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La fusion Mittal – Arcelor : un

prédateur devenu proie ou une alliance


naturelle
La fusion MITTAL – ARCELOR : un prédateur devenu proie ou une alliance
naturelle

Sommaire
A. Présentation........................................................................................................................4
B. Segmentation de l’industrie ...............................................................................................7
................................................................................................................................................8
C. Définition du type de secteur concurrentiel.......................................................................9
D. Carte des groupes stratégiques ..........................................................................................9
E. Question de synthèse........................................................................................................11
II. Le cas Mittal Arcelor............................................................................................................13
A. Les offres faites par Mittal...............................................................................................13
Le groupe sidérurgique néerlandais Mittal, contrôlé par la famille indienne du même nom,
a choisi de s'adresser directement aux actionnaires d'Arcelor. Son objectif était de les
convaincre d'apporter leurs titres à son OPA de 25 milliards d'euros. Pour sa défense,
Arcelor envisageait une alliance avec le groupe russe Severstal..........................................13
1. L’OPA de Mittal Steel sur Arcelor...............................................................................13
2. Deux stratégies différentes............................................................................................13
3. Avant l’OPA.................................................................................................................14
4. La signification de l’offre.............................................................................................16
Article de presse : Arcelor : M. Mittal n'envisage pas de modifier la structure de son offre
...............................................................................................................................................17
B. Les moyens de défense d’Arcelor....................................................................................18
1. L’option politique.........................................................................................................18
2. L’inscription dans les forces vives du capitalisme français..........................................19
3. Une alliance industrielle................................................................................................19
C. Arcelor et Severstal..........................................................................................................20
1. Les intérêts des salariés ................................................................................................21
2. Les intérêts des actionnaires ........................................................................................21
3. Les intérêts des dirigeants ............................................................................................22
D. Les nouvelles synergies....................................................................................................22
E. Question de synthèse........................................................................................................24

Lakshmi Mittal, homme d’affaires anglo-indien, bénéficiant du titre de « roi de


l’acier », est la troisième fortune de la planète. Il contrôle Mittal Steel, le premier
producteur d’acier au monde.
Le 27 janvier, Mittal annonce qu’il veut acheter Arcelor, le numéro 2 du secteur pour
28,21 euros par action d’Arcelor, soit « la modique somme » de 18,6 milliards
d’euros au total.
Un prix qui se révèle être extrêmement intéressant pour les détenteurs de titres
Arcelor : ils pourraient, de cette opération, tirer un bénéfice de 27 % sur le cours du
jour de l’annonce de l’OPA.
Mais qu’en est-il de la désormais « proie », Arcelor ?
Arcelor est né en 2002 de la fusion d’Arbed, d’Usinor et d’Aceralia. Son président, le
Luxembourgeois Guy Dollé (deuxième actionnaire avec 4 % du capital) a tout
d’abord repoussé l’offre faite par Mittal.
Quelles en sont les raisons ?
Les deux groupes, selon les propos de M. Dollé, ont « des visions industrielles et des
cultures tout à fait différentes : Arcelor fabrique des produits de grande qualité, à
haute valeur ajoutée. Mittal Steel fait davantage dans le bas de gamme. Ce secteur
étant très sensible à une guerre des prix, Arcelor s’appauvrirait si elle était absorbée
par Mittal Steel ». Cependant, au terme d’une bataille boursière assez longue,
Arcelor a finalement cédé à Mittal.
Durant ce cas, nous serons amenés à nous poser des questions sur la (ou les)
véritable(s) raison(s) de cette « alliance ».
Est-ce réellement une fusion entre égaux ou un mariage de raison dicté par le bon
sens industriel et financier ?
Dans une première partie, nous présenterons le secteur sidérurgique, puis dans une
seconde, nous étudierons la fusion Arcelor-Mittal.
I. Le secteur de l’acier

A. Présentation

Pouvoir de négociation des fournisseurs : très faible

Les fournisseurs en matières premières sont extrêmement nombreux et le switching


cost est faible et ce, malgré le fait qu’un changement de fournisseur soit risqué.
De plus, le secteur de l’acier est, pour ces fournisseurs, un débouché extrêmement
important.
Ces derniers délivrent le marché en produits standards et donc pouvant être vendus
par n’importe quel fournisseur.
Le pouvoir de négociation des fournisseurs est encore plus affaibli par le fait que
pour la grande majorité des entreprises du secteur de l’acier, il y a eu une intégration
Pouvoir de
en amont de leurs fournisseurs en matières premières : pour preuve, le taux de
couverture moyen en fer des entreprises du secteur de l’acier est de 65,17 % et celui

négociation
en charbon est de 102,1 %.
Mais même si le fournisseur est externe, les contrats d’approvisionnement conclus
pour une longue période, ce qui permet de sécuriser les volumes et d’obtenir des
tarifs bas. des fournisseurs
Menace de nouveaux entrants : faible

Les nouveaux entrants doivent bénéficier d’une assise financière confortable, du fait
des coûts fixes très élevés.
Du fait d’une politique de marges faibles instaurée par la sidérurgie japonaise, il y a
une augmentation du ticket d’entrée en termes de volumes à produire pour être
compétitif sur le marché.
Le secteur de l’acier est également « très friand » en besoins technologiques et a un
TBC (Time Basic Competition) assez long : les nouveaux entrants auront besoin de
beaucoup de temps pour développer de nouveaux produits.
Les niveaux d’expertise et d’expérience requis sont assez élevés.
Les relations entre clients et entreprises du secteur déjà présentes sur le marché
sont « fusionnelles » : certains ingénieurs des entreprises du secteur de l’acier ont un
travail uniquement dédié à certains clients et au développement de nouvelles
solutions pour ces derniers au sein des sièges de ces mêmes clients.
L’accessibilité aux fournisseurs de matières premières peut s’avérer extrêmement
difficile pour de nouveaux entrants sur le marché, du fait du grand nombre
d’intégrations en amont de fournisseurs de matières premières et donc du grand
nombre de « marchés captifs ».

Rivalité intrasectorielle : extrêmement forte

Le secteur de l’acier est composé d’un grand nombre de concurrents de grande


taille.
La structure du marché du marché est clairement atomisée : les 3 leaders
représentent 12,1 % de parts de marché.
Du fait d’une politique de marges faibles instaurée par la sidérurgie japonaise, il y a
une augmentation du ticket d’entrée en termes de volumes à produire pour être
compétitif sur le marché.
Le ticket de sortie est à un prix exorbitant, du fait, du manque de réversibilité des
investissements.
La structure des coûts fixes est très élevée, ce qui incite les entreprises du secteur à
faire le maximum pour favoriser la rotation de leurs chiffres d’affaires.

Pouvoir de négociation des clients : faible

Les clients sont nombreux.


Les produits échangés sont de moins en moins standardisés, et donc de plus en plus
adaptés aux besoins de l’entreprise cliente.
Le montant des achats réalisés dans le secteur de l’acier représente un grand
pourcentage dans leurs coûts.
Le switching cost est faible mais très risqué, de par l’importance de l’enjeu de la
fiabilité des produits.
Le risque d’intégration en amont est faible.

Produits de substitution : forte

Il convient de distinguer deux types de produits de substitution :


Les produits de substitution « purs » : pour le secteur de l’emballage, qui représente
4% du chiffre d’affaires du secteur de l’acier mais dont la demande apparaît plus
stable que pour de nombreuses autres industries clientes de l’acier, le secteur est
concurrencé par les matériaux plastiques, qui se révèlent plus polyvalents et
beaucoup moins coûteux, mais aussi par l’aluminium, dont les propriétés sont
similaires à celles de l’acier.

Les produits de substitution « impurs » : dans la plupart des secteurs clients de


l’industrie sidérurgique, l’acier n’est plus utilisé en tant que tel mais en tant que
composant d’un alliage, ce qui peut compromettre l’avenir de l’industrie de l’acier.

La sixième force : les Organisations Non Gouvernementales : aucun pouvoir

Les ONG n’ont aucun pouvoir dans ce schéma car l’acier est l’un des matériaux les
plus recyclables au monde, comme le prouve ce schéma.

Publicité Écologie, Réflexe,


Consommation Environnement

Poubelle

Applications

Four électrique Tri magnétique

Premières
transformations

Convertisseurs
Recyclage

transformationstransf
ormations
Fonte

(Documentation interne, Arcelor)

Il y a, cependant, quelques nuances à apporter ce modèle de Porter :


En effet, malgré la nuance pouvoir de négociation des clients, l’industrie sidérurgique
est fortement tributaire de trois principaux débouchés qui représentent à eux seuls
84 % de chiffre d’affaires : la construction (le BTP) (43%), la mécanique et les
machines (22 %) et l’automobile (19 %).
Le secteur de l’acier est donc fortement dépendant de la santé de celui du bâtiment
et de la construction, qui est fortement cyclique et dont le dynamisme tend à
s’essouffler.
Quant au domaine des constructions mécaniques, sa cyclicité est moindre que celle
du BTP mais existe néanmoins du fait de la multitude d’industries en aval.

B. Segmentation de l’industrie

Acier

BTP Mécanique Automobile Secteur Les chantiers Secteur pétrolier


L’emballage
Ferroviaire navals et gazier

Armature C.
Construction Matériel Infrastruc
de tures Infrastructure Infrastructure
transport d’exploration de traitement
et de
production
Construction Tôles
de pièces

Structure Conteneurs
de
navires

Composant Produit fini


Il y a donc théoriquement 12 Domaines d’Activité Stratégiques.

Pour en avoir la confirmation, veillons donc à vérifier ce nombre avec le schéma


tridimensionnel d’Abell

Besoins
satisfaits
Construction

Consolidation

Composant
d’un alliage

Groupe
d’acheteurs

le
I
Automobile
Mécanique

pétrolier et

Emballage
ferroviaire

Chantiers
Secteur

Secteur
navals

gazier
Axe
BTP

technologique Lingots

Coulée
Continue

L’acier produit par les entreprises du secteur peut répondre aux 3 besoins et on peut
également attacher les mêmes commerciaux à tous les groupes d’acheteurs.
L’axe discriminant est donc l’axe des technologies.

Il y a donc 2 x 1 x 1 = 2 Domaines d’Activité Stratégiques réels.

D’où le tableau suivant :

Domaines d’Activité Stratégiques Facteurs Clés de Succès


Coulée continue Relations privilégiées avec les clients,
Motivation du personnel,
Lingots Qualifications des équipes,
volume
C. Définition du type de secteur concurrentiel

Matrice Boston Consulting Group 1

D. Carte des groupes stratégiques


e croissance du marché

Sur ce marché très concurrentiel, il est impératif d’avoir une stratégie bien
définie pour s’imposer. Arcelor-Mittal mise principalement sur la diversification ainsi
que sur l’internationalisation.

Grâce à la stratégie de diversification, l’enseigne renouvelle constamment son


portefeuille de produits. Elle propose des produits toujours plus innovants, peut
répondre plus précisément aux demandes des clients, et se démarque des
concurrents. Elle propose des produits plus techniques et peut ainsi se positionner
sur des marchés à forte valeur ajoutée. Ceci est rendu possible grâce à de réels
efforts en R&D, qui représentent néanmoins des investissements importants.

La diversification se remarque aussi par un désir croissant d’intégration


verticale. Arcelor-Mittal se dirige vers une couverture de la chaîne de valeur en
amont, qui a des répercussions positives sur les coûts. Ainsi, le service proposé par

Coulée
l’entreprise sera plus complet et constituera un atout majeur par rapport à certains

continue
rivaux. Dans ce cas, l’entreprise ayant une bonne santé économique et financière,
nous sommes clairement dans une diversification de croissance.

Sa stratégie d’internationalisation est également très positive dans l’objectif de


développement de l’entreprise. Elle lui permettra de devenir un acteur mondial
incontournable et de renforcer sa position de leader. Sa politique d’acquisitions
répétées est payante et créatrice de valeur puisqu’elle s’en sert pour se positionner
sur des marchés porteurs, qu’ils soient matures ou émergents. L’enseigne mise
d’ailleurs sur ces marchés émergents (Europe centrale, Afrique,…), sur lesquelles
elle renforce de manière significative sa présence, qui sont une valeur sûre puisqu’ils
disposent d’un taux de croissance intéressant. Arcelor-Mittal en profite aussi pour
s’installer sur des zones de production à faible coût.

Nous allons donc voir comment se positionne Arcelor-Mittal par rapport à la


concurrence. Pour cela, nous avons choisi les critères qui sont la base de sa
stratégie, qui est pour le moment gagnante, la diversification et l’internationalisation.

Carte des groupes stratégiques

Fort

US
Steel

Le secteur de l’acier est sujet à de nombreuses opérations de fusions-acquisitions.

Degré
Ceci peut s’expliquer par la difficulté qu’ont certains petits groupes à lutter contre les
grandes enseignes, généralement issues du continent asiatique. Le critère de taille
étant désormais incontournable, les entreprises n’hésitent pas à procéder à des
d’internationalisation
fusions-acquisitions pour s’imposer et faire face à la concurrence, ce qui leur permet
notamment d’augmenter leur capacité de production, leur gamme de produits et
améliorer leur implantation géographique, et donc de répondre plus favorablement
aux besoins des clients.
De plus, même si le marché est dans une meilleure situation depuis quelques
années, il demeure néanmoins fragile.
Ces opérations de fusions-acquisitions sont aussi un moyen de lutter plus facilement
contre une possible récession.
C’est donc une stratégie gagnante à tous les niveaux, et Mittal s’est avéré en être le
spécialiste.

E. Question de synthèse

Le secteur de l’acier vous semble-t-il être propice aux fusions-acquisitions ?

Indéniablement, le secteur de l’acier est un domaine propice aux fusions-


acquisitions.

L’industrie sidérurgique se caractérise essentiellement par des coûts fixes


extrêmement élevés : en effet, tant dans la filière fonte que dans la filière électrique,
quelle que soit la technologie employée, coulée continue ou lingots, il est obligatoire
d’avoir sa propre aciérie à laquelle est liée pour les aciéries électriques une centrale
nucléaire exclusivement pour ces dernières. Les installations de la station d’affinage,
élément indispensable, s’ajoutent encore à la liste des dépenses.
C’est la raison pour laquelle un groupe issu d’une fusion acquisition, qui bénéficie
naturellement d’une assise financière plus confortable qu’un groupe dit lambda, est
plus à même de pouvoir investir dans ces structures et éventuellement, de ne pas
répercuter tout de suite le montant de ces investissements sur le prix de vente.

Quant aux clients de l’industrie sidérurgique, ils s’orientent de plus en plus vers des
produits à forte valeur ajoutée, comme le prouve le choix du secteur automobile de
consommer des alliages ou des aciers traités au lieu des produits plats, tels que les
feuilles ou les tôles.
Or, cette demande va attendre longtemps avant qu’il n’y ait une offre lui
correspondant car le Time Basic Competition est très long sur le marché.
Mais du fait de fusions-acquisitions, il y aura des possibilités de synergies et donc de
plus grande rapidité dans la réponse à la demande.
De plus, un grand groupe issu d’une fusion acquisition bénéficie de plus de liquidités
à allouer à la recherche et développement, pour réduire le TBC et éventuellement
prendre le marché en position de « conquérant », en étant les seuls à proposer un
produit.

Les fusions-acquisitions dans le secteur de l’acier permettent également de


contrebalancer le pouvoir de négociation de certaines entreprises clientes
appartenant à des secteurs qui ont une tendance à la concentration, comme le
secteur automobile par exemple, et permettent également de fournir un service plus
globalisé.

Mais il y a néanmoins un argument négatif : les fusions-acquisitions ne tiennent en


aucun cas du côté relationnel entre clients et fournisseurs.
En effet, de par la spécificité de la demande des entreprises clientes, l’industrie
sidérurgique se doit d’entretenir des relations étroites avec ces dernières, et ce fait
s’avère encore plus important lorsque le secteur d’importance de l’entreprise cliente
est faiblement concentré et très spécialisé, comme l’est le secteur des constructions
mécaniques, qui représente 22 % du chiffre d’affaires du secteur.
II. Le cas Mittal Arcelor

A. Les offres faites par Mittal

Le groupe sidérurgique néerlandais Mittal, contrôlé par la famille indienne du


même nom, a choisi de s'adresser directement aux actionnaires d'Arcelor.
Son objectif était de les convaincre d'apporter leurs titres à son OPA de 25
milliards d'euros. Pour sa défense, Arcelor envisageait une alliance avec le
groupe russe Severstal

1. L’OPA de Mittal Steel sur Arcelor


L’analyse qui suit a pour objet d’analyser l’offre publique d’achat hostile présentée le
27 janvier 2006 par Mittal Steel sur Arcelor SA.

Arcelor devient la première entreprise du CAC 40, depuis la création de l’indice en


1988, à être rachetée dans le cadre d’une OPA hostile par une société étrangère à la
place parisienne.
Plus encore, ce rachat signe l’échec de l’une des rares tentatives de politique
industrielle européenne.

Cependant, même hostile, l’offre de Mittal ne semblait, en première analyse, pas


dépourvue d’attraits. Si l’on en croit son promoteur, elle permettra l’édification d’un
géant de l’acier dont l’avènement s’inscrira dans un processus nécessaire et
inexorable de restructuration mondiale.

Par ailleurs, les capacités actuelles de défense d’Arcelor contre une telle opération
semblaient très limitées.
A cet égard, il ressort précisément de notre analyse que les conditions économiques
et financières qui entourent cette offre devraient rapidement se dégrader, à mesure
que le marché de l’acier poursuit son retournement de cycle.

2. Deux stratégies différentes

a) Arcelor : une stratégie intensive


En opérant une montée en gamme de ses aciers au prix de lourds investissements,
Arcelor est parvenu à se mettre relativement à l’abri des évolutions du marché de
l’acier, en contrepartie d’une relative stabilité de son chiffre d’affaires et d’une
profitabilité moins explosive que celle de Mittal lors du haut de cycle de 2004. On doit
noter que la stratégie de niche d’Arcelor est doublée d’une bonne productivité
individuelle, certainement l’une des seules façons de résister à la concurrence des
pays à très bas coût de main d’oeuvre.

b) Mittal : une stratégie extensive


La stratégie de Mittal est diamétralement opposée : le groupe a favorisé la
croissance de sa production brute en procédant à de nombreuses acquisitions à
travers le monde. Favorisée par la hausse des cours, cette politique a permis au
groupe Mittal d’afficher, ces dernières années, une croissance impressionnante de
ses résultats.
La différence de ces deux stratégies se reflète par une relative asymétrie des
résultats :

3. Avant l’OPA
Les derniers résultats publiés par les deux sociétés montraient clairement une baisse
tendancielle des résultats nets, particulièrement accusée dans le cas de Mittal
puisqu’elle était doublée d’une baisse vertigineuse du taux de marge.
Ces éléments venaient confirmer une plus grande exposition de Mittal au
retournement de cycle qui semble se dessiner actuellement.
a) Le contexte

(1) Un marché cyclique et éclaté


Le marché mondial de l’acier connaît des cycles d’amplitude importante et de
fréquence relativement rapprochée. Cette structure spécifique fragilise la rentabilité
des aciéristes, confrontés, en outre, à des fournisseurs et des clients en position de
force à leur égard en raison notamment du degré de consolidation supérieur atteint
par les secteurs concernés (groupes miniers, automobile…).

Sur le plan de sa structure, le marché de l’acier est particulièrement éclaté, à tel point
que les dix premières entreprises totalisent à peine 30 % du marché. Cette situation
est cependant en train de changer, en raison d’un processus de concentration
mondial dont Mittal et Arcelor sont des exemples emblématiques. Toutefois, ni les
opérations récentes (Dofasco), ni la fusion effectuée entre Arcelor et Mittal ne
suffiront à consolider le marché dans une mesure suffisante pour enrayer un bas de
cycle qui n’en est probablement qu’à ses prémices.

(2) Le facteur chinois


L’émergence d’un acteur de poids – la Chine – a joué un rôle déstabilisant sur le
marché de l’acier. La Chine était à l’origine du dernier haut de cycle (2004), du fait
d’un décalage entre la progression de sa production en forte croissance et d’une
demande qui est devenue frénétique entre 2003 et 2004. Elle a mis cependant en
oeuvre une politique d’investissements massifs dans ses infrastructures de
production, dont les effets ont commencé à se faire sentir en 2005 et devaient se
poursuivre en 2006 (voir le graphique ci-dessous).
Taux de croissance de la production d'acier (2001-2005)
Les taux de croissance comparés montrent que, depuis 2001, c’est la Chine qui tire
la croissance de la production mondiale d’acier.

Depuis 2005, toutefois, les deux courbes se sont dé-corrélées : la Chine est devenue
le seul moteur de la croissance de la production d’acier à travers le monde. Or, avec
31 % de la production mondiale en 2005, la Chine est enfin sur le point de pouvoir
satisfaire elle-même sa propre demande, voire de devenir un exportateur net d’acier.
Considérant qu’elle fut, ces dernières années, le principal moteur de la hausse des
cours en raison de ses achats sur le marché mondial, on peut s’interroger sur le sort
des sidérurgistes, qui comme Mittal, produisent principalement le même type d’acier
que les Chinois.

Du strict point de vue de Mittal, il semble bien que la fusion avec Arcelor fut la
meilleure et l’une des seules opportunités disponibles pour amortir un bas de cycle
qui risque d’être une crise particulièrement violente.

4. La signification de l’offre
Le découpage de l’offre Mittal semblait à première vue discutable, alors même qu’il
générait une plus - value immédiate sensible.
En effet, l’offre était structurée à 75 % en titres Mittal lesquels devaient en toute
logique voir leur valeur baisser très rapidement au fur et à mesure que la baisse des
résultats sera intégrée par les investisseurs. Il se trouve d’ailleurs que le titre Mittal a
déjà connu une chute de 80 % lors du dernier bas de cycle et il n’y a aucune raison
de penser qu’un tel phénomène ne se reproduira pas.
Mais au final tout semble bien se passer, Arcelor Mittal a certes connu un
ralentissement de ses résultats au quatrième trimestre par rapport aux trois mois
précédents mais sur la fin de l'année, le chiffre d'affaires du numéro un mondial de la
sidérurgie a progressé de 4 % à 17,997 milliards d'euros.
Sur l'année 2006, le chiffre d'affaires d'Arcelor Mittal ressort à 70,5 milliards en
hausse de 9,5 %. Malgré cette baisse de profitabilité anticipée par le marché, Arcelor
Mittal distribuera 2,4 milliards de dollars à ses actionnaires en lançant un important
programme de rachats d'action et en versant un dividende de 1,30 dollar par action.
Article de presse : Arcelor : M. Mittal n'envisage pas de modifier la
structure de son offre
Le patron du numéro un mondial de l'acier Mittal Steel, Lakshmi Mittal, a réaffirmé
qu'il n'envisageait pas de modifier la structure de son offre sur le numéro 2 mondial
Arcelor, qu'il a qualifié à nouveau de "très attrayante".
"Notre proposition aujourd'hui est de 75 % en actions et 25 % en liquide. Nous
sommes d'avis que cette proposition est très attrayante et que cela pourrait donner
des opportunités plus grandes aux actionnaires de créer de la valeur", a souligné M.
Mittal, rejetant l'idée d'une modification de la structure de l'offre pour proposer une
plus grande partie en liquide.
"Depuis dix jours, date à laquelle nous avons lancé cette opération, il y a eu des
transactions financières à hauteur de 8 milliards" a-t-il lancé sans donner plus de
précisions. "C'est la raison pour laquelle nous maintenons l'offre à 75/25", a-t-il
poursuivi.
Interrogé sur le dépôt mardi par le gouvernement luxembourgeois à la Chambre des
députés d'un projet de loi sur les offres publiques d'achat, M. Mittal a indiqué "avoir
entendu le gouvernement luxembourgeois qui a dit qu'il ne s'agissait pas d'être
contre Mittal Steel ou pour Arcelor".
"Je ne crois pas que cela soit un obstacle dans l'affaire qui nous occupe.
De toute façon, c'est aux actionnaires de décider", a-t-il ajouté.

M. Mittal a par ailleurs réaffirmé qu'en cas de réussite de son offre, "les synergies
pourraient être faites sans coût additionnel" et que "tous les engagements pris seront
honorés, que ce soit en termes d'emploi, de croissance, ou d'investissement".
"Nous intégrons rapidement et bien ceux que nous acquérons. Il y a déjà un milliard
de dollars (de synergies) déjà identifiés. Je crois que la bonne chose à propos de
cette fusion, c'est que ces synergies pourraient être faites sans coût additionnel", a-t-
il dit.

a) Un enchaînement de nouvelles offres


Mais finalement une nouvelle offre améliorée est proposée
Dans la limite d'une proportion de 70 % de titres et 30 % de cash, contre 75/25 dans
l'offre initiale, les actionnaires d'Arcelor ont le choix entre :
- apporter une action Arcelor et recevoir en contrepartie une action Mittal et un
complément en cash de 11,1 euros par action ;
- recevoir 17 actions Mittal contre 12 actions Arcelor ;
- apporter une action Arcelor contre 37,7 euros de cash. Cette dernière option
valorise le titre Arcelor de plus de 70 % par rapport au cours observé par le titre le
26 janvier dernier avant l'annonce de l'offre par Mittal.
- Au total, la nouvelle offre de Mittal valorise Arcelor à 25,8 milliards d'euros contre
18,3 milliards d'euros dans le projet initial
Puis une autre, négociée le 19 mai 2006 entre, qui prévoit :
• La valeur proposée aux actionnaires sera à nouveau significativement
relevée, ( %)
• Une offre mixte à raison de 13 actions Mittal Steel et 150,6 euros en
numéraire pour 12 actions Arcelor, soit 12,55 euros en cash et 1,084 actions
Mittal Steel par action Arcelor
• Une offre en numéraire au prix de 40,4 euros par action Arcelor
• Une offre d’échange à raison de 11 actions Mittal Steel pour 7 actions Arcelor
• Une offre mixte pour les OCEANEs à raison de 13 actions Mittal Steel et
188,42 euros en numéraire pour 12 OCEANEs
• Les apports à l’offre d’échange ou à l’offre en numéraire sont soumis à un
mécanisme d’ajustement visant à assurer que la proportion d’actions Mittal
Steel et la proportion de numéraires remises en échange seront
respectivement de 69 % et de 31 %.
Ce qui représente
• Une amélioration de 49 % par rapport à la première offre de Mittal Steel
• Une progression de près de 100 % par rapport au dernier cours précédant
l’offre. (hors dividende)
• Une augmentation de 108 % de la partie en cash
• Une augmentation de 32 % de la partie en actions

b) L’offre finale
Et à l’arrivée, l’offre finale se décline comme cela :
L’offre à nouveau révisée de Mittal Steel se décompose comme suit : Offre mixte : 13
actions Mittal Steel + 150,60 € en liquide pour 12 Actions Arcelor ; Offre 100 % en
titres : 11 actions Mittal Steel pour 7 actions Arcelor ; Offre 100 % en liquide :
40,40 €/action Arcelor. Les synergies sont estimées à 1,6 Md de USD par an contre
1 Md en janvier. Les anciens actionnaires d’Arcelor détiendront 50,6 % du capital du
nouvel ensemble Arcelor-Mittal contre 43 % pour la famille Mittal. Parallèlement, la
presse russe estime qu’Arcelor a utilisé Severstal pour forcer Mittal à renchérir son
offre.

B. Les moyens de défense d’Arcelor

Sans réel soutien politique, ni réseau capitalistique fort, ni encore d’option de


rapprochement industriel de nature à proposer une alternative d’une rentabilité de
court terme équivalente à celle ressortant de l’offre de Mittal, Arcelor se trouvait
relativement démunie pour faire face l’OPA de Mittal.

1. L’option politique
La structure de son capital, tout d’abord, rendait la société particulièrement
vulnérable avec un peu plus de 81 % au flottant (si on compte les quelques 4 %
d’autocontrôle).
Arcelor bénéficiait, certes, d’actionnaires de référence comme l’Etat luxembourgeois
(5,52 %), l’espagnol JMAC (3,55 %) et la Région Wallone par l’intermédiaire de la
SOGEPA (3,21 %).

L’Etat français, bien qu’il n’est pas été actionnaire d’Arcelor, est un acteur important
de la configuration, puisqu’il accueillait en 2004 environ 25 % des effectifs de la
société. En outre,
Arcelor est cotée sur la place de Paris et participe de la composition de l’indice CAC
40.
Tant sur le plan de son capital que de ses activités ou de la répartition de ses
effectifs, Arcelor est une entreprise fondamentalement européenne mais une action
concertée des principaux Etats concernés par l’avenir de la société (Luxembourg,
Espagne, Belgique, France) était loin d’être acquise.

Si les Luxembourgeois semblaient en effet particulièrement désireux de sauver leur


dernière grande entreprise industrielle, les Belges et les Espagnols se montraient
plus discrets. Quant à l’Etat français, en dépit de ses déclarations d’intention, on ne
voit pas ce qui aurait pu inverser une politique de désengagement du secteur
sidérurgique entamé depuis les années 1980 et qui a justement abouti à la création
d’Arcelor en 2002. De plus, l’Etat français ne s’est pas donné les moyens de
pérenniser la position d’Arcelor au sein du capitalisme européen, laissant ce soin aux
Luxembourgeois et aux Belges dont les moyens d’action sont plus limités.

Le secours sur le plan politique semblait donc des plus improbables.

2. L’inscription dans les forces vives du capitalisme français


On peut s’interroger également sur le type de secours dont aurait pu bénéficier
Arcelor au sein du capitalisme européen.
Là encore, la composition de son Conseil d’Administration reflétait la faiblesse de ses
alliances industrielles : mis à part Noël Forgeard (EADS-Airbus), Jean-Pierre Hansen
(Suez) et Ulrich Hartman (E-ON), les autres administrateurs étaient soit liés à
l’entreprise elle-même, soit liés à des sociétés étrangères au secteur de l’acier
(médias, logiciels).

De fait, si Arcelor est encore inscrit à l’indice CAC 40, son appartenance était de plus
en plus discutable car la société ne répond que très partiellement aux critères
objectifs de sélection avancés par Euronext : avoir son centre de décision «
totalement ou majoritairement situé en France », ce qui n’est plus le cas et que « les
titres négociés sur le marché parisien d’Euronext soient suffisamment représentatifs
des échanges réalisés sur la valeur », ce qui est en revanche, semble-t-il, encore le
cas.
Si l’on s’appuie à présent sur les critères sociaux d’inscription au CAC 40, c’est à dire
le nombre de relations qu’Arcelor entretient avec d’autres entreprises de l’indice par
l’intermédiaire d’administrateurs communs, on remarque que le sidérurgiste était en
relation avec six entreprises du CAC 40 en 2003, contre seulement deux en 2005.

L’isolement d’Arcelor vis-à-vis du capitalisme français confirmait donc l’absence


d’espoir de ce côté-là également.

3. Une alliance industrielle


Parmi les inconnues restantes, on aurait pu voir émerger des alliances entre Arcelor
et le Japonais Nippon Steel ou encore le Russe, Severstal.

Le groupe japonais semblait être en effet celui qui présentait les plus évidentes
complémentarités avec Arcelor en terme de taille et de profil de production.
Les deux groupes sont déjà liés depuis 2001 par une alliance stratégique, en vertu
de laquelle ils partagent des programmes de recherche et développement, ainsi que
des licences pour les aciers destinés à l'automobile. Nippon Steel et Arcelor
exploitent par ailleurs conjointement, avec le chinois Bao Steel, une usine d'aciers
plats au carbone à Shanghai.

Comme Arcelor, il est très lié aux constructeurs automobiles et une alliance aurait un
sens industriel immédiat en ce que leur rapprochement constituerait un géant de la
sous-traitance en matière d’acier haut de gamme pour l’automobile. De plus, un tel
rapprochement aurait fait écho à l’alliance Renault-Nissan.
Nippon Steel aurait donc pu être le “chevalier blanc» mais une féroce bataille
boursière à l'étranger cadre peu avec la culture et avec la stratégie du géant japonais
de l'acier, estimaient les analystes.

Autre possibilité, l’alliance avec le Russe Severstal qui fera l’objet de la question
suivante.

En conclusion, Arcelor a donc tenté de pourvoir seule à sa défense, dans la mesure


où elle ne pouvait attendre de soutien significatif de la part de ses actionnaires.
De plus, faute d’actionnaires de référence qui se seraient donné des moyens à la
hauteur de leurs déclarations et en l’absence d’une forte inscription dans les
structures du capitalisme, en particulier français, il semble bien que le sort était joué
d’avance.
D’ailleurs la principale option défensive retenue par Arcelor a été de se mettre en
position de gagner du temps.

C. Arcelor et Severstal

Classiquement, l'absorbante (Arcelor) émet des titres par une augmentation de


capital. Ces titres sont réservés aux propriétaires de l'absorbée (Severstal), qui les
reçoit en échange de l'apport de sa société, qui est dissoute. En l'occurrence, Arcelor
émet des titres qui sont souscrits par le propriétaire de Severstal, Alexei Mardeshov,
en échange des actifs de Severstal et d'une somme d’argent. Arcelor devient donc
propriétaire des actifs de Severstal, et Alexei Mardeshov prend une participation
dans Arcelor.
Il existe cependant une incertitude ici, car il semble que la société prétendument
absorbée n'ait pas vocation à être dissoute. En effet, Arcelor deviendrait propriétaire
de la majeure partie des titres, mais Severstal subsisterait ; ce qui est exclu en cas
de fusion-absorption. Il se peut donc que parler de "fusion" soit abusif. Il ne s'agirait
que d'une prise de contrôle.
Concurremment, Arcelor rachètera sur le marché une partie de ses titres. Il s'agit
donc de ce qu'on appelle un "coup d'accordéon", c'est-à-dire une réduction-
augmentation de capital. Quel intérêt ?
Mais c'est là tout le sel de l'affaire ; par la réduction de capital, la participation des
actionnaires restant dans Arcelor s'accroît mécaniquement en proportion.
L'augmentation réservée à Mardashov renforce donc l'étendue de sa participation
dans Arcelor.
Par ailleurs, mais ceci explique peut-être cela, l'opération sera présentée aux
actionnaires lors d'une assemblée générale à venir, mais seul un refus majoritaire
pourrait inquiéter la bonne fin de ladite "fusion". Le directeur général d'Arcelor a fait
valoir que cette consultation, du reste, était facultative.
Ceci est tout à fait surprenant. Une fusion est une opération qui modifie
sensiblement la société absorbante. C'est pourquoi, en droit français, une telle
décision est soumise à la décision de l'assemblée générale extraordinaire, et appelle
une procédure lourde, couronnée d'un vote majoritaire. Elle ne relève, en aucun cas,
de la seule compétence des dirigeants.
Il semble cependant que la législation luxembourgeoise soit plus libérale que le droit
français et autorise la société absorbante à procéder à la fusion sans approbation de
l'assemblée générale.
L'augmentation de capital exige l'accord des actionnaires d'Arcelor, mais cet accord
a pu être acquis préalablement, charge au conseil d'en déterminer les modalités
Il faudra, quoi qu'il arrive, obtenir l'accord des autorités européennes. Déjà,
l'absorption de Luchini en 2005 par Severstal avait exigé le contrôle des autorités
européennes au titre des concentrations. Il ne fait guère de doute que l'opération
sera examinée avec grande attention, étant donné que le nouvel ensemble devient le
premier sidérurgiste en Europe.

1. Les intérêts des salariés


Pour ce qui concerne les salariés français, la perspective est peut-être moins
séduisante. En effet, le groupe Severstal était depuis 2005 propriétaires de Lucchini,
un sidérurgiste italien fort présent sur les sols français et transalpin.
Il ne faut pas se méprendre sur le terme de "synergies". Préside à cette notion l'idée
que la réunion d’entreprises produit plus que la seule adjonction arithmétique de
leurs capacités. Ainsi, des synergies peuvent résulter de la combinaison d'aptitudes
complémentaires qui assurent des économies d'échelles. Autrement dit, la réunion
permet d'élever la production avec moins de ressources, et notamment de
ressources humaines.
Il est probablement prématuré de conclure à des licenciements massifs sur le sol
français, mais un regard comparatif des sites de Lucchini et d'Arcelor en Europe
autorise les questions ; ce d'autant que si la présentation du projet valorise
hautement les synergies, les justifications ne sont pas exposées ni esquissées. D'un
autre côté, il semble que la demande mondiale d'acier soit croissante, si bien que les
économies de ressources pourraient servir une hausse de la production.
Comme je ne saurais prétendre à une connaissance éclairée de l'économie de
l'acier, ni des entreprises en cause, je suggère d'attendre les commentaires de la
presse spécialisée, et des syndicats qui sont fort sensibles à ces hypothèses.

2. Les intérêts des actionnaires


Ceux-ci bénéficieront d'une prime liée à la distribution de dividendes et, semble-t-il, à
la valorisation du titre à l'issue de l'opération. Cette valorisation, cependant, suscite
les interrogations de certains analystes qui estiment que le prix de souscription des
titres consenti au propriétaire russe (Mordashov) est sensiblement plus élevé que sa
valeur vénale, estimation faite des avantages de l'opération.
L'avenir économique de l'entreprise suscite également des interrogations. Certes, le
nouvel ensemble devient l'un des premiers groupes mondiaux et les synergies
promises assurent une profitabilité intéressante. Cependant, l'accent mis sur les
marchés russes et sud américains masque le silence fait sur le très dynamique
marché asiatique ; à la différence de Mittal Steel.
Autrement dit, si le bénéfice immédiat peut être net pour les actionnaires, l'avenir
semble bien plus brumeux.

3. Les intérêts des dirigeants


Il s’agit là de la partie la plus « divertissante » : l'accord prévoit en effet qu'Alexei
Mordashov pourra nommer quelque six administrateurs sur les dix-huit d'Arcelor. Il
bénéficiera, au terme de l'opération telle qu'elle se dessine, de près de 40 % du
capital social, ce qui constitue une minorité de contrôle très appréciable. En pratique,
le dirigeant russe se trouvera en position d'imposer ses décisions à Arcelor. C'est
pourquoi, peut-on penser - sa personnalité est souvent rapportée par la presse
française.
Cependant, à la suite d'un accord dont le caractère obligatoire m'échappe,
Mordashov consent à suivre dans ses votes les recommandations du conseil
d'administration. Il s'est encore engagé encore à ne pas augmenter sa participation
pendant quatre années, et à ne pas la diminuer pendant cinq années.
En pratique, l'accord passé n'a pas de véritable effet sur la dévolution du pouvoir au
sein de la société. Autant dire que si Mordashov souhaite nommer et prendre le
contrôle du Conseil d'administration, il le pourra faire aisément à terme.
Pendant ce temps, la situation de la direction générale et de la présidence du conseil
se trouvera relativement protégée. De là à conclure que l'ensemble de l'opération fut
destiné à conforter le pouvoir de la direction aujourd'hui, il n’y a qu’un pas.
Pour conclure, Arcelor a fait une véritable volte-face alors qu'il s'employait depuis
des mois à échapper au raid de celui qu'il considérait comme son ennemi juré. La
raison invoquée : une telle fusion n'a pas de sens industriel. Pour faire front, Arcelor
avait donc proposé, fin mai, un mariage avec Severstal, contrôlé par Alexeï
Mordachov. Mais l'irruption de l'oligarque russe avait suscité l'hostilité d'actionnaires
et d'administrateurs d'Arcelor, obligeant la direction à revoir sa position et à
finalement accepter les discussions avec Mittal Steel.

Arcelor avait même été contraint d'annuler une assemblée générale extraordinaire,
qui devait décider un gros programme de rachat de ses propres actions, qui aurait
encore accru le poids du groupe russe. Severstal a aussitôt modifié son offre,
proposant de ne prendre que 25 % du capital au lieu de 32 % prévus. Mais poussé
par une bonne partie de ses administrateurs, Arcelor avait amorcé les négociations
avec Mittal.

L’annonce de la fusion enterre de fait tout rapprochement avec Severstal même si


Joseph Kinsch a annoncé qu’Arcelor « poursuivrait » ses relations avec le Russe. Ce
dernier a déclaré qu’il « étudiait toutes les options » et rappelé qu’il avait conclu un
accord de fusion avec Arcelor qui engage le sidérurgiste européen.

D. Les nouvelles synergies


Le groupe sidérurgique néerlandais estime « avoir payé le prix juste pour ce qui est
une très bonne entreprise ». Dans un bref communiqué après la confirmation d'un
accord entre les deux groupes, un porte-parole de Mittal a souligné son groupe «
avait toujours cherché à obtenir une fusion recommandée, dans l'intérêt de toutes les
parties prenantes », et « était ravi de l'avoir obtenue ». « Nous sommes contents que
les synergies supplémentaires et les avantages d'une recommandation justifient ce
prix », a-t-il ajouté, sans préciser ce qu'étaient ces nouvelles synergies.

Arcelor Mittal confiant pour 2007


Six mois après sa fusion, le numéro un de l’acier a publié hier ses premiers résultats.
« Dans un contexte plutôt porteur pour la sidérurgie […] les performances 2006
marquent le pas », souligne le Figaro. Le résultat net est en recul de 4 % sur un an, à
6,3 milliards d’euros, tandis que les ventes sont à la hausse, à 70,5 milliards. Les
perspectives pour 2007 semblent en revanche prometteuses. « Le mastodonte de
l’acier [...] vise pour cette année un résultat d’exploitation "bien meilleur qu’en 2006"
», rapportent les Echos. En 2006, le groupe a dégagé 269 millions de dollars de
synergies et celles-ci devraient atteindre 500 millions au premier trimestre de cette
année. Par ailleurs le groupe se dit prêt à de nouvelles acquisitions et Lakshmi Mittal
prévoit, dans les colonnes du Financial Times, « de nouvelles fusions dans la
sidérurgie mondiale ».

Le numéro un mondial de la sidérurgie affiche ses premiers résultats depuis la


fusion, avec un chiffre d'affaires de 70,534 milliards d'euros.
Arcelor Mittal vient de publier ses premiers résultats depuis la fusion qui a donné
naissance à un géant trois fois plus grand que le numéro deux du secteur. Le chiffre
d'affaires 2006 ressort à 70,534 milliards d’euros avec un bénéfice par action de 4,43
euros, légèrement en baisse par rapport aux prévisions des analystes, mais en ligne
avec celles du sidérurgiste. Le résultat brut d'exploitation (Ebitda) se situe dans le
bas de la fourchette de prévisions du groupe à 12,161 milliards, en hausse pro forma
aux 12,022 milliards réalisés en 2005. Par contre les bénéfices reculent légèrement,
de 6,641 milliards en 2005 à 6,349 milliards en 2006. La production combinée des
deux aciéristes a atteint 110 millions de tonnes en 2006, en hausse sensible par
rapport aux 102,9 millions de l’année précédente.

Arcelor Mittal distribuera 1,85 milliard d’euros à ses actionnaires en versant un


dividende de 1 euro par action et en lançant des programmes de rachat d'actions
(455 millions d’euros), conforme à ses engagements de leur reverser 30 % des
profits. Une performance saluée par la bourse, l’action Arcelor Mittal a gagné 19 %
depuis le début de l’année.

« L'intégration de Mittal Steel avec toutes ses récentes acquisitions progresse bien et
nous sommes sur la voie de délivrer des synergies anticipées », a souligné Lakshmi
Mittal. Pas moins de 1,3 milliard d'euros de synergies avaient été annoncés au
moment du rachat.

Pour le 1er trimestre 2007, le sidérurgiste attend des résultats en ligne avec ceux du
4e trimestre 2006 – un Ebitda de 3,08 à 3,23 milliards d’euros pour 27 millions de
tonnes d’acier vendues – dans un marché « stable ». Toutefois, la rentabilité de ses
aciers plats aux Etats-Unis devrait continuer de souffrir à cause des déstockages, qui
entraînent des baisses de prix. Situation meilleure en Europe pour les aciers plats
qui a permis au groupe d’annoncer à compter du 1er avril une hausse de 5 % du prix
de ces produits. Les aciers longs devraient également améliorer leur performance.

Au Brésil, où les autorités boursières lui ont demandé de relever son offre aux
actionnaires minoritaires, Arcelor Mittal affirme « évaluer ses options ». Une
opération qui pourrait alourdir de 4 milliards d'euros la facture totale du rachat
d'Arcelor.

E. Question de synthèse

69 % des Français selon un sondage de la SOFRES, pensent que le rôle de l’état


est d’intervenir pour empêcher des OPA étrangères sur des entreprises françaises.

Les Français et les OPA


Des yaourts à l’énergie en passant par l’acier, la banque ou le médicament,
tous les secteurs économiques se sont retrouvés au grand bal des offres publiques
d'achat (OPA). Avec un invité-surprise : l’État français, chargé de faire et de défaire
les mariages annoncés pour que les futurs époux soient, tous deux, bien français…
Pas européens, français. On ne va quand même pas se marier avec des étrangers !
Comme certaines alliances auraient pu en plus, être forcées, il était temps que le
gouvernement intervienne et donne à ces entreprises venues de loin quelques
leçons de savoir-vivre (sic). Je dois avouer que le coup de la nationalisation des
yaourts m’a fait hurler de rire, pour un groupe qui réalise la majorité de son chiffre
d’affaires à l’étranger et qui n’a au final de français que le nom de son dirigeant.
D’ailleurs, la plupart des grandes entreprises – et plus particulièrement les françaises
– sont largement mondialisées au niveau de leur actionnariat mais aussi de leurs
marchés. L’Oréal ne réalise plus que 12 % de ses ventes en France et les deux tiers
des profits de Renault viennent de sa filiale Nissan et une autre partie de ses ventes
à l’étranger. Quant à Total, le groupe pétrolier ne réalisé que 5 % de ses mirifiques
douze milliards d’euros de profits dans l’hexagone.
Belle illustration donc du capitalisme à la française, lorsque que l'on voit quelques
patrons du CAC 40 qui appellent au secours leurs amis ministres pour tenter
d’enrayer le jeu naturel du marché et protéger leurs propres intérêts.

Dans un tel climat de défiance, il semble également utile de se remémorer combien


les offres publiques sont un outil indispensable au bon fonctionnement d’une
économie de marché dynamique.

Elles permettent en effet d’ajuster au mieux les moyens de production et constituent


un moyen particulièrement efficace d’incitation des managers en place à bien gérer
leur entreprise, afin de satisfaire l’intérêt des actionnaires et d’éviter qu’ils ne cèdent
aux tentations d’offreurs potentiels.
Elles contribuent par ailleurs à une meilleure régulation du marché en permettant à
des gestionnaires plus compétents de se substituer à des dirigeants moins
performants. Il n’existe donc pas d’OPA « hostiles » aux actionnaires.
Elles ne le sont, éventuellement, que pour le management, car si une OPA est
lancée, c’est précisément parce que les acquéreurs potentiels estiment qu’ils
peuvent mieux gérer l’entreprise.

Mais certains dirigeants ne respectent pas cette règle, pourtant très saine, du jeu des
affaires et, refusant le risque de voir les actionnaires séduits par « la démarche
séduisante » d’une autre équipe et d’une autre stratégie, en appellent aux pouvoirs
publics et invoquent la fibre nationale pour ne soutenir, comme je le disais à l’instant,
que leurs propres petits intérêts.

Et quand l’État accepte de jouer les chevaliers blancs, il renoue avec les
mauvais instincts de l’économie dirigée. Les hommes politiques et dirigeants de
grandes entreprises, qui sont souvent d’anciens camarades de promotion,
s’unissent, en effet, contre les intérêts des actionnaires, bafouant ainsi au passage
les principes les plus élémentaires du capitalisme: le respect des droits de propriété
et la prise en charge individuelle des risques. Par son intervention, l’État « nounou »,
vers lequel certains patrons accourent pour obtenir sa bienveillante protection, agit
également contre les intérêts des salariés et des consommateurs.

Les offres publiques permettent en effet aux sociétés se rapprochant d’augmenter la


rentabilité du capital et la productivité et d’offrir aux consommateurs de meilleurs
produits à un meilleur prix. Et quand une entreprise prospère, elle se retrouve en
situation de maintenir voire de créer des emplois et d’augmenter la rémunération de
ses salariés.
Il n’y a donc rien de dangereux ni de scandaleux à ce qu’une entreprise, cotée en
bourse, puisse être la cible potentielle d’autres sociétés françaises ou européennes.

Il n’y pas d’OPA hostiles


Pendant des mois, les analystes qualifièrent l’offre publique d’achat visant Arcelor
d’”hostile” - avant que le conseil d’administration, qui l’avait jusqu’ici rejetée, se range
finalement à l’offre de Mittal Steel.
L’adjectif “hostile” m’a toujours interloqué. Tout d’abord, il semble étrangement
chargé d’affectivité pour un concept économique.
On me dira : dans la langue des économistes, le terme “hostile” désigne simplement
les tentatives de rachat auxquelles la direction s’oppose.
“Hostile” est peut-être un terme technique, mais au même titre que “salaud” chez
Sartre : il a une connotation fortement négative. Pour la plupart des gens, une OPA
“hostile” est lancée au détriment de l’entreprise visée.
C’est d’ailleurs la raison que donne le gouvernement français pour expliquer son
opposition à celle de Mittal, et sa préférence pour le projet, élaboré à la hâte par la
direction, de fusion avec le russe Severstal.
“La première différence (avec Mittal Steel), c’est que la fusion avec Severstal est un
projet amical,” déclara récemment un ministre.
C’est donc clair : hostile = mauvais et amical = bon.
Mais du point de vue des actionnaires d’Arcelor, l’offre de Mittal n’a jamais paru
agressive. C’est parce qu’ils l’ont trouvée alléchante qu’ils ont fait échec à la contre-
offensive de la direction.
Ce qui n’est pas gentil, ce qui est inamical, et pour tout dire hostile, c’est la façon
dont l’État, qui ne devrait pas émettre d’opinion sur une transaction privée, a cherché
à faire pression sur les actionnaires.
Ce qui est hostile, c’est qu’un gouvernement pousse une entreprise à un mariage
arrangé, comme ce fut le cas de Suez avec GDF – alliance destinée à empêcher les
propriétaires de Suez d’examiner une éventuelle offre italienne.
Quand on y réfléchit, il n’y a pas d’OPA “hostile”. Les candidats au rachat d’une
entreprise, contrairement à l’État, n’ont aucun moyen de coercition. Ils ne peuvent
que faire une proposition, que les actionnaires sont libres de refuser.
Une OPA par définition est conçue pour convaincre les actionnaires que la
transaction va créer de la valeur. Le projet peut être illusoire, et les actionnaires naïfs
de l’accepter, mais il ne saurait être hostile.
Où plutôt, il ne peut être considéré comme tel que du point de vue partial de la
direction. Je dis partial parce qu’une OPA constitue la plupart du temps un défi
ouvert posé aux managers, coupables de n’avoir pas fait fructifier au mieux le capital
de l’entreprise.
Ils risquent de se faire remercier par les nouveaux propriétaires : il est naturel qu’ils
soient réticents.
Qualifier l’OPA d’“hostile”, c’est donc prendre parti dans le conflit latent qui oppose
les actionnaires et les dirigeants d’une entreprise.
C’est surtout prendre le mauvais parti : si les droits de propriété ont un sens, pour les
questions de cession il faut d’abord se placer du point de vue des actionnaires.
En résumé, parler d’OPA “hostile”, c’est donner inconsciemment dans
l’anticapitalisme primaire, c’est considérer l’actionnaire comme un parasite qui n’a
qu’à toucher ses « sales dividendes » et se taire.

Bibliographie indicative

Arcelor Mittal par Gilain F (Broché - 28 mars 2007)


Usinor - Arcelor : du local au global par Eric Godelier (Reliure inconnue - 3 mai 2006)

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