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Qu'est ce que Bâle 3 ?

Sommaire [Cacher]
 Qu'est ce que Bâle 3 ?
 Contexte de Bâle III
 Modèle de Bâle III
 Les grandes mesures de Bâle III
o 1- Des fonds propres d'une meilleure qualité
o 2- Des fonds propres à un niveau plus élevé
o 3- Diminuer l'effet de levier sous Bâle III
o 4- Une meilleure gestion de la liquidité
 Liquidité à long terme
 Liquidité à court terme
o 5- Couverture contre le risque systémique dans Bâle III

 Les accords de Bâle III sont des suggestions de nouvelles réglementations destinées au secteur
bancaire. Suite à la crise des subprimes en 2007, le FSB (Conseil de stabilité financière) et le G20 de
2010 à Séoul ont contribué à la mise au point de nouvelles mesures de stabilité pour le système
bancaire mondial.
L'analyse des effets de la crise a abouti sur le fait que son impact sur les banques vient de la croissance trop
rapide des Bilans et hors Bilans des banques associée à une faible qualité des fonds propres. Les fonds propres
sont censés couvrir les risques, ce qui explique une nécessité d'augmenter leur qualité étant donné le niveau de
risque pris par les banques et leurs interdépendances.

Contexte de Bâle III


Bâle III a été annoncé en 2010, mais certaines mesures de cet accord ont un manque de clarté. Les exigences
de Bâle III auront un impact conséquent sur la stratégie et l'activité des banques. Ces conditions doivent aboutir à
une meilleure stabilité, ce point est exigé par une opinion publique très attentive sur l'activité des banques du fait
de l'impact de la crise financière sur la dégradation de l'économie mondiale.

Modèle de Bâle III


Bâle III s'articule sur trois grands axes, avec des influences à venir sur ces derniers. Bâle III peut se schématiser
de la façon suivante:

Capital et Bâle III Liquidité et Bâle III Risque systémique et Bâle III

Augmenter les fonds Création d'un Préconiser l'usage de chambres


propres de base (Tier 1) nouveau ratio de de compensation (CCP)
et leurs liquidité à court terme lors des transactions liées aux produits
qualités (LCR) dérivés

Les transactions et prise de risques entre


Création d'un
institutions financière devront être
Être mieux armé face au nouveau ratio de
accompagnées d'une augmentation des
risque global liquidité à court terme
fonds
(LCR)
propres

Limiter l'effet de levier (la Possible augmentation du niveau de


croissance du Bilan) Capital

Création de matelas de
sécurité (Protection
contracyclique)

Les grandes mesures de Bâle III


1- Des fonds propres d'une meilleure qualité
Un des objectifs de Bâle III est qu'en cas de perte des banques, ces dernières soient mieux protégées, en
augmentant la qualité des fonds propres. Les banques devront alors :

 Augmenter la part du Common equity dans le Tier 1, ce qui équivaut aux actions ordinaires, et aux
réserves (ce qui revient à augmenter les reports à nouveau).
 Les Banques doivent déduire du Tier 1 les intérêts minoritaires, les participations dans les autres
banques et les actifs d'impôts différés.
 Unifier le Tier 2 au bilan.
 Réduction puis exclusion des produits financiers
hybrides couverts par le common equity

Ces mesures vont alors entraîner une hausse du capital et une restriction de la distribution des dividendes pour
les banques, notamment à cause de l'augmentation du report à nouveau. Les banques sont incitées à émettre
des produits convertibles en actions afin que les fonds propres puissent augmenter dès que leurs niveaux sont
trop bas.

2- Des fonds propres à un niveau plus élevé


Il a été observé que les banques avaient un niveau de fonds propres trop bas durant la crise de 2007. Bâle III
propose d'augmenter le niveau des fonds propres, en plus de leurs qualités en introduisant des nouvelles règles :

 Tier 1 (Common equity)

• Ratio "Core tier One" plus exigent: de 2% à 4,5%


• Nouveau matelas de sécurité à 2,5% (prévu pour 2019)
• Niveau du common equity fixé à 7% au minimum (objectif pour 2019)

 Fonds propres totaux :

• Ratio de solvabilité plus exigeant: de 8% à 10,5% (le matelas de sécurité inclus)


• Création d'un autre matelas de sécurité contracyclique pour le risque sectoriel
Ces nouvelles mesures devraient pousser les banques à se séparer d'actifs éligibles dans les fonds propres et à
viser des niveaux de solvabilité et de ratios "core Tier one" plus élevés afin de garder des politiques de
distribution attractives.

3- Diminuer l'effet de levier sous Bâle III


Bâle III s'est fixé pour objectif de limiter la croissance du bilan des banques. L'effet de levier se définit comme le
rapport entre le capital et les expositions totales. Les nouvelles mesures liées à ce point sont :

 Ratio l'effet de levier fixé à 3% du Tier 1: Les expositions ne pourront alors pas être 33 fois supérieures
au Tier 1.

• Début de l'étude en 2013


• Ratio minimal instauré en 2018
Cette mesure risque d'entraîner un resserrement du crédit et donc une diminution du financement de
l'économie. Les banques risquent également de viser des niveaux de plus en plus exigeants pour ce ratio d'effet
de levier, afin d'obtenir de bonnes évaluations de la part des agences de notation et globalement du marché.

4- Une meilleure gestion de la liquidité


Liquidité à long terme
Bâle III a pour projet de créer un ratio de liquidité à long terme (NSFR) afin d'inciter les banques à trouver des
ressources stables pour leur financement. Cette mesure implique de prendre en compte certains critères :

 Notation des différents profils d'actifs puis association avec leurs niveaux de ressources stables
recommandés (en fonction de leurs risques)
 Nouvelle pondération des actifs nécessitant un certain niveau de financement (en fonction de leurs
risques associés):

• Entre 0% et 5% pour les comptes d'espèces et les titres d'état


• Entre 65% et 85% pour les prêts aux particuliers et les prêts hypothécaires
• 100% pour tous les autres actifs
On peut interpréter cette pondération comme un niveau auquel un actif doit être financé par des ressources
stables:

 Nouvelle pondération dans la qualité des financements (en fonction de leur stabilité) :

• 100% pour le Common Equity


• 80% à 90% pour les dépôts des clients
• 50% pour les emprunts à faibles garanties ou non garantis
On peut interpréter cette pondération comme des niveaux maximums auxquels ces ressources peuvent financer
un actif. On évalue ici la stabilité des ressources.
Cette mesure devrait entraîner l'obtention par les banques de financements plus diversifiés afin de ne pas être
dépendantes d'un certain type de ressource.
Les banques vont devoir évaluer la stabilité de leurs ressources au bilan, en pourcentage et le besoin de
financement individuel de chaque actif.

Liquidité à court terme


Bâle III prévoit la création d'un ratio de liquidité à court terme (LCR) pour lequel le minimum accepté est de 100%.
Le but est d'améliorer la solvabilité des banques à court terme. Cette mesure demande au banque de :

 Se protéger contre les situations de stress ponctuelles en possédant des actifs liquides et de bonnes
qualités, permettant de résister à des sorties de trésorerie pour au moins 30 jours.
 Pondérer les actifs en fonction de leur qualité et liquidité

Les banques vont être poussées à investir dans des actifs de haute qualité mais avec une plus faible rentabilité
afin de répondre à l'exigence de la solvabilité à 30 jours.

5- Couverture contre le risque systémique dans Bâle III


Bâle III prévoit d'exiger une augmentation du niveau de capital, afin de mieux couvrir les banques dans le cadre
du portefeuille de négociation (le portefeuille de négociation est l'ensemble des outils et produits financiers
détenus dans le cadre d'une négociation ou d'une couverture d'autres produits) notamment durant une future
crise à venir.
Les mesures envisagées sont :
 Redéfinition de la Var stressée (outil de mesure du risque de marché d'un portefeuille bancaire) avec
incorporation d'une charge de capital.
 Ajout de charges de capital supplémentaires pour faire face aux expositions aux risques de défauts ou
au dégradation de la note de certains actifs
 Pousser les banques à passer par la chambre de compensation pour les transactions liées aux produits
dérivés.
 Une incorporation du risque de corrélation entre les institutions financières et donc de contagion entre
ces dernières.

Les banques devraient être poussées à limiter les volumes de transactions avec d'autres banques et autres
institutions financières. De plus, le risque de contrepartie lié aux produits dérivés devraient être mieux contrôlé. Il
devrait donc y avoir une modification globale du portefeuille de négociation des banques.
QUEL EST L’IMPACT DE BÂLE 3 SUR
L’ACTIVITÉ BANCAIRE ET LA
CROISSANCE ÉCONOMIQUE ?

Le Comité de Bâle sur le contrôle prudentiel bancaire est une institution créée en 1974 par les
gouverneurs des banques centrales des pays du "groupe des Dix" (G10). Suite aux dérives
constatées pendant la crise financière, un lot de mesures, Bâle 3, destiné à prévenir le secteur de
toute crise a été proposé.
Le Comité de Bâle s’attache à rédiger de nouvelles règles bancaires censées prévenir le secteur de
toute crise telle que l’on a connue. Venant renforcer les bilans des banques, « Bâle 3 » se heurte
pourtant au refus catégorique des établissements bancaires. L'idée du comité est relativement
simple: pouvoir comparer la solidité des banques les unes avec les autres et s'assurer qu'elles
pourront absorber des montants de pertes importants afin d'éviter de nouvelles faillites.
Faisant logiquement suite à Bâle 2, voyons ce que Bâle 3 nous rapporte comme objectifs avant de
s’intéresser à son impact sur l’activité bancaire ainsi que la croissance économique.

OBJECTIFS DE BALE 3

Quatre mesures principales sont mises en avant :

1 - Renforcement des fonds propres

Le but étant d’améliorer la qualité du « noyau dur » des capitaux des banques et le « Core tier 1
». Ainsi, les activités les plus risquées pourraient voir leurs fonds propres se renforcer. La
solvabilité de la banque serait alors accrue.

2 - Adaptation des liquidités


Le Comité de Bâle propose la mise en place de deux ratios de liquidité :

Le « liquidity coverage ratio », ratio court terme, et le « net stable funding ratio », ratio long
terme. De ce fait, les établissements de crédit ne pourraient investir dans des actifs à long terme
(immobilier entre autres) qu’avec des ressources à long terme. Idem quant aux actifs à court
terme.

3 - Création de « coussins contracycliques »

Constitués de résultats mis en réserve en haut de cycle, ils seraient utilisés en cas de crise et
aussitôt reconstitués en cas de période faste.

4 - Modification du ratio d’effet de levier

Le ratio d'effet de levier qui permet d'évaluer la taille des engagements des banques par rapport à
la taille de leur bilan existe déjà. En Europe, ce ratio n'est qu'un indicateur secondaire qui n'est
pas véritablement déterminant.

IMPACT DE BALE 3 SUR L’ACTIVITE BANCAIRE

Le comité de Bâle 3 a tenté de rédiger de nouvelles réformes bancaires qui contribueraient à


solidifier les bilans en cas de problèmes et notamment de crises. Néanmoins, certaines banques
ont affirmé que ces normes pèseront sur le financement de l’économie.

Le tableau suivant, basé sur les textes et les propositions Européennes, illustre les impacts de
certaines réformes du Bâle 3 sur plusieurs activités :

Impact Impact Impact Synthèse des enjeux


sur le activité concurrentiel
Réformes capital commerciale

Augmentation des fonds ++ + + Nécessité de mettre en


propres réglementaire place des outils de
relatifs au trading book simulation

Augmentation des fonds +++ + +


propres réglementaires
relatifs aux opérations de
re-titrisation

Renforcement de la ++++ ++++ ++++ Très fort impact sur le


qualité des fonds propres capital

Révision de la couverture +++ ++ +


de certains risques

Introduction d’un ratio de ++++ ++ +++ Très fort impact sur le


levier capital

IMPACT DES MESURES PROPOSEES SUR LA LIQUIDITE DES BANQUES

Bâle 3 a le mérite de répondre de façon structurée aux problèmes qui ont engendré la crise
financière.
Les réponses sont lourdes de conséquences pour le secteur bancaire, en particulier pour les
exigences de capital. Mais les conséquences ne sont pas limitées au seul secteur bancaire.
Dans la mesure où les banques jouent ce rôle moteur d’intermédiation et de transfert de risque,
des changements dans le calcul de leur solvabilité et de leur liquidité a des conséquences non
seulement sur leur mode de fonctionnement mais aussi sur leur capacité et leur façon de prêter.
A cet égard, toute l’économie est affectée.
Bâle III va-t-il transformer
en profondeur le secteur
bancaire ?
Obliger les banques à mobiliser davantage de fonds propres face
à leurs engagements aura un impact sur les besoins en fonds
propres et sur la gestion des liquidités mais aussi sur les activités
et la stratégie des banques.
La révolution Bâle III est en marche. Obliger les banques à mobiliser davantage de fonds
propres face à leurs engagements aura un impact sur les besoins en fonds propres et
sur la gestion des liquidités mais aussi sur les activités et la stratégie des banques.

Les accords de Bâle III


Conclus en septembre 2010, les accords de Bâle IIIfont depuis couler beaucoup d'encre.
Ils renouvellent profondément le corpus de règles prudentielles qui doivent permettre de
garantir la solidité des établissements bancaires. En particulier, les banques devront
relever à 7 % leur ratio de fonds propres durs contre 2 % dans le cadre de Bâle II. La
liste des éléments admis dans cette catégorie de fonds propres a en outre été restreinte
afin de contraindre les établissements bancaires à améliorer la qualité de leur capital.

Seront par ailleurs introduits des ratios de liquidité, pour tirer les leçons de la crise des
« subprimes », ces crédits immobiliers à risque qui se sont développés aux Etats-Unis et
se sont disséminés dans les portefeuilles de la plupart des acteurs financiers dans le
monde via la titrisation. Du fait de cette dissémination, la crise de ces crédits a ainsi
entraîné une perte de confiance généralisée dans les acteurs bancaires et entraîné une
paralysie du marché interbancaire.

Présentation du nouveau cadre réglementaire(site officiel -Banque des règlement


internationaux)

Les documents officiels constituant les accords de Bâle III


De Bâle I à Bâle III
Le Comité de Bâle, d'abord appelé Comité Cooke, du nom de Peter Cooke, ancien gouverneur de la
Banque d'Angleterre et premier président du Comité, dont il fut l'un des promoteurs, est créé en 1974
par les dix principaux pays industrialisés. Sa mission consiste à renforcer la fiabilité du système
financier, l'efficacité du contrôle prudentiel et la coopération entre régulateurs bancaires. Le comité
rassemble 27 pays au travers de leur banque centrale et, pour certains, leur superviseur bancaire. Il
se réunit quatre fois par an.

Dès 1975 est signé le concordat de Bâle modifié en 1983 pour introduire le principe de consolidation
du contrôle prudentiel du secteur bancaire. Surtout, en 1988, le Comité publie l'accord de Bâle sur les
fonds propres -qui impose le ratio Cooke. Cet accord, dit « Bâle I ", fixe les exigences minimales de
fonds propres pour les banques actives à l'échelle internationale. Révisées en 2004 pour ce qui
constitue l'accord de « Bâle II » (avec le ratio McDonough), ces règles sont de nouveau en voie d'être
renforcées. C'est le processus de Bâle III.

Endossées par les ministres des Finances des membres du G20, les règles ont
néanmoins rapidement donné lieu à débat... et laissé en suspens la question des
établissements systémiques.

Dans un entretien aux « Echos ", le secrétaire général du comité de Bâle a répondu point
par point aux inquiétudes et aux remises en cause formulées par le secteur bancaire.
Qu'il s'agisse du risque d'un tarissement du crédit et du financement de l'économie, des
contraintes spécifiques que devront supporter les grands groupes porteurs de risque
systémique, de la course aux fonds propres exigée des 600 nouveaux milliards que le
secteur doit lever pour passer de 2 % à 7 % de capitaux durs. Ou encore des plus de
2.800 milliards qu'il doit dégager pour se conformer aux nouvelles exigences de liquidité,
selon les études d'impact de décembre 2010.

En juin, les nouvelles règles qui s'imposeront aux établissements systémiques ont été
précisées par le Conseil des gouverneurs des banques centrales. Il est proposé de
relever jusqu'à 2,5 % leur ratio de fonds propres de base, au-delà des 7 % exigés par les
futures normes Bâle III.

La transposition européenne fait débat


L'Union européenne s'est engagée dans la transposition de ces nouvelles règles
prudentielles en droit européen. Le texte de la directive de transposition, attendu en
juillet, fait l'objet de vifs débats.assurance des banques françaises qui font figure
d'exception dans le paysage bancaire européen. Par ailleurs, les banques pourraient
être autorisées à recourir au capital hybride plus longtemps que prévu dans le cadre
défini par le comité de Bâle.

Michel Barnier (photo), commissaire européen chargé des services financiers et du


marché intérieur, a réagi :

Document : la lettre des 7 ministres des Finances dans laquelle ils critiquent le laxisme
qui caractérise selon eux le projet de transposition des accords de Bâle III par l'Union
européenne.

Deuxième débat : les ratios de liquidité. Nouvellement élaborés par le régulateur, ils
sont très discutés. Au point que Bruxelles a renoncé à les imposer dès maintenant et
réclame leur révision.
Un impact à la fois financier et stratégique
La nouvelle réglementation prudentielle contraint les banques à consacrer une bonne
partie de leurs ressources au renforcement de leur capital. Au-delà de la mise en réserve
d'une proportion croissante du résultat, certains établissements seront contraints de faire
appel au marché.

Mais l'impact est aussi stratégique : le renforcement des exigences de fonds propres
contraint les banques à revoir leurs priorités en fonction de leur coût en capital ou de leur
apport en liquidités. C'est ainsi que se dessine en France une course aux dépôts.

Sans compter certains effets plus paradoxaux... à l'image du redémarrage de la


titrisation.

Le cas suisse
En avril 2011, le gouvernement suisse a donné son feu vert à des normes financières
plus strictes que celles de Bâle III pour ses banques d'importance systémique, UBS et
Credit Suisse. Ces règles ont été élaborées à partir d'un rapport d'experts remis en
octobre 2010.

Le texte adopté par le gouvernement fédéral a été transmis au Parlement, qui pourrait
adopter une loi entrant en vigueur « au plus tôt début 2012 », précisent les autorités
helvétiques. Le 16 juin, la Chambre Haute de la Confédération Helvétique a avalisé cette
législation. Le processus d'adoption suit son cours.

Synthèse du rapport de la commission d'experts suisse sur le « too big to fail » (octobre
2010) -Olivier Hari, Centre de droit bancaire et financier -Université de Genève
Bâle 3 : réforme validée, banques
soulagées
Publié le 14 septembre 2010 par Nicolas BOISVILLIERS

Les décisions du Comité de Bâle sur la régulation bancaire dite "Bâle 3" ont été
bien accueillies par les marchés. L’accord international voté dimanche dernier
s’est révélé moins stricte que prévu, les sages de Bâle choisissant de durcir les
exigences de fonds propres mais accordant plus de temps en contrepartie aux
établissements bancaires pour s'y conformer.

Concrètement, le texte de la réforme opte pour une multiplication par plus de trois les
exigences de fonds propres imposées aux banques (à hauteur de 7% du total de leurs
engagements) sur une période de 8 ans. Largement anticipé, ce renforcement semble ne plus
faire autant peur, les banques ayant désormais largement le temps de s'y conformer. La
plupart d'entre elles pourra donc autofinancer ses besoins de fonds propres supplémentaires
et donc se dispenser de coûteuses augmentations de capital. Le soulagement était sensible :
l'indice de risque associé aux banques (sur la base des CDS, les fameux "credit default
swaps") se détendait.

Conséquences :

- l'euro grimpe ainsi de 1,2 %, à 1,2880 dollar,

- les valeurs bancaires s’affichent à la hausse : +6,16% pour Dexia, +5,75% pour le Crédit
Agricole, + 4,3% pour la Société Générale,ou encore + 2,08% pour BNP Paribas,

- le CAC40 clôture à 3 767,15 points soit +1,1%, enchaînant sa 4e séance de hausse


consécutive.

De bien bonnes nouvelles alors que bon nombre d’analystes et d’investisseurs étaient
jusqu’alors pessimistes quant aux modalités de la réforme. L’étendue de la période de
transition (entre 2013 et 2018) en a étonné plus d’un. "La réelle surprise dans la publication
de Bâle 3 est l'exceptionnelle générosité de la période de transition", estimait hier une étude
de Credit Suisse.

Impacts réels
Les banques auront donc jusqu'en 2015 pour porter le ratio de leurs fonds propres de
meilleure qualité, le "Core" Tier-1, à 4,5% de leur total de bilan, et jusqu'à 2019 pour
constituer un "matelas de précaution" de 2,5%. Reste que les banques devraient honorer
leurs futures obligations prudentielles en distribuant moins de dividendes. Tout du moins, si
celles-ci veulent éviter de passer par la case levée de fonds. Une mauvaise nouvelle pour les
investisseurs.

De même, leurs capacités de financement devraient logiquement baisser : le célèbre "Core"


Tier-1 actuel contient une part d'instruments hybrides qu'il faudra progressivement réduire,
sans parler des déductions qui devront être opérées (intérêts minoritaires, etc.) et du futur
coussin contracyclique. Des ajustements qui pèseront sans doute sur la rentabilité des
banques… et par conséquent sur la distribution de crédits. Nul doute que la période à venir
sera celle des réorganisations internes et d’un potentiel renchérissement du crédit.

Nouveaux chantiers en vue

Malgré les menaces des banques, il est difficile d'estimer aujourd'hui l'impact
macroéconomique de cette réforme. Pour le Comité de Bâle, celle-ci devrait être "modeste" à
moyen terme et bénéfique à long terme, puisque de nature à éviter une nouvelle crise. Une
chose est sûre néanmoins : quatre questions majeures demeurent en suspend.
1- La liquidité : le Comité de Bâle devrait publier ses nouvelles recommandations, d'ici à la fin
de l'année, pour l'application d'un ratio court terme d'ici à 2015 et d'un ratio à un an d'ici à
2018.

2- Les établissements dits "systémiques" : les plus grandes banques devront être capables
d'avoir des capacités d'absorption de pertes supérieures aux autres. Les grandes banques
internationales jugées d’importance systémique (c'est-à-dire dont la faillite menacerait le bon
fonctionnement du système financier dans son ensemble) pourraient se voir imposer une
"surcharge" de fonds propres en plus des règles de Bâle 3, en cas de sauvetage éventuel. A
coup sûr une nouvelle bataille en perspective pour les banques.

Reste le problème de l'aléa moral qui n’est pas résolu. Ce concept met en exergue le fait qu’un
acteur du système financier est d'autant plus enclin à prendre des risques inconsidérés qu'il a
la certitude d'être secouru par les pouvoirs publics en cas de difficulté. Même si la faillite de
Lehman Brothers a quelque peu mis à mal cette théorie, l’interdépendance et/ou taille de ces
banques plaident pour une faillite (quasi) impossible de ces établissements. Le Comité de
stabilité financière (FSB - Financial Stability Board), organisme indépendant du Comité de
Bâle, doit présenter ses propositions en la matière lors du sommet du G20 en novembre
prochain.

3- Les normes comptables : toujours à l’ordre du jour, la question de l’harmonisation des


normes comptables rebondit à l’occasion de l’adoption de Bâle 3. La sécurité financière passe
par une valorisation crédible des actifs bancaires. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
4- Périmètre de la réforme : il est indispensable que le champ de ces règles ne se limite pas au
seul secteur bancaire. En réduisant la liberté d'action des banques, les régulateurs ouvrent la
voie à l'émergence d'un nouveau pan de la finance dans lequel des non-banques, peu ou pas
régulées, s'épanouiront jusqu'à devenir à leur tour systémiques. Une supervision efficace
nécessite une vision d’ensemble du secteur financier et pas seulement bancaire.

Bâle 3, un rouage de la nouvelle régulation financière

Selon Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI),


la nouvelle réglementation bancaire dite de Bâle 3 conclue dimanche va dans le bon sens : "il
y avait un besoin absolu de redéfinir les règles du secteur financier (...) Ceci est, à l'heure
actuelle, beaucoup plus important que les effets potentiellement néfastes sur la croissance
qui pourraient découler d'un accroissement de la régulation". Mais celle-ci doit être
complétée par un renforcement de la supervision des banques : "il y a encore beaucoup à
faire sur les autres sujets", a-t-il dit.

Cette réforme suffira-t-elle à limiter voire prévenir la prochaine crise ? Sans doute est-il trop
tôt pour y répondre. Une seule certitude : cette réforme constitue un des rouages essentiels
de la nouvelle régulation financière mondiale. Le nouveau cadre réglementaire dans son
ensemble s'annonce beaucoup plus strict et plus cohérent au niveau mondial. C'est
évidemment une bonne chose… à condition de garder la même volonté tout au long de ces
réformes.
Bâle 3 et le risque de marché : vers
une destruction de valeur ?

Suite à la crise financière de 2007, le comité de Bâle a


renforcé le cadre réglementaire bancaire afin de sécuriser un
secteur bancaire fragile par rapport à des marchés financiers
incertains, volatiles et très interconnectés. Cette évolution
souhaitée par le G20 avait un objectif double : renforcer le
secteur bancaire afin de renforcer l'économie dans son
ensemble et prévenir toute nouvelle crise financière. Ainsi, le
comité de Bâle s'est focalisé tout particulièrement sur la prise
en compte du risque de marché par une série
d'amendements à l'accord de Bâle 2 dès juillet 2009 ; les
règles d'encadrement du risque de marché ont été confirmées
et complétées par la suite dans l'accord de Bâle 3.
Alors que les premières règles entrent en vigueur, force est de constater que les banques
d'investissement et de financement réduisent leurs activités et leurs effectifs en banque de
financement et d'investissement : 1400 postes supprimés chez BNP, 1500 postes supprimés
à la Société Générale et 1750 postes supprimés chez Crédit Agricole pour ne citer que
quelques banques françaises.

Une évaluation plus exigeante des risques


La crise de 2007 a mis en évidence l'insuffisance des modèles utilisés pour valoriser les
pertes éventuelles et donc les besoins de fonds propres qui en résultent. En août 2007,
David Viniar, directeur financier de Goldman Sachs, commentait la crise financière en
expliquant que des évènements se situant à 25 fois l'écart type de la moyenne s'étaient
déroulés plusieurs jours de suite. Rappelons que l'apparition d'une valeur située à 25 fois
l'écart type de la moyenne a moins d'une chance sur 1 million d'arriver, sans parler de sa
reproduction sur plusieurs jours consécutifs, ce qui permet de situer la complexité des
modèles à utiliser vis-à-vis des événements extrêmes.

L'évaluation du risque de marché est une des pierres angulaires de la réforme. L'approche
existante qui reposait sur la Value at Risk « générale » et la Value at Risk « spécifique » a
été complétée par trois autres composantes qui permettent une prise en compte des
événements extrêmes : la Value at Risk « stressée », l'« Incremental Risk Charge » (IRC) et
la « Comprehensive Risk Measure » (CRM).

Dans le cadre de son étude évaluant les nouvelles exigences en capital liées au risque de
marché des banques de financement et d'investissement, Sia Conseil a évalué
l'augmentation de l'évaluation du risque de marché à 300% en moyenne, avec des
observations comprises entre 150% et 600% sur le périmètre de l'étude. Ces augmentations
conséquentes sont principalement dues à l'introduction de la composante Value at Risk
stressée qui peut atteindre à elle seule jusqu'à 70% de la valeur totale du risque de marché,
et cela concerne tous types de produits. Seules les indices boursiers et les opérations de
taux sont mois impactées par la hausse de la mesure des actifs pondérés en raison
respectivement de l'effet de diversification naturelle des indices et de la moindre volatilité du
marché de taux.

Des ratios et des règles d'éligibilité en fonds propres plus


contraignants
Le nouveau cadre règlementaire prudentiel prévoit également une restriction des fonds
propres éligibles au calcul du ratio et une exigence accrue en fonds propres, c'est-à-dire un
ratio plus élevé. La seule augmentation des ratios exigés entraine une exigence
supplémentaire en fonds propres pouvant atteindre jusqu'à 60%. Ainsi, combiné à
l'évaluation plus exigeante du risque de marché, l'augmentation des fonds propres requis par
opération unitaire de marché a été évaluée par Sia Partners entre 300% et 1000%, avec une
moyenne située à 450%.

La réforme règlementaire Bâle 3 induit donc un triple effet pénalisant pour les banques de
financement et d'investissement : une évaluation plus exigeante et contraignante des risques
(effet dénominateur), une restriction des capitaux éligibles (effet numérateur) et des ratios
exigés plus importants qui impliqueraient, à périmètre d'activité constant, une multiplication
par 4 des fonds propres.

Un contexte hostile à des levées de capitaux


Dans le contexte financier actuel (crise des dettes souveraines et risques persistants de
liquidité), les banques peuvent difficilement renforcer significativement leurs fonds propres.

Malgré les messages rassurants des banques sur la crise actuelle et leur capacité à y faire
face, la méfiance reste de mise parmi les investisseurs. Ils veulent être rassurés et
souhaitent que les banques procèdent à une mise en conformité très rapide vis-à-vis de la
nouvelle règlementation

Une réduction inéluctable de la voilure, des services et des


produits plus chers
Les banques n'ont par conséquent pas beaucoup d'alternatives : Elles doivent réduire les
expositions aux risques pour être le plus rapidement possible en conformité avec la nouvelle
règlementation et rétablir la confiance, étape préalable et nécessaire à des levées de
capitaux.

Le premier chantier dans les banques d'investissement porte sur l'évolution et l'adaptation
des portefeuilles avec la diminution voire l'arrêt de certaines activités. Ainsi, certaines BFI
mettent un terme aux stratégies trop consommatrices en fonds propres (stratégies
directionnelles par exemple). D'autres arrêtent leurs activités en développement (que ce soit
sur l'axe produit ou sur l'axe géographique), par définition peu rentables à court terme et
coûteuses en investissements, pour se recentrer sur leurs activités et leurs lignes métiers
phares. Certaines de ces décisions stratégiques ont déjà été dévoilées lors de la
communication des plans de sauvegarde de l'emploi et d'autres évolutions sont à prévoir
dans les mois qui viennent.

Par ailleurs, pour diminuer leurs expositions au risque de marché, les banque
d'investissement devront prendre en compte la dimension règlementaire dans leurs prises de
décision. En effet, la seule dimension économique des deals ne sera plus suffisante pour les
opérateurs de marché, qui devront également évaluer l'impact règlementaire de leurs
opérations. La mise en œuvre opérationnelle de cette gestion variera selon les
établissements financiers. Certains établissements pourraient limiter le risque en revoyant à
la baisse les limites imposées aux opérateurs de marchés. D'autres établissements
pourraient s'orienter vers un pilotage plus précis et plus stricte du risque en transposant aux
activités de marché des indicateurs du type de ceux qui existent sur les activités de
Financement (ex. : Raroc - Risk Adjusted Return On Capital). Enfin, la mitigation
systématique du risque de marché via des mécanismes de couvertures sera un moyen
efficace mais couteux de limiter la consommation en fonds propres.

Ces évolutions entraîneront une évolution des profils de profits réalisés par les banques
d'investissement. Ceux-ci seront moins réalisés par la spéculation et la prise de risque et
davantage grâce aux marges réalisées avec les clients finaux. Ainsi, la règlementation Bâle
III s'annonce douloureuse également pour les entreprises dont les produits et services
bancaires seront plus chers.

Afin de préserver leurs parts de marché dans un secteur où la pression concurrentielle est
rude, et pour justifier la hausse des coûts facturés aux clients, les banques de financement
et d'investissement devront fournir une plus grande qualité de service, continuer à innover et
se différencier. Certains acteurs pourraient également se lancer dans une course aux
volumes grâce à des offres de produits standards à faible coût (financements vanilles,
brokerage, offre standard « flow products » pour le taux et le change, etc.). Cela supposera
une industrialisation du trading et une automatisation des chaînes de traitement.

Quelles conséquences ?
Alors que les réformes précédentes du comité de Bâle ont impacté essentiellement le métier
des financements, ce sont aujourd'hui les activités de marchés qui sont en première ligne de
la règlementation Bâle 3. Toute la chaîne de valeur est impactée, du Front-Office, qui doit
limiter et modifier son métier, aux fonctions supports, pour qui le mot d'ordre est la réduction
des coûts.
Alors que la classe politique souhaitait relancer l'économie en sécurisant le secteur bancaire,
le contexte actuel rend la réforme contreproductive à court terme : au lieu de créer des
emplois dans l'économie réelle, des emplois sont supprimés sont le secteur bancaire.

Il ne reste plus qu'à espérer que ce cadre règlementaire ait l'effet favorable escompté à long
terme, à savoir prévenir toute nouvelle crise du secteur financier.
Bâle 3 : enjeux et modalités de la
réforme bancaire

Depuis plusieurs mois, le Comité de Bâle s’attache à rédiger de nouvelles règles


bancaires censées prévenir le secteur de toute crise telle que l’on a connue.
Venant renforcer les bilans des banques, « Bâle 3 » se heurte pourtant au refus
catégorique des établissements bancaires. Enjeux, modalités, impacts, iFinance
vous dit tout.

Un an et demi plus tôt, la faillite de Lehman Brothers avait fait l’effet d’une bombe sur la
place financière. Faisant fi du célèbre adage « too big to fail » (1), la chute de la plus
prestigieuse des banques d’investissement internationales a permis de révéler au grand jour
l’état des bilans de ces établissements prêts à tout pour accroitre leur rentabilité. Usant et
abusant de techniques comptables, Lehman avait réussi à dissimuler pendant plus d’un an un
niveau d’endettement record. De manière générale, la question soulevée était donc celle du
rapport entre le niveau de capital des établissements bancaires (ou fonds propres) et les
activités à risques (subprimes par exemple).

Concrètement, des actifs (plus ou moins risqués) financés par très peu (ou pas) de fonds
propres. Ce qu’on appelle « l’effet de levier » permettait alors d’obtenir une rentabilité
exorbitante, dépassant allégrement les 100% dans certains métiers. Au risque de ne pas
pouvoir faire face à ses engagements en cas de défauts/crise. Qu’à cela ne tienne, le Comité de
Bâle (2) se charge de régler le problème.
Les objectifs de Bâle 3

L'idée du comité est relativement simple : pouvoir comparer la solidité des banques les unes
avec les autres et s'assurer qu'elles pourront absorber des montants de pertes importants afin
d'éviter de nouvelles faillites. Pour ce faire, il compte s’appuyer sur toute une série de
mesures baptisées « Bâle 3 ». Faisant logiquement suite à Bâle 2, quatre mesures principales
sont mises en avant :

1 - Renforcement des fonds propres

Selon le Comité, il existe des fonds propres de meilleure qualité que d'autres dans leur
capacité d'absorption des pertes (3). Il s’agit donc d’améliorer la qualité du « noyau dur » des
capitaux des banques, le « Core tier 1 ». Les activités les plus risquées verraient ainsi leurs
fonds propres alloués sensiblement renforcés. La solvabilité des banques serait ainsi accrue.

2 - Adaptation des liquidités


Le Comité de Bâle propose la mise en place de deux ratios de liquidité :

- le « liquidity coverage ratio », ratio court terme, qui exigerait des banques internationales
de détenir un stock d'actifs sans risque facilement négociables, afin de résister pendant 30
jours à une crise,

- le « net stable funding ratio », ration long terme, qui lui vise le même objectif mais sur un
an.

En clair, les établissements de crédit ne pourraient investir dans des actifs à long terme
(immobilier entre autres) qu’avec des ressources à long terme. Idem quant aux actifs à court
terme.

3 - Création de « coussins contracycliques »

Constitués de résultats mis en réserve en haut de cycle, ils seraient utilisés en cas de crise et
aussitôt reconstitués en cas de période faste.

4 - Modification du ratio d’effet de levier

Le ratio d'effet de levier qui permet d'évaluer la taille des engagements des banques par
rapport à la taille de leur bilan existe déjà. En Europe, ce ratio n'est qu'un indicateur
secondaire qui n'est pas véritablement déterminant. Néanmoins, sous la pression des Etats-
Unis, le comité envisage d'en faire une mesure intégrée directement au pilier 1 de Bâle 2,
celui qui permet de calculer les exigences en fonds propres, alors qu’il fait partie aujourd’hui
du pilier 2, simple indicateur des mesures de contrôle. Le tout afin d'éviter un trop fort
endettement des banques.
Levée de boucliers de la part des banques

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Bâle 3 ne plait guère aux banques (4). Le projet
menace le financement de l'économie dans son ensemble selon elles ! Rien de moins. "On va
droit dans le mur" ou "On est en train de tuer le modèle européen, alors qu'il s'en est bien
sorti" peut-on entendre ci et là de la part de la profession. Elles dénoncent les trop fortes
exigences en matière de fonds propres qui pourraient les obliger à lever jusqu’à 450 milliards
d’euros de capital d’ici 2012. Du point de vue du ratio de liquidité à long terme (1 an), ce ne
sont pas loin de 1 500 milliards d’euros de dette supplémentaire qui seraient exigés. Enfin, la
définition des actifs liquides retenus dans ces ratios est jugée trop restreinte puisqu’elle se
limite aux obligations d’états. Tout bonnement impensable selon les banquiers.

Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP-Paribas, affirme que les mesures envisagées
par Bâle 3 sont trop coûteuses pour les banques, à tel point que celles-ci seraient obligées
d’augmenter les taux d’intérêts sur les crédits aux particuliers et entreprises. Il termine en
affirmant que ces nouvelles règles coûteraient 6 points de croissance à l’Europe.

Honnêtes mais pas trop !


Certains arguments des banques sont pleinement recevables. D’autres… beaucoup moins.
N’oublions pas que les banques européennes sont encore trop endettées, beaucoup plus que
leurs consœurs américaines. Un an et demi après le début de la crise, leurs bilans valent
encore plus de 40 fois leurs fonds propres ! Trois fois trop au regard du ratio de solvabilité
qui impose aux banques de détenir l'équivalent de 8 % de leurs actifs en fonds propres, le
multiple ne devrait dès lors pas dépasser 12. On comprend le malaise. Conclusion : il devient
impératif de réduire l’effet de levier, ce qui nécessite une augmentation des fonds propres
ainsi qu’une diminution des bilans des banques, en cédant des actifs. Un ajustement qui ne
peut se faire par la restriction de crédit mais bel et bien là où est logé le risque : dans la
banque d'investissement.

De facto, Bâle 3 s’attache donc à encadrer les activités de marché, réputées pour être sous-
pondérés en fonds propres. Le capital devrait nécessairement doubler, voire tripler mais on
part de si bas que les banques osent à peine en parler. Du coup, elles concentrent l'essentiel
de leurs critiques sur l'autre volet des normes, qui vise, lui, à sécuriser le refinancement. Elles
osent ainsi affirmer que si on restreint leur capacité à financer le crédit par des ressources
empruntées, le financement de l'économie en fera les frais. Mais ne serait-ce pas les dépôts
des clients qui financent les crédits ? Le recours aux marchés restant marginal.

Une vision que partage Danièle Nouy, la secrétaire générale de l’Autorité de Contrôle
Prudentiel lorsqu’elle parle de "distinguer deux types de mesures au sein de Bâle 3, celles
d’une absolue nécessité comme la pondération en fonds propres des activités de marché, de
la titrisation ou du risque de contrepartie ; et celles dont il faut mesurer finement l’impact
sur l’économie réelle : l’amélioration de la qualité des fonds propres, et les ratios de liquidité
et de levier."

Le fait est que pour les banques, l'enjeu réel est bel et bien celui de la rentabilité et non celui
du financement de l'économie. Le premier effet des nouvelles normes, c'est de réduire
mécaniquement le rendement des fonds propres des banques, le fameux « RoE » (5). Mais là
encore, c'est une des leçons de la crise : on ne peut pas durablement afficher une rentabilité
de 15 % quand la croissance mondiale est de 3 %. La rentabilité des banques doit baisser… et
leur avidité aussi.

(1) L’expression « Too big to fail » ou « Trop gros pour tomber » signifiait qu’une entreprise
(en particulier dans le milieu bancaire) était devenue trop importante pour que l’Etat
n’intervienne pas en cas de difficultés importantes.
(2) Le Comité de Bâle (Basel Committee) est un forum constitué de représentants de banques
centrales et autorités prudentielles de différents pays (France, Allemagne, Etats-Unis, Japon,
Pays-Bas, Chine, Russie, Argentine ou encore Turquie) chargé de traité régulièrement les
sujets relatifs à la supervision bancaire.

(3) Par exemple, il est plus facile de se refinancer via des actions ordinaires qu’avec des actifs
hybrides et complexes.

(4) Cf. la Position des banques françaises sur le sujet.

(5) « RoE » ou « Return on Equity » que l’on peut traduire par « rentabilité sur capitaux
propres ». Il permet de mesurer, en pourcentage, le rapport entre le résultat net et les
capitaux propres investis. C’est la capacité d’une entreprise à générer des profits à partir de
ses capitaux propres nets (capitaux moins les dettes).
L’impact de Bâle III sur le
secteur bancaire et sur le
financement de l’économie

Si la mise en œuvre des accords de Bâle III se


traduira par une hausse sensible des besoins en
fonds propres des banques, son impact sur la
distribution du crédit aux entreprises non
financières et sur la croissance économique est plus
difficile à cerner.
L’impact sur les fonds propres des banques
La réforme engagée, de par le renforcement des niveaux de fonds propres pondérés des
risques qu’elle prévoit, aboutit mécaniquement à imposer au secteur bancaire une
mobilisation massive de capitaux. Plusieurs études ont été conduites à ce sujet, notamment
sur le secteur bancaire européen. Bien qu’elles avancent des chiffres différents, toutes
concluent à des besoins en fonds propres substantiels. Ainsi, selon une étude publiée par
Mc Kinsey & Company en avril 2010 (Basel III : What the draft proposals might mean for
European Banking, 700 milliards d’euros devaient être mobilisés à cette date par l’ensemble
des banques européennes pour respecter la seule norme établie par le ratio d’adéquation
des fonds propres (Core Tier 1 et Tier 1) dont 200 milliards d’euros pour les 16 premiers
groupes bancaires européens. En 2011, l’Institute of International Finance, qui représente
l’industrie financière mondiale, estimait à quelque 1300 milliards de dollars le coût du
passage à Bâle III pour le secteur bancaire.
Plus récemment, dans le cadre de son exercice de suivi des accords de Bâle III et à partir
des données arrêtées au 31 décembre 2012, le Comité de Bâle chiffrait à environ 115
milliards d’euros le besoin total de fonds propres des 101 grandes banques mondiales
actives à l’international pour assurer le respect d’un ratio de Core Tier 1 de 7 % (ratio
minimum + coussin de sécurité) à l’horizon 2019. En l’espace d’un an, ce besoin a reculé
d’environ 83 milliards d’euros sous le double effet d’un accroissement des fonds propres, via
un effort de recapitalisation, et dans une moindre mesure, d’une réduction des actifs
pondérés.
Le coût des fonds propres des banques
Afin d’accroître leurs fonds propres, les banques doivent faire appel aux marchés financiers,
soit pour augmenter leur capital (il y a alors émission d’actions nouvelles), soit pour proposer
des titres hybrides répondant aux exigences de la réglementation Bâle III.
Or, les investisseurs souhaitent obtenir une rémunération suffisante pour accepter d’investir
dans les actions ou des titres hybrides dont les caractéristiques se rapprochent des actions
et qui sont par conséquent plus risqués que d’autres titres financiers émis par d’autres
émetteurs (comme les obligations d’État). Il faut donc que les banques accordent un retour
sur investissement attractif aux investisseurs. En 2013, le coût des actions pour les banques
européennes (frais d’émission et dividendes versés sur les actions nouvelles) était de l’ordre
de 10 % de la valeur du capital émis. Les titres hybrides répondant aux critères de Bâle III
présentent eux aussi des rendements très élevés, proches de ceux des actions.
Et sur le financement de l’économie
Les effets cumulés des nouvelles normes de solvabilité et de liquidité pourraient aboutir à
contracter l’offre de crédit bancaire ce qui, compte tenu de l’importance de cette source de
financement pour l’économie européenne, pourrait se révéler néfaste à la croissance du
Vieux Continent.
Une contraction de l’offre de crédit aux PME et aux ETI …
La définition plus restrictive des fonds propres durs ainsi que le durcissement des normes
des ratios rapportant les fonds propres réglementaires aux risques pondérés pourraient,
selon certains économistes, conduire les banques à réduire leur exposition aux risques
pondérés les plus élevés, et donc les plus consommateurs de fonds propres, au premier
rang desquels se situent les crédits aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux
entreprises de taille intermédiaire (ETI).
En outre, le ratio de liquidité de court terme, qui vise à s’assurer que les banques disposent
de suffisamment d’actifs liquides sur une période de 30 jours incite les établissements de
crédit à acquérir de la dette souveraine plutôt que de la dette « corporate », plus risquée et
moins liquide.
De même, le ratio de liquidité de long terme oblige les banques à disposer de ressources
longues alors que leur métier traditionnel s’exerce justement à travers leur rôle de
transformation (les banques accordent essentiellement des prêts à moyen long terme mais
elles se financent à court terme via les dépôts, la collecte d’épargne liquide ou le recours au
marché monétaire). De fait, le coût de leurs ressources devrait s’accroître et leur rôle
d’intermédiation se réduire. Selon ce scénario, les banques seraient ainsi amenées à
répercuter la hausse du coût de leurs refinancements sur les taux des crédits qu’elles
octroient aux particuliers ou aux entreprises.
Une étude réalisée par l’agence de rating Fitch sur la période décembre 2010 – décembre
2012 montre que ces craintes pour le financement bancaire des entreprises européennes
sont fondées. En effet, elle met en évidence le fait que sur la période observée, les seize
grandes banques européennes considérées comme d’importance systémique ont accru leur
exposition totale à la dette souveraine de quelque 550 milliards d’euros (ce qui correspond à
une croissance de 26 % de leurs engagements sur ce type de contrepartie) alors que, dans
le même temps, elles ont réduit leur exposition au secteur des entreprises de 440 milliards
d’euros (soit une baisse de 9 % de leurs engagements à ce titre). Fitch indique ainsi que « si
Bâle III vise à renforcer lescapitaux propres et la liquidité des banques, ces nouvelles règles
pourraient créer des effets potentiels collatéraux non souhaités, notamment si elles
conduisent à une réduction du crédit disponible pour certains secteurs« .
… qui ne fait pas consensus
Toutefois, une autre étude publiée par le FMI en septembre 2012 (« Estimating the Costs of
Financial Regulation« ) conclut à un impact à long terme assez modeste de la mise en
œuvre des réformes de Bâle III sur la hausse des taux d’intérêt des prêts bancaires aux
Etats-Unis, en Europe et au Japon. D’après leurs calculs, les auteurs estiment cette hausse
moyenne à respectivement 28, 17 et 8 points de base. Selon eux, les nouvelles normes
réglementaires entraîneront une hausse des coûts opérationnels des banques mais celles-ci
seront en mesure d’y faire face en réduisant leur charges (ce qui passerait par des baisses
d’effectifs, notamment) de sorte que la disponibilité du crédit bancaire pour financer
l’économie ne devrait pas en être beaucoup affectée.
Dans le cas de la France, un processus de désintermédiation a déjà été enclenché par les
grandes entreprises et les ETI qui ont de plus en plus recours au marché (boursier ou
obligataire) pour financer leurs activités, profitant de conditions de coûts et de durée plus
intéressantes que celles proposées par les banques. Pour les PME en revanche, le recours
au crédit bancaire reste incontournable car elles n’ont pas accès aux marchés financiers.
Aussi, afin d’éviter que leur financement ne soit contraint par une trop forte hausse des taux
en cas de reprise économique, plusieurs initiatives récentes ont vu le jour, tel le lancement
du PEA-PME ou le projet de collatéralisation des créances privées. L’objectif : permettre aux
banques d’émettre des obligations garanties par des créances privées de façon à réduire le
coût de leurs emprunts.

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