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PARIS
AUGUSTIN OHALLAMEL, ÉDITEUR
17, RUE JACOl�
LlBltAIR[E (IOLONIALE
1908
LES RUINES. D'ANGKOR
DE DUONG'.'"DUONG ET DE ·-1\'IY-SON
(Cambodge et Annam)
II
brousse nouvelle pour moi , à tous les points de vue, p ays, cou-
tumes, archéologi e. Je vais compléter là, de façon agréable,
une instruction spéciale que je veux cultiver et m'assimiLer de
plus en plus.
Et maintenant, ma chère maman, ne t'inquiète pas sÏ tu ne
re çois p as bien réguli è t'ement de mes nouvelles. Le genre de
, vic que nous allons mener nous obliger a souvent à manquer
le courrier.
Départ pour Phan Ry, où nous coucherons, pour ne pas
traverser d e nuit la forêt infestée de tig res. Chaleur terrible
dans ces bois ; les étriers nous brûlaient les pieds. Déjeuné
à l'annamite chez le P. Durand. Le soir, l es veilleurs, perch és
sur les miradors, frappent deux bambous en poussant de grands
cris pour éloig ner les fa uves .
2 avril. - PHAN 'l'lET. -J'ai décidément de la veine . Me voici
en Annam à courir la brousse pendant six mois , j'espère (1 ).
Pour l'instant, nous sommes installés, mon camarade et. moi,
à l'hôtel de Phan Tiet. Pas b anal, l'hôtel: ni chambres, ni
lils, ni vestiges de mobilier; les voyageurs sont habitués il
fournir tout ça. On est SUl' l'emplacement cle l'ancicln tl'am
(les trams d'ici n'ont auc~n r apport avec celui d'Auteuil-
Madeleine). C'est là qu 'on vient réquîsitionner les coolies pour
l' étape suivante, et qu'on se Cflse pour la nuit avec le personnel ,
l es chevaux et les bagages. Généralement, et ce sera le cas au
prochain tram, on se barricade soigneusement, afin que le
tigre ne vienne pas diner aux dépens des voyageurs. Il ), a
un mois trois annamites furent enlevés en une seule nuit par
cet animal qui a une très grande prédilection pour la chair
des indig·èn es . Et pourtant Phan Tiet vient d'être déclaré
ville. Le pays a beaucoup de caractère avec ses grands ho-
rizons de montagnes. Tous les jours bains d e m er, m ais sans
perdre pied à cause des requins. Nous avons assisté hier à la
messe de Pâques dite par un missionnaire qui va nous aider
7/1. Vers les Muïs. Halle dans le lit d'un torrent desséc hé .
. LETTRES ET JOUI\NAL.
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ii. Hégioll des lIl oïs. Le rui sseau aux é ll ··p ll a lll.~.
LE 'I"l'Il ES ET JOUH1'>AI"
pnE~IIÈHE m SSION E;\ ANNAM.
œufs à la coq ue. Oans le lointain les fem mes chantent en pilant
le riz. Elles reprennent en chœur le refl'ain qu'on perçoit.
N'est-ce pas un Noël? Les voix sont fl'aiches. Mais quelle désIl-
lusion si on allait voÏl"!
Visite rapide aux b'ois tours de Quang' My. A Phu Ho, une
tour écroulée SUl' elle-même, tl'ès ancienne: les fouilles y
seraient cel'tainement ft:uctueuses, étant donné cet affais-
sement spécial, sans éparpillement. Apercevons pielTe
s~ulptée dans rizière toute proche. Reconnaissons de loin les
nagas d'une balustl'ade : sautons dans la rizière où nous en-
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142 LETTRES ET JOURNAL DE ROUTE.
LE'fl'HES ET JOURNAL . 10
PREMIÈRE MISSION EN ANNAM. 147
122. Sacre de l'évêque de Qui Nhone. Danse du sabre pal' les sauvages moïs,
trois faces. Sous un autel, pai' terre, une statue assise à l'in-
dienne, puis une grande cuve à ablutions, brisée.
5 septembre. - Matinée d'c repos il la citadelle; nous décou-
vrons un tas de canons annamites bien ciselés. Après déjeuner
je vais à Faïfo, en pousse, télégraphier au directeur la trou-
vaille de la stèle. Route charmante; femmes fabriquant des
tuiles, les pétrissant avec leurs pieds , et mélan geant de la
chaux avec des coquilles. Visite au résident. Parcouru la
vill~. Marché, gardiens de pagodes, grandeur nature.
DUONG-DUONG. - 12 septembre (Lettre X.\). - Nous som-
mes arrivés à Duong-Ouong' cn pleine nuit; mais les habitants
160 LETTRES ET JOURNAL DE ROUTE.
séant qui rase l'eau de fort près; lorsqu'un trou se présen te,
je prends un hain. Les pauvres coolies (j'en ai une équipe
de rechange, et je les ménage le plus possihle) me passent
bien pénihlement. Aperçu un villllge démoli, flui semble
enfoui sous la neige; c'est du sahle. Enfin j'urri\'e au fleuve
et je monte en sampnn. On orage terrihle éclate; il fait un
froid de canard annamite. Je clÎne d'un petit pain partagé avec
'1:! ï , F"llill e ~ ti r 1l1ioII g -1 )lI i1 ng, S ItÎ\'a:< (,1 pOI'I ClIl'S de la nlp es ,
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demande un mot de nous pour franchir le poste de milice. Re-
fusons, crainte ' de tripotage et de contI'ebande. Seulement,
nous n'aurons peut-être plus l'occasion d'avoir de vieilles
armes moïs.
caisse baigne dans l'eau. Ils ont levé, mais ils ne poussent pas,
les rossards.
5 novembl'e . - Parti en sampan pour Tourane. Provisions à
renouveler et instructions à recevoir de l'École. Embarquons des
trombes d'eau par vent contrail'e. Nuit peu agréable. Échange
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DEUXIÈME MISSION EN ANNAM
Ici les ordres ont été supérieurement donnés; nons n'avons en-
core éprouvé aucune difficulté. Nous faisons déboiser la petite
montagne sur 1aquelle sera construite noh'e cagna, afin d'avoÎl'
un peu d'air, ' et d'éviter, au moins pendant la nuit, les mias-
mes de la vallée. Nous allons tous les joUl's à cheval passer la
journée au chantier. Les nhaqués ont une frousse exlrême du
tigre, et croient toujours l'entendre. De notre paillotte, la
tion, qui lui donneront une pauvre idée de notre état mental.
Celle-ci entre autres. (Parol es de Ch. Cx, musique cie Wagner).
dans des trous profonds. Nous avons été plusieurs fois sur
le point de r etourner sur nos pas, mais les sites étaient si
admirables que nous avancions toùjours. Je n'ai rien vu
d 'aussi impressionnant, depuis l'expédition chez les moïs de
Lowang. Le dernier kilomètre est fait dans la montagne à pic,
il travers des éboulis de roches, invraisemblables, et un fouillis
d'arbres d'un .eIJet splendide. Un peu avant la cascade, alors
que nous grimpions à quatre pattes une roche énorme et lisse
comme une glace (z..5°) et que P... triomphant se levait pour
contempler le paysage, je l'ai vu s'effondrel' brusquement, et
filer comme un dard. Il descendait sur le dos les quatre fers
en l'air, laissant derrière lui un sillon de mousse verdâtre.
Nous sommes r entrés dans un joli état, mais enchantés, et
chargés d'orchidées admirables, qui Ot'neront la cagna plu-
sieurs jours.
18 octobre. - Hier soir, grosse détonation dans le chantier;
nous constatons la chute d'une énorme souche, près de la tour
N.-O. Peu rassurant pour le travail. Tué un sanglier: nous fe-
r ons un bon repas , ce qui ne nous est pas arrivé depuis bien
longtemps. Le ti g re s'est fait entendre toute la nuit, et nous
trouvons ses traces ce matin. Il a pourtant boulotté encore un
grand cel'f, mais il voudrait bien mon cheval! Nous organi-
sons un nouveau piège, sans g rand espoir de r éussite. Le père
On'Cop est si bien approvisionné dans la hrousse !
25 octobre. - (Lettl'e XLI) . - Très touché de l'envoi an-
noncé, mais quelle avalanche de meubles ? Que ferai-je d'un
second lit, fCtt-il sac? Enfin, quand je serai rentré à HanOï,
cela garnira un peu mes appartements; je mettrai des éti-
quettes : sOllvenù' de M. Z, de iVre X ) etc . Cela remplacera
les tableaux de maîtt'es .
3 novembre. - Travaillé hier à la description des fouill es,
toute la journée sous la pluie .' Départ pour Tourane. At'rivée il
la nuit noire à Thu Bong . On vient à ma rencontre avec des
torches de canne à sucre , qui embaument. Olner pas somp-
tueux, mais charmant, au clair de lune . J'avais fait échouer
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