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7 L’analyse de l’industrie

Points clefs
Le modèle des cinq forces de Porter permet d’effectuer un diagnostic de l’environnement concurrentiel de
l’entreprise (diagnostic externe) en précisant les fondements de la concurrence au sein d’un secteur d’acti-
vité (ou « industrie »). L’attrait potentiel du secteur est fonction du jeu des forces exercées par cinq grands
types d’acteurs économiques : plus leur intensité est importante, moins le secteur sera attractif.

1. Le modÈle des cinq forces


L’entreprise est non seulement soumise à la concurrence directe des autres entreprises du
secteur, mais aussi à la pression de quatre grands types d’intervenants, qui sont susceptibles
de capter une partie du profit du secteur : les fournisseurs, les clients, les nouveaux entrants
et les substituts. Ce sont donc cinq forces qui s’exercent sur l’entreprise :

Le modèle des 5 forces de Porter

Menace
de nouveaux entrants

Pouvoir Pouvoir
Rivalité entre
de négociation de négociation
concurrents directs
des fournisseurs des clients

Menace
des substituts

a) La rivalité entre concurrents directs


La rivalité entre concurrents directs dépend de plusieurs facteurs :
Le taux de croissance de l’activité. Sur un secteur en déclin, la conquête de parts de marché
va se faire au détriment des concurrents. Exemple : La baisse de la demande sur le marché
de l’automobile génère une concurrence accrue qui se traduit par des remises importantes,
ainsi que des offres spectaculaires comme celle du concessionnaire belge Cardoen qui propose
« une voiture achetée, l’autre offerte ».
La structure concurrentielle. Lorsque les concurrents sont nombreux et de taille comparable,
on assiste généralement à une vive concurrence. Exemple : Dans le secteur des PC portables,
Acer, Toshiba, HP et Lenovo rivalisent pour proposer des prix plus attractifs.

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Fiche  7 • L’analyse de l’industrie

La différenciation des produits. Plus les concurrents proposent des produits ou des services
similaires, plus la concurrence est forte. Exemple : Les prix des mémoires vives DRAM utili-
sées dans les ordinateurs individuels sont passés début 2007 sous leur coût de fabrication.
Les barrières à la sortie. La présence d’actifs irrécupérables peut provoquer une crise de
surcapacité au sein d’un secteur (ex. : sidérurgie).

b) Le pouvoir de négociation des clients


Le pouvoir des clients (qui ne sont pas nécessairement des consommateurs) sera d’autant plus
fort que ceux-ci sont concentrés et achètent en grande quantité, et que les produits sont peu
différenciés.
Exemple : En 2007, trois enseignes (Leclerc, Carrefour, Intermarché) se partagent 851 des
1 432 hypermarchés français. Dès lors, les fournisseurs doivent se soumettre aux conditions
draconiennes imposées par les distributeurs (réductions de prix, délais de livraison, marges
arrières).

c) Le pouvoir de négociation des fournisseurs


Les fournisseurs vont, de leur côté, chercher à augmenter leur concentration, la différencia-
tion de leurs produits (et donc à augmenter le coût de transfert d’un fournisseur à un autre
pour le client) de façon à élever leur pouvoir de négociation.
Exemple : La fusion en 2006 entre le groupe à capitaux indiens Mittal Steel, et l’Européen
Arcelor, permet au nouvel ensemble sidérurgique de peser face à ses clients comme l’industrie
automobile.

d) La menace des nouveaux entrants


La menace de nouveaux entrants dans le secteur dépend essentiellement de l’existence de
barrières à l’entrée, c’est-à-dire d’obstacles qui vont rendre difficile l’établissement de nou-
veaux concurrents :
Barrières financières. L’intensité capitalistique, qui correspond à la masse critique en capi-
taux nécessaire pour exercer l’activité peut constituer un obstacle considérable. Exemple :
Dans l’édition de jeux vidéo, le budget de développement d’un titre de premier plan sur les
nouvelles plates-formes (X360, PS3) peut désormais atteindre 15 millions d’euros.
Barrières techniques. Les entreprises en place peuvent préempter des ressources rares,
comme l’accès à certaines matières premières. Exemple : Les gisements de diamants se
situant essentiellement dans quatre pays (Russie, Botswana, Australie République démocra-
tique du Congo), le contrôle des mines par un cartel dominé par De Beers réduit de manière
significative toute menace de nouvel entrant.
Barrières commerciales. Dans des secteurs où l’image de marque est déterminante pour fidé-
liser les clients, les entreprises investissent des sommes considérables en publicité et en pro-
motion (ex. : Nike, Adidas et Reebok sur le marché des chaussures et des vêtements de sport).
L’accès aux canaux de distribution peut également être problématique pour un nouvel entrant
qui doit, par exemple dans la grande distribution, consentir des remises supplémentaires pour
prendre la place d´un fournisseur concurrent. Pour des entreprises menant des stratégies d’in-
ternationalisation, des mesures protectionnistes (quotas, droits de douane) et des barrières
légales peuvent bloquer l’accès à un marché national.

e) La menace des substituts


Les produits de substitution ne font pas partie du marché mais représentent une alternative
potentielle à l’offre existante.

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Fiche  7 • L’analyse de l’industrie

Exemple : En 2002, alors qu’apparaissaient les premiers modèles LCD et Plasma, les écrans
à tube cathodique représentent la quasi-totalité du marché des téléviseurs en France. En 2009,
ils sont remplacés par les écrans LCD, dont le rapport qualité-prix n’a cessé de s’améliorer.
2. lES Limites du modÈle des cinq forces
Le modèle de Porter présente l’industrie comme donnée qui s’impose à l’entreprise. Or,
les entreprises peuvent engager volontairement des stratégies remettant en cause le modèle
dominant.

a) Remise en cause de la stabilité de la structure du secteur


Les structures de l’industrie peuvent être modifiées par des manœuvres stratégiques des
concurrents :
S’intégrer en amont ou en aval dans la filière pour modifier le rapport de force client-fournis-
seur. Exemple : Dans l’industrie nucléaire, les fournisseurs d’uranium enrichi sont concen-
trés (il y a quatre principaux acteurs) et détiennent une ressource vitale sans laquelle le cycle
nucléaire est impossible. Pour contrer ce fort pouvoir de négociation, les fabricants de cen-
trales comme Areva font de l’intégration amont en investissant dans l’extraction et l’enrichis-
sement de l’uranium.
Établir des barrières à l’entrée pour limiter l’arrivée de nouveaux entrants. Les barrières
peuvent être générées par les entreprises en place elles-mêmes. Elles peuvent ainsi définir des
prix suffisamment bas pour empêcher les nouveaux entrants de réaliser des profits. Exemple :
Le laboratoire Glaxo Wellcome France (aujourd’hui GlaxoSmithKline) a été condamné en
2007 par le conseil de la concurrence pour avoir vendu, entre 1999 et 2000, un antibiotique
injectable, le Zinnat ® à un prix inférieur à son coût de production, afin d’empêcher l’entrée des
médicaments génériques sur le marché hospitalier.
Neutraliser la concurrence en coopérant. Les concurrents peuvent engager des stratégies
coopératives modifiant les rapports de force au sein de l’industrie. Exemple : En 2006, l’al-
liance Oneworld, pilotée par les transporteurs aériens British Airways et American Airlines,
a permis de générer 250 millions de dollars d’économies en groupant les achats auprès des
fournisseurs.

b) Remise en cause du secteur comme unité d’analyse


Les stratégies déployées par les concurrents peuvent remettre en cause les frontières du secteur :
Création d’interdépendances diagonales. Au-delà des interdépendances horizontales et ver-
ticales entre entreprises, il convient également de prendre en compte les interdépendances
diagonales qui tissent des liens entre des entreprises de secteurs différents. Exemple : La
livraison de colis en Points Relais Kiala associe Mondial Relay (plate-forme logistique du
groupe 3 Suisses International) avec des commerces de proximité (bureau de tabac, librairie,
pressing…) pour concurrencer la Poste.
Formulation d’une stratégie Océan Bleu. L’entreprise peut chercher à se créer un espace
compétitif où elle est seule. Exemple : Apple, The Body Shop, Swatch ou Ebay ont su, à
partir de leur espace de marché connu, ouvrir et conquérir des espaces stratégiques encore
vierges et créer une demande entièrement nouvelle.
La stratégie « Océan Bleu » met ainsi l’entreprise au défi de sortir de l’Océan Rouge, du sang
de la concurrence. Exemple : Avec le lancement de la Wii et sa wiimote, Nintendo a rendu les
jeux vidéo accessibles à des joueurs occasionnels, créant ainsi un nouveau marché à côté de
celui traditionnel des hardcore gamers. Dès lors, il n’est pas rare de voir une Wii côtoyer une
PS3 ou une X360 au sein du même foyer.

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Fiche  7 • L’analyse de l’industrie

Le marché français de la téléphonie mobile en 2008

ENTRANTS POTENTIELS
Nouveaux opérateurs virtuels ?
Opérateur bénéficiant d’une nouvelle licence (mais limitée)
de téléphonie mobile (Free)

� Fortes barrières à l’entrée (licences, infrastructures).


Tributaire de l’attribution d’une 4e licence 3G par l’État.

Menace faible 2/5


FOURNISSEURS CLIENTS
(en terminaux) Consommateur par le
CONCURRENTS
Une vingtaine de fabricants biais des distributeurs
Trois principaux opérateurs (Auchan, Carrefour,
(Nokia, Samsung, Sony Faible Pouvoir
pouvoir (SFR, Orange, Bouygues de négo- Darty, FNAC...) ou
Ericsson, LG...).
de négo- Télécom) + opérateurs virtuels ciation des réseaux propres
ciation (Virgin mobile) modéré d’agences
� De plus en plus
concentrés, ils doivent (France Télécom...)
2/5 � Le marché arrive à 3/5
rechercher la différen-
saturation (taux d’équipement � Le pouvoir de
ciation, mais celle-ci est
de 80%), et les trois principaux prescription des
peu durable, même
concurrents ont des offres distributeurs est
si certains tirent
et tailles comparables. contrebalancé par
ponctuellement leur épingle
Forte intensité 4/5 le réseau d’agences
du jeu (ex : Apple avec
l’iPhone). (intégration aval)
Menace faible 2/5

SUBSTITUTS
Dans une certaine mesure, la téléphonie fixe et la téléphonie
par Internet.

� En rapport qualité/prix, les substituts peuvent concurrencer


les portables en termes de temps d’appel, mais pas de mobilité.

La principale force qui s’exerce sur le secteur est la rivalité entre les entreprises existantes. Dès lors, il n’est pas
étonnant que SFR, Orange et Bouygues Télécoms se soient, selon le conseil de la concurrence, entendus sur
leurs parts de marché respectives entre 1997 et 2003. Les trois opérateurs ont été condamnés à une amende
de 534 millions d’euros.

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