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Berpotam
(1829)
Prosper Mérimée
Tamango
Nouvelle
(1829)
Le capitaine Ledoux était un bon marin. Il avait Ledoux redakik tiyir stinaf biratotasik. Wetce
commencé par être simple matelot, puis il devint birelackik al bokayar, aze vanpiyir ikasugdavasik. Bak
aide-timonier. Au combat de Trafalgar, il eut la main Trafalgar meld, inafa taltenuba gan intaroida zo
gauche fracassée par un éclat de bois ; il fut amputé, nokodayar ; in zo vigabeyer aze dem ozexanya zo
et congédié ensuite avec de bons certificats. Le repos vragayar. Tildera va in katinsiyir, nume, tuke sokisa
ne lui convenait guère, et, l’occasion de se katecta, va corsaro tota wetce toleaf rikulik vilteyer.
rembarquer se présentant, il servit, en qualité de Erba malnariyina gu konak vangiks noveyer da va
second lieutenant, à bord d’un corsaire. L’argent qu’il yona neva di lusteyer ise va rietova va totara di
retira de quelques prises lui permit d’acheter des vayayar, beka va askiputuca ixam gruperseyer. Azon,
livres et d’étudier la théorie de la navigation, dont il vanpiyir redakik ke corsaro lugger tota dem baroyi
connaissait déjà parfaitement la pratique. Avec le buli is tev-sanoy drigik, ise treskasa tota ke Jersey va
temps, il devint capitaine d’un lougre corsaire de trois inyona sega ware setiked. Dili erolayar : in va tufama
canons et de soixante hommes d’équipage, et les remi geja al flavayar ise stale englik djupolaumasiyir.
caboteurs de Jersey conservent encore le souvenir de Va inafa zanira pu yon diliodaf parloesik gonofirviyir ;
ses exploits. La paix le désola : il avait amassé ise larde wetce elvik is bagalakirik zo grupeyer, tota
pendant la guerre une petite fortune, qu’il espérait drikon puon zo odiayar. Viele butcara va ebeltik zo
augmenter aux dépens des Anglais. Force lui fut kopouyur, ise kontan soe djuksubeyer, osk va pitcara
d’offrir ses services à de pacifiques négociants ; et, ke francaf liomikeem gonedobeyer, batse drikacacka,
comme il était connu pour un homme de résolution et voxosk va englaf toteem godivvawayar, banse
d’expérience, on lui confia facilement un navire. esacapa, bam Ledoux redakik di vanpiyir tciamik mu
Quand la traite des nègres fut défendue, et que, pour yon butcasik va vaptinta.
s’y livrer il fallut non-seulement tromper la vigilance
des douaniers français, ce qui n’était pas très-difficile,
mais encore, et c’était le plus hasardeux, échapper
aux croiseurs anglais, le capitaine Ledoux devint un
homme précieux pour les trafiquants de bois d’ébène.
L’Espérance partit de Nantes un vendredi, comme Darekeon. Ba lan teveaviel inde jontik broyesik
le remarquèrent depuis des gens superstitieux. Les batvielu di katcalad, Espérance tota va Nantes
inspecteurs qui visitèrent scrupuleusement le brick ne mallapir. Liomaf kodisukesik va brick wegayeson
découvrirent pas six grandes caisses remplies de worad voxe va tevoy yultap kotraf gu roda is koxol is
chaînes, de menottes, et de ces fers que l’on nomme, bat busum yoltkiraf gu malyerotafa obla ( me grupé
je ne sais pourquoi, barres de justice. Ils ne furent dume man trogarn ) me kosmad. Granafa eksa dem
point étonnés non plus de l’énorme provision d’eau lava burena gan Espérance va sin milinde me gevar,
que devait porter l’Espérance, qui, d’après ses beka tota, sedme intaf eluxaxeem kal Senegal anton
papiers, n’allait qu’au Sénégal pour y faire le fu lapir, ta kazara va inta is wula. Koyara sometir
commerce de bois et d’ivoire. La traversée n’est pas abrotcifa, tire, vexe ae xelkararsa somerodasar.
longue, il est vrai, mais enfin le trop de précautions, Debalon ice vumelte, tokkane a lava romoblit ?
ne peut nuire. Si l’on était surpris par un calme, que
deviendrait-on sans eau ?
Alors Tamango ne demanda plus qu’un verre Bam Tamango va tanoy galemacek ke lavajeb ika
d’eau-de-vie pour chacun des dix restants. Ledoux kot arakik anton imaxur. Ledoux under da rumeik va
réfléchit que les enfants ne paient et n’occupent que rundacku koe sanef diremuk anton doder ise kereler.
demi-place dans les voitures publiques. Il prit donc In va baroy velik kle narir ; vexe dakter da va kon lof
trois enfants ; mais il déclara qu’il ne voulait plus se ebeltik mea djuvajuler. Tamango, wison da peroy
charger d’un seul noir. Tamango, voyant qu’il lui levetirik deneon wan zavzagid, va zelt ebidur aze va
restait encore sept esclaves sur les bras, saisit son taneafa ayikya kulmer : tir gadikya ke bat baroy
fusil et coucha en joue une femme qui venait la rumeik. « Lustel, ~ ino pu batakik kalir, ~ oke va ina
première : c’était la mère des trois enfants. — atá !! ika galemacekam ke lavajeb oke viltá !!»
« Achète, dit-il au Blanc, ou je la tue ; un petit verre « Lexe, icde inya va tokcoba gestil da rotaskí ?
d’eau-de-vie ou je tire. — Et que diable veux-tu que ~ Ledoux dulzer. » Tamango ve viltar nume levetirik
j’en fasse ? » répondit Ledoux. Tamango fit feu, et mo sid luber, xonukeyes. « Tetce ! Va ar, ~ Tamango
l’esclave tomba morte à terre. — « Allons, à un autre, diviegar, kulmeson va apcanyeckese guazikye :~ ika
s’écria Tamango en visant un vieillard tout cassé : un galemacek ke lavajeb, oke… » Tan yerumanik va
verre d’eau-de-vie, ou bien… » Une de ses femmes lui inafa ma danter nume vilt xuyavon malnir. Inya va
Cependant le capitaine dit adieu à Tamango et Wori redakik va Tamango donekiavar aze viunsur
s’occupa de faire au plus vite embarquer sa da inaf dolekseem cugon kalion zo kototar. Jontikedje
cargaison. Il n’était pas prudent de rester longtemps zavzagira moe bost sotir meproyaca, lecen kona
en rivière, les croiseurs pouvaient reparaître, et il enintesa tota betviele gin rotawir, batdume in
voulait appareiller le lendemain. Pour Tamango, il se direvielon djudimgondar. Tamango, ino, mo werd
coucha sur l’herbe, à l’ombre, et dormit pour cuver senyar, lev izga, aze keniber nume va lavajeb ilwir.
son eau-de-vie.
Ledoux fut surpris de le voir, mais encore plus de Wison va ino, Ledoux zo akoyer, vexe ware loon
l’entendre redemander sa femme. « Bien donné ne se viele va yerumanik mbi dimerur. « Ziliks zo
reprend plus, » répondit-il ; et il lui tourna le dos. Le somedimnarir, ~ dulzer aze genedir. » Ebeltik
noir insista, offrant de rendre une partie des objets karaker, firvison da va pak ke plekeem kazawayan
qu’il avait reçus en échange des esclaves. Le ika levetirik dimbildeter. Redakik toz kiper, kalir da
capitaine se mit à rire, dit qu’Ayché était une très- Ayché tir listapikya nume zo djusur. Bam kimtafo
bonne femme, et qu’il voulait la garder. Alors le Tamango ikuzapar ise kranaveson kizoyur dum kon
pauvre Tamango versa un torrent de larmes, et sik nubaropes. Onton moe azeba krafur, rozason va
poussa des cris de douleur aussi aigus que ceux d’un abegafe Ayché ; onton va intafa taka kev azeb
malheureux qui subit une opération chirurgicale. dendar dumede djukukser. Dure vurkaf, redakik,
Tantôt il se roulait sur le pont en appelant sa chère nedison va domega, sugdavar da ino berde
Ayché ; tantôt il se frappait la tête contre les gomallanir ; vexe Tamango linver. Va intaf moavayaf
L’interprète expliqua ce qu’était ce terrible Mama- Kalavasik dizver dacoba bato eaftafo Mama-Jumbo
Jumbo, dont le nom seul produisait tant d’horreur. tir, ise bat yolt va relkucapa sodakir.
« C’est le Croquemitaine des nègres, dit-il. Quand un
mari a peur que sa femme ne fasse ce que font bien — Ino tir Oretlik ke ebeltikeem, ~ kalir. ~ Viele
des femmes en France comme en Afrique, il la yerumanikye kivar da yerumanikya va coba askina
menace du Mama-Jumbo. Moi, qui vous parle, j’ai vu gan ayikya koe Franca lidam Afrika rotaskir, pune va
le Mama-Jumbo, et j’ai compris la ruse ; mais les ina gu Mama-Jumbo dratcer. Jin, pulví, va Mama-
noirs…, comme c’est simple, cela ne comprend rien. Jumbo al wí, nume va beya al narú ; vexe ebeltik…
— Figurez-vous qu’un soir, pendant que les femmes larde batcoba opelafa, somevangruper.
s’amusaient à danser, à faire un folfar comme ils
disent dans leur jargon, voilà que d’un petit bois bien » Gestic, lansielon edje ayikya gibestuteyed,
touffu et bien sombre, on entend une musique askison va folfar inde kan sinafa ludega kalid, mal
étrange, sans que l’on vît personne pour la faire ; vafi is orikafi mikacimi, divulafa lexa zo gilder, teka
tous les musiciens étaient cachés dans le bois. Il y kon askisik rowin batlize tigir ; kot lexusik koe mikaci
avait des flûtes de roseau, des tambourins de bois, va int al preyutayad. Tigiyid : edgardaval is taugot
des balafos, et des guitares faites avec des moitiés de kum inta is brunga is tasila kum finyegeacku. Kota
calebasses. Tout cela jouait un air à porter le diable batcoba va evluba stasa va oretlik mo sid zirseyer.
en terre. Les femmes n’ont pas plus tôt entendu cet Batvielu ayikya va bata evluba gilded, pune toz
air-là, qu’elles se mettent à trembler ; elles veulent skotcad ; djuyated, vexe yerumanik kagid : sina va
se sauver, mais les maris les retiennent : elles coba van oblaka grupeckeyed. Batakafa volapa va
savaient bien ce qui leur pendait à l’oreille. Tout à mikaci vere divnir, i ontinafa dum minaf perroquet
coup sort du bois une grande figure blanche, haute norisk, dem taka pwertafa dum miluntam is kota ita
comme notre mât de perroquet, avec une tête grosse mantafa dum ekastak is gariza dum tela ke oretlik
comme un boisseau, des yeux larges comme des dem koeon tey. Batcoba vion, viapon niyir ; aze art
écubiers, et une gueule comme celle du diable avec anton tanoyu encablure solumacku vukiyir. Ayikya
du feu dedans. Cela marchait lentement, lentement ; iegayad : « Batse Mama-Jumbo !» Dum orekdolesik,
et cela n’alla pas plus loin qu’à demi-encablure du ijeyed. Bam yerumanik kaliyid : « Benje, facilik, kalic
bois. Les femmes criaient : « Voilà Mama-Jumbo ! » kase al tic utcoraf !! Ede rotuxac, Mama-Jumbo
Elles braillaient comme des vendeuses d’huîtres. batlize tigir nume va win zakackon estutur. » Konaka
Alors les maris leur disaient : « Allons, coquines, tiyid opelapafa nume kowelidayad ; battode
dites-nous si vous avez été sages ; si vous mentez, yerumanik kaikalieyed.
Mama-Jumbo est là pour vous manger toutes crues. »
Il y en avait qui étaient assez simples pour avouer, et
alors les maris les battaient comme plâtre. »
— « Et qu’était-ce donc que cette figure blanche, — Vexe, tokcoba bata batakafa vola tiyir, bato
ce Mama-Jumbo ? » demanda le capitaine. Mama-Jumbo ? ~ redakik erur.
— « Eh bien, c’était un farceur affublé d’un grand — Kle, tiyir lionasik dem batakaf dualtap, diskis
drap blanc, portant, au lieu de tête, une citrouille ika taka va suxayana sariala, is dem runkafi raki arte
creusée et garnie d’une chandelle allumée au bout peyapa. Batcoba me tir lovepokafa, voxe abica
d’un grand bâton. Cela n’est pas plus malin, et il ne sugara ta ebidura va ebeltik gotir. Acum, Mama-
faut pas de grands frais d’esprit pour attraper les Jumbo tir ganduksany ise co-albá da jinaf kurenik co-
noirs. Avec tout cela, c’est une bonne invention que folir.
le Mama-Jumbo, et je voudrais que ma femme y
crût. »
— « Pour la mienne, dit Ledoux, si elle n’a pas — Tel jinaf, ~ Ledoux kalir, ~ va Mama-Jumbo me
peur de Mama-Jumbo, elle a peur de Martin-Bâton ; kivar, voxe va Peya-Martin craker ; ison gruper inde
co-vanvú ede va jin co-randayé. Dene Ledoux yasa
La nuit, lorsque presque tout l’équipage dormait Mielon, edje cugote drigikeem kenibeper, anamsus
d’un profond sommeil, les hommes de garde birelik va skulbaf is fawokaf is krijaf dank mal
entendirent d’abord un chant grave, solennel, azebacku taneon gilded, az va aklon vucafe ie ke
lugubre, qui partait de l’entre-pont, puis un cri de ayikya. Kreme, vogadasa is dratcesa pwertafa puda
femme horriblement aigu. Aussitôt après, la grosse ke Ledoux, is lorara ke inafa eaftafa usta, koe kotafa
voix de Ledoux jurant et menaçant, et le bruit de son tota tauled. Moion, kotcoba gin tuamlitawer.
terrible fouet, retentirent dans tout le bâtiment. Un Direvielon, Tamango, dem wanieyena vola vox
instant après, tout rentra dans le silence. Le lidoklafa tiva, is elvafo lion dam darevielon, mo azeba
lendemain, Tamango parut sur le pont la figure awir.
meurtrie, mais l’air aussi fier, aussi résolu
qu’auparavant.
Il parut enfin sur le tillac, affectant un calme qu’il Mo azeba adim awir, vanklason va mesatolena
n’éprouvait pas. Pressé par cent voix confuses de vumeltuca. Xuvano gan decemoya gojafa puda enide
diriger la course du vaisseau, il s’approcha du va lapira ke tota di vodjur, va boweroy vanlanir,
gouvernail à pas lents, comme pour retarder un peu viaboron, dumede va gemelt goratas va divatce ke
L’eau-de-vie restait. Au moins elle fait oublier et la Lavajeb zavzagir. Icle askir da bira is levetiruca is
mer, et l’esclavage, et la mort prochaine. On dort, on sokitisa awalkera zo ilgruped. Kottan keniber, va
rêve de l’Afrique, on voit des forêts de gommiers, des Afrika klokar, va brufendaalxo ik baplaxe ik cabda
cases couvertes en paille, des baobabs dont l’ombre askisa va izga besasa va varafa wida, wir. Sin dum
couvre tout un village. L’orgie de la veille eldeon gin draed. Konakvielon milinde tiskid. Iera is
recommença. De la sorte se passèrent plusieurs borera is solimpara va usuk az tuizakawera az
jours. Crier, pleurer s’arracher les cheveux, puis kenibera : sinafa blira tir mana. Konaktan ulirson
s’enivrer et dormir, telle était leur vie. Plusieurs awalked ; konakar ko bira estobad oke va int