Ici et là, la morale etles croyances sont pareillement
orientées. Faire la volonté de Dieu, c'est la règle de conduite que Sénèque propose à ses lecteurs i, aussi bien que l'auteur d'Adapa, et le rédacteur dela Genèse -, et Jésus dans l'Évan9ile. Et c'est un « combat » qu'im pose au fidèle devenu un « soldat » cette volonté de Dieu, selon Mithra et selon Jésus3. Car, Mazdéens et Chrétiens s'accordent à cet égard, un Esprit mauvais s'oppose dans le monde au règne de la justice et du bien : ici Ahriman, là Satan1. Et les fidèles, dans leur
peut-être, d'Isis et Horus [Revue d'histoire et de littérature reli
9ieuses, 1902, 366]. L'art chrétien, chacun Paccorde, est sorti de l'art païen. — Gevaert a montré l'influence de la musique païenne sur la musique chrétienne [d'après C. Bellaigue : Revue des deux Mondes, 15 septembre 1907, p. 449-450]. < De Providentia, V, 5-6. C'est la fameuse prière de Démétrius : « Hoc unum de vobis, di immortales, queri possum, quod non ante mihi voluntatem vestram notam fecistis. Prior enim ad ista yenissem ad qute nunc vocatus adsum. Vultis liberos sumere i vobis illos sustuli. Vultis aliquam partem corporis 1 sumite... Nihil cogor nihil patior invitus, nec servio Deo, sed adsentior. » « Si l'on veut comparer cette prière au Suscipe de saint Ignace, la belle effusion qui termine le livre des Exercices spirituels, on sera étonné de la ressemblance des deux morceaux. » C'est un jésuite qui parle le R. P. Delehaye: Lé9endes ha9io9raphiques, 170, note, Et il garantit qu'il n'y a pas ici influence directe de Sénèque. 2 Cf infra p 222 Dhormes : Choix de textes reli9ieux assyro- babyloniens. Paris, 1907, 155-157; Genèse,3 -S.Mathieu, 6, 10. — Mithra, aussi, impose à ses fidèles ses evcoAo». 3Cumont XHI-XIV 183-184; S. Rcinach: laMoraledu Mithraismc [Galles, Mythes et Reli9ions, II, 1906, 220] ; A. Harnack : Militia Christi. Tubingen, 1905. * Bousset. Die Reli9ion des ludentums im neutestamentlichen Zeilaller, 483. La question des rapports du Judaïsme et du Maz déisme est très délicate en raison de l'incertitude ou l'on est de la date de l'Avesla. INTRODUCTION XV
lutte contre ses ministres et contre lui, s'appuient sur
le secours d'êtres divins, yazatas, démons ou anges', comme aussi sur la bénédiction de leurs protecteurs particuliers, génies domestiques, dieux locaux ou mar tyrs'. — Chrétiens et Syriens adorent également « une divinité unique, toute puissante, éternelle, universelle, ineffable3 » et très sainte. La Trinité que prêche l'Église rappelle les triades chères aux théologiens de laChaldée'ctde l'Egypte: l'une et les autres expriment la richesse infinie de l'Être ineffable. Cet Être a un vicaire — que Philon et les chrétiens appellent le Verbe — ici Shou ou Mardouk 5, là Jésus. Jésus a été conçu, comme Apollon Persée ou et Hermès, Horus, Romulus dans le sein et Rémus, d'une ilvierge a, dans •;
son enfance, miraculeusement échappé à la mort1 ; il
' Plutarque: de Iside. 46; Arnobe, IV, 12; Lactance : Insl. div., II.9,13;ps.-Iamblique : de Myst., III, 31; Cumont, 184 et 305-307 : article An9élolo9ie dans le Dictionnaire de théologie catholique; Hild : les Démons ; Zeller : Philosophie der Griechen, V, 188. 2 Cf. notre Chrislianisation des foules, 3" éd., 1907, Paris ; Lucius : Vie Anfân9e des Ileili9enkulls. Tubingen, 1904, et, quant à l'influence des légendes païennes surles légendes chrétiennes, Delehaye : op. laud. 3 Cumont, 161, 157. 250. Cf. le texte de Maxime de Madaure, vers 390, P. L. 33, 82 (et 315). Pour le stoïcien Boethus [Zeller, III, 1. 554], Dieu est transcendant au monde [n" s. av. J.-C.]. * Cf. infra p. 35, 55, 105. 6 Cf. infra p. 41, 108. 0 La remarque est de saint Justin : première Apol. 21-22 [Pauti- gny, 42-46]. — Cf. Celse, dans Origène : contra Celsum, 1,37. — Iloltz- mann : Lehrbuch der neulestamentiichen Thcolo9ie, 1 (1897), 409. 7 Gunkel: Zum reli9ions9eschichtlichen Verstândniss des neuen Testaments. Gottingen, 1903, p. 09. b XVI LE PASSÉ CHRETIEN
est mort et il est ressuscité, comme Osiris et comme
Adonis ; pour les chrétiens comme pour les mystes d'Attis, sa résurrection est le gage de la nôtre '. La résurrection de Jésus et la résurrection de Tammouz marquent également le début du printemps 2 ; comme Osiris et Dionysos, Jésus est par excellence le Sau veur3; et la misère humaine qu'il a détruite, Chré tiens et Orphiques s entendent là-dessus, était la consé quence d'une très ancienne faute4. On sait du reste que l'idée d'une révolte des hommes contre les dieux est commune aux Egyptiens, aux Chaldéens5 et aux Juifs ; que les fidèles de Iahvé et les adorateurs de Thot attri buent la création du monde au prononcé d'une toule- puissante parole ; que l'angélologie, la démonologie et l'eschatologie d'Israël présentent des points de contact très particuliers avec les doctrines de Babylone et de la Perse G. Et l'on sait encore que Iahvé le Très-Haut recruta des prosélytes parmi toutes les nations païennes, sur tout, semble-t-il, parmi les mystes de Sabazius etd'At-
Versl, 81. * Gunkel, p. 79. 3 Cf. Wendland : Zeilschrift fur neutest. Wiss., V. 1904, 355. Comparer surtout à cet égard Jésus et Mithra. ' Cf. infra p. 128. 5 Les Chaldéens et les Juifs, peut-être même les Egyptiens, connaissent un déluge vengeur du ciel. Les points de contact de l'histoire de la tour de Babel et de l'histoire des Titans sont relevés depuis longtemps [Philon : de confusione lin9uarwm, I, 405. Mangey d'après Tauchnitz. — Voir Odyssée, XI, 315, et Genèse, 11. Jules Martin : Philon, 27]. " Voir l'histoire de l'époque syncrétisle. INTltODUCTION XVII
tis ; que beaucoup de Juifs, à la suite d'Hermippc,
d'AristobouIe et de Philon, tentèrent d'accorder la sa gesse de Moïse et la sagesse de la Grèce ; et que le Gnosticisme enfin exprime avec ampleur un grand tra vail de conciliation judéo-païenne. Le Judéo-Christianisme se présente donc au regard sous les traits d'un syncrétisme'. L'historien ni le théologien ne peuvent s'en montrer surpris. Les âmes qui embrassaient la « bonne nou velle » avaient été façonnées par une longue tradition religieuse. Le monde était très vieux lorsqu'il enten dit prêcher les apôtres ; si vieux, que beaucoup croyaient sa fin toute proche. Les apôtres refoulaient ,certaines tendances, ils en exaltaient certaines autres. On ne peut pas envisager leur action indépendamment des forces qui la secondèrent ou des réactions qu'elle pro voqua. Pour comprendre les unes et les autres, l'histo rien doit les rattacher à ces traditions et à ces tendan ces du monde païen et du monde juif2. Il est vrai de dire que, en un sens, le Christianisme est sorti de terre.
' Cf. Hcrmann Gunkel : Zum reli9ions9eschichtlichen Verslând-
niss des neuen Testaments Gôtlingen, 1903 ; Clemen : Die reli- 9ions9eschichtliche Melhode in der Theolo9ie. Giessen, 1001: Geff- cken : Aus der Werdezeit des Christentums . Leipzig, 1001 ; llarnack : Ausbreitun9 des Christentums, 2" Édition, 1000. Noter un mot curieux de saint Basile sur l'utilité de comparer les reli gions, rappelé dans Max Millier : Essais sur l'hisl. des reli9ions, 3° éd., p. xix. " VA. lorsqu'il n'y a pas coïncidence de mouvements sponta nés et distincts, c'est donc que l'un copie l'autre. Le fait s'explique historiquement avec plus d'aisance encore. XVIII LE PASSE CHRETIEN
Est-ce à dire qu'il ne soit pas descendu du ciel ? La
lutte doctrinale du Christianisme contre le Gnosticisme montre qu'ils ne sont pas identiques. Pareillement, la guerre de l'État romain contre l'Eglise chrétienne prouve que les conditions de la vie dans l'empire ne sulfisent pas à expliquer la nature de la vie chrétienne dans l'Église. Le Christianisme est une doctrine enve loppée dans une histoire très particulière : cela ne se retrouve nulle part ailleurs. Tous les rites, toutes les croyances qui lui sont communs avec les religions païennes sont mêlés ici d'inepties et d'obscénités ; ils s'organisent, là, pour former la doctrine la plus haute, la plus pure et tout ensemble la plus logique et la plus une qu'on ait constatée jamais'. L'Eglise catholique a rejeté le fidéisme exaspéré qui inspire les doctrines de Luther et de Calvin,,de Baïus et de Jansénius et main tenu que la nature humaine, dans son état actuel, est capable de quelque bien, que la loi de Dieu est gravée dans la conscience, que Dieu peut même donner un secours surnaturel aux païens indépendamment des sacrements ecclésiastiques : « l'identité des instincts religieux (naturels) auxquels les diverses religions doi-
' De Broglie : Problèmes et conclusions de l'histoire des reli9ions.
Paris, 4° éd., p. 292. « Rassembler tout ce qu'il y a de bon dans les diverses religions ne serait rien, si ces divers éléments n'étaient associés ensemble avec ordre et unité, s'ils ne formaient qu'un chaos et non une harmonie. Si, en effet, les éléments des diverses religions étaient ainsi assemblés pêle-mêle, l'œuvre for mée de la sorte serait incohérente et pleine de contradictions... », p. 292, Cf. p. 2G0. INTRODUCTION XIX
vent nécessairement s'adapter » explique certaines
des coïncidences qu'on a dites1. Saint Paul enseigne, enfin, que « Dieu a envoyé sen Fils lorsque est venue la plénitude des temps » , 6'te Si ?,lfkv xà rskfyupjx xoO joivo\i, â^azéiTEtÀEv 6 0eo; Tov otiv aûToû [Galales. iv 4] ; il indique par là qu'il y a eu une préparation particulière à l'œuvre de Jésus et de ses disciples. Les chrétiens l'ont entendue de bonne heure de l'œuvre d'unification politique et économique accomplie du dehors par les Romains. N'y a-t-il pas eu une évolution intérieure des sentiments et des croyances analogue à la première ? Les faits ne l'indiquent ils pas très clai rement? Est-il sûr que la pensée de l'Apôtre ne déborde pas l'interprétation traditionnelle ? Il se pourrait que la plus vieille théologie ne s'accommodât pas moins bien que la critique la plus récente du syncrétisme que l'on a constaté d'abord. Mais l'étude des traditions religieuses des Juifs et des Païens qui confluent dans le Christianisme montre qu'il convient d'en diviser l'histoire en deux époques : elles sont séparées l'une de l'autre par les conquêtes d'Alexandre. La seconde est caractérisée par une agita-
exemple, celui des fêtes d'Osiris, d'Adonis et d'Attys, dont la res semblance est si grande avec la fête de Pùques, puisqu'il s'agit d'un Dieu mort et ressuscité... Nous retrouvons... dans les profondeurs du cœur humain le lien qui rattache ces fêtes, si diverses sous d'autres rapports, la folie désordonnée et furieuse des pleureuses d'Adonis et la noble folie des amants du cruci fié. ° 6. XX LE PASSE CHRETIEN
tion profonde des âmes et par l'apparition de ces
tendances conciliatrices dont on a parlé déjà : je l'appelle Yépoque syncrétiste. — La première comprend ces longues périodes où, de la nuit qui couvre le reste du monde, émergent seules à la lumière de l'histoire les civilisations d'Egypte, de Chaldée et de Grèce : je l'appelle l'époque orientale. Les religions païennes et la religion juive divergent : celles-là sont pénétrées jusqu'aux moelles par cette essentielle irréligion qu'est la magie, elles s'inspirent de cette croyance que Dieu est dépendant de l'homme ; celle-ci se révolte tenace- ment et finit par s'évader de cette ambiance folle : elle enseigne que la fidélité à Iahvé est la condition du salut '.
II
Comme on a coutume de faire un bloc de toute
l'époque païenne anté-chrétienne et de l'opposerà celle qui voit se dérouler la vie de l'Église, on a aussi l'habitude de distinguer, au sein de l'époque chrétienne, deux périodes, le moyen âge et les temps ' Voici les titres des six chapitres de chacune des deux époques. I. L'époque orientale : 1. Les religionségyptiennes; 2. Les religions sémitiques; 3. Les religions aryennes; 4. La religion juive : A. Moise ; 5. La religion juive : B. les Prophètes; 6. La religion juive : C. l'Eglise d'Israël. Dans cette troisième édition, je développe les quelques pages consacrées à ces problèmes dans les deux premières. — II. L'époque syncrétiste : 1. La révolution religieuse; 2. Jésus de Nazareth; 3. Saint Pierre et les Apôtres : 4. Saint Paul; 5. Saint Jean; 6. Saint Irénée. INTRODUCTION XXI
modernes, séparées l'une de l'autre par la Renaissance.
De ces deux idées également traditionnelles, il se pourrait que la seconde eût la valeur de la première. On date la Renaissance des xv° et xvie siècles. On y discerne un renouveau de l'esprit païen. On y rattache la naissance de l'art, la naissance de la science, la mort de la foi. — Cette théorie, où se reflètent l'enthousiasme naïf des humanistes ' et l'étroilesse des anciens historiens de l'art, pouvait raisonnablement obtenir quelque crédit au temps où l'on considérait le « moyen âge » comme une époque de superstition, d'ignorance et de barbarie. 11 y aura bientôt un siècle qu'un mouvement de recherches, que le Romantisme prépara et dont, chez nous, l'École des Chartes fut le centre2 en a fait pour jamais justice. Il n'importe ; l'accoutumance est plus forte... Il est inexact de
' Dans une intéressante brochure [Qu'est-ce que le moyen
â9e ': Paris, Bloud]. M. Kurth a bien dégagé la valeur de l'idée du moyen âge au point de vue de l'apologétique anti-chré tienne. Je crois qu'il aurait pu dépasser l'Historia Medii sevi a temporibus Constantini Ma9ni ad Constanlinopolim a Turcis cap tant deducta de Christophe Keller (Cellarius), léna. 1688 et remon ter jusqu'à l'humanisme et. particulièrement, jusqu'aux Historia- rum ab inclinatione romani imperii Decades du pieux Flavio Biondo, [-f-1463] ; c'est vraimentla première histoire du moyen âge. [ P. Monnier : Le Quattrocento, I, Paris, 1901, 263; Voigt, trad. ïlal. Valbusa : Il Risor9imento dell'anlichilà classica, II, Firenze. 1890.83; A. Masius ; Flavio Biondo, sein Leben und seine Werke. Leipzig, 1879; P. Buchholz : Die QuelU-n der Historiarum Decades des FI. Biondus. Naunburg, 1881]. — L'influence humaniste a été perpétuée jusqu'à nos jours par les historiens de la littérature française. * L'Ecole des Chartes a été fondée en 1821. XXII LE PASSE CHRETIEN dater du xve et du xvi" siècle le renouveau de l'esprit païen : la philosophie aristotélicienne et le droitromain ont-ils jamais été plus passionément étudiés qu'aux xne, xme et xive siècles : nous connaissons Siger de Brabant' ctlrnerius2, les Averroïstes et les Glossa- teurs. Il est inexact de dater du xve et du xvî2 siècle la naissance de l'art : nous avons appris à admirer l'art du xne, du xme et du xive ; et nous savons que l'art ita lien du xv° siècle dérive en ligne droite d'un mouve ment contemporain de Frédéric H3; nous connaissons la cathédrale de Chartres et la chaire de Pise. Il est inexact de dater du xve et du xvie siècle la naissance de la science : la recherche scientifique n'a jamais été plus ardente ni plus féconde qu'aux xne, xme et xive siècles; et peut-être l'esprit réactionnaire du xvie, sous prétexte de revenir à Aristote, a-t-il souvent méconnu d'admi rables découvertes des physiciens scolastiques : nous connaissons les deux Jordan et Albert de Saxe 4. Il est
' Mandonnet : Si9er de Brabant et l'Averroisme latin au
X1II° siècle. Fribourg en Suisse, 1899. • Cf. l'œuvre entière de H. Fitting. 3 E. Bertaux : L'art dans l'Italie méridionale de la fin de l'empire romain à la conquête de Charles d'Anjou. Paris, 1901 ; Maie : L'art reli9ieux du XIII' siècle en France, Paris, 1899 ; Histoire de l'art publiée sous la direction de André Michel. 4 P. Duhem : Les Ori9ines de la Statique. Paris, 1905-190G. 2 vol. ; Etudes sur Léonard de Vinci. Ceux qu'il a lus et ceux qui l'ont lu. Première. série. Paris, 1906. — Parmi les réactionnaires maladroits du xvi° siècle, on peut citer Giovanni Battista Benc- detti et surtout Guido Ubaldo marquis del Monte. — Noter une observation de Camille Enlart touchant l'histoire de l'hygiène [Histoire de VArt... André Michel, I, 2, (1905), p. 480] : ce n'est pas INTRODUCTION XX11I
inexact de dater du xv° et du xvie siècle la mort de la
foi : c'est un fidéisme très profond et très sincère qui triomphe avec la Réforme prolestante dans une moitié de l'Europe ; et l'on aurait mauvaise grâce à contester l'éclat de la civilisation chrétienne dans les pays demeurés catholiques : nous comprenons la solidarité de l'œuvre de Luther et de l'œuvre de Trente '. Ce qu'on aperçoit en belle lumière, c'est donc l'unité de cette période que limitent la Révolution grégo rienne etla Révolution française [xie-xvme siècles]. Les chrétientés d'occident sont alors, seulement alors, à peu près indépendantes des autres régions du globe. Sauvées des seigneurs par les moines, elles se réorga nisent à l'abri d'une papauté monastique et rétablis sent l'ancien empire. Et cette restauration sociale s'accompagne d'une admirable renaissance intellec tuelle; on retrouve les Anciens dans les écoles de Chartres, de Paris et de Bologne : saint Thomas refait Aristotc, Jean de Salisbury est le précurseur de Pétrar que. Et nous voyons tous les jours, sous nos yeux, l'ancien régime social se démolir et s'abolir le souve nir des Romains et des Grecs : la révolution machi niste et l'unification du monde bouleversent la situa tion économique et la situation intellectuelle. Qui sait si l'antiquité gréco-romaine ne survivra pas seule-
seulement dans l'histoire des sciences que la « Renaissance » a
été un « recul ». ' Il y aurait, je crois, une intéressante et opportune étude à tenter sur les idées communes à Luther et au concile de Trente. XXIV LE PASSE CHRETIEN
ment 'dans la mesure où, intégrée parle Christia
nisme, elle sera sauvée par lui et en lui ' ?. L'époque occidentale [xi"-xvm° siècles1 est caractérisée par l'iso lement des pays occidentaux par rapport au reste du monde et par l'influence prépondérante qu'exerce sur leur vie et sur leur pensée la tradition gréco-latine, héritière des traditions orientales. L'époque méditerranéenne sépare de l'époque occi dentale l'époque syncrétiste et les relie l'une à l'autre. Dans le cadre méditerranéen qu'a forgé la conquête romaine et que disloque de plus en plus la pesée barbare [me-xie siècles], le Christianisme se répand peu à peu, puis il évolue curieusement et s'ache mine vers des destinées nouvelles. Il pénètre d'abord la société et la pensée antiques ; puis, il disparaît des régions où triomphe l'Islam, s'étiole partout où domine Byzance, se concentre et s'enracine par tout où les Germains s'établissent; il se détourne de l'Orient, qui mène aux déserts, et s'installe aux bords des Océans, qui conduisent aux extrémités du monde. Seulement, quand il quitte l'empire qui l'a vu naître, il traverse d'abord une crise effrayante et semble se dissoudre au milieu de l'anarchie endé mique des Barbares qui l'ont accueilli : l'effort des Francs n'a pas obtenu long succès; le désordre social a partout reparu; la pensée spéculative est
' Comme \c Mithriacisme est perse, le Christianisme est grec.
Voir la remarque de Harnack dans Mission und Ausbreitun9, \\-, 271.