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Sous la direction de

Frank Bournois Thierry Chavel

NOUVELLES PRATIQUES
ET PERSPECTIVES
© Groupe Eyrolles, 2013
ISBN : 978-2-212-55696-4
Introduction
Le travail de coach :
vivre et laisser mûrir

Dans l’entreprise et hors de celle-ci, académiques et des praticiens du déve-


le mot « coaching » est entré dans les loppement humain, des chercheurs en
mœurs. Pour le pire et pour le meilleur, sciences humaines et des professionnels
est-on tenté d’ajouter, tant les approxi- reconnus de l’accompagnement des lea-
mations sont légion, allant du dopage ders. En 2008, Le Grand Livre du coaching
comportemental à l’éveil de conscience (Éditions Eyrolles) cernait les contours
transpersonnelle. D’autres champs, tels du coaching en entreprise, attestant déjà
que la psychanalyse ou le management, de son formidable essor. Aujourd’hui, la
ont connu ici ou là le même succès sé- crise financière a bousculé les repères du
mantique, voyant leurs concepts vulga- capitalisme, la globalisation des marchés
risés et leur pensée simplifiée jusqu’à la s’est accélérée et le monde du travail a
caricature. Pourtant, au-delà des effets de poursuivi sa mutation, sous l’effet d’une
mode, le coaching est désormais une pro- contestation croissante du paradigme
fession établie, avec des acteurs se récla- standard de la firme. Cet ouvrage collec-
mant d’un corpus disciplinaire spécifique tif réunit 30 textes originaux – experts,
à l’accompagnement individuel et collectif. professionnels et universitaires. L’âge clas-
Observatoire privilégié des évolutions et sique avait ses prêtres et ses confesseurs,
des paradoxes du coaching et marqueur les temps modernes se sont tournés
historique de son institutionnalisation, le vers les scientifiques et les docteurs, le
master 2 « Coaching et développement xxie siècle sera-t-il celui du coaching spi-
personnel en entreprise » de Paris II rituel, pour paraphraser André Malraux ?
(CIFFOP – université Panthéon-Assas) est Les 32 signatures du Livre d’or du coaching
actuellement le seul diplôme d’État en ce répondent en croisant leurs regards.
domaine. Expérience universitaire pion-
nière depuis 2003, cette formation diplô-
mante a vu passer plus de 300 coachs
en devenir, animés par une communauté
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pédagogique de 70 intervenants interna-


tionaux, faisant dialoguer des professeurs

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Du labeur à la belle ouvrage :
le coaching au travail
Plus qu’un métier, le coaching est au- financier à un horizon de plus long terme
jourd’hui une profession. À ce titre, en développement personnel (Béatrice
l’Université est un laboratoire d’expé- Guynamant), tant pour le client que pour
rimentation des techniques et des pos- son coach car l’argent a toujours une
tures, entre World Café et jardin d’enfants odeur, un sexe, des usages porteurs de
récréatif (Christophe Duval), qui enseigne sens (Émilie Devienne). D’autre part, le
aussi que le diplôme ne suffit pas pour de- rapport au pouvoir est modifié, le lien
venir coach (Olivier Louche) ; un training, tissé l’emportant sur l’autorité formelle
long et diversifié (Reine-Marie Halbout), (Wadih Choueiri), ce qui pose question
et une supervision régulière (Sylvie de quant à la finalité de certains coachings de
Frémicourt) sont aujourd’hui indispen- conformité, voire de surveillance (Pauline
sables pour exercer un coaching pro- Fatien-Diochon).
fessionnel. Mais vaut-il mieux se former En profondeur, le coaching réenchante le
au coaching ou réfléchir sur le coaching travail, mais il démystifie l’entreprise. Au-
(Christophe Duval) ? Et les spécialistes du delà d’un training sur l’image ou l’affirma-
coaching s’accordent pour dire qu’il n’y a tion de soi (José Redondo), un coaching
pas de parcours balisé pour rencontrer fait aujourd’hui surgir les valeurs qui ani-
cette vocation singulière d’accompagner ment tout manager, qu’il soit vertueux
autrui (André de Châteauvieux), souvent ou non (Catherine Voynnet-Fourboul). La
liée à la façon dont on a soi-même été gestion des talents, le développement des
accompagné dans sa vie professionnelle compétences et l’investissement d’une
(Jérôme Lena). marque employeur font du coaching sous
De fait, c’est tout le système de gestion diverses formes un outil central pour les
qui se trouve bousculé et réinventé par DRH, dans un équilibre fragile entre leur
le coaching. Proclamant le primat de vision humaniste de l’entreprise (Monique
l’obligation de moyens sur l’obligation Chézalviel), d’une part, et la tentation
de résultats (Hélène Sancerres), défen- normative sous la menace des risques
dant l’harmonie possible entre la crois- psychosociaux (Matthieu Poirot), d’autre
sance économique et le développement part. À mesure que la défiance s’installe
humain (François-Daniel Migeon), le dans l’ère fordienne, le coaching s’impose
coaching change les pratiques managé- comme l’ultime respiration de l’entreprise
riales et interroge leurs fondements an- (Claude Allary), pour conjuguer paradoxe
thropologiques. D’une part, le rapport à et diversité (Hélène Sancerres).
l’argent est revisité, du très court terme
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14 Le livre d’or du coaching


Des approches plurielles réunies
par un sens commun
Ni prosélytisme ni syncrétisme : vous ne du leadership, baptisé « co-évolution-
trouverez pas de plaidoyer pour une thèse naire » (Alain Gauthier), fait de l’ouverture
ou une cause dans Le Livre d’or du coaching, à l’inexploré le socle d’une nouvelle sagesse
tant les approches sont plurielles, à l’ins- collective. L’entreprise n’a jamais autant
tar des réalités humaines qui composent eu besoin de cette émergence d’un sens
le monde du travail. Pourtant, un savant phénoménologique, qui redonne sa place
dosage d’exigence et de bienveillance se à l’expérience de « pure innocence » du
dégage de tous les courants, traditionnels collaborateur au cœur d’un système com-
ou novateurs, que les auteurs de ce livre plexe, aspirant à être plus juste et plus
ont expérimentés, examinés et souvent simple (Sophie Blanchet). Le coaching per-
enseignés à Paris II. Au commencement met de passer d’un mode fermé à un mode
d’un accompagnement professionnel, il y a ouvert dans nos représentations du monde
de la relation (José Redondo), du contact (Bernadette Babault), en intégrant le micro-
(Bruno Rousseau), du processus vivant et cosme individuel au macrocosme énergé-
intégratif (Nathalie Estellat). Débordant tique de la firme, de la société, et pourquoi
les standards de l’organisational behavior et pas, de la Terre (Paule Boury-Giroud).
de l’organisational development, il y a des Autrement dit, le coaching réconcilie enfin
champs énergétiques individuels (Stéphane les sciences humaines et les disciplines de
Broutin) et collectifs (Sophie Blanchet) que l’âme. Une conscience nouvelle du tra-
les coachs mobilisent au service de la per- vail, moins projective (Françoise Maggio)
formance humaine. Avec un cadre distinct et prenant plus soin de l’esprit du métier
de la psychothérapie classique (Guillaume (Vincent Piazzini), rencontre les sagesses
Prate), le coaching est un objet « mou » au ancestrales, notamment de la Chine : il
sein des sciences de gestion, insaisissable s’agit de distinguer le travail sur soi, en
mais infiniment adapté à un monde en soi – consistant à grandir, mûrir, vieillir – et
mutation (Pauline Fatien-Diochon). autour de soi – les « transformations silen-
À l’évidence, le coaching marque l’avè- cieuses » (Sybille Persson). Avec l’appari-
nement d’une conception holistique de tion du coach en entreprise sur les traces
l’homme dans les organisations. Si l’accom- du conseil en management, se dessine peu
pagnement humain prend pour méta- à peu une nouvelle esthétique du travail,
phore un arbre, peut-on agir sur les fruits, entre arts martiaux et awareness (Bruno
les feuilles, les branches ou les racines sans Rousseau), entre rentabilité et humanité
que cela interagisse (Guillaume Prate) ? (Béatrice Guynamant), entre l’être et le
Preuve que tout changement procède de faire (Nathalie Estellat). Le coach inau-
l’intérieur vers l’extérieur (Vincent Piazzini), gure un nouvel algorithme des échanges
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nous passons grâce au coaching d’un entre le monde extérieur – investisseurs,


« moi et toi » ou d’un « moi et moi » à un marchés, corps social – et le monde inté-
« nous » incertain et créateur de possibles rieur – mental, corps, esprit – pour tous
(Wadih Choueiri). Ce nouveau paradigme les acteurs de l’entreprise.

Introduction 15
Vers un nouveau modèle productif ?
Ce Livre d’or l’atteste : le coaching consi- à « faire mûrir » autrui en pratiquant le
dère que la vulnérabilité est au cœur de « non-agir » au cœur de l’action entrepre-
la performance professionnelle. Les failles neuriale (Sybille Persson).
du client ont droit de cité, elle est même Le coach est-il un agent subversif du ca-
universelle tant la carence de soins est lé- pitalisme ? En veillant à rester éternelle-
gion dans les élites managériales (Thierry ment coach en puissance, il se prémunit
Chavel). En conscience de sa propre bles- contre le syndrome d’imposture (Jérôme
sure première, le coach est comme un Lena), même s’il convient de relativiser la
profiler qui aime résoudre les énigmes réputation du coach (Émilie Devienne).
originelles (André de Châteauvieux). Tel Au demeurant, les auteurs du Livre d’or
un confesseur jésuite, le coach est, certes, du coaching réinventent jour après jour
dans la réalité de l’entreprise, mais il ne la notion même de leadership. Ils expéri-
procède pas de l’idéologie de l’entreprise mentent un mode d’être où la confiance
(Monique Chézalviel). Quoi de plus étran- dans le mouvement de la vie l’emporte
ger à la froide logique de l’argent que le sur la peur (Bernadette Babault), une
corps, véhicule d’énergie et porte de la autorité en actes qui réhabilite l’authenti-
matière vers l’immatériel (Paule Boury- cité (François-Daniel Migeon), une qualité
Giroud) ? À côté des sciences de gestion d’écoute impeccable plutôt qu’un atti-
réputées dures, les techniques psychocor- rail de recettes managériales (Françoise
porelles en coaching, à commencer par Maggio).
la respiration consciente (Claude Allary), Le coaching s’infiltre dans les pratiques
font la part belle à l’humilité d’un acteur managériales et dans la formation conti-
de l’entreprise qui ose se connecter à nue, préfigurant une écologie du travail
plus grand que lui en lâchant sa volonté plus éveillée (Alain Gauthier), et offrant
(Stéphane Broutin). des méthodes pédagogiques mariant sub-
Loin du soupçon nombriliste, le coaching tilement liberté et contrainte comme en
est aujourd’hui un moyen efficace pour tutorat (Janik Blouin, Jean-Paul Burgues
travailler au bien commun. Souvent, un ac- et Patrick Chauvin). En faisant grandir
compagnement fait réfléchir à l’éthique du son enfant intérieur, le coach guérit ses
pouvoir en entreprise (Matthieu Poirot), propres blessures (Thierry Chavel) dans
parfois même à une conscience élargie une démarche sans fin de connaissance
de la responsabilité morale du manager des organisations, de travail sur soi, de
(Catherine Voynnet-Fourboul). C’est le supervision et de formation, mais aussi
lieu maïeutique par excellence, une leçon dans un processus de travail invisible qui
de pédagogie où le processus de dévelop- s’apparente à l’œuvre au noir de l’alchi-
pement prime sur le résultat (Janik Blouin, miste (Reine-Marie Halbout). Le cadre
Jean-Paul Burgues et Patrick Chauvin). d’une supervision de coach peut parfois
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Jusqu’à la formation universitaire des être un espace chamanique, pratique


coachs, dont l’objet est de faire « co-nais- ou écologique (Sylvie de Frémicourt). Si
sance » (Olivier Louche), tout concourt le travail donne parfois des semelles de

16 Le livre d’or du coaching


plomb, ce Livre d’or du coaching nous ap- des coachs face au besoin de sens des
prend à distinguer la tâche routinière du ­acteurs économiques ?
chef-d’œuvre qu’elle dissimule souvent ; le Le Livre d’or du coaching est une invitation
défi consiste à vivre la première en lais- à découvrir les coulisses de l’accompagne-
sant mûrir la seconde. ment professionnel et personnel qui mo-
L’accompagnement du monde du travail dèle le xxie siècle. Ni trivial ni sulfureux, le
méritait une anthologie universitaire et coaching est un outil de développement
critique sur le sens de l’accompagnement des ressources humaines pas comme les
du travail, en France et dans le monde. autres, au point de rencontre de la vie pri-
Elle se présente en trois parties, chaque vée et de l’action publique. Cet ouvrage
contribution figurant dans les parties pou- présente de façon accessible et nourrie
vant se lire indépendamment : d’exemples vécus un vade-mecum pour
◗◗ Partie I : quels sont les courants in- tous ceux que ce mot de coach ne laisse
novants qui parcourent le coaching pas indifférents : managers, consultants,
professionnel ? professionnels des ressources humaines,
◗◗ Partie II : quelles pratiques concrètes chercheurs et pionniers d’un leadership
recouvre aujourd’hui le vocable géné- en émergence. Il est né d’une envie de
rique de coaching ? célébrer, d’honorer et de saluer les petits
◗◗ Partie III : comment évaluer l’utilité miracles qui font les grands coachings.

Par Frank Bournois et Thierry Chavel


Codirecteurs du master « Coaching-Développement
personnel en entreprise » (Paris II)
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Introduction 17

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