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- 1995, quand la France s'éveillera ... -


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DECADAIRE
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par Bernard Lugan CJ L'exclusion de l'Esprit
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pa~ Jacques Houbart C] Les derniers romans
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courtois par Nicolas Bonnal O Et les vœux de
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BEHàADG
Lettres de chez nous
MAUVAIS ce qui suppose un vrai
dialogue avec les immi-
Excusez ma franchise : grés (pas les casseurs,
cette fois, j~ vous ai les dealers et les faux
trouve mauvais (n° 53) ! réfugiés, bien sûr).
Réfuter BHL ? Cinq mois, c'est court.
Quelqu'un qui vous lit a 11 faut sûrement cisai1Jer
quoi à faire de ce pan- quelques rubriques
tin ? La gargote politi- dont Je charme se fane
cienne vous fait tou- inexorablement. Mais,
jours saliver ? Bien fait : après tout, pour un
Delors se tire. Le temps "casse-cou I" combien
de sortir Je journal et de "bravos !" ?
vos canons de marine Et si vous étiez dans Je MA JEUNESSE••• à la gloire de nos années.
écraboui1Jent une vrai, apnfs tout. .. ? Je suis abonné depuis un Je me fais un plaisir de
ambulance. La Pologne S.L Marseille certain temps au Libre vous les envoyer, sachant
a toujours vécu sous Jaumal que j'apprécie que vous, ou notre ami
deux menaces : l'Alle- RETOUR A LA CASE beaucoup. La page que je Alain Sanders, apprécie-
magne et la Russie. DEPART lis en premier est celle rez ces souvenirs.
Votre "Stratégies" n'est Chirac appelle la gauche qui concerne la guerre de G. BParis
pas un scoop .. . à son secours. Le 1914 carje revis ma jeu-
BEH et ADO .. . : Longuet "Brandt" français se nesse. J'ai toujours appré- CONSEILS
Je gag. D'accord avec découvre. Il avait cié Je maréchal Pétain car De tradition catholique, je
Lugan : les Serbobol- démarré en politique à je me souviens bien que n'ai pas vu un seul livre
cheviques sont une stu- J'UJRf' (Union des Jeu- les Allemands qui, en de ce genre proposé dans
pidité ... mais parler de nesses républicaines 1870, avaient pris l'Alsa- votre page "C'est à lire".
victoire serbe n'est pas françaises), groupement ce-Lorraine, disaient "Cet- Pourquoi n'avoir pas parlé
malin. Serbes et gauchiste. Il avait mené te fois nous annexerons du "Manuscrit du Saint
Croates devraient cher- campagne avec, comme le Pas-de-Calais". Votre · Sépulcre", de "Thérèse et
cher, de bonne foi, des oiseau-pilote, le père journal me plaît beau- Lisieux", des "Evangiles"
frontières cohérentes ... Boi-y, président du coup et, à l'occasion des d'André Frossard, de
C'est compliqué, c'est MODEf' (Mouvement de fêtes de Noël, je vais Je "Prier avec Mère Thérésa",
dur de quitter sa terre défense de l'exploitation faire découvrir à mes de "L'Homme et la reli-
natale mais les mas- familiale), groupement petits-enfants. Peut-être gion" de J.f'. Catalan chez
sacres n'arrangent que communiste inventé par s'abonneront-ils ? DDB, de "Jésus, l'histoire
les photographes de Jacques Duclos, Je vraie" de Jean Potin (Cen-
presse. mitron communiste. MON PERE••• turion), de "Jean-Paul II"
Libre Journal, vous Et depuis, à Paris com- Je lis avec beaucoup par Alain Vircondelet ?
avez cinq mois pour : me ai1Jeurs, il a toujours d'émotion votre page sur Pourquoi négliger les cas-
1) démasquer les vrais favorisé la gauche, la guerre de 1914-1918. settes vidéo comme "Le
faux adversaires de démoli la vraie droite Merci de nous faire dialogue des carmélites"
"cette-Europe-là", c'est- (les députés f'N en 86) connaître de tels écrits. ou les disques comme
à-dire ceux qui veulent et subventionné les Quelle belle âme possé- "Le chœur d'enfants de la
en sortir tout en y res- mouvements gau- dait ce Poilu ! Mon père, maîtrise de la cathédrale
tant; chistes, communistes né en 1898, avait conser- de Dijon chante Noël" ?
2) rendre impossible la (COT) et autres. vé des insignes que l'on Joyeuses fêtes !
supercherie du racisme, j.O'BLILLE vendait pendant la guerre P.E. Paris

Abonnement
1 an 600 Frs,
àSDB,
139 boulevard de
Magenta 75010 Paris
42.80.09.33
(

Editorial
Ça tombe bien !

inistre chiraquien en détention préventive, ministre balladurien en disgrâce

M judiciaire, député mitterrandien en fuite, sénateurs communistes en prison,


on se demandait jusqu'où irait l'insolente impunité du Front national
Quoi ? Pas un seul inculpé parmi ces pelés ?
Quoi ? Pas un juge d'instruction mandaté contre ces galeux ?
Cela devenait dangereux. Imaginez qu'ayant à choisir entre mafias et parias, les
Français se décident pour les seconds !
Ce n'était évidemment pas tolérable.
Et comme dirait Pasqua, cela n'a pas été toléré.
Deux jours durant, donc, à la «Une» de toute la presse écrite et dans toutes les
éditions des journaux radiodiffusés et télévisés, on a donné en quadriphonie le
« Grand Air de la Calomnie »
« Redressement fiscal pour Jean-Marie Le Pen ».
Au moment où la cote de l'intéressé est en hausse dans tous les sondages, ça ne
pouvait pas mieux tomber.
En plus, l'administration fiscale refusant toute information et l'accusé, aux
antipodes, ne pouvant pas répliquer, on ne s'est pas brossé pour écrabouiller la ·
fameuse «présomption d'innocence» dont les autorités morales nous canulaient
voilà un mois.
Y avait urgence
Bien sûr, les sommes en cause n'atteignent pas le millième des emprunts non-
remboursés et amendes fiscales de Tapie ; même pas
le prix payé par Roussin pour sa propriété avec piscine à Saint-Tropez ; pas non
plus le loyer annuel vrai du somptueux appartement du Faubourg Saint-Germain
que les fournisseurs de la Ville de Grenoble prêtaient gracieusement à Carrignon ; à
peine de quoi refaire la garde robe de Michel Noir.
Mais l'essentiel, c'est de jeter le trouble dans les esprits. Et pour cela, il suffit de
saucissonner la désinformation.
On n'a donc pas dit que ce redressement porte, non pas sur une dissimulation mais
sur une différence d'évaluation entre contribuable et administration comme il s'en
produit soixante dix mille par an en France...
On a tu que ce redressement est contentieux et pas frauduleux la preuve étant
qu'amendes et indemnités de retard représentent à peine la moitié de la somme en
cause. On a caché, enfin, que les faits incriminés remontent à 1978 et que deux
amnisties fiscales sont intervenues depuis.
Quinze ans pour sortir un faux scandale de plus contre Le Pen, c'est minable.
D'habitude, avec les pourriticiens de la bande des quatre, l'assiette au beurre est
moins rancie.
SdeB

LE LIBRE J OURNAL page 3 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 6


JEU
Au « hit-parade »
- _ des « bookma-
~ kers », les paris sur
Autres
la date de l'élection présiden-
tielle. L'éventualité d'une
démission anticipée du prési-
dent pour raison de santé est
L'acquittement de "Rachid"
donnée à cinq contre un. Et répond à une stratégie du repli élastique
ce, alors que les )!rançais
sont huit sùr dix à penser
que Mitterrand tiendra jus-
qu'en mai.
antillais sont, eux, appelés chancellerie ... Dès le début,

L
a famille de la vie-
PERLE « t·1me a d-u qw·tter des « oncles Tom » et les il était clair que le tribunal,
Stasi, interrogé sur Je palais de justi- policiers des« babylones »). dans l'intérêt supérieur de
ti,_ l'attitude de Mitter- ce sous la protection de la Une victoire de plus. car, l'ordre public, acquitterait
~ rand qui, dans le Police ». Ce commentaire ce n'est pas la première fois Rachid plutôt que de
scandale Halphen, a bloqué d'un journaliste de télévi- que des allogènes, auteurs prendre le risque de déclen-
la manœuvre dilatoire visant sion à propos de l'issue du de violences, d'agressions, cher les émeutes dont cer-
à écarter le magistrat instruc- procès de Stains où la justi- voire de meurtres contre tains « amis » du prévenu
teur de l'enquête sur les pots- ce jugeait un voyou arabe des Français de souche avaient clairement menacé
de-vin des HLM de Paris qui accusé d'avoir, par ses bénéficient de la clémence les autorités. »
menace gravement les caïds lllenaces et ses coups, pro- des tribunaux. Cette politique du « repli
RPR de la capitale : « le pré- voqué la mort d'une boulan- L'explication en est élastique » qui, trop sou-
sident de la République n'a gère qui défendait son fils d'ailleurs donnée tout uni- vent, épargne aux assas-
pas d'arrière-pensées politi- handicapé, est passé totale- ment par les juges. Il s'agit sins, aux délinquants et aux
ciennes». ment inaperçu. « de ne pas prendre le ris- voyous étrangers les sanc-
Faut oser! Et pourtant, il montre ce que de susciter des troubles tions qui devraient les frap-
que fut réellement l'am- par des décisions qui ne per n'est pas nouvelle; Les
BARRE IRA biance de ces aùdiences s~raient pas comprises ». exemples en sont surabon-
Barre est absolu- qui se sont achevées, com- Un magistrat de très haut .dants.
- _ ment convaincu ,me _on sait, par l'acquitte- grade explique en privé, En ·avril 1989, arrestation
~ que la défection de ment de Rachid. sous couvert de l'anonymat: de la bande des "Requins
Delors et l'implacable guerre La fille de la boulangère « Si le dénommé Rachid Vicieux". Ces « zoulous »
Balladur-Chirac lui ouvrent l'a raconté à la sortie de la avait été jugé en correction- reconnaissent sept viols col-
un boulevard menant tout dernière journée : Rachid, nelle par des magistrats pro- lectifs racistes sur jeunes
droit à l'Elysée. En privé, il l'accusé, que l'on avait vu f essionnels, il aurait certai- filles mineures. Ils seront
ne cache pas que sa décision pleurer à grands bruits pen- n em en t été condamné. acquittés.
de se présenter est irrévo- dant son interrogatoire et Peut-être avec sursis, mais En mai 1989, un agent
cable. manifester le plus grand condamné. En le faisant de sécurité de la RATP est
repentir devant la partie civi- comparaître devant les grièvement blessé à coups
SOUTIEN le, est redevenu, dès assises, on a littéralement de cutter en défendant une
Ce que Barre l'annonce de son acquitte- truqué le dossier. D'une jeune femme agressée.

J cache, en revanche,
c'est qu'il bénéficie
du soutien de Mitterrand qui
ment, la petite frappe arro-
gante et ricanante qui avait
mortellement terrifié la bou-
part, en dramatisant en C'est lui qui se retrouve en
apparence l'affaire, ce. qui a, prison. Aveuglé par le coup
dans un premier temps, de lame, il avait, pour se .
voit dans cette candidature langère, accumulant les apaisé la partie civile, dégager, utilisé son arme de
une torpille dirigée aussi bras d'honneur et les d'autre part, en feignant de service. La légitime défense
bien contre BalLadur que menaces à peine voilées en livrer la décision à un jury n'est pas reconnue en rai-
contre Chirac. Et quand on direction de la famille pétri- populaire, ce qui semble son de la « disproportion de
parle de soutien, ce n'rst pas fiée par le verdict. décharger l'autorité publi- la riposte '(arme à feu) à
seulement sur le plan C'est que, toutes les par- que de tout soupçon de clé- l'attaque( arme blanche) ».
moral ... Entre autres faveurs, ties en sont conscientes, cet mence calculée, alors que, Le 26 septembre 1989,
Barre sera en janvier l'invité acquittement est une véri- chacun le sait, nul n'est un jeune Français de Bobi-
d'Anne Sinclair qui n'a table victoire .dans la guerre plus malléable qu'un tel gny est tabassé et laissé
jamais rien eu à refuser à civile que la pègre immigrée jury, ignorant le code, pour mort. Sa famille porte
Mitterrand. ne se cache pas de mener impressionné par l'apparat plainte. On lui intime de se
contre les« fromages», ainsi judiciaire et qui, isolé dans rétracter afin de ne pas pro-
MARIONNETTE que l'on appelle les Fran- la salle des délibérations, se voquer de troubles dans la
- _ Si son inéligibilité çais de souche et de race trouve face à un président rue. Elle refuse. En quaran-
~ est confirmée, blanche dans les ghettos de et à ses deux assesseurs te-huit heures, elle est chas-
Tapie enverra son l'immigration (les Français tenant leurs ordres de la sée de son domicile. Aucu-
propre frère Jean-Claude se
LE LIBRE JOURNAL page 4 N° 55 D U 30 DÉCEMBRE 1994 ~
Nouvelles présenter ·« en son nom » à la
mairie de Marseille.
Et pourquoi pas à la prési-
dentielle?

POUIAIN
ne sanction ne sera prise par le magistrat instructeur. Le 17 novembre 1991, à ti,_ Ouvertement, Mit-
contre les agresseurs. Le père de l'enfant se suici- Orgemont : un ·gang de ~ terrand affirme à
En octobre 1989, à Ver- de. La famille, harcelée par ,, zoulous" saccage tout un qui veut l'entendre
sailles, un Africain viole une le violeur et ses amis, est quartier. Des Français ten- qu'il existe « un socialiste qui
jeune fille de 22 ans. La contrainte de déménager, la tent de résister. Ils seront a une stature de présiden-
condamnation exclut toute police refusant d'assurer sa arrêtés. tiable pour peu qu'il veuille
peine de prison. Elle se limi- sécurité. Le 23 décembre 1991, à bien se tenir au dessus des
te à une amende de trente Le 26 mars 1991, à Sar- Redon : un couple de Fran- partis». Mais curieusement,
mille francs et à deux ans trouville : lors des émeutes, çais est attaqué à la tron- il refuse de préciser le nom
d'interdiction de séjour. Le le maire, Laurent Wetzel, est çonneuse par des Turcs qui de ce merle blanc.
condamné étant insolvable attaqué péJ.r des beurs. le croyaient s'en prendre à Charasse, le roquet de Ton-
et insaisissable, aucune de Préfet refuse catégorique- l'un de leurs congénères, . ton, connait la réponse: c'est
ces deux peines ne sera ment de donner l'ordre à la réfractaire à un racket. Iden- devant Pierre Joxe qu'il fait
réellement appliquée. police d'intervenir. Aucune tifiés, les agresseurs ne le beau.
Le 31 octobre 1989, à interpellation. seront pas arrêtés. Joxe, président des Français.
Avignon : Françoise Com- Le 30 mars 1991, à Le 7 juin 1992, le centre C'est Staline qui serait
bier est assassinée à coups Angers : François Lebreton commercial d'Argenteuil est content à titre posthume.
de couteau par un Algérien. est agressé par une bande saccagé. Cent cinquante
Il sera condamné à la peine ethnique. Il mourra à la fin casseurs sont interpellés. CONCOURS
minimale, 5 ans. Cette clé- de la poursuite. Ses agres- Un seul sera inculpé. Le plus heureux de
mence sera justifiée officiel-
lement par l'appartenance
politique du mari de Fran-
seurs n'ont pas été inquié-
tés.
Le 4 -mai 1991, affaire
Lel4 juin 1992 à Dreux,
une famille française est
chassée de chez elle à
J cette éventualité,
c'est Robert Hue,
ectoplasme communiste : « Si
çoise Combier, militant au de la boulangère de Stains. coups de coktail molotov. ça se joue au sourire, répète-
Front national Acquittement de l'agresseur. Aucune arrestation. t-il, on verra la différence
Le 20 janvier 1990, à En juin 1991, une gami- En janvier 1993, à Hau- entre Joxe et moi. »
Coulommiers, trois Français ne de 16 ans est violée mont : une famille qui a por- C'est un concours de beauté
sont grièvement blessés durant des heures par sept té plainte parce que leur entre la créature de Franken-
dans une agression. L'un "jeunes'. Sa mère qui a osé fille de 1 7 ans avait été stein et le nain Timide ?
d'eux est à demi-égorgé. A porter plainte recevra des enlevée, violée et torturée
l'hôpital, leurs agresseurs menaces de mort dont la du 29 décembre au 2 jan- CHACUN SON TRUC
viennent les traquer pour police refusera de prendre vier par 7 màghrébins est Idée géniale de
les achever. La police inter-
vient mais refuse d'arrêter
leurs tortionnaires " faute de
note.
Le 1 7 juillet 1991, à
Dreux : Christine Digne, atta-
harcelée sans · réaction offi-
cielle.
En octobre 1993, à
J l'Etat major électo-
ral de Chirac :
revendiquer pour lui l'exclu-
preuves». quée par plusieurs beurs, Romainville: une Française sivité de l'héritage gaulliste
En février 1990, à Aix-en- ose se défendre. C'est elle est brûlée vive par une et souligner combien Balla-
Provence : une famille espa- qui sera condamnée. Maghrébine. Cette dernière, dur s'inscrit dans la tradition
gnole est chassée de chez Le 16 août 1991, une arrêtée, sera remise en pompidolienne.
elle par des maghrébins. Parisienne est attaquée chez liberté. Voilà qui va être déterminant
Aucune poursuite. elle par deux arabes qui ten- En Juin 1994, à Evry : la pour les électeurs de moins
En mai 1990, trois tenta- tent de l'étrangler et de la sinistre bande des Pyra- de trente ans ...
tives d'attentat par arme à violer. La police qui, appe- mides, qui n'avait pas été
feu sont perpétrées contre lée par une voisine, a mis inquiétée en 1992 lors- FRERES
le conseiller municipal F.N. plus de vingt minutes à qu'elle avait enlevé, violé et ti,_ Chirac ne joue pas
, de Vallauris, Robert Crépin. intervenir, refuse d'abord torturé durant une semaine ~ seulement la
Les coupables, identifiés, d'enregistrer la plainte, puis une gamine de 15 ans, gauche.Il compte
sont laissés en liberté. prétend interpeller le mari s'illustre encore en agres- aussi sur les Loges. Son
Le 14 août 1990, à Cla- qui manifeste trop bruyam- sant à la barre de fer un « communicateur » pour la

mart : racket et tentative de ment son indignation. Enfin, policier . Toute la bande est campagne sera François ·
viol sur une jeune fille de la victime ayant identifié ses remise en liberté. Baroin, fils de Michel
19 ans. La police refuse agresseurs sur un " trombi- Tous ces faits, la liste Baroin, grand caïd du Grand
d'arrêter les coupables. noscope », les policiers , n'étant pas, hélas, exhausti- Orient de France, décédé
Le 4 septembre 1990, à tous adhérents d'un syndi- ve, se sont déroulés en voilà quelques années dans
Châlons-sur-Marne : Wilfried, cat socialiste, refusent caté- France. Chez nous. Enfin, un étrange accident
9 ans, est violé par Moham- gori qu em en t d'organiser chez nous, pour combien
med. Ce dernier est libéré une confrontation. de temps? 0

LE LIBRE JOURNAL page 5 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 6


Nouvelles
DERRIERE LE PEN ?
Un des motifs du
- - spectaculaire glisse-
~ ment à gauche du
discours chiraquien réside
dans les sondages privés qui,
de plus en plus, font Etsi le GIGN
craindre au maire de Paris,
dont la cote baisse chaque
avait aussi libéré nos esprits
jour, de se i:~trouver derrière
Le Pen dont, au contraire,

L
l'image est en très nette haus- a retenue osten- est à la fois le but premier mes décidés, réduisaient
se. sible avec laquelle et le principal sujet de tribus de pirates, et bandes
Edouard Balladur, satisfaction du combattant. de pillards.
REQUINQUÉ Charles Pasqua et les Cette tiédeur, pour ne Nos gendarmes d ' élite
Les spécialistes ana- divers membres du gouver- pas dire cette réticence, rappellent, ce qui n'était

J lysent ce nouvel
« effet Le Pen »
comme une conséquence
nement ont commenté
l'épilogue littéralement
miraculeux de la prise
révèle en tout cas que la
classe politique, au moins
dans ses représentants les
évidemment pas prévu,
que le soldat blanc, disci-
pliné, formé, armé, déter-
inattendue de l'opération d 'otages de l'Airbus d'Air plus pervertis, est comme miné est en toutes circons-
« silence » qui, en écartant le France le révèle : ces spé- saisie d'une sorte de verti- tances supérieur à la meu-
leader de la droite nationale cialistes de la psychologie ge devant cette victoire te chaotique et hurlante
des écrans, des micros et des des foules, ces virtuoses qu ' il va falloir à présent des barbares. Leur exem-
colonnes des journaux pen- de la manipulation média- "gérer". ple est donc fondamentale-
dant près de trois ans, lui a tique ont compris que cet- Que se passe-t-il en ment en rupture avec le
restitué une sorte de « virgi- te affaire allait avoir dans effet? discours "politiquement
nité» dans l'opinion en effa- l'inconscient collectif un D'abord, l'action des correct" et "révolutionnai-
çant le souvenir des cam- retentissement qui n'est hommes du GIGN a indis- re" qui prévaut depuis des
pagnes de harcèlement pas près de s' apaiser et cutablement réveillé un années et qui tend à exal-
menées dans les·années pré- dont la classe politique sentiment de fierté nationa- ter la "juste lutte" de toute
cédentes. consensuelle, si elle n'en le que des années de dis- une pouillerie tiers-mondis-
mesure pas encore exacte- cours lénifiants et autofla- te et à rabaisser les valeurs
EN DOUCEUR ment la nature et la force, gellateurs avaient endormi. traditionnelles de l ' Occi-
- - En outre, la cam- pressent le caractère révo- - -- - - - - dent.
~ pagne « soft » inau- lutionnaire. Le soldat blanc, Les hommes en noir du
gurée avec l'affiche C'est sans doute ainsi discipliné, commandant Favier ont
montrant Jean-Marie Le Pen qu'il faut interpréter l'éton- forme, armé, montré aux Français qu'ils
et son épouse, et le style très nante réaction de Nicolas déterminé savent encore être, malgré
souriant et détendu que le Sarkozy, porte parole du est en toutes tout, malgré des décennies
président du Front national a gouvernement qui, interro- circonstances d' humiliation, un peuple
donné à ses dernières inter- gé sur ce "succès" , a ré- ~uj)érieur guerrier.
ventions, notamment dans pondu : "Ce n'est jamais a fa meute Et cela ne s'oubliera pas
« l'heure de vérité » et dans un succès quand il y a chaotique de si tôt.
l'émission de Christine mort d'homme." et hurlante Le deuxième aspect de
Ockrent où il a ridiculisé en Propos stupéfiant puis-, des barbares cette affaire, c'est que,
douceur Philippe Alexandre, qu'aucun sauveteur, aucun pour la première fois
rendu muet et Serge July, otage n'ont perdu la vie et Les hommes du corn- depuis bien longtemps ,
pétrifié, a semble-t-il des que les hommes qui sont mandant Favier rejoignent, l'ennemi est clairement
effets très positifs . morts étaient des terra- dans l'inconscient national désigné comme un mé-
ristes assassins qui n'ont (au moins dans ce qui en chant indiscutable et incon-
EFFET D'APPEL reçu que le juste prix de reste) les grandes figures testable et non pas, corn-
- - Quoi qu'il en soit, leurs crimes. de l'épopée héroïque colo- me c'était le cas avec les
~ tous les sondages En outre, la mort leur a niale et guerrière. Leur ges- terroristes marxistes corn-
privés et les été donnée, non pas de te, par son efficacité, par me une sorte de bienfai-
enquêtes RG promettent à le sang froid, dans un proces- sa rapidité, par sa précision teur de l'humanité, égaré
Pen un résultat supérieur à sus d'élimination volontai- "chirurgicale" et même, par son amour excessif de
celui de sa dernière candida- re ou de vengeance mais disons le mot, par son élé- la justice sociale.
ture à l'election présidentiel-· au cours d'un épisode gance, s'inscrit dans la Pas une seule "autorité
le. Quant aux sondages off- guerrier. mémoire collective au côté , morale" n'osera, à I' éviden~
ciels, ils donnent aussi des Or, et il est consternant des exploits des héros mili- ce, se faire l'avocat des
résultats tellement inattendus que l e multiministre de taires de notre enfance, de tueurs islamistes comme
que la plupart des instituts M.Balladur l'ignore, dans la ces conquérants qui, à la eertaines se firent naguère
sont contraints de les modi- guerre, la mort de l'ennemi tête d'une poignée d'hom- les défenseurs des terra- ·
fier avant publication pour,
LE LIBRE JOURNAL page 6 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 <b
du Marigot
confient les sondeurs « ne
pas créer d'effet d'appel» .

MUTILATIONS LÉGALES
Simone Veil ne
- - cache pas son hosti-
ristes gauchistes de la ban- constance,"les islamistes"). siècle de mensonges et de ~ lité à un renforce-
de à Baader ou d' Action Cette fois, pourtant, dix ans de bourrage de crâ- ment des textes réprimant
Directe. l'ennemi est, si l'on ose ne prétendument "antira- les mutilations sexuelles
Le consensus national écrire, presque "trop ciste" (on a pu lire en (excision, -infibulation, cir-
est là-dessus sans faille, et beau". Il est islamiste fana- pages 4 et 5, un article concision). Deux motifs à
quiconque tenterait de le tique, certes, mais pas de significatif sur les consé- cela. Le premier est d'ordre
rompre se trouverait sans ces islamistes exotiques du quences judiciaires incro- confessionnel (la loi ne peut
doute immédiatement au Soudan ou d'Iran avec les- yables de cette situation de pas établir de distinguo entre
ban des médias. quels la France n'a rien de prosternati'on forcée les différentes mutilations).
La troisième conséquen- commun. Non: il est algé- devant l'immigration). Le second est d'ordre poli-
ce touche -au rapport des rien. Pour l'heure, qu'on le tique : Simone Veil craint de
Français a l'immigration Cet aspect de la prise veuille ou non, qu'on s'en susciter de trop vives réac-
maghrébine. d'otages pourrait être le félicite ou qu'on s'en déso- tions au sein de l'immigra-
Effet pervers de l'agita- signal d'une véritable le, "l'Arabe", "!'Algérien" tion africaine.
tion politicienne entretenue catharsis nationale dans est, pour des millions de Il restera donc plus dange-
depuis des mois par laquelle, s'exhaleront les Français, redevenu en reux de prier dans un avor-
Charles Pasqua et ses rancœurs, les éxecrations, quelques minutes et pour toir que de mutiler une fillet-
équipes à des fins de cal- les haines véritables qu'ont longtemps sans doute, te.
cul électoral : nos conci- suscitées un demi-siècle l'ennemi.
toyens, s'ils ont compris d'humiliation dans les rela- Les propos d'Edouard BON CHOIX...
depuis longtemps qu'il tions avec l'ancienne pro- Balladur qui n'a caché ni sa L'immeuble de la
était interdit de manifester
ouvertement un racisme
anti-arabe latent, ont
vince nord-africaine.
Sans le savoir, les
hommes du GION ont peut-
froide colère ni son mépris
pour les politiciens corrom-
pus et incapables d'Alger,
J rue du Dragon
« squatté » par les

SDF de l'abbé Pierre faisait


découvert qu'il était per- être éliminé, en. même et qui n'a pas dissimulé partie de l'important patri-
mis, pourvu de respecter temps que les quatre Algé- qu'il ne les considérait ni moine immobilier de !'Evêché
certains codes de commu- riens du commando, les comme des pairs ni même de Paris, vendu ces dernières
nication, de détester les effets littéralement hypno- comme des interlocuteurs années à la Cogedim pour
musulmans (sous réserve tiques sur le comporte- valables, n'ont d'ailleurs cause de crise f'mancière.
de les appeler, pour la cir- ment national d'un demi- rien fait pour tempérer ce
sentiment. EN GUERRE
CALENDRIERETCARTESDEVŒUX Il est clair que, terroriste W Conflit ouvert entre
islamiste ou gouvernant ~ « Libéra-tion » et le
incapable, l' Algérien a, « Monde». Le pre-
dans cette affaire, été l'en- mier accuse le second de
nemi à vaincre. Soit par débaucher ses journalistes et
et cartes de voeux une diplomatie sans con- le second publie un article

~~ ~5~~"~-·_-. cession allant, chose raris-


sime depuis un demi-
ravageur sur l'échec de la
nouvelle formule du pre-
L'ASSOCIATION FRANC E-RUSSIE (cx-
siècle, jusqu'à la menace mier. Explication: à terme,
Association pour la Russie Libre) édite comme précise, soit par l'élimina- un des deux titres disparaî-
chaque année un calendrier. Pour l'année 199S
elle propose en tirage limlté un calendrier de tion physique pure et tra. Condamné par les
13 reproductions en couleurs de l'illustrateur
russe Ivan BILIBINE ( I876-1942). simple. La leçon ne sera maîtres de la finance qui ne
Il s'agit d'illustrations des contes de la
"vieille Russie~ ; ces dessins sont particulière:
pas vite oubliée. voient pas l'utilité de payer
ment remarquables par leur lrait vif, leurs cou-
leurs chatovantcs el leur atmosphère typique-
Et le fait que cet "enne- doubles gages.
ment russe.· Le style de BILIBINE pourrait être mi" désormais "officialisé"
comparé à ceux de ses wntcmpornins françai s:
HANSI et JOB. L'Association France-Russie occupe le territoire national COINCIDENCE
a comme objectif de favoriser les échanges
entre ces deux pays et de défendre la place aura, dans cette période Le mari de Ghislai-
de la culture traditionnelle française en Russie, notamment auprès de la jeu• électorale toujours porteu- - ne- Ottenheimer,
~ journaliste du Nou-
nesse soumise depuis peu au déferlement des sous-produits de l'industrie "cullu-
rcllc" occidentale (Batman, tortues Ninjas, Dallas, p:>mographic. clC.). F.Jle souhaite se de surenchères, des
soutenir activement le Centre Médiatique Chrétien de la Faculté de Journalisme de
Moscou, clic crée un périodique franco-russe destiné à la jeunesse russe, elle appuie . conséquences qu'il est vel Economiste, qui vient de
tics opérations humanitaires dc.-.tinées à l'enfance. etc.
Prix du calendrier (envoi compris): 135 F; J(XJ F pour les adhérents de l'a~so- encore impossible de publier « La machine Balla-
ciation (adhésion simple: 100 F, membre bienfaiteur: 500 F) . Prix des cartes de
voeux : 40 francs par lots de 4 (illustrations de Bi li bine): Commandes adhésions mesurer. Le quatrième dur, les deux Nicolas », por-
dons et informations complémentaires: Association France-Russic/ARL
BP 1195-16 75764 PAR IS CEDEX 16. Tél: 16 Il) 45 81 2834
effet de cette affaire, c'est trait au vitriol des hommes
l'effondrement de l'édifice de Matignon a été prié de se
1
de préparer à subir une « Vérifie.a-
suite page 8

LE LIBRE JOURNAL page 7 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 6


tiun Approfondie de ·Simatiun
Fiscale» ... L'ouvrage de sa
femme indispose Balladur,
Nouvelles du Marigot
Sarkozy et Bazire.

CALCUL suite de la page 7 et les micros générateurs son alimentation , ses


Fabius,est convaincu propagande mis en place de langue de bois, les sym- mœurs et la conduite des

J que la lenteur avec


laquelle l'instruction
du dossier ~u sang contaminé
depuis quelques mois par
les services de Pasqua en .
vue d'accréditer la fable
pathies, voire les faveurs affaires de la Cité.
et au moins les témoi- Un principe en tout cas
gnages de neutralité bien- que les Français, plus que
avance procède d'un calcul idiote et mensongère qu'il veillante allaient aux jamais, perçoivent comme
politique visant à le mainte- existerait deux islam. L'un "Moudjahidins", aux "com- radicalement étranger et
nir en état de suspicion jus- fanatique et terroriste, battants de la foi" enfer- inassimilable.
qu'aux municipales. l ' autre pacifique et tolé- més dans l'avion d ' Air En clair, il se pourrait
rant. Il suffit de lire le France et prêts à donner bien que les grenades du
QUI PAIE? POURQUOI? Coran, ouvrage d'une gran- leur vie pour la gloire GION n'aient pas seulement
Directeur de « Pré- de brièveté et d'une non d'Allah. déchiqueté les corps d'un
W sent»,Jean Madiran moins grande clarté pour Là encore, sous le dis- commando de fanatiques
~ a lancé, à l'occasion comprendre que les enne- cours officiel des représen- islamiques. Elles ont peut-
d'une réunion de l'Institut d(! mis désignés du musul- tants auto-proclamés de la être démantelé une vieille
Fonnatiun National.à Toulon, man sont le juif et le chré- "communauté musulma- conspiration à base de naï-
une mise en garde solennelle tien, et que l'ambition du ne " retransmis par les veté, de fausse fraternité
contre les journaux vendus vrai croyant doit être au petits écrans, les Français humaine, d'humanitarisme
au dessous de leur prix de mieux de les exterminer, ont bien senti percer un bêlant, de haine antinatio-
revient. Jean Madiran a au pire de les réduire en antagonisme irréductible. nal e, de passions métis-
lancé : « je défie qui que ce soit "dhimmitude". Il n'était Tolérant ou pas, pacifis- seuses, qui, depuis des
de le cuntester, facture et comp- d'ailleurs que d'entendre, te ou pas, "concordataire" années, engluait notre pays
tabilité certifiées en main, ; un · pendant le week-end de la ou pas, l'islam reste l'islam, dans la mélasse d'un dis-
journal de plus de huit pages prise d'otages les com- c'est-à-dire pas seulement cours à la fois honteux et
vendu moins de sept francs est mentaires que ne se pri: une religion mais une force démobilisateur.
en déficit permanent. » Et , vaient pas de faire , offi- en marche, un principe uni- Ce lendemain de Noël,
d'ajouter : « La questiun que cieusement, bon nombre ficateur et l'on peut même les hommes du GION ont
doivent lui poser ses lecteurs, des participants aux jour- dire à terme, "totalitaire" peut-être fait à la France le
c'est d'indiquer qui éponge sun nées de l'Islam en France, puisqu'il prétend régenter plus beau cadeau qu' elle
déficit et pourquoi ... » Dans le qui se tenaient au Bourget, non seulement les ait reçu depuis longtemps:
cas de « Libé » et du « Monde pour se convaincre qu'une croyances du peuple mais il lui ont rendu son identi-
» on connait depuis long- fois éloignés les caméras aussi sa vie quotidienne, té. D
temps la réponse ...

AVEU
« Comédiens » dans

J un spectacle beur
mis en scène à
Vaulx-en-Velin haut lieu des
~-)l
~~

émeutes ethniques, Nabbil,


Hekki et Kamel assurent vou-
loir montrer « qu'ils peuyent
C
~··o
brûler les planches et pas seu-
lement les supermarchés ». ~
Alors, Pasqua, on leur
applique la loi anti-casseurs
ou la loi Gayssot ? ---- Ji t;LJANP UNE:
~\,_ COHSu,t.TJllritJA/
ÇA ~E S'INVENTE PAS COlfa,('NRHr.ta>
Le syndicat étudiant • c5:0AIP/IG;&5 c5U~?
( 'a' ~VIS.
W inféodé au PS,
~ UNEF-ID vient d'éli- ".\ oNV/Plr
re son nouveau président. p'/N'V.éNr,ue
U1 p.$Afac&/Tié
C'est un homme de Julien ..-f POL/l!î.E
Drai. Nom: Amirshaki. Pré- P$~
nom: Pourri.

LE LIBRE JOURNAL page S N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 ~


1

De guerre lasse
par Nicolas Bonnal
Le moulin
et le chevalier
n sait que la littéra- Don Quichotte est Il en est ainsi des mou- transformé la guerre en

0 ture chevaleresque ,balayé "d'un coup d'aile


' meurt en trois ivre" de moulin. Il va accu-
temps : /'Orlando Furioso ser un magicien de l'avoir
lins bien peu alchimiques
de Don Quichotte. Nous
sommes au siècle de l'avè-
"video-game" planétaire,
avertissant a priori tous les
adversaires potentiels du
de l' Arioste, l'Astrée trompé et d'avoir transfor- nement du capitalisme, éle sort qui leur serait fait au
d'Honoré d 'Urfé, un des mé les géants en moulins, la science et des tech- cas où ils ne marcheraient
plus méconnus chefs- malgré les remarques de niques qui vont échapper pas droit vers le meilleur
d'œuvre de. la littérature Sancho qui tente de le au contrôle de l'Eglise et des mondes possible.
française, et, bien sûr, le ramener sur terre, de le de la Tradition hermé- Le texte où Don Qui-
Don Quichotte de Cervan- raisonner pour mettre fin à tique. Le moulin représen- chotte affronte les moulins
tès. Le crépuscule de la sa quête illusoire. te l'énergie, la puissance est le plus important des .
chevalerie annonce l'avè- Mais Don Quichotte n'a technique, contre laquelle temps dits modernes, car
nement des pouvoirs pas tort : il a vraiment été le plus brave des hommes il énonce la disparition de
modernes, qui vont tenir vaincu par un enchante- ne peut rien. Les Indiens la Virtus, de la bravoure et
"écumant sous leur talon ment, celui de la tech- n'ont rien pu faire contre de l'honneur, et le
de fer" tous les peuples nique. Très souvent dans la technologie massacreu- triomphe de la machine
d'Europe, les précipitant les romans du Graal, les se des conquérants de aveugle et télécommandée
vers le matérialisme et les chevaliers affrontent des l'ouest, les zoulous ont été (par un magicien encore
catastrophes finales du châteaux tournoyants et broyés sous l'étau des plus aveugle qu'elle), qui
XXe siècle. L' épisode le périlleux, re,c elant des sor- armes à feu en Afrique, les anéantira l'humanité.
plus connu de Don Qui- tilèges d'ordre technique : soldats rêvant de la "guer- Face à cette situation, il
chotte est celui des mou- un sol tournant , des re fraîche et joyeuse" de ne reste plus à Don Qui-
lins. On sait que notre bra- flèches ou des lances Guillaume II se sont retrou- chotte qu'à devenir un per-
ve les confond avec des décochées, des échiquiers vés gazés dans les tran- sonnage de fiction. C'est
géants, ces êtres primor- ensorcelés. Dans le Parzifal chées et fauchés par des d ' ailleurs ce qu'U fait
diaux combattus par tous de Wolfram d'Eschenbach, mitrailleuses ou des quelques chapitres plus
les héros mythologiques et le château du mage noir canons. Plus près de nous, loin en découvrant dans
qui incarnent l'inachevé et Klingsor est décrit comme les Irakiens n'ont pas pu une bibliothèque un livre
la monstruosité d'un mon- une demeure maudite han- combattre face à la tech- écrit sur lui par un doux
de chaotique. tée de pièges techniciens. nologie yankee, qui a rêveur d'écrivain. D

ETHEJYJVES : OFFHEZ .U/V ABOJYJYEMEJ'YT COURTOIS D'UJY AJ'Y


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Chèques a l'ordre de SDB, 139 boulevard de Magenta, 75010 PARIS.

LE LIBRE JOURNAL page ~ N° 55 DU 30 DÉCEM~RE 1994 6


Stratég ies
par Henri de Fersan
Tchétchènie :
une guerre pour la survie

a guerre entre la tutelle moscovite : ortho-- le blocus tandis qu'à son

L
Russie et la Tchét- doxes au VIe siècle, tour elle connaît la séces-
chénie sécession- convertis à l'Islam, les sion de l'Ingouchie.
niste est le type Tchétchènes lutteront Eltsine méprisa ouver-
même de guerre durant des siècles contre tement la Tchétchénie, il
sans manichéisme : il n'y les Cosaques de Terek déclara en 1992 que 200
a ni "bons", ni jusqu'à la capitulation de bérets noirs suffiraient à
"méchants", seulement 1859 alors que les écraser le pays. Il tint
deux logiques de guerre Ingouches s'accommo- 'b on.
respectives et parfaite- daient fort bien de la pré- Après la Moldavie, le
ment compréhensibles sence russe. Tadjikistan et la Géorgie
pour peu que l'on se Durant la guerre civi- et probablement avant
donne la peine d'étudier le, la Tchétchénie fut le l'Arménie la Russie
l'histoire et la géogra- théâtre de violents com- recoud patiemment les
phie. Etudions cette bats entre Rouges (Répu- morceaux de son empire
décade le point de vue blique du Terek), Blancs perdu.
tchétchène : (Cosaques de Stanitas) La situation est déses-
La Tchétchénie est la ou Verts (émirat du Nord- pérée pour la Tchétché-
partie de la Répuplique Daghestan). nie qui aligne 12 000
de Tchétchénie-Ingouchie Accusés - à tort - de hommes dont 3 000
qui a fait sécession en "collaboration" par Stali- convenablement armés.
octobre 1992, regrou- ne , les Tchétchènes Même s'ils ont été issus
pant les deux-tiers de la furent déportés en masse des troupes de catégorie
Répuplique - dont sa en Sibérie : sur 800 000 B et C de l'armée sovié-
capitale Grozny - et fait déportés, 240 000 mour- tique (combativité : 5 et
partie de ce cordon de ront dans les trains de la 4), nul doute qu'ils
républiques ciscauca- mort bolcheviques. Ils retrouveront un surcroît
siennes bordant la fron- seront réhabilités et leur d'énergie pour défendre
tière géorgienne et avides république sera reconsti- leur mère patrie de
d'indépendance, nées de tuée en 1957. l'ennemi héréditaire.
l'éclatement de 1921 à De toutes ces épreu- Beaucoup prévoient
1924 de la République ves est née une haine pour la Russie un nou-
socialiste autonome mon- profonde pour .la Russie. veau bourbier afghan
tagnarde. D'une superfi- Elle se manifesta à la dans cette région de
cie de 13 000 km2, elle chute du communisme, hautes montagnes mal
compte près d'un million les Tchétchènes profitant équipée en routes. Sur
d'habitants dont 400 000 de l'implosion du centre, trois convois vers Groz..
dans la capitale , avec toujours favorable à ny, deux ont été bloqués
une forte minorité russe l'indépendance de la mais les Russes sont pas-
(20 % de la population). périphérie. Depuis 1991, sés. La guerre de parti-
Elle est bordée au sud la Tchétchénie est en sans est encore possible
par la Géorgie, à l'est par rébellion ouverte contre et risque d'être coûteu-
la Russie et à l'ouest par Moscou. Le 3 avril 1992, se.
l'Ingouchie (unioniste) et elle crée une armée de Cependant, et nous
l'Ossétie du Nord (séces- 2 000 hommes à partir le verrons la décade
sionniste). d'une unité soviétique prochaine, la Russie
La Tchétchénie a tou- stationnée à Grozny. Aus- n'avait guère d'autre
jours combattu contre la sitôt, Moscou lui impose solution. .. 0

LE LIBRE JOURNAL page 1 0 N° 5 5 D U 3 0 DÉCEMBRE 1994 ~


AUGAY
L'AN NEUF
t
-'Droite
bancroche
-Souteneur
maltais
- Voile et vapeur
-Vœux
tout de même.
t
Dieu ou César
par Jacques Houbart
L'exclusion de /'Esprit

ans les Etats où l'économie domination de la bourgeoisie au pou- redoutable pour les sociétés contami-

D
n'est pas gérée par un gou- voir à Versailles et la contre-réforme nées, c'est que la charité n'est plus un
v ern em en t industriel et jésuite, c'est le développement cj.:une véritable acte d'amour, un lien entre
marchand (délire marxiste métaphysique cartésienne de l'éclate- l'homme et Dieu, via le prochain, mais
ou socialiste dont nous ment de l'Etre: en dépit de l'opposi- une activité démagogique !
connaissons les effets criminels et tion des meilleurs esprits du temps, y Tel prêtre se détourne de toute
destructeurs) mais par des agents compris Leibniz, Descartes affirme action sacrée, dans la profondeur des
libres sous contrôle de l'autorité spiri- l'existence des deux Etres, celui de âmes, pour mener de véritables cam-
tuelle, la société connaît un dévelop- l'esprit et celui du corps, l'interaction pagnes électorales, tel autre, se pre-
pement harmonieux et ordonné. Ces entre les deux substances étant deve- nant pour un membre de l'ordre guer-
sociétés respectent le partage entre nue impossible et inintelligible. On ne rier, va fusiller ou égorger son pro-
Dieu et César, les prêtres n'ayant pas saurait oublier que cette doctrine aber- . chain, au nom précisément de la cha-
d'ambitions ou de prurit politicien et rante, à contre-courant de la pensée rité. «Faisant" de la politique, il est bien
les responsables politiques n'opérant ontologique des grandes civilisations, sûr obligé de prendre parti avec telle
pas comme des chefs religieux ou des pèse encore lourdement aujourd'hui, ou telle formation, et l'on est atterré
patrons de sectes instaùrant des voire sur les difficultés de la science d'avoir pu récemment constater qu'un
messes césariennes. Pendant: des contemporaine (cf. ma contribution faux prêtre de ce type ou un vrai
siècles, des moines-chevaliers, les aux «Cahiers du Rocher" n°4, sept. «curé" de préau d'école a demandé de
Templiers, ont vu papes et rois, 1987, «Le dilemme du christianisme" , voter pour une Europe bidon qui·ruine
princes et marchands leur confier leur et au Bulletin AESF n° 38, oct. 1989, non seulement nos paysans et nos
argent, et ils ont inventé la banque CNRS, «Epistémologie et langage pêcheurs, mais des millions de chô-
moderne. On se demande si leur pra- mathématique»). meurs dans nos industries de pointe,
tique des «profits contrôlés,, - obser- La rupture entre Dieu et César donc tous les .français, de proche en
vant l'interdiction ecclésiastique de implique dialectiquement deux consé- proche. Or, c'est précisément lui qui,
prêt à intérêt, leur entreprise était «ren- quences: d'une part, le retrait de devant les caméras et les micros, éruc-
table", jouant sur les différences de l'Esprit de la république, à tous les te, trépigne pour défendre les pauvres
change de place à place et prélevant étages du corps social, de l'école au qu'il a politiquement fabriqués par son
des frais d'agios et de courtage - ne tribunal, du trône à la boutique, de action ! C est Je même qui a secoué
devrait pas être introduite dans une l'hôpital à l'atelier; d'autre part, la poli- pendant des années les estrades en
société non monétariste. Quoi qu'il en tisation des héritiers d'un pouvoir spiri- scandant des slogans antimilitaristes
soit, au début du XIVe siècle, après la tuel amputé, les agents de l'ordre (pourquoi des soldats, des officiers,
spoliation des banquiers lombards en .• ecclésial opérant toujours davantage des avions, des blindés ou des porte-
1291 et celle des prêteurs juifs en hors de leur sphère, ignorant toujours avions ? donnez l'argent aux
1306, l'Etat de Philippe le Bel massa- davantage Jeurs objectifs propres, les pauvres !) qui découvre, au détour de
cra les Templiers, saisissant les docu- moyens et le sens même dès interven- son errance politique gaucharde, qu'il
ments et surtout les fonds. Cette sorte tions nécessaires. Dans un Etat dange- conviendrait de déclencher en Bosnie
de «nationalisation" doit être classée reusement «sécularisé", où l'action sur une puissante frappe aérienne, l'artille-
parmi les événements majeurs qui le corps social n'intervient que dans rie lourde, l ' action des troupes de
jalonnent la fracture entre Dieu et l'arène électorale, dans l'agitation poli- choc ? Avec les forces armées que tu
César, ou, comme on dirait tique et spectaculaire, soutenue par le détruis, minable démagogue ?
aujourd'hui aux Etats-Unis, qui ont IVe Pouvoir des médias, la charité perd Quand on nous parle d'exclusion, il
déclenché la «sécularisation", l'exclu- la notion évangélique - l'autre est Dieu ne faut jamais oublier que, dans nos
sion de l'esprit. Le second événement, - et sa forme spirituelle - le secret (la sociétés misérables et démagogues,
c'est au d~but du XVIe siècle, l'éclate- Compagnie du Saint-Sacrement, sur- c'est avant tout l'Esprit qui est exclu,
ment du corps mystique ecclésial, du tout sous la direction du Baron de et, ce qui est aussi évident, l'esprit
fait de Luther, de son antipapisme et Renty, au XVIIe siècle, opère encore avec minuscule. Est-ce que l'abbé . ,
i
de l'éclosion des sectes avec déve- sous le sceau du secret mais la déri- Pierre serait le plus important person-
loppement du fédéralisme politique. sion protestante en fera dans une nage du pays si nous n'étions pasir ._D
~ 0 , Un troisième événement, dans la société déchristianisée «la cabale des devenus. idiots ? Mais où sont les ,0 ,
1
· France du XVIIe siècle, avec la dévots,,). Ce qui est grotesque et évêques de France ? · (l
r.,)
LE LIBRE JOURNAL page 12 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 6 ~~~
t
LA POUDRIERE
DUCAUCASSE
t
Entretien Courtois
~

travaille comme cadre proche de Georges. Quel-


dans une entreprise quefois, je me sens très
d'informatique et ne s'est éloigné de l'un et de
jamais intéressé à la philo- l'autre. Je pense que c'est
sophie, bien qu'il aime la à chaque lecteur d'entrer
littérature, l'histoire et l'art. en dialogue avec les per-
En face, il y a Georges. sonnages, sans trop se
Celui-ci, qui a dépassé la soucier de l'auteur, qui n'a
. . cinquantaine, est l'ancien pas une réelle importance.

/ / / _/ · ,,.,,,,,/ .' ,'

, ;w·
1/ , , , / /
professeur de mathéma-
tiques de Xavier. Il a pris sa
retraite anticipée à la suite ,
d'événements dramatiques
racontés dans le premier
La philosophie, c'est
vieux, c'est ringard, c'est ·
dépassé...
La philosophie cherche à
« jour " ou chapitre. Au cin-
,/ _,..
connaître la vérité qui, par
quième jour apparaît celui nature, est éternelle. La
qu'on ne connaîtra que par vraie philosophie n ' est
son surnom de « Cincinna- donc jamais dépassée. De
tus "· Il a probablement le plus, le dialogue que je
même âge que Georges, propose est contempo-
c'est un paysan-philo- rain : on y évoque en toute
sophe, surtout préoècupé liberté les ordinateurs, le
d'affronter la modernité : chômage, l'écologie, le
sur ce sujet, il ouvre à Sida, la publicité, la
Xavier de grands horizons. drogue, les progrès de la
Jean-Baptiste, le fils de science, le rock, etc.
Georges, apparaît le temps
d'une brève conversation Et les critiques que cha•
au sixième jour. ,M ais cun de nous fait à la phi•
L'abbé Grégoire CeUer, logues et synthèse de l'essentiel du livre se losophie? ·
prêtre depuis 1986, est huit années d'enseigne• déroule entre Xavier et Le dialogue permet de
préfet des études à ment. , Georges. poser les objections de
l'école Saint-Michel de Monsieur Tout-le-monde et
l'ûheme tout en desser• Le Libre Journal : Le dieu Etes-vous Georges ou d'y répondre clairement.
vant la paroisse tradi- mortel : un titre étonnant, Xavier? Dans le. dieu mortel, c'est
tionnelle de La-Chapelle• voire détonant, pour un Comme je le dis dans une le rôle dévolu à Xavier qui,
d'Angillon. Parallèle• livre de philosophie écrit note au début de l'ouvra- comme chacun oe nous;
ment, il poursuit une par un prêtre ? ge, je ne suis ni l' un ni se méfie de la philosophie
carrière d'écrivain, avec G. CELIBK : Le « dieu l'autre. Bien entendu, je et n'hésite pas à le dire.
des études d'histoire mortel " c'est, selon une suis le rédacteur et j'assu-
religieuse : Essai biblio• expression d'Aristote reprise me le mouvement général Aujourd'hui, c'est plutôt
graphique sur l'antilibé- par Montaigne, l'homme lui- du livre et son contenu glo- la science qui intéresse
ralisme catholique même, divin par son âme, bal. Mais les détails de la les jeunes.
( 1986), La dimension mortel par son corps. Et la conversation et de l'argu- Il y a, en effet, une véri-
œcuménique de la réfor• philosophie s'occupe beau- mentation proviennent du table fascination de la
me liturgique ( 1987), coup de l'homme. caractère des protago- science qui est très dange-
L'Église déchirée / Appel nistes, pas forcément de reuse car là science finit
aux catholiques Bcclesia Votre livre est un ma propre personnalité . par servir de pseudo-philo-
Dei (1994). Aujourd'hui, dialogue : pouvez-vous Par l'âge et le tempéra- so phi e. Jean Fourastié a
, il nous propose Le dieu nous présenter les per- ment, je suis proche de résumé la grandeur et les
' ' mortel, une " invitation sonnages? Xavier ; par la fonction de limites de la science : ,; La
10, à la philosophie " écri• Il y a Xavier. Agé d'une tren- professeur de philosophie science nous apprend à
l,J > •
te sous tonne de dia• taine d'années, il est marié, et par la doctrine, je suis peu près comment nous
ra."i't', -- .
&~~~ LE LIBRE JOURNAL page 14 N ° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 ~
vec l'abbé Cellier
sommes là ; elle ne nous mentaires, le développe- vraiment nécessaire ? d'Aristote, dispensant au
apprend ni pourquoi nous y ment du machinisme, le Plus que jamais. Elle protè- grand public un enseigne-
sommes, ni où nous « monde en plastique » où ge la bonne santé de l'intelli- ment simple mais néan-
allons. » Savoir qui est nous vivons, etc. gence, lui donne les vita- moins profond qu'il appelait
l'homme et où il va, c'est le Contrairement aux appa- mines nécessaires pour exotérique. J'essaie de le
rôle de la philosophie. rences, nous sommes bien affronter la vie et le monde. suivre dans cette voie. Com-
au cœur de la philosophie. Il Aujourd'hui, les intelli- me on l'a dit : « L'abbé
Plutôt que de lire, les s'agit de savoir comment gences sont ravagées par Celier n'est pas un vrai phi-
gens préfèrent aujour- l'homme peut philosopher, l'erreur, déséquilibrées par losophe, car on comprend
d'hui écouter la radio ou et donc quels obstacles, la vie moderne. Nous mar- tout ce qu'il dit. »
regarder la télévision. anciens ou modernes, se chons vers la folie générali-
Cette surconsommation dressent sur sa route. Pour sée, comme en témoigne le D'autres livres en
d'images étouffe notre capa- retrouver les conditions nor- recours massif aux psycho- ~hantier?
cité de réflexion. Il y a là males de la philosophie, qui tropes. Je dirais, d'une Plus que je n'ai le temps
une grave atteinte à la natu- sont tout simplement les façon imagée, que la lecture d'en écrire. En ce qui
re de l'homme, animal rai- conditions normales de la quotidienne de Platon ou de concerne Le dieu mortel,
sonnable dont l'activité vie vraiment humaine, il faut saint Thomas peut nous pré- mon projet s'articule en
essentielle consiste à pratiquer ce que j'appelle server du psychiatre. trois ouvrages : après une
connaître la vérité et non à « l'écologie spirituelle ». Elle « invitation à la philoso-
ingurgiter passivement des seule nous permettra de res- Le dieu mortel : un livre phie », je voudrais proposer
images. Seul un relatif sevra- taurer un environnement réservé aux élèves de une « ouverture vers la foi »
ge des médias est capable propice à la vie de l'esprit. classe terminale ? puis une « découverte de la
de nous libérer de cette pri- Pas du tout. Certes, ce livre Tradition catholique"·
son de l'informa- On dit souvent que la phi- les aidera à bien se préparer
tion/déformation. Un lecteur losophie consiste en un au baccalauréat philoso- Votre ambition, avec Le
me signalait qu'il avait ven- juste équilibre du corps et phie. Mais il est destiné à un dieu mortel, est de vous
du sa télévision : il a saisi de l'âme : Mens sana in public beaucoup plus large, tourner vers le grand
une idée essentielle de corpore sano. je dirais à tous les publics, public. Pensez.vous vrai•
l'ouvrage. Cette maxime de Juvénal car chaque homme a besoin ment:qu'un livre de philo•
est fréquemment comprise de la sagesse. D'ailleurs, sophie puisse être acces-
Étrangement, votre. livre, dans le sens : la culture de l'âge des personnages, tren- sible à tous ?
qui veut réhabiliter la l'esprit passe d'abord par le te et cinquante ans, montre Mon effort d'écrivain a porté
réflexion rationnelle et soin du corps. Or, les que l'ouvrage ne s'adresse sur la simplicité et ra clarté.
l'abstraction, fourmille Anciens comprenaient plu- pas exclusivement à des Je ne sais pas si j'y ai réussi.
d'exemples concrets et tôt : la santé du corps est lycéens. C'est au public d'en juger.
d'images. inutile si, avant tout, l'âme Je citerai simplement la
Je prends les gens n'est pas entretenue, nour- Et l'état actuel de la philo- lettre d'une lectrice : « Je ne
d'aujourd'hui là où ils sont. rie, irriguée du vrai. Ce qui sophie? possède que le certificat
Je pars de l'image et du slo- compte en un homme, c'est Il n'y a plus de grands d'études. En commençant
gan, mais pour les mener du son esprit, ce qui le fait être hommes de pensée, y com- votre livre, j'ai sorti mon dic-
slogan à la réflexion, de homme. Aujourd'hui, on pris parmi les modernes tionnaire. Mais j'ai parcouru
l'imaginaire au rationnel. voit les gens se précipiter au idéalistes. D'autre part, la les 320 pages sans l'ouvrir
L'image sert chez moi « gymnase club » tandis que philosophie réaliste est une seule fois. » Une telle
d'ouverture vers la pensée, leur intelligence s'atrophie. tenue pour une vieillerie lettre est pour moi la plus
au contraire de la démarche li faut absolument redonner moyenâgeuse. La dernière belle des récompenses.

i
télévisuelle et publicitaire où à nos contemporains le goût institution qui la cultivait
l'idée est le prétexte de de s'occuper de leur âme. encore, l'Église catholique, Grégoire CELIER, Le dieu
l'image-choc. Mon livre cherche à créer un l'a presque entièrement mortel. Invitation à la phi-

Vous parlez volontiers de


choses qui semblent
étrangères à la philoso-
phie : les modes vesti-
vif désir des nourritures de
l'esprit, c'est-à-dire du vrai
sous toutes ses formes.

La philosophie est-elle
abandonnée depuis le
concile. Enfin, les philo-
sophes se sont enfermés
dans la spécialisation. Ce
n'était pas la méthode
Josophie, 320 p., 96 F.
Éditions Fideliter, 112
route du Waldeck, 57230
EGUELSttARDT.
Tél. : (16) 87.06.58 38. \
i
""" r

LE, LJBRE]OURNAL page 15 N° 55 D U 30 D ÉCEMBRE 1994 6 ~~


Us Provinciales
par Anne Bernet

sinon du génie. Maurice sèrent faire. Encouragé, «Y,,


Larrouy appartient à cette se démasqua un peu. Les
· catégorie. livres qui parurent ensuite
Le prix Fémina 191 7 portèrent un nom sur leurs
fut attribué à un certain couvertures : celui de Mau-
«Y,,. Cette initiale garante rice Larrouy, qui revendi-
d'anonymat ne pouvait quait le Fémina 191 7. En
s'expliquer que d'une seu- fait Larrouy n'existait pas
le façon: elle couvrait un plus que,,y,,_ Tous ces
officier tenu .au devoir de pseudonymes dissimu-
réserve. Le roman était laient le capitaine de fréga-
d'ailleurs une superbe his- te René Milan.
toire de guerre: «l'Odyssée
d'un transport torpillé,,. Larrouy
C'était plein de grands sen- ne voulut pas
timents, de patriotisme, de se cantonner
bravoure indomptable, uniquement
d'embruns et de tempêtes. dans le livre
C'était aussi assez solide- de mer,
ment documenté et véri-
dique pour qu'aucun De la vie de René Milan,
marin ne s'y trompe. é!,lias Larrouy, alias Y, on ne
L'auteur était vraiment et sait pas grand-chose.
indubitablement de la Sinon qu'il naquit à Oran
Royale. Sans le connaître, en 1882, prépara Navale,
tous les officiers adoptè- et fit toute sa carrière sur
rent ce camarade doué les oc_éans et sous le
d'une bonne plume et qui pavillon tricolore . Sinon
parlait si bien de leur qu'il mourut à Paris en
métier. 1939, malheur qui lui
Cette solidarité immé- épargna très certainement
Maurice Larrouy, ·marin, diate envers le mystérieux de graves ennuis cinq ans
«Y,, explique déjà en partie plus tard. Car, à défaut de
officier, écrivain pourquoi il ne sombra pas
corps et biens à la fin des
connaître la vie de Lar-
rouy, on connaît fort bien
hostilités. Et puis, «Y,, avait ses opinions politiques et

L
es guerres se sui- souffrances, les écrivains senti le vent. Ses livres il n'y a guère de doute à
vent et ne se res- le gardaient pour plus tard, venaient juste quand la avoir quant au choix qu'il
semblent pas ... Pen- pour la Victoire. Illème République inaugu- aurait fait s'il avait été
dant l'Occupation, la Fran- Il y a le pire et le mei- rait sa grande politique encore de ce . monde en
ce se jeta sur. les romans à leur dans cette littérature : maritime. et faisait de la 1940 ... Sans même lire
l'eau de rose, les histoires depuis les grands talents flotte l'ambassadrice de Larrouy, il suffit de regar-
d'amour, et les éditions · reconnus, plus ou moins prestige · de la France. Les der le nom de son édi-
clandestines d ',,Autant en heureusement associés à années vingt et trente teur ... Les écrivains de
emporte le vent,,. l'effort de guerre, juqu'aux furent la seule époque gauche se faisaient rare-
Entre 1914 et 1918, il gagne-petit du «bourrage triomphante de la littératu- ment éditer chez Horace
semble au contraire de crâne,, .· La plupart des re maritime française. «Y,, de Carbuccia, aux Editions
qu'elle ne se soit nourrîe auteurs qui se spécialisè- se trouva pris dans le-mou- de France. Forts de cette
que de lectures héroïques, _ rent dans ce genre ne vement. Comme il n'allait certitude, c'est sans crain-
des faits d 'armes de nos virent pas leur notoriété pas contre les intentions te que vous pouvez vous
- vaillants soldats, toujours survivre à la paix. A de de son ministère de tutel- plonger dans la douzaine
ç , contés sur le mode ·très rares exceptions près. le, loin de là, les bureaux de romans que Milan-Lar-
épique. · Le . récit des Ceux-là avaient du talent de la place Royale le lais- rouy a laissés.

LE LIBRE ] OURNAL page 1 6 · N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 . ~


En vérité, il y a un peu à ses romans de mer. Tout un programme ! Com- est le député Puy-Pradal, a
de tout là-dedans ! Car Lar- D'abord parce qu'ils furent me ses prénoms suffisent "austère républicain", -q ui
rouy ne voulut pas se can- d ' énormes succès, avec à l'indiquer, ce jeune Pro- veut réduire les crédits
tonner uniquement dans le adaptations cinématogra- vençal est un rouge ... Qui " inutiles" de la marine.
livre de mer, craignant que phiques; ensuite parce commence à prêcher la Une seule croisière en
son inspiration ne tarisse qu'ils sont presqu'aussi Révolution à bord. Durbois Méditerranée et l'amour
prématurément. A un lec- bons que les livres de pense que ,cette fois, Yor- qui naît entre Mademoisel-
teur, officier de marine, qui Chack ou de Vercel, ce qui ritz ne s'en sortira pas, et le Puy-Pradal et Kermao,
lui demandait « un livre qui suffit à les rendre tout à que les bêtises de Pimaï, un homme deshonoré en
se passerait entièrement fait lisibles et agréables. que son chef, par_principe, quête -de rachat, modifie-
en mer ;,, il répondait qu'il L'une des originalités s'obstinera à couvrir, per- ront du tout au tout les
ne pouvait pas l ' écrire , de Larrouy fut de ne pas dront les deux hommes idées du politicien !
l'expérience du comman- se borner à parler de la en même temps. En réali- Même simplicité dans
dement à la mer n'étant Royale. II était très capable té, la personnalité de -Yor- "Le Trident". L'île de Ploé-
accessible qu'à d'autres d'évoquer la vie des tho- ri tz transformera Pimaï. dic ne vit que de la pêche.
officiers de marine, qui se niers bretons ou celle d'un Vaincu par les qualités de Ruinés par une mauvaise
lasseraient de retrouver commandant de transat- son commandant, et par campagne, les équipages
dans un roman les len- lantique. l ' amour qu'il porte à la manquent succomber aux
teurs de leurs navigations En 1924, paraît le livre pure Marie-Luce, soubrette mirages communistes.
et les termes techniques le plus caractéristique de de Yorritz, Marius-Blanqui- Mais le rude bon sens des
dont ils n'usaient déjà que !'oeuvre, même s'il fut Gracchus se transformera travailleurs français I' em-
trop à bord ... éclipsé ensuite par le en héros ... portera et le patron de la
Donc, Larrouy a écrit célèbre «Coups de roulis». conserverie "L'Océani-
autre chose, et il aurait Cela s'intitule «le Révolté». Avec Larroùy, que", convaincu par sa
peut-être mieux fait de Commandant le tor- il faut peu fille amoureuse du direc-
s'abstenir, la littérature pilleur 523 de l'escadre Je choses teur de l'usine locale, aug-
mondaine n'étant pas son de Dunkerque, le lieute- pour réduire mentera les salaires et sau-
affaire ... nant de vaisseau Yorritz le péril rouge ... vera tout le monde ...
est en ·butte à la jalousie et Naïf, Avec Larrouy, il faut
L'une la méchanceté de son Maurice Larroùy ? peu de choses pour rédui-
des origfoalités supérieur, le commandant Oui, re le péril rouge ... Naïf,
deLarrouy Durbois. Durbois, surnom- et c'est Maurice Larrouy ? Oui, et
fut de ne pas mé «le Choléra» par la flot- son charme ... c'est son charme ...
se borner te entière, est un «officier Comme d'inventer
à parler de ministère», seulement Certes, c ' est presque l'imaginaire république du ·
de la Royale occupé de son avance- gluant de bons sentiments Tchorock, en Asie centra-
ment, et de sa carrière, et de clichés : le matelot 1e, riche en pétrole, et
Son étude sur la place mais mauvais marin et breton qui a promis de ne d'envoyer une ambassadri-
de la femme dans l'histoi- mauvais chef. Il hait le jeu- pas aller à terre pour être ce tchorokienne au nom
re, intitulée «l'esclave ne Yorritz, qui, en Basque fidèle à sa fiancée , les dépourvu de voyelles cher-
triomphante», fit scandale qu'il est, a l'instinct de la trucs de Yorritz qui retour- cher des crédits en Amé-
lors de sa parution, mais mer, et se fait adorer de ne Pimaï en lui démontrant rique.
n'a pas laissé un souvenir ses hommes, pourtant qu'il faut une voix de bas- Toute l'américanopho-
impérissable. Quant aux choisis par Durbois dans le se pour chanter l'interna- bie de Larrouy, aussi forte
aventures du jeune «Rafaël rebut des autres équi- tionale et non sa voix de que son anglophobie et sa
Gatouna, français d'occa- pages ... S'ajoutent à cela ténor, le brave chien du germanophobie, éclate
sion», nom donné en Algé- les assiduités répugnantes bord, l'honnête amiral, et dans "Caravane sur l'Atlan-
rie aux Juifs bénéficiant de de Durbois auprès de Mme le châtiment du mauvais _tique".
la naturalisation d'office, et Yorritz, assiduités dédai- Durbois qui, . en guise, Mais ne résumait-il pas
à leur suite, «Gatouna et gneusement repoussées d ' avancement se voit son opi,nion ~ en ces
l'amour11, on ne sait trop ce par la jeune femme ... Espé~ envoyé aux Kerguelen ... termes, mis dans la
qu'elles pouvaient valoir, rant briser la carrière de "Les vrais marins l' enviè- bouche du matelot Brez-
le titre même les condam- son subordonné, et peut- rent!" nec: «La France d' abord,
nant à n'être jamais réédi-. être réduire la vertueuse Mais cela marche ; c'est Breznec ensuite, et les •
tées ... résistance de son épouse, efficace, et cela a plu ... autres après!"
On abandonnera donc Durbois embarque sur le " Coups de roulis» pro- Pas très à la mode, ce
à son sort cette partie de 573 le dénommé Pimaï cède des mêmes ficelles. _pauvre Larrouy, c'est à , .
!'oeuvre, et on se bornera (Marius-Blanqui-Gracchus). . Mais, cette fois, le converti craindre .. .

LE LIB~ JOURNAL pa.~e i. 7 N° 55 DU 30 DÉCEMB RE 1994 6


C'est à lire
par
Serge de Beketch
Passez donc par
la Lorraine

ourquoi les rubriques litté-

P raires seraient-elles l'apa-


nage des livres ? Il est des
revues qui donnent infiniment
plus de plaisir au lecteur que
bien des romans ou des essais.
Tel est le cas du splendide
numéro spécial que la «Revue
Lorraine Populaire» publie à
l'occasion de son vingtième
anniversaire !
Ce bimestriel fondé par Jean
Marie Cuny offre le modèle
même d'une défense intelligen-
te d'une identité régionale extra-
ordinairement vivace, au coeur
de la civilisation française
Chaque livraison, tous les
deux mois, apporte sa moisson
d'ttistoire et d'histoires,
d'enquêtes, de reportages, d'en-
tretiens, de chroniques.
Le personnage central de
tout cela, l'objet de toutes les
passions, c'est bien entendu la Lorrai- architectures paysannes, la force tran-
ne, Duché à jamais, province bien sûr quille des forteresses éternelles, aux
et aussi, région regroupant les dépar- marches de la province.
tements de Meurthe et Moselle, Meu- Tout cela, que la géographie admi-
se, Moselle et Vosges. Mais ce décou- nistrative ignore, la Revue Lorraine
page ne rend pas compte de la réalité Populaire, inlassable, le célèbre
charnelle de la patrie de Barrès. Il depuis vingt ans.
ignore les grands labours du Bassigny On connait le travers de tant de
qui viennent battre, océan immobile, revues régionalistes. Trop souvent
les bords du plateau de Langres où les elles pèchent par rejet du fait national,
eaux de France se séparent pour elles pratiquent une défense jalouse,
gagner la Manche ou la Méditerranée. agressive, exclusive de «leurs» tradi-
Il néglige les étangs fertiles de la tions, de «leurs» cultures, de «leurs»
Woëvre, les sols lourds du Vermois et parler, de «leurs écrivains».
du Xaintois, les bois épais des Vosges, En Lorraine, chez Barrès qui fut le
les terres mêlées de sang et de chair phare de la pensée nationaliste, telle
français des Côtes de Meuse et de trahison était impossible.
Moselle, les ciels immensément bleu- Jean Marie Cuny a toujours su,
gris depuis la fondation de la RLP, éviter
Il tait la splendeur baroque des cet écueil et l'on peut dire que toute
palais nancéens, la rigueur tendre des la France est dans sa Lorraine comme

LE LIBRE JOURNAL page 18 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 ~


on dit que toute une femme est tuosité éditoriale: un entretien imagi- tion. Cet article rassemble toutes les
dans son seul regard. né par Paulette Choné entre un qualités de la RLP. Il irradie littérale-
Dans ce numéro de décembre jésuite Bollandiste (spécialiste de la ment la tradition du catholicisme
1994, on voudrait tout citer. mais ce vie des saints), un pasteur protestant français. Toute d'intelligence, de foi,
serait priver le lecteur du plaisir de et un doreur restaurateur de statues de raison, d'amour et d'humour
la découverte. On se bornera donc, anciennes autour d'une exposition
en bridant son enthouiasme, à itinérante consacrée aux images de (RLP 93 Orand'Rue. Vi11e-viei11e de
signaler un véritable numero de vir- saints et des techniques de restaura- Nancy. 54000.)

« PRÉLUDE POUR UN ESPION » assassinée exaétement selon la méthode « LE SCI:ITROUMPF

de Len Deighton . de la dame en gris ? La panique s'empa- VOLEUR DE BIJOUX»


Après de très brillants débuts, la carriè- re des clients et du monde. D'autant de l'atelier Peyo
re de Bernard Samson, l'un des plus qu'une inondation a isolé Deepde- Il y a deux ans déjà, le jour de Noël, dis-
meilleurs agents des services secrets bri- ne du reste du monde et qu'une main paraissait Peyo, le père des
tanniques, s'est retrouvée brutalement criminelle a versé un puissant somnifè- Schtroumpfs et de Benoît Brisefer, sans
réduite à néant ou presque par le passa- re dans le café des policiers présents oublier Johan et Pirlouit. Heureuse-
ge à l'Est de son épouse, Fiona, elle aus- sur les lieux ... La tueuse va-t-elle encore ment, les hommes de bonne volonté qui
si officier de renseignement. frapper ? Et qui est-elle ? Birdie, terri- créent pour les enfants sont éternels, et
Quatre ans ont passé. Bernard a refait fiée mais efficace, se retrouve seule les personnages inventés par Peyo ont
sa vie, en apparence. En réalité, il n'a pour démasquer l'assassin. été repris par ses élèves. Sans trahir
jamais admis que sa femme, la mère de Jennifer Rowe, découverte récente pour l'esprit du maître, les scénaristes Luc
ses enfants, ait pu tout quitter et trahir. le public français, est australienne. Elle Parthoens et Thierry Gulliford et le des-
La découverte d'un mystérieux fonds est également l'un des meilleurs auteurs sinateur Alain Maury ont mis en scène
secret, l'assassinat d'un de ses amis qui policiers actuels. Birdie et son ami le une nouvelle aventure des lutins bleus
paraissait en savoir beaucoup sur Fiona commissaire Toby semblent promis à qui auront fort à faire pour délivrer l'un
et ce compte en banque, la résurrection une longue et fructueuse carrière. Ce des leurs devenu malgré lui voleur et
d'un espion officiellement mort en mis- huis-clos, qui n'est pas sans rappeler pour sauver le fils d'un châtelain retenu
sion à Berlin, et un chantage de moins "Dix petits nègres" d'Agatha Christie, par des personnages fort mal intention-
en moins voilé obligent Bernard à se confirme le talent et la maîtrise de la nés. On retrouve avec plaisir ces héros
poser des questions ... romancière. familiers et on ne peut que souhaiter dè
Fiona a-t-elle vraiment déserté ? Est-elle Fayard, 345 p., 98 F. J}ouvelles avelltures dans les années à
en mission ? Et, dans ce cas, Bernard ne vellir.
la met-il pas en danger ? « LA GUERRE D'ALGÉRIE Le Lombard, 46 p.
Bernard Samson, héros d'une passion- EN FRANCE»
nante trilogie, va se retrouver confronté de Raymond Muelle « MEURTRES SOUS CONTRAT»
à l'un de ces coups tordus dont les ser- Quand on évoque la guerre d'Algérie, de Patrick Quelltill
vices spéciaux ont le secret ... Du très on pense aux combats livrés sur le terri- A la fin des années 50, le fils d'une star
grand roman d'espionnage. toire nord-africain et à la trahison gaul- de Hollywood est rappelé par sa mère
Le Livre de poche, 320 p. liste, mais on oublie souvent que les fac- alors qu'il vit à Paris. De retour à Bever-
tions indépendantistes se livrèrent une ly Hills, il apprelld que sa gémtrice doit
« EAU TROUBLE» lutte meurtrière sur le territoire métro- faire un retour remarqué sur les écrans
de Jennifer Rowe politain. Le FLN et le MNA, frères dans un rôle taillé sur mesures mais,
Quinze jours dont toutes les femmes ennemis, rivalisèrent en sauvagerie non peu après, une autre actrice, épouse du
rêvent ! Voilà ce que son rédacteur en seulement pour s'entretuer, mais aussi metteur ell scèlle, est assassinée.
chef a offert à Verity Birwood, Birdie pour organiser le racket des commer- Dès lors, le mystère va s'épaissir et les
pour ses amis, en l'expédiant faire un çants algériens installés en France. Sou- péripéties vollt se suivre à un rythme
reportage à Deepdene, l'institut de vent, des motifs politiques couvrirent elldiablé. Dû à Richard Wilson Weeb et
beauté miracle qui transforme à grand des actions purement criminelles Hugh Cullingham Wheeler, qui signè-
prix le pire laideron en star de ciné- orchestrées par des truands. Raymond rellt à plusieurs reprises sous) e pseudo-
ma ... Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est Muelle, auteur de différents ouvrages llyme commun de Patrick Quelltin, ce
que, parmi les dames entre deux âges de l'excellente collection "Troupes de polar d'excellellte facture llOUS eJ1traine
venues se faire belles, se glisserait celle Choc", rappelle également le rôle de dans l'umvers impitoyable de Holly-
que l'on avait surnommée "la dame en certains intellectuels français au service wood mais les meurtres ll'empêchellt
gris", une psychopathe meurtrière en des tueurs algériens. Un document pas de percer une pointe d'humour.
série ... Parmi les hôtesses de Deepde- exceptionnel. Fort distrayant.
ne, qui est Laurel Moon, libérée et Presses de la Cité, 304 p., 120 F. Le Masque, 189 p.

LE LIBRE JOURNAL page 19 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 ~


Balades en Ile-de-France
par Olmetta
Ketchup et xénophobie ...

i cette rubrique est destinée à heureux plumitif n'envisage appa- sont si réputés" ! Et, pour enfoncer

S· ;~;~r~:i~:~f~;:1::r:
mettre en lumière certains remment pas de raisons plus . le clou : "Trois choses sont int er-
sérieuses de notre mépris pour cer- dites dans la Confédération : le
taines mœurs américaines que celle bruit, les gosses et la fête".
qu'il énonce. C'est nous considérer Les Allemands tiennent une pla-
les émotions qu'ils procurent, elle encore plus légers que nous ne ce de choix dans ce barbare florilè-
s'érige, cette décade, en défenseur sommes ... ge. Pour ne parler que de la nourri-
de notre pays et de l'Europe en Chris Harris explique au postu- ture teutonne qualifiée d' "unique
dénonçant nos "amis" américains. Il lant voyageur qu'en Europe "plus au monde", l'auteur la déclare "à la
n'y a aucune réelle culture américai- d'une centaine de langues est par- fois ignoble et incroyablement
ne, encore moins un attrayant art de lée" et que, pourtant, l'anglais est dépourvue de valeur nutritionnelle".
vivre, et pourtant ces fossoyeurs de toujours considéré, comme une Il la divise en quatre groupes : "Biè-
la civilisation indienne exportent deuxième langue. Il enrage devant re, choucroute, une autre bière et
sans vergogne leurs néfastes habi- ce constat. saucisse" ! Quand on est "citoyen-
tudes : le rock, le rap, les graffiti, le La lecture de ce "guide" destiné à hamburger", est-on qualifié en cette
fast-food, le jean, etc. Soyons hon- faire renoncer à la visite de l'Europe matière?
nêtes et reconnaissons qu'il y a une nous présente comme des fumeurs Et la France ? "Paris est une ville
littérature notable et un cinéma inté- invétérés. "Heureusement, précise+ magnifique". Merci pour cette
ressant. Maintenant que l'Europe a . il, l 'odeur (du tabac) est masquée concession ! Toutefois, "la seule
son Disneyland que nous avons eu parce que les Européens n 'ont pas erreur du Créateur est de l'avoir
la faiblesse d'accueillir, voici que confiance dans les déodorants". Et, située en France". Heureusement il
nos "libérateurs" nous crachent au horreur, de plus, nous ne sommes y a Eurodisney, "l'un des endroits
visage. pas friands de beurre de cacahuète. les plus formidables à visiter... par-
Chris Harris, auteur connu et sui- Italie : Venise est "la seule ville ce que c'est presque exactement le·
vi, vient de pondre un guide à l'usa- au monde qui ait pour principale même que Disneyland, excepté qu'il
ge de ses compatriotes yankees attraction des égouts inondés" et est vide" ... Etablissant ce réjouis-
pour leur indiquer les mille et une offre la "contemplation de ses légen- sant constat, Monsieur Harris pour-
bonnes raisons qu'ils ont de ne pas daires rats ailés transformant, par rait rendre hommage à notre lucidi-
venir dans la vieille Europe : Don't . magie, des miettes en substance té ... Même pas.
goBurope ! blanchâtre et collante". Les Améri- J'ai gardé pour la bonne bouche
Feuilletons ce catalogue de cains fiers de leurs origines ita- la gastronomie française déclarée
mises en garde dissuasives à l'usage liennes seront certainement heu~ par cet "American-cornecul " :
de "l'Uglius Americanus" qui aurait reux d'apprendre, en lisant leur "immonde". Le "pire scandale''. étant
l'incongruité de vouloir se hasarder compatriote, que Rome · n ' est le foie gras qui n'.est "qu ' une
chez nous. Nous sommes loin du US "qu'une accumulation de vieilles bouillie de foies" ... Ce pauvre bau-
Go home des années 50 ... Pourquoi ruines sales". lis découvriront égale- det, pour conclure, crie haro sur les
vous déplacer puisque "l'Europe ment que la Tour de Pise est "une restaurants de notre pays : "Vous
n'offre rien que vous ne puissiez erreur architecturale" ... attendrez plus dans un restaurant
trouver dans le confort (sic) du fast- L'Espagne a cette particularité en France que dans un bureau de
food de votre quartier". Toutefois, d'offrir tous les jours l ' après-midi poste en enfer!"
dans une fulgurante lucidité , "férié" ... "Les journées s'organisent L'hystérie de fréquentation des
l'auteur précise à ses lecteurs : "Les ainsi : matin "siesta", le soir "fies- restaurants français de Madison
Européens ne vous aiment pas car ta" ... Seule la matinée du jeudi est Square Avenue, même si elle est
ils vous connaissent trop. Des mil- consacrée au travail" ! due au snobisme, inflige un démenti
liers d'ambassadeurs bedonnants et La Suisse est présentée comme à Monsieur Chris Harris.
vêtus de chemisettes hawaïennes le plus ennuyeux des pays d'Euro- Baladez-vous donc en France
vous ont précédés avec leur Pola- pe. "La seule chose à y faire est de et. .. en Europe !
roïd autour du cou et leur manie de regarder sa montre, ce qui explique Nous attendons le guide des USA
redemander du ketchup" . Ce mal- pourquoi les chronomètres helvètes rédigé sur le même ton. 0

LE LIBRE JOURNAL page 20 N° 55 DU 30 D ÉCEMBRE 1994 6


Rideau rouge
par Jérôme Brigadier
Une bonne volonté visible dans la
réalisation et quelques touches
« L'Ange noir»
d'humour suscitent de la sympathie de Jean-Claude Brisseau
pour cette réalisation. Néanmoins,
soyons sur nos gardes. C'est,
« Bab El-Oued City» consciemment ou non, une forme de e premier grand rôle de Syl-
de Merzak Allouache
'
propagande pour nous préparer à
recevoir les "bons" Algériens qui sou-
haitent échapper à l'intolérance de
L vie Vartan à l'écran! Toute la
publicité est basée sur cet
apophtegme. C'est oublier, un peu

C
e film a reçu le Prix de la Cri- leurs compatriotes musulmans inté- vite, que l'ex-Madame tlallyday avait
tique internationale au Festi- gristes. Cinéphile, d'accord, mais tourné dans le film adapté de la
val de Cannes 1994. Un français d'abord ! Surprenante image célèbre pièce de Marcel Achard, en
encouragement probablement, car finale du garçon qui, narquois, bran- 1964 : "Patate". En 1994, mainte-
c'est du cinéma bien moyen. dit son passeport français sous le nez nant qu'elle est devenue une "grosse
Il s' agit de l ' aventure, au prin- des policiers impavides, avant de légume", nous n'irons pas jusqu'à
temps 1989, d'un jeune mitron du grimper dans le bateau qui l'amènera dire qu'elle joue comme la célèbre
quartier de Bab El-Oued (là où l'on chez nous ... Un film instructif! C'est découverte de Parmentier.
trouve l'unique café d'Alger qui serve probablement pourquoi le premier Mariée à un riche magistrat
de la bière-pressio11 : "La Grande soir d'exploitation l' "Elysées-Lincoln" intègre (Michel Piccoli), une femme
Brasserie" ) qui, uri après-midi, recevait une classe d'une cinquantai- (Sylvie Vartan ) tue, chez elle, un
réveillé pour la énième fois par le ne de jeunes en "uniforme" (baskets, homme. Elle concocte une extrava-
haut-parleur de la mosquée voisine, jeans, casquette américaine) enca- gante mise en scène pour accrédlter
arrache et jette à la mer l'appareil drés de leurs "profs-sympas" ... la légitime défense. Le réel talent de
perturbateur. Ce geste de colère a Dans ce pays où des mômes de Piccoli, le beau métier de Tcheky
des conséquences dramatiques car il 15 ans ânonnent en tentant de lire, il Karyo, font ressortir le jeu glaciaire
déchaîne l'ire des barbus du FIS bien est, effectivement, urgent de leur de l'inoubliable interprète de "Panne
décidés à en découdre malgré les enseigner l'histoire récente (regardée d'essence". L'intérêt tombe très vite.
appels au calme de l'imam. d'un unique point de vue) de I'Algé- On s'ennuie ferme. Le parti pris de
Ce portrait d'une génération rie... probablement parce que ce fut l'esthétisme n'excuse pas tout. tlor-
dénonce la violence imbécile qui un département français. Les mêmes mis quelques beaux plans sur le
ravage l'Algérie. Parfaite illustration étudiants ont dû être conduits à voir visage impeccablement maquillé de
de la "proverbiale" tolérance de "La Liste de Schindler". Cinéma édu- Sylvie Vartan, cet ange a bien du mal
l'Islam ... catif! à passer.

« Feu la mère de l'unisson. Alors qu'avec ces pièces on


peut tomber très vite dans le cabotina-
Madame» et ge, aucun n'y succombe. Fabienne
Chaudat, Urbain Cancelier et Maaïke
« On purge bébé » acteur. Mais il faut être virtuose. Eh Jansen complètent la distribution sous
bien Muriel Robin, Pierre Richard et la houlette du metteur en scène Ber-
de Gerges Feydeau Darry Cowl le sont ! Pour ce dernier . nard Murat qui a intelligemment servi
c'était une certitude, pour Richard une Feydeau et ne s'est pas servi de
. Feydeau, auteur comique? La noir- possibilité, pour "la Robin" un doute. l'auteur comme nombre de ses homo-
ceur des sentiments de ses person- Ils sont parfaits. Muriel Robin, forte de logues. De l'excellent travail; A ne pas
nages, la réalité pesante des situations ses autres expériences scéniques, mai- manquer.
en font l'un des observateurs les plus trise parfaitement le texte. Sa diction Puisque le directeur cte ce beau
aigus de ses contemporains ... Mais il flamboyante est dans le ton. Elle s'est théâtre, l'auteur à succès Julien Vartet,
avait choisi le parti du rire et c'est tant intégrée dans l'impitoyable mécanique vient de voir ses œuvres complètes
mieux. Tout le monde connaît l'histoi- de Feydeau. Son physique dur colle à éditées (en trois volumes) aux Edi•i.
redu marché de pots de chambre pas-
sé avec l'armée française (« On purge
bébé ») et celle du retour de fête d'un
ç, mari inconsistant(« Feu la mère ... »).
. Jouer Feydeau : le rêve de tout
ces deux mégères, mantes religieuses. tions du Rocher, nous vous les _
Pierre Richard en mari martyrisé excel- signalons comme cadeau idéal de
le dans la veulerie. Darry Cowl est fin d'année.

roublardise. Tous les trois jouent à tzy: 47 42 59 92.


·
superbe de métier, de finesse et de -Théâtre &Jouard VII-Sacha Gui- \~'.Y
.
1 ,.

~ LE UBRE JOURNAL page 21 N° 55 DU 30 OÉCEMBRE ,994 ~ . ~


CUn Jour
Les
Carnets
étrennes par
T
rès prisée des Romains, la
coutume des étrennes, Pierre Monnier
qu 'interdit en demi-millénaire
la Sainte-EglZse, atteignit son apogée
à la fin du règne de Louis XIV et sous
Louis XV. Comme d'habitude, puisque person-
Avec moult gourmandes choses, ne ne me demande mon avis, je m 'en
figurines de sucre, nougats, cotignacs, vais le donner.
orangeats, fruits secs, étaient alors
principalement offerts des pantins, des
petits chiens et des almanachs.
A Paris, vers 1760, des pantins
Le maire d'une petite commune inju-
«branlant à un fil de richard» brochés
tantôt d'or, tantôt de strass, matière rie pu_bliquement un conseiller munici-
que venait d 'inventer le Teuton du pal : "Honte de la commune ! Fasciste !"
même nom, s'achetaient pont Notre- Procès. Devant le tribunal, le maire
Dame, chez le sieur Guersaint et chez s'écrase mollement et affirme n'avoir
les boutiquiers de la galerie du Palais. jamais eu l'intention d'offenser l'autre.
Boucher croqua l'un d'eux qu'eut Mais alors, si, "fasciste" n'est plus une
Madame la duchesse de Chartres. offense, qu'est ce qui est une offense?
Les petits chiens étaient de toutes . "Deloreux" ? "Stalinien" ? "Balladuris-
sortes, turcs - des bestioles minuscules te" ?, "Emmanuelliste " ? "Rocardo-
et veuves de poils, « ce qui les mane" ? "Chiracophile" ?
rendaient plus chers à leurs maîtres-
ses », carlins, bichons, pyrames, King
Charles. Les élégantes préféraient les
polonais, <fort laids, insupportables»,
qui valaient, vraie ruine I une Les techniques de désinformation
cinquantaine de pistoles. s'améliorent de jour en jour. Je trouve
Quant aux almanachs, il y avait ceux particulièrement pertinente celle du
intitulés « l'ami des belles », « passe- mensonge par détournement chronolo-
temps des jolies femmes»« l'amuse- gique. Connaissez-vous celle qui justifie
ment des coquettes » , « bijou des un événement par des faits survenus
dames », qu'on donnait aux beaux beaucoup plus tard ?
esprits féminins, et de moins luxueux On compte sur la mémoire cafouilleu-
destinés aux illettrés, modestes cubes
se pour faire passer la pilule.
de bois dont le symbole d'un trimestre
Exemple : "On ne pouvait éviter de
illustrait chacune des faces. Une
étoile, rappel de l'épiphanie, évoquait déclarer la guerre à l'Allemagne en 39 à
janvier, février et mars; un cœur, cause des crimes qu'elle a commis par
rappel de la vierge, avril, mai et juin; la suite."
des clefs, rappel de saint Pierre, juillet Et celle-là aussi, qui n'est pas mal : la
août et septembre; une harpe, rappel relation de nombreux faits, témoignages,
du roi David, octobre, novembre et anecdotes auxquels est attribuée une
décembre ... égale importance ; avec un choix astu-
Jadis, ainsi qu'aujourd'hui, personne cieux, on peut imprégner le lecteur des
n'échappait à la gentille obligation de plus jolies contrevérités.
faire des cadeaux d'an neuf, sauf
Appliquée naguère à Louis-Ferdinand
certains ladres, comme le breton
Céline, elle constitue aujourd'hui
duquel on grava la stèle tombale de ce
quatrain vengeur:« Ci-gît, dessous ce l'essence du livre de Bresson et Lionet
marbre/ le plus avare des hommes de consacré à Jean-Marie Le Pen.
Rennes/ S'il est mort le jour de l'an/ C'est la technique dite de l'accumula-
c'est pour ne pas donner d'étrennes ... tion creuse. Je parie qu'elle deviendra
Bonne année, Bonne santé Il classique et qu'elle fera des petits.

Jean Silve de Ventavon


Le journal de Séraphin Grigneux
« Homme de lettres »
par
Daniel Raffard de Brienne
Le 1O décembre 1994 officielle aussi lamen- dictats potentiels que
A peine commencé, et table, il ne pouvait y avoir l'incertitude des péripé-
malgré les foucades de qu'une face cachée rigo- ties judiciaires contraint à
l"affreux JC, le Dallas pré- larde et un tantinet coqui- une réserve discrète, il ne
sidentiel s'enfonce dans ne. Bref, je m'attendais à reste pas un grand choix.
l'ennui. Les rebondisse- me régaler d ' anecdotes Certains socialistes
ments sont mous et les croustillantes. Bernique ! espèrent encore voir le
électeurs se sentent comme on disait dans les petit Polichinelle grinçant
l'envie de zapper à romans à quatre sous : la ' resurgir de la boîte où il
chaque épisode. face cachée est encore boude. D'autres pensent
Faudra-t-il déprogram- plus sinistre que l'autre. à Djack le mirobolant
mer le feuilleton avant les Je me suis abominable- avec qui, il est vrai, on ne
élections ? A droite, on a ment rasé. s'ennuierait pas. A
essayé de nous tenir en Rien à dire, il est vrai, chaque jour son idée lou-
haleine avec des histoires sur le parcours du bon- foque : l'Arc de Triomphe
de primaires dont tout le homme : la JOC, la CFDT, couvert de tags, Notre-
monde se contrefichait. la lutte contre l'Algérie Dame peinte en rose et
Finalement;- les dirigeants française, mai 68 ("un ses piliers zébrés par
de la majorité se sont entracte de ciel bleu", Buren, la Tour.Eiffel arran-
rabattus sur la candidatu- comme il dit), Chaban. Et gée en symbole phal-
re unique. Là, je suis tran- surtout son maître Men- lique, les Gardes républi-
quille, ils ne manqueront dès, pour lui "un idéal cains en porte-jarre-
pas de candidats uniques. d'homme politique". En telles ... Moi, je préférerais
Ils en ont déjà au moins somme, pas une erreur. Gros-Quinquin. Chez lui,
six. Mais voilà, il parle. Et il la lame n'use peut-être
écrit : à la deuxième pas le fourreau, mais il a
Le 12 décembre J 994 ligne, je bâille ; à la troi- du moins la corpulence et
Coup de théâtre qui sième, je dors. Rien que l'appétit d ' un Danton.
réveille l'intérêt des spec- des phrases rasantes. J'aime la manière dont,
tateurs. A droite, on rit et Au fond, son secret de sa voix de bronze, il
l'inflation du nombre des c'est de savoir raser. Les enfile comme des perles
candidats menace de politiciens n'y résistent sur un fil des phrases
galoper ; à gauche, on pas. Ils le croient compé- .d ' autant plus sonores
pleure et, tel Diogène tent dans les domaines qu'elles sont creuses.
avec sa lanterne, on qui les ennuient parce J'apprécie la façon dont il
cherche un nomme qui qu'ils n'ont pas le coura- interpelle "les gens du
pourrait être candidat. Et ge de l ' écouter. Ils en château" alors que bien
tout cela finalement parce oublient même son mal- des châtelains aimeraient
qu'un non candidat a seu- encontreux passage aux changer leurs donjons
lement dit qu'il n'était pas Finances et ses horreurs contre sa chaumière.
candidat. C'est le comble maestrichiennes. On exagère par pure
du non-événement. Voilà l'homme qui méchanceté sa faible apti-
Ce Delors ne me man- pouvait devenir président tude aux travaux de
quera guère. Je n'arrivais de la République. Mais l'esprit. En réalité, à ce
pas à m'habituer à ses comme il se refuse à arro- qu'on m'a dit, il a mal
yeux d'épagneul martyri- ser de ses larmes chro- supporté le cambriolage
sé. J'ai acheté un bou- niques les chrysanthèmes de sa bibliothèque. Et
quin intitulé "La Face officiels, il va bien falloir pourtant il n'y avait qu'un
cachée de Jacques que la gauche trouve seul livre.
Delors". Je m'étais dit quelqu'un q'autre. Or, si Mais il n'avait pas fini
que, derrière une face l'on élimine tous les can- de le colorier. D

LE LIBRE JOURNAL page 23 N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 ~


LaG Guerre
«J'ai à la mémoire un air d'Haendel ... »

Le Libre Journal poursuit de cette saison passionnée. Un de teur soit son génie, je crois que
la publication des ·lettres et mes emplacements habituels se d'être privé de l'entendre supprime-
trouve sur la Woëvre. Que c'est rait quelque chose de moins sub-
carnets d'Eugène Lemer- beau ! Et quelle bénédiction de stantiel pour le génie français que si
cier recueillis, voilà un suivre, chaque heure de la journée l'on s'.en prenait aux grands clas-
demi-siècle, f)ar Jacques et de la nuit, l'embrasement du siques, ses compatriotes. '
Benoist-Méchin aans un feuillage à chaque jour de
livre aujourd'hui disparu : l'automne ! Comme l'affreuse turbu- 19 NOVEMBRE AU MATIN
Ce qui âemeure (Albin lence humaine ne parvient pas à
Micnel, 1942). troubler fa sérénité majestueuse de Bien chère maman, j'ai été
la nature ! Certes, il est des réveillé à l'aurore par une canonna-
Dans le cri ultime du sol- moments où l'homme paraît excéder de violente et inusitée à cette heure
dat Lemercier, peintre, ce que nous pouvions en imaginer ; du jour. A ce moment, des cama-
poète, musicien et homme mais une âme avertie distingue rapi- rades revenaient glacés par une nuit
de [oi tombé aux Eparges dement l'harmonie qui domine et de tranchée. Je me suis levé pour
le o avril 1915, nu7le révol- concilie toutes ces dissonances. Ne Jeur' chercher du bois, alors que sur
te contre le destin. Tout, au croyez pas que je reste insensible à le versant opposé de la vallée écla-
la navrance des spectacles dont tait une fusillade très nourrie. Je suis
CO'!}traire, est prétexte à nous sommes rassasiés : villages monté au plus haut que j'ai pu et je
s 'emerveiller àevant la anéantis sur lesquels s'acharne voyais, dans le ciel très pur, le soleil
beauté de la Création. Et l ' artillerie, fumées dans le jour, s'annoncer.
l'on songe à l'âme d'acier lueurs dans la nuit, misère des popu- Tout à coup, de la butte en facé
à la fois- ferme et souple lations évacuées sous les obus. A (une de ces collines que j'aime tant)
chaque instant, on reçoit un choc en j'ai entendu venir des clàmeurs, des
qu'ilfallait à cet h(!11fme plein cœur. Mais c'est précisément hurlements. "En avant ! En avant !"
pour trouver, au milieu du pourquoi je me réfugie dans cette C'était une charge à la baïonnette.
fracas des bombes, le cou- consolation supérieure. Car, souf- C'est la première à laquelle il me soit
rage tranquille de fredon- frant également, je ne pourrais sans donné d'assister, non pas que j 'àie
ner un air de Haendel. cette discipline du cœur, faute de sup- rien vu : l'heure encore obscure et
porter sans désarroi notre situation. probablement la disposition du ter-
rain s'y opposaient. Mais ce que
15 NOVEMBRE 1914, 7 H 18 NOVEMBRE, 11 H j'entendais suffisait à donner la sen-
sation de l'attaque.
Comme j'ai apprécié le spectacle Pour l'instant, j'ai à la mémoire Jusqu'à présent, je n'avais pu
de cette éhorme plaine où nous un joli air de Haendel, si touchant. imaginer que la guerre anonyme, qui
étions descendus, cinglés par le Aussi un allegro de nos concerts veut une forme de courage très diffé-
grand vent. L'horizon bas libérait le d ' orgue à quatre mains. Une rente de la valeur guerrière tradition-
grand ciel gris où de rares échap- musique joyeuse, brillante, débor- nellement conçue par le civil. Et voi-
pées blafardes rappelaient l'azur dis- dante d'activité. Cher Haendel! Il me ci que ce vacarme de ce matin me
paru. Un calvaire tragique et noir, en console souvent. Beethoven me rappelle, au milieu de mon calme,
silhouette. Puis des arbres squelet- revient rarement à la mémoire mais, que des hommes jeunes et sans
tiques. Quel site ! Voici où je puis quand sa musique s'éveille en moi, motif personnel de haine peuvent et
penser à toi, ma chère musique ! elle touche à quelque chose de si doivent se précipiter sur des gens ,
capital que c'est, chaque fois, com- qui les attendent pour les tyer.'
16 NOVEMBRE 1914 me une main écartant les voiles Mais le soleil se levait sur la terre
devant la Création. de mon pays. Il éclairait la vallée et,
Que vous dirai:ie de ma vie ? A _ Pauvres chers grands maîtres ! de ma hauteur, je distinguais deux! ·
travers les fatigues et les vicissi- Leur f era-t-on un crime d'être alle- villages, deux mines dont j'avais vu .
tudes, je suis soutenu par la mands ? Et Schumann, comment l'une flamber trois nuits durant.
contemplation de l'admirable natu- l'associer à un barbare? Près de moi, deux croix de bois t ·
ffÇ1 re qui, depuis deux mois, accumu- Pour Wagner, si belle soit sa blanc.Le sang français coule en,~- ,
. . \ ~
. le les émotions et le pathétique musique, si incontestable et séduc- 1914.. . . ~.
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LE LIBRE JOURNAL page 24 . N° 55 DU 30 DÉCEMBRE 1994 V ~- ,.\·:- ;

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