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Pour un monde sans pitié

par Patricia PAPERMAN

| Éditions La Découverte | Revue du Mauss

2008/2 - n° 32
ISSN 1247-4819 | ISBN 978-2-7071-5643-3 | pages 267 à 283

Pour citer cet article :


— Paperman P., Pour un monde sans pitié, Revue du Mauss 2008/2, n° 32, p. 267-283.

Distribution électronique Cairn pour les Éditions La Découverte.


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Pour un monde sans pitié

Patricia Paperman

La question de la distance, entendue le plus souvent comme


celle des relations avec les individus et groupes qui ne font pas
partie de nos groupes d’appartenance, est régulièrement invoquée
pour pointer les limites de l’éthique du care. Celle-ci ne serait pas
en mesure d’élargir le cercle des bénéficiaires au-delà des proches,
que ces proches désignent les membres d’un groupe restreint comme
une famille, d’un ensemble national, ou plus largement l’ensemble
de ceux avec qui nous partageons des souvenirs [Margalit, 2002]. Sa
capacité de faire politique serait limitée par le type même d’exigen-
ces qu’elle revendique : exigence d’attention soutenue aux autres,
de réponse non généraliste aux besoins émergeant des particularités
des situations, de mobilisation de capacités morales autres que la
raison, revendication enfin, dans son versant critique, de dépasser
les présupposés de genre sur lesquels repose la frontière entre
sphères privée et publique. Les exigences du care ne seraient pas
applicables à ceux que nous ne connaissons que de loin, car elles
font appel à une sensibilité et une connaissance approfondie du
proche, qui lui est ajustée. Cette connaissance et cette sensibilité
ne peuvent être ni reproduites ni transportées dans le domaine des
relations impersonnelles ou à distance sans déformation ou perte
de leur tranchant éthique [Pattaroni, 2005 ; Breviglieri, 2005].
En outre, ces exigences sont trop fortes pour être susceptibles de
généralisation ou d’application élargie. Bref, l’éthique du care ne
peut revendiquer aucune pertinence concernant le politique.
268 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

Cette ligne d’objections aux éthiques du care mérite examen.


S’inscrivant dans des réflexions très diverses, s’appuyant sur des
raisons différentes, elle est sans doute moins cohérente qu’il n’y
paraît à première vue. Même si la cohérence n’est pas le problème
le plus urgent, il n’en reste pas moins qu’on finit par s’interro-
ger sur ce qui permet à ces objections de valoir comme une sorte
d’évidence.
Cette interrogation est issue des remarques par lesquelles Joan
Tronto [1993] conclut le chapitre intitulé « Morale universaliste et
sentiments moraux » :
« Dans un des passages les plus glaçants des Origines du totalitarisme,
Hannah Arendt nous rappelle que le problème du tribalisme, du racisme
et de l’appréhension de l’autre comme objet de haine est une réponse
compréhensible au terrible fardeau moral que fait reposer sur nous
l’exigence que tous aient une part égale aux “droits de l’homme”.
Arendt écrit : “L’attrait du tribalisme et des ambitions d’une race
maîtresse résultait en partie du sentiment instinctif selon lequel le genre
humain, qu’il corresponde à un idéal religieux ou humaniste, implique
un partage de responsabilités communes […]. L’idée d’humanité, toute
sentimentalité exclue, implique d’une manière ou d’une autre que les
hommes doivent assumer tous les crimes commis par les hommes et
que toutes les nations devront éventuellement répondre du mal commis
par toutes les autres. Tribalisme et racisme offrent les moyens les plus
réalistes, sinon les moins destructeurs, d’échapper à cette situation
fâcheuse de responsabilité commune.” Que nous puissions concevoir
une manière de penser la morale qui porte des formes de sympathie
au-delà de notre groupe d’appartenance reste probablement pour nos
formes de vie contemporaines la question morale fondamentale. Je
suggère que nous ne serons capables de traiter un certain nombre
des questions soulevées par Arendt que lorsque nous étendrons nos
frontières morales pour y inclure le concept de care. […] Au lieu
de présenter une théorie morale qui fasse de l’universalité morale
une réalité, je soutiens que, dans sa majorité, la théorie morale
contemporaine contribue à nous aguerrir contre notre “situation
fâcheuse de responsabilité commune”. »

Si on suit J. Tronto, l’inclusion d’un concept de care dans la


théorie morale pourrait ouvrir des pistes de réponse au problème de
la distance. L’exploration d’une telle perspective n’est pas superflue
face à une théorie rationaliste et universaliste qui n’offre pas beau-
coup de ressources pour résister à l’attraction du regard stoïque,
détourné ou borné (sur l’air de « on ne peut accueillir toute la misère
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 269

du monde ! »). C’est cette exploration que je voudrais amorcer ici,


en partant de l’examen des principales objections aux éthiques du
care qui les caractérisent comme éthiques limitées aux proches,
au groupe d’appartenance. Je suggère que la perspective du care
contient des possibilités de reformulation de la question des rela-
tions avec les individus et les groupes à distance, car elle permet de
dépasser le caractère dichotomisant du couple proximité/distance.
Une telle dichotomie conduit à faire de la sphère domestique et
de la relation dyadique le seul cadre dans lequel peut se déployer
le souci des autres. La possibilité et la portée du souci des autres
sont ainsi réduites à un type de relations : un face-à-face soigneu-
sement séparé du contexte plus large qui en infléchit les traits, les
contours. L’argument d’une éthique limitée aux proches est mené
de deux façons : soit il souligne les exigences concrètes du souci
des autres qui en limitent pratiquement la distribution à l’immédiate
proximité, soit il souligne l’attitude sentimentale au principe de la
relation entre une personne vulnérable et un bienfaiteur répondant
à la souffrance, au détriment d’une appréhension collective des
injustices et des torts subis par les individus souffrants. Les deux
lignes substantiellement distinctes convergent sur un point, qui
est en réalité leur présupposé commun : soins et attention ne se
conçoivent que dans le cadre de relations dyadiques.

Relations épaisses et communauté éthique

Pour Avishai Margalit [2002], le problème que rencontre la


morale n’est pas le mal mais l’indifférence à l’égard des autres, ceux
que nous ne connaissons pas, ceux avec lesquels nous ne sommes
reliés qu’en vertu d’une commune et très abstraite humanité. C’est
à ces relations « minces » que s’applique la morale, par différence
avec les relations dites « épaisses » qui forment le domaine de
l’éthique. La moralité, distinguée de l’éthique, est requise pour
contrer cette indifférence qui ne s’arrête que là où commencent
les relations épaisses, celles qui donnent au care sa place et sa
spécificité. Nous nous soucions des proches, par extension de nos
groupes d’appartenance. Nous avons besoin de moralité parce que
nous ne nous soucions pas des autres au sens large, de leur bien-
être. Le care est limité à la communauté des proches.
270 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

Mais le care est une attitude exigeante, l’attention donnée n’est


pas autre chose que le fait de répondre à des besoins concrets.
C’est pourquoi ceux qui prétendent se soucier de l’humanité en
général, mais de personne en particulier, comme ceux qui ne font
attention qu’à ce qu’ils ressentent pour les autres sans leur donner
une attention concrète suscitent la suspicion. Il ne peut y avoir de
care en général ou pour les autres en général.
Une telle caractérisation donne une place centrale à ce qui dif-
férencie une bienveillance vague et diffuse d’un souci réel des
proches : l’activité, le travail. Cette part active et exigeante du
care serait « naturellement » prodiguée quand il s’agit de pro-
ches. L’insistance sur la fourniture « naturelle » des soins aux siens
intervient ici pour marquer la différence entre éthique et morale,
entre relations épaisses et relations minces. Pourtant, on peut se
demander comment il est possible d’affirmer que ce travail est
fourni « naturellement » quand il s’agit de proches tout en soute-
nant qu’il se caractérise par un niveau élevé d’exigence. Si c’est
bien cette dernière caractéristique qui est la marque distinctive du
care, il conviendrait alors d’orienter la réflexion vers ce qui permet
de soutenir de telles exigences, ce qui ne manquerait pas de faire
surgir des questions sur l’organisation sociale du travail de care,
les conditions auxquelles une telle organisation doit satisfaire pour
être à la hauteur de telles exigences. Mais entrer dans des considé-
rations de ce type conduirait probablement à estomper la distinction
entre relations épaisses et relations minces, ou à mettre en doute sa
pertinence pour comprendre ce qui distingue le souci des proches
de l’indifférence aux autres en général.
Ce niveau d’exigence est tel qu’il ne peut être distribué à tous.
Quand il s’agit d’expliquer la difficulté de l’extension du care à un
cercle plus large, c’est un argument d’ordre pratique qui s’applique. Ce
sera également le cas lorsque l’auteur s’interrogera sur la possibilité
de faire de l’humanité une communauté éthique et non plus morale.
A. Margalit se demande en effet si une idée de care peut subsister en
l’absence de contraste, conceptuel ou empirique, entre deux sortes de
relation, de communauté et d’engagement. Il rappelle que la famille
reste le modèle à partir duquel nous nous représentons les relations de
care, et ce qui les distingue des relations impersonnelles. Utilisée de
façon métaphorique, la référence à la famille pour parler des relations
de care avec d’autres que les membres apparentés renforce l’idée
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 271

d’une spécificité de ces relations sur la base d’un critère ou d’une ligne
de proximité. En l’absence de ce contraste, c’est l’idée même de care
qui semble s’étioler et disparaître. Bien que la formulation semble
exprimer un doute sérieux sur la possibilité d’un élargissement de
la communauté de care – non plus le groupe d’appartenance mais
l’ensemble le plus large, les autres en général –, l’auteur ne conclut
pas à la nécessité de maintenir un contraste, au moins conceptuel. Il
conclut plus sobrement à sa trop grande difficulté pratique, condui-
sant à opter pour le second meilleur choix : l’humanité ne peut être
constituée raisonnablement qu’en une communauté morale, et non
éthique. Une communauté morale de relations minces, non une
communauté éthique de care.
À la différence des objections formulées dans les premiers
temps du débat sur l’éthique de la justice voyant dans le care une
morale ou une éthique appropriée aux relations entre proches sur
un plan normatif, l’auteur de La Société décente [1999] demeure
dans l’ordre du constat pour affirmer la spécificité et la place de
l’éthique du care. Cette spécificité et cette place sont négatives : là
où s’arrête l’indifférence à l’égard des autres. Cet usage du concept
de care radicalise la distinction entre les relations qui impliquent
directement et « naturellement » une réponse pratique et un concer-
nement, et celles qui seraient dépourvues de telles implications.
Corollaire « naturel » de la proximité, le care est constitutif de ces
communautés éthiques, alors que la motivation – plus improba-
ble – de l’action morale appelle une notion d’obligation pour les
relations à distance. La distinction entre éthique et morale, appuyée
sur la différenciation entre relations épaisses et relations minces,
requiert un concept de care compris comme pratique incondition-
nelle (« naturelle ») de soins.

Compassion

Une telle compréhension dispense de faire référence aux sen-


timents pour appréhender la spécificité du care et sa dimension
éthique. Mais elle ne dispense pas de se demander ce que sont
ces relations épaisses engendrant soin et attention, déterminant la
réponse à la question « qui est mon prochain ? », formulation conju-
guant deux axes de distinction : mince/épais, proche/distant.
272 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

La réponse contenue dans la parabole du Bon Samaritain


pose que se conduit en prochain celui qui vient en aide, au-delà
des appartenances communautaires. Cette réponse ne peut être
comprise, selon A. Margalit, si on ne la situe pas sur l’arrière-
plan des interprétations concurrentes en vigueur. Pour la secte
des Esséniens, le prochain est le membre de la secte, et tous les
étrangers sont objets de haine. Une deuxième interprétation attri-
buée à Ben Azzai l’étend à l’ensemble des humains. Mais cette
approche universaliste n’est pas l’interprétation standard parmi
les commentateurs juifs. Maimonide considère que seuls les juifs
doivent être considérés comme « prochains ». Dans la parabole,
le prêtre et le lévite passent et ignorent l’homme à terre, qui est
juif. Puis vient le Samaritain, membre d’une nation hostile, qui
prend soin de lui. Cette réponse n’est pas attendue sur la base
des appartenances religieuses. De quel ordre est le geste d’aide
appelé par cette proximité physique ? demande A. Margalit. La
compassion du Samaritain n’est pas justiciable d’une évaluation
éthique puisqu’elle n’est pas attendue ou requise sur la base de
relations de proximité. Elle est justiciable d’une évaluation morale
puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de relations entre membres
de groupes religieux différents, sans discrimination, par-delà les
frontières ethniques, tribales, religieuses. La compassion du Bon
Samaritain n’est pas très différente du geste de care. Le Samaritain
prend soin du blessé et finance la poursuite de son rétablissement
en payant l’aubergiste pour qu’il le recueille, mais là s’arrête
l’histoire de son engagement (ce qui ne serait pas le cas dans une
relation de care : la suite de l’histoire raconterait les coordinations
entre les protagonistes du care et les liens tissés à l’occasion de
ce qui deviendrait un épisode dans une temporalité plus longue).
Le projet chrétien admet la possibilité de relations et d’attentes
morales au-delà des appartenances communautaires et se donne
pour visée de transformer l’humanité en communauté éthique.
H. Arendt [1961] a souligné l’apolitisme de l’amour du prochain
qui se place hors du monde commun en annulant le fait de la plu-
ralité humaine. Dans cette conception de l’amour et du prochain,
la distance est abolie, car elle se focalise sur l’intimité qui dissout
la diversité des perspectives sur le monde commun. L’extension de
l’amour ou de la compassion à quiconque n’est pas pour H. Arendt
une possibilité réelle dans le monde commun.
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 273

Pour Luc Boltanski [1993], la scène de la compassion campée


par la parabole du Bon Samaritain se dessine à partir de traits
différents de ceux qui organisent sa lecture par A. Margalit : une
personne souffrante – sans autre qualification –, la proximité
physique d’un bienfaiteur, l’urgence de la réponse pratique. La
scène de la compassion est radicalement locale, s’attache à des
singuliers et ne s’empêtre pas dans les discours. La souffrance n’y
figure pas comme spectacle – regardé à distance. Elle déclenche
directement le geste de secours. La compassion se distingue en
cela de la pitié, sentiment qui généralise et intègre la dimension
de distance. C’est le spectateur qui sympathise, via la pitié. La
compassion se distingue également d’un troisième terme qui saisit
la situation sous l’angle des relations et des obligations données
par des positions et des statuts à l’intérieur d’une communauté
d’appartenance.
Le rapprochement entre care et compassion surgit inévitable-
ment dans ces deux lectures de la parabole. Dans les deux cas, le
geste, local, soulage une souffrance, répond à un besoin. Le sujet
de la compassion et le sujet du care seraient mus directement par
la vulnérabilité d’un autre, mais ne sont pas des spectateurs. Le
bienfaiteur s’engage immédiatement envers un autre qui ne lui
est rien. La compassion pourrait donc être étendue à d’autres que
les siens, mais, comme le rappelle A. Margalit, la transformation
de l’humanité en communauté éthique se heurte à des difficultés
qui n’ont toujours pas été surmontées.
De plus, la compassion est radicalement délimitée par les
particularités de la situation, entièrement contenue en elle en rai-
son de son caractère pratique. Dans l’argument de La Souffrance
à distance [Boltanski, 1993], la compassion est l’exemple par
excellence de la conduite et de l’attitude apolitiques : elle abolit
la distance en opérant un rapprochement direct avec la personne
vulnérable (« le prochain ») et se passe ainsi de principe de géné-
ralisation qui permettrait de rendre comparable ou équivalente
telle scène particulière avec telle autre tout aussi particulière.
Bref, elle obère la possibilité d’une politique. Non parce qu’elle
serait un sentiment, mais parce qu’elle est une réponse pratique à
une situation locale particulière.
274 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

Pitié et sentimentalisme

En l’absence de réponse immédiate et pratique à la souffrance


(au besoin, à la vulnérabilité), quel peut être le ressort de l’enga-
gement envers ceux qui ne sont ni proches ni rendus prochains ?
Considérant l’introduction de l’argument de la pitié en politique,
L. Boltanski avance que cet argument fournit un ressort paradoxal
de l’engagement et du traitement de la question de la distance.
L’argument de la pitié produit une tension permanente : entre,
d’une part, la nécessité de maintenir présents les particularités de la
situation, les détails et les faits vrais, seuls susceptibles de susciter
une réaction de pitié et, d’autre part, la nécessité de rapprocher
sous un même principe d’équivalence des situations à chaque fois
particulières et particularisées.
Cette tension sera traitée et résorbée différemment en fonction
des formes que prendra l’expression des réactions au spectacle
de la souffrance. Car ces réactions émotionnelles figurent déjà un
engagement qui, en l’absence de possibilité d’action, se traduit
par la tendance ou la tentative de communiquer à d’autres, en vue
de la leur transmettre, cette réaction au spectacle de la souffrance.
Ces formes peuvent être ramenées à trois topiques : l’indignation,
l’attendrissement et l’esthétisation de la souffrance. Seules les deux
premières sont pertinentes pour notre propos.
L’indignation résorbe la difficulté en identifiant un responsable
– persécuteur – sur lequel porte l’accusation. Ce sont les causes du
malheur et non plus les malheureux qui occupent l’attention. Ainsi,
ce n’est plus autour de la particularité de la souffrance que s’or-
ganise l’expression de la réaction, mais autour des causes sociales
qui produisent ce malheur. Dans ce mouvement, ce qui a éveillé la
pitié cesse d’être considéré sous l’aspect d’une situation particulière,
pour devenir un point, une figure ou un élément prenant place dans
un tableau global de la réalité sociale. La désingularisation des cas,
condition de la politisation, requiert le rapprochement des situations
particulières sous un même principe d’équivalence (par exemple,
genre, classe, race, religion). Ce rapprochement opère le passage
à une compréhension différente du cas particulier, qui, s’inscrivant
dans une cartographie générale, devient ainsi un exemple de la
condition faite à un ensemble, un collectif, rendu visible par le
principe d’équivalence (genre, classe, race, etc.).
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 275

Dans la topique de l’indignation, la forme collective est consti-


tuée par l’identification d’un responsable des malheurs (des causes
de la souffrance). L’orientation de l’affect est dans ce cas un opéra-
teur de la politisation, car l’indignation est orientée vers la source
du mal. Elle conduit à une accusation lorsqu’elle est dirigée vers
une instance collective et soutenue par un collectif accusateur. En
cela, elle est clairement distinguée du sentiment.
À la différence de l’indignation qui s’attache à la relation entre le
persécuteur et le malheureux (accusation), la topique du sentiment
exprime une autre sorte de réaction au spectacle de la souffrance.
En effet, elle se tourne vers les sentiments spécifiques à la relation
entre le bienfaiteur et le malheureux : gratitude à l’égard du bienfai-
teur, satisfaction des effets de la bonne action, bonheur des larmes,
attendrissement. De la focalisation sur « les bons sentiments », ou
sentimentalisme –, aucun collectif ne peut résulter, les relations res-
tant individualisées, de même que les actions, les compréhensions de
ce qui se passe et les sentiments. La sentimentalisation de la réaction
et de son expression fait obstacle à la mise en série des situations de
souffrance qui en identifierait ou en expliquerait la genèse sociale.
Les éléments d’une disqualification des sentiments et partant
d’une éthique sensible peuvent alors être mis en œuvre. La disquali-
fication tient avant tout à la façon de faire référence aux sentiments
comme catégorie générale et générique dont les « bons sentiments »
seraient le prototype. L’usage de la catégorie générale, plutôt que
d’un sentiment ou d’une émotion spécifiques – par exemple l’in-
dignation, la joie, la tristesse – a pour effet de faire remonter toute
la série des dichotomies qui enserrent l’usage de la notion : sen-
timent/raison, subjectif/objectif, passif/actif, individuel/collectif.
Dans ce cas, l’usage même de « sentiment » sans spécification
implique qu’il s’agit d’une modalité générique de compréhension
et de traitement des circonstances ; et que c’est cette modalité de
traitement des circonstances qui est source du problème pour la
question de la distance et du politique.
Ce n’est pas le cas lorsqu’une situation est caractérisée à partir
d’un sentiment spécifique. Car alors, l’attention est orientée vers
une réaction ou une modalité d’appréhension et de traitement des
circonstances et simultanément vers les aspects de la situation qui
rendent intelligible la référence à ce sentiment, à cette émotion
[Paperman, 1995a, 1995b].
276 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

La perception d’une colère, d’une joie, d’une tristesse n’est


pas seulement l’identification d’une réaction isolée, détachée d’un
contexte, mais l’identification d’un ensemble de circonstances ou
d’aspects de la situation qui rendent intelligible le sentiment en
question, même en l’absence d’une cartographie des enchaîne-
ments causaux qui permettraient d’attribuer des responsabilités. La
topique du sentiment est précisément définie comme cette forme
d’expression qui « fétichise » une sensibilité qui n’est pas tournée
vers autrui, mais plutôt vers soi, voire vers elle-même, excluant que
puissent être considérés les multiples liens que tissent des senti-
ments spécifiques avec des situations spécifiées. Ainsi délimitée,
elle dérive au mieux vers la prise en considération de victimes
qu’aurait apaisées le geste du bienfaiteur [Trom, 2007], au pire
vers l’autosatisfaction.
Tant qu’elles s’expriment dans le vocabulaire des affects, les
réactions aux souffrances à distance maintiennent un cadre d’in-
terprétation qui individualise et singularise des situations de souf-
france. Une topique du sentiment ne peut venir en soutien d’une
politique des affects (de la sensibilité, du care) car elle déferait la
désingularisation et la généralisation requises pour une politisation.
Mais n’est-ce pas la notion même de distance qui est floue, du fait
de la diversité de ses usages : distance entre les positions de spec-
tateur et de malheureux, distance entre des situations de malheur
toujours singulières, distance entre celui qui regarde et celui que
la représentation du malheur veut atteindre par la parole, le récit,
la représentation par l’image ?
La référence aux sentiments à elle seule suffit-elle à expliquer
l’impossibilité de faire un compte-rendu des souffrances susceptible
de les relier à un ensemble de conditions sociales, de politiser le
rapport à la souffrance ?

Genre et sentiments : histoire d’une disqualification

À la fin de son développement sur l’attendrissement (avant d’en


considérer la transformation en construction sadienne), L. Boltanski
mentionne ce que la disqualification des émotions doit à l’émergence
au milieu du XVIIIe siècle d’une approche genrée de la sensibilité,
en réaction à la montée d’une littérature romanesque écrite par des
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 277

femmes. « Il s’ensuit que la capacité à avoir et à extérioriser des


sentiments, qui était jusque-là non marquée sexuellement ou même,
peut-être, plus souvent attribuée aux hommes qu’aux femmes,
se transforme en qualité puis en défaut féminin. C’est d’abord la
féminisation du sentiment qui entraîne son discrédit et l’accusation
de sentimentalisme » [1993, p. 149]. Mais ce rappel de l’histoire
reste sans effet sur le traitement des sentiments comme catégorie
générale sur laquelle repose l’argument de sentimentalisme.
L’imbrication du genre et des sentiments, des émotions et des
affects (le terme ne change rien à l’affaire) est un élément crucial
qu’une stratégie féministe doit prendre en compte. C’est pourquoi,
selon J. Tronto, la perspective du care gagne à se passer d’une
référence aux sentiments. Non parce qu’ils ne jouent aucun rôle
dans l’identification des questions morales et les réponses qu’elles
reçoivent, mais parce que l’association des femmes à la sensibilité
et aux émotions fonctionne comme un cheval de Troie dans la
discussion politique : faites entrer les sentiments et vous obtenez à
coup sûr la relégation des femmes et de leurs revendications hors
du champ politique. Car cette référence aux sentiments plaçant
les femmes en outsiders politiques perpétuels est enchâssée dans
des façons de penser les questions morales et politiques – « les
frontières morales » – qui barrent toute possibilité d’entendre une
« voix différente » sans la disqualifier. Ainsi, la distinction stricte
entre morale et politique limite le domaine du care aux relations
entre proches en lui ôtant sa portée politique, le critère de l’impar-
tialité pour qualifier le « point de vue moral » disqualifie l’approche
contextuelle du care, la séparation de la sphère privée et de la sphère
publique selon une ligne de genre rabat le care sur les activités
traditionnellement dévolues aux femmes. Dans les cadres posés par
ces frontières morales, toute référence aux sentiments, à une morale
des sentiments se heurtera aux objections présentées en introduction,
car ces objections sont engendrées par ces cadres de pensée. Ce sont
ces frontières que l’analyse de J. Tronto vise à déplacer.
L’histoire de la disqualification des sentiments par le genre
recoupe en partie celle de l’affaiblissement des théories des sen-
timents moraux et de la conception contextualiste de la morale.
L’analyse de cet affaiblissement et de la prééminence acquise par
une conception universaliste et rationaliste de la morale prend appui
sur l’histoire des transformations sociales du XVIIIe siècle. Elle rend
278 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

compte des conditions d’émergence de la question de la distance


sociale comme question morale saillante et de l’autonomisation des
sphères d’activités et de relations auparavant plus intégrées dans des
formes de vie plus organiques et moins différenciées. La conception
morale universaliste basée sur la raison s’est avérée plus adéquate
au monde naissant des transformations sociales du XVIIIe siècle, plus
apte à réguler les relations de distance entre groupes et personnes,
les rapports entre sphères d’activités qui s’autonomisaient au fur et
à mesure de ces transformations que n’était en mesure de le faire
la conception contextualiste centrée sur l’idée des vertus et sur les
sentiments moraux.
Mais l’analyse de J. Tronto ne s’arrête pas là. Elle comporte
une autre explication de la disqualification des sentiments et de la
conception contextualiste de la morale :
« Alors qu’il n’y a aucune raison inhérente pour que la morale
universaliste exige l’exclusion des femmes de ce domaine, en fait
les circonstances historiques du XVIIIe siècle ont conduit à développer
l’argument qui a contenu à la fois les femmes et les sentiments moraux
dans la sphère domestique […]. C’est aux antiféministes du XVIIIe et du
XIXe siècle que l’on doit d’avoir réussi à imposer aux femmes la vision
essentialiste qu’une moralité contextuelle et des sentiments moraux
est une moralité des femmes. Cette association des femmes avec une
perspective des sentiments moraux, paroissiale et liée au contexte, a
disqualifié les femmes dans les plus importantes discussions morales »
[Tronto, 1993, p. 56].

Cette seconde explication plus circonstanciée renforce la précé-


dente. Car chacune fait ressortir les raisons et les circonstances dans
lesquelles s’est imposée une vision de la morale comme domaine
séparé du politique, recoupant la séparation des sphères privée et
publique. Les deux explications convergent sur le diagnostic : les
risques de la référence aux sentiments dans la discussion morale
et politique. La disqualification des sentiments (et des femmes)
est inscrite dans les cadres mêmes de cette pensée morale qui s’est
installée à partir de cette période. Les analyses alternatives des
sentiments et des émotions – qui visent à requalifier ces modalités
sociales de perception et de traitement des situations – sont vouées
de ce fait à se heurter à la réitération des mêmes objections. Ce sont
ces cadres qu’il importe de déplacer, et un tel déplacement ne résulte
pas d’argumentations théoriques, en tout cas pas centralement.
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 279

Si une politique du care n’est, selon J. Tronto, ni une politique de


la pitié ni une politique compassionnelle, c’est que le care comme
processus n’est pas centralement une histoire de sentiments, ni un
travail de l’amour, mais un enchaînement complexe d’activités dont
l’organisation même produit des inégalités diversifiées : d’accès aux
soins, mais aussi de chances, de capacités de vie et de pouvoir.
Aux différents aspects des activités de care sont associées
des qualités ou des capacités morales qui leur sont nécessaires :
compétence, attention, responsabilité, réceptivité. Ces capacités
morales permettent la description mieux que ne le ferait le recours
à une terminologie des sentiments. Elles se substituent ainsi à un
vocabulaire qui comporte surtout des risques de dérapage et dont
elles couvrent en réalité le domaine d’extension. Mais plus que
l’analyse des qualités morales impliquées dans l’accomplissement
de ce travail, c’est l’analyse des différents aspects du processus
qui permet de saisir la complexité de ce qui est « couvert » par
le terme même de proximité dans les objections présentées plus
haut. Car il y a dans ces phases du processus différentes façons de
se rendre proche ou au contraire éloigné d’une situation dont les
« détails » importent, de répondre ou de ne pas répondre, de voir
ou d’ignorer les exigences. Et c’est de l’intégration du processus,
c’est-à-dire de la coordination équilibrée entre les différents aspects
de l’activité (to care about, to care for, care giving, care receiving)
que dépend la réussite de l’action. Noter l’existence d’un besoin
(to care about), prendre les dispositions pour qu’il puisse trouver
une réponse (to care for), donner directement la réponse ou le soin
(care giving) et la recevoir (care receiving), tels sont les éléments
du processus qui peuvent être dissociés et fragmentés, en étant
associés à des positions sociales hiérarchisées dans la division
du travail, ou parfois (et moins souvent) intégrés en un ensemble
d’activités dont la réalisation n’est pas directement ou totalement
couplée à une division hiérarchisée du travail. L’analyse du care
comme processus constitue en ce sens un outil d’évaluation critique
de l’organisation des activités et de sa cohérence éthique.
La notion de proximité perd de sa pertinence. Elle ne suffit pas
à rendre compte de la complexité du processus ni surtout de son
organisation sociale et politique. La focalisation sur la dyade – le
plus souvent maternelle –, sur la famille et la sphère domestique
apparaît alors comme une étrange réduction du champ, qui permet
280 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

de ne pas voir ce que la dyade doit à l’organisation sociale du travail,


à l’inégalité de sa distribution. Autrement dit, la relation dyadique
– si elle peut, dans des situations extrêmes, regrouper l’ensemble
des aspects du processus – n’en est éventuellement qu’un moment,
qui, dans tous les cas, implique la coordination entre les activités de
protagonistes multiples, situés à l’intérieur de la sphère domestique
(sans pour autant endosser les mêmes fonctions dans le processus)
ou à l’extérieur : professionnels, auxiliaires, agents d’institutions
publiques, etc.

Care à distance

Si la proximité cesse d’être un critère pertinent de définition des


activités de care, au profit de distinctions analytiques plus ajustées
à la description de ces activités et de leur organisation, on peut sup-
poser que le second terme du couple – la distance sociale – reçoit un
traitement analogue. La question de la distance peut être renvoyée à
ceux pour qui elle est une objection décisive en prenant un sens non
prévu. Je présenterai pour conclure quelques-unes des réflexions
récentes qui semblent s’orienter dans cette direction.
Si la question de la distance fait sens dans le contexte de trans-
formations globales de la division du travail, elle est reformulée
de manière à poser la question du statut de citoyenneté des agents
du care venus d’ailleurs qui résident dans les pays d’accueil et à
soulever la question de la parentalité transnationale.
Les perspectives féministes ont considérablement élargi la
connaissance et la compréhension du care comme activités et travail
des processus de pouvoir qui tendent à marginaliser les besoins de
care des femmes, des présupposés de l’organisation des politiques
sociales qui reposent sur un travail invisible [Gautier et Heinen,
1993 ; Heinen, 2004 ; Jenson, 2001 ; Martin, 2001]. Elles se sont
intéressées en particulier aux multiples « crises du care ». Dans un
ouvrage récent, Mary Zimmerman, Jacquelyn Litt et Christine Bose
[2006] élargissent à quatre le nombre de ces crises. La première
crise est celle de son déficit sous l’effet de la rupture des modes
traditionnels de distribution du care : plus de demandes de répondre
aux besoins que de possibilités d’y satisfaire. La deuxième est liée à
la marchandisation et à l’exploitation de sa production, la troisième
POUR UN MONDE SANS PITIÉ 281

réfère à l’influence d’organisations supranationales et de politiques


d’ajustement structurel dans l’allocation des arrangements du travail
de care au niveau national et mondial. Enfin, la quatrième rend
manifeste l’intensification d’une hiérarchisation mondiale selon
les lignes de genre, de classe, de race [Zimmerman, Litt et Bose,
2006 ; Falquet, Hirata et Lautier, 2006].
Un retournement imprévu de la question de la distance consiste
donc à faire du care, du travail de care, la base d’une définition
de la citoyenneté [Tronto, 2003 ; Sevenhuisjen, 1998]. Car les
travailleurs du care soutenant les personnes dépendantes, char-
gés du travail domestique et « libérant » les citoyens des pays
d’accueil sont largement des personnes (des femmes) qui n’ont
qu’une citoyenneté partielle, voire pas de citoyenneté du tout,
dans le pays d’accueil. Les agents du care, qu’ils exercent dans
la sphère domestique, dans les institutions publiques ou dans les
organisations du marché, viennent souvent d’ailleurs. Au modèle
masculin du migrant économique succède la migrante employée
pour des travaux de care, transférant ses revenus à la famille restée
sur place, assurant au pays d’origine une entrée en devises stable
et substantielle. Ces nouvelles tendances de la migration – la fuite
du care – déplacent le déficit de care des pays riches vers les pays
« en développement ». Des formes de parentalité transnationales
se développent, mobilisant des relais de toutes sortes.
La question des relations à distance prend ici un contenu diffé-
rent de sa formulation classique, un contenu moins désincarné. Par
exemple, Arlie Hochschild [2007] parle de « transfert émotionnel »
pour caractériser une des dimensions des transformations globales
de la division du travail. Ce qui est transféré, dit-elle, c’est une
part des soins, de l’affection, du care pour les enfants restés à
distance vers les enfants dont s’occupe la nounou, la domestique
(les travailleuses du sexe sont supposées ne transporter que leur
corps). Une chaîne globale de care se déploie qui met en jeu de
façon inédite la distance et la proximité.
L’inadéquation de la métaphore spatiale pour parler du care, tant
dans sa dimension éthique et sociale que politique, est manifeste
quand on saisit l’importance de la dimension du temps dans le déve-
loppement des relations sociales nouées autour de la dépendance et
de la vulnérabilité. La dimension du temps se révèle cruciale pour
décrire la complexité de l’organisation sociale du travail de care.
282 L’AMOUR DES AUTRES : CARE, COMPASSION ET HUMANITARISME

Ce qui fait de l’organisation de ces relations une question publique


et politique, c’est aussi cette dimension de temps qui infléchit le
cours des vies des care givers comme on le voit entre autres dans
les situations de migration, qui détermine les chances d’accéder
aux biens sociaux, mais qui est en même temps une condition de
la cohérence de l’activité de care pour les destinataires. La coor-
dination des temporalités des différents agents du care est l’axe
organisateur des problèmes de care. Elle est la face temporelle de
l’intégration du processus, la condition de sa cohérence [Damamme
et Paperman, 2007].
La transformation des façons de penser le temps, corollaire
des transformations du capitalisme et de la division du travail, la
volatilité et la flexibilité, la compression de l’espace et du temps,
accentuent le contraste avec les temporalités du care, ni flexibles
ni volatiles, même si les activités de care sont partiellement mar-
chandisables : quotidienneté, répétition, constance, continuité qui
assurent la bonne marche des affaires pour les autres, proches et
distants. Les temps du care ne peuvent être contrôlés et compressés
de la même façon que d’autres temps de travail. Le développement
des capacités des personnes, les soins du corps, l’entretien de la
conversation, le souci des autres mettent en jeu une autre tempo-
ralité. Or les notions de distance et proximité, même si elles ne
sont pas strictement spatiales, peinent à retrouver cette dimension
du temps en dehors de laquelle il est difficile de saisir ce que les
activités de care représentent pour la vie humaine.

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