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Journal de Chirurgie (2009) 146, 67—69

IMAGES EN CHIRURGIE

Plaie cardiaque par agent transfixiant


Cardiac wound by a transfixing agent: About one case

Y. El Bekkali a, M. Madani a,∗, A. Boulahya a, M. Drissi b,


M.A. Houssa a, C. Selkane a, H. El Kabiri c, A. Elkirat a

a
Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Rabat,
Maroc
b
Service de réanimation de chirurgie cardiovasculaire, hôpital militaire d’instruction
Mohammed V, Rabat, Maroc
c
Service de chirurgie thoracique, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Rabat, Maroc

Disponible sur Internet le 15 avril 2009

Les plaies cardiaques par agent transfixiant constituent un défi chirurgical car elles mettent
souvent en jeu le pronostic vital. Elles sont dominées par les plaies de la paroi antérieure du
ventricule droit (VD). Cependant, toutes les structures cardiaques peuvent être touchées
(cavités, vaisseaux, septums, tissu de conduction, valves) [1].
Le cas de plaie cardiaque que nous présentons a trois points originaux :
• le traumatisme du VD, du septum interventriculaire (SIV) et du ventricule gauche (VG)
a été crée par une barre métallique de 25 cm, qui est restée in situ ;
• le blessé a été évacué par voie aérienne par la première équipe qui l’a reçu, ne disposant
pas d’un plateau technique adéquat et située à plus de 1500 km de notre hôpital ;
• l’état hémodynamique du blessé était stable, contrairement à ce que l’on voit habituel-
lement dans les plaies cardiaques qui se traduisent cliniquement le plus souvent par un
état de choc hémorragique (malade blanc) ou une tamponnade (malade bleu).
Dans notre observation, la barre rouillée est restée in situ assurant l’hémostase.
L’homme, âgé de 24 ans, a été victime d’un traumatisme thoracique par barre métal-
lique, dans un but d’autolyse. Il a été admis au service des urgences, dans un état
hémodynamique stable, conscient (Fig. 1). Une radiographie thoracique et un angioscanner
thoracoabdominal ont montré le caractère transfixiant de la barre métallique qui, selon un
trajet oblique de bas en haut, d’avant en arrière et de droite à gauche, pénétrait la paroi
libre du VD et sortait par la paroi postérieure du VG. Il n’y avait pas de lésion associée
(Fig. 2).
À son admission dans notre hôpital, il était conscient, anxieux et stable sur le plan
hémodynamique avec une fréquence cardiaque à 95/min et une pression artérielle à
120/70 mmHg. La barre métallique pointait sous l’appendice xiphoïde et transmettait
les battements du cœur. L’auscultation cardiaque et pleuropulmonnaire était normale.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : mouhcine23ma@yahoo.fr (M. Madani).

0021-7697/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jchir.2009.03.001
68 Y. El Bekkali et al.

Figure 1. Cliché préopératoire : barre métallique pointant sous


l’appendice xiphoïde.
Figure 3. Vue opératoire : la barre métallique pénètre la paroi
antérieure du ventricule droit.
L’examen somatique n’a pas trouvé de lésion associée.
L’électrocardiogramme (ECG) a montré une tachycardie
Les plaies cardiaques sont le plus souvent une urgence
sinusale à 100/min sans signes d’ischémie, ni d’infarctus.
vitale nécessitant une chirurgie adaptée et orientée
L’échocardiographie transthoracique (ETT) a confirmé les
par un bilan lésionnel aussi complet que possible [1,2].
données de l’angioscanner et a mis en évidence une
L’angioscanner thoracique est utile chez les patients stables
communication interventriculaire (CIV) comblée par le corps
hémodynamiquement, qui doivent être monitorés et étroi-
étranger. Il n’y avait pas d’épanchement péricardique. Les
tement surveillés au moment de la réalisation de l’examen
valves auriculoventriculaires et ventriculoartérielles étaient
[3]. La vidéothoracoscopie est un outil diagnostique et
indemnes.
thérapeutique utile chez les patients présentant une plaie
Le patient a été admis au bloc opératoire 40 minutes
du thorax, stables hémodynamiquement. C’est une alterna-
après son arrivée. Une circulation extracorporelle (CEC)
tive à la fenêtre péricardique par voie sous-xiphoïdienne,
fémorofémorale a été débutée avant la réalisation d’une
pour l’exploration des plaies de l’aire cardiaque [1,4]. Le
sternopéricardotomie médiane verticale. Après clampage
patient instable hémodynamiquement doit être réanimé et
aortique, induction de la cardioplégie par la racine aortique
opéré urgemment [1,2]. Généralement, la voie d’abord est
et arrêt cardiaque, la barre métallique a été retirée prudem-
une thoracotomie antérolatérale par le cinquième espace
ment. Le bilan lésionnel a trouvé l’orifice d’entrée au niveau
intercostal gauche donnant un accès rapide aux ventricules,
de la paroi antérieure du VD (Fig. 3), l’orifice de sortie au
permettant, si nécessaire, de clamper l’aorte thoracique
niveau de la paroi postérieure du VG, au ras de l’artère cir-
[1]. Cette chirurgie urgente risque néanmoins de négliger
conflexe et une plaie de la plèvre médiastinale postérieure
des lésions intracardiaques dont l’évolution est imprévisible
(Fig. 4). Les plaies du VD et du VG ont été suturées par
et qui doivent être évaluées et opérées ultérieurement s’il
des points appuyés sur patch de péricarde autologue. Une
y a indication. Une CIV post-traumatique peut être fermée
atriotomie droite parallèle au sillon auriculoventriculaire
par cathétérisme interventionnel si elle est musculaire, à
a permis la découverte d’une CIV musculaire d’un centi-
distance des structures valvulaires [5].
mètre de diamètre (Fig. 5), suturée par deux points simples
Chez notre patient, la barre métallique, gardée in
appuyés sur du téflon. La sortie de CEC s’est faite sans pro-
situ, rendait la sternotomie dangereuse. Celle-ci n’a été
blème. Les suites postopératoires ont été simples. L’ETT de
réalisée qu’après installation d’une CEC fémorofémorale
contrôle à j10 a été normale. Le patient a été transféré en
de sécurité.
psychiatrie.

Figure 2. Angioscanner thoracique : le corps étranger est intra- Figure 4. Vue opératoire : l’orifice de sortie de la paroi posté-
cardiaque. rieure du ventricule gauche, passe au ras de l’artère circonflexe.
Plaie cardiaque par agent transfixiant 69

Figure 5. Communication interventriculaire (CIV) musculaire avant (à gauche) et après réparation par points patchés (à droite).

Devant toute plaie cardiaque par agent transfixiant [2] Jancovici R, Sockeel P, Ranoarivony T, de Kerangal X, Chapuis O,
resté in situ, celui-ci ne doit être retiré qu’en peropéra- Pons F. Traitement d’une plaie du cœur. J Chir 2003;140:161—6.
toire. [3] Zhang C, Hu J, Ni Y, Xu H. Successful salvage of post-traumatic
metallic foreign body partially retained in the posterior papillary
muscle of the left ventricle. Interact Cardiovasc Thorac Surg
2006;5:507—8.
Références [4] Lang-Lazdunski L. La vidéothoracoscopie dans les traumatismes
et plaies du thorax. Ann Chir 2003;128:75—80.
[1] Avaro JP, Grisoli V, Gariboldi V, et al. Plaies du cœur, [5] Pesenti-Rossi D, Godart F, Dubar A, Rey C. Transcatheter closure
prise en charge de chirurgie cardiaque ou générale ? J Chir of traumatic ventricular septal defect: an alternative to surgery.
2008;145:42—5. Chest 2003;123:2144—5.

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