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Théorie et expérience
Roméo et Juliette
Théâtre de S.
Introduction
I) Analyse des notions
Frère Laurent
Une théorie est un ensemble de propositions organisées en système, visant à donner une
Nourrice représentation discursive et rationnelle (c’est à dire cohérente, non-contradictoire, et
correspondant aux faits observés) d’un ensemble de phénomènes.
Le monde en 1945
L’expérience, c’est la mise en relation du sujet avec le réel.
Dissertation 1: reconstruction
Dissertation 3: Europe en 45 L’expérience du monde suggère qu’il existe des régularités que l’on fixe dans des
propositions (« Le soleil se lève à l’Est chaque matin. » par exemple). C’est l’étape de
l’induction : on passe de l’expérience et de la multiplicité des cas particuliers à la théorie
La raison et le réel
et à l’unité de la règle générale ou de la loi universelle.
Textes
Théorie et expérience
La théorie décrit donc l’expérience et cherche en elle des confirmations : c’est alors
l’expérimentation. La théorie nous guide pour scruter le réel et pour déterminer de quelles
Révolution galiléenne expériences nous avons besoin pour la tester et provoquer au besoin les phénomènes que
Comte, loi des trois états nous voulons connaître.
Le mot grec theoria signifie « contemplation » : en ce sens, la théorie est une vision
articulant le déploiement du réel dans sa présence et son évidence; mais le sens actuel ne
correspond pas exactement à cette étymologie car, pour les Modernes, une théorie est
plutôt un ensemble de propositions répondant aux exigences discursives de la raison qu’une
vision. Ajoutons que les Modernes mathématisent autant que faire se peut leurs théories
(notamment en sciences expérimentales), ce qui n’était pas le cas des Anciens, hormis pour
les théories astronomiques (Aristote développe par exemple une physique et une biologie
sans aucune mathématiques; les théories sont ici qualitatives et non quantitatives).
Le mot « expérience » vient, lui, du verbe latin expena, « essayer». Il est en rapport avec
le grec empeireia, « expérience », qui a donné le mot « empirique ». Est empirique ou a
posteriori ce qui a sa source dans l’expérience, ce qui vient de l’expérience.
Les Anciens concevaient la theoria comme compénétration du monde et de ses lois en quoi
la nature se rendait disponible à leur observation. Cette conception présuppose une
analogie et une harmonie de structure préétablie entre les choses du monde et la
représentation que l’homme s’en fait une analogie de la phusis et du logos, les lois de la
nature trouvant sans hiatus leur correspondant dans l’énoncé que l’homme peut en faire.
Pour la plupart, les Modernes pensent bien plutôt que cette correspondance n’est pas
établie a priori mais doit être produite par l’homme dans un effort pour faire
correspondre ses énoncés, ses discours, à la nature des choses.
Quelques Modernes, comme Nietzsche, pensent que les théories ne peuvent être que des
interprétations du monde, lequel ne se livre que dans des interprétations. Ainsi, il est vain
d’espérer trouver la théorie qui correspond exactement au monde, comme si ce dernier
était extérieur aux catégories et au langage que nous employons pour en discourir. Il n’y a
pas de faits ni un monde donné que nos théories devraient se charger de décrire. Il n’y a
que des interprétations dans lesquelles le monde lui-même se produit et construit.
Une théorie peut-elle être définitive théorie a-t-elle de la valeur même si elle n’énonce
aucune loi absolument universelle ? Il faut ici distinguer le général (qui vaut p, ou est-ce
toujours une construction provisoire?
Une théorie a-t-elle pour fonction d’énoncer des règles générales et des modélisations
utiles ou bien d’énoncer des lois universelles ? Une théorie a-t-elle de la valeur même si elle
n’énonce aucune loi absolument universelle ? Il faut ici distinguer le général (qui vaut pour
tous les êtres ou phénomènes particuliers relatifs à un même genre donné dans
l’expérience) et l’universel (qui vaut partout, toujours, pour tous les êtres ou phénomènes,
même en un temps et un lieu dont nous n’avons pas encore l’expérience).
La valeur d’une théorie doit-elle s’apprécier seulement à l’aune des certitudes plus ou moins
durables qu’elle permet d’énoncer ou bien sa complexité, son élégance, son inventivité
méthodologique sont-elles à prendre en compte, au-delà de son utilité et de son
efficacité? Faut-il par exemple adopter des critères esthétiques pour évaluer une
théorie?
Par ailleurs, cette évolution répond-elle aux seules exigences internes de la connaissance
ou bien aussi à des facteurs extérieurs d’ordre économique et social ?
L’expérience est-elle vraiment possible? L ‘homme n’est-il pas enfermé dans sa conscience
et en état de solipsisme permanent?
On pourra ici opposer les thèses de Descartes à celles des Phénoménologues pour
Descartes, c’est l’existence d’un Dieu vérace qui seule peut nous assurer que le monde
extérieur à nous existe réellement. (Cf. Méditations métaphysiques). Pour les
Phénoménologues, la conscience est ouverture même du monde ou alors elle n’est tout
simplement pas (Cf. Husserl : “Toute Conscience est conscience de quelque chose»).
Qu’est-ce qu’un « fait », qu’est-ce qu’une « donnée de l’expérience» ? Un fait, une donnée,
sont-ils effectivement donnés ou bien, justement, comme le nom « fait» l’indique,
fabriqués, construits ? L’expérience nous «donne»-t-elle quoi que ce soit ou bien est-ce
nous qui allons chercher et sélectionner ce dont nous avons besoin pour nos théories ?
L’expérience nous instruit-elle, ou est-ce la théorie qui informe l’expérience?
Une expérience est-elle ou non en mesure de réellement réfuter une théorie ? Ce dilemme
est appelé aussi “problème de l’existence d’une expérience cruciale».
Si A alors B, alors :
si A,
alors B.
En logique, dans certaines conditions, on peut aussi admettre le syllogisme par Modus
tollens:
Si A alors B,
Or (non)B,
Donc (non) A
Pour les empiristes — Bacon, Hume, Popper — je fais tous les matins l’expérience du soleil
qui se lève à l’Est mais cela ne signifie pas que la loi « Tous les jours le soleil se lève à l’Est»
est vraie. Cette loi est vraisemblable, jusqu’à preuve du contraire. On ne peut pas dire avec
certitude qu’elle est vraie mais on pourra dire avec certitude qu’elle est fausse le jour où,
le soleil ne se levant pas, elle sera réfutée (falsifiée dit Popper). Une unique expérience est
suffisante pour réfuter une théorie. L’experimentum crucis (l’expérience cruciale) décide
ainsi du sort de la théorie.
Pour les rationalistes (par exemple Pierre Duhem, La théorie physique), on tiendra pour
vraie la loi « Tous les jours le soleil se lève » L’expérience selon laquelle il ne se lève pas un
jour ne suffit pas à rendre caduque la loi. Elle aide seulement à expliciter les conditions
théoriques sous lesquelles celle loi est vérifiée. -Il n’y a pas d’expérience cruciale. Une
expérience ne peut réfuter une théorie. En revanche elle sert à l’améliorer.
Si l’on note que la théorie n’est pas qu’un édifice langagier mais qu’elle doit répondre aussi
aux exigences de la pensée rationnelle, le problème se complique encore car pourra-t-on
trouver une théorie qui articule ses concepts dans l’ordre du discours et aussi dans l’ordre
de la pensée exactement comme le réel s’articule dans ses éléments et ses événements ? Y
a-t-il ou non identité d’articulation entre pensée, langage et réalité? Le langage pourrait
trahir notre pensée du réel aussi bien que trahir le réel, c’est pourquoi la philosophie se
présente depuis au moins Socrate comme une critique et l’exigence d’une clarification du
langage” (Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus).
b) Problème de l’impossibilité relative de la connaissance
La connaissance est-elle impossible par certaines voies mais possible par d’autres ?
Qu’est-ce qui rend possible la connaissance (si toutefois la connaissance est possible) ? La
mise en forme théorique a priori ou bien la donation empirique (a posteriori) ?
Qu’est-ce qui vient en premier? La théorie ou l’expérience? Est-ce de l’expérience que l’on
induit la théorie ? Ou bien faut-il déjà avoir une certaine théorie pour percevoir les objets
de l’expérience?
Pour les premiers la connaissance est rendue possible par l’expérience et la donation
sensible.
Pour les seconds, la connaissance du réel est rendue possible par l’activité a priori de la
raison.
Kant tranche la querelle en montrant dans la Critique de la raison pure que “si toute notre
connaissance commence dans l’expérience, il ne s’ensuit pas qu’elle dérive toute de
l’expérience” : les intuitions sensibles et sensations donnent sa matière à notre
connaissance ; les concepts de l’entendement lui donnent sa forme.
c) Problème de l’induction
Pour les premiers, il est légitime d’induire de la multiplicité des cas particuliers observés
empiriquement l’unité intelligible de la loi régissant tel phénomène. L’induction est
l’opération qui permet la connaissance du réel.
Pour les seconds, la connaissance du réel n’est véritablement fondée que par la déduction.
L’induction ne peut fonder aucune connaissance assurée car la connaissance d’une
multiplicité de cas particuliers n’est en aucun cas la connaissance de tous les cas
particuliers et ainsi n’atteint qu’à une connaissance d’une relative généralité mais jamais à
une connaissance absolument universelle. La connaissance des phénomènes n’est possible
que si ces phénomènes peuvent se déduire et prévoir à partir de lois universelles et
nécessaires établies: avec certitude. De simples lois générales, obtenues inductivement à
partir de l’observation d’un certain nombre de cas particuliers sont insuffisantes et, à vrai
dire, ne méritent pas le nom de lois. (Cf. Kant, Seconde Préface de la Critique de la raison
pure).
d) Problème de la valeur relative de la théorie et de l’expérience
Si l’on peut penser une succession d’interventions de l’expérience empirique et de la
formalisation théorique dans les processus de connaissance, cela signifie-t-il qu’à cette
succession doivent être liés un ordre de préséance et une différence de dignité ?
IL ne faut pas oublier pourtant les très importants enjeux pratiques (sociaux, moraux et
politiques) liés aux valeurs relatives accordées à la théorie et à l’expérience. La théorie a-
t-elle davantage de valeur que l’expérience ou que la pratique ? Faut-il dévaloriser le
travail empirique des expérimentateurs et survaloriser le travail abstrait des théoriciens ?
Faut-il dévaloriser le travail manuel et survaloriser le travail intellectuel ? Faut-il mépriser
l’artisanat (supposé incertain, tâtonnant et inefficace car coûteux en temps et essais) et
louer seulement l’ingénierie ? Rappelons que la division du travail et les hiérarchies qui
l’accompagnent dépendent en partie des réponses ici apportées.
e) Problème relatif à la distinction entre théorie et pratique
Y a-t-il ou non une différence de nature entre connaissance et action, entre théorie et
pratique ?
La théorie est-elle un dispositif statique destiné à fixer dans une modélisation un état des
savoirs et de la spéculation ou bien est-elle un processus dynamique, une théorisation,
supposant l’activité constante d’un discernement, d’un jugement qui construit le monde en
même temps que les représentations qu’il s’en donne ?