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SEANCE 2

Les « lois » du service public

I- La neutralité du service public en matière religieuse : l’affaire du foulard


islamique

Document 1 : CE, 2 novembre 1992, Epoux Kherouaa


Problème de droit : un texte interdisant le port de tout signe religieux porte-t-il atteinte aux
principes de laïcité et de neutralité ?
Solution :
Dans un premier temps, le CE rappelle la valeur du principe de laïcité et son lien avec le
principe de neutralité : pour le CE, le principe de neutralité serait un PGD (CE, 28 mai 1954,
Barel). Par analogie, on peut lui reconnaître une valeur constitutionnelle (voir les
considérants). Pour le CC, la neutralité est le corollaire de l’égalité et dispose donc a priori
d’une valeur constitutionnelle (CC, 18 septembre 1986, Liberté de la communication).
Dans un second temps, le CE interprète la notion de laïcité et de neutralité.
CE, Avis, Ass., 27 novembre 1989 : le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent
manifester leur appartenance religieuse n’est pas, par lui-même, incompatible avec la
neutralité, mais il peut faire l’objet d’une réglementation destinée à éviter que ne soit
perturbée le bon déroulement des activités d’enseignement.

Avec l’arrêt Epoux Kherouaa, le CE s’est prononcé pour la première fois sur le fond de la
question. Le Conseil d’Etat a tout d’abord admis la recevabilité des conclusions dirigées
contre l’article 13 du règlement intérieur, revenant ainsi sur une ancienne jurisprudence
qui rangeait l’interdiction par les autorités d’un lycée de port de signes d’appartenance
politique au nombre " des mesures d’ordre intérieur ", insusceptibles d’être attaquées devant
le juge administratif (21 octobre 1938, Lote). Cette solution s’inscrit dans l’esprit de l’avis
de 1989 qui, tout en soulignant le rôle régulateur qui incombe dans les lycées et collèges aux
conseils d’administration et aux conseils d’établissement, avait rappelé que les règlements
intérieurs, lorsqu’ils précisent les droits et devoirs des membres de la communauté
scolaire, sont soumis à un contrôle de légalité.
Ayant admis la recevabilité de ces conclusions, le Conseil d’Etat y a fait droit, en constatant
que l’interdiction qu’édictait la disposition attaquée présentait un caractère général et
absolu et ne comportait aucune référence aux troubles ou difficultés que le port de
certains signes aurait pu engendrer au sein de la communauté scolaire. Le règlement adopté
par le conseil d’administration du collège ne trouvait ainsi aucune justification dans l’un
ou l’autre des motifs qui, selon les principes dégagés par l’avis de 1989, aurait pu donner
un fondement légal à une limitation du port du voile. Quant aux décisions individuelles
d’exclusion, elles n’avaient, en l’espèce, d’autre fondement que la méconnaissance de cette
disposition du règlement intérieur ; le Conseil d’Etat les a donc annulées, le conseil de
discipline de l’établissement s’étant fondé sur la seule violation des dispositions du règlement
intérieur et non sur le comportement des intéressées ou sur un trouble apporté à l’ordre ou au
fonctionnement du collège.

Voir aussi :
CE, 20 octobre 1999, Ministre de l’éducation nationale c/ Epoux Ait Ahmad : le CE a reconnu
la légalité de mesures d’exclusion d’élèves qui, lors de l’enseignement d’éducation physique,
avaient refusé de retirer le voile qu’elle portaient.

1
CE, Ass., 14 avril 1995, Koen et Consistoire central des israélites de France : les élèves de
l’enseignement public ont le droit d’obtenir des autorisations d’absence pour des motifs
d’ordre religieux, à la condition que ces dispenses d’assiduité soient nécessaires à l’exercice
du culte et ne soient incompatibles ni avec le déroulement normal de la scolarité ni avec le
respect de l’ordre public dans l’établissement.

NB : loi du 15 mars 2004

Document 2 : CE, 14 mars 1994, Mlles Neslitour et Zehranur :


Idem.

II- Le principe d’égalité et de tarification de services publics

Document 3 : CE, 10 mai 1974, Denoyez et Chorques :


Problème de droit : quels critères peuvent justifier l’application d’une tarification différente
aux usagers d’un même SP ?
Solution :
Le CE s’estime compétent pour connaître des différends relatifs aux bacs : il s’agit donc d’un
SPA (comparez avec l’arrêt Société de l’Ouest africain, TC, 22 janvier 1921)
Le CE pose les conditions autorisant une différenciation tarifaire : des différences de situation
appréciable ou une nécessité d’intérêt général.
Le lieu de résidence constitue-t-il une différence de situation appréciable ? Le CE estime que
le fait de résider à titre permanent constitue une différence de situation appréciable mais il
exclut toutes les autres possibilités.
Existe-t-il une nécessité d’intérêt général qui justifierait une différenciation tarifaire pour des
personnes autres que les résidents permanents de l’île ? Le CE estime que la qualité de
contribuable des habitants du département n’est pas pertinente en l’espèce.
La demande est rejetée.

Voir aussi :
CC, décision du 12 juillet 1979.
CE, 10 décembre 1982, Syndicat intercommunal de l’île de Ré.

Document 4 : CC, décision du 12 juillet 1979 :


Voir corrigé devoir maison.

Document 5 : CE, 26 avril 1985, Ville de Tarbes c/ association des parents d’élèves
anciens de l’école nationale de musique de Tarbes :
Problème de droit : la mise en œuvre de tarifs différenciés selon les revenus d’une famille est-
elle compatible avec le principe d’égalité devant le SP ?
Solution : le CE rappelle les conditions posées par l’arrêt Denoyez et Chorques : des
différences de situations appréciables ou une nécessité d’intérêt général en rapport avec les
conditions d’exploitation du service.
Les différences de revenus entrent-elles dans une de ces conditions ? Le CE estime que cela
n’est pas le cas. En conséquence, il ne peut y avoir de tarifs différenciés fondés sur les
revenus des familles.

2
Document 6 : CE, 5 octobre 1984, Commissaire de la République de l’Ariège :
Problème de droit : l’application d’un tarif différencié fondé sur le lieu de résidence, pour
l’accès à un service public facultatif, porte-t-elle atteinte au principe d’égalité ?
Solution : le CE s’appuie sur 2 conditions (cumulatives) :
Un SPA facultatif + le prix le plus élevé n’excède pas le prix de revient du service.
Il peut y avoir différenciation tarifaire si il y a des différences de situations appréciables ou
nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service.
Le CE estime qu’en l’espèce, la qualité de contribuable de la commune constitue une
différence de situation appréciable dans la mesure où il existe une prise en charge partielle du
prix du repas par le budget communal (revirement par rapport l’arrêt Ville de Tarbes).

Document 7 : CE, 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers :


Problème de droit : la mise en œuvre de tarifs différenciés selon les revenus d’une famille est-
elle compatible avec le principe d’égalité devant le SP ?
Solution : SPA facultatif + le prix le plus élevé n’excède pas le prix de revient du service. Il
est dans ces conditions possible d’appliquer un tarif différencié aux usagers du SPA en
fonction de leurs revenus. Il est dans l’intérêt général de pratiquer des politiques tarifaires
tendant à réduire les inégalités.

Document 8 : CAA de Lyon, 13 avril 2000, Commune de Saint-Sorlin d’Arves.


Problème de droit : De quelle marge de manœuvre dispose le conseil municipal pour fixer le
tarif du forfait saisonnier d’accès aux remontées mécaniques d’une station de ski ?
Solution : La qualité de contribuable des résidents permanents ne constitue pas en l’espèce
une différence de situation appréciable.
La participation à l’activité touristique des habitants ne justifie pas une différenciation fondée
sur une nécessité d’intérêt général.
La différenciation tarifaire n’est donc pas justifiée.

III- Principe de continuité et grève dans les services publics

Document 9 : CE, 17 janvier 1986, Ville de Paris c/ M. Duvinage :


Problème de droit : le préjudice causé par une grève peut-il donner lieu à réparation lorsque
celle-ci a été exercer conformément aux lois et décisions réglementaires ?
Solution : Le recours à la grève a été exercé dans le respect des lois et décisions
réglementaires qui fixent les modalités d’exercice de ce droit. La ville de Paris a pris les
précautions nécessaires pour en avertir les capitaines de navire. Il n’y a donc pas de faute de
la ville de Paris et donc droit à réparation.
Le juge peut engager à titre subsidiaire, si le préjudice est anormal et spécial, une
responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques. Ce n’est pas
le cas en l’espèce.

Document 10 : CE, 6 novembre 1985, Ministre des transports c/ Touraine Air


transports :
Problème de droit : en cas de grève, dans quelles conditions la responsabilité du gestionnaire
peut-elle être engagée pour faute ?
Solution : le CE analyse dans un premier temps le comportement de l’Etat (du gestionnaire).
Le CE rappelle que le gestionnaire peut s’abstenir de faire usage des possibilités de
réquisition ou de sanction qu’il tient de la loi en poursuivant les négociations avec le

3
personnel. L’inertie ou la carence ne sont pas nécessairement constitutives de fautes. Il
faudrait « une carence systématique constituant une faute de nature à engager la
responsabilité de l’Etat » : la faute doit être caractérisée.
Dans un second temps, le CE admet que la responsabilité peut être engagée sans faute du fait
de l’anormalité et de la spécialité du préjudice subi : appréciation au cas par cas. En l’espèce,
seuls les frais anormalement engagés sont remboursés.

Document 11 : CE, 6 novembre 1985, société Condor-Flugdienst :


Problème de droit : en cas de grève, dans quelles conditions la responsabilité du gestionnaire
peut-elle être engagée pour faute ?
Solution : le CE rappelle dans un premier temps que seule la responsabilité du gestionnaire
peut être engagée à la demande des usagers, mais en aucun cas celle des grévistes.
Dans un second temps, le CE apprécie la notion de faute. Il constate qu’il n’y a pas de carence
systématique constitutive d’une faute de la part de l’Etat. Sa responsabilité ne peut être
engagée pour faute. Il recherche ensuite si la responsabilité du gestionnaire peut être engagée
même en l’absence de faute et pour cela apprécie le préjudice subi par la société. Le CE
estime que l’activité de la société s’exerçant essentiellement en dehors de l’espace aérien
français, la société n’a pas connu de préjudice suffisamment grave et anormal pour que la
responsabilité de l’Etat soit engagée.

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