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Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège

Poésie

Jacques Prévert, Paroles (Folio)


Ce recueil de poèmes brille par la façon originale de dire le quotidien en transformant les banalités qui lui sont
propres à travers un langage poétique qui oscille entre l'humour et la révolte, entre des sentiments personnels
ou des souvenirs tendres et des événements politiques et sociaux contre lesquels Prévert s'insurge. Ce qui
mérite surtout qu'on retienne cet ouvrage, c'est la simplicité et l'humilité intelligentes avec lesquelles le poète
aborde et oriente son style par rapport aux différents sujets envisagés. Prévert désirait être un poète pour tous,
notamment pour la classe ouvrière, qu'il défend avec conviction dans ses textes. Il évite toutefois de tomber
dans le cliché. Au contraire, sa remise en question du monde et de l'ordre établi passe par des pirouettes
verbales et un ton cocasse savamment exploités. Cette perspective d'une poésie originale adaptée (et non «
réduite » ou « limitée » comme le pensent certains) au plus grand nombre constitue selon moi un magnifique
projet dont les gens doivent se souvenir, autant que de l'importance accordée par Prévert aux petites choses
qui, à l'inverse de beaucoup d'idées préconçues, ruissellent d'éléments poétiques. L'attendrissement sans la
miévrerie, la tristesse sans le tragique, la simplicité liée à l'imaginaire, à la fantaisie et à l'audace, le goût et
la soif du bonheur tant individuel que collectif, voilà autant de raisons de relire et relire ces Paroles dont notre
civilisation a selon moi bien besoin. (Thomas Vandormael)

© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 15/07/2018


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Arthur Rimbaud, Illuminations (Pocket)


« Œuvre enfin hors de toute littérature et, probablement, supérieure à toute », selon l'avis toujours fin
et pertinent de Félix Fénéon, les Illuminations d'Arthur Rimbaud constituent, à mes yeux, une forme
d'accomplissement de la poésie française. D'une vigueur et d'une beauté plus pure, sans doute, que les
minutieux ciselages parnassiens de l'époque, le recueil est lui-même une illumination totale, fête du verbe où
se mêlent métaphores puissantes (« Tout se fit ombre et aquarium ardent » - soit, dans le poème Bottom, la
périphrase de l'orgasme la plus efficace de toute la littérature française) et paysages oniriques (Métropolitain,
Promontoire, la série de Ville[s]). Mais plus encore que par cette seule dimension décorative, qui n'en ferait,
pour le dire de façon mallarméenne, qu'un « aboli bibelot d'inanités sonores » supplémentaire, le recueil
se donne à lire comme un produit formidablement engagé de et contre son époque, violant les orthodoxies
littéraires (en optant notamment pour la prose et en s'essayant au vers libre de Marine et Mouvement, le recueil
déjoue les structures classiques de la poésie) et sociopolitique (mêlant clins d'œil, caricatures et inside jokes,
de nombreux textes revisitent de la sorte l'épisode traumatique de la Commune). D'un point de vue trajectoriel,
les Illuminations sont aussi l'œuvre par laquelle, davantage encore qu'Une saison en enfer, Rimbaud ferme la
porte d'un monde des lettres décevant et, refusant d'en jouer plus longtemps le jeu, règle ses comptes avec
lui (« d'ailleurs il n'y a rien à voir là-dedans », dit le « je » boudeur du deuxième volet d'Enfance, en une note
autotélique qui, comme souvent dans le recueil, efface symboliquement le tableautin qui vient d'être esquissé)
pour choisir, comme l'écrira Breton plus tard, « plutôt la vie ». (Denis Saint-Amand)

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Arthur Rimbaud, Une saison en enfer (Livre de Poche)


Recueil de poésie qui a marqué la littérature par son élan vers la rupture radicale, à la fois langagière,
spirituelle, philosophique. Ce petit livre est un grand chef d'oeuvre : il exprime au mieux le désir du « je » de
rompre avec la faiblesse, la nostalgie, ou la passivité, selon un incroyable désir de liberté supérieure. Mais
celle-ci ne s'acquiert qu'au prix d'une longue descente aux enfers, après laquelle peut seulement avoir lieu
l'émergence d'un « je » nouveau, transformé, qui se situe au-delà du bien et du mal établis en fonction des
valeurs de la civilisation occidentale. Et cette quête de l'absolu se construit au fil de l'invention d'une nouvelle
langue et d'un nouveau rapport à l'expression de soi qui passe par une grande liberté langagière maîtrisée. Car
- et c'est la raison pour laquelle il faut continuer à faire connaître ce livre, qui s'éprouve bien plus encore qu'il
ne se lit - la poésie, le langage et le « je » sont, au même titre que l'amour d'après Rimbaud, à réinventer. Et ce
livre en est l'une des tentatives les plus fortes, bien qu'il préfigure déjà la résignation à accepter les limites de
la littérature qui, si elle peut exprimer ce désir de transsubstantation (rupture et destruction pour avènement du
nouveau), est condamnée à être du langage; c'est là toute la beauté authentique du destin de Rimbaud: cesser
d'écrire et proposer le silence dès ses vingt ans. Il opère ainsi une ultime rupture littéraire: rejeter la littérature
elle-même. Révolte, retour à la pureté, à l'authentique, au primtif, incitation à la re-création, ce livre violent est
un chant radical envers la liberté existentielle vers quoi chacun de nous devrait tendre. (Thomas Vandormael)

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