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Il en est forcment ainsi de tous ceux qui ont une me intrieure, dans laquelle ils

peuvent quelquefois pntrer. Ils sont avertis par une joie secrte que les seuls
vritables moments sont ceux quils y passent. Le reste de leur vie est une espce dexil
souvent volontaire, non pas triste, mais maussade. Car ils sont des exils intellectuels;
ds quils sont exils, ils ont perdu du mme coup le souvenir de leur patrie et savent
seulement quils en ont une, quil est plus doux dy vivre, mais ne savent comment y
revenir. Et aussi que, ds quils dsirent quelque autre lieu, ils ny sont plus, le dsir
dautre chose tant lexil dun pays qui est un sentiment. Mais en tant quils sont euxmmes, je veux dire quand ils ne sont pas exils, quand ils sont leur me intrieure, ils
agissent en vertu dune sorte dinstinct qui, comme celui des insectes, est doubl dun
secret pressentiment de la grandeur de leur tche et de la brivet de leur vie. Et alors,
ils dlaissent toute autre tche pour crer la demeure o vivra leur postrit, et pour
dposer cette postrit, prts mourir ensuite. Voyez lardeur que le peintre met
peindre sa toile et dites si laraigne en met plus tisser la sienne.
Et toutes ces mes intrieures des potes sont amies et sappellent les unes les autres.

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