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contre l’impunité du régime de Damas, en faisant en


sorte que ses principaux responsables n’échappent pas
Journalistes assassinés en Syrie: la justice
à leurs responsabilités.
française réunit des éléments contre le
régime Assad
PAR THOMAS CANTALOUBE
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 13 AVRIL 2018

Un manifestant en Turquie brandit les portraits de Rémi Ochlik et de Marie Colvin en


février 2012 pour dénoncer les meurtres de journalistes par le régime d'el-Assad © Reuters

Ce crime de guerre s’est déroulé le 22 févier 2012


dans le quartier populaire de Baba Amr à Homs, une
Un manifestant en Turquie brandit les portraits de Rémi Ochlik et de Marie Colvin en
février 2012 pour dénoncer les meurtres de journalistes par le régime d'al-Assad © Reuters des plus grandes villes syriennes, située sur un axe
Mediapart révèle des éléments du dossier concernant stratégique au nord de Damas. C’est une époque avant
le bombardement du centre de presse de Homs en Daech et les multiples milices islamistes, avant les
2012, où deux journalistes, Marie Colvin et Rémi Russes et les Iraniens, quand ce ne sont encore que des
Ochlik, ont été tués. Il met en évidence la volonté de Syriens souhaitant se débarrasser du joug de Bachar
tuer et la chaîne de commandement qui remonte au al-Assad qui affrontent l’armée régulière. Le quartier
frère de Bachar al-Assad. rebelle est assiégé et bombardé depuis des semaines
En sept années de guerre, le conflit syrien a produit par les forces de sécurité loyales au régime et, déjà,
tellement d’atrocités qu’elles ont tendance à s’effacer des civils périssent par dizaines. Les journalistes du
de nos mémoires. Les attaques chimiques chassent monde entier essaient de couvrir ce conflit sanglant, le
les bombardements indiscriminés, la parole des premier siège d’une guerre qui en comptera beaucoup.
victimes de tortures succède aux images d’exécutions Damas fait tout pour les en empêcher. Du coup, les
sommaires. Pourtant, certains crimes subsistent reporters s’infiltrent comme ils peuvent en territoire
parfois ailleurs que dans les souvenirs des rescapés et syrien, souvent à partir du Liban, par des canalisations
les rapports des ONG. Par exemple, la justice française souterraines, aidés par des rebelles désireux de voir
instruit un de ces “vieux” crimes des débuts du conflit révélés aux yeux du reste du monde leur combat et leur
qui pourrait, si la procédure va jusqu’au bout, aboutir à calvaire.
une inculpation pour crimes de guerre d’au moins trois Quand ils parviennent à Baba Amr, les médias
hauts responsables du régime syrien, dont le propre étrangers sont accueillis dans un centre de presse,
frère de Bachar al-Assad, Maher. en fait une maison clandestine occupée par des
Mais tout le problème réside dans le “si” : si la justice « journalistes citoyens » locaux, avec juste de quoi
va jusqu’au bout… Les parties civiles s’inquiètent se reposer et communiquer par Internet. Le 21
en effet du manque de dynamisme de l’instruction février 2012, il y a six journalistes étrangers sur
judiciaire, en dépit de nombreux éléments à charge place : l’Américaine Marie Colvin, le Britannique Paul
dans le dossier. Pourtant, selon des spécialistes de la Conroy, l’Espagnol Javier Espinosa, et trois Français :
défense des droits de l'homme et des activistes syriens, Édith Bouvier, Rémi Ochlik et William Daniels. Ce
ce dossier pourrait être emblématique dans la lutte soir-là, Colvin témoigne en direct sur CNN, la BBC et
Channel 4, via Skype, des souffrances de la population
civile et des bombardements incessants.

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Au petit matin, un obus tombe à proximité du centre En 2016, Emmanuel Daoud, l’avocat français des
de presse, tout le monde est réveillé en sursaut victimes qui ont déposé plainte aux États-Unis, se
et commence à évacuer les lieux, alors que les constitue lui aussi partie civile dans le même dossier,
roquettes continuent de pleuvoir selon la technique du ce qui permet de l’étoffer et de le rendre encore plus
« bracketing », qui consiste à ajuster le tir après chaque emblématique. (Le Monde a rendu compte le 9 avril
coup. Lorsqu’ils sortent de la maison, une roquette 2018 de la procédure civile américaine qui ne peut
explose devant la porte d’entrée et fauche Marie déboucher que sur des dommages et intérêts.)
Colvin et Rémi Ochlik, qui meurent sur le coup. Édith Pour Mazen Darwich, avocat et militant des droits
Bouvier, Paul Conroy et Wael el-Omar, un traducteur de l'homme syrien, cette plainte en France est
syrien, sont blessés. Leur évacuation prendra plus extrêmement importante, car « elle est la première à
d’une semaine et fera l’objet d’un parcours épique, les avoir été déposée : elle est la première où les victimes
reporters soupçonnant le régime syrien de vouloir les ont décidé de ne pas accepter l’impunité. Il ne s’agit
achever (leur récit est ici). pas de se venger, mais de pointer les responsabilités,
Avec la mort, quelques semaines plus tôt et déjà particulièrement celles de personnes au sommet qui
à Homs, du journaliste français Gilles Jacquier, qui ont agi de manière systématique et délibérée. Si ce
accompagnait des soldats de l’armée syrienne, cet dossier débouche, il ouvrira la porte à d’autres et
événement découragera les médias de continuer à restaurera la foi des gens dans la justice au lieu de les
prendre des risques en envoyant leurs employés en détourner vers l’extrémisme ».
Syrie. Avant même que n’émerge le danger posé par Malheureusement, depuis trois ans et demi,
les différents groupes islamistes, ces décès marquent l’instruction traîne. À tel point que le 12 mars
le début d’un black-out sur le conflit. Tout le 2018, les parties civiles, soutenues par la Fédération
monde soupçonne en effet Damas d’avoir sciemment internationale des ligues des droits de l’Homme
bombardé le centre de presse de Baba Amr, même si (FIDH), ont organisé une conférence de presse pour
le régime s’en défend en accusant « les terroristes ». attirer l’attention sur la lenteur de la procédure. « Il y a
De retour à Paris, Édith Bouvier et la famille de Rémi suffisamment d’éléments dans le dossier pour émettre
Ochlik portent plainte pour meurtre et tentative de des mandats d’arrêt internationaux et organiser un
meurtre (aux États-Unis, la sœur de Marie Colvin, procès des responsables en France, même en leur
Paul Conroy et Wael el-Omar font de même). Mais absence », a expliqué David Père. « Il faut savoir si
l’instruction ne mène nulle part. Jusqu’à ce qu’en le pôle crimes de guerre du TGI est une supercherie
2014, un nouvel avocat d’Édith Bouvier, David Père, ou pas. » Son collègue Emmanuel Daoud a renchéri :
demande et obtienne une requalification de la plainte « Il est assez peu courant que des avocats s’expriment
en crime de guerre, c’est-à-dire l’assassinat ou les publiquement lors d’une instruction en cours, mais
mauvais traitements de civils non justifiés par des on ne peut pas tirer à boulets rouges sur Bachar al-
exigences militaires. La plainte est ainsi transférée Assad et ne rien faire face aux pièces dans le dossier
au pôle spécialisé dans les crimes contre l’humanité, d’instruction. »
génocides et crimes de guerre du tribunal de Paris. En effet, il y a dans le dossier d’instruction des
Cette division, mise en place en 2012, bénéficie du témoignages extrêmement précis et accusateurs que
principe de juridiction universelle et représente une Mediapart a pu consulter. Ils impliquent directement
des avancées importantes de la justice française afin de hauts dirigeants du régime syrien, ceux qui ont
de ne pas laisser l’impunité s’installer. Essentiellement donné l’ordre de bombarder le centre de presse de
chargé de dossiers sur le Rwanda, ce pôle hérite donc Baba Amr afin de tuer les journalistes étrangers qui
en 2014 de ce dossier “pionnier” sur la Syrie. s’y trouvaient, et ceux qui les ont exécutés, parmi
lesquels Maher al-Assad, le frère du président syrien et

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commandant de la 4e division blindée, Ali Mamlouk, bougeait, empêcher toute sortie d’information, et quoi
le chef des renseignements, Rafiq Shahadah, chef du qu’il arrive, la réponse était toute trouvée, c’était la
comité militaire et de la sécurité à Homs, ainsi que faute des terroristes. »
cinq autres militaires et miliciens syriens (dont trois Le second témoin, un ancien officier des
généraux). Tous ces hommes sont encore en vie et à renseignements, a, lui, assisté à toute la préparation
Damas. Ali Mamlouk a même été reçu récemment à du bombardement et à ses conséquences. Il raconte
Rome par les services secrets italiens en violation des dans son procès-verbal comment son unité avait été
sanctions européennes. informée par des sources au Liban de l’entrée en Syrie
Un dossier « emblématique et symbolique » de journalistes qui se rendaient à Homs. Au soir du 21
février 2012, il se trouvait en compagnie de Khaled al-
De nombreux témoins des deux bords (anciens fidèles
Fares, un chef de milice fidèle au régime, par ailleurs
du régime et opposants) ont été interrogés au cours
« trafiquant de drogue » : « Il a reçu un appel
de l’instruction et par une commission d’enquête de
sur son portable. J’ai compris que la personne qui
l’ONU, et tous désignent la même direction. Oui,
l’appelait était l’une de ses informatrices, c’était une
les reporters étrangers étaient des cibles privilégiées
femme car je pouvais entendre sa voix. J’ai compris
du régime d’al-Assad qui ne voulait pas que l’on
également qu’elle lui parlait de quelque chose en
évoque sa stratégie de répression violente. Oui, les
lien avec le centre de presse. Après avoir raccroché,
bombardements étaient effectués de manière précise,
Khaled al-Fares a contacté par radio Rafiq Shahadah
sur la base de repérages aériens et d’informateurs au
pour lui dire qu’il avait obtenu des informations sur
sol. Non, les rebelles ne possédaient pas de munitions
l’emplacement du centre de presse et le lieu où se
lourdes.
trouvaient les journalistes. (…) Kaled al-Fares a joint
Mais deux témoins spécifiques, des anciens soldats de avec son téléphone portable Ghassan Belal qui est
l’armée syrienne dont l’identité est connue des juges l’adjoint de Maher el-Assad. Il l’a tenu informé des
d’instruction, ont pu apporter des éléments détaillés renseignements qu’il avait sur le lieu où se trouvaient
sur la chaîne de commandement et le ciblage du centre les journalistes. Il a employé l’expression “ces putains
de presse. Le premier, un officier instructeur, raconte d’espions” . »
sur procès-verbal : « À Homs, en haut de la hiérarchie,
Après plusieurs trajets pour récupérer l’informatrice
il y avait le commandement de la sécurité, qui était en
d’al-Fares et l’emmener à la salle des opérations en
lien direct avec Maher al-Assad (…) qu’on appelait
présence d’une dizaine d’officiers de l’armée syrienne,
“le maître”. (…) Tous les points occupés par les
le témoin rapporte la fin de cette nuit d’intense
révolutionnaires étaient ciblés. Pour ce qui est du
activité : « Khaled al-Fares m’a dit qu’ils avaient
centre de presse, comme des photos aériennes étaient
réussi à localiser l’endroit d’où sortait un article ou
prises par des drones, si un journaliste mettait par
un reportage [ceux de Marie Colvin – ndlr], grâce aux
exemple un drapeau blanc pour signaler sa présence
informations de sa source. Vers 4 h 30/5 heures du
et se protéger, au contraire cela attirait le feu. (…) Je
matin, en tout cas au petit matin du 22 février, c’est-
suis certain que le centre de presse a été spécialement
à-dire quand le jour commençait à poindre, le centre
ciblé, car la personne qui m’a communiqué les
de presse de Baba Amr a été bombardé par environ 20
informations m’a dit qu’elle avait eu des instructions
obus. Je l’ai entendu, car il y a environ un kilomètre
pour empêcher que les journalistes sortent de Baba
entre Baba Amr et la branche des renseignements
Amr. C’est Isaam Zaredhine [un des généraux – ndlr]
militaires. Dans la matinée, la nouvelle a été diffusée
qui avait réuni tous les officiers pour leur dire qu’il
que le centre de presse avait été atteint et que
fallait empêcher tous les journalistes, en particulier
l’affaire était close. (…) Le chef de l’escorte de Rafiq
les journalistes étrangers, de sortir de Baba Amr.
Shahadah m’a dit en sortant de son bureau que “cette
De façon générale, il fallait bombarder tout ce qui
salope de journaliste américaine espionne et juive”

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était décédée. Et Nabil Youssef [chef d’une section de la FIDH. « À défaut de pouvoir saisir la Cour
technique des renseignements généraux – ndlr] m’a pénale internationale, la justice extraterritoriale est
dit également que le sort des journalistes étrangers le seul moyen de pouvoir examiner les crimes contre
avait été scellé. (…) J’ai entendu Rafiq Shahadah dire les populations civiles. C’est une chose que l’ONU,
textuellement : “Ce n’était qu’une chienne qui a crevé, Human Rights Watch ou la FIDH dénoncent les crimes
que l’Amérique lui vienne en aide .” Rafiq Shahadah de guerre, mais c’en est une autre quand la justice
a tapé sur l’épaule de Kenan Ghaliya comme pour pénale s’en empare. D’autant que ce dossier a permis
le féliciter et Kaled al-Fares lui a dit : “Attends-toi de remonter la chaîne de commandement et désigner
à une belle promotion.” Par la suite, j’ai appris de des responsabilités individuelles, ce qui n’est pas
Khaled al-Fares que Kenan Ghaliya était celui qui facile. »
avait exécuté l’ordre de bombarder le centre de presse « Nous attendons donc que la justice française émette
et que c’était lui qui était le commandant du bataillon des mandats d’arrêt internationaux à l’égard de ces
d’artillerie des forces spéciales à Homs. J’ajoute que personnes, poursuit-elle. Cela ne signifie pas que
dix jours après, Khaled al-Fares a reçu comme cadeau Bachar al-Assad ou ses proches, s’ils sont sous le coup
une voiture de luxe de Maher al-Assad. » d’un mandat d’arrêt, vont démissionner demain. Mais
ce serait un pas important dans l’océan d’impunité
qui entoure le gouvernement syrien. Il serait bien
que les juges français soient animés d’un sentiment
d’urgence, car les crimes du régime sont toujours en
train de se commettre. Les victimes syriennes voient
un espoir dans ce dossier pour ouvrir une brèche. »
De source judiciaire, on tient à préciser que « ce n'est
Les bombardement sur le quartier de Bab Amr en février 2012 © Reuters
pas un dossier au point mort. L'enquête est toujours en
cours, des actes sont réalisés, et elle progresse. »
Les enquêtes judiciaires sur les crimes de guerre
sont souvent des affaires fastidieuses et longues De son côté, Édith Bouvier, qui poursuit son travail
comme en témoignent les procédures devant la Cour de journaliste et qui a récemment fait expertiser un
pénale internationale ou le Tribunal spécial sur l’ex- fragment d’obus logé dans sa jambe, aimerait que les
Yougoslavie. Ce sont aussi des affaires extrêmement juges d’instruction français et les hommes politiques
complexes, ce qui les rend hasardeuses. Mais, dans fassent preuve d’un peu de courage. « On nous dit
ce cas précis, du point de vue des avocats des parties qu’on ne peut pas enquêter sur place, mais nous
civiles, le cas est relativement simple. Il ne concerne avons fourni tous les éléments nécessaires à la justice
pas des centaines de morts, un village isolé ou des pour émettre des mandats d’arrêt et prononcer des
unités militaires marginales. Ce bombardement est mises en examen. Est-ce que l’on peut considérer
circonscrit en temps et en lieu. Il y a des témoins qui que l’assassinat d’un journaliste français n’est pas
ont livré des récits détaillés qu’ils sont prêts à répéter important ? Quand certains politiques expliquent que
devant un tribunal, ainsi qu’un organigramme précis “Bachar n’est pas notre ennemi, mais l’ennemi du
du commandement militaire syrien à Homs durant peuple syrien”, je peux garantir que ce n’est pas vrai.
cette période. Bachar al-Assad est aussi mon ennemi, car il a tué mes
amis. Et en rendant justice à Rémi et Marie, on peut
Surtout, ce dossier est « emblématique et
entamer le processus qui permettra de rendre justice
symbolique », selon les mots de Clémence Bectarte,
aux Syriens. »
avocate et coordinatrice du Groupe d’action judiciaire

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