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Creuzer, Hegel, Schelling (Galland) PDF
Creuzer, Hegel, Schelling (Galland) PDF
14 | 2011
La philologie allemande, figures de pensée
Mildred Galland-Szymkowiak
Éditeur
CNRS Éditions
Référence électronique
Mildred Galland-Szymkowiak, « La Symbolique de Friedrich Creuzer Philologie, mythologie,
philosophie », Revue germanique internationale [En ligne], 14 | 2011, mis en ligne le 24 octobre 2014,
consulté le 30 septembre 2016. URL : http://rgi.revues.org/1278 ; DOI : 10.4000/rgi.1278
1 La Symbolique et mythologie des peuples anciens, particulièrement des Grecs (première édition :
1810-1812)1 de Friedrich Creuzer (1771-1858) constitue une étape singulière de l’histoire
de la philologie. En ce qui concerne le matériau utilisé, Creuzer fait des récits
mythologiques2 et des représentations imagées des dieux (y compris sur les pièces de
monnaie, les vases, etc.) des objets d’étude philologique à part entière, au même titre que
les textes des auteurs antiques. Du point de vue de la méthode, la Symbolique s’inscrit dans
la conception dite scientifique des études mythologiques (par opposition à la conception
poétique), qui veut lier une approche historienne, empirique, et une interprétation plus
spéculative ou philosophique, tendant à la recherche d’une unité entre les différentes
mythologies3. Une telle approche aboutit souvent à mettre en lumière une origine
indienne de la mythologie grecque (Fr. Schlegel, J.A. Kanne). Mais si l’idée d’une influence
de l’Orient sur la Grèce (présente par exemple chez Herder, lu et cité par Creuzer) 4, si la
thèse d’une unité fondamentale des mythologies orientales (trouvée dans l’Histoire des
mythes du monde asiatique publiée en 1810 par Joseph Görres, collègue de Creuzer à
Heidelberg en 1806-1808), ainsi que l’alliance d’hypothèses spéculatives et de données
historiques ne sont pas proprement creuzériennes, ce qui l’est en revanche, c’est la mise
en ordre, dans la Symbolique, d’une masse réellement impressionnante de données
linguistiques, littéraires, historiques, mythologiques, artistiques et archéologiques –
l’organisation d’une documentation immense en fonction, d’une part, d’une conception
originale du rapport du mythe avec le symbole, et, d’autre part, d’une orientation
philosophique marquée par le néoplatonisme. La Symbolique veut découvrir le principe
systématique5 d’intelligibilité des mythes antiques : « Enquêter sur la cohésion et sur
l’esprit de la foi, de la poésie et de l’art plastique antiques, et faire voir dans les œuvres de
l’Antiquité le centre religieux dans lequel elles sont unies – voilà ce que je considère
6 2. Le deuxième livre, « Étude des divinités et du culte divin », voit à partir de la deuxième
édition, de manière significative, son titre modifié en « Étude ethnographique… ». Ses sept
chapitres fournissent une description raisonnée des grandes religions (occidentales et
orientales) de l’antiquité12 et de leurs figures mythologiques principales, s’appuyant
essentiellement sur des sources littéraires grecques, latines, ou parfois contemporaines.
Les rapprochements entre différentes religions sont fondés sur des analyses du contenu
des mythes (tout spécialement sur leur signification physique, leur lien aux phénomènes
et aux cycles de la nature), sur l’examen des noms et des étymologies, le repérage
d’attributs analogues d’une divinité à l’autre, la comparaison des rites religieux et sur des
hypothèses historiques plus discutables relatives aux déplacements géographiques des
mythes. Il est d’abord question des institutions religieuses des Grecs (ch. 1), puis (ch. 2 et
3) de la symbolique, de la mythologie et de la religion égyptiennes (qui reposent
essentiellement sur l’intuition de la nature) et de leur influence remarquable au Proche-
Orient (ainsi le mythe d’Osiris, dont F. Schlegel voyait l’origine en Inde, fait l’objet d’une
réappropriation par les Phéniciens et les Syriens, etc.). Le chapitre4 présente les religions
du Proche et du Moyen-Orient : Creuzer renvoie à la thèse de Görres affirmant, dans l’
Histoire des mythes du monde asiatique, « l’unité de l’intuition mythique des anciens
Hindous, Perses, Égyptiens, Phéniciens et d’autres peuples » et l’illustre sur des cas précis,
Cybèle, Adonis, Apollon et Artémis, ainsi que Héraclès qui est rapproché des dieux
solaires de l’Orient. Pour comprendre comment on passe des religions orientales à la
netteté des Olympiens, Creuzer examine ensuite la religion la plus ancienne des Grecs,
celle des Pélasges (ch. 5). Les Kabires, puissances cosmiques, y sont repérés comme la
figure de transition essentielle entre Phénicie et Égypte d’une part, Samothrace et les
Pélasges de l’autre ; ils réapparaissent dans la mythologie gréco-romaine (Asclépios) et
indirectement dans les mystères d’Eleusis. Alors que les contours des divinités
pélasgiennes étaient encore relativement flous, avec Homère et Hésiode « tout devient,
dans la religion grecque, plus clair et plus décidé »13, les dieux reçoivent chacun leurs
attributions propres et leur configuration autonome : Creuzer présente (ch. 6)
rapidement ce « système grec des dieux ». Le livre II se termine avec l’analyse des
religions italiques (étrusque, romaine) (ch. 7) dont on constate la proximité avec celles
des Pélasges et de l’Orient. Ainsi le contenu doctrinal enseigné sur Ptah à Memphis ou sur
Amon à Thèbes se retrouve à propos du Jupiter et Janus étrusque.
7 3. Le troisième livre commence après la préface du troisième volume. Creuzer reformule,
dans cette préface, l’une de ses idées récurrentes : ce n’est pas dans Homère qu’il faut
chercher la religion grecque originelle, les idées religieuses présentées par ce dernier « ne
sont pas les plus anciennes, elles sont la sécrétion poétique d’un stock d’idées qui avaient
davantage de contenu doctrinal qu’elles ». Ce stock, insiste-t-il, n’a pas été inventé par les
Grecs, mais leur a été transmis par les Asiatiques et les Égyptiens14.
8 Le livre III a pour thème « la doctrine grecque des génies et des héros », ainsi que
Bacchus, Pan, les Muses, Cérès, Proserpine et les Mystères. Il s’agit là de tout l’aspect
chtonien de la mythologie, que Creuzer est le premier à valoriser de cette manière : cette
« réhabilitation des mystères »15 occupe deux volumes ! Elle lui vaudra les critiques les
plus acerbes d’un côté, la postérité la plus enthousiaste de l’autre, « de Bachofen au jeune
Nietzsche, Klages, Frobenius, W. Fr. Otto, Kerényi »16. Après un premier chapitre traitant
des héros et des démons, dits aussi génies et que l’on retrouve dans les mystères, il
revient (ch. 2) sur l’un de ses thèmes favoris, celui des « religions bacchiques » c’est-à-
dire du culte de Dionysos sous ses multiples figures : derrière le récit allégorique du «
une période intermédiaire, celle de prêtres venus d’Orient qui indissociablement créent
les noms et les images des dieux et les interprètent, c’est-à-dire sont les premiers
instruments d’une révélation avec l’objet de laquelle ils tendent à se confondre. Ce
moment du symbolique est mis en perspective (ch.2) dans une typologie des discours sur
les choses divines (intuitif/discursif, symbolique/mythique etc.) et dans un essai de «
physique du symbole et du mythe » (ch.3) qui analyse le domaine iconique (ikonisches Gebiet)
– le domaine des images physiques et mentales – et ses fondements dans l’esprit humain ;
cette « physique » est donc en même temps une psychologie et une anthropologie, qui
présente l’imagé (das Bildliche) comme une forme caractéristique de la pensée humaine, et
différencie les figures du symbolique en fonction du type de rapport instauré entre la
forme de l’image et son sens. Le ch. 4 donne un important « tableau de l’iconisme » : il
s’agit d’une typologie du symbolisme pris en son sens le plus large. L’énumération des
différentes formes du culte – les configurations religieuses concrètes dans lesquelles vont
s’inscrire les formes du symbolique – précède un dernier chapitre qui met en place un
panorama historique des phases du symbolisme et de la mythologie, allant de la période
préhomérique, où domine le symbolique, c’est-à-dire l’intuition mystique en sa
fulgurance, à la période chrétienne ; entre les deux, la période homérique déplie la
condensation symbolique dans le discours mythologique de l’épopée ; la philosophie
ionienne tente un mouvement inverse de retour au symbolique dans la religion orphique
et les mystères ; plus tard les néoplatoniciens veulent également retrouver la symbolique
à partir de la mythologie.
11 Chez Creuzer, le symbole, on le voit, n’est pas un concept esthétique-artistique comme il
peut l’être chez K.Ph. Moritz, Goethe ou Schelling ; sa portée est également bien plus
vaste que simplement linguistique, ou même simplement religieuse24. Ce qu’il doit en effet
éclairer, c’est le processus même de la civilisation – comprise comme spiritualisation et
comme verbalisation–, c’est le passage de l’informe et du balbutiant à ce qui a pris forme
par l’action humaine. Tels sont les enjeux de l’entreprise de dénomination des dieux dans le
cadre de laquelle Creuzer situe d’emblée son élucidation du symbolique. En nommant les
dieux, en établissant un rapport proprement humain au divin, c’est en même temps la
connaissance de soi que l’homme instaure. Or, Creuzer le souligne, la création des noms,
ou verbalisation, et la création des images ou « monstration des dieux » (deixeis theon) 25
procèdent d’une seule et même « impulsion universelle de la nature humaine (allgemeiner
Drang der Menschennatur) »26, que l’on peut également désigner comme besoin du
symbolique (Drang zum Symbolischen)27. L’idée que le commerce avec les dieux au moyen de
symboles caractérise en propre l’homme est sans doute contemporaine de leur apparition
28
. Si donc Creuzer attribue à des prêtres venus d’Orient le passage d’une muette
vénération religieuse, « semi-animale »29, à l’univers mythologique, il ne faut pas y voir
une thèse rationaliste attribuant un savoir discursif sur les dieux à une caste sacerdotale
qui l’aurait déguisé en images pour le rendre plus efficace. Les premiers prêtres certes «
donnent forme »30, donnent les noms, créent les images ; mais cette création des
symboles, Creuzer y insiste, est absolument indissociable d’une part de leur interprétation,
d’autre part de la révélation divine comme telle. Ce qu’il faut penser, donc, c’est la non-
préexistence de la révélation à ses symboles : il fallait que le prêtre « agît et configurât ; et
si maintenant il édifiait ce qui auparavant était invisible sous une figure visible, si, de
cette manière, il engendrait le divin, alors il attestait aussi, les deux ensemble, la force du
dieu et la vérité de sa dévotion […] »31. D’où l’idée antique que les dieux eux-mêmes sont
les premiers éducateurs, que ce sont eux-mêmes qui instaurent leur propre culte (comme
leur mythologie et 4) exclut les inventions poétiques58. Ces points de divergence avec
Creuzer reposent sur le fait que Hermann dissocie formellement mythologie et foi
religieuse, et reconduit ultimement toute figuration mythologique à un « philosophème »,
c’est-à-dire qu’il la comprend comme le déguisement ou la déformation d’un noyau de
signification rationnelle : précisément ce que n’est pas le symbole chez Creuzer, mode
figuratif sui generis, hétérogène par rapport au mode rationnel, « pensée en images »
spontanée et indécomposable59. Corrélativement, Hermann conçoit la mythologie comme
une discipline purement historique, reposant sur des bases rationnelles, excluant toute «
participation » intuitive du chercheur à son objet60.
21 De manière remarquable, ceux-là mêmes qui, à l’opposé, approuvent chez Creuzer le lien
originaire établi entre religion et mythologie, ainsi que l’ambition systématique
conduisant à repérer les influences orientales et à reconstituer à l’aide d’une intuition
participative le symbolisme qui est la matrice des mythologies, critiquent tout de même
chez lui ce qu’ils interprètent comme une médiation « rationaliste » des premiers prêtres
fournissant des théologoumènes sous forme d’images aux premiers Grecs. C’est le cas
surtout de Karl Otfried Müller (1797-1840, élève d’Auguste Böckh et de Karl Solger61,
titulaire d’une chaire de philologie classique à Göttingen à partir de 1819) 62. La critique,
bien que parfaitement symétrique de celle de l’école rationaliste (ici on reproche trop de
raison, là trop d’intuition), semble toutefois, autant que cette dernière, passer à côté de la
notion originale de l’iconique et du Drang zum Symbolischen avancée par Creuzer. Tel n’est
pas le cas, en revanche, dans sa réception par Hegel63.
selon Creuzer se réaliser qu’en échanges personnels : sur ce point, la philologie nous
transmet le modèle antique de la forme dialogique réactualisée dans la Symphilosophie
romantique, et celui de l’ironie socratique, langue naturelle de cette « vie supérieure »70.
Comme science de la vie absolue, la philosophie ne saurait être une simple ratiocination
par concepts, elle doit lier intimement rationalité et intuitivité : pourquoi ne pas se
laisser inspirer, en la matière, par l’usage antique (spécialement platonicien et
néoplatonicien) des symboles et des allégories, « comme d’un moyen de formation au
philosopher »71 ? Bref : la philologie bien comprise peut et doit contribuer à un
renouvellement des méthodes de la philosophie, le symphilosopher remplaçant la pure «
thétique »72, le discours symbolique se substituant à la « technique logique »73. La
fécondité de la Symbolik pour l’idéalisme ne suivra pas exactement ces voies. Toutefois,
ces réflexions de Creuzer pointent plusieurs préoccupations essentielles pour l’idéalisme,
dont la moins importante n’est pas la question du lien interne entre rationalité et
historicité.
32 Cette teneur religieuse, Creuzer la conçoit comme déploiement systématique112, dans les
différentes doctrines sur les dieux, d’un noyau unique de sens qu’il pense pouvoir
identifier à la doctrine de l’émanation de toutes choses hors de Dieu. Comme Hegel,
Schelling loue ici « la profondeur du coup d’œil philosophique », qui rend vivante « l’idée
d’un Tout originel, de l’édifice d’une science humaine immémoriale »113. Mais dans son
dévoilement de l’unité de « la » mythologie, Creuzer n’a pas vraiment choisi entre une
explication reposant sur l’hypothèse historique d’une migration des doctrines entre les
peuples et une explication spéculative reposant sur la nature de la conscience humaine.
Schelling tranche : la genèse de la mythologie s’explique comme « quelque chose
d’indépendant du monde extérieur et d’entièrement intérieur »114. La mythologie, qui n’a
« aucune réalité en dehors de la conscience », ne doit pas être expliquée à partir du
rapport de la conscience à un certain type d’objets extérieurs (la nature, la morale…),
mais bien de manière transcendantale, c’est-à-dire en tant qu’elle rend possible le rapport
à un objet en général115. En effet, les puissances qui surgissent pour la conscience sous la
figure des dieux de la mythologie « ne sont autres que celles qui produisent le monde
même […] »116.
33 Plus précisément, la conception de Creuzer revient à considérer comme « présupposition
historique de la mythologie »117 un monothéismeoriginel qui, « parce qu’il ne pourrait être
trouvé par l’humanité elle-même, devrait être révélé »118. La mythologie une et plurielle
est alors comprise comme un « monothéisme éclaté »119. Or pour Schelling, la manière
dont Creuzer conçoit ce monothéisme constitue la « dernière des présuppositions
arbitraires » qui doit être écartée pour parvenir à un point de vue « scientifique » sur la
mythologie. Un monothéisme révélé signifie en effet que la conscience se rapporte à un
dieu défini, su et reconnu comme tel. Mais la conscience humaine est le dieu avant de
l’avoir sous la forme d’une représentation distincte ; elle est d’abord sous l’emprise
inconsciente de ce « grand Un »120. En réalité, dès qu’il y a monothéisme comme tel, ce
dernier ne peut être que monothéisme relatif, c’est-à-dire se sachant tel dans sa
confrontation à un polythéisme. Le monothéisme qui a pour « objet » le « vrai Dieu » ne
peut surgir qu’après le polythéisme, et sous sa condition. En fait, on ne peut concevoir
l’emprise de l’Un absolu sur la conscience que dans un état absolument pré-historique, sans
avant ni après ; s’il y a originairement monothéisme, il est donc « suprahistorique », et
correspond non à un acte de la conscience mais à une définition de la nature humaine
(l’homme en son essence est nature qui-pose-Dieu) 121. Creuzer s’est trompé en posant une
hypothèse historique, alors même que l’origine de la mythologie survient avant toute
histoire. « La mythologie naît par un processus nécessaire (du point de vue de la
conscience), dont l’origine se perd dans le suprahistorique et se cache en lui […] » 122.
34 Avec l’idée de la mythologie comme processus se dessine le trait distinctif et original de
l’explication schellingienne. Il ne nous paraît pas impossible de voir, ici aussi, la
transformation d’une idée de Creuzer. On se souvient que ce dernier opposait
l’instantanéité symbolique à la successivité mythologique. Cette dernière avait alors un
sens physiologique (l’audition est successive, la vue simultanée), philologique (la
discursivité linguistique) et psychique (la considération de l’objet se déroulant dans une
durée de temps). Dans la compréhension schellingienne de la mythologie, le concept de
processus devient le concept central pour expliquer le mode de genèse, donc aussi la
signification de la mythologie, et détache par là définitivement l’explication
schellingienne de la sphère des explications philologiques précédentes123. Alors même que
le Schelling de la Philosophie de l’art mettait au premier plan le symbolisme des dieux, liés
NOTES
1. Friedrich Creuzer, Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen, Leipzig,
Darmstadt, Leske, 1810-1812, 4 vol.[désormais : Symbolik, suivi du numéro de volume ; traductions
M.G.-S.]. Deuxième édition : entièrement retravaillée, Leipzig, Darmstadt, Leske, 1819-1821, mit
einer Fortsetzung von F.J. Mone, Geschichte des Heidenthums im nördlichen Europa, 7 vol.Troisième
édition : Leipzig, Darmstadt, Leske, 1837-1843, mit einer Fortsetzung von F. J. Mone, Geschichte des
Heidenthums im nördlichen Europa, in : Deutsche Schriften, I. Abteilung, 6 vol. (reprint Hildesheim,
New York, G. Olms, 1990). La traduction-refonte française de la deuxième édition par Joseph
Daniel Guigniaut (Religions de l’Antiquité, de l’Inde, de la Perse et de l’Égypte, considérées principalement
dans leurs formes symboliques et mythologiques, Paris, Treuttel et Würtz, 1825-1851, t. I-V), témoin
du large succès de Creuzer en-deçà du Rhin, fut officiellement approuvée par l’auteur de la
Symbolique – lui-même associé étranger de l’Académie française. Cf. S. Fornaro, « Friedrich
Creuzer (1771-1858) à l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres », in : Flaubert. Revue critique et
génétique 4, 2010, [en ligne], mis en ligne le 15 décembre 2010. URL : http://flaubert.revues.org/
index1212.html. Consulté le 27 avril 2011.
2. Ce sont les leçons de Heyne sur Homère (à partir de 1766) qui avaient intégré pour la première
fois la mythologie à la philologie (Ch. Jamme, Introduction à la philosophie du mythe, Darmstadt,
1991, traduction française par A.Pernet, Paris, Vrin 1995, p.36).
3. Ch. Jamme, op.cit., 1991, p.64 sq.
4. Sur l’image de l’Orient, cf. de manière générale A.Polaschegg, Der andere Orientalismus. Regeln
deutsch-morgenländischer Imagination im 19. Jahrhundert, Berlin, New York, de Gruyter, 2005 ; chez
Creuzer, cf. E. Koczisky, « “Khalepa ta kala”. Das Konzept und die Rolle des Orients in Creuzers
Werk im Vergleich zu Görres », in : F. Strack (éd.), 200 Jahre Heidelberger Romantik, Heidelberger
Jahrbücher 51, 2007, p.299-320.
5. Dans une lettre à Savigny du 13 juin 1807 déjà, Creuzer dit accumuler du matériau « en vue
d’une sorte de système concernant le symbolisme (ou l’allégorie) des Anciens » (H. Dahlmann,
Briefe Friedrich Creuzers an Savigny, Berlin, E. Schmidt Verlag, 1972, p.218).
6. Symbolik, I, Vorrede, p.XV.
7. Cf. G. Schwinge, « Creuzers Symbolik und Mythologie und der Antisymbolikstreit mit Voß sowie
dessen Kryptokatholizismusvorwurf », in : Frank Engehausen, Armin Schlechter, Jürgen Paul
Schwindt (éd.), Friedrich Creuzer 1771-1858. Philologie und Mythologie im Zeitalter der Romantik.
(Begleitband zur Ausstellung in der Universitätsbibliothek Heidelberg, 12.Februar-8.Mai 2008),
Heidelberg et al., Verlag Regionalkultur, 2008, (p.73-88), p.88. Voir aussi Ernst Howald, Der Kampf
um Creuzers Symbolik. Eine Auswahl von Dokumenten, Tübingen, Mohr, 1926, p.27-28.
8. Ch. Jamme, « Göttersymbole. Friedrich Creuzer als Mythologe und seine philosophische
Wirkung », in : 200 Jahre Heidelberger Romantik, Heidelberger Jahrbücher 51, 2007, (p.487-498), p.487.
9. Creuzer a laissé une autobiographie (Aus dem Leben eines alten Professors, 1848, in : Deutsche
Schriften, Leipzig, Darmstadt, 12 vol., 1837-1858, V,1). Voir aussi la « Notice historique sur la vie et
les travaux de Georges-Frédéric Creuzer, associé étranger de l’Académie », par J.D. Guigniaut, in :
Institut impérial de France. Académie des inscriptions et belles-lettres, séance publique annuelle du
vendredi 31 juillet 1863, Paris, Firmin Didot frères, 1863, p.39-85.
10. Voir le résumé plus détaillé de M.-M. Münch, La « Symbolique » de Friedrich Creuzer, Paris,
Ophrys, 1976, ch.III : « Analyse de la Symbolique » (p.77-100). T. Gabrielli (« Sous le signe de
Dionysos. Symbole, mythe et grécité chez Friedrich Creuzer », in : Archives de Philosophie 69,
2006/2, p.243-261) rend compte de manière suggestive et érudite de toute la partie sur Dionysos
et les Mystères.
11. H.-G. Gadamer, « Hegel und die Heidelberger Romantik » [1961], in : Hegels Dialektik. Fünf
hermeneutische Studien, Tübingen, Mohr, 1971, (p.71-81), p.75.
12. Si l’Inde et la Perse n’occupaient pas de chapitres à part dans la première édition (l’Orient
étant alors essentiellement représenté par l’Égypte), c’est en revanche le cas dans la deuxième
édition ; dans la troisième édition elles gagneront même une importance supérieure à l’Égypte.
13. Symbolik, II, p.365.
14. Symbolik, III, « Vorrede », p.V (non numérotée).
15. M.-M. Münch, op.cit. 1976, p.99.
16. T. Gabrielli, op.cit., p.14.
17. M.-M. Münch, op.cit., 1976, p.91.
18. Symbolik, IV, p.236.
19. Symbolik, IV, p.240.
20. Symbolik, IV, p.589.
21. Symbolik, IV, p.591.
22. Symbolik, IV, p.593.
23. La philosophie schellingienne de l’identité soutient qu’il « n’existe aucun passage continu de
l’absolu à l’effectif » (Philosophie und Religion, SW VI, p.38) et cherche à penser à la fois
l’immanence de l’absolu au réel et leur différence. [SW = F.W.J. von Schellings sämmtliche Werke, éd.
K.F.A. Schelling, Stuttgart, Augsburg, 1856-1861].
24. Contra, cf. B.A. Sørensen, Symbol und Symbolismus in den ästhetischen Theorien des 18.
Jahrhunderts und der deutschen Romantik, Copenhague, Munksgaard 1963, p.267, p.271.
25. Symbolik, I, p.10.
26. Symbolik, I, p.14.
27. Symbolik, I, p.21.
28. Symbolik, I, p.8.
29. Symbolik, I, p.4.
30. Symbolik, I, p.17.
31. Symbolik, I, p.14.
32. Cf. Symbolik, I, p.15-16.
33. Cf. Symbolik, I, p.62-63.
34. Cf. B.A. Sørensen, op.cit., 1963, p.270.
35. Creuzer a lu Fichte, les Schlegel et l’Athenäum (M.-M. Münch, op.cit., 1976, p.55).
36. Symbolik, I, p.169.
37. « Es ist ein schmerzliches Sehnen, das Unendliche im Endliche zu gebähren » (Symbolik, I,
p.67).
38. Cf. Symbolik, I, p.68.
39. Symbolik, I, p.38.
40. Symbolik, I, p.61.
91. G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, trad. fr. par J.-P. Lefebvre, Paris, Aubier, 1998, p.457 ;
HW 3, p.508.
92. J.-I. Kwon, « Die Metamorphosen der „symbolischen Kunstform“. Zur Rehabilitierung der
ästhetischen Argumente Hegels », in : A. Gethmann-Siefert (éd.), Phänomen versus System [Hegel-
Studien : Beiheft 34], Bonn, 1992, (p.41-89), p.47.
93. Briefe von und an Hegel, éd. J. Hoffmeister, Hambourg, Meiner, 1953, vol.II, p.267 (ce passage ne
figure pas dans la traduction française).
94. Cf. J. Hoffmeister, op.cit., p.269-270.
95. Symbolik, I, p.68.
96. Cf. par ex. G.W.F. Hegel, CE II, p.263 ; HW 14, p.274.
97. Symbolik, I, p.4. Et p.73 sur le symbole mystique : « […] es bleibt nur ein sprachloses Erstaunen
».
98. J.-I. Kwon, op.cit., p.58.
99. Cf. S. Richter, « Perspektiven idealistischer Symboltheorien: Creuzers Forschungen im Fokus
von Schellings und Hegels Symbolverständnis », in : Frank Engehausen, Armin Schlechter, Jürgen
Paul Schwindt, (éd.), op.cit., (p.89-98), p.95.
100. G.W.F. Hegel, CE I, p.416 ; HW 13, p.403.
101. Cf. S. Richter, op.cit., p.98.
102. J. Hoffmeister, op.cit., p.261. Dès 1815, dans son écrit sur les Divinités de Samothrace, Schelling
reprend l’interprétation creuzérienne des Kabires et en donne une interprétation
transcendantale : les Kabires, deorum dii, sont les dieux qui, en tant que pures puissances, élevées
au-dessus de toute matière, engendrent tous les autres dieux (Cf. Schelling, Philosophie de la
mythologie, traduction française d’A. Pernet, Grenoble, J. Million, 1994, p.220, p.401, p.404 ; SW XII,
p.199, p.471, p.475).
103. Karl Preisendanz (éd.), Die Liebe der Günderode. Friedrich Creuzers Briefe an Caroline von
Günderode, Berne, Lang, 1975, p.38.
104. La Naturphilosophie a révélé « les secrets de l’être en sa totalité », elle a remplacé la réflexion
et la syllogistique, dont le formalisme imprègnent la philosophie critique, par un retour de la
révélation originelle du divin [!] (K. Preisendanz, op. cit., p.101).
105. Cf. K. Preisendanz, op. cit., p.117, 133, 143, 139.
106. Les écrits de Schelling tiendraient l’existence individuelle pour néant (K.Preisendanz, op.cit.,
p.38) ; Schelling a tenté, dans le dialogue Bruno, de renouveler la forme d’exposition de la
philosophie (p.225).
107. F. Creuzer, Symbolik, 3e édition, 1836, t. 1, « Einleitung », p.XIV.
108. F. Schelling, Introduction à la philosophie de la mythologie, traduction française du GDR
Schellingiana sous la direction de J.-F. Courtine et J.-F. Marquet, Paris, Gallimard, 1998 [désormais
: IntroPhiMyth], p.69 (SW XI, p.52).
109. Intro PhiMyth, p.101 ; SW XI, p.89.
110. Cf. les Leçons I à IV (Intro PhiMyth, p.25-105 [SW XI, p.3-93] ; ainsi que p.212 [SW XI, p.214]
pour un tableau récapitulatif).
111. Intro PhiMyth, p.195 ; SW XI, p.195-196.
112. Cf. Intro PhiMyth, p.103 ; SW XI, p.91.
113. Intro PhiMyth, p.102 ; SW XI, p.89.
114. Intro PhiMyth, p.91 ; SW XI, p.76.
115. Lothar Knatz qualifie la mythologie de « structure conditionnelle objective sur laquelle
repose tout conditionné » (Geschichte – Kunst – Mythos. Schellings Philosophie und die Perspektive einer
philosophischen Mythostheorie, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1999, p.305).
116. Intro PhiMyth, p.213 ; SW XI, p.215.
117. Intro PhiMyth, p.104 ; SW XI, p.91.
118. Intro PhiMyth, p.191 ; SW XI, p.191. Cf. la Préface de la Première Partie de la Symbolique, 2 e
édition (citée par Schelling, Intro PhiMyth, note 1 p.145 ; SW XI, p.137-138) où Creuzer affirme sa
thèse d’une connaissance initiale pure d’un Dieu unique, religion à laquelle les suivants se
rapportent comme les rayons diffractés au soleil.
119. Intro PhiMyth, p.103 ; SW XI, p.91.
120. Intro PhiMyth, p.181 ; SW XI, p.178.
121. Intro PhiMyth, p.186-187 ; SW XI, p.185-186.
122. Intro PhiMyth, p.193 ; SW XI, p.193.
123. Ibid.
124. Intro PhiMyth, p.135 ; SW XI, p.127.
125. Cf. Intro PhiMyth, p.132-134 ; SW XI, p.124-125.
126. Intro PhiMyth, p.133 ; SW XI, p.124.
127. Intro PhiMyth, p.134 ; SW XI, p.125-126.
128. Une étude complète du rapport de Schelling à Creuzer comprendrait une analyse des
emprunts de détail de la Philosophie de la Mythologie aux analyses de la Symbolik. Concernant les
deux points communs essentiels, le rôle de Dionysos et l’importance attribuée aux Mystères (ces
derniers dévoilent chez tous deux le cœur secret de la mythologie), on se reportera à l’article
déjà cité de Tiziana Gabrielli. On trouve aussi des indications dans X.Tilliette, La mythologie
comprise. Schelling et l’interprétation du paganisme [Naples, Bibliopolis 1984], Paris, Vrin, 2002,
passim.
129. Intro PhiMyth, p.192 ; SW XI, p.192.
RÉSUMÉS
Cet article s’intéresse aux rapports de la philologie, telle qu’elle est pratiquée dans la Symbolique
et mythologie des peuples anciens (11810-1812) de Friedrich Creuzer, avec la philosophie. Après avoir
reconstitué la visée de l’ouvrage puis la conception du symbole et du mythe qui en forme le
fondement spéculatif, on s’intéresse à la manière dont Hegel, dans sa conception du symbole, et
Schelling, dans sa philosophie de la mythologie, réinterprètent la somme de Creuzer autour de
points centraux pour leurs propres entreprises, comme la question de la naissance à soi-même de
la conscience humaine ou celle du rapport de la rationalité à l’historicité et à la facticité.
This article deals with the relationship between philology – as employed in Friedrich Creuzer’s
work Symbolik und Mythologie der alten Völker (Symbolism and Mythology of the ancient Peoples, 1
1810-1812) – and philosophy. After reconstructing the aims of this work and the conception of
symbol and myth that forms its speculative foundation, we examine the manner in which Hegel,
in his conception of the symbol, and Schelling, in his philosophy of mythology, reinterpret
Creuzer’s work with respect to central points of their own respective undertakings : the question
of the birth of human self-consciousness or the problem of the relationship of rationality to
historicity and facticity.
Dieser Beitrag untersucht die Beziehungen zwischen der Philosophie und der Philologie, wie sie
sich in Friedrich Creuzers Symbolik und Mythologie der alten Völker ( 11810-1812) darstellt. Zunächst
werden die Zielsetzung von Creuzers Werk und die Auffassung des Symbols und des Mythos
rekonstruiert, von der er ausgeht. Darüber hinaus wird untersucht, inwiefern Hegel in seiner
Konzeption des Symbols und Schelling in seiner Philosophie der Mythologie dieses Hauptwerk
Creuzers im Hinblick auf einige zentrale Fragen umdeuten, wie z.B. im Hinblick auf die
Entstehung des Selbstbewusstseins oder auf das Verhältnis der Vernunft zu Geschichtlichkeit
und Kontingenz.
AUTEUR
MILDRED GALLAND-SZYMKOWIAK
Chercheur au CNRS (UMR 7172, ARIAS)