Vous êtes sur la page 1sur 2

Et si Cerno Souleymaan Baal pouvait nous inspirer

Qui est Cerno Souleymane Baal ? C’est avec beaucoup de regret que l’on fait le constat amer que très peu de
Sénégalais sont en mesure de répondre à cette question. Même dans sa région natale –la région de Matam- les
générations actuelles ont perdu toute trace le concerna nt dans l’histoire de notre pays.
Pourtant c‘est avec entrain et générosité qu’elles feraient étalage de leurs connaissances sur des personnes comme
De Gaule, Thomas Jefferson, Louis XIV Georges Washington, Robespierre, Danton, Charlemagne et même
Vercingétorix. Mais sur des personnages historiques de notre pays comme Cerno Souleymane Baal elles n’en ont
aucune idée. Ou plus exactement, elles ne doivent en avoir aucune idée comme le veut l’idéologie dominante de
l’alliance des classes réactionnaires dominantes de notre société qui a pour objectif de plonger dans les ténèbres de
l’ignorance les masses populaires pour les maintenir dans l’obscurantisme et le fatalisme, garants de la pérennité de
leur pouvoir. Ainsi peut-on parier avec 99,99% de chance de gagner sur le fait que devant une épreuve d’histoire
portant sur le choix entre Louis XIV et Cerno Souleymane Baal dans un concours les 99,99% des candidats
porteraient leur choix sur Louis XIV.
Cerno Souleymane Baal est le principal dirigeant de la révolution torodo du 18e siècle qu’il a initiée, organisée et
conduite avec l’Imam Abdoul Khadre Kane. Formés à l’école de Pire, ils étaient tous les deux des intellectuels de haut
niveau, versés dans les sciences juridiques et littéraires islamiques. Ils appartenaient à la nouvelle élite des hommes
du livre (le Coran) de la nouvelle classe torobé apparue au Fouta au 18e siècle.
Cerno Souleymane Baal fut le théoricien et le dirigeant incontesté du mouvement qui a eu à organiser et à mener la
révolution qui a permis le renversement en 1776 de la dynastie des Deeniyang Koobé qui régnait sur le Fouta depuis
plus de 250 ans instaurée par Koly Tenguella Ba (1526-1776).
La révolution de 1776 (13 ans avant celle de 1789 en France) marque un changement fondamental en entrainant
l’avènement d’un changement réel de régime politique qui a eu à engager la lutte contre la traite négrière.
Après la victoire, Cerno Souleymane Baal déclina la proposition de ses compagnons d’assumer les fonctions de
l’Almami et proposa à sa place Abdoul Khadre Kane qui devint ainsi le premier Almami du Fouta nouveau.
En grand homme d’Etat Cerno Souleymane Baal se souciait de la pérennité de son œuvre dans la continuité de la
pureté des principes qui ont toujours encadré son action Ce souci permanent s’est traduit par les directives qu’il avait
édictées pour régler sa succession en ces termes : « Je ne sais si je mourrai au cours de ce combat ou non. Au cas
où je meurs, je vous recommande de vous conformer aux directives suivantes : choisissez un homme savant, pieux
et honnête qui n’accapare pas les richesses de ce bas monde pour son profit personnel ou pour celui de ses enfants.
Détrônez tout imam dont vous voyez la fortune s’accroitre et confisquez l’ensemble de ses biens. Combattez-le et
expulsez-le s’il s’entête. Veillez bien à ce que l’imamat ne soit pas transformé en une royauté héréditaire où seuls les
fils succèdent aux pères. L’imam peut être choisi dans n’importe quelle tribu. Choisissez toujours un homme savant
et travailleur. Il ne faudra jamais le choisir à une seule et même tribu. Fondez-vous toujours sur le critère de
l’aptitude. »
Ainsi, au 18e siècle déjà Cerno Souleymane Baal s’était fixé comme priorité d’instaurer une institution solide
(L’imamat) au prix d’une lutte sans merci contre tous ceux qui pouvaient avoir la prétention d’en faire une source
d’enrichissement familial et tribal. De façon prémonitoire, ses directives indiquaient la voie à emprunter qui nous
aurait évité, aujourd’hui, plus de deux siècles après, les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans la
construction de nos Etats dits modernes. L’éthique, la corruption, l’impunité, l’enrichissement illicite, l’audit, la
déclaration de patrimoine, l’obligation de rendre compte, la dévolution monarchique du pouvoir, la transparence, la
bonne gouvernance, la compétence, l’efficacité, tous ces problèmes qui occupent l’actualité de nos jours
transparaissent dans les directives du Cerno.
Il réussit sa révolution la même année que celle de la déclaration de l’Indépendance des 13 Etats américains,
embryon des futurs Etats Unis d’Amérique, et treize ans avant la révolution française de 1789 et l’adoption de la
déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Quand ces deux évènements allaient prendre les
dimensions que l’on sait en occupant la scène mondiale, l’œuvre de Cerno s’est vue précipitée dans les profondeurs
abyssales de l’empire de l’oubli. Parce que Cerno était noir et sa contrée était située dans cette partie du monde que
saignait depuis des siècles la traite négrière qui la pré parait à l’avènement de son partage entre les grandes
puissances de l’époque (1884/85) en vue de sa colonisation directe
Sur le plan historique, Cerno Souleymane Baal ne le cédait en rien aux hommes qui ont eu à conduire les grands
évènements qui sont célébrés à travers l’histoire et continuent toujours d’inspirer de grands travaux de recherche
contribuant à l’éclairage de la marche du monde en ce début du 21e siècle Il a conçu, organisé, dirigé et conduit à la
victoire la révolution torodo du 18e siècle et édicté des directives réglant de la manière la plus démocratique et la
plus progressiste à l’époque, la dévolution du pouvoir. Il s’est affirmé comme un véritable homme d’Etat dont la
préoccupation principale était la construction d’un Etat reposant sur des institutions solides transcendant les
manœuvres, politiciennes, mesquines et égoïstes des hommes.
Quant au débat sur le troisième mandat du président sortant, si Cerno Souleymane Baal était parmi nous il nous
aurait renvoyé à une application stricte de la Constitution en vigueur. Parce que la Constitution règle clairement le
problème soulevé. N’en déplaise à ces amateurs d’amalgames qui, par le biais d’articles fleuves, cherchent à dérouter
les citoyens et à semer ainsi le doute dans leur jugement.
La combinaison des dispositions des articles 27 et 104 de la Constitution est largement éclairante pour ne pas avoir à
faire appel à des dispositions ou évènements intervenus dans d’autres circonstances. On peut ne pas avoir participé
aux réunions de la Commission de rédaction de la Constitution mais avoir le flair que l’article 104 est la traduction
d’un compromis intervenu suite à d’âpres discussions portant sur la durée du premier mandat. Ce compromis est que
« Le Président en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme » Le verbe poursuivre est décisif parce qu’il
renvoie à la réalité d’un premier mandant.
Si les rédacteurs ont senti la nécessité d’un renvoi au mandat en cours, alors qu’il émanait de la Constitution de
1963, qui lui donnait le droit de l’exercer jusqu’au terme des sept ans, c’était pour marquer le fait que ce mandat est
sorti de la Constitution 1963 pour être régi par les dispositions de la Constitution de 2001 et en constituait le premier.
Sinon, le premier paragraphe de l’article 104 serait une tautologie. Et pour renforcer leur compromis, les rédacteurs
ajoutent au deuxième aliéna de l’article 104 : « Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont
applicables » Le pronom personnel « lui » appliqué au premier paragraphe (le Président de la République en
fonction…) mérite qu’on lui accorde la plus grande attention.
Les partisans du Président sortant évoquent souvent la nécessité de terminer ses chantiers et, ou «les résultats
pertinents » du bilan de ses douze années au pouvoir. Ce sont-là des arguments antirépublicains. Le Sénégal est une
République. La République a ses règles et principes et les républicains se reconnaissent dans le respect religieux
qu’ils observent à l’égard de ces règles et principes. La Constitution limite les mandats du Président de la République
à deux. Quelle que soit la situation à la fin des deux mandats il doit obligatoirement partir. Tout autre comportement
serait une agression contre la République (violation flagrante de la Constitution).
Lier le départ à la finition des chantiers, c’est militer pour la présidence à vie car les chantiers, il y en aura jusqu’à la
fin de sa vie. Le bilan aussi ne peut justifier le fait de violer la Constitution car même si aujourd’hui tous les
Sénégalais vivaient le paradis du fait des douze années de pouvoir de WADE, à la fin des deux mandats, il doit partir.
S’il est comme il le prétend, un vrai démocrate et un vrai républicain, si comme il le reproche à ses homologues des
lointaines Lybie et Syrie que sont Kadhafi et Bachar Al Asad en leur intimant ouvertement l’ordre d’abandonner leur
pouvoir, ses leçons de démocrate et de républicain seraient plus crédibles s’il se les appliquait lui-même dans son
propre pays en respectant scrupuleusement les dispositions de la Constitution. Leçons qu’ont admirablement
administrées Michel Bachelet et Lula Dasylva respectivement Présidents du Chili et du Brésil en renonçant à une
réélection qui leur était garantie par des sondages réalisés dans leur pays respectif à la fin de leurs deux mandats qui
leur étaient favorables à 80%.
Le camp du candidat sortant agite sa dernière carte qui est l’incompétence du Conseil constitutionnel. C’est un
combat d’arrière garde car, contrairement aux autres candidats, le Conseil constitutionnel a l’obligation
constitutionnelle de se prononcer sur la candidature de Abdoulaye Wade qui est un candidat sortant ayant exercé
deux mandats consécutifs. Mais si on devait en arriver là – le dépôt de la candidature de Wade- face à l’histoire et
devant le peuple sénégalais le Conseil constitutionnel devra dire le droit quant à l’application des dispositions des
articles 27 et 104 de la Constitution à la validité ou non de la candidature du Président sortant. Qu’en cette séance
solennelle ses cinq sages soient inspirés par la vision et l’éthique qui habitaient Cerno Souleymane Baal quand il
édictait ses fameuses directives posant les règles de la dévolution du pouvoir dans la marche démocratique d’un Etat
de droit.

Dakar le 26 Août 2011-

Kane_alla@yahoo.fr

Vous aimerez peut-être aussi