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LA VILLE

D'ALGER
"La protégée de Dieu"

Préfacé par
“la Lettre” de M. TAYEB ZITOUNI

APC ALGER CENTRE


Rédaction des textes : Nadia ZAID - Samira AMOKRANE - Kamel TAZAIRT
Directeur Artistique : Djalil ZAID • Conception Graphique : Hamid MAHMOUD BACHA
Photographies : Djamal HADJ AISSA • Secrétariat : Mme Assia BELAID
Réalisation et Impression : CDSP
Copyright d’ouvrage ©2004 CDSP > Copyright textes ©2004 CDSP

_____________________________________________________________
Tous droits de traduction, de réédition, d’impression et d’adaptation, sont réservés pour tous pays
SOMMAIRE

Lettre du président d’APC 7

I - Cadre physique 11
•Localisation géographique •Délimitation administrative
•Relief •Cimat •Infrastructures hôtelières •Artisanat
•Art culinaire •Fêtes et festivals

II - Histoire 18
•ORIGINE DE L’APPELLATION •ORIGINE DE LA POPULATION
•ALGER, AU TOUT DEBUT •IKOSIM LA PUNIQUE
•ICOSIUM LA ROMAINE •LA PERIODE ISLAMIQUE
•LA FONDATION D’EL DJEZAÏR BENI MEZGHENNA
•LES HAMMADITES •LES ALMORAVIDES •LES ALMOHADES
•LES FRERES IBN GHANIA •LES HAFCIDES •LES THAALEBA
•LA REBELLION D’EL DJEZAÏR •IBN ALLAN ET LES MERINIDES
•LES ABDELOUADIDES A EL DJEZAÏR •LES DEBUTS DE LA COURSE
•CHEÏKH SALEM, GOUVERNEUR D’EL DJEZAÏR
•LE REGNE DES THAALEBA •L’ARRIVEE DES ANDALOUS
•LA PRISE D’EL DJEZAÏR PAR LES ESPAGNOLS
•LES FRERES BARBEROUSSE •ARROUDJ •KHEIR EDDINE BARBEROUSSE
•EL DJEZAÏR, SOUS LES BEYLERBEYS •HASSAN AGHA
•HASSAN IBN DE KHEIR EDDINE •SALAH RAÏS •HASSAN CORSO ET LE PACHA TERKERLI
• LE RETOUR DE HASSAN IBN KHEIR EDDINE •MOHAMED IBN SALAH RAIS
•EULDJ ALI •LES JANISSAIRES •LES KOULOUGLIS ET LES KABYLES EN REVOLTE
•LA TAÏFA DES RAÏS •ALI BITCHIN •LA FIN DE LA REGENCE •LE REGNE DES AGHAS •LA
PERIODE SOMBRE D’EL DJEZAÏR •LE RAÏS HAMIDOU •LA PERIODE COLONIALE
•CONSEQUENCES URBANISTIQUES DE LA PRESENCE FRANCAISE A ALGER

III -Patrimoine culturel 59


L’ARCHITECTURE D’ALGER DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS
•LA LIBRAIRIE (EX-SIEGE DE LA DEPECHE ALGERIENNE) •LA GRANDE POSTE
•SIEGE DE LA WILAYA D’ALGER •L’AERO-HABITAT •ECOLE DES BEAUX ARTS
•IMMEUBLE LA FAYETTE •LA CATHEDRALE DU SACRE CŒUR •LA CITE DES SCIENCES
•L’HOTEL EL AURASSI •L’UNIVERSITE D’ALGER •LE MUSEE NATIONAL DES
ANTIQUITES ET DES ARTS ISLAMIQUES •LE PALAIS ZIGHOUD YOUCEF
•SIEGE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

Alger Centre en images 71


La lettre du président

A
l’orée du nouveau millénaire, au moment où les
frontières sont abolies, où la mondialisation n’est
pas un vain mot, où les interconnexions entre pays
sont renforcées, où le multimédia intègre sans complexe le
quotidien de tout un chacun aux quatre coins du monde,
l’Assemblée populaire communale d’Alger Centre refuse de
rester à la traîne au risque de se voir engouffrer au fin fond
du sous-développement et de la régression, car elle veut
s’ouvrir au monde qui l’entoure. C’est dans cette optique que
s’inscrit l’initiative de cet ouvrage qui se veut un outil de communication aussi utile
que plaisant. Car la ville d’Alger Centre n’est pas une ville quelconque, n’est pas
banale. On dit d’elle qu’elle est pudique car elle ne se livre pas d’emblée. Il faut
mériter son bonheur, flâner à travers ses rues, gravir ses escaliers, découvrir ses
atouts, s’offrir le temps d’une pause dans le moindre recoin de son architecture qui
témoigne d’un passé glorieux et de la succession de plusieurs civilisations depuis
l’antiquité jusqu'à nos jours.
Alger Centre est une ville millénaire qui peut se targuer de posséder un riche
patrimoine culturel et artistique, où l’histoire est partout présente. Alger Centre ne
craint pas les défis car la politique de ses gestionnaires s’inscrit à juste cause
dans l’air du temps, l’ère de l’ouverture. Elle veut et désire être reconnue parmi les
grandes métropoles du monde.

Alger Centre, la belle, veut être aimée avec passion.


M.TAYEB ZITOUNI
PRESIDENT DE l’APC
D’ALGER CENTRE

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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CADRE PHYSIQUE

Blottie au sein de la légendaire baie d’Alger, l’APC d’Alger Centre partage ses
frontières administratives avec 4 communes, en l’occurrence Sidi M’hamed au sud
et à l’ouest, Belouizdad au sud-est, la Casbah-Oued Koriche au nord et nord-ouest.
Sa façade orientale est exposée face à la mer Méditerranée.
I Cadre physique

L
LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE

’Assemblée populaire communale


(APC) d’Alger Centre, relevant
administrativement de la wilaya
d’Alger et de la daïra de Sidi M’hamed, occupe
un territoire s’étalant sur 3.7 km2 de superficie.
Elle abrite une population de 88 909 habitants.
Blottie au sein de la légendaire baie d’Alger,
l’APC d’Alger Centre partage ses frontières
administratives avec 4 communes, en
l’occurrence Sidi M’hamed au sud et à l’ouest,
Belouizdad au sud-est, la Casbah-Oued Koriche
au nord et nord-ouest. Sa façade orientale est
exposée face à la mer Méditerranée.

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CADRE PHYSIQUE

DÉLIMITATION ADMINISTRATIVE
Le parcours de la délimitation de la
commune d’Alger Centre prend naissance à
partir des Halles aux poissons (pêcherie) au
niveau du quai n° 3 ; on longe la clôture du port
par le prolongement de la rue d’Angkor jusqu'à
la passerelle piétonne qui mène à l’ascenseur
de l’ETUSA (ex-RSTA) qui remonte jusqu’au
boulevard Zighoud Youcef qu’on traverse. De
là, on continue par la rue Ksantini Rachid pour
arriver au niveau du rond-point d’où on s’enga-
ge par la rue Ali Boumendjel qu’on emprunte
en poursuivant par les rues Patrice Lumumba
et Debbih Cherif jusqu'à l’avenue Taleb
Mohamed pour remonter celle-ci jusqu'à la rue
Goethe qu’on suit jusqu’au chemin (escaliers)
Mouillard ; on traverse celui-ci pour aboutir à la
rue Messaoudi Abdelouahab, de là on remonte
jusqu'à la rue Gharbi Saïd, prolongée par le
chemin Aknouche Moussa, puis on coupe par le
chemin Sfindja pour ressortir au niveau de la
douche du boulevard colonel Bougara qu’on
descend jusqu'à la place Addis Abéba, à partir
de laquelle on emprunte la rue Franklin
Roosevelt. En arrivant au niveau du siège du
ministère des Travaux publics, on descend les
escaliers situés à proximité de cet édifice pour
aboutir à la rue Didouche Mourad qu’on suit
jusqu'à la place du Pérou, puis la rampe Gherbi
CLIMAT
Salah pour inclure toutes les installations De type méditerranéen littoral, avec une
portuaires jusqu’en face du jardin d’Essai. période sèche estivale et une autre fraîche et
arrosée hivernale, le climat de la commune
d’Alger Centre est caractérisé par une faible
RELIEF amplitude thermique et peu de gelées. Les vents
La géomorphologie caractéristique de la dominants qui soufflent sur l’Algérois sont de
commune d’Alger Centre est un ensemble de
direction ouest, de plus la région est traversée
formes en échine à sommets plats et de collines
par des siroccos, des vents chauds et secs venant
aux formes douces dont l’altitude varie du
du Sud, avec une moyenne de 20 jours/an.
niveau de la mer à plus de 120 m sur les
La température moyenne annuelle et les
hauteurs d’Alger. La pente, atteignant dans
certains quartiers près de 35%, est de direction deux extrêmes thermiques, les températures
nord. L’ensemble du territoire de la commune moyennes maximale du mois le plus chaud et
repose essentiellement sur un terrain à base de minimale du mois le plus froid sont, respective-
roches schisteuses avec une présence de granit ment, de 18. 44 et 0.5°C. Quant aux précipita-
et de grès. La pédologie de la région est tions, elles varient entre 600 et 700 mm de
représentée par des sols saturés, souvent pluies/an avec un cumul de 100 mm pour les
caillouteux et de profondeur variable. On y note mois de novembre, décembre et janvier. Le
également la présence de tuf, une roche nombre de jours de pluies oscille entre 80 et
calcaire. 100 jours/an.

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CADRE PHYSIQUE

INFRASTRUCTURES HÔTELIÈRES En effet, la commune enregistre plus d’une


trentaine d’hôtels non classés totalisant près de
650 lits. Quant aux hôtels classés (1 ou 2
étoiles), on en recense 14 correspondant à une
disponibilité de 737 chambres ou 1 213 lits.
Les hôtels-restaurant classés ne sont pas en
reste ; quatre établissements allant de 3 étoiles
aux 4 étoiles (hôtel Es-Safir) et 5 étoiles
(hôtel Aurassi) offrent un total de 606 chambres,
40 appartements et 1 384 lits, avec une capacité
totale de couverts servis évaluée à 783 couverts.
Concernant les restaurants classés, où
de nombreuses spécialités tant nationales
qu’internationales y sont préparées, ils sont au
nombre de 21 avec une capacité de couverts de
1 311.

ARTISANAT

La commune d’Alger Centre est connue


pour la diversité de ses métiers artisanaux qui
traduisent la multitude des origines de la
population algéroise. Ces métiers octroient un
label particulier à la ville d’Alger comme ils
sont une source de vie pour certains.
Parmi les corps de métier qui alimentent le
marché de l’artisanat, on peut citer le travail des
métaux (dinanderie, la sculpture sur cuivre,
bijoux en argent,...), le travail sur bois et papier
(bibelots en bois sculpté, cadres, coffrets,
A l’instar des autres grandes villes, Alger petit mobilier,...), le travail de la laine, du tissu,
Centre est dotée d’infrastructures à même du cuir et assimilés (broderie, couture
d’agrémenter le séjour à longue ou courte durée traditionnelle, maroquinerie,...) et activités
de voyageurs occasionnels ou de touristes. diverses (céramique, poterie, peinture,...).

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CADRE PHYSIQUE

ART CULINAIRE culturel, artistique, éducatif, sportif et de loisirs


a été élaboré. Ce programme s’articule autour
de plusieurs volets tels que le théâtre, les expo-
sitions, la musique (chaâbi, hawzi, moderne,
classique universel, classique andalous,...), le
folklore, le spectacle pour enfants, les confé-
rences, les tournois sportifs interquartiers,... et
s’adresse aux artistes, aux créateurs, au grand
public et, bien sûr, à la jeunesse.
L’objectif étant d’ouvrir la ville et ses
quartiers aux arts et à la culture et contribuer à
stimuler et encourager tous ceux qui œuvrent
à l’épanouissement des différentes formes
d’expression.

La cuisine traditionnelle algéroise s’appré-


cie plutôt à l’occasion d’une invitation familia-
le. Les convives auront le privilège de sentir fré-
tiller leurs glandes olfactives et gustatives pour
le plaisir du palais. En effet, une kyrielle de
plats et de pâtisseries s’offrent à vous.
On peut, entre autres, déguster la chorba,
une soupe traditionnelle préparée notamment à
l’occasion du mois de ramadhan avec du vermi-
celle (m’qatfa) ou des grains de blé concassés
(frik, d’chicha) ; l’ham lahlou, plat de viande de
mouton agrémentée d’amandes, de fruits séchés
(abricot, pruneaux, raisins) et de fruits frais
(pomme, poire) ; dolma ; couscous ; méchoui,
etc. La pâtisserie, quant à elle, se décline à base
de semoule, d’amandes, de dattes et de miel. On
peut en citer quelques-unes : maqrout, samsa,
tcharak, qnidlat, griouèche, baqlawa,...

FETES ET FESTIVALS
La commune d’Alger Centre est une ville
d’art et de culture. Afin de créer à travers
l’ensemble des communes de la wilaya d’Alger,
en général, et de la commune d’Alger Centre en
particulier, une vie culturelle aux dimension et
ambitions d’une métropole internationale, un
programme de manifestations à caractères

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HISTOIRE

Il était une fois les îles... Notre histoire commence ainsi. Une histoire empreinte de
réalités, de mythes et légendes. C’est l’histoire d’Alger dont le nom dérive
d’El Djezaïr, désignant en arabe les îlots rocheux qui baignent, en contrebas, dans
la mer Méditerranée.
II Histoire

I
ORIGINE DE L’APPELLATION La première est une légende rapportée dans
le texte de Solin-Solinus au IIIème siècle avant
l était une fois les îles... Notre histoire J.-C. qui voulait que la ville ait été fondée, aux
commence ainsi. Une histoire empreinte âges fabuleux de la mythologie grecque, par
de réalités, de mythes et légendes. C’est vingt (en grec eikosi) compagnons d’Hercule
l’histoire d’Alger dont le nom dérive qui abandonnèrent celui-ci en chemin lors de
d’El Djezaïr, désignant en arabe les îlots leur traversée de la Méditerranée. Ayant décou-
rocheux qui baignent, en contrebas, dans la mer vert cet endroit dont l’emplacement montrait
Méditerranée. Traversant des millénaires d’évé- des avantages certains, ils décidèrent de s’y ins-
nements, au gré de colonisations, d’occupa- taller et entamèrent la construction d’une
tions, d’expansions, de constructions, de muraille. Et pour qu’aucun d’eux ne revendique
destructions, de guerres et paix, les origines de le privilège de donner son nom, en signe de
l’appellation actuelle remontent à un millier gloire, à ce lieu providentiel, ils décidèrent, dans
d’années avant l’ère chrétienne, à l’arrivée des un souci d’équité, de donner à cet endroit l’ap-
Phéniciens qui donnèrent à cette contrée le nom pellation formée du nombre de ses fondateurs,
d’Ikosim. A ce propos, trois théories sont avan- en l’occurrence vingt. La deuxième explication
cées pour tenter d’interpréter le sens donné à se trouve dans la décomposition du mot
l’appellation Ikosim. «Ikosim» qui se scinde en deux sens :

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HISTOIRE

le premier, «I», désignant «îles» et le second, mœurs et usages, depuis les temps les plus
«kosim», désignant «épines». Et pour cause. reculés jusqu'à nos jours » qu’il envoya, pour
Les navigateurs rapportent dans leurs récits que rendre compte de ses voyages, à Monseigneur
de loin cet ensemble insulaire est constitué de Dupuch, évêque d’Alger.
montagnes se dressant telles des épines. Ou
alors, l’aspect physionomique de la végétation
dense qui s’y développe montre une texture ORIGINE DE LA POPULATION
épineuse. Ou que, tout simplement, l’aspect La tentative de remonter aux origines de la
épineux de la végétation recouvrant ces mon- population d’El Djezaïr est basée exclusivement
tagnes exprime une végétation à base d’épineux sur une bibliographie aussi exhaustive que pos-
sensu stricto. La dernière théorie est celle émise sible. Il est un fait que certaines d’entre elles ne
par le célèbre chroniqueur Hassan El Wazzan recèlent pas les critères de rigueur qu’exige une
Ezzayati, alias Léon l’Africain, qui cite que démarche scientifique objective. Néanmoins,
Ikosim signifie l’«île aux oiseaux impurs» elles constituent une base de départ dont les
ou l’«île aux mouettes». Mais au milieu du quelques éventuelles «déviations» sont
IIème siècle avant J.-C., vers 146, c’était le début rectifiées et corrigées par l’appréciation impar-
de la colonisation romaine : un tournant décisif tiale, juste, objective et logique, en conformité
dans l’histoire du Maghreb et de la avec les vérités historiques avérées, du rédac-
Méditerranée. Cela a été marqué par la chute et teur. Jusqu’au VIIème siècle avant J.-C., l’Afrique
la destruction de Carthage. En l’an 42 après septentrionale, correspondant au Maghreb,
J.-C., l’empereur Claude 1er divisa le royaume évoluait dans un certain isolement par rapport
en deux provinces impériales : la Maurétanie au reste du monde. Ces immenses espaces sertis
tingitane et la Maurétanie césarienne. Ikosim, entre la mer Méditerranée au nord et le Sahara
dont le nom fut hellénisé en Icosium, passa sous au sud étaient habités par des peuplades que
domination romaine. L’appellation d’Icosium Hérodote, historien grec, appelait Libyens et
demeura jusqu'à l’arrivée d’une nouvelle peu- dont, quelques siècles plus tard, l’historien
plade venant de l’Arabie, ce qui constituera le Salluste distinguaient les Libyens à l’Est, et les
début d’une vague déferlante de l’Islam. C’est Gétules au Centre et à l’Ouest. L’origine de ces
ainsi qu’au XXème siècle, Ziri Ben Menad fonda populations remonte aux Capsiens qui, venus de
le royaume des Zirides et son fils, le prince l’est de l’Afrique, envahirent par déferlantes
Bologhine, fut autorisé vers l’an 960 à fonder cette partie du continent et ce, au cours du
trois villes dont El Djezaïr-Béni-Mezghenna XXème millénaire. Ils constituèrent la souche
(désignant en arabe les îlots). Le site choisi pour originelle d’une population maghrébine. Selon
El Djezaïr-Béni-Mezghenna correspondait une hypothèse unanimement admise par les
exactement à l’emplacement de l’antique cité préhistoriens, les Capsiens seraient les ancêtres
romaine d’Icosium et dont ne subsistaient que des Berbères. Au fil des siècles, la population a
des ruines éparpillées dans un vaste champ et évolué parallèlement aux multiples civilisations
qui faisaient partie du territoire occupé par les et brassages inter-éthniques qui se sont succédé
tribus sanhadjies. Puis, El Djezaïr devint Alger dans cette région de l’Afrique du Nord. Les
(pour les Français) lorsque cette appellation fut références ayant trait à l’évolution de la popula-
européanisée en devenant, tour à tour, Argel tion au cours des différentes époques (phéni-
(pour les Espagnols), Algieri (pour les Italiens), cienne, romaine, berbère) sont inexistantes.
Algier (pour les Allemands), Algiers (pour les Tout au plus en 1150, Edrizzi en parle comme
Anglais et les Hollandais) et ce, selon ce qui a d’une «ville très peuplée dont le commerce est
été relaté par le chroniqueur Stephen d’Estry, en florissant». Ce n’est qu’à partir de 1450 que des
1841, dans ses lettres « Histoire d’Alger, de son observateurs commençaient à donner des
territoire et de ses habitants, de ses pirateries, évaluations avec une première estimation de
de son commerce et de ses guerres, de ses 20 000 habitants.

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HISTOIRE

En effet, dès la fin du XI ème siècle, les dépassant la mortalité. • L’arrivée de nombreux
richesses qui continuaient à affluer attiraient de et fréquents renforts turcs. La population, dans
plus en plus de gens qui arrivaient aussi bien de sa globalité, est structurée, selon le critère
l’intérieur que de l’extérieur du pays. En 1518, d’origine, en trois classes :
Hassan El Wazzan Ezziati, dit Léon l’Africain, Les baldis (les autochtones), les baraniyas
lors de sa visite à El Djezaïr, estima la population (venus de l’intérieur du pays) et les étrangers
de celle-ci à 4 000 feux, soit l’équivalent de près (venus de l’extérieur du pays). Les baraniyas
de 30 000 âmes. En 1580, Haëdo, pour sa part, étaient originaires, pour la plupart, du M’zab, de
parla de 60 000 habitants. Pour Père Dan, en Laghouat, de Biskra, de certaines contrées du
1634, la population d’El Djezaïr avoisinait les Sahara et, enfin, de la Kabylie. A l’exception des
15 000 «immeubles», correspondant à près de Kabyles, les autres formaient des groupes homo-
100 000 personnes. En un peu moins d’un siècle, gènes et s’étaient constitués en corporations
la population d’El Djezaïr a été triplée. Cet afflux ayant à leurs têtes des « amines », responsables
considérable d’habitants fut déterminé, selon devant le beylik pour toute affaire concernant
Gramaye, par plusieurs causes dont les leurs communautés respectives. Les Mozabites
principales s’articulaient autour de : avaient le monopole de l’exploitation des ham-
mams, des boucheries, des moulins et des bou-
• L’arrivée des Maures andalous rejetés langeries. Ce privilège commercial dont a été
d’Espagne en 1609. Ils occupèrent près de gratifiée la communauté des Béni M’zab s’expli-
300 constructions nouvelles. •L’apport des popu- querait, d’après une tradition locale rapportée par
lations par suite de la démolition du Henri de Grammont, par l’exploit réalisé par les
quartier Bab Azzoun pour motifs militaires en Mozabites qui s’étaient illustrés en 1541 lors du
1573 sur ordre d'Arab Ahmed. •La natalité siège de la ville par Charles Quint.

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HISTOIRE

En effet, ils s’étaient déguisés en femmes et


s’étaient présentés aux soldats chrétiens qui
campaient au sommet de la colline. En se
découvrant aux soldats ils en firent un carnage.
Les Biskris, quant à eux, fournissaient les
portefaix, les porteurs d’eau et les gardiens de
nuit qui étaient postés aux portes qui fermaient
les différents quartiers de la ville haute. Les
Noirs affranchis étaient employés aux travaux
de maçonnerie et chargés, tous les ans, du blan-
chiment des maisons. Quant aux Laghouatis, ils
n’avaient pas de spécialité particulière : ils ser-
vaient parfois de manutentionnaires dans les
souks et aidaient les Kabyles à transporter et à
épurer l’huile d’olive que ces derniers rame-
naient de la montagne. Les Kabyles, outre
l’huile d’olive, commerçaient exclusivement les
produits frais (les fruits et légumes, les poulets,
les œufs, les herbages,...). Quant à la population
venue de l’extérieur du pays, il y avait en pre-
mier les Janissaires recrutés dans les provinces
lointaines de l’empire et qui grossissaient régu-
lièrement la population d’El Djezaïr. Vers la fin
du XVIème siècle, leur nombre était estimé à
6 000 pour atteindre le chiffre de 22 000 vers
1634. En second lieu, il convient de citer les
renégats, toutes nationalités confondues, qui
élirent domicile de leur propre gré dans la capi-
tale barbaresque, ainsi que les Maures andalous qui débarquèrent par milliers après avoir été
chassés d’Espagne aux XVIème et XVIIème siècles.
Au nombre de 30 000, ces derniers jouèrent
un rôle important dans la colonisation agricole
dans les régions où ils furent installés, mais éga-
lement dans les villes où ils excellèrent dans les
métiers de tailleur en couture, de broderie, de
tissage, de teinture, de cordonnerie et d’archi-
tecture. Lors de la famine de 1611-1612, les
Maures tagarins furent expulsés de la ville.
Certains trouvèrent refuge sur les hauteurs
au-dessus de la Casbah et s’y établirent (cet
endroit conserva d’ailleurs l’appellation de
«quartier des Tagarins» jusqu'à nos jours). Les
autres, ceux qui restèrent en ville, furent massa-
crés par la milice. Par ailleurs, il y avait égale-
ment au sein de la population d’El Djezaïr une
importante communauté juive qui exerçait les
métiers d’orfèvres, de bijoutiers, de changeurs
de monnaie, etc.

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HISTOIRE

La diversité des origines de la population Chaque quartier (houma) disposait de sa ou


d’El Djezaïr a donné naissance à une mosaïque ses boutique(s) (hawanit) où se vendent les
culturelle et ethnique ainsi qu’une richesse produits de première nécessité. Plus près de la
multiforme qui confèrent à cette ville le statut de mer, la ville basse, qui occupait une zone plus
carrefour méditerranéen. La cohabitation de ou moins plane et qui se développait de part et
cette population cosmopolite a induit une d’autre de l’artère reliant Bab Azzoun à
occupation spatiale d’El Djezaïr dans laquelle Bab El Oued. C’est dans cette partie de la ville
on distinguait deux parties : la ville haute et la qu’étaient concentrés les sièges du pouvoir
ville basse. Vers le haut (ville haute), sont loca- politique et militaire (Dar el sultan, les
lisés les quartiers résidentiels qui abritaient la casernes), les centres d’activité économique
classe moyenne, en l’occurrence les baldis et les (souks, les commerces spécialisés, le marché
baraniyas qui progressaient sur les pentes du a u x
relief et où on dénombrait près de 50 quartiers esclaves,...), les principaux édifices religieux
séparés les uns des autres par des grilles (mosquées, zaouïas) ainsi que les résidences et
fermées et gardées par des Biskris. palais des hauts dignitaires turcs et raïs.

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HISTOIRE

ALGER, AU TOUT DEBUT


L’histoire d’Alger Centre se fond, tel
une pièce d’un puzzle géant, dans celle de la
capitale Alger et, partant, celle de l’Algérie. Les
origines remontent à plus de 10 000 ans avant
J.-C. avec la civilisation ibéro-maurusienne
correspondant à l’Homme de Mechta El Arbi.
Ce fut, ensuite, les civilisations capsienne
qui se confond avec l’apparition des protomédi-
terranéens (7 000-5 000 av. J.-C.), et néolithique
(6 500-2 000 ans av. J.-C.) correspondant à l’ar-
rivée des premiers Méditerranéens au Sahara
septentrional vers 3 000 ans av. J.-C.
Les premiers Phéniciens débarquèrent au
Nord de l’Afrique vers 1 000 ans av. J.-C. Il est
clair que cette chronologie primaire est basée
sur des «dires» récoltées auprès de chroni-
queurs, navigateurs et voyageurs qui se limitè-
rent à «narrer» les différentes et multiples
odyssées qu’ils vécurent au cours de leurs
périples. Les premières preuves matérielles
(notamment des pièces de monnaie frappées à
l’effigie de rois et dirigeants vivant à leur
époque) recueillies lors de fouilles archéolo-
g i q u e s
viennent confirmer que les premiers à avoir
IKOSIM LA PUNIQUE
De nombreux écrits relatifs à l’extension de
laissé leurs empreintes de précurseurs dans la
la civilisation des Phéniciens au-delà de leurs
fondation d’El Djezaïr furent les Phéniciens.
frontières originelles situent l’arrivée de ces
derniers sur les côtes de l’océan atlantique vers
2 000 ans av. J.-C. Il est un fait avéré que
les Phéniciens excellaient dans la navigation
marine, car ayant compris que la prospérité,
la fructification de leurs richesses et le
développement économique ne pouvaient
provenir qu’au-delà des limites marines.
Il fallait donc traverser océans et mers pour
assouvir leurs velléités expansionnistes. Mais
les distances lointaines entre la ville mère,
Phénicie, et les grands centres commerciaux ou
les grandes villes situées le long de la façade
marine du continent poussèrent les Phéniciens à
établir des «emporia » ou comptoirs commer-
ciaux. C’est dans ce cadre que, vers 1 100 av.
J.-C., fut fondé le premier comptoir commercial
dans la ville d’Utique en Afrique antique
(Tunisie actuelle). Plus tard, en l’an 814 av.
J.-C., les premières incursions des navigateurs

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23
HISTOIRE

phéniciens en Méditerranée furent à l’origine de profondeur où étaient enfouies des reliques de


la fondation de Carthage ou Qarthadesh plaçant vases campaniens dont les plus anciens dataient
le Maghreb sur le devant de la scène permettant du III ème siècle av. J.-C., faisant remonter la
ainsi à cette région d’inscrire les premières pages fondation d’Ikosim au IVème siècle av. J.-C., et
de son histoire. Afin d’asseoir sa suprématie témoignant de l’existence d’échanges commer-
commerciale sur la région et faire fructifier ses ciaux entretenus entre ce comptoir et l’Italie du
richesses, Carthage entreprit de mettre sur pied le Sud, les colonies grecques du sud de la Gaule, ou
long des côtes méridionales de la Méditerranée, encore de la partie orientale de l’Espagne. Ikosim
d’est en ouest, un ensemble d’escales appelées participait ainsi à la prospérité de Carthage qui, à
«échelles puniques », permettant aux navigateurs l’orée du IVème siècle av. J.-C., régnait sur un
de s’abriter et de se ravitailler. Au fur et à grand empire maritime et terrestre.
mesure que la domination de la «Ville nouvelle» Dès le IIIème siècle av. J.-C., naissait un
s’imposait sur le pourtour méditerranéen, ces empire romain. Jeune mais redoutable, le nouvel
escales devinrent des comptoirs où les empire nourrissait des velléités d’expansion et
Carthaginois commerçaient, sous forme de troc, vint disputer à Carthage la prépondérance en
avec les populations locales. Mais pour fonder un Méditerranée. La rivalité entre les deux puis-
relais et mettre en place une « échelle punique », sances donna lieu à un long conflit. Cependant,
il fallait que certains critères soient satisfaits. En en 202 av. J.-C., l’armée du général carthaginois
effet, pour qu’un comptoir soit efficace, des Hannibal est vaincue lors de la bataille de Zama
conditions naturelles doivent s’y prêter, en l’oc- (Tunisie actuelle) dans de violents affrontements
currence l’existence d’un bon mouillage, soit à qui l’ont opposé à l’alliance scellée entre les
l’abri d’une île, soit d’un cap, soit encore d’un Romains dirigés par Scipion l’Africain, et la
estuaire. Le site, qui devint la ville berbère cavalerie numide menée par le chef des Numides
d’El Djezaïr des siècles plus tard, ne manqua pas Massyles, Massinissa. Durant cette période, les
d’attiser la convoitise des navigateurs carthagi- nombreux comptoirs numides localisés le long de
nois. En effet, il offrait une panoplie d’avantages la façade maritime méditerranéenne connurent
géostratégiques : une vaste plage soustraite à un niveau de développement des plus prospères.
l’action des vents violents d’ouest (le rivage de A cet effet, ils contribuèrent de façon notable à
Bab El Oued), une baie bien dégagée (la baie de promouvoir et améliorer les relations bilatérales
l’Agha), et, au milieu, un important groupe et commerciales avec le principal siège des
d’îlots peu éloigné de la terre permettant ainsi Romains, à savoir la grande ville de Rome.
une position de repli facile à défendre et un Seulement, cette coopération numido-romaine
excellent mouillage pour les navires. En 1940, le est loin d’être un havre de paix, car les intentions
nom de ce comptoir fut livré. En effet, un lot de belliqueuses des Romains commencèrent à
cent cinquante-huit pièces de monnaie punique poindre à l’horizon. En effet, pendant plus d’un
en plomb et en bronze et remontant au IIème siècle siècle, trois guerres puniques se succédèrent et se
av. J.-C. fut mis au jour dans le quartier de La terminèrent en l’an 146 av. J.-C. par la prise de
Marine. Sur ces pièces figure une inscription Carthage et sa destruction par Scipion l’Africain.
composée de plusieurs signes dévoilant le nom Ikosim, qui faisait partie des conquêtes du roi
du comptoir punique Ikosim, signifiant berbère Massinissa, se trouvait alors comprise
l’« île aux mouettes ». dans le royaume de Numidie qui s’étendait de
Cette inscription accompagne, sur le côté face Vaga (Béja en Tunisie) à la Mulucha (actuelle
des pièces, la première personnification Moulouya), rivière frontalière avec la
d’El Djezaïr sous les traits d’une victoire aux Maurétanie tingitane (Maroc actuel). La gran-
ailes déployées couronnant Isis. Quelques années deur du royaume numide a attisé les visées hégé-
plus tard, une autre découverte tout aussi moniques autour du pouvoir. C’est ainsi que les
importante fut faite non loin de la première. Il conflits et guerres intestines ont amené Jugurtha,
s’agissait d’un puits de près de vingt mètres de en l’an 112 av. J.-C., à recouvrer son trône sur la

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

l’empereur Caligula aboutit à l’annexion du


royaume par Rome. Deux ans plus tard, l’empe-
reur Claude 1er divisa le royaume en deux
provinces impériales : la Maurétanie tingitane et
la Maurétanie césarienne. Ikosim, dont le nom fut
hellénisé en Icosium, passa sous domination
romaine.

ICOSIUM LA ROMAINE
En tant que colonie relevant directement du
droit latin, Icosium était gérée par le même systè-
me d’institutions qui prévalait à Rome, mais ses
habitants n’avaient pas les mêmes prérogatives
auxquelles y avaient droit les citoyens du siège
principal à Rome. En effet, ils ne bénéficiaient
pas de droits politiques et il leur était interdit
d’intégrer les fameuses Légions romaines, ni
accéder aux fonctions d’Etat. Les premiers
Numidie et ce, après avoir lancé un assaut, magistrats (Praefectus) et décurions d’Icosium
en 113 av. J.-C., contre son ennemi juré Aderbal furent donc imposés et envoyés directement de
et assiégé Cirta (actuelle Constantine) pendant un Rome. Un nommé Flavius fut sans doute l’un des
an au terme duquel la capitale de Carthage tomba premiers magistrats de la nouvelle colonie, dont
et Aderbal tué. Un vent de panique gagna alors il fut par ailleurs le premier pontife. Plus tard, sur
les Romains qui virent en Jugurtha un homme les ordres de l’empereur Claude les privilèges du
menaçant leurs intérêts en Afrique du Nord. C’est droit latin furent accordés à Tipasa et Vespasien,
ainsi que de multiples campagnes de guerre dont le règne dura de 69 à 79 ap. J.-C., octroya la
furent menées contre la Numidie. Rome dût même faveur à Icosium. Durant de très longues
mobiliser des moyens colossaux qui aboutirent à années, la ville d’Icosium connut une existence
la victoire finale. En 105 av. J.-C., Jugurtha fut relativement calme. Elle préserva sa réputation
arrêté et Cirta devenait la capitale de la nouvelle de ville-phare et de centre commercial important
confédération romaine. Plus tard, le général par où transitent de nombreux navires venant de
Pompée, rival de Jules César dans la lutte pour le toutes les contrées avoisinantes et lointaines et
pouvoir, est vaincu avec son allié Juba 1er, roi de servit, pendant une longue période, de plaque
Numidie. Suite à cette débâcle, ce dernier se tournante économique dans l’approvisionnement
donna la mort. Au terme de cette victoire, en l’an et les échanges commerciaux entre Rome et ses
47 av. J.-C., après la réorganisation territoriale de colonies en Afrique. Mais cette embellie
l’Afrique du Nord par César, Ikosim intégra le économique ainsi que cette relative accalmie
nouveau royaume de Maurétanie qui hérita d’une connurent une fin tragique avec les multiples
grande partie de la Numidie. En l’an 25 av. J.-C., révoltes des Berbères et l’arrivée des Vandales
l’empereur Auguste installa sur le trône du sur les côtes de l’Afrique du Nord. Les Numides,
royaume de Maurétanie, dont la capitale était après leur défaite face aux Romains, n’abdiquè-
Iol-Caesarea (l’actuelle Cherchell), le jeune rent jamais. Des poches de résistance s’organi-
Juba II, fils de Juba 1er. Il faut rappeler que Juba saient çà et là et de continuelles frappes sont por-
II fut élevé dans la cour de Rome et fut marié à tées à l’ennemi romain. Plusieurs tentatives de
Cléopâtre Sélène, fille d’Antoine et de la reine recouvrement de leur souveraineté sont menées
Cléopâtre d’Egypte, à la gloire de laquelle son par les Numides dont les assauts militaires désta-
mari érigeât le «Tombeau de la chrétienne». En bilisaient le régime en place et affaiblissaient les
l’an 40, l’assassinat de son fils Ptolémée par forces romaines. C’est cette ambiance de tension

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HISTOIRE

et cette situation belliqueuse qui constituèrent, ecclésiastiques y citent trois évêques :


plus tard, pour les Vandales, un terrain un donatiste et deux catholiques. L’évêque
propice à leurs velléités expansionnistes dans donatiste Crescens episcopus Icositanus figurait
cette région du continent. Vers 371, le prince à la conférence de Carthage en mai 411 ;
Firmus, fils de Nubel, puissant roi d’un petit l’évêque catholique Laurentius fut l’un des trois
Etat indépendant berbère, mena une révolte légats de la Maurétanie césarienne au concile de
contre les Romains. Il rassembla sous son éten- Carthage organisé par l’évêque Aurelius en 419;
dard toute une armée composée de Berbères, de l’évêque Victor est signalé parmi les quatre cent
donatistes dissidents et de déserteurs romains et
marcha contre les cités côtières de la
Maurétanie césarienne. Le prince s’empara de
Iol-Caesarea et la livra au pillage et au feu. Il
poursuivit son avancée et lança l’assaut contre
Icosium dont il se rendit maître après un court
siège. Rome, craignant l’extension de la révolte
aux autres provinces d’Afrique, chargea
le général Théodose de mener la guerre contre
le prince berbère et tenter de récupérer les villes
prises. Théodose remporta des victoires déci-
sives et contraigna son adversaire à capituler.
Firmus rendit la ville d’Icosium, libéra les
prisonniers et restitua les enseignes militaires
ainsi que tout le butin qu’il s’était approprié. Le
général romain remit la ville entre les mains
de ses magistrats qui s’employèrent aussitôt à
effacer les traces de la destruction et du chaos
commis par Firmus et ses hommes. Par la suite,
ce fut un moment de répit qui permit de nou-
veau à la ville d’Icosium de retrouver son calme
d’antan et de se réorganiser. Icosium était entou-
rée de villas rurales, mais elle comportait, au- soixante-dix prélats de la Maurétanie césarienne
dessus d’une ville basse où la population était qui se réunirent à Carthage sur l’ordre du roi
dense, des quartiers résidentiels sur les vandale Genséric, en 484. L’invasion vandale
premières hauteurs. Entourée de vastes plaines bouleversa la vie d’Icosium, comme celles de
et bien irriguées, elle tirait une partie de ses toutes les cités romaines d’Afrique. En 429, une
richesses de l’agriculture et de l’élevage. Elle importante armée, à sa tête le roi vandale
entretenait des relations commerciales avec Genséric, déferla sur l’Afrique et envahit la
certains pays du pourtour méditerranéen, tels terre numide. Toutes les villes qui se trouvaient
l’Espagne, la Gaule du Sud et l’Italie et envoyait sur son passage furent pillées et saccagées. En
probablement du blé et de l’huile à quelques mois, une grande partie de l’empire
Rome. Icosium était reliée aux principales villes romain d’Afrique passa sous domination vandale.
de la Province par deux routes : l’une partait Les Vandales infligèrent une lourde défaite
vers l’ouest en suivant le littoral, traversait aux Romains. En 431, un premier traité fut
Tipasa pour aboutir à la capitale Iol-Caesarea, paraphé entre les deux parties. Mais cela ne fut
l’autre la reliait, vers l’est, à la colonie de qu’une ruse de la part des Vandales, car, pour
Rusguniae (actuelle Tamentfoust). Vers les ces derniers, ce traité représenta un moment
IIIème et IVème siècles, le christianisme fut de répit, un sursis, pour leur permettre de
introduit à Icosium. Au Vème siècle, des écrits rassembler leurs forces et de mieux se réorgani-

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

ser et affiner leur stratégied’attaque. dans le chaos.


D’ailleurs, cette tactique a porté ses fruits
puisqu’en 439, Carthage est passée sous domina-
tion vandale. Avec cette dernière prise, le dernier
rempart de l’occupation fut franchi permettant
aux vandales d’asseoir leur suprématie en
Afrique du Nord. En 442, un autre traité, signé
entre Genséric et le général romain Théodose,
confirma le partage des provinces romaines
d’Afrique entre les deux puissances. Rome se
contenta des Maurétanies césarienne et sitifienne,
d’une partie de la Numidie avec Cirta et la
Tripolitaine. Quant à Genséric, il reçut la
Proconsulaire avec Carthage, la Byzacène et une
partie de la Numidie avec Hippone (l’actuelle
Annaba). Icosium continua donc d’exister sous
la souveraineté de Rome pendant les cent ans
que dura la domination vandale. Sous le règne
vandale, c’était le début d’une nouvelle ère pour
Icosium et les autres villes passées sous la
régence vandale. Nouvelle mais néanmoins
funeste, ce fut même une période des plus
destructrices. C’était le commencement de la fin.
Avec l’arrivée des Vandales aucun changement
positif n’a été apporté à leurs nouvelles colonies.
En fait, ils ont maintenu en place tous les
systèmes de gouvernance et économiques, à
l’exception du mode de gestion immobilière qui LA PERIODE ISLAMIQUE
se traduisit notamment par l’expropriation
violente des terres fertiles et cultivables. Les La vague déferlante de l’Islam, en provenan-
ce de l’Arabie, marqua la fin d’une ère et annon-
actes de répression étaient le lot quotidien des
ça les prémices d’une nouvelle page de l’histoire
habitants. L’anarchie, la décadence et la dégrada-
au Maghreb en la débarrassant du joug colonia-
tion des conditions de vie n’augurent rien de bon.
liste. Avec l’avènement de cette nouvelle reli-
La création de sites militaires était le jeu prisé des
gion, la langue arabe fut introduite et facilement
Vandales, ce fut, d’ailleurs, le seul domaine dans
assimilée car les autochtones maîtrisaient déjà
lequel ils excellaient. Pour mettre fin à la domi-
l’usage de la langue punique, parallèlement au
nation vandale en Afrique, l’empereur Justinien
latin et au berbère. Les premières incursions des
confia au général byzantin Bélisaire le comman-
Musulmans eurent lieu au début du VIIème siècle,
dement d’un corps expéditionnaire. En 533,
mais c’est avec Okba Ibn Nafa que commença la
Bélisaire s’empara de Carthage et infligea une
véritable conquête de cette région. En 670, ce
cinglante défaite au roi Gelimer, l’arrière-petit-
dernier fonda, en plein cœur de la Byzacène
fils de Genséric. L’empereur Justinien entreprit
(actuelle Tunisie), la ville de Qaïrouane dont il fit
alors la réorganisation de l’Afrique. Mais,
la base de l’expansion de l’Islam au Maghreb.
quelques années plus tard, l’anarchie s’installa
Entre 683 et 702, les résistances contre
dans le pays. Les chefs ne contrôlaient plus
l’«islamisation» de cette portion de l’Afrique du
l’armée romaine et les Maures ravageaient
Nord furent multiples. Les Byzantins furent
impunément les provinces. Livrée aux attaques
acculés, battus et rejetés à la mer et vers 702, le
des tribus maures et berbères, Icosium sombra

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

dernier foyer de résistance berbère, entretenu capitale à son royaume en faisant construire,
par Koceila et La Kahina, fut étouffé. vers 935, la ville d’Achir localisée au niveau du
La fin du VIIIème siècle fut caractérisée par Djebel El Kaf Lakhdhar au sud-est de la ville de
des troubles qui ont conduit à l’instabilité de la Berrouaghia et envoya, plus tard, son fils et suc-
région. En effet, un vaste mouvement insurrec- cesseur fonder, selon un axe stratégique, trois
tionnel conduit par des Kharrijites embrasa tout villes : l’une sur le bord de la mer appelée
le pays. Ce n’est que vers le début du Djezaïr Beni Mezghenna, l’autre sur la rive
IXème siècle que le Maghreb retrouva la paix et la orientale du Chelif ayant pour appellation
prospérité. Les premiers royaumes berbères Miliana, la troisième porte le nom de Médéa,
islamisés virent alors le jour. trois grandes villes à la tête desquelles
A cette même époque, deux grandes confé- Bologhine fut investi par son père pour les
dérations de tribus berbères islamisées, voisines gouverner.
et rivales, les Sanhadja et les Zenata, cohabi- Pour fonder El Djezaïr Beni Mezghenna,
taient sur un immense territoire qui englobait le Bologhine jeta son dévolu sur un site qui
Maghreb central, une partie de l’Ifriqiya et le correspondait exactement à l’emplacement de
sud du Maghreb extrême. Les deux groupes se l’antique cité romaine d’Icosium et dont ne sub-
trouvèrent, très tôt, mêlés à la rivalité qui oppo-
sistaient que des ruines éparpillées çà et là dans
sait, à quelques milliers de kilomètres, deux
un vaste champ. Il faut préciser que la dénomi-
grandes dynasties, les Omeyyades de Courdoue
nation Beni Mezghenna fait référence, selon Ibn
et les Fatimides de Qaïrouane. Parce que
Khaldoun, à une tribu des Sanhadjas au sein
proches du royaume fatimide et, probablement,
desquels vivaient plusieurs peuplades ayant les
recherchant un allié puissant, les Telkata, tribu
mêmes origines et dont sont issus les Beni
sanhadjienne, se tournèrent vers Qaïrouane, tan-
Mezghenna. Le territoire de ces derniers couvri-
dis que les Zenata se rallièrent aux Omeyyades.
rait toute la zone du Sahel d’El Djezaïr ainsi
qu’une partie des plaines de Mettegia
LA FONDATION D’EL DJEZAIR
BENI MEZGHENNA
El Djezaïr entre dans l’histoire bien après
l’expansion de l’Islam et l’avènement au
pouvoir des Fatimides venus d’Orient au début
du Xème siècle. C’est alors que les califes fati-
mides ayant fondé leur première capitale Ikjan
(près de Aïn Kebira, dans la wilaya de Sétif),
ont conquis une grande partie du Maghreb, mais
essentiellement pour en faire un point de départ
de leur expédition pour la conquête de l’Egypte.
A leur départ pour l’Orient, les Fatimides
laissent le soin de gouverner leur empire
d’Afrique du Nord à Bologhine «Abulfoutouh »,
le conquérant, surnommé aussi «Seif el dewla»,
le glaive de l’Etat. Ainsi naquit en 972 la dynas-
tie ziride qui régna près de deux siècles. En fait,
les Zirides avaient commencé à s’imposer bien
avant cette date lorsque le père de Bologhine,
Ziri Ibn Mened, chef des Telkata, engagea la
lutte contre Abu Yazid, l’homme à l’âne, pour
sauver le calife fatimide. Il donna alors une

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

(la Mitidja) dont les dimensions étaient de près ment et de stabilité des plus enviables. A
de 45 miles de longueur et 36 miles de largeur. l’origine, la ville berbère ne devait s’étendre qu’à
Le choix de ce site n’est pas fortuit. En effet, l’emplacement de la cité romaine, la partie haute
il est reconnu que la particularité des construc- du djebel comprise entre les remparts devant ser-
teurs des villes berbères consistait surtout, pour vir à des jardins permettant d’alimenter, en partie
se libérer du souci de la recherche de l’eau, de du moins, la population qui devait pouvoir vivre
choisir un emplacement sur une montagne ou une en vase clos en cas d’attaques venant de l’arrière
colline d’où jaillissait une source qui devait être pays. Mais l’expansion rapide de la population,
utilisée pour l’alimentation en eau de la ville. des constructions et la prolifération de com-
Cette source alimentait cette dernière par gravité merces et rues commerçantes de toutes natures
et la traversant de part en part. Ce système d’ali- étirèrent la ville d’El Djezaïr en dehors des
mentation en eau avait l’avantage d’alimenter la limites de l’ancienne Icosium. Le chroniqueur
ville sans trop de difficultés, hormis celle de baghdadi, Ibn Hawqal, qui sillonna au Xème siècle
canaliser l’eau et de mettre cette source à l’abri l’Afrique du Nord dans tous les sens, décrivit
d’une éventuelle attaque. D’ailleurs, si l’on com- a i n s i
pare la colline sur laquelle s’édifia la ville d’El El Djezaïr Beni Mezghenna : « La ville est bâtie
Djezaïr à la colline d’Achir, ville fondée par le sur un golfe et entourée de murailles. Elle
père de Bologhine quelques années auparavant, renferme un grand nombre de bazars et quelques
on constate que les profils sont presque iden- sources près de la mer. C’est à ces sources
tiques. Pour El Djezaïr beni Mezghenna, la sour- limpides que les habitants vont puiser l’eau
ce choisie est celle de Aïn N’Zaouza qui fut utili- qu’ils boivent. Dans les dépendances de cette
sée jusqu’à 1830 par les Turcs. Le plus souvent ville se trouvent des campagnes très étendues et
également, d’autres sources se trouvaient à l’in- des montagnes habitées par plusieurs tribus
térieur de l’enceinte. Cela permettait aux berbères. Leurs richesses sont en grande partie
Berbères, souvent attaqués, d’assurer l’alimenta- des troupeaux de bœufs et de moutons. Le miel,
tion en eau de leur cité et d’éviter d’aller jusqu'à le beurre et les figues sont en telle abondance
la rivière située en contrebas de la colline. Cette qu’on les exporte.» En effet, la zone du Sahel se
première condition de disponibilité d’eau étant prêtait aux cultures les plus riches et les plus
satisfaite, l’eau y coulait à profusion. variées. Les Beni Mezghenna y cultivaient le blé,
La seconde condition qui avait permis à l’orge et de nombreuses plantes maraîchères. Les
Bologhine de choisir ce site se rapportait à la dis- terres les moins arables étaient couvertes de
ponibilité sur place d’une importante quantité de figuiers et d’oliviers.
matériaux de construction (pierres, colonnes,
dalles,...) provenant des ruines de l’ancienne LES HAMMADITES
Icosium et qui ont servi à l’édification de la ville A sa mort, Bologhine Ibn Ziri laissa derrière
et ses remparts. De plus, ses murs d’enceinte lui deux successeurs, Badis et Hammad. Pour des
antiques, même s’il se sont partiellement effon- raisons de leadership, une lutte intestine opposa
drés, offraient une excellente protection contre ces deux derniers qui finirent par rompre leurs
les agressions externes après avoir été renforcés relations. Lassé de cette situation conflictuelle
et reconstruits à certains endroits. En outre, les qui envenima les relations des deux côtés,
rues déjà existantes à l’époque romaine et qui Hammad se résolut à sonner le glas de ce duel et
n’ont présenté, au fil des siècles, que de légères déclara son indépendance et sous d’autres cieux
déformations ont nécessité juste quelques aména- il fonda une nouvelle ville fortifiée, la Qalâa des
gements. Ainsi naquit en l’an 960 la ville berbè- Beni Hammad, devenant ainsi la capitale de la
re d’El Djezaïr Beni Mezghenna. nouvelle dynastie des Hammadites en 1007. Mais
Durant les siècles qu’a duré le règne des l’accalmie entre les deux personnages ne revenait
Zirides, la ville d’El Djezaïr Beni Mezghenna pas pour autant. Au contraire, la tension alla
connut une période de prospérité, de développe- crescendo entre les deux capitales et la guerre

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

30
HISTOIRE

devint inéluctable. Après de nombreuses nouvelle période de prospérité et devint


batailles, stériles, car il n’y eut ni vainqueur ni certainement une ville et un port d’une
vaincu, Hammad et Badis finirent par signer un importance capitale.
pacte de la paix qui scella la fin des hostilités. A la fin du XIème siècle, Youssef Ibn
Pour se libérer du joug fatimide, El Moezz Ibn Tachefin y fit construire la première grande
Badis, fils et successeur de Badis, renia, vers mosquée de rite malékite au Maghreb central,
1045, la souveraineté des Fatimides sur cette connue aujourd’hui sous le nom de Djamâa El
région. Suite à cet acte considéré comme une Kébir et dont on dit qu’il n’y a de semblable
offense, le calife décida de châtier cette qu’à Tlemcen et Nedroma.
initiative d’«indépendance» en chargeant les
tribus arabes des Beni Hillal et Beni Soleim de LES ALMOHADES
lancer des assauts contre le Maghreb central. La réaction des tribus berbères sédentaires
Leurs attaques furent meurtrières. Le pays fut contre la puissance des Almoravides, tribus
mis à feu et à sang. Fuyant devant l’ennemi, les nomades du Sahara, ne tarda pas à se
Berbères abandonnèrent terres et habitations et manifester. Elle prit naissance au sein d’une
se réfugièrent dans les zones montagneuses. tribu du Haut Atlas marocain, les Masmouda,
Abdiquant face à l’envahisseur, le prince puissante branche des Sanhadjas. La tête
ziride El Moezz se réfugia, en 1057, à Mahdiya, pensante de ce mouvement de résistance fut un
l’ancienne capitale fatimide. Au même moment, habile réformateur en la personne de l’imam Ibn
le Hammadite El Nacer remettait de l’ordre Toumert. Se déclarant chef spirituel de la com-
dans son royaume du Maghreb central et confia munauté qu’il venait de fonder, les Almohades
la gouvernance des principales villes à des (El Mouwahidine), l’imam et ses fidèles
membres de sa famille. Quant au sort formèrent le noyau d’une armée fanatisée.
d’El Djezaïr, il fut mis entre les mains de son Ibn Toumert confia le commandement des
fils Abdallah. La ville berbère vivait alors une troupes almohades à son disciple et ami
ère de prospérité : «son port bien abrité, écrivit Abdel Moumène et le désigna comme son
le géographe El Bekri, est très fréquenté par les s u c c e s s e u r. E n 11 2 8 , a p r è s l a m o r t d u
marins de l’Ifriqiya, d’Espagne et d’autres Mahdi, Abdel Moumène, devenu calife,
pays, et duquel on va en Espagne en six jours ». entreprit la conquête du Maghreb extrême puis
du Maghreb central. Après avoir traversé
Tlemcen, Abdel Moumène arriva en 1152
LES ALMORAVIDES devant les portes d’El Djezaïr qui était
Pendant que les tribus arabes des Beni Hillal gouvernée par le prince hammadite El Kaïd,
et des Beni Soleim livraient le pays à la des- fils de Abdel Aziz Ibn Badis. A cette époque, en
truction et l’anarchie, les fondations de ce qui cette ville se trouvait El Hassan, le dernier
allait devenir un grand empire commençaient à prince ziride, qui s’y était réfugié après la prise
voir le jour au sud du Maghreb extrême. En de sa capitale par les Siciliens en 1148. La ville
effet, l’imam Abdallah Ibn Yassin, dont la assiégée ne put résister longtemps à la formi-
souche originelle était formée par les Berbères dable armée almohade. Toute la garnison almo-
nomades Lemtouna, fonda la dynastie des ravide fut massacrée, seul le gouverneur El
Almoravides (El Mourabetine). En peu de Kaïd et son hôte El Hassan furent épargnés et
temps, sous la houlette de leur chef laissés en liberté.
Youssef Ibn Tachefin, les Almoravides conqui- Sous les Almohades, El Djezaïr fut une ville
rent tout le Maghreb extrême. Leur dévolu fut prospère. Elle possédait de nombreux marchés
porté ensuite sur le Maghreb central. Après et son commerce avec les villes du Maghreb
Tlemcen, Oran et Ténès, El Djezaïr tomba entre était très actif ; elle ouvrit même son port aux
leurs mains en 1082. Sous le règne des navires européens. Au XIIème siècle, El Idrissi
Almoravides, la ville d’El Djezaïr connut une écrivait entre autres que «les tribus qui occupent

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

ce pays sont puissantes et belliqueuses». A la il poursuivit sa marche contre les Ibn Ghania
mort de Abdel Moumène, le pouvoir passa entre libérant Béjaïa et Constantine. Fuyant Abou
les mains de son fils Abou Yacoub Youssef, Zeïd, les deux frères se réfugièrent à Tripoli.
surnommé plus tard El Mansour. En 1163, ce Ne s’avouant pas vaincu, le prince almoravi-
dernier rappela le prince ziride El Hassan Ibn Ali de revint à la charge, en 1225, au Maghreb
à El Djezaïr. Il lui confia la charge de conseiller central. Ayant perdu son lustre d’antan, il ne
du gouvernement almohade qui s’y trouvait en subsiste de la puissance almohade qu’un empire
place. en déclin et en pleine décadence. C’est dans ces
conditions qu’Ibn Ghania s’empara, de nouveau,
LES FRERES IBN GHANIA d’El Djezaïr qui fut livrée au pillage. Il se tourna
Vers 1185, venus des îles baléares, les frères ensuite contre les Maghraoua qu’il écrasa
Ibn Ghania, descendants d’une princesse dans les plaines de la Mitidja, il tua leur émir
almoravide, débarquèrent au Maghreb central et Mendil Ibn Abderrahmane et mit son cadavre en
défièrent la puissance almohade. Cette nouvelle croix contre les murs d’El Djezaïr. Ibn Ghania
incursion signa le retour des Almoravides à continua à semer la terreur dans cette partie du
El Djezaïr. Béjaïa fut la première ville à être Maghreb jusqu'à sa mort en 1233.
reconquise en infligeant une lourde défaite aux
Almohades. Fort ambitieux, Ali Ibn Ghania, à la LES HAFCIDES
tête d’une forte armée, marcha ensuite sur En 1228, Abou Zakaria, fondateur de la
El Djezaïr qui fut attaquée par mer et par terre. dynastie hafcide, monta sur le trône de Tunis.
La résistance fut de courte durée. Les portes Quelque temps après, il réfuta la souveraineté des
d’El Djezaïr ne purent contenir les multiples Almohades et décida de leur disputer leurs
assauts de l’armée d’Ibn Ghania, elles cédèrent possessions du Maghreb central. Il s’assura
sans difficulté. Toutes les personnes faisant partie l’alliance de la puissante tribu nomade
du gouvernement ainsi que les hommes de garni- Beni Soleim. Il s’empara de l’ancienne capitale
son almohades qui contrôlaient El Djezaïr furent hammadite, Béjaïa, et poursuivit sa route en
massacrés et la ville fut livrée au pillage. longeant le littoral. Arrivé devant El Djezaïr, il
Le prince almoravide y installa, en qualité de trouva une ville ruinée par les razzias et les
gouverneur, l’un de ses fidèles compagnons, en déprédations de l’armée d’Ibn Ghania. Ses habi-
l’occurrence Yahia Ibn Akhi Talha. Face à cette tants incapables de se défendre lui ouvrirent les
agression et violation de ses possessions du portes et se mirent sous sa protection. Une partie
Maghreb, le sultan almohade El Mansour nomma de la tribu Beni Yezid, branche de Beni Soleim,
l’émir Abou Zeïd, petit-fils de Abdel Moumène, qui furent aux côtés du prince hafcide dans son
gouverneur du Maghreb central et lui intima expédition, fut autorisée à s’installer dans les
l’ordre d’aller punir les frères Ibn Ghania. riches plaines du Sahel d’El Djezaïr. Les plaines
L’émir Abou Zeïd prit la tête d’une partie de l’ar- de la Mitidja étaient alors occupées par une autre
mée et se dirigea vers l’est, tandis que la flotte tribu arabe de la famille des Beni Hillal, les
almohade appareillait pour la même destination. Thaaleba.
La ville d’El Djezaïr, assaillie de toutes parts,
se livra sans coup férir, comme le rapporte LES THAALEBA
Ibn Khaldoun qui cite : «Les habitants
d’El Djezaïr, avertis de l’approche des secours, Les Thaaleba, branche de la puissante tribu
tant par la mer que par la terre, se soulevèrent Makil, faisaient partie des nomades arabes Beni
contre Yahia Ibn Akhi Talha et le livrèrent, lui et Hillal qui envahirent le Maghreb au milieu du
ses compagnons, au caïd Abou Zeïd.» Abou Zeïd XIème siècle. D’après l’historien Ibn Khaldoun,
recouvra la souveraineté d’El Mansour à «les Thaaleba forment une tribu sœur des Obeïd
El Djezaïr et y avait mis en place un gouverne- Allah et descendent de Thalek Ibn Ali Ibn Sakil ...
ment almohade. Mû par cette victoire glorieuse, Etablis d’abord sur la limite du Tell, dans lequel

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32
HISTOIRE

ville fut assiégée de tous les côtés, mais les


ils avaient pénétré en passant par le Ghezoul,
a s s a u t s
les Thaaleba s’avancèrent graduellement jus-
répétés de l’armée hafcide furent vains face à la
qu’aux plaines de Médéa et se fixèrent dans la
du Titteri, appelée aussi montagne résistance héroïque des Algérois. Le général
montagne
d’Achir parce qu’elle renfermait la célèbre ville décida alors de lever le siège ; il reprit le chemin
de ce nom ». Plus tard, les Beni Toudjin entrè- de sa capitale et mourut en cours de route en
rent en guerre avec les Thaaleba et envahirent 1274. Le calife El Mostancir, excédé par cette
l e u r résistance, décida de mobiliser l’armée et la
territoire, les contraignant à se replier dans les marine hafcides et de les envoyer contre la ville
plaines de la Mitidja où ils s’établirent sous la rebelle. Le général El Haceb Ibn Yassin prit le
protection des Beni Melikich, tribu sanhadjienne. commandement des forces terrestres et, en pas-
«Quand les Beni Merin (les Mérénides), ajoute sant par Béjaïa, s’adjoignit les contingents
Ibn Khaldoun, se furent emparés du Maghreb hafcides stationnés dans cette ville. Dans le
central et qu’ils eurent mis fin à la puissance même temps, la flotte hafcide appareillait pour
des Melikich, les Thaaleba demeurèrent maîtres El Djezaïr. D’après Ibn Khaldoun, « la ville se
trouva bientôt étroitement bloquée par terre et
de la Mitidja.»
par mer ; puis, ayant été emportée d’assaut, elle
vit massacrer ses habitants, piller ses maisons,
LA REBELLION D’EL DJEZAÏR déshonorer ses mères de familles et violer ses
A sa mort, en 1249, le souverain hafcide vierges. Les cheïkhs (qui formaient le gouverne-
laissa à son fils El Mostancir un puissant ment) d’El Djezaïr furent chargés de chaînes et
empire. Sous l’autorité du nouveau calife, le conduits à la citadelle de Tunis, où ils restèrent
royaume connut ses années fastes. Mais la prisonniers jusqu'à la mort du sultan.
seconde moitié du règne d’El Mostancir fut El Ouathec monta alors sur le trône et ordonna
noircie par les révoltes de nombreuses tribus leur mise en liberté.» En 1275, les vainqueurs
arabes. Ayant profité de cette ambiance de installèrent à El Djezaïr un gouvernement ayant
confusion, quelques villes du Maghreb central à sa tête le cheïkh Ibn Akmazir, et laissèrent à
tentèrent de se libérer de la souveraineté ses côtés une garnison de soldats almohades.
hafcide, comme ce fut le cas de Miliana, en
1261, mais dont la rébellion fut étouffée et ses IBN ALLAN ET LES MERINIDES
auteurs sévèrement punis. Vers 1265, la popula- Après une période de stabilité, synonyme de
tion d’El Djezaïr se souleva contre le pouvoir puissance et d’accalmie, sonna l’heure de déclin
hafcide et déclara son indépendance. «Les et l’empire hafcide se désagrégea. Et pour
habitants d’El Djezaïr, rapporte Ibn Khaldoun, cause, les rivalités intestines entre ses succes-
s’étant aperçus que l’autorité du sultan hafcide seurs minèrent l’empire de l’intérieur. Dans
avait cessé de se faire sentir chez les Zenata cette course effrénée pour le leadership, ce fut
et les autres peuples du Maghreb central, l’émir Abou Acida qui, en usurpateur, monta sur
secouèrent le joug de l’Empire afin d’établir le trône de Tunis et ce, en 1295. Au même
leur indépendance». Ils installèrent leur moment, la ville d’El Djezaïr perdit son gouver-
gouvernement, où apparurent, probablement neur, le cheïkh Ibn Akmazir, qui gérait les
pour la première fois, des cheïkhs de la tribu affaires de cette ville au nom de l’émir de
arabe des Thaaleba, et purent ainsi jouir de leur Béjaïa. A sa mort, le cheïkh ne laissa pas de suc-
liberté pendant près de cinq ans au terme des- cesseur, ce qui fut une aubaine pour Ibn Allan,
quels le calife El Mostancir envoya contre eux l’un des membres les plus influents du conseil
une puissante armée qui ne put forcer les des cheïkhs et gendre de l’ancien gouverneur,
défenses de la ville. Deux ans plus tard, le géné- qui accapara le pouvoir et fit exécuter, le soir
ral hafcide Abou Hillal Eid, gouverneur de même du décès de son maître, toutes les per-
Béjaïa, se porta à nouveau contre El Djezaïr. La sonnes susceptibles de contrecarrer ses desseins

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33
HISTOIRE

hégémoniques. Le lendemain, il annonça aux changea de destinée avec l’arrivée du Sultan de


habitants d’El Djezaïr son intention de renier la Tlemcen. En 1313, Ibn Allan fut vaincu et sa ville
souveraineté hafcide et proclama l’indépendance occupée et annexée à l’empire d’Abou Hammou.
de la ville. Mais cette indépendance ne dura pas Le gouverneur de la ville conquise fut envoyé à
longtemps, car quelque temps après, Tlemcen où il fut interné jusqu'à sa mort.
les Mérénides arrivèrent au Maghreb central. En effet, deux années auparavant, vers 1311,
Leurs premières conquêtes furent les villes de le sultan Abdelouadide Moussa Ibn Othman, dit
Ténès et Miliana, avant de poursuivre leur avan- Abou Hammou, débarqua au Maghreb central
cée sur la plaine de la Mitidja où les Melikich et avec, dans sa sacoche, des visées expansion-
les Thaaleba firent allégeance au nouveau maître. nistes. Il entama la conquête de cette région en
Forts de leur armée et de leurs nouveaux alliés, commençant par mettre sous sa coupe
les Mérénides marchèrent sur El Djezaïr et l’as- les Maghraoua et les Toudjine pour, ensuite, faire
siégèrent. Acculé et voyant que sa ville allait main basse sur les plaines de la Mitidja où il ins-
certainement tomber entre les mains des talla son bivouac. Cette station fut le point de
Mérénides, Ibn Allan s’empressa d’engager des départ de sa marche sur El Djezaïr. Pour
négociations avec le souverain mérénide : en accomplir cette tâche, le sultan y envoya son
échange de sa soumission il demanda de garder lieutenant, l’affranchi Meçameh, à la tête de
le poste de gouverneur. Ce qui lui eut été accor- l’armée abdelouadide à laquelle furent intégrés
dé. Sitôt la menace mérénide écartée, Ibn Allan d’importants contingents de Maghraoua et de
se retrouva confronté à un autre danger qui souf- Toudjine. En riposte, Ibn Allan s’enferma dans sa
fla de l’est. En effet, pour rétablir la souveraineté ville et soutint un long siège au terme duquel il
des Hafcides dans cette ville, l’émir de Béjaïa, épuisa toutes ses vivres le contraignant alors à
Abou El Baka Khaled, mena, en 1307, une expé- capituler sous des conditions. La Citadelle fut
dition punitive contre Ibn Allan. Ce dernier, conquise. Succédant à Abou Hammou, l’émir
ayant eu vent de l’imminence d’une attaque Abou Tachefin entreprit un vaste chantier
hafcide, prit toutes les dispositions pour assurer d’embellissement confirmant la réputation non
la défense de sa ville. Selon Ibn Khaldoun, « une usurpée de la ville d’El Djezaïr qui était
foule de cavaliers et de fantassins, les uns venus considérée comme l’une des villes les plus
de pays éloignés, les autres, fournis par la tribu importantes que comptait le royaume. Parmi les
des Thaaleba, arabes de la Mitidja, accourut oeuvres qu’il réalisa, la rénovation de la Grande
sous ses drapeaux. Ayant bientôt rassemblé un Mosquée qu’il dota d’un minaret. Pour preuve, la
grand nombre d’archers et d’autres troupes, il se plaque de marbre qu’on peut trouver à l’intérieur
trouva assez fort pour repousser les armées, qui, de ce monument qui porte l’inscription : «Le
à diverses époques, partaient de Béjaïa pour minaret a été bâti en 1324 par Abou Tachefin, roi
faire le siège de la ville». Tous les assauts lancés de Tlemcen». En 1370, Abou Hammou II,
par l’armée d’El Baka contre la Citadelle furent deuxième du nom, rétablit pour la troisième fois
voués à l’échec. Face à cette résistance inébran- la souveraineté abdelouadide sur tout le Maghreb
lable, l’émir de Béjaïa abdiqua et dut se résoudre central. C’est l’un de ses fils qu’il désigna pour
à lever le siège et regagner sa capitale. Cette gouverner, sous la tutelle de Salem, chef des
victoire redora le blason du gouverneur Thaaleba, la ville d’El Djezaïr qui renoua alors
d’El Djezaïr Ibn Allan dont le prestige s’accrut avec le commerce européen et recouvra son
considérablement. Les habitants de la ville ainsi statut de ville stratégique dans cette région de la
que les chefs des tribus alliées lui renouvelèrent Méditerranée.
leur confiance.
LES DEBUTS DE LA COURSE
LES ABDELOUADIDES A EL DJEZAÏR L’ u s a g e d e l a c o u r s e m a r i t i m e e n
Une nouvelle fois, la ville d’El Djezaïr Méditerranée fut probablement établi vers 1360 à

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34
HISTOIRE

partir de ports du Maghreb central de l’empire en 1376 à El Djezaïr, l’émir Abou Zyane,
hafcide. Le port de Béjaïa fut le berceau de Khaled Ibn Amer, chef des Beni Amer, et les
cette pratique maritime. Selon Ibn Khaldoun, chefs d’autres tribus insurgées et qu’il proclama
u n la souveraineté d’Abou Zyane. Le sultan
certain nombre de corsaires qui s’organisaient Abou Hammou ne l’entendit pas de cette
autour d’une association entreprennent la oreille. Il réagit aussitôt contre les tribus
construction d’un navire à bord duquel un insurgées. Dans un premier temps, il vainquit
équipage constitué d’hommes de la mer à la les Beni Amer, les Attaf et les Dialem et les dis-
bravoure avérée est choisi. Ces guerriers se persa dans le désert. Puis arrivé devant
lancent à l’assaut des côtes et îles occupées par E l D j e z a ï r, i l r e ç u t l a s o u m i s s i o n d u
les Francs. Les navires des infidèles constituent cheikh Salem et de ses compagnons. Le sultan
également une de leurs cibles préférées. Lors accepta leurs conditions mais exigea l’exil de
des accostages et des abordages qui se déroulent l’émir Abou Zyane. Salem conserva ainsi son
à l’improviste, les corsaires s’emparent de tout. poste de gouverneur d’El Djezaïr. Ce salut fut
De retour chez eux, ces derniers reviennent de courte durée, car peu de temps après,
chargés de leur butin constitué d’hommes le sultan abdelouadide entreprit d’envahir à
captifs, de navires et de biens. Quant à l’improviste la Mitidja, repoussant les Thaaleba
El Djezaïr, son entrée dans la course maritime dans les montagnes. Salem dut se réfugier chez
fut entamée dès le XIIIème siècle. Son repaire les Beni Meceira dans les montagnes des
offrait toutes les conditions de retrait des Sanhadja. Usant du subterfuge d’une « fausse
navires musulmans. En effet, El Bekri rapporta promesse », le sultan le fit sortir de sa retraite, le
à ce propos que «le port est bien abrité ; l’île fit venir à Tlemcen où il ordonna son exécution
porte le nom de Stofla et le mouillage situé entre à coup de lance. Le cadavre du cheikh des
elle et le continent est très bon et offre un bon Thaaleba fut attaché à un poteau à l’entrée de la
hivernage.» Mais la course dans cette ville ne ville pour servir d’exemple. Pour gouverner
prit son véritable essor qu’au XVIème siècle avec El Djezaïr, Abou Hammou nomma son vizir
les frères Barberousse. Moussa Ibn Berghout, ancien gouverneur de la
ville de Médéa. Plus tard, le sultan rappela les
dirigeants des principales villes du Maghreb
CHEÏKH SALEM, GOUVERNEUR central et les remplaça par ses propres fils. A la
D’EL DJEZAÏR tête de Miliana, il plaça El Montacir, Abou
La ville d’El Djezaïr avait pour gouverneur Zyane fut nommé à Médéa. Quant à Abou
le cheikh Salem, l’émir des Thaaleba. La tran- Tachefin, il se fit donner par son père la
quillité du règne de ce dernier fut troublée par souveraineté pleine et entière de la ville
une injonction émanant du sultan abdelouadide d’El Djezaïr et y installa comme gouverneur
lui intimant l’ordre de lui remettre les impôts Youssef Ibn Ez Zabia, «le seul de tous ses
que l’émir prélevait dans sa ville et les frères qui lui avait montré de l’attachement et
territoires qui en dépendaient. Bien que froissé auquel il avait accordé son amitié», écrit
par cette intimation, l’émir des Thaaleba dut Ibn Khaldoun. Continuant sur sa lancée expan-
s’exécuter avec, néanmoins, des arrière-pensées sionniste, le sultan abdelouadide empiéta sur le
vindicatives. L’heure de mettre à exécution son territoire des Mérénides. En représailles à cette
projet de vengeance sonna et l’occasion lui fut incursion, ces derniers marchèrent sur Tlemcen
donnée par la révolte des Beni Amer qui se qu’ils dévastèrent entièrement à telle enseigne
soulevèrent contre le sultan Abou Hammou. que Abou Hammou songea alors à transférer sa
Profitant de cette aubaine, le cheikh Salem se capitale à El Djezaïr où il installa aussitôt son
rallia aux révoltés et tenta de se défaire de la f i l s E l M o n t a c e r, é v i n ç a n t d e c e f a i t
souveraineté des Abdelouadides. Cette indépen- Abou Tachefin qui s’opposa à ce projet.
dance prit forme lorsque le cheikh Salem réunit, Exaspéré, ce dernier s’empara de son père et le

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35
HISTOIRE

fit enfermer à Oran. Ayant réussi à s’évader, El Moutaoukel, menacé de subir le même sort,
Abou Hammou se réorganisa en ralliant à sa s’enfuit à Ténès et en fit sa capitale. Les cheikhs
cause de nombreuses tribus arabes qui lui étaient des Thaaleba restèrent alors seuls maîtres de la
restées fidèles et déclara la guerre à son fils qui, Mitidja et d’El Djezaïr. La ville si longtemps
entre-temps, s’était assuré la protection des tiraillée entre les influences contraires de Fès,
Mérénides. Tlemcen ou de Tunis recouvra son indépendance.
Abou Hammou mourut au combat lors de la Une certaine stabilité, sous l’autorité de la
puisante tribu arabe de la Mitidja, caractérisa
cette période. Le royaume de Ténès, fondé par
l’émir El Moutaouakel, réalisa des progrès consi-
dérables, ce qui permit au sultan d’accroître son
prestige et de rallier sous son drapeau de nom-
breuses tribus arabes du Maghreb central.
En 1461, se sentant assez fort pour reconsti-
tuer le royaume de ses ancêtres, il lança son
armée à l’assaut des anciennes colonies abde-
louadides. Après Tlemcen, toutes les autres
places fortes abdiquèrent. Les cheikhs qui gou-
vernaient la ville d’El Djezaïr firent leur soumis-
sion au nouveau sultan ; en échange, ils gardèrent
leur poste de gouverneur de la ville. La fin du
siècle fut marquée par des changements impor-
t a n t s
au Maghreb, et la ville d’El Djezaïr fut parmi
les premières à en subir les conséquences.

bataille d’El Ghaïran et l’émir Abou Tachefin L’ARRIVEE DES ANDALOUS


recouvra à nouveau son autorité sur le Maghreb
A la fin du XVème siècle, les trois puissantes
central. Il rétablit son frère Youssef Ibn Ez Zabia
dynasties mérénides, abdelouadides et hafcides,
à la tête du gouvernement d’El Djezaïr. Dès lors,
connurent une autre ère qui allait sonner le glas
les princes abdelouadides gouvernèrent sous la
de leur règne car affaiblies et sombrant dans une
souveraineté des Mérénides.
totale décadence.
LE REGNE DES THAALEBA Le rapport de force, longtemps à l’avantage
A l ’ o r é e d u X V ème s i è c l e , l e s p r i n c e s de ces trois dynasties, allait basculer et se
abdelouadides recouvrèrent leur souveraineté, pencher du côté des tribus arabes nomades qui
mais la rivalité qui sommeilla entre eux imposaient peu à peu leur autorité sur certaines
envenima davantage leurs relations et raviva la parties du pays. Cet état de fait aboutit au mor-
flamme de la lutte pour le pouvoir. Soutenu par cellement de tout le Maghreb central et de tout
les hafcides, Abou Zyane Mohamed, un prince l’Ifriqiya. En outre, cette décadence fut
abdelouadide, quitta Tunis, en 1437, et, à la tête précipitée par la chute de Grenade, tombée entre
de son armée, prit la direction du Maghreb les mains de Ferdinand, roi d’Aragon, et
central. Il envahit les villes de Médéa, Ténès et d’Isabelle, reine de Castille, en 1492.
Miliana. La prise de la Mitidja lui fut facilitée par En conséquence, des milliers d’Andalous
la soumission des tribus qui habitèrent cette chassés d’Espagne se ruèrent sur les principales
région. Abou Zyane Mohamed réussit à établir villes côtières du Maghreb où ils s’établirent. Ces
son autorité sur la ville d’El Djezaïr où il se nouveaux émigrés, animés d’une haine
fit proclamer roi. Un an plus tard, il mourut indéfectible contre les chrétiens, apportèrent
assassiné. Son fils et successeur désigné, l’émir avec eux la connaissance des côtes de leur ancien

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36
HISTOIRE

pays ; ils se mirent au service des corsaires reconnaissaient la suzeraineté de l’Espagne.


maghrébins et armèrent à leur côté de petits Selon les conditions des vainqueurs, le sultan
bâtiments qu’ils lancèrent à l’assaut des navires d’El Djezaïr, Salem Etteumi, cheikh des
chrétiens en Méditerranée. Ils allèrent même Thaaleba, et celui de Ténès se rendirent à
jusqu'à débarquer sur les côtes d’Espagne et Burgos pour présenter leurs hommages au roi
d’Italie dont ils ravagèrent les villes d’où ils Ferdinand de Castille. Aussitôt après, le comte
ramenèrent un butin considérable et de nom- Pierre de Navarre ordonna la construction,
breux esclaves. La course maritime connut alors sur un îlot non loin de la ville, d’une forteresse,
un nouvel essor et les corsaires algériens devin- « le Pênon », où il installa une garnison destinée
rent en peu de temps la terreur de la à tenir en respect les habitants de la ville et à
Méditerranée. contrôler le mouvement de tous les navires tran-
sitant par le port. A cette même époque,
LA PRISE D’EL DJEZAÏR les frères Barberousse faisaient déjà régner la
terreur en Méditerranée. Ces derniers jouèrent
PAR LES ESPAGNOLS d’ailleurs un rôle important dans les futurs
Les royaumes d’Espagne, d’Italie et du
événements qui vont jalonner l’histoire
Portugal furent lentement ruinés par les
d’El Djezaïr.
incessantes attaques des corsaires maghrébins.
En effet, les côtes de ces pays du pourtour médi-
terranéen subissaient de multiples incursions de LES FRERES BARBEROUSSE
la part des corsaires qui ravageaient tout sur leur Les frères Barberousse, on les dit natifs de
passage. Il faut dire qu’à l’instar de nombreuses l’île de Metelin (Lesbos), étaient au nombre de
villes côtières du Maghreb central, El Djezaïr quatre : Elias, Ishaq, Arroudj et Kheir Eddine.
prenait activement part à la course maritime qui L’histoire n’a retenu que les deux derniers, et
se déroulait en Méditerranée et son port consti- pour cause Elias et ishaq n’eurent pas le temps
tuait un refuge d’une importance capitale et d’immortaliser leur contribution à l’écriture de
stratégique pour les navires pirates. Las de cette l’histoire d’El Djezaïr car ils moururent jeunes.
situation catastrophique et compromettante au Les premiers à s’être investis très tôt dans la
vue des nombreuses déprédations qui leur sont piraterie furent Elias et Arroudj. Lors d’une rude
causées, les Espagnols et les Portugais décidè- bataille contre un navire de Rhodes, Elias perdit
rent d’unir leurs forces et de pourchasser les la vie et Arroudj fut capturé et vendu comme
agresseurs jusque dans leurs ports d’attache ou esclave sur une galère chrétienne. Durant de
de retranchement. En 1501, la première expédi- longs mois de captivité, Arroudj connut les pires
tion portugaise fut conduite par Don Manuel moments de son existence. La souffrance et les
dont la flotte fut mise en déroute par les navires exactions qu’il endura pendant cette période
algériens. Quatre ans plus tard, Don Diego de d’emprisonnement le marquèrent à jamais,
Cordoue renouvela l’expédition qui aboutit à la ce qui eut pour effet de faire naître en lui ce
prise de Mers El Kébir. En 1509, le cardinal de sentiment de haine et d’aversion envers les
Ximenès s’empara d’Oran et, à son tour, chrétiens, sentiment qui le fera se jurer de
Pierre Navarre occupa Béjaïa, berceau de la consacrer le reste de sa vie à se venger de ses
piraterie en Méditerranée. Ayant appris la chute geôliers, en l’occurrence les chrétiens. Ayant
de Béjaïa, les gouvernants d’El Djezaïr, réussi à s’échapper, il captura, peu de temps
convaincus que leur ville serait la prochaine après, un vaisseau français et l’envoya au sultan
cible, s’empressèrent de dépêcher à Béjaïa une de Constantinople. En récompense, il reçut
délégation ayant pour principale mission de deux galères, ce qui lui permit de se lancer dans
faire acte d’allégeance au souverain espagnol. la course contre les navires chrétiens qui
Le 31 janvier 1510, la capitulation d’El Djezaïr croisaient en Méditerranée.
fut paraphée par les députés et par laquelle ils

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37
HISTOIRE

ARROUDJ vement de contestation en faisant assassiner le


Régner en maître sur la Méditerranée ne cheikh Salem Etteumi. Ensuite, il dispersa les
suffisait pas à Arroudj. Il manqua à ce dernier un Thaaleba, dont il craignit la vengeance, ainsi que
endroit fixe où il pourra, lui et ses compagnons, les Beni Mezghenna dont certains éléments sub-
s’établir. Il lui fallait donc un port qui sera à la sistaient encore dans la région, et se fit proclamer
fois un lieu de repli et une base pour ses opéra- roi d’El Djezaïr. Après l’échec cuisant subit face
tions maritimes. L’occasion lui fut offerte par à Arroudj, les Espagnols refusèrent d’abdiquer.
l’émir Abderrahmane, dernier sultan hafcide à C’est le cardinal de Ximenès qui, soucieux de
gérer les destinées de Béjaïa, qui fit appel à son rétablir la souveraineté espagnole sur la ville
aide pour libérer sa ville de la domination d’El Djezaïr, mit sur pied une expédition contre
espagnole. En effet, en 1512, au milieu de l’été, leur possession en Afrique du Nord accaparée
Arroudj et ses compagnons débarquaient sur les par le raïs. A la tête de l’armada espagnole,
plages voisines de Béjaïa qui fut assiégée de Diego de Vera arriva, le 30 septembre 1516, dans
toutes parts. Après huit jours de siège, une la baie d’El Djezaïr où il jeta l’ancre. Là, il
brèche fut ouverte et au moment de donner multiplia les assauts qui furent énergiquement
l’assaut, un boulet tiré par l’ennemi fit perdre à repoussés car manquant de coordination. Erreur
Arroudj le bras le contraignant à lever le siège et de stratégie. Arroudj entreprit alors de charger les
à se replier. Deux ans plus tard, il revint à la Espagnols et la victoire lui fut acquise. Certes, la
charge et dirigea une nouvelle expédition contre puissance armée du raïs concourra à porter un
les Espagnols. Mais, encore une fois, son armée coup dur à l’armada de Diego de Vera, mais ce ne
fut repoussée. Il se réfugia alors à Jijel, ville fut pas le seul facteur. Pendant les assauts, une
indépendante dont les habitants, presque tous tempête se déchaîna et provoqua un vent de
corsaires, l’accueillirent en triomphe. Il y fut panique chez les Espagnols. C’est ce moment-là
rejoint par son frère Kheir Eddine. Ensemble, ils que choisit Arroudj pour asséner son coup fatal ;
fortifièrent la ville et en firent leur résidence ainsi les rares hommes qui réchappèrent au massacre
que le centre de leurs opérations maritimes. Sous furent capturés et jetés dans les bagnes de la
le joug des Espagnols, les habitants d’El Djezaïr Régence. Suite à ses nombreux exploits, Arroudj
ne désespérèrent pas de connaître un jour la étendit et confirma sa notoriété sur les places
liberté. En effet, leur espoir se ranima lorsque fortes du Maghreb Central. C’est fort de Ncette
Ferdinand de Castille mourut en 1516. réputation que les notables de Tlemcen, dont les
Considérant que cette disparition rendit caduc de habitants subissaient les affres et la dictature du
fait l’engagement de soumission au souverain prince abdelouadide Abou Hammou, lui firent
espagnol et se sentant donc libéré de son serment appel. Cette nouvelle demande répondait aux
d ’ o b é d i e n c e v i s - à - v i s d e c e d e r n i e r, l e ambitions du roi d’El Djezaïr désireux d’étendre
cheikh Salem Etteumi fit alors appel aux frères son autorité à tout le Maghreb.
Barberousse dont le récit de leurs exploits lui La confrontation entre les armées de Arroudj
était parvenu. Arroudj répondit favorablement à et d’Abou Hammou se déroula dans la plaine
l’appel. Il se mit alors à rassembler toutes les d’Arbal, aux environs d’Oran. Ce dernier subit
forces dont il pouvait disposer et marcha sur une lourde défaite. Cette victoire écrasante
El Djezaïr. Il y fit une entrée triomphale. Il permit à Arroudj de poursuivre sa marche sur
éparpilla ses hommes dans tous les recoins de la Tlemcen où il fut accueilli en libérateur. Il fit
ville, positionna ses canons en face du Pênon et sortir le jeune prince Abou Zyan de sa prison,
somma le commandant de se rendre. Mais l’assit sur le trône, mais le fit étrangler quelques
celui-ci refusa d’obtempérer. Le raïs décida alors jours plus tard. La tradition dit qu’il fit noyer près
de retarder l’assaut contre cette forteresse bien de soixante-dix princes zianites dans un
gardée et jeta son dévolu sur les habitants qui réservoir qui se trouvait dans l’enceinte du palais.
étaient déjà mécontents du comportement brutal Les nombreux succès accumulés par le roi
et arrogant des Turcs. Il mit un terme à ce mou- d’El Djezaïr ne furent pas sans inquiéter le roi

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38
HISTOIRE

d’Espagne qui décida l’envoi de troupes à Oran. la suzeraineté des Espagnols.


Abou Hammou, de son côté, reconstitua son En 1518, Arroudj fut décapité. Sa tête ainsi
armée. Dans un premier temps, le gouverneur que le vêtement de brocart d’or qu’il portait,
d’Oran projeta de s’emparer de la Qalâa de Béni furent rapportés à Oran et exposés aux portes de
Rached qui était défendue par Ishaq, frère de la ville. Il était alors âgé de quarante-quatre ans
Arroudj. La bâtisse fut encerclée. Ishaq fut et ne laissait pas de postérité. De l’occupation
contraint de rendre les armes. Il obtint, pour lui de Jijel jusqu'à la prise de Tlemcen, ce redou-
et ses compagnons, l’autorisation de se retirer à table raïs avait mené une guerre impitoyable
Tlemcen. Mais ce fut une ruse, car à peine
sortis de la forteresse qu’ils furent assaillis et
massacrés par les Espagnols et les hommes
d’Abou Hammou. La seconde étape du plan du
gouverneur d’Oran après la prise de la Qalâa
fut Tlemcen où, d’ailleurs, il fut rejoint par
Abou Hammou. Là, ils entreprirent un siège qui
dura près de six mois. Lorsque l’assaut final fut
ordonné, les Turcs se retranchèrent dans le
Mechouar. Dans le même temps, les habitants
de Tlemcen, exaspérés par cette guerre qui n’en
finissait plus et qui ruinait leur pays, décidèrent
de passer à l’offensive. Après avoir obtenu
l’autorisation de pénétrer dans le Mechouar
pour la prière de l’Aïd Esseghir, qui correspon-
dait cette année-là au 29 septembre 1518, ils se
ruèrent à l’improviste sur les Turcs. Arroudj
réussit à repousser les assaillants après une
sanglante bataille où il perdit une grande partie
de ses hommes. Affaibli et diminué militaire-
ment, Arroudj, persuadé alors qu’il ne pouvait
plus résister à un assaut des Espagnols, résolut
de prendre la fuite avec ses compagnons. A la
faveur de la nuit tombante, il sortit du Mechouar
en emportant avec lui le butin considérable qu’il
avait amassé. Il se dirigea vers l’est, probable-
ment en direction de Mostaganem, l’une des
villes où il était assuré de trouver un abri sûr aux chrétiens et à tous leurs alliés. De corsaire
et un port d’où il pouvait embarquer pour téméraire et redouté, il était devenu conquérant
El Djezaïr. Tard dans la nuit, le général espagnol et fondateur d’empire. Malgré son allégeance au
fut informé de la fuite de son ennemi. Il partit sultan de Constantinople, son pouvoir était
aussitôt à sa poursuite et ne tarda pas à le rattra- absolu. Il laissait à son frère Kheir Eddine le
per au gué de l’oued el Melah (Rio Salado). noyau d’un empire.
Arroudj essaya de ralentir ses poursuivants en
jetant derrière lui une part de son butin, mais KHEIR EDDINE BARBEROUSSE
cette dernière ruse fut vaine. Epuisés par la faim Kheir Eddine, en succédant à son frère Arroudj,
et la soif, les Turcs se retranchèrent dans une hérita d’une responsabilité pour le moins
vieille forteresse où ils succombèrent sous le délicate. En effet, les exploits réalisés par son
nombre de leurs assaillants. Abou Hammou fut défunt frère furent à l’origine d’une réputation
rétabli sur le trône de Tlemcen et gouverna sous considérable. De plus, les acquis des frères

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

39
HISTOIRE

Ce dernier échafauda une stratégie d’attaque qui


prévoyait de lancer des assauts simultanés par
mer et par terre. C’est ainsi que le 17 août 1519,
la flotte espagnole arriva sur les côtes algéroises.
Les Espagnols se positionnèrent sur la colline
dénommée Koudiat Es Saboun d’où ils
canonnèrent les remparts de la ville. Kheir
Eddine choisit ce moment pour lancer son
offensive. Acculés de toutes parts et en fuite,
les soldats espagnols tentèrent vainement de
s’embarquer sur leurs navires. Le pacha
d’El Djezaïr ordonna alors de les achever tous,
car rongé par le sentiment de vengeance de la
mort de ses deux frères.
Cette écrasante victoire conforta
Kheir Eddine dans son autorité sur El Djezaïr
et lui permit d’étendre sa domination sur les
territoires au-delà de la Mitidja. Il s’occupa
ensuite de l’organisation défensive de sa ville.
Il la fit fortifier en la dotant de solides remparts.
Barberousse était alors le maître de tout le
Maghreb central. La montée en puissance de la
notoriété de Kheir Eddine dont la domination
territoriale s’étendit à la limite du royaume
hafcide fit naître des craintes chez le sultan
Barberousse et leurs ambitions dépassent de loin de Tunis qui prit la décision de devancer les
les potentialités tant matérielles que événements en rétablissant l’autorité hafcide sur
militaires dont disposaient Kheir Eddine, il lui le Maghreb central.
fallait un appui, et pas des moindres. C’est vers Il chargea alors des émissaires pour se rendre
Constantinople que Kheir Eddine se tourna pour auprès du cheikh Ahmed Ben El Kadi, sultan de
demander protection. C’est le sultan Selim Koukou ; ils avaient pour mission de convaincre
qui était destinataire de cette requête qu’il consi- ce dernier d’embrasser la cause du sultan et de
déra d’ailleurs comme une marque de confiance l’aider à se débarrasser du dernier Barberousse.
et un immense honneur. Le sultan donna suite à La réponse fut positive. A la tête de son armée,
la demande de Kheir Eddine en lui envoyant le sultan hafcide marcha sur El Djezaïr. De son
deux mille soldats. De plus, il le mit à la tête du côté, pour faire face à l’ennemi, Kheir Eddine
gouvernement d’El Djezaïr avec le titre de bey- rassembla ses janissaires auxquels se joignirent
lerbey. La Régence d’El Djezaïr fut par consé- les troupes de son allié Ahmed Ben El Kadi.
quent annexée à l’empire ottoman. Fort de cet La confrontation entre les deux belligérants eut
appui, Kheir Eddine reprit en main les lieu sur le territoire des Flissa Oum El Lil.
destinées de la Régence. D’un autre côté, depuis Dès que le combat se fut engagé, le cheikh
la disparition de Arroudj, le roi Charles Quint ne Ahmed Ben El Kadi lança ses hommes contre les
cessa de nourrir ses velléités de chasser une fois Turcs qui se trouvèrent pris entre deux feux.
pour toutes les Turcs de tous les ports du Surpris par cette trahison, ils furent mis en
Maghreb. Le roi Charles revint à la charge mais déroute ; Kheir Eddine réussit à prendre la fuite
cette fois il confia à Don Hugo de Moncade, vers Jijel. Pendant ce temps, le sultan kabyle
vice-roi de Sicile, la responsabilité d’organiser de Koukou traversait la Mitidja et arriva à
une expédition contre la Régence d’El Djezaïr. El Djezaïr sans qu’on lui opposa une quelconque

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

40
HISTOIRE

résistance. des villes côtières à demander l’intervention du


A son arrivée, Kheir Eddine trouva la ville roi Charles Quint pour mettre un terme aux
de Jijel embourbée dans une terrible famine ; il exactions commises à leur encontre par
fournit à la population du blé et des provisions. les corsaires algériens. En 1530, l’expédition
Suite à cela, il se rendit compte que pour faire contre El Djezaïr fut décidée et son commande-
face à une situation de crise nécessitant le ment confié à l’amiral Doria. Ce dernier arriva
recours à un approvisionnement à grande échel- à El Djezaïr avec une armada
le il fallait à tout prix reprendre la mer et la de mille cinq cents hommes qui entrèrent dans
course qui fit, la capitale du pacha. Ils libérèrent les esclaves
à partir de ce même port, la fortune de son frère chrétiens qui envahirent toute la ville pour
Arroudj. De là, il reprit ses assauts contre les se livrer au pillage. Ayant mis à profit cette
navires chrétiens qui passaient par la mer situation de désordre, les Turcs se lancèrent
Méditerranée et débarqua sur les côtes de contre les Espagnols qui furent massacrés.
Tunisie, d’Espagne et d’Italie où il sema la L’amiral Doria en réchappa en prenant la fuite.
terreur. En deux ans de course, il reconstitua sa A Constantinople, le sultan ottoman, contrarié
puissance et ramena l’abondance dans le pays. par les incessantes incursions de l’amiral Doria
De succès en succès, il se sentit assez fort pour contre ses possessions en Grèce, fit appel
envisager la reconquête de son ancienne au pacha d’El Djezaïr et le reçut avec tous
capitale. Barberousse rassembla toutes les les honneurs, l’élevant au rang dignitaire de
forces dont il pouvait disposer et se mit en capitaine-pacha, c’est-à-dire grand amiral de la
marche pour El Djezaïr. En 1527, il entrait flotte ottomane. Barberousse pourchassa alors
triomphalement dans son ancienne capitale. l’amiral génois, réussit à le battre et l’obligea à
Une fois El Djezaïr reconquise, il entreprit alors se replier dans son port d’attache. De retour à
de se débarrasser du Pênon espagnol qui contrô- El Djezaïr, Kheir Eddine ordonna les préparatifs
lait toujours l’entrée du port. Il disposa un d’une expédition punitive contre Tunis,
ensemble de batteries en face de l’îlot et somma gouvernée alors par le sultan Moulay Hassen.
le commandant De Vargas de se rendre. Ce Surprise par cette attaque inopinée, l’armée
dernier opposa un rejet catégorique entraînant
de ce fait le début des hostilités. Le 5 mai 1529,
Kheir Eddine commença à bombarder la
forteresse. Au terme de quinze jours de siège,
une brèche fut ouverte.
Les Turcs débarquèrent sur l’îlot et prirent
d’assaut le fort. La garnison, très éprouvée, se
rendit sans aucune résistance. La partie haute
du Pênon fut entièrement détruite, seule fut
conservée la plate-forme circulaire sur laquelle
les Turcs installèrent un fanal et une batterie.
Kheir Eddine, qui avait plus que jamais besoin
d’un abri pour sa flotte, fit construire un môle
long de deux cents mètres, large de vingt-cinq et
haut de quatre. Cet imposant ouvrage reliait
la ville aux îlots rassemblés par un terre-plein.
La prise du Pênon et sa démolition consacrèrent
l’indépendance du port d’El Djezaïr et
donnèrent une nouvelle impulsion à la course.
Ce succès des Turcs provoqua une vive
émotion en Espagne et poussa les populations

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

41
HISTOIRE

tunisienne, rassemblée en toute hâte par Durant cette période, les Espagnols étaient
le sultan, fut mise en déroute et les Turcs maîtres des villes d’Oran, de Béjaïa, de Bône et
se répandirent dans Tunis qu’ils livrèrent au de Goulette et leur vassal Moulay Hassen régnait
pillage. Barberousse prit possession de la ville au à Tlemcen. A son départ, Hassan Agha succéda
nom du sultan ottoman. Charles Quint, toujours à Kheir Eddine et à la tête de ses terribles pirates,
au fait des entreprises du capitaine-pacha au il parcourait la Méditerranée et y semait la
Maghreb, réagit aussitôt et mit sur pied terreur. En octobre 1541, sollicité de toutes parts,
une force redoutable. En juillet 1535, il reprit Charles Quint lança une expédition décisive
Tunis, contraignant Kheir Eddine à s’enfuir en contre El Djezaïr, expédition qu’il dirigea
direction de Bône où il avait laissé douze galères. d’ailleurs lui-même. Pour faire face à cette
Le pacha d’El Djezaïr regagna sa capitale sain et attaque, Hassan Agha organisait la défense et
sauf et, en représailles contre sa défaite de Tunis, attendait, à l’extérieur de la ville, le renfort de
il débarqua à Majorque. Il prit d’assaut Mahon plusieurs milliers de Kabyles. Le 24 octobre
qu’il pilla et incendia. de la même année, Charles Quint prit position sur
Ce fut là sa dernière action d’envergure en le sommet d’un monticule appelé
tant que beylerbey de la Régence d’El Djezaïr. Koudiat Es Saboun. Trois jours plus tard, en
Le 15 octobre 1535, il fut rappelé par le sultan l’occurrence le 27, Hassan Agha, en meneur,
ottoman, dont il commanda la flotte jusqu'à sa lança ses troupes contre l’ennemi et assaillit
mort en 1546. Il ne retourna plus sur cette terre de toutes parts une armée chrétienne affaiblie
qui avait fait sa gloire et sa fortune. A juste titre, et démoralisée par des tempêtes et des pluies
Kheir Eddine Barberousse peut être considéré torrentielles. Ce fut un massacre : une grande
comme le véritable fondateur de la Régence partie de la flotte fut coulée et douze mille
d’El Djezaïr. Il hérita certes de son frère Arroudj hommes noyés, tués ou retenus prisonniers. Au
d’une renommée et d’un noyau d’empire, mais printemps de l’année 1542, le pacha envahit la
son courage, son sens du commandement, ainsi Kabylie et se porta contre Ben El Kadi, roi de
que sa légendaire fermeté lui permirent de faire Koukou, dont il obtint la soumission. Il marcha
face à tous ses ennemis, de gagner l’estime ensuite sur Tlemcen où il imposa la souveraineté
et la confiance du sultan ottoman et de bâtir une turque. De retour dans la capitale, il fut proba-
formidable puissance maritime qui domina tout blement victime d’une révolte des janissaires qui
le bassin méditerranéen pendant plusieurs installèrent à sa place El Hadj Bechir Ben
siècles. Ateladja. Contrarié par cette rébellion, le sultan
ottoman décida aussitôt d’envoyer un nouveau
EL DJEZAÏR, SOUS LES BEYLERBEYS pacha à El Djezaïr.
Kheir Eddine Barberousse fut le premier
à inaugurer le règne des beylerbeys au Maghreb. HASSAN IBN KHEIR EDDINE
Ses successeurs adoptèrent dans cette région une Pour succéder à Hassan Agha, le choix de la
gouvernance qui ne tolérait aucune opposition. Sublime Porte quant à l’homme qu’il va falloir
Ils parvinrent à maintenir sous leur autorité placer à la tête de la Régence d’El Djezaïr se
les deux principales forces de la Régence : porta sur Hassan, fils de Kheir Eddine. En juin
la redoutable milice des janissaires ou odjak, et la 1544, le nouveau pacha quitta Constantinople,
puissante confédération des corsaires ou taïfa des avec une petite escorte. La crainte et le respect
raïs. Pendant toute la durée de leurs règnes, les qu’inspirait jadis son père lui valurent un accueil
beylerbeys eurent souvent à réprimer sévèrement chaleureux aussi bien de la part des janissaires
les révoltes des janissaires qui tentèrent de que de la population de la capitale. Dès les
s’emparer du pouvoir à El Djezaïr. premières années de son règne, Hassan orienta
ses efforts en direction de l’ouest du pays dont les
HASSAN AGHA principales villes étaient sous le joug espagnol.

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

Sa priorité était donc de recouvrer la souveraine- Eddine fut rappelé par le sultan ottoman. Il
té turque sur ces régions. Il ne tarda pas, par quitta El Djezaïr pour Constantinople et y laissa
conséquent, à organiser une expédition contre le commandement par intérim au caïd Saffah.
Tlemcen. Il se mit à la tête de ses janissaires
auxquels se joignit un renfort de deux mille SALAH RAÏS
cavaliers commandés par le cheikh de Ténès. Le
Au mois d’avril 1552, Salah Raïs débarqua
pacha d’El Djezaïr surprit l’armée espagnole
dans la capitale de la Régence avec le titre de
aux environs de Mostaganem. Après une
beylerbey. Deux ans plus tard, il prêta main
bataille acharnée, le gouverneur d’Oran fut
forte au sultan marocain Abou Hassoun et
v a i n c u
l’aida à remonter sur le trône de Fès. En 1555,
et réduit à prendre la fuite avec ce qui resta
il entreprit de libérer Béjaïa de l’influence
de son armée. A son retour à El Djezaïr, Hassan
espagnole. Vers la fin de juin 1555, à la tête
apprit la triste nouvelle du décès de son père
d’une forte armée algéroise renforcée par un
ainsi que sa nomination au titre de beylerbey
imposant contingent kabyle, Salah Raïs fit
du Maghreb.
appareiller une flotte composée de vingt-deux
Quelque temps plus tard, la ville de Tlemcen
galères chargées de matériel et partit en
fut à nouveau l’enjeu d’une bataille entre
direction de Béjaïa. Le 27 septembre 1555, la
le chérif marocain Mohamed El Medhi et
ville fut prise d’assaut, mettant fin à plus de
Hassan. Les Marocains s’emparèrent de
quarante-cinq ans d’occupation espagnole. Dès
l’ancienne capitale abdelouadide. Mais immé-
son retour à El Djezaïr, Salah raïs entreprit d’or-
diatement après, l’armée marocaine fut mise en
ganiser une autre expédition en direction d’une
nouvelle cible, Oran. Il reçut du sultan ottoman
un important renfort de troupes. Mais son projet
fut contrarié par l’épidémie de peste qui éclata à
El Djezaïr en 1556. Il en fut lui-même atteint et
mourut à l’âge de soixante-dix ans. Cette dispa-
rition soudaine du pacha d’El Djezaïr ne mit pas
fin pour autant aux préparatifs engagés dans le
cadre de la libération de la ville d’Oran occupée
par les Espagnols. Sans attendre les ordres du
sultan ottoman, le khalifat Hassan Corso prit le
commandement de l’armée et marcha sur Oran.
Après avoir pris position autour de la ville, il
reçut de la Grande Porte l’ordre de lever le siège
et de renvoyer la flotte à Constantinople.

HASSAN CORSO ET
LE PACHA TERKERLI
A son retour à El Djezaïr, Hassan Corso
apprit que le successeur de Salah Raïs avait
quitté la Turquie et faisait voile vers la capitale
de la Régence. Lorsqu’il arriva aux abords de la
déroute par les multiples assauts lancés par baie d’El Djezaïr, le nouveau pacha, Mohamed
les Turcs sous le commandement de Hassan Terkerli, se vit interdire l’entrée du port par
Corso qui reprit possession de la ville au nom le corps de l’odjak qui soutenait la candidature
du beylerbey en 1552.
de leur chef Hassan Corso. Les raïs qui
Peu de temps après, Hassan Ibn Kheir
entendaient rester fidèles au sultan ottoman

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

43
HISTOIRE

vinrent à son secours, et au beau milieu de la nuit, et, après avoir gagné sa confiance, il l’assassina.
ils le firent débarquer dans le port qui était sous A la faveur des désordres qui suivirent
leur autorité. Ils réussirent à le faire entrer dans la l’assassinat du chérif, Hassan tenta grâce à un
ville et à l’escorter jusqu'à la résidence des stratagème d’envahir le Maroc. En février 1558,
pachas. Mohamed Terkerli ordonna l’arrestation il marcha sur Fès, mais il fut repoussé et contraint
de Hassan Corso et le fit empaler sur de regagner sa capitale. Au début de l’été de la
les crochets de Bab Azzoun où il agonisa même année, il eut à intervenir contre les
pendant trois jours. Son complice, le gouverneur Espagnols qui s’étaient rendus maîtres de
de Béjaïa, Ali Sardo, subit le même sort. Le règne Mostaganem. Son expédition fut couronnée
de Mohamed Terkerli fut de courte durée. Alors de succès et se solda par la mort du comte
qu’il s’était isolé de la capitale pour fuir l’épidé- d’Alcandete et par la déroute de l’armée
mie de peste qui ravageait encore les rues d’El chrétienne. Les janissaires, mécontents des
Djezaïr, il fut assassiné par le caïd Youssef, fidè- mesures prises par Hassan Ibn Kheir Eddine en
le partisan de Hassan Corso. Les janissaires faveur des Arabes et des Berbères, entrèrent en
entrèrent en rébellion ; ils mirent à mort les rébellion. Au cours d’une nuit de juin 1561, ils
compagnons du pacha et installèrent provisoire- firent irruption dans le palais et s’emparèrent du
ment le caïd Yahia, ancien khalifat de Salah raïs, beylerbey et de tous ses compagnons. Ils le firent
à la Jenina en attendant l’arrivée du nouveau embarquer sur un vaisseau qui prit la direction de
beylerbey. Constantinople. Le chef des insurgés, l’agha
Hassan, exerça le pouvoir pendant près de trois
mois au bout desquels Ahmed Pacha arriva à
HASSAN IBN KHEIR EDDINE, El Djezaïr avec la mission de mettre fin à
LE RETOUR l’insurrection et d’en châtier les auteurs. Ceux-ci
Le souverain ottoman se tourna encore une furent tous arrêtés et envoyés à Constantinople
fois vers Hassan Ibn Kheir Eddine dont où ils eurent la tête tranchée. En mai 1562,
l’influence était encore très forte au sein de la le nouveau pacha était occupé à remettre de
population d’El Djezaïr et chez les vieux raïs l’ordre dans sa capitale lorsqu’il décéda subite-
avec lesquels il avait fait ses premières armes. Le ment, probablement empoisonné, laissant
beylerbey quitta Constantinople avec vingt l’intérim au caïd Yahia. La Porte ne fit aucun cas
galères. En juin 1557, il jeta l’ancre dans le port des accusations portées par les janissaires contre
d’El Djezaïr et prit possession de la ville sans y le beylerbey Hassan et lui renouvela sa confian-
rencontrer de résistance. Dès son installation, il ce en le nommant pour la troisième fois au pacha-
conçut le projet d’affaiblir la redoutable milice lik d’El Djezaïr. En août 1562, le pacha, accom-
des janissaires pour mieux la contrôler. Il conclut pagné de plusieurs galères, fit son entrée dans le
des alliances avec des cheikhs des tribus arabes port d’El Djezaïr. La milice ne lui opposa aucune
et berbères, se constituant ainsi un vivier d’où il résistance, les raïs et les Algérois lui firent un
pouvait recruter des auxiliaires pour son armée. accueil chaleureux. A peine installé dans son
Enfin, il accorda à leurs populations un privilège palais, Hassan se plongea à nouveau dans les pré-
qui leur était refusé par ses prédécesseurs, en les paratifs d’une grande expédition contre Oran.
autorisant à se fournir en armes et munitions dans Il rassembla sous ses drapeaux des milliers de
sa capitale. Le beylerbey ne perdait pas de vue combattants turcs, espagnols, kabyles des tribus
l’ouest de son pays où la province de Tlemcen de Zouaoua et de Béni Abbès. Il fit partir sa
était à nouveau victime des attaques des flotte chargée de pièces d’artillerie, de munitions
Marocains. Pour mettre fin à cette menace, il et de vivres, et, le 5 février 1563, il quitta
résolut de faire assassiner le chérif Mohamed la capitale en la laissant sous la garde de son
El Medhi. Il chargea de cette délicate opération khalifat Ali Chetili. Hassan porta ses premiers
un de ses fidèles officiers, Salah Kahia. Celui-ci efforts sur Mers El Kebir. Après plusieurs jours
réussit à s’introduire auprès du sultan marocain de siège et de nombreux assauts, la garnison

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

espagnole qui défendait cette place fut presque plus tard, à la mort de Piali, le sultan Selim II le
décimée. Au moment où les Turcs allaient s’en nomma capitaine pacha. Au début de 1567,
rendre maîtres, une importante flotte chrétienne, il quitta le Maghreb pour Constantinople où il
composée de cinquante-cinq galères chargées mourut trois ans après.
de troupes, fit son apparition dans la rade. La
flotte turque se dispersa aussitôt et Hassan, dont
MOHAMED IBN SALAH RAIS
l’armée n’était pas préparée à affronter une
Lorsque Mohamed Ibn Salah Raïs,
pareille armada, se résigna à lever le siège et
le nouveau gouverneur, débarqua à El Djezaïr,
à reprendre le chemin d’El Djezaïr. A son arri-
il trouva la ville en proie à la peste et à
vée, il trouva la ville ravagée par la peste, les
la famine. Depuis quatre ans déjà, le terrible
m o r t s
fléau ravageait le pays et avait décimé près de la
se comptaient par centaines. En mai 1565,
moitié de la population de la ville. La misère et
Hassan Pacha participa, aux côtés du grand
le désordre avaient engendré le brigandage et
amiral Mustafa Piali, à l’expédition ordonnée
l’insécurité s’était installée dans la ville et ses
par le sultan ottoman contre les chevaliers de
environs. Mohamed Ibn Salah Raïs s’employa à
Malte. Les Turcs trouvèrent en face d’eux
mettre un terme à cette confusion et à rétablir
des adversaires déterminés et, malgré de nom-
le calme et la sécurité. Mais la ville vécut à
breuses victoires, l’entreprise turque n’atteignit
nouveau un événement tragique. Vers le milieu
de l’année 1567, un audacieux marin valencien,
Juan Gascon, conçut le projet fou de s’emparer
d’El Djezaïr. Avec ses deux galères, il s’appro-
cha des côtes algéroises et, à la faveur de la nuit
profonde, il pénétra dans le port. A peine
débarqué, il lança ses hommes à l’assaut des
remparts, au moment où ils s’apprêtaient à
forcer les portes, la garde turque donna l’alerte.
Les soldats du pacha surgirent de tous les côtés.
Les hommes de Juan Gascon eurent à peine le
temps de rembarquer et de s’enfuir. Ils furent
pourchassés et rattrapés par les corsaires turcs.
L’audacieux capitaine et ses compagnons furent
livrés au pacha qui ordonna leur mise à mort.
Mohamed Ibn Salah Raïs tenta ensuite de conci-
lier les deux principales forces de la Régence,
les raïs et les janissaires. Il autorisa ces derniers
à s’embarquer sur les galères turques pour par-
ticiper à la course et profiter de ses bénéfices.
Mais l’opposition entre les deux parties était si
forte que le rapprochement s’avérait difficile.

EULDJ ALI
pas ses objectifs. Le 5 septembre, d’importants Au début de 1568, rappelé à Constantinople,
renforts chrétiens arrivèrent par la mer, le capi- le pacha Mohamed Ibn Salah Raïs fut remplacé
taine pacha Piali, dont une partie des troupes à la tête du pachalik d’El Djezaïr par Euldj Ali,
luttait contre une épidémie de peste, choisit l’un des plus fidèles compagnons de Hassan Ibn
de lever le siège et ordonna la retraite.
Kheir Eddine. En mars 1568, le nouveau
Le beylerbey Hassan regagna sa capitale. Un an
beylerbey arriva à El Djezaïr. Il prit ses fonc-

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

tions avec la ferme intention de faire passer toute Il soumit les villes du littoral et de l’intérieur,
seule la Goulette échappait encore à son
contrôle. Euldj Ali fut élevé à la dignité de grand
amiral en remplacement de Hassan Ibn Kheir
l’Afrique septentrionale sous l’autorité de la Eddine qui venait de mourir. Le gouvernement
d’El Djezaïr fut confié à un autre raïs,
Arab Ahmed. En octobre 1573, la nouvelle de la
prise de Tunis par l’armada de Philippe II, fut
très mal accueillie à Constantinople. Euldj Ali
Porte. Contrairement à ses prédécesseurs, il se
obtint du sultan ottoman l’autorisation de diriger
une expédition contre l’ancienne capitale de
l’Ifriqiya, Tunis, et d’en chasser à tout jamais
les Espagnols. Le capitaine pacha prit le
désintéressa de l’ouest du pays et se tourna vers commandement de l’imposante flotte turque. En
juillet 1574, il aborda les côtes de Carthage où il
f u t r e j o i n t p a r l e p a c h a d ’ E l D j e z a ï r,
Arab Ahmed. Dans le même temps, une impor-
la Tunisie. En octobre 1569, Euldj Ali prit le tante armée menée par Sinan Pacha quittait
Tripoli en direction du nord ; en passant par
Kaïrouan, celui-ci s’adjoignit les troupes du caïd
Kheder. La Goulette, où s’était concentrée la plus
commandement d’une puissante armée grande partie des forces espagnoles, fut prise
d’assaut par terre et par mer. Le siège dura plus
d’un mois ; le 20 août, plusieurs brèches étaient
ouvertes et, trois jours plus tard, la forteresse
tombait entre les mains de Sinan Pacha. La ville
composée de janissaires et de Kabyles et se mit de Tunis ne tarda pas à subir le même sort. Le
sultan Moulay Mohamed, le comte Serbilloni et
plusieurs centaines de captifs espagnols, ainsi
qu’un riche butin furent envoyés à la Grande
en marche, laissant la garde de sa capitale à son Porte. Le caïd Kheder fut chargé du gouverne-
m e n t d e Tu n i s , l e c a ï d R a m d a n e o b t i n t
le Pachalik d’El Djezaïr en remplacement
de Arab Ahmed qui partit à Constantinople en
khalifat Hassan Corso. Deux mois plus tard, compagnie du grand amiral Euldj Ali. Après sa
prise de fonction dans la capitale de la Régence,
le pacha Ramdane fut chargé par Euldj Ali de
conduire une expédition contre le Maghreb extrê-
me qui était alors gouverné par le chérif Moulay
Tunis tomba entre ses mains presque sans
Abdellah. Le 15 janvier 1576, l’armée algéroise
a r r i v a a u x p o r t e s d e F è s .
La ville fut prise sans effusion de sang et
Moulay Abdelmalek, protégé du grand amiral
combat. Il y installa une garnison de trois mille ottoman, fut rétabli sur le trône. A son retour à
El Djezaïr, Ramdane Pacha reçut la nouvelle de
sa nomination au pachalik de Tunis et son
remplacement par Hassan Veneziano qui prit
Turcs sous les ordres du caïd Ramdane. possession de sa charge de pacha d’El Djezaïr

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HISTOIRE

en juin 1577. Le nouveau pacha était un homme l’emprisonnement d’un de ses membres, le raïs
cruel et cupide qui sut se faire craindre des Mourad. Ramdane, qui ne pouvait pas faire face
janissaires et des raïs. Les habitants de la provin- à la révolte, fut contraint de s’enfuir pour se
ce subissaient avec résignation les charges qu’il réfugier dans les environs de la ville. Le raïs
leur imposait et les craintes qu’il inspirait à tout Mami Arnaute, chef des insurgés, s’empara du
le monde étouffaient toute velléité de révolte. pouvoir et le conserva jusqu'à l’arrivée de
Pendant les années 1578 et 1579, la province, Hassan Veneziano. Le redoutable pacha revint à
qui venait à peine d’être débarrassée de la peste,
eut à souffrir d’une sévère disette causée par
une sécheresse prolongée.
La famine fit des centaines de victimes, ceux
qui échappèrent à la mort quittèrent la ville et se
répandirent dans les campagnes voisines avec
l’espoir de trouver de quoi se nourrir. « Entre
janvier et février 1580, écrit l’écrivain espagnol
Haëdo, il mourut de faim dans les rues
d’El Djezaïr cinq mille six cent cinquante-six
Maures ou arabes ». La révolte grondait par-
tout, les tribus de l’intérieur refusèrent l’impôt,
les janissaires envahirent les maisons vidées de
leurs habitants et se livrèrent au pillage.
La Régence était livrée à l’anarchie et le
pacha était réduit à l’impuissance. Hassan fut
rappelé par la Porte qui nomma à sa place un de
ses fidèles, Djafer Pacha. Celui-ci s’employa à
calmer la sédition et à rétablir l’ordre et la
sécurité dans toute la province. Il châtia sévère-
ment les mutins et attisa ainsi la colère de
la milice. Les janissaires résolurent de
l’assassiner et d’élire à sa place leur agha.
Djafer, informé du complot, put se saisir des
conspirateurs et leur trancher la tête. A la fin
d’avril 1581, l’ordre étant rétabli, les citadins
purent rentrer chez eux et reprendre leurs activi-
tés. Un mois après, Euldj Ali, qui avait reçu
l’ordre de partir à la conquête du Maghreb
e x t r ê m e , a r r i v a à
El Djezaïr avec une flotte de soixante galères. El Djezaïr et reprit en main la destinée de la
Pendant qu’il y préparait son expédition, il Régence.
fut rappelé par le sultan Mourad qui avait besoin La course reprit son essor et les raïs firent
de toutes les forces de l’empire pour faire face à à nouveau régner la terreur en Méditerranée.
la révolte qui venait d’éclater en Arabie. Au Les côtes d’Espagne, des Baléares, de Sicile,
début de l’année 1582, il reprit la mer en direc- de Sardaigne, de la Corse furent sans cesse
tion de l’Orient et amena avec lui Djafer, lais- visitées, pillées et rançonnées par les fameux
s a n t corsaires, tels Mourad raïs, Mami Arnaute et
le gouvernement d’El Djezaïr à Ramdane. tant d’autres. Le pacha Hassan lui-même
Ramdane ne tarda pas à entrer en conflit n’hésitait pas à prendre part à ces expéditions
avec la puissante taïffa des raïs qui s’opposait à dont il rapportait de riches butins. En 1585,

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HISTOIRE

cette bonne fortune fut contrariée lorsque


l’amiral Doria réussit à s’emparer de quelques
navires algérois sur les côtes de la Corse.
Les dernières années du règne de Hassan
s’écoulèrent sans aucun événement
remarquable. En juin 1587, le plus grand et
dernier beylerbey d’Afrique, Euldj Ali, mourut.
Quelques mois plus tard, son fidèle raïs Hassan
Veneziano lui succéda comme grand amiral
de la flotte turque. A la mort de Euldj Ali, la
Sublime Porte supprima la dignité de beylerbey
et divisa les possessions turques d’Afrique
en trois pachaliks indépendants : El Djezaïr,
Tunis et Tripoli.
La Régence d’El Djezaïr fut placée sous l’au-
torité d’un gouvernement nommé
directement par Constantinople pour une durée
de trois ans. Le pacha « triennal » était secondé
par un Diwan composé d’officiers de la milice
des janissaires. Ces derniers ne tardèrent pas à
mettre à profit la disparition des beylerbeys, dont
l’autorité dictatoriale leur imposait crainte et res-
arrivée à El Djezaïr, la nouvelle recrue, appelée
pect, pour s’affranchir de ce nouveau
ioldach, était inscrite sur le registre des janis-
pouvoir. Attirés par la réputation et les richesses
saires avec indication du nom des parents, de la
de la capitale des raïs, les prétendants au poste de
ville d’origine et de l’ancien métier.
pacha se disputaient les faveurs du sultan pour
Il était ensuite affecté à un groupe et aussitôt
être envoyés à El Djezaïr. Les plus heureux obte-
conduit dans une caserne de la ville où il allait
naient souvent leur nomination par
vivre pendant toute sa carrière militaire. Dans
l’intrigue et la corruption, certains y employaient
cette redoutable milice, tous, officiers et ioldachs
une partie de leur fortune. Dès lors, ils ne pen-
étaient égaux. Les conditions de promotions
saient qu’à s’enrichir, laissant la «égalitaires» furent établies sous les derniers
réalité du pouvoir entre les mains du Diwan dont
beylerbeys. Elles étaient fixées par des lois
ils se contentaient d’entériner les
immuables et fondées sur un sentiment d’égalité
décisions. Les actes officiels qui émanaient
absolue. L’avancement dans le grade avait lieu à
de ce gouvernement commençaient par cette for-
l’ancienneté, permettant ainsi au simple ioldach
mule : « Nous, Pacha et Diwan de l’invincible
d’atteindre le plus haut grade de la hiérarchie de
milice d’El Djezaïr ».
la milice. Pour loger leurs janissaires, les gouver-
neurs d’El Djezaïr avaient fait construire
LES JANISSAIRES plusieurs grandes casernes à l’intérieur de la
De ce fait, le rôle joué par le corps de ville. La plupart furent établies dans la partie
janissaires fut déterminant pour les destinées de basse, dans les quartiers de Bab Azzoun et
la Régence ; leur puissance ne cessa de Bab El Djezira. C’étaient de vastes bâtiments
s’accroître pour atteindre son apogée à la fin avec une ou deux cours intérieures à arcades, sur
du XVIIème siècle. Le janissaire appelé à servir en lesquelles donnaient les chambres (odas) où
Afrique était recruté dans les provinces d’Asie- logeaient une quarantaine de janissaires. La
Mineure et en particulier à Smyrne dans les tradition attribue la fondation de la première
classes les plus pauvres de la population. Dès son caserne d’El Djezaïr au beylerbey Kheir Eddine.

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HISTOIRE

Elle portait le nom de Dar une grande partie de la jetée Kheir Eddine et
Yenkcharia-m’ta-el-Kharratine, c’est-à-dire provoqua, à l’intérieur même du port, la perte de
«maison des janissaires de la rue des tourneurs» plusieurs navires. L’année suivante, la ville
; elle était située le long de la rue Bab Azzoun subit une terrible épidémie de peste, dite de
face au souk El Kharratine dont elle tenait son Tunis, à laquelle s’ajouta une longue période de
nom. Deux autres casernes furent construites à famine. Ces deux fléaux, qui sévirent pendant
la fin du XVIème siècle sous les règnes des bey- près de deux ans, firent des ravages dans tout le
lerbeys Hassan Ibn Kheir Eddine et Euldj Ali. pays.
Mais dès le début du XVIIème siècle, pour faire LES KOULOUGLIS ET LES KABYLES
face au nombre sans cesse croissant de janis- EN REVOLTE
saires, la ville fut dotée de cinq autres casernes. En 1595, Kheder Pacha revint pour la
Deux d’entre elles furent bâties en 1627 et 1637 deuxième fois à El Djezaïr. Il résolut de rétablir
par le maître architecte andalou Moussa et par l’autorité du pacha en affaiblissant la milice. Il
son fils Ali. C’est aussi dans cette partie de la trouva des alliés parmi la population des
ville, le long de la rue Bab Azzoun, que furent Koulouglis, ennemis jurés des janissaires. Il les
implantés les deux plus grands bagnes du bey- organisa et les poussa à se révolter contre ces
lick. derniers. L’affrontement mit la ville à feu et à

LE REGNE DES PACHAS


Le règne des pachas, qui débuta en 1586
avec Dely Ahmed, et qui dura plus de soixante-
dix ans, fut une ère de prospérité et, en même
temps, une longue période d’anarchie pour El
Djezaïr. De 1586 à 1659, plus de trente pachas
s e
succédèrent au pachalik d’El Djezaïr. Ils étaient
confinés au rôle de «gouverneur de parade»
avec quelques privilèges extérieurs, un palais,
une garde personnelle, des chaouchs, la place
d’honneur dans les cérémonies. Ils se mêlaient
surtout de la course, qu’ils encourageaient
particulièrement car elle leur fournissait une
grande partie de leurs revenus. Ils conservaient
en outre le droit de rendre justice aux baldis et
de disposer des caïdats, autres sources de reve-
nus non négligeables, laissant ainsi le gouverne-
ment de la Régence entre les mains de la milice.
Cette période se caractérisa par l’extension de
l a
course, mais elle fut aussi féconde en événe- sang, plusieurs centaines de Koulouglis furent
m e n t s massacrés. A la suite de ces tragiques
tragiques qui, quelquefois, furent près de ruiner événements, le pacha fut rappelé en Orient et
le pays. La ville fut, plusieurs fois, le théâtre de remplacé par Mustafa Pacha. Ce massacre et le
sanglantes émeutes. Elle fut souvent frappée par désordre qui s’ensuivit entraînèrent la révolte
des épidémies de peste, suivies par de longues des Kabyles qui prirent le parti des Koulouglis.
périodes de famine qui ravageaient tout le pays. Ils ravagèrent la Mitidja et installèrent leur
En 1592, dès le début du règne de Chaaban camp aux abords de Bab Azzoun, bloquant ainsi
Pacha, une tempête d’une rare violence détruisit la ville pendant onze jours. Ils furent ensuite

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HISTOIRE

repoussés par les Turcs. Cette rébellion fut le nant aussitôt les représailles des raïs qui reprirent
point de départ d’une insurrection qui allait durer leurs attaques contre les navires français. Il est
plusieurs années. En 1611, sous le règne de rapporté que de 1629 à 1634, les corsaires algé-
Mustafa Kouça, une sécheresse prolongée provo- riens s’emparèrent de 80 vaisseaux et 1331
qua une terrible famine dans tout le pays. L’année marins et passagers, faisant subir au commerce
suivante, la situation empira, l’eau et les vivres français des pertes qui s’élevaient à quatre mil-
vinrent à manquer à El Djezaïr. Le Diwan décida lions sept cent cinquante mille livres. Sur ces
d’expulser les Maures tagarins. Quelques-uns entrefaites, une révolte éclata à El Djezaïr ; le
vieux pacha Hossein fut maltraité et emprisonné
par la milice. L’anarchie était alors à son comble.
Les Koulouglis, qui avaient été expulsés d’El
Djezaïr en 1629, s’étaient établis aux environs et
attendaient le moment propice pour entrer en
ville et prendre leur revanche. Ils
profitèrent du désordre qui régnait dans la cité et,
le 1er juillet 1633, ils pénétrèrent en ville par
petits groupes déguisés en paysans.
Grâce à l’effet de surprise, ils réussirent à
s’emparer de plusieurs points forts, mais les
janissaires reprirent vite le dessus. Après avoir
fermé les portes de la ville, ils les repoussèrent
vers le haut et les acculèrent dans la citadelle. Au
cours de la bataille, qui fut acharnée de part et
d’autre, les réserves de poudre emmagasinées à
l’intérieur de la Casbah prirent feu,
provoquant une terrible explosion.
s’établirent au-dessus de la Casbah, dans un La forteresse et quelque cinq cents maisons
quartier qui conserve encore leur nom ; ceux qui qui se trouvaient alentour furent soufflées,
refusèrent de partir furent impitoyablement mas- provoquant la mort de près de six mille
sacrés. En 1621, un nouveau fléau s’abattit sur personnes. Les rares Koulouglis qui échappèrent
tout le pays. La peste de Tunis, nommée Sidi au désastre furent impitoyablement massacrés
Belkris, réapparut à par leurs adversaires.
El Djezaïr et emporta des milliers de personnes.
Pendant ce temps, les Kabyles étaient toujours en LA TAÏFA DES RAÏS
révolte. Le Diwan, attentif à rétablir l’ordre,
envoya contre eux plusieurs expéditions. En La milice sortit affaiblie de cette révolte et
1624, le pacha Khosrew entra en maître à perdit une grande partie de son autorité au profit
Koukou et obtint la soumission de tous leurs de la taïfa des raïs. Ces derniers, dont dépendait
chefs. De son côté, la France, qui subissait la survie d’El Djezaïr, résidaient dans les bas
d’énormes pertes du fait de la course, dépêcha à quartiers autour du port, où certains possédaient
El Djezaïr Sanson Napollon en qualité d’envoyé de somptueuses maisons. En 1581, Diego de
spécial du gouvernement de Louis XIII, en vue Haëdo parlait déjà d’une flotte de trente-cinq
de négocier un traité de paix avec le pacha. A galiotes et vingt-cinq brigantins dans le port
la fin de l’année 1628, un traité par lequel d’El Djezaïr. Les raïs se contentaient alors
les Turcs s’engageaient à vivre en paix avec d’écumer le bassin occidental de la Méditerranée.
la France, et à respecter sa flotte et son littoral, Ils visitaient et pillaient périodiquement les côtes
fut signé entre les deux pays. Peu de temps après, d’Espagne, des Baléares, de Corse, de Sicile, de
ce traité fut violé par des marins français, entraî- Sardaigne et d’Italie. Sur mer, ils semaient la
terreur et aucun bateau chrétien qui croisait dans

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HISTOIRE

cette zone n’était à l’abri de leurs attaques. Dès vendaient sur place, tandis que les esclaves
le début du XVIIIème siècle, la flotte algérienne chrétiens étaient dirigés vers le badistan
s’enrichit de grandes galères et surtout des (marché aux esclaves) où ils étaient ensuite
fameux «vaisseaux ronds» introduits en 1606 vendus aux enchères. Au moment du partage,
par le corsaire flamand Simon Danser, converti le pacha recevait ses parts de prises qui
à l’islam sous le nom de Hamidou Houlanda. constituaient l’essentiel de ses revenus. Une
La course prit une autre dimension grâce à ces partie du butin était réservée à la ville pour
navires plus grands et plus rapides. l’entretien et la gestion des installations
Le champ d’action des raïs ne tarda pas à portuaires, des zaouias et des fondations pieuses
déborder les limites de la Méditerranée occiden- ; une autre partie revenait aux janissaires dont la
tale. Ce furent des expéditions de plus en plus solde mensuelle dépendait partiellement des
lointaines : les corsaires franchirent le détroit de bénéfices de la course. Le reste était partagé
Gibraltar et pénétrèrent dans l’Océan où ils entre le raïs commandant le navire, le ou les
pouvaient surprendre les galions hollandais et armateurs et, enfin, les marins qui touchaient
les vaisseaux anglais qui revenaient des Indes. une rétribution plus ou moins forte selon leur
Ils n’hésitèrent pas à se porter contre les côtes grade et leurs fonctions. Les esclaves qui ne
d’Angleterre et à pousser des pointes jusqu’en partaient pas chez les particuliers étaient alors
Islande. En 1616, Mourad Raïs, qui laissa son dirigés vers les bagnes du beylick. Leur nombre
nom à un quartier d’El Djezaïr, connu sous la était considérable ; la fin du XVI ème siècle,
forme « Bir Mandreis », atteignit la côte ouest Diego de Haëdo faisait état de vingt-cinq mille
de cette « Ile de Glace » d’où il rapporta un esclaves chrétiens à El Djezaïr, ville dont la
riche butin et près de quatre cents captifs. Dans population était estimée à soixante mille
la même année, ces hardis corsaires débar- habitants. Grâce à la course, la taïfa des raïs
quaient à Madère et faisaient mille sept cents avait acquis une formidable puissance ;
prisonniers ; en 1634, ils ravageaient les côtes elle n’obéissait ni au pacha ni à «l’invincible
anglaises et irlandaises. Les bénéfices de la milice», et se permettait même de discuter les
course étaient considérables : de 1613 à 1621, décisions et les ordres de la Grande Porte. Elle
neuf cent trente-six vaisseaux chrétiens furent apparaissait alors comme le véritable maître
ramenés au port d’El Djezaïr et, pour les deux d’El Djezaïr. Les raïs, ces audacieux capitaines
seules années qui firent leur fortune et celle de leur ville
1615 et 1616, la valeur des prises atteignit trois d’adoption et servirent sous le drapeau ottoman,
millions de livres. La ville entière vivait de la n’étaient pas, à de rares exceptions près, d’ori-
course : «Tout Alger, note Henri de Grammont, gine turque. La plupart étaient des chrétiens
se mêlait de la course, les grands étaient convertis, appelés renégats ; ils étaient origi-
armateurs, les petits marchands et les baldis se naires des pays d’Europe : l’Italie en avait four-
cotisaient pour acheter et équiper un navire à ni un fort contingent, suivie de la Corse, de
frais communs ; les femmes elles-mêmes, Marseille, du Portugal, de la Hollande, etc. ; les
vendaient leurs bijoux pour prendre part à ces uns étaient d’anciens esclaves, enlevés par les
fructueuses opérations.» Après leurs auda- corsaires algériens sur une côte ou un navire
cieuses opérations en mer et sur les côtes euro- chrétien, les autres étaient des hommes libres
péennes, les raïs rentraient au port d’El Djezaïr, qui avaient fui leur pays et qui étaient venus
«rassasiés, écrivait Diego de Haëdo, et riches s’établir au Maghreb après avoir apostasié.
sur des navires emplis jusqu’au fond d’objets de Les Maures andalous qui, aux
toutes valeurs». Dès leur arrivée au port, ils XVI et XVIIèmes siècles, vinrent par milliers
étaient accueillis par une foule de marchands et chercher refuge à El Djezaïr, fournirent aussi
de curieux, et quelquefois le pacha lui-même d’excellents marins qui consacrèrent parfois
venait à leur rencontre. La cargaison était toutes leurs richesses pour armer des navires
aussitôt débarquée, les marchandises diverses se et se lancer dans la course. Quelle que fut leur

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HISTOIRE

origine, les uns et les autres apportèrent aux aghas et les deys au pouvoir. Le pacha qui avait,
Turcs les connaissances de tous les métiers se rat- depuis longtemps, perdu toute autorité était sans
tachant à la marine. Ils fournirent à la marine cesse tiraillé entre les exigences des deux
algérienne ses plus prestigieux raïs : Hassan principales forces de la Régence : la taïfa et la
Corso, Euldj Ali, Hassan Veneziano, Mourad milice. La crise était latente et chacun des deux
Raïs, Ali Bitchnin et tant d’autres. La puissance partis cherchait un prétexte pour se débarrasser
des raïs atteignit son apogée dans la première de ces encombrants gouverneurs. D’autant plus
moitié du XVIIème siècle. A cette époque, que, de 1638 à 1660, la ville traversa une
la milice, qui détenait encore l’autorité à période noire.
El Djezaïr, était fortement affaiblie par la Vers 1640, les Kabyles envahirent à nouveau
révolte des Koulouglis en 1633 et laissait peu à la Mitidja et mirent le siège devant la ville ;
peu l’anarchie s’installer dans la ville. La taïfa les insurgés étaient à peine repoussés que la peste
des raïs, qui s’était tenue jusque-là en dehors des s’abattit sur le pays ; elle dura trois ans et tua plus
affaires du gouvernement, saisit cette de quinze mille personnes et un grand nombre
opportunité pour s’emparer du pouvoir. d’esclaves. L’anarchie régnait dans tout le pays,
les impôts ne rentraient plus et les janissaires
qui craignaient pour leur solde étaient en effer-
ALI BITCHNIN vescence. Sur ces entrefaites, la peste réapparut
L’instigateur de ce mouvement ne fut autre en 1648, elle eut à peine le temps de s’apaiser
que le grand amiral et chef de la taïfa, qu’elle étendait encore le linceul de la mort ; ce
Ali Bitchnin. Ce raïs, qui en quelques années de fut la plus meurtrière de toutes les épidémies, elle
course avait amassé une fortune considérable, dura trois ans et emporta le tiers de la population.
avait débuté sa carrière sur les bancs de la chiour-
me. D’après Devoulx, « Ali Bitchnin était un
affranchi du caïd Fath-Allah-Ben-khodja-Biri et LE REGNE DES AGHAS
il était tadjer, c’est-à-dire négociant, titre qu’on C’est dans ce climat de désolation que le
donnait d’ordinaire à cette époque aux arma- pacha Ibrahim s’illustra par sa cupidité et
teurs de navires destinés à faire la course aux provoqua la colère des raïs. Il fut menacé de mort
navires chrétiens ». Il possédait deux et jeté en prison. Les janissaires se révoltèrent à
somptueuses résidences, l’une dans la ville leur tour et, profitant de la confusion, ils s’empa-
basse, près du port, l’autre sur les hauteurs, ainsi rèrent du pouvoir. Le bouloukbachi Khalil prit la
qu’un bagne où étaient retenus près de cinq cents tête du mouvement et, en accord avec le Diwan,
captifs chrétiens ; parmi ses libéralités, il avait il proclama la déchéance des pachas et leur
remplacement par des membres de la milice.
fait construire en plein cœur de la ville, à l’inter-
Par égard pour la Grande Porte, le pacha fut
section des rues Bab El Oued et de la Casbah,
néanmoins autorisé à conserver le titre, les hon-
une grande mosquée à khotba, de rite hanafite, et
neurs et quelques revenus, mais en revanche il
qui portait son nom. Ali Bitchnin n’eut guère le
n’avait plus le droit d’intervenir dans les affaires
temps de profiter de son nouveau pouvoir car il
du beylick. Les nouveaux gouverneurs portèrent
mourut peu de temps après,
le titre d’aghas et leur règne dura jusqu’en 1671.
probablement empoisonné par ses adversaires.
Le premier agha, Khalil, se révéla trop ambitieux
La taïfa conserva cependant le pouvoir jusqu’en
et se fit assassiner par les raïs ; son successeur
1659, date à laquelle les janissaires instituèrent
Ramdane Agha se concilia les faveurs de la
un nouveau type de gouvernement à El Djezaïr.
milice et de la taïfa, mais sa cupidité lui fut
fatale, ainsi qu’à vingt de ses partisans. Le
LA FIN DE LA REGENCE troisième, Chaaban Agha, renégat d’origine
Au cours de la seconde moitié du portugaise, gouverna avec plus de méfiance et
XVIIème siècle, El Djezaïr fut le théâtre de deux encouragea la course qui atteignit là son apogée.
révolutions qui amenèrent successivement les Pendant que les richesses s’entassaient dans la

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HISTOIRE

ville, deux nouvelles catastrophes vinrent le début du règne des aghas. Ils remplacèrent
réveiller les mauvais souvenirs des habitants. l’agha par un délégué choisi parmi eux et
En 1662, un terrible tremblement de terre l’appelèrent dey. Les quatre premiers deys
accompagné d’une violente tempête détruisit de furent d’anciens raïs. Le Diwan cessa dès lors
nombreuses maisons, ainsi qu’une partie du d’être le conseil suprême et les janissaires per-
môle et des installations portuaires, et entraîna dirent une partie de leurs prérogatives. Mais les
la perte de onze navires. Dans la même année, la choses ne s’arrangèrent pas pour autant ; les
peste qui devenait endémique acheva de désoler deys étaient sans cesse occupés à réprimer les
le pays. Trois ans plus tard, dans la ville meur- révoltes des Kabyles qui, périodiquement, des-
trie, Chaaban Agha trouvait la mort sous le poi- cendaient de la montagne pour venir semer le
gnard des janissaires. Il fut remplacé par Ali désordre dans la plaine de la Mitidja et parfois
Agha. Alors que la ville était livrée au désordre, mettre le siège devant la ville. Les deys étaient
la flotte anglaise parut devant El Djezaïr et aussi en guerre avec la Régence de Tunis et les
coula plusieurs navires. Les raïs exaspérés par expéditions se succédaient de part et d’autre
sans qu’il y eût de véritables vainqueurs. Enfin,
cette suite de malheurs se retournèrent contre
les puissances chrétiennes, dont les royaumes
Ali et
souffraient de plus en plus des effets de la cour-
le mirent à mort.
se, venaient régulièrement bombarder El
Djezaïr. En 1682 et 1683, eurent lieu les deux
LE REGNE DES DEYS expéditions menées par Duquesne. Elles se sol-
Les deys mirent, ainsi, un terme à la dèrent par des échecs et les dégâts causés par les
confusion qui sévissait dans la Régence depuis bombardements furent minimes, quelques mai-

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HISTOIRE

sons détruites et une partie des défenses du front envoyer ses représentants. Ce renoncement
de mer endommagées. consacra l’indépendance des deys qui, ayant
Un événement, auquel toute la population évincé le Diwan, concentraient dès lors toute
était accoutumée, eut alors lieu à El Djezaïr : l’autorité entre leurs mains. Peu de temps après,
le dey Baba Hassan, deuxième du nom, fut la ville subit un violent tremblement de terre qui
assassiné sur ordre du chef de la taïfa, le raïs détruisit une grande partie des maisons et des
Hadj Hussein, surnommé Mezzo Morto, édifices. Les habitants quittèrent la ville, laissant
s’empara aussitôt du pouvoir. Sous son règne, leurs biens à la merci des maraudeurs. Les
El Djezaïr fut à nouveau la cible de la flotte secousses telluriques durèrent près de trois
française commandée cette fois-ci par le semaines durant lesquelles El Djezaïr fut livrée à
maréchal d’Estrée. Des négociations furent l’anarchie et aux voleurs.
entamées, mais n’aboutirent pas à cause des LA PERIODE SOMBRE
revendications françaises. Les bombardements D’EL DJEZAÏR
recommencèrent ; El Djezaïr eut à nouveau des Dans la seconde partie du XVIIIème siècle,
maisons détruites, le môle et quelques batteries El Djezaïr vécut encore une période sombre.
endommagées, tandis que les Français subirent De 1734 à 1737, la sécheresse et la famine
d’énormes pertes et furent contraints au retour. ravagèrent le pays, suivies de près par une
To u t e f o i s , c e s e x p é d i t i o n s s u c c e s s i v e s épidémie de peste, dite d’Alexandrie, qui dura
aboutirent, en 1690, à des négociations de paix trois ans et fit trois à quatre cents victimes par
entre la Régence et la France. Entre-temps, jour. Ce terrible fléau s’installa à nouveau en
Hadj Hussein fut rappelé en Orient où il fut élevé 1752, pour quatre années consécutives, provo-
à la dignité de capitaine pacha. Ce fut donc son quant la mort de près de mille sept cents per-
successeur Hadj Chaaban Dey qui conclut le trai- sonnes en un mois. En 1755, un tremblement de
té de paix avec la France signé terre d’une rare violence brisa les aqueducs et
le 24 septembre 1690. Ensuite, le nouveau dey priva la ville de son alimentation en eau pendant
porta ses efforts contre la Régence de Tunis. plusieurs semaines. En 1787, une nouvelle
Il y mena deux expéditions victorieuses, mais épidémie de peste, encore plus terrible, causa la
à son retour à El Djezaïr, il trouva la ville en plei- perte de plus du tiers de la population d’Alger.
ne révolte, et c’est en essayant de rétablir l’ordre L’abbé Raynal en témoigna en 1788 : «La popu-
qu’il fut arrêté par ses anciens soldats et exécuté lation d’Alger est réduite à moins de cinquante
en 1695. Un nouveau dey fut aussitôt désigné et mille habitants, depuis que, suivant le relevé fait
les choses continuèrent ainsi. Lorsque le dey aux portes de la ville, la peste de 1787 lui enleva
mourait de mort naturelle ou abdiquait, la suc- 14 334 musulmans, 1774 juifs, 613 chrétiens
cession, qui était réglée par avance, se déroulait libres ou esclaves, sans compter ce qui dut périr
dans de bonnes conditions ; si le dey était assas- dans les jardins de son territoire» L’épidémie se
siné, ses meurtriers déclara plusieurs fois encore à la fin du XVIIIème
installaient à sa place l’un des leurs. siècle et reparut avec une rare virulence entre 1813
De 1683 à 1817, quatorze deys furent assassinés et 1819. La Régence sortit ruinée par toutes ces
et ainsi remplacés. Cependant, la Porte calamités. Dans le même temps, les bénéfices de
continuait à envoyer des pachas à El Djezaïr, la course diminuaient ; les traités signés avec la
même si la plupart étaient refoulés avant même Hollande (1680), l’Angleterre (1682), la France
d’entrer dans le port. C’est ainsi qu’en 1711, sous (1690) limitaient le champ d’action des raïs. Le
le dey Ali Chaouch, un pacha nommé Charkan nombre des renégats avait considérablement
Ibrahim arriva d’Orient. Les Turcs lui refusèrent diminué et avec lui celui des navires. La marine
l’accès au port ; il fut alors contraint de faire avait en outre subit d’énormes pertes. La course
voile vers Collo où il demeura jusqu'à sa mort. connut cependant un regain d’activité vers la fin
Dès lors, le sultan, qui n’avait plus aucune auto- du XVIIIème siècle. Comme les Français, les
rité sur les souverains d’El Djezaïr, cessa d’y Hollandais ou les Anglais étaient protégés par les

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

traités, ce furent les Espagnols, les Portugais, gate de notre seigneur le raïs Hamidou a pris un
les Danois, les Grecs et les Napolitains qui en navire de guerre portugais armé de 44 canons,
firent les frais. A cette époque, la course était sur lequel ont été faits prisonniers 282
faite au profit des deys et ces derniers s’avisè- mécréants.» Le raïs poursuivit ses exploits jus-
rent, à qu’en 1805, année de l’assassinat du dey
partir de 1765, de faire tenir un registre où Mustafa qui fut
furent notées toutes les informations concernant remplacé par Ahmed, lui-même abattu peu
la course : nom du navire, celui du raïs, la puis- après par les janissaires. Son successeur Ali Dey
sance d’armement, l’équipage, et la description
sommaire du butin, dans laquelle apparaissaient
parfois le nom des captifs chrétiens, ainsi que la
somme produite par la vente de l’ensemble.
Cette période fut aussi marquée par l’accession
au pouvoir du dey Mohamed Ben Othman qui
régna vingt-cinq ans et mourut de mort naturel-
le. Son khaznadar Hassan lui succéda sans
trouble et conserva le pouvoir jusqu’en 1798.

LE RAÏS HAMIDOU
C’est sous le règne de Hassan qu’apparut le
plus prestigieux des raïs d’El Djezaïr, le raïs
Hamidou. Celui-ci commandait alors la flotte
d’Oran. Ayant appris ses exploits, le dey le fit
appeler et lui confia le commandement de la
flotte d’El Djezaïr. Dès 1797, il est fait mention
sur registre des prises et des exploits du jeune
raïs. Ainsi, le 17 juillet 1797, est-il écrit : «La
était un simple janissaire surnommé El Ghassal
corvette de notre seigneur Pacha, commandée
(laveur des morts), nom qui lui venait de son
par le raïs Hamidou, a capturé un navire génois
premier métier. Il retira le commandement à
ayant un chargement de potasse». La même
Hamidou qu’il exila à Beyrouth. Cupide et
année mourut le dey Hassan, il eut pour succes-
cruel, Ali El Ghassal ne tarda pas à s’attirer la
seur Mustafa, ancien trésorier de la Régence.
haine de la population et de la milice. Quatre
Le nom de ce dey est resté attaché à tout un
mois après son élection, il subit le même sort
q u a r t i e r d ’ E l D j e z a ï r, s i t u é a u - d e l à d e
que son
Bab Azzoun, où il avait fait construire, au-des-
prédécesseur. Le nouveau dey, Hadj Ali,
sus de la fontaine bleue, une somptueuse pro-
rappela le raïs Hamidou qui reprit aussitôt la
priété. Hamidou fut confirmé dans le comman-
course. Il se distingua à nouveau par d’impor-
dement de la flotte algéroise par le nouveau dey.
tantes prises. La flotte algérienne comptait alors
Cette période, aux lendemains des guerres de la
trente navires, dont trois frégates de quarante-
Révolution, alors que la France et l’Angleterre
quatre canons. Le nombre des esclaves chré-
s’affrontaient encore en mer, fut particulière-
tiens qui avait considérablement diminué au
ment favorable à la course. Les exploits du raïs
milieu du XVIIIème siècle s’accrut de nouveau
Hamidou se multiplièrent. Les prises étaient
grâce aux campagnes fructueuses menées de
considérables. 1798 : il s’empara d’un navire
1790 à 1815. Dans le même temps, le nombre
génois chargé de draps, de cuirs et de peaux, et
des janissaires avait chuté. A la fin du XVIIIème
d’un navire grec ; 1799 : prise de trois navires
siècle, la Régence n’en comptait plus que six
napolitains ; 1802 : le registre mentionne la
mille. En 1814, le dey Hadj fut égorgé dans son
prise d’une grosse frégate portugaise. «La fré-

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

bain, son successeur subit le même sort dix-sept Sidi Ferruch.


jours plus tard. Le pouvoir échut alors à l’agha
Omar. Un an après, le raïs Hamidou trouva la
mort dans un engagement avec une division amé- LA PERIODE COLONIALE
ricaine. Il est vrai que ce jour-là il était seul en Après de multiples tentatives de forcer la
mer. Les Américains imposèrent une paix humi- défense des Turcs, Napoléon dut avoir recours
liante au nouveau dey et, en 1816, la flotte aux plans fomentés par le général Boutin, un fin
anglaise commandée par lord Exmouth vint bom- stratège du génie militaire français. Ce dernier fut
barder El Djezaïr. La peste réapparut dans le déjà envoyé en 1808 à El Djezaïr par Napoléon
pays. Omar Dey fut assassiné et remplacé par Ali dans le but de prospecter la région et déterminer
Khodja en 1817. Le nouveau dey décida aussitôt les points forts et faibles de la Citadelle à même
d’abandonner la Jenina pour s’installer avec tous de mettre en place une stratégie efficace d’at-
les services du gouvernement à la citadelle. Ali taque qui assénera un coup fatal aux forces
Khodja mourut de la peste en 1818; son successeur turques que les Européens n’avaient toujours pas
désigné, le khodjel El Kheil Hussein, hérita d’un vaincues.
pays ravagé par la peste Au terme de cette expédition, il fut décidé de
et ruiné par les bombardements des Européens. mener des attaques par terre et que le premier site
A cette époque, El Djezaïr ne comptait plus que qui sera visé sera la tour Moulay Hassan (connue
trente mille habitants, chiffre où elle n’était aussi sous l’appellation de Fort l’Empereur), car
jamais descendue tout au long de l’histoire de stratégique de par sa position sur les hauteurs
la cité. Le dey Hussein fut le dernier gouverneur d’El Djezaïr. En effet, du haut de cette tour impo-
turc de la Régence, il maintint le gouvernement à sante, les sentinelles avaient une vue panora-
la citadelle qu’il aménagea et d’où il assista, mique sur le tout Alger. Après avoir affiné leur
presque impuissant, à la prise de la ville stratégie, les forces françaises mirent à exécution
par l’armée française lorsqu’elle débarqua leur plan et le premier
le 14 juin 1830 sur les côtes de l’ouest d’Alger, à
débarquement des troupes françaises avait eu lieu

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

56
HISTOIRE

le mouvement de l’Emir Khaled à l’époque de


le 14 juin 1830 sur le littoral de Sidi Ferruch, à
14 miles à l’ouest d’El Djezaïr. La confrontation la Première Guerre mondiale. D’autres reprirent
qui s’en suivit, le 19 juin 1830, entraîna la défai- le flambeau de la guerre politique et de sensibi-
te des forces du Dey Hussein au lieudit « la lisation à l’instar notamment des activistes du
butte de Staouéli ». Une fois l’obstacle de résis- Parti du Peuple depuis 1936 ainsi que l’associa-
tance franchi, l’armée française tion des Oulémas dont les efforts sans ménage-
marcha sur le Fort l’Empereur et y arriva le ment furent déployés depuis 1931. Tous ces
29 du même mois ; une batterie de canons fut mouvement et d’autres encore activèrent à par-
engagée pour tenter de détruire et forcer le fort. tir de la ville
A l’aube du 14 juillet 1830, les multiples tirs de d’El Djezaïr. Plus tard, le premier noyau du
canons parvinrent à détruire une partie de l’édi- Front de libération national (FLN) s’organisa
fice de défense et à 10 heures de la même jour- pour mener à bien dans l’Algérois le processus
née, les Français lancèrent l’assaut final et se du déclenchement de la lutte armée, le
rendirent maîtres des lieux. Ce fut la chute qui 1er novembre 1954. Alger Centre, Belcourt, la
sonna le glas de la présence turque à El Djezaïr. Casbah, Bab El Oued,... connurent une activité
L’empire ottoman se trouve ainsi dépossédé de armée sans commune mesure tant du point de
son « joyau » méditerranéen. Le lendemain de la vue virulence que stratégie. Les actions histo-
prise du fort, la capitulation du dey fut ponctuée
riques de fidayine et de moussebels portèrent
par la signature d’un acte dans lequel furent
des coups durs à l’ennemi. Les affrontements et
consignées les conditions de reddition, acte éta-
les combats que livrèrent les Algérois contre les
bli par le général De Bourmont. Ce fut le début
militaires des généraux français dépêchés à
de l’occupation de la ville d’El Djezaïr et l’en-
Alger furent sanguinaires pour les colons qui
tame d’une nouvelle ère coloniale. La présence
connurent des pertes énormes tant humaines que
coloniale française à El Djezaïr fut caractérisée
matérielles. Siège du Comité de coordination et
par une gouvernance de type militaire et pour
cause, les impératifs d’expansion et de préser- d’exécution (CCE) du FLN, Alger est érigée en
vation des acquis ne purent se concrétiser que Zone Autonome (août 1956). Au cours de l’an-
grâce à un maintien de l’autorité aux mains des née 1957, Alger devint une zone opérationnelle
militaires qui étaient aux premières loges des et le théâtre d’une lutte sans répit. De janvier à
événements. Ce n’est que lorsque l’assise d’oc-
cupation fut un tant soi peu stabilisée que les
rênes de la gestion administrative de la nouvel-
le colonie furent confiées aux civils et que fut
scellée la séparation entre les deux régimes.
Suite à cela, la réaction des autochtones, même
si elle fut sporadique et pour certaines étouffées
dans leur cocon, fut sans relâche. Parmi les pre-
miers à avoir organisé et dirigé des mouvements
de résistance fut El Mokrani qui tenta de recou-
vrer la souveraineté de la ville en 1871, mais sa
tentative fut vaine. Dès lors, des poches de
révoltes déstabilisatrices s’organisèrent frap-
pant par à-coups l’ennemi.
Parallèlement à l’action armée, des mouve-
ments à caractère politique entrèrent dans l’arè-
ne pour combattre sur un autre front le coloni-
sateur. Parmi les précurseurs de cette forme de
l u t t e ,

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

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HISTOIRE

octobre de la même année, elle connut les mois des barricades par les activistes européens
les plus sanglants de l’histoire de la guerre de • 11 décembre 1960 : manifestations massives de la
libération ; c’est la dépression aveugle de masse: population dans les rues.• Mars 1961-
2 400 assignés à résidence, 4 000 disparus recen- Juin 1962 : Période OAS. • Avril 1961 : Putsch
sés officiellement, et des milliers d’autres introu- des généraux. • 5 juillet 1961 : manifestation
vables. Au demeurant, Alger fut, depuis le début pour le FLN..
de la révolution, le lieu privilégié d’événements Toutes ces actions armées et politiques
politiques importants, citons : présagèrent de l’avènement de la libération qui se
concrétisa le 5 juillet 1962 et Alger entra de
• 1er novembre 1954 : Actions contre les plain-pied dans une autre ère, celle de la liberté,
édifices de l’administration coloniale et des
du recouvrement de sa souveraineté et du
établissements économiques. • 19 mai 1956 :
développement.
grève générale des étudiants et lycéens.
• 28 janvier-4 février 1957 : grève patriotique
des « 8 jours » • 13 mai 1958 : manifestation CONSEQUENCES URBANISTIQUES
Comité Salut Public • Janvier 1960 : semaine DE LA PRESENCE FRANÇAISE

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

58
PATRIMOINE
CULTUREL

…Autour de cette zone centrale économique, une zone péricentrale, où se trouvent


les habitations, se dégage. Cet espace immédiat contigu à l’aire centrale était
occupé par les citadins privilégiés (commerçants, nobles, savants, membres de
la caste dirigeante,...).
III Patrimoine culturel

A ALGER nie, les transformations de la ville épousent un


La première période de l’Algérie coloniale urbanisme de conquête : aucun plan
(1830-1930) est consacrée au choc de deux d’aménagement n’est conçu ; occupation et
civilisations et la naissance d’une deuxième ville transformation des maisons qui se trouvent au
pour un même espace. De ce fait, la Médina subi- bas de la ville notamment ; destruction des souks
ra, à travers un long processus, des transforma- ; alignement des rues Bab Azzoun,
tions structurelles qui conduiront à sa marginali- Bab El Oued et de la Marine ; aménagement de
sation. Avant juillet 1830, la ville d’Alger intra- la Place Royale des rampes Rovigo et Vallée.
muros s’étend sur plus de 50 hectares. Il n’y avait De nouvelles modifications ont lieu au cœur
toutefois ni grande place publique ni espace per- de la vieille ville de 1864 à 1890 : Destruction de
mettant des possibilités de nouvelles construc- l’enceinte et des portes (1846), construction du
tions et la ville est enserrée à l’intérieur de 3 200 Front de mer (1860), percement des rues
m de longueur. A la suite de l’occupation colo- telles que la place de Chartres, rue de la Lyre, rue
niale, l’ancien Alger va changer. Dès les premiers Randon et la rue Marengo (1865-1892),
mois, la ville va connaître des démolitions en construction du boulevard Gambetta (1870).
chaînes pour Durant cette même période, une nouvelle encein-
permettre la réalisation d’une place d’arme : te est édifiée et de nouveaux espaces se consti-
«La place royale» et des voies carrossables pour tuent dans les faubourgs Est (quartier Isly) et
les engins militaires. Par ailleurs, les nouveaux Ouest (quartier Bab El Oued), pour créer la ville
occupants cherchent à loger les troupes et les dif- européenne. L’ancien Alger, pour sa part, perd
férents services de l’armée ainsi que les son statut de ville et devint un quartier sous l’ap-
«nouveaux arrivants». Durant la première décen- pellation de « Casbah » prenant ainsi la dénomi-

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

60
PATRIMOINE CULTUREL

nation de la Citadelle qui la surplombe. La


période 1880-1920 est celle de la croissance
urbaine, l’image d’Alger change considérable-
ment avec les nouveaux quartiers des hauteurs :
Telemly, Michelet, Mustapha supérieur. C’est
aussi la période de l’engouement pour le style
néo-mauresque, édification de la préfecture, de
la Grande Poste, du siège de la Dépêche algé-
rienne et des Galeries, en plus des maisons par-
ticulières. Entre 1920 et 1950, sont construits
plusieurs édifices officiels dont le siège du
Gouvernorat Général, l’Hôtel de Ville, et la
Maison de l’agriculture. La période 1952-1962
est celle de la politique des grands ensembles
HLM dont certains destinés à recevoir les habi-
tants de la Casbah, cité
Diar el Mahçoul, Diar el Saada, Climat de
France, Diar el Kef, Diar el Djemaa, etc. La
ville finit par atteindre les agglomérations sub-
urbaines d’El Biar, de Bologhine, d’Hussein
Dey, de Bir Mourad Raïs et autres et le tout for-
mera en
septembre 1959 le Grand Alger.
L’ARCHITECTURE D’ALGER nouveau processus d’urbanisation qui structure-
DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS ra le territoire de manière pérenne. Précisons en
La première période concerne l’architecture premier lieu que les villes traditionnelles s’or-
et l’urbanisme pré-islamiques qui se scindent en ganisent sur une aire géographique parfaitement
deux parties : la première a trait à l’architecture délimitée par un périmètre « urbain », le mur
autochtone avant la colonisation romaine, com- d’enceinte, élément architectural à caractère
prenant les deux grands territoires de l’époque, défensif, assurant la sécurité de la médina. Le
la Numidie et la Maurétanie, qui attestent l’exis- mur est percé de portes (bab) permettant le
tence de structures politiques et économiques. contrôle des relations intra et extra-muros. Les
Même si le patrimoine relatif à cette époque portes principales de la ville étaient reliées par
reste peu connu et souvent au stade archéolo- un axe identifiant l’artère principale de la ville.
gique, il n’en demeure pas moins que dans C’est souvent par rapport à cet axe directionnel
beaucoup de cas, les villes romaines ont eu que se développe et se cristallise l’activité éco-
comme assises les villes numides. La seconde nomique ; les principales institutions religieuses
partie est l’héritage romain à travers des villes et culturelles sont également dans le voisinage
comme Timgad, Djémila, Tipasa,... qui restent immédiat de ce parcours. C’est dans cette zone
parmi les plus importantes du Bassin méditerra- aussi que s’organise le souk de la médina. Cette
néen et qui témoignent du rôle joué par les cités aire commerciale est constituée de trois struc-
africaines dans ce cadre. La seconde période tures différentes. Une première structure
concerne le début du VIIIème siècle qui marque le concentrique formalise le « fondouk », abritant
d é b u t des activités aussi bien productives que com-
de l’islamisation du Maghreb central. merciales.
Le fait essentiel à retenir, mis à part l’enjeu Ces lieux représentaient principalement le
fondamentalement religieux, est le début d’un commerce de gros. Une deuxième structure

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

61
PATRIMOINE CULTUREL

concentrique non formalisée où s’identifie la distinguant par sa sobriété et par un judicieux


place souqaire ou «rahba» (place) est à vocation ordonnancement sur le site des maisons.
purement marchande. Ces places ponctuaient
souvent l’intersection des rues à vocation écono-
mique. La troisième et dernière structure trou-
vait son interprétation dans la simple juxtaposi-
tion des boutiques. Cette association topogra-
phique des infrastructures du support écono-
mique trouvait aussi son interprétation dans le
«souk linéaire» où chaque rue était spécialisée
dans un corps de métier ou type de commerce
(rue des bijoutiers, rue des cordonniers,...). Cette
zone commerciale représente souvent le cœur de la
médina.
Autour de cette zone centrale économique,
une zone péricentrale, où se trouvent les habita-
tions, se dégage. Cet espace immédiat contigu à Elle offre ainsi à tous se habitants soleil, vue
l’aire centrale était occupé par les citadins privi- sur la mer et le ciel, dans un cadre qui assure
légiés (commerçants, nobles, savants, membres la protection sociale tant individuelle que collec-
de la caste dirigeante,...). Au-delà de cette aire tive, mais aussi par la générosité et la richesse de
péricentrique, s’étendaient les zones résiden- ses espaces internes qui attestent d’une véritable
culture urbaine. La première période de l’Algérie
coloniale (1830-1930) est consacrée à la ren-
contre de deux civilisations (l’une musulmane et
l’autre occidentale) et la naissance d’une seconde
ville pour un même espace. L’une des consé-
quences de cette confrontation architecturale est
la perte de la médina de son statut de ville cen-
trale autour de laquelle la vie s’organisa pour
connaître des modifications qui l’éloigneront de
son rôle de ville incontournable et précipiter sa
marginalisation. Le nouveau projet met en pers-
pective la nouvelle ville et procède à la mise en
place des concepts et des lieux de la représenta-
tion de la puissance coloniale. Les grandes orien-
tielles jusqu’aux limites de la ville où résidait tations urbaines, impulsées par l’Etat, vont don-
la population la plus pauvre de la médina et où ner naissance à un nouvel ordre urbain, caractéri-
sont localisées les activités artisanales considé- sé par les tracés, plans d’alignement (exigé par
rées comme gênantes ou polluantes les militaires) et de gabarits, fondés par l’accessi-
(tanneurs,...). bilité mécanique, l’introduction de la façade
Enfin, la dernière structuration de la médina urbaine, le tout dans un système fortement hié-
est le lieu de représentation des instances écono- rarchisé. Alger coloniale va se développer paral-
miques, politiques et militaires. Palais et citadel- lèlement à la mer par la mise en place d’une
le (ou casbah) sont les structures identifiant ce architecture qui aura pour objectif d’unifier la
p o u v o i r. P o u r l ’ a r c h i t e c t u r e o t t o m a n e , ville traditionnelle et la ville coloniale à travers
la médina d’Alger comme exemple reste un une façade unique. L’exemple le plus frappant
modèle d’organisation de l’espace urbain carac- est celui de l’ex-
térisée par une architecture de grande qualité se boulevard de l’Impératrice, actuels boulevards

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

62
PATRIMOINE CULTUREL

Zighout Youcef et Ché Guevara, véritable


balcon de la ville, entamé en 1860 à l’occasion r i e u r .
de la visite de Napoléon III, achevé en 1866 A l’étage supérieur se trouve la salle de rédac-
et long de plus de un kilomètre. A la fin du tion et des typographes ainsi que la galerie en
XIXème siècle et le début du XXème siècle, l’archi- arcature donnant sur le boulevard Khemisti. Il
tecture sera traversée par un courant culturel, fut ensuite le siège du journal Alger
Républicain. Actuellement, une librairie occupe
l’« algérianisme », qui tentera d’initier une
les lieux.
recherche identitaire, à travers l’histoire et la LA GRANDE POSTE
culture locales. En faveur de cette conjoncture,
émergeront un certain nombre d’édifices publics La Grande Poste reste un édifice emblèma-
(la Medersa, la Grande Poste, les Galeries de tique de l’art néo-mauresque en Algérie qui a
France, actuelles Galeries algériennes). Ce cou- connu une impulsion remarquable sous l’autori-
rant a été impulsé par le gouverneur général té du Gouverneur Général Jonnart nommé en
Jonnart, favorable à une architecture inspirée du
langage de l’architecture mauresque, fortement
soutenu dans cette tâche par le Comité du Vieil
Alger, association créée en 1905, animée par
H. Klein et qui comptera parmi elle l’élite
intellectuelle algéroise.

LA LIBRAIRIE (EX-SIEGE DE LA
DEPECHE ALGERIENNE)
Ce bâtiment, édifié au début du siècle dans
la tradition du néo-mauresque, reste caractérisé
par son minaret à base carrée qui constitue un
élément de repère des deux avenues Khemisti et
Pasteur. Il a été réalisé en 1906 par l’architecte
H. Petit pour abriter le siège du journal
la Dépêche Algérienne avec la salle des rota-
tives, de pliage et d’exposition à l’étage infé-

1903. Celui-ci s’intéressant tout particulière-


ment à
l’architecture locale demanda aux architectes
Voinot et Tondoire de concevoir leurs projets
dans cette perspective. Ce qui donna la Grande
Poste. La grande caractéristique de cet édifice
remarquable transparaît à travers les deux
coupoles qui marquent l’articulation des angles
de la façade principale. La promotion de cette
architecture fut également soutenue par le
Comité du vieil Alger, une association qui
comptait parmi ses éléments les personnalités
les plus influentes d’Alger culturel. Le caractè-
re public du monument fait que l’architecture
devait tenir compte de la nécessité de dimen-
sions assez grandes en étendue et en hauteur.

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

63
PATRIMOINE CULTUREL

Les travaux débutèrent en 1900 et s’achevèrent


en 1908. L’entrée en haut d’un escalier, sous un
parvis décoré de trois arceaux et la galerie supé-
rieure à colonnes jumelées ne sont la reproduc-
tion d’aucun monument arabe. En entrant, l’im-
pression première qu’on éprouve résulte non seu-
lement du charme du décor, mais aussi de l’am-
pleur même de celui-ci. Ce qui attire de prime
abord c’est la coupole dont la superbe décoration
entrelacs rayonnant jaillit du centre où s’ac-
croche un pendentif, pour s’épanouir ensuite sur
un premier cercle paré de pommes de pin, puis
sur un second constellé
d’étoiles, et, enfin, sur cette admirable couronne
de stalactites. L’architecte M. Voinot a su et de type colonial, sur la rue Asselah Hocine.
utiliser les jeux de lumière qui, bien qu’abondan- L’organisation interne de l’édifice se fait
te parce que nécessaire, s’atténue à souhait en autour d’un patio qui distribue les espaces aux
certains endroits, combinant ces jeux d’ombre et différents niveaux. Cette construction a été
de lumière dans lesquels les architectes musul- l’œuvre, en 1908, de l’architecte attitré du
mans sont passés maîtres. Suivant la formule his- gouverneur général d’Alger Jonnart, en
pano-mauresque, le décor est polygonal, floral et l’occurrence H. Petit.
épigraphique. L’épigraphe est particulièrement
somptueuse, on la retrouve dans la décoration
extérieure de l’édifice. A l’extérieur, en panneaux L’AERO-HABITAT
verts courant le monument, sont gravés les noms L’aéro-habitat reste le bâtiment paradigma-
de la plupart des villes d’Algérie. Sous le tique de l’influence directe de Le Corbusier à
p o r c h e , a u t o u r d e s t r o i s Alger, au moins au niveau des relations qui lient
portes d’entrée, on peut y lire «le télégraphe et le les auteurs du projet à ce dernier. Les autres faits
téléphone l’ont créé». A l’intérieur, dans les car- plus marquants sont les similitudes des concepts
touches, en caractères koufis imitant une brode-
utilisés et forts ressemblants qui existent au
rie, sont transcrites les phrases suivantes : «Il n’y
niveau de l’unité d’habitation de Marseille et
a de puissant qu’Allah», «Le pouvoir éternel Lui
l’aéro-habitat qui peuvent se résumer ainsi : le
appartient». Enfin, au-dessus en hautes lettres
bâtiment ville, la fonctionnalisation spatiale, le
claires : «Allah est vainqueur». Cette dernière
rationalisme de l’espace, etc. Conçu par les
inscription se renouvelle en haut du mur et au
architectes P. Bourlier, J. Ferrer, Laloé et L. M.
pourtour du hall. Ce décor oriental, comme
presque toute l’architecture musulmane, recèle Miquel, cet édifice a été réalisé en 1955 pour le
un sens religieux : les lignes de la polygonée évo- compte de la Compagnie aérienne: Implantation
quent continuellement l’idée divine, le bouquet judicieuse et très discrète dans le site malgré
le symbole de la prière, le cyprès celui de la déli- s a h a u t e u r , a p p a r téme
ements en duplex,
rue commerçante au 10 étage offrant des vues
vrance de l’Homme, l’étoile un symbole d’ado- imprenables sur le panorama de la ville d’Alger.
ration. Le projet de l’«aéro-habitat» tire son nom d’une
société d’habitat à loyer modéré (HLM) regrou-
SIEGE DE LA WILAYA D’ALGER pant initialement des employés des ateliers
Le siège de la wilaya d’Alger est un édifice industriels de l’air ; par la suite, la société s’est
atypique du front de mer par la composition étendue aux autres employés fonctionnaires
de ses formes architecturales, arcs et coupoles d’autres administrations constitués principale-
donnant sur le boulevard et façade, plus austère ment par des fonctionnaires et certains représen-

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

64
PATRIMOINE CULTUREL

à forte déclivité et afin que les bâtiments ne


viennent pas enterrer des cours anglaises, des
murs de soutènement séparant les murs du bâti-
ment ont été aménagés. Les bâtiments se carac-
térisent par de grandes ouvertures offrant de très
belles vues sur le panorama d’Alger. La qualité
de cet édifice, dont furent à l’origine en 1950 les
a r c h i t e c t e s
L. Claro et J. Darbeda, est rehaussée par les
matériaux utilisés et par sa pureté de lignes.
Initialement, l’Ecole des Beaux arts était située
rue de la Marine, près de la Pêcherie.
La démolition du quartier jugé insalubre entraî-
na le lancement d’un concours d’architecture
pour une nouvelle école qui allait être le fleuron
de la culture artistique à l’échelle africaine. En
ce début des années 50, le concours fut rempor-
té par l’architecte Claro et le projet fut adopté
pour le site du parc Zyriab. Profitant du site for-
tement incliné, l’architecte a parfaitement bien
tants des professions libérales. Quatre édifices adapté les différents blocs selon leur fonction et
composent le groupe Aéro-habitat sur les hau- leur accessibilité. Noyé dans un somptueux jar-
teurs d’Alger, dans le parc Nalglaise, caractéri- din, l’édifice, de par son architecture modernis-
sé par un terrain fortement accidenté, mais ayant te rigoureuse inspirée par les frères Auguste et
l’avantage d’avoir des vues panoramiques sur la Gustave Perret et qui respecte la symétrie de
baie d’Alger. Deux parmi ces quatre édifices les l’architecture de la Renaissance dans
plus hauts comptant vingt-deux et seize étages, sa composition et ses plans, est un joyau
architectural.
se positionnent perpendiculairement aux
c o u r b e s
de niveau, sur une surface totale d’environ un
hectare et demi, le bâti occupe 22.34 % de la
surface totale. La concrétisation de ce projet ne
s’est pas faite facilement. En effet, celui-ci a
opposé, par le fait de dérogations qui lui ont été
accordées, un comité de défense des habitants
d’Alger et des futurs locataires par presse et
mairie interposée, où le problème central était
celui de l’habitat vertical appelé à cette époque
gratte-ciel.

ECOLE DES BEAUX ARTS


L’école nationale des Beaux arts, située sur
le boulevard Krim Belkacem, présente une
organisation spatiale en forme de H identifié par
deux ailes longitudinales et une aile transversa-
le, encadrant une cour d’honneur desservie par
un escalier assez imposant. Situé sur un terrain

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

65
PATRIMOINE CULTUREL

Perret frères. Le 5 novembre1958, Monseigneur


IMMEUBLE LAFAYETTE Perrin, archevêque de Cartage
Cet immeuble d’une hauteur de soixante- primat d’Afrique du Nord, bénissait les fonda-
quinze mètres est situé en plein centre d’Alger au tions et posait la première pierre. Le 25 mars
flanc d’une colline surplombant le boulevard 1961, la croix était hissée à l’extrémité de la
Meddad dont l’implantation est très prononcée flèche qui surmonte l’édifice. Le 13 décembre
sur le site d’Alger avec ses quinze étages. Cela 1962, l’église du Sacré Cœur était élevée au rang
démontre tout le génie des architectes à l’origine, de cathédrale. L’idée exprimée par les architectes
pour la construction de cette cathédrale est basée
sur le concept d’une tente. Dans cette optique,
Saint-Jean, dans l’Evangile,
affirme : « Dieu a planté Sa tente parmi nous ».
D’ailleurs, lorsqu’on se place au centre de
l’église, on aperçoit nettement le voile qui est
relevé par les piliers. Le mouvement est plus net
au-dessus et en arrière de l’autel où le majes-
tueux et souple velum est sous-tendu par quatre
gracieuses colonnes au galbe étonnant. Le terme
technique est «poteaux ». D’ailleurs, cela fait
penser à des roseaux, dont la coupe serait une
ellipse, qui tendent une tente légère. La rosace de
tour s’élève à 35 mètres du sol. Cette
immense coupole repose uniquement sur huit
piliers assis sur d’énormes champignons solide-
ment fondés par des pieux de 18 à 20 mètres sur
le grès souterrain. La longueur totale de la nef est
en 1950, de cet ouvrage. Il s’agit de M. Soliveres de 52 mètres sur une largeur de 35 mètres. Le
et A. Cazalet. L’immeuble Lafayette prend assise vitrail, une sublime décoration, court le long de
sur un socle en béton armé de 2 700 mètres car- l’édifice le coupant en deux, si bien qu’on pour-
rés qui constitue sa base contenant commerces, rait abattre les murs, la coupole resterait soutenue
studios et places de parking pour voitures dans la par ses piliers. L’ensemble du vitrail est un
partie centrale. Sur ce socle est aménagé un agréable jeu de couleurs (bleu, rouge, or, vert
jardin d’enfants. L’autre partie de l’immeuble est sombre,...). Aux quatre angles de
composée de quatre blocs de bâtiments desservis l’ouvrage, entre les piliers, se dresse une figure
par quatre escaliers et sept ascenseurs assurant la rappelant une manifestation de l’amour de Dieu
circulation verticale pour les sept appartements pour les Hommes. Le travail le plus délicat et
par étage. La caractéristique de cet immeuble est dont la finition rappelle le génie du maître de
l’utilisation d’une ossature métallique, sa struc- l’œuvre, fut l’alternance presque parfaite des
ture est composée de deux IPN jumelés espacés pierres qui sont disposées alternativement dans
de façon à recevoir les portes transversales les sens vertical et horizontal. L’œuvre artistique
et des IPN continus de façade à façade. la plus remarquable de la cathédrale est sans
conteste celle se trouvant en face de l’orgue (don
LA CATHEDRALE de la paroisse de Boufarik), en l’occurrence la
magnifique mosaïque datant du quatrième siècle
DU SACRE CŒUR qui orne le mur.
Le samedi saint du 5 avril 1958, les travaux C’est la seule mosaïque d’Afrique du Nord
commençaient sous la direction de MM. Minet et
qui fut datée (l’an 324). Elle provient de
Perret, gérants de l’entreprise de construction
la première basilique de Castrum tingitanum

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

66
PATRIMOINE CULTUREL

vers. Il aide à connaître les mouvements des


astres, les éclipses, les mouvements de la Terre
et les rythmes des saisons, la voie lactée et la
position du soleil dans notre galaxie. Le specta-
teur peut également observer les phénomènes
célestes de n’importe quel point de la Terre,
accélère les mouvements des astres du système
solaire et même lui donner l’impression de se dépla-
cer dans l’espace et dans le temps.

L’HOTEL EL AURASSI
Niché sur les hauteurs de la capitale, l’hôtel
El Aurassi, du haut de ses 13 étages, domine la
(Orléansville). Cette pièce unique de l’art chré- baie d’Alger. Espace de calme et de lumière, ce
tien antique est la plus ancienne représentation joyau de l’hôtellerie algérienne classé 5 étoiles
de l’Eglise sous la forme d’un labyrinthe. est l’escale idéale pour les voyages d’affaires et
d’agrément. En effet, l’hôtel est distant à 15 km
LA CITE DES SCIENCES
Pour ne pas rester en marge de la modernité
et à l’instar des grandes villes du monde, la
commune d’Alger Centre a initié un projet de
grande envergure à même de la faire entrer dans
le troisième millénaire par la grande porte. Il
s’agit de la Cité des sciences. Localisée sur le
boulevard Frantz Fanon, cette cité englobe un
grand nombre d’activités scientifiques, dont le
planétarium. L’ensemble est doté d’équipe-
ments et instruments de grande technologie tels
que le Starmaster, un appareil à précision méca-
nique et optique permettant la représentation du
c i e l
étoilé, du soleil, de la lune et des planètes ; des
projecteurs de diapositives montrant douze
panoramiques ; d’un projecteur vidéo RGB pour
la projection des scènes vidéo dont la source est
un disk laser ou cassette vidéo ; d’un équipe-
ment audio avec baffles, amplificateur de son et
mixeurs ; d’un studio son où se déroulent les
opérations d’enregistrement, de mixage, de l’aéroport international Houari Boumédienne
de filtrage et de synchronisation. Le planéta- et est situé à proximité des ministères, des
rium est un simulateur d’étoiles étonnament réa- banques, de l’ensemble des commerces et des
liste sous une voûte céleste et imposante sur sites culturels. Occupant une superficie totale de
laquelle un planétaire produit un ciel nocturne 125 850 m2 et une surface bâtie de 15 000 m2,
p u r . l’hôtel El Aurassi est une société par actions au
Le diamètre du dôme est de 17 mètres. Il permet capital de 1 500 000 000 DA. Disposant de 445
à près de 200 spectateurs, initiés ou non à chambres spacieuses et confortables dotées de
l’astronomie, de découvrir les mystères de l’uni- toutes les commodités à même de rendre le

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

67
PATRIMOINE CULTUREL

séjour des clients agréables, l’hôtel montre une colonie d’Afrique à suivre les cours de la
capacité en lits de 775. Le côté gastronomique nouvelle école de médecine. Dans ce même
local, une chaire sera fondée pour l’enseigne-
ment de la langue arabe pour les Europèens. Peu
après la médecine, l’arabe obtenait droit de cité
dans l’enseignement supérieur algérien.
En mai 1835, le ministre de la Guerre nom-
mait officiellement un corps professoral de trois
médecins, quatre chirurgiens et trois pharma-
ciens. On parvenait à créer un jardin botanique
de cinq à six cents plantes. La bibliothèque de
l’Ecole s’enorgueillissait de sept à huit cents
volumes. Mais au début de 1836, se répandait le
bruit de sa suppression prochaine. En juin de la
même année, Clauzel supprimait l’hôpital d’ins-
truction. Ainsi passèrent plus de dix ans au cours
desquels l’organisation militaire et administrati-
ve absorba l’essentiel des activités.
Ce qui demeura des Ecoles changea de
n’est pas en reste puisque trois restaurants locaux passant d’une rue à une autre, mais
proposent à l’appétit des voyageurs une gamme l’expansion et la reconnaissance de ces
de spécialités traditionnelle, internationale «institutions» prenaient de l’ampleur au fil des
et de poissons et fruits de mer avec un total de ans prouvant par là leur efficacité et surtout
1 000 couverts servis. Des bars feutrés ne man- qu’elles pouvaient rivaliser en qualité et en quan-
queront pas, en outre, de dépayser la clientèle. tité avec les Ecoles de France. Un nouvel espace
Pour agrémenter le séjour des clients, un devrait leur être affecté. C’est ainsi que le camp
ensemble de loisirs et d’espaces détente sont mis d’Isly, qui se trouvait dans la commune de
à leur disposition notamment une belle piscine Mustapha à quelque deux ou trois cents
entourée de magnifiques jardins, des courts de mètres de la porte d’Isly qui, depuis 1850, se
tennis en plein air, un shopping center pour les dressait non loin de la Grande Poste, fut choisi
petites courses, etc. Par ailleurs, l’offre de base pour l’érection du nouveau bâtiment. Fin 1884,
d e les travaux commençaient en un lieu que les
l’hôtel El Aurassi est l’organisation de banquets, Algérois dénommaient «le champ de navets». Le
conférences et congrès et ce, grâce à sa position budget alloué à ce projet dépassa largement les
de leader de par sa capacité en salles de réunion. deux millions et demi de francs. La construction
Toutes les salles sont équipées en matériel de donna lieu à un imposant corps de bâtiment de
sonorisation avec possibilité de traduction 120 mètres de long sur 12 mètres de profondeur
simultanée en quatre langues. avec quatre ailes de 32.6 mètres de longueur sur
9 de largeur.
L’UNIVERSITE D’ALGER L’inauguration eut lieu le 13 avril 1887.
Lundi 2 janvier 1832. Au pied de la colline de Et le 3 novembre 1887, c’était la première
Bouzaréa, le jardin du Dey : une grande habita- rentrée solennelle des quatre Ecoles sous la pré-
tion luxueuse datant de la seconde moitié du sidence du recteur Jeanmaire qui allait diriger
XVIIIème siècle, l’armée fondait dans l’ancienne pendant plus de vingt ans l’Académie d’Alger.
Régence le premier établissement français
L’évolution de l’effectif des étudiants ayant
d ’ e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r. E n d a t e d u
fréquenté cette nouvelle structure passa de 377
10 juin 1833, une note du ministre de la Guerre
en 1892 à 1605 en janvier 1909, c’est-à-dire la
autorisait les étudiants turcs, maures et juifs de la
veille de la fondation de l’Université d’Alger.

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

68
PATRIMOINE CULTUREL

reprise. C’est l’architecte de talent M. Louis


Tombarel qui élabore un plan prévoyant l’amé-
nagement d’une vaste bibliothèque au Parc des
sports des Tagarins. Après bien des
péripéties, ce projet est enfin adopté et la pose
de la première pierre de l’édifice eut lieu
le 10 avril 1954. Quatre ans plus tard,
le 12 mai 1958, la bibliothèque ouvre ses portes
au public. Situé dans un site enchanteur avec
une vue sur la baie d’Alger, le nouveau bâti-
ment, orienté vers l’est et vers la mer, s’étendra
sur une façade de 122 m de long sur 17 m de
haut. Les deux façades latérales mesurent 35 m
de long. Bâti à flanc de coteau, l’édifice, cou-
vrant une superficie de 4 800 m2, s’étend sur dix
niveaux différents avec trois étages en sous-sol
et trois en superstructure. La Bibliothèque
nationale d’Alger présente le double aspect
d’une bibliothèque nord-africaine, embrassant
LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE tout ce qui a trait à l’Afrique du Nord et l’Islam,
et d’une bibliothèque de documentation généra-
D’ALGER le à caractère encyclopédique. Des sections
Créée en 1835, par décision du ministre de la
Guerre, la Bibliothèque nationale d’Alger se
trouve être le plus ancien établissement culturel
de l’Algérie. Après avoir été hébergée dans de
nombreux «locaux», la Bibliothèque nationale
fut transférée, depuis 1863, dans l’ancienne rési-
dence du Dey d’Alger, Mustapha Pacha, l’un
des plus beaux spécimens de l’architecture
mauresque du XVIIIème siècle. En 1947, il fut
décidé la réorganisation de la Bibliothèque
nationale. En effet, la modeste bibliothèque fon-
dée en 1835 n’était plus à l’échelle des nou-
velles circonstances. L’énorme croissance
démographique, le développement de la scolari-
sation dans les trois degrès de l’enseignement,
les changements culturel et économique de
l’Algérie contemporaine créent des problèmes
et des besoins nouveaux sur le plan des biblio-
thèque et de la lecture publique. De plus, le
palais du Dey Mustapha est peu adapté à la
fonction qu’on lui attribua : pièces obscures et
mal aérées, salle de lecture exiguë, manque de
place face à l’accroissement des collections et,
enfin, taux d’humidité menaçant les ouvrages de
destruction. En 1949, la question de la construc-
tion d’une nouvelle bibliothèque est à nouveau

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

69
PATRIMOINE CULTUREL

annexes lui sont également rattachées telles que


la bibliothèque musicale et discothèque (12 000
partitions musicales et disques : opéras, musique
d’orchestre, musique de chambre,...), service de
microfilm et photocopie, exposition,... La
Bibliothèque nationale d’Alger peut accueillir
dans ses salles de lecture jusqu’à 600 lecteurs et
abrite plus de 2 millions de volumes dans un
rayonnage totalisant près de 17 km de long.

LE MUSEE NATIONAL
DES ANTIQUITES ET
DES ARTS ISLAMIQUES
L’idée de la création d’un musée historique
qui préserverait l’héritage culturel de l’Algérie
remonte à 1835. Mais ce n’est que le
19 avril 1897 que le musée national des
antiquités fut inauguré par le président français
Félix. Néanmoins, le musée commença à mosaïques et des bronzes découverts sur les
acquérir ses premières collections islamiques dès principaux sites archéologiques d’Algérie. Le
1846, collection qui s’est enrichie au fil des ans. reste du musée est occupé par les collections de
Le maréchal Bugeaud fut à l’origine, en 1846, de l’Occident musulman (Algérie, Tunisie, Maroc et
la création de la section islamique de ce musée. Espagne) et du Proche-Orient (Egypte, Syrie,
Situé au sein même du parc de la Liberté, le Turquie et Iran) qui sont venues s’ajouter à la
musée national des antiquités est le plus ancien
section antique à partir de 1846.
musée d’Algérie et d’Afrique. Avant l’indépen-
dance, il porta les dénominations suivantes :
musée des antiquités classiques et d’art LE PALAIS ZIGHOUD YOUCEF
musulman, musée Stéphane Gsell (éminent Les études de cet édifice par l’architecte du
archéologue, spécialiste de l’Afrique du Nord, gouvernement général français M. Darbeda ont
qui fut directeur du musée jusqu’à sa disparition débuté en 1912. La construction du palais,
en 1932), musée national des antiquités commencée en 1917, s’achèvera dans les années
classiques et musulmanes et, enfin, musée natio- vingt. Ce sont les «Délégations financières»,
nal des antiquités. Mais l’inauguration du nou- organisme institué par le gouvernement français
veau bâtiment qui porte le nom Arts en août 1898, en concession à la revendication
islamiques permettra la création d’une nouvelle d’autonomie financière des colons fortunés et
institution : le musée national des antiquités et puissants, qui réclamèrent en 1911 la construc-
des arts islamiques. Le musée national des anti- tion de ce qui devait être leur siège, sous le nom
quités comprend deux sections : le département de Palais Carnot. Après avoir abrité en 1945
des antiquités classiques dont la collection date l’« Assemblée financière de l’Algérie » qui avait
de 1835 et regroupe des sculptures, des succédé aux «Délégations», l’édifice devint en

LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

70
ALGER CENTRE
EN IMAGES
ALGER CENTRE VUE GENERALE

Vue du haut de l’hôtel Aurassi sur Alger Centre et sa légendaire baie


ALGER CENTRE VUE GENERALE

Alger... une ville à urbanisme


¡UM∂∞« WO∞“√ WM¥b± ...dz«eπ∞«
caractéristique

vK´ wß«¸Ë_« ‰e≤ s± …dE≤ Le port d’Alger, le plus important à


l’échelle nationale
¡UMO± ‰Ë√ dz«eπ∞« ¡UMO± d∂∑F¥
¡UMOL∞«Ë dz«eπ∞« WM¥b± Ídz«eπ∞« dDI∞« w≠ …¸Uπ∑K∞
¸œUI∞« b∂´ dO±_« ‰U∏L¢
dz«eπ∞« WM¥b± r∞UF± b•√

La statue de l’Emir
Abdelkader, l’un des
joyaux culturels
d’Alger Centre
APC ALGER CENTRE

Intérieur de l’APC
.qî«b∞« s± W¥bK∂∞« vM∂L

jL≤° ¸uØ¥b∞«Ë WßbMN∞«


.wØ߸u± w°d´
Architecture et
décoration de style
arabo-mauresque
APC ALGER CENTRE

.W¥bK∂∞« vK´ jGC∞« hIM¢ o°«u© fLî s± W∏¥b• W¥UM° vDßu∞« dz«eπ∞« W¥bK° WI∫K±

L’annexe de l’APC : un édifice de cinq étages au service du citoyen


LE SIEGE DE LA WILAYA

¸«dCîù« jßËdBI∞UØ W¥ôu∞« dI± o∞Q∑¥


Le siège de la wilaya s’étend tel un palais
au milieu d’une ambiance
verdoyante

L’inauguration a eu lieu en 1908


1908 ÂU´ ‹bO®
APN

Façade principale de l’édifice


vM∂LK∞ WOºOzd∞« WN§«u∞«

Ce siège avait été édifié L’éclairage naturel …¡U{ù« vK´ ¡UM∂∞« w≠ bL∑´≈
en 1950 pour abriter
ÍbK° ‰e≤ ÊuJO∞ 1950 w≠ dIL∞« «c≥ UA≤« à travers des baies vitrées
géantes est la touche
‹UN§«u∞« WDß«u° WOFO∂D∞«
l’Hôtel de ville
particulière de l’architecte WFß«u∞« b≠«uM∞«Ë Wπ§eL∞«
APN

L’un des accès latéraux du bâtiment


vM∂LK∞ WO∂≤Uπ∞« qî«bL∞« b•√

W•uK∞«ËW¥d≥eL∞« ,WO{¸ô«
ôUL§ f≠UM∑¢ n∫¢ Àö£

Les décorations du sol


et des murs rivalisent
en beauté
APN

A architecture originale, décor somptueux : les deux offrant une parfaite harmonie UI≤˸ t∑ßbM≥ b¥e¥ vM∂L∞« ¸uJ¥œ

Salles de réunion au décor du XIXème siècle 19 sdI∞« ¸uJ¥b° X U´UL∑§ö∞ sU≤uKUÅ


APN

Fresque murale représentant la bravoure


et la cavalerie WOßËdH∞«Ë W´UπA∞« q∏L¢ W•u∞ W•uK∞« s± V≤U§
Un détail de la fresque

t° oOK¥U± sظ qJ∞ dO∑î≈


A chaque coin son ornement :
une démonstration de goût et de finesse
CNA

Accès principal du W±_« fKπL∞ wºOzd∞« »U∂∞«


Conseil de la nation

Les arcades, principale caractéristique W¥d∫∂∞« WN§«u∞« WOÅUî w≥ ”«uÆ_«


du côté de l’édifice donnant sur
le front de mer »U∂∞« ‹UM¥e∑ s± ¡eπ
Détail d’un ornement
de la porte
CNA

Un vase ornant
le centre du hall uN°∞« jßu∑¢ WKÆ

Hall du siège du Conseil de la nation W±_« fKπL uN°

“¸U° X∫M° WO±uO∞« …UO∫∞« q∏L¢ uN∂∞« wK∑F¢ w∑∞« W¥¸«bπ∞« WKI∞« w≠d© s¥e¥ g∂Ø ÊËdI° q§d∞ t§Ë
Sculpture murale retraçant la vie quotidienne Un masque d’homme aux cornes
de bélier ornant l’anse du vase
CNA

fKπL∞« v∞≈ ÍœR¥ o«Ë¸ ‹«dL¢RL∞« ‚UM∑´ù 1927 w≠ QA≤√ vM∂LK∞ ‰Ë_« o°UD∞« w≠ b§u¥ wºOzd∞« Êu∞UB∞«
Couloir menant à l’intérieur de l’hémicycle Le salon, situé au premier étage, fut inauguré en 1927 pour abriter des conférences

Les toiles murales ornant le salon représentent différentes régions de


l’Algérie
W¥¸«b§ ‹U•uK° Êu∞UB∞« Ê«db§ qØ XM¥“
dz«eπ∞« oD UM± ·K∑î± q∏L¢
CNA

Décoration en bas relief “Ëd∂∞« b¥b® dO¨ œuL´ ÃU¢


du sommet d’une colonne

Détail du revêtement du sol WO{¸ô« s± qOÅUH¢

b¥d≠ ÊUJ± w≠ …b¥d≠ W∑∂≤ nIº∞« s± qOÅUH¢


Plante rare dans un lieu original Détail du plafond
LA GRANDE POSTE

La Grande Poste : un témoin vivant de l’art néo-mauresque b¥bπ∞« wJ߸uL∞« sH∞« r∞UF± r≥√ b•√ ÍeØdL∞« b¥d∂∞«

A chaque motif des sculptures son originalité ’Uî œ«dH≤≈ p∞UM≥ ‹U®uIM∞« s± ¡e§ qØ w≠
LA GRANDE POSTE

b¥d∂∞« dI± qî«b± s± qîb±


oßUM∑∞«Ë WÆb∞« w≠ ‰U∏±
L’un des accès de la poste,
un exemple de la complexité
et de l’harmonie
Son architecture et sa décoration confèrent
WO°dF∞« …¸ULF∞« qØ w≠ wIOI• œ«dH≤≈ UN∑KF§ UN¢UM¥e¢Ë UN∑ßbM≥
à l’édifice une originalité

Ê«¸bπ∞« s¥e¥ ·dîe± ·eî b¥d∂∞« dI± s¥e¥ œuL´ ÃU¢ w°dG± ÊUM≠ ·d© s± W¥¸«bπ∞« ‹UîuºM∞« ‹eπ≤«
Revêtement mural aux couleurs chatoyantes WÆb∞« w≠ W¥U¨ t®uI≤ ...‹öÅ«uL∞«Ë
Les décorations calligraphiques ont été réalisées
Décoration d’une colonne du siège par un artiste maghrébin
des télécommunications à la
précision sans commune mesure
L’UNIVERSITE D’ALGER

wKß≈ qI• w≠ dz«eπ∞« WF±U§ XOM° 1887 q¥d≠√ 13 w≠ XM®œ


L’université d’Alger fut édifiée dans le champ d’Isly L’inauguration a eu lieu le 13 avril 1887
L’UNIVERSITE D’ALGER

W∂∑JL∞« v∞≈ ÍœR¥ øœ lß«ËË rª{ ¡UM° dz«eπ∞« WF±U§


Escaliers menant à la bibliothèque Un édifice vaste et spacieux

bß√ q∏L¥ dz«eπ∞« WF±U§ w≠ s¥e¢ dL•_« VAª∞« s± W°«u° WF±Uπ∞« w≠ dO∂Ø VOB≤ ¸«dCîû∞Ë
Portail en bois rouge Les espaces verts occupent une
Une sculpture décorative part importante de l’édifice
représentant une tête de lion
LA CITE DES SCIENCES

d¥bI∑∞« o∫∑º¥ “Uπ≤≈ ... ÂuKF∞« WM¥b±


La Cité des sciences... une louable initiative
LA CITE DES SCIENCES

Le bâtiment longe le boulevard Frantz Fanon Êu≤U≠ f≤Ëd≠ Ÿ¸U® w≠ WM¥bL∞« lI¢

b±UÅ ‰«e¥ U± oO∑´ ¸«b§


v∞≈ œuF¥ ,WM¥bL∞U° b§u¥
1853 WMß
Un mur imposant datant
de 1853 se dresse au sein
même de la Cité
LA CITE DES SCIENCES

La Cité abrite trois édifices : un central, un cubique et un en forme d’étoile wLπM∞«Ë VFJL∞« ,ÍeØdL∞« vM∂L∞« : w≤U∂± Àö£ WM¥bLK∞

Une architecture moderne …dJ∑∂± W¥dB´ WßbM≥ wß«¸Ë_« ‚bM≠ s± ÂuKF∞« WM¥b± vK´ …dE≤
visionnaire
Vue du haut de l’hôtel Aurassi sur
la Cité des sciences
LA CITE DES SCIENCES

Gravure rupestre représentant différentes sciences universelles


exécutée par l’artiste Derbal Sedik
o¥bB∞« ‰U°¸œ ÊUMH∞« “Uπ≤≈ s± ÂuKF∞« nK∑ª± q∏L¢ W¥¸«b§

Détail de la décoration murale W¥¸«bπ∞« s± ¡e§ ... ÂuπMK∞ Íd≥UE¢ ¡UC≠ w≥ WOJKH∞« W∂I∞«
¡UCH∞« w≠ WK•d° UM≥ l∑L∑º¢
Le dôme : un espace de défilement
pour les étoiles offrant un merveilleux
voyage sidéral
LE CINEMA ALGERIA

Âö≠_« ÷d´ vK´ …Ëö´ ”¸«bL∞U° WÅUî ‹U©UA≤Ë ‹«d≥UE¢ ULMº∞« sC∑∫¢
Outre la projection de films, le cinéma Algeria abrite également de nombreuses manifestations et activités culturelles scolaires

WOØ–Ë WKOL§ WI¥dD° WOKî«b∞« ‹U•UºL∞« XKG∑ß≈ Deux escaliers menant


à la salle de projection ÷dF∞« W´UÆ v∞≈ ÊU¥œR¥ ÊULKß
L’espace intérieur a été exploité de façon rationnelle alliant
utilité et esthétique
LES STADES

Vue sur une partie du stade Ouaguenouni w≤uMÆ«Ë VFK± s± V≤U§

VFKL∞« s± V≤U§ W{U¥¸ qJ∞ hBî


,vDßu∞« dz«eπ∞« W¥bK∂∞ …b¥bπ∞« ‹«“Uπ≤ù« b•√ W§u°“ sO´ VFK±
A chaque discipline sportive son espace ...UC¥√ ‰uNJ∞«Ë »U∂AK∞ w{U¥¸ ¡UC≠
Stade Aïn Zeboudja : un nouvel espace pour les jeunes parmi
tant d’autres dont fut à l’origine l’APC d’Alger Centre
LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE

Une des salles de lecture WOM©u∞« W∂∑JL∞« w≠ W≠d®

WOM©u∞« W∂∑JLK∞ WOKî«b∞« …bL´_« XOD¨ wM¨ wLK´ ¡U{H w≥


dL•_« VAª∞U° UOHB≤ Un riche espace scientifique
Le revêtement des colonnes a été réalisé
en bois rouge
LE MUSEE DES ANTIQUITES

n∫∑L∞« bF¥
w≠ ÂbÆ_«
UOI¥d≠≈Ë dz«eπ∞«

Le musée des
antiquités est le
plus ancien
musée d’Algérie
et d’Afrique
LE MUSEE DES ANTIQUITES

W¥d∫∞« WI¥b•qî«œ n∫∑L∞« b§u¥ Façade datant de l’époque coloniale à architecture de style
Le musée est localisé au sein même du parc de la Liberté arabo-musulman

jL≤ fHM° WN§«u∞« XOM° ,WO±ößù« ÊuMH∞« n∫∑± qîb±


WL¥bI∞« ¸U£ü« WN§«Ë
Un style architectural identique pour la façade
des deux musées
LE MUSEE DES ANTIQUITES

jL≤ vK´ ͸ULF∑ßù« bNF∞« w≠ WN§«u∞« Ác≥ ‹eπ≤√


Ãd°( UO≤uI®Ë¸ ,`∞UB∞« w´«dK∞ e±d¢ WO∫Oº± WºOMØ s± WOzUºHOº≠ W•u∞
WO±ößù« WO°dF∞« WßbMN∞«
œöOL∞« q∂Æ f±Uª∞« ÊdIK∞ œuF¢ ,)Íd∫∂∞«

Mosaïque provenant d’une basilique chrétienne de Rusguniae


Vue du musée sous un autre angle n∫∑L∞« s± dî√ V≤U§ (Cap Matifou) représentant la légende du bon pasteur
(Vme siècle ap. J.-C.)
LE MUSEE DES ANTIQUITES

Une des salles d’exposition ÷dF∞« W´UÆ vK´ W± U´ …dE≤

,`OºL∞« bOºK∞ l∂º∞« ‹«eπFL∞« bºπ¥ ÂUîd∞« s± ‹u°U¢ WN∞û∞ WOHB≤ …¸uÅ UNOK´ …d§ ,Êu≠˸uKK° …¸uDß√ tOK´ gI≤ ÂUîd∞« s± ‹u°U¢
f∞ œ w≠ b§Ë ,ÍœöO± l°«d∞« ÊdI∞« ¸UªH∞« s± W´uMB± ,XO≤U¢ Êu≠“√ w≠ b§Ë,ÍœöO± Y∞U∏∞« ÊdI∞«
Sarcophage représentant les sept miracles du Christ q∂Æ f±Uª∞« ÊdI∞« v∞≈ œuF¢ Sarcophage représentant la légende du héros
(Dellys, IVe siècle ap. J.-C.) qI∞« w≠ ‹b§Ë ,œöOL∞« mythologique de la vaillance et de la force
Bellérophon (Azzeffoun, 3ème siècle ap. J.-C.)
Cruche trilobée sur le col
de la déesse Tanit datant
de la période punique
(Collo, Ve siècle ap. J.-C.)
LE MUSEE DES ANTIQUITES

Mosaïque représentant le dieu Océan ÊuOßË√ t∞û∞ WOzUºHOº≠ W•u∞ Mosaïque représentant les quatre sai- q∏L¢ WOzUºHOº≠ W•u∞
barbu entouré par quatre néréides che- œuF¢ d∫∂∞« fz«dF° ◊U∫± sons par des personnages en bustes œuF¢ ,WF°¸_« ‰uBH∞«
vauchant des animaux marins (Sétif, ÍœöO± l°«d∞« ÊdI∞« W¥UNM∞ (Tebessa, IIe siècle ap. J.-C.) ,ÍœöO± w≤U∏∞« ÊdIK∞
fin du IVe siècle ap. J.-C.)
nODº° ‹b§Ë Wº∂¢ w≠ ‹b§Ë

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.UB´ vK´ TJ∑¥ Ë bOÆUM´ s´ …¸U∂´ ÁdF® W∫¥dº¢ ,WMODMºÆ w≠ b§Ë vK´ wM° ,w±ößù« rºI∞« w≠ dîQ∑± wIO≤u°
b¥bπ∞« wJ߸uL∞« “«dD∞« Stèle dédiée à la déesse
Statue en marbre, datant de la période, représente Bacchus, dieu du vin Tanit (punique tardif)
et de l’immortalité, coiffé d’une grappe de raisin et appuyé sur un thyrse Escaliers de style néo-mauresque
(Découverte à Constantine). menant à la salle d’exposition
section musulmane
ECOLE DES BEAUX ARTS

Le siège de l’Ecole depuis 1881 1881 cM± dIL∞« «c≥ W߸bL∞« ‹bª¢«

Du haut de la principale place de l’Ecole, une vue imprenable ¡UMOL∞«Ë WM¥bL∞« vK´ qD¢ …dO∂Ø ‹U≠d® W•UºK∞
sur la ville d’Alger et son port
ECOLE DES BEAUX ARTS

Statue " les Orphelins " ÊULO∑O∞« ‰U∏L¢ tM¥e¥ ‰U∏L¢ ÊUظô« s± sظ qJ∞ ËbMLK° ÊUMHK∞ dπ∫∞« s± ŸuMB± ‰U∏L¢
A chaque coin de l’Ecole, W߸bL∞« ÁcN∞d¥b± ÊUØ ÍcK∞«
une statue orne les lieux Statue en pierre : œuvre de l’artiste
Belmondo, ancien directeur de l’école

WKOLπ∞« ÊuMH∞« W߸b± WI¥b• w≠ b§u¢ w≤UL∏F∞« bNF∞« s± l±Uπ∞ WOºOßQ¢ W°U∑Ø rC¢ W¥¸UØc¢ W•u∞ ¸u©«d∂±ù« s°≈ ”u≤U¥¸œU≥ ¸u©«d∂±û∞ XF{Ë WO≤U±Ë¸ WAÆU≤
Transcription datant de la période ottomane désignant v∞≈ UC¥√ XßdØË 16 …dLK∞ WO∂FA∞« WDKº∞« t∞ X≤UØ ”u≤U¥d©
un texte inaugural d’une mosquée fDº¨_« ·d© s± ÷uHL∞« bzUI∞« u∞u∂O∂±√u¥¸U≠ uOØu∞
L’inscription est dédiée à l’empereur Hadrien (117-138 ap.
J.-C.), fils de l’empereur Trajan, petit-fils de l’empereur
Nerva. Il est auguste et il est le grand pontife (prêtre), il a la
puissance tribunicienne pour la 16ème fois ; il est consul pour
la 3ème fois et il est le père de la patrie. L’inscription est
également dédiée à Lucio Vamo Ambibulo. Il est légat
d’Auguste et propreteur (commandant) dans la 3ème légion
d’Auguste.
HOTEL EL AURASSI

L’hôtel Aurassi domine les hauteurs de la capitale WLÅUF∞« w∞U´√ w≠ l°d∑¥ : wß«¸Ë_« ‰e≤

eOL± ¸uJ¥b° ‰U∂I∑ßù« uN° WF∑L∞«Ë W•«dK∞ ÊUJ± wß«¸Ë_« ‰e≤ `∂º± tO≠d∑∞«Ë W•«d∞« qzUßu° ·dG∞« qØ ‹œË“
Hall de réception La piscine, un lieu de détente Les chambres sont dotées
au décor somptueux et de loisirs de toutes les commodités
HOTEL SAFIR

Des personnalités politiques et artistiques ont séjourné dans cet hôtel …dON® WOM≠Ë WOßUOß ‹UOBª® ‚bMH∞« «c≥ vK´ ‰Ë«b¢

qD¢ s¥e°«¸b° WM¥e±Ë Wπ§e± ‹U≠d® ‰eMK∞ ¡UØc∞« VF∞Ë Z≤dDA∞« …«uN∞ W´UÆ sOK°U® w∞¸U® rNMO° s± dO≥UA± …b´ U≥œU¢¸≈ W≠d¨
‰U∂I∑ßô« uN° vK´ Salle réservée aux amoureux Chambre ayant accueilli de nombreuses
L’hôtel dispose de chambres dotées des jeux d’échecs et de jeux de réflexion célébrités dont Charlie Chaplin
de grandes baies vitrées donnant
sur le hall central
LA MOSQUEE EL WARTILANI

Façade principale Vue d’une partie de la mosquée bπºL∞« s± V≤U§


bπºLK∞ WOºOzd∞« WN§«u∞« s± ¡e§
de la mosquée

Salle des prières œUF°_« WFß«Ë …öB∞« W´UÆ oKF± w∂Aî rKß ‹U®uIM° qî«b∞« s± W∂I∞« XM¥“
Escaliers suspendus en bois
¡«e§√ 8 v∞≈ ‹√e§Ë WIOÆœ
La coupole de la mosquée
au décor majestueux
LA MOSQUEE EL WARTILANI

La mosquée fut bâtie dans un style architectural particulier …eOL± WßbM≥ bπºLK∞

vzU± l∂M±
·eª∞U° s¥e±
·dîeL∞«
Fontaine
d’eau aux
couleurs vives

Détail d’une mosaïque wHC¢ WOºOzd∞« U¥d∏∞«


ornant une colonne
œuL´ vK´ W≠dî“
ÊUJL∞« vK´ UI≤˸
à l’intérieur
Le somptueux lustre
central illumine les lieux
de ses mille feux
LA CATHEDRALE DU SACRE CŒUR

…eOLL WßbMN° rª{ vM∂L , øUª∞« s± WO∞«¸b¢UJ∞«


L’architecture de la cathédrale recèle
un trait particulier

La Tente, une impressionnante Le siège du pape nIß _« wßdØ


UM≥ WOK§ WLOª∞« `±ö± Ëb∂¢
œuvre
LA CATHEDRALE DU SACRE CŒUR

”dJ¢ …¸uÅ ÷dF¢ vM∂L∞« U¥«Ë“ s± W¥Ë«“ qØ p¥¸U≠u° WO´¸ W∂≥ ,s¨¸_«
¸uJ¥b∞«Ë WßbMNK∞ dî¬ qJ® W∂I∞« s± YF∂ML∞« ¡uC∞« wDF¥
ÁœU∂F∞ Áüù« V•
La lumière traversant la coupole confère A chaque coin des lieux, une L’orgue, un don de
à l’intérieur une ambiance particulière représentation montrant la manifestation la paroisse de Boufarik
de l’amour de Dieu pour Ses Hommes

vºO´Ë r¥d± ¡«¸cF∞« ‰U∏L¢


¡UºHOºH∞« bF¢Ë l°«d∞« ÊdI∞« v∞≈ ¡UºHOºH∞« Ác≥ œuF¢
)324( a¥¸U∑° WLKFL∞« WO∞ULA∞« UOI¥d≠≈ w≠ …bO•u∞« Âöº∞« ULNOK´
s uO∞u° U≤ ·d© s± ÈbN± ,»U∑Ø qL∫¥ dº≤
Aigle portant un livre : un don de Napoléon Statue de la Vierge
Cette mosaïque est la seule d’Afrique du Nord qui
Marie et de Jésus
fut datée (an 324)
L’AERO-HABITAT & IMMEUBLE LA FAYETTE

WI∂© 15 ‡° rª{ vM∂± ‹U¥U≠ô L’aéro-habitat domine sur 75 m de haut  75 t∞u© mK∂¥ Ê«dOD∞« vM∂±

Du haut de ses 15 étages,


l’immeuble Lafayette
se dresse tel un géant en béton
LES JARDINS D’ALGER

s± V≤U§
W¥d∫∞« WI¥b•
Vue sur une
partie du parc
de la Liberté
LES JARDINS D’ALGER

W¥d≥e∞« W´Uº∞« WI¥b• Ë√ w∑ºOLî WI¥b• oz«b∫∞« s± U≥dO¨ s´ …eOL± UN∑KF§ WI¥dD° WI¥b∫∞« XLLÅ
Jardin Khemisti ou jardin de l’horloge florale Le parc de la Liberté : sa conception particulière
le distingue des autres parcs de la ville

Entrée du parc Sofia UO≠uÅ WI¥b• qîb± WLÅUF∞« oz«b• qL§√ Èb•≈ ‹ËdO° WI¥b•
Jardin Beyrouth : l’un des plus
beaux espaces verts de la capitale

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