude de l’usure des
cyprées, des pistes et des indices pouvant être à l’origine de la variabilité des
hauteurs des cyprées au sein des différentes parures.

E. Techniques de percement
Pour toutes les cyprées, y compris les fragmentaires provenant des
contextes non funéraires, le dorsum est systématiquement supprimé. De même,
aucune coquille en cours de percement n’a été trouvée. L’observation des traces
techniques n’a pas toujours été possible. Plusieurs difficultés ont été rencontrées,
les principales étant l’intensité de l’usure, la détérioration du test et la présence
assez fréquentes de dépôts post-dépositionnels sur les surfaces.

Deux stigmates ont été observés sur les percements : les facettes planes et
les négatifs d’enlèvement. Le premier type a été produit par l’action d’abrasion
tandis que le second est le résultat d’une percussion (directe ou indirecte) ou d’une
pression, sans pouvoir pour autant déterminer si l’origine de cette action est
anthropique ou naturelle. Les facettes planes entourent le bord du percement
(Fig. 10.9a-b). L’examen microscopique à faible grossissement (jusqu’à 40x) de ces
facettes n’a pas révélé l’existence de stries organisées en groupe mais plutôt de
stries isolées et aléatoires. Tous les percements des cyprées de Tell Halula sont
entourés soit entièrement soit partiellement de ces facettes planes. Le second type
de stigmate, les négatifs d’enlèvement, s’observe, conjointement avec le premier
type, sur les faces internes et externes du test (i.e. des percements). Les négatifs
d’enlèvement ont été notés sur 158 cyprées (Fig. 10.9c-d).

401
Aucune trace de sciage ou de rainurage n’a été documentée sur les surfaces
des percements. Aucune trace de dérapage (sillons ou stries) n’a été non plus
observée sur les bords latéraux, juxtaposée au dorsum des coquilles.

Outre les stigmates ponctuels, les percements ont été distingués au niveau
de leur morphologie90 vue de face et de profil (cf. Fig. 5.1). Bien que tous les
percements aient été abrasés, la morphologie du contour peut être distinguée en
trois types : régulier, semi-régulier et irrégulier. De même, le profil du dorsum
supprimé se distingue également en trois types : plat, relevé ou creusé.

Les contours des percements sont réguliers pour la majorité des cyprées,
soit 188. Le type semi-régulier concerne 56 cyprées et l’irrégulier est observé
seulement sur 14 cyprées. Le profil plat est documenté sur 80 cyprées, le profil
relevé en concerne 71 et le creusé est observé sur 99 coquilles. Les formes des
contours et des profils combinés aboutissent à la distinction de neuf types
morphologiques théoriques de percements (Tabl. 10.9) : 1) contour régulier à profil
plat ; 2) contour régulier à profil relevé ; 3) contour régulier à profil creusé ; 4)
contour semi-régulier à profil plat ; 5) contour semi-régulier à profil relevé ; 6)
contour semi-régulier à profil creusé ; 7) contour irrégulier à profil plat ; 8) contour
irrégulier à profil relevé ; 9) contour irrégulier à profil creusé.

À l’exception du type 7, tous les types morphologiques de percements sont


représentés bien qu’en effectifs variables. Les types les mieux représentés sont
ceux aux contours réguliers combinant les 3 types de profils, mais plus
particulièrement le profil plat, c'est-à-dire le type 1. Les types des contours semi-
réguliers viennent en second lieu avec notamment un nombre important pour le
type 6 qui combine les contours semi-réguliers avec le profil creusé. Enfin, les
types qui combinent les contours irréguliers avec le profil relevé ou creusé (types 8
et 9) sont peu représentés.

L’association entre les stigmates et les types morphologiques de percements


(Tabl. 10.10) permet de faire les observations suivantes :

• la coprésence de facettes et de négatifs concerne tous les types


morphologiques ;

90 Cf. 5.3.3. Phase de création du dispositif d’attache, p. 191.

402
• la présence unique de facettes concerne seulement les types 1, 2 et 3 ; sur 92
cyprées les négatifs d’enlèvement n’ont pas été observés.

Deux procédés de percements sont envisagés :

• La face dorsale est abrasée jusqu’à l’obtention d’un percement ;


• La face dorsale est d’abord percée rapidement par percussion (directe ou
indirecte) ou par pression (sur test peu épais), et est ensuite abrasée.

L’accumulation des stigmates pour 158 éléments sur 250 plaide pour la
seconde hypothèse. Le percement des cyprées sur lesquels seulement des plages
d’abrasion ont été observées (au nombre de 92), pourrait avoir été réalisé d’abord
par une autre technique et terminé par l’abrasion. Autrement dit, l’absence de
négatifs d’enlèvement liés aux techniques de percussion ou de pression ne signifie
pas la non-utilisation de ces techniques. Si l’on adopte la seconde hypothèse,
l’abrasion pourrait donc être considérée comme une étape de finition.

D’un point de vue chronologique, les cyprées ne présentant que des


facettes, sont présentes dans toutes les phases d’occupation, à l’exception des
phases 7 et 9. Elles rentrent dans la composition de presque toutes les parures en
cyprées de type ceinture ou parure de tête. Il n’existe aucune relation entre le type
de stigmates observés ou le type morphologique du percement et l’espèce de
cyprée traitée. D’un point de vue métrique, en l’occurrence l’épaisseur, aucune
distinction n’a été remarquée entre les cyprées portant uniquement des traces
d’abrasion et celles portant les traces conjointes de percussion/pression et
abrasion.

403
F. Traces d’usure ou stigmates techniques ?
La face ventrale de 245 cyprées porte des facettes planes à l’emplacement
des surfaces naturellement convexes de la coquille. Ces facettes sont observées sur
la partie columelle et labiale (Fig. 10.9e-f). Toutes les espèces sont concernées par
ces facettes. Les cinq coquilles ne présentant pas de facettes sur leur face ventrale
proviennent de la phase 7 (ensemble n° 67a) et 8 (ensemble n° 42). Les trois
cyprées de la phase 7 sont des E. nebrites tandis que les 2 de la phase 8 sont des E.
turdus.

Comment interpréter l’origine de ces facettes ? S’agit-il d’une abrasion


intentionnelle de la face ventrale ou d’une usure par frottement ? Des pistes de
recherches sont données par l’expérimentation.

Durant nos expérimentations, nous avons abrasé des cyprées à l’unité mais
aussi en série en calant plusieurs spécimens sur un support en bois. (Fig. 15.1b).

En examinant la face ventrale de celles-ci, nous avons observé la formation


des facettes planes remplies de stries qui s’élargissaient au fur et à mesure que
l’abrasion de la face dorsale progressait (cf. Fig. annexes I). Il est donc possible que
les facettes de la face ventrale observées sur le matériel archéologique soient la
conséquence collatérale d’une abrasion du dorsum en utilisant un dispositif de
fixation qui frotterait la face en contact.

Rappelons que toutes les cyprées de Tell Halula ont été abrasées sur leur
face dorsale. Cela explique peut-être que la majorité écrasante des cyprées
présente des facettes sur la face ventrale, probablement issues par une abrasion en
série des coquilles. Les facettes planes observées sur la face ventrale des cyprées
cassées et fragmentaires provenant des contextes non funéraires (Fig. 10.1g et h),
montrent clairement qu’il s’agit de traces techniques : les stries sont rectilignes,
intenses, certaines parallèles et d’autres multidirectionnelles.

Si l’hypothèse d’une abrasion intentionnelle de la face ventrale ne peut être


totalement rejetée, elle pose cependant le problème de la maîtrise du geste (risque
de percement des convexités labiale ou columellaire) et de sa finalité.

Les mêmes observations concernant les percements de la surface dorsale


ont pu être faites sur les cyprées cassées provenant des contextes non funéraires.

404
Rappelons que les cyprées fragmentaires ont un état de préservation relativement
bon. La surface du test conserve encore les stigmates techniques comme les stries
d’abrasion, une plage d’abrasion très large et plane (Fig. 10.9a) et les négatifs
d’enlèvement (Fig. 10.9c-d).

G. Traces d’usure
Des émoussements, notamment sur les contours des percements, et des
striations aléatoires ou des rayures ont été observés sur l’ensemble de la surface
des coquilles (Fig. 10.9b et f). Le type d’usure dominant est celui affectant le
volume. Il touche principalement les extrémités des cyprées et se manifeste par la
présence d’encoches plus au moins profondes selon le degré d’usure.

Les encoches témoignent d’une attache de la coquille par une ou par les
deux extrémités. La profondeur de l’encoche se distingue en 6 stades : Stade 0 :
aucune encoche ; Stade 1 : ≤ à ¼ ; Stade 2 : > ¼ et ≤ ½ ; Stade 3 : > ½ et ≤ ¾ ; Stade
4 : > ¾ ; Stade 5 : fracture (cf. Fig. 6.1). La formation d’une encoche témoigne que la
zone en question a subi une tension importante provoquant un creusement de la
matière. La présence d’encoches sur les deux extrémités indique que la coquille a
été tirée dans deux directions opposées.

Les encoches sur les extrémités antérieures présentent des stades d’usure
plus avancés que celles sur les extrémités postérieurs. Les 6 stades sont
documentés sur les premières tandis que seulement 3 stades sont observés pour
les seconds. Les stades des usures modérées 0, 1 et 2, sont prédominants
(Tabl. 10.11).

En prenant en compte pour chaque cyprée le stade d’usure le plus élevé (W


max.), généralement sur l’extrémité antérieure, les fréquences d’apparition des
différents stades peuvent être calculées selon les phases d’occupation (Tabl. 10.12).
Entre la phase 8 et la phase 11, l’usure des encoches semble augmenter vers un
stade élevée. Entre la phase 11 et la phase 13, la tendance semble s’inverser. Ce
constat est à prendre avec précaution car il pourrait être biaisé par le déséquilibre
entre les effectifs des cyprées (N) par phase.

405
Nous avons ensuite reporté sur un graphique la moyenne des stades
d’usure calculée pour 15 ensembles sériés provenant de toutes les phases
d’occupation (Fig. 10.10). Les barres de chaque côté de la moyenne représentent
les valeurs minimums et maximums. On constate l’existence de deux groupes : le
premier rassemble des parures très homogènes (ensembles n° 42, 24a et 19) ou
relativement homogènes (ensembles n° 67, 23, 24b, 18 et 50) où l’usure correspond
à 1 ou 2 stades. Ce groupe que nous appelons « homogène » se situe toujours dans
les valeurs les plus basses, donc peu usés. Ensuite, le deuxième groupe présente
une grande variation entre les éléments qui les constituent avec une usure
pouvant couvrir jusqu’à 5 stades. Autrement dit, au sein de la même parure, des
objets peu usés côtoient des éléments très fragilisés par l’usure. Ces parures
appartiennent au groupe « hétérogène ». Il est important de noter que la différence
entre les groupes n’est pas liée à des questions d’effectifs. Sur l’exemple très
homogène n° 24a, qui est une parure de type ceinture, l’effectif est de 21 pièces
tandis que l’ensemble n° 44, très hétérogène, n’est composé que de dix pièces.

Ces différences ne sont pas liées non plus à la phase d’occupation ni à


l’identité des individus associés ni au type de parure (ceinture, collier ou parure
de tête). Notons toutefois que les deux parures (ensembles n° 33 et 44) présentant
l’usure la plus hétérogène (sur 5 stades) sont associées à des nourrissons (âge
entre 0 et 3 ans). Par ailleurs, les trois parures à usure très homogène (ensemble
n° 19, 24a et 42) sont associées, respectivement à un enfant d’environ quatre ans,
un enfant d’une quinzaine d’années et un jeune adulte. Il n’y a donc pas de
relation entre le type d’usure des parures et l’âge de l’individu.

Est-ce que cette homogénéité (ou cette hétérogénéité) se constate aussi au


niveau des dimensions des spécimens qui composent ces séries ? Afin de répondre
à cette question nous avons reporté les catégories obtenues (A, B et C) d’après les
coefficients de variation (Cv) calculés sur la hauteur des coquilles. Pour les
premières phases, de la 7 à 11, il ne semble pas y avoir de corrélation entre le
degré d’homogénéité des usures et le degré de variation des hauteurs. Pour ces
séries à usure homogène, on aurait pu s’attendre à trouver principalement des
coefficients faibles de type A. Cependant, à partir de la phase 12, cette hypothèse
semble être valable : les séries les plus homogènes au niveau de l’usure sont aussi
celles qui ont un faible Cv H et inversement pour les séries hétérogènes.

406
Il est possible que les contrastes observées entre les phases anciennes et
récentes soient liées aussi au nombre de taxons identifiés dans chaque série et à
leur proportion, nebrites étant par exemple plus petit en général que turdus.

Cependant, de tous ces résultats, se dégage une tendance très révélatrice :


les séries de cyprées varient entre celles qui sont neuves homogènes peu usées et
celles qui sont très hétérogènes aussi bien métriquement qu’au niveau de l’usure.
Pour ces dernières, cela indique visiblement des pratiques d’entretien, qui se
traduisent principalement par le remplacement des éléments cassés.

En ce qui concerne l’usure des cyprées non funéraires, il a été difficile


d’observer la présence d’encoches car les fractures ont été produites au niveau des
extrémités postérieures et antérieures. Les encoches que nous avons pu observer
présentent un stade d’usure relativement faible (stade 1). Rappelons par ailleurs
que ces éléments se caractérisent par un état de conservation qui oscille entre bon
et excellent (Tabl. 10.6). Les traces techniques de types stries d’abrasion n’ont
jamais pu être identifiées sur les cyprées funéraires. Sur les éléments non
funéraires, l’observation des stries a été possible sur 15 éléments. Il est difficile de
savoir comment les cyprées ont été fracturées. Elles sont toutes cassées au niveau
de leurs extrémités qui constituent des points de fragilité une fois que le dorsum
est supprimé. L’état d’usure peu ou pas développé sur ces éléments nous laisse
penser que ces coquilles ont été fracturées peu après leur port. Pour une grande
partie d’entre elles, la cause de la fracture était plus probablement accidentelle que
due à une usure prolongée.

Enfin, parmi les 255 cyprées, 11 présentent des fractures au niveau de l’une
ou des deux extrémités. Il est possible que ces fractures aient été produites à cause
de l’état avancé de l’usure (présence d’une encoche relativement profonde). Le
scénario envisagé ici serait que ces cyprées, ayant une ou deux encoches profondes
aient reçu un coup accidentel entraînant ainsi la fracture de la cyprée sur la zone la
plus fragile, la plus usée. La fracture peut concerner uniquement une extrémité
mais si le coup exercé est conséquent, la fracture pourrait se produire sur les deux
extrémités et diviser la cyprées en deux moitiés : labre et columelle.

Sur les cyprées funéraires de Tell Halula des fibres agglomérées en masse,
parfois sous la forme d’une véritable cordelette torsadée (?), ont été identifiées

407
(Fig. 10.11). La plupart du temps ces fibres se trouvent à l’intérieur des extrémités
des coquilles et plus rarement à l’intérieur des columelles. Aucune analyse n’a pu
être réalisée91 sur ces restes mais l’examen à la loupe binoculaire (grossissement
x40) par deux archéobotanistes, G. Willcox92 et R. Buxó93, plaide pour des fibres
d’origine végétale.

Un total de 95 cyprées portant des restes de fibres et de cordelettes a été


comptabilisé sur 228. La présence de fibres sur 29 éléments n’a pas pu être vérifiée.
De l’ocre rouge a été repéré sur 35 cyprées à des endroits différents : à l’intérieur
des extrémités postérieures et antérieures (31 cas) et sur le volume de la coquille
en général (26 cas), sur la face ventrale, la plage d’abrasion, les fossettes du genre
Erosaria, etc. Parmi les cyprées ocrées, 20 coquilles comportaient également des
fibres ocrées à l’intérieur des extrémités. Les éléments présentant des traces d’ocre
sont ceux qui composent les parures de tête (cf. Tabl. 10.5, ensembles n° 24b, 50 et
67). Deux parures semblent appartenir à des enfants (ensembles n° 67 et 24b) et
une à un adulte (ensemble n° 50).

10.1.2. Synthèse sur les formes anatomiques

La diversité ne caractérise pas les objets de forme anatomique à Tell Halula.


Contrairement aux autres sites du corpus, ces objets sont uniquement en
coquillages et ces derniers sont peu diversifiés. En effet, seulement quatre familles
de coquillages ont été identifiées : les cyprées, les nérites, les moules d’eau douce
et les limnées. Paradoxalement, les familles les mieux représentées
quantitativement sont les cyprées et les nérites, coquillages marins dont l’origine
est pour la majorité la Mer Rouge. Les deux autres familles, les unionidés et les
limnées, sont d’eau douce et peuvent avoir été collectées dans les eaux de
l’Euphrate mais elles sont très peu représentées avec seulement trois éléments
pour chacune.

Originaires de la mer Rouge, les nérites à Tell Halula apparaissent


seulement à l’horizon PPNB récent du site (phases 12 et 13). Dans la phase 12 elles

91 L’analyse poussée permettant de déterminer avec précision les fibres n’a pas pu avoir lieu à
cause de l’impossibilité de sortir des échantillons du territoire syrien (Cf. 10.3. Conclusion, p. 470).
92 Archéorient UMR 5133.
93 Museu d’Arqueologia de Catalunya.

408
sont relativement plus nombreuses tandis que celles de la phase 13 sont de plus
grand gabarit. Ces résultats peuvent être liés au nombre de sépultures fouillées
dans la phase 12, plus élevé qu’à la phase suivante.

Les nérites semblent avoir été réservées à la composition d’un type de


parure particulier, celui des bracelets. Elles entrent rarement dans la composition
des colliers ou des parures de tête et jamais dans celle des ceintures. Dans notre
corpus, les nérites sont présentes sur le site de Tell Aswad (PPNB moyen) en faible
quantité (cinq) et elles y sont plus anciennes que celles de Halula.

Trois espèces ont été identifiées parmi les cyprées de Tell Halula, deux de la
Mer Rouge, Erosaria turdus et E. nebrites, et une de la Mer Méditerranée, Luria
lurida. Les espèces de la Mer Rouge sont dominantes et représentent plus de 90%
des cyprées funéraires et plus de 70% en ce qui concerne les cyprées non
funéraires (notons que 20% de celles-ci sont indéterminées). Parmi les espèces de
la Mer Rouge, E. turdus est un cas intéressant car il est possible de déterminer son
lieu de ramassage. Rappelons que les populations d’E. turdus dans le nord du
golfe d’Aqaba appartiennent à la sous-espèce E. turdus pardalina (Dunker 1852)
(Heiman & Singer 2008, p. 25 ; Heiman 2012, p. 23). Les coquilles de cette sous-
espèce se caractérisent notamment par une largeur plus importante que les autres.
Dans notre corpus, les spécimens de cette espèce sont particulièrement larges. Il
est possible par conséquent que les E. turdus de Halula proviennent du nord de la
mer Rouge, des plages jordaniennes ou du Sinaï. La forte présence de cette espèce
par rapport à E. nebrites peut être expliquée par leur plus forte abondance (rareté
de l’espèce d’E. nebrites ?) ou par un ramassage préférentiel guidé par des choix
précis concernant notamment les dimensions.

Les cyprées funéraires sont présentes dans toutes les phases d’occupation
mais selon des effectifs variables : 116 au PPNB moyen et 198 au PPNB récent. Au
cours de la première période, la phase 9 est particulièrement pauvre en éléments
(N=2). Il est intéressant de noter que ces deux coquilles appartiennent à l’espèce
méditerranéenne L. lurida. Le changement d’effectif est radical à la phase suivante,
où 78 cyprées ont été découvertes, la majorité écrasante étant représentée par des
espèces de la Mer Rouge.

409
Les cyprées entrent dans la composition des ceintures notamment. Elles
peuvent également être des éléments de parures de tête (coiffes/diadèmes) ou du
torse. En ce qui concerne les ceintures, le nombre de cyprées utilisées augmente
graduellement en fonction de l’âge des enfants avec un maximum de 21 (jeune
adulte). Pour les adultes le nombre de cyprées est supérieur à 25 et peut atteindre
36 (un cas).

L’état de préservation des cyprées funéraire est généralement moins bon


que pour les cyprées fragmentaires trouvées en dehors du contexte funéraire.
Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine des états moyens et mauvais des
cyprées funéraires : l’usure prolongée de l’élément et le processus de
décomposition du cadavre qui pourrait altérer la surface du test. Les éléments non
funéraires eux ont été probablement brisés au cours de leur utilisation,
interrompant ainsi le processus d’usure relativement tôt.

L’analyse métrique montre une répartition des cyprées selon l’espèce : E.


turdus étant la plus large et L. lurida la plus étroite tandis qu’E. nebrites se situe
entre les deux. En ce qui concerne la hauteur, elle est moins conditionnée par
l’appartenance aux différentes espèces. D’un point de vue chronologique, les
cyprées des phases anciennes (7 et 8) sont plus petites que celles des phases
récentes (e.g. phase 13).

Cette analyse a également permis d’observer une certaine variabilité dans la


taille des cyprées au sein d’une seule parure. Pour mieux cerner cette question, la
valeur du coefficient de variation (Cv) des cyprées composant une parure a été
calculée. Selon les résultats, les parures ont été classées dans trois groupes : groupe
A (hauteurs homogènes) ; groupe B (hauteurs variables) ; et groupe C (hauteurs
hétérogènes). Le nombre de cyprées composant une parure pourrait être un critère
d’homogénéité ou d’hétérogénéité mais il n’est pas toujours la cause. Le type de
parure (ceinture, parure de tête, etc.), le statut du défunt (âge, sexe), la phase
d’occupation, sont des variables qui n’ont pas d’incidence sur la variation des
hauteurs des coquilles composant une parure. L’explication pourrait être donnée
par l’étude de l’usure.

La morphologie des percements ainsi que les traces micro- et


macroscopiques sur les pourtours immédiats et dans les zones entourant les

410
percements indiquent que la dernière technique employée fut celle de l’abrasion.
Cependant, il est possible que les percements initiaux fussent obtenus par une
technique rapide (e.g. percussion directe ou indirecte).

À notre connaissance, aucune cyprée conservant le dorsum n’a été trouvée


sur le site. Pas plus qu’aucune en cours de percement. Les cyprées arrivaient-elles
à l’état fini au village de Tell Halula ? Que ce soit à l’état fini ou entières, les
cyprées originaires de la Mer Rouge ont voyagé entre le golfe d’Aqaba et le moyen
cours de l’Euphrate. Sur cette large voie se trouvent de nombreux sites
contemporains dans lesquels des cyprées ont été découvertes tels que, du sud au
nord, Beidha, Aïn Ghazal, Tell Aswad, Abu Hureyra.

Parmi tout le corpus de Tell Halula, on trouve à la fois des séries


relativement neuves homogènes peu usées et des séries très hétérogènes aussi bien
métriquement qu’au niveau de l’usure. Pour ces dernières, il existait
manifestement des pratiques d’entretien qui consistaient principalement à
remplacer les éléments cassés.

Ainsi, on trouve dans les sépultures des séries relativement « jeunes » et des
séries qui ont eu une durée de vie plus longue. Les cyprées hors contexte funéraire
sont cassées et témoignent indirectement de ces pratiques de remplacement.

Les cyprées découvertes en dehors du contexte funéraire sont donc toutes


cassées et représentent soit la moitié columellaire, soit la labiale. Elles sont peu
usées et ont un état de préservation du test relativement bon. Leur fracture n’est
donc pas liée à l’usure mais à des accidents survenus au cours de la vie des
individus qui les portaient. Cela confirme l’idée que les cyprées étaient utilisées à
Halula comme parure quotidienne.

La présence de fibres sur les extrémités des cyprées, parfois enveloppant les
encoches d’usure, est un indice de plus sur le fait que ces cyprées étaient attachées
et tirées par leurs deux extrémités. Les fibres ocrées concernent uniquement les
parures de tête. Les cyprées composant les parures de type ceinture ne portent pas
de trace d’ocre sur leur volume et les fibres à l’intérieur de leurs extrémités ne sont
pas ocrées. Nous ne pouvons pas généraliser pour l’ensemble des parures en
cyprées mais les cyprées provenant de la zone de tête étaient vraisemblablement

411
en contact avec des supports ocrés (cheveux ?), ou attachées avec des cordelettes
ocrées.

10.2. Les formes géométriques

Les objets de parure de forme géométrique à Tell Halula sont


majoritairement en pierre. Leur nombre s’élève à 1048. Un petit nombre, (N=23) en
cuivre, trois en coquillages et un élément en dent (Tabl. 10.1) complètent
l’ensemble. Les classes typologiques de cette large collection sont au nombre de
quatre :

1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

2. Objets à double perforations bilatérales (éléments biforés)

3. Objets à double perforations unilatérales (pendeloques biforées)

4. Objets à perforation longue centrée (perles).

La classe des rondelles est la plus importante du corpus suivie celle des
perles. La classe des éléments biforés est représentée par un seul objet en défense
de sanglier tandis que celle des pendeloques biforées est représentée par trois
pièces en nacre.

10.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

À Tell Halula le nombre de rondelles s’élève à 714. Une grande diversité


caractérise les formes, les matériaux et les types.

Une seule rondelle de la phase 7 a été trouvée tandis que la phase 8 n’en a
livré aucune. Les rondelles sont présentes à partir de la phase 9 dans quatre
sépultures appartenant à la maison DC. Une seule sépulture a livré des rondelles
dans la phase 10. A la phase 11, les rondelles ont été découvertes dans 6 sépultures
de deux maisons différentes, et à la phase 12 dans huit sépultures appartenant à
deux maisons différentes. Enfin, dans la phase 13, deux sépultures ont livré des
rondelles.

412
En termes de fréquences, notons que leur nombre, à l’exception de la phase
10, augmente au cours du temps, c'est-à-dire de la phase 9 à la phase 13.

Le nombre de rondelles composant une parure varie d’une sépulture à


l’autre. Il peut aller de 1 (comme dans les ensembles n° 5, 8, 20 et 21) jusqu’à
atteindre 442 (ensemble n° 62). Il est rare de trouver une parure composée
uniquement de rondelles. Ces petits objets sont presque toujours associés à une ou
à plusieurs perles plates et composent majoritairement les bracelets et les colliers
(Tabl. 10.13).

Un très grand nombre d’éléments (442 rondelles + 1 perle + 1 nérite) a été


trouvé au fond de la fosse d’une sépulture d’enfant. L’emplacement originel de ces
éléments n’a pas pu être identifié. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une ou de
plusieurs parures et si ces parures étaient des éléments enfilés pour composer des
colliers, des bracelets, ou étaient cousus sur les vêtements. Une chose est
néanmoins sûre, c’est qu’un tel grand nombre d’éléments n’est pas attesté dans les
phases les plus anciennes de Tell Halula.

Les formes des rondelles s’inscrivent dans divers volumes géométriques.


Au total, trois formes de différentes sections sont identifiées au sein desquelles la
perforation courte centrée s’intègre selon l’axe principal : les formes cylindrique,
elliptique et biconique. Ces formes se déclinent en trois sections différentes :
circulaire, elliptique ou plate lenticulaire (Tabl. 10.14).

Cinq types de rondelles sont identifiés : cylindrique, elliptique, biconique,


plat et sphérique (Tabl. 10.14).

10.2.1.1. Types, matières et couleurs


A. Cylindriques
Le type cylindrique est dominant, il représente plus de 84% de l’ensemble
(soit 605 éléments) (Tabl. 10.14 ; Fig. 10.12a-c). La section circulaire concerne tous
les éléments sauf 8 qui ont une section elliptique.

Les rondelles cylindriques ont été trouvées dans différentes sépultures


appartenant à cinq phases successives d’occupation. À l’exception de la phase 10
où seulement deux éléments ont été découverts, le nombre d’éléments s’accroît

413
très progressivement des phases 9 à 12 (respectivement 43, 55 et 59), puis
considérablement dans la phase 13 (442 éléments). Le nombre d’objets par phase
n’est pas biaisé par le nombre de sépultures fouillées ayant fourni des rondelles.
En effet, la phase 9 a fourni un effectif réduit mais provenant de quatre sépultures
différentes, les rondelles de la phase 11 appartiennent à trois sépultures, celles de
la phase 12 à 4 sépultures, tandis que le plus grand nombre de rondelles
proviennent d’une seule sépulture de la phase 13.

Les matériaux utilisés sont divers. Ceux en carbonates se distinguent entre


le calcaire (33 éléments), blanc ou, dans certains cas, rose-saumon (calcaire
chauffé ?), et la calcite (22 éléments) de couleur beige. Les ophiolites sont
représentées par la famille des talcs que l’on peut distinguer selon la couleur
noir/anthracite (131 éléments) et verdâtre (402 éléments). Enfin, la turquoise (16
éléments) et la cornaline (1 élément) sont également identifiées pour les rondelles
cylindriques (Tabl. 10.15).

B. Elliptiques
Au nombre de 74, les rondelles elliptiques représentent un peu plus de 10%
de la totalité (Tabl. 10.14). Comme les rondelles cylindriques, elles ne sont pas
attestées aux phases 7 et 8 mais uniquement à partir de la phase 9. Deux sections
sont également identifiées ici, la section circulaire (39 éléments) et la section
elliptique (35 éléments).

Les matériaux identifiés sont la turquoise (53 éléments), la cornaline (18


éléments), la calcite (trois éléments) et l’amazonite (un élément) (Tabl. 10.15).

C. Biconiques
Halula est le seul site de notre corpus où le type biconique est attesté
(Fig. 10.12e). Il est représenté par douze rondelles (Tabl. 10.14) dont onze de
section circulaire et une de section elliptique. Le périmètre le plus grand des
rondelles est marqué et mis en valeur dans tous les cas, bien que pas du même
degré, selon l’état d’usure de la pièce.

414
Les rondelles biconiques sont présentes notamment aux phases 12 et 13.
Une seule appartient à la phase 11. Elles rentrent dans la composition de bracelets
dans deux cas et dans celle de colliers dans deux autres cas.

À côté de la cornaline (dix éléments), utilisée majoritairement pour ce type,


la turquoise a été également employée (deux éléments) (Tabl. 10.15).

D. Plates
Les rondelles plates, comme les rondelles biconiques, n’ont été identifiées
qu’à Tell Halula (Fig. 10.12d). Au nombre de 17, elles se distinguent en quatre
sous-types : les rondelles plates rectangulaires (six éléments), elliptiques (trois
éléments), semi-elliptiques (un élément) et biconiques (ou à ceinture) (sept
éléments) (Tabl. 10.14). Ces dernières sont munies d’arêtes centrales sur leur
périmètre le plus grand (« ceinture ») comme pour les rondelles biconiques mais
ces arêtes sont plus atténuées, subtiles.

Une seule rondelle plate est attribuée à la phase 7. Elles sont ensuite
absentes jusqu’à la phase 10 où seulement un spécimen a été compté. Elles sont au
nombre de trois à la phase 11, dix à la phase 12 et une à la phase 13. À l’exception
de la rondelle de la phase 10 qui fait partie de l’ensemble n° 52, toutes les rondelles
plates composent des parures de type « collier » (Tabl. 10.13). Les matériaux
utilisés pour les rondelles plates sont majoritairement les turquoises et dans un cas
il s’agit de la stéatite verte (talc) (Tabl. 10.15).

E. Globuleuses
Les rondelles globuleuses sont au nombre de six et elles sont toutes de
section circulaire (Fig. 10.12f). Elles sont documentées à la phase 12 avec un
élément en amazonite (ensemble n° 21) et avec cinq éléments en cornaline à la
phase 13 (ensemble n° 34) (Tabl. 10.15).

415
10.2.1.2. Etude morpho-métrique
L’analyse métrique concerne 266 rondelles, soit 37% de la totalité,
représentant la diversité en types et en matériaux au cours des différentes phases
d’occupation.

Les données métriques principales des rondelles sont présentées dans les
tableaux (Tabl. 10.16). Quel que soit le type, la variabilité des diamètres est plus
importante que celle des longueurs.

D’après la figure (Fig. 10.13), de manière générale, les éléments se


répartissent selon une régression linéaire à corrélation positive. La répartition
s’organise principalement en deux grands groupes. Le premier contient la majorité
des éléments, qui sont concentrés intensément autour des petites et moyennes
valeurs, précisément entre 2.8 et 6.8 mm de diamètre et entre 0.4 et 4.5 mm de
longueur. L’autre groupe contient quelques éléments relativement éparpillés
autour des plus grandes valeurs, entre 7.5 et 10.4 mm de diamètre et entre 4.3 et
7.6 mm de longueur. Deux éléments se trouvent complètement isolés car ils
affichent un diamètre supérieur à 13 mm.

Afin de comprendre la nature de la répartition des éléments, la variable


type a été prise en compte (Fig. 10.13). La première concentration regroupe toutes
les rondelles cylindriques, un certain nombre de rondelles elliptiques, la majorité
des rondelles plates et des rondelles biconiques tandis que la deuxième regroupe
les rondelles globuleuses, certaines rondelles elliptiques et peu de rondelles
biconiques. Les rondelles isolées de grandes dimensions sont globuleuse pour
l’une et plate pour l’autre.

La répartition des éléments montre que les rondelles cylindriques sont


exclusivement de petit gabarit, contrairement aux rondelles globuleuses qui sont
généralement de grand gabarit. Les rondelles plates et la majorité des rondelles
elliptiques ont un gabarit similaire qui peut être considéré comme moyen. Un
certain nombre de rondelles elliptiques et biconiques sont de grand gabarit.

L’étude de la relation entre le diamètre et la longueur en fonction de la


forme de la section transversale (Fig. 10.14) nous apprend que la première
concentration regroupe les rondelles à section variée (circulaire, elliptique ou plate
lenticulaire) tandis que la deuxième concentration regroupe seulement des

416
rondelles à section circulaire et une seule à section elliptique. L’élément à section
semi-elliptique est isolé et n’appartient à aucune des deux.

La répartition des éléments est plus nette lorsqu’on renseigne le type de


matériau utilisé (Fig. 10.15). On constate qu’il existe une corrélation entre les
dimensions et le type de matériau.

Les rondelles en talc noir (stéatite) sont parmi les plus petites et les plus
fines, et sont regroupées entre 2.9 et 4.6 mm de diamètre et entre 0.4 et 1.2 mm de
longueur.

Les rondelles en talc vert sont également de petit gabarit mais se


répartissent en deux concentrations rapprochées. La première, qui contient plus
d’éléments que l’autre, a des valeurs variant plus au niveau de la longueur (entre
0.6 et 2.5 mm) qu’au niveau du diamètre (entre 3 et 4.5 mm). La seconde est
caractérisée par des éléments de plus grand diamètre (entre 4.5 et 5 mm) mais avec
une longueur moins importante (entre 0.9 et 1.9 mm).

Les rondelles en carbonates se répartissent presque de la même façon que


les rondelles de la première concentration du groupe précédent mais avec un léger
décalage au niveau du diamètre qui affiche des valeurs un peu plus élevées (d : 3.5
à 4.1 mm ; L : 0.9 à 3.8 mm). Quelques éléments en carbonates dont le diamètre et
la longueur sont plus importants sortent de la dite concentration.

Les rondelles en calcaire ont des diamètres plus grands que ceux des
groupes précédents (d : 5.1 à 6 mm ; L : 0.5 et 2.2 mm). Un seul élément en calcaire
se détache de la concentration car il affiche un diamètre (6.4 mm) bien plus élevé
que le reste.

Les rondelles en turquoise sont généralement de plus grand gabarit que les
rondelles précédentes, notamment en ce qui concerne la longueur qui n’est jamais
inférieure à 1.7 mm. Elles se répartissent entre 2.8 et 6.8 mm de diamètre et 1.7 et
3.9 mm de longueur. Deux éléments en turquoise de grande taille sortent de ce lot
avec un diamètre de 7 à 8 mm et une longueur de 4.3 à 5.2 mm.

Les rondelles en cornaline sont peu nombreuses, elles ne se concentrent pas


mais se répartissent de manière dispersée autour des grandes et des moyennes
valeurs du diamètre (entre 3.6 et 10.4 mm) et de la longueur (entre 2.5 et 7.6 mm).

417
Enfin, deux rondelles sont en amazonite et de taille différente, l’une d’elles étant la
plus grande de toutes les rondelles de Tell Halula (d : 13.9 mm ; L : 8.4 mm).

Il est intéressant de noter que les rondelles de petit gabarit ont été
fabriquées dans des matériaux relativement tendres (dont la dureté est comprise
entre 2 et 3.5) comme les carbonates et les talcs. Les éléments les plus grands ont
été fabriqués quant à eux en matériaux de dureté supérieure à 6 (cornaline et
amazonite) tandis les éléments intermédiaires ont été réalisés en matériaux
moyennement dure, entre 4.5 et 5.5, comme c’est le cas de la turquoise. Il existe
donc un rapport entre le gabarit de l’objet et la dureté du matériau employé. Est-il
plus aisé de fabriquer des petits éléments dans des matériaux tendres ? Les petites
dimensions de certaines rondelles en stéatite noire ne sont jamais atteintes avec
des matériaux tels que la turquoise, la cornaline ou l’amazonite à Halula comme
dans d’autres sites. Des éléments de réponse seront donnés dans la partie
consacrée à l’étude des techniques et des procédés de fabrication de ces éléments.

D’un point de vue chronologique, les rondelles de petit gabarit sont


présentes dans toutes les phases, à partir de la phase 9, tandis que les rondelles de
grand gabarit sont présentes dans les phases 12 et 13. Pour mieux comprendre
l’évolution chronologique, nous nous sommes intéressée aux rondelles
cylindriques, d’une part parce qu’elles sont les mieux représentées
quantitativement et d’autre part parce qu’elles offrent les dimensions les plus
homogènes (cf. Tabl. 10.16). Rappelons que l’échantillon composé de 192 rondelles
cylindriques analysé correspond à des éléments de petit gabarit et généralement
en matériaux tendres (cf. Fig. 10.15).

L’évolution chronologique des dimensions (Fig. 10.16) montre que le


diamètre moyen des rondelles cylindriques diminue progressivement de la phase
9 à la phase 12. La longueur ne montre aucune relation claire au cours de la
séquence chronologique étudiée. La diminution du diamètre est observée sur des
rondelles provenant de plusieurs sépultures d’une même phase. Les éléments de
la phase 9 sont regroupés autour d’un diamètre compris entre 4.5 et 6.5 mm et
d’une longueur entre 0.5 et 2.9 mm. Les éléments de la phase 11, plus petits, se
répartissent entre 3.5 et 5 mm de diamètre et 0.6 et 2.2 mm de longueur. À la phase
12, les éléments se concentrent entre 2.8 et 3.8 mm de diamètre et entre 0.4 et 2.4
mm de longueur et se mêlent avec les éléments de la phase 13 dont le diamètre est

418
compris entre 3 et 4.5 mm et la longueur entre 0.5 et 2.6 mm. Les éléments se
trouvant en dehors de ces groupes sont des rondelles trouvées à l’unité et isolées
ou avec d’autres catégories d’objets de parure au sein des sépultures. C’est le cas
d’une rondelle découverte dans la sépulture E101 de la phase 9, d’une autre
provenant de la sépulture E99 de la même phase 9 et de la rondelle trouvée dans
la sépulture E66 de la phase 11. Les autres éléments qui se distinguent du reste
sont en turquoise. En effet, les éléments fabriqués en turquoise sont généralement
plus longs ou plus grands que ceux fabriqués en roches ophiolitiques. Enfin, deux
éléments seulement appartiennent à la phase 10. Leur effectif n’est pas
représentatif.

Afin de mieux illustrer ces résultats, les données métriques concernant le


diamètre des rondelles provenant de six sépultures appartenant aux différentes
phases d’occupation ont été calculées (Fig. 10.17). À l’exception de la phase 10, qui
n’a livré que deux éléments, chaque phase est représentée par un ou deux
ensembles de rondelles dont le nombre varie entre 8 et 56. Ce graphique permet
de comparer la médiane du diamètre des rondelles par sépulture et par phase. Les
groupes de rondelles les plus homogènes proviennent des sépultures E103, E110,
E206(2) et E238. Quel que soit le degré d’homogénéité, on observe que la valeur
des médianes des rondelles se réduit progressivement de la phase 9 aux phases
plus récentes (12 et 13). Cette tendance n’est pas observée pour la longueur. La
majorité des valeurs de celles-ci sont comprises entre 0.5 et 3 mm quelle que soit la
phase (cf. Fig. 10.16).

Il est important de signaler que les matériaux utilisés sont variés et ne sont
pas toujours présents tout au long de la séquence analysée. Le calcaire (représenté
par un groupe de 33 rondelles) est uniquement utilisé à la phase 9. Le matériau
carbonaté est présent majoritairement dans la sépulture E110 de la phase 11. La
stéatite noire est exploitée dans la parure de deux sépultures, l’une (E109) étant de
la phase 11 et l’autre (E206-2) de la phase 12. Le talc vert est exploité dans les
phases 9, 11, 12 et 13 mais à proportions inégales, notamment dans la phase 9 où il
est peu fréquent. La turquoise est présente dès la phase 9 et jusqu’à la phase 12 en
quantités faibles (un à trois éléments par sépulture). Enfin, la cornaline (deux
éléments) n’est présente que dans la phase 12 et l’amazonite (un élément) dans la
phase 9.

419
Il est difficile de vérifier s’il existe une relation entre le choix des matériaux
et les phases d’occupation ou les différentes sépultures à travers l’analyse
métrique parce que les matériaux ne sont pas les mêmes dans les différentes
phases. De plus, pour certains, quand ils sont présents dans deux ou plusieurs
phases, leurs effectifs ne sont pas suffisants ou ne permettent pas de comparaison.
Seuls la stéatite noire et le talc vert ont permis une analyse métrique selon la phase
d’occupation. En ce qui concerne la première, d’après la répartition des éléments,
les rondelles de la phase 11 sont plus grandes que celles de la phase 12 (Fig. 10.18).
En ce qui concerne le talc, les éléments de la phase 9 sont parmi les plus grands
quant au diamètre. Ce dernier diminue progressivement au cours des phases
suivantes (Fig. 10.19). L’évolution observée dans la taille des rondelles pour les
stéatites et le talc et selon les phases d’occupation confirme donc la démonstration
antérieure. L’analyse métrique en fonction du type de parure n’a pas donné de
résultats concluants.

10.2.1.3. Techniques de fabrication


Les rondelles de Tell Halula sont des objets finis qui, d’après les traces
d’usure, ont été portées et sur lesquels les traces de fabrication sont généralement
effacées. Aucune rondelle en cours de fabrication n’a été découverte. Il est donc
difficile de reconstituer la chaîne de transformation, notamment dans ses débuts,
c'est-à-dire les phases d’extraction, de débitage et de façonnage. Cependant, nous
verrons que la difficulté de la reconstitution de la chaîne de transformation, outre
l’intensité de l’usure, est en partie due à la nature du matériau utilisé. Pour cela,
nous avons choisi de traiter la question des techniques de fabrication selon les
matériaux. Nous présentons ici un cas d’étude, celui des rondelles en stéatite
noire. En effet, les traces de fabrication sur certaines pièces fabriquées dans ce
matériau sont exceptionnelles et permettent d’obtenir un grand nombre
d’informations quant aux techniques et aux processus de fabrication.

Le cas des rondelles en stéatite noire


Pour rappel, les rondelles en stéatite noire sont toutes de type cylindrique.
Ce matériau, très tendre et d’aspect savonneux, appartient à la famille des talcs

420
dont la dureté a un indice de 2 sur l’échelle de Mohs. Les traces, notamment les
stries, y sont très visibles car très marquées sur certaines surfaces. Les stries sont
de couleur blanc et contrastent donc sur le noir, couleur de la stéatite. Ces
rondelles proviennent de trois sépultures datant de la phase 11, 12 et 13. Nous en
avons examiné 33 sur 131 : toutes celles provenant de la sépulture E109 de la
phase 11 (au nombre de 19), toutes celles trouvées dans la sépulture E206-2 de la
phase 12 (au nombre de douze) et seulement deux parmi les 100 comptées94 dans
la sépulture E238 de la phase 13.

Ces rondelles présentent des contours généralement réguliers de forme


circulaire. Sur l’une ou les deux faces de perforation, des stries rectilignes
régulières parallèles organisées en bandes (Fig. 10.20b-c) peuvent être observées.
Ces bandes se croisent parfois. Parmi 33 examinées, 31 présentent des stries sur
une face et 28 sur les deux faces. Dans seulement un cas, les stries rectilignes sont
accompagnées de « paliers » à l’intersection de la face et du contour de la rondelle
(Fig. 10.20d). Sur une autre rondelle du même ensemble (Fig. 10.20e), des portions
de sillons remplies de stries sont observées sur une face et un arrachement de la
matière est visible sur l’autre face. Appartenant à la même sépulture, une dizaine
ou plus de rondelles en stéatite ainsi qu’en talc vert montrent des paliers et des
sillons ainsi que des zones d’arrachements de la matière sur les intersections et les
contours. Dans un cas provenant de la sépulture E206(2), des bandes striées et
croisées sont accompagnées d’un palier très fin. Sur 4 rondelles provenant de la
sépulture E109 de la phase 11 (n° 11, 20, 21 et 27 de l’ensemble n° 2), des
arrachements de matière sont observées sur la zone de l’intersection entre la face
et le contour. Ces arrachements témoignent d’une rupture non guidée de la
matière à cet endroit. Ce type de stigmate se produit durant le sciage, soit
accidentellement, soit par flexion. Les stries rectilignes organisées en bandes
croisées sont très probablement des stries de sciage. Elles sont généralement
observées près de l’intersection entre la face de perforation et le contour. Les
supports des rondelles en stéatite ont été obtenus par sciage.

Pour les ensembles ayant livré des rondelles en stéatite, des variations
métriques relativement importantes sont notées au niveau du diamètre et de la

94 Les données spécifiques de chacune des rondelles découvertes dans la sépulture E238 de la phase

13 n’ont pas pu être enregistrées dans notre base de données. Cependant, des informations
générales ont été prises et nous les évoqueront au cours de l’étude.

421
longueur (cf. supra Fig. 10.18). L’écart entre les diamètres d’un ensemble peut
atteindre le millimètre tandis que celle de la longueur ne dépasse jamais 0.6 mm.
Les 100 rondelles en stéatite de la phase 13 ont des diamètres et des longueurs très
homogènes (les variations sont minimes de l’ordre de 0.4 à 0.6 mm). D’après ces
écarts entre les diamètres, relativement réduits, il est très probable que ces
éléments appartiennent à une ou plusieurs ébauches en forme de bâtonnets plus
ou moins du même calibre qui ont été ensuite tronçonnés en plusieurs rondelles.
La standardisation du diamètre dans le cas des rondelles de la phase 13, pour un
nombre d’éléments aussi élevé, plaide pour cette hypothèse. Quant aux longueurs
des rondelles, elles montrent également une grande homogénéité et des valeurs
très proches. Ce qui signifie un tronçonnage régulier respectant la même épaisseur
(= longueur) de chaque tranche.

Quant à la perforation, a-t-elle eu lieu avant ou après le tronçonnage du


bâtonnet ? Nous n’avons aucun indice direct ou indirect qui permettrait de
répondre à cette question. Les sections des perforations de toutes les rondelles en
stéatite sont parfaitement cylindriques. Un départ de cône légèrement évasé a été
observé sur l’une des faces de perforation de cinq éléments de section cylindrique,
trois provenant de la sépulture E109 de la phase 11 et deux de la sépulture E206-2
de la phase 12 (Fig. 10.20a). Aucune strie n’est observée sur les parois droites de la
perforation. La surface de celle-ci est aussi luisante que les contours des rondelles.

Sur 33 perforations mesurées, le diamètre moyen est de 2.1 mm (min : 0.8


mm ; max : 2.5 mm ; écart-type : 0.19). La présence d’un départ de cône de forage
sur cinq éléments pourrait indiquer que la perforation a eu lieu après le
tronçonnage. Cependant, cette présence pourrait aussi s’expliquer par le fait que
ces rondelles correspondent à l’extrémité d’un bâtonnet perforé. Une autre
hypothèse est que les débuts des cônes de forage, observés sur une face
uniquement, auraient été produits durant l’étape de l’alésage des perforations,
alésage qui aurait été pratiqué depuis une seule face. L’alésage ne semble pas
avoir été pratiqué pour les rondelles de l’ensemble n° 62, composé de plus de 400
rondelles, de la phase 13. En effet, leurs perforations sont bien plus étroites que
celles des rondelles des phases précédentes. Le nombre impressionnant de
rondelles de cette parure pourrait être la cause de l’exclusion de cette étape longue
et délicate, notamment parce qu’elle demande une exécution à l’unité, pièce par

422
pièce et non pas en série. Le nombre aurait pu décourager l’artisan à entreprendre
cette tâche ? Nous n’avons malheureusement pas de réponse à apporter sur ce
point.

Après tronçonnage, les faces des rondelles n’ont pas été polies. En effet, la
présence des stries et des sillons de sciage ainsi que des arrachements sur les
surfaces, indiquent que cette étape n’a pas été réalisée. Les contours des rondelles
quant à eux sont polis et présentent des surfaces brillantes qui contrastent avec les
surfaces des faces de perforation. En outre, les arrachements observés sur les
intersections et les contours sont également luisants et polis, ce qui signifie que la
phase de finition était effectuée après le tronçonnage/sciage. Le poli gras et brillant
que l’on observe sur presque tous les contours des rondelles en stéatite ainsi que
sur les perforations cylindriques pourrait être le résultat d’un polissage des
rondelles sur un support enduit de matière grasse. Notons que l’une des pierres à
rainure de Tell Halula (Molist et al. 2012) se caractérise par un fond de rainure
assombri, d’une couleur plus foncée et plus brillante que le reste de la surface. Il
est possible que cette rainure ait été régulièrement enduite de matière grasse pour
favoriser le polissage, ce qui aurait à produire cet aspect particulier. En effet,
d’après les expérimentations menées par C. Maréchal, nous savons que ce degré
de luisance observé sur les rondelles ne peut être obtenu par l’usure mais par un
traitement spécifique (Maréchal & Alarashi 2008, p. 590). Or cet aspect luisant de
surface n’est pas observé sur les faces des perforations. Cela permet d’envisager
l’hypothèse suivante : le polissage fut pratiqué après le tronçonnage mais en
disposant les rondelles serrées les unes contre les autres, enfilées sur un lien, afin
de permettant d’activer les mouvements de va-et-vient sur tous les éléments à la
fois. La luisance des parois des perforations quant à elle peut être expliquée par le
mouvement du lien qui était sans doute lui aussi enduit de matière grasse.

Enfin, dans le cas des rondelles provenant de la phase 13 (notamment celles


de l’ensemble 62), l’aspect mat et l’absence d’une luisance semblable à celle des
rondelles des phases précédentes plaide pour que la phase de finition ne soit pas
pratiquée pour ces rondelles.

Pour résumer, la fabrication des rondelles en stéatite des phases 11 et 12 de


Tell Halula peut être réalisée en suivant le chaîne suivante : une ébauche en
stéatite est façonnée par abrasion selon une forme cylindrique qui sera par la suite

423
perforée bipolairement ce qui produit une perle cylindrique qui sera tronçonnée
en rondelles fines. L’alésage de la perforation des rondelles est probablement
pratiqué après tronçonnage. Les rondelles sont ensuite enfilées afin que leur
contour soit poli et régularisé dans un polissoir à l’aide d’une matière grâce. Le
lien enduit également en matière grâce a donné également un aspect luisant des
perforations. La même chaîne de transformation est envisagée pour les rondelles
de la phase 13 à différence que les perforations ne semblent pas avoir été alésées et
les contours n’ont pas été polis. Pour ces rondelles, en particulier celles de
l’ensemble 62, le nombre élevé d’éléments n’est pas synonyme d’une finition
soignée. Enfin, l’usure des rondelles n’a pas été traitée dans cette étude.

10.2.2. Objet à double perforation courte bilatérale (élément

biforé)

À Tell Halula, deux éléments de forme identique, l’un en émail dentaire


(ensemble n° 64), l’autre en cuivre natif95 (sépulture E32), appartiennent à cette
classe. Nous avons étudié seulement l’élément fabriqué en matière dure d’origine
animale (Fig. 10.21) mais dans les deux cas, il s’agit d’une forme géométrique
particulière, celle d’une lunule de section plate biconvexe. Deux perforations
courtes parallèles bilatérales sont situées à chaque extrémité (LU.2.II.C.3). La
courbure de cette forme est naturelle en ce qui concerne l’élément en dent. Elle
correspond à la plaque émaillée qui a été extraite d’une canine inférieure de
sanglier (Sus scrofa) (Molist et al. 2013b, p. 418). Cette grande lame courbe présente
une extrémité légèrement courbe et une autre, cassée, qui semble avoir été plus
pointue. La fracture de l’extrémité étroite a emporté la moitié de la perforation.
L’élément entier conserve une longueur de 127.5 mm mais sa longueur avant la
fracture était probablement à peine plus grande (de 131 à 133 mm). La largeur
maximale, au centre, est de 13.3 mm (e : 4.2 mm). L’épaisseur de l’élément sur
l’emplacement des perforations est de 2 mm pour l’extrémité cassée et de 1.5 mm
pour l’extrémité entière.

95 Cet élément exceptionnel est exposé actuellement dans la nouvelle salle de préhistoire du Musée

national de Damas. Comme les autres éléments en cuivre, il n’a pas fait l’objet de notre étude. Pour
plus d’information sur ses caractéristiques, notamment la nature du cuivre, Cf. Molist et al. 2010.

424
Cet élément provient d’une sépulture (E99) de la phase 9 dans laquelle fut
enterré position assise aux extrémités hyper fléchies un individu adulte de sexe
masculin. Les extrémités inférieures sont inclinées à droite, le crâne montre la face
droite et est incliné sur le côté gauche. La lunule fut découverte au-dessus de
l’extrémité de l’os coxal gauche, entre les fémurs sur la zone pubienne.

L’élément en cuivre natif fut découvert sur le crâne, à gauche au niveau de


la mandibule, d’un individu également adulte de sexe masculin (Fig. 10.2f). Il
semble avoir été placé autour du cou avant d’être déplacé ver le haut lors de
l’enterrement. Ces éléments biforés furent portés autour du cou, probablement en
guise de collier de type « torque ».

Aucune trace de débitage n’a été observée. Après l’extraction de la lame


d’émail, les bords interne et externe ont été taillés ou façonnés par découpe
tangentielle (entaillage) longitudinale. Les bords issus de cette technique
présentent quelques ondulations, et ne sont donc pas d’une courbure parfaite. Par
ailleurs, cette technique a laissé des stries courtes subparallèles ou croisées
transversales (Fig. 10.21b) qui ont été partiellement effacées ou émoussées par
l’usure (frottement). La face interne de la lame a été entièrement raclée, comme en
témoignent de nombreuses stries longues rectilignes espacées, subparallèles ou
croisées. La perforation non fracturée a été réalisée depuis la face interne. Le
contour de la perforation sur la face interne est parfaitement circulaire tandis que
sur la face émaillée il est ébréché. Sur les parois de la perforation, creusée dans la
dentine, des stries circulaires, parallèles et régulières ont été enregistrées selon
différentes intensités (Fig. 10.21a). Certaines sont plus marquées que d’autres et
l’effet « palier » de la perforation est également observé. Ces caractéristiques sont
propres à un outil perçant retouché ou denticulé. Les traces d’un début d’une
perforation abandonnée peu après son démarrage sont présentes à moins d’un
millimètre de la perforation complète, cette dernière étant plus proche de
l’extrémité. Quant à la perforation fracturée sur l’autre extrémité, elle semble avoir
été entamée depuis la face interne et finalisée depuis la face émaillée. En effet, la
forme du contour de la perforation depuis les deux faces semble être circulaire et
très régulière. Les stries de rotation concentriques sont partiellement observées sur
les deux cônes. Enfin, les contours ainsi que certaines zones des parois des
perforations sont très émoussés. Les stries de forage sont pratiquement effacées

425
sauf pour les plus marquées. L’usure a du être prolongée sur cet élément. D’après
les zones d’effacement des stries et les émoussements des contours, le pectoral
semble avoir été soumis à une certaine tension d’étirement vers deux directions
opposées et non pas suspendu librement.

10.2.3. Objets à double perforation courte unilatérale

(pendeloques biforées)

La classe des objets à double perforation courte est représentée par trois
éléments en nacre de bivalve. Le premier (n° P9-1) provient de la phase 11, de la
sépulture (E107) d’un enfant de 8 à 10 mois. Le second (n° P37-1) a été trouvé dans
une sépulture d’un enfant de trois ans (E21) de la phase 13 et le troisième (n° P39-
1) a été découvert dans une sépulture d’un adulte de sexe indéterminé (E55) de la
phase 13. Ces éléments appartiennent à la classe commune des pendeloques
biforées. Cependant, elles sont uniques dans le corpus par leur matériau, la nacre,
ainsi que par leur forme symétrique et leur qualité technique et esthétique.

L’état de préservation du premier élément (n° P9-1 ; Fig. 10.1j) est moyen en
ce qui concerne la face externe et mauvaise pour la face interne, la face nacrée se
dégradant au simple toucher. La face externe, bien qu’abrasée et partiellement
détériorée, garde à peine des motifs naturels en bandes horizontales dont la
couleur varie selon plusieurs tonalités d’orangé. Ce décor nous évoque les valves
de Glycymeris. Cet élément de forme subcirculaire très plate a un diamètre de 32.5
mm et une épaisseur de 2.5 mm. Quasiment sur le bord, dans la zone
correspondant au sommet de la coquille, deux petites perforations (1.3 et 1.7 mm)
courtes parallèles unilatérales très rapprochées ont été réalisées. Les deux sont
malheureusement fracturées. Sous ces deux perforations cassées, deux autres, un
peu plus écartées que les deux précédentes et plus éloignées du bord vers
l’intérieur, ont été aménagées (respectivement ; d : 2.3 mm et 2 mm). Les
perforations ont une section biconique et ont été réalisées depuis les deux faces.
L’état de préservation n’a pas permis de comprendre la cause de la fracturation
des perforations (par usure ou par accident au cours de la perforation provoqué

426
par la forte proximité du bord ?). Quelle que soit la cause, l’élément a été
« réparé » par la réalisation de deux nouvelles perforations.

Le second élément (n° P37-1) est aussi très fragile et en mauvais état. La face
externe a été abrasée partout jusqu’à l’apparition de la nacre. Cependant les
ondulations naturelles des côtes naturelles peuvent être encore observées. Ces
ondulations évoquent les valves d’Unio, très présentes sur le site à l’état naturel.
Egalement de forme subcirculaire, bien que moins régulière que la pendeloque
précédente, cette pendeloque est plus petite (d max : 12.9 mm ; e : 1 mm). Comme
la précédente, deux perforations courtes parallèles et de section biconique ont été
aménagées près du bord du sommet (d : 1.3 mm et 1.4 mm). Elles sont bien plus
éloignées que les perforations de la première pendeloque. L’une est cassée,
probablement par usure tandis que l’autre est complète.

Enfin, le dernier élément (n° 39-1) est malheureusement très abîmé et cassé
obliquement sur sa partie proximale ainsi que latéralement. Seule une portion de
la perforation est encore visible, l’autre a été probablement emportée par la
fracture. L’état de la nacre est très altéré mais il est possible qu’elle soit elle aussi
issue d’une valve d’Unio. La forme originelle de cet élément pourrait être
elliptique. Les dimensions conservées sont de 26.3 mm de longueur, 16.8 mm de
hauteur, et 1.6 mm d’épaisseur. Le diamètre de la perforation cassé est de 1.6 mm.

Les zones les moins altérées des contours ainsi que des perforations
montrent des émoussements très forts et un fort poli d’usure.

10.2.4. Objets à perforation longue centrée (les perles)

Les perles à Tell Halula sont au nombre de 334. Elles appartiennent


majoritairement à deux familles typologiques : les perles tubulaires (160 éléments)
et les perles plates (173 éléments). La famille des perles standards est représentée
par un seul élément.

427
10.2.4.1. Les perles tubulaires
Au nombre de 160, les perles tubulaires (Tabl. 10.17) proviennent de toutes
les phases, sauf de la phase 8. La phase 7 n’a livré qu’un élément et la phase 10
seulement deux. La phase 9 est particulièrement riche et offre 114 éléments
provenant tous d’une même sépulture. De six sépultures de la phase 11
proviennent 17 perles et de sept sépultures de la phase 12 proviennent 16 perles.
Enfin dix perles appartiennent à la phase 13.

Avec d’autres objets en pierre (rondelles, perles plates ou standards), en


coquillage, ou en cuivre, les perles tubulaires composent des parures (Fig. annexe
IV) de type bracelet, collier ou parure de tête (diadèmes, coiffes). L’association des
perles tubulaires en pierre avec des cyprées est observée uniquement pour les
parures de type ceinture96. Aucune parure n’est composée exclusivement de perles
tubulaires.

Les formes des perles tubulaires s’inscrivent dans les cylindres, les
ellipsoïdes, les formes coniques, biconiques et prismatiques. Les sections sont soit
circulaire, soit elliptique, à l’exception des volumes prismatiques dont la section
est rectangulaire. La perforation est longue centrée axiale dans tous les cas
(Tabl. 10.18).

A. Types et matériaux
Les perles tubulaires se distinguent en cinq types : cylindrique, elliptique,
conique, biconique et prismatique (Tabl. 10.18).

B. Cylindriques
Le type cylindrique est le mieux représenté avec un pourcentage de 63.8 %
(soit 102 éléments). À l’exception de la phase 8, les perles cylindriques sont
présentes dans toutes les phases (Fig. 10.12g-i). La section circulaire concerne 40
éléments et la section elliptique 62 éléments. Elles entrent dans la composition de
ceintures, bracelets, colliers et de parure de tête (Tabl. 10.17).

96 Cf. A. Parure en cyprées, p. 400.

428
Au total, quatre matériaux ont été identifiés pour les perles cylindriques : le
calcaire (89), la cornaline (8), la turquoise (4) et l’améthyste (1) (Tabl. 10.19).

C. Elliptiques
Les perles elliptiques (41 éléments), moins nombreuses que les cylindriques
sont majoritaires dans la phase 9 et présentes dans les phases 11, 12 et 13
(Fig. 10.12j). Parmi ce lot 16 sont de section circulaire et 25 de section elliptique.
Elles ont été utilisées pour la composition des mêmes types de parure que les
perles cylindriques. Les matériaux sont le calcaire (29), la cornaline (10), la
turquoise (1) et l’amazonite (1) (Tabl. 10.19).

D. Coniques
Seulement deux perles sont coniques et elles proviennent de la phase 11
(E118). L’une est de section circulaire tandis que l’autre est de section elliptique.
Toutes deux sont en calcaire et appartiennent à la même parure (ensemble n° 10)
de type ceinture.

E. Biconiques
Les perles biconiques, au nombre de 14, sont uniques dans tout le corpus.
Parmi elles, 13 sont de section circulaire et une de section elliptique. Ce type
apparaît à partir de la phase 11 et est confectionné en calcaire, en cornaline et en
turquoise (Fig. 10.12k). Rappelons que les rondelles biconiques sont présentes sur
le site également à partir de la phase 11 (un élément) et sont en turquoise et en
cornaline.

Les perles biconiques en calcaire sont employées comme éléments de


ceinture, tandis que les perles en turquoise et en cornaline sont utilisées pour les
colliers, les bracelets ou les parures de tête.

429
F. Prismatiques
Une perle prismatique de forme rectangulaire a été identifiée au sein des
perles tubulaires (ens8n1). Elle provient de la sépulture E213 de la phase 12. En
turquoise, cette perle a été employée pour former une parure de tête avec d’autres
perles.

Notons que les types ne sont pas corrélés avec les matériaux. Le calcaire, le
matériau le mieux représenté avec un total de 124 éléments, a été utilisé dans la
fabrication de quatre types (cylindrique, elliptique, biconique et conique). Bien que
l’effectif ne soit pas aussi important que le calcaire, pour la turquoise quatre types
sont reconnus sur seulement sept pièces (cylindrique, elliptique, biconique et
prismatique). La cornaline a été utilisée dans la fabrication de perles de trois types
(cylindrique, elliptique et biconique). L’améthyste, matériau très rare sur le site et
unique pour le corpus, a été utilisée pour la fabrication d’une perle cylindrique.
Enfin, une perle de forme elliptique est fabriquée en amazonite (Tabl. 10.19).

G. Etude métrique
Parmi les 160 perles tubulaires, seulement 144 ont fait l’objet d’une analyse
métrique. Pour celles-ci, nous avons utilisé les valeurs de la longueur et du
diamètre (ou la largeur pour les éléments dont la section n’est pas circulaire).

L’étude de leurs dimensions principales (longueur et diamètre) montre une


répartition de type régression linéaire positive (Fig. 10.22). Deux concentrations
apparaissent : l’une, dense, regroupe les éléments dont la longueur est comprise
entre 5 et 18 mm (d : 4 à 8 mm), et l’autre, faible, regroupant les éléments dont la
longueur est comprise entre 18 et 26 mm (d : 6 à 9 mm). Tout en s’inscrivant sur la
même droite de régression, un élément se trouve très à l’écart des deux
concentrations. Il s’agit d’une perle cylindrique en cornaline (Fig. 10.12i), la seule
représentant les perles tubulaires dans la phase 7, dont les qualités esthétiques et
techniques sont remarquables. Elle est également exceptionnelle par ses
dimensions (L : 34.3 mm ; d : 9.1 mm). Par ailleurs, plusieurs éléments se
répartissent en dehors des deux concentrations car leur diamètre affiche des
valeurs déviantes s’approchant de celle de la longueur.

430
Afin de comprendre la nature des deux groupes, le même type d’analyse a
été effectué mais en renseignant les perles au niveau de leur matériau, leur phase
chronologique, la sépulture à laquelle elles appartiennent et le type de parure
qu’elles composent. Cependant, il convient de préciser que la majorité des perles
tubulaires (114 sur 144) provient d’une sépulture de la phase 9 (E103). Celles-ci
sont toutes en calcaire. Le déséquilibre des effectifs étant important, les résultats
obtenus par les différents essais d’analyse métriques sont délicats à interpréter. Il
est difficile de parler par exemple d’une évolution métrique selon les différentes
phases chronologiques ou en fonction du matériau utilisé. Nous avons cependant
calculé les données métriques principales par matériau afin de donner une idée
générale du gabarit des perles par matériau. Les résultats sont donnés dans le
tableau (Tabl. 10.20). Notons d’abord que les écarts-types de la longueur sont plus
élevés que ceux du diamètre. Le groupe de perles tubulaires en calcaire,
représenté par 124 éléments, est le plus homogène. L’écart-type de la longueur et
de celui de la largeur y sont les plus faibles par rapport à ceux des perles en
cornaline (14 individus) ou des perles en turquoise (5 individus).

Il n’y a pas de corrélation entre le type et le gabarit des perles. Notons


cependant que les types cylindrique et elliptique correspondent à plusieurs
gabarits allant du plus petit au plus grand. À la différence de ceux-ci, le type
biconique a été réalisé selon un gabarit relativement grand (L : 11.7 à 24.2 mm ; d :
6 à 11.1 mm) (Fig. 10.22).

Les perles tubulaires en calcaire de Tell Halula sont utilisées quasi


exclusivement comme éléments de ceinture (Fig. 10.12g-h). Elles ont été trouvées
dans quatre sépultures dont une de la phase 9 (E103) et trois de la phase 11 (E108,
E114 et E118). Une seule perle tubulaire en calcaire pourrait faire partie d’une
parure type bracelet et elle provient de la phase 10 (E56). Les perles tubulaires en
cornaline et en turquoise appartiennent pour la plupart à des parures de type
collier. Certaines pourraient appartenir également à des parures de tête type
diadème. Les perles tubulaires en calcaire n’ont jamais été associées à des parures
de tête.

Afin de pouvoir comparer un ensemble cohérent d’éléments, notamment au


niveau de l’unité sépulcrale, nous avons sélectionné les perles tubulaires en
calcaire. Celles des ceintures sont toujours associées à des cyprées. Au sein des

431
ceintures dans les sépultures E103 et E114 (il y a une ceinture par sépulture), ces
perles sont disposées en paires, l’une parallèle à l’autre. Dans la sépulture E103
(phase 9), une seule cyprée de l’espèce méditerranéenne L. lurida est associée à 114
perles (57 paires). Il s’agit de la plus petite de toutes les cyprées trouvées sur le
site. Probablement située à la fin de la série, elle aurait pu jouer le rôle de
fermeture de la ceinture.

Dans la sépulture E114 (phase 11), les paires de perles sont intercalées par
onze cyprées. Ces perles tubulaires sont généralement plus grandes que celles
trouvées dans la sépulture E103.

Y a-t-il une relation entre la taille des cyprées et celle des perles en calcaire ?
Pour y répondre, nous avons examiné le cas de la ceinture provenant de la
sépulture E114, composée de onze cyprées et six perles tubulaires (Tabl. 10.21).
Notons que la hauteur moyenne des cyprées et la longueur moyenne des perles
sont très proches (respectivement 25.86 et 22.38 mm). Les cyprées seraient à peine
plus longues que les perles avec un écart ne dépassant pas 3 mm. Quand à la
largeur, nous pouvons noter que la valeur moyenne pour les perles tubulaires fait
environ la moitié de celle des cyprées (respectivement 7.93 et 17.12 mm).
Autrement dit, quand les perles tubulaires sont disposées en paires dans le sens de
la longueur, la somme de leurs largeurs est généralement équivalente à celle d’une
cyprée.

Les paires de perles tubulaires en calcaire ont donc un gabarit qui


correspond relativement à celui des cyprées présentes dans la même ceinture.
Rappelons que les cyprées semblent être plus grandes au cours des phases
récentes (10, 11 et 12) qu’au cours des phases anciennes (7, 8 et 9) (cf. Fig. 10.8).
Ainsi, l’augmentation observée dans la taille du volume entre les perles de la
phase 9 (E103) et celles de la phase 11 (E114) pourrait s’expliquer par une
adéquation de la taille des perles tubulaires disposées en paires à la taille des
cyprées et non pas simplement par une évolution volumique au cours de temps.

Par ailleurs, la disposition en paires des perles tubulaires en calcaire, perles


qui partagent la même couleur blanche que les cyprées, pourrait évoquer la forme
d’une cyprée. Cette disposition est par conséquent réfléchie et avait probablement
pour but l’imitation d’une cyprée. Notons par ailleurs que la forme biconique a été

432
identifiée uniquement pour les perles tubulaires en calcaire provenant de la
sépulture E114. Il est possible que cette forme ait été choisie afin de mieux imiter la
forme de la cyprée quand elle est vue depuis sa face ventrale. En effet, si on agence
deux perles tubulaires biconiques l’une parallèle à l’autre, et si on les attache dans
cette position, deux écartements peuvent être observés. Ces écartements peuvent
évoquer l’ouverture naturelle de la cyprée.

Afin de comprendre la nature de l’association des perles tubulaires en


calcaire avec les cyprées, nous avons calculé leur fréquence par phase. Ceci est
significatif car il s’agit des deux seules catégories d’éléments composant les
parures de type ceinture. Les perles en calcaire étant présentes uniquement dans
les phases 9, 10 et 11, seules celles-ci ont été prises en compte. Au total, pour la
phase 9, 114 perles en calcaire, toutes composant une même ceinture (E114), ont
été dénombrées contre seulement 2 cyprées dont l’une fait partie de la ceinture. La
phase 10 n’a livré qu’une perle tubulaire en calcaire, utilisée comme élément de
bracelet. En revanche, 78 cyprées distribuées dans 4 parures différentes ont été
comptées pour cette phase. Enfin, la phase 11 a fourni neuf perles appartenant à
trois ceintures et 41 cyprées dont deux associées à des perles en calcaire. Notons
que le calcaire se trouve dans l’environnement immédiat du site, tandis que les
cyprées proviennent majoritairement de très loin, de la Mer Rouge et quelques-
unes de la Méditerranée. La question qui se pose ici est celle de l’accessibilité aux
cyprées durant l’occupation du site. La phase 9 étant particulièrement pauvre en
cyprées mais, au contraire, particulièrement riche en perles en calcaire, il paraît
clair que ces dernières ont remplacé les premières. Il s’agit donc ici d’une
substitution quasi-totale. Dans le cas de la phase 11, les perles en calcaire sont
associées aux cyprées et il pourrait s’agir d’une substitution partielle, comme par
exemple une substitution des cyprées abîmées, cassées ou perdues. Les perles
tubulaires en calcaire disparaissent complètement à la phase 12 où 137 cyprées
sont comptées au sein de sept parures. Ce changement pourrait-il signifier que les
perles tubulaires en calcaire n’avaient plus d’utilité quand les cyprées peut-être
sont devenues plus aisément accessibles ?

Rappelons que la ceinture n° 44 provenant de la sépulture E114 est


composée de cyprées appartenant à deux espèces différentes : E. nebrites et E.
turdus. D’après le coefficient de variation mesuré pour les hauteurs des cyprées

433
par parure (ensemble), nous avons vu que les cyprées de cette ceinture ont une
grande variabilité métrique (groupe C). Par ailleurs, grâce à l’étude de l’usure des
cyprées, nous avons pu déterminer que ces cyprées présentent l’une des usures les
plus hétérogènes du corpus (jusqu’à cinq stades) (cf. Fig. 10.10). Les variations
dans les dimensions des cyprées et les différents stades d’usure suggèrent donc
que cette parure a été utilisée pendant un très long temps durant lequel les cyprées
furent remplacées au fur et à mesure qu’elles s’abîmaient. Peut-être d’abord par
des cyprées accessibles, « neuves », et ensuite, en raison d’un accès plus difficile à
ces précieuses coquilles, par des perles tubulaires en calcaire locale.

H. Techniques de fabrication
Le cas des perles en calcaire
Les 124 perles tubulaires en calcaire ont quatre formes : cylindrique,
elliptique, conique et biconique. À l’exception de la dernière, les autres formes
sont rarement parfaites. En effet, les formes sont asymétriques et n’ont pas été
calibrées ou régularisées. Cela exclut d’emblée que les perles aient été mises en
forme ou polies dans un polissoir à rainure. Des facettes planes d’abrasion sont
observées sur les volumes des perles (Fig. 10.24c), ce qui va plutôt dans le sens
d’un polissage manuel sur un support plat. Contrairement aux autres catégories
de perles, la présence d’un méplat pour les perforations n’est pas systématique ici.
En effet, les extrémités ont des morphologies et des topographies variées. Une
extrémité peut avoir une surface plane mais aussi une surface concave ou convexe
(Fig. 10.24a-c). Les perles dont les deux extrémités sont planes sont les plus
nombreuses (56 cas) (Tabl. 10.22). Par ailleurs, la surface de perforation n’est pas
toujours perpendiculaire à l’axe de perforation mais souvent oblique. Pour 51
perles, les deux extrémités sont droites, perpendiculaires à l’axe de perforation, et
pour 43 perles les deux extrémités sont obliques. Les perles combinant divers
formes d’extrémités sont moins nombreuses (Tabl. 10.23).

Les perles dont les extrémités sont planes et droites sont de tout type. Parmi
elles, 21 proviennent de la sépulture E103 de la phase 9, 1 de la phase 10 (sépulture
E56), et toutes les perles en calcaire de la phase 11. Ces caractéristiques concernant
les extrémités ont été également observées sur les perles en calcaire d’une grotte

434
sépulcrale du Néolithique récent de la Maison Blanche à Saint-Projet en Charente
en France (Boulestin et al. 2002, p. 45).

Outre des morphologies et orientations diverses, les extrémités portent des


« languettes ». Ces languettes peuvent être parfois longues (Fig. 10.24b). Au total
41 perles portent des languettes au moins sur une extrémité. Les perles portant des
languettes sur les deux extrémités sont au nombre de neuf, elles proviennent
toutes de la sépulture E103 de la phase 9 et sont toutes de forme cylindrique. Pour
rappel, les languettes témoignent d’une rupture de la matière soit durant l’action
de sciage (accidentellement), soit par flexion (intentionnellement). Les sillons de
sciage sont encore observables sur deux cas seulement. Les paliers de sciage sont
observés sur deux perles et les sillons de sciage ont été documentés sur deux
autres.

La section de la perforation est cylindrique dans 97 cas et biconique dans 27


cas. Des stries concentriques sont observées sur les parois des perforations
(Fig. 10.24f). Le contour des perforations est très régulier dans la plupart des cas. Il
est de forme circulaire à elliptique. La bordure des trous est saillante quand les
extrémités sont convexes tandis qu’ils sont protégés par les parois d’un pseudo
cône formé souvent par les languettes de flexion dans le cas des perles à
extrémités concaves. Certains éléments usés ou fracturés montrent que la
perforation a parfois été réalisée de façon bipolaire (Fig. 10.24e).

Comme essai de reconstitution, nous proposons la chaîne de transformation


suivante : débitage par tronçonnage/flexion ; mise en forme d’une ébauche par
abrasion/polissage manuel préalablement au sciage ; perforation est réalisée sur
l’ébauche avant le tronçonnage et finition par polissage uniquement des perles
biconiques de la phase 11.

Les perles de la phase 9 ont des volumes grossiers asymétriques, après


l’abrasion, leurs formes n’ont pas été soignées. Ce constat rejoint l’idée que les
perles tubulaires en calcaire sont des éléments qui pouvaient se substituer aux
cyprées.

435
10.2.4.2. Les perles plates
Au nombre de 173, les perles plates sont présentes dès la phase 7 et tout au
long de la séquence stratigraphique du village PPNB. Comme pour la plupart des
éléments, elles sont moins fréquentes dans les phases anciennes (PPNB moyen)
allant de 7 à 10. Celles-ci ont fourni respectivement 15, 4, 7 et 9 éléments. Dans les
phases plus récentes 11 à 13 (PPNB récent), les effectifs sont respectivement de 43,
67 et 28. Fouillées dans 13 maisons différentes, les sépultures ayant livré des perles
plates sont au nombre de 41 (Tabl. 10.24).

Les perles plates sont employées dans la composition des parures de type
collier, bracelet et parure de tête mais manifestement jamais dans les parures de
type ceinture (Tabl. 10.17 ; Fig. annexe IV).

Les formes issues des cylindres correspondent à deux configurations :


segment de cylindre de section circulaire dans lequel une perforation longue
centrée transversale a été réalisée (CY.0.I.L.2), ou cylindre de section plate
biconvexe dans lequel une perforation longue centrée axiale a été réalisée
(CY.2.I.L.1). Les ellipsoïdes sont également identifiés. Ils ont une section plates
biconvexe et la perforation longue s’intègre au centre dans l’axe principal
(EL.2.I.L.1). Les volumes prismatiques ont 4 différentes sections : triangulaire,
carrée, rhomboïdale et trapézoïdale. La perforation longue centrée s’intègre selon
l’axe transversal (e.g.PR.4h.I.L.2) (Tabl. 10.24).

A. Types, parures et matériaux


Au total, sept types sont identifiés pour les perles plates : le type circulaire,
elliptique, triangulaire, carré, rectangulaire, rhomboïdal et trapézoïdal
(Tabl. 10.24).

B. Circulaires
Au nombre de six, les perles plates circulaires représentent 3.4% du total
(Fig. 10.12i). Parmi les phases anciennes, seulement la phase 7 est représentée. Les
perles circulaires sont en revanche présentes dans toutes les phases récentes (11, 12
et 13). Les six spécimens ont une section transversale biconvexe lenticulaire. Elles

436
ne présentent pas d’aménagement de type « col » ou « convexité ». Toutes les
perles circulaires sont employées dans la composition des parures de type collier à
l’exception d’une (P11b-15) qui semble être un élément composant une parure de
tête. Trois matériaux ont été utilisés pour les perles circulaires : la cornaline, la
turquoise et le talc vert.

C. Elliptiques
Les perles plates elliptiques sont les plus nombreuses sur le site
(Fig. 10.12m-u). Au nombre de 123, elles représentent plus de 71% de la totalité. La
section biconvexe lenticulaire est notée pour 116 éléments dont cinq présentent un
aménagement de type « col » (Fig. 10.12r et t). La section losangique plate est
identifiée sur sept perles elliptiques dont une présente un aménagement de type
col (Fig. 10.12u) et une autre présente à la fois un col et une convexité (Fig. 10.12s).

Les perles plates elliptiques sont présentes dans toutes les phases sauf dans
la phase 8 et entrent dans la composition des parures de type collier, bracelet et
parure de tête. Six matériaux ont été identifiés au sein des perles elliptiques. Par
ordre décroissant, ce sont la cornaline/agate, l’améthyste, l’obsidienne, le talc vert,
le talc rouge et la turquoise.

D. Triangulaires
Une perle (Fig. 10.12x) appartenant à la phase 12 représente ce type. De
section losangique plate, elle ne présente aucun aménagement. Elle est en
cornaline et appartient à une parure de type collier.

E. Carrées
Là encore, le type est représenté par une seule perle provenant également
de la phase 12. De petites dimensions, elle est de section lenticulaire et ne présente
aucun aménagement. Elle est fabriquée en talc vert et elle appartient à une parure
de type bracelet.

437
F. Rectangulaires
Onze perles plates rectangulaires sont présentes sur le site dont neuf sont
de section lenticulaire et deux sont de section losangique aplatie. Aucune ne
présente d’aménagements. Parmi elles, dix sont en turquoise et 1 en cornaline
(Fig. 10.12v). Cette dernière fait partie d’une parure de type de tête. Les autres
perles composent soit des colliers, soit des bracelets.

G. Rhomboïdales
Parmi les perles plates prismatiques, les rhomboïdales sont les mieux
représentées avec 18 éléments (Fig. 10.12w). Dix sont de section lenticulaire et huit
sont de section losangique aplatie dont trois présentent deux convexités. Toutes
les phases sont représentées, la phase 12 étant la plus riche. Ces perles entrent
dans la composition de parures de tête et dans les colliers et les bracelets. Notons
cependant que les trois spécimens à deux convexités appartiennent à des colliers.
Les matériaux employés sont la cornaline, la turquoise et l’obsidienne.

H. Trapézoïdales
Le type trapézoïdal est présent avec 13 spécimens, tous de section
lenticulaire et sans aménagement. Ces perles sont présentes dans toutes les phases,
à l’exception de la phase 13. Elles sont fabriquées en cornaline et en turquoise et
composent les mêmes types de parures que les perles rhomboïdales.

Quel que soit le type, les perles présentant des aménagements tels qu’un col
ou une convexité sont présentes dans toutes les phases étudiées. Les perles à col
appartiennent aux phases 7, 9, 12 et 13. Le seul exemple de perle à col et convexité
provient de la phase 12. Enfin les perles à deux convexités proviennent des phases
7, 12 et 13.

Sept matériaux ont servi pour la fabrication des perles plates : la cornaline,
la turquoise, le talc vert, le talc rouge, la malachite, l’obsidienne et l’améthyste. La
cornaline a été utilisée dans 82 cas pour la réalisation de huit types. Les perles
plates elliptiques en cornaline sont les plus fréquentes (34 cas), suivies par les
perles rhomboïdes (15 cas), les perles elliptiques (13 cas), les perles trapézoïdales

438
(onze cas). Les perles circulaires, elliptiques, triangulaires ou rectangulaires sont
peu nombreuses (moins de cinq par type) dans cette matière. Les perles plates en
turquoise sont au nombre de 81 et sont majoritairement de type elliptique (65 cas)
et dans certains cas rectangulaires (9). Les types circulaires, rhomboïdales,
trapézoïdales et elliptiques sont rares (moins de trois éléments par type). Le talc
vert a été utilisé dans six cas pour la réalisation des perles de type elliptique
(quatre cas), carré (un cas) et circulaire (un cas). Le talc rouge, la malachite,
l’obsidienne et l’améthyste sont identifiés pour seulement une occurrence chacun.
La perle est de forme elliptique dans le cas de l’améthyste, la malachite et talc
rouge, et rhomboïdale dans le cas de l’obsidienne.

La cornaline a été utilisée dans toutes les phases de 7 à 13. Il en est de même
pour la turquoise également sauf pour la phase 8. Le talc vert a été employé
uniquement dans les phases 7, 9 et 13. Le talc rouge, l’obsidienne et la malachite
sont identifiées uniquement dans la phase 7 et enfin l’améthyste revient à la phase
11 (Tabl. 10.25).

Notons que les perles plates à section losangique sont majoritairement en


cornaline et dans deux cas en talc vert. Les perles présentant un col sur l’extrémité
du tube de perforation sont également en cornaline (deux cas) et en talc vert (trois
cas). Les perles plates présentant des convexités sur les extrémités sont
uniquement en cornaline.

I. Analyse métrique
L’analyse métrique des perles plates concerne uniquement 146 éléments
(Tabl. 10.26). Les données métriques principales de la longueur, de la largeur et de
l’épaisseur sont présentées dans le tableau 21. D’après les écart-types, comme on
pouvait s’y attendre, l’épaisseur est celle qui présente le moins de variabilité
puisque, par définition, les perles plates sont toutes de très faible épaisseur. En ce
qui concerne les deux autres dimensions, c’est la longueur qui présente le plus de
variabilité.

La relation entre la longueur et la largeur des perles plates, tous types


confondus, a été étudiée pour mesurer leur variabilités métriques (Fig. 10.23). Pour
illustrer la répartition des éléments en ce qui concerne les proportions, nous avons

439
tracé une droite représentant des valeurs de longueur et de largeur égales. Trois
configurations peuvent être observées : les perles dont la longueur est supérieure à
la largeur (perles plates longues) ; les perles dont la largeur est supérieure à la
longueur (perles plates larges) ; et les perles dont la longueur est plus ou moins
égale à la largeur, réparties sur ou près de la ligne (perles plates « standards »).

En ce qui concerne le gabarit, au moins quatre groupes principaux peuvent


être distingués. Le premier rassemble les éléments de petit gabarit (longueur et
largeur inférieures à 11 mm). Le deuxième groupe contient des éléments de
gabarit moyen (L : 9 à 17 mm, l : 10 à 14 mm). Un troisième est composé
d’éléments de grand gabarit (L et l : 12 à 20 mm). Enfin, le quatrième groupe
contient des objets de très grande taille (L > 20 mm ; l > 13 mm).

La variabilité des dimensions au cours des phases a été examinée


graphiquement (Fig. 10.25). Les effectifs par phase d’occupation sont déséquilibrés
et ils sont faibles au cours des phases anciennes (e.g. quatre pièces seulement à la
phase 8). Pour commenter ces graphiques, nous nous basons essentiellement sur la
valeur de la médiane. Tant pour la longueur que pour la largeur, les médianes des
4 premières phases (de 7 à 10, PPNB moyen) affichent des valeurs plus élevées que
celles des 3 phases récentes (PPNB récent). Entre la phase 7 et la phase 9, la
médiane de la longueur augmente de plus de 12 mm à 17 mm. Cette valeur
diminue jusqu’à 7 mm à la phase 11 avant d’augmenter pour atteindre 11 mm à la
phase 13. Pour la largeur, le scénario est presque le même sauf que la médiane des
perles de la phase 8 affiche la valeur la plus grande (> 17 mm) avant de régresser
jusqu’à 7 mm seulement à la phase 11 puis s’accroître progressivement à la phase
13. Par conséquent, nous pouvons conclure que les gabarits des perles plates des
phases anciennes (PPNB moyen) sont généralement plus grands que ceux des
phases récentes (PPNB récent). Rappelons que cette tendance avait été déjà
remarquée pour les rondelles97.

Nous avons ensuite mis en relation les dimensions de la longueur et de la


largeur en renseignant les matériaux utilisés pour les perles (Fig. 10.26).

97 Cf.

10.2.1.2. Etude morpho-métrique, p. 420.

440
La première observation que l’on peut faire sur le graphique est la
répartition très distincte des perles en turquoise par rapport aux perles en
cornaline. Les premières se concentrent majoritairement dans le groupe de petit
gabarit tandis que les secondes sont rarement présentes dans celui-ci. Elles se
répartissent principalement dans les trois autres gabarits : moyen, grand et très
grand. À l’inverse, rares sont les perles en turquoise de moyen ou grand gabarit.
Les perles en talc vert, peu nombreuses, se repartissent de la même manière que
les perles en cornaline. Enfin, la perle en obsidienne et celle en améthyste sont
d’un gabarit moyen et la perle en talc rouge et celle en malachite sont d’un petit
gabarit.

Par ailleurs, il n’existe aucune relation entre le type de matériau et les


proportions volumiques des perles plates. Les perles plates longues sont réalisées
en cornaline, en turquoise, en talc vert et en obsidienne. Les perles plates larges
sont réalisées dans tous les matériaux sauf en obsidienne.

Nous avons examiné le rapport de variabilité des dimensions en fonction


des matériaux les plus employés (cornaline, turquoise et talc vert) ainsi qu’en
fonction des types de parure composées de perles plates. Là encore, aucune
corrélation ne peut être observée entre les types de parure et les gabarits ou les
matériaux utilisés. Autrement dit, les gabarits des perles plates sont
principalement conditionnés par le matériau utilisé.

Ainsi, d’un point de vue métrique, les perles plates se distinguent


uniquement au niveau du matériau. En général, les perles plates en turquoise sont
de petit gabarit tandis que les perles plates en cornaline ou en talc vert sont d’un
gabarit moyen, grand ou très grand.

J. Techniques de fabrication et traces d’usure


Le cas des perles en cornaline
À Tell Halula, les perles plates en roches dures sont au nombre de 68. Parmi
elles 66 sont en calcédoine (cornaline, agate et une variété transparente de couleur
jaune), une en obsidienne et une en améthyste.

441
D’après l’examen approfondi de ces perles, nous proposons que leur
fabrication ait été effectuée selon les phases suivantes : traitement thermique,
débitage, façonnage, perforation et finition. La phase de façonnage est très
certainement à diviser en deux étapes : d’abord un façonnage par taille et ensuite
façonnage par abrasion.

Il est important de souligner d’amblé la complexité de l’observation et de


l’interprétation des stigmates et d’apporter quelques précisions préalables à
l’exposition qui suit. Tout d’abord, les stigmates issus des dernières phases de
transformation ; façonnage, perforation et finition, sont naturellement les mieux
observée. Concernant le traitement de surface, les stigmates de façonnage par
abrasion sont les mieux documentés. Toutefois, ils se mêlent et se confondent avec
des traces qui pourraient appartenir à la phase de finition (polissage ?).

Les stigmates de traitement thermique ont pu être observés. En revanche,


les traces issues du débitage sont complètement oblitérées. Quant à la phase
d’extraction, nous n’avons aucun indice directe sur si la matière a été obtenue sur
des lieux de formation des calcédoines nécessitant l’emploi des techniques
d’extraction (excavation de la terre, percussion, perforation) ou si elle a été
obtenue pas simple ramassage sous forme de nodules à cortex. Nous présentons
quelques arguments concernant ce point dans la partie IV98.

Nous présentons par la suite les stigmates liés à chaque phase (à l’exception
de la phase d’extraction), l’analyse des observations, les arguments, les doutes et
les résultats obtenus.

Compte tenu de la difficulté d’interprétation, nous avons préféré traiter


comme deux ensembles, d’une part les phases de débitage et de façonnage par la
taille, et d’autre part les phases de façonnage par abrasion et de finition.

Traitement thermique
Dans le lot des 66 perles en calcédoine, 28 ne présentent pas de stigmates de
surchauffe (Tabl. 10.27). Bien entendu, cela n’exclut pas pour autant leur

98 Cf. A. Phase d’extraction, p. 620.

442
traitement thermique. Si celui-ci a eu lieu, il a été pleinement maîtrisé. Pour le
reste des perles, un à six stigmates différents ont été détectés99 (cf. Fig. 5.3).

Les perles où un seul stigmate a été identifié sont au nombre de quatre :


dans deux cas, il s’agit d’inclusions de résidus carbonisés et dans deux autres il
s’agit d’une variation d’intensité de la couleur, i.e. des zones plus foncées que
d’autres (e.g. Fig. 10.12y).

Les perles à deux stigmates sont les plus nombreuses (N=8). Parmi elles,
quatre proviennent de la phase 12, deux de la phase 10 et deux autres de la phase
13. Différentes combinaisons ont été observées :

• Taches foncées ou blanches avec fissures internes ;


• Taches foncées ou blanches avec variation de l’intensité de la couleur ;
• Inclusions de résidus avec fissures internes.

Les perles à trois stigmates sont au nombre de sept, avec une occurrence
dans chacune des phases 7, 9 et 10, et deux dans chacune des phases 12 et 13. Les
combinaisons documentées sont :

• Inclusions de résidus, fissures internes et externes ;


• Taches foncées ou blanches, inclusions de résidus et fissures internes ;
• Taches foncées ou blanches, fissures internes et externe ;

Enfin, une perle de la phase 8, accumule de nombreux stigmates : variation


de l’intensité de la couleur, fissures internes, fissures fines superficielles en réseau
de type « cheveux », microfissures courtes courbes superficielles et des trous
d’éclatement de la matière. Ces derniers ont été observés uniquement sur ce
spécimen. Sur cette perle, clairement marquée par la surchauffe, les effets néfastes
sont visibles à l’œil nu. En revanche, pour les perles pour lesquelles un, deux ou
trois stigmates ont été identifiés, la qualité esthétique ne semble pas avoir été
affectée par ces stigmates (cf. Fig. 10.12l, q, r et y).

La chauffe, nous le savons, permet d’intensifier la couleur naturelle.


Cependant, il est difficile, en l’état actuel de la recherche, de savoir quelles

99 Cf. 5.5.1.4. Stigmates liés au traitement thermique, p. 202.

443
incidences a pu avoir la chauffe sur la transparence, la translucidité ou l’opacité de
la matière.

Dans le lot étudié, 53 perles sont transparentes dont six présentant des
variations dans l’intensité de la couleur, 12 perles sont translucides dont quatre
avec des variations de la couleur. Seulement deux perles présentant de stigmates
de surchauffe sont opaques. Autrement, l’opacité pourrait être liée à la nature de
la matière, une variété de cornaline différente que l’on rencontre sur les rondelles
et les perles tubulaire (cf. Fig. 10.12e, f et g).

En conclusion, les perles en calcédoine de Tell Halula ont été traitées


thermiquement. Près de la moitié d’entre elles présentent des stigmates de
surchauffe sans que cela n’ait compromis leur aspect esthétique, sauf dans deux
cas.

Enfin, le traitement thermique pourrait avoir été produit à plusieurs


« moments » de la chaîne opératoire. Notre étude ne permet pas de connaître le
nombre de fois où l’élément a subi la chauffe et dans quel ordre (à l’état brut, à
l’état fini, etc.). Nous présenterons cependant quelques éléments de réponse dans
la synthèse des formes géométriques (cf. infra).

Débitage et façonnage par taille


Le débitage consiste à créer une ébauche de perle selon les dimensions
souhaitées. Pour cela, l’artisan choisit un nodule ou un fragment de matière le plus
proche de son concept théorique avant de réduire son volume. Le débitage ici
consiste donc à une opération de dégrossissement. Nous n’avons pas d’indices
directs sur les techniques employées. Toutefois, les techniques les plus adéquates
sont celles de la taille. Selon les dimensions de la matière, la percussion directe ou
indirecte peuvent être employées mais aussi la pression. L’ébauche peut être
ensuite façonnée, également par taille. La technique envisagée ici est celle de la
pression.

Seules quatre perles portant encore des stigmates pouvant être issus du
façonnage par taille (cf. Fig. 5.4). Il s’agit des traces ou négatifs d’enlèvement bien
marqués et dont l’abrasion au cours de la phase de façonnage n’a pas pu
entièrement éliminer.

444
Perforation
Les perforations de ces perles sont décrites selon les critères
morphologiques et macro- et microscopiques que nous avons établis100.

La surface des extrémités (ou les faces de perforation)

Les perles plates étudiées présentent une facette (cf. Fig. 5.3c et Fig. 5.8f) sur
chacune des extrémités dans 37 cas et sur une seule extrémité dans 14 cas. Par
ailleurs, les extrémités de 17 perles sont dépourvues de facettes, bien que leurs
surfaces soit relativement planes. Les facettes sur les extrémités sont des surfaces
striées. Les stries ont une morphologie droite. Leur largeur est généralement
supérieure à 50 µm (type 1), elles sont longues et couvrent la surface de part et
d’autre quelle que soit leur orientation. Elles sont disposées longitudinalement ou
en diagonale, c'est-à-dire dans les deux sens les plus longs de la facette. Leur
trajectoire est subrectiligne, leurs bords discontinus et leur fond rugueux.
L’abrasion des extrémités a été effectuée au moins pour 51 perles. Dans 37 cas les
deux extrémités ont été abrasées et pour 14 seulement une extrémité présente une
facette.

Le contour des ouvertures de perforation

Sur toutes les perles plates de Tell Halula le contour des ouvertures des
perforations s’inscrit dans une forme circulaire. Le pourtour immédiat du contour
ainsi que les débuts des parois de la perforation sont très riches en stigmates qui
peuvent être rattachés aux traces produites par les techniques de percussion
(piquetage notamment). Parmi les objets étudiés, rares sont ceux dont l’ouverture
des perforations ne présente pas de négatifs d’enlèvements et de micro-
enlèvements. Ceux-ci sont au nombre de trois. Il s’agit de l’unique perle plate en
améthyste (Fig. 10.12m) et de deux perles en calcédoine transparentes de couleur
orange clair-jaune. Pour l’une (P55-2), les deux ouvertures de la perforation ne
présentent aucun enlèvement, et pour l’autre (P66-2), une ouverture est lisse sans
négatifs tandis que l’autre est bordée d’enlèvements. Ceux-ci sont postérieurs aux
stries de la facette.

100 Cf. 5.5.3.3. Protocole d’étude, p. 212.

445
Les ouvertures des 65 autres perles plates sont toutes marquées par des
enlèvements plus ou moins intenses. Ces traces sont relativement superficielles,
elles atteignent rarement 0.8 mm de profondeur depuis la surface de l’extrémité.
Sur la paroi de perforation et mêlées aux négatifs d’enlèvement, des stries de
rotation circulaires (cf. Fig. 5.7) ont été observées. Cela signifie que le forage devait
démarrer très rapidement et que, s’il y a eu un avant-trou sur la surface, celui-ci
était très peu profond, moins de 1 mm dans tous les cas.

Difficulté de l’interprétation des stigmates

Les facettes observées sur les extrémités des perles plates peuvent ne pas
être uniquement le résultat de la préparation de la surface à la perforation. Ces
facettes pourraient également avoir été crées dans un but de finition, par exemple
pour régulariser la surface et effacer les traces issues de la création de l’avant trou
par percussion. Il n’est pas toujours facile de déterminer l’ordre chronologique de
la création car l’usure, ici sous forme de piquetage fin, efface de manière partielle
ou totale les stries d’abrasion et la lecture de l’hiérarchie des stigmates dans
certains cas est alors impossible.

Pour les 25 perles plates munies de facettes d’abrasion aux deux extrémités,
la facette a été créée avant la perforation car les négatifs d’enlèvements qui
bordent le contour des ouvertures coupent et interrompent les stries d’abrasion (cf.
Fig. 5.3c). Pour les 14 perles dont seulement une extrémité était munie de facette,
celle-ci a également été réalisée avant la perforation. La lecture de l’hiérarchie des
stigmates n’a pas pu être effectuée sur les objets restants.

Ainsi, plus de 72% des perles présentent des facettes crées avant la
perforation. Les facettes sur les extrémités ont été créées préalablement à la
perforation, de manière à faciliter le démarrage du forage. Notons que les stries
observées sur les extrémités ne sont pas de même nature que les stries observées
sur les faces des perles (cf. infra). Les premières sont issues d’une abrasion visant
une réduction de la matière afin d’aplanir la surface tandis que les secondes sont
issues d’un polissage visant à effacer les traces et les irrégularités. Autrement dit,
si les facettes sur les extrémités avaient été produites dans un but de finition de la
surface, elles auraient porté un autre type de stries que celui observé sur les faces.

446
Par ailleurs, il est peu probable que les extrémités des perles aient été soumises à
un travail de finition car par leur position, elles sont très sujettes à l’usure par
entrechoquement avec les perles voisines au sein d’une même parure.

Les négatifs d’enlèvements que l’on observe sur le contour des ouvertures
et sur les débuts des parois verticales des tubes pourraient susciter une
interprétation différente de celle que nous proposons plus haut (stigmates du
creusement de l’avant-trou). En effet, les contours des ouvertures sont les zones les
plus affectées tout au long de la durée de la phase de perforation. Cette zone
correspond à la rencontre de deux surfaces dont l’une (surface de l’extrémité) est
perpendiculaire à l’autre (paroi de la perforation). L’opération du forage
s’exerçant à la fois verticalement (pression) et horizontalement (mouvement
rotatif), la surface de l’extrémité se transforme dans une certaine mesure en
surface de type « plan de frappe » par la force administrée verticalement, ce qui
pourrait produire des enlèvements sur la paroi de perforation. La rotation du foret
étant de 360°, les négatifs d’enlèvement peuvent donc être observés tout autour du
contour de la perforation. La morphologie et les dimensions de la mèche du foret,
notamment sa longueur, doivent jouer un rôle important dans l’intensité des
stigmates sur le contour. Nous pensons particulièrement à une mèche d’une
certaine longueur dont le diamètre est plus petit dans la partie distale (active) que
dans la partie proximale (celle fixée dans le foret), cas le plus fréquent. Plus le foret
avance en profondeur, plus le diamètre de l’ouverture s’élargit. Ainsi, les tubes de
perforation présentent tous une section sub-cylindrique dont le diamètre est plus
large dans la zone de l’ouverture.

Nous avons voulu examiner le rapport de l’intensité des enlèvements avec


la longueur d’un tube de perforation. Si notre supposition est correcte, on devrait
s’attendre à des stigmates très intenses sur le contour d’ouverture et sur les zones
correspondant aux premiers millimètres des parois des tubes pour les tubes longs
et, au contraire, à une densité moindre ou faible pour les tubes courts. Après
examen, il n’y a aucun rapport entre les deux. L’intensité de stigmates concerne les
tubes longs et courts. Nous proposons par conséquent, que les négatifs
d’enlèvements observés sur les contours des ouvertures et les débuts des parois
verticaux soient issus de la création d’une dépression pour caller la mèche de foret
et se soient probablement intensifiés au cours du forage.

447
Pour l’étape du forage nous décrirons le type de perforation, la section des
tubes, la forme de la base du tube. Les stigmates de forage (les stries et leur
dynamique), largement exposés dans le chapitre 5 de la partie II101, n’ont pas pu
être quantifiés et leur étude, en prenant en compte d’autres variables, n’a pas été
possible.

Le type de perforation

Pour la totalité des perles plates en roches siliceuses la perforation est de


type bipolaire102. Ce type, rappelons-le, n’implique pas nécessairement la présence
de deux tubes de perforation. En effet, toute la perforation peut être réalisée par le
creusement d’un tube depuis une extrémité mais l’ouverture définitive de la
perforation sera obtenue, généralement par percussion, depuis l’extrémité
opposée. Pour 55 perles, les perforations bipolaires sont composées de deux tubes
opposés, tandis que pour 13 perles la perforation est composée d’un seul tube.

Les perforations des perles plates de Tell Halula ont des longueurs très
variables (Tabl. 10.28). La longueur maximale d’un tube est de 17.3 mm.
Généralement, comme on peut s’y attendre, les perforations à un tube sont plus
courtes que les perforations à deux tubes (Fig. 10.27).

Pour cinq perles avec perforation à deux tubes, les perforations bipolaires
sont d’un rapport de 9/1. Pour cinq autres, le rapport est de 8/2. Les autres perles,
plus nombreuses, ont un rapport proche de l’équivalence : rapport de 7/3 dans 14
cas, 6/4 dans 21 cas et 5/5 dans neuf cas.

Il existe une corrélation entre la longueur de la perforation (celle de la perle)


et le rapport des longueurs des tubes (Fig. 10.28). Les perles dont les rapports des
longueurs des tubes sont relativement équivalents (7/3, 6/4 ou 5/5) sont de toute
taille tandis que les perles dont les rapports des longueurs des tubes sont
déséquilibrés (8/2, 9/1 ou 10/0) correspondent à des petits ou des moyens gabarits
dont la longueur ne dépasse pas 18.5 mm. Il existe donc une corrélation entre la
longueur des perles et le rapport des longueurs des tubes de perforation. Plus la

101 Cf.C. Stigmates de forage, p. 219.


102 Le type unipolaire n’a été identifié que pour une perle tubulaire et une rondelle.

448
longueur de la perforation est grande, plus il est fréquent que les deux tubes de
perforation soient de longueur équivalente.

La trajectoire des perforations bipolaires (cf. Fig. 5.6d ài) à deux tubes est
axée dans 20 cas, axée décalée dans 24 cas, déviante dans sept cas et angulaire
dans quatre cas. Pour les perforations bipolaires à un seul tube, l’orientation est
axée dans douze cas et déviante dans un cas. Le désaxement du tube dans le sens
de l’épaisseur a été observé dans cinq cas.

Section du tube

La section des tubes de perforation est sub-cylindre pour les 68 perles plates
de Tell Halula. Par ailleurs, un tube de perforation peut avoir une longueur
minimale de 1 mm et maximale de 17.8 mm. La variation est très importante,
l’écart-type que nous avons calculé pour la longueur des tubes est de 4.34. Le
diamètre des ouvertures a des valeurs plus homogènes (Tabl. 10.28). Ainsi, le
diamètre moyen des ouvertures est de 3.04 mm (min : 1.7 mm ; max : 4.8 mm ;
écart-type : 0.63). Le diamètre des tubes mesuré sur leur paroi est encore moins
variable que ceux de l’ouverture (moy : 2.35 mm ; min : 1.1 mm ; max 3.7 mm ;
écart-type : 0.60). Enfin, le diamètre de la jonction mesuré sur 53 perforations est
de 1.49 en moyenne (min : 0.4 mm ; max : 2.7 mm maximum ; écart-type : 0.49).

Les relations entre la longueur du tube avec le diamètre de l’ouverture


d’une part et avec le diamètre du tube d’autre part ont été examinées (Fig. 10.29 et
10.30). Une faible corrélation (r=0.462) existe entre la longueur du tube et le
diamètre de l’ouverture. La corrélation entre la longueur du tube et le diamètre de
celui-ci est encore plus faible (r=0.216). Autrement dit, le diamètre du tube ne
s’agrandit pas en fonction de sa longueur, et des tubes peuvent partager le même
diamètre quelle que soit leur longueur.

Pour les 13 perles dont la perforation est d’un seul tube, la trajectoire cf.
Fig. 5.6a à c) de celui-ci est rectiligne et ne montre aucune déviation. La trajectoire
est également rectiligne pour 50 perles à perforation bipolaire de deux tubes.
Seulement cinq perles combinent un tube de perforation rectiligne et un autre
dévié. Dans quatre cas, la déviation se produit au niveau de la base du tube. Cette
déviation a consisté à modifier l’axe du forage dans le but de faire rencontrer les

449
tubes. Elle est donc intentionnelle et nous informe que les tubes déviés sont ceux
qui ont été forés en dernier. La déviation observée sur le tube d’une perle est
située vers le milieu du tube et est accidentelle car le tube a été redressé par la
suite, c'est-à-dire que l’axe initial a été repris. Cette déviation pourrait-elle être due
à un moment de distraction de l’artisan ? Moment que l’on aimerait bien
appréhender, d’autant que cet écart correspond à l’unique cas de correction de
trajectoire dans tout le corpus.

Aucun rapport n’existe entre la longueur du tube et la déviation. Par


ailleurs, les tubes présentant des déviations font partie des perforations dont le
rapport des deux tubes est relativement équivalent (5/5, 4/6 et 7/3). Cela signifie
peut-être qu’il y a moins de risque à arrêter la perforation jusqu’au milieu de la
perle avant de procéder à un autre forage depuis l’autre extrémité, plutôt que de
chercher à forer le plus loin possible avant d’attaquer l’autre côté pour joindre les
deux tubes. Ceci pose la question suivante : est-il plus difficile de faire rencontrer
deux tubes de longueurs similaires que des tubes de longueur inégales ? Quelque
soit les proportions des tubes, les artisans arrivaient à réussir les perforations,
même si la jonction n’est pas toujours parfaite. Le faible effectif de tubes déviés
parmi l’ensemble des perles plates est l’indice d’une bonne maîtrise de la
perforation.

Forme de la base du tube

La forme de la base du tube a pu être observée pour 55 perles dont 53 ont


des perforations à deux tubes et deux à un tube. Pour ces dernières, la base du
tube est droite (« Π ») dans un cas et arrondie (« U ») dans l’autre. Pour les
perforations à deux tubes, la base est droite dans 39 cas et arrondie dans cinq pour
les deux tubes. La combinaison d’une base droite et d’une base arrondie concerne
neuf perforations.

La forme de l’ouverture de jonction est circulaire dans 40 cas, lenticulaire


dans six cas et ovale (cf. Fig. 5.7f) dans 21 cas. La rencontre des tubes est directe
dans 47 cas et indirecte dans sept cas. La jonction indirecte correspond à une
perforation axée décalée (cinq cas), déviée (un cas) et angulaire (un cas). Dans ces
derniers, la jonction a été produite par forage avec une mèche de diamètre plus

450
petit que celui des mèches utilisées pour le forage des tubes. Il est évident qu’il
s’agit ici d’une « astuce » permettant la réussite de la rencontre.

Dans le cas de 13 perles dont la perforation n’a qu’un tube, l’ouverture du


passage se fait directement par percussion depuis l’extrémité opposée à celle du
premier forage. Elle n’est jamais réalisée depuis la même direction, c'est-à-dire en
continuant le forage jusqu’à l’obtention du passage entre les deux extrémités. En
effet, le forage du tube est interrompu à 1 ou 2 millimètres avant l’arrivée à
l’extrémité opposée (la seconde face de perforation). Pour l’ouverture définitive de
la perforation, un ou plusieurs coups sont est donnés sur l’extrémité opposée. La
profondeur des stigmates (les négatifs d’enlèvement, fissures et cônes incipients)
ne dépasse pas 1 mm sauf dans le cas où un grand enlèvement provoque la
cassure du contour de la perforation. La profondeur de la cassure peut atteindre 2
à 3 millimètres.

D’après la morphologie des tubes, les stigmates observés sur le contour des
ouvertures, les parois et le fond des tubes, la technique de forage est celle de
l’abrasion rotative complète (360°) activée par un système mécanique de type
« foret à archet ». Cette technique, nous le verrons, est celle utilisée pour toutes les
perforations longues, notamment pour les perles en roches dures siliceuses. Elle
est la technique exclusivement employée pour la perforation des perles plates
quelle que soit le matériau. Pour les perles plates en cornaline, mais aussi pour les
perles d’autres types et en d’autres matériaux, il est inconcevable de réussir la
perforation sans un système de fixation de la perle (e.g. étau). Le rajout d’abrasif
était également effectué pendant le forage comme en témoignent plusieurs indices
(cf. Stigmates du forage, et Section tube, Chapitre 5). De l’eau (ou un autre liquide)
était sans doute rajoutée régulièrement pour refroidir les tubes de perforation et
améliorer le rendement de la mèche.

Façonnage par abrasion et finition


Avant de présenter les résultats de cette étude, il est important de signaler
la difficulté de la distinction entre les stigmates liés à l’abrasion, dont le but est
notamment d’éliminer les traces de taille et donner la forme définitive (façonnage),
et les stigmates liés à l’abrasion/polissage, dont le but est d’éliminer les dernières

451
irrégularités, d’harmoniser la forme en la rendant la plus symétrique possible et
d’apporter de l’éclat et de la brillance aux surface (finition). A cette difficulté se
rajoutent les effets de l’usure qui se manifeste par l’effacement des stries ou par un
piquetage fin des reliefs. C’est pour cette raison que nous avons étudié les surfaces
telles qu’elles se présentent sans faire d’interprétations préalables sur l’origine des
stigmates qu’elles portent.

L’étude des surfaces concerne 68 perles plates, les mêmes pour lesquelles
nous avons étudié le traitement thermique et la phase de perforation (cf. supra).

Dans notre protocole103, nous avons caractérisé trois catégories de surfaces :


les surfaces striées (SS) (cf. Fig. 5.4), piquetées (SP) (cf. Fig. 5.8c, d, e) et mixtes (SM)
(cf. Fig. 5.8b, f). Une perle en calcédoine peut regrouper plusieurs catégories de
surfaces. De manière générale, chaque catégorie renseigne sur le degré d’usure des
perles. Ici, nous nous concentrerons sur les stigmates techniques uniquement,
c'est-à-dire sur les stries. Ceux-ci sont, bien entendu, à étudier sur les surfaces
striées et mixtes104.

Précisons d’emblée que toutes les stries identifiées sur les perles plates ont
des trajectoires subrectilignes et jamais parfaitement droites. Ce type de trajectoire
est associé à des techniques de frottement (abrasion/polissage) manuelles, donc
non mécaniques (e.g. meule rotative à l’archet).

L’étude de façonnage/finition concerne deux zones en particulier : les faces


(F1 et F2) et les zones d’arêtes centrales (A1 et A2). Le contour des perles est étudié
uniquement quand sa surface est suffisamment large pour accueillir les stigmates.

103Cf. 5.3.4. Phase de Finition, p. 193.


104Les surfaces mixtes ont été identifiées dans un premier temps en tant que surfaces striées. Celles-
ci ont été modifiées par l’usure. Nous les avons donc prises en compte en faisant « abstraction » des
stigmates de piquetage présents. Ainsi, seules les stries sont traitées pour les surfaces mixtes, les
traces de piquetage sont traitées dans la partie consacrée à l’étude de l’usure.

452
Les faces

Touts les types de surfaces striées définis dans notre protocole sont
identifiés mais SS1, SS2, SS5, SS6, SS8 et SS9, sont les types les plus fréquents105.
Comme nous l’avions précisé, les deux faces d’une même perle peuvent se
caractériser par le même type SS dominant ou par deux types différents
(Tabl. 10.29).

Le premier cas de figure est le plus courant : ainsi le type SS1 est identifié
pour 13 perles, SS2 pour 17, SS5 pour deux, SS6 pour douze, SS8 pour deux et SS9
pour dix. Quatre perles ont une surface dépourvue de stries (type SS0).

Dans le deuxième cas de figure, chaque face se caractérise par un type


dominant différent. Les combinaisons observées sont les suivantes : SS0/SS1 (trois
cas) ; SS0/SS2 (un cas) ; SS0/SS6 (un cas) ; SS0/SS9 (trois cas) ; SS1/SS2 (deux cas) ;
SS1/SS5 (un cas) ; SS1/SS8 (un cas) ; SS2/SS8 (un cas) ; SS2/SS9 (deux cas) et SS8/SS9
(un cas).

La disposition des surfaces striées est une variable importante pour l’étude
du geste technique. Elle concerne, bien entendu, les stries unidirectionnelles.
Celles-ci caractérisent le type SS1, SS4 et SS7, le premier étant le type dominant et
les deux autres étant très rares. La surface striée type un est identifiée sur 32 faces
(cf. Tabl. 10.29). Sa disposition est parallèle à l’axe de l’objet dans neuf cas,
perpendiculaire dans 16 cas et oblique dans cinq cas. La disposition est multiple
(parallèle, perpendiculaire est oblique) dans deux cas. Les surfaces striées
prennent la forme de micro-facettes juxtaposées. Chacune est disposée de manière
différente. Cette configuration, que nous avons nommée « surface en mosaïque »,
indique un changement de geste très fréquent sur des zones très réduite.

Nous avons distingué trois situations différentes selon les types de SS


présents et leur combinaison. La première correspond à la présence unique (ou
très fortement dominante) des types à stries larges : SS1, SS2 ou SS3. Celles-ci nous
renseignent sur l’utilisation d’un support abrasif à grain relativement gros. La
deuxième situation correspond à la présence de stries fines superposées à des
stries larges de façon parallèle, perpendiculaire ou oblique (SS6, SS7 et SS8). La
présence de stries fines par-dessus les stries larges indique l’emploi des supports

105Les types SS3, SS4 et SS7 ne figurent pas parmi les types dominants mais parmi les types
secondaires.

453
abrasifs à grain plus fin. Enfin, dans la troisième situation, les surfaces striées à
stries fines (SS5 et SS6) sont très fortement dominantes, laissant supposer que
l’emploi d’un support à grain fin a supprimé les stries larges. Dans l’ordre, ces
différentes situations ont été distinguées par les lettres A, B et C et à chaque perle
a été attribuée la catégorie lui correspondant. Au total, une bonne partie des perles
(38) correspond à la catégorie B, une vingtaine à la catégorie C et seulement sept à
la catégorie A (Tabl. 10.30). Dans trois cas, la catégorie n’a pu être identifiée. Nous
retiendrons que les perles ayant subie une abrasion/polissage avec un support à
grain fin (B et C) sont plus nombreuses que celles abrasées avec un support à grain
moins fin (A). Le croisement entre les différents variables intrinsèques (type et
dimensions de la perle plate) et extrinsèques (appartenance à une parure, phase)
avec les différentes situations distinguées n’a montré aucune corrélation ou
tendance claire. Autrement dit, nous n’avons pas pu répondre à ces variations
dans le traitement des faces.

Enfin, notons la présence des stries dont la forme est biconvexe (fusiformes)
sur les faces de quatre perles présentant des négatifs d’enlèvement (cf. Fig. 5.4).
Ces stries sont multidirectionnelles mais majoritairement perpendiculaires à l’axe
de l’objet.

Les zones d’arêtes

Les arêtes proprement dites sont présentes sur les faces de 48 perles
(Tabl. 10.31). Elles sont continues dans 32 cas et partielles dans 16 cas. Leur
absence est documentée dans 20 cas. Ces zones, rappelons-le, comme les
extrémités de la perforation et les contours, sont plus soumises à l’usure et aux
chocs que les faces par le fait de leur relief. En effet, l’absence de stries (SS0) est
documentée sur les arêtes de 16 perles. Les zones d’arêtes des 52 perles restantes
(soit 104 zones), portent encore les stigmates techniques.

Les types dominants sur les arêtes sont les mêmes que sur les faces (SS1,
SS2, SS5, SS6, SS8 et SS9). Là encore, comme pour les faces, deux cas de figures se
présentent : des perles où les deux arêtes portent le même type de SS ou des perles
où les arêtes présentent un type différent. En ce qui concerne la première situation,
SS1 est identifié dans onze cas, SS2 dans six, SS5 dans deux, SS6 dans trois, SS8

454
dans deux et SS9 dans 14. Quant à la deuxième situation, les combinaisons
observées sont diverses et présentées dans le tableau (Tabl. 10.32).

Dans certains cas, les zones d’arêtes sont formées par la juxtaposition de
micro-facettes qui suivent la courbure. Ce phénomène est visible sur huit perles.
Les stries couvrant ces micro-facettes sont biconvexes (fusiformes) et sont
disposées perpendiculairement à l’axe de perforation (cf. Fig. 5.5b). La disposition
parallèle ou oblique est rare.

Le contour des perles plates, nous l’avons vu, est généralement composé de
surfaces très étroites. Elles sont un peu plus larges près des extrémités des perles.
Pour un total de 32 perles, certaines parties des contours, généralement les plus
larges, sont parfois formées par la juxtaposition de micro-facettes caractérisées par
deux types de surfaces striées : SS1 et SS2. Le type SS1 est identifié dans 29 cas et le
type SS2 dans trois. Bien que les stigmates techniques aient pu être détectés, ces
zones sont particulièrement marquées par l’usure.

Notons que sur les contours et les extrémités des perles les stries de type 1,
qui caractérisent les surfaces striées SS1, SS2 et SS3, ne sont pas les mêmes que les
stries de SS1 observées sur les faces et les arêtes. En effet, ces dernières sont moins
rugueuses, moins profondes que les stries des contours et des extrémités et leurs
bords sont plus émoussés. Par ailleurs, les stries de type 2 (stries fines caractérisant
les SS4, SS5 et SS6) ainsi que les stries de type 3 (extra-fines) ne sont jamais
observées sur les extrémités ou sur les contours.

Ces observations nous amènent à conclure dans un premier temps que les
surfaces des extrémités et des contours des perles ne sont pas traitées de la même
manière que les surfaces des faces et des arêtes.

On conclut qu’après le façonnage par abrasion, les perles plates ont été
polies de manière sommaires uniquement sur les faces afin d’enlever les traces les
plus grossières. Des zones lustres sont observées toutefois très localisées. Selon
nous elles sont accidentelles et non volontaires, produites probablement au cours
du polissage ou par l’usure.

455
Usure
L’usure des perles plates en calcédoine consiste en l’effacement des
stigmates techniques, en l’occurrence les stries, et leur remplacement par un aspect
piqueté fin (cf. Fig. 5.8b). Ce piquetage s’observe principalement sur les reliefs
ainsi que sur les zones les plus soumises aux contacts avec d’autres perles, c'est-à-
dire les extrémités et les contours.

Pour chaque perle, la surface des différentes zones prédéfinies (les deux
faces, les deux arêtes, les deux extrémités et le contour) ont été examinées et
renseignées en fonction de la présence exclusive de stigmates techniques (stries
ou traces de piquetage type 2) ou de traces de piquetage type 1, ou de la
combinaison des deux. Nous avons attribué des stades d’usure correspondant à
chacune de ces situations. Le stade 0 (W0) est celui des surfaces où seuls des
stigmates techniques sont observés ; le stade 1 (W1) se caractérise par la présence
conjointe de stigmates techniques et d’usure mais les premiers sont dominants ; le
stade 2 (W2) se caractérise de la même manière mais avec une prédominance des
seconds ; enfin le stade (W3) est celui où les traces techniques sont absentes et
remplacées par les traces d’usure.

Sur les faces, la majorité des perles ont un indice d’usure représentant de
W0 (Tabl. 10.33). L’indice W1 vient en position secondaire tandis que les indices
W2 et W3 sont très minoritaires. Les surfaces étroites des contours des perles
montrent une situation complètement inverse. En effet, l’indice d’usure le mieux
représenté est W3, suivi par l’indice W2. Les deux indices W1 et W0 sont
faiblement représentés. Pour les surfaces des arêtes, l’indice W1 est le plus
récurrent (28 perles), tandis que les 3 autres (W0, W2 et W3) concernent un
nombre plus ou moins égal de perles (entre 10 et 18). Enfin, l’indice d’usure
prédominant des extrémités est le W1 suivi par l’indice W2. Les indices W0 et W3
sont faiblement représentées.

En résumé, comme on pouvait s’y attendre, les zones les moins usées des
perles sont les faces, au contraire des contours. Les extrémités sont relativement
usées mais les traces techniques restent visibles tandis que les arêtes montrent une
usure variable.

456
Afin d’avoir un indice d’usure général de la perle en sa totalité, nous avons
calculé la somme des stades d’usure caractérisant les sept zones de chacune des
perles. Les sommes obtenues vont de 4 à 15 (i.e. W4 à W15). L’histogramme
(Fig. 10.31) montre le nombre de perles par indice. Parmi les différents indices,
W9, W7 et W9 sont les mieux représentés (12 à 13 perles chacun), c’est-à-dire des
indices moyens. Les autres indices sont représentés par moins de dix perles, voire
seulement par une perle dans le cas de W4, W13 et W15. Aucun rapport n’existe
entre le degré d’usure et les phases d’occupation. Aucune relation n’a été non plus
observée entre le type de parure et le degré d’usure.

Les perles plates en roches siliceuses présentent des degrés d’usure


variables. Elles sont généralement moyennement usées.

10.2.5. Synthèse sur les formes géométriques

A l’image des objets de parure des autres sites du corpus, à Tell Halula les
éléments de forme géométrique sont majoritairement cylindriques et elliptiques.
Les formes prismatiques sont rares et concernent principalement les perles plates.

Les formes géométriques sont fabriquées sur des supports en pierre tout au
long de la séquence chronologique. L’unique support en matière osseuse de la
collection, daté du PPNB moyen (phase 9), est de forme géométrique particulière,
celle d’une lunule. Rappelons que la même forme est reproduite plus tard en
cuivre au PPNB récent (phase 13). Les formes géométriques en coquillage, rares,
sont identifiées uniquement au PPNB récent.

Au total, quatre classes typologiques partagent les objets de forme


géométrique. Les deux principales sont les rondelles et les perles, majoritairement
réalisées en pierre et certaines en cuivre. Les autres deux classes, sont les
pendeloques biforées, confectionnées uniquement en coquillages, et les éléments
biforés représentés par deux exemplaires uniques, l’un en défense de sanglier et
l’autre en cuivre (cf. supra).

Une riche gamme de pierres de très bel aspect et couleurs variées a été
exploitée pour la fabrication des rondelles et des perles. Ainsi, parmi les roches
carbonatées, le calcaire tendre de couleur blanche ou rouge/rose lorsque chauffé a

457
été employé pour de nombreux éléments. Dans la même catégorie, un matériau de
couleur marron clair, a servi à fabriquer certaines rondelles des phases 9 et 11. Ce
matériau à surface rugueuse et au grain grossier, que nous n’avons pas rencontré
sur d’autres sites, est assez fragile et semble difficile à travailler. Il semble que
seuls les éléments de petites dimensions et à perforation courte, telles que les
rondelles, sont façonnées dans ce matériau. Les roches carbonatées, notamment le
calcaire tendre, sont accessibles dans les environs immédiats du site. Il s’agit donc
de roches d’origine probablement autochtone et dont l’emploi est relativement
réduit en comparaison de celui des roches allochtones.

Ces dernières sont constituées d’ophiolites, de phosphates, de feldspaths et


de calcédoines. Les ophiolites sont représentées notamment par la famille des talcs
parmi lesquels deux principaux matériaux ont été identifiés : le talc vert, employé
majoritairement pour les rondelles et rarement pour les perles plates, et la stéatite
noire, employée uniquement pour les rondelles. La provenance de ces matériaux
est probablement anatolienne.

À Tell Halula, les phosphates sont représentés principalement par la


turquoise, matériau largement employé au sein de la collection. Différents types
de perles tubulaires et de perles plates ont été réalisés en turquoise. Par ailleurs,
un type a été exclusivement fabriqué en turquoise, celui des rondelles plates.

Dans le groupe des feldspaths, l’amazonite, de couleur vert pomme et de


dureté élevée, a été très rare employée, à la fois pour des rondelles et des perles.

Parmi les roches siliceuses, les calcédoines sont les plus nombreuses. Elles
sont représentées principalement par la cornaline, pour des rondelles et des perles
(notamment les perles plates). L’obsidienne est utilisée pour une perle plate, cas
unique dans notre corpus. Enfin, un matériau exceptionnel a été identifié pour
deux perles, l’améthyste (phase 12). Il pourrait s’agir des plus anciens éléments en
améthyste connus jusqu’à présent pour la parure du Proche-Orient. Plus
d’informations sont données dans la partie IV, chapitre 13106.

Il est difficile de retracer une évolution temporelle concernant le choix des


roches pour la fabrication des éléments de parure à Tell Halula. Les objets en
roches d’origine allochtone, comme les coquillages marins, sont présents dès le

106 Cf. 13.2.2. Les matières minérales, 13.2.2.2. Provenance, p. 569.

458
début de l’occupation. Toutefois, il semble que le calcaire, matériau d’origine
locale utilisé dans la fabrication des perles tubulaires à la phase 9 (PPNB moyen),
ait été choisi à un moment où les cyprées étaient pratiquement absentes sur le site.

L’utilisation du cuivre est à rattacher au PPNB récent. En effet, si la


présence de ce matériau est attestée sur le site dès la phase 9 par un seul élément,
son usage devient important à la phase 12. Les rares éléments en améthyste datent
également de cette période.

Une corrélation a été établie entre les matériaux et le gabarit des objets. De
manière générale, les rondelles et les perles en calcédoine sont d’un gabarit plus
grand que les rondelles et les perles en turquoise. De même, les rondelles en
turquoise sont généralement d’un gabarit légèrement plus grand que celui des
rondelles en talc ou en calcaire. Ce constat pourrait s’expliquer par la dureté des
matériaux. Il semble plus aisé de fabriquer des éléments de petite taille en roches
tendres (talc et calcaire) et moyennement tendres (turquoise) qu’en roche dures
(calcédoine).Toutefois, malgré cette corrélation, les gabarits semblent évoluer au
cours du temps, quel que soit le matériau employé. En effet, une réduction
progressive du diamètre des rondelles cylindriques est observée entre la phase 9 et
la phase 13. De même, la taille des perles plates du PPNB moyen est plus élevée
que celles du PPNB récent. Il est intéressant de noter que contrairement à Tell
Halula, les perles plates du PPNB récent du site d’Abu Hureyra sont
particulièrement grandes (Fig. 11.1).

La production des perles plates est un des processus techniques les plus
complexes compte tenu des caractéristiques morpho-métriques de ces éléments. A
Tell Halula, une grande partie de ces perles a été fabriquée dans un matériau dur
et délicat, la cornaline. Leur réalisation présente certainement une série de défis
techniques tout au long des phases de leur fabrication.

Les perles en calcédoine de Tell Halula ont été traitées thermiquement. Plus
de la moitié d’entre elles présentent des stigmates de surchauffe. Cependant, sur
les objets archéologiques, il est impossible de déterminer le nombre de fois que
l’élément a subi la chauffe ainsi que l’ordre ordre chronologique de ce traitement.
Comme le montre l’enquête ethnographique (Roux 2000, p. 40), celui-ci peut se
produire avant la chaîne de transformation, c'est-à-dire juste après l’acquisition, et

459
durant la chaîne de transformation. Par déduction logique, puisque la
transparence est un facteur très important, notamment pour la perforation, et
puisque le traitement thermique, quand il est bien mené et contrôlé, a la vertu de
rendre la matière plus translucide, le traitement thermique a dû très certainement
se produire avant la perforation pour des raisons techniques. Il a pu aussi être
utilisé lors d’une dernière étape, mais cette fois pour des raisons esthétiques visant
par exemple à intensifier la couleur rouge des perles. Cependant, nous n’avons
pas d’indices matériels à notre disposition pour appuyer cette dernière hypothèse.

Les stigmates produits au cours des phases de débitage et de façonnage ont


été généralement effacées au cours de la phase de finition. Dans de très rares cas,
sur les surfaces de certaines perles, des négatifs d’enlèvement couverts de stries
d’abrasion ont été détectés. Ces négatifs témoignent d’un façonnage par l’une des
techniques de taille. L’identification précise de cette technique nécessite une
lecture des stigmates sur les perles mais aussi sur les supports et les déchets de
taille produits. Or, les objets étudiés sont à l’état fini. Il est donc très difficile
d’identifier la technique en l’absence d’indices directs. Il existe cependant certains
aspects que nous pouvons déduire de manière indirecte. Quelle que soit la
technique, une adéquation entre le volume du bloc ou de l’ébauche et le volume
de l’outil est nécessaire.

Les techniques de percussion (directe ou indirecte) peuvent être employées


alternativement au cours de la phase de débitage pour le dégrossissement du bloc.
Néanmoins, l’exécution de ces techniques au cours de la phase de façonnage (par
taille) sur l’ébauche dont le volume a considérablement réduit nous semble peu
probable pour des raisons liées à la préhension mais aussi pour des questions de
précision. Pour la réalisation des préformes, la percussion indirecte offre une plus
grande précision que la précédente. Toutefois, sans dispositifs de fixation de
l’ébauche ou de l’outil intermédiaire, cette technique est difficile à maîtriser sur
des volumes relativement petits tels que ceux des perles plates du corpus107. À
Cambay en Inde les tailleurs des perles en cornaline ont ingénieusement fait face à
ce problème par la fixation de l’un des outils utilisés, une tige en fer, plantée dans
le sol de manière inclinée, la pointe étant orientée vers le haut de manière à servir

La plus grande perle plate en calcédoine du corpus provient d’Abu Hureyra (l : 44 mm ; L : 35.5
107

mm ; e : 7.5 mm). Les mesures les plus communes ne dépassent pas 25 mm de longueur.

460
d’enclume. Cette technique a l’avantage de combiner la puissance et la précision
de la percussion indirecte tout en laissant une main libre pour le maintien et
l’orientation de la pièce à tailler (Pelegrin 2000, p.56). Au Yémen, les tailleurs de
chatons de bagues emploient la technique de percussion directe avec un marteau
métallique à extrémité pointue (Inizan et al. 1992, p 167).

Ignorant quels matériaux ont pu être utilisés aux époques préhistoriques


pour la fabrication d’outils fins et pointus, aussi solides et résistants que ceux en
métaux, il nous est difficile d’imaginer l’emploi de la technique de percussion par
contrecoup (méthode Cambay) ou celle de la percussion directe. Par défaut, la
technique la plus plausible pour le façonnage des perles en calcédoine serait alors
la pression. Le façonnage des perles en roches siliceuses pourrait être équivalent à
la retouche des outils en silex.

On peut imaginer que la phase de perforation se soit déroulée en trois


étapes : la préparation de la surface de perforation, le forage et la jonction des
tubes. La première étape consiste à aplanir la surface, opération qui s’est très
certainement déroulée pendant la phase de façonnage par abrasion, et ensuite à
créer une dépression au centre de la surface destinée à recevoir la mèche du foret.
La deuxième étape est celle du forage proprement dit de la perle d’une part et
d’autre (dans la plupart des cas) et enfin, la troisième étape, dont la réussite
dépend fortement du déroulement de la seconde, consiste à faire joindre les deux
tubes. Pour s’y faire, il est important d’étudier l’orientation du second tube de
forage. Quand celle-ci ne suffit pas, des astuces sont employées pour réussir la
jonction (jonction indirecte), comme par exemple le forage avec une mèche de
diamètre plus petit.

La phase de façonnage par abrasion et finition est celle pour laquelle les
stigmates sont les plus nombreux. D’après la répartition des différents types des
surfaces striées (SS), il a été démontré que les extrémités et les contours des perles
ont été traités de manière différente que les faces et les arêtes. Les premières zones
sont simplement abrasées tandis que les faces sont abrasées puis polies.

Sur les faces des perles, la distinction de trois situations différentes (A, B et
C) basée sur la présence et/ou la combinaison des types des surfaces striées montre
qu’il existe un traitement différentiel des perles. On peut considérer que celles de

461
catégories B et C ont été soumises à un polissage plus fin que celles avec la
situation A. Soulignons que la majorité des perles plates en cornaline ont bénéficié
d’un polissage fin (situations B et C). Le polissage est moins fin (situation A) pour
seulement sept perles de la collection.

Les stries identifiées ont des trajectoires subrectilignes et jamais


parfaitement droites. Les stries parfaitement rectilignes sont généralement
produites par le frottement des objets sur des supports abrasifs mécanisés de type
meule rotative (D’Errico et al. 2000) ou par le frottement « guidé » sur des supports
abrasifs au moyen de rainures. À notre connaissance, pour la période qui nous
intéresse, l’utilisation de supports abrasifs mécanisés comme les meules rotatives
n’a pas été attestée (M. Bofill Martinez, comm. pers.). En revanche, les pierres à
rainure, qui présentent ces caractéristiques, sont connues dès le PPNA au Proche-
Orient. Le site de Tell Halula a fourni plusieurs exemplaires dont certains, décorés,
ont été trouvés dans des sépultures parmi le mobilier funéraire (Molist et al. 2012).
Or, la morphologie délicate et les dimensions des perles plates ne correspondent
pas à celle des rainures de ces objets. Nous n’écartons pas néanmoins l’hypothèse
d’une abrasion des contours des perles à l’aide de pierres à rainure similaires à
celles découvertes sur le site.

10.3. Conclusion

A Tell Halula, seulement deux catégories de formes ont été identifiées : les
formes anatomiques et les formes géométriques. Les cyprées sont les éléments
caractéristiques de la première catégorie tandis que les objets en pierre, les
rondelles et les perles, composent la majorité du groupe composant la deuxième.

D’après leurs emplacements sur les squelettes, les cyprées entrent


principalement dans la composition des ceintures. Les nérites semblent avoir été
destinées à la composition des bracelets. Les lunules en dent ou en cuivre sont
portées comme pectoraux ou torques et les pendeloques biforées sur support en
test le sont autour du cou. Les rondelles et les perles en roches allochtones
(cornaline, turquoise, talc, obsidienne et améthyste) sont utilisées dans la
composition des colliers, des bracelets et des parures de tête mais jamais comme

462
éléments de ceinture. Seules les perles tubulaires en calcaire blanc sont utilisées
dans les ceintures. Disposées en couple dans le sens de la longueur, l’une parallèle
à l’autre, elles ont pour rôle d’imiter la face ventrale des cyprées et semblent les
avoir remplacées en cas de fracture ou d’élément manquant.

Les systèmes d’attache des objets n’ont pas pu être reconstitués. En ce qui
concerne les ceintures, il a été difficile de définir si les éléments étaient fixés sur un
tissu, brodés, ou enfilés et noués sur un même fil, voire simplement attachés entre
eux avec des portions de fil, l’un à côté de l’autre jusqu’à l’obtention de la
longueur souhaitée.

Il est important de souligner un dernier aspect concernant la parure de Tell


Halula, celui de la présence des fibres libres ou sous forme de fragments de
cordelettes torsadées dans la perforation de certaines perles ou sur les extrémités
de certaines des cyprées. Aucune analyse n’a pu être réalisée sur ces restes.
Néanmoins, d’après l’examen à la loupe binoculaire (grossissement x40) mené par
deux archéobotanistes, R. Buxó108 et G. Willcox109, les fibres des fragments de
cordelette sont très probablement végétales. Il existe différents facteurs qui
permettent la préservation des fibres110 : la carbonisation, la déshydratation ou la
minéralisation (Cheval 2010, p. 23). Dans le cas qui nous concerne, il semble que la
minéralisation soit à l’origine de la préservation. Plusieurs fragments sont
entièrement couverts d’ocre rouge et il est possible que la présence d’ocre sur ces
liens ait été en partie responsable de leur bonne conservation (Willcox, comm.
pers.). Rappelons que le site de Tell Halula a fourni une documentation
importante concernant les tissus (Molist et al. 2013b ; Alfaro 2002). Ceux-ci
correspondent à des restes de vêtements, linceuls ou sacs. Des analyses au
microscope optique, effectuées sur des fragments d’étoffes provenant d’une
sépulture, ont révélé l’utilisation de plantes herbacées annuelles comme le lin ou le
chanvre (Alfaro 2002, p. 18).

Les objets de parure de Tell Halula mériteraient enfin d’être examinés en


relation avec les informations disponibles sur personnes qui les portaient (âge et

108Museu d’Arqueologia de Catalunya.


109Archéorient (UMR 5133-Lyon).
110 Les fibres peuvent être observées indirectement par leurs empreintes laissées sur certains

supports, notamment ceux en argile.

463
sexe) ainsi qu’avec les unités domestiques où ont été trouvées leurs sépultures afin
de mieux cerner la question de l’identité et des appartenances.

464
Chapitre 11. Abu Hureyra

Les objets de Tell Abu Hureyra ont été examinés par Claudine Maréchal
dans les années 1980 et un rapport préliminaire a été produit à cette occasion
(Maréchal 1985b). L’auteur a recensé un total de 134 objets stockés au Musée
d’Alep (Syrie), à l’Ashmolean Museum (Oxford, RU) et au département de l’Extra-
Mural Studies à Londres (RU). Au total, 60 éléments proviennent des niveaux
épipaléolithiques (Natoufien récent). Ils sont, pour la majorité, fabriqués en test (58
sur 60) et ont fait l’objet d’une publication en 1991 (Maréchal 1991). Le restant des
éléments, soit 74, appartient aux niveaux néolithiques du site.

Sur l’ensemble des objets recensés et examinés par C. Maréchal, nous avons
étudié un petit échantillon qui provient exclusivement de la phase 2 (2B, 2A et
2A/B) attribuée aux niveaux d’occupation PPNB du site. Composé majoritairement
de perles plates (Fig. 11.1), cet échantillon n’est pas représentatif de la diversité des
types et des matériaux, mais cette sélection est due aux conditions d’étude.

Il s’agit de 16 objets exposés au Musée d’Alep les seuls que nous avons eu
l’autorisation d’étudier, et de six autres objets exposés à l’Ashmolean Museum.
Façonnés en pierre, ils sont de forme géométrique et appartiennent à la classe des
objets à perforation longue centrée, ou perles. Ce groupe de 22 éléments est
constitué de toutes les perles plates trouvées sur le site.

Aucune analyse chimique ou physique de composition n’a été effectuée


pour les objets de parure d’Abu Hureyra. Nous avons néanmoins pu identifier
certaines roches exploitées grâce à la comparaison que nous avons effectuée avec
divers éléments du corpus analysé.

Enfin, précisons que les objets de l’échantillon étudié sont inédits et que
leur étude permet de mettre en lumière l’évolution des perles plates, très
couramment connues sous le nom de « perles papillon », les perles plates d’Abu
Hureyra étant à l’origine de ce terme111.

111 Cf. note de bas de page n° 35.

465
11.1. Les formes géométriques

11.1.1. Objets à perforation longue centrée (perles)

11.1.1.1. Les perles plates


Quatre types se distinguent pour les perles plates : circulaire, elliptique,
rectangulaire et trapézoïdale (Tabl. 11.1).

A. Circulaires
Pour rappel, le volume d’une perle plate circulaire s’inscrit dans un
segment de cylindre de section circulaire dans lequel une longue perforation est
réalisée selon une position transversale (CY.0.I.L.2) (Tabl. 11.1).

Au nombre de neuf (n° 4, 26, 27, 28, 29, 32, 34, 35 et 38), les perles plates
circulaires sont les plus nombreuses à Abu Hureyra 2. La section biconvexe
lenticulaire a été notée pour six perles (n° 4, 26, 27, 29, 35, 38) dont deux présentent
des aménagements combinés de type « col »112 et « convexité »113 (n° 26 et 29). La
section losangique114 définit les trois autres spécimens (n° 28, 32, 34) dont un
présente des aménagements de type « convexité » sur les extrémités (n° 34). Les
perles circulaires sont de différents gabarits (Tabl. 11.2).

Pour trois objets, les matériaux utilisés appartiennent à la famille de la silice


(classe des oxydes) (Tabl. 11.3). Il s’agit de deux perles en calcédoine et une en
cristal de roche. La couleur d’une des perles en calcédoine (n° 35 ; Fig. 11.1a) est de
teinte rosâtre claire et la surface est parsemée de taches rouges plus foncées, dont
la présence pourrait être liée à un traitement thermique. Des taches blanchâtres
opaques sont également présentes. L’autre perle (n° 27 ; Fig. 11.1c) est en agate, de
couleur rouge bordeaux marbrée de taches blanches et grises. Cette perle,
contrairement aux autres, est opaque. La couleur de la perle en cristal de roche
(n° 38 ; Fig. 11.1b) est homogène et unie sur toutes les surfaces, d’un blanc grisâtre

112 Rappelons que l’aménagement « col » est celui d’une proéminence prolongeant la perforation en
la détachant du volume principal. La prise de la mesure de la longueur prend en compte le col.
113 L’aménagement « convexité » est, comme son nom l’indique, celui d’une convexité qui, sur les

faces de la perle, souligne la perforation près de ses extrémités. La prise de la mesure de l’épaisseur
ne prend pas en compte les parties convexes mais le centre de la perle.
114 Les perles plates à section losangique présentent une arête centrale sur chaque face, cf. Fig. 4.11.

466
très clair et transparent. Le quartz choisi pour cette pièce semble être « pur », c’est-
à-dire dépourvu d’inclusions. Rappelons que les roches appartenant à la famille
des silices sont d’une dureté qui s’élève à 6.5 sur l’échelle de Mohs pour les
calcédoines, à 7 pour le quartz, notamment à l’état pur. Notons que les perles
plates en calcédoine/quartz d’Abu Hureyra ne montrent aucun aménagement de
type col ou convexité contrairement à certaines perles plates en cornaline du site
voisin et contemporain de Tell Halula.

La classe des phosphates n’est représentée que par une perle circulaire
(n° 26 ; Fig. 11.1e). Le matériau utilisé est d’une couleur gris-vert marbré et gris
anthracite. De petites taches blanches parsèment la surface ainsi que de fines
veines blanches rappelant des inclusions en quartz. Des creux (géodes ?) cernés de
croûtes beiges ont été observés. La roche, d’après son aspect et sa couleur, est
polyminérale. La dureté mesurée sur une des zones blanches (quartz) s’est révélée
être de 7 tandis que la mesure sur les zones verdâtres est comprise entre 3.5 et 4.5.
La surface est lisse, légèrement brillante quand elle est polie. Le matériau examiné
dans une zone de cassure montre un grain fin et mat. La couleur, l’aspect de la
surface et les inclusions rappellent les phosphates identifiés sur le site de
Mureybet, notamment la variété de la crandallite.

La classe des silicates est identifiée pour 5 perles appartenant à la famille


des talcs (Tabl. 11.3). Ces perles ont une surface savonneuse translucide dans les
zones de faible épaisseur. La dureté est très faible, de 2 sur l’échelle de Mohs. La
couleur est vert olive dans un cas (n° 29 ; Fig. 11.1f), vert sapin dans trois cas (n° 4,
28 et 34 ; Fig. 11.1m-n) et vert clair/beige et vert foncé dans un cas (n° 32 ;
Fig. 11.1d).

B. Elliptiques
Les volumes de ces pièces s’inscrivent dans un volume ellipsoïde de section
biconvexe. La perforation longue s’intègre au centre dans l’axe principal
(El.2.I.L.1). Au nombre de cinq (n° 5, 9, 6, 33 et 36), les perles plates elliptiques ont
toutes une section plate losangique à l’exception de la perle n° 6 qui présente une
section biconvexe lenticulaire. Celle-ci, ainsi que les perles n° 5 et 33 (Fig. 11.1h)
présentent deux aménagements de type « convexité » sur chaque extrémité de la

467
perforation. L’aménagement combiné « col + convexité » est identifié pour une
seule perle plate elliptique (n° 9 ; Fig. 11.1q). La perle n° 36 est simple et ne
présente aucun aménagement (Fig. 11.1g). D’après leurs dimensions (Tabl. 11.2),
elles sont sensiblement plus longues et plus fines que les perles circulaires.

La calcédoine est identifiée pour une perle (n° 36) qui partage les mêmes
caractéristiques que celles de la perle circulaire n° 35 quant à la teinte claire
rosâtre, la translucidité partielle et la présence de taches foncées (Tabl. 11.3). Elle
est également de section lenticulaire et sans aménagements. Deux perles (n° 5 et 6)
de couleur vert sapin ont été réalisées en talc (silicates). La perle n° 9 est de
couleur vert olive foncé, marbrée en vert olive plus clair et traversée par des
veines gris clair. Sa dureté est de 6.5 à 7 selon la zone et sa surface, quand elle est
polie, est très lisse à éclat peu brillant. Par ses ressemblances avec une pendeloque
de Mureybet (n° 1707, Fig. 7.12c), celle-ci pourrait être en amphibole vert marbré.
L’identification d’une perle (n° 33 ; Fig. 11.1h) n’a pas été possible. Elle est de
couleur vert olive clair, légèrement teintée de gris et parsemée de petits points
brillants. La surface est lisse à éclat gras dans les zones polies et à éclat mat dans
les zones cassées. Sa dureté est comprise entre 3.5 et 4.5.

C. Rectangulaire
À ce type appartient la perle n° 31, unique quant à sa forme parmi
l’échantillon. Son volume est celui d’un cylindre aplati dans le centre duquel une
perforation longue axiale a été réalisée (CY.2.I.L.1). La face affichée est donc de
forme rectangulaire (Tabl. 11.1).

Cette perle est de section plate losangique et porte des convexités sur les
extrémités de la perforation (L : 26.4 mm ; l : 18.6 mm ; ep : 3.6 mm). De couleur
vert olive clair teintée de gris et parsemée de petits points brillants, le matériau de
cette perle est identique à celui de la perle elliptique n° 33 que nous n’avons pu
identifier.

468
D. Trapézoïdales
Le volume de ces perles s’inscrit dans un prisme de section quadrangulaire
trapézoïdale (Fig. 11.1i-l/o-p). La perforation longue est centrée dans l’axe
transversal (PR.4t.I.L.2). Au nombre de sept (n° 1, 2, 3, 7, 11, 12 et 37), les perles
trapézoïdales sont toutes de section plate losangique à l’exception de deux (n° 11
et 12) qui sont de section lenticulaire. La présence combinée de col et de convexité
est notée pour 5 exemplaires (n° 2, 3, 7, 11 et 12), la présence de deux convexités
est documentée pour la perle n° 1 tandis que la perle n° 37 est simple (Tabl. 11.2).

Deux perles sont en talc couleur vert olive (n° 1 et 2) et une en talc vert
sapin (n° 11). Appartenant également à la classe des silicates, la famille des
serpentines est représentée par la perle n° 7 (Fig. 11.1p). Celle-ci pourrait être une
lizardite (Tabl. 11.3). De couleur vert sapin, la matière est tachetée de points gris
foncés et traversée de fines veines de couleur anthracite et vert olive clair. La
surface polie a un aspect gras très brillant. La dureté est inférieure à 3. Sous
lumière transmise la matière est translucide dans les zones les moins épaisses
comme par exemple celle de la perforation.

Une roche de couleur vert bleuâtre densément parsemée de petits points


noirs et blancs, de veines blanches et grises et, plus rarement, de tâches
relativement grandes de couleur gris anthracite, a été utilisée pour la perle n° 37
(Fig. 11.1l). D’après ses caractéristiques, elle rappelle fortement l’amazonite
identifié sur le site de Dja’de, de Tell Aswad et de Tell Halula. Rappelons que la
dureté de cette roche s’élève à 6 sur l’échelle de Mohs.

De mêmes caractéristiques que les perles couleur vert olive claire à teinte
grise (n° 31 et 33), le matériau de la perle n° 3, n’a pas pu être identifiée. La dureté
s’élève à 4. La dernière perle (n° 12 ; Fig. 11.1k) dont le matériau n’a pu être non
plus identifié, a été fabriquée dans une roche couleur gris clair, parsemée de très
petits points noirs, gris et vert olive clair et traversée de veines qui pourraient être
en quartz. Sa dureté est de 7 (Tabl. 11.3).

469
11.1.1.2. Analyse morpho-métrique
La mise en relation de la longueur et la largeur des perles plates en fonction
de leur type (Fig. 11.2) montre que la majorité des perles se concentre dans un
groupe dont la longueur est comprise entre 14.9 et 33.5 mm et la largeur entre 16.3
et 33.4 mm. La répartition des éléments au sein de ce groupe correspond à la
réalité des formes (proportion de la longueur et la largeur selon la forme). Notons
que les perles plates prismatiques sont généralement plus longues (33.26 mm en
moyenne) que les perles elliptiques ou circulaires ((Tabl. 11.2).

Trois perles sont isolées du groupe. Parmi elles, deux sont de type
trapézoïdal. L’une d’elles (n° 7), dont la longueur est supérieure à 50 mm, est à col
et convexité, et l’autre (n° 37) est simple, sans aménagement, et sa la longueur est
de 42 mm. La troisième perle isolée (n° 36), de forme elliptique, se distingue
également par ses grandes dimensions et par sa largeur (44 mm) qui est
supérieure à sa longueur (35 mm). Fabriquée en calcédoine, cette perle est l’une
des rares à avoir une forme ovale large. Une explication pourrait être donnée par
l’étude technique des perforations (cf. infra).

Nous avons ensuite examiné le rapport entre le gabarit des perles et leur
aménagement de type col. Rappelons que les aménagements (col et convexités)
sont observés sur tous les types identifiés, bien que le type trapézoïdal soit le plus
fréquemment associé à un col. Nous nous sommes demandé si les perles à col
s’inscrivaient dans les mêmes gabarits que celles sans col. Pour cela, les perles sans
col, les perles à col et, en dernière série, les mêmes perles à col après soustraction
de la longueur de celui-ci ont été comparées (Fig. 11.3). D’après le graphique deux
constats peuvent être fait : d’une part, la présence d’un col peut avoir une
incidence relativement importante sur la longueur étant donné que leur longueur
peut être supérieure à 5 mm dans certains cas, d’autre part, la répartition des
éléments montre que les perles à col, une fois soustraite la longueur de ce dernier,
s’inscrivent approximativement dans les mêmes gabarits que les perles sans col.

La corrélation claire entre le rapport longueur/largeur et le matériau utilisé


pour les perles n’est pas claire. Toutefois, en remplaçant la variable largeur par
celle de l’épaisseur, nous avons constaté que l’on peut classer les perles par
matériau. En effet, le graphique (Fig. 11.4) montre que les perles en roches dures

470
comme celles de la famille du quartz et celle de l’amazonite sont plus épaisses que
les perles en ophiolites (les talcs et les serpentines). Les premières ont une
épaisseur égale ou supérieure à 7 mm tandis que les secondes ont une épaisseur
inférieure à 6 mm. Le reste des perles se répartit dans les mêmes zones que le
groupe des ophiolites ou entre les deux zones alors que certaines, comme
l’amphibole, dont la dureté est égale à celle des perles en quartz, ne se range pas
au même niveau d’épaisseur qu’elles. Cette différence d’épaisseur entre les perles
plates en calcédoine/quartz et amazonite et les perles plates en ophiolites peut être
expliquée notamment par la dureté des matériaux. Y a-t-il une explication autre
que la dureté en ce qui concerne l’épaisseur des perles en quartz ? L’explication
pourrait être donnée par les procédés de fabrication, notamment les phases de
perforation et de finition que nous présentons plus loin.

11.1.1.3. Techniques de fabrication


L’étude des techniques de fabrication des perles plates d’Abu Hureyra se
résume à l’examen des dernières phases de transformations : la perforation et la
finition. Comme pour les perles plates de Tell Halula, les premières phases de
fabrication ne peuvent être étudiées de façon approfondie car les traces qu’elles
ont laissées sont infimes. Nous proposons néanmoins à la fin de cette partie deux
schémas de fabrication selon la nature de la matière et les aménagements apportés
aux perles (cf. infra).

A. La perforation
Toutes les perles plates d’Abu Hureyra sont munies d’extrémités planes au
centre desquelles s’ouvrent les perforations. Les stries d’abrasion sur les
extrémités sont complètement effacées, sauf dans le cas de la perle (n° 32 ;
Fig. 11.1d) qui garde encore des stries très marquées. Sur cette perle en talc, les
stries sont orientées dans l’axe le plus court de la facette, ont une trajectoire
subrectiligne et sont relativement larges. La largeur moyenne calculée est de 101
µm, la largeur minimale est de 58 µm et la largeur maximale de 171 µm.

471
Seules les perles en roches siliceuses portent des stigmates d’un « avant-
trou » sur les contours des ouvertures des perforations. Il s’agit des négatifs
d’enlèvement qui bordent les contours dans un rayon de 1 mm environ (Fig. 11a).
Ces enlèvements s’enfoncent en profondeur sur les parois de la perforation sur
quelques centaines de microns.

La perforation est bipolaire sur les 22 perles plates. Toutes les perforations
bipolaires sont composées de deux tubes. L’alignement des tubes l’un par rapport
à l’autre est axé dans huit cas (Fig. 11.5b) et désaxé dans 14 (Fig. 11.5c). Le rapport
des longueurs des tubes est de 4/6 pour deux perles, l’une en calcédoine (n° 36) et
l’autre en quartz (n° 38). La section des tubes pour ces deux perles est cylindrique
à base droite. Nous n’avons pas pu observer le rapport des tubes ni la trajectoire
des perforations pour le reste des perles. Cependant, sur trois perles en talc vert
sapin (n° 5, 28 et 34), la translucidité de la matière dans certaines zones a permis
d’identifier une section sub-cylindrique (e.g. Fig. 11.1b/g).

Des stries de forage ont été enregistrées sur les parois des tubes dans la
plupart des cas. Régulières et parallèles entre elles, toutes les stries observées sont
continues et concentriques. Sur un matériau tendre comme le talc ou la serpentine,
ces stries s’organisent en bandes très fines, d’une largeur de l’ordre de 2 à 8 µm.
Les limites de ces bandes sont des stries plus profondes et plus larges, d’une
largeur supérieure à 15 µm et qui peut attendre jusqu’à 50 µm (Fig. 11.5b-c).

La jonction entre les tubes est de forme circulaire dans 14 cas, ovale dans
cinq cas et lenticulaire dans trois cas. Notons que la jonction, parfaitement
circulaire, des tubes des perles en agate (n° 27, 35 et 36) est d’un diamètre presque
deux fois plus petit que le diamètre de l’ouverture (Fig. 11.5b). Des négatifs
d’enlèvement sont observés sur les bords de l’ouverture de la jonction et sont
absents sur la surface conservée de la base du tube. Elles peuvent être issues d’un
arrachement de la matière par mouvement rotatif qui a probablement visé à
agrandir la jonction.

Les perles plates d’Abu Hureyra, nous l’avons vu, se caractérisent par une
longueur relativement importante. Par définition, les perles ont la même longueur
que leurs perforations. Nous avons donc des perforations dont la moyenne de la
longueur est supérieure à 28 mm et atteint dans un cas (n° 7) les 50 mm. Pour les

472
22 perles, la moyenne du diamètre de l’ouverture de la perforation est 3.52 mm. Le
diamètre maximal mesuré est de 4.7 mm (n° 37) et le minimal est de 2.5 mm
(n° 31). Ces mesures permettent d’estimer les dimensions des outils, en
l’occurrence les mèches des forets employées. Ainsi, dans le cas de la perforation
la plus longue, mesurant 53 mm, sur la perle en lizardite n° 7, la mèche utilisée
devait avoir une longueur supérieure à 25 mm et un diamètre inférieur à 3.7 mm.

La perforation de la perle n° 36, longue de 35.3 mm, n’est pas disposée dans
l’axe le plus long de la perle. Celui-ci mesurant 44 mm, presque 10 mm de plus
que l’autre. Rappelons que cette perle est réalisée en calcédoine, matériau de
grande dureté. En disposant la perforation dans l’axe le moins long l’artisan a
voulu réduire la difficulté de la tâche.

B. Les surfaces
Les surfaces des perles sont pour la majorité très marquées par l’usure dont
l’une des conséquences est celle de l’effacement des traces de fabrication. Malgré
cela, de nombreuses traces sont encore observables et peuvent être rapprochées de
diverses techniques. Ces stigmates sont différents selon leur emplacement et le
matériau. Sur les perles en talc et en serpentine (lizardite) et d’autres roches vertes,
des stries larges de raclage (e.g. n° 6), des stries de polissage (e.g. n° 7) et des sillons
et stries de sciage (e.g. n° 2), ont été identifiés. Les stries larges de raclage se
localisent sur deux zones : sur les faces près des bordures des perles et de chaque
côté des convexités. Elles s’organisent selon un schéma radial, démarrant tout près
du bord et se terminant vers le centre de la surface. Elles sont subrectilignes à fond
plat et bords continus. Elles sont longues et larges. Leur largeur la plus récurrente
est supérieure à 60 µm et atteint parfois 150, voire 190 µm, bien que le raclage ait
pu produire des stries plus fines, inférieure à 50 µm. Celles-ci ne peuvent être
confondues avec les stries de polissage car elles accompagnent les stries larges et
disposent exactement de la même manière (n° 28 et 32).

Les traces de sciage sont présentes uniquement en association avec les cols.
Il s’agit d’un début de sciage peu poussé qui produit, quand la perle est vue
depuis sa face, une encoche de chaque côté du col dans le but de mettre en valeur
ou d’accentuer le détachement de la partie du col du reste de la perle (n° 2, 9 et

473
29). La petite encoche en question est en forme d’angle à deux micro-facettes
remplies de stries (Fig. 11.5e).

Les stries de polissage ont été observées sur l’ensemble des faces mais sont
moins denses sur les zones des aménagements et celle de l’arête. Ces stries sont
très fines, leur largeur ne dépassant pas 30 µm. La qualité du polissage est
remarquable pour trois perles (n° 1, 2 et 7). Il s’agit d’un polissage à effet
« miroir », c’est-à-dire que la surface est tellement lisse que la lumière se reflète
intensément. La détection des stries de ce polissage a été une tâche délicate à
grossissement x40. Nous avons cependant pu en localiser certaines sur la face de la
perle n° 7, près de l’arête centrale vers le centre de la perle. Celles-ci sont
rectilignes, de longueur variable et de largeur ne dépassant pas les 15 µm et
d’environ 8 µm en moyenne (Fig. 11.5d). La rareté des stries, leur largeur extra-
fine, l’extrême brillance et la régularité de la surface suggèrent que le polissage a
été probablement effectué sur des supports souples enduits d’une matière grasse
permettant l’adoucissement des reliefs. Il est également possible que des bains de
graisse chaude aient été appliqués à ces perles pendant le polissage.

Notons enfin que le polissage n’a pas été effectué pour toutes les perles en
talc, certaines ayant été usées directement après le raclage (n° 6 et 11).

Quant aux perles en roches siliceuses, les stigmates techniques que nous
avons pu identifier sur leurs surfaces sont des stries d’abrasion/polissage.
Rappelons que les aménagements de type col ou convexités ne concernent pas les
perles plates en quartz/calcédoine. Ces stries, dont la largeur est supérieure à 30
µm et inférieure à 60 µm, sont localisées près des bordures et orientées
diagonalement sur l’axe des perles. Perpendiculaires à celles-ci et sur différentes
zones de la face, des stries rectilignes, relativement courtes, à fond plat et dont la
largeur est inférieure à 20 µm, ont aussi été observées. Toutefois, l’étendue de ces
stries et leur répartition sont restreintes car l’usure, représentée par un fort
piquetage qui a produit dans certains cas des enlèvements conchoïdaux, a
contribué à leur effacement.

La fabrication des perles plates adapte les techniques aux matériaux mais
aussi les techniques aux modules. En effet, trois modules de perles plates
nécessitent chacun un traitement différent. Les perles plates simples sans

474
aménagements, les perles plates à col et à convexité et les perles plates à deux
convexités.

11.1.1.4. Chaîne de fabrication des perles plates en talc et en


serpentine à col ou/et à convexités
Bien que nous ne sachions rien de leur extraction et de leur débitage, nous
pouvons supposer que ces opérations ont été réalisées par sciage et par abrasion.
L’ébauche, dont la forme est déjà élaborée (circulaire, trapézoïdale, elliptique), est
perforée de part et d’autre, dans l’axe le plus long. Une fois réussie la perforation,
un véritable travail de sculpture est entrepris par raclage franc et fort de la surface
près des bordures, et doux et délicat dans la zone centrale. La surface, près des
extrémités, est sculptée de chaque côté pour former les convexités (y compris celle
du col). Les bords étant amincis et les convexités prononcées, le polissage peut
désormais entamer la surface pour la régulariser, près des bordures pour atténuer
et adoucir les entailles de raclage, et au centre pour mettre en valeur l’arête
centrale et les convexités. Le défi est alors de mettre en valeur les reliefs sans
endommager la perforation. Le col est détaché du reste du corps de la perle par
raclage (Fig. 11.5d) et, dans certain cas, par la création de deux petites encoches
par début de sciage (Fig. 11.5e). Enfin, le polissage effet « miroir » est effectué par
un frottement sur un support souple, en appliquant peut-être une substance
grasse et probablement chaude qui pénètre facilement dans la matière, adoucit sa
surface et facilite l’enlèvement des irrégularités.

11.1.1.5. Chaîne de fabrication des perles plates simples en


quartz et en agate
Nous ne disposons d’aucune information directe sur le débitage et le
façonnage mais, puisqu’il s’agit d’un matériau de type siliceux, il est probable que
les premières phases de fabrication aient été effectuées par les différentes
techniques de taille. Quelques négatifs d’enlèvements sont observables sur les
surfaces mais le fait qu’ils interrompent la trajectoire des stries constitue une
preuve qu’il s’agit de négatifs accidentels et non ceux issus d’une mise en forme

475
par taille (dans le cas contraire, les surfaces des négatifs seraient également
striées). La perforation a probablement eu lieu avant la phase de finition. Elle
nécessitait une préparation par la création d’un avant-trou permettant le calage de
la mèche du foret. Les tubes de perforation sont parfaitement cylindriques et leur
diamètre bien plus large que ceux de la jonction. Autrement dit, dès qu’une
ouverture suffisamment grande permettant le passage d’un lien est produite par la
jonction des deux tubes, le forage est arrêté. En effet, l’artisan ne cherche pas à
produire une jonction au diamètre aussi grand que celui du tube. Après la
perforation, les perles sont abrasées finement et polies. Le polissage à effet
« miroir » ne concernant pas les perles en roches de la famille du quartz. Par
ailleurs, ces perles n’ont pas reçu de lustrage. Un traitement thermique est
identifié pour les trois perles en agate par la présence de tâches et de trainées de
surchauffe de couleur blanchâtre et grisâtre.

11.1.1.6. Traces d’usure


Le type d’usure identifié sur les des perles plates d’Abu Hureyra est celui
de l’usure de la surface qui consiste à un émoussement des bordures, des arêtes et
un effacement partiel des stries de polissage. Dans un cas, l’usure a atteint le
volume. Il s’agit de la perle n° 34 en talc vert foncé. En effet, sur l’une des faces de
cette perle, la zone correspondant à la perforation est presque entièrement détruite
et trouée (Fig. 11.1f). Sur une perle de Dja’de (n° 82-DjIII) du même matériau que
celle d’Abu Hureyra et sur la même zone, des stigmates identiques ont observés.
Cette matière, très tendre, a été probablement affaiblie depuis l’intérieur d’abord
par le forage, ensuite par l’usure produite par le frottement du lien, mais aussi
depuis l’extérieur par le frottement de l’objet contre le corps paré.

11.1.2. Synthèse générale et conclusion

Dans cette étude, nous avons traité uniquement les perles plates de Tell
Abu Hureyra. Celles-ci proviennent exclusivement des sépultures où elles furent
découvertes associées aux squelettes humains d’adultes et d’enfants (Moore &
Molleson 2000, p. 278). Outre ces perles, la collection de parure compte, d’après le

476
rapport d’étude inédit (Maréchal 1985), sur d’autres types d’objets en pierre
(pendeloques, rondelles et disques), en os (tubes) et en coquillages (cyprées). Nous
ignorons dans quel contexte furent découverts ces éléments. Il est par difficile
donc d’établir que les perles plates sont les seuls éléments associés aux défunts au
site d’Abu Hureyra et nous ne pouvons par conséquent pas se prononcer sur leur
statut ou leur fonction. Toutefois, et de toute évidence, les perles plates d’Abu
Hureyra sont des objets exceptionnels. Elles affichent des dimensions
généralement grandes et leurs formes géométriques sont façonnées selon une
symétrie remarquable. Les matériaux employés sont de très bel aspect, les
couleurs, unies ou marbrées, sont très attrayantes. Le polissage, soigné et très
poussé sur certaines pièces, offre une surface extrêmement lisse qui reflète le
moindre rayon de lumière. La perforation, très longue et étroite, constitue par
ailleurs un véritable défit technologique, notamment sur les roches dures.

Des aménagements particuliers, « cols » et « convexités », sont produits sur


les matériaux de faible et moyenne dureté (talc, serpentine et phosphates), sur les
extrémités des perforations. Sur les perles en roches siliceuses (calcédoines ou
quartz) ces aménagements sont absents. Dans le site voisin et en partie
contemporain, de Tell Halula, ces aménagements sont documentés aussi bien que
sur les roches tendres que sur les roches dures (cornaline). Peut-on considérer
l’absence des aménagements sur les roches dures à Abu Hureyra comme liée aux
difficultés techniques que ces roches imposent ? Il est difficile de répondre à cette
question dans l’état actuel de la recherche sur la parure d’Abu Hureyra ainsi que
celle des perles plates en générale.

477
478
Chapitre 12. Tell Aswad

Les éléments de Tell Aswad composant notre corpus sont issus des fouilles
menées sous la direction de D. Stordeur entre 2001 et 2007. Les éléments de parure
provenant des fouilles anciennes (fouilles H. de Contenson) ont été étudiés par C.
Maréchal et les résultats obtenus ont fait l’objet d’une publication (Maréchal 1995).

La collection a été constituée par nous avec des objets très variés provenant
de contextes archéologiques divers et dont la nature est parfois difficile à
comprendre. En effet, en plus des objets de parure finis nous y avons inclus tout
élément susceptible d’appartenir à la catégorie de parure : des objets non finis
abandonnés en cours de perforation, de petits fragments de roches (dont certaines
sont les mêmes utilisées pour les éléments finis) portant des traces de sciage, des
roches portant des incisions en guise de décoration. À cela, nous avons rajouté
quelques pièces collectées en surface pas les enfants de l’actuel village de Tell
Aswad. Nous nous sommes intéressée à ces objets pour deux raisons : la première
est que les couches archéologiques du site sont extrêmement proches de la surface,
notamment dans les aires funéraires, la seconde est que ces éléments, d’après leurs
formes, matériaux et types, sont tout à fait identiques aux objets de parure trouvés
sur le site en contexte stratigraphique ou sur d’autres sites contemporains.

À l’issue des premiers résultats de l’étude, nous avons procédé à un tri des
objets. Ainsi, sur 233 éléments rassemblés au départ, nous en avons retenu 211.
Ceux-ci comprennent, d’une part, 187 élément « finis » ou abandonnés en cours de
perforation, qui sont fabriqués en matières dures d’origine animale (coquillage, os
et dent) ou en matières minérales (roches et terre), et, d’autre part, 24 fragments de
matières minérales que nous avons classés selon leurs stades d’avancement dans
la chaîne de fabrication. Notons d’emblée qu’aucun coquillage en cours de
percement ou de façonnage n’a été trouvé sur le site contrairement aux éléments
en matières osseuses qui existent à l’état non fini, en cours de forage. Les éléments
en terre offrent également des exemples en cours de fabrication (préformes ?) mais
les roches restent de loin la matière la plus fréquente représentant, outre les objets
finis, différents stades de fabrication : les matrices, les ébauches (ou préformes) et

479
les déchets (Tabl. 12.1). Ces éléments seront pris en compte lors du développement
des aspects technologiques ou concernant les matières premières.

Parmi les 189 éléments de parure, 144 sont de forme géométrique, 64 sont
de forme anatomique et un sont de forme singulière.

La majorité des éléments provient du secteur le plus intensément fouillé, le


secteur B, à l’ouest du tell. Une douzaine d’éléments provient du secteur C situé à
l’est du site. D’après les datations et l’appartenance stratigraphique, la majorité
des éléments appartiennent à la phase récente (niveaux B2 à B-5 pour le secteur B
et C3, C2 et C1 pour le secteur C). Ceux-ci sont au nombre de 127 dont plus de la
moitié (76) provient du niveau B0. Les niveaux B-5 et B2 ont fourni une quinzaine
d’objets tandis que les autres niveaux n’ont pas livré plus de cinq éléments dans
les meilleurs des cas (niveau C2). Le nombre élevé d’objets appartenant au niveau
B0 s’explique par la découverte groupée d’une parure type « collier » entourant les
vertèbres cervicales d’un individu inhumé dans l’aire funéraire de ce niveau. Un
total de 63 éléments appartient à la phase moyenne du site (B7 à B3 pour le secteur
B, et C4 pour le secteur C) dont une vingtaine provient du niveau B4, 12 du niveau
B5 et neuf du niveau B7. Les autres niveaux ont fourni peu d’éléments, i.e. entre
quatre (niveau B3) et sept (niveau B8). Enfin, c’est dans la phase ancienne que le
nombre d’éléments est le plus faible. Seulement 21 objets y ont été découverts dont
la majorité, 17 éléments, provient du niveau le plus ancien, B12 (cf. Tabl. 12.1).

La collection de parure de Tell Aswad (2001-2007) est inédite sauf en ce qui


concerne les coquilles de cyprées qui ont fait l’objet d’une publication (Alarashi
2010). Par ailleurs, des résultats préliminaires sur ces objets ont été présentés dans
les rapports inédits de fouille (Stordeur 2001, 2003 ; Alarashi in Stordeur 2002,
2005, 2006 ; Delerue in Stordeur 2004).

Un seul élément en pierre a pu bénéficier d’une analyse de composition


minéralogique par diffractométrie aux rayons X. Les matières dures d’origine
animale ont été déterminées par nous-mêmes et grâce à la validation de
chercheurs spécialistes115. Pour les éléments en terre, aucune analyse n’a pu être
réalisée mais nous nous sommes basée, pour décrire ces objets, sur les résultats de
la thèse doctorale de R. Ayobi (2013) sur les objets en terre du site de Tell Aswad.

115 L. Gourichon, CEPAM (UMR 7264) et D. Helmer, Archéorient (UMR 5133).

480
12.1. Les formes anatomiques

Les objets de forme anatomique, au nombre de 48, sont fabriqués


majoritairement en coquillage. La pierre a été façonnée selon une forme
anatomique dans trois cas (les pendeloques contournées) et la matière osseuse est
représentée par une défense de sanglier.

12.1.1. Les coquillages

Les éléments de parure en coquillage de forme anatomique sont au nombre


de 44 à Tell Aswad (Fig. 12.1 et 12.2). Ils appartiennent aux trois classes de
mollusques à coquilles : les bivalves, les gastéropodes et les scaphopodes. Au sein
de la classe des bivalves, la famille des Glycymerididae a été identifiée. Pour la
classe des gastéropodes, il s’agit de sept familles : les Trochidae, les Neritidae, les
Cypraeidae, les Muricidae, les Nassariidae, les Columbellidae, et les Conidae
(Tabl. 12.2). Enfin, dans la classe des scaphopodes, la famille des Dentaliidae été
identifiée. À l’exception du genre Theodoxus de la famille des Neritidae, dont
l’habitat naturel est celui des eaux douces et saumâtres, toutes les autres familles
de gastéropodes identifiées, ainsi que la famille des dentales, sont marines.

Aucun élément en coquillage n’a été trouvé dans la phase ancienne du site.
Cette absence pourrait s’expliquer par le fait que les niveaux anciens ont été peu
fouillés contrairement aux niveaux de la phase récente ou moyenne (Tabl. 12.2).

12.1.1.1. Trochidés
La coquille n° 2 provient de la phase moyenne (niveau B5). Elle a été
découverte dans une cuvette (St. 629, US 623) dans laquelle des ossements
humains isolés ont été trouvés (R. Khawam comm. pers.) ainsi que de la matière
première brute (matrice) en roche translucide verte (n° 7).

La forme globuleuse de ce gastéropode est mise en valeur dans la partie du


dernier tour notamment dont le périmètre est rond et le volume renflé (Fig. 12.1a).
L’ouverture naturelle est relativement grande, de forme semi-circulaire, le côté

481
droit correspond à la columelle qui présente une encoche naturelle en son centre.
L’état de préservation du test est mauvais car la couche de periostracum a disparu
sur une grande partie de la surface externe. Néanmoins, les zones qui conservent
encore le periostracum montrent une belle surface de nacre sur laquelle le décor
naturel peut encore se deviner. Sur un fond clair de couleur orange clair ou beige,
des taches foncées (grises ou marron) sont alignées selon des lignes horizontales.
La couche de nacre est partiellement préservée à l’intérieur de la coquille. L’apex
est cassé ainsi que le labre (h conservée : 13 mm ; d max. : 17 mm). Le percement a
été réalisé sur le dos, juste au-dessus de l’encoche de la columelle au niveau de
l’ouverture naturelle.

Le décor, les caractéristiques morphologiques et le volume général


évoquent fortement une coquille de la famille des Trochidae, en particulier
l’espèce Osilinus turbinatus qui est originaire de la Mer Méditerranée.

De forme irrégulière mais s’inscrivant dans une forme ovale, il mesure 4


mm dans son axe maximal. Une fissure reliée à une minuscule encoche sur le
contour du percement peut être observée. Le test étant érodé dans cette zone, il
s’agit du seul indice permettant de proposer la percussion ou la pression comme
technique de percement. L’irrégularité de la forme du contour est un argument
qui appuie notre hypothèse.

Le contour du percement est marqué par une encoche dont l’orientation


correspond à celle de la columelle de la coquille. La zone entre les deux encoches
est légèrement jaunie. Il pourrait s’agir de la zone du passage du lien qui, d’après
les traces bien marquées, devait être contraint. Notons par ailleurs que la face du
percement est plus détériorée que la face opposée. La coquille était-elle cousue sur
un vêtement en guise de bouton ? Ou attachée à l’extrémité d’un lien afin de
former la pièce de fermeture d’une parure ? Il est difficile de donner une réponse
en absence d’indices clairs sur le contexte.

12.1.1.2. Nérites marines


Les coquilles du genre Nerita sont au nombre de quatre (Tabl. 12.2) dont
trois (n° 5, 165 et 171) proviennent de la phase moyenne, et l’autre (n° 223) de la
phase récente. L’élément n° 5 (Fig. 12.1b) a été découvert dans un contexte de

482
« cuvette » du niveau B4 (St. 584, US 567), dans laquelle les ossements isolés d’un
sujet humain d’âge périnatal ont été trouvés. Les nérites n° 165 (Fig. 12.1c) et 171
proviennent pour l’une d’une préparation de sol (ragréage) (St. 645, US 651)
d’EA18 (niveau B5), pour l’autre d’une couche d’occupation extérieure (US 685-
niveau B8). Le dernier élément (n° 223) est le seul à provenir d’un contexte
clairement funéraire. Il est associé à un crâne isolé (n° 2) dans une sépulture
collective (St. 544, US 518) de l’aire funéraire du niveau B0.

Le test est conservé pour trois nérites (n° 5, 165 et 171). Celles-ci sont de
couleur orangé-clair et sur l’une (n° 165) la qualité du test est telle que les motifs
naturels sont encore visibles. Il s’agit de bandes couleur rose-orange parallèles
disposées longitudinalement sur le dos en partant du sommet. Le test de la
coquille n° 223 est érodé et l’état de préservation est mauvais. Les quatre nérites
sont cassées à différents endroits : les nérites n° 5 et n° 171 présentent des fractures
qui ont emporté toute la face ventrale et une partie de la perforation. La fracture
de la nérite n° 223 a emporté à son tour toute la face dorsale ainsi que la
perforation. Seule la nérite n° 165 conserve encore la perforation complète (d : 5.1 x
2.2 mm) mais une fracture a emporté le bord pariétal de la callosité columellaire de
la coquille (d’après nos estimations, h : 15 mm ; l : 13 mm ; e : 7 mm).

Les percements sur les nérites n° 5, n° 165 et n° 171 ont consisté à supprimer
la partie convexe du sommet de la coquille. Les parties non fracturées des
percements montrent un contour relativement régulier de forme ovoïde, mais sans
aucune plage d’abrasion. Nous n’avons pas pu identifier la technique employée
pour le percement de ces coquilles. Par ailleurs, deux nérites (n° 165 et 171)
portent un deuxième petit trou adjacent dont la séparation avec le premier a été
cassée. Le contour du deuxième trou est parfaitement circulaire car il correspond
exactement à l’emplacement de l’apex, ce dernier étant aplati pour les coquilles de
cette famille. L’altération des couches du test aurait pu être à l’origine du
détachement de l’apex laissant ainsi un espace vide à la place. Enfin, les labres,
quand ils ne sont pas fracturés ou érodés, portent des encoches d’usure bien
marquées (n° 165 et 171). Le labre de la nérite n° 165 est abrasé au centre, juste à
l’endroit de l’encoche. L’abrasion a créé une sorte de petite facette très étroite. Sur
le dos de la coquille, entre l’encoche et le sommet, une zone est marquée
probablement par le passage d’un lien à cet endroit.

483
Il est probable que la technique de percement soit l’abrasion étant donné
que l’artisan l’a employée pour le labre, d’une part, et parce que cette technique a
été identifiée pour une nérite de la collection provenant des fouilles d’H. de
Contenson, d’autre part (Maréchal 1995, p. 134) ainsi que pour des nérites
trouvées dans le site contemporain de Tell Halula.

12.1.1.3. Nérites d’eau douce


Parmi les neuf coquilles de Theodoxus (Tabl. 12.2), six appartiennent au
niveau B4 (n° 3, 4, 31, 197, 198 et 199). Les deux premières proviennent d’une
cuvette (St. 584, US 567) dans laquelle les ossements d’un sujet périnatal ont été
trouvés. Rappelons que la nérite marine n° 5 a été trouvée au même endroit (cf.
supra). La coquille de Theodoxus n° 31 a aussi été trouvée dans une cuvette (St. 579,
US 535) associée aux ossements d’un enfant. Notons que trois cyprées (n° 9, 42 et
43) ont été découvertes regroupées dans la même couche de la cuvette à un mètre
de distance environ (locus i138). La coquille n° 199 provient, comme les
précédentes, d’une cuvette (St. 13, US 38) profonde creusée dans les décombres de
la maison EA 8. Les deux dernières nérites, (n° 197 et 198) du niveau B4 ont été
découvertes ensemble dans une couche sableuse sur un lit de phytolithes disposé
sur un sol de terre à bâtir (St. 28, US 36).

Les deux nérites du niveau B2 (n° 21 et 22), ont été trouvées ensemble dans
une cuvette (St.598, US 582) qui coupe la préparation du sol de la maison EA 14.
Des ossements humains isolés y ont été trouvés ainsi qu’un certain nombre
d’objets de parure en coquillage (N° n° 17, 132 et 133) et en pierre (n° 23 et 34) et
une ébauche en pierre (n° 227).

Enfin, une seule nérite (n° 170) appartient au niveau B8. Elle a été
découverte isolée dans une couche de démolition (US 673).

L’état de préservation est bon pour trois coquilles (n° 4, 21 et 170) qui ont
gardé encore leur décor naturel. L’état de préservation est moyen pour les autres
sauf pour la coquille n° 197, dont l’état est mauvais, cette coquille étant brûlée et
cassée. Deux couleurs distinguent les Theodoxus de Tell Aswad : la couleur beige
(n° 21, 22, 198 et 199) et la couleur marron gris foncé (n° 3, 4, 31, 170 et 197). La
coquille n° 21 conserve encore son décor naturel composé de bandes brunâtres

484
horizontales sur fond beige. Les coquilles n° 4 (Fig. 12.1d) et 170 conservent un
décor composé de lignes et tâches blanchâtres sur fond gris. Toutes les nérites sont
cassées au niveau du labre (pour sept spécimens, en moyenne, h : 7.59 mm ; l : 6.46
mm ; e : 4.9 mm).

Les percements prennent place sur le sommet de la coquille sauf sur la


nérite n° 21 où il est situé sur le dos. Le diamètre moyen des percements est de
2.63mm. Le contour du percement est régulier dans tout les cas et la forme varie
entre ovale (e.g. n° 198) et subcirculaire (e.g. n° 199). Les plages d’abrasion
entourant les percements sont présentes dans tous les cas bien que certaines soient
plus visibles que d’autres. Les stries d’abrasion à l’intérieur des plages ne sont
plus visibles.

Les labres de ces coquilles présentent tous des fractures anciennes


émoussées. Dans le cas de la coquille n° 199, une encoche est très clairement
identifiée et pourrait avoir été produite par l’usure. Sur le contour du percement
de cette même coquille, un léger étirement est observé et enfin sur la zone du dos
entre le percement et le labre, le test est plus érodé qu’ailleurs. Cela pourrait être
lié au passage du lien et au frottement provoqué par celui-ci. Rappelons que ce
schéma d’usure est observé sur les Theodoxus de la période Khiamienne et PPNA à
Mureybet et pour le PPNA de Jerf el-Ahmar.

12.1.1.4. Cyprées
A. Contexte archéologique
Au total, 13 cyprées ont été trouvées à Tell Aswad dont cinq dans la phase
moyenne et huit dans la phase récente (Tabl. 12.2 ; Fig. 12.2). Leur apparition
remonte au niveau B5 : il s’agit de la moitié columellaire d’une cyprée (n° 176),
découverte dans un sol extérieur (US 639) de la structure EA 18.

Le niveau B4, particulièrement riche en coquillage, a fourni trois cyprées


(n° 9, 42 et 43 ; Fig. 12.2e, 12.2h). Celles-ci furent découvertes l’une à côté de l’autre
dans une cuvette (St. 579, US 535) contenant les ossements isolés d’un enfant. Dans
la même cuvette, une petite nérite a été également trouvée non loin de ces cyprées
(cf. supra).

485
Le niveau B3 a fourni le bord labial d’une cyprée (n° 35) qui fut découverte
durant le démontage d’un petit muret (St. 352) de subdivision de la maison EA 21.
Ce muret entourait la sépulture St. 344 contenant les ossements isolés d’un enfant.
Il est donc possible que ce bord labial soit associé à ces restes humains.

Parmi les cyprées de la phase récente deux appartiennent au niveau B2.


L’une (n° 104 ; Fig. 12.2c) provient d’une fosse (St. 320, US 189) pour laquelle nous
n’avons pas d’informations, et l’autre (n° 132 ; Fig. 12.2b) a été découverte dans la
cuvette (St. 598, US 582) qui contenait des ossements humains isolés. D’autres
éléments de parure ont également été trouvés dans cette cuvette (cf. supra).

Le niveau B1 a livré un fragment labial (n° 144) découvert dans une couche
dépotoir (cuvette ?) (US 486) dans laquelle se trouvaient aussi des ossements
humains.

Deux cyprées proviennent du niveau B0 : un bord labial (n° 11) trouvé dans
une cuvette (St. 585, US 568) contenant des ossements humains, et la cyprée n° 180
(Fig. 12.2d), la seule à être clairement associée au squelette d’un sujet adulte (St.
209). Cette deuxième cyprée était localisée au niveau du pelvis.

La pièce n° 143 (Fig. 12.2f) correspond à la moitié columellaire d’une cyprée


et provient d’une couche de démolition (US 450) attribuée au niveau B-1. Il
convient de préciser que cette couche est riche en ossements humains isolés qui
appartiennent à des adultes et à des sujets immatures. La coquille était très
certainement associée à l’un des individus enterrés.

Le niveau B-3 a livré une cyprée (n° 203 ; Fig. 12.2g) qui fut trouvée dans
une cuvette (St. 55, US 67) riche en objets de terre cuite. Enfin, dans le niveau le
plus récent, B-5, la cyprée n° 33 (Fig. 12.2a) provient d’une grande fosse (St. 167,
US 550) coupant l’aire funéraire à l’ouest. Cette fosse est très riche en matériel
faunique et contient de nombreux restes humains isolés. Là aussi, il est possible
que cette cyprée ait été associée à l’origine à un squelette qui fut perturbé par la
fosse. Le fouilleur note qu’aucune céramique n’a été trouvée dans cette fosse qui
appartient donc certainement à un niveau néolithique précéramique.

486
B. Etat de préservation
L’état de préservation des cyprées est mauvais dans sept cas : l’une d’elles a
été détruite au moment de son dégagement (n° 9), trois se sont fracturées peu
après leur extraction, le temps de les photographier et dessiner (n° 42, 43 et 180).
Les trois dernières (n° 35, 104 et 176), non endommagées, présentent un
periostracum dégradé qui laisse apparaître les couches d’ostracum.

Le test des autres cyprées se caractérise par un periostracum ayant perdu sa


couleur et ses motifs naturels. L’état peut être donc considéré comme moyen.
Cependant, des craquelures sous forme de stries extrêmement fines parfaitement
rectilignes parcourent la face ventrale entre l’ouverture naturelle et les bords
latéraux de la coquille. Un dépôt noir s’est incrusté à l’intérieur de ces fissures.

Après l’intervention technique sur ces coquilles consistant à créer les


dispositifs d’attache, des fractures se sont produites et ont parfois emporté une
grande portion de la cyprée. Sept cyprées ont été découvertes complètes, quatre
conservent uniquement le bord labial et deux autres la partie columellaire. Enfin
trois bords labiaux (n° 11, 144, 203) ont été brûlés. Ils proviennent de cuvettes
composées essentiellement des couches brûlées cendreuses (cf. supra).

C. Identification taxonomique
Malgré le faible effectif, au moins trois espèces de cyprées ont été
identifiées : Luria lurida (n° 9, 42, 43 et 176) d’origine méditerranéenne, Erosaria
nebrites (n° 132 et 203) et Erosaria turdus (n° 33, 104, 143 et 180), toutes deux
originaires du nord de la Mer Rouge (Heiman 2002). Pour trois cyprées (n° 11, 35
et 144) l’espèce n’a pu être déterminée. Mais il s’agit certainement du genre
Erosaria que nous distinguons grâce à la présence des fossettes, critère
morphologique caractéristique de ce genre116. Les dents peu marquées et non
étendues évoquent les dents de l’espèce turdus mais aussi spurca qui vit dans la
Mer Méditerranée. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous prononcer quant à
l’origine de ces trois coquilles étant donné que le genre Erosaria a une aire de
distribution couvrant les deux mers. Notons enfin que les anciennes fouilles de

116Cf. Les bords latéraux et la spire, p. 87.

487
Tell Aswad ont fourni deux cyprées, dont l’une est une Monetaria moneta et l’autre
un bord labial d’Erosaria turdus. Les deux sont originaires de la Mer Rouge.

Deux coquilles de L. lurida ont pu être mesurées. L’une (n° 42) mesure 31
mm de hauteur et 18 mm de largeur, tandis que l’autre (n° 43) fait 35 mm de
hauteur et 20 mm de largeur. Les trois coquilles complètes d’E. turdus ont une
hauteur de 25.0 à 28.8 mm (l : 18 à 20 mm). La seule E. nebrites complète mesure
23.6 mm de hauteur et 16.4 mm de largeur. Cette espèce est généralement plus
petite, mais son test est plus épais (plus résistant ?) que celui d’E. turdus.

D. Types et techniques
Plusieurs aménagements techniques ont été étudiés. Ils concernent
principalement la création d’un dispositif d’attache. L’aménagement le plus
courant est celui de la suppression du dorsum qui a créé une très grande
ouverture permettant le passage d’un lien à travers l’ouverture naturelle sur la
face ventrale de la coquille. Cet aménagement concerne les 13 cyprées du site ainsi
que les deux cyprées issues des anciennes fouilles de H. de Contenson (Tabl. 12.3).
L’abrasion est la technique employée, au moins en dernière étape, pour huit
cyprées (N° n° 11, 33, 35, 104, 132, 144, 176 et 180). Les ouvertures créées sont
caractérisées par un contour régulier dont la surface est plane. Les stries d’abrasion
sont entièrement effacées.

Dans deux cas (n° 42 et 143), le contour d’ouverture de deux cyprées est
irrégulier et présente des arrachements du test sur les faces internes et externes. La
coquille n° 42 étant mal préservée, il est difficile d’identifier si la percussion fut
d’origine anthropique ou naturelle (par entrechoquement sur les plages). Quant à
la coquille n° 143, elle présente une usure naturelle générale et l’ouverture du
dorsum a certainement eu lieu avant le ramassage par l’homme.

Enfin, le sciage pourrait être la technique employée pour la suppression du


dorsum de l’élément n° 203. En effet, le contour de l’ouverture est plan et régulier
tout au long du côté labial sauf au niveau des extrémités où il est plus élevé et
porte des encoches correspondant à l’arrêt de l’outil tranchant. L’élévation du
contour correspond à la zone non sciée mais arrachée du dorsum.
L’expérimentation de sciage du dorsum que nous avons réalisée sur une cyprée

488
(Fig. 12.3a-b) a produit les mêmes stigmates : une ouverture de surface plane au
centre (surface sciée) et légèrement irrégulière et élevée près des extrémités
(surface arrachée). Les stries de sciage, le sillon de sciage et ceux du dérapage
observés sur le bord latéral et vertical de la coquille expérimentale ne sont
cependant pas observées sur le spécimen archéologique.

Pour deux spécimens (n° 132 et 203), la morphologie de la surface de


l’ouverture est régulière et plane à certains endroits (Fig. 12.3c-d) tandis qu’elle
est vallonnée (en relief) à d’autres endroits, parfois avec les traces d’une butée de
sciage ou de découpe (Fig. 12.3d). Dans les secteurs où le bord est incurvé, des
arrachements du test sont observés (Fig. 12.3c). Ces observations nous laissent
penser que le dorsum pouvait être supprimé en deux étapes : un percement rapide
par percussion afin d’affaiblir la structure extrêmement solide en dôme de la
coquille ; une suppression de l’irrégularité du contour par abrasion. Le percement
est ainsi agrandi par une technique moins violente et moins risquée que la
percussion, mais plus lente. Les techniques lentes sont généralement dédiées aux
étapes de finition qui visent la perfection.

Une seule cyprée (n° 43), unique pour tout le corpus, a conservé son
dorsum, le système d’attache étant constitué de petites perforations. Au nombre
de quatre, ces perforations sont distribuées symétriquement près des extrémités
des surfaces latérales (Fig. 12.2h). Comme les contours sont irréguliers et ébréchés,
nous pensons que ces percements ont été réalisés par percussion indirecte ou par
pression. Rappelons que cette coquille appartient à l’espèce L. lurida dont le test est
relativement fin contrairement à celui du genre Erosaria. De même, s’il s’agit d’un
taxon non adulte, le test est encore moins développé en épaisseur117 Un cinquième
trou situé sur la face ventrale columellaire a été ajouté sur ce spécimen. De contour
subcirculaire régulier (d : 3 mm), il ne présente plus aucune strie. Nous n’avons
donc pas pu identifier si son forage a été réalisé de façon manuelle ou mécanique.
La régularité du contour plaide plutôt pour un forage mécanique de type foret à
l’archet. Les deux cyprées (n° 9 et 42) découvertes avec l’élément n° 43, bien que
leur dorsum supprimé offre ainsi une grande ouverture, présentent également des

117Au cours du cercle de la croissance, avant l’âge adulte, la coquille ne se développe plus dans le
sens de la hauteur et de la largeur. La croissance se fait par épaississement du test et grossissement
des dents (Walls & Taylor, 1979).

489
perforations régulières au centre de la face ventrale columellaire. Le diamètre de la
perforation de l’élément n° 42 (Fig. 12.2e) est de 3.8 mm.

La pièce n° 176 correspond à un fragment érodé d’un bord columellaire


dont l’extrémité postérieure est conservée. Une perforation prend place dans la
zone la moins large de la surface, à proximité de l’extrémité, au niveau de la
dernière dentition. Le dorsum de cette cyprée a été supprimé. Une portion du
contour de son ouverture, dont la surface est moins altérée qu’ailleurs, montre une
facette plane et régulière caractéristique d’une abrasion. À l’opposé, une cassure
transversale a emporté le reste de la columelle. Le test étant très érodée et ébréché
sur la bordure de la cassure, rien ne permet d’identifier si celle-ci est ancienne.
Nous ignorons donc s’il s’agissait au départ de toute la face ventrale columellaire
ou d’une portion de celle-ci. Quoi qu’il en soit, la perforation aménagée près de
l’extrémité met en évidence un cas de recyclage ou de récupération de la coquille
fracturée. Sur le site de Halula est attesté un cas de recyclage d’une columelle où
des rainures ont été aménagées à chaque extrémité pour permettre d’y nouer un
lien (cf Fig. 10.1i).

Nous retiendrons que les cyprées ayant des petits percements sont toutes
des L. lurida, l’espèce méditerranéenne.

Un autre type d’aménagement observé sur les cyprées visait très


certainement à en décorer les surfaces. Deux éléments sont concernés ici, tous
deux provenant des derniers niveaux de la phase récente : la cyprée n° 33 (niveau
B-5) et la columelle n° 143 (niveau B-1). Sur la face ventrale de la coquille n° 33,
nous avons compté douze incisions côté columellaire et treize côté labial
(Fig. 12.4b). Mesurant entre 2 et 6.2 mm de longueur, elles sont disposées selon un
modèle radial qui suit exactement les orientations des dents columellaires et
labiales près de l’ouverture naturelle. Il semblerait que l’artisan ait voulu
prolonger artificiellement ces dents jusqu’aux bords des surfaces latérales de la
coquille. Plus courtes (L : 1.5 à 4.5 mm) et nombreuses (entre 15 et 20), les incisions
sur les faces latérales sont parallèles entre elles ; certaines rejoignent les incisions
de la face ventrale, d’autres atteignent les bords de l’ouverture abrasée sur la face
dorsale.

490
Les incisions sur la columelle n° 143 sont moins régulières que celles de la
cyprée n° 33. Sur la face ventrale, nous pouvons compter huit incisions
« profondes » et entre huit et onze incisions « superficielles ». À l’endroit le plus
large de la columelle se trouve l’incision la plus longue et parmi les plus
profondes. Contrairement à l’exemple précédent, seules les incisions du centre
suivent l’orientation des dents columellaires. Les incisions les plus éloignées du
centre sont parallèles à celles du centre et ne prennent pas en compte l’orientation
des dentitions. Sur la face latérale on observe une seule incision profonde et
longue qui constitue en réalité la continuité de l’incision centrale de la face
ventrale. D’autres petites stries irrégulières se trouvent également sur cette face.
L’intention de décorer reste difficile à saisir, notamment en l’absence de l’autre
moitié de la cyprée, le côté labial.

Les incisions sur les faces ventrales et latérales de ces deux cyprées ont été
réalisées par un mouvement de va-et-vient propre à la technique de sciage. La
section des sillons est en forme de V et, à l’intérieur, des séries de stries longues de
forme fusiforme, subparallèles entre elles et par rapport aux parois du sillon ont
été observées. Les mêmes stries sont présentes en dehors des sillons sur les
surfaces adjacentes, ce qui témoigne d’un dérapage du tranchant à plusieurs
reprises et de sa déviation hors du sillon travaillé.

E. Usure
Les ouvertures des dorsa des cyprées de Tell Aswad dont le test est
moyennement préservé présentent un émoussé des contours et un effacement total
des stries d’abrasion. Des encoches d’usure de stade 1 (cf.Fig. 6.1a) se sont
développées sur les extrémités antérieures dans deux cas (n° 33 et 42). Les
extrémités des autres cyprées montrent de simples étirements. L’intérieur des
extrémités, examiné depuis la face ventrale, montre une usure forte par frottement
marquant le passage du lien (Fig. 12.4c) sur au moins deux cyprées (n° 33 et 132).
Les bords latéraux de la coquille n° 33 portent une facette plane de chaque côté
(Fig. 12.4a). Ces facettes ont effacées presque entièrement les incisions latérales. De
même, sur la face ventrale, les deux parties columellaire et labiale portent des
facettes d’usure assez développées. Les facettes sur les bords latéraux affectent le

491
volume. En effet, la largeur de la cyprée a été réduite de quelques millimètres. La
présence de ces facettes, exactement à l’emplacement des zones décorées, est un
fait très intrigant. Si la face ventrale a été décorée, c’est pour qu’elle soit visible. Or
l’effacement partiel des incisions et la présence de facette d’usure montrent que
cette face était en contact permanent avec un support sur lequel elle frottait. De
même, les bords latéraux sont complètement aplanis et les incisions sont presque
complètement effacées à ces endroits.

Pourquoi donc avoir pris la peine d’inciser et décorer ces parties de la


cyprée si elles ne sont pas destinées à être exposées ? La cyprée décorée avait-elle
deux fonctions différentes en des temps différents ? Si oui, on peut imaginer que la
première des fonctions était celle durant laquelle ce décor fut mis en valeur. Par
exemple, la cyprée aurait pu être disposée horizontalement, face ventrale exposée,
à l’intérieur de la cavité oculaire d’un crâne surmodelé afin de symboliser l’œil.
L’utilisation des coquillages (e.g. Ain Ghazal Rollefson et al. 1991), et plus
particulièrement des cyprées (e.g. Jéricho) est attestée dans la figuration des yeux
de certains crânes surmodelés au cours de la période PPNB au Proche-Orient. Or,
l’une des particularités des crânes de Tell Aswad est celle de la représentation des
yeux fermés (cf. Fig. 2.4d). Ainsi, cette fonction ne peut pas être celle de la
symbolisation de l’œil. Dès sa fabrication, la fonction que l’on peut envisager est
celle d’un élément de parure qui à un moment donné devenait soumis à un
contact répété et constant, notamment sur les bords latéraux. Nous pouvons
l’envisager au sein d’une parure comme un élément central et bordé de chaque
côté par un autre élément de parure, peut-être également des cyprées. Notons
cependant que la disposition de ces éléments aurait été bord à bord contre bord et
non pas extrémité contre extrémité comme cela est le cas pour les éléments de
ceinture en cyprée de Tell Halula.

Une possible interprétation du schéma décoratif pourrait être celui d’une


imitation. La cyprée n° 33 est une coquille d’E. turdus. Il est possible que les
incisions sur la face ventrale aient été faites dans le but de marquer les dentitions
comme c’est le cas sur les cyprées de l’espèce E. nebrites. Les incisions sur les faces
latérales pourraient imiter les traits verticaux du motif naturel qui sont souvent de
couleur rouge foncé. L’espèce E. nebrites avait peut-être une valeur plus
importante que les autres espèces et l’artisan voulait-il l’évoquer dans sa création ?

492
Il est très difficile de démontrer l’une ou l’autre de ces hypothèses faute de
récurrences et d’un effectif suffisant de cyprées, et surtout en l’absence d’éléments
de comparaison avec d’autres sites.

Le nombre et la disposition des percements sur la cyprée n° 43 témoignent


d’un système d’attache complexe. Ce système prend certainement en compte les
deux autres cyprées découvertes associées avec elle. Ces cyprées (n° 9 et 42),
rappelons-le, comportent une perforation sur la face ventrale mais sont
dépourvues de dorsum. La coquille n° 43 aurait pu jouer le rôle d’un élément
central ou principal reliant les différentes pièces, en l’occurrence au moins les deux
autres cyprées, par un moyen d’attache utilisant les percements sur le dorsum. Les
pourtours des perforations sont également émoussés et montrent dans deux cas
(n° 42 et 43) des étirements orientés dans la même direction.

Les perforations sur la face ventrale pourraient être liées à la nécessité de


fixer ces coquilles sur un support comme un vêtement en guise de boutons ou sur
une ceinture ou un diadème. En résumé, les trois cyprées pouvaient être reliées
entre elles tout en étant cousues sur un support en tissu.

Notons enfin que la découverte in situ d’une cyprée (n° 180 ; Fig. 12.2d)
dans une sépulture au niveau du pelvis d’un sujet adulte suggère son utilisation
en tant qu’élément de ceinture. Les cyprées employés en tant qu’éléments de
ceinture sont communs dans le Néolithique du Levant nord (Tell Halula, Tell Sabi
Abyad).

12.1.1.5. Murex
Tell Aswad a livré trois éléments de parure en coquilles d’un mollusque
comestible, le murex (Tabl. 12.2). Découverts ensemble les trois coquillages
(n° 152, 153 et 156) étaient regroupés dans une sépulture (St. 519, US 459) et
associés au squelette d'un adulte sans crâne.

Ces coquilles sont en très mauvais état de préservation, leur periostracum


presque inexistant laissant place à un ostracum fragile, crayeux et sans éclat. Les
sommets (apex) et les bases sont aplanis, les sutures, les tubercules et les épines
caractéristiques des coquilles des muricidés ont complètement disparu.

493
Les murex de Tell Aswad sont de grande taille (h : 38.8 à 40.7 mm ; l : 28.0 à
32.1 mm ; e : 22.2 à 23.8 mm). Leur identification taxonomique précise n’a pu être
effectuée. Néanmoins, la morphologie générale ainsi que les dimensions évoquent
fortement le genre Hexaplex. En comparant ces coquilles avec des spécimens
identifiés dans d’autres sites du Levant, nous les rapprochons de l’espèce Hexaplex
trunculus sans qu’il soit possible de le confirmer.

Les murex de Tell Aswad portent un seul percement dans deux cas (n° 152
et 156). La troisième coquille (n° 153) porte deux percements. Sur les trois coquilles
très érodées, les traces de fabrication ont été complètement effacées.

Le percement sur le murex n° 152 (Fig. 12.1e), de forme subcirculaire (d : 6.8


mm), a été produit sur la suture qui sépare la spire du dernière tour. Le test est
particulièrement épais à cet endroit. La superposition des couches de test peuvent
s’observer sur les parois relativement profondes à l’intérieur du percement. La
forme du contour est ovoïde et ces bordures sont régulières. Aucun point d’impact
n’est visible autour du percement. La façade verticale de la spire à côté du
percement a été modifiée par le passage de l’outil perçant. En effet, cette zone est
concave sur une distance qui correspond au diamètre de la perforation. Le forage
a été probablement pratiqué dans cette zone de test épais.

Sur le murex n° 153 (Fig. 12.1f), le premier percement est de forme ovoïde
allongée (L : 11.5 mm ; l : 6.3 mm). Il est situé près du bord du labre. Le deuxième
percement, de forme ovoïde (d : 7.8 mm max.), et est situé entre la spire et
l’ouverture naturelle, sur la columelle du dernière tour. Le premier percement
pourrait avoir été obtenu par rainurage en tirant profit de la morphologie de la
coquille à cet endroit et ensuite agrandi par abrasion ou écrasement des bords. Le
deuxième pourrait avoir été effectué par forage.

Enfin, le percement du murex n° 156 est de forme plutôt irrégulière et


s’inscrit dans une forme ovale (d : 8 mm max.). Il prend emplacement sur le dos de
la coquille. Il pourrait être réalisé par percussion indirecte. La forme du contour
est irrégulière et ces bordures sont ébréchées. Le test étant érodé, nous n’avons pas
pu distinguer la présence de points d’impact ou de zones d’arrachement du test
autour du percement.

494
Il est difficile de comprendre la composition de la parure en murex compte
tenu de l’état de préservation de ces coquilles et l’impossibilité de détecter les
traces d’usure. Les seuls indices sont ceux liés à l’emplacement des coquilles au
sein de la sépulture ainsi que le nombre et la situation des percements sur
chacune.

D’après la position du corps et l’emplacement des coquilles, les spécimens


n° 153 et 156 auraient été placées derrière la tête du sujet, au niveau de l’os
occipital (la tête étant absente), l’une sous l’autre, tandis que la troisième (n° 152),
éloignée de seulement 10 cm du premier groupe, se trouvait au niveau de la
nuque.

D’après cette distribution, plusieurs hypothèses peuvent être formulées :


soit les murex formaient un collier porté au niveau du cou dont certains éléments
se sont déplacés de leur emplacement initial, soit les murex étaient portées sur les
cheveux, peut-être cousus sur un bonnet ou une coiffe, soit les murex ont été
déposés derrière la tête comme dépôt funéraire.

12.1.1.6. Nasses
Deux petites nasses ont été découvertes durant les fouilles récentes de Tell
Aswad (Tabl. 12.2). La présence de cette famille n’est pas signalée dans l’étude du
matériel issu des fouilles de H. de Contenson (Maréchal 1995). Toutes deux sont
datées de la phase moyenne.

La plus ancienne d’entre elles (n° 134 ; Fig. 12.1g) provient d’une fosse du
niveau B6 (St. 226, US 199). L’état de préservation est moyen, l’apex est absent (h
conservée : 15.3 mm ; l : 11.5 mm ; e : 6.6 mm.

Le dorsum est absent, ce qui a laissé une grande ouverture (d : 9 mm), au


contour irrégulier, sinueux et riche en micro-enlèvements sur les faces interne et
externe. Des points d’impact et des micro-facettes planes sont observés près du
contour. D’après ces stigmates, nous pensons que le dorsum a été supprimé par
percussion directe ou indirecte. Le contour a été abrasé par la suite sans que
l’artisan parvienne à l’aplanir car il est resté très sinueux. La base de la coquille a
probablement été abrasée. Le contour de l’ouverture est poli et émoussé ainsi que

495
l’ouverture produite sur l’enroulement de la columelle à l’intérieur de la coquille.
L’apex et la base montrent également un fort émoussement. Enfin, les extrémités
de l’ouverture naturelle, le sinus et la base, sont particulièrement usées et ont servi
très certainement à attacher la coquille. La coquille a été tirée par deux endroits
plus ou moins opposés.

La deuxième nasse (n° 17 ; Fig. 12.1h) provient du niveau B2 et a été


découverte dans une cuvette (St. 598, US 582) riche en objets de parure (cf. supra)
dans laquelle des ossement humains isolés ont été également déterminés. L’état de
préservation est moyen sur la face ventrale où le periostracum est encore préservé
(bien qu’il soit craquelé), et mauvais sur la face dorsale où le periostracum a
disparu. L’apex n’est pas cassé mais sa pointe est érodée (h conservée : 15.4 mm ;
l : 11 mm ; e : 9 mm). Le percement, situé sur la columelle entre la première spire et
l’ouverture naturelle, a une forme irrégulière (d : 4.8 mm) qui s’inscrit dans un
contour ovale fortement ébréché. Des fissures anciennes dans lesquelles un dépôt
noirâtre s’est incrusté sont également visibles. Ces fissures sont liées, à plusieurs
endroits, au pourtour du percement.

Parmi elles, deux ont particulièrement attiré notre attention. Elles sont
courbes, très proches du contour du percement et parallèles à lui. Il s’agit de
fissures anciennes séparant la fine couche du periostracum en deux parties.
Autrement dit, la couche de periostracum a cédé sous une forte tension prenant la
forme courbe du percement. D’après les caractéristiques morphologiques de ce
dernier et la présence de fissures anciennes, qui se sont produites probablement au
moment de la réalisation du percement par l’exercice d’une force donnée, deux
techniques sont envisagées ici : la pression ou la percussion indirecte.

L’état détérioré du test n’a pas permis de voir l’étendue du poli sur le
contour du percement, mais l’observation d’un poli et d’un émoussement sur une
zone indique que l’objet a été porté. Il est difficile, en l’absence de traces
indicatrices, d’envisager le mode d’attache. Cependant, dans le cas où la coquille
était portée en mode fixe, le dorsum étant conservé, c’est la face ventrale, plane,
qui devait être en contact avec le support. La coquille en suspension libre aurait
produit un émoussement touchant principalement le contour de la perforation.

496
12.1.1.7. Colombelle
Un certain nombre de coquilles semblables dans la forme et dans les
dimensions, peuvent être soit des colombelles, soit des cônes. Une seule coquille a
été identifiée avec certitude comme colombelle (n° 155 ; Fig. 12.1j). Découverte
dans une couche de réaménagement (St. 386, US 444) de l’aire funéraire du niveau
B0, elle pourrait appartenir à l’une des sépultures et avoir été déplacée pendant
l’une des manipulations des tombes (e.g. réouverture), une pratique courante par
les habitants de ce site (D. Stordeur comm. pers.). Trois autres éléments de parure
ont été trouvés dans la même couche et le même locus : deux tubes en os (n° 149 et
150) et une coquille qui pourrait être soit un cône soit une colombelle (n° 151).
L’état de préservation du test est bonne, la coquille est de couleur beige et ne
conserve plus son apex, le percement étant situé à cet emplacement. De petite
taille, la hauteur conservée de cette coquille est de 9.4 mm et son diamètre
maximal est de 5.1. Il s’agit très probablement d’une Columbella rustica, l’espèce
méditerranéenne assez répandue dans les sites néolithiques du Levant sud et
nord.

Les traces de fabrication identifiées concernent le percement mais aussi la


forme générale de la coquille. Le percement a un diamètre de 1.2 mm et est situé
sur l’apex. La suppression de celui-ci est intentionnelle, des stries d’abrasion,
partiellement effacées, peuvent être observées sur la tranche parfaitement plane
du sommet. Le contour du percement est aussi parfaitement régulier et son arête,
bien que soit polie, est encore relativement vive. Si la suppression de l’apex avait
été naturelle, produite par exemple si la coquille était restée longtemps sur la
plage, le contour aurait été plus accidenté et la tranche plus irrégulière. De plus,
l’émoussement aurait été plus marqué sur l’arête.

Par ailleurs, au moins deux des facettes planes sont observables sur la spire
et la dernière tour de la coquille. Ces facettes, très brillantes et polies, ont été
produites par abrasion intentionnelle. Le bord du labre, cassé, a lui aussi été
abrasé. Enfin, la base de la coquille a subi également l’action de l’abrasion. Nous
verrons (cf. infra) que le cône trouvé avec la colombelle avait reçu le même
traitement par endroits.

497
12.1.1.8. Cône
Parmi les différentes coquilles de gastéropodes une seule a été déterminée
avec certitude comme appartenant au genre Conus (n° 117 ; Fig. 12.1i). Datant du
niveau B-5 (phase récente), elle fut découverte dans une grande fosse (St. 167, US
178) riche en restes fauniques et dans laquelle il y avait également des ossements
humains isolés. Notons que dans le même locus deux éléments en pierre ont été
également trouvés : une rondelle cassée (n° 119) et un fragment brut de malachite
(n° 123). Le test est en bon état, l’apex est absent et le bord du labre et la base ont
été modifiés (h conservée : 15.4 mm ; d : 9.2 mm max.). Le percement, de forme
subcirculaire (d : 2.6 mm), est situé à l’emplacement de l’apex. L’abrasion semble
avoir été la dernière technique employée, la surface étant parfaitement plane. Les
stries d’abrasion sont invisibles. Le bord du labre est abrasé ainsi que la base. Le
contour du percement est émoussé ainsi que la base.

Quatre autres coquilles sont vraisemblablement des cônes qui peuvent


difficilement être confondues avec des colombelles. Ces dernières ont
généralement une spire relativement grande qui fait presque le tiers de la hauteur
de la coquille et leur apex est pointu. Dans le cas des cônes, la spire est petite par
rapport au dernier tour et l’apex est à peine saillant. Ces dernières caractéristiques
sont observées sur les coquilles n° 27 (niveau B-3), n° 46 (niveau B-5), n° 151
(niveau B0) et n° 190 (niveau C2). L’état du test est bon sauf dans le cas de la
coquille n° 46 qui est érodée. La coquille n° 27 a été brûlée et sa surface est
piquetée. La plus grande coquille (n° 46) fait 18 mm de hauteur et 12 mm du
diamètre maximal et la plus petite (n° 151) fait 6.4 mm de hauteur et 4.9 mm de
diamètre maximal. Les percements sont situés à l’emplacement de l’apex. Celui-ci
semble avoir été supprimé par abrasion dans tous les cas. Le labre et la base sont
abrasés sur trois coquilles (n° 27, 151 et 190).

12.1.1.9. Colombelles ou cônes ?


Les fouilles récentes de Tell Aswad ont fourni un certain nombre de
coquilles de gastéropodes pour lesquelles l’identification précise est incertaine. Un
total de 4 gastéropodes n’a pas pu être déterminé au niveau de la famille. Les
fractures en sont la raison principale pour quatre cas qui sont en outre brûlés :

498
n° 24 du niveau B4, n° 133 du niveau B2, n° 162 du niveau B0) et n° 189 du niveau
C2. À l’exception de la première, toutes les autres coquilles sont de la phase
récente. Le percement est situé à l’emplacement de l’apex.

12.1.1.10. Glycymeris
La seule coquille en valve dont l’origine stratigraphique est connue (n° 126)
provient d’une fosse (St.167, US 184) de la phase récente (niveau B-5). Des
ossements humains isolés sont présents dans le même locus et la même unité
stratigraphique. Il s’agit d’une valve gauche de Glycymeris (Fig. 12.1k). Le test de
cet élément est lisse mais en bon état. La couleur a disparu mais des tonalités
rosâtres sur fond blanc beige peuvent être encore devinées. La surface, très lisse,
les côtes ne sont plus visibles et une cassure a emporté le bord extérieur ainsi
qu’une portion du bord ventral (h : 20 mm ; l conservée : 23.6 mm).

Un percement prend place sur le sommet. Son contour est irrégulier à


bordures ébréchées mais émoussées. Des zones d’arrachement du test sur la face
externe et interne sont observées autour du trou. Celui-ci a été probablement
effectué depuis la face interne par percussion indirecte sans écarter l’hypothèse
que la coquille ait été percée naturellement par percussion du temps où elle
jonchait la plage avant d’être ramassée en l’état.

12.1.1.11. Dentales
À Tell Aswad, les dentales sont très rares et C. Maréchal décrit un seul
élément (Maréchal 1995, p. 135) pour les fouilles anciennes. De même, les fouilles
récentes ont fourni un seul objet (n° 240), découvert dans la sépulture St. 106
datant des niveaux récents de la phase récente au sud du secteur B (Fig. 12.5).
Dans cette sépulture, le dentale, clairement associé à un squelette en position
fœtale extrêmement fléchi, le crâne incliné vers le corps et le bras gauche, très
fléchi, couvrant une partie du crâne. L’extrémité postérieure du dentale est
orientée face au crâne, à quelques centimètres du front et son extrémité antérieure
touche l’un des ossements du bras gauche. Il pourrait s’agir d’un élément de

499
collier, d’un bracelet, d’un diadème ou d’une coiffe. Nous n’avons
malheureusement pas pu déterminer le genre.

Cette belle coquille conserve un test mat en bon état bien qu’un peu
crayeux. Le tube (L : 63 mm ; d min. : 4.6 mm ; d max. : 11.2 mm) est très peu arqué
mais il se courbe à 10 mm avant l’extrémité postérieure. Nous avons compté 15
côtes épaisses intercalées par une ou deux côtes très fines. L’extrémité postérieure
conserve une tranche plane et régulière. Le diamètre du trou fait 2.4 mm. Il est
difficile de reconnaître la technique de sectionnement. L’extrémité antérieure est
irrégulière et ne semble pas avoir été travaillée. Les côtes ne montrent aucune zone
d’effacement ou d’aplanissement ; au contraire, elles sont encore très saillantes et
prononcées. Le contour du trou au sein de l’extrémité postérieure est émoussé
ainsi que le bord de l’ouverture antérieure.

12.1.2. Les matières osseuses

Au total, 21 éléments en matière osseuse composent la collection de Tell


Aswad (Tabl. 12.4). Parmi eux, seulement un élément est de forme anatomique.

12.1.2.1. Défense de sanglier


L’objet n° 36 est la portion d’une canine inférieure de sanglier cassée au
niveau de l’extrémité distale (Fig. 12.1l). Elle appartient au sous-groupe B2 et est
de grande taille (L : 64 mm ; l : 9 mm ; e : 8 mm). Elle date de la fin de l’occupation
(niveau B-5) et provient d’une fosse (St. 554, US 529). Dans la même couche et le
même locus, cette dent a été trouvée avec trois ébauches en pierre (n° 45, 48 et 49).
Son état de préservation est bon et la couche d’émail conserve encore un bel
aspect. La section est sub-triangulaire. Sur la face concave de la dent, une rainure a
été démarrée près de la racine, parcourt la surface et s’arrête un peu avant la
pointe. Elle est plus large et profonde près de la racine. Il s’agit sans doute d’un
début de débitage (?) de la dent non poursuivi. Les surfaces non émaillées portent
de stries de raclage tout au long de la longueur. Les bords sont très émoussés, y
compris ceux de la fente. Dépourvue d’un dispositif d’attache, cette pièce, de très
bel aspect, pourrait être une parure de nez ou d’oreille.

500
Les objets de forme singulière à Tell Aswad sont tous des pendeloques
(Tabl. 12.9). Il s’agit de trois pendeloques de nature, forme et dimensions très
semblables fabriquées en roches noires ou foncées (n° 1, 172 et 212). Ces
pendeloques ont été dénommées par C. Maréchal (Maréchal 1995, p. 148) les
« éléments contournés ». Nous adoptons la même dénomination faute de mieux.

12.1.3. Les pierres

Les anciennes fouilles de Tell Aswad ont livré trois exemplaires de


pendeloques contournées (Fig. 12.6d-f), qui furent étudiées et publiées par C.
Maréchal en 1995 (Maréchal 1995). Les fouilles récentes ont livré également trois
pendeloques (Fig. 12.6a-c). L’une d’elles (n° 212) a été découverte sur un sol (St.
470, US 777) du niveau B12. Les deux autres proviennent de la phase moyenne,
l’une (n° 172) d’un sol (St. 737) extérieur de la maison EA 43 du niveau B8 et
l’autre (n° 1) d’une cuvette (St. 46, US 63) du niveau B6. Rappelons que d’autres
objets de parure ont été découverts dans cette cuvette (n° 18, 47 et 53).

Ces éléments ont un volume plat et un contour particulier. En effet,


l’appellation de ces éléments est due à leur contour sculpté par abrasion selon une
forme composée « de courbes et de contre-courbes » (Maréchal 1995, p. 148). C.
Maréchal décrit ces pendeloques de la façon suivante : « Lorsque nous regardons les
trois pièces face à la perforation, elles présentent une base droite et deux côtés latéraux
contournés asymétriquement» (ibid.). En ce qui concerne les pendeloques de notre
corpus, leur base n’est pas tout à fait droite mais variable. Dans un cas (n° 1 ;
Fig. 12.6c) la base forme un angle au milieu de deux courbes et dans les deux
autres cas la base est courbe. Comme le décrit C. Maréchal, les bords latéraux sont
contournés asymétriquement mais de manière plus simple (ibid.). En effet, parmi
les éléments étudiés par l’auteur, deux présentent une confection complexe qui a
consisté à souligner et à mettre en valeur certaines zones du contour et des faces.
Cela a été obtenu par la création de rainures sur les faces et le contour. Dans notre
cas, aucun aménagement de ce type n’est documenté. La forme est sculptée
entièrement par abrasion et les stries sont encore visibles, notamment sur
l’élément n° 172 (Fig. 12.6b).

501
Les trois pendeloques sont cassées sur la partie proximale où ont été
emportées la moitié supérieure ou bien toute la perforation. Les mêmes fractures
caractérisent les pendeloques des fouilles anciennes.

Le matériau utilisé dans les trois cas est de dureté moyenne (4 sur l’échelle
de Mohs), à éclat mat de couleur très foncé. Le matériau de l’une (n° 172) se
distingue par sa couleur noire tachetée de marron foncé qui contraste à peine sur
le fond noir. Le même matériau a été identifié par C. Maréchal comme une sorte
de marbre sur l’une des pendeloques semblables provenant des fouilles anciennes
(ibid.). Notons que d’autres matériaux, absents dans notre collection, ont été
identifiés pour ce type de pendeloques. Il s’agit de l’obsidienne (ibid., p. 150). Il
faut souligner que quelque soit le matériau, la couleur ici est toujours foncée allant
de gris au noir. Ce qui semble être un choix délibéré pour ce type d’objet.

Le gabarit est similaire à celui des pendeloques issues des fouilles anciennes
(en moyenne, h : 19.7 mm ; l : 12.9 mm ; e : 5.3 mm).

La perforation de la pendeloque n° 1 a entièrement disparu. Celle des deux


autres pendeloques sont bipolaires de section biconique et légèrement désaxées.
Les stries de rotation sont très visibles dans un cas (n° 212 ; Fig. 12.6a). Les bords
des ouvertures des perforations ainsi que la zone de jonction sont légèrement
émoussés ce qui prouve qu’un lien passait par ces perforations et que le
désaxement des cônes n’est pas à l’origine de leur fracture. Les trois exemplaires
de pendeloques contournées étudiés par C. Maréchal sont également fracturés au
niveau de leur perforation. La question d’une fracture intentionnelle de cette
partie peut se poser.

Nous avons par ailleurs trouvé sur le site une extrémité proximale d’une
pendeloque (n° 18) dont le matériau ainsi que les dimensions correspondent à
celui des pendeloques contournées. Nous n’avons malheureusement pas pu
vérifier si ces éléments pouvaient remonter entre eux. Notons par ailleurs que la
pendeloque n° 1 a été trouvée dans la même cuvette du niveau B6 non loin de
l’objet n° 18. Dans cette cuvette, des ossements humains isolés ont également été
trouvés. La pendeloque n° 172 a été découverte sur un sol d’occupation extérieure
de la structure EA 43 (niveau B8) tandis que la pendeloque n° 212 a été trouvée sur
un sol près d’un muret à l’intérieur de la structure EA 24 (niveau B12).

502
C. Maréchal propose une interprétation de en prenant en compte les fortes
courbures et sinuosités soulignées par les rainurages : « ces sinuosités nous
suggèrent dans les trois cas une figuration féminine très stylisée, à savoir poitrine, jambes
et fesses pour deux exemplaires les plus similaires et buste seul pour le troisième. Ce
rapprochement pourra sembler osé, mais rappelons que les figurines féminines en argile
d’Aswad sont elles-mêmes extrêmement schématiques » (ibid., p. 148).

Nous sommes assez d’accord avec l’auteur, d’autant plus qu’avec les trois
pendeloques supplémentaires issues des nouvelles fouilles, la récurrence devient
significative. Nous pouvons même aller un peu plus loin dans l’interprétation.
Nous pensons que les figures féminines sont représentées assises ou avec les
jambes repliées, les figurines assises en terre étant fréquentes sur le site (Ayobi
2013, p. 75).

Par ailleurs, certaines figurines en argile à Tell Aswad ont la « tête coupée »
(ibid., Fig. 36). Il est possible que les parties proximales portant les perforations
correspondent à la « tête » de ces figures féminines. La fracture de ces zones serait-
elle donc une indication de la suppression délibérée de la tête humaine ? Cela ne
serait pas étonnant étant donné que les pratiques funéraires les plus marquantes
sur le site et dans les sites PPNB de la région, à savoir les crânes surmodelés, sont
précisément basées sur le traitement de la « tête ».

12.1.4. Synthèse formes anatomiques

Les objets de parure en coquillage de Tell Aswad se caractérisent par une


grande diversité taxonomique, notamment pour la classe des gastéropodes, qui
reflète à son tour une grande diversité dans les formes anatomiques. La classe des
bivalves est représentée par la famille des Glycymerididae. Notons cependant la
présence de deux autres familles de bivalves, l’une marine, les Cardiidae, et l’autre
habitant les eaux douces, les Unionidae. Malheureusement, les deux éléments
appartenant à ces familles ont été ramassés en surface. Néanmoins, leur présence
est attestée parmi la collection de parure des fouilles anciennes (Maréchal 1995,
p. 135-36, fig115f et 119g, i, h) (Tabl. 12.5).

503
Les coquilles identifiées correspondent principalement à des ressources
marines. La troque (Trochidae), l’espèce L. lurida (Cypraeidae), les murex, les
nasses, les colombelles, et le Glycymeris sont originaires de la Méditerranée, tandis
que les nérites marines et les trois espèces de cyprées, E. nebrites, E. turdus et M.
moneta sont originaires de la Mer Rouge. L’origine des dentales n’a pas pu être
identifiée. Seul le genre Theodoxus est dulçaquicole, dont les coquilles ont pu être
collectées dans les deux lacs à proximité immédiate du site ou dans la rivière
Barada.

La phase ancienne du site n’a pas livré de coquillages. Les nérites, L. lurida,
les nasses et la troque sont principalement présentes à la phase moyenne tandis
que les E. nebrites et E. turdus, les murex, les colombelles et les cônes sont
majoritaires dans la phase récente. Parmi les coquillages de notre corpus, certaines
familles ont été identifiées uniquement à Tell Aswad. C’est le cas de la famille des
Trochidae et des Muricidae ainsi que de M. moneta, espèce de cyprée de la Mer
Rouge. Notons que les nérites marines de Tell Halula n’apparaissent qu’au cours
du PPNB récent tandis qu’elles sont plus anciennes à Tell Aswad où elles
remontent au PPNB moyen.

Aucune coquille en cours de fabrication n’a été trouvée sur le site. Non
seulement toutes les coquilles sont ici des objets finis, mais elles portent des traces
d’usure importantes.

Les percements sont en général réalisés sur les parties convexes des
coquilles. Les techniques principales employées pour les suppressions de ces
proéminences sont la percussion et l’abrasion : sur le dorsum des cyprées et celui
d’une nasse, les sommets des nérites et des Theodoxus. La combinaison des
techniques, notamment la percussion suivie par l’abrasion, a été identifiée sur une
cyprée. D’autres combinaisons sont « théoriquement » possibles. Les mouvements
rotatifs pour la perforation ou simplement pour l’élargissement des percements
sont aussi attestés pour ces coquilles. Enfin, des incisions réalisées par sciage ont
orné les faces ventrales et latérales de deux cyprées. Nous connaissons deux
exemples de comparaisons avec les cyprées incisées de Tell Aswad. L’un est un
bord externe labial incisé sur la face ventrale et latérale provient du site Nativ
Hagdud, de PPNA (Sultanien) et l’autre est d’une partie columellaire à dorsum

504
supprimé et dont la face ventrale est décorée de 8 longues incisions parallèles
d’Aïn Ghazal, datant du PPNB récent/PPNC (D. Reese comm. pers.).

Toutes les coquilles de Tell Aswad ont été portées. Les objets de parure en
coquillage sont tous usés. À l’exception des coquilles dont le test est en mauvais
état, tous les objets montrent une usure de surface : stries aléatoires (rayures),
effacement des stries de fabrication accompagné d’un poli, et émoussement (bords
et angles arrondis). L’usure plus profonde qui attaque le volume de l’objet ne
concerne que peu de cas.

La présence d’incisions radiales décorant la face ventrale d’une cyprée


(n° 33) indique théoriquement que cette face était exposée. Or, l’usure intense
observée sur la face ventrale et l’effacement partiel des incisions suggère que cet
objet a été utilisé en deux temps distincts : d’abord en tant que cyprée décorée,
avec la face ventrale exposée ; puis en tant qu’élément de parure dont le système
d’attache aurait joué un rôle important dans le développement de l’usure sur
l’ensemble du volume, notamment sur la face ventrale. Enfin, la présence de 5
percements sur une cyprée indique un système d’attache complexe intégrant
d’autres éléments. En effet, deux autres cyprées ont été trouvées avec celle-ci.
L’ensemble pourrait constituer une parure dont nous ignorons le type car cet
ensemble fut découvert en dehors du contexte funéraire.

Une seule pièce en matière osseuse représente les formes anatomiques : la


partie distale d’une défense de sanglier. Dépourvu de perforation, ce type
d’élément peut être porté comme parure de nez ou d’oreille.

Enfin, les pendeloques contournées, identifiées uniquement pour le site de


Tell Aswad, sont particulièrement intéressantes car, bien que peu nombreuses,
elles ont des caractéristiques communes et récurrentes : la couleur, la fracture au
niveau de la perforation et les contours travaillés et sculptés. Comme le suggère C.
Maréchal (Maréchal 1995, p. 148), les pendeloques contournées de Tell Aswad
représentent probablement des figurines féminines. À notre sens, ces figures sont
représentées dans une position assise. L’absence de la partie proximale pourrait
représenter le caractère acéphale des figurines. Il s’agit probablement d’objets dont
la fonction est liée à des rites funéraires. Nous reviendrons sur ce point dans la
partie IV, chapitre 16.

505
12.2. Les formes géométriques

Au total, 144 éléments appartiennent au groupe des objets de forme


géométrique. Ceux-ci sont composés de 116 éléments en pierre, huit en terre et 20
en os. Ils se classent au sein de six classes typologiques (Tabl. 12.6) :

• les objets à perforation courte centrée (rondelles),


• les objets à perforation courte décentrée (pendeloques),
• les objets à double perforation unilatérale (pendeloques biforées),
• les objets à double perforation bilatérale (éléments biforés),
• les objets à perforation longue centrée (perles),
• les objets à double perforation longue bilatérale (perles biforées).

12.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)

Au nombre de 59, les rondelles de Tell Aswad représentent un peu plus de


50 % des objets de parure en pierre trouvés sur le site (Fig. 12.7a-e). Elles sont peu
nombreuses pour la phase ancienne (deux du niveau B12) et la phase moyenne
(une du niveau B7 et deux du niveau C4). En effet, la grande concentration
provient de la phase récente, plus particulièrement de l’aire funéraire du niveau
B0.

Parmi les 59 rondelles, 46 composent différentes parures de type collier


découvertes in situ autour des vertèbres cervicales de trois individus inhumés
(Fig. annexe V). Le premier collier, n° 2, est composé de deux rondelles (n° 231 et
235) et trois perles et a été associé à un enfant enterré dans une sépulture
individuelle (St. 796) du niveau le plus ancien du site (B12). Le collier n° 4,
composé d’une rondelle (n° 178) et d’une perle seulement (n° 177), orne le cou
d’un enfant recouvert de roseaux dans la sépulture (st. 723) du niveau B7. Enfin, le
collier n° 1 contient 43 rondelles et deux perles et appartient à un adulte enterré
dans une sépulture individuelle (St. 339) de l’aire funéraire du niveau B0.

Le reste de rondelles n’a pas été strictement trouvé in situ. Les rondelles du
niveau B0 (n° 157 et 158) ont été découvertes dans une sépulture (St. 209) de l’aire
funéraire mais nous ignorons si elles composaient une même parure ou deux.

506
Rappelons qu’une cyprée (n° 180) a été trouvée in situ dans la même sépulture,
près du pelvis de l’individu (cf. supra).

Les onze rondelles restantes ont été trouvées isolées. Quatre d’entre elles
proviennent du niveau B0 : la n° 39 appartient à la sépulture St. 563, la n° 118 à la
sépulture St. 210, la n° 121 a été trouvée dans les sédiments (US 235) de l’aire
funéraire et pourrait provenir d’une sépulture et, enfin, la n° 154 a été découverte
dans la sépulture St. 500.

Les sept autres proviennent de fosses (n° 119-B-5 et n° 159-B0), de cuvettes


(n° 120-B0, n° 145-B2, n° 202-B-3 et 181-C4) ou de foyers (n° 142-B-5).

12.2.1.1. Matières et couleurs


Nous avons identifié quatre matériaux utilisés pour la fabrication des
rondelles (Tabl. 12.7) :

• la calcite (48 éléments), de couleur blanc-beige et de faible dureté (inférieure


à 3 sur l’échelle de Mohs). Le même matériau est présent sur le site sous
forme de matrices portant des traces de sciage ainsi que sous forme
d’ébauches,
• l’amazonite (cinq éléments), de couleur bleu-vert (pomme) tachetée de
blanc légèrement translucide et traversée de veinules blanches ou jaunes, de
dureté 5.5 et à éclat gras,
• une roche de la famille des chlorites (clinochlore ?) de couleur gris foncé et
de dureté faible (un élément),
• et une turquoise (un élément).

Cette dernière est la seule rondelle de couleur vert turquoise faisant partie
du collier n° 1. Pour les quatre éléments restants, nous ne sommes pas sûres de
leur identification. Dans trois cas, l’aspect aggloméré de la roche nous évoque le
grès. Cette roche est de couleur beige rosâtre ou marron claire. Enfin, un matériau
de couleur marron claire (caramel), translucide et de faible dureté, trouvé dans le
secteur B du site sous forme de fragments sciés (matrice et ébauche), a été employé
dans la fabrication d’une rondelle du secteur C.

507
Les rondelles en calcite du collier n° 1 sont pour la majorité couvertes d’une
couche ou croûte de couleur variant d’un brun orange à marron foncé. Cette
croûte emprisonne parfois des fibres et des particules de sables entre autres. Elle
englobe dans certains cas la totalité de la rondelle et est partielle voire inexistante
sur d’autres. L’enlèvement de cette couche se révèle extrêmement délicat car la
surface nettoyée se fragilise à vue d’œil et devient d’aspect fibreux et la matière se
désagrège et devient poudreuse118. La présence de cette croûte n’a pas permis
d’observer les traces.

12.2.1.2. Types et étude morpho-métrique


Les rondelles de Tell Aswad s’inscrivent dans les cylindres et les ellipsoïdes
de section circulaire (Tabl. 12.7). Un seul élément est de forme prismatique de
section trapézoïdale. Les formes issues de cylindres à section circulaire sont
fabriquées dans la plupart des matériaux, notamment la calcite. Notons que
l’amazonite a servi pour la fabrication des formes cylindriques, elliptiques et
prismatiques.

Deux types de rondelles sont distingués (Tabl. 12.6) : les rondelles discoïdes
à profil quadrangulaire (54 éléments) et les rondelles elliptiques à profil elliptique
(cinq élément). Les gabarits des rondelles sont variables d’un collier à un autre,
selon leur classe morphologique ou encore selon les matériaux
(P.III_Ch.6_Graphe.1.2.3).

Les deux rondelles du collier n° 2 (St. 796, niveau B12), toutes deux en
amazonite, sont d’un gabarit plus grand que celui des rondelles du collier n° 1.
L’une d’elles (n° 231) est de forme ellipsoïde (d : 7.8 mm ; L : 4.8 mm) et l’autre
(n° 235 ; Fig. 12.7a) est de forme prismatique (d : 12.1 mm ; L : 5.4 mm). La rondelle
n° 178 (Fig. 12.7b) du collier n° 4 (st. 723, niveau B7) est fabriquée en calcite selon
une forme cylindrique (d : 4.8 mm ; L : 1.4 mm).

Pour les 43 rondelles du collier n° 1 (St. 339, niveau B0), les dimensions sont
homogènes (Tabl. 12.8). Le diamètre moyen est de 5.09 mm, la variabilité de cette

118La présence de cette croûte a été également repérée sur certains éléments composant les ceintures

ou les colliers (cyprées, perles en turquoise, perles en calcite) à Tell Halula. Nous pensons qu’elle
pourrait correspondre au dépôt issu des phénomènes de décomposition des corps.

508
dimension ne dépassant pas 1 mm, tandis que la longueur moyenne est de 3.20
mm, sa variabilité étant de l’ordre de 2 mm. L’homogénéité dans le rapport du
diamètre à la longueur est un indice indirect à prendre en compte lors de l’étude
des procédés de fabrication de ces éléments. Rappelons que les rondelles du collier
n° 1 sont toutes en calcite à l’exception d’une qui est en turquoise. Elles sont toutes
cylindriques de section circulaire.

Les deux rondelles trouvées ensemble dans la sépulture (St. 209), sont
toutes deux en calcite également mais l’une (n° 157) est de forme ellipsoïdale (d :
4.8 mm ; L : 2.7 mm) et l’autre (n° 158) est cylindrique (d : 4.7 mm ; L : 2 mm).

Parmi les rondelles isolées, cinq sont de forme cylindrique et sont en calcite
ou en grès. Elles sont toutes du même gabarit, qui s’inscrit dans celui des rondelles
du collier n° 1. Les autres rondelles isolées sont en amazonite, en chlorite et en
gypse couleur caramel. Celles en amazonite (n° 159 et 39 ; Fig. 12.7e) sont de forme
ellipsoïdale (en moyenne, d : 8.5 mm ; L : 6 mm), ou cylindrique (n° 121 ; d : 7.9
mm ; L : 1.7 mm ; Fig. 12.7c). Une rondelle cylindrique en gypse (caramel) trouvée
dans le secteur C (n° 181 ; Fig. 12.7d) est de forme cylindrique mais d’un gabarit
plus grand que les autres rondelles cylindriques de Tell Aswad (d : 8.4 mm ; L : 3.6
mm). Enfin, la rondelle en chlorite (n° 202) est de forme ellipsoïdale et de grande
taille (d : 15.2 mm ; L : 9.6 mm).

12.2.1.3. Techniques et usure


Nous présentons ici les observations faites sur les éléments du collier n° 1
qui n’ont pas été altérés par le dépôt évoqué plus haut.

La section de la perforation des rondelles en calcite est bipolaire, la section


des cônes est cylindrique et la jonction entre les deux cônes est absente dans la
majorité des cas. Une portion de la zone de jonction est observée quand la
perforation est légèrement désaxée. Cette portion porte encore les stries de
perforation. Le diamètre de l’ouverture de perforation est de 2.1 mm en moyenne.
La perforation de l’unique rondelle en turquoise est également bipolaire et la
section est biconique. La jonction entre les cônes se fait sur une petite zone dont le
diamètre est seulement de 1.1 mm. Les perforations des rondelles en calcite et en
grès sont de section cylindrique. Les rondelles en amazonite sont bipolaires de

509
section biconique. La rondelle en gypse caramel porte les stries d’abrasion sur les
deux tranches et sur le contour. La perforation est bipolaire de section biconique.

Les traces de façonnage n’ont pas été observées à cause de l’usure ou du


dépôt qui les masque. De plus, aucune rondelle en cours de fabrication n’a été
trouvée. Cependant, des indices indirects sont à tenir en compte. Notons
principalement la présence dans la collection d’un cylindre abrasé en calcite et non
perforé (L : 15.4 mm ; d : 10 mm). H. de Contenson signale également dans la
publication du site la présence de plusieurs cylindres polis en calcite non perforés
d’une longueur ne dépassant pas 2.5 cm et d’un diamètre compris entre 3.5 et 12
mm (de Contenson 1995, p. 31, 38, 127, Fig. 110). S’agit-il des ébauches de perles en
calcite ? Ou des ébauches destinées à être tronçonnées afin de produire les
supports des rondelles ? Les perforations sur les rondelles en calcite sont toutes
bipolaires. Si ces rondelles proviennent de cylindres polies, leur perforation était
produite après tronçonnage, à l’unité. Rappelons par ailleurs l’homogénéité de la
mesure du diamètre sur les rondelles en calcite du collier n° 1. Cette
standardisation du diamètre peut être le résultat d’une abrasion en série (dans une
rainure ?) ou parce que les éléments proviennent pour la majorité d’une même
ébauche préalablement polie et dont le diamètre est relativement constant.

12.2.2. Objets à perforation courte décentrée (pendeloques)

Les pendeloques de forme géométrique à Tell Aswad sont au nombre de 14


(Tabl. 12.9 ; Fig. 12.6). Elles appartiennent toutes à la famille des pendeloques
plates.

12.2.2.1. Pendeloques plates


Parmi les 14 pendeloques plates trouvées au cours des fouilles récentes,
sept sont entières, dont quatre sont des éléments finis (n° 44, 47, 131, 167) et trois
en cours de perforation (n° 216, 221 et 225). Sept autres pendeloques présentent au
niveau de la perforation des fractures qui ont emporté la partie proximale dans six
cas (n° 103, 146, 147, 160, 166 et 205) et la partie distale dans un cas (n° 18).

510
Les volumes de quatre pendeloques (n° 131, 166, 167 et 225) s’inscrivent
dans les formes cylindriques à section elliptique et perforation courte décentrée
axiale (Cy.1.I.C.3) et dans un cas (n° 205) à section semi-elliptique (Cy.1s.I.C.3)
(Tabl. 12.9). Pour six autres pendeloques le volume est prismatique de section
triangulaire (n° 44, 47, 103 et 160) ou à section trapézoïdale (n° 216 et 221) à
perforation courte décentrée axiale (PR.3.I.C.3).

D’après leur géométrie faciale, les types distingués (Tabl. 12.6) sont les
pendeloques elliptiques hautes (n° 225), les pendeloques elliptiques larges (n° 131,
166 et 167), les pendeloques semi-elliptiques hautes (n° 205), les pendeloques sub-
triangulaires (n° 44, 47 et 103) et trapézoïdales (n° 160, 216 et 221). Enfin le volume
est plat mais le type est indéterminé pour trois pendeloques cassées (n° 18, 146 et
147).

Sur les éléments hauts non cassés, la hauteur moyenne est de 26.58 mm. Sur
les pendeloques larges, elle est de 16.8 mm (en moyenne, d : 21.35 mm ; e : 3.7
mm).

La majorité des pendeloques provient de la phase moyenne (niveaux B7, B6,


B5 et B4). Parmi les trois pendeloques du niveau B7, deux (n° 166 et 167) ont été
trouvées ensemble sur le sol (St. 703) de la maison EA 32, et une autre (n° 131 ;
Fig. 12.6h) localisée dans le même secteur que les deux précédentes mais dans un
autre locus. Dans le même locus et la même couche (US 671), une matrice en
calcite (n° 129) a été également trouvée.

Le niveau B6 a fourni également deux pendeloques (n° 18 et 47) trouvées


dans une cuvette (St. 46, US 63) creusée dans les ruines de la maison EA 9. Une
troisième pendeloque (n° 1) de forme singulière (cf. infra) a été également trouvée
avec ces deux dernières. L’anthropologue119 signale la présence d’ossements
humains isolés dans cette cuvette.

Parmi les trois pendeloques du niveau B5, deux ont été abandonnées en
cours de perforation (n° 221 et 225), la première étant en os tandis que la seconde
est en pierre. Le troisième élément (n° 44 ; Fig. 12.6g) est une pendeloque entière
en pierre trouvée dans la démolition d’EA 18.

119 R. Khawam, Archéorient UMR 5133.

511
Le niveau B4 a livré une seule pendeloque (n° 205) dont le contexte n’est
pas clairement déterminé.

La phase ancienne a fourni deux pendeloques plates, l’une est du niveau


B12 (n° 216), découverte sur un sol intérieur (St.484, US 775) et l’autre du niveau
B9, (n° 103), trouvée dans un sol extérieur (US 341).

Enfin, trois pendeloques appartiennent à la phase récente : l’une appartient


au niveau B1 (n° 146) et a été trouvée sur un sol extérieur (US 492) de EA 26, les
deux autres proviennent du niveau 0, la n° 147 trouvée sur un sol intérieur (US
521) et l’autre (n° 160) dans une fosse (US 435).

Parmi les pendeloques plates, onze ont comme support un galet en calcite
de couleur beige/gris, ce type de galet étant très commun dans les environs
immédiats du site.

Des roches allochtones ont été utilisées dans la fabrication de deux


pendeloques (n° 18 et n° 160). L’une d’elles (n° 18) est une roche de couleur noire
anthracite, très tendre, à éclat mat et aspect savonneux, évoquant une stéatite
(famille des talcs). Le même matériau a été trouvé dans le même carré mais sous
forme d’un fragment portant des traces de sciage (ébauche ?). Celui-ci est plus
récent que la pendeloque puisqu’il appartient au niveau B2 tandis que la
pendeloque n° 18 est du niveau B6. Un deuxième fragment (n° 229) ne portant pas
de perforation, de forme régulière et à la surface polie a été également trouvé sur
le site (niveau B12) mais nous n’avons pas su identifier sa catégorie (déchet de
travail, élément destiné à un recyclage ?).

La seconde pendeloque (n° 160) a été réalisée dans une roche tendre
translucide de couleur vert clair un peu jaunâtre à éclat mat et aspect un peu
savonneux. Cette roche peut être de la calcite verte dont l’origine est probablement
locale120. Le même matériau est documenté sur le site selon trois déclinaisons : en
perle (n° 10) très fragmentaire, en matrice (n° 7, 217 et 218) et en ébauche (n° 106).
Ces objets proviennent de la phase moyenne et récente.

La pièce n° 221, du niveau B5, est la seule réalisée sur un support osseux
(Tabl. 12.4). Elle porte un début de perforation sur l’une des faces, ce qui permet sa
classification comme pendeloque plate (cf. infra).

120 La même roche a manifestement été identifiée à Ain Ghazal (Hauptman 2004).

512
Sur la petite partie proximale conservée de la pendeloque n° 18 en stéatite
les traces de façonnage ont été partiellement effacées par l’usure. Cependant,
l’intersection (arête) entre les deux faces de la pièce et le contour convexe sont bien
soulignés par le travail d’abrasion. La perforation est bipolaire et de section
cylindrique (d : 3.6 mm et 3.3 mm au niveau des ouvertures). La totalité de la zone
de jonction entre les deux cônes a été supprimée.

Sur la pendeloque n° 160 en calcite verte les stries d’abrasion disposées


horizontalement sont encore très visibles sur les deux faces. La perforation est de
section cylindrique. Il est possible qu’elle soit à l’origine de la fracture de l’objet.
En effet, nous nous posons la question sur l’aptitude de ce matériau à la
transformation. La composition de la roche en différentes couches le rend assez
difficile à travailler car il se clive facilement et les couches se desquament
aisément.

La portion de côte de bovin (h : 31.3 mm ; l : 17.5 mm ; e : 3.9 mm) porte des


traces de raclage longitudinales et parallèles à la fibre de l’os sur les deux faces,
ainsi que des stries de raclage horizontales dans la partie proximale de la face
externe de l’os, à l’endroit où un petit cône de démarrage de forage a été réalisé.
Le contour de la pièce est raclé, ce qui produit des facettes. Une fissure
longitudinale passant presque par le centre de la perforation est observée sur la
face externe de l’os et elle atteint également la face interne. La perforation mesure
à peine 1.2 mm de diamètre. Des stries de rotation très régulières et concentriques
ont été observées sur les parois. Il est possible que le forage ait été à l’origine de la
fissure et par conséquent de l’abandon de l’objet.

12.2.3. Objets à perforations courtes unilatérales

(pendeloques biforées)

Appartenant à cette famille, la pendeloque n° 209 est une portion de côte


d’un animal appartenant au sous-groupe A1 (Bovins) (Tabl. 12.4). Elle a été
trouvée dans une couche (US. 51) correspondant à un espace extérieur du niveau
B5.

513
Cette portion est de forme prismatique à section quadrangulaire
trapézoïdale (h : 11.2 mm ; l : 26 mm ; e : 2.8 mm). Elle est dotée de deux
perforations courtes et parallèles qui prennent place unilatéralement, près d’un
bord de la pièce, dans position axiale (PR.4t.II.C.1) (Tabl. 12.9).

La cassure a emporté la partie proximale et la moitié d’une perforation.


L’autre perforation est presque entière. La configuration de la cassure nous a
permis de reconstituer la forme originelle. En effet, les deux perforations ont été
réalisées tout près du bord le plus long de la côte. Les perforations, bipolaires de
section biconique, ont le même diamètre qui est de l’ordre de 2.6 mm sur les
ouvertures et de 2 mm dans la zone de jonction. Les stries de raclage couvrent la
côte dans le sens de la fibre de l’os, longitudinalement. Celles-ci sont plus intenses
sur la face interne (spongiosa) que la face externe.

Le support en os correspond à la portion d’une côte fendue en deux et


ensuite sectionnée dans le sens de la longueur puis dans le sens de la largeur. Le
fendage de la côte a été réalisé par rainurage dont on devine encore les stries sur le
bord originel de la côte, et le sectionnement par sciage. Les traces de sciage sont
encore visibles sous forme de sillons peu entamés sur chacune des extrémités,
ainsi que de corniches issues de la rupture de l’os. Sur le bord long de la pièce les
traces de sciage consistent uniquement en quelques stries de dérapage de sciage.
Ce bord a été mieux travaillé que les autres puisqu’il s’agit de celui qui porte les
deux perforations.

Les bords de la pendeloque sont émoussés et brillants, contrairement aux


bords des ouvertures des perforations et des bordures des jonctions qui le sont
moins. Il s’agit probablement d’une pièce peu utilisée. La fracture est
probablement survenue peu après la finition. La brillance et l’émoussement des
bords de l’os ont été produits par l’intensité des manipulations durant les
différentes phases de transformation.

Une pendeloque exceptionnelle peut se rajouter également à ce groupe


d’objets. Il s’agit d’une pendeloque en nacre de bivalve (famille des Unionidae),
dont des exemplaires identiques furent découverts en contexte funéraire à Tell
Halula. Bien qu’elle ait été découverte en surface hors stratigraphie, nous la

514
mentionnons ici à titre indicatif afin de donner une image complète de la diversité
des matériaux utilisés dans la fabrication des pendeloques biforées à Tell Aswad.

12.2.4. Objets à perforations courtes bilatérales (éléments

biforés)

La collection de parure de Tell Aswad contient deux objets pouvant être


classés dans cette catégorie. Cependant, les fractures qu’ils présentent ne
permettent pas de reconstituer leurs formes originelles (Tabl. 12.9). Dans un cas, il
s’agit d’une portion de côte d’un animal du sous-groupe A1 (Bovins), et dans
l’autre, il s’agit d’une portion de plaque d’émail d’une défense de sanglier (n° 37),
animal appartenant au groupe B2 (Ongulés de moyenne taille, format sanglier)
(Tabl. 12.4).

La première pièce (n° 54) a été trouvée sur le sol intérieur (St. 654) de la
maison EA 33 dans le niveau B7. Elle est cassée au niveau des perforations
(extrémité proximale) et dans le sens de la largeur (h : 8.9 mm ; l : 20.5 mm ; e : 2.4
mm). Celles-ci sont bipolaires de section biconique (d : 2.5 mm environ). La forme
n’a pas pu être déterminée mais les deux côtés relativement droits suggèrent une
forme prismatique à section quadrangulaire.

Le même procédé de fabrication de la pendeloque n° 209 est documenté


pour la pièce n° 54 : débitage de la côte par rainurage, raclage de la face externe et
interne de l’os et sciage bilatéral. Mais contrairement à la pièce précédente, il n’y a
pas eu de sciage longitudinal, la côte a probablement gardé toute sa largeur. Les
deux perforations ont pris place bilatéralement (une de chaque côté du centre) sur
le support obtenu dans l’axe longitudinal. Contrairement à la pièce précédente, la
corniche sur le bord scié issu de la rupture de la côte a été supprimée. Le bord
originel a été également abrasé.

L’ensemble de l’objet est émoussé et brillant. Les bords des ouvertures de la


perforation ainsi que les bordures de la jonction sont également émoussés. L’objet
a pu servir un certain temps avant d’avoir été fracturé. La surface entre les
portions conservées des perforations (i.e. le pont) est plus émoussée que le reste de
la pièce et montre une teinte plus foncée. Les contours des perforations

515
correspondant au pont sont également émoussés plus intensément. Ces stigmates
sont uniquement observés sur la face correspondant à la face externe de la côte. Il
est possible que cet élément ait été fixé sur un support (vêtement ?) en faisant
passer le lien entre les deux perforations par la face externe. La face interne, plus
irrégulière et moins lisse, est la face cachée de cet élément qui a probablement
servi comme bouton.

L’autre objet (n° 37) pouvant appartenir à cette catégorie est une plaque
d’émail provenant d’une canine inférieure de sanglier cassée dans le sens de la
longueur (Fig. 12.6i). La partie conservée porte une perforation. Les exemples de
plaques d’émail en défense de sanglier que nous connaissons sur d’autres sites
néolithiques portent deux perforations, une au centre de chaque extrémité.

L’élément présent porte une perforation au centre de l’extrémité conservée


et il est très probable que l’autre extrémité portait également une perforation.

Cet élément a été trouvé dans une zone adjacente à l’aire funéraire dans une
fosse (US 538) du niveau B-5 riche en restes faunique, notamment des chevilles
osseuses. L’archéologue note que cet élément a été découvert à proximité de
l'extrémité distale d'un outil en os pointu. Cette fosse semble dater de la période
néolithique avec céramique. Cependant, ce type d’élément est connu dans le
Néolithique du Proche-Orient et nous avons des exemples bien plus anciens
provenant de Jerf el-Ahmar et de Tell Halula.

La forme conservée est composée d’une extrémité subrectiligne et de deux


bords parallèles, l’un étant très légèrement convexe et l’autre concave (L : 27 mm ;
l : 12 mm ; e : 3.3 mm). La plaque d’émail est parfaitement conservée ainsi que la
dentine sur la face interne. Cette face n’est pas plane. En effet, un relief court tout
le long du bord concave. Ce bord correspond à l’angle aigu de la section sub-
triangulaire de la dent. Sur la face interne, il a été souligné par de multiples stries
de raclage. Le bord concave de la pièce présente quelques stries longitudinales et
surtout, en partant de la couche d’émail et suivant la courbure, des stries courtes
très denses transversales et perpendiculaires aux stries longues. Le bord convexe
montre des stries longitudinales qui correspondent aux stries du rainurage qui a
été pratiqué afin de détacher la plaque d’émail du reste.

516
Des négatifs d’enlèvement peuvent être observés sur la face interne près du
bord convexe. Ils ont été produits probablement au moment de la séparation de la
plaque du reste. Tous les bords de la pièce ont été par la suite égalisés et abrasés.

La perforation a été effectuée depuis la face interne, la dentine. Elle a été


agrandie depuis la face de l’émail. Autour de la perforation plusieurs incisions
subparallèles sont disposées dans le sens de la largeur sur la face d’émail. Il est
possible que ces incisions aient été réalisées par l’artisan afin de marquer
l’emplacement de la perforation. Si cette hypothèse est avérée, cela signifie que la
perforation ne fut pas terminée depuis la face interne mais depuis la face de
l’émail.

12.2.5. Objets à perforation longue centrée (perles)

Au total 54 objets appartiennent à la classe typologique des perles


(Tabl. 12.6 ; Fig. 12.7f-x). Parmi eux quinze sont en os, trente trois sont en pierre et
six sont en terre.

12.2.5.1. Perles en os
Les os longs, au nombre de 15, forment la catégorie la plus exploitée dans la
parure osseuse de Tell Aswad. Parmi eux quatorze appartiennent à la classe
morphologique des cylindres de section subcirculaire à perforation longue centrée
axiale (CY.0.I.L.1) et un à la classe des cylindres de section biconvexe plate à
perforation longue centrée axiale (CY.2.I.L.1). D’un point de vue typologique, le
premier groupe appartient à la famille des perles tubulaires tandis que l’élément
plat (n° 208) appartient à la famille des perles plates (Tabl. 12.10).

Selon la méthode basée sur le Body Size Group (BSG), les os se classent
dans sept groupes et sous-groupes. Le groupe B (Ongulés de moyenne taille) est
représenté par un élément (n° 136) dont le taxon est indéterminé. Au groupe D
(Mammifères de petite taille) appartiennent trois éléments trois métapodes de
renard ou de lièvre (n° 52, 114, 222). Quatre os longs (n° 41, 57, 122 et 110 ;
Fig. 12.7f) sont attribués au sous-groupe D1 (Carnivores taille renard) dont deux
sont des métapodes de renard (n° 57 et 110). Le sous-groupe D2 (taille lièvre) est

517
représenté par deux os longs (n° 124 et 163), dont l’un est un métapode de lièvre.
Le tube n° 164 est un métapode de lièvre ou un radius d’oiseau, et le n° 220 est un
os long qui pourrait appartenir soit à un oiseau, soit à un lièvre. Nous avons donc
attribué ces deux éléments au groupe D/E (Mammifères de petite taille/oiseaux).
Deux ulnas (n° 149 et 150 ; Fig. 12.7g) sont attribuées au groupe E (Oiseaux) et,
enfin, une ulna de corvidé (n° 6 ; Fig. 12.7h) indique la présence du sous-groupe
E3 (Oiseaux de petite taille). Enfin, l’os plat est représenté uniquement par
l’élément tubulaire n° 208 dont la détermination n’a pas pu être faite (Tabl. 12.4).

La majorité des éléments provient de la phase moyenne (neuf) et de la


phase récente (six). La phase ancienne a fourni seulement deux éléments (n° 110 et
222) découverts ensemble à l’intérieur d’une sépulture de nourrisson (St. 461, US
426) au sein de la structure EA 14. L’élément provenant du niveau B8 (n° 220) a été
découvert dans un contexte de démolition de la maison EA 43. Deux éléments
proviennent du niveau B7 : le n° 52 a été trouvé sur le sol intérieur (ST. 654) de la
maison EA 33 et le n° 57 dans une couche (US 635) extérieure de démolition.
L’objet du niveau B6 (n° 124) a été découvert sur le sol (ST. 269) de la maison EA 7.
Le niveau B5 a livré deux objets : l’un d’eux (n° 114) a été trouvé dans un casier
(ST. 313) enterré dans la maison EA 17 et l’autre (n° 208) dans un espace extérieur
(US 51). Au nombre de trois, les éléments du niveau B4 ont été découverts dans
des cuvettes. Deux d’entre eux (n° 6 et 41) proviennent de la même couche (St. 584,
US 567), peut-être en association avec trois éléments de parure en coquillage (n° 3,
4 et 5) et des ossements humains isolés d’un périnatal. Le dernier élément (n° 136)
a été trouvé dans la cuvette (ST. 166, US 168).

Les quatre éléments du niveau B0 proviennent tous de l’aire funéraire dont


deux (n° 149 et 150) ont été trouvés dans une couche de réaménagement de l’aire
funéraire (ST. 386, US 444) avec deux éléments en coquillage (n° 151 et 155) (cf.
supra). Enfin, le niveau B-5 a livré un seul tube (n° 122) qui provient également de
l’aire funéraire, d’une couche de sédiment cendreux (US 142).

Le type tubulaire est prédominant à Tell Aswad. Au nombre de 16, ces


éléments sont fabriqués en os longs et dans seulement un cas en os plat. Leur état
de préservation est bon. Deux d’entre eux présentent des cassures : le tube en os
plat (n° 208) et le tube n° 220. Par ailleurs, quatre tubes sont chauffés (n° 6, 41, 110
et 114) et quatre autres sont brûlés (n° 57, 122, 136 et 164). Il n’existe aucune

518
relation entre le type d’os, l’appartenance aux différents groupes de taille (BSG) et
les dimensions des tubes. Une variabilité est néanmoins notée pour les longueurs
(Tabl. 12.11). Mais celle-ci est liée aux choix de l’artisan de l’emplacement de
sectionnement sur le tube, dans la limite de la longueur disponible.

Plusieurs types de stigmates ont été observés et sont particulièrement


denses sur certaines pièces. Sur sept tubes (n° 6, 41, 52, 110, 122, 164 et 222), nous
avons documenté la présence de stries transversales, de stries de raclage parfois
très profondes, de pans de sciage remplies de stries multidirectionnelles, de
corniches et de sillons de sciage relativement profonds situés près des extrémités
(Tabl. 12.12). Sur un élément (n° 110) des traces d’écrasement de l’os spongieux
ont été également observées. Ces stigmates indiquent les phases de transformation
des éléments depuis leur extraction (stries transversales) jusqu’à leur sciage
bipolaire en passant par leur raclage. Les corniches de sciage n’ont pas toujours été
éliminées mais leur suppression est documentée sur 4 éléments (n° 114, 149, 208 et
220). Sur ces derniers, qui sont d’aspect soigné et de belle facture, les stries de
raclage et les stries transversales sont pratiquement invisibles. Aucun sillon de
sciage n’a été noté près des extrémités.

Les surfaces de tous les éléments montrent un poli qui, dans certains cas
(n° 114, 124 et 220), est très intense en brillance. Notons enfin que les bords des
ouvertures sont émoussés dans tous les cas et que des encoches d’usure ont été
observées sur les extrémités de deux éléments (n° 124 et 149).

12.2.5.2. Perles en matières minérales


Au total, 39 perles en pierre et en terre ont été découvertes sur le site. Elles
sont confectionnées en pierre et en terre selon des volumes issus de cylindres,
d’ellipsoïdes ou de sphères dont les sections sont circulaires, elliptiques ou
biconvexe lenticulaires (Tabl. 12.6). Elles se classent dans trois sous-familles
typologiques : les perles tubulaires, les perles plates et les perles standards. Les
perles plates sont uniquement en pierre tandis que les perles standards sont en
terre. Les perles tubulaires ont été réalisées dans les deux matériaux.

519
Nous décrirons ici les aspects communs des matrices argileuses des perles
en terre. Les matériaux en pierre, plus diversifiés, seront présentés par type de
perle plus loin.

L’argile est la matière principale employée pour fabriquer les perles en


terre. Nous avons détecté dans la masse argileuse des particules de couleur blanc
ou beige, d’aspect mat et crayeux (carbonates ?) visibles à l’œil nu ainsi que des
particules beaucoup plus fines et brillantes (mica ?). Ces particules constituent le
dégraissant minéral. Par ailleurs, des empreintes de fibres végétales ont été
également observées sur les surfaces mais aussi à l’intérieur de la masse. À
l’exception d’un élément (n° 168 ; Fig. 12.7n) dont l’argile semble être restée à l’état
cru, toutes les perles en terre, y compris deux ébauches (n° 213 et 214)121, ont été
chauffées selon différentes intensités. Tous ces éléments ont été trouvés dans des
cuvettes, structures qui ont servi à la combustion comme en témoignent les
couches brûlées successives qui s’y sont accumulées. Il est donc difficile, en l’état
actuel de la recherche, de savoir si les éléments en terre furent intentionnellement
ou accidentellement chauffés. Toutefois, R. Ayobi122, chargée de l’étude des
figurines et autres objets en terre de Tell Aswad, propose que la cuisson de plus de
75% d’objets fût intentionnelle. Elle se base sur les différences de traitement
technique, notamment pour la dernière phase, celle du durcissement, entre les
différentes catégories identifiées pour argumenter son hypothèse (Ayobi 2013,
p. 333-334). Nous restons cependant prudente en ce qui concerne la question de la
cuisson pour les objets de parure découverts dans un contexte incendié, bien que
nous soyons d’accord avec l’auteur en ce qui concerne les autres catégories
d’objets.

A. Perles tubulaires
Au total, 18 perles tubulaires ont été recensées à Tell Aswad. D’après la
forme de leur profil, elles se distinguent en deux types : cylindrique et elliptique.

121 Pièces non comptées dans les tableaux.


122 R. Ayobi, Archéorient UMR 5133.

520
Cylindriques
Les perles cylindriques sont les plus nombreuses, avec un total de 14
éléments dont dix sont en pierre et quatre en terre. Les perles en terre (n° 112, 137,
168, 200) appartiennent uniquement à la phase moyenne (respectivement aux
niveaux B6, B4, B5, et B3). Toutes quatre ont été trouvées dans des cuvettes dans
lesquelles des ossements humains isolés sont également trouvés (respectivement
St. 259, 261, 591, 51).

Les perles en pierre ont été découvertes dans les phases moyenne et récente.
Celle de la phase moyenne sont au nombre de deux. La première (n° 12) a été
trouvée sur le sol (US 564) de la maison EA 21 du niveau B3 avec une perle à
double perforation (n° 8). L’autre perle (n° 113 ; Fig. 12.7i) a été trouvée dans une
petite structure en forme de casier (St. 313, US 206) enterré à l’intérieur de la
maison EA 17 du niveau B5. Rappelons qu’un tube en os a été découvert dans la
même structure (n° 114).

A la phase récente, les perles cylindriques en pierre sont plus nombreuses.


Au nombre de six, deux d’entre elles (n° 23 et 34 ; Fig. 12.7j-k) appartiennent au
niveau B2 et ont été trouvées ensemble dans une cuvette (St. 598, US 582) dans
laquelle des ossements humains d’adulte isolés ont été signalés. Dans la même
structure et la même couche, cinq autres objets de parure ont été découverts, tous
en coquillage (n° 17, 21, 22, 132, 133), ainsi qu’un fragment (n° 227) de stéatite
noire (famille des talcs) poli et scié.

Le niveau B0 a livré quatre perles cylindriques en pierre : trois (n° 64, 96,
108) appartiennent au collier n° 1 découvert dans la sépulture St. 339et une
(n° 107 ; Fig. 12.7k) a été découverte à proximité dans une zone de construction (St.
324) probablement liée à la sépulture du collier 1 (?).

Une seule perle (n° 141 ; Fig. 12.7m) appartient au niveau B-1 et a été
découverte dans les sédiments de l’aire funéraire (US 450). Une cyprée (n° 114) a
été découverte à proximité.

Enfin, la perle n° 186 provient du secteur C du Tell, à l’ouest. Elle est du


niveau C2 et a été découverte sur un sol extérieur (US 15).

Aucune perle cylindrique n’appartient à la phase ancienne.

521
Parmi les 14 perles cylindriques, huit sont entières et cinq présentent des
fractures diverses : longitudinalement dans le sens de la perforation (n° 200 et 186,
64), au niveau de l’une des extrémités (n° 137) ou dans les deux sens (n° 12). Un
élément, (n° 108) a été abandonné, en cours de fabrication. Outre les cassures,
certains éléments sont fragiles comme les perles en malachite. Elles présentent une
surface très fissurée et fibreuses et ces fibres se désagrègent à la moindre
manipulation.

Toutes les perles cylindriques sont de section circulaire à l’exception d’une


en terre (n° 200) qui est de section elliptique.

Les dimensions des éléments cylindriques en pierre sont relativement


homogènes (Tabl. 12.13). Deux perles parmi les quatre en terre (n° 112 et 200)
s’inscrivent dans le gabarit des perles en pierre. Les deux autres perles en terre
(n° 137 et 168 ; Fig. 12.7n) ont un gabarit plus grand.

Les dix perles cylindriques en pierre sont très variées, cette diversité est
également connue au sein des perles d’autres types ainsi qu’au sein de la famille
des rondelles. Nous avons distingué la turquoise pour la perle n° 64 provenant du
collier n° 1. La malachite, par sa couleur vert cuivre caractéristique, a été
déterminée pour deux perles, la première appartenant au collier n° 1 (n° 96) et une
fragmentaire (n° 12) provenant du niveau B3.

La classe des silicates a été identifiée pour cinq perles. L’une d’elles (n° 34 ;
Fig. 12.7k), de couleur vert clair marbré de vert sombre gris et de jaune, pourrait
appartenir à la famille des serpentines (lizardite ?). Cette roche a également été
reconnue pour un élément (n° 192) (cf. infra) dont la surface est craquelée et
abîmée. La perle n° 107 (Fig. 12.7l) est en roche tendre translucide à éclat gras, de
couleur vert sapin, peut-être en talc vert. Les trois perles restantes (n° 108, 23 et
141 ; Fig. 12.7j et m) sont fabriquées dans des roches de la famille des chlorites.
Dans les deux premiers cas, ces roches sont de couleur gris anthracite à tonalités
verdâtres et à éclat mat ; il s’agit probablement d’une variante de chlorite, comme
le clinochlore ou la chamosite. Dans le troisième cas, la roche est de couleur
grisâtres à tonalités vertes évoquant le chlorite.

Une perle (n° 113 ; Fig. 12.7i) a été réalisée dans une roche sableuse de type
grès et de couleur rose-saumon. Enfin, appartenant à la classe des carbonates, la

522
perle n° 186, de couleur orange claire à éclat mat, pourrait être en calcaire chauffé
(rubéfié).

Elliptiques
Les perles elliptiques de Tell Aswad sont au nombre de quatre. Elles sont
toutes de section elliptique. Parmi elles, deux proviennent du niveau B12. L’une
(n° 233) fait partie du collier n° 2 découvert dans la sépulture (St. 796, US 798) et
l’autre (n° 239) appartient au collier n° 3 provenant de la sépulture (St. 787, US
792). Les deux autres (n° 184 et 187) sont de la phase moyenne du secteur C
(niveau C4) et forment le collier n° 5 avec deux autres perles plates (n° 185 et 188).
Ce collier a été découvert près du cou d’un individu enterré dans une sépulture
(St. 10, US 13).

Ces perles ne présentent aucune fracture. Leur gabarit est un peu plus petit
que celui des perles cylindriques (Tabl. 12.13).

Le matériau dans lequel ont été fabriqués ces quatre éléments appartient à
la classe des phosphates. Les perles de la phase moyenne du secteur C (n° 184 et
187) sont en turquoise. Les deux perles du niveau B12 (n° 233 et 239) sont réalisées
en roche verte marbrée de beige et de plusieurs tonalités de vert et gris évoquant
fortement les roches phosphatées.

B. Perles plates
Au total, 19 perles plates ont été dénombrées dans la collection. D’après
leur géométrie faciale, deux types sont distingués : les perles plates elliptiques, au
nombre de 15, et les perles plates rectangulaires au nombre de quatre. Pour une
perle fragmentaire (n° 10), le type est indéterminé.

Elliptiques
Au total 15 perles se classent en tant que perles plates elliptiques. Leur
section est lenticulaire biconvexe. Parmi elles, deux présentent des fractures. Sur
l’une (n° 193), la fracture a emporté la moitié de la perle dans le sens longitudinal,

523
au niveau de la perforation. Sur l’autre perle (n° 161), la fracture est longitudinale
mais aussi dans le sens de la largeur. Le fragment restant suggère une
appartenance au type elliptique.

Les perles plates elliptiques appartiennent à toutes les phases du site. La


phase ancienne a livré cinq perles toutes du niveau B12. Parmi elles, trois (n° 232,
234 et 236) appartiennent au collier n° 2 (St. 796, US 798) et deux (n° 237, 238) au
collier n° 3.

A la phase moyenne appartiennent trois perles plates elliptiques, deux


(n° 185 et 188 ; Fig. 12.7r) proviennent du collier n° 5 (St. 10, US 13, niveau C4) et
une autre (n° 161) a été trouvée dans un sol extérieur (US 523) du niveau B3.

Les perles plates de la phase récente sont au nombre de sept. Trois d’entre
elles ont été trouvées dans le secteur C. L’une d’elles (n° 193) provient du niveau
C2, il s’agit de l’unique exemplaire à aménagement de type « col » identifié à Tell
Aswad, découvert dans une fosse (St. 31, US 43) près d’une sépulture. Les deux
autres (n° 194 et 195) composent le collier n° 6 trouvé dans la sépulture (St. 38) du
niveau C1. Les quatre perles restantes proviennent du secteur B. L’une d’entre
elles (n° 174 ; Fig. 12.7o) est du niveau B1 et provient d’une fosse (St. 602), une
autre (n° 140 ; Fig. 12.7p) du niveau B0 et a été dans un contexte de construction
indéterminé (St. 200). La troisième perle (n° 179), est la seule à prévenir d’une
sépulture (St. 670) du niveau B-2. Enfin, la perle n° 40 (Fig. 12.7t) du niveau B-5
proviennent d’une cuvette (St. 575, US 552) contenant des ossements humains
isolés d’adulte.

Les perles appartenant aux colliers n° 2, 3, 5 et 6, ont été majoritairement


fabriquées en roches de la classe des phosphates. La turquoise a été identifiée dans
cinq cas. Pour trois d’entre eux (n° 185, 234 et 236), il s’agit d’une turquoise verte
pâle, et pour deux cas (n° 194 et 195 ; Fig. 12.7s), la couleur est turquoise foncée et
est traversée de veinules grises et marron. Des roches phosphatées ont été utilisées
pour la fabrication des perles du collier n° 3 (n° 237 et 238 ; Fig. 12.7q).
L’amazonite, aussi d’origine phosphatée, a été identifiée pour une perle (n° 232)
du collier n° 2. Faisant partie du collier n° 5, la perle n° 188 a été fabriquée en
roche noire anthracite pouvant appartenir à la famille des chlorites.

524
Les perles restantes sont fabriquées en divers matériaux. Pour l’une (n° 40 ;
Fig. 12.7t), il s’agit de la turquoise, et pour quatre autres, il s’agit de roches
appartenant à la classe des silicates dont deux de la famille des chlorites (n° 140 et
193 ; Fig. 12.7p) et deux de la famille des talcs (n° 161 et n° 179). La perle n° 161 est
de couleur vert foncé et elle est translucide à éclat gras. La perle n° 179 est de
couleur noir anthracite à éclat gras et à aspect savonneux. Le matériau d’une perle
(n° 174 ; Fig. 12.7o) n’a pu être déterminé. Il est de faible dureté et de couleur blanc
beige traversé d’un réseau dense de veinules très fines couleur gris claire. Son éclat
est mat. Il pourrait s’agir d’une roche carbonatée.

Rectangulaires
Au nombre de quatre, les perles plates rectangulaires ont une section
transversale elliptique aplatie. Parmi elles, trois sont en pierre et une en os. Parmi
les perles en pierre, une seulement (n° 177) appartient à un collier, le collier n° 5
trouvé dans une sépulture (St. 723, US 720) du niveau B7. Cette perle est en
turquoise (L : 12.2 mm ; l : 9.6 mm ; e : 5 mm ; dp : 2.8 et 2.5 mm).

Les deux autres perles ont été trouvées dans des contextes particuliers.
L’une (n° 196), en malachite (L : 7.8 mm ; l : 8.3 mm ; e : 5.2 mm ; dp : 4.3 et 3.7
mm), vient d’une fosse-foyer (St. 93, US 114) du niveau B10. La troisième perle
(n° 211), en talc noir (L : 7.4 mm ; l : 6.7 mm ; e : 4.2 mm ; dp : 3.3 et 2.5 mm), a été
trouvée dans la couche brûlée d’une cuvette (St. 13, US 31) du niveau B4.

Les 19 perles plates de Tell Aswad se distinguent par leur gabarit selon le
type mais aussi si elles composent clairement un collier ou si elles ont été trouvées
isolées. Pour illustrer ces propos, nous avons mis en relation les longueurs et les
largeurs mesurées sur ces perles dans un nuage de points (Fig. 12.11). Les données
sont très variables. Une concentration de perles peut être observée parmi les
valeurs les plus faibles. Cela concerne les éléments de petite taille dont la longueur
est comprise entre 7.3 et 15.7 mm et la largeur entre 5.4 et 13.6 mm. Cette
concentration regroupe des perles elliptiques et rectangulaires. Notons également
qu’une demi-douzaine de perles présente une largeur supérieure à la longueur.
Ces perles sont majoritairement de type elliptique à l’exception de celle en
malachite (n° 196) qui est de forme rectangulaire. Les autres perles sont de type

525
elliptique et ont une longueur supérieure à 21 mm et une largeur supérieure à 16
mm. L’élément le plus grand, la perle n° 193, bénéficie d’un aménagement de type
« col » et représente l’unique exemplaire de la collection ayant ces caractéristiques.
Cet objet est cassé en deux dans le sens de la perforation. Nous avons estimé sa
largeur initiale en considérant qu’il s’agit d’une perle relativement symétrique.

La répartition des perles selon leur contexte montre que les éléments
composant les colliers trouvés dans les sépultures sont de petit gabarit et peuvent
être elliptiques ou rectangulaires. Les éléments isolés quant à eux peuvent avoir
deux gabarits, petit ou grand. Enfin, les éléments de grande taille ont été fabriqués
soit en roches noires de la famille des chlorites (clinochlore ?) ou en matériau
pouvant être de la calcite. Aucun élément de grande taille, y compris ceux
correspondant à d’autres familles typologiques comme les perles tubulaires ou les
pendeloques, n’a été fabriqué en roches appartenant à la famille des phosphates
(turquoise ou autres roches phosphatées) ou en malachite.

C. Perles standards
Les perles standards de Tell Aswad, au nombre de deux, sont en terre. La
première (n° 111 ; Fig. 12.7x) a été trouvée dans une cuvette (St. 298) du niveau B3
contenant beaucoup d’os humains isolés. Elle est de forme sphérique de section
elliptique (d : 15.8 mm ; L : 15.7 mm ; e : 13.5 mm).

L’autre perle (n° 135 ; Fig. 12.7w) a été trouvée dans une fosse (St. 140) du
niveau B2. Elle est cassée en deux dans le sens de la longueur et elle est plus
grande que la précédente. La surface de la partie conservée est ornée de plusieurs
bandes croisées. Ces bandes sont composées de sillons transversaux parallèles
entre eux et de 3 mm de longueur environ. Sur la bande la plus complète et la
moins abîmée, 20 empreintes au total ont pu être comptées. Elles pourraient
correspondre à un élément longiligne constitué de protubérances régulièrement
espacées. La boule d’argile aurait été entourée par cet élément ? Nous n’avons
malheureusement pas plus de précision.

526
Techniques et usure
Les perles en argile ont toutes été modelées manuellement, bien que nous
n’ayons pas observés d’empreintes de doigts. En effet, les formes ne sont pas très
régulières et les surfaces présentent de légers creux et bosses. Les ouvertures des
perforations ont des formes composées de courbes qui se rejoignent par des angles
ou en plis. Elles ont été sûrement réalisées avant le séchage de la masse argileuse
humide par l’enfoncement d’une tige fine à l’emplacement choisi. Sur une perle
sphérique cassée en deux, le tube de la perforation porte les empreintes d’une tige
végétale de type roseau.

Dans deux cas (n° 112 et 200), les perles ont des formes très régulières, leurs
surfaces ainsi que leurs extrémités ont été abrasées. La perforation, dont les
ouvertures sont très régulières et de forme circulaire, a probablement été réalisée
par forage. Une portion de strie fine circulaire est observée sur l’une des
ouvertures de la perle n° 112. Les deux éléments cylindriques de section elliptique
en terre (n° 213 et 214) du niveau B10 n’ont pas de perforation. Leurs surfaces ont
été abrasées ainsi que leurs extrémités. Il s’agit très certainement d’ébauches de
perles en terre destinées à être forées (?). La cuisson de ces éléments peut être
intentionnelle. Nous suggérons que l’artisan a profité de la malléabilité de la
masse argileuse afin de produire rapidement une ébauche de forme et de volume
approximatifs. Ensuite, afin de donner des attributs volumiques plus précis, il a eu
recours à une source de chaleur rendant la masse argileuse dure et apte à la
transformation par l’une des techniques utilisées généralement pour la pierre, celle
de l’abrasion.

Les supports des perles en pierre ont tous été façonnés par abrasion. Rares
sont les perles conservant encore les stries d’abrasion car elles présentent toutes
des stigmates d’usure, notamment l’effacement des stries et l’émoussement des
bords. Dans le cas de l’élément n° 108, la fabrication n’a pas été terminée et les
stries d’abrasion longitudinales sont encore visibles.

Concernant les perforations, elles sont bipolaires. Les matériaux étant


opaques, leur section n’a pas pu être déterminée. Cependant, nous avons
documenté plusieurs cas de perforations désaxées : soit parce que la perforation
était complètement ou partiellement cassée, soit parce que l’objet fut abandonné

527
en cours de fabrication. Sur d’autres cas, la surface externe de la perle porte les
traces d’un tube de forage qui a été abrasé par la suite mais n’a pas été entièrement
éliminé.

12.2.6. Objets à double perforations longues bilatérales

(«perles biforées »)

Le site de Tell Aswad a fourni quatre perles biforées, toutes façonnées selon
un volume cylindrique à section elliptique plate. Deux perforations longues
parallèles sont disposées bilatéralement dans le sens de l’axe principal (CY.2.II.L.1)
(Tabl. 12.10).

Les perles biforées proviennent de toutes les phases d’occupation du site.


Une seule proviennent de la phase ancienne (n° 109 ; Fig. 12.7u) a été trouvé dans
une couche de démolition (US 410) de la maison EA 24, dans le niveau B12. Elle est
fabriquée en roche blanche tendre à aspect savonneux, surface lisse et à éclat mat.
Cette roche est traversée de veinules jaunes, grises et marron. Elle évoque une
sorte de marbre ou de l’albâtre.

Deux perles (n° 175 et 8) datent de la phase moyenne, respectivement du


niveau B8 et du niveau B3. La perle n° 175 (Fig. 12.7v), fabriquée en talc rouge, a
été découverte sur le sol intérieur (St. 730) de la maison EA 43. La perle n° 8 a été
trouvée dans une couche de préparation du sol (US 564) de la maison EA 21. Dans
la même couche, un fragment de perle en malachite a été trouvé. Ce type d’objet a
été également réalisé en talc (stéatite) mais de couleur noire anthracite.

Enfin, la perle de la phase récente (n° 13) a été trouvée au fond d’un foyer
creusé dans le sol (St. 573) de la maison EA 27 du niveau B1. Elle présente une
fracture longitudinale sur l’une des deux perforations sans que cette fracture
affecte le volume général. Cet élément a été fabriqué en turquoise couleur vert
bleu pâle traversée par des veinules marron. Trois des quatre perles biforées (n° 8,
13 et 109) ont plus ou moins le même gabarit (en moyenne, L : 8.3 mm ; l : 7.1 mm ;
e : 3.7 mm). Quant à celui de la perle n° 175, il est plus grand (L : 14.4 mm ; l : 8.6
mm ; e : 4.7 mm).

528
Les perles biforées, fabriquées en roches relativement tendres, ont été toutes
façonnées par abrasion. Cependant, l’usure a effacé toute trace de fabrication,
notamment sur l’élément le plus ancien (n° 109) dont même le volume a pu être
affecté par l’usure. En effet, des encoches relativement grandes ont été
documentées sur une face (Fig. 12.7u). L’usure a également affecté la paroi
séparant les deux perforations qui présente une encoche très profonde.

Toutes les perforations sont bipolaires. La section d’une perforation cassée


de l’élément n° 13 est cylindrique. Sur une portion de sa paroi des stries
concentriques régulières ont pu être observées.

12.2.7. Objets recyclés

12.2.7.1. La pendeloque/perle
Parmi la collection de parure de Tell Aswad figure un cas exceptionnel de
recyclage. L’objet n° 192 (Fig. 12.6k), de forme cylindrique à section elliptique,
porte deux perforations courtes parallèles unilatérales transversales (CY.1.II.C.2)
d’une part, et une perforation longue centrée axiale (CY.1.I.L.1) d’autre part. Il
s’agit donc à la fois d’une pendeloque biforée et d’une perle (Tabl. 12.9).

Le matériau utilisé est une roche de faible dureté de couleur vert olive
marbrée de jaune et vert sapin et tachetée de noir à certains endroits. Dans les
zones de cassure elle présente un éclat mat. En examinant la surface à fort
grossissement la matière apparaît craquelée et se desquame sous forme des
couches très fines translucides. Elle pourrait être en serpentine-lizardite.

L’usure a altéré la forme originelle et donc modifié les dimensions initiales


(sur la pièce, h : 31.5 mm ; l : 30 mm ; e : 10.2 mm). Elle a particulièrement affecté la
hauteur et l’épaisseur, probablement de plusieurs millimètres.

L’usure est également à l’origine de la fracture d’une des perforations


courtes au niveau de l’extrémité supérieure, ainsi que de la fracture de la
perforation longue dans le sens longitudinal sur l’une des faces.

Il est possible que l’objet ait été muni de ces trois perforations au moment
de sa création, c'est-à-dire conçu ainsi dès le départ. Toutefois, nous ne

529
connaissons aucun exemplaire comparable, aucun objet en pierre ni en terre de ce
genre dans le registre néolithique proche-oriental. Par contre, les exemples de
recyclage sont nombreux pour cette période et cette région, notamment sur les
éléments fabriqués en matériaux allochtones. À quelle catégorie appartenait cette
pièce au moment de sa confection ? Une perle ou une pendeloque biforée ? L’état
très avancé de l’usure ne permet pas de répondre à cette question. En effet, les
indices tracéologiques permettant d’établir une hiérarchie dans les gestes et
opérations techniques sont inexistants. La perforation longue étant cassée, elle ne
permettait plus l’attache de l’objet. L’une des deux perforations courtes était
encore utilisable. Il est possible que la dernière utilisation de l’objet ait été comme
pendeloque biforée attachée par la perforation non cassée. Cependant, cela ne
permet pas d’établir un ordre dans les deux fonctions.

Cet objet provient du niveau C3 de la phase moyenne et a été découvert


isolé dans une couche de démolition (US 73) du niveau précédent (C4). Son
contexte de découverte étant ambigu, nous n’avons pas d’informations
supplémentaires permettant de comprendre sa dernière fonction avant son
abandon.

12.3. Les formes singulières

Le site de Tell Aswad n’a livré qu’une seule pendeloque de forme


singulière. Fabriquée en pierre, elle prend la forme d’un « crochet », d’où son
appellation.

12.3.1. Pendeloque en « crochet »

La pendeloque n° 32 (Fig. 12.6j) provient d’une sépulture collective (St. 544,


US 518) de l’aire funéraire du niveau B0. Cette sépulture contenait à la fois des
dépôts primaires (trois individus) et des ossements dispersées d’adultes et
d’immatures. La pendeloque a été découverte au fond de la sépulture après
enlèvement des restes osseux. Son attribution à l’un des individus occupant cette
sépulture n’a pas été possible. Une nérite marine (n° 223) fut également

530
découverte dans cette sépulture mais nous ne pouvons pas faire la relation entre
les deux éléments.

De volume plat, la forme de cette pendeloque évoque un « crochet » sans


qu’on puisse affirmer que cette forme représente un véritable « crochet » ou que
cela soit sa fonction. La forme en deux dimensions, en regardant la pendeloque en
face de la perforation, est composée de trois parties distinctes : une proximale
portant la perforation, une mésiale et une distale. La partie proximale a une forme
trapézoïdale dont le côté le plus long correspond à celui de l’extrémité supérieure
de la pendeloque. La perforation est située près de cette extrémité et au centre. La
partie mésiale constitue une continuité fluide avec la partie précédente. Il s’agit de
la partie verticale de la pendeloque, plus étroite que la précédente. Ces deux bords
latéraux sont parallèles, l’un est légèrement concave et forme une continuité droite
avec la partie proximale, l’autre est convexe et forme une rupture, un angle, avec
le côté du trapèze de la partie proximale. La qualification de pendeloque est due à
sa partie distale qui est pointue et perpendiculaire à la partie précédente. La partie
distale constitue la partie « horizontale » de la pendeloque.

Le matériau utilisé est une roche couleur beige traversée par des veinules
de couleur gris clair et parsemée de points et de taches orangés. Il est difficile de
déterminer sir ces derniers font partie de la composition minérale ou s’ils sont le
résultat d’un dépôt post-dépositionnel. De faible dureté (3.5 sur l’échelle de Mohs)
et d’éclat terne à mat, il s’agit d’une roche carbonatée de type calcite.

Cette pendeloque est de moyen gabarit (h : 18.3 mm ; l : 7.1 mm ; e : 3 mm).


Le volume a été mise en forme par une abrasion dont les stries sont encore
visibles, notamment sur le contour concave de la partie mésiale, c'est-à-dire dans
la zone formant l’angle du crochet. La perforation est bipolaire de section
cylindrique (dp : 2.5 et 1.9 mm). La jonction entre les deux cônes a été presque
totalement supprimée. Sur l’une des faces, plusieurs incisions croisées sont
observées. Elles ont été intentionnellement gravées afin de marquer le bon
emplacement pour éviter le désaxement de la perforation.

Comme nous l’avons noté plus haut, la forme de crochet n’est ici
mentionnée que pour sa valeur descriptive. L’interprétation que l’on peut avancer
ici est très risquée puisqu’il s’agit de la seule pièce présentant ces caractéristiques.

531
Etant donné que les représentations schématiques sont fréquentes sur le site, que
ce soit sous forme de figurines ou encore d’objets de parure comme avec les
pendeloques contournées, il est possible d’inscrire la pendeloque n° 32 dans le
même esprit mais ici extrêmement schématique. Ainsi, la partie proximale portant
la perforation pourrait représenter une tête, la partie mésiale un buste, et la partie
distale les jambes formant un angle droit avec le buste. Le tout serait susceptible
de correspondre à une représentation humaine assise.

Notons que la pendeloque montre un léger poli sur les faces et que les
contours externes sont émoussés. La perforation présente un étirement en
direction de l’extrémité supérieure de l’élément. Les stries de perforation à cet
endroit ont été presque complètement effacées par le passage et le frottement du
lien. La pendeloque a été probablement portée, peut-être par l’un des sujets
enterré dans la sépulture commune.

Enfin, à notre connaissance, aucun exemplaire semblable à celui-ci n’a été


signalé dans les autres sites néolithiques de la région. Les anciennes fouilles de
Tell Aswad n’ont pas livré de telles pièces.

12.4. Objets à perforation large

Le site de Tell Aswad a fourni deux fragments (n° 138 et 139) de bracelets
qui constituent des exemples uniques dans les collections étudiées. Les deux
appartiennent au niveau B2 et ont été découvertes dans un sol (St. 138, US 156) en
radier.

Le matériau employé est de couleur beige blanchâtre, de surface crayeuse et


de faible dureté. Il s’agit très certainement d’une roche carbonatée de type calcaire
tendre.

Leurs portions sont issues d’une forme torique et ils se distinguent l’un de
l’autre par la section. En effet, la section de l’élément n° 138 est pentagonale avec
de côtés de longueur inégale (L : 18.8 mm ; l : 15.3 mm ; e : 6.9 mm ; di estimé : 58-
70 mm). La base du polygone correspond au côté le plus long et à la surface
interne du bracelet. Deux côtés courts perpendiculaires à la base et parallèles entre
eux correspondent aux bordures (en facettes) de l’objet. Enfin, les deux derniers

532
côtés de la forme pentagonale forment un angle et sont situés sur la surface
externe du bracelet (la surface exposée).

La section de l’élément n° 139 (Fig. 12.7m) est plus complexe et plus grande
que la précédente. La forme générale de la section s’inscrit dans un rectangle (L :
35.5 mm ; l : 14.6 mm ; e : 8.1 mm ; di estimé : 74-87 mm), mais l’un des deux côtés
les plus longs, sur la face externe du bracelet, comporte une sorte de bourrelet
(proéminence) en son centre. Nous désignons cette section comme un rectangle à
excroissance sur face externe.

Les diamètres internes estimés de ces bracelets sont relativement petits. En


effet, si l’on suppose que ces fragments proviennent des bracelets massifs123, ces
derniers ne peuvent être glissés et portés que sur des poignets fins (ex. enfants,
jeune adultes.).

Les stries de raclage sont encore visibles sur les faces internes de ces
fragments. Sur les faces externes, des stries d’abrasion sont également visibles. Le
relief sur l’élément n° 139 a été mis en forme par raclage. L’effacement partiel des
stigmates de fabrication, le léger lustre sur les surfaces et le faible émoussement
des reliefs suggèrent que les bracelets ont été portés peu de temps avant qu’ils
aient été fracturés.

12.5. Synthèse formes géométriques et singulières

Les cylindres, les ellipsoïdes et les formes qui en sont issues sont les plus
communes parmi les formes géométriques reconnues dans la parure de Tell
Aswad, tandis que les formes prismatiques sont rares. Cette tendance est observée,
nous l’avons vu, pour les autres sites étudiés jusqu’à présent.

Les classes typologiques identifiées pour Tell Aswad sont communes pour
tous les sites du corpus. Les rondelles, les pendeloques, les perles (y compris les
perles biforées) sont présentes dès la phase ancienne (horizon PPNB ancien). Les
pendeloques biforées et les éléments biforés n’apparaissent qu’à partir de la phase
moyenne (horizon PPNB moyen) et sont réalisés sur des matières dures d’origine

123 Un volume entier et non pas composite de plusieurs fragments.

533
animale. Notons que ces deux classes sont fabriquées en pierre, notamment en
calcaire, au cours des périodes précédentes (Khiamien, PPNA et PPNB ancien) sur
les sites du Moyen Euphrate. Les fragments de bracelets, quant à eux, proviennent
de la phase récente. Il convient par ailleurs de rappeler que dans notre corpus c’est
uniquement à Tell Aswad qu’a été documenté ce type d’objet, bien qu’il soit bien
connu pour la période PPNB sur d’autres sites comme à Cafer Höyük (Maréchal
1985a) en Anatolie orientale et à Ba’ja (Hintzman 2011) en Jordanie.

Une riche gamme de matériaux a été identifiée. Elle comprend des


matériaux dont l’origine peut être locale, tels que la calcite, et des matériaux
d’origine allochtone qui eux sont très variés et consistent notamment en plusieurs
variétés de phosphates et d’ophiolites et en deux variétés de carbonates non
locales peut être associés aux gisements de phosphates : la malachite et la calcite
verte translucide. Parmi les matériaux allochtones, les phosphates, la turquoise,
l’amazonite et la malachite sont identifiés dès la phase ancienne, à partir du
niveau le plus ancien, B12. Ces matériaux sont également documentés au cours
des phases suivantes (PPNB moyen). Les roches ophiolitiques telles que les
chlorites, les serpentines et les talcs ne sont exploitées qu’à partir de la phase
moyenne. Notons que ces matériaux sont largement exploités pour la période du
PPNA au Levant nord et plus rarement au Khiamien.

Par ailleurs, nous constatons que les pendeloques sont majoritairement


fabriquées en matériaux locaux (calcite sous forme de galets plats) tandis que les
perles et les perles biforées sont principalement fabriquées en matériaux
allochtones. Quant aux rondelles, elles sont fabriquées en matériaux locaux,
notamment en calcite. La présence de petits cylindres polis en calcite sur le site
peut être liée à la fabrication des rondelles. En effet, ayant des diamètres
semblables à ceux des rondelles, ces cylindres sont probablement des ébauches
destinés au tronçonnage.

À Tell Aswad, la pendeloque en pierre en forme de « crochet » est unique


dans son genre. Sa conception selon trois parties distinctes (proximale, mésiale et
distale) rappelle de manière très schématique une représentation humaine assise.
Mais nous restons très prudente quant à cette interprétation étant donné que nous
ne connaissons aucun autre exemple ou parallèle provenant des sites
contemporains ou même datant des périodes antérieures ou ultérieures.

534
12.6. Conclusion

La collection de parure de Tell Aswad est l’une des plus riches du corpus
étudié. Cette richesse concerne les matériaux, les états dans lesquels se décline la
matière (de l’état brut à l’objet fini) et les contextes de découverte. Cette richesse
fait que la collection de Tell Aswad est aussi parmi les plus complexes du corpus.
La diversité des matériaux se voit notamment au sein des coquillages pour
lesquelles plus de 10 familles taxonomiques ont été identifiées. Les coquilles des
mollusques aussi bien marins que dulçaquicoles ont été exploitées. Ainsi, des
espèces méditerranéennes et de la Mer Rouge sont identifiées dès le début du
PPNB moyen. Les cyprées de la Mer Rouge apparaissent à la phase récente.

La richesse des matériaux est également observée au niveau des roches. Les
phosphates (turquoise), les feldspaths (amazonite) et la malachite proviennent très
certainement du Sud, probablement par les mêmes voies que celles des coquillages
de la Mer Rouge. Les ophiolites sont de provenance septentrionale. Leur arrivée
sur site peut être liée à celle de l’arrivée de l’obsidienne. À Tell Aswad cette
dernière provient de deux sources : Bingöl A/Nemrut Dağ en Anatolie orientale et
Göllü Dağ Est en Cappadoce (Delerue 2007, p. 313 et 369). Les deux sources sont à
proximité des gisements d’ophiolites (Alarashi et Chambrade 2010).

Un autre aspect du caractère exceptionnel de la parure de Tell Aswad est


celui de l’état des matériaux. Des fragments de calcites locales, de calcite verte, de
malachite et de stéatite noire ont été trouvés sur le site sous forme de matière
brute, d’ébauche ou de préforme. Un grand nombre d’objets de parure,
notamment les rondelles et les pendeloques en calcite ainsi que certains éléments
en calcite verte et en stéatite ont été fabriqués sur place. La découverte d’un atelier
en obsidienne dans le niveau (Abbès in Stordeur 2001, p. 11-13) conforte
l’hypothèse de l’arrivée des matériaux allochtones sur le site à l’état brut et de leur
transformation sur place.

Enfin, il convient de souligner un point intéressant concernant le contexte


de découverte des objets. Nous l’avons vu, un certain nombre d’entre eux furent
trouvés en association directe avec des squelettes dans des sépultures. Cependant,
de nombreux objets proviennent d’un contexte particulier, celui des espaces
dépourvues de constructions mais très riches en matériaux et en sédiment brûlés,

535
les « cuvettes ». La fonction de celles-ci demeure difficile à comprendre en l’état
actuel de la recherche. Toutefois, nous avons constaté que dans la majorité des
cuvettes où des objets de parure ont été découverts, il y avait presque
systématiquement des ossements humains isolés. Or, la pratique des
réaménagements des sépultures est bien documentée à Tell Aswad (Stordeur
2003b ; Stordeur & Khawam 2007). Certaines sépultures sont réouvertes pour
recevoir de nouveaux individus et les squelettes anciens sont repoussés ou
déplacés partiellement et déposés dans les cuvettes. Nous pensons que ce
déplacement peut concerner également une partie du mobilier funéraire,
notamment les petits objets comme la parure.

Les objets de parure dans les sépultures collectives ou secondaires de l’aire


funéraire (phase récente) sont peu nombreux. En revanche, les sépultures de la
phase ancienne qui sont incluses dans l’espace domestique sont plus riches et les
individus portent souvent des colliers de perles.

Enfin, d’après les traces d’usure, la parure trouvée dans les sépultures avait
été portée par les gens d’Aswad au cours de leur vie.

536
Partie IV

SYNTHÈSE ET DISCUSSION

537
538
Chapitre 13. Choix et origines des matériaux

Un ensemble de critères détermine le choix des matériaux exploités dans le


domaine de la production artistico-symbolique. Des critères intrinsèques comme
les propriétés physiques (aptitude à la transformation, résistance, dureté),
morphologiques (formes, dimensions), esthétiques (couleur, décor, brillance), mais
aussi extrinsèques comme l’accessibilité à la source fournissant le matériau
(distance, contrôle territorial) et l’abondance de ce dernier.

Dans ce chapitre, les matières premières utilisées pour les éléments de


parure seront abordées d’un point de vue diachronique selon deux questions : le
choix et l’origine.

Précisons d’emblée que certains matériaux sont choisis notamment en


raison de leurs formes naturelles. C’est le cas de certaines parties squelettiques
(phalanges, dents), des coquillages ou des galets. Nous avons cependant décidé de
les traiter ici afin de présenter par la suite leurs possibles origines (provenance).

Dans un premier temps, nous présentons les principales catégories des


matériaux et leurs fréquences relatives. Ensuite, de manière plus détaillée, ce sont
les coquillages et les roches qui seront présentées. Les matières osseuses ne seront
abordées que de manière générale.

13.1. Catégories principales des matières

Le choix d’un matériau constitue la toute première étape de la création, la


charge communicative et symbolique de l’objet en vue de réalisation commence à
cet instant.

Une très grande diversité de matériaux s’offrait à l’homme néolithique et


cette diversité s’étendait sans doute sur une très large gamme de matières dont
nous n’avons plus de traces aujourd’hui, c'est-à-dire les matières périssables. Les
faibles effectifs d’objets de certains sites pourraient être expliqués par une forte
utilisation des matières d’origine végétale. Les vestiges d’origine organique dont
nous disposons sont des restes de cordelettes ou de fibres qui servaient à l’attache

539
des objets. Régulièrement, des restes de fibres ont été observés sur les coquilles de
cyprées de Tell Halula ainsi qu’à l’intérieur des perforations des perles de ce
même site. Les découvertes de ce type sont plus occasionnelles sur les perles
provenant d’autres sites comme Tell Mureybet ou Tell Aswad.

Les éléments constituant notre corpus sont en pierre, coquillage, en


matières osseuses (os et dents), en argile et en métal (cuivre natif). Ces matériaux
sont représentés avec des effectifs et des proportions très variables (Fig. 13.1).
Quels que soient la période ou le site, la pierre est la catégorie dominante. Les
coquillages et l’os ont des proportions relativement semblables tandis que l’argile
est sous-représentée avec des effectifs réduits sauf pour Jerf el-Ahmar où un collier
composé de 48 éléments en terre fut découvert, ce qui fausse certainement la
tendance générale. En effet, l’utilisation de ce matériau est anecdotique sur les
sites néolithiques sauf à Halula où il est absent. Le cuivre quant à lui est présent
uniquement à Tell Halula à partir du PPNB récent avec un pourcentage de
presque 2%.

Les pierres, les coquillages et l’os constituent les trois principales catégories
des matières exploitées pour la parure dès la fin du Natoufien au Proche-Orient.
Cependant, l’évolution de leur fréquence est différente par horizon chrono-
culturelle et/ou par région. Quelle que soit la période, (Fig. 13.2) les proportions de
la pierre sont supérieures à 40% et atteignent 80% à la période du PPNB récent
(Tell Halula). Les proportions des coquillages et des matières osseuses sont
presque équivalentes avec des valeurs variant entre 5 et 31% environ.

L’évolution de l’utilisation de ces matériaux peut être présentée en termes


de tendances générales, qui sont bien évidemment à modérer en fonction des
spécificités de chaque site (e.g. représentativité de l’échantillon par rapport à la
superficie fouillée, contextes sépulcraux, etc.). De la fin de l’Epipaléolithique et
jusqu’au PPNB récent, l’utilisation de la pierre dans ce domaine a augmenté
progressivement. Cette augmentation est remarquable au PPNA, elle passe à plus
de 65% après avoir été de 40% environ au cours de l’Epipaléolithique. Cette
fréquence reste relativement stable aux cours des périodes suivantes avant de
connaître une seconde augmentation à la fin du Néolithique précéramique.

540
Contrairement à la pierre, les matières osseuses sont progressivement
abandonnées après avoir été relativement bien exploitées à la fin de
l’Epipaléolithique, notamment au Khiamien (30%). Cette baisse est interrompue
au PPNB ancien par une augmentation apparente que l’on considère avec
prudence car elle concerne uniquement le site de Dja’de el-Mughara. Les
coquillages sont exploités tout au long des périodes qui nous intéressent avec des
proportions relativement élevées à la fin de l’Epipaléolithique (plus de 28%) mais
qui baissent fortement à partir du PPNA et surtout au PPNB ancien (moins de
4%). A partir du PPNB moyen, leur proportions atteignent leur valeur maximale,
plus de 30%, avant de baisser à nouveau, jusqu’à 21%, au PPNB récent. On note
que la courbe des coquillages sur le graphique (Fig. 13.2) présente un effet
« miroir » avec celle des matières osseuses pour la période du PPNB ancien ;
contrairement aux fréquences élevées de l’os à cette période, celles des coquillages
sont très faibles.

La comparaison avec des assemblages contemporains d’autres régions n’est


malheureusement pas toujours possible car les études sont parcellaires. Toutefois,
et d’après la littérature disponible, une tendance commune peut être dressée pour
l’ensemble du Proche-Orient : durant le Paléolithique et l’Epipaléolithique, les
objets de parure sont confectionnés en matériaux d’origine biologique, plus
particulièrement en coquillages (Inizan 1978 ; Bar-Yosef Mayer 2005 ; Bar-Yosef
Mayer et.al. 2009 ; Stiner et al. 2013 ), mais à la fin de la période épipaléolithique,
les matières d’origine minérale sont introduites en petites quantités, parallèlement
à l’augmentation de l’exploitation de la pierre dans d’autres domaines techniques
(e.g. architecture). Ainsi, par exemple, dans le Natoufien du Levant Sud, à côté des
dentales, des dents de cerfs et des phalanges de gazelles, on trouve quelques
exemples de pendeloques en calcaire et en roches de couleur verte (Belfer-Cohen
1991, p. 171 ; O. Bar-Yosef 1998, p. 165 ; Bar-Yosef Mayer & Porat 2008, Table 1,
p. 8549 ; Bar-Yosef Mayer 2013, p. 131).

L’augmentation des éléments de parure en pierre est progressive au cours


des périodes étudiées. Cette augmentation, à la fin du PPNB, s’accompagne d’un
bon nombre de découvertes de sites dans lesquels des « ateliers » de fabrication
ont été mis au jour. Les sites de Wadi Jilat et le Bassin d’Azraq, au nord de la
Jordanie, sont parmi les plus connus (Wright & Garrad 2003 ; Wright et al. 2008).

541
D’autres comme Ba’ja (Gebel & Bienert 1997 ; Gebel & Kinzel 2007, p. 27) Beidha
(Kirkbride 1966) au sud de la Jordanie, ou encore Tell Kerkh (Arimura 2007,
p. 284) au nord-ouest de la Syrie sont également à signaler.

13.2. Origines et acquisition des matériaux

Les matières premières ont été distinguées d’après leur origine124 locale
(matériaux autochtones) ou distantes (allochtones). Les matériaux autochtones
sont les coquilles d’eau douce (Theodoxus, Unio, Limnea et Melanopsis), les roches en
carbonates (sauf la malachite), les argiles et les gypses. Dans notre démarche, les
matières osseuses sont également considérées comme des matières d’origine
autochtone dans la mesure où ils proviennent d’animaux exploités principalement
pour l’économie de subsistance de ces sociétés. Autrement dit, il paraît évident
que les supports en os utilisés pour la parure proviennent majoritairement (sinon
exclusivement) des carcasses des animaux consommés par les habitants de ces
villages et non pas d’animaux absents dans l’environnement (rares) ou acquis par
échange. Les matériaux allochtones sont les coquillages marins, les phosphates, les
ophiolites, les variétés de calcédoine, l’obsidienne, l’améthyste, l’amazonite, la
malachite et le cuivre.

Dans tous les sites étudiés les matériaux allochtones côtoient les matériaux
autochtones bien qu’en proportions variables. Nous avons illustré ces proportions
par période pour chacun des sites (Fig. 13.3). Ainsi, les matériaux allochtones sont
présents dès le Natoufien final à Mureybet où ils représentent presque 40%. Au
Khiamien, où le nombre d’objets à Mureybet est beaucoup plus élevé qu’à la
période précédente, la part des matériaux allochtones reste sensiblement la même.
Au cours du PPNA, on observe une augmentation très importante des matières
allochtones, jusqu’à plus de 80%.

En revanche, la situation est différente en ce qui concerne les niveaux PPNA


de Jerf el-Ahmar. En effet, la part des matières autochtones y est très importante,
avec plus de 85%. Même si l’effectif des objets à la période de transition est très
faible, il semble là aussi que la part des matériaux autochtones est relativement

124 Cf. 3.5.3. Origines et acquisition, p. 116.

542
élevée. A la même période sur le site de Dja’de, l’effectif est également très faible
et les proportions des matériaux sont similaires à celles de Jerf, avec presque 60%
de matières autochtones contre environ 40% de matières allochtones. Au PPNB
ancien à Dja’de, les matières autochtones priment toujours sur les autres avec un
pourcentage de plus de 70%.

Sur le site de Tell Aswad pour la même période (rappelons toutefois que le
PPNB ancien d’Aswad est plus récent que celui de Dja’de), la situation est
différente mais là encore, la faiblesse de l’effectif est susceptible de fausser la
représentativité. Les matières allochtones y sont plus nombreuses et représentent
presque 70%. A la période suivante, sur le même site, la situation est inversée ; la
part des matières d’origine autochtone est plus élevée que celle des allochtones,
avec plus de 60%. Au cours du PPNB moyen à Tell Halula, la situation est à
l’opposé de celle de Tell Aswad. En effet, la part des matières d’origine allochtone
est représentée par plus de 65% de la totalité. Enfin, au PPNB récent de Tell
Halula, la situation change et la part des matières allochtones est extrêmement
élevée puisqu’elle est de 97% contre 3% de matières d’origine autochtone
(Fig. 13.3a).

L’évolution de l’exploitation des matériaux selon leur origine peut se


résumer de la manière suivante (Fig. 13.3b) : à la fin du Natoufien et au Khiamien,
la part des matières autochtones est supérieure à 60%. Au cours de la période
suivante, le PPNA, un changement important se produit avec une augmentation
nette des matières allochtones qui dépassent généralement les 50%. La situation
est semblable aussi bien au cours du PPNB ancien (sauf peut-être à Dja’de, où les
effectifs étudiés sont réduits) qu’au PPNB moyen. Enfin, à partir du PPNB récent,
les matériaux sont presque exclusivement d’origine allochtone.

Les matières premières allochtones peuvent arriver dans les villages


néolithiques à l’état brut, sous forme d’ébauche, de préforme, ou de produit fini.
L’acquisition à l’état brut peut être réalisée directement à la source ou
indirectement par un système d’échange. L’acquisition des produits finis peut être
directe à l’endroit où ils ont été produits ou, comme pour les matières brutes, par
un système d’échange ou par un système plus complexe basé sur des dons et des
offrandes. La mise en évidence de l’une ou de l’autre des modalités nécessite la
prise en considération de tout un ensemble de facteurs environnementaux,

543
économiques et socioculturels. Les notions de « distance » et de « proximité » d’un
gisement ne peuvent à elles seules expliquer la présence/absence des matériaux de
différentes origines.

Nous présentons par la suite les coquillages et les pierres selon différents
aspects concernant leur sélection ainsi que les indices recueillis par notre étude sur
la question de l’acquisition des matières et/ou des produits finis.

13.2.1. Les coquillages

13.2.1.1. Choix
Les coquillages exploités appartiennent aux trois grandes classes
taxonomiques des mollusques : les bivalves, les gastéropodes et les scaphopodes.
Au sein de chaque classe, plusieurs familles et espèces sont identifiées. Cette
diversité taxonomique traduit une richesse de formes, de couleurs et de volumes
et reflètent bien évidemment le choix de l’homme. Au moins 14 taxons ont pu être
identifiés : Osilinus, Nerita, Theodoxus, Erosaria, Luria, Hexaplex, Nassarius,
Columbella, Conus, Glycymeris, Dentalium, Unio, Lymnea, Melanopsis (Tabl. 13.1).
Parmi eux, certains sont comestibles, c’est le cas des murex (Hexaplex trunculus) et
des Trochidae (Osilinus turbinatus). Leur sélection par l’homme pourrait donc être
expliquée par un intérêt nutritif. Cependant, ces coquilles portent des percements
et sont trouvées pour certaines dans des contextes funéraires et clairement
associées aux défunts, ce qui ne laisse pas lieu au doute quant à leur fonction en
tant qu’objet de parure, peut-être après avoir été consommées.

Dans les niveaux du Natoufien final de Mureybet, une petite quantité de


Theodoxus (10 spécimens) a été trouvée ainsi que trois rondelles en test de
coquillage indéterminé125. Aux périodes suivantes, notamment au Khiamien, les
Theodoxus (47 spécimens) vont continuer à être exploitées. Leur effectif baisse au
PPNA (19 spécimens) à Mureybet tandis qu’à la même période, à Jerf el-Ahmar, ils
sont presque exclusifs (32 spécimens). Les Theodoxus sont absents du corpus à la
période de transition entre le PPNA et le PPNB et au PPNB ancien. Elles se

125Les rondelles en test à Mureybet sont présentes du Natoufien final au PPNA. Elles sont
fabriquées sur des coquilles de bivalves côtelées dont l’identité taxonomique reste indéterminée.
Ces éléments ne sont pas comptabilisés dans le tableau n° 1.

544
manifestent à nouveau au PPNB moyen sur le site de Tell Aswad avant d’être
complètement absentes à la période suivante, au PPNB récent.

Au Khiamien, l’assemblage des coquillages est relativement plus riche, des


espèces marines sont introduites telles que les nasses, les colombelles et les
dentales, bien qu’en quantité très faibles (de 1 à 3 spécimen par genre). A cela se
rajoutent les coquilles d’un genre nouveau, les Unio. Ces coquilles, qui sont des
bivalves d’eau douce, vont être exploitées en très faibles quantités mais
régulièrement tout au long du Néolithique précéramique, à Mureybet, à Jerf
(période de transition) et à Tell Halula (PPNB récent). Si l’exemplaire d’Unio
identifié à Tell Aswad a été trouvé hors stratigraphie, l’utilisation de ces bivalves
dans la parure est confirmé par les découvertes faites dans les fouilles anciennes
(Maréchal 1995, p. 136). Les Unio vont continuer à être exploités dans la
Damascène à la fin du PPNB, comme c’est le cas dans le site de Tell Ramad
(Contenson 2000, p. 173).

A Mureybet, les coquillages datant du PPNA sont pratiquement les mêmes


que ceux de la période khiamienne à la différence qu’un nouveau genre fait son
apparition : Conus. Cependant, il n’y est représenté que par un seul spécimen, le
plus ancien du corpus. Dans le PPNA de Jerf el-Ahmar, parallèlement aux
Theodoxus, le genre Melanopsis, lui aussi d’eau douce, fait son apparition (une seule
coquille). Les Melanopsis sont présents à Mureybet mais leur emploi comme
éléments de parure n’est pas sûr (Maréchal & Alarashi 2008, p. 603).

Aucun coquillage d’eau douce n’a été trouvé sur le site de Dja’de el-
Mughara. Ce constat est étonnant étant donné que, d’une part, le site est à
proximité immédiate du fleuve et que, d’autre part, d’autres matériaux comme les
galets ont été ramassés sur les rives l’Euphrate à des fins architecturales (e.g.
radiers des sols) ou pour l’élaboration des objets de parure (cf. infra). Les seuls
éléments en coquillage trouvés sur le site sont les dentales. Au nombre de quatre,
deux sont datées de la période de transition PPNA/PPNB (Dj I) et les deux autres
du PPNB ancien. Notons qu’à l’horizon PPNB ancien d’Aswad aucun objet de
parure en coquillage n’a été documenté.

Au cours du PPNB moyen de Tell Aswad, les éléments de parure sont


fabriqués sur les coquilles des taxons suivants : Osilinus (N=1), Nerita (N=4),

545
Theodoxus (N=9), Erosaria (N=9), Luria (N=4), Hexaplex (N=3), Nassarius (N=2),
Columbella (N=1), Conus (N=9), Glycymeris (N=1), Unio (N=1) et Dentalium (N=1).
Une partie de ces taxons a été également identifiée sur les 19 objets en coquillages
provenant des fouilles anciennes et deux taxons supplémentaires (une valve et un
labre de gastéropode) non identifiés peuvent être ajoutés à cette diversité. Ainsi,
une très large gamme de coquillages, au moins 15 taxons, ont été utilisés dans la
parure des habitants de Tell Aswad.

Dans le PPNB moyen de Tell Halula, une famille est presque exclusivement
exploitée, celle des cyprées avec un total de 150 spécimens. Deux coquilles de
Lymnea appartiennent également à cette période. Au PPNB récent, le nombre de
cyprées est plus important sur ce site et de nouveaux taxons vont être exploités :
en premier lieu les Nerita (N=56) et, en très faible quantité, des valves d’Unio (N=3)
et probablement de Glycymeris (N=1).

D’après les effectifs des taxons identifiés, les coquillages du corpus peuvent
être clairement séparés en deux catégories : les spécimens anecdotiques et les
spécimens à forte occurrence. Dans la première, ce sont les coquilles d’Osilinus,
Hexaplex, Nassarius, Columbella, Conus, Glycymeris, Dentalium, Unio, Lymnea et
Melanopsis qui sont concernées, tandis que dans la seconde, ce sont les Theodoxus,
les Erosaria, les Luria et les Nerita. Précisons que les occurrences fortes dans le
corpus, à l’exception des Theodoxus, sont issues des contextes funéraires de Tell
Halula. Toutefois, il convient de noter que les sépultures de Tell Aswad ne sont
pas plus riches en objets de parure que d’autres contextes sur le même site. Par
conséquent, la représentativité des taxons n’est pas forcément liée au contexte
archéologique de découverte mais plutôt au comportement de l’homme et de ces
choix.

A. Taxons anecdotiques ?
Bien que certains taxons soient très rares ou sous-représentés, leur sélection
n’a pas été le fruit du hasard et s’inscrit dans une tradition ancienne remontant
probablement à l’apparition de l’homme moderne. En effet, l’ancienneté des
nasses comme éléments de parure remonte au Paléolithique moyen de la grotte
des Pigeons (≈ 82 ka) au Maroc (Bouzouggar et al. 2007) et de la grotte de Blombos

546
(≈ 75 ka) en Afrique du Sud (Henshilwood et al. 2004). Des bivalves de Glycymeris,
perforées naturellement sur le sommet et portant des restes d’ocre, ont été
découvertes dans les niveaux moustériens (≈ 100 ka) de la grotte de Qafzeh en
Israël (Bar-Yosef Mayer et al. 2009), mais leur fonction en tant qu’objet de parure
reste cependant à prouver (D’Errico 2008, p. 170 ; Bouzouggar et al. 2007, p. 9964).
Au Proche-Orient, les plus anciens objets de parure dont la fonction est
indiscutable sont des coquilles marins (Nassarius, Columbella, Glycymeris) et d’eau
douce (Theodoxus,) provenant des niveaux les plus anciens du Paléolithique
supérieur de la grotte de Üçağızlı (≈ 41 ka) en Turquie (Kuhn et al. 2001).
L’utilisation des dentales est clairement attestée à la fin du Paléolithique supérieur
par la découverte dans la grotte de Jiita, à proximité de Ksar ‘Akil, des premiers
exemplaires façonnés par tronçonnage ainsi que par celle d’un dentale abandonné
en cours de sciage (Inizan 1978, p. 304). La sélection des dentales continuera
durant l’Epipaléolithique, notamment à la période natoufienne. A cette période
dans le Levant sud, les dentales vont être très largement employés, leur fréquence
atteignant parfois 90% dans les assemblages malacologiques (Bar-Yosef Mayer
1991, p. 629, Fig. 1 p. 631), à tel point qu’ils sont considérées comme un trait
caractéristique de la culture matérielle de la période natoufienne (Garrod 1957 ;
Bar-Yosef & Belfer-Cohen 1989, p. 482 ; Bar-Yosef Mayer 1991, p. 630 ; 2008). Une
diminution des proportions des dentales s’observe à partir du PPNA et surtout au
PPNB. Cette baisse est accompagnée d’une augmentation concomitante d’autres
coquillages comme les cyprées et les nérites (Bar-Yosef Mayer 1991). Bien que
notre corpus soit pratiquement dépourvu des dentales, le changement observé
dans le Levant Sud est constaté également dans le Levant nord par l’apparition de
cyprées et de nérites en proportions relativement élevées et en croissance
progressive au cours au PPNB récent.

Les nasses, les dentales, les colombelles et les Glycymeris sont certes
anecdotiques dans notre corpus mais leur présence est significative car ils
représentent des coquillages exploités bien avant que l’homme se sédentarise. Ces
taxons qui sont peu représentés dans notre corpus sont parfois fréquents dans
d’autres sites. Par exemple, à Körtik Tepe, site PPNA de l’Anatolie orientale, les
taxons que nous avons identifiés sont principalement les Theodoxus, les nasses, les
Conus, les colombelles et les dentales. Pour chaque taxon, les occurrences sont très

547
importantes et peuvent atteindre plusieurs centaines de spécimens. Dans ce site la
diversité côtoie l’abondance, ce qui n’est pas le cas pour la majorité de nos sites où
seulement la diversité est attestée. A Tell Aswad par exemple, les 14 taxons
identifiés sont représenté par moins de 50 spécimens. La même situation semble
être observée pour des sites du Levant central et sud comme à Tell Ramad
(Contenson 2000), Aïn Ghazal, Beisamoun, Jéricho, Beidha, Kfar-Hahoresh ou
Nahal-Hemar (Reese 1986 ; 1990 ; 1991 ; Bar-Yosef 1985 ; Bar-Yosef Mayer 1997 ;
2005 ; Bar-Yosef Mayer & Heller, 1987), sites qui partagent des traits culturels
communs avec Aswad, notamment en ce qui concerne le domaine rituel et
symbolique (pratiques funéraires, crânes surmodelés). La diversité taxonomique
des coquillages, conjointement avec la faiblesse des effectifs, peut être expliquée
par le rôle que jouait un village comme celui de Tell Aswad, probablement celui
d’un « point relais » de circulation et d’échange d’un grand nombre de produits et
de matériaux entre le sud et le nord (Helmer & Gourichon 2008 ; Stordeur et al.
2010, p. 55).

Les troques (Trochidae), les murex, les limnées et les Melanopsis semblent
être des taxons à la fois anecdotiques et sous-représentés non seulement dans
notre corpus mais aussi dans les autres sites contemporains de la région. Quant
aux Unio, ils ont été exploités au Néolithique pendant des millénaires mais
toujours en faibles quantités.

B. Taxons abondants
Les Theodoxus sont les coquillages le plus largement répondus au Proche-
Orient tant géographiquement que chronologiquement. Avec les dentales, les
nasses et les colombelles, ces coquilles peuvent être considérés comme des taxons
« classiques » que les Néolithiques ont toujours utilisés pour leurs parures. Quant
aux cyprées, bien que quelques spécimens aient été trouvés dans le Natoufien du
Levant Sud126 (Bar-Yosef Mayer 1991, p. 629), elles peuvent être considérés dans
notre corpus, ainsi que les nérites, comme des « nouveautés » pour la période du
PPNB moyen avec des effectifs relativement importants dès leur introduction.
Enfin, les nérites marines sont considérées ici comme un taxon relativement

126 Cf. 15.1.1.2. Cyprées, p. 609.

548
abondant car elles sont représentées par plus de 50 spécimens à Tell Halula et
parce qu’elles apparaissent parallèlement aux cyprées sur les sites étudiés mais
aussi sur un grand nombre de sites du Levant central et sud (Bar-Yosef Mayer
1991).

Pour résumer, d’après leur récurrence par site et par période, et aussi
d’après leur histoire dans le domaine de la parure, le choix des coquillages par les
villageois épipaléolithiques et néolithiques varie entre des genres « classiques » et
des « nouveautés ». Les genres classiques sont exploités en quantités relativement
importantes et durablement comme les Theodoxus ou en quantités faibles mais
durablement comme c’est le cas pour les dentales, les nasses, les colombelles et les
unios. Les genres comme Osilinus, Melanopsis ou Lymnea sont rares et exploités
pour la parure de manière très ponctuelle. Les Trochidae sont par exemple
présentes au Natoufien final de El-Wad (Weinstein-Evron et al. 2001, p. 107), les
Melanopsis sont mentionnées à Kfar Hahoresh (Bar-Yosef Mayer 2005, p. 181) sans
que l’on sache s’ils ont été utilisés pour la parure. Par ailleurs, la présence rare
d’espèces d’eau douce comme les Melanopsis pourrait être simplement d’origine
naturelle et intrusive comme par exemple transportés accidentellement sur le site
avec la terre à bâtir (ibid., p. 182). Enfin, à partir du PPNB moyen on constate un
changement important dans les choix ; les nouveaux genres, les cyprées et les
nérites marines, sont d’avantage sélectionnées au détriment des genres
« classiques » comme les Theodoxus et les dentales.

13.2.1.2. Provenance
L’origine des taxons d’eau douce est à chercher dans les fleuves ou rivières
à proximité des sites. Les coquilles marines proviennent soit de la
Méditerranéenne, soit de la Mer Rouge.

Les Theodoxus se rencontrent surtout dans les rivières et les canaux des
terrains calcaires et particulièrement aux endroits où l’eau est agitée (Germain
1921). De petite taille, de mobilité réduite et vivant en colonies populeuses, ils sont
donc faciles à ramasser, encore vivants. Leur collecte peut se produire au moment
de l’acquisition d’eau potable par exemple. Les Limnae vivent dans les rivières, les
fossés, les mares où l’eau séjourne toute l’année. D’après L. Germain, l’espèce

549
Limnea stangalis, celle qui pourrait être présente dans notre corpus, est assez rare
aussi bien en Asie-Mineur qu’en Syrie (Germain 1921, p. 381). Les Melanopsis sont
les gastéropodes les plus caractéristiques de la faune malacologique fluviatile de la
Syrie et d’une grande partie de l’Asie-Mineure. Ce sont des animaux qui vivent
dans des colonies extrêmement populeuses dans les lacs, les fleuves, les rivières et
même les ruisseaux et les sources (ibid. 1921, p. 462). Quant aux Unio, ils sont très
communs dans l’Euphrate et le Tigre. L’espèce identifiée dans le corpus, Unio
tigridis, présente une coquille épaisse et relativement lourde. Elle est difficilement
déplaçable de son habitat durant sa vie (Plaziat & Younis 2005, p. 7). On peut donc
imaginer un ramassage des coquillages vides ou bien de leur vivant. Il est possible
que les mollusques aient été consommés avant la transformation de leur coquille.
En ce qui concerne le site de Tell Aswad, l’approvisionnement en mollusque de
Theodoxus et d’Unio devait être aussi en lien direct avec le lac Al-‘Utayba sur les
rives duquel le village néolithique était installé.

Les espèces méditerranéennes sont Nassarius gibbosula, Columbella rustica,


Luria lurida (Cypraeidae), Hexaplex trunculus (Muricidae), Osilinus turbinatus
(Trochidae) et possiblement Conus mediterraneus. Leurs effectifs, nous l’avons vu,
sont très faibles, y compris L. lurida qui est particulièrement sous-représentée par
rapport aux espèces de cyprées provenant de la mer Rouge.

La distance entre les sites de l’Euphrate et la Méditerranée est estimée entre


200 et 250 km (Fig. 13.4). L’approvisionnement direct à la source est possible en
passant par le nord entre la chaîne montagneuse d’Antioche en Turquie et celle du
Jabal al-Ansariya, ou par la trouée de Homs. La Méditerranée est à 125 km
approximativement de Tell Aswad. Le passage le plus proche se trouve au sud des
monts Liban et Anti-Liban.

Les espèces provenant de la Mer Rouge sont Erosaria turdus et Erosaria


nebrites pour les cyprées et Nerita sanguinolenta pour les nérites. Le point à
souligner ici est que les effectifs des coquillages marins les plus importants
correspondant à des spécimens de la Mer Rouge. Si les cyprées de la Mer Rouge
sont présents en faible quantité à Tell Aswad, situé à 450 km environ de cette mer
(Fig. 13.4), ce sont plusieurs centaines de spécimens qui ont été trouvés à Tell
Halula, qui est situé à plus de 800 km environ de cette même région.

550
L’aire de répartition de l’espèce E. nebrites est assez large à la Mer Rouge
mais elle semble particulièrement présente aujourd’hui dans la partie Nord, à l’est
du Sinaï entre Eilat et Sharm el-Sheikh (Heiman 2002, p. 92). La sous-espèce E.
turdus pardalina est commune en plusieurs endroits dans cette zone, notamment
entre Eilat et Dahab (ibid., p. 103). L’aire de répartition actuelle de N. sanguinolenta
est assez large dans la Mer Rouge. Rappelons que ces mollusques, de nature
tropicale, n’habitent pas les eaux méditerranéennes.

Les taxons de la Mer Rouge identifiés à Tell Halula127 et à Tell Aswad


correspondent aux taxons caractéristiques des assemblages malacologiques des
sites PPNB du sud du désert de Sinaï (Bar-Yosef Mayer 1997, p. 109). Il s’agit des
sites les plus proches de la Mer Rouge, sites interprétés comme des camps de
chasseurs-cueilleurs par l’absence de la faune domestique (Tchernov & Bar-Yosef
1982). Les structures de stockage y sont assez fréquentes ainsi que le mobilier de
mouture, contrairement aux restes végétaux, généralement non conservés. Les
habitants de ces sites semblent avoir collecté les coquillages vides sur les plages
(Bar-Yosef Mayer 1997, p. 98). Les assemblages malacologiques comprennent
essentiellement des cyprées (principalement E. turdus et E. nebrites) et des nérites.
Une partie des spécimens est travaillée et transformée en objets de parure, le reste
étant fragmentaire. D. Bar-Yosef mentionne la présence conjointe des cyprées et
des nérites dans des sites du Levant central comme à Ain Ghazal, à Duweilah, à
Beidah et à Basta, qui correspondent à des villages d’agriculteurs-éleveurs qui
cultivent déjà les céréales domestiques et utilisent certains coquillages pour des
pratiques rituelles et symboliques comme pour décorer les orbites des crânes
surmodelés. L’auteur suggère que les coquillages de la Mer Rouge ont été
échangés contre les céréales des régions fertiles (ibid., p. 109). En effet, l’acquisition
des coquillages pourrait être inscrite dans un système d’échange entre les
communautés du sud et celles du nord du Levant. Toutefois, ce système pourrait
être beaucoup plus complexe et ne peut se réduire à un « don contre don »,
coquillages contre céréales. Sans parler de la circulation des choses immatérielles,
des idées et des concepts, il existe toute une variété de matériaux, voire de
personnes, qui peuvent s’inscrire également dans un système d’échange. Les

127 Des cyprées ont été également trouvées sur le site d’Abu Hureyra (Maréchal 1985b) dont
l’origine pourrait être celui de la Mer Rouge. Rappelons qu’une grande partie de la collection
d’Abu Hureyra n’a pas été examinée.

551
minéraux de la région du Sinaï (turquoise, cuivre et probablement calcédoines), les
ophiolites et les obsidiennes du Levant nord font certainement partie des produits
de circulation.

13.2.2. Les matières minérales

13.2.2.1. Choix
Les matières minérales, représentées principalement par les pierres, sont les
plus fréquemment utilisées (cf. Fig. 13.1). Au total, dix groupes ont été distingués.
D’une part les carbonates, les ophiolites, les phosphates et les calcédoines, qui
rassemblent plusieurs familles et variétés, et d’autre part l’hématite, l’obsidienne,
l’améthyste, l’amazonite, la malachite et le cuivre (Tabl. 13.2). Rappelons qu’au
sein des carbonates nous avons rassemblé les calcites/calcaires, les gypses et les
argiles. Les ophiolites comprennent les talcs, les serpentines, les chlorites et les
amphiboles. Les phosphates sont composés des variétés telles que la crandallite, la
woodhouseite, la fluorapatite et l’apatite. Nous les avons traités ensemble sous le
nom de « phosphates » en raison de leur similitude ainsi que de leur différence
avec la turquoise, qui est traitée séparément. Les calcédoines concernent
majoritairement la cornaline mais l’agate et une variété jaune font également
partie des calcédoines bien qu’elles soient rares.

Quantitativement, les talcs arrivent en première place avec plus de 35% de


la totalité (soit 578) suivis par les calcites (20%, soit 330), les chlorites (plus de 13%,
soit 221), les turquoises (plus de 11%, soit 190), les calcédoines (presque 9%, soit
147) et les argiles (presque 4%, soit 65). Cependant, il est important de rappeler
que ces effectifs sont pour la majorité liés aux découvertes d’éléments regroupés
dans des contextes précis et qui sont généralement fabriqués dans le même
matériau (e.g. parure composée de plus de 440 rondelles en talc découverte dans
une sépulture de Tell Halula). Les autres familles ou variétés ont des effectifs
généralement inférieurs à 1%.

D’un point de vue chronologique, plusieurs tendances peuvent être


constatées (Fig. 13.5). Tout d’abord, les matériaux exploités au cours de
l’Epipaléolithique, du Khiamien et du PPNA appartiennent aux carbonates, aux

552
ophiolites et aux phosphates. Les mêmes groupes continuent à être exploités au
cours des périodes suivantes mais de manière non exclusive. En effet, de
nouveaux matériaux comme la malachite, la turquoise et l’amazonite apparaissent
à partir du PPNB ancien, les calcédoines à partir du PPNB moyen, le cuivre et
l’améthyste au PPNB récent.

En termes de fréquences relatives basées sur le nombre de spécimens, dans


l’Epipaléolithique les ophiolites sont dominants, suivis par les carbonates et les
phosphates. Au PPNA, la même situation est observée avec cependant une part
d’ophiolites bien plus importante au détriment notamment des phosphates. Au
PPNB ancien et moyen, les carbonates sont dominants, suivis des phosphates et
des ophiolites. Enfin, au PPNB récent, les ophiolites redeviennent dominantes,
suivis par les phosphates et les calcédoines, et la part des carbonates à la fin de la
séquence diminue dramatiquement, de plus de 70% à 3.5%. Il est important de
pondérer ces résultats car, comme nous l’avons déjà précisé, la représentativité des
matériaux est biaisée par le fait que le nombre d’objets est tributaire du contexte
de découverte, donc par la nature des contextes et de leur diversité. Il est peut-être
plus pertinent de raisonner en termes de présence/absence, pérenne/occasionnel
(Tabl. 13.3).

Plusieurs critères contribuent à la compréhension du choix des matériaux :


les propriétés physiques et mécaniques, les propriétés esthétiques et l’accessibilité
aux matériaux. Nous traiterons ce dernier point plus loin. En ce qui concerne les
propriétés physiques et mécaniques, rappelons que les carbonates et les ophiolites
sont généralement des matériaux tendres à très tendres. Quant aux phosphates, les
variétés identifiées pour les périodes anciennes (natoufienne, khiamienne et
PPNA) sont de dureté moyenne, généralement inférieure à 4 sur l’échelle de Mohs.
La turquoise, qui est une variété de phosphates identifiée à partir du PPNB ancien,
a un indice de dureté variant entre 4.5 et 6. L’amazonite (variété de feldspaths),
dont les premiers témoignages remontent au PPNB ancien également, a une
dureté supérieure à 6.5. De même, le quartz, la cornaline, l’obsidienne et
l’améthyste sont toutes des roches de dureté élevée mais n’apparaissent qu’à
partir du PPNB moyen. Pour résumer, il semble qu’au cours des périodes
anciennes, le choix est porté sur les matériaux de dureté faible à moyenne et ce

553
n’est qu’à partir du PPNB ancien que les matériaux durs sont progressivement
introduits, sans être pour autant dominants.

Concernant les propriétés esthétiques, la couleur est sans doute l’une des
caractéristiques les plus attrayantes qui a pu jouer un rôle important dans le choix
d’un matériau. Chez les sociétés traditionnelles, les couleurs sont des véhicules
idéaux pour communiquer certaines idées ou valeurs liées par exemples à la
fertilité, le deuil, la maladie, la santé, le mauvais sort, etc. (Gollmer 1885 ; Peabody
1927 ; Inizan et al. 1992 ; Preston-Whyte & Morris 1994 ; Wickler & Seibt 1995 ;
Roux 2000 ; Sciama & Eicher 1998 ; Westerkamp 2008). Par ailleurs, la perception
des couleurs et leurs connotations peuvent être très variables d’une population à
une autre. La variation des couleurs peut être également restreinte et limitée au
blanc, noir, rouge, vert, jaune, bleu et brun (Kay & MacDaniels 1978 cité dans Bar-
Yosef Mayer 2013, p. 132).

Il important de rappeler ici que la majorité des sites étudiés sont situés à
proximité presque immédiate de l’Euphrate. Le lit du fleuve constitue une source
très riche en matériaux sous forme de galets de toutes les couleurs (blanc, vert,
noir, jaune, rouge, etc.) et dont certains portent des motifs naturels très attrayants
et d’une grande beauté. Si les habitants de ces villages avaient des préférences
pour des couleurs en particulier, ils n’avaient qu’à se servir directement à cette
source, ce qui semble avoir été le cas pour les habitants de Dja’de el-Mughara mais
pas pour ceux de Jerf el-Ahmar ou de Mureybet et encore moins de Tell Halula. En
effet, quand le choix ne se porte pas sur les carbonates, il est orienté vers des
matériaux d’origine allochtone que l’on rencontre difficilement sur les rives de
l’Euphrate (cf. infra : Provenance).

Il est difficile, là encore, de traiter la question de la couleur statistiquement.


Notons toutefois que les couleurs des matériaux peuvent s’inscrire dans quatre
groupes principaux : le blanc, le noir, le rouge et le vert. La gamme du blanc
comprend le blanc, le beige, le gris clair et le jaune clair et est caractéristique des
carbonates, à l’exception de l’argile dont la couleur varie entre le beige et le
marron foncé selon qu’elle a été chauffée ou non. Le blanc opaque, translucide ou
transparent peut être également la couleur des quartzs. Le noir, ou l’anthracite, est
la couleur d’une variété de talc (stéatite noire) mais aussi de deux variétés de
chlorite, la chamosite et le clinochlore, la couleur de ces variétés pouvant être

554
nuancée avec des tonalités de vert foncé. Les nuances du rouge, qui vont du
bordeaux foncé à l’orange clair en passant par certaines tonalités de rose saumon
ou de violet, sont rencontrées dans la cornaline, l’agate et l’améthyste. Les nuances
du rouge ocre sont rencontrées également dans les calcaires chauffées, dans le grès
et dans une variété de talc riche en oxyde de fer, « le talc rouge ». Le rouge/marron
est la couleur de certaines hématites. Enfin, la couleur verte a une large gamme
des nuances. La malachite a une couleur de base verte légèrement bleuâtre mais
combine également plusieurs tonalités de vert allant du plus foncé au plus clair.
Le cuivre est généralement d’un vert clair en surface (il devient foncé quand il est
oxydé). Le seul élément en obsidienne identifié dans notre corpus est de couleur
vert foncé fumé. Le vert foncé est également identifié pour les chlorites. Les verts
jaunâtres, bleuâtres ou grisâtres se rencontrent dans les talcs et dans les
serpentines. Pour ces dernières, les tonalités du vert se caractérisent par une
composition marbrée. Dans les phosphates, la couleur dominante est également le
vert bien que le rouge, le brun et le blanc puissent être également rencontrés dans
une roche mais toujours en association avec le vert. La couleur de la variscite et de
la turquoise varient du vert pâle au bleu turquoise. L’amazonite est d’une couleur
vert pomme émeraude caractéristique et tachetée de blanc.

La diversité des matériaux traduit donc une richesse dans les couleurs des
éléments de parure. Si l’on se base sur cela, il apparaît que dans les périodes
anciennes, du Natoufien au PPNA, les couleurs principales étaient moins variées
que celles des périodes suivantes. En effet, au cours du 11e et 10e millénaires, les
couleurs sont dominées par des tons foncés de vert et de gris (e.g. chlorite)
(Fig. 13.6a) tandis qu’à partir du PPNB ancien les couleurs vont être plus
fréquemment dans les tons clairs de blanc (carbonates) et de vert (turquoise, talc)
qui, à partir du PPNB moyen, associent la couleur rouge (cornaline). Cette
association s’inscrit certainement dans une recherche de contraste pour les
assemblages128 des éléments de parure (e.g. colliers et bracelets de Tell Halula
composés de perles et de rondelles en turquoise et cornaline) (Fig. 13.6b). Y a-t-il
un sens aux assemblages de couleurs contrastées autre qu’esthétique ? D’après
certains auteurs, les parures à perles de couleurs fortement contrastées
symbolisent l’appartenance à une identité noire en Afrique australe

128 Cf. Chapitre 16 : 16.3.2. Composition et agencement, p. 639.

555
indépendamment de toute appartenance ethnique (e.g. Carey 1998, Preston-Whyte
& Morris 1994).

Si dans le Levant nord les couleurs des éléments de parure en pierre varient
au cours du temps, certains auteurs proposent pour le Levant Sud que la couleur
dominante est celle du vert, couleur qui se manifeste sur les objets de parure en
pierre dès le Natoufien récent (Bar-Yosef Mayer & Porat 2008, p. 8548). Cette
observation est basée sur l’étude de 200 éléments de parure en pierre provenant de
huit sites datant du Natoufien récent, du PPNA et du PPNB en Israël, périodes au
cours desquelles l’agriculture se met en place. Ainsi, les auteurs voient dans les
éléments de parure de couleur verte une imitation des jeunes feuilles des plantes
qui signifient la gémination et incarnent ou symbolise l’aspiration à une fertilité
réussite et des cultures prospères : “We propose that the green color mimics the green
of young leaf blades, which signify germination and embody the wish for successful crops
and for success in fertility”(ibid., p. 8549). Une fonction apotropaïque est attribuée à
ces éléments qui auraient pu servir à des pratiques de guérison avec des plantes
médicinales (ibid.). Bien qu’elle soit intéressante, nous n’adhérons pas à cette
hypothèse car l’échantillon étudié nous semble peu représentatif et restreint à une
région en particulier, et parce que de telles pratiques restent invérifiables
archéologiquement. De plus, dans notre corpus, les éléments de parure en pierre
que nous avons étudiés et qui s’inscrivent également dans la période des débuts
de l’agriculture ne sont pas dominés par la couleur verte, même si elle est
généralement bien représentée.

Le choix de la couleur verte pourrait être attesté pour les objets de parure
découverts dans un contexte particulier, celui de l’ensemble des sites de Wadi Jilat
et d’Azraq au Nord de la Jordanie (Wright & Garrad 2003 ; Wright et al. 2008), où
des ateliers de fabrication ont été découverts. Ces sites sont des campements
saisonniers datant de la fin du Néolithique précéramique B (PPNC), à une époque
où les sociétés habitant les régions fertiles voisines pratiquent pleinement
l’agriculture et l’élevage. Certains de ces sites se trouvent non loin des gisements
des marbres de Dabba, matériau qui se décline en plusieurs couleurs : vert, violet,
rouge et noir (Wright et al. 2008, p. 137). Or, la majorité des éléments de parure (en
cours de fabrication ou finis) découverts dans ces sites est en marbre de couleur
verte (Wright & Garrad 2003, p. 227). Les explications de ce choix très ciblé

556
peuvent être multiples : qualités physiques du matériau, abondance, goût
esthétique. Chacune des questions nécessitent d’être examinée avant d’aborder le
symbolisme de la couleur.

13.2.2.2. Provenance
Pour rappel, les matériaux considérés comme autochtones sont les
carbonates, les argiles et le gypse qui sont tous susceptibles de provenir des séries
sédimentaires locales dans les environs des sites étudiés. Les matériaux
allochtones sont les ophiolites, l’amazonite, les phosphates, le cuivre, la malachite,
les calcédoines, l’améthyste et l’obsidienne. A l’exception de cette dernière,
l’origine de ces matériaux est très difficile à déterminer car, pour un matériau
donné, il n’est actuellement pas possible de distinguer un gisement d’un autre.
Toutefois, quelques pistes peuvent être proposées. Ainsi, nous nous sommes
intéressées, d’une part, à la localisation des gisements les plus proches des régions
qui nous concernent et, d’autre part, aux maillages des sites contemporains entre
ces gisements et les sites étudiés (Alarashi & Chambrade 2010).

L’aire de répartition des roches ophiolitiques (Fig. 13.4) est vaste au Proche-
Orient. Les formations ophiolitiques les plus proches sont celles du nord-ouest de
la Syrie (Santallier et al. 1997, Fig. 6, p. 62), dans la région d'Antioche (Baër-Bassit)
(Parrot 1977). Les ophiolites sont également répandues dans plusieurs massifs de
la barrière montagneuse du Taurus en Turquie au sud et au nord de l’Anatolie. A
Chypre, les massifs d’ophiolites sont concentrés à l’ouest et au centre de l’île. La
chaîne montagneuse d’Oman au sud-est de l’Arabie est également très connue par
ses concentrations ophiolitiques (Santallier et al. 1997, Fig. 6, p. 62), mais nous
l’avons écartée de notre étude car elle est très éloignée de nos régions. Ainsi, nous
délimitons l’aire d’approvisionnement des roches ophiolitiques à une zone
septentrionale (Fig. 13.4). Les amphiboles peuvent prévenir des mêmes aires de
répartition que celles des ophiolites mais également des zones de métamorphisme
océanique des ophiolites (Santallier et al. 1997, p. 61) comme par exemple la région
d’Antioche (Parrot 1974).

En territoire turc l’Euphrate traverse des massifs ophiolitiques et charrie


sans doute des fragments arrachés à ces formations. Le transport par voie fluviale

557
est donc possible. Toutefois, hormis sous forme de nodules au sein de roches plus
résistantes les matériaux tendres ne résistent pas à ce type de transport (Maréchal
& Alarashi 2008, p. 604). Le transport anthropique des ophiolites, probablement
sous forme de produits finis, est l’hypothèse que nous privilégions, notamment
pour la période PPNA.

Dans une étude que nous avons menée en collaboration avec M.-L.
Chambrade129 sur la provenance des matériaux employés dans la fabrication des
parures de Mureybet (Alarashi & Chambrade 2010), des voies de circulation
théoriques entre le site de Mureybet et les gisements en ophiolites ont été tracées
grâce à l’outil SIG130 qui permet de calculer les cheminements de moindre
contraintes topographiques131. Deux axes furent proposés, le premier est orienté
vers le nord-est, le second vers le nord-ouest (Fig. 13.7)132. Le choix de ces axes a
d’abord été motivé par la localisation des gisements d’obsidienne identifiés
comme sources d’approvisionnement pour Mureybet : Göllü Dağ est en
Cappadoce et, à partir du PPNA, Bingöl B en Anatolie orientale (Delerue 2007,
p. 182). D’autre part, ces deux axes s’appuient également sur un maillage
géographique des sites contemporains qui partagent des traits communs du point
de vue de la culture matérielle133.

Parmi les ophiolites, les chlorites sont particulièrement abondantes dans les
niveaux PPNA de Mureybet, de Tell ‘Abr 3 (Yartah 2013), de Tell Qaramel
(Mazurowski 2010) et en moindre effectif à Jerf el-Ahmar. Dans ces sites, une large
gamme d’artefacts a été fabriquée en chlorites : parure, vases décorés, plaquettes
gravées, pierres à rainures, bâtons polies et figurines en ronde bosses.

Dans des sites contemporains de l’est anatolien, comme par exemple Körtik
Tepe134, le mobilier en chlorite, entre autres roches et minéraux, est exceptionnel
(plusieurs dizaines de milliers d’objets) (Özkaya & Coşkun 2011). Il est

129 Post-doctorante, Archéorient, UMR-5133.


130 Système Informatique Géographique.
131 La méthode des chemins de moindre contrainte pondère la distance par la prise en compte de la

pente en déterminant, pour un marcheur, le chemin le plus aisé d’un point à un autre (Barge &
Chataigner 2004).
132 Calcules et carte réalisées par M.-L. Chambrade.
133 Les œuvres architecturales de grande envergure comme les bâtiments communautaires

représentent également un trait commun pouvant réunir des sites de la période PPNA qui sont
relativement éloignés entre eux géographiquement parlant.
134 Mais aussi sur les sites de Hallan Çemi, Demirköy, Gusir Höyük, Çayönü (Özdoğan et al. 2011 :

vol 1).

558
essentiellement trouvé dans les sépultures. Pour une catégorie d’artefact comme
celle des vases, les similitudes dans les formes et dans les motifs entre les
spécimens mureybétiens et ceux de la vallée du Tigre sont frappantes. Les motifs
décoratifs (Lebreton 2003, p. 83) partagent les mêmes thèmes, qui sont
généralement géométriques et zoomorphes mais parfois figuratifs avec des scènes
où figure l’homme comme protagoniste. Les types de parure que nous avons
examinés à Körtik Tepe135 sont très diverses. Les rondelles cylindriques y sont le
type prédominant et sont utilisées dans la composition des colliers (un même
collier pouvant être composé de plus de 900 rondelles). Elles sont très similaires
aux rondelles en chlorite de Mureybet, bien que de gabarit généralement plus
grand (cf. chapitre 14). Rappelons par ailleurs qu’hormis un bâtonnet en chlorite
pouvant être destiné à la fabrication des rondelles, aucun objet de parure en
ophiolites sur les sites syriens n’a été trouvé en cours de fabrication (contrairement
aux objets en phosphates).

D’après les données géographiques ainsi que d’après les similitudes dans la
culture matérielle, nous proposons que les objets de parure en ophiolites
proviennent à l’état fini des sites contemporains de l’Anatolie orientale, tels que
Körtik Tepe. Ces objets arrivaient probablement avec d’autres catégories
d’artefacts comme par exemple les vases en chlorite mais aussi avec de
l’obsidienne de Bingöl, source d’approvisionnement proche de Körtik Tepe, qui
commence à être présente dans les sites du Moyen Euphrate au cours du PPNA,
en complément de celle de la Cappadoce qui était exploitée depuis bien plus
longtemps (Delerue 2007).

Une seule perle en obsidienne fait partie de notre corpus, elle date du PPNB
moyen de Tell Halula. Cet élément n’a pas bénéficié d’analyses spectrométriques
permettant d’identifier le gisement exploité. Néanmoins, cette perle, de couleur
vert foncé à gris et peu transparente, pourrait prévenir de Bingöl A, gisements
proches du lac Van en Anatolie orientale. En effet, les obsidiennes de l’un des
gisements de Bingöl A (Çavulşar) sont connues pour être de couleur vert foncé
(Delerue 2007, p. 40). Nous ignorons si des obsidiennes d’autres gisements
auraient les mêmes caractéristiques. Toutefois, il semble que les obsidiennes vertes
soient plutôt originaires de la région orientale de l’Anatolie (T. Carter, comm.

135 Etude menée au cours d’une mission en juillet 2011.

559
pers.). Les analyses spectrométriques réalisées sur un échantillon d’obsidienne de
Tell Halula montrent une provenance multiple, de Göllü Dağ est et Acigöl ouest
en Cappadoce, et de Bingöl A et Bingöl B/Nemrut Dağ en Anatolie orientale
(Delerue 2007, p. 211). Par conséquent, notre proposition d’une provenance
orientale de l’obsidienne utilisée pour la perle pourrait être très vraisemblable
étant donné que certains éléments trouvés dans le même site proviennent de
Bingöl A.

Les gisements de phosphates syriens se concentrent dans la chaîne


montagneuse de Palmyre, au centre du pays. En Anatolie, les gisements les plus
proches de nos sites sont situés au nord-ouest, au nord et au nord-est (ibid.)
souvent à proximité des gisements d’ophiolites. Les phosphates en Jordanie se
rencontrent au nord dans des gisements près d’Amman, à l’ouest de la Mer Morte
et au sud près de la frontière avec l’Arabie Saoudite. Les gisements de phosphates
sont également connus à l’ouest de la Mer Morte et dans le désert de Néguev
(ibid.) (Fig. 13.4). Dans le Levant, les phosphates méridionaux se différencient de
ceux du nord (Syrie et Turquie) par leur composition chimique : ceux du nord sont
alumineux tandis que ceux du sud ont un caractère ferrifère marqué (Panczer 1990
cité par Santallier et al. 1997, p. 64). La prise en compte de cette différence permet
donc de délimiter les possibilités de provenance. C’est notamment le cas des
éléments de parure de Mureybet dont la provenance est exclusivement du nord.
Dans ce site, la proportion d’objets en phosphates est relativement importante au
cours du Khiamien. Les sources les plus proches de Mureybet sont situées à moins
de 200 km au sud-ouest, dans la région de Bal’as, à l’ouest de la chaîne
montagneuse de Palmyre (Fig. 13.4). Dans cette région, un site datant de la période
khiamienne a été fouillé, Wadi Tumbaq 1, mettant au jour une aire de fabrication
de parure en pierre (Abbès 2008) qui, à notre connaissance, est l’une des plus
anciennes connues au Proche-Orient. Les analyses de composition de certains de
ces éléments provenant de cet atelier ont révélé l’utilisation de roches en
phosphates. A Mureybet, une perle en phosphate, abandonnée en cours de
perforation a été trouvée dans les niveaux khiamiens. L’approvisionnement en
phosphates sous forme d’éléments finis ou en ébauches, pourrait avoir été fait
depuis la région de Bal’as.

560
Au Proche-Orient, les gisements de turquoise sont peu nombreux. En
Turquie, les sources ne sont pas signalées. Les plus connus sont ceux du sud-ouest
du Sinaï : Wadi Magarah, Gebel Adeida et Serabit el-Khadim (Hauptmann 2004,
p. 173 ; Bloxam 2006, p. 278) (Fig. 13.4). Ceux qui sont très éloignés de notre région
d’étude (Iran et Afghanistan) ne sont pas mentionnés ici. La turquoise identifiée
au sein du corpus pourrait prévenir du sud, du désert du Sinaï. En effet,
l’augmentation des effectifs des éléments en turquoise au sein du corpus est
observée au cours du PPNB moyen, période durant laquelle des coquillages
provenant de la Mer Rouge furent introduites dans le Levant Nord. Comme pour
les chlorites, aucun fragment brut de cette matière n’a été trouvé sur les sites
étudiés. De même, les éléments en turquoise en cours de fabrication sont
complètement absents. L’hypothèse de l’arrivée des objets à l’état fini est donc très
probable. Les centres de production de ces objets seraient situés au sud, près des
sources d’approvisionnement.

Les gisements d’amazonite ne sont pas connus au Levant nord. En effet, ce


matériau semble appartenir aux régions méridionales du Proche-Orient. Des
fragments ont été collectés à Wadi Barqa à l’est de Wadi Arabah au sud de la
Jordanie. Un gisement a été localisé à proximité du site PPNB de Basta (30 à 40 km
au sud-est) où des éléments de parure en amazonite ont été identifiés (Hauptmann
2004, p. 174). Il est également intéressant de noter que dans trois sites du PPNB
moyen, Jebel Arqa, Jebel Rabigh et Jebel Salaqa, des ateliers de fabrication de
parure en amazonite ont été mis au jour (Fabiano et al. 2004 ; Wright et al. 2008,
p. 157). Par proximité géographique, il est plus probable que la matière première
trouvée sur ces sites soit recueillie dans les gisements situés près de Basta
(Hauptmann 2004, p. 174) et non pas dans des gisements plus lointains comme
celui de Wadi Tbeik en Arabie, à 150 km de distance (Bar-Yosef Mayer & Porat
2008, p. 8549), ou comme ceux de Gebel Migif et Hafafite en Egypte, situés entre la
Mer Rouge et le Nil au sud-est de Luxor (Bloxam 2010, p.3) (Fig. 13.4). Peu d’objets
en amazonite ont été identifiés dans notre corpus et ce sont tous des produits finis.
Comme pour la turquoise, aucune matière première brute en amazonite n’a été
trouvée. La provenance pourrait donc être le sud de la Jordanie, sur la même voie
de circulation que celle des cyprées et de la turquoise.

561
C’est également au Levant sud que les mines du cuivre sont les mieux
connues, plus précisément sur les marges orientales et occidentales du Wadi
Arabah, à Feiynan, Timna et Wadi Abu Kusheibah (Fig. 13.4). Dans ces mines, le
cuivre et la malachite se rencontrent avec d’autres variétés (ibid.). En raison de leur
emplacement géologique isolé, chaque dépôt a une composition minéralogique et
pétrographique spécifique. Cependant, les analyses ne permettent pas toujours de
faire remonter un échantillon archéologique analysé à sa source exacte
(Hauptmann 2004, p. 173). L’exploitation de ces mines avec des techniques
propres à la métallurgie est attestée à partir du Chalcolithique. Toutefois, des
indices pourraient témoigner d’une extraction dès le Néolithique précéramique
(Weisgerber 2006, p. 4).

Dans son article, A. Hauptmann précise qu’en Anatolie, contrairement au


Levant sud, la malachite se rencontre avec le cuivre à son état natif (Hauptmann
2004, p. 171). La localisation précise des gisements reste à identifier mais les sites
ayant livré un bon nombre d’objets de cuivre natif sont installés dans des régions
cuprifères (Chambrade 2012, p. 292). C’est le cas de Çayönü (Özdoğan & Özdoğan
1999), Hallan Çemi (Rosenberg 1994) et Aşıklı (Esin 1999). Dans ces sites, les objets
en cuivre ont été découverts, comme à Tell Halula, dans des sépultures.
Parallèlement aux objets en cuivre, des perles en malachite mais aussi de la
poudre de malachite ont été mises au jour sur le site de Çayönü ainsi qu’une
dizaine de morceaux de malachite brute (Özdoğan 1994, p. 55 ; Yılmaz 2010, p. 10).
Les analyses de composition des objets de parure en cuivre découverts à Tell
Halula (Molist et al. 2010) montrent des similitudes avec les éléments en cuivre
provenant de Çayönü et d’Aşıklı. Des similitudes ont été également observées
dans les techniques de fabrication (ibid.).

Dans le Levant central, à Tell Ramad, site voisin de Tell Aswad mais plus
récent (PPNB récent et final), H. Contenson signale la découverte d’une perle
(Contenson 2000, p. 118) et d’une pendeloque en cuivre natif (France-Lanord &
Contenson 1973). Même si le cuivre n’est pas attesté à Tell Aswad, des petits
fragments de malachite brute ainsi que des perles en malachite y ont été
découverts. Enfin, le cuivre pourrait prévenir également du Chypre (Fig. 13.4). Il y
a en a aussi probablement au nord d’Alep (Quenet 2008).

562
En Syrie, les roches siliceuses de type calcédoines sont exploitées pour les
objets de parure, comme nous l’avons vu à Tell Halula, au moins dès le PPNB
moyen. Les sources d’approvisionnement de la cornaline, variété principale
identifiée dans le corpus, ne sont pas connues. Toutefois, un approvisionnement
depuis les plages et les terrasses de l’Euphrate n’est pas à exclure. En effet, nous
avons personnellement ramassé à plusieurs reprises des nodules de calcédoines de
tailles différentes dans ces contextes, notamment sur les terrasses fluviatiles de
Djerablous136 près de la frontière turque. Cependant, leur qualité et leur aptitude à
la transformation n’a pas été testée, ni caractérisée (e.g. façonnage, traitement
thermique).

L’intensité de la couleur rouge caractérise l’ensemble des objets en cornaline


de Tell Halula et il est donc très probable que les matériaux choisis étaient de
couleur rouge relativement prononcée avant même leur traitement thermique. Les
nodules de calcédoine de couleur rouge nous ont semblé plus difficiles à trouver
sur les rives de l’Euphrate bien que fréquents sur les anciennes terrasses de
Djerablous.

La présence de cornaline est signalée autour de la vallée de l’Euphrate en


Anatolie (Inizan 1999, Fig. 1, p. 137 ; 2000, p. 476). En revanche, elle n’est attestée
pour l’Anatolie centrale dans la région d’Aşıklı (Astruc et al. 2011, p. 3423). Les
sources de cornaline sont signalées dans le désert de Sinaï sans plus de précisions
(Quenet 2008 ; Le Brun 1996b ; Astruc 2002, p. 123). Pour la cornaline utilisée pour
les perles de Aïn Ghazal, la région de Wadi Rumm a été proposé comme
provenance non certaine (Rollefson et al. 1991, p. 103). Enfin, il semble que certains
gisements de cornaline sont présents dans le désert d’Arabie (Zöldföldi 2011,
p. 237). Les gisements égyptiens sont quant à eux très distants de notre région
d’étude et se trouvent dans la haute Nubie (Bloxam 2006, p. 278) (Fig. 13.4).

Un matériau exceptionnel dans notre corpus et pour la période en général


est l’améthyste. Les deux éléments trouvés sur le site de Tell Halula pourraient
constituer les plus anciennes perles en améthyste, matériau qui sera prisé pour la
parure à l’âge de Bronze en Mésopotamie et en Egypte pharaonique. Les sources

136 Près de la ville de Djarablous, située à quelques kilomètres de la frontière turque, les terrasses

du fleuve Euphrate se succèdent sur plus de 500 mètres de longueur. Elles sont éloignées de
quelques 250 mètres du cours actuel du fleuve (Borrell 2006, fig. 38, p. 184).

563
d’améthyste sont notamment connues en Egypte (à Wadi el-Hudi au sud-est
d’Aswan dans le désert égyptien, d’après Bloxam 2006, p. 278) (Fig. 13.4), mais il
semble que leur présence n’est pas exclue pour la Turquie (Zöldföldi 2011, p. 236).

13.3. Conclusion

Les objets de parure des sites syriens sont confectionnés à partir de trois
catégories principales des matériaux : les pierres, les coquilles et les matières
osseuses. De la fin de l’Epipaléolithique (Natoufien final et Khiamien) jusqu’au
PPNB récent, l’utilisation de la pierre augmente progressivement par rapport aux
matières osseuses qui, elles, sont progressivement abandonnées. Quant aux
coquillages, leur emploi est relativement faible à la fin de l’Epipaléolithique, au
PPNA et PPNB ancien mais augmente à partir du PPNB moyen. Ces observations
contrastent avec ce que l’on connaît dans des régions voisines : l’emploi des
coquillages est en effet plus important au cours des périodes anciennes (e.g.
Natoufien) dans le Levant Sud (Bar-Yosef Mayer 1991) et dans certains sites
contemporains (PPNA) en Anatolie orientale.

Les matériaux se divisent selon leur origine en deux groupes, autochtones


et allochtones, qui se côtoient tout au long des périodes étudiées. La part des
matériaux d’origine allochtone est relativement importante à la fin de
l’Epipaléolithique mais elle augmente fortement au PPNA. Au cours des périodes
suivantes, elle se maintient plus ou moins avec la même proportion (supérieure à
50%) avant de manifester une hausse spectaculaire au PPNB récent, avec un
pourcentage supérieur à 95% sur le site de Tell Halula. Toutefois, ce pourcentage
est à modérer en examinant les résultats provenant d’autres sites contemporains
comme le site d’Abu Hureyra, Açarkay Tepe ou encore Aşıklı.

Au Natoufien final et au Khiamien, sur les sites syriens, les Theodoxus sont
les principaux coquillages utilisés pour la parure, leur provenance est sans doute
celles de sources d’eau douce à proximités des sites étudiés. A partir du Khiamien,
des coquillages de la Mer Méditerranée sont désormais aménagés en parure. Au
Levant Sud, les coquillages marins, notamment les dentales, sont employés dès le
Natoufien ancien (e.g. Mallaha, El-Wad, ibid.). Cependant, ils sont trouvés presque

564
exclusivement dans des sépultures (Bocquentin 2003). Or, pour ces périodes, les
pratiques funéraires au Levant Nord sont très mal connues. Les tubes en os longs
d’oiseaux ou de petits ruminants constituent les matières osseuses les plus
exploitées à ces périodes au Levant Nord. Au Levant Sud, ce sont principalement
les craches de cerfs, les phalanges de gazelles (Le Dosseur & Maréchal 2013) et en
moindre proportion les tubes en os. Les ophiolites, les phosphates et les
carbonates sont employés dès le Natoufien final. Les phosphates, qui sont
particulièrement exploités au cours du Khiamien, pourraient prévenir du secteur
ouest de la chaîne des Palmyrènes (Alarashi & Chambrade 2010). Les ophiolites
pourraient provenir des gisements situés dans un axe nord-ouest entre les sites de
la vallée de l’Euphrate et Göllü Dağ est, gisement identifié comme la principale
source de l’obsidienne exploitée au cours des périodes anciennes. Les carbonates
sont accessibles dans les environs immédiats des sites.

Au PPNA, les coquillages continuent à être les mêmes que ceux du


Khiamien sur les sites syriens. Les Theodoxus dominent toujours en nombre. A la
même période, elles sont d’un gabarit plus petit que celui des Theodoxus de la
Vallée du Tigre à l’est de la Turquie. Les taxons marins (nasses, colombelles,
cônes, dentales), anecdotiques sur nos sites, sont très nombreux sur d’autres sites
contemporains où ils ont été majoritairement découverts dans des sépultures (e.g.
Körtik Tepe). Les matières osseuses exploitées sont les mêmes que dans la période
précédente, avec peut-être un intérêt pour les phalanges. Rappelons que les
phalanges de gazelle étaient particulièrement exploitées au Levant Sud au cours
du Natoufien. Si les matières minérales restent également les mêmes, leurs
proportions changent notamment pour les matières allochtones. En effet, la
proportion des ophiolites devient alors très importante au détriment des
phosphates dont l’utilisation disparaît presque à cette période. Les ophiolites sont
employées pour la fabrication d’autres catégories d’artefacts à caractère
symbolique (vases décorées, plaquettes gravées, bâtons polis, figurines). La parure
en ophiolites aurait pu provenir à l’état fini depuis les sites de production comme
celui de Körtik Tepe. La parure aurait pu arriver en association avec les vases en
chlorites et d’autres artefacts mais aussi avec l’obsidienne qui était désormais
exploitée à partir des sources orientales de l’Anatolie comme Bingöl ou Nemrut
Dağ.

565
C’est au PPNB ancien qu’apparaissent les premières turquoises, amazonites
et malachites. Les gisements d’amazonites les plus proches connus sont ceux
situés au sud de la Jordanie. Ceux de turquoise se trouvent dans le Sinaï. Les
gisements de malachite sont présents au nord en Anatolie et au sud autour de la
Mer Morte et à Wadi Faynan.

A partir du PPNB ancien, la sphère d’acquisition, de circulation ou


d’échange des matières premières ou des produits finis s’étend vers l’extrême sud
du Levant, dans un axe qui mène en direction de la Mer Rouge (alors que l’aire de
circulation de l’obsidienne incluant le Levant Sud remonte déjà au Natoufien, cf.
Delerue 2007).

Le PPNB moyen représente un virage important concernant le choix des


matériaux. Les matières osseuses sont moins exploitées et cèdent la place aux
coquillages et aux pierres. Parmi les coquillages, au moins quatre espèces de
cyprées (trois de la Mer Rouge et une de la Méditerranée) sont introduites et
constituent des « nouveautés » pour le Levant Nord. Les cyprées de la Mer Rouge
et de la Méditerranée sont exploitées au Levant Sud dès le Natoufien, bien qu’en
proportions faibles. Dans les sites syriens, la proportion de deux espèces de la Mer
Rouge, E. turdus et E. nebrites est particulièrement importante contrairement à
l’espèce L. lurida provenant de la Méditerranée. Les coquilles de Nerita, qui
proviennent des eaux de la Mer Rouge, apparaissent en même temps que les
cyprées mais en faibles effectifs et proportions. Elles prendront une place plus
importante au PPNB récent.

Parmi les roches, les carbonates sont dominants, suivis par les turquoises
qui marquent une nette augmentation par rapport au PPNB ancien. L’amazonite et
la malachite continuent à être exploitées en très faibles pourcentages. Les
calcédoines, principalement la cornaline, sont désormais employés avec une
certaine intensité contrairement à l’obsidienne et au cuivre, matériaux qui
apparaissent à cette période sur les sites syriens. Ces deux matériaux sont plus
fréquents dans les sites anatoliens et leur utilisation remontent au moins au PPNB
ancien (e.g. Çayönü, cf. Özdoğan & Özdoğan 1999) pour le cuivre et au
PPNA/Khiamien (e.g. Körtik Tepe) pour l’obsidienne.

566
Au PPNB moyen, les circulations et les échanges avec le Levant Sud
semblent s’intensifier. Ainsi, les cyprées et les nérites de la Mer Rouge peuvent
arriver sur les sites du Levant Nord probablement ensemble avec d’autres
matériaux (ou produits fins) comme la turquoise du Sinaï, l’amazonite du sud de
la Jordanie ainsi que la cornaline. Le cuivre et l’obsidienne peuvent provenir de
l’Anatolie orientale.

Au PPNB récent, les matériaux utilisés pour les éléments de parure sont les
mêmes que ceux de la période précédente. Les éléments de parure à cette période
sont plus nombreux et sont principalement fabriqués en coquillages et en pierre.
Les matières osseuses sont presque absentes sur les sites syriens, et semblent
également se raréfier au Levant Sud. Les matières minérales sont très diverses. La
très forte proportion des ophiolites est à modérer car elle est issue d’une
découverte exceptionnelle (collier de 444 rondelles de Tell Halula) mais elle
indique clairement une importante exploitation de ce matériau. La turquoise se
maintient avec une fréquence élevée et celle des cornalines augmente ainsi que
celle du cuivre. Enfin, à cette période apparaît l’améthyste. Si les seuls gisements
connus actuellement sont en Egypte, la présence de l’améthyste en Turquie est
également possible.

Enfin, les roches utilisées au cours du Natoufien final, au Khiamien et au


PPNA sont généralement tendres. Les couleurs les plus fréquentes dans le registre
de la parure en pierre à ces périodes sont de tonalités verdâtres ou grisâtres plutôt
sombres (ophiolites), avec quelques éléments blanchâtres (carbonates et certains
phosphates) ou verdâtres clairs à moyennement sombres (phosphates). Les
coquillages comme les Theodoxus sont aussi pour la plupart de couleur sombre
(gris/noir avec parfois décor blanc) tandis que les matières osseuses sont dans les
tons clairs (jaune marron clair).

Bien que les effectifs soient faibles au début de la période PPNB, certaines
« nouveautés » peuvent être signalées, notamment au sein de la parure en pierre.
Les roches dures, sont de plus en plus exploitées à partir de cette période. Leurs
couleurs sont plus variées que durant les périodes anciennes. Les tons clairs
(blanc, beige et vert pâle) sont dominants mais des couleurs intenses, comme le
rouge et l’orange, ont une présence remarquable dès le PPNB moyen. On notera

567
d’ailleurs que les cyprées, naturellement de couleur blanche, portent fréquemment
des traces d’ocre rouge.

568
Chapitre 14. Evolution morphologique et
typologique et marqueurs culturels

Dans ce chapitre, nous traiterons l’évolution des formes et des types des
objets de parure du corpus syrien en prenant en compte, selon les données
disponibles et lorsque c’est possible, le cadre chronologique général de la parure
dans les régions adjacentes (e.g. Levant Sud, Anatolie). Il est également question
de mettre en évidence les types susceptibles d’être des marqueurs d’une période
ou d’une région sans nous attarder sur l’intérêt des communautés humaines pour
ces types. En effet, les éléments matériels ou contextuels permettant de
comprendre le choix et la préférence pour une forme ou une création pendant une
période donnée sont très rares. Autrement dit, tenter d’expliquer comment un
objet devient « à la mode » pour des périodes si lointaines est une tâche très
difficile voire impossible car, même si nous disposons d’indices matériels directs,
l’interprétation d’un choix d’ordre artistico-symbolique ou religieux nécessiterait
une connaissance approfondie du psychisme collectif d’une société donnée et de
son évolution dans divers domaines de la vie quotidienne.

14.1. Evolution des formes volumiques

Dans l’hypothèse que la forme, plus que la matière, ses aspects et ses
couleurs, pourrait constituer le principal critère de choix dans la création des
éléments de parure, nous avons voulu nous intéresser à elle en tant que
« structure », « fondement de base » ou « âme » de l’élément. Il est important de
rappeler que, selon nous, le « type » n’est pas la forme mais le choix que l’on fait
pour représenter la forme, selon l’emplacement du dispositif d’attache. Ainsi,
avant de nous attarder sur ces choix typologiques (cf. infra : Evolution typologique
et marqueurs culturels), nous devons faire le point sur l’évolution des formes et
leurs proportions au cours des périodes qui nous intéressent.

D’après notre classement morphologique, les éléments de parure


épipaléolithiques et néolithiques de Syrie présentent des formes soit anatomiques,

569
soit géométriques, soit singulières137. Les formes anatomiques et géométriques sont
représentées dans tous les sites étudiés. En revanche, les formes singulières sont
rares et identifiées uniquement à Mureybet, à Dja’de et à Aswad138 (Fig. 14.1a).
Quel que soit le site ou la période, les formes géométriques sont dominantes avec
des pourcentages toujours supérieurs à 60% (voire jusqu’à 85% pour le PPNA de
Mureybet et le PPNB ancien de Aswad). Les objets anatomiques arrivent en
seconde place mais leurs pourcentages ne sont jamais supérieurs à 26%, sauf pour
le PPNB moyen de Tell Halula (>36%). Les formes singulières quant à elles sont
très minoritaires et représentent toujours moins de 0.4%.

Le choix des formes semble avoir été constant et pratiquement inchangé au


cours des périodes qui nous intéressent (Fig. 14.1b). Il se traduit par une
préférence pour les formes géométriques simples sans pour autant que les formes
anatomiques prédominantes au cours des périodes antérieures au Natoufien final,
i.e. au Paléolithique supérieur (Kuhn et al. 2001 ; Inizan 1978), et tout au long du
Natoufien (Bar-Yosef Mayer 1991 ; Bar-Yosef & Belfer-Cohen 1989) disparaissent.
A ces périodes, les éléments de parure sont principalement des coquilles et des
dents percées. Au Levant sud durant la période natoufienne, l’importance de
certaines formes anatomiques comme les craches de cerfs peut se mesurer à
travers les imitations en os (Le Dosseur & Maréchal 2013) ainsi qu’en pierre (Bar-
Yosef Mayer et al. 2013). L’intérêt pour les formes géométriques ne se manifeste
qu’à la fin de l’Epipaléolithique et se confirme au PPNA, progressivement au
détriment des formes anatomiques. Quant aux formes singulières elles semblent
être propres à la période pleinement néolithique.

14.1.1. Les formes anatomiques et singulières

Les objets de formes anatomiques représentent un peu plus de 22% de la


totalité des éléments de parure que nous avons étudiés. Les plus caractéristiques
du corpus sont celles des coquilles de gastéropodes et en moindre nombre celles
de scaphopodes et de bivalves. Comme la forme naturelle se confond ici avec celle
de la matière brute, l’évolution dans le choix des formes des coquillages a été

137 Rappelons qu’il s’agit de la forme du volume de l’élément indépendamment de son type.
138 Les formes singulières sont présentent également à Abu Hureyra (Sidéra 1998, fig. 10 : 6, p.230).

570
traitée, indirectement, dans le chapitre précédent sur le choix des matières
premières (cf. chapitre 13, Tabl. 13.1).

Les formes anatomiques en matières osseuses sont rares et correspondent


aux dents, aux phalanges, et dans des cas ponctuels, à un métapode entier, à un
fragment d’humérus et à une vertèbre de poisson. Les formes anatomiques en
pierre représentent des « têtes » humaines, des silhouettes féminines (?) et dans un
cas, une silhouette anthropozoomorphe (?).

Il est intéressant de noter qu’aucun élément de parure de forme anatomique


n’a été réalisé en terre sur les sites étudiés alors que les figurines zoomorphes ou
anthropomorphes en argile y sont relativement nombreuses à partir du PPNB
moyen (Stordeur et al. 2006 ; Ayobi 2013).

Peu d’éléments appartiennent à la catégorie des formes singulières. La


forme en « crochet » est identifiée pour deux éléments dont l’un provient de la
phase IIIA de Mureybet (PPNA) et l’autre de la phase récente de Tell Aswad
(PPNB moyen). La forme en « boucle de ceinture » est identifiée pour le site de
Dja’de el-Mughara (PPNB ancien). Les formes singulières sont réalisées ici en
matières osseuses ou en pierre.

14.1.2. Les formes géométriques

Les objets de formes géométriques représentent plus de 77% des éléments


étudiés. Leurs volumes sont issus ou s’apparentent au cylindre (Tabl. 14.1), à
l’ellipse, à la sphère, au cône, au bicône, au tore et au prisme. Les formes issues
des corps de révolution (cylindre, ellipse, sphère, tore, cône), constituées
principalement de courbes, représentent la majorité écrasante des éléments tandis
que les formes prismatiques, composées de lignes droites et d’angles, sont rares.

Les volumes issus des cylindres sont majoritaires (Fig. 14.2) et représentent
plus de 80% au Natoufien final et au Khiamien, plus de 70% au PPNA et au PPNB
récent et plus de 50% au PPNB ancien et moyen. Au cours du temps, leurs
proportions décroissent contrairement à leurs effectifs qui accroissent. Les
volumes issus des ellipses sont également identifiés pour toutes les périodes mais
leur fréquence est moindre. Ils représentent moins de 12% au Natoufien et au

571
Khiamien et entre 19 et 25% à partir du PPNA. Les volumes prismatiques
apparaissent au Khiamien et perdurent jusqu’au PPNB récent. Peu nombreux, leur
fréquence est de 2 à 3% dans le Khiamien, le PPNA et le PPNB récent, de presque
7% au PPNB moyen et jusqu’à plus de 19% au PPNB ancien. Les formes toriques
sont identifiées dans le Khiamien, le PPNA et le PPNB moyen. Les formes
sphériques apparaissent à partir du PPNA tandis que les formes biconiques
apparaissent au PPNB moyen et augmentent nettement au PPNB récent. Enfin, les
formes coniques sont signalées seulement dans le PPNB récent. Les volumes
toriques, sphériques, coniques et biconiques sont sous-représentés avec des
pourcentages inférieurs à 1%, sauf dans le cas des sphères du PPNB ancien (2.3%),
et des formes biconiques du PPNB récent (3.4%).

14.2. Evolution typologique et marqueurs culturels

Peut-on retracer l’évolution typologique des objets de parure de la fin de


l’Epipaléolithique jusqu’au début du Néolithique céramique en Syrie ? Quels sont
les principaux types qui perdurent dans le temps et l’espace et quels sont les plus
caractéristiques d’une période ou d’une région ? Les types rares (à très faibles
effectifs, un ou deux spécimens) sont-ils de véritables types ou les dérivés
incontrôlés et hasardeux de types plus fréquents ? Ce sont à ces questions, entre
autres, que nous essayerons de répondre dans ce chapitre.

14.2.1. Types anatomiques et singuliers

Parmi les coquillages, les plus fréquents sont les cyprées, les Theodoxus, les
nérites marines et, en moindre nombre, les nasses. Les perforations sur les cyprées
et les nasses sont principalement situées sur le dos. Pour les nérites et les
Theodoxus le sommet est l’emplacement préférentiel des perforations. Les cônes,
les colombelles, les Hexaplex et les Melanopsis, de forme conique allongée à section
circulaire, sont rares. Les perforations sont souvent situées sur la zone de l’apex
dans le cas des cônes et des colombelles, rarement sur le dernier tour. Le seul
spécimen de Melanopsis et les trois Hexaplex sont perforés notamment sur le

572
dernier tour. Les Unio et les Glycymeris, de forme conchoïdale, sont percés sur le
sommet. Pour les dentales, de forme tubulaire légèrement conique et arquées, leur
cavité naturelle sert directement de trou de suspension.

La classe typologique la plus facilement identifiable au sein de la catégorie


des formes anatomiques est celle des objets à perforation courte décentrée, c'est-à-
dire les pendeloques. Celles-ci sont très peu nombreuses au sein du corpus et sont
constituées de bivalves percés sur le sommet, d’une incisive perforée sur la racine,
de deux phalanges, de miniatures de têtes, de silhouettes féminines ou
antropozoomorphe en pierre et perforées près d’une extrémité. Pour les
pendeloques anatomiques en pierre représentant des silhouettes ou des têtes, les
éléments de comparaison sont extrêmement rares pour le Levant et aucun ne date,
à notre connaissance, d’avant le PPNB ancien. L’exceptionnelle pendeloque en
turquoise datant du PPNB ancien de Dja’de el-Mughara, représentant une
silhouette en profil à la fois anthropomorphe (sur une face) et d’oiseau (sur l’autre
face), trouve un parallèle très intéressant sur le site de Motza dans la vallée de
Jourdain (Israël). Découverte dans le « Level VI », qui date de l’horizon PPNB
ancien, la pendeloque de Motza est également en roche couleur verte et, bien
qu’elle soit cassée, de dimensions très proches de celle de Dja’de (H : 17 mm ; l :
11.5 mm). Elle représente de face une silhouette composée de la partie supérieure
d’un corps humain et d’une tête d’oiseau. Comme pour la pendeloque de Dja’de,
des incisions ont été réalisées afin de souligner les différentes parties anatomiques.
Les auteurs notent qu’il s’agit d’une figurine cassée qui fut recyclée en pendeloque
(Khalaily et al. 2007, p. 24-25, fig. 17.2). La perforation est située sur la partie
distale, à proximité de la bordure cassée. Le port de cette pendeloque par
suspension implique que la tête d’oiseau soit située en bas, comme pour l’exemple
de Dja’de.

Les exemples de pendeloques anatomiques à thématiques animalières sont


documentés de manière ponctuelle dans certains sites du PPNB final. Ainsi, le site
d’El-Kowm, dans la steppe syrienne au centre du pays, a fourni un exemple
exceptionnel d’une pendeloque sculptée en forme de tête de rongeur avec un style
très réaliste, (Maréchal 2000, p. 213, fig. 5).

L’art animalier représentant des têtes de petits animaux (béliers, suidés,


bovidés) se développe sur des supports de parure de type

573
« pendeloques/amulettes » au cours des périodes plus récentes (Néolithique
céramique et Chalcolithique) (Maréchal 2000, p. 213). Enfin, la représentation du
corps animal entier en position « sur quatre pattes » est très rare sur des supports
de parure. Il pourrait s’agir de figurines en pierre converties en éléments de
parure (pas forcement destinées à parer le corps humain). Nous connaissons un
exemple de pendeloque en pierre noire provenant de Çayönü datant
probablement du PPNB ancien (Erim-Özdoğan 2011, fig. 80, p. 269) et une autre en
roche blanche et noire découverte dans une sépulture d’enfant datant du
Néolithique céramique ancien (Phase el-Rouj 2c) de Tell Ain el-Kerkh au nord-
ouest de la Syrie (Hudson et al. 2003, fig. 5).

Il est difficile de classer typologiquement les différentes familles de


gastéropodes car le seul emplacement de leur percement ne permet pas
d’identifier le mode d’attache (enfilage horizontal ou par suspension). Les
scaphopodes étant des tubes naturels longs, ils peuvent être logiquement rattachés
à la classe des perles.

Les effectifs étant très variables selon les contextes de découverte,


l’évolution des types n’est pas claire. Toutefois, d’après les données provenant
d’autres sites contemporains, nous pouvons pondérer les variabilités des
proportions pour les taxons les plus communs ((Fig. 14.3). Les Theodoxus du
corpus syrien sont principalement du type « à percement sommital ». Ils
apparaissent dans le Natoufien final de Mureybet et persistent jusqu’au PPNA.
C’est au Khiamien qu’ils ont la plus forte proportion. L’utilisation des Theodoxus
dans la parure semble disparaître à partir du PPNB au Levant Nord. Cependant,
elle est attestée de manière sporadique au PPNB dans le Levant Central (Maréchal
1995, p. 153) (e.g. Tell Aswad) et le Levant Sud (Bar-Yosef Mayer 2005, p. 182).
Dans cette dernière région, leur présence sur certains sites du Néolithique
céramique témoigne d’une longue tradition d’exploitation de ces petites coquilles
d’eau douce, tradition démarrant au moins dès le Paléolithique supérieur (Inizan
1978, p. 295 ; Kuhn et al. 2009, p. 100, fig. 18h-i).

La raréfaction des Theodoxus au Proche-Orient à partir du PPNB coïncide


avec une augmentation importante, mais progressive, des nérites et des cyprées.
Comme les Theodoxus, les nérites sont principalement percées sur leur sommet
tandis que pour les cyprées le type dominant est celui des « cyprées sans

574
dorsum ». Ce type est le plus commun dans tout le Levant. Toutefois, d’autres
types sont présents mais rares. Il s’agit des cyprées sans dorsum à perforation
ventrale, des cyprées à une, deux, voire quatre perforations sur le dorsum
conservé et à perforation ventrale, ou encore des cyprées sans dorsum à
décoration ventrale et latérale. Ces types sont documentés dans notre corpus à Tell
Aswad mais aussi dans des sites du Levant central et sud comme à Ain Ghazal (D.
Reese, comm. pers.) et à Ba’ja (Bienert & Gebel 2004, fig. 13, p. 134). Ces variétés
typologiques ne sont pas observées à Tell Halula. Cela pourrait signifier que les
cyprées de type sans dorsum arrivaient sur le site à l’état fini. Les cyprées de Tell
Aswad auraient pu être, quant à elles, fabriquées sur le site même selon différents
types pour des utilisations diverses. La présence d’éléments de parure en cours de
fabrication ainsi que de fragments de roches allochtones sur le site ne permet pas
en effet d’exclure un traitement des cyprées également sur place.

Les nasses à perforation dorsale, les colombelles et les cônes à perforation


apicale, apparaissent en faibles proportions au Khiamien, au PPNA et au PPNB
moyen mais leur utilisation remonte au moins au Natoufien final et perdure très
certainement au cours du Néolithique avec céramique. Enfin, en faibles
proportions également, les dentales apparaissent dans notre corpus au Khiamien
et perdurent jusqu’au PPNB Moyen. Cependant leur utilisation est attestée un peu
partout au Proche-Orient pour des périodes plus anciennes et perdure au PPNB et
probablement au Néolithique céramique bien qu’en proportion beaucoup moins
forte qu’auparavant (cf. Chapitre 13).

L’évolution des gabarits a été étudiée uniquement pour les Theodoxus car
ces coquillages sont présents sur plusieurs sites du corpus avec des effectifs qui
permettent de faire des comparaisons. Les hauteurs des spécimens de Tell
Mureybet et de Jerf el-Ahmar ont été comparées avec celles de Körtik Tepe pour la
période Khiamienne-PPNA (Fig. 14.4). D’après la médiane des valeurs, les
Theodoxus de Jerf el-Ahmar et de Mureybet sont plus petites que celles de Körtik
Tepe, les spécimens de Jerf étant toutefois un peu plus grands que ceux de
Mureybet. La variabilité dans les gabarits pourrait être liée à des différences
métriques naturelles entre les populations locales. En effet, des variabilités
morphométriques sont notées même au sein d’une seule espèce telle que T. jordani
selon les régions où elles habitent (Plaziat & Younis 2005, p. 7). L’identification au

575
niveau de l’espèce n’a pas été possible pour notre corpus. Mais nous pouvons
suggérer que les spécimens de Körtik Tepe aient été ramassés dans le fleuve Tigre
près duquel le site est situé. Il est possible que ces coquilles appartiennent à une
espèce différente, plus grande, que celle(s) provenant de l’Euphrate. Cela reste
bien entendu à confirmer notamment par l’identification précise des espèces mais
aussi par la création d’une collection de références permettant d’observer les
variabilités au sein d’une même population d’une même espèce.

La forme singulière en « crochet » est représentée par deux éléments


appartenant à la classe des pendeloques. L’un provient de la phase IIIA de
Mureybet (PPNA) et l’autre de la phase récente de Tell Aswad (PPNB moyen). Un
type particulier, également représenté par deux éléments, est celui dont la fonction
pourrait être celle des « boucles de ceinture ». Ces deux derniers proviennent de
Dja’de el-Mughara et datent du PPNB ancien.

14.2.2. Types géométriques

Les types géométriques identifiés appartiennent à sept classes typologiques


(Tabl. 14.2) : les rondelles, les disques, les éléments biforés, les pendeloques, les
pendeloques biforées, les perles et les perles biforées. A ces classes se rajoutent
deux autres particulières (non représentées dans le tableau 2) pour lesquelles nous
n’avons pas trouvé de parallèles ailleurs pour le même cadre chronologique. Il
s’agit de la classe « perle/pendeloque » représentée par un seul élément en terre et
de la classe « élément multiforé » qui concerne un tube en os. Ces deux éléments
proviennent du site de Jerf el-Ahmar (PPNA). L’ensemble de ces classes appartient
au groupe des « objets à perforation étroite ». Le groupe des « objets à perforation
large », quant à lui est représenté par les anneaux et les bracelets dont très peu de
spécimens ont été mis au jour pour le corpus syrien.

Les rondelles sont les éléments de parure les plus nombreux (Fig. 14.5), elles
représentent presque 60% de la totalité. La classe des perles arrivent en seconde
place avec une proportion de plus de 34% et celle des pendeloques arrivent loin
dernière les perles avec seulement 3.6%. Les sept classes restantes sont
représentées par moins de 1% et ne seront donc pas développées ici. Notons
toutefois que parmi elles, les disques sont identifiés pour le Natoufien final à

576
Mureybet et perdurent jusqu’au PPNA. Les éléments biforés en pierre sont
présents à partir du Khiamien à Mureybet et à Wadi Tumbaq 1 (Abbès 2008, p. 16,
Fig. 22.4, rapport inédit) mais ils sont présents dans le Levant Sud dès le
Natoufien final comme à Mallaha et à Gilgal II (Bar-Yosef Mayer 2013, Tabl. 1,
p. 133). Les perles biforées en terre et en pierre sont présentes à partir du PPNA à
Jerf el-Ahmar mais à partir de la période de transition entre le PPNA et le PPNB
ancien en Anatolie orientale, elles sont plus répandues et gagnent en nombre de
perforations, jusqu’à six ou sept. C’est le cas à Çayönü comme en témoigne la
découverte d’un collier dans une sépulture collective, « the Skull Buliding » (BM1),
et composé de plusieurs dizaines de perles biforées assemblées avec des perles
multiforées (Özdoğan 1999, p. 47, fig. 23 p. 57). Les anneaux en pierre sont
présents au PPNA mais remontent au Khiamien comme en atteste à Mureybet le
cas d’un recyclage d’un fragment d’anneau en pendeloque plate annulaire. Enfin,
des fragments de bracelets ont été découverts dans le PPNB moyen de Tell Aswad
mais leur apparition remonte au moins au PPNB ancien en Anatolie orientale,
notamment à Çayönü (ibid.). A la fin du 7e millénaire (PPNB récent), leurs sections
deviennent plus complexes comme le montrent certains exemplaires en marbre
blanc et en basalte de grain fin de Çafer Höyük (Maréchal 1985), ou en obsidienne
d’Aşıklı (Astruc et al. 2011).

14.2.2.1. Les rondelles


Identifiés dans tous les sites du corpus (cf. Tabl. 14.2), les objets à
perforation courte centrée représentent la classe typologique la plus commune des
éléments de parure au Proche-Orient dès la fin du Natoufien et jusqu’aux périodes
historiques et actuelles. Les plus anciens témoignages de rondelles sont des
éléments en dentales qui proviennent du Paléolithique supérieur, précisément de
la grotte de Jiita au Liban où des tronçons de ces coquillages ont été découverts
(Inizan 1978, p. 304). A la fin de l’Epipaléolithique, au Natoufien, les dentales sont
parmi les matériaux les plus exploités au Levant sud (cf. supra). Entre le début de
cette période et sa fin, la forme de ces coquilles inaugure un changement
primordial, clairement observé sur le site de Mallaha en Israël. Sur ce site, les
dentales du Natoufien ancien sont conservés sur des longueurs relativement
grandes, proches de celles originelles, mais à partir du Natoufien final, ils sont

577
tronçonnés en fines rondelles dont la longueur (ou épaisseur) est comprise entre 1
et 5 mm (Bar-Yosef Mayer 2008, Fig. 1, p. 106). L’une des hypothèses proposées
afin d’expliquer ce changement est celle d’une diminution dans les afflux ou
l’approvisionnement de ces coquilles à la fin du Natoufien, incitant ainsi les
habitants à diviser les dentales afin qu’un plus grand nombre de personnes puisse
les partager. Le changement dans le traitement des dentales est accompagné d’un
changement dans le domaine funéraire qui consiste en l’abandon de la pratique de
parer les défunts avec les dentales (ibid., p. 107). Il pourrait s’agir donc d’une sorte
de gestion économique d’une ressource qui est devenue rare et précieuse. Notons
cependant que le site de Mallaha a fourni plus de 80 rondelles en pierre de divers
couleurs à la fin du Natoufien (Bar-Yosef Mayer 2013, tabl. 1, p. 133). Dans le
Natoufien récent d’Abu Hureyra, neuf fines rondelles en test de dentales ont été
identifiées parallèlement à quelques rondelles en pierre (Maréchal 1991, p. 603).
Les rondelles du Natoufien final de Tell Mureybet sont majoritairement en pierre
et seulement trois sont en test de coquillage non identifié mais il ne s’agit pas de
dentale. Le changement dans le traitement des dentales pourrait s’expliquer d’un
point de vue non seulement économique mais aussi artistique, comme par
exemple la volonté de mettre en avant un nouveau type, celui des petits éléments
discoïdes. C’est un type qui va être confectionné dans un matériau connu, le test
des dentales, mais aussi en test d’autres coquillages (bivalves ?) et plus encore en
pierre, récemment introduite dans le domaine de la parure. Enfin, les rondelles en
os ne sont signalées que tardivement sur les sites PPNB du Levant Sud comme
Jéricho, Nahal Oran et Yiftahel (Garfinkel et al. 2012, p. 224). Celles-ci ne semblent
pas être des tronçons de tubes en os mais plutôt des rondelles fabriquées à partir
de plaques en os.

Dans notre corpus, les rondelles ne sont dominantes que lorsqu’elles sont
découvertes regroupées au sein de colliers ou de bracelets. Ainsi, elles sont bien
représentées à Mureybet, à Tell Aswad et à Tell Halula139. Leur présence est par
contre moins marquée à Jerf el-Ahmar et à Dja’de el-Mughara.

Au total, cinq types de rondelles ont été identifiés : cylindriques (discoïdes),


elliptiques, plates, biconiques et globuleuses (Fig. 14.6). Le type dominant tout au

139 Une cinquantaine de rondelles formant un bracelet provenant des niveaux PPNB récent de Tell

Abu Hureyra, nous n’avons pas pu examiner de plus près, sont exposées à l’Ashmolian Museum à
Oxford.

578
long de la séquence chrono-culturelle est le cylindrique. Les rondelles elliptiques
arrivent en second rang. On note toutefois que leur présence est souvent liée à
celle des rondelles cylindriques, notamment au sein d’une parure du type collier
ou bracelet. En ce qui concerne les types plat, biconique et globuleux, bien que leur
présence puisse remonter au PPNB moyen, voire ancien, c’est au PPNB récent
qu’ils sont clairement identifiables. Ces types peuvent être considérés comme des
« nouveautés ». Notons cependant que dans le corpus ils sont uniquement
identifiés sur le site de Tell Halula. Le type de rondelles plates est attesté en Israël
(Bar-Yosef Mayer 2013, p. 137) à Kfar HaHoresh (ibid. fig. 6.2) et à Nahal Hemar
(ibid. Fig. 6. 10), sites datant de la fin du PPNB. Le type biconique est identifié dans
les sites à atelier de parure en marbre de Mabba, les sites de Wadi Jilat/Azraq au
nord de la Jordanie (type 1b : Disc Bead Beveled) (Wright & Garrard 2003, fig.3,
p. 272). Certains de ces sites sont en partie contemporains de Tell Halula. Des
rondelles biconiques en calcite et cornaline ont été identifiées pour une période
plus récente (7e millénaire avant J.-C) et dans une région relativement distante de
la nôtre (Balouchistan-Pakistan), sur le site de Mehrgarh (Barthélemy de Saizieu
2003, Planche XII, Planche 5 et 9).

A l’exception du type globuleux, les rondelles de types biconique ou plat


sont à considérer en tenant en compte de la diversité des types des perles. En effet,
c’est à la même période que le type de perle biconique est identifié, également sur
le site de Halula. Quant aux perles plates, les exemples remontent au moins au
PPNA. Cependant, c’est au PPNB récent que leur nombre augmente très
fortement. A l’image de rondelles cylindriques, ou à celle des dentales, que l’on
peut tronçonner en plusieurs tranches, les rondelles plates identifiées à Tell Halula
correspondent dans la plupart des cas à des tronçons de perles plate140. Ces perles
sont exclusivement en turquoise, les perles plates en cornaline ou en ophiolites ne
sont jamais traitées de la sorte. Comme pour les dentales, il est difficile
d’interpréter ce traitement. S’agit-il d’une volonté de multiplier le nombre
d’éléments en turquoise que l’on peut distribuer entre plusieurs membres d’une
communauté (plusieurs parures) ? Ou cette division est-elle motivée par pur
esthétisme ? Malheureusement, aucune réponse ne peut être proposée en l’état
actuel de l’étude.

140Le processus de fabrication de ces éléments n’a pas été présenté dans l’étude technique des
rondelles de Tell Halula.

579
Le gabarit des rondelles cylindriques et elliptiques de Mureybet, Halula et
Aswad a pu être comparé avec celui des rondelles de mêmes types du site
anatolien de Körtik Tepe (Fig. 14.7). Le diamètre de la majorité des rondelles des
sites syriens, toutes périodes confondues, est plus petit que celui de la majorité des
rondelles du site anatolien. Les matériaux des rondelles du corpus sont divers,
ceux en carbonates (e.g. Aswad) sont moins nombreux que ceux en matériaux
allogènes, comme les ophiolites (principalement des chlorites et des talcs identifiés
à Mureybet et Halula). Les matériaux utilisés pour les rondelles de Körtik Tepe
sont d’une grande diversité également mais les plus communs sont les chlorites,
les talcs, certains phosphates (e.g. variscite, woodhouseite) et des carbonates.
Körtik Tepe étant situé à proximité des ressources en ophiolites et en phosphates,
il n’est pas étonnant que ces roches soient abondamment exploitées sur ce site. Les
artisans y fabriquaient les rondelles selon plusieurs gabarits, mais
préférentiellement selon un grand gabarit, probablement parce que la gestion de la
matière n’était pas un souci pour eux. Par ailleurs, sur ce site, les grands gabarits
ne caractérisent pas seulement les rondelles mais aussi d’autres classes
typologiques comme les perles, les pendeloques et les pendeloques biforées. Sans
parler d’autres artefacts comme par exemple les vases en chlorite, dont la quantité
(plusieurs centaines d’objets) et les dimensions témoignent de l’abondance
extraordinaire de ce matériau.

14.2.2.2. Les pendeloques


Contrairement aux rondelles fabriquées en série de plusieurs exemplaires,
les pendeloques, notamment celles du corpus, sont presque toujours fabriquées en
exemplaires uniques. Généralement, quand les pendeloques sont découvertes en
série, elles sont de forme anatomique. Les exemples les plus connus au Proche-
Orient proviennent de la période natoufienne. Le collier de « twin pendants » de la
grotte d’El-Wad en Israël (Garrod 1937) composé de plusieurs dizaines d’os
imitant des craches de cerfs disposées en couple de deux et intercalées par des
dentales, en est l’exemple le plus parlant. Sur le même site, une série de
pendeloques en apatite (phosphates) de forme géométrique trapézoïdale, datant
semble-il du Natoufien final (Bar-Yosef Mayer et al. 2013, p. 140), ont été
également découvertes. Très vraisemblablement, la forme géométrique de ces

580
pendeloques imite de façon schématique les craches de cerf. L’imitation d’une
crache de cerf pourrait concerner également une pendeloque du Natoufien récent
du site d’Abu Hureyra (Maréchal 1991, p. 603) fabriquée en roche verte (Jadeite ?
Moore 2000, fig. 7.16g, p. 178). A Körtik Tepe, nous avons examiné également une
imitation de crache en roche schisteuse de couleur verte.

L’absence des pendeloques sériées explique leur nombre réduit par rapport
à la classe des rondelles ou celle des perles. Par ailleurs, leur gabarit, généralement
imposant par comparaison avec les éléments des classes précédentes, évoque
instantanément une place centrale au sein d’une parure composite ou une mise en
valeur par une parure simple.

Des tendances générales sur l’évolution des pendeloques ainsi que sur leurs
proportions peuvent être dégagées. Notons d’abord qu’aucune pendeloque
(géométrique, anatomique ou singulière) n’a été découverte dans le Natoufien
final de Mureybet. Elles n’y sont présentes qu’à partir du Khiamien (Fig. 14.8).
Deux familles typologiques sont distinguées au sein du corpus : les pendeloques
étroites et hautes à section arrondie et les pendeloques plates. Les pendeloques
étroites hautes à section arrondie de type simple font leur apparition au PPNA à
Mureybet, à Jerf el-Ahmar, comme nous l’avons vu, ainsi qu’à Tell ‘Abr (Yartah
2013, fig. 139, p. 155) mais cette apparition pourrait remonter au Khiamien étant
donné qu’à cette période sont présentes des pendeloques étroites à rainure, donc
plus sophistiquées. Par ailleurs, les pendeloques étroites simples sont répertoriées
dans les sites dont les dates sont plus anciennes que celles de l’horizon PPNA et
qui pourraient correspondre au Khiamien/PPNA comme à Tell Qaramel au nord-
est de la Syrie (Mazurowski 2010, fig. 19, p. 582). Ce serait aussi le cas en Anatolie
orientale comme à Hallan Cemi (Rosenberg 2011) et à Körtik Tepe où nous avons
examiné plus d’une vingtaine d’entre elles. A la différence de celles de la période
Khiamienne/PPNA, les pendeloques trouvées dans les sites PPNA de la vallée de
l’Euphrate semblent avoir des dimensions plus petites que celles de Tell Qaramel
et Körtik Tepe. En effet, ces dernières ont une hauteur qui dépasse parfois les 15
cm (e.g. Tell Qaramel) (Mazurowski 2010, fig. 19, p. 582) et elles évoquent
fortement les dimensions et les formes des « bâtons polis » dont la présence est
très caractéristique de cette période aussi bien dans le Nord de la Syrie qu’en
Anatolie orientale. Dans le PPNB ancien de Dja’de el-Mughara, deux pendeloques

581
étroites simples sont répertoriées et elles ont des dimensions aussi petites que
celles du PPNA. Le type simple n’est pas attesté dans le PPNB ancien de Tell
Aswad. Il n’est pas signalé non plus pour le PPNB moyen et récent au Levant
Nord et central.

Le type des pendeloques étroites hautes à section arrondie et à rainure


semble être propre à la Vallée de l’Euphrate puisque, à notre connaissance, il n’a
été trouvé nul part ailleurs. Comme le type simple, celui-ci est réalisé
exclusivement sur des roches dont la dureté est élevée. Les pendeloques de ce type
sont attestées à Mureybet (quatre cas), à Jerf el-Ahmar (quatre cas) et à et à Tell
‘Abr 3 (cinq cas ?) (Yartah 2013, fig. 139.3, p. 155, fig. 160.1-4, p. 176). A l’exception
de deux pendeloques datant du Khiamien (Fig. 14.8), toutes les pendeloques à
rainures datent du PPNA et ne sont pas attestées au cours du PPNB ancien. On
note toutefois que des rainures ornent les faces de certaines pendeloques plates au
PPNB ancien (e.g. Dja’de el-Mughara). Dans le cas de Mureybet et de Jerf el-
Ahmar, certaines de ces pendeloques sont le fruit d’un recyclage de objets cassés
récupérés dont le matériau est d’origine est allogène. A titre d’exemple, la
pendeloque n° 101 de Jerf el-Ahmar est fabriquée sur le tranchant d’une hache
polie. Les dimensions et les formes des volumes sont variables d’une pièce à
l’autre. Le nombre étant réduit, nous ne pouvons pas vérifier s’il existe une
évolution quelconque entre les sites ou entre le Khiamien et le PPNA. Néanmoins,
ces observations renforcent l’hypothèse qui propose que ces pendeloques soient
fabriquées, ou transformées sur place (Maréchal & Alarashi 2008, p. 607). Ainsi, les
pendeloques étroites hautes à rainure peuvent être considérées comme des
éléments qui marquent à la fois une période, celle du Khiamien et du PPNA, mais
aussi une région, celle de la Vallée de l’Euphrate.

Quant à la famille des pendeloques plates, les plus anciens spécimens


attestés sont du type elliptique. L’une est un galet percé d’Abu Hureyra datant du
Natoufien récent (Moore 2000, fig. 7.16f, p. 178) et l’autre, un fragment d’os
façonné et percé de Mallaha, datant du Natoufien final (Maréchal 1991, fig.8h,
p. 595). Les pendeloques plates du corpus sont fabriquées essentiellement sur des
galets et, en moindre nombre, sur des plaques osseuses extraites principalement
de côtes de bovins. La terre est employée dans un cas exceptionnel sur le site de
Jerf el-Ahmar. Les exemples les plus anciens de pendeloques plates du corpus

582
appartiennent aux phases khiamiennes de Mureybet. Cependant, de forme semi-
elliptique et annulaire, celles-ci sont des éléments issus du recyclage et
représentent donc des cas isolés. Nous ne les considérons pas comme des
véritables types. Bien que les types clairement identifiables, (Fig. 14.8)
appartiennent au PPNA, leur apparition pourrait remonter au Khiamien voire à la
fin du Natoufien. Il s’agit des pendeloques circulaires, elliptiques et trapézoïdales.
Rappelons que des pendeloques trapézoïdales ont été découvertes à El-Wad dans
les niveaux du Natoufien final (cf. supra). Dans le corpus, le type elliptique est le
mieux représenté notamment au PPNA et PPNB ancien. Les types triangulaires et
rectangulaires apparaissent au PPNB ancien mais pourraient eux aussi remonter à
une période plus ancienne.

De manière générale, les pendeloques plates géométriques perdurent


jusqu’au PPNB moyen en ce qui concerne le corpus et jusqu’à la fin du PPNB au
moins (voire le Néolithique céramique) sur d’autres sites de la région. En effet,
l’absence des pendeloques parmi la parure funéraire du PPNB moyen et récent de
Tell Halula ne signifie pas leur abandon car elles sont signalées dans tout le
Levant, bien qu’en très faibles quantités, dans des sites datant du PPNB récent
comme Akarçay (Arimura et al. 2000, p. 253), Tell Sabi Abyad (Verhoeven 2000,
p. 99), Tell Ramad (Contenson 2000, fig. 95, p. 167), Beidha (Kirkbride 1966, p. 29).

Les pendeloques semblent se raréfier à la fin du Néolithique précéramique


pour laisser une plus grande place aux perles et aux rondelles. Cette augmentation
est due d’une part à la fabrication accrue des perles, des rondelles, des éléments en
coquillages en série et d’autre part au contexte funéraire plus riche et davantage
mis au jour par les fouilles dans les sites récents que dans les sites des périodes
anciennes.

Enfin, les types géométriques hauts (perforation située dans le sens de la


hauteur) sont plus nombreux que les types larges (perforation située dans le sens
de la largeur). Cette tendance est observée pour toutes les périodes mais
particulièrement au PPNA. Avec les pendeloques étroites à section arrondie, cela
reflète une préférence pour une présentation des éléments à la verticale.

Cette observation ne prend son sens que lorsqu’on la contraste avec


l’augmentation des perles plates à partir du PPNB moyen et surtout au PPNB

583
récent. Les perles plates sont pour certaines d’un aspect esthétique remarquable et
de dimensions importantes, ce qui, à l’image de certaines pendeloques, pourrait
indiquer leur place centrale au sein d’une parure. Cependant, une fois enfilées, ces
perles s’affichent à l’horizontale, contrairement aux pendeloques. Si les
pendeloques et les perles plates constituaient effectivement des pièces centrales au
sein d’une parure, on peut envisager leur configuration et étudier leur évolution
d’une période à l’autre.

Ainsi, les parures de la période PPNA auraient tendance, une fois portées, à
accentuer la hauteur, à favoriser l’impression de verticalité de certains éléments,
les plus grands par exemple. En revanche, à partir du PPNB moyen, les parures
tendraient à donner une représentation plutôt horizontale. La présentation des
éléments de parure à l’horizontale est assurée notamment par les perles, longues
par définition, qui occupent une place importante sur un fil. Elles donnent ainsi à
la parure un aspect richement « garni ». Notons que les perles à double
perforation, bien qu’elles apparaissent au PPNA, ne deviennent relativement
importantes qu’à partir du PPNB (cf. supra). Leur présence indique la confection
de parures plus complexe à rangée double ou plus. L’aspect richement « garni » en
est plus accentué. Bien entendu, ces hypothèses nécessitent d’être vérifiées par
l’étude d’autres collections de parure des sites couvrant les périodes concernées.

14.2.2.3. Les perles


La classe des perles représente plus de 34% de la totalité des éléments (cf.
Fig. 14.5). Elle est, après les rondelles, la plus importante du corpus. Trois familles
typologiques sont distinguées : les perles tubulaires, les perles plates et les perles
standards. L’essentiel des éléments du corpus appartient aux deux premières dont
il va être question ici. Les perles standards étant très rares, leur évolution n’a pas
pu être étudiée. Rappelons toutefois que ces perles sont de type sphérique et
peuvent être en pierre (e.g. PPNA Mureybet, Jerf ; PPNB ancien Dja’de) ou en terre
(e.g. PPNB moyen de Aswad).

La principale catégorie de matières utilisées pour les perles est celle des
pierres, qui se décline en une grande variété de roches et des minéraux. Des
supports osseux sont également employés. Enfin, la terre a servi à modeler un

584
certain nombre d’entre elles. La distinction des matériaux est nécessaire pour
comprendre certains aspects de l’évolution des perles. En effet, les premières
perles géométriques sont en os. Plus tard elles sont fabriquées en pierre et en terre.
Les plus anciens exemples de perles géométriques que l’on connait au Levant
remontent au Natoufien ancien de Mallaha. Elles appartiennent à la famille des
perles tubulaires elliptiques et sont fabriquées sur des os longs de petits ruminants
(Le Dosseur & Maréchal 2013, p. 294, fig. 2.1-4, p. 296). Les premiers exemples de
perles en pierre proviennent du même site mais datent d’une période plus récente,
celle du Natoufien final (Bar-Yosef Mayer 2013, tabl., 1, p. 133). Dans le corpus
syrien, les perles du Natoufien final, en très faible effectif, sont uniquement des
tubes en os. Leur nombre augmente fortement au Khiamien et s’accompagnent des
premières perles en pierre ainsi qu’un exemplaire en terre sur le site de Mureybet.

D’un point de vue typologique (Fig. 14.9), les perles cylindriques montrent
une dominance par rapport aux autres types. Cette dominance s’explique par la
forte présence des perles en os, toutes étant du type cylindrique. Au Natoufien
final, seulement cinq ont été comptées mais, comme signalé plus haut, elles
représentent à elles seules la totalité des perles pour cette période. Au Khiamien,
les perles en os sont très nombreuses et continuent à avoir une place importante
au cours du PPNA et du PPNB ancien. Elles perdurent au cours du PPNB moyen
mais semblent se raréfier à partir du PPNB récent. Ce constat est valable
également pour le Levant Sud où très peu de perles tubulaires ont été découvertes
à la fin du PPNB (un à deux exemplaires) et où elles ne sont plus fabriquées sur
des os d’oiseaux ou de petits mammifères mais sur des os longs de mammifères de
plus grande taille (Garfinkel et al. 2012, p. 224). Au Levant central cela semble être
également le cas. Ainsi, à Aïn Ghazal, aucune perle tubulaire n’a été trouvée dans
le PPNB récent et une seule a été comptabilisée dans le PPNC (Le Dosseur, comm.
pers.). A Tell Ramad (PPNB récent et final) dans la Damascène, les perles
tubulaires en os sont absentes. La raréfaction des perles tubulaires en os coïncide
avec l’apparition d’un nouveau type de parure, non observé dans notre corpus,
celui des anneaux en os extraits par tronçonnage bilatéral des os longs de
mammifères de petit ou moyen gabarit (Le Dosseur 2010, p. 717 ; Le Dosseur 2006,
p. 520 ; Contenson 2000, p. 320).

585
En Anatolie, très peu de perles tubulaires sont identifiées dans les sites
datant du 8e millénaire comme par exemple à Çafer Höyük où seulement deux
perles ont été découvertes (Stordeur 1988, p.206). Sur d’autres sites de l’Anatolie
centrale, les études sont en cours. Ainsi, la phase ancienne (Level 4) d’Aşıklı
Höyük, qui date de la fin du 9e millénaire cal. BC, a fourni un bon nombre de
perles tubulaires (Christidou 2014 : billet blog Archéorient). Il serait très
intéressant de voir comment évolue ce type au cours des phases correspondant au
PPNB moyen et récent. Il serait par ailleurs utile d’étudier les changements
observés en ce qui concerne les supports osseux et leurs relations avec l’évolution
des économies de subsistance. Autrement dit, existe-t-il une correspondance entre
la raréfaction des perles tubulaires, fabriquées principalement sur os de petits
ruminants (e.g. lièvre, renard) et d’oiseaux (e.g. perdrix, grue, oie), et la diminution
générale de la chasse aux petits animaux au profit de l’augmentation des activités
d’élevage ? (Gourichon 2004)

Nous avons tenté de comprendre la variabilité des longueurs des perles en


os en fonction de la période, du site, de leur appartenance taxonomique, de la
partie anatomique sélectionnée, mais aucune tendance n’a pu être dégagée (cf.
Fig. 8.10). En effet, les longueurs des perles en os sont hétérogènes. L’homogénéité
des longueurs n’est observée que pour les éléments composant une parure (e.g.
ensemble 2 de Jerf el-Ahmar). Notons toutefois que la majorité écrasante des
perles en os du corpus ont une longueur supérieure à 10 mm, et que la longueur
moyenne (sur 135 spécimens) est de 19.65 mm.

En ce qui concerne les perles tubulaires en pierre, les effectifs étant assez
faibles, il est difficile de retracer l’évolution des types au cours du temps. On note
cependant que les types cylindrique, elliptique et prismatique sont présents dès le
Khiamien (Fig. 14.9). Les types conique et biconique n’apparaissent qu’à partir du
PPNB moyen sur le site de Tell Halula. Rappelons que c’est également à ce
moment qu’apparaît le type biconique chez les rondelles (cf. supra).

Comme la famille des perles tubulaires, celle des perles plates apparaît au
Khiamien (Fig. 14.9). Les types sont rectangulaires ou carrés et leur section
transversale est elliptique. Au PPNA, les perles plates continuent à présenter les
mêmes types que ceux de la période précédente. Le changement se produit très
certainement au PPNB ancien. Bien que le nombre d’objets de parure trouvés à

586
cette période soit réduit, on constate une hausse des effectifs notamment des
perles plates. Cette hausse s’accompagne de l’apparition du type elliptique et
rhomboïdal de section désormais lenticulaire. Cependant, pour cette période, le
type rhomboïdal est attesté uniquement sur des supports en terre, comme les
éléments provenant de Dja’de el-Mughara ou ceux trouvés à Nevalı Çori (Morsch
2002, Pl.5.7-9, p. 157) et à Çayönü (Kozlowski & Aurenche 2005, Fig. 5.1.2-3,
p. 186). Pour ce qui concerne les niveaux PPNB ancien de Tell Aswad, ce type n’a
pas été mis au jour. Les premiers exemples de perles plates rhomboïdales en pierre
(notamment en cornaline) proviendraient du PPNB moyen de Tell Halula. Les
types circulaire et trapézoïdale sont attestés à partir du PPNB moyen tandis que le
type triangulaire n’apparaît qu’au PPNB récent.

A Aşıklı Höyük, sur le sol d’une sépulture, un collier de dix perles plates en
agate et cornaline a été découvert (Özbaşaran 2012, fig. 20, p. 157). Les perles de ce
collier correspondent aux cinq types identifiés dans notre corpus, i.e. les types
circulaire, elliptique, trapézoïdal, triangulaire et rhomboïdal. Datant de la seconde
moitié du 8e millénaire avant J.-C., ce collier est très probablement contemporain
de ceux découverts dans les phases du PPNB récent de Tell Halula.

A partir du PPNB moyen, certaines perles plates vont être aménagées (cf.
Fig. 10.12r, s, t, u et Fig. 11.1e, f, i, g, p) avec un col prolongeant l’une des
extrémités du tube de perforation et une convexité destinée à augmenter
l’épaisseur de l’autre extrémité du tube. Parfois, cette dernière n’est pas présente
et seul un col est façonné. Au PPNB récent, les mêmes aménagements continuent à
être effectués mais une nouvelle variante apparaît, celle des deux convexités
aménagées sur chacune des extrémités lorsque le col n’est pas présent. Une autre
variante est également observée, celle présentant un col aux deux extrémités. Un
élément de ce type est attesté à Akarçay Tepe dans des niveaux datés du PPNB
récent (M. Arimura comm. pers.). Toutefois, les exemplaires de cette dernière
variante sont plus fréquents pour la période du Néolithique céramique comme à
Tell Dhahab et Tell Judaidah dans la plaine d’Antioche au nord-ouest de la Syrie
(Braidwood 1960, fig. 36, p. 62), et à Mezraa-Teleilat (Coşkunsu 2008, fig. 6, p. 32)
dans la vallée de l’Euphrate en Turquie.

D’un point de vue métrique (Fig. 14.10), il est difficile de retracer une
évolution claire en ce qui concerne les gabarits des perles plates d’une période à

587
l’autre car les matériaux utilisés semblent avoir joué un rôle important. Par
exemple, les perles plates en turquoise de Tell Halula sont généralement de petit
gabarit tandis que celles en cornaline sont plus grandes. A Tell Aswad, les perles
plates en turquoise sont également parmi les plus petites. Pour le site de Dja’de,
les perles plates en pierre sont plus petites que celles en terre. Dans le corpus
syrien, seules les perles plates d’Abu Hureyra se distinguent par leur grand
gabarit, généralement supérieur à ceux des autres sites (longueur moyenne : 29.21
mm). En effet, les plus petits spécimens provenant de ce site correspondent au
moyen et au grand gabarit des perles plates de Halula. Il est important cependant
de rappeler qu’un bon nombre de celles-ci sont en cornaline, roche dont la dureté
très élevée aurait pu être une contrainte ne permettant pas d’aller très loin vers de
grandes dimensions. En effet, au-delà de 30 mm de longueur, la fabrication d’une
perle plate en cornaline constitue une succession de prouesses techniques, depuis
la mise en forme et jusqu’au polissage, en passant par l’étape extrêmement
délicate de la perforation. La majorité des perles plates dont la longueur est
supérieure à 30 mm sont en roches relativement tendres. Ainsi, les exemplaires les
plus grands sont en serpentine comme à Abu Hureyra ainsi qu’à Sabi Abyad
(Verhoeven 2000, fig. 4.6, p. 116). A Tell Halula, les gabarits des perles plates
datant du PPNB récent restent les mêmes que ceux de la période précédente. Les
imprécisions stratigraphiques concernant le site d’Abu Hureyra ne permettent pas
de déterminer la contemporanéité de certaines phases avec celles de Tell Halula. Il
est toutefois possible que les phases d’où proviennent les perles plates d’Abu
Hureyra soient plus récentes que les phases du PPNB récent de Halula. De même,
la phase « Level 5 » où ont été trouvées les grandes perles plates de Tell Sabi
Abyad (Verhoeven & Akkermans 2000, tabl. 1.1, p. 2) est plus récente que les
phases du PPNB récent de Halula (Molist et al. 2013, tabl. 1, p. 90-91). Les grands
gabarits ont également été observés dans le Néolithique céramique comme à
Mezraa-Teleilat (Özdoğan 2011, fig. 64-65, p. 257).

Bien que leur première apparition remonte au Khiamien/PPNA, les perles


plates sont avant tout des marqueurs de la période PPNB. Les aménagements
réalisées sur ces perles apparaissent au PPNB moyen mais caractérisent davantage
le PPNB récent et le Néolithique céramique. Les perles plates à deux cols

588
remontent au PPNB récent mais sont plus récurrentes au Néolithique céramique.
Enfin, les perles plates de grand gabarit sont plus fréquentes à la fin du PPNB.

14.3. Conclusion

Dans le corpus syrien, la parure du Natoufien final provient uniquement du


site de Mureybet. Elle est peu abondante et est constituée essentiellement
d’éléments confectionnés sur de petites nérites du genre Theodoxus, de rondelles
cylindriques en pierre et en test de coquillages, de disques circulaires en pierre et
de quelques perles cylindriques en os long. Les imitations de craches de cerf en
matières osseuses ou en pierre que l’on connaît pour la fin de l’Epipaléolithique
(e.g. Abu Hureyra, El-Wad, Mallaha, cf. supra) montrent que la parure est encore
fortement imprégnée des formes naturelles. Cette imprégnation ne disparaît pas
au cours des périodes suivantes mais s’accompagne de nouvelles formes, dont les
types sont de plus en plus diversifiés.

Le Khiamien se caractérise par une grande diversité typologique au sein des


formes anatomiques et géométriques. Les objets de forme anatomique sont figurés
par quelques nasses, des colombelles, et surtout des Theodoxus percés. Les valves
d’Unio sont utilisées comme pendeloques et des dentales sont enfilées comme des
perles. Des os longs perforés près d’une épiphyse constituent les seules
pendeloques de ce type dans le corpus. Les formes géométriques, quant à elles, se
déclinent, en ce qui concerne les perforations courtes, en rondelles cylindriques en
pierre et en test, rondelles elliptiques en pierre, disques en pierre, éléments biforés
en pierre, pendeloques étroites hautes à section arrondie et à rainure en pierre,
pendeloques plates en pierre et pendeloques plates biforées en pierre. Les objets à
perforation longue sont principalement des perles cylindriques en os, quelques
perles cylindriques, elliptiques et prismatiques en pierre et des perles plates
carrées et rectangulaires à section elliptique. Un cas de recyclage en pendeloque
plate annulaire montre que les anneaux étaient présents également à cette période.

Au PPNA, la parure de forme anatomique est la même que celle de la


période précédente, mais en proportion moindre. Elle se différencie par la
découverte de deux phalanges : l’une de gazelle et abandonnée en cours de

589
perforation (Mureybet), l’autre humaine, perforée près d’une extrémité et sans
doute portée comme pendeloque (Jerf el-Ahmar). Une grande pendeloque en
pierre pouvant représenter une « tête » humaine complète la diversité observée au
sein des formes anatomiques.

La parure de forme géométrique est également similaire à celle de la


période précédente. On note toutefois une augmentation relative du nombre de
rondelles cylindriques et elliptiques et une standardisation de leurs modules. Ces
changements quantitatifs et métriques sont liés à l’augmentation des découvertes
d’éléments regroupés sous forme d’ensembles de type collier, notamment sur le
site de Mureybet. Le nombre de pendeloques étroites hautes à section arrondie et à
rainure augmente à Mureybet et leur présence se confirme à Jerf el-Ahmar mais
aussi sur d’autres sites contemporains de la vallée de l’Euphrate (e.g. Tell ‘Abr 3).
Leur absence en dehors de cette zone et au cours des périodes suivantes plaide en
faveur de l’hypothèse selon laquelle ces pendeloques représenteraient des
marqueurs à la fois culturels et régionaux. Les pendeloques hautes étroites simples
apparaissent à cette période sur les sites du corpus mais elles pourraient remonter
à la période khiamienne. Il en est de même pour les perles biforées en pierre et en
terre. Des fragments d’anneaux cassés, dont certains recyclés en éléments biforés,
témoignent de l’augmentation du nombre d’anneaux à cette période. Enfin, c’est
au PPNA que les formes singulières apparaissent avec un exemple de pendeloque
en forme de « crochet » (Mureybet).

Les éléments de parure du début du PPNB sont mal connus compte tenu de
leur faiblesse quantitative ainsi que du nombre réduit de sites datant de cette
période. Il est ainsi difficile d’affirmer si la diminution observée dans les formes
anatomiques est réelle ou biaisée par les faibles effectifs. A cette période, les seuls
éléments de parure en coquillage sont quelques dentales trouvés à Dja’de el-
Mughara, les niveaux anciens de Tell Aswad n’ayant fourni aucun élément en
coquillage. Les formes anatomiques sont principalement en matières osseuses ou
en pierre. Il s’agit des cas uniques d’incisive de bovin et de petite figurine
anthropozoomorphe montées en pendeloques (Dja’de) et d’une pendeloque
représentant une silhouette féminine acéphale (Aswad). En ce qui concerne les
formes géométriques, les types identifiés au cours de la période précédente
persistent à l’exception des pendeloques étroites à rainure qui semblent

590
disparaître. Néanmoins, les rainures et les incisions continuent à orner certains
types comme les pendeloques plates elliptiques, rectangulaires ou trapézoïdales
(Dja’de). La fréquence des perles plates est désormais de plus en plus importante
au sein de la classe des perles. Elles sont principalement de type elliptique et
rhomboïdal de section lenticulaire. Toutefois, le type rhomboïdal semble être
fabriqué uniquement en terre. Les anneaux et les bracelets sont absents dans le
PPNB ancien syrien mais attestés ailleurs à la même période (e.g. Khalaily et al.
2007, p. 10). L’apparition des premiers bracelets en pierre pourrait remonter à cette
période. Enfin, au PPNB ancien, des objets de parure en os pouvant correspondre
à des « boucles de ceinture » ont été identifiés.

Au PPNB moyen, de nouvelles formes des coquillages marins vont être


introduites dans la parure du Levant nord. Il s’agit des cyprées et des nérites. A la
même période, les fréquences de ces coquilles augmentent également au Levant
sud. Le type des cyprées sans dorsum est le plus commun. Il est dominant à Tell
Halula et à Tell Aswad. Dans ce dernier site, une variante a été mise au jour, la
cyprée sans dorsum à face ventrale décorée avec des incisions radiales. Les
incisions sur la face ventrale des cyprées ont été également signalées sur le site
d’Ain Ghazal (D. Reese comm. pers.). Bien qu’en nombre beaucoup plus réduit
que le premier, deux types supplémentaires ont été également identifiés à Tell
Aswad : la « cyprée à dorsum et à multiples perforations dorsales et ventrales », et
la « cyprée à dorsum avec perforation ventrale unique ». Cette diversité
typologique reflète une diversité dans les systèmes d’attache et probablement
dans les types de parure que ces coquilles composaient. Parmi les types de forme
anatomique, les pendeloques en pierre représentant des silhouettes féminines
acéphales, identifiées au PPNB ancien à Tell Aswad (un spécimen), sont en plus
grand nombre dans les niveaux PPNB moyen de ce même site (quatre spécimens).
En ce qui concerne les formes géométriques, les principales classes typologiques
sont identiques à celles des périodes précédentes. Les changements se perçoivent
au niveau des types de certaines familles typologiques des perles. Ainsi, aux types
carré, rectangulaire, elliptique et rhomboïdal connus auparavant pour les perles
plates s’ajoutent également les types circulaire et trapézoïdale à partir du PPNB
moyen, certaines de ces perles plates étant aménagées.

591
Au PPNB récent, les formes anatomiques en coquillages sont les mêmes que
celles de la période antérieure. Les formes géométriques gagnent beaucoup en
fréquence et en diversité typologique. Ainsi, les rondelles ne sont pas seulement
cylindriques ou elliptiques mais également biconiques, plates et globuleuses. Les
perles tubulaires se diversifient également et de nouveaux types apparaissent : la
perle biconique et la perle conique. En ce qui concerne les perles plates, le type
triangulaire s’ajoute aux types identifiés auparavant et les aménagements touchent
un plus grand nombre de perles. Les perles plates, simples ou aménagées, sont à
cette période d’un gabarit relativement grand.

Enfin, nous l’avons vu, il est difficile de retracer une évolution typologique
des objets de parure en se basant uniquement sur les éléments du corpus,
principalement à cause de la disparité de leurs effectifs. Il est par conséquent
indispensable d’élargir les études typologiques à d’autres régions du Proche-
Orient. Cependant, des tendances générales ont pu être observées et quelques
marqueurs culturels être repérés.

Il est important de souligner par ailleurs que la rareté ou l’abondance de


certains types, plus généralement des familles typologiques, reflète indirectement
des fonctions. Ainsi, les rondelles, plus nombreuses et de petites dimensions, sont
les éléments servant par excellence à garnir richement une parure. Au contraire,
les pendeloques, rares et de grandes dimensions, sont certainement réservées à
occuper les places centrales, les plus visibles, d’une parure. Les perles, quant à
elles, peuvent avoir pour rôle, selon leurs formes et leurs dimensions, de garnir
richement une parure, avec des perles tubulaires cylindriques par exemple, ou d’y
prendre une position centrale comme cela peut être le cas des grandes perles
plates. Enfin, les types rares signalés comme les rondelles et les perles biconiques,
les pendeloques plates triangulaires ou rectangulaires, ne sont pas issues
d’accidents ou de hasards de fabrication mais représentent de véritables types
puisqu’on les retrouve dans d’autres sites du Proche-Orient.

592
Chapitre 15. Savoir-faire et schémas de
transformation

A travers la présentation de quelques cas d’étude technologique, nous


avons voulu dans ce chapitre mieux définir les savoir-faire des sociétés
néolithiques en matière de fabrication des parures. L’analyse que nous proposons
est qualitative et ne peut malheureusement être appuyée par des outils statistiques
pour des raisons liées à la disparité des effectifs et des contextes.

Comme nous l’avons vu, les matériaux employés dans la fabrication


d’éléments de parure sont d’une grande diversité et richesse (cf. chapitres 13). Il en
est de même en ce qui concerne les formes et les types (cf. chapitre 14). Il n’est
donc pas étonnant de constater que de nombreuses techniques, procédés et
méthodes de fabrication ont été développées pour pouvoir être appliquées à la
variété des matériaux et des types choisis. Nous proposons la reconstitution des
schémas de transformation de certains types d’objets, ceux existant en nombre
important dans un matériau donné, pour lesquels nous disposons le plus
d’informations.

Pour évaluer le degré de complexité d’un schéma de transformation, il est


nécessaire de déterminer : 1) le degré de difficulté technique et 2) le degré de
transformation (Le Dosseur 2006, p. 117). La difficulté technique se mesure par les
contraintes posées par un matériau, la difficulté des techniques appliquées à ce
matériau et le nombre de phases de transformation requises afin d’aboutir au type
voulu. Le degré de transformation, quant à lui, mesure l’écart entre la forme
initiale du matériau et celle de l’objet fini (Stordeur 1978).

En ce qui concerne le premier point, parmi les critères choisis celui de


l’évaluation de la difficulté des techniques ne peut être mesurable objectivement
sans recours aux expérimentations, ni sans connaissance des types d’outils
employés et de leur efficacité (notamment en l’absence d’atelier de fabrication), ni
sans connaissance du degré d’habilité de l’artisan et de son expérience. Par
conséquent, il ne sera pas pris en compte ici. En revanche, certaines contraintes
posées par les matériaux (e.g. dureté, friabilité) et le nombre de phases de
transformation peuvent être généralement mesurés.

593
Quant au degré de transformation, précisons que celui-ci est plus aisément
mesurable sur les matières dures d’origine animale quand celles-ci sont identifiées
taxonomiquement et anatomiquement. Il est en revanche plus difficile à estimer
sur les matières minérales étant donné que les formes naturelles de celles-ci sont
« imprévisibles » et généralement irrégulières.

Malgré les difficultés d’appliquer une mesure commune de la complexité


de fabrication à tous les objets de parure, quel que soit leur type et leur matériau,
nous avons pu distinguer deux degrés de transformation technique :
transformation technique simple et transformation technique complexe.

15.1. Transformations techniques simples

Les objets de parure obtenus grâce à des modes de transformation simples


et dont nous traitons ici sont les éléments percés en coquillage, les galets percés et
les perles tubulaires en os. Une seule phase constitue l’essentiel de la
transformation, celle de la création du dispositif d’attache.

15.1.1. Eléments percés en coquillages

Le test, composé de proportions variables de calcite et d’aragonite141, a une


dureté comprise généralement entre 3 et 4 sur l’échelle de Mohs. Il présente des
épaisseurs variables selon l’espèce et l’âge de l’animal, et donc des difficultés de
percement variables. La dureté et l’épaisseur du test ne semblent pas être une
contrainte difficile à surmonter, les techniques de percement adoptées étant tout à
fait appropriées dans la plupart des cas. Les techniques s’adaptent également aux
emplacements choisis (Tabl. 15.1). Ainsi, les zones présentant des convexités sur
les gastéropodes et les bivalves comme le dorsum ou le sommet, sont
généralement traitées par abrasion. Les surfaces relativement planes sont traitées
par percussion indirecte ou par perforation rotative. Les dentales, de forme
tubulaire, subissent un sectionnement de l’une ou des deux extrémités soit par
sciage puis flexion, soit uniquement par flexion. La technique de sciage est très

141 Cf. Chapitre 3 : 3.4.1.1. Structure et composition, p. 80.

594
rarement employée. Elle a été identifiée une fois pour le percement près du labre
d’une petite coquille de Theodoxus dans le Natoufien final de Mureybet et une fois
pour la suppression du dorsum d’une cyprée de Tell Aswad (PPNB moyen).

Parallèlement aux percements, certains coquillages ont été travaillés sans


que cela ne modifie leur forme naturelle. Ainsi, des colombelles et des cônes de
Tell Mureybet ont été parfois abrasés sur leurs bases et leurs labres, probablement
dans le but de raccourcir et d’égaliser des fractures. Sur des spécimens de Tell
Aswad, en complément de ce traitement, la dernière spire a été légèrement abrasée
formant ainsi des facettes planes. Un autre aménagement concerne les cyprées, en
particulier deux spécimens de Tell Aswad. Il consiste à réaliser des incisions
décoratives (?) de façon à prolonger les dents sur les faces ventrales et latérales.
Des fragments de cyprées incisées ont été signalés (D. Reese, comm. pers.) à Nativ
Hagdud (PPNA-Sultanien) et à Aïn Ghazal (PPNB récent/PPNC), ils proviennent
d’une aire culturelle avec laquelle le site de Tell Aswad a des affinités en ce qui
concerne le domaine cultuel et symbolique (e.g. pratiques funéraires ; crânes
surmodelés).

D’un point de vue chronologique, d’après notre corpus, on note que


l’abrasion et le sciage sont employés dès le Natoufien final. Cependant, nous
savons que d’autres techniques étaient également connues à cette période et à
d’autres plus anciennes. En effet, la technique de rotation est observée sur des
perles ovales sur phalanges de gazelle dès le Natoufien ancien dans le Levant Sud
(Le Dosseur & Maréchal 2013), et sur des pendeloques en roche verte imitant les
craches de cerf dès le Natoufien récent à Abu Hureyra (Moore 2000, fig. 7.16g,
p. 178) et au Natoufien final à Mallaha (Bar-Yosef Mayer et al. 2013). La découverte
de ces pendeloques témoigne également d’une maîtrise de mise en forme par
abrasion et finition par polissage des roches de dureté moyenne (3 à 4 sur l’échelle
de Mohs).

Les techniques de percement des coquillages continuent à être les mêmes


au cours des périodes suivantes. Il s’agit principalement de l’abrasion et, dans une
moindre mesure, de la percussion ou pression, de la rotation et du sciage. Ces
techniques s’adaptent aux nouvelles espèces introduites et aux emplacements
choisis.

595
15.1.1.1. Theodoxus
Sur les Theodoxus, dont l’utilisation est attestée dès le Natoufien,
l’emplacement du percement et la technique n’ont montré aucune évolution. Ces
petites coquilles d’eau douce ont été presque systématiquement perforées par
abrasion sur leur sommet. Il en est de même pour les Theodoxus de Körtik Tepe
(Khiamien/PPNA). On note cependant qu’à la fin du Natoufien au Levant central,
sur les sites de Jayroud 1, Jayroud 9 et Mallaha, les Theodoxus sont percés depuis la
face interne de la coquille par pression ou percussion indirecte (Maréchal 1991,
p. 590 ; 599). Les percements sur ces coquilles sont donc situés sur le dos, sur la
dernière spire. Le même emplacement et les mêmes techniques ont été également
identifiés pour les spécimens découverts dans les niveaux datés du Natoufien
récent d’Abu Hureyra (ibid., p. 601).

D’après nos expérimentations, les risques de fracture sont relativement


réduits quand les techniques de pression ou de percussion indirecte sont
appliquées depuis la face interne, c'est-à-dire par l’introduction de l’outil perçant
dans l’ouverture naturelle. Bien que ces techniques soient relativement rapides,
elles ne permettentnt pas une grande marge de manœuvre quant à l’emplacement
des percements. La morphologie de la coquille en général et celle de son ouverture
naturelle empêchent d’atteindre le sommet depuis l’intérieur (sauf en cassant le
labre et l’ouverture naturelle) mais uniquement la face opposée à l’ouverture,
c'est-à-dire le dos. Le percement de ces coquilles par percussion ou pression sur
leurs sommets depuis la face externe a entraîné la fracture de la coquille. Ces
observations nous amènent à supposer que l’emplacement du percement a
probablement conduit les premiers habitants de Mureybet à opter pour la
technique de l’abrasion. Cette technique est relativement rapide sur un test aussi
fin que celui des Theodoxus et sur une surface aussi réduite que celle correspondant
au percement. De plus, les risques de fractures par abrasion sont moindres par
rapport à ceux générés par percussion ou pression.

15.1.1.2. Cyprées
Les plus anciens éléments de parure en cyprées pourraient remonter au
Kébarien géométrique ou au Natoufien ancien du Wadi Mataha au sud de la

596
Jordanie. Sur ce site, des coquilles de Cyprea sp. sont signalées comme « both holed
and unmodified » (Janetski 2005, p. 152) sans plus de précisions sur les techniques
ou les emplacements des percements. Le Natoufien final de Mallaha (niveau I) a
fourni une Monetaria moneta décrite comme « n’ayant plus de dos » (Maréchal 1991,
p. 590). D’après l’auteur, la suppression du dos par percussion ne semble pas être
le résultat d’une intervention humaine car l’état du test témoigne que la coquille a
été longtemps roulée par la mer avant d’être ramassée (ibid.). Le Natoufien final
du site de Jayroud 3 a livré un spécimen d’une espèce méditerranéenne, Zonaria
pyrum, dont le dos a pu être enlevé par percussion (ibid., p. 601). Une seule
Monetaria moneta a été trouvée dans les niveaux natoufiens (Level B) de El-Wad
(Bate 1937, p. 225). Le dorsum de celle-ci est ouvert, les bords de l’ouverture sont
polis (D. Reese, comm. pers.). Il s’agit là encore d’un percement par percussion
sans pouvoir distinguer si l’intervention est d’origine humaine ou si l’élément fut
ramassé en l’état. Enfin, le Natoufien final de Beida a livré un fragment de cyprée
(Reese 1991, p. 619) et celui de Rosh Horesha (Néguev central) six cyprées (ibid.
p. 621) mais nous ignorons s’ils étaient percés et, auquel cas, selon quelle
technique.

A la période de transition du Natoufien au Néolithique et au cours du


PPNA, les cyprées sont présentes en faibles quantités (deux ou trois spécimens par
site) au Levant sud. Sur des sites de la vallée du Jourdain comme Salibiya IX
(Khiamien) ou à Hatoula (Sultanien), certaines proviennent de la Mer Rouge (Bar-
Yosef Mayer 1991, p. 630-632). Nous n’avons pas d’information sur leurs
techniques de percement, ou si ce dernier a été véritablement effectué. D’après
l’examen de D. Reese (comm. pers.), sur le site de Jericho, une’Erosaria turdus et un
fragment de cyprée provenant du niveau PPNA (Biggs 1963, p. 127, fig. 2d)
présentent un dorsum supprimé par abrasion. Le PPNA (Sultanien) de Nativ
Hagdud a livré sept cyprées dont deux de l’espèce E. nebrites présentant un
dorsum supprimé par abrasion et un fragment labial d’espèce indéterminée
portant des incisions sur les faces ventrale et latérale (ibid.). Les niveaux du PPNB
ancien de Motza près de Jérusalem ont livré trois fragments de cyprées
appartenant toutes à des espèces méditerranéennes (E. spurca, Zonaria pyrum et
Luria lurida) (Mienis 2011, p. 7). D’après l’auteur, ces fragments ne montrent pas de
traces de manipulation humaine, mais peut-être est-ce dû à leur état fragmentaire.

597
Au Levant nord, les sites du PPNB ancien n’ont pas fourni de cyprées, sauf
peut-être à Çayönü où, d’après une illustration (Erim-Özdoğan 2011, p. 268,
fig. 73), un spécimen de E. turdus provenant de la Mer Rouge se distingue assez
clairement. Le dorsum de ce spécimen pourrait avoir été supprimé par abrasion.

C’est à partir du PPNB moyen (cf. chapitre 13 et 14) que les cyprées sont
présentes avec des effectifs plus importants un peu partout dans le Levant (Sinaï,
Israël, Jordanie, Syrie et en moindre nombre en Anatolie). Désormais, les
percements peuvent également prendre la forme de petits trous aménagés à
différents endroits du dorsum ainsi que sur la face ventrale (notamment sur la
partie columellaire). La suppression totale du dorsum reste cependant la règle.

Au PPNB moyen, la technique de percement par sciage est également


documentée. Le site de Shillourokambos (Chypre) a livré quatre spécimens de L.
lurida dont une (?) porte deux percements en forme de fente longitudinale, chacun
près d’une extrémité, réalisés par sciage (Serrand et al. 2005, fig. 5n, p. 126). Sur le
site de Beidha, qui date de l’horizon PPNB moyen et récent, 130 cyprées de la Mer
Rouge ont été découvertes (E. nebrites et E. turdus). La majorité des coquilles ont le
dorsum supprimé par abrasion mais des coquilles non percées (13 spécimens) sont
également présentes. Un spécimen est particulièrement intéressant car il présente
un début d’abrasion sur le dorsum sans que celui-ci fût percé. Quatre spécimens
présentent des percements en fentes longitudinales réalisées par sciage près des
extrémités. Enfin, un fragment de dorsum y a été également trouvé (D. Reese,
comm. pers.).

A la fin du Néolithique précéramique, sur les sites du Sinaï (e.g. Ujrat el-
Mehed), un très grand nombre de cyprées ont été découvertes associées à
différentes techniques de percements comme l’abrasion, la rotation, les incisions et
la percussion. Certains spécimens ont été ramassés après l’enlèvement de leur
dorsum (Bar-Yosef Mayer 2000, p. 220).

Pour résumer, les premières cyprées utilisées pour la parure remontent au


moins au Natoufien ancien (Wadi Mataha). Ces cyprées présentent dans presque
tous les cas une absence du dorsum et pour certaines des traces de percussion sont
signalées sans qu’il soit possible de déterminer si ces traces sont le résultat d’une
intervention technique ou de l’altération naturelle de la coquille avant son

598
ramassage. Les premières cyprées auraient pu être ramassées sans dorsum. C’est à
partir du PPNA que sont attestés les premiers témoignages de la technique de
l’abrasion des dorsum des cyprées sur le site de Jéricho. C’est ensuite à partir du
PPNB moyen que les techniques de percements et les emplacements des trous se
diversifient sur des assemblages de plus en plus grands. Ainsi, parallèlement à la
percussion ou à l’abrasion du dorsum, sont également identifiées la perforation
par rotation ou par abrasion sur la face ventrale, et le percement par sciage près
des extrémités sur le dorsum.

Les cyprées sont introduites sur les sites syriens étudiés à partir du PPNB
moyen. Les techniques s’adaptent à l’emplacement choisi ainsi qu’aux dimensions
du percement. Ainsi, la suppression du dorsum provoque une grande ouverture
obtenue par percussion directe ou indirecte ou par abrasion. De petits percements
sont également effectués sur le dorsum près des extrémités (un cas). La forme
irrégulière suggère un percement par percussion indirecte ou par pression (plus
aisément pratiquée sur test peu épais comme celui de l’espèce méditerranéenne L.
lurida). Enfin, des percements circulaires réguliers sont réalisés sur la face ventrale
par abrasion rotative (trois cas).

La grande majorité des cyprées de notre corpus correspond au type


« cyprée sans dorsum ». D’après les stigmates conjoints de percussion et
d’abrasion (cf. Fig. 10.9 et Fig. 12.3c), la forme des ouvertures, généralement
régulières (cf. Fig. 10.1c, d, g et h et Fig. 12.2a et b), et le profil des cyprées
archéologiques, d’une part, et d’après les résultats de nos expérimentations,
d’autre part, un procédé de percement en deux étapes peut être proposé : la
première consiste à supprimer le dorsum rapidement par percussion directe ou
indirecte ; la deuxième étape est celle de l’abrasion de l’ouverture afin d’égaliser
les bords ébréchés et déchiquetés. L’abrasion peut entamer également le dorsum
sans qu’il soit percuté. Cependant, cela nécessite beaucoup plus de temps et
d’énergie, selon l’efficacité de l’outil abrasif. A titre d’exemple, l’abrasion que nous
avons menée sur une cyprée de test épais (entre 1 et 2 mm dans la zone du
dorsum) a nécessité plus d’une heure d’action sur une meule en grès à grain
moyen en rajoutant de l’eau régulièrement.

Les expérimentations menées dans les années 80 (Francis 1982, p. 714 ; 1989,
p. 29) ainsi que les nôtres permettent de conclure que le percement (suppression)

599
du dorsum des cyprées par percussion et ensuite par abrasion s’avère
particulièrement efficace car il combine rapidité et régularité de l’ouverture.
L’abrasion peut être employée directement sur les cyprées ramassées sans dorsum
et dont les bords de l’ouverture sont irréguliers.

Sur un grand nombre de cyprées, la face ventrale porte des facettes planes
disposées dans l’axe le plus long, sur les deux côtés columellaire et labiale (cf.
Fig. 10.9e et f), à l’emplacement des surfaces naturellement convexes de la
coquille. Presque toutes les cyprées de Tell Halula, y compris les spécimens
cassées, portent ces facettes, ainsi qu’un certain nombre de cyprées de Tell Aswad.
Durant les expérimentations, le même type de facette (cf. Fig. annexe I) a été formé
lorsqu’on a disposé les cyprées sur leur face ventrale dans des encoches sur un
support en bois afin de les abraser en série. La formation de ces facettes sur les
spécimens archéologiques pourraient donc être une conséquence collatérale de
l’abrasion de la face dorsale et pourraient indiquer un traitement en série.

Dans le dessin schématique que nous proposons, après suppression de


dorsum (Fig. 15.1) les cyprées sont abrasées à l’unité (Fig. 15.1-A2) sur une meule,
en maintenant la coquille entre les doigts de la main ou en série à l’aide d’un
support de maintien comme celui que nous avons utilisé dans nos
expérimentations (Fig. 15.1-B2) Le support est par la suite activé en va-et-vient sur
la meule. L’ajout de l’eau est possible dans les deux cas.

15.1.2. Pendeloques et disques sur galets

Les pendeloques et les disques sur galets sont des éléments « classiques »
de la parure néolithique du Proche-Orient malgré la faiblesse de leur effectif par
site et par période (cf. Chapitre 14). Dans la plupart des cas, la seule phase de
transformation observée est celle de la création du dispositif d’attache. Certains
galets subissent des légères modifications de leur contour par abrasion (e.g.
certaines pendeloques de Jerf el-Ahmar). Dans d’autres cas, le contour est décoré
avec des incisions courtes parallèles (e.g. la pendeloque n° 12 de Dja’de el-
Mughara).

600
Les perforations sur les galets sont bipolaires, leur pourtour est régulier et
les parois des cônes sont droites ou en palier. Les stries, quand elles sont
conservées, sont concentriques et continues. La perforation avec un foret à archet
peut être à l’origine de ces stigmates. L’utilisation du foret à l’archet est suggérée
pour les perforations sur matières osseuses dès le Natoufien ancien sur le site de
Mallaha (Stordeur 1988). Son emploi est également probable pour les éléments de
parure en pierre du Natoufien final de Mureybet.

Une astuce propre à la perforation bipolaire a été observée sur un bon


nombre de pendeloques en galets. Il s’agit du marquage préalable de
l’emplacement de la perforation avec de simples incisions croisées sur la face
opposée du premier cône de forage. Cela devait permettre de favoriser la
rencontre des deux cônes de perforation et d’éviter dans certains cas les fractures
liées au désaxage.

15.1.3. Les tubes en os

Les perles tubulaires en os ont été identifiées dans tous les sites à
l’exception de Tell Halula. Pour leur réalisation, les os longs de petits mammifères
et d’oiseaux (classes D et E) sont particulièrement recherchés. Les os plats des
grands, moyens et petits ongulés (respectivement classes A, B et C), sont très
rarement employés.

Le schéma de fabrication des perles tubulaires est relativement simple et


consiste à la création d’un dispositif d’attache. Après prélèvement et nettoyage par
raclage, l’os est débité par sciage, suivi souvent de flexion. La cavité naturelle de la
diaphyse tronçonnée permet le passage du lien mais dans le cas d’un os plat
comme une côte, il est nécessaire d’écraser la spongiosa à l’intérieur de l’os afin de
créer le passage. Au cours de la phase de finition, les bords irréguliers et les
languettes, issus de la rupture de l’os par flexion ou par fracture, sont égalisés soit
par simple écrasement, soit par abrasion. Dans de très rares cas, la surface externe
de l’os est polie comme pourrait en témoigner le lustre relativement fort ainsi que
l’absence de stries de raclage et de sciage. Le polissage pourrait être effectué à
l’aide d’un support souple (e.g. morceau de peau) et de la graisse.

601
Si toutes les perles tubulaires en os du corpus sont sectionnées selon le
même procédé (sciage + flexion), elles n’ont en revanche pas reçu le même
traitement de finition. Seulement une partie (plus de la moitié) des spécimens
khiamiens de Mureybet ont en effet subi une finition plus ou moins poussée
consistant à égaliser les bords des extrémités. Les perles du PPNA de Mureybet,
bien que beaucoup moins nombreuses que celles des niveaux khiamiens, n’ont
bénéficié de ce traitement que très occasionnellement. Il en est de même pour leurs
contemporaines à Jerf el-Ahmar. Néanmoins, les éléments de Jerf el-Ahmar sont
fabriquées de manière plus grossière même au cours de la phase de débitage
comme en témoignent les nombreuses traces de dérapage de sciage et les diverses
stries aléatoires.

A l’exception de quelques rares pièces, après leur tronçonnage les


extrémités des perles datant du PPNB ancien de Dja’de el-Mughara n’ont pas été
égalisées et leur surface externe montre encore des traces de raclage et de sciage.
Enfin, pour le PPNB moyen d’Aswad, certaines pièces ont une bonne finition
(égalisation des bords et polissage de la surface externe) et d’autres furent utilisées
juste après leur tronçonnage.

Les exemples de comparaison avec d’autres sites sont peu nombreux.


Néanmoins, le procédé de fabrication est le même. Là encore, la différence de
traitement se mesure à travers la finition. Au Levant Sud, les exemples provenant
du Natoufien final de Mallaha (Le Dosseur 2006, p. 258 ; Le Dosseur & Maréchal
2013, fig. 2.5, p. 296) montrent une finition soignée, comme pour les éléments du
PPNB ancien/début PPNB moyen de Motza (Khalaily et al. 2007, fig. 22.11-12,
p. 30). Au contraire, sur le site d’Aşıklı en Anatolie le débitage de ces perles est
grossier et la finition des éléments n’a pas eu lieu (Christidou 2014).

15.2. Transformations techniques complexes

Les transformations techniques sont dites complexes lorsque plusieurs


phases sont requises et lorsque la forme initiale de la matière première brute a été
entièrement modifiée. Selon ces critères, tous les objets appartenant aux catégories
et familles typologiques suivantes ont été soumis à une transformation technique

602
complexe : les pendeloques anatomiques en pierre, certaines pendeloques
géométriques (pendeloques hautes à section arrondies, certaines pendeloques
plates), les perles et les rondelles géométriques, les éléments de formes
particulières, les anneaux et les bracelets. Nous proposons ici des hypothèses sur
les schémas de transformation des rondelles discoïdes en pierre et les perles plates
en roches tendres et dures.

15.2.1. Rondelles discoïdes

Les sites étudiés ont fourni des rondelles discoïdes fabriquées en roches
tendres (e.g. talc, de dureté 2), moyennement tendres (e.g. calcite, de dureté 4 ;
turquoise, de dureté 4.5 à 6) et dures (e.g. cornaline, de dureté 6.5 à 7). Les
rondelles en roches tendres et moyennement tendres ont été fabriquées selon les
mêmes phases de transformation en employant généralement les mêmes
techniques. L’ordre des phases peut varier d’un site à l’autre ou selon les
matériaux. La fabrication des rondelles en roches dures telles que la cornaline n’a
pas été traitée dans ce travail. Notons toutefois que leur fabrication est plus
complexe que celles des rondelles en roches tendres car elle requiert plus de
phases de transformation et car les techniques employées pour le
débitage/façonnage ou la perforation sont différentes.

Nous proposons ici les schémas de fabrication des rondelles en pierre de


Tell Mureybet, les unes sont en calcaire et datent du Khiamien (Fig. 15.2-A), les
autres sont en chlorites et datent du PPNA (Fig. 15.2-B et C). Le schéma de
fabrication des rondelles en stéatite noire (famille des talcs) du PPNB récent de
Tell Halula sera également présenté (Fig. 15.2-D). Les phases de transformation
qui ont pu être documentées sont le débitage, le façonnage, la perforation et la
finition. L’ordre des phases change pour ces trois groupes et il est difficile de relier
cela à une évolution chronologique ou au matériau employé.

Les supports des rondelles en carbonates ont été obtenus par abrasion à
l’unité (Fig. 15.2-A1). Ensuite, des perforations bipolaires de section biconique ont
été réalisées (Fig. 15.2-A2). Les stries concentriques indiquent un forage d’une
rotation continue. La régularisation définitive de la forme du contour des

603
rondelles été effectuée après la perforation par abrasion/polissage, soit à l’unité,
soit en série (Fig. 15.2-A3).

La fabrication des rondelles en chlorite suit un schéma différent. D’abord,


un fragment de chlorite est abrasé jusqu’à l’obtention d’une ébauche de forme
régulière, proche d’un cylindre (Fig. 15.2-B). La découverte à Mureybet d’un
bâtonnet en chlorite abrasé, mais non poli, de circonférence assez régulière et de
diamètre semblable à celui des rondelles renforce cette hypothèse. La longueur de
cette ébauche est difficile à estimer mais nous supposons qu’elle pourrait varier
entre 20 et 80 mm. Les supports des rondelles sont obtenus ensuite par
tronçonnage de l’ébauche par sciage (Fig. 15.2-B2). La perforation est réalisée
individuellement depuis les deux faces (Fig. 15.2-B3). Sur les parois de perforation
de certains spécimens on peut encore distinguer des stries de forage continues. Sur
d’autre les stries présentent des points d’arrêt : elles sont donc discontinues et sont
probablement issues du travail d’alésage par rotation alternative d’un outil pointu,
visant à agrandir les trous. La phase de finition consiste en deux étapes, la
première est celle du polissage des faces de perforation (Fig. 15.2-B4) de chacune
des rondelles à l’unité effaçant ainsi les stries et les paliers de sciages, provoqués
par le déplacement de l’outil sciant, et la deuxième est celle du polissage du
contour des rondelles rassemblées en série, dans un dispositif de type polissoir à
rainure (« pierre à rainure ? »), en rajoutant régulièrement de la matière grasse
permettant d’obtenir un aspect luisant comme on peut le constater sur les
rondelles en chlorite et en stéatite de Mureybet. Une autre hypothèse serait que
l’ébauche obtenue soit de forme plus ou moins prismatique (Fig. 15.2-C2) et que la
forme discoïde des rondelles soit obtenue plus tard par abrasion des contours
(Fig. 15.2-C4).

Les rondelles en ophiolites (talcs, chlorites, serpentines) que nous avons


examinées à Körtik Tepe conservent une grande partie des traces de fabrication :
stries et paliers de sciage sur les faces de perforation, arrachements et/ou
languettes de sciage sur les faces et les contours, stries d’abrasion sur les contours,
stries de perforation, etc. Comme les rondelles en ophiolites mureybétiennes,
celles de Körtik ont été obtenues en suivant le même schéma de fabrication (cf.
supra) à la différence que les perforations, de section biconique, n’ont pas été
allésées et la phase de finition, notamment le polissage, n’a pas eu lieu.

604
Enfin, les rondelles en stéatite de Tell Halula ont un schéma de fabrication
semblable à celui des rondelles en ophiolites de Mureybet. Des différences sont
toutefois notées en ce qui concerne l’ordre des phases. Une ébauche en stéatite de
forme cylindrique est façonnée par abrasion (Fig. 15.2-D1) et perforée de part et
d’autre à l’image d’une perle tubulaire cylindrique (Fig. 15.2-D2). Elle est ensuite
débitée par sciage en plusieurs rondelles fines (Fig. 15.2-D3). Les perforations sont
alésées avant que les rondelles soient enfilées pour un polissage en série (Fig. 15.2-
D4). Le même schéma a été suivi pour la fabrication de 100 rondelles en stéatite
appartenant à la parure exceptionnelle composée de plus 440 rondelles,
découverte dans une sépulture de la phase 13 de Tell Halula. Des différences ont
pu toutefois être notées : les perforations n’ont pas été alésées et le polissage de
finition donnant un aspect luisant n’a pas eu lieu. L’investissement dans la
fabrication de ces rondelles est moindre que pour celles provenant d’autres
tombes. Une possible explication serait que le nombre très élevé des éléments
composant cette parure n’a pas permis d’apporter le même degré de soin que celui
observé sur les rondelles d’autres parures.

15.2.2. Les perles plates

15.2.2.1. Roches siliceuses (Calcédoines)


Les perles plates en roches dures apparaissent au PPNB moyen dans le
Levant Nord. Leur fabrication est parmi les plus complexes qui soient compte tenu
des contraintes posées par le matériau et du nombre de phases nécessaires avant
l’obtention du produit final. Ces phases sont l’extraction, le traitement de la
matière, le débitage, le façonnage (par taille et par abrasion), la perforation et la
finition. Nous présentons ici le schéma de transformation propre aux perles plates
en calcédoine.

A. Phase d’extraction
Nous n’avons pas de données sur les pratiques d’acquisition de la matière
première brute. Cela pouvait être effectué par simple ramassage d’un nodule à
cortex ou d’un fragment ou par extraction d’une formation rocheuse nécessitant

605
l’application de certaines techniques. Un atelier de fabrication de perles en
cornaline a été découvert sur le site de Kumar Tepe dans la vallée de l’Euphrate en
Anatolie. Il constitue le site le plus proche géographiquement mais aussi
chronologiquement (5e millénaire avant J.-C.) des sites du PPNB du moyen cours
de l’Euphrate. La cornaline utilisée, probablement récoltée sur les rives de
l’Euphrate, était présente sous forme de « masses concrétionnées » (Callay 1989,
p. 158). Sur le site de Larsa en Iraq (3e millénaire avant J.-C.), des éclats corticaux et
des blocs de cornaline non taillés ont été découvert dans un atelier de taille de
roches dures (Schoumaker 2003, p. 414). Là aussi l’approvisionnement de la
matière première était sous forme de nodules. Sur les sites qui nous intéressent, la
cornaline pouvait être acquise sous forme de nodules ou de fragments charriés par
l’Euphrate (cf. Chapitre 13).

B. Phase de traitement de la matière première


D’après les stigmates de chauffes identifiés, nous en avons conclu que les
perles en calcédoines de Tell Halula avaient subi un traitement thermique. Ce
traitement, rappelons-le, permet de faciliter la taille de la roche, de rehausser
l’intensité de sa couleur rouge et probablement d’augmenter son degré de
transparence. Comme le montre une enquête ethnographique menée à Cambay en
Inde, la chauffe de la cornaline peut être répétée plusieurs fois et pour diverses
finalités, notamment celle de la coloration (Roux 2000, p. 40). Le matériel
archéologique n’a livré aucun indice direct permettant de reconnaître les causes de
ce traitement thermique et le nombre de sa répétition, s’il a eu lieu. En absence
d’expérimentation sur ce point, nous nous basons uniquement sur des arguments
logiques dans notre proposition. Notons d’abord que le traitement thermique peut
varier d’une pièce à l’autre selon le déroulement des opérations et la nature de la
matière. Nous proposons que le traitement thermique ait été effectué au moins
une fois après le façonnage par abrasion et avant la perforation (Fig. 15.3-D). Le
débitage et le façonnage par taille des roches siliceuses est tout à fait possible sans
recours à la chauffe (F. Abbès, comm. pers.). Etant donné que la perforation est
l’une des étapes les plus délicates, la chauffe préalable à son déroulement
permettrait de faciliter le forage d’une part, et d’améliorer la visibilité à l’intérieur
de la matière par augmentation du degré de transparence d’autre part, et ainsi

606
contrôler la trajectoire des tubes pendant le forage afin d’assurer leur rencontre.
Nous suggérons que le traitement thermique, lorsque maîtrisé, est plus homogène
et efficace sur des préformes ou des perles plates presque achevées de faible
épaisseur que sur des blocs non taillés à couche corticale ou sur des fragments
épais de formes irrégulières. Bien que de nombreuses perles plates, mais aussi des
perles tubulaires et des rondelles en cornaline, aient une couleur variant entre les
nuances intenses de l’orange, du rouge et du bordeaux, il n’est pas possible de
savoir si cette couleur a été obtenue par un traitement thermique final ou par celui
réalisé durant les étapes précédentes.

C. Phase de débitage
En absence de stigmates et d’indices directs concernant la phase de
débitage, nous proposons un déroulement hypothétique de cette phase. Le
débitage consiste à élaborer une ébauche (Fig. 15.3-A) dont les dimensions et la
forme du volume permettent d’obtenir plus tard la préforme recherchée. Selon les
dimensions de la perle, deux types d’ébauchage peuvent être envisagés, mais
auparavant il est nécessaire de choisir le nodule adéquat. Pour les perles plates de
grandes dimensions, un nodule long et large mais le moins épais possible peut
être parfait. Son débitage consistera alors à dégrossir le bloc et le débarrasser de sa
couche corticale. Pour les perles de petites dimensions, le débitage peut être
effectué d’abord par un dégrossissage du bloc et ensuite par débitage d’éclats
transversaux sous forme de « tranche » (Fig. 15.4-A), chaque tranche constituant
ainsi une ébauche de perle. La technique employée est sans doute celle de la
percussion directe pour le dégrossissage de grands nodules. Le débitage en
tranches est probablement exécuté par percussion indirecte ou par pression
puisque une grande précision est nécessaire pour obtenir des tranches parallèles,
plates et d’épaisseur constante.

D. Phase de façonnage
Pendant cette phase l’ébauche est façonnée jusqu’à l’obtention de la
préforme (Fig. 15.3-B). Les dimensions et la forme de celle-ci sont les plus proches
de celles de la perle définitive. Pour cela, le travail de façonnage se fait en deux

607
étapes. La première emploie une technique de taille visant à réduire rapidement
l’épaisseur de l’ébauche par enlèvement de matière. La technique la plus
appropriée à notre sens ici est celle de la pression, combinée occasionnellement à
la percussion directe. La seconde étape est celle de l’abrasion, technique de
façonnage plus précise, mieux contrôlable mais plus lente. L’abrasion est activée à
la main et à l’unité (Fig. 15.3-C) ce qui permet un contrôle permanent de l’état
d’avancement. Durant cette étape, tous les négatifs des enlèvements sont effacés.
Les négatifs d’enlèvement sur les surfaces des perles archéologiques sont très
rares. Celles que nous avons observées sont couvertes de stries d’abrasion (cf.
Fig. 5.4).

De l’abrasif (sable ?) et de l’eau (ou une autre substance liquide) peut être
rajouté pendant l’abrasion. Une meule dormante, en roche relativement dure (e.g.
granite, basalte ou gabbro) et de grain moyennement fin peut servir de support de
frottement. Des meules en roches moins dures comme le grès peuvent être
également utilisées. Cependant, il peut être nécessaire de rajouter de l’abrasif afin
d’améliorer l’efficacité.

La fabrication des perles plates avec des aménagements de type col et


convexité, ou celles présentant des amincissements sur la zone de l’arête centrale,
suit certainement le même procédé de façonnage que celui des perles plates
simples (Fig. 15.5) sauf en ce qui concerne la mise en forme de ces aménagements.
En effet, après la perforation, la zone du col est sculptée, notamment par abrasion
(cf. Fig. 10.12r, s, t) à la base du col, sur le contour de la perle, peut intervenir afin
d’accentuer sa forme et la détacher du corps principal. Les convexités près des
extrémités sont également mises en forme par abrasion et la zone centrale entre les
deux extrémités est considérablement amincie, permettant ainsi de souligner les
aménagements sur les extrémités.

Nous n’avons pas d’indices directs permettant la conformation de cette


hypothèse. Toutefois, le centrage quasi parfait des ouvertures des perforations au
sein de la surface du col ainsi que les traces de piquetage, généralement observées
sur une bonne partie de la surface de perforation, sont restreintes au pourtour de
l’ouverture et semblent avoir été effacées par l’abrasion. Nous écartons
l’hypothèse d’une perforation après la mise en forme des aménagements car

608
pendant le forage, la moindre déviation du foret pourrait entraîner la fracture du
col ou le percement de la surface amincie.

Cette étape d’abrasion peut être réalisée sur une meule d’un grain plus fin
que celle de la première étape. La phase de finition consiste en un polissage doux
et sommaire afin de ne pas abîmer la forme obtenue. L’utilisation d’un matériau
souple et humide est probable.

E. Phase de perforation
Cette phase délicate pourrait nécessiter des compétences spécialisées
différentes de celles de débitage et de façonnage. Pour les perles plates, elle se
déroule soit après la finalisation du façonnage, soit avant l’étape finale de celui-ci
(cf. supra).

Notre étude des perles de Halula a permis d’identifier un procédé pour les
perforations longues des éléments en cornaline. Il consiste à creuser une
dépression par percussion directe ou indirecte (Fig. 15.3-E, 4-E et 5-E) sur la
surface plane des extrémités (par abrasion durant la phase de façonnage), afin de
pouvoir caler la mèche de foret. Ensuite, la surface étant à peine entamée, avec
une dépression peu profonde, le forage est démarré rapidement jusqu’à une
certaine profondeur. Le forage est effectué par rotation continue par l’activation
d’un système mécanisé de type foret à l’archet. Les perforations sont toutes
bipolaires et le rapport entre la longueur des tubes est généralement équilibré.
Toutefois, nous avons pu mettre en évidence une relation entre ce rapport et la
longueur des perles : plus les perles sont longues, plus le rapport des tubes de
perforation est équilibré. Les rapports déséquilibrés entre les tubes sont observés
sur les perles courtes et moyennement courtes. La perforation de ces perles a donc
été presque entièrement réalisée depuis une face et achevée ensuite depuis l’autre.

Une des principales questions concernant la perforation des perles plates en


roches dures est celle de la nature de l’élément perforant que nous appelons ici
« mèche de foret ». Celle-ci est-elle en silex ou en d’autres matériaux plus souples ?
Pour répondre à cette question, il est important d’examiner les dimensions des
perforations qui permettent d’estimer celles des mèches. Dans le cas exceptionnel
d’une perle plate en calcédoine (cf. Fig. 10.11g) provenant d’Abu Hureyra (PPNB

609
récent), la perforation bipolaire est longue de 35.3 mm. La section des tubes est
sub-cylindrique et l’un des tubes mesure 22.5 mm pour un diamètre de 2.1 mm au
centre. Un autre exemple contemporain de ce dernier est donné par une perle en
cornaline de Tell Halula de perforation longue également de 35.3 mm et dont l’un
des tubes mesure 17.8 mm de longueur pour un diamètre au centre de 2.1 mm.
Techniquement, il est possible de réaliser une mèche en silex longues de plus de 22
mm et dont le diamètre est de 2 mm vers le centre (e.g. sur une chute de burin).
Cependant, les risques de fracture pendant la perforation sont très importants en
l’absence d’une maîtrise parfaite. Cette maîtrise consiste à assurer la stabilité de la
préforme, le contrôle de l’axe de déviation du foret et le contrôle de la pression au
fur et mesure de l’avancement de la perforation. Des mèches en silex avec de telles
dimensions sont absentes sur les sites étudiés. Néanmoins, les fouilles des niveaux
du PPNB récent et du Néolithique céramique du site de Mezraa Teleilat, dans la
vallée de l’Euphrate anatolien, a fourni un certain nombre d’outils destinés à la
perforation (Coşkunsu 2008, Tabl. 1, p. 29). Parmi ces outils se distinguent deux
types : les micro-perçoirs (« micro-borers ») et les mèches cylindriques polies
(« cylindrical polished drills »). Le site a livré également des objets de parure de
types et matériaux divers, parmi lesquels des perles plates en cornaline et en
obsidienne. G. Coşkunsu (ibid.) associe le type des mèches cylindriques polies à la
perforation des perles plates car leurs dimensions sont identiques à celles des
perforations et car les stigmates observés sur les perforations cassées en cours
d’exécution correspondent à ceux constatés sur les mèches archéologiques et
expérimentales.

Les dimensions des mèches cylindriques polies de Mezraa Teleilat (L : 23 à


27 mm ; l : 4 mm ; e : 2 à 4 mm) sont proches des exemples de perforations les plus
grands d’Abu Hureyra et de Tell Halula et elles sont légèrement supérieures à la
majorité des perforations en roche siliceuses de notre corpus, notamment en ce qui
concerne le diamètre. Néanmoins, il est tout à fait plausible que les perles plates en
roches siliceuses aient été perforées avec le même type de mèche mais de plus
petites dimensions. De plus, la section sub-cylindrique des tubes de perforations,
dont certains ont des bases parfaitement droites, est d’une ressemblance frappante
avec les sections des mèches de Mezraa Teleilat.

610
Afin de diminuer les risques de déviation du foret et les accidents de
fracture pendant le forage, il est primordial de stabiliser la préforme pendant cette
phase. La présence d’un système de fixation de type étau est donc fortement
envisagée. Par ailleurs, l’ajout d’eau est indispensable afin de refroidir l’outil et la
matière pendant leur interaction et éviter ainsi les accidents.

L’ajout d’abrasif est également important pour augmenter l’efficacité de


l’abrasion et donc la vitesse de pénétration. Toutefois, d’après nos
expérimentations, la perforation avec une mèche en silex est possible sans abrasif
car les particules de silex et de cornaline produites et pilées par l’opération
forment à elles seules un abrasif. Cet abrasif s’avère cependant bien moins efficace
que lorsqu’il y a rajout régulier d’abrasif extérieur.

L’observation de certaines anomalies sur les parois de perforation renforce


par ailleurs notre hypothèse. En effet, sur plusieurs éléments archéologiques, nous
avons observé des zones montrent de légers enfoncements ou élargissements en
forme de « bourrelet » qui pourraient avoir été produits par l’accumulation et
l’action locale de l’abrasif non libéré ou non nettoyé. La formation de stries de
largeur variables pourrait correspondre également à la largeur variable des grains
d’abrasif. L’abrasif utilisé pourrait être du silex, de la calcédoine ou du quartz
concassé et moulu relativement finement. La poudre de calcédoine et de silex peut
être récupérée dans les amas de taille comme nous avons fait nous même dans les
ateliers de taille de Jalès. L’émeri142 est un abrasif puissant employé pour le travail
des roches dures pour les périodes récentes (Boleti 2006) et connu à l’Age de
Bronze à travers des textes143 explicitant ses qualités et son efficacité d’abrasion
(Heimpel et al. 1988). A notre connaissance, pour les périodes préhistoriques,
l’émeri n’est pas attesté ni sous une forme de roche, ni sous forme de particules
d’abrasives. Les expérimentations que nous prévoyons de réaliser combinant
l’émeri et une mèche en silex devraient fournir des données importantes sur les
caractéristiques de stries de forage et ainsi les comparer avec celles observées sur
les perforations archéologiques.

142 Roche métamorphique composée majoritairement de corindon, minéral de dureté 9 sur l’échelle
de Mohs, et d’oxyde de fer (Boleti 2006, p. 277).
143 Notamment le mythe de Lugal dans lequel les pierres sont personnifiées et ont des qualités

humaines (Van Dijik 1983, cité par Heimpel et al. 1988).

611
L’utilisation de mèches en matériaux moins durs mais plus souples que le
silex, donc plus résistants aux fractures, comme le cuivre, le bois, les épines ou
l’os, a été proposée pour la perforation des pierres de duretés et natures diverses
sous la condition de rajouter de l’abrasif (Gwinnett & Gorelick 1979 ; Gorelick &
Gwinnett 1981, p. 25 ; Chevalier et al. 1982, p. 63 ; Gorelick & Gwinnett 1983 ;
Morero & Procopiou 2006, p, 386 ; Morero 2009). Le cuivre natif est connu sur le
site de Tell Halula mais sous forme d’objets de parure. Aucune mèche en cuivre
n’a été découverte pour les périodes qui nous intéressent. Le seul exemple que l’on
connaît date de la période akkadienne (vers 2350 BC) et provient du site de Tell
Asmar dans la région de Diyala en Mésopotamie (Gwinnett et Gorelick 1987,
p. 15). Les matières végétales, comme le bois, peuvent perforer des roches tendres
(e.g. stéatite) et moyennement tendres (calcite)144. Avec beaucoup de patience et un
très bon abrasif de type émeri, la perforation de la cornaline avec une mèche en
matière végétale a été proposée pour des perles très longues (jusqu’à 60 mm et
d’un diamètre inférieur à 1 mm) de la culture Harappa (Chevalier et al. 1982,
p. 63).

F. Phase de finition
Après la phase de perforation vient celle de la finition (Fig. 15.3-F, 4-F) qui a
pour but d’effacer les stigmates les plus grossiers des phases précédentes et de
donner aux surfaces un aspect lisse et brillant. Le polissage effectué sur les perles
plates en calcédoine de Halula peut être qualifié de sommaire car dans la plupart
des cas, il n’a pas effacé complètement les stries d’abrasion. De plus, ce polissage
concernait uniquement les faces des perles. Les contours et les faces des
perforations n’ont pas bénéficié de ce traitement. Enfin, bien que certaines zones
des faces sont complètement dépourvues de stries et sont brillantes, il est difficile
de dire s’il y a eu un travail de lustrage (e.g. frottement avec de la peau graissée ou
sur des supports abrasif de grain extrêmement fin). Les zones lustrées observées
pourraient résulter de l’usure ou de la manipulation pendant la fabrication.

144Nous avons essayé nous-même d’employer une mèche en bois dans la perforation d’un galet en
calcaire/calcite.

612
15.2.2.2. Roches tendres
Les roches tendres que nous traitons ici sont celles de la famille des talcs et
des serpentines. Les perles plates fabriquées dans ce type de matériau, mais aussi
celles en chlorites, sont présentes dans tous les sites du corpus selon une forme
géométrique simple. Celles qui portent des aménagements (col et convexités)
proviennent uniquement de Tell Halula (PPNB moyen et récent) et de Tell Abu
Hureyra (PPNB récent). Les plus remarquables sont les perles d’Abu Hureyra.
Rappelons que certains sites contemporains d’Abu Hureyra comme Tell Sabi
Abyad, Mezraa Teleilat et Akarçay, ont fourni quelques rares exemples de perles
plates en roches tendres. Leurs schémas de fabrication pourraient avoir des traits
communs avec celles que nous avons étudiées.

Bien que le résultat morphologique et typologique soit identique, le schéma


de fabrication des perles plates en talc est très différent de celui en roches dures. Il
est par ailleurs relativement plus simple compte tenu de la maniabilité de la
matière et sa faible dureté. D’aspect savonneux, ces roches se prêtent
particulièrement bien aux techniques de frottement en profondeur (sciage,
perforation) et en surface (raclage, abrasion, polissage) mais moins aux techniques
de percussion.

Le schéma que nous proposons ici est hypothétique car nous ne disposons
pas d’indices directs. L’extraction du matériau peut être effectuée soit par simple
ramassage, soit par fragmentation d’une roche de grand volume ou d’un filon
dans un gîte, par percussion ou par sciage. Pour les grands spécimens, la mise en
forme (débitage/façonnage) peut être réalisée par sciage et par abrasion. A ce
stade, la perle n’a pas encore atteint sa forme définitive. Une fois la préforme
obtenue, la phase de perforation peut commencer. Celle-ci est menée par rotation
complète avec un système de foret à l’archet. Comme pour les préformes en
calcédoine, celles en talc doivent également être stabilisées pendant le forage.
Après la perforation, le façonnage reprend par une véritable opération de
sculpture lorsqu’il s’agit de la réalisation d’une perle avec aménagement ou de
section complexe. Les faces des perles près des bordures sont raclées fortement
afin de les amincir. Le raclage est également appliqué près des extrémités de la
perforation afin de mettre en relief les convexités et le col. Ce dernier est détaché
du reste du corps de la perle par raclage et, dans certain cas, par sciage en créant

613
deux petites encoches de chaque côté de la base du col. Suite à la dernière étape de
façonnage, le polissage entame la surface pour la régulariser, près des bordures
pour atténuer et adoucir les entailles de raclage, et au centre pour mettre en valeur
l’arête centrale et les convexités. Le polissage à effet « miroir » est réalisé par
frottement sur un support souple, en appliquant peut-être une substance grasse et
probablement chaude qui pénètre facilement dans la matière, adoucit sa surface,
facilite l’enlèvement des irrégularités et lui donne un aspect très luisant. La
littérature disponible n’offre malheureusement pas d’éléments de comparaison.

15.3. Gestion, entretien et recyclage

Après la fabrication, des interventions techniques peuvent survenir au


cours de la chaîne de consommation de l’élément. Celles-ci peuvent aller du
simple entretien à la réparation et, dans les cas extrêmes, à une récupération de la
matière et au recyclage. Dans notre corpus, les cas d’entretien n’ont pas pu être
repérés car les modifications sont généralement infimes. Les réparations et les
recyclages sont constatés uniquement sur les matières minérales, principalement
celles d’origine allochtone. Les pratiques de réparation et de recyclage ont été le
plus observées chez les habitants de Mureybet au Khiamien et au PPNA et chez
ceux de Jerf el-Ahmar. Sur les autres sites du corpus, les objets recyclé ou réparés
semblent inexistants. Cette observation peut être biaisée par la variabilité des
contextes de découverte et la disparité des effectifs mais elle peut être également
issue d’une provenance de mieux en mieux assurée des matières premières ou des
objets finis. En effet, à Tell Aswad, la présence de nombreux fragments de
matières premières brutes ou d’ébauches au PPNB ancien et moyen peut aller
dans ce sens.

15.4. Conclusion

A travers cette synthèse sur la fabrication des éléments de parure du corpus


syrien, aucune nouvelle technique n’a été mise en évidence entre le Natoufien final
et le PPNB final. En effet, les techniques de percussion (directe ou indirecte), de

614
pression (pression et flexion), de frottement en profondeur (sciage et perforation)
et de frottement en surface (abrasion et polissage) sont toutes connues avant la
néolithisation dans le domaine artisanal en général et celui de la parure en
particulier. En revanche, les changements ou les innovations concernent les
moyens d’opérer, les outils employés et les connaissances. C’est ainsi qu’à la fin
du Néolithique précéramique toutes les matières peuvent être transformées y
compris les roches les plus dures et avec une maîtrise quasi parfaite. Il est difficile
de parler d’évolution technologique sans prendre en compte les évolutions
observées dans les autres domaines. L’introduction de nouveaux matériaux a-t-
elle entraîné des améliorations sur le plan des techniques et des méthodes ? Il est
évident que la complexification des créations artistiques ont sans doute généré des
améliorations techniques et vice et versa.

On retiendra que la perforation avec des systèmes mécanisés comme le


foret à archet est connu au moins dès le Natoufien final au Proche-Orient. La mise
en forme par abrasion et la finition par polissage remontent également au
Natoufien. Il est possible que le traitement d’objets en pierre en série ait été
inventé au PPNA (e.g. polissage en série des rondelles en chlorite de Mureybet),
voire dès le Khiamien. Les pierres à rainure, de nature abrasive et de grain
variable, peuvent répondre parfaitement à cette tâche. Ces pierres, connues dès le
Natoufien au Proche-Orient, deviennent communes au Khiamien et au PPNA et
portent des décors parfois très riches (Stordeur & Jammous 1995, p. 129). Ces
objets sont également fréquents dans les sites du Levant Nord datant de la période
PPNB (Molist et al. 2012).

Les systèmes de fixation des éléments (e.g. étau) pour mener à bien les
perforations longues devaient être connus au moins dès le Khiamien. Leur emploi
est indispensable pour les perforations des perles en roches dures. On sait par
déduction qu’à partir du PPNB ancien, des systèmes complexes de fixation,
impliquant probablement le système de foret à l’archet ou autre, devenait de plus
en plus performant et pratique. Le rajout d’abrasif devient une habitude pour la
perforation des perles en roches dures à partir du PPNB moyen mais
probablement avant cette période.

615
616
Chapitre 16. Usage et fonctions

Comment les objets ont-ils été portés, quels étaient les modes d’attache et
comment s’organisaient les éléments dans une parure ? Y-avait-il des rôles
particuliers attribués aux différents types d’éléments ? Comment interpréter ces
rôles dans des contextes de découverte divers qui ne se limitent pas à la sphère
funéraire ? Telles sont les questions que nous aborderons dans ce dernier chapitre.

Comme nous l’avons précisé tout au long de la partie III, les éléments de
parure du corpus ont été découverts soit à l’unité, soit en groupe. Dans le premier
des cas, il est possible, quand les traces d’usure le permettent, d’identifier le mode
d’attache. Dans le second, si les éléments sont découverts in situ, il est possible
d’identifier à la fois le mode d’attache et la composition de la parure. Sans doute,
le meilleur contexte d’étude pour les parures est le funéraire. En effet, l’association
de cette parure avec un squelette permet de déterminer son type (collier, bracelet,
diadème, etc.). Cependant, dans notre corpus, comme nous l’avons signalé à
plusieurs reprises, le domaine funéraire n’est pas le seul à avoir fourni des
éléments de parure.

Dans un premier temps, nous ferons le point sur l’état d’usure général des
objets selon la diversité des matériaux et nous présenterons, en nous basant sur les
traces d’usure, quelques hypothèses sur les modes d’attache de certains éléments.
Dans un second temps, nous focaliserons notre recherche sur les ensembles
d’éléments composant les parures. Dans le dernier point de ce chapitre, nous
aborderons le thème des fonctions et des rôles symboliques et sociaux que les
objets de parure ont pu jouer au cours de la Néolithisation du Proche-Orient.

16.1. Bilan général sur l’usure des objets

A l’exception des éléments abandonnés en cours de fabrication et de ceux


dont le mauvais état de préservation ne permet pas un diagnostic, tous les objets
de corpus sont usés au moins au niveau superficiel.

617
Un grand nombre d’objets présente des traces d’usure de volume selon des
degrés variés. Dans la plupart des cas il s’agit d’un émoussement des bords et des
reliefs et d’un effacement important des stigmates de fabrication sans qu’il y ait
pour autant une déformation flagrante de la forme ou de la symétrie de base
(initiale). L’usure déformante est peu fréquente et se caractérise dans la plupart
des cas par un creusement localisé de la matière, principalement dans la zone du
dispositif d’attache et du passage du lien. Les encoches d’usure sont observées sur
certains coquillages et certaines roches de la famille des talcs, des serpentines et
des chlorites, c'est-à-dire sur des matériaux tendres à très tendres.

Sur les perles en roches siliceuses (calcédoine, obsidienne, quartz) l’usure


du volume se manifeste par un effacement important des traces d’abrasion et dans
certains cas par des ébréchures et des fractures sur les bords minces et fragiles, par
exemple ceux des perles plates (e.g. Fig. 10.12y, Fig. 11.1g).

Certains objets fracturés d’aspect relativement « neuf » ont probablement


subi des accidents pendant leur utilisation. Ce type d’éléments est peu fréquent
dans les sites étudiés et concerne principalement la zone de perforation. Quand la
fracture concerne d’autres parties de l’élément, ces accidents ont pu se produire au
début ou à la fin de la chaîne de consommation. Le recyclage ou la réparation
permettent de leur donner une nouvelle vie mais les cas de réparation sont rares
dans notre corpus (cf. Chapitre 15). Ils sont repérés notamment sur des anneaux
(Mureybet et Jerf el-Ahmar) et sur une perle plate (Aswad). Une autre solution à
envisager est le remplacement (ou la substitution) mais elle est plus difficile à
mettre en évidence. Le cas de l’utilisation des perles tubulaires en calcaire dans les
ceintures de cyprées à Halula pourrait entrer dans cette catégorie.

16.2. Modes d’attache

Nous traitons dans ce point le mode d’attache d’un objet avec un lien ainsi
que les types des liens utilisés.

Quelle que soit la nature du contexte de découverte de l’élément, isolé ou


associé à d’autres, les traces d’usure nous renseignent sur son mode d’attache
lorsqu’elles sont fortement marquées. Trois modes d’attache peuvent être

618
pratiqués grâce à un lien passant par la (ou les) perforation(s) : la suspension (libre
ou contrainte par une ligature), l’entrelacement et la couture (Bonnardin 2009,
p. 117).

Dans notre corpus, la suspension libre est le mode le plus commun pour la
majorité des objets à perforation unique, courte ou longue. Sur les perforations
courtes décentrées (e.g. les pendeloques), un poli général du contour est observé,
produit très certainement par le mouvement libre du lien dans la perforation. Ce
poli est parfois accompagné d’un étirement sur la partie proximale (e.g. Fig. 9.3d,
e). Cet étirement est produit par la tension et les mouvements du lien en
combinaison avec l’effet de gravité qui s’exerce sur l’objet.

La suspension libre des pendeloques de morphologie plate, mais aussi


d’autres morphologies, contrairement à ce que certains auteurs proposent (Polloni
2008, Fig. 5, réf. électronique), ne montre pas forcément le profil de l’objet mais la
face de perforation car, par effet de gravité et par son poids, la pendeloque se
positionne sur sa face la plus large quand elle touche le corps humain, ou un autre
support. Autrement dit, il n’est pas indispensable que la suspension soit contrainte
pour afficher la face de l’objet. En suspension libre, le profil peut être affiché
pendant le port (en contact avec le corps), si un lien semi-rigide (e.g. en cuir) de
diamètre semblable à celui de la perforation est employé, ou si, comme un étau,
d’autres éléments de diamètre relativement grand maintiennent, de part et d’autre
et par gravité, la pendeloque.

Nous pensons que les liens utilisés pour l’attache des objets étaient, comme
on peut l’attendre logiquement, en adéquation avec les diamètres des perforations,
c'est-à-dire relativement fins et d’une certaine souplesse. Dans le cas précis de Tell
Halula, les fragments des liens découverts semblent être d’origine végétale,
probablement du lin (R. Buxo et G. Willcox, comm. pers.). Les fibres sont torsadées
et le diamètre du lien varie entre 1 et 2 mm. En ce qui concerne la finesse des liens,
quelques exemples peuvent être évoqués ici. Dans la grotte de Nahal Hemar
(Israël), un nombre important de fragments de tissus, de cordelette et de cordes
végétales tressées a été découvert. Les cordelettes ont un diamètre de 1 à 2 mm
(Bar-Yosef 1985, p. 9) et, d’après les images, elles étaient encore attachées aux
éléments. Des cordelettes fines et torsadées ont été également découvertes à

619
l’intérieur des rondelles provenant des sépultures néolithiques de Çatalhöyük
(Bains et al. 2013, fig. 19.14, p. 352).

La suspension contrainte par un nœud (Fig. 16.1a) peut être envisagée pour
certaines pendeloques plates de Dja’de datant de la période de transition
PPNA/PPNB (DjI) (n° 76 et 77) et une pendeloque étroite du PPNB ancien du
même site (n° 13). L’étirement très marqué (début d’une formation d’une encoche
sur le contour proximale de la perforation) accompagné d’un aplanissement, voire
d’un creusement du contour de l’objet exactement au même endroit (mais côté
extérieur) ainsi que d’un émoussement de la zone intermédiaire, suggère que la
tension du lien ne s’exerçait pas uniquement sur la perforation mais aussi sur le
contour de la pièce.

Quant à l’entrelacement, les stigmates caractéristiques de ce mode d’attache


n’ont pas été observés pour les pendeloques du corpus. Cependant, son emploi
n’est pas à exclure pour ces périodes. En effet, ce mode est proposé dès le
Natoufien à Mallaha pour les pendeloques ovalaires en os (Le Dosseur & Maréchal
2013, fig. 11.7-8, p. 307) et à El-Wad pour les pendeloques en pierre imitant les
craches de cerfs (Bar-Yosef Mayer et al. 2013, fig. 3, p. 143).

Les traces d’usure observées sur certains Theodoxus de Tell Mureybet (cf.
Fig. 7.3) et de Jerf el-Ahmar (cf. Fig. 8.3), qui consistent en un étirement (ou une
encoche) sur le percement en direction de la face dorsale et en une encoche sur le
labre en direction du percement, sont difficiles à interpréter. Nous n’avons pu,
faute d’expérimentation, identifier précisément l’origine de cette usure, à savoir si
elle était due au frottement du lien ou à la friction des coquilles les unes contre les
autres en cas de suspension libre. Si l’on considère l’usure comme le résultat du
frottement du lien, celui-ci, d’après l’orientation des encoches, devait passer par la
face dorsale. Compte tenu de convexité de la coquille sur la face dorsale, cette
hypothèse impliquerait un mode d’entrelacement contraint afin d’immobiliser le
lien. Or, certaines de ces coquilles font partie des groupes d’éléments composant
des parures de type « collier » (cf. infra). Nous ne voyons donc pas bien l’intérêt de
faire une attache contrainte du lien en le faisant passer par la face dorsale alors que
la manière la plus simple est d’utiliser la face ventrale, plane et étroite et,
contrairement au dos, ne présentant pas de décor naturel. Par ailleurs, la
suspension libre des coquilles provoque des frictions entre elles, plus précisément

620
entre la zone du percement d’une coquille et le labre de sa voisine, c’est-à-dire sur
les mêmes zones où les traces d’usure sont observées. Cependant, dans ce cas,
comment expliquer l’orientation des encoches du percement et du labre ainsi que
la présence d’une zone décolorée entre les deux sur la face dorsale ? Ces
questionnements pourront probablement trouver des réponses grâce à des
expérimentations prochaines sur les modes d’attache.

Pour l’attache des cyprées de Tell Halula, plus particulièrement celles


formant les ceintures, deux modes d’attache sont envisageables : l’entrelacement,
simple ou contraint, et la couture. Le premier mode (Fig. 16.1b) consiste à passer
un long fil autour d’une extrémité de la cyprée en créant une boucle simple ou un
nœud et en faisant de même sur l’autre extrémité. Ce procédé est ensuite appliqué
à toutes les autres coquilles qui sont disposées en chaîne dans le sens de leur axe le
plus long, jusqu’à l’obtention de la longueur souhaitée de la ceinture. Le deuxième
mode (Fig. 16.1c) consiste à coudre les cyprées sur un support, sur une bande de
cuir par exemple, les unes après les autres en créant des nœuds de fixation sur
chacune des extrémités sur la face inférieure du support (la face cachée).

Les stigmates d’usure observés sur les extrémités consistent en des


encoches généralement peu profondes (du stade 1, cf. Tabl. 10.11). Dans de rares
cas, les encoches très profondes indiquent soit une durée d’usure plus longue que
pour les autres coquilles, soit une tension plus forte par le lien. La présence de
plusieurs degrés d’usure au sein d’une même parure pourrait indiquer un mode
d’attache par entrelacement provoquant une usure plus rapide. Dans le cas où
l’usure est homogène pour l’ensemble des cyprées, il est difficile d’écarter l’un ou
l’autre mode. Toutefois, le mode d’attache par couture sur un support nous
semble avantageux. Tout d’abord, il assure un maintien des cyprées sur la face
dorsale et permet d’afficher en permanence la face ventrale, il renforce la
« structure » de la ceinture de manière à qu’elle soit plus rigide et surtout il permet
d’éviter les fractures des éléments en cas de forte tension sur les extrémités. Or, la
présence d’un nombre important de fragments labiaux ou columellaires trouvés
sur le site, donc fracturées au niveau des extrémités (et parfois même réutilisées),
plaide pour le premier mode d’attache. Nous proposons les deux modes car il est
possible que les deux aient été employés sur le site. Enfin, il convient de rappeler
que certaines cyprées conservaient des fragments de cordelettes ocrés à l’intérieur

621
du canal des extrémités (Fig. 10.11). Cela suggère que les cordelettes étaient teintes
de couleur rouge ou encore que le support sur lequel les cyprées étaient posées
(peau, ceinture, vêtements) était lui-même enduit de matière colorée.

16.3. Ensembles d’éléments regroupés

Dans cette partie, il est question d’abord de présenter les différentes parures
selon leurs contextes de découvertes (parures in situ, fiables versus parures
déplacées, problématiques). Nous verrons ensuite quelles peuvent être leurs
compositions (position et agencement des éléments). En nous basant sur les
données anthropologiques, et principalement sur les emplacements des parures
sur les squelettes, nous présenterons ensuite les différentes catégories de parures.

16.3.1. Contextes et lieux de découverte

Au total, 89 ensembles d’éléments peuvent être reconstitués (Table 16.1).


Parmi eux 46 ont été découverts in situ et en connexion, ce qui permet leur
reconstitution avec un fort degré de certitude. Les 43 autres sont des parures en
position secondaire (déplacées) ou dont l’agencement ne fut pas renseigné au
cours de la fouille. Elles sont donc problématiques mais restent exploitables et des
propositions peuvent être faites quant à leur composition.

Le site de Mureybet a livré plus d’une quinzaine de groupes d’objets dans


des habitats, des bâtiments communautaires ou à caractère particulier, sols
extérieurs, foyers, etc. Nous en relevons ici cinq qui permettent de proposer des
reconstitutions de leur composition initiale. Deux groupes datent de la période
khiamienne. Les éléments de l’un (parure n° 1), six perles tubulaires en os, ont été
trouvés en place sous le bucrane de la maison 37 du niveau 4 (phase IB). Le
bucrane était enfoncé dans une masse argileuse contre le mur à plus de 50 cm de
hauteur du sol (Stordeur & Ibáñez 2008, p. 37). L’autre groupe (parure n° 2)
provient de la maison 8 du niveau 6 (phase IIA). Il s’agit de trois perles tubulaires
en pierre découvertes ensemble auxquelles peuvent se rajouter six perles en os et

622
huit rondelles en pierre trouvées à proximité dans la même zone (partie ouest de
la maison fouillée partiellement).

Trois groupes ont été identifiés pour la période mureybétienne et


proviennent tous de la « maison 47 » du niveau 14a (phase IIIA) (cf. Fig. 2.2a).
Enterrée, de forme subcirculaire et munie de subdivisions internes (cellules), elle
est considérée depuis les découvertes de Jerf el-Ahmar comme un bâtiment
communautaire dédié principalement au stockage et aux activités artisanales
(Stordeur & Ibáñez 2008, p. 70). Ce bâtiment a été entièrement incendié et sa
toiture s’est effondrée sur le sol, ce qui a permis une bonne préservation des
vestiges. Les éléments de parure trouvés dans ce lieu, au nombre de 161, peuvent
se diviser en trois ensembles d’après leur répartition spatiale. Un premier
ensemble (parure n° 3), découvert in situ et en connexion sur le sol de la cellule H
au sud-est du bâtiment, est une parure composée de 73 rondelles et deux perles
cylindriques en chlorites. Les éléments du second ensemble (parure n° 4) étaient
plus ou moins regroupés sur la plateforme (cellule E) et autour de la cheville
osseuse d’aurochs trouvée à cet endroit, contre le mur nord du bâtiment. Ce
groupe est composé d’une pendeloque étroite haute à rainure, d’une pendeloque
étroite haute simple mais cassée au niveau de la perforation et de 23 rondelles en
pierre. Enfin, le troisième groupe (n° 5) contient 53 éléments dont deux dentales,
13 Theodoxus, deux pendeloques plates et 35 rondelles (34 en pierre et une en test).
Ces éléments ont été trouvés sans connexion, dispersés, principalement dans la
cellule B mais aussi autour d’elle, c'est-à-dire au sud de la cellule C (sur les
banquettes adjacentes au muret de subdivision) et à l’ouest de la cellule A. En
examinant la répartition des éléments, il est tentant d’imaginer que la parure (ou
les parures) était à l’origine accrochée sur le mur principal du bâtiment, la portion
correspondant à la cellule B, et que suite à l’incendie, les éléments de cette parure
sont tombés et se sont éparpillés tels que les archéologues les ont découverts. Bien
entendu, nous n’avons aucune preuve permettant de vérifier cette hypothèse.
Toutefois, nous verrons que pour la même période et dans le site voisin de Jerf el-
Ahmar, une parure semble avoir été véritablement accrochée en hauteur sur un
mur (cf. infra).

623
A Jerf el-Ahmar, quatre ensembles constituant des parures ont été mis au
jour. Ils proviennent tous du niveau III/E de la phase moyenne, niveau
intégralement incendié, et datent de la période PPNA.

L’ensemble n° 1 est une parure composée de 48 éléments en terre, un en


pierre et un en os trouvé sur le sol de la maison EA47 (« la maison brûlée aux
bucranes »), à proximité immédiate d’un bucrane d’aurochs (cf. Fig. 8.1 ; voir aussi
Fig. 8.11 pour quelques exemplaires de la parure).

L’ensemble n° 2 est une parure composée de huit éléments en os trouvés


sur un sol extérieur, derrière le mur 137 de la maison EA67.

L’ensemble n° 3 est constitué de 23 coquilles et d’une pendeloque en


connexion. Cette parure a été découverte en place sur le sol de la maison EA8 (cf.
Fig. 8.2).

Enfin, l’ensemble n° 4 se compose de cinq coquilles. Cet ensemble a été


découvert à l’extérieur de la maison EA47, derrière le mur E235, dans le même
locus où un très grand nombre d’objets composants la parure n° 1 ont été trouvés.

Aucune découverte groupée et significative n’a été mise au jour sur le site
de Dja’de el-Mughara. Les informations que nous avons concernant les éléments
de parure d’Abu Hureyra ne permettent pas non plus de faire de propositions de
reconstitution ou de composition. Nous savons par contre que les perles plates ont
été principalement découvertes dans les sépultures mais nous ignorons si elles
étaient accompagnées d’autres éléments ou si elles étaient seules. L’emplacement
par rapport au squelette a été signalé pour deux perles plates apparemment
découvertes ensemble sous le crâne d’un sujet féminin. Il semblerait par ailleurs
que les femmes étaient davantage parées que les hommes sur ce site, “It was
customary for adult women to be adorned with jewelry when they were buried, while the
graves of some of the men contained a few flint tools –a clear affirmation of the different
ways in which the villagers perceived the sexes” (Moore et al., p. 505).

A Tell Aswad, les éléments groupés en place et en connexion ont été


découverts uniquement à l’intérieur des sépultures, en association avec les
squelettes. Ainsi, un total de dix parures a été mis au jour dont deux sont
représentées par un seul élément (parures n° 9 et 10). Parmi elles, trois
proviennent de la phase ancienne, toutes du niveau B12, deux de la phase

624
moyenne dont une du niveau B7 et l’autre du niveau C4, et cinq de la phase
récente dont trois du niveau B0 (l’aire funéraire), une du niveau B-2 et une du
niveau C1. Les groupes d’éléments découverts dans les autres contextes,
notamment dans les cuvettes, ne peuvent être exploitables pour des raisons que
nous évoquerons dans le dernier point de ce chapitre concernant les rôles et les
fonctions (cf. infra).

Le site de Tell Halula est de loin le plus riche et le mieux documenté en ce


qui concerne les ensembles de parure car ils proviennent tous des sépultures
primaires. Toutefois, la position assise des défunts à l’intérieur des sépultures (cf.
Fig. 2.4b) n’a pas toujours permis la sauvegarde en place des parures ornant les
parties supérieures.

Au total, 82 parures ont été comptabilisées provenant de 59 sépultures. Le


nombre de parures par sépulture varie de une à trois. Les sépultures contenant
trois parures appartiennent uniquement aux phases 12 et 13 (PPNB récent). Parmi
les 82 parures, 33 ont été découvertes in situ ce qui ne pose pas de problème pour
leur composition, 37 sont problématiques car elles ont subi un déplacement après
enfouissement, et pour douze parures la composition n’a pas pu être enregistrée.

Parallèlement aux compositions, et grâce aux notes des anthropologues et à


la documentation disponibles (dessins et photos), nous avons pu identifier avec
certitude le type de 54 parures que nous exposons plus loin. Des doutes sont émis
quant aux types de 16 parures et le type reste indéterminé pour douze autres.

16.3.2. Composition et agencement

Ce point traite de la composition d’une parure, c'est-à-dire l’ordre et


l’agencement des éléments les uns par rapport aux autres. Ces éléments peuvent
être semblables ou dissemblables et, selon leur agencement, la parure qu’ils
composent peut paraître plus ou moins homogène ou au contraire hétérogène
voire hétéroclite. Ainsi, afin d’étudier l’intentionnalité, au moins théorique, de la
composition, les combinaisons des types, des matériaux, des couleurs et des
dimensions des éléments ont été examinés pour 89 ensembles, ceux découverts in
situ et en connexion et ceux que nous pensons être exploitables.

625
D’après le croisement des quatre critères (type, matériau, couleur et
dimensions), sept groupes théoriques se distinguent parmi ces ensembles
(Tabl. 16.2) : les parures dites « simples », les parures unicolores, les parures
bicolores à gabarit homogène, les parures bicolores à deux gabarits, les parures
monotypes bicolores, les parures à matériau unique et les parures hétérogènes.

Dans notre corpus, les parures simples sont les plus communes. Elles
représentent presque 45% de la totalité. Pour ces parures, les éléments sont
généralement tous du même type, du même matériau, de la même couleur et du
même gabarit. Dans des rares cas, deux gabarits (e.g. petit et moyen) peuvent se
rencontrer dans la même parure. Il faut préciser cependant que onze d’entre elles
sont composées d’un seul élément, ce qui implique forcément une composition
simple. Pour les autres, le nombre d’éléments varie de deux à 36.

A l’exception de Mureybet, tous les sites PPNA ont livré des parures dont
les éléments sont uniformes. A titre d’exemple, (Fig. 16.2a) au Khiamien et au
PPNA (Jerf), les parures simples sont constituées de perles cylindriques en os. Les
ensembles de cyprées ou de nérites de Tell Halula (PPNB moyen et récent)
appartiennent pour la majorité au groupe des parures simples. A Tell Aswad, les
parures simples sont des ensembles composés de coquillages (Muricidae), de perles
en turquoise ou de perles en os.

En marge des parures simples, la catégorie des parures à matériau unique


(quels que soient les types, les couleurs et les gabarits des éléments qui les
composent) est représentée par un seul cas. Il s’agit d’une parure en chlorites
(parure n° 3) composée de 73 rondelles et deux perles cylindriques (Fig. 16.2b).
Découverte in situ à l’intérieur de la cellule H du bâtiment communautaire 47
(niveau 14a) de Mureybet PPNA, elle souligne l’importance de ce matériau à cette
période pour la parure ainsi que pour un grand nombre d’objets à caractère
symbolique (bâtons polis, figurines, plaquettes gravées, vases décorés) (cf.
chapitre 13).

Les éléments de cette parure partagent d’autres caractères d’homogénéité


comme la couleur (vert foncé à gris) et le gabarit, marqué notamment par les
petites dimensions des rondelles. En effet, le volume des deux perles cylindriques,
notamment leur longueur, ne contraste pas de manière percutante avec celui des

626
rondelles. Cet effet d’homogénéité globale de la parure est assuré par la nature du
matériau et sa couleur. Ainsi, cette parure pourrait s’apparenter aux parures
simples ou aux parures unicolores.

Par ailleurs, les éléments de cette parure pourraient être issus d’un même
bloc et/ou fabriqués en même temps. Son étude145 pourrait donner quelques
indications sur le schéma de fabrication des rondelles à cette période (cf.
chapitre 15).

Au nombre de huit, les ensembles unicolores ont été identifiés à Jerf el-
Ahmar, à Tell Aswad et à Halula. Certains d’entre eux illustrés ici (Fig. 16.3.). La
particularité de ces ensembles est que les éléments sont fabriqués en matériaux de
nature différente mais de même couleur146. La couleur des ensembles du PPNA est
le gris (Jerf). Au PPNB ancien de Tell Aswad c’est principalement la couleur
verte147. A Tell Halula, la couleur blanche est identifiée pour les parures
composées en perles tubulaires en calcaire, ces perles pouvant imiter, d’après leur
disposition, les cyprées qui composent un grand nombre de ceintures. La couleur
rouge caractérise une parure du PPNB récent de Tell Halula, cette couleur étant
représentée dans un grand nombre de parures du site. Enfin, le nombre
d’éléments composant ces parures varie entre trois et 115.

Nous disposons de six ensembles de la catégorie « bicolore à gabarit


unique » pour le PPNB moyen et récent. Les éléments composant ces ensembles
partagent généralement le même gabarit mais sont de deux couleurs différentes
(Fig. 16.4). La répartition de la couleur est proportionnelle pour les ensembles
contenant quatre éléments. Les couleurs sont rouge et jaune ou rouge et blanc
pour des parures de Tell Halula, et sont vert et noir pour une parure de Tell
Aswad. La répartition de la couleur est déséquilibrée dans les trois autres cas. Par
exemple, dans le cas d’une parure composée de 19 éléments, la couleur blanche est
dominante et représentée par 16 cyprées tandis que la couleur rouge est
minoritaire car exprimée seulement par trois perles plates en cornaline. Toutefois,
malgré cette disproportion, le contraste des couleurs est très percutant. Pour cette

145 Cette parure étant stockée au Musée d’Alep, nous n’avons pas pu y avoir accès.
146 Il s’agit d’une gamme de couleur qui peut se décliner en plusieurs nuances et tonalités, cf.
13.2.2.1. Choix, p. 562.
147 Le vert, avec le blanc, est la couleur dominante des éléments constituant les parures en pierre de

Tell Aswad toutes périodes confondues.

627
parure, nous proposons deux compositions théoriques de leur agencement
(Fig. 16.4, parure 42) en nous basant sur le nombre d’éléments, la symétrie et les
couleurs. Dans le cas du collier n° 1 de Tell Aswad, illustré dans la même figure,
les deux perles vertes ne contrastent que peu avec les nombreuses rondelles en
carbonates de couleur blanche. Dans les deux cas, les éléments partagent
généralement la même taille.

Un total de 20 ensembles a été identifié comme étant composés d’éléments


bicolores avec deux gabarits différents. Le nombre d’éléments varie de deux à 31.
En plus de la particularité liée à la couleur et au gabarit, les éléments composant la
majorité de ces ensembles sont également de deux types et deux matériaux. Deux
ensembles provenant du PPNA de Mureybet et de Jerf el-Ahmar présentent de
fortes similitudes (Fig. 16.5). En effet, tous les deux sont composés de 24 éléments
dont une pendeloque étroite à rainure. L’exemple mureybétien (parure n° 4)
découvert dans la cellule E de EA47, est composé d’une pendeloque étroite à
rainure de couleur noire et de 23 rondelles en chlorite de couleur vert foncé-gris,
tandis que l’exemplaire de Jerf (parure n° 3), trouvée dans une maison du niveau
III/E (entièrement incendié) est constitué d’une pendeloque étroite à rainure de
couleur verte et de 23 Theodoxus dont la couleur était noir-gris (avec parfois un
décor naturel à motifs blanc) à l’origine. Les deux couleurs sont assez proches et
ne contrastent pas de manière marquante. Le contraste se fait principalement par
la forme de l’élément unique, en l’occurrence la pendeloque, et par la différence
entre la taille de celui-ci et celle des autres éléments, très petits. Dans les deux cas,
la position de la pendeloque à rainure est centrale. Les rondelles ou les Theodoxus
sont disposés de chaque côté.

La similitude entre la parure de Mureybet et celle de Jerf est-elle une simple


coïncidence ou issue d’une composition connue propre à la communauté
mureybétienne du Moyen cours de l’Euphrate ? Il est difficile de ne pas être tenté
par cette hypothèse étant donné que les pendeloques étroites à rainures semblent
être propres à cette culture et pour cette région et que le nombre d’éléments
coïncident parfaitement.

Parmi les ensembles de Tell Halula, deux sont particulièrement


intéressants : l’un provient de la phase 9 (Fig. 5, parure 64) et l’autre de la phase 13
(Fig.5, parure 47a). Le plus ancien est constitué d’une pendeloque biforée en forme

628
de lunule sur une très grande plaque émaillée de défense de sanglier et d’une
petite rondelle en turquoise. Le second ensemble est plus riche puisqu’il contient
une très grande lunule148 biforée en cuivre natif et cinq perles plates en calcédoine
de couleur rouge dont l’intensité varie du plus foncé au plus clair. Cette parure
était très certainement portée comme collier (cf. Fig. 10.12f). Il en est de même pour
la parure n° 64. Il est intéressant de noter ici que le même type, la lunule biforée,
est fabriqué en deux matériaux complètement différents (et de deux couleurs
également différentes), ce qui renforce notre hypothèse sur l’importance de la
forme, qui domine celle des autres attributs.

Les ensembles composés d’éléments exclusivement du même type mais


déclinés selon deux couleurs (Fig. 16.6a) sont au nombre de trois et proviennent
tous de Tell Halula. Le nombre d’éléments qui les composent est entre sept et 25.
On note pour ces ensembles que le même type est fabriqué en différents
matériaux.

Enfin, les ensembles dits « hétérogènes » proviennent de tous les sites


étudiés à l’exception de Tell Aswad. Le nombre d’éléments qui les composent est
élevé et varie de 15 à 58. Les types, atteignant parfois le nombre de six, les
matériaux, les couleurs et les dimensions ne leur sont pas communs. Par exemple,
la parure 45a est composée de huit perles plates et deux perles tubulaires
(Fig. 16.6b, parure 45a). Ces dernières sont en cornaline. Parmi les perles plates,
quatre sont en cornaline, trois en turquoise et une en talc vert. Bien que nous
prenions en compte la gamme générale de couleur, il convient de préciser que les
tonalités des couleurs des perles en cornaline déclinent du rouge foncé à l’orange.
L’une des perles en turquoise, la plus grande, a été découverte sur le front du
défunt, exactement au-dessus de la cavité oculaire droite. Son emplacement laisse
suggérer qu’elle n’était pas un élément unique mais que d’autres y étaient
associées. Quant aux perles en cornaline, elles n’ont pas été découvertes en place
mais, d’après leur position, elles semblent être tombées sur les sédiments qui
recouvraient la cage thoracique. Selon nous, elles font vraisemblablement partie de
la parure qui ornait la tête. Si ces perles faisaient partie d’un collier, elles seraient
en effet tombées au fond de la sépulture, entre les deux fémurs en position
hyperfléchie.

148 Exposée dans les salles de Préhistoire au Musée National de Damas (Syrie).

629
La composition que nous proposons (Fig. 16.6b, parure 45a) prend en
compte la couleur, le gabarit et la symétrie. Ainsi, les deux grandes perles, la verte
en place et une autre, de même forme en cornaline rouge, auraient été disposées
côte à côte. Les autres perles se rangeraient de chaque côté en respectant une
alternance de couleur rouge et verte et une progression dans le gabarit, de la plus
grande à la plus petite. L’élément en talc est une variante de perle plate puisqu’il
est muni d’un petit col. Il constitue ainsi un élément singulier dans cette parure
compte tenu de sa forme et de son matériau. Il pourrait donc avoir occupé une
place relativement importante, c'est-à-dire une place visible sur le front du défunt.
Quant à l’orientation des perles, il est difficile de déterminer si elles étaient
disposées dans le sens horizontal, sur un même fil par exemple, ou dans le sens
vertical, cousues sur un support comme un bandeau ou un bonnet. Au moment de
la découverte, la perle en turquoise trouvée sur le front était orientée avec la
perforation à la verticale mais il est possible qu’elle ait pivoté sur place après
l’inhumation.

L’ensemble n° 2 de Mureybet, daté du Khiamien, combine des éléments de


gabarits variables : trois perles tubulaires en phosphates, six perles tubulaires en
os et huit rondelles en carbonates et en chlorites. Pour cette parure (Fig. 16.6b,
parure n° 2), nous proposions une alternance des éléments selon leurs nombre,
matériaux et couleurs.

La parure n° 1 de Jerf el-Ahmar est composée également d’une grande


variété de types (perles elliptiques, cylindrique, biforées, pendeloques). Toutefois,
le matériau principal des éléments est la terre. L’os et la pierre sont chacun
représentés par un élément.

Pour la reconstitution de cette parure (Fig. 16.6b, parure n° 1) on peut se


baser sur plusieurs critères comme le gabarit, la forme, le poids des éléments, le
nombre de rangées et le nombre d’éléments par rangée. Le résultat peut aboutir à
un nombre élevé de compositions très complexes. Ici nous présentons la plus
simple de toutes, celle basée sur les principes de la symétrie et le gabarit, mais
aussi sur les points suivants :

630
1- La pendeloque allongée était située au centre du regroupement,
exactement entre les cornes du bucrane (cf. Fig. 8.1c) d’aurochs autour duquel les
éléments ont été découverts. Elle constitue sans aucun doute l’élément principal,
central, de cette parure.

2- La présence des perles biforées indique que la parure était composée au


moins de deux rangs. Nous avons constaté que les huit perles biforées ont quatre
gabarits différents allant de très grand à petit. Pour chaque gabarit deux perles
(une paire) sont comptées. Il est donc possible que les perles biforées aient été
positionnées par deux, chacune d’un côté de la pendeloque centrale, selon une
progression décroissante de leur gabarit.

Parallèlement à la pendeloque en pierre, deux autres éléments de cette


parure pouvaient être portés comme des pendeloques. Il s’agit d’une pendeloque à
perforation courte et d’une autre à perforation longue (perle-pendeloque). La
proposition que nous adoptons n’a pas pu intégrer ces pendeloques ainsi qu’une
perle elliptique et deux éléments cylindriques. Si ces pendeloques étaient, comme
celle en pierre, positionnées au centre, elles auraient peut-être été placées sur des
rangs différents et nous pouvons ainsi imaginer une parure à six rangs par
exemple mais cela implique une répartition différente des éléments.

Bien entendu, la possibilité que les éléments proviennent de différentes


parures toutes associées au bucrane n’est pas à exclure. Néanmoins, les éléments
montrent beaucoup de points communs entre eux quant à leur aspect général et à
la technique de modelage qui indiquent une fabrication très homogène,
probablement dans un même temps et par une même personne.

3- Les perles elliptiques, au nombre de 37, se déclinent également avec des


gabarits du plus grand au plus petit. Selon nous, cette déclinaison pourrait
s’aligner avec celle des perles biforées. Les perles elliptiques auraient donc été
réparties sur les rangs en fonction leur gabarit, les plus grandes étant disposées
plus près de l’élément central

Ainsi, en suivant ces critères fondés sur la symétrie et l’équilibre, une


parure de deux rangs semble plausible. La parure entière aurait pu être accrochée

631
autour du bucrane (lui-même accroché au mur) dans une position respectant son
axe de symétrie, c’est-à-dire de façon à ce que la pendeloque centrale se trouve
sous le point de jonction entre les cornes. En effet, le seul élément qui soit tombé à
l’aplomb de sa position initiale est cette pendeloque. Et elle se trouve tout près de
ce point. Bien entendu, toujours sur ce même axe de symétrie, la parure pouvait
aussi avoir été accrochée au mur ou sous le bucrane.

Pour résumer, l’étude des combinaisons des éléments de parure de notre


corpus montre que les possibilités peuvent aller de la parure la plus simple, avec
des éléments d’une grande homogénéité ou relativement uniformes, à la parure la
plus complexe composée d’éléments hétérogènes, en passant par des
combinaisons visant à mettre en valeur tantôt les types, tantôt les couleurs. Quel
que soit le degré de complexité de ces combinaisons, on note qu’il y a presque
toujours eu une recherche préalable et un choix bien défini. L’enfilage et
l’association d’éléments sans prise en compte de leur morphologie, de leur aspect
et de leur valeur n’apparaît pas dans ce corpus. Même si les types et la nature des
éléments sont communs à plusieurs sites, voire à toutes les périodes pour certains,
la composition et l’agencement des parures sont uniques : chaque parure semble
avoir été pensée et personnalisée.

16.3.3. Types de parure

Les types de parure (colliers, bracelets, parure de tête, etc.) ont été
distingués grâce à l’emplacement des éléments sur les diverses parties du
squelette. Les types que nous allons décrire ici ont donc été uniquement identifiés
en contexte funéraire, c'est-à-dire à Tell Aswad et à Tell Halula.

Les estimations de l’âge et du sexe n’étant pas encore disponibles au temps


de notre étude, ces données n’ont pas été prises en compte. Néanmoins, grâce aux
informations préliminaires provenant des rapports de fouilles et des notes des
archéologues et anthropologues, nous avons pu distinguer trois principales
catégories d’âge pour les sujets accompagnés de parures :

• les nourrissons (y compris les périnataux) : de 0 à 1 an ;


• les enfants : ≥ 1 à 15 ans ;

632
• et les adultes : à partir de 15 ans.

Les parures trouvées in situ à Tell Aswad sont dans six cas (parures n° 1, 2,
6, 7, 9 et 10) associées à des adultes, dans deux cas à des enfants (parures n° 4 et 8)
et dans un cas à un nourrisson (parure n° 5) (cf. Fig. annexes V). Seul le type
« collier » a été identifié étant donné que dans la majorité des cas les éléments ont
été découverts autour du cou ou à proximité des vertèbres cervicales. La majorité
des parures sont composées d’éléments en pierre combinant des perles tubulaires,
des perles plates et des rondelles en turquoise, en amazonite, en malachite, en talc
ou en calcaire. Dans un cas les éléments de parure sont en coquillages et dans un
autre ils sont en perles cylindriques en os. L’absence d’autres types de parure
(bracelets, diadèmes, ceintures ou coiffes), d’une part, et l’absence de
combinaisons associant des éléments d’origine dure animale et minérale, d’autre
part, pourrait être liée aux pratiques funéraires ou à d’autres conventions
culturelles (cf. infra).

A Tell Halula, quatre types de parure ont été distingués : les ceintures, les
bracelets, les colliers et les parures de tête (diadème ou coiffe) (Fig. annexes IV.1. A
IV.7). Toutes les classes d’âge sont accompagnées de parure. Parmi les
inhumations, les enfants constituent le nombre le plus élevé (Tabl. 16.3). Ils sont
par conséquent les individus les plus parés, suivis par les adultes et les
nourrissons. Pour ces derniers, le type ceinture n’a pas été observé. On note par
ailleurs que les cyprées sont très rarement trouvées dans les sépultures des
nourrissons.

Il est difficile de parler de « règles » mais nous avons pu constater des


récurrences qui nécessitent d’être confirmées à l’avenir par une étude comparative
avec d’autres sites. En premier lieu, les perles en calcédoine, en turquoise ou
fabriquées dans d’autres matériaux allochtones ne sont jamais employées dans les
parures de types ceintures. Les ceintures à Tell Halula sont donc presque
exclusivement fabriquées en coquilles de cyprées ou en perles tubulaires en
carbonates disposées en paires ou en combinant les deux matériaux. La
combinaison des cyprées avec des perles en matériaux allochtones se rencontre
dans les parures de tête (diadème, coiffes ou autres). L’utilisation des cyprées dans
les bracelets n’a pas été documentée mais il semble que les nérites marines étaient

633
particulièrement recherchées pour la composition des bracelets en les combinant
parfois à des perles plates en cornaline ou en turquoise. Enfin, les pendeloques
biforées en nacre sont portées en collier comme pendentifs, et les lunules biforées
en plaque émaillée de défense de sanglier ou en cuivre sont également portées
autour du cou en guise de « torques », l’élément en cuivre pouvant être
l’exemplaire le plus ancien de tout le Proche-Orient.

16.4. Rôles et fonctions

La question générale qui a motivé cette recherche est celle de la signification


des objets de parure pour les individus appartenant à des sociétés en pleine
mutation socio-économique et culturelle. Au terme de ce travail, nous ne pouvons
guère produire de réponses autres qu’hypothétiques sur ce point mais les données
obtenues suscitent en contrepartie un grand nombre de nouveaux
questionnements, plus mûris et mieux ciblés. Ces questionnements s’articulent
autour de trois domaines d’usage de la parure : la vie quotidienne, le monde
funéraire et le monde rituel et cultuel. Parallèlement à ces domaines, une notion
plus spécifique peut être également présentée ici, celle de la fonction identitaire de
la parure. Bien entendu, les interactions entre ces domaines sont fort complexes.
Nous présentons ici les principaux apports de notre étude sur ces questions.

16.4.1. Parure de la vie quotidienne ou mortuaire ?

Comme leur nom l’indique, les parures quotidiennes sont portées très
fréquemment, voire en permanence, jusqu’à leur cassure et leur abandon. Leur
port pourrait être lié à une fonctionnalité précise (e.g. bouton de fermeture,
ceinture d’attache d’un vêtement ou d’une trousse, coiffe ou attache de cheveux)
ou à une fonction esthétique ou identitaire (sexe, statut, appartenance familiale ou
tribale, etc.).

Les objets portant des traces d’usure prolongée découverts uniquement en


contexte funéraire sont des objets qui ont été portés à répétition et pendant une
certaine durée de temps mais il est difficile à partir de cette seule donnée

634
d’extrapoler et de conclure qu’il s’agit d’objets de la vie quotidienne. En revanche,
la découverte des mêmes objets en contexte non funéraire en dit beaucoup sur
cette possibilité. L’exemple le plus frappant provient du site de Tell Halula.
Parallèlement aux cyprées funéraires nous avons étudié une centaine de cyprées
non funéraires. Ces cyprées, à dorsum supprimé, sont fragmentaires et consistent
exclusivement en moitiés columellaires ou labiales. A l’exception de très rares cas
(deux), qui pourraient être intrusifs, les cyprées fragmentaires ne sont jamais
découvertes dans les sépultures. Elles proviennent toutes de divers contextes
domestiques liés aux habitats comme notamment la partie « iwan » des maisons
(cf. Fig. 2.3d), qui est située à l’entrée, ou encore dans les aires extérieures devant
ou entre les maisons. Selon nous, les cyprées fragmentaires de Tell Halula sont des
éléments abandonnés car cassés au cours de leur utilisation. Même s’il existe un
cas de récupération149, nous ne pensons pas qu’elles aient été utilisées après leur
fracture. Elles ont été simplement rejetées et non exploitées. L’observation des
stigmates d’usure sur les cyprées funéraires, notamment les encoches sur les
extrémités, montre que l’usage de certaines coquilles était très prolongé par
rapport aux autres. Cela indique une certaine dynamique dans le remplacement
des objets très usés ou fracturés, et atteste donc de la « longévité » de la parure. A
certains moments de l’occupation du site (à la phase 9 et parfois à la phase 11), il
semble que l’accès aux cyprées se soit raréfié. Les cyprées manquantes au sein des
parures ont été complétées par des paires de perles tubulaires disposées simulant
la forme générale du coquillage. Cette « astuce » témoigne du soin apporté à
l’entretien et à la conservation de ces parures. Ceci indique par conséquent que les
parures en cyprées de Tell Halula étaient portées de manière régulière au cours de
la vie, probablement quotidiennement, avant d’être enterrées avec les défunts
telles qu’ils les portaient de leur vivant.

Tous les éléments de parure trouvés dans les tombes portent des traces
d’usure, notamment sur leurs dispositifs d’attache. Ils ont donc été portés et aucun
ne semble avoir été fabriqué spécialement pour l’occasion des funérailles. Les
parures funéraires sont donc des objets qui avaient une vie et une histoire,
probablement celle des individus qu’elles accompagnaient. Il est donc peu

149 A l’exception d’une partie columellaire (phase 8) dont les extrémités ont été aménagées avec une

rainure permettant par exemple son attache par les deux extrémités à d’autres cyprées au sein
d’une parure.

635
vraisemblable de leur attribuer une unique fonction funéraire. Selon nous, elles
racontent plutôt l’histoire de la vie de ces individus.

Dans le cas de Tell Halula, comme nous venons de le voir plus haut,
certains éléments témoignent d’une utilisation plus récurrente que d’autres. En
effet, si des cyprées fragmentaires ont été découvertes en dehors des sépultures, ce
n’est pas le cas des autres types et objets comme les nérites marines, les perles en
cornaline, en turquoise ou en d’autres matériaux allochtones, les rondelles ou
encore les pendeloques biforées en nacre. La découverte de ces éléments, complets
ou fracturés, est extrêmement rare sur le site. Pourtant, les cyprées proviennent de
très loin, presque exclusivement de la Mer Rouge. Dans ce cas-là, peut-on parler
de parures portées occasionnellement ? En ce qui concerne celles découvertes à
Tell Halula, cette hypothèse nous semble très plausible étant donné de que la
fabrication de certains de ces éléments, notamment les objets en roches siliceuses,
demande un investissement technique important, de la très haute valeur
esthétique mais aussi économique de ces matériaux rares et « semi-précieux »
comme la cornaline, l’améthyste, le cuivre natif, l’amazonite et la turquoise. Par
ailleurs, il faut noter que les éléments en roches dures siliceuses sont fragiles
(cassantes comme le verre). Il nous semble peu probable que ces éléments,
notamment les perles plates, aient été soumises aux risques de fracture engendrés
par les tâches quotidiennes, notamment lorsque l’on connaît le degré
d’investissement technique et la complexité de leur fabrication et la difficulté de
leur réparation en cas de fracture. Selon nous, ces objets ont certainement bénéficié
d’une attention particulière et ont été portés, comme de nos jours, pour les
grandes occasions, y compris pour les funérailles de l’individu qui les portait.

A Tell Aswad, le rapport à la parure trouvée dans les tombes est très
différent de celui observé à Tell Halula. Ce rapport a très certainement à voir avec
les pratiques funéraires, notamment la gestion de l’espace funéraire. En effet, alors
que les sépultures à Tell Halula sont toutes primaires et individuelles, celles de
Tell Aswad sont plus variées : elles peuvent être primaires ou secondaires,
individuelles, doubles ou collectives. Dans le premier site les inhumations sont
quasiment toujours en position verticale assise tandis que dans le second les
positions sont variées mais toujours à l’horizontale. La gestion de l’espace
funéraire à Tell Halula est préalablement réfléchie, organisée et intégrée dans les

636
plans architecturaux des maisons alors qu’à Tell Aswad les sépultures peuvent
être associées aux habitats ou séparées d’elles et regroupées dans des aires
funéraires. Après l’inhumation des défunts, les sépultures sont définitivement
scellées dans le village de Tell Halula. A Tell Aswad, celles-ci font souvent l’objet
de manipulation, d’ouverture et d’aménagement. Ces manipulations sont très
certainement la cause pour laquelle les objets de parure funéraires de Tell Aswad
sont rarement trouvés en place.

Plusieurs groupes d’éléments ont été découverts à l’intérieur de


« cuvettes ». Ces dernières, rappelons-le, sont des creusements de forme ovale ou
circulaire à section concave, remplis de sédiments de couleur et nature différentes,
finement stratifiés et très riche en mobilier et en vestiges fauniques et botaniques
(Stordeur et al. 2010, p. 49). Nous avons constaté que dans les cuvettes où des
éléments de parure (ainsi que des figurines et d’autres objets en terre) ont été
découverts, des restes humains isolés sont presque systématiquement signalés (cf.
chapitre 12 Aswad). Or, les sépultures secondaires sont bien attestées à Tell
Aswad. Les déplacements d’ossements humains et les manipulations à l’intérieur
des sépultures, notamment celles qui sont collectives, ne sont pas inhabituelles.
Ainsi, la présence d’ossements humains sans connexion dans les cuvettes et non
loin d’objets de parure entiers et parfois de figurines, nous amènent à penser que
ces cuvettes ont servi à accueillir des ossements humains déplacés en partie avec
leur mobilier funéraire (parure, figurine) depuis leur sépultures d’origine,
probablement pour vider celles-ci et faire de la place pour d’autres défunts. Ces
cuvettes pourraient donc être des zones de rejet liées, entre autres, aux pratiques
funéraires du village.

Si cette hypothèse est vérifiée, les éléments de parure qui s’y trouvaient
pourraient être des éléments prélevés partiellement ou complètement, par
accident ou délibérément (?), dans les sépultures, c’est-à-dire les vestiges de
parures accompagnant les défunts à l’origine. Malheureusement, la perte
d’information qui en résulte ne nous permet pas de les reconstituer ou encore
simplement de les reconnaître. Cette hypothèse trouve un appui par le fait que les
quelques rares parures entières découvertes en place (huit pour plus d’une
centaine d’individus enterrés) sont celles associées à des squelettes entiers et non
manipulés. Les éléments de parure provenant des sépultures collectives sont

637
presque inexistants ou ne sont pas clairement associés aux squelettes (e.g.
pendeloque en crochet n° 32). De même, les fosses où étaient enterrés les crânes
surmodelés et d’autres squelettes manipulés n’ont livré aucun élément de parure.
La rareté des éléments de parure dans les sépultures de Tell Aswad seraient-elle
donc liée aux pratiques de manipulation et à la dynamique « d’entretien » des
aires funéraires du village ? Les cuvettes jouaient-elles un rôle au cours des
cérémonies funéraires ? Étaient-elles des lieux où l’on pratiquait des rituels
particuliers ? Il nous est difficile de répondre à ces questions à partir de ces
quelques données. Toutefois, il paraît très clair que la place des morts dans la vie
quotidienne des villageois d’Aswad, comme le montrent D. Stordeur et R.
Khawam (Stordeur et al. 2010, p. 50), était primordiale.

Tell Aswad a livré six éléments énigmatiques, des pendeloques contournées


(cf. Fig. 12.6a à f) de forme très particulière évoquant celle des silhouettes
féminines assises. En pierre de couleur sombre, les six exemplaires présentent des
fractures sur leur partie proximale, au niveau de la perforation. Celle-ci porte des
traces d’usure. Ces pendeloques étaient donc portées et leur fracture n’a pas été
causée par des accidents de perforation. Sur le même site, des figurines en argile
sont décrites comme des figures à la « tête coupée » (Ayobi 2013, Fig. 36). Nous
sommes tentée de faire l’analogie entre ces figurines et les pendeloques
contournées. Plus spécifiquement, nous proposons l’hypothèse que la partie
proximale portant la perforation sur les pendeloques correspond à la « tête » de
ces figures féminines et que la fracture de cette partie indique sans doute un geste
symbolique de décapitation. Cela ne serait pas étonnant dans un contexte où un
bon nombre de squelettes adultes ont été trouvés sans crânes ou, à l’inverse, des
crânes isolés ont été enterrés séparément du corps. Il faut noter également que les
pratiques funéraires les plus marquantes du site mais aussi dans les autres sites du
Levant central datant du PPNB, à savoir les crânes surmodelés, sont précisément
basées sur le traitement de la « tête ». Les pendeloques féminines brisées
pourraient-elles représenter l’acte de prélèvement de la tête après la mort ? Une
question supplémentaire qui nécessite d’être vérifiée et examinée par des
comparaisons avec des sites contemporains où les pratiques funéraires sont
semblables à celles d’Aswad.

638
16.4.2. Parures identitaires ?

Les pendeloques étroites à section arrondie et à rainure sont caractéristiques


de la période khiamienne et surtout PPNA. Elles ont été identifiées uniquement
dans les sites du cours moyen de l’Euphrate (Tell Mureybet, Jerf el-Ahmar et Tell
‘Abr 3). Ces pendeloques sont souvent le résultat d’un recyclage de haches ou de
bâtons polis dont les matériaux sont allochtones (généralement en ophiolites).
Elles ont donc été fabriquées sur place et non pas importées comme ont pu l’être
d’autres éléments. Selon nous, les pendeloques étroites à rainure pourraient
illustrer l’exemple d’une parure identitaire qui désigne l’appartenance à un
groupe social dont les individus partagent la même culture, les mêmes valeurs et
probablement la même langue. La proximité des sites les uns des autres et les
ressemblances observées dans tous les domaines (architecture, économie de
subsistance, art, pratiques culturelles et rituelles) renforcent l’hypothèse de
l’appartenance de ces groupes à une même sphère culturelle et économique
(Cauvin 1997).

La fonction identitaire de la parure devrait prendre tout son sens en


présence d’individus appartenant à des communautés différentes, par exemple
lors d’expéditions de chasse, de cueillette ou encore d’approvisionnement en
matériaux rares et recherchés. Ce type de parure (Fig. 16.5, parure 5 Mb ; parure 3
Jf) pourrait donc avoir été porté occasionnellement. Les découvertes faites in situ à
Mureybet et à Jerf el-Ahmar de parures ayant comme éléments centraux des
pendeloques étroites à rainure) pourraient être expliquées par leur port
occasionnel.

16.4.3. Parures rituelles ?

Sur le site de Jerf el-Ahmar, le collier imposant et massif composé


majoritairement de perles en terre, a été découvert avec quatre bucranes d’aurochs
à l’intérieur d’une maison incendiée. Le collier était associé à l’un des bucranes et
accroché initialement sur le mur avec celui-ci, comme les autres bucranes. A
Mureybet, l’association d’éléments de parure, en l’occurrence des perles en os
(Fig. 16.2a), avec des chevilles osseuses d’aurochs est attestée dès le Khiamien. Sur

639
le même site et dans le bâtiment 47, une parure composée de rondelles et de
pendeloques plates pourrait avoir été associée au bucrane trouvé dans ce
bâtiment. A Tell Abr 3, une parure (collier ?) a été découverte non pas en
association directe avec des chevilles osseuses d’aurochs mais à l’intérieur d’un
vase en chlorite représentant cet animal (Yartah 2013, p. 179, fig. 87, p. 103,
fig. 96.3, p. 112). Si le taureau représentait véritablement une sorte d’entité sacrée
comme le suggère les travaux de J. Cauvin (e.g. 1994), peut-on considérer ces
parures comme des « offrandes », des symboles de la pensée religieuse des
sociétés néolithiques ? D’autres découvertes pourraient renforcer cette hypothèse.
Dans le cas de Jerf el-Ahmar, la parure identifiée en association avec le bucrane est
particulièrement imposante et volumineuse, trop sans doute pour être portée par
un sujet humain. Elle a donc probablement été conçue pour accompagner le
bucrane et renforcer son caractère symbolique.

640
Conclusion

A travers l’étude des objets de parure, nous avons voulu comprendre l’une
des manifestations artistico-symboliques les plus « discrètes » des sociétés
humaines au cours d’une succession de périodes marquées par de grands
bouleversements socio-économiques et culturels. Les différentes approches
appliquées dans ce travail ont permis de mesurer les moyens dont l’homme
disposait pour les obtenir et d’aborder la difficile question de leurs rôles dans sa
vie. Ces manifestations personnelles s’inscrivent entièrement dans les sphères
culturelles du moment. Nous présentons cette conclusion comme une synthèse
finale ayant pour but d’offrir une image générale des objets de parure au cours de
la Néolithisation du Proche-Orient.

La sédentarisation au Proche-Orient est attribuée à la période


correspondant à la culture natoufienne. Son identification au Levant Nord est
basée sur des parentés avec de ce que l’on connaît mieux au Levant Sud. En
dehors de cette région on dispose actuellement de peu de sites ayant fait l’objet de
fouilles ou de sondages : e.g. la grotte de Dederiyeh (Nishiakiet al. 2011), Tell
Mureybet, Tell Abu Hureyra, El-Kowm 1, Jeftelik pour le Levant nord, la grotte de
Baaz Jab’adeen et Tell Qarassa au Levant central (Ibáñez et al. 2012). La parure
natoufienne de ces sites est extrêmement rare, pour ne pas dire inexistante. Les
informations proviennent de la phase IA de Mureybet, d’Abu Hureyra I et de trois
gisements (Jayroud 1, 3 et 9) prospectés dans les montagnes de Qalamoun au
nord-est de Damas, tous datant de la fin du Natoufien.

Les objets de parure du Natoufien final de Mureybet proviennent de


contextes extérieurs pouvant être liés aux habitats (e.g. foyers, sols). Les
coquillages sont ramassés dans les environs et se limitent aux petits gastéropodes
de Theodoxus, que l’on perce au sommet. Les dentales, si caractéristiques du
Natoufien du Levant sud, sont absents à Mureybet et seulement sous forme de
tronçons à Abu Hureyra et à Jayroud.

La diversité typologique rencontrée à la même période sur le site de


Mallaha (pendeloques courtes sur extrémités de phalange, pendeloques ovales,
pendeloques sur canines, perles tubulaires courtes ou longues, perles de types

641
variés) (Le Dosseur & Maréchal 2013) contraste avec la pauvreté typologique de
Mureybet. En effet, un seul type est identifié, celui des perles cylindriques
obtenues par tronçonnage des os longs d’oiseaux et de petits ruminants. Cette
pauvreté apparente pourrait être expliquée par le faible effectif. A la période
suivante, au Khiamien, les objets de parure sont plus abondants mais le type
dominant reste encore de loin celui des perles cylindriques.

Les rondelles, de type cylindrique ou elliptique, dont l’emploi est courant


tout au long de l’histoire de la parure (Dubin 2006), semble apparaître à cette
période et simultanément sur deux matériaux, le test et la pierre, bien que leur
obtention respective implique des méthodes et des compétences différentes. Des
pierres d’origine allochtone, des ophiolites et des phosphates, ont été employés
parallèlement aux carbonates locaux pour la fabrication des rondelles.

Les couleurs, d’après le peu d’information dont nous disposons, semblent


être plutôt foncées, des dérivés de gris et de vert avec des notes claires apportées
par le blanc du test des rondelles ou les Theodoxus qui peuvent être de couleur
blanchâtre chez certaines espèces ou variétés (e.g. Theodoxus jordani). On note
l’absence à Mureybet de pendeloques en pierre ou en os imitant les craches de
cerfs qui ont été identifiées sur certains sites datant de la fin du Natoufien (e.g.
Mallaha, El-Wad, Abu Hureyra).

Il est difficile de faire la synthèse sur la parure khiamienne étant donné que
le seul site de référence est celui de Mureybet. Toutefois quelques tendances
générales méritent d’être soulignées. On distingue les objets de parure khiamiens
de ceux de la période précédente par l’augmentation considérable des éléments en
os, en particulier les os longs, et l’utilisation plus fréquente des matériaux
d’origine minérale (pierre et terre).

Bien que les effectifs des éléments en matières osseuses soient beaucoup
plus élevés au Khiamien qu’au Natoufien final, la « tradition » semble rester la
même et le type dominant est celui des perles cylindriques en os. Quelques
pendeloques ont été fabriquées sur des os longs.

En ce qui concerne les pierres, la part des matériaux d’origine allochtone


n’est pas très importante si on la compare avec la période suivante, le PPNA.
Malgré le faible effectif, on note une claire préférence pour les phosphates au

642
cours de cette période. Ce choix fut probablement conditionné par la provenance.
En effet, il est possible qu’au Khiamien les phosphates aient été importés de la
région de Bal’as, riche en phosphates et située dans les marges occidentales de la
steppe syrienne, au sud de la vallée de l’Euphrate (cf. Fig. 13.4). L’un de plus
anciens ateliers de fabrication de parure au Proche-Orient, datant du Khiamien, a
été découvert dans cette région. Par ailleurs, une perle khiamienne à l’état de
préforme abandonnée en cours de perforation (cf. Fig. 7.17) a été également
découverte à Mureybet.

En termes de « nouveauté » typologique, on observe l’apparition de types


complexes comme les pendeloques hautes étroites à section arrondie et les perles
plates. Le recyclage des matériaux allochtones est également attesté à cette
période.

Les perles tubulaires cylindriques en os sont caractéristiques de la période


khiamienne. Aucune innovation n’a été observée concernant la chaîne de
fabrication : les tronçons de perles sont obtenus par sciage puis par flexion et leurs
extrémités sont parfois égalisées.

Enfin, des découvertes in situ d’éléments regroupés ont permis la


reconstitution de deux parures pouvant être de type collier : l’une composée de six
perles tubulaires en os (cf. Fig. 16.2a) associée à des cornes d’aurochs, et la
seconde composée de perles tubulaires en os et en phosphates ainsi que de
rondelles en carbonates et ophiolites, découverte sur le sol d’un habitat (cf.
Fig. 16.6b).

L’un des événements les plus marquants inaugurant la période néolithique


est celui de la mise en pratique des premières activités agricoles avant la
domestication proprement dite des plantes, l’» agriculture pré-domestique »
(Willcox & Stordeur 2012). Au cours du PPNA, l’intensification des pratiques
agricoles est accompagnée des créations artistiques parmi les plus marquantes et
les plus riches en connotations symboliques, tant au niveau de l’art mobilier
(figurines, plaquettes, objets de parure) que de l’immobilier (architecture). De
manière générale, l’art du PPNA représente une continuité avec la tradition déjà
fondée au cours du Khiamien. La majorité des créations est élaborée sur des

643
supports en pierre. La pierre devient massivement adoptée et parfaitement
« domestiquée » au PPNA. Ainsi, l’architecture atteint un niveau de savoir-faire
incomparable que l’on constate à travers la construction de simples habitats ou
encore les bâtiments communautaires à subdivision (cf. Fig. 2.2a, b et c) ou, à la
période de transition PPNA/PPNB, à banquettes (e.g. EA53, cf. Stordeur 2014,
Fig. 10, p. 36), décorées de stèles et de dalles gravées. A cette même période, à
Dja’de el-Mughara, l’art incorporé à l’architecture prend la forme de fresques à
motifs géométriques polychromes peints sur les murs (cf. Fig. 2.2d et e). Enfin, les
premières constructions mégalithiques se développent en Anatolie orientale (e.g.
GöbekliTepe, région d’Urfa).

Les répercussions des avancées technologiques concernant la maîtrise de la


pierre sont visibles, comme nous l’avons dit plus haut, dans le mobilier à caractère
symbolique. Dans le domaine de la parure, cela se traduit, d’une part par
l’augmentation importante des effectifs des éléments en pierre au détriment des
éléments en matières dures animales, et d’autre part par la présence d’une large
gamme de matériaux d’origine allochtone, certains pouvant avoir été importés à
l’état d’objets finis. Les matériaux allochtones consistent en plusieurs variétés
d’ophiolites, de phosphates et de certaines roches magmatiques de grande dureté
(e.g. amphiboles). Parmi eux, les ophiolites représentent la grande majorité. En
effet, il semble y avoir eu une préférence particulière pour les chlorites. Selon
nous, ce matériau pourrait être un élément marqueur de la période PPNA et plus
particulièrement de la culture mureybétienne. Les ophiolites sont largement
réparties en Anatolie et au nord-ouest de la Syrie. On peut envisager leur arrivée
sous forme d’objets finis depuis des « centres » de production proches des
gisements en ophiolites, comme ceux situés dans la vallée du Tigre, en Anatolie
orientale (e.g. Körtik Tepe, Cayönü) (cf. Fig. 13.7).

En ce qui concerne les formes, on constate un léger changement dans les


formes géométriques qui sont d’une plus grande diversité qu’auparavant. A côté
des formes carrées et rectangulaires se rajoutent les formes trapézoïdales ou
triangulaires. Les formes anatomiques sont essentiellement des nérites d’eau
douce, quelques éléments tubulaires en dentales et des pendeloques
exceptionnelles sur phalanges. Celles-ci s’inscrivent dans l’esprit des pendeloques
de l’époque qui, une fois portées, peuvent se présenter dans le sens de la

644
hauteur150 (cf. Fig. 16.5 et Fig. 16.6b). La même impression de verticalité est
manifeste avec les pendeloques en pierre, notamment le type des pendeloques
étroites hautes à section arrondie. Celui-ci est typique de la période khiamienne et
du PPNA (cf. Chapitre 14). En effet, ces pendeloques ont été identifiées sur
l’ensemble des sites datant de cet horizon dans la vallée de l’Euphrate, ainsi qu’au
nord-ouest de la Syrie (Tell Qaramel) et dans les sites d’Anatolie orientale. Le
même type de pendeloque, mais cette fois avec une rainure longitudinale centrale
comme particularité, a été identifié uniquement sur les sites de la vallée de
l’Euphrate, i.e. Mureybet, Jerf el-Ahmar et Tell ‘Abr 3. Selon nous, ces pendeloques
expriment clairement une identité culturelle et géographique commune. Les
découvertes in situ d’éléments regroupés sur le site de Mureybet et de Jerf el-
Ahmar nous ont permis de reconstituer deux parures semblables qui pourraient
avoir été des colliers. La pièce centrale de ces parures est une pendeloque étroite à
rainure. D’après nos analyses et comparaisons, il est possible que ces parures aient
été portées pour des occasions particulières durant lesquelles le rôle identitaire
prenait toute sa place (e.g. rencontres intra- ou intercommunautaires).

L’association des éléments de parure à la figure symbolique de l’aurochs est


attestée dès le Khiamien (cf. supra et Chapitre 16). Au PPNA, le « rite » est
perpétué et confirmé notamment par la découverte de la parure n° 1 de Jerf el-
Ahmar qui était associée à un bucrane d’aurochs à l’intérieur d’une maison ornée
d’un ensemble de quatre bucranes (cf. Fig. 8.1a).

La longue période du PPNB se distingue de la précédente par


l’augmentation de la taille des villages, par des changements dans le domaine
technique (architecture, industrie lithique) et par une documentation plus riche en
ce qui concerne les pratiques funéraires (tombes dans les maisons, tombes en
cimetières). Néanmoins, les changements les plus marquants concernent le mode
de subsistance. En effet, c’est à partir de l’horizon du PPNB ancien que l’on
rencontre les premières formes domestiques de certaines espèces végétales et
animales. Au PPNB moyen et récent, la part de la chasse diminue et laisse place à

150 Nous verrons que les parures de la période suivante ont plutôt tendance à s’afficher à
l’horizontal.

645
une économie basée pleinement sur l’agriculture et l’élevage proprement dits. Les
habitants de ces villages constituent donc les premiers paysans de l’histoire.

Dans la parure, plusieurs changements sont notés par rapport à celle de


leurs prédécesseurs. L’une des principales « nouveautés » est l’introduction de la
turquoise et de l’amazonite, minéraux « semi-précieux » dont l’emploi à Dja’de et
à Aswad à l’horizon PPNB ancien constitue sans doute le témoignage le plus
ancien connu au Proche-Orient151. La turquoise sera couramment employée au
PPNB moyen et récent. En revanche, l’utilisation de l’amazonite ne sera que
ponctuelle jusqu’à la fin du PPNB.

La couleur de certaines turquoises et celle de l’amazonite sont très proches.


Si c’est la couleur qui était recherchée, il est donc possible que la turquoise fut
préférée à l’amazonite étant donné que la première est moyennement dure, plus
maniable et plus facile à transformer que la seconde qui est une roche de dureté
élevée. Le choix pouvait être également conditionné par des questions
d’accessibilité et d’abondance des matériaux. Une autre « nouveauté » qui marque
la parure à partir du PPNB moyen est l’emploi des calcédoines pour la réalisation
des rondelles, des perles tubulaires et des perles plates. Enfin, au PPNB récent, sur
le site de Halula, la diversité des matériaux d’origine minérale est telle qu’on y
découvre des spécimens en améthyste, variété de quartz macrocristallin dont
l’emploi n’avait jusqu’alors pas été attesté dans le Néolithique précéramique, ni
même dans le Néolithique céramique. Il s’agit, là encore, des plus anciens
spécimens de parure en améthyste de la région. La malachite est attestée par une
occurrence à Tell Aswad dès l’horizon PPNB ancien et le cuivre natif dès le PPNB
moyen à Tell Halula. L’emploi de ces deux matériaux pourrait remonter à une
période plus ancienne (e.g. PPNA ?) sur les sites anatoliens situés dans les régions
cuprifères comme Çayönü.

En ce qui concerne les autres matériaux comme les coquillages, peu de


choses peuvent être dites pour l’horizon PPNB ancien. Soit parce que les effectifs
sont très faibles, soit parce qu’on assiste à une chute dans leur exploitation, tant
pour les espèces marines que celles d’eau douce. Si cette chute est véritable, on

151L’emploi de la turquoise et de l’amazonite au cours de la période PPNA n’est pas attesté à notre
connaissance. Toutefois, il est possible que des sites datant de cet horizon au Levant sud (e.g.
Jéricho ?), ou d’autres non loin des gisements (sud de la Jordanie, Sinaï) ou situés sur les axes de
leur circulation aient fourni les exemplaires les plus anciens.

646
peut donc parler d’une hausse remarquable des effectifs à partir du PPNB moyen
pour le site de Tell Halula. Sur ce site, les cyprées de la Mer Rouge et quelques
spécimens de la Méditerranée constituent presque exclusivement tous les
coquillages utilisés dans la parure de cette période. A la même période sur le site
de Tell Aswad, ce qui caractérise les coquillages n’est pas leur fort effectif mais
leur très forte diversité taxonomique. Cette diversité est également ressentie d’un
point de vue typologique, notamment en ce qui concerne les cyprées (cf. Fig. 12.2).
Les faibles effectifs combinés à une forte diversité taxonomique des coquillages, la
présence de matières premières allochtones brutes ou sous forme d’ébauche, celle
d’un atelier de taille de l’obsidienne, la présence de plantes et d’animaux
domestiques (dès l’horizon PPNB ancien), sont tous des indices forts qui éclairent
le rôle du site de Tell Aswad comme relais entre le nord et le sud. Tell Aswad
pouvait être en effet un village de passage pour la circulation de matières
premières, de produits, de personnes, de plantes et d’animaux entre différentes
régions.

D’un point de vue typologique, on assiste au cours du PPNB à la


disparition des pendeloques hautes étroites à rainure, même si toutefois celles-ci
persistent au cours du PPNB ancien à Dja’de el-Mughara dans une version simple,
i.e. sans rainure. Les pendeloques plates sont réalisées selon des formes
géométriques plus variées encore que la période précédente (cf. Fig. 14.8).

Parmi les changements majeurs il convient de souligner l’intensification


particulière de la fabrication des perles plates et la complexification de leur forme.
En effet, les perles plates des périodes précédentes sont de type carrée ou
rectangulaire et leur section est plate elliptique. A partir du PPNB ancien, le type
elliptique fait son apparition et va être le type dominant jusqu’à la fin du
Néolithique précéramique. Le type rhomboïdal apparaît également à cette période
mais il est toutefois élaboré en terre. Il faut attendre le PPNB moyen avant de voir
les premiers types rhomboïdaux, trapézoïdaux et triangulaires réalisés en pierre,
notamment en turquoise et en cornaline, et selon des sections biconvexes ou
rhomboïdales aplaties.

Une autre nouveauté concernant les perles plates à partir du PPNB moyen
est celle des aménagements sur les extrémités de ces perles : le col et la convexité.
La présence de ces aménagements est probablement liée à une volonté de

647
représentation particulière, esthétique et/ou symbolique, qui malheureusement
nous échappe. Selon l’orientation, la forme d’une perle plate à col et à convexité
peut être interprétée de différentes manières et on peut imaginer un nombre
important de représentations. Par exemple, un corps humain avec un cou mais
sans tête, un oiseau aux ailes déployées ou au contraire repliée, un papillon (d’où
leur appellation fréquente de perles « papillons »), une hache double, etc. Nous ne
pouvons proposer aucune interprétation étant donné que nous ignorons
l’orientation des perles plates à aménagement au sein d’une parure. On retiendra
cependant que les formes de base de ces perles sont variées : circulaires, elliptiques
ou trapézoïdales.

Dans notre corpus, la combinaison des aménagements est celle d’un col
plus une convexité, de deux convexités à la fois, ou d’un col unique. La
combinaison associant deux cols n’existe pas dans notre corpus ni pour les
périodes qui nous concernent. Elle semble être le fruit d’une évolution de ces
aménagements seulement au cours du Néolithique céramique. Enfin, on note que
la taille des perles plates, avec ou sans aménagements, à la fin du PPNB récent et
au cours du PPNB final, est en moyenne plus grande que celles du PPNB moyen et
du début du PPNB récent à Halula.

Les nouveaux types qui sont élaborés et que l’on rencontre également à
Halula sont des perles tubulaires biconiques en turquoise, en cornaline et en
carbonates. Les rondelles biconiques sont également présentes en faibles quantités.
Un type particulièrement intéressant et uniquement attesté à Halula est celui des
rondelles plates réalisées en turquoise.

En ce qui concerne le monde artisanal, aucune nouveauté technique n’est


documentée. Il est question cependant d’une adaptation à la « demande », i.e. une
production plus importante d’objets, dont la fabrication serait probablement
effectuée en série, d’une part, et une adaptation à la nature des matériaux
travaillés, notamment les roches dures comme la cornaline, d’autre part. Ces
adaptations se traduisent logiquement par une utilisation plus fréquente de
dispositifs de fixation des éléments pendant les opérations (e.g. plate-forme,
étau ?), de systèmes mécanisés intégrant des outils comme par exemple le foret à
l’archet, l’utilisation d’abrasif et d’eau pour la perforation des roches dures, etc.

648
A l’unité, les éléments s’intègrent dans les grandes classes typologiques de
la culture PPNB qui sont communes à plusieurs régions. Mais après composition,
ces éléments semblent produire des parures personnalisées qui répondent à
différents choix : parures homogènes, parures bicolores, parures unicolores, etc.

S’il fallait décrire très brièvement la parure de la culture PPNB, nous


emploierions sans doute le terme « parure funéraire ». Bien entendu, ce terme est à
nuancer et à expliciter. En effet, deux catégories de parure sont attribuées au
monde funéraire, la première est celle dont les objets sont clairement associés aux
défunts, et la seconde, plus difficile à détecter et uniquement attestée à Tell
Aswad, concerne des rites funéraires sans que les objets soient associés aux
squelettes. Nous faisons référence ici aux pendeloques représentant probablement
des silhouettes féminines assises et acéphales (cf. Fig. 12.6a-f) qui ont été trouvées
dans des contextes non funéraires. Les perforations de ces pendeloques montrent
des traces d’usure qui indiquent leur port préalable. Nous suggérons que la
fracture systématique de la partie proximale pourrait avoir été intentionnelle, dans
le but de symboliser le prélèvement de la tête, pratique courante à Tell Aswad, la
plus spectaculaire étant celle des crânes surmodelés (cf. Fig. 2.4d).

Ce travail propose une approche intégrée et pluridisciplinaire de la parure


préhistorique à travers les multiples questions qu’elle suscite : l’origine des
matériaux, leur transformation, la conception et la fonction des objets de parure et
la place qu’ils occupaient dans les sociétés des derniers chasseurs-collecteurs et
des premiers paysans.

Cependant, comme nous l’avons vu, de nombreux points restent à éclaircir.


Pour ce faire, il sera nécessaire d’élargir le corpus d’étude d’abord à d’autres sites
syriens (e.g. Tell ‘Abr 3 pour la période PPNA, Qdeir, Bouqras, Tell Ramad, Tell
SabiAbyad, Ras Shamra pour la période PPNB final et le Néolithique céramique)
mais aussi à d’autres régions adjacentes comme l’Anatolie, la Jordanie, la côte
syro-libanaise, la vallée du Tigre, le Zagros, etc.

A partir des éléments de connaissance que nous avons pu faire apparaître


ici sur le Néolithique précéramique, il sera particulièrement intéressant de
comprendre comment évolue ce domaine techno-symbolique à partir du

649
Néolithique céramique et au Chalcolithique. En effet, c’est au cours de ces
périodes que le développement des techniques du feu et les innovations
technologiques associées produiront des matériaux nouveaux comme la
céramique, le verre et le métal qui seront progressivement introduits dans la
parure.

A travers ce travail nous avons voulu proposer un ensemble de méthodes et


de protocoles d’analyse qui nous semblent incontournables pour faire parler ce
type de matériel. Cependant, d’autres approches complémentaires sont à
envisager. Ainsi, nous souhaiterions mettre en place des séries d’expérimentations
contrôlées en laboratoire qui permettraient de mieux caractériser les gestes
techniques et les stigmates qui en résultent, notamment grâce à des analyses
tracéologiques et tribologiques.

Parallèlement à nos recherches, l’étude de collections d’objets de parure au


Proche-Orient se multiplie depuis quelques années. Il serait donc très intéressant
de rassembler et actualiser les informations les concernant grâce à la mise en place
d’une base de données collaborative sur la nature des matériaux, les aspects
techno-typologiques et toute autre donnée utile à leur analyse. Cette base pourrait
couvrir un plus large cadre chronologique, englobant les périodes préhistoriques
et protohistoriques, afin de permettre une étude plus approfondie de leur
évolution. Bien entendu, ce projet nécessite la collaboration de chercheurs
soucieux de faire avancer les recherches sur les objets de parure pour cette région
du monde, recherches qui sont relativement en retard par rapport à celles
développées en Europe depuis près d’un siècle. Il est à espérer que l’étude de la
parure se constitue enfin comme un véritable champ disciplinaire.

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